Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 6 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 29.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Bonjour à vous, Général.

  7   Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

  8   LE TÉMOIN : MICHAEL ROSE [Reprise]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence. Bonjour, Sir Michael. Bonjour à

 11   tous.

 12   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

 13   Q.  [interprétation] J'espère que vous allez comprendre que les documents

 14   liés à votre période de commandement en Bosnie, tout comme votre livre et

 15   nos échanges de courriers, c'est-à-dire mes échanges de courriers avec

 16   votre chef politique, M. Akashi, ainsi que vos échanges et correspondances

 17   avec Mladic et autres officiers se trouvent à être cruciaux pour la

 18   compréhension de toute cette situation. Est-ce que vous êtes bien d'accord

 19   avec moi pour le dire ?

 20   R.  Oui, je le serais.

 21   Q.  Merci. Alors, vous avez eu des évaluations correctes et critiques pour

 22   ce qui est des positions des gouvernements occidentaux s'agissant de la

 23   compréhension de cette guerre civile en Bosnie-Herzégovine; est-ce que

 24   c'est bien vrai ?

 25   R.  J'estimais que les gouvernements occidentaux avaient une stratégie

 26   confuse eu égard à la résolution de la situation en Bosnie-Herzégovine

 27   pendant la période où j'ai commandé là-bas en 1994, c'est exact.

 28   Q.  Merci.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons demander qu'on nous

  2   montre la page 3 de ce livre du général Rose, il s'agit du 1D1037. Il

  3   s'agit de la page 3 du livre.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

  6   permettez, je remarque que le général Rose vient de saisir la copie papier

  7   de son ouvrage, qui n'est pas le même livre que nous avons dans le prétoire

  8   électronique. Sous réserve de votre permission et du Dr Karadzic, peut-être

  9   que nous pourrions lui remettre un exemplaire de son livre qui correspond à

 10   la version scannée que nous avons dans le prétoire électronique. Ainsi, il

 11   pourrait retrouver les pages plus facilement lui-même.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce serait fort utile, Madame Edgerton.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si l'huissier peut passer ce livre au

 15   témoin.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] La seule annotation est mon nom, en fait,

 17   qui est à l'intérieur du livre et que nous voyons dans le prétoire

 18   électronique.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas que la Défense s'y

 20   opposerait.

 21   En attendant --

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous l'avons dans le prétoire

 24   électronique.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais qu'on se penche brièvement

 26   sur un passage en page 3, où vous avez indiqué à quel point cette coalition

 27   conduite par l'Amérique était dans l'erreur, parce qu'ils avaient considéré

 28   que la Bosnie c'était comme l'Irak ou le Koweït où il y a eu une invasion

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  1   d'un pays par un autre pays, et il n'en était pas ainsi. En termes simples,

  2   il n'y a pas eu d'invasion d'un pays par un autre pays.

  3   Et je crois que ça commence par "Bosnians."

  4   "…a indiqué que la coalition internationale dirigée par l'Amérique a pris -

  5   -"

  6   Non, non, pas encore. Ça se trouve en bas de page. Relevez donc pour voir

  7   la première phrase, qui commence par :

  8   "Bosnians frequently pointed out…"

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  C'est bien votre position, votre façon de voir les choses présentées

 11   dans ce paragraphe ?

 12   R.  J'ai trouvé le paragraphe. Votre question ?

 13   Q.  Est-ce que c'est bien ce qui correspond à ce que je viens de dire pour

 14   ce qui est de votre façon de voir concernant la mauvaise compréhension que

 15   les gouvernements occidentaux avaient de la nature du conflit ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Vos Excellences, je voudrais demander

 19   ultérieurement le versement au dossier de ces pages une fois qu'on aura

 20   parcouru le tout. Alors, c'est le paragraphe allant de : "Bosnians

 21   frequently…" et cetera, ça va jusqu'à : "…Croatia and Serbia."

 22   Alors, j'aimerais qu'on nous montre maintenant la page 9.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que les diplomates américains, et en

 25   premier lieu les diplomates étrangers et les diplomates américains, en

 26   premier lieu, venaient avec des renseignements qui dénotaient par rapport à

 27   la situation réelle sur le terrain, et que cela leur causait pas mal de

 28   problèmes ?

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  1   R.  Vous voulez parler d'un paragraphe précis à la page 59 ?

  2   Q.  Une fois qu'on nous l'aura montré, je vous le dirai.

  3   "…l'ambassadeur Charles Redman, l'envoyé spécial en Bosnie du président

  4   Clinton."

  5   R.  J'ai trouvé le paragraphe.

  6   Q.  Alors, partant de ces deux paragraphes qui dit : "Not to be outdone…"

  7   et cetera.

  8   Et on parle des "Serbes de Bosnie", et ça va jusqu'à : "Élections pour le

  9   congrès…"

 10   Alors, moi ce que je voudrais vous montrer ici, c'est une phrase que vous -

 11   - et je cite :

 12   "J'ai expliqué que je serais plus que satisfait de faire cesser le combat

 13   puisqu'ils étaient devant, et que les Musulmans avaient essayé de ne pas

 14   revenir à cette réunion à l'aéroport."

 15   Et puis, Redman avait dit qu'il ne fallait pas que les Serbes profitent de

 16   leur agression et qu'ils en tirent des avantages, et il dit que rien

 17   n'empêchera l'Amérique de mettre en place une Bosnie-Herzégovine

 18   unitariste. Vous avez donc compris que les diplomates occidentaux venaient

 19   avec un agenda tout fait, tout établi, indépendamment de ce qu'ils allaient

 20   voir sur le terrain, n'est-ce pas ?

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, avant qu'il n'y ait

 22   une réponse, ce qui a été traduit à partir de ce qu'a dit le Dr Karadzic ne

 23   correspond pas tout à fait à ce que l'on voit à l'écran, qui reflète le

 24   livre. Bien évidemment, c'était une question composée.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux simplifier.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons le paragraphe du livre sous

 27   les yeux. Monsieur Karadzic, quelle est votre question ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ma question pour le général Rose, qui a

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  1   remarqué la chose, c'est celle-ci : est-ce qu'ils venaient là-bas avec un

  2   ordre du jour qui n'était pas établi suivant la situation sur le terrain,

  3   mais suivant les besoins politiques internes des pays respectifs dont ils

  4   provenaient, comme vous l'avez remarqué dans ce paragraphe.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] En guise de réponse pour ce qui est de l'ordre

  6   du jour lorsque je me suis entretenu avec Charles Redman était différent de

  7   l'ordre du jour des Forces de protection des Nations Unies à l'époque, en

  8   tout cas pour ce qui est des priorités qui ont été établies par les Nations

  9   Unies. Leur objectif était une solution juste et une paix juste, alors que

 10   la priorité première des Nations Unies était la mise à disposition continue

 11   de l'aide humanitaire, et en second plan seulement, la poursuite d'une paix

 12   juste. C'était une question de priorité, pas forcément de celui d'un agenda

 13   différent.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Mais vous vous souviendrez du fait que la majorité chrétienne, qui

 16   était composée par les Serbes et les Croates, n'acceptait pas cette Bosnie-

 17   Herzégovine unitariste, c'est bien cela, et le fait de mettre en place une

 18   Bosnie unitariste, cela ne constituait pas une solution juste et équitable

 19   ? Et ça n'a d'ailleurs pas marché de nos jours non plus. Et cela a été la

 20   cause principale de la guerre, aussi.

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] J'ai compté trois questions et une

 22   déclaration dans ce qui vient d'être dit.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai laissé passer parce que je pense

 24   que le général était capable de répondre à ces questions.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu un débat assez important là-dessus à

 26   l'époque, en partie entre les Nations Unies et les parties belligérantes,

 27   qui s'est poursuivi avec le Groupe de contact et d'autres parties prenantes

 28   sur la meilleure façon de parvenir à une résolution pacifique du problème,

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  1   et la plupart de ces solutions qui avaient été suggérées impliquaient une

  2   redistribution du territoire de Bosnie-Herzégovine entre les parties

  3   belligérantes. Mais cette division à nouveau du territoire était censée

  4   être provisoire, et non pas permanente. L'objectif subsistait toujours, et

  5   la Bosnie devait revenir à son état d'Etat unitaire. J'étais un militaire

  6   sur le terrain et je n'avais qu'une connaissance limitée des débats

  7   politiques qui avaient eu lieu autour de moi et au-dessus de moi.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, comme l'a indiqué Mme

  9   Edgerton, il serait préférable que vous posiez vos questions une à une au

 10   témoin, qu'elles soient plus simples, plus directes. Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Je vais m'éloigner des questions politiques dans ce cas, et je vais me

 14   rapprocher des questions relatives au maintien de la paix et aux questions

 15   humanitaires.

 16   Est-ce que vous aviez remarqué qu'une pleine démilitarisation de Sarajevo

 17   que nous avions déjà qualifiée être propice pour les Serbes, cela ne

 18   convenait pas aux Musulmans et aux Croates, parce qu'il faudrait que notre

 19   armée et la leur quittent Sarajevo, et il faudrait aussi que l'on perde des

 20   profits pour ce qui est des différents déplacements de biens et de

 21   marchandises, et ainsi de suite, et votre conclusion a été celle de dire

 22   que les extrémistes du SDA préféraient voir les bombes continuer à tomber

 23   plutôt que de faire démilitariser la ville de Sarajevo ?

 24   R.  Je n'ai aucune connaissance de quelconque avantage financier ou perte

 25   financière qui auraient pu être effectués par l'une ou l'autre partie, et

 26   il est clair que j'ai discuté avec bon nombre des parties, cela, et

 27   personne n'a dit qu'il était préférable que les obus continuent de tomber

 28   sur Sarajevo plutôt que de démilitariser. Personne ne m'a jamais dit cela.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la page 45 du

  2   livre, je vous prie, 45.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Alors j'attire votre attention sur le passage :

  5   "Full demilitarisation of Sarajevo…"

  6   …qui aurait requis le déplacement de toutes les unités de l'armée de

  7   Bosnie. Pour le gouvernement de Bosnie, ce serait un pas trop loin à faire,

  8   parce que cela signifierait qu'il n'y aurait plus de souveraineté à l'égard

  9   de leur propre capitale. S'agissant de la sécurité de Sarajevo et du fait

 10   de la confier aux Nations Unies, cela aurait réduit la possibilité de tout

 11   gain financier pour ce qui est du contrôle des déplacements et des allées

 12   et venues à l'extérieur et à l'intérieur de la ville qui généraient des

 13   profits pour les leaders du parti. Du point de vue de ces certains

 14   extrémistes du SDA, il était préférable de voir les bombes continuer à

 15   tomber sur le peuple, dans l'espoir de faire en sorte que les Etats-Unis

 16   entrent en guerre pour sceller cette stratégie inhumaine, et qui

 17   permettaient de faire poursuivre la portée du blâme pour ce qui est de ce

 18   génocide," et cetera.

 19   R.  Ce qui figure dans ce paragraphe et que j'ai écrit deux ou trois ans

 20   après avoir quitté la Bosnie, je répète, personne au moment où j'étais en

 21   Bosnie n'a jamais évoqué des pertes ou des gains financiers, et n'a jamais

 22   non plus prôné la poursuite du pilonnage de Sarajevo.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais toujours est-il enfin, peut-être que le

 24   compte rendu a fait consigner "SDS", non, moi, je parle des extrémistes du

 25   SDA, des leaders du parti qui étaient plus portés à faire prévaloir leurs

 26   intérêts que de rétablir la paix.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Est-ce que vous avez eu ce type de réflexion et d'information disant

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  1   que les extrémistes n'étaient pas favorables au rétablissement de la paix ?

  2   R.  Comme je l'ai expliqué hier, cela n'était pas dans l'intérêt

  3   stratégique du gouvernement de Bosnie à ce moment-là en 1994 d'arriver à

  4   une cessation des hostilités qui pourrait donner lieu à une paix

  5   permanente; une "Cyprisation", comme cela s'appelait alors, une division

  6   inéquitable du territoire.

  7   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : prisation.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Mais Général, avec tout le respect que je vous dois, la première partie

 10   de vos informations, moi, je les comprends parfaitement, et je les accepte,

 11   mais l'autre partie c'est une interprétation, comme si c'était ainsi. Mais

 12   vous savez bien qu'à l'occasion des conférences, nous avons perdu la

 13   totalité de Sarajevo serbe et les questions territoriales ne pouvaient pas

 14   être tranchées de façon militaire mais à une conférence. Donc peut-être y

 15   avait-il une autre raison pour laquelle ils ne souhaitaient pas voir se

 16   terminer la guerre ?

 17   R.  Je n'ai aucune connaissance du débat qui a eu lieu à la conférence de

 18   Dayton, qui, je pense, est la conférence à laquelle vous faites allusion.

 19   Q.  Mais est-ce que vous vous souvenez du fait que depuis toujours il était

 20   tout à fait clair que la solution ne saurait être trouvée qu'à une

 21   conférence, donc de façon pacifique, et non pas de façon militaire ? Donc

 22   on est restés sans Sarajevo, on l'a perdue non pas sur le champ de bataille

 23   mais à la table des négociations, donc il faut chercher ailleurs les

 24   raisons pour lesquelles les extrémistes musulmans, au niveau de la

 25   présidence, ne voulaient pas la guerre. C'est la raison pour laquelle je

 26   voudrais que nous nous penchions ensemble sur l'étude des autres raisons,

 27   pas celle-là. Celle-là ne pourrait être acceptée parce qu'il était clair

 28   que le fait accompli n'allait pas être accepté.

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  1   R.  Je ne peux absolument pas faire des commentaires quels qu'ils soient

  2   d'aucune valeur correspondante à la période où je ne commandais pas, et

  3   donc à l'exclusion de la période où je commandais, 1994.

  4   Q.  Merci. Je faisais référence à deux éléments de vos positions. D'abord,

  5   vous avez constaté qu'ils n'en voulaient pas, et ensuite vous constatez

  6   pourquoi. C'est cette partie-là qui ne me semble pas être très

  7   convaincante, parce que nous avons des éléments de preuve qui disent qu'il

  8   en a été autrement.

  9   Mais il est certain que vous avez dû vous rendre compte par vous-même des

 10   centaines de fois ou je ne sais combien de fois, qu'il y a eu un phénomène

 11   qui se produisait, à savoir que la partie musulmane tirait tant en

 12   direction des Nations Unies qu'en direction des avions de l'OTAN, en

 13   direction de la partie serbe et de la partie musulmane également, pour

 14   générer des ripostes du côté des Serbes et pour créer une impression de

 15   guerre permanente et de souffrance permanente, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je ne dirais pas des centaines de fois. Des occasions au cours desquels

 17   nous soupçonnions que ceci arrivait étaient très peu nombreux en termes

 18   d'éléments à l'appui fournis, surtout par le secteur Sarajevo.

 19   Q.  Mais vous tomberez d'accord avec moi pour dire que dans la meilleure

 20   police judiciaire on ne capture que 5 à 10 % des délinquants, et les autres

 21   passent au travers des mailles du filet. Mais ce qui m'intéresse ici c'est

 22   de montrer aux Juges de la Chambre le modèle de comportement auquel nous

 23   avons eu à faire face.

 24   J'aimerais qu'on se penche à ce titre sur une autre page, pour que

 25   nous nous penchions sur ce que vous avez évoqué, et là je me réfère aux

 26   pages 197 et 198, où vous avez clairement indiqué que le fait de provoquer

 27   les tirs serbes ou de tirer en direction de ses propres civils, cela

 28   revenait à la même chose, n'est-ce pas ?

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  1   R.  De quel paragraphe s'agit-il, Docteur Karadzic, sur cette page 197 ?

  2   Q.  "More serious," étaient les rapports. "Sérieux étaient les rapports --"

  3   non, c'est des Français qui disaient "que les Musulmans étaient en train de

  4   tirer sur leurs propres citoyens. Et dans un de ces incidents, on a tiré

  5   depuis un bâtiment du côté bosnien, normalement occupé par des polices ou

  6   milices paramilitaires. Et il y a eu des tirs de mortier à proximité de la

  7   présidence qui ont tué deux enfants, et deux autres obus qui ont été tirés

  8   depuis le même emplacement alors que l'équipe de l'armée française était en

  9   train d'investiguer le premier incident. Ce deuxième tir serait venu du

 10   côté bosnien de la ligne de confrontation. Et de l'autre côté de la ville,

 11   à plusieurs reprises, les Nations Unies et les avions de l'OTAN à

 12   l'aéroport de Sarajevo ont fait l'objet de tir depuis les banlieues tenues

 13   par les Musulmans, notamment celles de Butmir."

 14   R.  C'était certainement mon opinion à l'époque sur ce qui s'était passé.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le compte rendu d'audience devrait dire

 16   "les tirs secondaires n'auraient pu que venir de" -- n'aurait pu que venir

 17   --

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] "Ne pouvait venir que de."

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Alors, finissons-en avec cette partie, cette deuxième partie et on

 21   reviendra : "Le gouvernement de Bosnie a toujours nié que leurs forces

 22   n'avaient jamais tiré." Regardez ceci dans sa totalité.

 23   "A mon sens, la distinction morale entre les forces de Bosnie qui tiraient

 24   sur les Serbes, avec l'intention de provoquer des représailles contre les

 25   civils, et les Bosniens qui tiraient eux-mêmes sur leur propre peuple, est

 26   une distinction tout à fait subtile."

 27   Et c'était ça la question que je vous ai posée tout à l'heure, c'est à cela

 28   que j'ai fait référence tout à l'heure, n'est-ce pas ?

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  1   R.  C'est ma position.

  2   Q.  Merci. Je la partage entièrement. Alors, est-ce que vous saviez que

  3   très souvent il y a eu des tirs en direction de tramways pour que la partie

  4   serbe vienne à être mise en accusation, et ce n'était pas seulement des

  5   allégations, mais il y a eu des éléments de preuve tout à fait clairs et

  6   dénués de toute ambiguïté ?

  7   R.  Toutes les fois que nous protestions sur les tirs contre les tramways,

  8   la réponse du côté serbe était de dire que c'était toujours les forces du

  9   gouvernement de Bosnie qui était à l'origine de cela afin de discréditer le

 10   camp des Serbes de Bosnie. Il y a eu plusieurs cas où ceci s'est produit et

 11   des preuves ont été fournies par le secteur français, en indiquant que ceci

 12   s'était peut-être passé. Il y a eu un incident de ce genre.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer -- on reviendra

 15   au livre, mais j'aimerais qu'on nous montre le 1D2485 maintenant.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la date de cet incident, celui où les

 18   Français ont pris au fait l'auteur ?

 19   R.  Vous voulez faire référence à un paragraphe du livre ?

 20   Q.  Vous avez parlé de l'incident de tir en direction d'un tram du côté des

 21   Musulmans. Est-ce que vous vous souvenez de la date de cet incident qui a

 22   fait l'objet d'une enquête par les soins des Français ?

 23   R.  Il faudrait que vous me donniez une référence soit dans le livre soit

 24   dans la déclaration de témoin que j'ai donnée dont vous avez un exemplaire.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que le document s'affiche.

 26   C'est le 1D2945. S'agit-il bien de ce document-là ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas sûr de la référence.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Mais pendant que le livre est encore sous nos yeux, Général, regardez

  2   donc ce que vous avez dit là; il y a eu des tirs -- je vais vous retrouver

  3   cela.

  4   "Dans un des incidents de ce type, on a tiré sur un tram depuis un

  5   bâtiment du côté bosnien, de la ligne de confrontation où se trouvaient

  6   normalement des milices paramilitaires."

  7   Alors, vous souvenez-vous de la date de cet incident impliquant des tirs en

  8   direction d'un tram ?

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourriez-vous revenir à la page 197 qui est

 10   à l'écran, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le paragraphe que nous avons vu un

 12   peu plus tôt.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'il faut opérer une référence

 14   croisée avec la déclaration de témoin que j'ai donnée afin de vérifier la

 15   date.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Ici, vous êtes au courant d'au moins un incident de ce type, donc vous

 18   connaissez le modèle de comportement et vous êtes au courant d'au moins un

 19   incident où :

 20   " …on a tiré sur un tram depuis un bâtiment du côté bosnien."

 21   Alors, disais-je, j'aimerais bien que vous me disiez si vous savez quand

 22   est-ce que cet incident spécifique s'est produit, là où les Français vous

 23   ont communiqué une information disant qu'ils avaient pris au fait les

 24   auteurs de ce méfait du côté musulman ?

 25   R.  Il est très clair que je ne me souviens pas de la date, et je cherche

 26   cette date dans la déclaration de témoin qui remonte à plus de 15 ans.

 27   Q.  Merci. Je n'ai pas parlé de la déclaration mais du livre.

 28   Mais penchons-nous donc sur ce 1D2485. C'est une pièce du prétoire

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  1   électronique.

  2   C'est bien ce document de la FORPRONU, daté du 27 octobre 1994, n'est-ce

  3   pas ? Alors, est-ce que vous êtes d'accord pour ce qui est de ces

  4   déclarations relatives aux problèmes de l'aéroport, des affaires civiles et

  5   de l'importance attribuée à Igman ? Et si vos souvenirs sont bons, nous

  6   avons été contraints de le quitter suite à un ultimatum de la part de

  7   l'OTAN, n'est-ce pas ?

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Pourriez-vous faire défiler le document

  9   vers le bas, s'il vous plaît, de façon à ce que nous puissions voir

 10   l'intégralité du document.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce qui nous intéresse, en fait, c'est la

 12   deuxième page. Je voulais simplement une confirmation du général Rose

 13   disant que cette importance est bien connue et qu'ils n'ont pas

 14   l'autorisation, dit le texte, de s'accorder sur ce point.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous vous en souvenez, n'est-ce pas ? Vous vous souvenez du fait, Mon

 17   Général, que les Musulmans se trouvaient en partie sur le mont Igman et que

 18   nous avons remis en partie aux Nations Unies et au général Briquemont la

 19   partie que nous tenions ? Les Musulmans continuaient de tirer sur nous,

 20   mais nous, on n'en a plus eu le droit. On nous a interdit de tirer, n'est-

 21   ce pas ? Vous vous en souvenez ?

 22   R.  L'ultimatum de l'OTAN exigeait que les forces serbes quittent le mont

 23   Igman et que les forces musulmanes, celles du gouvernement de Bosnie, ne

 24   progressent pas par rapport aux positions qu'elles tenaient. Et c'est la

 25   situation dont j'ai héritée en 1994. Voilà.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répondre à la question

 27   lorsque l'accusé a dit que les Musulmans pouvaient toujours continuer de

 28   tirer sur eux, sur leurs forces, alors que leurs forces s'étaient vu

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  1   interdire de tirer sur le mont Igman ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui s'est passé sur le mont Igman, c'est

  3   ceci : les forces du gouvernement de Bosnie ont commencé à lancer des

  4   attaques qui traversaient la zone démilitarisée, en passant par le mont

  5   Igman, sur les positions serbes qui se trouvaient de l'autre côté de la

  6   zone démilitarisée. L'OTAN, qui avait la responsabilité de l'exécution de

  7   l'application de cette décision sur la démilitarisation de cette zone,

  8   l'OTAN n'a pas pris de mesures, n'a pas pris d'actions contre les forces du

  9   gouvernement de Bosnie, en dépit du fait que nous avons fait des

 10   protestations auprès de ces forces pour dire qu'elles devaient cesser leurs

 11   attaques, mais elles ont continué de le faire. Et lorsque nous nous sommes

 12   tournés vers l'OTAN pour demander à ce que l'OTAN sanctionne ces

 13   incursions, l'OTAN a refusé de prendre ces mesures. Voilà ce qui s'est

 14   passé.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation]  Merci.

 16   Peut-on voir la page suivante du document, la page 2, s'il vous plaît.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  On voit ici "17 heures 35, 25 octobre". "Le pont de la fraternité et de

 19   l'unité", et on dit qu'il y a huit blessés. Et puis, "une enquête a

 20   débouché sur un rapport avec des conclusions".

 21   Et puis, regardez le dernier point dans les conclusions :

 22   "Toutes les preuves et la corroboration par les fonctionnaires de Bosnie

 23   indiquent que les tirs sont venus du territoire tenu par les Musulmans de

 24   Bosnie."

 25   Est-ce que vous parliez de cet incident-ci ou est-ce qu'ici il s'agit d'un

 26   incident tout à fait différent ?

 27   R.  Je ne sais pas si c'était celui-là, mais je pense que c'était bien de

 28   cet incident que je parlais.

Page 7334

  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement du document.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Madame Edgerton.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois qu'on parle

  5   d'une carte jointe. Il s'agit de ce paragraphe en caractère gras sur la

  6   page 2 que nous avons à l'écran.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et nous n'avons pas cette carte, c'est

  8   ça, elle est manquante ? Ceci étant noté, nous déclarons le document

  9   recevable. Il est versé au dossier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D681.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Puisque nous parlons de ce sujet, je vous demande ceci : est-ce que

 13   vous vous souvenez qu'Ejub Ganic avait organisé la police secrète, qui

 14   avait tiré sur les tramways à Sarajevo, et tous ces incidents étaient

 15   censés être reprochés aux Serbes, n'est-ce pas, on devait leur faire

 16   endosser la responsabilité de ces incidents ?

 17   R.  Mais je vous l'ai déjà expliqué, nous n'avions pas de service de

 18   renseignements qui aurait pu recueillir des renseignements. Donc, à

 19   l'époque, il m'aurait été impossible de confirmer ou d'infirmer ce genre

 20   d'allégation, et je ne peux sûrement pas le faire aujourd'hui non plus.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on attirer l'attention des participants

 22   sur ce rapport d'information, août 2003, 1D2475. Est-ce qu'on peut afficher

 23   ceci dans le système du prétoire électronique. Page 3 s'il vous plaît.

 24   M. KARADZIC : [interprétation] 

 25   Q.  Vous voyez que vous n'êtes pas pro-Serbe, Général. Vous nous dites ici

 26   - c'est le numéro 3 du document - vous dites :

 27   "Je suis sûr que les Serbes tiraient sur les tramways, mais je crois que

 28   Ganic avait aussi organisé sa police secrète de façon à tirer des tirs

Page 7335

  1   isolés, de façon à avoir un angle de tir qui corresponde, qui coïncide avec

  2   l'axe des lignes serbes. Ganic et les Musulmans ont été responsables de

  3   violations du cessez-le-feu, et ceci a maintenu la tension…" et cetera.

  4   Comment pouviez-vous être si sûr de la situation en ce qui concerne les

  5   Serbes, et pourquoi croyiez-vous ce que disait Ganic ? On aurait été des

  6   imbéciles accomplis si on avait tiré devant l'hôtel Holiday Inn à la face

  7   de tout le monde, tout le monde était là quand même; il y avait les

  8   journalistes, il y avait les observateurs et le reste. Pourquoi aurions-

  9   nous tiré là ?

 10   R.  Je vous ai dit que nous n'avions pas de service capable de recueillir

 11   des renseignements à Sarajevo, il y avait certes des soupçons que cela se

 12   passait. Il y avait certains éléments de preuve dont nous avons parlé, mais

 13   c'est tout ce que je peux vous dire en guise de commentaire.

 14   Q.  Oui, mais maintenant vous êtes d'accord avec moi pour dire que dès que

 15   quelque chose de ce genre se produisait, normalement, il aurait fallu mener

 16   une enquête approfondie ? Et vous n'aviez aucun moyen, aucune ressource

 17   pour mener ces enquêtes, du coup vous n'avez pas mené d'enquête; c'est bien

 18   cela, n'est-ce pas ?

 19   R.  Si vous parlez du secteur Sarajevo du commandement français, ce

 20   secteur, ce commandement a effectué toutes les enquêtes, les observateurs

 21   des Nations Unies aussi. Moi, j'ai eu des rapports du secteur Sarajevo sur

 22   ce qui s'est peut-être passé ou sur ce qui ne s'est peut-être pas passé sur

 23   le terrain; mais je n'ai pas reçu de rapports des observateurs militaires.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous êtes en mesure de

 26   confirmer ce qui se trouve ici dans ce feuillet d'information, à savoir

 27   qu'à votre avis vous croyez que Ganic avait organisé sa police secrète pour

 28   qu'il y ait des tirs isolées sur les tramways ?

Page 7336

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est certainement ce que nous pensions, nous

  2   croyions à l'époque.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   Pages 79 et 80 dans le livre, s'il vous plaît. Puisqu'on parle de Ganic,

  6   essayons de mieux éclairer l'importance qu'il revêt. Je disais les pages 79

  7   et 80 de votre livre. Nous allons nous y reporter.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  A votre avis, est-ce que Ganic était un homme assez extrême, est-ce

 10   qu'il n'était pas un obstacle sérieux sur le chemin de la paix ?

 11   R.  Ce fut souvent le cas.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Essayons de voir le bas de la page, là où il

 13   est dit ceci - enfin tout le monde pourra lire comme ça -"A Washington,

 14   Silajdzic avait marqué son accord pour que l'aérodrome de Tuzla soit

 15   rouvert, mais Ganic était revenu sur son accord, l'accord qu'il avait donné

 16   et qui était de rouvrir le pont de l'unité et de la fraternité."

 17   Et puis je pense que là, il faudra passer à la page suivante où il est dit

 18   :

 19   "Par ailleurs, Ganic qui avait la responsabilité des forces du gouvernement

 20   de Bosnie et de la police paramilitaire était devenu encore plus puissant.

 21   Il est resté très proche d'Izetbegovic, et lorsque est arrivée l'année 1994

 22   il était le point de contact principal entre les Nations Unies et le

 23   gouvernement de Bosnie. Il était membre du cabinet, du cercle interne du

 24   cabinet, et en tant que tel, il contrôlait aussi la presse, la radio et la

 25   télévision bosnienne."

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous vous souvenez, Mon Général, du fait que nous avons

 28   accepté, nous, que soit ouvert l'aérodrome de Tuzla à condition d'avoir au

Page 7337

  1   moins un de nos officiers qui pourrait suivre la situation et voir si on se

  2   servait de cet aérodrome pour décharger des armes ?

  3   R.  Oui, je me souviens parfaitement de cette situation. C'était comme ça

  4   que ça s'était passé.

  5   Q.  Et est-ce que vous vous souvenez que les Musulmans ont persisté, ont

  6   insisté pour refuser tout contrôle des arrivages qui se faisaient à cet

  7   aérodrome ?

  8   R.  Quand vous dites "contrôle", vous voulez dire inspection ? C'est bien

  9   le cas, effectivement.

 10   Q.  Précisément, précisément. Nous voulions simplement voir, vérifier, être

 11   en mesure de voir si on déchargeait des armes à l'aérodrome, c'est tout.

 12   Est-ce que vous vous souvenez que ça a été refusé, que ça n'a pas été

 13   autorisé, et qu'on ne nous a même pas autorisé à mener des inspections ?

 14   R.  Ils n'ont pas été autorisés à installer un inspectorat à l'aéroport de

 15   Tuzla au cas où il y aurait pu y avoir des arrivages directs venant, donc

 16   arrivant à Tuzla.

 17   Q.  Est-ce que vous avez appris que l'aérodrome de Tuzla est le lieu où

 18   beaucoup d'armes sont entrées en Bosnie venant d'Iran, entre autres pays ?

 19   R.  Pendant mon tour de service en 1994 il n'y a que le transport d'aide

 20   humanitaire qui est arrivé, qui est passé par Tuzla, et je peux vous dire

 21   que jamais dans ce transport il n'y a eu d'armes.

 22   Q.  Fort bien, Mon Général. Nous allons montrer des documents, peut-être

 23   pas pendant ce contre-interrogatoire, mais nous allons montrer des

 24   documents montrant qu'il y a eu des vols de nuit et des atterrissages

 25   d'avions non identifiés qui ont acheminé des armes, mais nous le ferons

 26   plus tard.

 27   Dès après votre arrivée, il y a eu un gros incident, celui du marché de

 28   Markale, n'est-ce pas ?

Page 7338

  1   R.  Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher la page 48 de votre livre.

  3   Nous allons uniquement examiner un paragraphe pour passer ensuite à

  4   l'examen d'autres documents. Cette page va bientôt s'afficher.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Permettez-moi de vous demander si vous avez lu le livre de Lord Owen

  7   s'intitulant "L'odyssée des Balkans" ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Regardez ce paragraphe :

 10   "…il était pratiquement d'accord sur tout…"

 11   Attendez, ce n'est pas la bonne place. Peut-on faire défiler le texte

 12   jusqu'au bas de la page.

 13   Je ne vais pas tout lire. Je pense que les participants doivent noter

 14   que ce passage revient à dire qu'après cet incident, les Serbes ont tout

 15   accepté qui avait été exigé par le gouvernement de Bosnie,  pourtant ce

 16   dernier n'était toujours pas prêt à signer un accord de paix, n'était

 17   toujours pas prêt à accepter la proposition des Nations Unies. Ces

 18   propositions des Nations Unies n'avaient de toute façon pas de rapport avec

 19   une solution politique à long terme, et il y avait une vive colère à propos

 20   de la stratégie, qui était vouée à l'échec, n'est-ce pas, et qui avait

 21   échoué, n'est-ce pas ?

 22   R.  Je crois qu'il faudra être un peu plus précis dans la façon dont vous

 23   me posez la question.

 24   Q.  Mais à vous de lire :

 25   "Même si les Serbes étaient maintenant d'accord sur pratiquement tout ce

 26   qu'avaient demandé les Musulmans de Bosnie, Divjak ne voulait pas signer un

 27   cessez-le-feu, au motif une fois de plus que la proposition des Nations

 28   Unies n'était pas reliée à une solution politique à long terme. Moi, je lui

Page 7339

  1   ai dit que la population de Sarajevo à ce moment-là, ça c'était certain,

  2   accepterait quelque chose à court terme, ne serait-ce que pour vivre en

  3   paix. Et pourtant il a persisté à refuser. A ce moment-là, je lui ai

  4   infligé une surprise désagréable. Je lui ai dit que le premier examen fait

  5   par les Nations Unies du cratère de la bombe au marché de Markale indiquait

  6   que c'étaient les Musulmans de Bosnie qui se trouvaient du côté musulman

  7   des lignes de front qui avaient tiré cet engin explosif. Tout d'un coup un

  8   silence s'est instauré dans la salle et Hajrulahovic paraissait inquiet,

  9   anxieux. Il m'a demandé d'expliquer. Je lui ai dit que l'angle de

 10   trajectoire de l'obus indiquait qu'il avait été tiré de très près par

 11   rapport -- à l'intérieur de leur ligne, des lignes des Musulmans, ou peut-

 12   être qu'il avait été détonné sur place, in situ. Il était difficile, ai-je

 13   dit, d'être précis quand il n'y avait eu qu'un obus de tiré, et aussi parce

 14   que l'armée bosnienne avait enlevé les éléments de preuve, les indices les

 15   plus importants avant l'arrivée des Nations Unies."

 16   R.  Quelle est votre question ?

 17   Q.  Ma première question sera celle-ci : suite à cet incident, est-ce que

 18   les Serbes ont pratiquement accepté toutes les propositions des Musulmans,

 19   alors que ceux-ci ont persisté à refuser de signer un accord de cessez-le-

 20   feu ? N'est-ce pas ce que vous dites ici dans ce passage ?

 21   R.  Vous le savez, le lendemain il y a eu une réunion à l'aéroport, et un

 22   accord a été trouvé entre Delic et Mladic disant qu'il fallait un cessez-

 23   le-feu, qui devrait entraîner un retrait des armes lourdes se trouvant à

 24   Sarajevo et autour de Sarajevo.

 25   Q.  C'est vrai vous avez réussi à intervenir comme médiateur en vue de ce

 26   cessez-le-feu, mais vous dites ici qu'au départ les Musulmans n'ont pas

 27   accepté.

 28   Deuxième question : est-il vrai de dire qu'ils avaient déplacé la position

Page 7340

  1   de l'endroit où avait détoné l'engin et que certains éléments avaient été

  2   présentés pour, en fait, aggraver ou alourdir la responsabilité qu'ils

  3   voulaient imputer aux Serbes ?

  4   R.  Impossible de répondre à votre question sans la replacer dans son

  5   contexte. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une première inspection,

  6   que je décris dans le paragraphe dont vous avez donné lecture, puis qu'il y

  7   en a eu une seconde qui a présenté un avis différent et qui disait qu'il

  8   n'était plus probable que ce soit les Serbes qui aient tiré cet engin. La

  9   première inspection qui s'est faite aussitôt après les faits était décrite

 10   ici. On disait qu'il était probable que ça avait été tiré depuis la partie

 11   tenue par les Musulmans de Bosnie. C'est pour ça que je dis ici qu'on parle

 12   ici de l'attitude des personnes, mais après la deuxième inspection, il y

 13   avait une autre possibilité qui avait vu le jour, à savoir que c'étaient

 14   les Serbes qui étaient responsables de ce tir. Mais comme je vous l'ai déjà

 15   expliqué, l'analyse de cratères, c'est une science très inexacte.

 16   Q.  A votre avis, pourtant, de façon générale, quel est le meilleur moment

 17   pour mener une enquête suite à un incident, pour présenter un rapport

 18   d'expert ? Est-ce qu'il est préférable de le faire aussitôt après la

 19   survenue de l'incident, ou le faire plus tard ?

 20   R.  Bien sûr, pour autant que vous avez du personnel scientifique à votre

 21   disposition, le mieux est quand ça se passe aussitôt après les faits.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 06285 de la

 24   liste 65 ter, page 116, dans le prétoire électronique. Ici, nous avons le

 25   livre écrit par Lord Owen, "L'odyssée des Balkans". La page que je voudrais

 26   faire afficher, c'est la page 160. Je pense qu'il y avait une erreur au

 27   départ.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Etes-vous d'accord pour dire qu'une intervention sur les lieux d'un

  2   incident, si on intervient avant l'enquête de la police scientifique, ça

  3   rend l'enquête de celle-ci d'autant plus difficile, n'est-ce pas ?

  4   Je disais la page 160, dans la page du prétoire électronique, mais dans le

  5   livre, proprement dit, le passage qui m'intéresse est à la page 279.

  6   Mon Général, est-ce qu'on a le droit de modifier les lieux avant le

  7   constat, est-ce qu'on a le droit à ce moment-là de mener une nouvelle

  8   enquête scientifique médico-légale ?

  9   R.  Mais si on a déplacé les traces, les indices, il est certain qu'une

 10   enquête sera loin d'être parfaite. Mais je pense que vous pensiez au fait

 11   qu'on a enlevé les ailettes qui permettent d'identifier le type d'obus qui

 12   avait été tiré. Si on enlève l'ailette, ça ne va pas nécessairement changer

 13   la configuration, la forme du cratère. Or, c'est ça qui est examiné dans le

 14   cadre de cette procédure de l'analyse du cratère; ce n'est pas simplement

 15   pour savoir quel type d'arme a été utilisé. Mais je vous dis qu'il y a eu

 16   deux enquêtes; une menée aussitôt par des hommes du génie français, puis il

 17   y a eu une équipe technique qui a fait une autre inspection. Elle venait

 18   d'ailleurs, celle-là.

 19   Q.  Mais d'où venait-elle, cette deuxième équipe ? Elle appartenait à qui ?

 20   R.  C'était une équipe des Nations Unies.

 21   Q.  Bon. Nous verrons plus tard -- mais non, on va d'abord voir toute

 22   l'importance qu'il y a à savoir où se trouvaient les ailettes et la

 23   modification.

 24   Regardez ici :

 25   "Ce mardi, 8 février, suite à l'objection des Nations Unies à la

 26   démilitarisation, et parce qu'ils voulaient une zone de dimensions de moins

 27   de 30 kilomètres de rayon demandée par les Français, accompagnée de mesures

 28   permettant de renforcer la confiance. Le gouvernement de Bosnie, sa

Page 7342

  1   délégation qui était censée négocier, n'est pas venu à l'aéroport de

  2   Sarajevo pour la session de ce matin-là. Le général Rose, apparemment,

  3   était furieux, il est allé voir la présidence de Bosnie pour persuader le

  4   président Izetbegovic et son chef militaire, le général Delic, d'assister à

  5   cette séance de négociations."

  6   Est-ce que c'est exact, ce qui est écrit ici ?

  7   R.  Eh bien, je suppose que Lord Owen a utilisé le paragraphe de mon livre

  8   dont nous avons parlé, et oui, dans cette mesure-là, oui, c'était bien

  9   vrai.

 10   Q.  Merci. Puis, il est dit :

 11   "Ceux qui entouraient le général Rose n'ont jamais caché le fait qu'à

 12   cette réunion il avait dit aux dirigeants musulmans de Bosnie qu'il venait

 13   de recevoir des renseignements scientifiques et techniques qui indiquaient

 14   que l'obus venait non pas de zones contrôlées par les Serbes, mais d'une

 15   zone contrôlée par les Musulmans. Si ces renseignements avaient été mis à

 16   disposition, la réunion de l'OTAN se serait soldée par une conclusion tout

 17   à fait différente, et si Izetbegovic avait essayé de faire traîner la

 18   négociation des Nations Unies…"

 19   Passons à la page suivante :

 20   "…Rose se serait senti obligé de rendre public les premiers résultats

 21   de cette enquête menée par les Nations Unies."

 22   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que la partie musulmane avait peur

 23   des conclusions que vous aviez découvertes ?

 24   R.  Je vous ai dit que cette première enquête avait été suivie d'une

 25   seconde enquête plus technique, avec de plus grandes compétences techniques

 26   plus approfondies, et la position qui avait été celle des Nations Unies au

 27   départ, à savoir que l'obus était peut-être venu de la partie tenue par les

 28   Musulmans, maintenant on pensait que c'était sans doute venu de la partie

Page 7343

  1   tenue par les Serbes. Et puis, j'ai aussi dit aux médias à l'époque, étant

  2   donné qu'il y avait eu quatre obus tirés un ou deux jours auparavant à

  3   Dobrinja, et là on était sûrs que c'était venu des Serbes, on pensait qu'il

  4   était fort probable que l'obus de la place du marché était venu aussi du

  5   côté serbe, à ce moment-là, il faudrait que chacun tire ses conclusions. Et

  6   ça, j'avais fait cette remarque à la presse avant la deuxième enquête menée

  7   par les Nations Unies.

  8   Q.  Merci. Nous allons aborder une autre enquête également, mais regardons

  9   ce que dit Lord Owen :

 10   "…sur ce qui s'est passé à cette réunion, je sais qu'il avait envoyé, le

 11   mardi, un rapport pour dire que l'obus de mortier avait peut-être été lancé

 12   par l'armée de Bosnie et qu'ils poursuivaient leur enquête. En outre, un

 13   expert en balistique à Zagreb avait étudié la carte et des schémas de

 14   trajectoire fournis par les enquêteurs des Nations Unies à Sarajevo, et

 15   pensait que l'angle auquel l'obus avait touché le toit du marché indiquait

 16   que le point de tir était probablement à 1 100 à 2 000 mètres de l'impact,

 17   plutôt que 2 000 à 3 000 mètres, ce qui indiquerait que l'obus avait été

 18   tiré depuis une position de l'armée de Bosnie. Ces informations extrêmement

 19   sensibles sont parvenues aux Nations Unies à New York le mardi, tout a été

 20   fait pour étouffer le nombre de personnes qu'ils ont vues et pour réduire

 21   les chances que ceci soit livré à la presse."

 22   Alors, Général, il y en a eu beaucoup qui se sont employés pour ce qui est

 23   de faire en sorte que le premier constat authentique ne soit pas ébruité,

 24   afin qu'il y ait la possibilité de mettre les Serbes en cause, n'est-ce pas

 25   ?

 26   R.  Je ne suis pas en mesure, Docteur Karadzic, de vous dire plus que je

 27   n'ai déjà dit, à savoir Lord Owen, au paragraphe que vous venez de citer, a

 28   fait état du rapport que j'ai envoyé sur le fondement du premier rapport

Page 7344

  1   des ingénieurs français. Ce qui est arrivé après et les autres commentaires

  2   qui ont été faits après, soit à Zagreb soit à New York, c'est quelque chose

  3   ou, en tout cas, une question que vous devrez poser à Lord Owen s'il vient

  4   dans ce prétoire. Je ne peux pas commenter cela.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre la moitié suivante

  6   de cette page.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Général, si ce premier constat avait laissé entendre que c'était la

  9   partie serbe qui l'avait fait, cela n'aurait-il pas été publié tout de

 10   suite. Pourquoi n'a-t-on pas publié tout de suite le fait que c'était la

 11   partie musulmane qui avait tiré sur son propre peuple ?

 12   R.  Pourriez-vous répéter cette question, s'il vous plaît ?

 13   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que dans toutes ces situations

 14   analogues, lorsqu'il y avait la moindre des chances d'attribuer cela aux

 15   Serbes, c'était toujours systématiquement fait, or, la première enquête

 16   avait déterminé que c'étaient les Musulmans qui l'avait fait. Pourquoi a-t-

 17   on dissimulé cela ?

 18   R.  Je pense que des efforts n'ont pas été déployés par les Nations Unies

 19   pour dissimuler quelque rapport que ce soit à mon niveau. Si des tentatives

 20   ont été faites dans ce sens ailleurs, je ne suis pas au courant. Il est

 21   vrai qu'après chaque incident, un examen était effectué, et nous répondions

 22   à la presse. Nous étions, après tout, des soldats du maintien de la paix.

 23   Nous étions là pour essayer de trouver la paix, et nous n'étions pas une

 24   partie au conflit, et nous n'avions pas de secrets à dissimuler.

 25   Q.  Je crains que vous avez, ça et là, été une partie au conflit, mais on y

 26   viendra.

 27   Lord Owen dit ceci : Ce qui est dramatique, c'est qu'à New York on a tout

 28   fait pour réduire le nombre des personnes qui ont vu le rapport, afin que

Page 7345

  1   ça ne sot pas diffusé à la presse. Donc, moi je crois bien qu'il faut faire

  2   confiance à Lord Owen de ce point de vue-là, parce qu'on savait

  3   pertinemment bien que tout avait été fait pour que les choses ne soient pas

  4   apprises, ne soient pas sues. Alors, comment savez-vous qu'il n'y a pas eu

  5   de fuites, tout de suite, au même moment ? Mais il a fallu creuser,

  6   fouiller, pour se procurer le rapport en question ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La question a été posée et la réponse a

  8   été fournie. Veuillez passer à la question suivante.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors, penchons-nous sur ce qui suit, c'est toujours à la même page.

 12   Vous voyez sur cette page que les Serbes s'étaient employés en faveur de la

 13   conduite d'une enquête. Et Lord Owen dit :

 14   "Les Serbes de Bosnie ont reçu une réponse négative pour ce qui était

 15   d'ouvrir une enquête, que les pourparlers de Genève allaient échouer. Et

 16   s'il y avait une quelconque indication en vertu de quoi les Musulmans

 17   étaient responsables et que ceci ressortait de cette enquête, les Musulmans

 18   de Bosnie n'assisteraient pas. L'OTAN, après avoir pris sa décision, serait

 19   en déconfiture aux yeux du public si les Serbes étaient tenus pour

 20   responsables pour la bombe lancée sur la place du marché. Et ce qu'il

 21   fallait, c'était quelques nouvelles indiquant qu'il fallait mieux gérer les

 22   nouvelles, chose que les organisation internationales ne faisaient pas très

 23   bien; et surtout, les Nations Unies à New York étaient mises sous pression

 24   de la part de la presse pour établir les faits. J'estimais que cela n'était

 25   pas juste que je fasse plus que je n'avais fait. Je recevais des

 26   informations privilégiées des Nations Unies, et je ne pouvais pas autoriser

 27   que l'on dissimule quoi que ce soit, mais il était également difficile pour

 28   moi de disséminer cette histoire."

Page 7346

  1   Alors, est-ce que vous pensez que c'est la chose habituelle, Mon Général,

  2   attribuer à l'ennemi telle chose ou telle autre chose ?

  3   R.  Docteur Karadzic, comme je vous l'ai dit auparavant, pour ce qui est du

  4   livre de Lord Owen, je ne peux que commenter dans la mesure où j'ai eu des

  5   échanges avec lui et des rapports que j'ai rédigés qu'il aurait peut-être

  6   reçus. Je ne peux pas commenter autre chose qui ait une quelconque valeur

  7   que ce soit.

  8   Q.  Mais ma question était celle de savoir si ces ruses en temps de guerre

  9   était chose habituelle; faire quelque chose pour ternir la partie adverse.

 10   Ce sont des choses qui se produisent en temps de guerre ? On dit qu'en

 11   guerre et en amour, tout est permis.

 12   R.  Il y a certainement de la propagande pendant la guerre.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est l'heure de

 14   faire la pause maintenant.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Laissez-moi poser encore une question, je vous

 16   prie.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Mais cette propagande, est-ce qu'on peut s'en servir devant un

 19   tribunal, Général ? Est-ce que cette propagande doit prétendre être une

 20   vérité, et ce, devant l'instance de justice la plus éminente qui soit ?

 21   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, il s'agit tout

 22   simplement d'une déclaration tout à fait spéculative, et c'est une

 23   déclaration à laquelle le témoin ne peut pas répondre.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 25

 25   minutes.

 26   Général, j'ai oublié de vous le dire hier, mais je suis sûr que vous êtes

 27   tout à fait au courant vous n'êtes censé évoquer votre témoignage avec

 28   personne au cours de la pause.

Page 7347

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, Monsieur.

  2   --- L'audience est suspendue à 15 heures 38.

  3   --- L'audience est reprise à 16 heures 04.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   Est-ce que je peux demander à ce qu'on nous montre, ou, plutôt, à ce qu'on

  7   verse au dossier les pages 279 du livre de Lord Owen et 280 et 281 que nous

  8   avons évoquées ici.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous souhaitez verser au dossier

 10   que ces trois pages ?

 11   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est déjà une pièce à conviction --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que nous avons admis une ou

 14   deux pages jusqu'à présent. Mais vous avez abordé un grand nombre de pages.

 15   Ma question : est-ce que vous ne souhaitez verser au dossier que les trois

 16   pages citées, à savoir des pages 279 à 281 ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne veux pas qu'il n'y ait une confusion.

 18   Nous sommes en train de parler du livre de Lord Owen, et non pas du livre

 19   de Sir Michael Rose.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi il y a une confusion.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je demande c'est le versement au dossier

 22   de ces trois pages du livre de Lord Owen, 279, 280 et 281 avec les

 23   paragraphes qui ont été cités.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai noté que le général ne pouvait pas

 25   confirmer certains passages de ce livre. Je souhaite connaître votre

 26   position, Madame Edgerton.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Je note que pour ce qui est de ce que je

 28   vois à l'écran et de ce que je peux lire au niveau du compte rendu

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  1   d'audience, nous n'avons jamais vu la page 281, et nous ne l'avons jamais

  2   abordée non plus.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons lu quelques extraits de la

  4   page 281.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Pardonnez-moi.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc cette série sera ajoutée à la pièce

  9   qui a déjà été versée au dossier. Est-ce que vous pouvez me rappeler le

 10   numéro de la cote, s'il vous plaît.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est la

 12   pièce P799.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour que ce soit plus facile pour tout un

 15   chacun.

 16   Ici, Lord Owen est en train de parler de ce qui s'est passé à New York

 17   suite au rapport présenté par le général Rose, donc je me félicite que ce

 18   soit versé au dossier quand même.

 19   Alors, j'aimerais qu'on nous montre maintenant le 65 ter 9630.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Mon Général, les Nations Unies se sont occupées de Markale beaucoup

 22   plus que vous n'en avez été informé. Alors, je demande à ce qu'on nous

 23   montre un document des Nations Unies. Le voilà, c'est la page de garde.

 24   J'aimerais qu'on nous affiche maintenant la page 19 au prétoire

 25   électronique.

 26   Le document entier se trouve être lié à cela. C'est une analyse faite par

 27   un capitaine et d'autres participants des Nations Unies pour ce qui est de

 28   ce qui s'était passé à Markale.

Page 7349

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] En réalité, il s'agit du P1441, Madame,

  2   Messieurs les Juges.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci a été noté sur sa liste également.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la page 19 au

  5   prétoire électronique, je vous prie. Oui, c'est la bonne page maintenant.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Alors, Mon Général, penchons-nous donc - je recommande à tout un chacun

  8   de lire le petit (a) "estimate," - mais ce qui m'intéresse c'est le

  9   paragraphe suivant qui dit :

 10   "A l'époque où le "team" a conduit ces analyses, six jours s'étaient passés

 11   depuis l'explosion. Il est raisonnable de penser que le cratère a été

 12   excavé par les autorités locales pendant cette période-là. Par conséquent,

 13   les angles mesurés à la date du 11 février ne sont pas au-delà de toute

 14   suspicion."

 15   Par conséquent, les autorités locales ont adapté le cratère pour

 16   pouvoir tourner les suspicions vers les Serbes, et cette constatation faite

 17   par les Nations Unies nous dit bien que ce sont des mesures ultérieurement

 18   faites qui sont en doute. Ce n'est pas les premières constatations qui sont

 19   en doute, n'est-ce pas, ce qui est dit ici, Général ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que vous ne répondiez :

 21   Madame Edgerton.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est une demande de clarification. Quelque

 23   chose qui figure peut-être dans la question de M. Karadzic, à savoir si oui

 24   ou non cette page, celle qui est affichée actuellement, fait référence à la

 25   première analyse qui a été menée ou la seconde analyse qui a été menée, et

 26   pour ce qui est de la participation du capitaine Verdi à cela.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, on voit que l'enquêteur est en train de

 28   parler de l'enquête qui s'est effectuée le 11, cinq ou six jours après

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  1   l'explosion. Et entre-temps, non seulement le lieu de l'impact a été

  2   détérioré en soi, mais l'endroit a été activement modifié par les autorités

  3   locales.

  4   Et c'est cette deuxième analyse que l'enquêteur des Nations Unies met en

  5   doute, pas la première.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  N'est-ce pas, Mon Général ?

  8   R.  Eh bien, je ne suis pas en mesure de commenter ce rapport de quelque

  9   manière que ce soit. Je ne suis pas technicien, je n'ai pas participé à la

 10   rédaction de ce rapport et, par conséquent, je ne peux pas faire de

 11   commentaire qui ait une quelconque valeur que ce soit.

 12   Q.  Mais, Mon Général, partant de quoi avez-vous prêté foi à l'autre

 13   constatation, et là, vous vous êtes prononcé au sujet de la première

 14   constatation, et non pas de la deuxième, lorsque les services des Nations

 15   Unies mettent en doute la deuxième des constatations parce que l'on a

 16   modifié le site entre-temps; vous êtes bien d'accord qu'ici dans ce rapport

 17   on précise que le site a été modifié ? Alors, on dit que ça été excavé, on

 18   avait creusé donc.

 19   R.  Mon commentaire consiste à dire que le libellé va comme suit :

 20   "Il est raisonnable de soupçonner que le cratère a été excavé en profondeur

 21   pendant cette période par les autorités locales."

 22   Je ne sais pas si ce soupçon est exact ou non.

 23   Q.  Mais, alors, votre affirmation ne tient pas debout, disant que la

 24   deuxième enquête était plus approfondie et que sa conclusion était celle de

 25   dire que c'étaient les Serbes qui étaient les coupables, n'est-ce pas ?

 26   R.  La deuxième enquête a très certainement remplacé la première enquête

 27   pour ce qui est des conclusions de cette dernière.

 28   Q.  Mais c'est ça la deuxième enquête, et ça c'est une pièce à conviction

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  1   de l'Accusation. Et même cette enquête nous dit que le site a été entre-

  2   temps modifié, donc il est raisonnable de mettre en doute l'angle qui a été

  3   défini suite à une modification artificielle du cratère en place ?

  4   R.  Tout ce dont je me souviens à l'époque, c'est que j'ai accompagné les

  5   membres de la deuxième enquête, ce qui a confirmé la déclaration publique

  6   que j'avais déjà faite et qui avait comparé le pilonnage de Dobrinja du QG

  7   des Nations Unies avec le pilonnage de la place du marché. Et j'ai indiqué

  8   que d'après leurs conclusions, mon soupçon se portait sur les Serbes. La

  9   deuxième enquête avait tendance à confirmer cela. Si vous estimez que la

 10   deuxième enquête est biaisée ou pas, c'est à vous d'en décider. Je n'ai

 11   fait aucune appréciation de ce genre à l'époque. J'ai accepté la version

 12   officielle.

 13   Q.  Bien, justement, c'est ce que je voulais vous demander. Partant de quoi

 14   avez-vous rectifié votre première opinion qui était celle de dire que

 15   c'était l'œuvre des Musulmans, et vous l'aviez d'ailleurs dit aux officiers

 16   musulmans eux-mêmes ? Alors, comment avez-vous corrigé la position ? Alors,

 17   non seulement vous n'avez pas dit qu'on ne savait pas, mais que c'était

 18   probablement les Serbes; qu'est-ce qui vous a incité à dire chose pareille

 19   ? Cette deuxième enquête, n'est-ce pas ?

 20   R.  J'avais déjà affirmé cela avant la deuxième enquête, et comme sans nul

 21   doute les Serbes avaient pilonné la place du marché deux jours, ou, plutôt,

 22   le pilonnage contre les personnes qui faisaient la queue pour du pain deux

 23   jours avant à Dobrinja, il est fort probable que les Serbes étaient à

 24   l'origine du pilonnage de la place de marché étant donné que l'analyse

 25   technique était incapable de le dire. La seconde enquête a confirmé cette

 26   position qui était celle que j'avais prise dès le départ.

 27   Q.  Mais nous avons cela sous les yeux. A quelle distance se trouve

 28   Dobrinja par rapport à Markale, Général ?

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  1   R.  Vous devriez le savoir plus que moi, deux milles à peu près.

  2   Q.  Moi, il me semble que c'est 10 milles, c'est-à-dire 15 kilomètres,

  3   Général. Alors, comment voulez-vous procéder par analogie, dire que

  4   c'étaient les Serbes qui avaient tiré là-bas - et nous allons affirmer nous

  5   que ce n'est pas le cas - et alors comment allez-vous affirmer que si c'est

  6   les Serbes qui, un jour ou deux avant cela avaient tiré, ils ont, en

  7   procédant à un seul tir, réussi à atteindre Markale sans qu'il y ait des

  8   rectifications et correction de tir ? Donc en partant de quoi suite aux

  9   opinions de la partie adverse avez-vous modifié votre opinion à vous ?

 10   R.  Cette première enquête indiquait que c'était indéterminé. La deuxième

 11   enquête était beaucoup plus claire. Comme je l'ai dit, parce que la

 12   première était indéterminée et a été déclarée comme telle, j'ai été de

 13   l'avis que, comme il y avait eu un pilonnage sur les personnes qui

 14   faisaient la queue pour le pain au QG des Nations Unies à Dobrinja, il

 15   était fort probable que les Serbes étaient à l'origine du deuxième

 16   pilonnage à Markale, ce qui a été confirmé par le deuxième rapport, comme

 17   je l'ai dit.

 18   Q.  On va voir tout à l'heure que ce n'est pas le cas, que c'est le

 19   contraire. Les premières conclusions disaient que c'étaient les Musulmans

 20   qui avaient tiré, la deuxième conclusion était qu'on ne pouvait pas le

 21   dire. Et la deuxième conclusion, nous l'avons sous les yeux.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais qu'on nous montre maintenant

 23   la page 36 dans le prétoire électronique de ce document.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  D'après nos informations à nous, il y a eu huit enquêtes. La première

 26   enquête a dit que c'étaient les Musulmans, et c'est parti aux Nations

 27   Unies. Lord Owen a témoigné pour dire qu'il y avait eu une grande

 28   préoccupation pour pas qu'il y ait de fuite au niveau des médias. Celle qui

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  1   a été faite en février et qui a été effectuée par une équipe des Nations

  2   Unies nombreuse et professionnelle a dit qu'on ne pouvait pas tirer de

  3   conclusion. Donc, la première a dit que c'étaient les Musulmans; la

  4   deuxième a dit qu'on ne pouvait pas tirer de conclusion. Mais en tout état

  5   de cause, c'était disculpatoire vis-à-vis des Serbes. Mais vous, en votre

  6   qualité d'officier pro-Serbe, vous ne voulez pas l'accepter. Alors, on vous

  7   a injustement accusé d'être pro-Serbe, vous voyez bien ?

  8   R.  Comme je l'ai indiqué, je faisais partie des Nations Unies, des forces

  9   de protection de ces dernières, et nous étions impartiaux lorsque nous

 10   traitions avec les parties belligérantes. Nous n'étions pas complètement

 11   neutres pour ce qui était de notre souhait de voir une solution juste et

 12   pacifique au conflit se réaliser. Je ne puis rien ajouter de plus sur la

 13   question du pilonnage de Markale.

 14   Q.  Merci. On montrera tout à l'heure, Mon Général, que les Serbes avaient

 15   considéré que vous étiez extrêmement anti-Serbe, et votre témoignage

 16   d'aujourd'hui, malheureusement, donne droit à ces affirmations. Moi, j'ai

 17   préféré être réservé à cet égard, mais bon nombre de personnes l'ont dit.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, qu'on nous montre maintenant la page 17.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre question n'est pas du tout utile.

 20   Qu'il soit pro-Serbe ou anti-Serbe, ça n'a rien à voir avec l'affaire qui

 21   nous intéresse.

 22   Madame Edgerton.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Je me suis levée parce que je souhaitais

 24   soulever une objection par rapport à ce commentaire-là.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Vous étiez sur le point, je crois,

 26   de faire remarquer qu'il s'agissait d'un commentaire et non pas d'une

 27   question, quoi qu'il en soit, Madame Edgerton.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Tout à fait, Monsieur.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bon, eh bien je vais poser ma question

  2   maintenant.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Est-ce que la situation - parce que si vous étiez véritablement pro-

  5   Serbe ou anti-Serbe - est-ce que ça aurait influé sur vos réponses ? Est-ce

  6   que vous pouvez être objectif dans les réponses que vous apportez ?

  7   R.  J'ai déjà fait le serment de dire la vérité, toute la vérité et rien

  8   que la vérité.

  9   Q.  Fort bien, Sir Michael. Moi aussi je suis chevalier titulaire de

 10   plusieurs ordres de mérite, et nous allons nous en tenir à cela.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant la

 12   page 17, s'il vous plaît. Parce qu'on s'est engagés les uns et les autres à

 13   parler, par honneur chevaleresque, de vérité et de la dire la vérité.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Alors, Général, ici on énumère la totalité des enquêtes qui ont été

 16   diligentées. D'abord, il y a eu le 5 février une équipe française, puis le

 17   capitaine Verdi le 5 février, puis le commandant Russel le 5 février, puis

 18   le commandant Khan le 11 février. Regardez donc --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Pour être juste envers le témoin et toutes

 21   les personnes présentes, je souhaite clairement indiquer que cette page est

 22   une des annexes à la deuxième enquête, ou c'est une page extraite des

 23   annexes à la deuxième enquête.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Mon Général, est-ce que vous voyez ici qu'il y a eu deux, quatre, six,

 26   huit, dix enquêtes ?

 27   R.  Je vois exactement ce que vous voyez, Monsieur Karadzic.

 28   Q.  Est-ce que vous savez qu'aucune de ces enquêtes n'a déterminé au-delà

Page 7356

  1   de tout doute raisonnable que c'était un obus serbe, ils n'ont même pas

  2   déterminé la chose avec un certain doute raisonnable ?

  3   R.  Je vous l'ai dit, l'analyse des cratères est une science inexacte,

  4   surtout lorsque cette dernière porte sur un cratère en particulier. "Un

  5   seul cratère", on devrait lire au compte rendu d'audience.

  6   Q.  Mais comment peut-on alors tirer cette conclusion ? Quelle est la

  7   méthodologie qui permet alors de déterminer qui est-ce qui a tiré, sans

  8   compter les systèmes de comparaison par analogie comme étant des méthodes

  9   scientifiques ? Quelles sont les méthodes de calcul pour ce qui est de

 10   pouvoir déterminer l'auteur du tir de cet obus ?

 11   R.  La seule façon d'identifier le point de tir à 100 % d'un seul obus de

 12   mortier serait à partir d'un radar de mortier, dont nous ne disposions pas

 13   à l'époque.

 14   Q.  Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir dans le même document la

 16   page 41, s'il vous plaît. Je parle du prétoire électronique.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors, j'attire votre attention sur les paragraphes 4 et 5. Le

 19   paragraphe 4 dit :

 20   "Les Serbes de Bosnie sont à proximité de l'axe qui est contrôlé par la

 21   Brigade de Kosevo. Le FreBat 4 MIO a confirmé l'existence d'un mortier de

 22   120-millimètres à l'emplacement GR BP 922642, qui se trouve à l'extérieur

 23   de l'axe en question. Le colonel Cvjetkovic du Régiment d'artillerie de

 24   l'armée des Serbes de Bosnie a dit que la Brigade de Kosevo avait des

 25   positions de mortiers, y compris mortiers de 120-millimètres, dans le

 26   secteur de Mrkovici. Ces positions n'ont pas été inspectées par le

 27   personnel des Nations Unies pendant au moins quatre mois…"

 28   Et le paragraphe 5 dit que les UNMO, les observateurs des Nations Unies,

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  1   n'ont pas rapporté de tirs en provenance de la Brigade de Kosevo des Serbes

  2   de Bosnie.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, montrez-nous la page d'après s'il vous

  4   plaît. Veuillez tourner la page.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Donc, il n'y a pas eu de rapport disant qu'il y avait eu des tirs

  7   depuis cette Brigade de Kosevo au niveau de l'armée serbe, et ce, dans le

  8   secteur, à la date du 5 février. L'explosion du marché a été enregistrée

  9   comme étant un tir en provenance de l'intérieur, du côté des observateurs

 10   militaires des Nations Unies, côté bosnien, et il n'y a pas d'indication

 11   disant quelle est l'origine du tir. On cherche donc à modifier, à

 12   dissimuler, et on ne sait pas quelle est l'origine du tir, toutefois, ça

 13   pourrait être quelque numéro de référence que ce soit pour ce qui est des

 14   positions non connues du personnel de la FORPRONU, de quelque côté que ce

 15   soit de la ligne de confrontation pour ce qui est de la portée estimée.

 16   Donc il peut être, en théorie, que cela pouvait provenir de n'importe quel

 17   côté de la ligne de confrontation."

 18   La première enquête a dit que c'étaient les Musulmans, la deuxième a

 19   dit qu'il était possible que ce soit les uns et les autres. Alors à quelle

 20   investigation vous référez-vous, Mon Général, qu'en dites-vous ?

 21   R.  Ce que vous avez lu, ce sont des appréciations techniques à partir d'un

 22   document technique. Je n'ai pas les connaissances techniques en la matière.

 23   Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit et me répéter : mon avis à la

 24   question c'est que le plus probablement c'est tiré depuis le côté serbe de

 25   Bosnie.

 26   Q.  Partant de quoi, Général ? Donnez-nous votre fondement. Nous

 27   avons l'enquête à laquelle vous faites référence. Elle dit autre chose. La

 28   première que vous avez consultée, que vous avez communiquée aux officiers

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  1   musulmans, ils se sont hérissés suite à ce que vous avez dit, vous avez dit

  2   que c'était leur faute. La deuxième enquête dit que ça pouvait être les uns

  3   et les autres. Alors partant de quoi affirmez-vous que c'étaient les

  4   Serbes?

  5   R.  Vous me demandez d'essayer de me souvenir des différents éléments qui

  6   ont occasionné la déclaration que j'ai faite à la presse à l'époque. Cela

  7   remonte à 15 ans. Je ne me souviens pas de ces éléments qui étaient

  8   composés de rapports techniques et d'observations sur ce qui s'était passé

  9   à Dobrinja deux jours avant, sans nul doute. Telle était ma position à

 10   l'époque, telle est ma position aujourd'hui. Ceci a été très probablement

 11   tiré depuis le camp serbe, pour ce qui est de l'obus qui est tombé sur la

 12   place de marché de Markale. Je ne puis rien ajouter de plus à cette

 13   discussion.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poursuivre, je note, Madame

 15   Edgerton, qu'il s'agit d'un document de 64 pages. Est-ce que vous

 16   conviendrez que cette page 42 est la conclusion qui correspond à la

 17   conclusion de la seconde enquête, en quelque sorte ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Non, parce que j'ai vu un autre paragraphe

 19   qui était intitulé de la même façon. Si je peux le retrouver, à ce moment-

 20   là je pourrais revenir vers vous.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la même formulation à la page 60.

 22   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Mon Général, veuillez me comprendre. Non seulement un général, un homme

 25   honorable, a été condamné à une peine à perpétuité pour ceci, mais il n'y

 26   aura pas de réconciliation si on ne continue d'affirmer que c'était nous

 27   qui avions tiré, or moi, je vous affirme que non.

 28   Voilà ce que nous dit la page 48 de ce prétoire électronique.

Page 7359

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Veuillez nous montrer, je vous prie, la page

  2   48.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Mais en attendant, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que mis à

  5   part les moyens techniques et les radars, il n'y a pas un moyen tiers ou

  6   autres pour déterminer l'origine de ce tir, n'est-ce pas ?

  7   R.  La seule façon qui permet d'établir l'endroit d'un point de tir, au-

  8   delà de tout doute raisonnable, est soit à partir d'une observation directe

  9   par les observateurs militaires des Nations Unies, ce qui n'était pas le

 10   cas, soit par un radar de mortier, dont nous ne disposions pas à l'époque,

 11   donc les conclusions faites à partir des analyses de cratère ne sont

 12   jamais, au plan technique, exactes à 100 %.

 13   Q.  Merci. Voyons donc ce que dit le général Bourget [phon] : 

 14   "Il doit être constaté que pendant toute la réunion, les déclarations des

 15   Bosniens était agressives, et la FORPRONU avait pour politique générale

 16   celle de porter le blâme pour incompétence et manque d'aptitude de ses

 17   membres en accusant les membres de la FORPRONU et des Nations Unies, pour

 18   avoir souvent déclaré que c'était la faute des Bosniens pour ce qui est de

 19   ce tir en direction du marché."

 20   Alors les conclusions générales c'est qu'ils étaient très nerveux et, de

 21   façon indirecte, ici, on peut voir qu'à plusieurs reprises les

 22   représentants des Nations Unies et de la FORPRONU avaient indiqué que

 23   c'étaient les Bosniens, les Musulmans de Bosnie, qui étaient responsables

 24   pour avoir pilonné leur propre population, et par tous les moyens possibles

 25   on a cherché à faire porter le chapeau aux Serbes.

 26   Est-ce que vous aviez eu connaissance de ce type de conclusion, Mon Général

 27   ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, simplement avant que

Page 7360

  1   nous n'entendons la réponse à cela, la question que vous m'avez posée, les

  2   conclusions générales dans ce rapport se trouvent dans le prétoire

  3   électronique à la page 10, en réalité -- à la page 11, pardonnez-moi.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Conclusions générales de… ?

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Cette deuxième analyse technique. A mon

  6   sens, c'était la question que vous m'avez posée. Et ces documents sur

  7   lesquels nous sommes revenus avec les mêmes questions à maintes et maintes

  8   reprises sont des documents qui figurent dans les annexes à ce rapport.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous voulez parler de cette page-ci, ce

 10   que nous voyons maintenant ?

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] C'est exact.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-nous donc cette page 11, s'il vous

 13   plaît, du prétoire électronique.

 14   Voilà, on y est. Alors on dit, constatations :

 15   "Sur le fondement des dépositions de témoins, on peut en conclure que

 16   l'explosion a eu lieu entre 12 heures 10 et 12 heures 15 le 5 février

 17   1994…"

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes tous à même de lire le

 19   document.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Ce que je veux montrer c'est qu'un témoin

 21   a dit qu'on a vu qu'il y avait une foule au marché et qu'il n'y avait rien

 22   à vendre, le marché était vide. Alors on parle maintenant de la

 23   "culpabilité", au point 11 : 

 24   "Nous disposons de preuve physique suffisante pour prouver que l'autre

 25   partie a tiré l'obus de mortier. L'obus de mortier en question aurait pu

 26   être tiré par l'une ou l'autre partie."

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passez à votre question suivante.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous en avons terminé avec Markale ?

Page 7361

  1   Parce que si les Juges de la Chambre peuvent constater que non seulement il

  2   n'y a pas de "au-delà de tout doute possible" que c'était les Serbes mais

  3   que c'étaient les Musulmans qui l'avaient fait, pour la réconciliation

  4   c'est très important et je peux aller de l'avant. Maintenant, pour ce qui

  5   est des modifications effectuées au niveau du cratère, il y a un rapport

  6   des Nations Unies à ce sujet.

  7   Je voudrais que vous voyiez encore la page 26, très rapidement. Page

  8   26, maintenant, et ensuite on verra la suite à la page 27. Mais d'abord la

  9   page 26.

 10   Il s'agit ici d'une analyse de Grande Jose [phon], qui dit :

 11   "A la date du 10 février 1994, j'ai reçu instruction…" et cetera, et

 12   cetera, "pour procéder à des analyses d'investigation."

 13   Il a déterminé que l'arme, c'était un mortier de 120-milimètres :

 14   "…l'azimut pour ce qui est de ce tir état de 120 mils [phon] et la

 15   portée possible, 800 à 5 000 mètres."

 16   Est-ce qu'on peut montrer la page d'après maintenant, s'il vous plaît.

 17   Regardons l'endroit où il est dit "Portée éventuelle", puis deuxième

 18   paragraphe. Voici ce qu'il dit :

 19   "…un peu agrandi, qui ont été inspectés par l'équipe d'analyse

 20   précédente."

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Ce qui veut dire qu'après la deuxième analyse, la première indiquant

 23   que l'origine du tir était chez les Musulmans, quelque chose a été enlevé,

 24   on a creusé le cratère pour l'élargir, si peu que ce soit. Est-ce que ceci

 25   ne montre pas que la première enquête et ses résultats étaient plus exacts,

 26   plus précis ?

 27   R.  Mais je vous ai déjà dit ce que je pensais, ma version des faits. Je ne

 28   peux rien dire d'autre. Je n'ai rien à ajouter.

Page 7362

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais voyons --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous étiez à la page 48 avant de passer

  4   à la page 11.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais Mme Edgerton a demandé l'affichage de la

  6   page 11. Je voulais l'aider. Et maintenant, espérons-le, nous allons voir

  7   la page 48. Mais non, on s'en est déjà chargé de la page 48. Donc je n'ai

  8   rien d'autre à montrer de ce document. Je pense que tout le document a été

  9   versé.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous n'avez pas posé de question à

 11   propos de la page 48, après avoir donné lecture d'un passage. Quelle est la

 12   question que vous voulez poser ? Parce que si vous n'en avez pas, passez à

 13   autre chose.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai demandé au général s'il connaissait cette

 15   conclusion. C'était la question que je lui avais posée.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de la conclusion du deuxième

 17   rapport, disant que cet engin aurait pu venir d'un côté ou de l'autre. Et

 18   vous l'avez déjà dit, vous aviez conclu que c'était sans doute venu du côté

 19   serbe, mais moi, je me souviens avoir fait une déclaration aux médias dans

 20   ce sens, et je vous ai dit pourquoi. Enfin, je vous ai donné le meilleur

 21   souvenir que j'ai de ces événements après avoir fait cette déclaration à la

 22   presse. Je n'ai rien à ajouter.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Alors, comment se fait-il que ce soit moi, dites-vous, qui aie conclu

 25   que c'étaient les Serbes qui avaient tiré ? Parce que ça avait été

 26   parfaitement exclu après la première enquête, or dans la deuxième enquête

 27   il existait un doute raisonnable, ou, plutôt, il n'y a pas eu de conclusion

 28   concluante, ou il se peut que l'interprétation que j'ai reçue ne soit pas

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  1   bonne.

  2   Ici, nous avons l'analyse quand même. Pour quel motif persistez-vous

  3   --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Question déjà posée à laquelle on a déjà

  5   plusieurs fois répondu.

  6   Oui, Madame Edgerton.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais oui, Monsieur le Président. M.

  8   Karadzic, ici, il polémique avec le général Rose. Il ergote.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Tout à fait. Vous avez raison.

 10   Poursuivez. Passez à autre chose, Monsieur Karadzic.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Document suivant que j'aimerais voir afficher à

 12   l'écran, il porte la cote 1D2448. 1D02448, oui, c'est bien ça, c'est le bon

 13   document. Voyons la page 4.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que ceci a été délivré le 7 février 1994,

 16   et il s'agit d'un rapport des Nations Unies, n'est-ce pas ?

 17   Regardez les premières lignes de la rubrique consacrée à lundi :

 18   "Les médias ont rapporté ce qu'avait dit le général Rose, apparemment qu'on

 19   ne savait pas qui avait tiré cet obus, qui avait d'abord frappé certains

 20   étales, puis avait changé de trajectoire."

 21   Donc ici, vous voyez, à l'époque vous saviez davantage de choses que votre

 22   état de connaissance actuel; est-ce bien exact ?

 23   R.  Je ne sais pas à quel article de presse il est fait référence ici,

 24   s'agissant de la déclaration que j'ai faite. J'ai fait une grande

 25   déclaration à la presse, et si c'est de celle-là dont on parle, à propos du

 26   marché de Markale, à ce moment-là ce qui est dit ici est incomplet, parce

 27   que j'ai ajouté qu'il n'était pas possible de préciser qui avait tiré cet

 28   obus, mais que c'était sans doute venu du côté des Serbes en raison des

Page 7364

  1   événements survenus deux jours auparavant, lorsqu'il y avait la file pour

  2   le pain à Dobrinja et lorsqu'il y avait eu cet incident aussi à la file qui

  3   attendait du secours.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un rapport du 7 février, et qui rapporte

  5   ce que vous avez dit aux médias. Je ne peux pas être plus précis que cela.

  6   Est-ce qu'on peut verser ce document au dossier, s'il vous plaît ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il est versé au dossier.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D682.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher le

 10   document 1D04226. Nous n'avons pas, malheureusement, de traduction. Il

 11   s'agit ici d'une transcription du MUP. C'est la police musulmane qui a

 12   enregistré la conversation qu'a eue le général Ramsey avec le général

 13   Milovanovic.

 14   Oui, c'est le bon document que nous avons ici. Permettez-moi d'en lire une

 15   partie. Il est dit ici : 

 16   "Le MUP de la République de Bosnie-Herzégovine, service de la Sûreté de

 17   l'Etat," et cetera, "5 février 1994."

 18   C'est le jour même. Vers 15 heures.

 19   Le général Ramsey appelle le général Milovanovic car on lui a dit que

 20   Milovanovic voulait lui parler. Milovanovic voulait parler au général Rose,

 21   mais c'est Ramsey qui a répondu que Rose se trouvait à Mostar, et y a

 22   proposé d'avoir cette conversation avec lui.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que vous étiez à Mostar ce jour-là ?

 25   R.  Oui, j'étais à Mostar le jour où il y a eu le bombardement du marché.

 26   Q.  Merci. Milovanovic a transmis un message oralement à l'attention du

 27   général Rose, et il dit ici :

 28   "Sachant que la partie musulmane avait accusé l'armée de la Republika

Page 7365

  1   Srpska d'avoir mené des activités dans le centre de Sarajevo," dans la

  2   ville-même, "aujourd'hui, vers 12 heures 20, il y a eu un incident qui a

  3   fait beaucoup de victimes."

  4   Et puis il est ajouté un peu plus loin :

  5   "Pour établir tous les faits pertinents, pour établir la vérité, voici ce

  6   que je demande : je demande la constitution d'une commission militaire

  7   mixte composée de représentants de la FORPRONU, des représentants de la

  8   VRS, et de ce qu'on appelle l'armée de la République de Bosnie-Herzégovine,

  9   l'ARBiH, laquelle commission va établir un rapport avant demain matin 8

 10   heures, après avoir enquêté sur toutes les circonstances ayant débouché sur

 11   ce malheureux incident. Ce qui veut dire que cette enquête devrait être

 12   terminée avant demain matin 8 heures. Le travail de ce groupe mixte

 13   militaire doit être documenté, étayé par des documents. Il faudra donc des

 14   enregistrements qui seront faits à l'aide de caméras, de télévision, et

 15   d'appareils photos, et cetera."

 16   Dites-nous, Mon Général, est-ce que cette demande faite par le général

 17   Milovanovic vous a été transmise, demande qui visait à l'établissement

 18   d'une commission militaire mixte chargée de mener cette enquête ?

 19   R.  Je ne m'en souviens pas, mais c'est bien possible. Il aurait fallu

 20   aussi que ceci soit fait, auquel cas j'aurais transmis ceci à M. Akashi qui

 21   se trouvait à Zagreb. Je savais que M. Akashi avait déjà commencé à réunir

 22   des éléments permettant de mener une enquête.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la raison pour laquelle on n'a pas

 24   accepté la participation des Serbes dans cette commission conjointe ?

 25   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

 26   Q.  Merci. Numéro 3 de ce document. Point 3 :

 27   "Lorsque cette équipe professionnelle militaire mixte aura terminé

 28   ses travaux, il faut informer l'opinion publique internationale du

Page 7366

  1   résultat, quel que soit l'auteur reconnu responsable de cet incident."

  2   C'est ce que demande ici le général Milovanovic, n'est-ce pas ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant passer à la page

  4   suivante.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous voyez ici, le général Ramsey dit :

  7   "D'accord. Il va falloir une enquête détaillée, comme d'habitude, et ce

  8   sera fait par la FORPRONU."

  9   Milovanovic, M., dit ceci :

 10   "Mais pas de la façon dont a été menée l'enquête sur l'affaire de Dobrinja.

 11   Je ne reconnais pas et je n'accepte pas non plus l'enquête qui a été menée

 12   là et la façon dont elle a été menée. Pourquoi est-ce que M. Ramsey refuse

 13   que soit constituée une commission mixte ?"

 14   Il le dit ici à la troisième personne parce qu'il parle par le truchement

 15   d'un interprète. Et Ramsey dit :

 16   "Mais parce que je ne peux pas garantir la sécurité dans le cadre d'un tel

 17   incident."

 18   Est-ce que vous savez que le camp serbe a contesté les résultats de

 19   l'enquête menée à Dobrinja ? Parce que c'est de cela que parle Milovanovic

 20   lorsqu'il parle à Ramsey.

 21   R.  Il se peut que je l'aie su à l'époque, mais aujourd'hui j'en n'ai plus

 22   le souvenir.

 23   Q.  Merci. Nous allons continuer. Milovanovic dit ceci :

 24   "La seule chose que je vous demande de faire, c'est de constituer une

 25   commission mixte qui se composera de représentants des parties

 26   belligérantes sous la tutelle et la protection de la FORPRONU."

 27   Ramsey dit ceci :

 28   "Mon Général, je propose que vous fassiez partie de cette commission."

Page 7367

  1   Milovanovic répond :

  2   "Oui, si le général Ramsey est membre aussi de cette commission."

  3   Et le dialogue, l'échange se poursuit.

  4   Alors, dès le premier moment, le camp serbe est clair, il dit clairement

  5   qu'il veut une enquête, qu'il veut y avoir accès. Il veut une participation

  6   à cette enquête. Est-ce que le camp serbe a été autorisé à y participer ?

  7   R.  Ce qui est certain, c'est que l'équipe constituée n'a pas inclus de

  8   Serbes, de représentants du camp serbe. Je ne sais plus pourquoi ce fut le

  9   cas. Cette équipe - on parle ici de la deuxième équipe - elle a été

 10   constitué à Zagreb par M. Akashi. Je ne sais pas pourquoi on a décidé qu'il

 11   n'y aurait pas de représentants serbes de Bosnie. Je n'en ai pas la moindre

 12   idée.

 13   Q.  Merci. Mais vous savez que la police locale, elle a fait l'une ou

 14   l'autre chose aussi sur place. Donc, il y avait une partie belligérante qui

 15   a eu l'autorisation de faire quelque chose, alors que l'autre se l'est vu

 16   interdire ?

 17   R.  Les forces du gouvernement de Bosnie étaient bien sûr sur les lieux à

 18   l'époque, et je pense qu'elles ont pu effectuer leur propre enquête.

 19   Lorsque l'équipe française est arrivée, elle était la deuxième à arriver

 20   sur les lieux. La première équipe à venir a été l'équipe des autorités de

 21   l'Etat de Bosnie, puis il y a eu la deuxième équipe. C'était l'équipe des

 22   Français, l'équipe française des Nations Unies.

 23   Q.  Sauf le respect que je dois, les autorités du gouvernement de Bosnie,

 24   les artificiers s'étaient déjà trouvés sur les lieux. Tout ça a été filmé.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement à titre provisoire de

 26   ce document.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des observations quant à cette

 28   demande de versement à titre provisoire ?

Page 7368

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suppose que M. Karadzic pense que c'est

  2   un document authentique. Je parle ici de cette conversation interceptée par

  3   les autorités de Bosnie.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, je pense que oui. Il pense qu'elle

  5   est authentique.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] A ce moment-là, je demanderai simplement la

  7   traduction.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera une pièce du dossier pour

  9   identification, donc avec une cote provisoire.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la cote MFI D683.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Soyons clairs. Nous contestons la légalité, la

 12   légitimité des conversations interceptées en temps de paix lorsque ceux qui

 13   étaient nos partenaires au gouvernement n'avaient pas le droit de nous

 14   mettre sur écoute, alors qu'ici nous avons une conversation interceptée

 15   mais qui concerne deux parties différentes.

 16   Je demande maintenant le document de la liste 65 ter --

 17   L'INTERPRÈTE : Le numéro n'a pas été compris par les interprètes.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] En plus de ceci, la conversation interceptée

 19   elle-même a été corroborée par tous les autres documents.

 20   Ah oui, le document porte le numéro 19612 de la liste 65 ter.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Est-ce que vous vous souvenez, Mon Général, du fait qu'ici il n'y a pas

 23   de nom donné au chef de l'état-major, mais c'était sans doute un général de

 24   brigade - il vous a envoyé une lettre le 5 février 1994 - elle vous était

 25   adressée à vous personnellement, à Kiseljak.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] 19612. Je répète le numéro de la liste 65 ter.

 27   Attendez. Est-ce que c'est 686 peut-être ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le document 6846.

Page 7369

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est déjà une pièce versée au dossier

  2   sous la cote P1652.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une perte de temps technique. J'espère

  5   que vous n'allez pas la débiter du temps que vous me donnez.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de cette lettre qui vous a été envoyée

  8   par le général Milovanovic ? En serbe, ça fait une page; en anglais, deux.

  9   Ce jour-là, le général Milovanovic vous demande la même chose par écrit, la

 10   même chose que ce qu'il avait demandé au général Ramsey. Il avait fait

 11   cette demande au général Ramsey par téléphone.

 12   Veuillez jeter un coup d'œil à cette lettre pour nous dire si elle

 13   vous a été remise. Apparemment, ici il est indiqué que vous l'avez

 14   réceptionnée.

 15   R.  Je ne me souviens pas avoir reçu cette lettre, mais c'est tout à

 16   fait possible. Oui, c'est ce que j'aurais voulu faire ou c'est ce que

 17   j'aurais fait. Est-ce qu'on peut voir la deuxième page en anglais ?

 18   Q.  Oui, nous avons la deuxième page en anglais.

 19   C'est donc le général Milovanovic qui vous demande, en l'espace de cinq

 20   paragraphes, la même chose que ce qu'il avait demandé oralement par

 21   téléphone au général Ramsey.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document. Ah,

 23   excusez-moi. Il est déjà versé au dossier.

 24   Est-ce que le temps est venu de faire la pause, ou voulez-vous que je passe

 25   à un autre sujet ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois qu'il nous reste une vingtaine

 27   de minutes avant la prochaine pause.

 28    M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Mon Général, nous nous souvenons très bien de la crise de Gorazde,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et pour que ceci soit acté au dossier, je dois le dire, Mme Edgerton a

  5   expliqué pourquoi il faudrait conserver ces documents qui vous

  6   appartiennent, elle a dit dans ce cadre qu'il y avait ce troisième objectif

  7   stratégique, la Drina ne devait pas rester une frontière entre les Serbes.

  8   Je dois répéter sans arrêt que la Drina ne devrait pas être une rivière

  9   entre deux mondes, l'Occident et l'Orient, et c'est bien ce qui est dit

 10   dans le procès-verbal de la séance de l'assemblée. Je refuse toute autre

 11   interprétation.

 12   Maintenant, nous parlons de Gorazde. Vous souvenez-vous du fait que

 13   vous avez exercé beaucoup de pression sur moi, pour que j'autorise la venue

 14   à Gorazde de huit de vos observateurs ?

 15   R.  Oui, je me souviens de cela.

 16   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du fait que j'ai cédé, et

 17   qu'effectivement ces personnes sont venues à Gorazde ?

 18   R.  Effectivement ils sont allés à Gorazde.

 19   Q.  Est-ce que j'ai fait une erreur ?

 20   R.  A vous de juger, mais je pense que ce n'était pas mauvais ni pour un

 21   côté ni pour l'autre d'avoir une certaine visibilité des faits qui se

 22   produisaient sur le terrain.

 23   Q.  Merci. Vous allez voir que j'ai quand même fait une erreur, après tout,

 24   je me suis trompé.

 25   Le document a déjà été versé, oui. Il s'agit de la pièce D137.

 26   Ecoutez, il ne faut que la date sème la confusion dans nos esprits. Car

 27   ici, c'est une analyse rétrospective des opérations terrestres du centre

 28   opérationnel conjoint de Zagreb. Je pense que nous n'avons ce document

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  1   qu'en anglais, mais c'est le bon, oui, que nous avons à l'écran.

  2   Même si on a la date de 1995, ici, c'est une analyse rétrospective, si vous

  3   voulez.

  4   Est-ce qu'on peut nous montrer la page 6.

  5   A l'époque, c'était le colonel Janvier qui était l'officier commandant,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Je ne sais pas, parce que je n'étais plus dans le pays à l'époque. Ça

  8   faisait six mois, j'étais parti. Et je ne sais pas à quel moment le général

  9   Lapresle, qui était mon supérieur militaire, a passé le bâton au général

 10   Janvier.

 11   Q.  Permettez-moi d'attirer votre attention sur ce paragraphe :

 12   "La Bosnie-Herzégovine va continuer d'essayer de bloquer le DutchBat dans

 13   ces postes d'observation, ou dans les positions devant l'ABiH. Et ceci va

 14   signifier recours à la force. Ils peuvent se mettre dans les mêmes

 15   positions que celles des Nations Unies pour les utiliser comme bouclier

 16   humain, et ceci va peut-être provoquer une réaction de la VRS, parmi les

 17   Serbes de Bosnie. Ce qui veut dire aussi qu'il y aura un risque de voir le

 18   personnel onusien pris entre deux feux, entre les deux factions; l'ABiH va

 19   sans doute essayer de s'emparer des armes et des véhicules du DutchBat pour

 20   compenser le manque d'armement dont ils souffrent."

 21   Est-ce que vous vous souvenez du fait que le camp musulman a en fait attiré

 22   vos observateurs près de Gorazde, et c'est là qu'ils ont été pris entre

 23   deux feux, n'est-ce pas ?

 24   R.  Mais je ne vois pas le lien entre un document qui a été écrit un an et

 25   demi plus tard, ou un an et trois mois plus tard, et notre discussion

 26   maintenant qui porte sur ce qui s'est passé à Gorazde.

 27   Q.  Mais, Mon Général, voici le lien : c'est ce qu'on appelle en anglais

 28   "le côté systématique." Les Musulmans comptent d'abord sur le trafic

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  1   d'armes, mais ils comptent aussi sur la saisie d'armes appartenant aux

  2   membres des forces de l'ONU, et ce paragraphe officiel de l'analyse faite

  3   par les Nations Unies le montre bien. Ne voyez-vous pas pourquoi le camp

  4   serbe dit qu'il ne faut pas amener des armes dans l'enclave, des armes dont

  5   on n'a pas besoin ? Est-ce que vous voyez d'abord cela ? C'est quand même

  6   manifeste dans ce paragraphe.

  7   R.  Je ne peux pas faire de commentaire sur ce qui s'est passé après mon

  8   tour de service en Bosnie. Mais pendant que j'étais en Bosnie, les seules

  9   personnes qui auraient confisqué des armes au personnel des Nations Unies,

 10   à ma connaissance ce furent des Serbes de Bosnie. Les forces musulmanes

 11   n'ont pas confisqué d'armes aux représentants de la FORPRONU, pendant mon

 12   tour de service, si je me souviens bien.

 13   Q.  Mais vous allez voir que ça s'est quand même passé. Ça ne fait rien, je

 14   vais vous demander ceci : le fait d'attirer le personnel onusien pour s'en

 15   servir de bouclier humain, pour qu'ils soient pris entre deux feux, et puis

 16   l'autre chose, les Nations Unies le savaient bien, c'est que les Musulmans

 17   pouvaient prendre leurs armes, s'emparer de leurs armes.

 18   Nous allons sauter un paragraphe pour parler du suivant.

 19   "Comme ceci s'est passé à Gorazde au cours du printemps 1994, l'ABiH

 20   peut essayer d'attirer la FORPRONU dont les forces de réaction rapide ou

 21   l'OTAN pour les mettre de leur côté. Et on abandonne soudainement des

 22   positions, le long de la ligne de confrontation, on simule un effondrement

 23   de l'enclave, on donne des rapports alarmants qui sont donnés par le côté

 24   bosnien sur la situation dans les enclaves. Ce sont là autant d'indicateurs

 25   de cette situation. Une plus grande participation de la communauté

 26   internationale pourrait être interprétée par l'armée de Bosnie, des Serbes

 27   de Bosnie-Herzégovine, comme étant une mesure incitative pour accentuer les

 28   opérations, pour essayer d'éliminer l'enclave. Aussi pour mener des actions

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  1   de représailles contre les forces onusiennes."

  2   C'est un document des Nations Unies, vous étiez un commandant des Nations

  3   Unies, on parle ici de la situation à Gorazde, pendant que vous commandiez

  4   les forces onusiennes. On essayait de montrer qu'il y a une systématicité

  5   dans le comportement des Musulmans. Et les Nations Unies connaissaient

  6   cette systématicité.

  7   R.  Ce qui est certain, c'est qu'en 1994, au cours des événements de

  8   Gorazde, au vu des forces, on s'est rendu compte que les forces essayaient

  9   d'impliquer davantage l'OTAN dans ce conflit, en retirant leur forces des

 10   positions défensives, pour avoir un plus grand soutien aérien de l'OTAN.

 11   Dans un cas, ce qui est certain, nous les avons vus se retirer, ce qui fait

 12   que nos observateurs ont été exposés. Un de nos observateurs a été tué, un

 13   autre blessé. Nous avons discuté de cet incident hier. Alors est-ce que

 14   c'était là le résultat d'une politique délibérée ou est-ce que c'était le

 15   résultat d'une décision militaire qu'on était forcés de prendre en raison

 16   des pressions exercées par vos forces sur les Musulmans, difficile de le

 17   dire. Mais nous avons, c'est certain, pensé qu'eux, ils essayaient

 18   d'impliquer l'OTAN dans leur guerre.

 19   Q.  Ce document a déjà été versé, et il montre que les échelons les plus

 20   élevés de votre commandement, de votre hiérarchie, eux, pensaient que

 21   c'était là un comportement systématique des Musulmans.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant avoir le document

 23   1D2509.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Abstenez-vous de faire des commentaires,

 25   ils ne sont pas du tout utiles.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais j'ai simplement manifesté mon accord avec

 27   le général.

 28   Est-ce qu'on peut maintenant afficher le document 1D2509.

Page 7374

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Mon Général, vous vous souvenez aussi, n'est-ce pas - parce que vous

  3   avez été témoin et participant - vous vous souvenez du fait qu'en fait les

  4   gains autour de Gorazde ont été considérables et on cherchait à accuser les

  5   Serbes. Il y a eu ce retrait subi qui a fait que vos hommes qui étaient à

  6   ces postes avancés, à ces positions, étaient exposés, mais il y avait aussi

  7   un effort de propagande, en parlant du fort degré de destruction, du nombre

  8   de victimes, n'est-ce pas ?

  9   R.  C'est vrai.

 10   Q.  Merci. Nous avons ici une analyse faite par une équipe sur le

 11   terrorisme et la guerre non conventionnelle. Ça vient du Congrès américain,

 12   et c'est le groupe des Républicains qui l'a préparée.

 13   Regardons ce paragraphe qui commence par les premiers mots suivants "The

 14   roots…"

 15   Là, nous sommes en mai 1994, juste après la crise de Gorazde, n'est-ce pas

 16   ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Merci. Voici ce que dit cette commission :

 19   "Cette situation trouve ses racines dans les événements survenus au

 20   cours de l'automne 1992, alors qu'on en était qu'au premier moment,

 21   relativement parlant, de la guerre en Bosnie-Herzégovine. A l'époque, la

 22   zone de Gorazde a été une des premières zones ou des guérillas islamistes -

 23   une force se composant surtout de volontaires afghans, arabes, et

 24   islamistes bosniens - ces guérilléros se sont lancés dans une campagne

 25   systématique dirigée contre la population chrétienne locale afin d'obtenir

 26   une prédominance militaire."

 27   Est-ce que vous saviez que l'armée musulmane avait chassé des Serbes,

 28   et, ce faisant, en avaient tué beaucoup, avaient brûlé leurs maisons à

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  1   Gorazde, autour de Gorazde ? Vous avez vu ces maisons brûlées, n'est-ce pas

  2   ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Merci. Je ne vais pas vous donner lecture de tout le texte. Mais, là,

  5   on parle "d'embuscades qui sont de plus en plus nombreuses, beaucoup

  6   étaient commises contre des civils serbes, et c'est devenu une des

  7   caractéristiques prédominantes de la guerre civile en Bosnie-Herzégovine."

  8   Donc non seulement ces Serbes dans les villages environnants étaient

  9   des victimes auparavant, mais ils le sont restés. Est-ce que vous saviez

 10   que très souvent les Musulmans ont quitté la ville et sont allés dévaster

 11   ces villages ?

 12   R.  Vous le savez, nous avons eu très peu d'observateurs à Gorazde avant le

 13   déploiement des officiers de la commission conjointe dont nous avons déjà

 14   parlé, ce qui veut dire que nous n'avons pas reçu de rapports avant

 15   l'attaque de Gorazde, de rapports disant que c'était répété ce qui s'était

 16   passé précédemment en 1992 et 1993.

 17   Q.  Nous parlons ici d'attaques menées par des Musulmans sur des Serbes,

 18   n'est-ce pas ?

 19   R.  Une chose : je crois qu'il serait utile de savoir d'où vient ce

 20   document, quelle est son origine. Quelle est l'origine du document que nous

 21   avons à l'écran, car vous attirez mon attention sur ce texte. Je vois un

 22   en-tête, mais c'est à peu près tout ce que je vois.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut voir le bas de la page

 24   ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois le haut de la page maintenant. Je vous

 26   remercie.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

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  1   Q.  Mais c'est le Congrès américain sur le terrorisme et la guerre non

  2   conventionnelle, comité de recherches des Républicains au congrès, au

  3   parlement. C'est donc un groupe des parlementaires républicains qui ont un

  4   comité de recherches. Et on voit qui est à la tête de ce comité. Est-ce que

  5   votre curiosité est maintenant satisfaite ?

  6   R.  Oui.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on voir la page suivante. On voit ici :

  8   "C'est à ce moment-là au début de 1993 que les Musulmans de Bosnie

  9   ont commencé à reconstruire Gorazde pour en faire un centre militaire."

 10   Je ne vais pas lire tout le passage. Je vais demander aux

 11   participants de faire cette lecture eux-mêmes, vous aussi, dès lors. Vous

 12   allez voir comment les choses se sont passées juste avant votre arrivée en

 13   Bosnie. Et lorsque tout le monde aura lu ce passage, nous allons vous

 14   demander des commentaires.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous voyez cette phrase qui dit que c'était possible :

 17   "C'était possible parce que le HCR exigeait le retrait des forces

 18   serbes de Bosnie de la route directe entre Sarajevo et Gorazde pour veiller

 19   à ce qu'il n'y est pas d'obstacle posé au travail humanitaire du HCR. Par

 20   conséquent, l'acheminement des fournitures militaires musulmanes de Bosnie

 21   augmentait à tel point qu'arrivée la fin d'avril 1993, les forces

 22   musulmanes avaient effectivement, en fait, pratiquement levé le siège de

 23   Gorazde."

 24   Et vous voyez, n'est-ce pas, que cette commission a conclu que la

 25   levée du siège de Gorazde n'a pas amélioré la situation humanitaire; elle a

 26   accru, au contraire, le pouvoir militaire des Musulmans à Gorazde ?

 27   R.  Eh bien, je ne peux pas vraiment faire un commentaire parce que ceci

 28   est arrivé avant ma période de commandement. Ceci fait état d'événements

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  1   qui se sont peut-être produits ou ne se sont pas produits en 1993.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors il va falloir qu'on nous montre la page

  3   d'après, parce que ça se situe au niveau de la période où vous avez déjà

  4   été là-bas. Page suivante de ce document, je vous prie : 

  5   "La description de caractère double de ce qui se passait à Sarajevo

  6   est devenue claire. D'un côté, on donnait l'impression aux médias

  7   occidentaux que Gorazde était quasiment indéfendable, et qu'il n'y avait

  8   que des innocents et des civils et qu'ils étaient sur le bord d'un

  9   effondrement. D'un autre côté, la propagande du gouvernement décrivait la

 10   situation sur le plan domestique comme étant un combat héroïque et couronné

 11   de succès par les troupes musulmanes qui défendaient Gorazde contre

 12   l'offensive serbe."

 13   Et ensuite un peu plus bas :

 14   "Sarajevo, néanmoins, a insisté sur le fait que les Musulmans avaient

 15   infligé de lourdes pertes aux Serbes."

 16   Et ensuite un peu loin, on peut lire que la propagande à Sarajevo

 17   avait exigé à l'Occident, de manière très expresse, d'intervenir et avait

 18   provoqué l'OTAN et les Nations Unies pour que ces derniers interviennent.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec ce qui est dit ici ?

 21   R.  Ceci concorde avec la position que j'ai déjà adoptée. Et ce que

 22   je lis ici reflète tout à fait mes souvenirs de l'époque.

 23   Q.  Vous allez voir à quel point j'ai eu tort d'accepter les pressions que

 24   vous avez exercées pour faire entrer huit observateurs. Il est dit ici :

 25   "…l'intervention, parce qu'ils savaient déjà que les Etats-Unis, la

 26   FORPRONU et l'OTAN avaient déjà décidé de créer à Gorazde des conditions

 27   dans lesquelles les frappes aériennes de l'OTAN allaient pouvoir être

 28   déployées, grâce à une résolution et des lignes directrices des Nations

Page 7378

  1   Unies. Ainsi, le 7 avril, les Nations Unies ont déployé huit soldats à

  2   Gorazde afin d'avoir un prétexte sur le plan juridique pour les frappes

  3   aériennes qui avaient été planifiées."

  4   Et ensuite, on cite les résolutions :

  5   "…et l'élite britannique, le SAS, qui était qualifié, qui était

  6   particulièrement équipé pour diriger des frappes aériennes. Autrement dit,

  7   la FORPRONU avait fourni les moyens et un prétexte pour pouvoir lancer ces

  8   frappes aériennes contre les Serbes de Bosnie."

  9   R.  Je nie qu'il y ait une quelconque intention ou prédétermination des

 10   membres des Nations Unies pour créer à Gorazde des conditions qui auraient

 11   permis des frappes aériennes. Ceci n'est tout simplement pas le cas. Le

 12   fait que les JCO ont été envoyés là-bas était la conséquence non seulement

 13   d'un désir de lancer des frappes aériennes, mais pour avoir plus de

 14   visibilité sur le terrain sur ce qui se passait, étant donné que les

 15   observateurs militaires des Nations Unies n'étaient pas aussi fiables que

 16   ce à quoi nous nous attendions. Nous n'avions absolument pas l'intention,

 17   du point de vue de l'ONU en tout cas, de créer une situation qui mènerait

 18   inévitablement à des frappes aériennes. C'était une décision que nous avons

 19   prise en dernier recours, en ce qui nous concernait, si nous décidions que

 20   l'enclave était suffisamment attaquée par les Serbes de Bosnie. Il ne

 21   s'agissait pas de quelque chose qui avait été prédéterminé, quelles que

 22   soient les circonstances, et qui était dû aux pressions exercées par les

 23   Serbes de Bosnie sur la communauté civile à Gorazde.

 24   Alors, à savoir si l'OTAN ou les Etats-Unis avaient prédéterminé

 25   quelque chose à cet égard, il faudrait leur poser la question à eux

 26   directement.

 27   Q.  Donc, il se peut que dans votre dos l'OTAN ait planifié les choses et

 28   abusé de vous, pour me convaincre de faire entrer huit membres des SAS,

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  1   pour les aider à déterminer leur cible. Alors, les Nations Unies ne l'ont

  2   pas fait, mais l'OTAN l'a fait, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non, cela n'est pas possible.

  4   Q.  Mais vous savez pour sûr que l'OTAN ne l'a pas planifié, ou vous ne

  5   savez pas que l'OTAN a planifié la chose. Parce que tout à l'heure vous

  6   avez dit que vous ne saviez pas ce que l'Amérique et l'OTAN avaient

  7   planifié.

  8   R.  C'est exact, mais la décision qui consistait à déployer les JCO était

  9   purement ma décision et simplement ma décision. Je n'étais mis sous

 10   pression par personne. Je me demande même si les Etats-Unis et l'OTAN

 11   savaient que nous avions l'intention de déployer des JSO [comme interprété]

 12   à Gorazde. Ceci n'avait rien à voir avec les Etats-Unis ou l'OTAN. C'était

 13   une question qui relevait des Nations Unies.

 14   Le fait que nous avons dû lancer des frappes aériennes était la

 15   conséquence de vos actes, et non pas de l'OTAN.

 16   Q.  Ça, on va le voir au fil de notre contre-interrogatoire.

 17   Est-ce que vous seriez d'accord --

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est l'heure de la pause, Excellence ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est l'heure. Si cela vous convient,

 20   nous allons faire une pause de 25 minutes, et nous reprendrons à 6 heures

 21   moins le quart.

 22   --- L'audience est suspendue à 17 heures 23.

 23   --- L'audience est reprise à 17 heures 49.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Nous nous sommes arrêtés en parlant des JCO. Permettez-moi de dire que

 28   je ne dis pas que vous personnellement étiez au courant de ces doubles jeux

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  1   de la part de l'OTAN et d'autres. Lorsqu'il s'agit des huit soldats que

  2   j'ai permis d'entrer à Gorazde, s'agissait-il uniquement de contrôleurs

  3   aériens de postes avancés ?

  4   R.  Les soldats qui ont été déployés à Gorazde n'étaient que des

  5   observateurs militaires. Ils pouvaient lancer des frappes aériennes si la

  6   nécessité s'en faisait sentir. Il ne s'agissait certainement pas

  7   d'aiguilleurs de poste avancé du tout.

  8   Q.  Ont-ils fait des rapports exacts sur ce qu'ils avaient observé et sur

  9   ce qu'ils avaient vu ?

 10   R.  Oui, tout à fait.

 11   Q.  Et d'un autre côté, dans votre déclaration qui est datée du 13 janvier

 12   2009, lorsque vous avez parlé des observateurs militaires des Nations

 13   Unies, vous avez dit qu'ils n'étaient pas responsables, n'est-ce pas, et

 14   vous déclarez ceci :

 15   "Des rapports inexacts de Gorazde indiquent qu'il y a des rapports qui

 16   induisent en erreur et qui ont très grandement endommagé la crédibilité de

 17   la mission des Nations Unies."

 18   Est-ce le cas ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous nous donner le numéro du

 20   paragraphe, Monsieur Karadzic, s'il vous plaît ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Paragraphe 103, la déclaration qui et datée du

 22   13 janvier 2009, page 25.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Les observateurs militaires des Nations Unies, les observateurs en

 25   question, n'étaient pas ceux que vous avez fait venir à Gorazde, les huit

 26   hommes qui ont été déployés à Gorazde, n'est-ce pas ?

 27   R.  C'est exact. Les observateurs militaires cités ici sont ceux qui

 28   résidaient à Gorazde. Et comme je l'ai indiqué dans cette déclaration, ceci

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  1   a laissé une impression erronée quant à la situation sur le terrain. Et ces

  2   rapports était des rapports erronés et n'ont pas aidé les Nations Unies

  3   dans leur position.

  4   Q.  Est-ce que nous sommes d'accord pour dire que tous leurs rapports se

  5   sont faits au détriment des Serbes ?

  6   R.  Je n'ai certainement pas lu tous leurs rapports littéralement, mais les

  7   rapports que j'ai lus avaient exagéré les dégâts causés par le camp serbe

  8   pour ce qui était des bâtiments de Gorazde.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la page suivante

 11   de ce document, s'il vous plaît, dans le prétoire électronique toujours.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  J'attire l'attention des participants sur le paragraphe qui commence

 14   par "On the 10th of April," le 10 avril.

 15   "Les forces serbes de Bosnie qui avançaient de l'est ont réussi à parvenir

 16   et à saisir le plateau stratégique des monts Gradina, même s'il y a des

 17   routes plus aisées de là pour aller à Gorazde, les Serbes de Bosnie n'ont

 18   absolument pas indiqué qu'ils souhaitaient poursuivre et entrer dans la

 19   cité elle-même."

 20   Est-ce que vous aviez estimé vous-même, à savoir que les Serbes

 21   n'avaient pas eu l'intention de s'emparer de Gorazde même, n'est-ce pas ?

 22   R.  A l'époque c'était effectivement ma conclusion.

 23   Q.  Merci. Il est évident que cela -- enfin est évident ici d'après le

 24   texte aussi. Et même plus tard vous avez eu la même opinion, n'est-ce pas ?

 25   Parce que nous avons un document à cet effet, on vous le montrera.

 26   Alors, voyons un peu comment les choses se présentent sur cette page.

 27   "Les positions serbes de Bosnie incitant au pilonnage --" L'INTERPRÈTE :

 28   Est-ce que l'accusé peut indiquer quel est l'extrait qu'il lit ?

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes ne pouvaient pas vous

  2   suivre. Pourriez-vous nous dire quel est le passage que vous lisez ?

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci est le passage qui commence "le 9 avril",

  4   et au milieu de ce paragraphe : 

  5   "Cet incident a été décrit par les médias occidentaux, et effectivement on

  6   a prêté une attention toute particulière aux tirs qui prenaient pour cible

  7   l'hôpital qui était le principal poste de gestion et d'observation musulman

  8   afin d'attirer l'appui des sections contre les Serbes. Par la suite on a

  9   demandé aux Nations Unies et à l'OTAN de lancer des frappes aériennes afin

 10   de protéger les troupes des Nations Unies qui avaient été intégrées à

 11   Gorazde."

 12   Et après on dit : Le 10 avril, les forces serbes de Bosnie ont continué à

 13   avancer lentement.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Alors, Mon Général, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour

 16   dire que ce rapport estime même que l'OTAN a été convié à porter un soutien

 17   rien que pour sauver les troupes des Nations Unies, et non pas en substance

 18   s'attaquer aux Serbes, pour s'attaquer aux Serbes parce qu'eux

 19   s'attaquaient à Gorazde. Et ça c'était quelque chose de légitime, cet appui

 20   aérien. On l'avait accepté, n'est-ce pas ?

 21   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne vois pas comment on peut demander au

 24   général Rose de commenter un document qui est aussi épais que celui-ci,

 25   qu'il n'a pas eu l'occasion de voir dans sa totalité, et on lui pose des

 26   questions sur des passages précis. En fait, le général Rose a été mis en

 27   difficulté à un moment donné par ce qu'il a dû réfuter certains passages de

 28   ce document.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne suis pas d'accord.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur

  3   Karadzic. Quelle était votre dernière question ? Si le général était

  4   d'accord que ce rapport laissait entendre que l'OTAN est appelé à fournir

  5   un appui aérien rapproché pour sauver les Nations Unies ? Que pouvez-vous

  6   répondre à cette question ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux alléguer le rapport ou non, les motifs

  8   invoqués pour recueillir l'appui aérien rapproché ne consistaient pas à

  9   protéger le personnel des Nations Unies qui était là, mais c'était pour

 10   empêcher d'autres attaques contre la population civile de Gorazde.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   Le général comprend parfaitement bien de quoi je parle, on a été au même

 13   endroit, et je crois que Mlle Edgerton n'a pas ces connaissances

 14   préalables, celles que nous avons.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Alors, le "soutien des plus rapprochés", c'est un soutien pour ce

 17   qui est des forces des Nations Unies qui se trouveraient être mises en

 18   péril, n'est-ce pas ?

 19   R.  L'"appui aérien rapproché" est un terme technique qui désigne la

 20   capacité des aéronefs d'un type particulier. Il ne s'agit pas d'une défense

 21   aérienne. L'appui aérien rapproché est un appui fourni par des aéronefs

 22   spécialement équipés destinés aux troupes sur le terrain, et dans ce cas-ci

 23   en particulier pour appuyer la mission des Nations Unies dans ses efforts

 24   de dissuader d'autres attaques contre la population civile. L'appui aérien

 25   rapproché est conçu pour attaquer des chars, de l'artillerie et d'autres

 26   installations militaires sur le terrain. Il s'agit d'un terme technique qui

 27   n'a aucune connotation politique quelle qu'elle soit.

 28   Q.  Mais, Général, il y a une différence à faire entre deux forces

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  1   d'utilisation de l'aviation. D'abord, c'est ce soutien le plus rapproché

  2   possible pour aider les soldats des Nations Unies qui s'étaient trouvés

  3   exposés à des attaques. Et le deuxième aspect, c'est de s'ingérer dans les

  4   événements sur le terrain pour modifier l'issue des combats. En d'autres

  5   termes, cette attaque à Gorazde n'avait pas pour objectif de sauver des

  6   soldats des Nations Unies, mais influer sur l'évolution de la guerre,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Je crois qu'il faut faire une différence entre la capacité

  9   techniquement parlant et l'objectif en question. Il est clair que les

 10   Nations Unies ont limité l'emploi de l'appui aérien rapproché à cette

 11   occasion-ci en vue de dissuader les attaques contre la population civile de

 12   Gorazde. Il se peut qu'ailleurs il y ait eu le souhait d'augmenter cela

 13   pour prendre pour cible des éléments plus stratégiques et plus importants

 14   sur le plan opérationnel pour des raisons politiques. Ce n'est pas quelque

 15   chose dont j'avais connaissance. Et nous n'aurions pas accepté, quand bien

 16   même cela nous aurait été suggéré, que nous augmentions le niveau de notre

 17   attaque et que nous passions à un échelon supérieur.

 18   Q.  Est-ce exact de dire que vous et M. Akashi, et d'autres officiers

 19   encore, aviez littéralement supplié de ne pas être mêlés à la guerre de

 20   quelque côté que ce soit; est-ce exact ? Vous aviez affirmé que, de la

 21   sorte, une ingérence stratégique ferait de vous une partie belligérante.

 22   Cela existe dans vos déclarations, dans vos courriers, dans vos

 23   télégrammes, n'est-ce pas ?

 24   R.  Il y avait certainement un débat dans les sphères les plus élevées au

 25   sein des Nations Unies et de l'OTAN, à savoir s'il fallait élargir l'appui

 26   des Nations Unies et exercer une pression politique sur le camp serbe.

 27   C'est quelque chose qui a été rejeté par les Nations Unies comme une voie à

 28   suivre.

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  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut se pencher sur la même page.

  3   Il me semble que c'est la même page. Il faut descendre un peu.

  4   "Ils ont pris les dispositions pour organiser un autre cessez-le-feu le 11

  5   avril. Tout d'abord, l'artillerie serbe a respecté le cessez-le-feu et la

  6   FORPRONU a reconnu que les Serbes de Bosnie  retenaient leurs tirs.

  7   Cependant, peu de temps après…"

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Descendez un peu pour que les interprètes

  9   puissent suivre. Alors, ça doit se trouver à la page d'après. Montrez-nous

 10   la page d'après, s'il vous plaît. C'est cela. On voit que c'est le 11

 11   avril, là où il y a le curseur.

 12   "Très peu de temps après, plusieurs raids musulmans ont reçu une riposte de

 13   la part des Serbes de Bosnie. L'affrontement qui a suivi s'est transformé

 14   en échange de coups de feu, y compris de l'artillerie et de mortiers, de

 15   part et d'autre."

 16   Un peu plus bas, ont dit :

 17   "Ils ont tiré depuis l'intérieur de Gorazde."

 18   Et alors, tout à fait en bas de la page, le général Rose :

 19   "Le commandant sur le terrain des Nations Unies a demandé aux Musulmans de

 20   cesser leurs provocations à Gorazde."

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec ceci ? Vous souvenez-vous

 23   d'avoir déclaré cela ?

 24   R.  Non, je ne me souviens pas d'avoir fait une telle demande.

 25   Q.  Mais ici, on dit : "Indeed."

 26   "Je me souviens de la télévision française le 12," et la page suivante en

 27   anglais, s'il vous plaît.

 28   "…que les Musulmans tirent sur les Serbes afin d'augmenter la pression et

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  1   obtenir une nouvelle intervention de l'OTAN."

  2   Est-ce que vous avez déclaré cela pour la télévision française ?

  3   R.  Je ne me souviens pas si oui ou non j'ai déclaré cela à la télévision

  4   française, mais nous étions d'accord pour dire que c'était la politique

  5   générale du gouvernement de Bosnie que d'essayer d'attirer les forces de

  6   l'OTAN pour les aider dans leur guerre contre les Serbes de Bosnie.

  7   Q.  Alors, puis-je attirer votre attention sur le milieu du paragraphe

  8   suivant, et tout le monde peut le lire. Donc, en d'autres termes, on dit

  9   qu'ils avaient concentré leurs pièces d'artillerie auprès de la Croix-

 10   Rouge, où il y avait donc un signe de la Croix-Rouge, et puis depuis cet

 11   endroit-là ils tiraient des salves contre les Serbes de Bosnie, des forces

 12   des Serbes de Bosnie qui, elles, avançaient vers les rives de la rivière

 13   Drina.

 14   "Alors, les combats d'infanterie se sont propagés pour ce qui est du

 15   secteur est tout entier de Gorazde. Inutile de dire que les Serbes de

 16   Bosnie n'ont pas mis longtemps à réagir à cette action."

 17   Alors, vous souvenez-vous de cette tactique de la part des Musulmans :

 18   placer leurs pièces d'artillerie au centre-ville, autour des hôpitaux ou de

 19   la Croix-Rouge, et alors tirer en direction des Serbes ?

 20   R.  Je ne m'en souviens pas du tout, je n'étais pas là. Vous dites que vous

 21   y étiez vous-même. Moi, j'étais chez moi dans mon quartier général de

 22   Sarajevo, au niveau opérationnel du commandement. Je n'étais pas à un

 23   niveau tactique sur des postes avancés. Comme je l'ai indiqué, nous avions

 24   simplement des observateurs du JCO qui étaient là, et des observateurs

 25   militaires des Nations Unies. Si cela peut vous rassurer, je me suis rendu

 26   peu de temps après à cet endroit et j'ai découvert que l'hôpital - si c'est

 27   l'hôpital dont vous voulez parler - n'avait été touché que par un obus, qui

 28   avait touché le haut du bâtiment qui, d'après le médecin à l'époque,

Page 7388

  1   n'avait provoqué aucun dégât, il n'y avait pas eu de pertes en hommes. Mais

  2   si c'était pris pour cible sans cesse, peut-être qu'à ce moment-là il y

  3   aurait peu de garantie pour ce qui est de l'exactitude de vos tirs

  4   d'artillerie.

  5   Q.  Merci. Ou alors peut-être ne voulions-nous pas leur tirer dessus. Est-

  6   ce que cela peut également être pris en considération, Général ?

  7   R.  C'eut été une explication.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais attirer l'attention de tout un

 10   chacun : on voit le texte afférent à la propagande musulmane, ces deux

 11   passages, "Avant le 15 avril…" donc ça faisait partie de cette tactique.

 12   Montrez-nous, s'il vous plaît, la page d'après.

 13   Il dit :

 14   "Mi-avril, avec Gorazde qui était pratiquement près de s'effondrer,

 15   les opérations aériennes de l'OTAN et les activités militaires se sont

 16   intensifiées. L'équipe de la SAS britannique a élargi de façon

 17   significative la zone de cette infiltration pour identifier, repérer

 18   l'emplacement et indiquer les cibles serbes de Bosnie, afin de mener, après

 19   cela, de nouvelles attaques aériennes."

 20   Et puis ont dit qu'il y a un des soldats qui a été blessé, au cours de ces

 21   combats. Et un peu plus bas dans cette partie, je vous lis : 

 22   "Mais entre-temps, des observateurs des Nations Unies étaient déployés de

 23   façon aléatoire sur des postes avancés tenus par les Musulmans, et

 24   quelquefois à peine à 500 mètres de la ligne de front, sans qu'on eut

 25   averti à l'avance les Serbes de Bosnie. Par conséquent, le personnel de la

 26   FORPRONU faisait soudain irruption dans une position musulmane de Bosnie en

 27   plein milieu d'un combat, de coup de feu, exigeant que les Serbes de Bosnie

 28   arrêtent de tirer, sinon, faute de quoi, ils risquaient des frappes

Page 7389

  1   aériennes de l'OTAN."

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Et puis, est-ce qu'ils ne se sont pas retirés subitement, vous laissant

  4   exposés ?

  5   R.  Je vous l'ai déjà dit, ces observateurs de la commission conjointe se

  6   positionnaient de façon à mieux voir ce qui se passait sur le terrain. A un

  7   moment donné, ils ont été pris, après le retrait des forces du gouvernement

  8   de Bosnie, dans des tirs croisés entre celles-ci, ces forces-là, et les

  9   forces serbes de Bosnie. Malheureusement, un des hommes a été tué, un autre

 10   a été blessé. Je vous l'ai déjà expliqué.

 11   Q.  Merci. Page suivante, s'il vous plaît. Oui, je vois "le 17 avril… On le

 12   voit, les Serbes de Bosnie ont retiré leurs chars et canons principaux à

 13   une distance de trois kilomètres. Ceci s'est fait le 17 avril. Les forces

 14   musulmanes de Bosnie ont exploité l'absence des armes lourdes et ont ouvert

 15   le feu sur les positions serbes de Bosnie."

 16   Un peu plus loin, il est dit :

 17   "Les Musulmans de Bosnie se sont plaints d'une pénurie de munitions et les

 18   Serbes de Bosnie ont insisté pour qu'il y ait une inspection approfondie

 19   des convois humanitaires qui avaient l'autorisation d'aller à Gorazde,

 20   après avoir traversé les lignes serbes de Bosnie. Etant donné que les

 21   Nations Unies avaient joué un rôle essentiel dans le renforcement et

 22   l'établissement des forces musulmanes de Bosnie à Gorazde, ce n'était pas

 23   là une demande, une exigence illogique."

 24   Et un peu plus loin, il est dit :

 25   "Le 18 avril, Karadzic a promis de mettre en œuvre un nouveau cessez-le-feu

 26   unilatéral, celui-là aussi, et de retirer certaines de ces armes lourdes à

 27   3 kilomètres de la périphérie de Gorazde. Ceci allait constituer la

 28   première phase d'un cessez-le-feu. Une fois de plus, peu de temps après le

Page 7390

  1   début du retrait des Serbes de Bosnie, les forces musulmanes de Bosnie ont

  2   ouvert le feu sur les positions serbes de Bosnie, et une fois de plus les

  3   Serbes de Bosnie ont fait demi-tour et ont repris leur pilonnage. Le 18

  4   avril, les Musulmans de Bosnie ont établi une nouvelle position de tir à

  5   longue portée…

  6   "Et les Nations Unies utilisaient toujours le cinquième étage, alors

  7   que les Musulmans de Bosnie avaient fortifié les troisième et quatrième

  8   étages."

  9   Ce qui veut dire qu'ils nous mènent facilement, directement au tir de

 10   l'OTAN et on n'a pas moyen d'y échapper, de s'y soustraire, parce que dès

 11   qu'on fait demi-tour, qu'on leur tourne le dos, ils tirent sur nous.

 12   Mon Général, est-ce que vous avez jamais vu des gens mener là une guerre

 13   dans des conditions aussi difficiles que celles dans lesquelles se

 14   trouvaient les Serbes ? Tout le monde était contre nous, les Musulmans se

 15   servent de stratagèmes, stratagèmes qui sont acceptées par l'OTAN, et

 16   l'OTAN est du côté des Musulmans, clairement.

 17   R.  Pas de commentaire.

 18   Q.  Fort bien.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  On arrive ainsi au bombardement, n'est-ce pas ? Parce que les

 22   bombardements, ils ont commencé le 10. De façon très chevaleresque, vous

 23   avez reconnu que vous aviez sollicité ces frappes aériennes et qu'elles

 24   avaient touché les Serbes ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Voyons ce que faisaient vos hommes.

 27   C'est la page 114 du livre, qui nous intéresse maintenant.

 28   Excusez-moi. Oui, c'est vrai, 1D10137. Mais il faut d'abord se

Page 7391

  1   débarrasser du document qui se trouve à l'écran pour le retrouver après,

  2   mais pour le moment, nous allons prendre le livre écrit par le général

  3   Rose. C'est la page 114 dans votre livre.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le document 1D1037. C'est la cote

  5   donnée au livre écrit par le général.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur les mots mêmes que vous avez

  8   écrits, qui concernent Gorazde.

  9   "Au quatrième col de Gorazde, le "Sea Harrier" qui avait été tout

 10   seul là, avait été abattu, et l'incident s'était produit à la vue d'un

 11   contrôleur aérien avancé qui, à l'époque, parlait au QG de Sarajevo. Puis

 12   nous l'avons entendu dire, 'Un 21 Fortune 5 est en train de suivre le char

 13   le long de la route. Nous sommes en communication avec l'avion que nous

 14   dirigeons sur le char. L'avion peut maintenant voir le char. Il l'a en

 15   pleine vue. L'avion a été touché, il a pris feu. Il est abattu, il tombe,

 16   et je pense que le pilote s'est éjecté. Je vois un parachute.'"

 17   Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre ce que c'est

 18   qu'un contrôleur aérien avancé ?

 19   R.  C'est quelqu'un qui est formé à demander l'intervention de frappes

 20   aériennes.

 21   Q.  Mais est-ce qu'il pointe ? Est-ce qu'il cible ?

 22   R.  Bien, c'est son rôle précis. Il cible, il prend pour cible un objectif

 23   ennemi sur le terrain, effectivement.

 24   Q.  Mais ça se fait au laser ? Comment ça se fait ?

 25   R.  Ecoutez, la technique a bien changé au fil des ans.

 26   Q.  Ça veut dire que s'il y a deux qui participent au tir, s'il y a

 27   quelqu'un dans l'avion il y a quelqu'un au terrain, donc il y a deux

 28   artilleurs ?

Page 7392

  1   R.  Un contrôleur ne va pas tirer lui-même. Il fait intervenir un avion

  2   chargé de le faire.

  3   Q.  Sans doute qu'on ne m'a pas bien interprété. Ce que je voulais dire

  4   c'est que s'il y a deux qui tirent, il y en a un qui établit la cible sur

  5   le terrain, à celui que j'ai laissé entrer dans Gorazde, et celui qui tire,

  6   effectivement, c'est celui qui se trouve dans l'avion ?

  7   R.  Celui qui est sur le terrain, effectivement c'est lui qui guide

  8   l'avion.

  9   Q.  Mais est-ce que ça ne veut pas dire que cet homme devient un combattant

 10   ?

 11   R.  Ça dépend du degré de force utilisé. Ce qui est certain ici c'est qu'il

 12   n'a pas transformé les Nations Unies en combattants. Il était simplement

 13   utilisé à l'appui de la résolution qui nous disait d'employer toutes les

 14   mesures dissuasives possibles s'il y avait des attaques contre les zones de

 15   protection. Si les Nations Unies avaient accepté un degré plus important de

 16   force et avaient été d'accord pour qu'il y ait des cibles stratégiques,

 17   peut-être que vous auriez un argument, mais ce ne fut pas le cas. En tout

 18   cas, ce n'était pas le cas en 1994. Jamais en 1994 nous nous sommes

 19   aventurés sur ce terrain. Nous n'avons jamais emprunté cette voie.

 20   Q.  Permettez-moi, Mon Général, de vous dire que pour les jeunes qui ont

 21   été touchés dans ce char, cela a été un recours à 100 % à la force. Ce

 22   n'était ni opérationnel, ni stratégique ni technique. Pour ma petite armée,

 23   c'était une frappe tout à fait considérable, ne le pensez-vous pas ? Vous

 24   avez fait de ces jeunes gars des combattants parce que vous avez fait

 25   appeler des avions et ils ont été sur terre, ceux qui ont ciblé ce qu'il

 26   fallait toucher, n'est-ce pas ?

 27   R.  Mais il faut faire la différence entre un soldat chargé du maintien de

 28   la paix; il va soit se défendre lui-même, il se défend, ou il exécute le

Page 7393

  1   rôle que lui confère la résolution du Conseil de sécurité adoptée à l'appui

  2   d'une mission de maintien de la paix, sans qu'il y ait combat de guerre.

  3   C'étaient des actions non pas de combattants dans une guerre, mais de

  4   soldats chargés du maintien de la paix, et il faut maintenir clairement à

  5   l'esprit cette distinction.

  6   Q.  Je pense, Mon Général, qu'à l'époque vous étiez beaucoup plus critique

  7   vis-à-vis de l'OTAN, qui a abusé de vous.

  8   Voilà ce que l'amiral Leighton Smith a dit. Il avait renoncé à tout

  9   autre engagement de la FORPRONU et de l'OTAN aussi, compte tenu de cet

 10   avion qui a été abattu. Il faut que vous sachiez, Mon Général, que les

 11   Serbes n'ont pas eu un travail facile qui consistait à abattre des avions

 12   qui étaient envoyés là par l'OTAN en tant qu'avion ennemi. Qu'en pensez-

 13   vous ?

 14   R.  Mais je ne sais pas à quel paragraphe vous faites référence. Je ne suis

 15   pas sûr.

 16   Q.  A cette page où vous transmettez une transcription d'une communication

 17   avec le contrôleur aérien avancé, qui a fait cibler un char qui a été

 18   détruit, à une ambulance, et la photo de l'ambulance, vous l'avez gardée

 19   dans votre bureau. Et en dessous, il y avait un texte : "Bravo, l'OTAN."

 20   Donc vous aviez adopté une attitude critique à l'égard de cet événement,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Je n'avais pas de photographie qui aurait eu comme légende "Bravo,

 23   l'OTAN."

 24   Q.  Je pense que c'était le cas. Est-ce que vous aviez une photo d'une

 25   ambulance qui avait été touchée par l'OTAN à Gorazde ?

 26   R.  Oui. Vous la voyez en [inaudible] de couverture de mon ouvrage, mais il

 27   n'y avait pas comme légende sur cette photographie "Bravo, l'OTAN."

 28   Q.  Bon. Mais après avoir touché au moins un char et une ambulance, l'avion

Page 7394

  1   qui est venu après, lui, a été abattu, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je ne me souviens pas de la chronologie précise des événements, mais je

  3   sais qu'il y a un avion qui s'appelle "Sea Harrier" qui était abattu.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, cette page-ci, nous aimerions demander

  6   son versement.

  7   Est-ce qu'on peut nous montrer le 65 ter 1312, je vous prie.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Vous n'ignorez pas, Général, qu'à plusieurs reprises nos relations se

 10   sont refroidies, notamment vos relations à vous avec mes officiers et mes

 11   généraux, parce que nos positions étaient celles de dire que vous pouviez

 12   tirer en toute liberté si on tirait sur vos soldats à vous. Mais lorsque

 13   vous appelez l'OTAN pour modifier la situation sur le terrain, nous avons

 14   considéré, dans ce cas concret, que vous deveniez combattants de la partie

 15   adverse. Est-ce que vous vous souvenez de ces interruptions que nous avons

 16   connues dans nos relations ?

 17   R.  Je me souviens de ceci lorsque nous sommes allés à Genève en vue de

 18   discussions pour la paix, vos militaires ont refusé de me parler. C'est le

 19   seul souvenir que j'ai. En ce qui nous concerne, nous avions fait recours à

 20   la force de la façon la plus minimale possible, vu les circonstances, et

 21   nous continuions d'essayer d'exécuter notre tâche première qui était

 22   d'acheminer de l'aide humanitaire à la population de Bosnie.

 23   Q.  Bon. Mais ils n'ont pas voulu vous parler à titre personnel, mais c'est

 24   parce que vous aviez appelé l'OTAN à lancer des frappes, donc vous étiez

 25   devenu un ennemi. Vous vous êtes battus contre nous, oui ou non ? Est-ce

 26   que vous étiez "engaged," "engagés" ? Est-ce que vous êtes devenus partie

 27   prenante au combat ?

 28   R.  Je vous l'ai déjà expliqué, non.

Page 7395

  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Cette question, elle est posée au

  2   général, la réponse a été des plus claires, et il va simplement se

  3   contenter de répéter sa réponse, peu importe le nombre de fois où vous

  4   posez la question.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   Est-ce qu'on peut voir ce télégramme qui a été envoyé au secrétaire général

  7   par M. Akashi depuis Zagreb le 24 novembre.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Et ici, au deuxième paragraphe, il dit :

 10   "Le général Rose rencontrait M. Karadzic et a dit que les Serbes doivent se

 11   retirer de la zone de la FORPRONU …"

 12   Puis il a dit que ils n'attaquaient pas les civils, mais qu'il a

 13   l'intention ferme d'entrer dans la ville pour détruire le 5e Corps de

 14   l'ABiH.

 15   Je crois que ça n'a pas été bien traduit :

 16   "Karadzic a dit qu'il n'allait pas attaquer les civils, mais qu'il

 17   avait l'intention résolue d'entrer dans la ville pour détruire le 5e Corps

 18   de l'ABiH. Nous estimons, sur le plan militaire, que ceci va entraîner des

 19   pertes civiles."

 20   Puis il dit qu'il n'y a que vous, le Général Rose :

 21   "…qui avait été aussi en contact avec le président Ganic --"

 22   Puis il dit :

 23   "Car l'exigence principale de Karadzic c'est un cessez-le-feu

 24   général. Nous sommes convaincus que c'est tout ce qu'il acceptera, la seule

 25   chose qu'il acceptera. Il est fort possible que les Serbes poursuivent le

 26   5e Corps de l'ABiH jusque dans la ville. Et ceci pourra avoir des

 27   conséquences que nous devrions endosser, et pour cela il faut votre

 28   décision. Etant donné que les frappes aériennes vont nécessiter des

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  1   attaques sur plusieurs systèmes de défense et des installations fixes, il

  2   n'est pas possible d'employer des avions contre l'infanterie serbe dans une

  3   zone habituée. L'avantage de cette option, c'est la manifestation de la

  4   détermination des Nations Unies. On verra aussi que les Serbes auront payé

  5   un certain prix pour avoir violé une zone de sécurité, et si les frappes

  6   sont suffisamment importantes, ce sera peut-être un effet dissuasif, avant

  7   de nouvelles violations. Cette option va transformer la FORPRONU en

  8   combattant et va exiger son retrait dans des circonstances négatives."

  9   Et ainsi de suite.

 10   Alors il est dit aussi que si recours il y a à des bombardements des

 11   positions serbes, des installations serbes, cela muera la FORPRONU en

 12   partie impliquée dans les combats, n'est-ce pas ?

 13   R.  Vous parliez de quel paragraphe précisément dans cette dernière

 14   question, Monsieur Karadzic ?

 15   Q.  "…cette option transforme la FORPRONU en combattant."

 16   R.  Mais si les frappes sont importantes, c'est précisément ce que je

 17   disais, lui non plus, pas plus que moi, ne voulait. Nous avons d'ailleurs

 18   refusé d'accepter plus de cibles, parce que ça n'aurait plus été du

 19   maintien de la paix. Et je crois que cette lettre qu'il écrit reflète bien

 20   la vie qu'il a.

 21   Q.  Mais est-ce que vous vous souvenez, Général, du fait que ce 5e Corps

 22   nous avait attaqués depuis Bihac, et ils sont arrivés presque jusqu'à

 23   Bosanski Petrovac ? Ils nous ont pris presque 300 kilomètres carrés de

 24   terre serbe et de villages serbes, et ils ont tué et incendié tout ce

 25   qu'ils ont pu tuer et incendier.

 26   R.  Je ne me souviens pas du tout de ça. Quand je suis arrivé en 1994,

 27   Bihac, c'était une enclave qui faisait l'objet de la résolution du Conseil

 28   de sécurité, qui parlait de la sécurité de ces enclaves. La chronologie des

Page 7397

  1   événements qui se sont produits sur le terrain et qui aboutit à l'attaque

  2   serbe menée en novembre dans la région, c'est quelque chose que je ne

  3   connais pas du tout.

  4   Q.  Bien, on y arrivera.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au

  6   dossier ? Il s'agit d'un télégramme envoyé par M. Akashi.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que c'est un document déjà

  8   versé sous la cote P1681.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Est-ce qu'on peut nous montrer une fois de plus le 1D2509, dernière page.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  On restera encore un peu sur Gorazde, et on va en terminer avec Gorazde

 13   bientôt, pour revenir ensuite vers Bihac.

 14   Alors est-ce que vous êtes d'accord, Général, pour dire que sur les six

 15   zones protégées, il n'y en a que deux qui étaient délimitées, c'est-à-dire

 16   il n'y avait que Srebrenica et Zepa qu'on avait posé des frontières qui

 17   étaient établies entre les parties belligérantes ?

 18   R.  Je pense que Sarajevo, c'était bien sûr une zone de sécurité et avait

 19   une délimitation bien claire par rapport aux lignes de confrontation.

 20   Q.  Pour ce qui est de la ligne de confrontation, nous sommes d'accord.

 21   Mais si vous vous en souvenez, lorsqu'il y a eu proclamation de zones

 22   protégées, il y a eu des accords de signés entre les parties au conflit

 23   pour dire où sont les frontières des ces zones protégées, et les documents

 24   des Nations Unies le disent aussi. C'est là le gros problème, parce qu'on

 25   n'avait pas délimité ces zones. Ça, c'est un problème. Et le deuxième

 26   problème, c'est qu'aucune des zones protégées ne s'est vue, effectivement,

 27   démilitarisée, n'est-ce pas ?

 28   R.  Mais ce qui est certain c'est qu'il n'y avait pas de lignes de

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  1   démarcation très nettes autour de toutes les zones de sécurité. Ça, c'est

  2   une première chose. Deuxièmement, nous en avons déjà parlé, les forces du

  3   gouvernement de Bosnie n'avaient jamais été obligées par les Nations Unies

  4   et par la résolution. Le Conseil de sécurité des Nations Unies n'avait

  5   jamais été obligé de démilitariser ces zones de sécurité, pour une raison

  6   manifeste à ce que c'était leur territoire souverain.

  7   Q.  Merci, merci. Penchez-vous là où il y a la date du "28 avril." Le

  8   curseur va peut-être vous le montrer. Nous sommes encore sur Gorazde, et il

  9   est dit :

 10   "Le 28 avril, le général Rose a fait un tour d'inspection de l'enclave de

 11   Gorazde. Il en est revenu très critique par rapport aux Musulmans de

 12   Bosnie. Il a ajouté que ceux-ci avaient exagéré le nombre de blessés et le

 13   degré de destruction infligée à la ville au cours de l'offensive des Serbes

 14   de Bosnie, et ceci pour pousser l'OTAN à une intervention militaire. Le

 15   général Rose a déclaré ceci : 'La situation était bien meilleure que ce

 16   qu'on m'avait amené à croire. On ne peut qu'en en être satisfait.'"

 17   Et ainsi de suite.

 18   Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 19   R.  Oui.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document peut être versé au

 21   dossier ?

 22   Il s'agit de "Task Force" au sujet du terrorisme et de la conduite

 23   des combats non conventionnels --

 24   Document émanant du Congrès américain.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je sais que ceci

 26   vient d'un site qui s'appelle "serbianlinksfreehosting.net."

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ils n'ont fait que le publier, eux, mais ceci a

 28   été présenté --

Page 7399

  1   "…au bureau d'investigation sur le terrorisme et la guerre non

  2   conventionnelle, comité de la recherche des républicains du congrès."

  3   C'est le comité des députés républicains au congrès américain. Mais

  4   maintenant n'importe qui peut le publier. Où que vous alliez sur les

  5   différents sites, vous pouvez le retrouver, ce document.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Cette fois-ci, je ne suis pas d'accord. Je

  8   pense que c'est un document qui ne présente aucun indice de fiabilité.

  9   Manifestement, c'est un document entaché de parti pris, et à plusieurs

 10   reprises le général Rose en a parlé et a montré qu'il n'était pas en aucun

 11   accord avec ce document. Je ne pense pas que ce document ajoute la moindre

 12   chose à la déposition tant orale qu'écrite que le témoin a déjà prestée.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En mon nom personnel, Monsieur Karadzic,

 14   moi, je ne suis pas sûr que ce soit justifié, ce document. Quelle en est la

 15   base ? On dit que c'est un résumé, mais un résumé de quoi ? Qui en est

 16   l'auteur de ce texte ? N'importe qui peut attribuer un bout d'écriture à un

 17   comité d'un parti. On ne trouve aucune référence, donc pour le moment --

 18   enfin, je devrais, bien sûr, en discuter avec mes collègues, mais pour le

 19   moment, je ne suis pas convaincu que vous avez posé des bases justifiant la

 20   recevabilité.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant que vous ne décidiez, j'aimerais vous

 22   dire ce qui suit. C'est un document qui a été envoyé aux Nations Unies. Et

 23   notre document suivant va vous montrer que M. Akashi avait étudié, pris en

 24   considération et qui s'est prononcé à son sujet. Il s'agit d'un comité du

 25   Congrès qui procède à des recherches au sujet du terrorisme et des guerres

 26   inconventionnelles. Et si Mme Edgerton estime qu'il faut d'abord soupeser

 27   l'objectivité de tous les documents, alors tous ses documents à elle

 28   devraient forcément être rejetés avant que nous ne puissions évaluer ces

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  1   documents. Ce serait donc un tribunal au sein d'un tribunal.

  2   Alors, il vous appartiendra à vous de juger si quelque chose est

  3   objectif, mais pas avant de le verser au dossier. Donc, nous pouvons vous

  4   montrer un document montrant que ce document a été présenté aux Nations

  5   Unies.

  6   Alors, j'aimerais qu'on nous montre à cet effet le 1D2508, et vous allez

  7   voir ce qui a été dit à son sujet.

  8   Il y a également des observations relatives à l'objectivité du

  9   document, mais il y a des choses qui sont, de façon indubitable, citées à

 10   très juste titre.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que nous avons le document

 12   auquel vous faisiez référence. Alors, qu'est-ce que vous voulez prouver,

 13   Monsieur Karadzic, ici en nous le montrant ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, ici dans ce télégramme, il est dit :

 15   "En réponse, comme le demandait votre fax du 25 juin 1994, nous avons passé

 16   en revue le rapport du comité de recherche du député républicain du

 17   Congrès, daté du 4 mai 1994, consacré à Gorazde. Il y a un manque

 18   d'objectivité.

 19   "Nos remarques se basent sur l'examen des archives quotidiennes et

 20   des commentaires des observateurs militaires se trouvant à Gorazde à

 21   l'époque au moment des faits."

 22   M. Akashi estime que les UNMO, les observateurs militaires, avaient été

 23   accusés de façon injuste. Mais on a dit que ce n'était pas le cas. Le

 24   général Rose dit que c'étaient des rapports erronés :

 25   "Il ne faut cependant pas oublier que nos observateurs à Gorazde

 26   n'étaient pas nombreux, ils n'étaient pas en mesure de se déplacer

 27   véritablement dans la zone, ils étaient confinés à leurs abris au fur et à

 28   mesure que le conflit s'est intensifié."

Page 7401

  1   En un mot, M. Akashi est en train de défendre ses propres

  2   observateurs, mais il ne conteste pas l'authenticité du document. Est-ce

  3   que quelqu'un dans ce prétoire conteste l'authenticité du document ? C'est

  4   ça la question principale, et il appartiendra aux Juges d'y prêter

  5   attention ou pas.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Afin de pouvoir évaluer et décider de la

  9   valeur probante de ce document, les Juges de la Chambre doivent connaître

 10   les membres de ce comité, ainsi des auteurs des recherches à l'égard de ce

 11   document. Et donc, nous allons, en raison de cela, marquer ce document aux

 12   fins d'identification en attendant le moment où les Juges de la Chambre

 13   seront convaincus du fondement de ce document. Nous allons donner une cote

 14   MFI.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro MFI D684.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce télégramme peut-il être versé au dossier, ce

 17   télégramme à Akashi ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce télégramme sera versé au dossier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro D685, Madame, Monsieur

 20   les Juges.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   Et pouvons-nous maintenant brièvement regarder le D135, qui a déjà été

 23   versé au dossier, au sujet de la démilitarisation des zones protégées.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  En attendant, Général : êtes-vous d'accord que c'est quelque chose qui

 26   -- les forces musulmanes n'auraient pas dû être autorisées à se trouver

 27   dans les zones protégées et à attaquer les villages serbes aux alentours

 28   depuis ces zones protégées, et tout en étant protégés alors qu'ils étaient

Page 7402

  1   à l'intérieur ?

  2   R.  Comme je l'ai déjà expliqué, ces enclaves constituaient un territoire

  3   souverain du gouvernement de Bosnie, et ils étaient en droit d'installer

  4   leurs forces à cet endroit-là.

  5   Q.  Très bien. Mais dans ce cas, il ne s'agissait pas de régions protégées,

  6   parce que les villages voisins constituaient mon territoire souverain, et

  7   ils ont lancé des attaques contre celles-ci, ont massacré des civils, et

  8   vous les avez protégés dans le cadre de ces actions criminelles. N'êtes-

  9   vous pas d'accord pour dire qu'ils n'auraient pas dû attaquer les

 10   territoires serbes depuis les régions protégées, ou pensez-vous peut-être

 11   qu'ils auraient pu le faire, ou qu'ils auraient dû le faire ?

 12   R.  Sans être d'accord avec votre préambule à la question, je suis d'accord

 13   de vous dire que ce n'était pas utile pour le processus de paix et que les

 14   forces des états de Bosnie ont attaqué depuis ces enclaves. Bon, je suis

 15   d'accord sur ce plan-là, en tout cas.

 16   Q.  Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre le sens d'une zone

 17   protégée dans laquelle se trouve un nombre très important de troupes ? Le

 18   secrétaire général a dit qu'il s'agissait de bastions, de bastions armés

 19   qui appartenaient à l'armée musulmane. Comment pouvons-nous réconcilier les

 20   propos du secrétaire général avec le terme de "zones protégées ?" Qu'était

 21   une zone protégée si cette zone protégée comprenait un nombre très

 22   important de troupes, et de troupes qui aient tué des personnes dans la

 23   région en question ?

 24   R.  Cette notion de zone protégée ou de sanctuaire est quelque chose qui

 25   est aussi ancien que la guerre elle-même, et dépend de la volonté des deux

 26   parties au conflit de ne pas utiliser cette zone protégée à des fins

 27   militaires, soit d'attaquer de l'extérieur ou soit d'attaquer depuis

 28   l'intérieur vers l'extérieur. Et c'est fort regrettable pour les Nations

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  1   Unies que les forces de l'Etat bosniaque ait attaqué depuis l'intérieur de

  2   ces zones, parce que ceci n'a pas aidé le processus de paix. Cela, je peux

  3   le dire.

  4   Q.  Merci. En d'autres termes le statut d'une zone protégée se fonde sur un

  5   accord entre les parties belligérantes; c'est exact ?

  6   R.  Un accord avait certainement été conclu avant mon arrivée, et d'après

  7   ce que j'avais compris, c'était entre les forces de Bosnie et les Serbes de

  8   Bosnie à propos de Srebrenica, à l'époque où le général Morillon commandait

  9   la FORPRONU. Mais la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies

 10   dans son ensemble et qui découlait de cet accord était quelque peu

 11   différente au niveau du libellé, et j'aurais pu être d'accord avec ces

 12   résolutions, mais il s'agissait de limiter les actions des Nations Unies et

 13   de dissuader toute attaque encore une fois, contre ce qui avait été appelé

 14   "la protection", ou "la défense", parce que, bien évidemment, ces activités

 15   militaires étaient des actions de guerre et de combat, et ces derniers ne

 16   sont pas en mesure de lancer de telles actions.

 17   Q.  Merci. Nous voyons ici un accord de démilitarisation fait par le

 18   général Halilovic au mois de mai 1993 avec le général Morillon.

 19   Pouvons-nous passer à la deuxième page, s'il vous plaît, de ce document.

 20   Regardons le premier paragraphe :

 21   "Les unités militaires ou paramilitaires devront, soit se retirer de la

 22   zone démilitarisée ou remettre leurs armes. Munitions, mines, engins

 23   explosifs, et équipements de combat dans les zones démilitarisées, qui

 24   seront remis à la FORPRONU.

 25   "Après la remise des armes et des munitions, des mines ou des équipements

 26   de combat dans la zone démilitarisée, les parties contractantes déclareront

 27   que la démilitarisation est terminée.

 28   "Tout ceci sera terminé :

Page 7404

  1   "A. A Srebrenica d'ici le 10 mai 1993, un lundi, et cetera, à 17 heures, et

  2   cetera."

  3   Est-ce que nous pouvons regarder la fin du document, s'il vous plaît, et

  4   est-ce que nous pouvons voir la signature du général Halilovic et du

  5   général Mladic sur la dernière page.

  6   Voici les signatures. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agit

  7   des signatures des trois généraux ? Est-ce ceci qui a servi de fondement à

  8   la démilitarisation, et non pas la souveraineté que nous partagions tous ?

  9   Nous étions tous souverains en Bosnie-Herzégovine. Et est-ce que ceci

 10   constituait le fondement de la démilitarisation et de la protection de ces

 11   zones protégées ?

 12   R.  J'ai dû me conformer aux Résolutions 824 et 836 du Conseil de sécurité

 13   des Nations Unies, et le libellé de ces deux résolutions n'illustre pas ce

 14   qui a fait l'objet d'un accord localement en 1993, avant l'adoption de ces

 15   résolutions, à propos de la démilitarisation.

 16   Q.  Cependant, le droit international de la guerre reconnaît les accords

 17   sur la démilitarisation de certaines zones ou des accords sur le fait que

 18   certaines zones ne doivent pas être attaquées ?

 19   R.  Je ne suis pas un expert en matière de droit international.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la première

 21   page du document, s'il vous plaît.

 22   Article 2 :

 23   "Sur le terrain, la zone de démilitarisation sera indiquée par la FORPRONU

 24   au moyen de pancartes qui déclarent en anglais, en serbe et en bosniaque,

 25   et en cyrillique."

 26   Et cetera :

 27   "Une opération militaire quelle qu'elle soit est tout à fait interdite

 28   (Article 60, Protocole additionnel 1 aux conventions de Genève)."

Page 7405

  1   En d'autres termes, ceci découle du droit international de la guerre et des

  2   conventions de Genève comme partie intégrante de ces dernières.

  3   Q.  Est-ce que vous dites, Général, que nous n'avions pas le droit de nous

  4   défendre d'attaques venant de zones démilitarisées, et qu'eux, à leur tour,

  5   avaient le droit de lancer ces attaques contre nous ? Dites simplement oui

  6   ou non.

  7   R.  Je ne peux répondre qu'en disant que j'étais tenu par les Résolutions

  8   des Nations Unies 824 et 836, qui avaient été adoptées auparavant et dont

  9   je n'avais pas de connaissance. Et il est clair que les forces du

 10   gouvernement de Bosnie n'ont pas démilitarisé et ont continué à attaquer,

 11   malgré les protestations dont nous leur faisions part de temps en temps.

 12   Cela est exact.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaite simplement apporter une correction

 15   au compte rendu d'audience. Nous n'avons pas été autorisés à nous défendre

 16   des attaques, et non pas lancer des attaques contre les zones

 17   démilitarisées.

 18   Est-ce que nous pouvons afficher une séquence vidéo qui est le 1D1408. Vous

 19   reconnaîtrez certainement un jeune homme dans cette séquence. Je souhaite

 20   que nous regardions cette séquence vidéo au point 1:45:33 à 1:46:43.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 23   "Alors qu'il entrait à Gorazde par hélicoptère, on a demandé à Rose des

 24   questions sur les rapports venant par satellite sur le fait que toutes les

 25   maisons avaient été endommagées.

 26   C'est exact, quasiment chaque maison a été endommagée à Gorazde, la plupart

 27   de ceci s'est passé il y a deux ans, lorsque le gouvernement de Bosnie et

 28   les forces ont chassé les Serbes de cette ville, et il y avait 1 200 Serbes

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  1   qui ont été chassés à ce moment-là. La façon de faire la distinction entre

  2   une maison qui a été endommagée par les combats, lorsqu'elle a été touchée

  3   par un obus ou par le nettoyage ethnique, c'est lorsqu'il n'y a aucun

  4   cadre, aucune porte et aucun toit, et qu'il y a des traces d'incendie et

  5   des traces de balles partout sur les dalles, cela indique que cela a été

  6   endommagé par le nettoyage ethnique. Et dans le cas où ceci a été endommagé

  7   par un obus il y a encore des meubles à l'intérieur parce qu'on ne sait pas

  8   où aller. Cela n'est pas quelque chose qui peut nous être communiqué par

  9   satellites, et l'image donnée par la communauté internationale de ce qui se

 10   passait réellement à Gorazde était tout à fait différente. Il fallait

 11   mettre en place des politiques de part et d'autre de l'Atlantique pour

 12   savoir ce que nous devions faire à Gorazde, et ces politiques avaient été

 13   préparées sur la base d'informations complètement erronées."

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous souvenez-vous de cette séquence vidéo ?

 17   R.  Je me souviens fort bien de cette interview, oui, tout à fait.

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

 20   dossier de cette séquence vidéo. Cette vidéo comporte déjà un numéro. Il

 21   est intitulé "Une guerre qui aurait pu être évitée", mais de 1:45:43 à

 22   1:46:43 c'est l'extrait de cette séquence vidéo que je souhaite verser au

 23   dossier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci sera admis.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] ce sera la pièce D686, Madame, Messieurs

 26   les Juges.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et avant que nous fassions une pause pour

 28   aujourd'hui, est-ce que nous pouvons regarder le numéro 65 ter 7228.

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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  En attendant : Général, hier vous avez estimé à juste titre que la

  3   remarque de Mladic portait sur le Corps d'Herzégovine, et cela se trouve

  4   sur la rive droite de la Drina. Il a dit que les Musulmans ne devaient pas

  5   y rester parce que sur la rive droite de la Drina les villages étaient des

  6   villages serbes. Et vous avez dit ceci à juste titre hier.

  7   R.  Je ne comprends pas votre question, Monsieur Karadzic.

  8   Q.  Eh bien, le document faisait état du Corps d'Herzégovine. A Gorazde,

  9   sur la rive droite de la Drina, il y avait le Corps d'Herzégovine, et sur

 10   la rive gauche de la Drina, il y avait le Corps de la Drina qui était

 11   déployé à cet endroit-là.

 12   R.  Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas de connaissance des déploiements

 13   militaires des parties belligérantes, quelles qu'elles soit.

 14   Q.  Merci. Mais ma consoeur, Mme Edgerton, vous a montré un document dans

 15   lequel Mladic donne un ordre au Corps d'Herzégovine aux fins de libérer la

 16   rive droite. Et ceci a été décrit comme si c'était Mladic qui demandait à

 17   ce que les Musulmans soient chassés de Gorazde. D'après ce que vous avez

 18   compris, c'était les Serbes qui se trouvaient sur la rive droite. Ce n'est

 19   pas un ordre donné au Corps de la Drina, plutôt au Corps d'Herzégovine.

 20   Mais c'est ainsi qu'ils ont été déployés. Mais si vous ne le savez pas,

 21   vous ne le savez pas, soit. Ce n'est pas un problème.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons regarder maintenant le

 23   document 7228. Ce n'est pas le document que je souhaitais. Je souhaitais

 24   voir le numéro 65 ter 7228.

 25   Oui, c'est possible.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier,

 27   Madame, Monsieur les Juges, et aura la cote P1658.

 28   L'INTERPRÈTE : Correction : La pièce a déjà été admise sous la cote P1658.

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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est encore mieux.

  2   Regardons le premier paragraphe et le dernier paragraphe.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Ici, le général ou le commandant Milovanovic, le commandant adjoint

  5   envoie des informations au Corps d'Herzégovine, poste de commandement

  6   avancé, le poste de Sarajevo-Romanija, de TG de Visegrad, ainsi qu'à

  7   d'autres unités, et il dit :

  8   "A la réunion conjointe des parties belligérantes et des représentants de

  9   la FORPRONU, les observateurs ont rapporté qu'ils avaient informé les

 10   Nations Unies du fait que l'armée de la Republika Srpska, jusqu'à ce jour,

 11   n'avait pas tiré sur la ville de Gorazde elle-même et que les opérations,

 12   en général, se situaient sur la ligne du conflit et dans les villages

 13   voisins derrière la ligne de conflit. Un tel rapport avantage la Republika

 14   Srpska à empêcher que des résolutions défavorables ne soient adoptées par

 15   le Conseil de sécurité des Nations Unies."

 16   Le dernier paragraphe se lit comme suit :

 17   "La décision du commandant suprême et le commandant de l'état-major général

 18   de l'armée est de poursuivre l'opération de combat légitime, mais d'éviter

 19   d'ouvrir des tirs d'artillerie sur la ville de Gorazde elle-même à tout

 20   prix (c'est quelque chose qui a été respecté jusqu'à présent.)"

 21   Voici ma question : Général --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons tous lire ceci.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que vous-même vous êtes parvenu à la conclusion que la plupart

 25   des tirs - ce que vous avez indiqué dans vos rapports - étaient effectués

 26   sur la ligne de séparation et non pas sur la ville de Gorazde elle-même,

 27   même si c'est ainsi que ceci a été rapporté par les Musulmans ?

 28   R.  Non, je ne suis pas d'accord. L'effort principal du côté des Serbes de

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  1   Bosnie semblait se concentrer sur la rive droite de la Drina, mais il y

  2   avait aussi des pressions exercées tout autour de l'enclave contre

  3   l'enclave par les forces serbes de Bosnie. Je suis sûr que c'est comme cas

  4   que se présentait la situation fin avril. Je n'en suis pas tout à fait sûr,

  5   mais effectivement l'enclave était attaquée par les forces serbes de

  6   Bosnie, même si l'effort principal se concentrait, comme vous le laissez

  7   entendre, sur la rive droite.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience; elle

  9   reprendra demain après-midi.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une dernière question. Une dernière question,

 11   si vous me le permettez.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Mon Général, si nous sommes d'accord pour dire que les villages serbes

 15   se trouvaient sur la rive droite, et nous le voyons ici dans ce clip vidéo,

 16   il y avait eu nettoyage par les Musulmans en 1992, et si Mladic voulait les

 17   libérer, manifestement, il devait quand même engager des forces musulmanes

 18   sur l'autre rive. Vous, officier, vous n'autorisiez pas les Musulmans à

 19   déployer leurs forces sur la rive droite. Comment est-ce que vous auriez pu

 20   libérer cette rive si vous n'aviez pas déployé vos forces partout ? Est-ce

 21   que vous êtes d'accord pour dire que c'était une décision militaire logique

 22   ?

 23   R.  Bien, c'est une question hypothétique à laquelle il m'est impossible de

 24   répondre.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les débats reprendront demain après-midi

 26   à 14 heures 15. La séance est levée.

 27   [Le témoin quitte la barre]

 28   --- L'audience est levée à 19 heures 05 et reprendra le jeudi 7 octobre

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  1   2010, à 14 heures 15.

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