Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 18 octobre 2010

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Je vous avertis que nous allons siéger aujourd'hui jusqu'à 14 heures 30 et

  8   que nous aurons au cours de cette journée deux pauses d'une demi-heure.

  9   Bonjour, Général.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous demander de prononcer la

 12   déclaration solennelle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN : DAVID FRASER [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 18   Veuillez vous installer, Monsieur. Mettez-vous à l'aise.

 19   Oui, Monsieur Tieger, vous avez la parole.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Interrogatoire principal par M. Tieger :

 22   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 23   R.  Bonjour.

 24   Q.  Veuillez d'abord décliner votre identité et votre situation actuelle.

 25   R.  Je suis le général de division Fraser, et je suis commandant de la 1ère

 26   Division au Canada.

 27   Q.  Vous avez déjà déposé ici devant ce Tribunal dans le procès intenté

 28   contre Galic, en juillet 2002, ainsi que dans le procès intenté contre

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  1   Dragomir Milosevic, en février 2007, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-il exact qu'en 1997, en novembre 1997, vous avez fourni une

  4   déclaration au bureau du Procureur ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de passer en revue une déclaration

  7   de synthèse qui reprenait des extraits de ces interventions antérieures,

  8   tant dans les procès qu'au niveau des déclarations ?

  9   R.  Oui.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Peut-on afficher le document de la liste 65

 11   ter 90196.

 12   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document qui porte votre signature,

 13   est-ce bien une version électronique de cette déclaration de synthèse dont

 14   vous avez dit que vous avez eu l'occasion de la relire ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que c'est le reflet fidèle de vos déclarations antérieures, ou

 17   d'extraits, en tout cas, de ces déclarations antérieures ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Et si aujourd'hui je vous reposais des questions sur les mêmes sujets,

 20   est-ce que vous répondriez à ces questions de la même façon ?

 21   R.  Oui.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 23   Juges, je demande le versement du document 90196 de la liste 65 ter, à

 24   savoir cette déclaration consolidée.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est versé au dossier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1762.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Nous allons aussi demander le versement des

 28   pièces connexes. Permettez-moi de relever ceci : à l'exception du 01302 de

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  1   la liste 65 ter, à savoir une lettre en date du 9 octobre 1994, tous les

  2   documents déjà versés dans d'autres affaires le sont effectivement. Ce

  3   document-là a été depuis versé au dossier en tant que pièce P1644. Nous

  4   sommes maintenant à jour s'agissant des pièces connexes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai qu'une question :

  6   11067, est-ce que ça a été téléchargé ? Sinon, à moins qu'il n'y ait des

  7   objections de la part de la Défense, tous ces documents seront versés et

  8   recevront chacun une cote en temps et en heure.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Si vous m'y autorisez, je vais maintenant donner lecture d'un bref résumé

 11   de la déclaration consolidée faite par le présent témoin.

 12   Le général de division David Fraser était assistant militaire du commandant

 13   du secteur de Sarajevo de la FORPRONU d'avril 1994 à mai 1995. Il sert dans

 14   l'armée canadienne depuis plus de 30 ans en tant que commandant, et il a

 15   notamment commandé des sections de mortiers et des formations militaires

 16   avec des tireurs d'élite.

 17   En sa qualité d'assistant militaire, le général Fraser a accompagné le

 18   commandant du secteur dans ses activités quotidiennes, notamment ses

 19   réunions avec les chefs des factions belligérantes au niveau du corps

 20   d'armée. Il a observé que tant le général Galic que le général Milosevic

 21   avaient un commandement et une direction effective du RSK. Par exemple,

 22   après avoir émis des protestations suite à des incidents de tirs isolés, il

 23   y avait une baisse remarquée des tirs isolés à Sarajevo pendant toute une

 24   période. Il a observé et il a conclu que les commandants de corps étaient

 25   effectivement subordonnés à leurs autorités militaires supérieurs et que

 26   les politiques, telles que la liberté de circulation de la FORPRONU,

 27   étaient contrôlées à un niveau plus élevé que celui du Corps Sarajevo-

 28   Romanija.

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  1   Le général Fraser a constaté que l'objectif du siège fait par les

  2   Serbes de Bosnie de la ville de Sarajevo, c'était de maintenir la pression

  3   sur la ville plutôt que de la prendre. Les moyens utilisés pour ce faire

  4   incluaient notamment le fait de contrôler la circulation, le fait de

  5   moduler la quantité d'aide humanitaire autorisée à entrer dans la ville et

  6   le recours à des tirs isolés et à des bombardements.

  7   Ces bombardements étaient aveugles, indiscriminés; par exemple, la

  8   FORPRONU a vu qu'il y avait des pilonnages de la ville alors qu'il n'y

  9   avait pas de cible militaire identifiable. Souvent, il y a eu des

 10   représailles ou des réponses disproportionnées des Serbes à des

 11   provocations musulmanes. Notamment, le général se souvient de tirs de

 12   Musulmans sur Lukavica, ce qui avait provoqué "un barrage intensif de tirs"

 13   sur la ville en réponse.

 14   Et les Serbes de Bosnie ne faisaient pas la différence entre les

 15   cibles militaires et les civils. En réponse aux tirs isolés sur les civils,

 16   des barrières ont été érigées dans la ville de Sarajevo pour protéger ces

 17   civils, et la FORPRONU a établi un groupe de travail antisniping.

 18   Dans ces circonstances, il se souvient que les civils qu'il a

 19   rencontrés lui ont fait part de leur incertitude, de leur terreur à ne

 20   jamais savoir ce qui allait se passer le lendemain, la minute suivante, et

 21   il constate que les civils qu'il a rencontrés étaient "manifestement

 22   traumatisés."

 23   Chaque fois qu'il y a eu des incidents de tirs isolés ou de

 24   bombardements, il y a eu des protestations envers les deux factions

 25   belligérantes partant des observations obtenues, suite à l'analyse de

 26   cratères faite par ce groupe de travail ou après d'autres enquêtes.

 27   Le général Fraser se souvient que vers la fin de son tour de service,

 28   les Serbes de Bosnie ont commencé à utiliser des bombes aériennes à

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  1   Sarajevo, une arme qu'il dit être une "arme de fortune improvisée sans

  2   système guidée." Il n'a pas constaté qu'il y aurait eu de telles armes du

  3   côté du gouvernement de Bosnie. A son avis, ces armes n'avaient pas de

  4   valeur militaire. Il se souvient que lorsqu'on a commencé à utiliser ces

  5   armes, "ça a donné des frissons d'horreur à nous tous."

  6   C'est la fin du résumé.

  7   Je vais poursuivre, mais permettez-moi de dire que le document 11067,

  8   ce document de la liste 65 ter, est désormais téléchargé et se trouve dans

  9   le prétoire électronique.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   M. TIEGER : [interprétation]

 12   Q.  Mon Général, j'aimerais d'abord que nous parlions de la question

 13   des bombardements. Pour ce faire, j'ai quelques questions supplémentaires

 14   pour ce qui est de certains des incidents des bombardements que vous avez

 15   constatés.

 16   Page 52, vous parlez du fait qu'on prenait pour cible des zones

 17   civiles, et à la page 53 de votre déclaration, vous faites état de

 18   bombardements où on ne faisait pas de différence entre les cibles, selon

 19   qu'elles étaient militaires ou civiles. Parlons de cibles militaires. C'est

 20   peut-être une question qui semble aller de soi, mais est-ce que vous saviez

 21   qu'il y avait des soldats et des unités militaires à Sarajevo ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et est-ce que vous saviez qu'il y avait des QG de différentes unités à

 24   l'intérieur de Sarajevo ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  A cet égard, quel était le QG le plus important, disons, ou le plus

 27   élevé, au niveau peut-être d'un corps d'armée, s'agissant des forces serbes

 28   de Bosnie dans la zone de Sarajevo, mais aussi quel était le QG des forces

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  1   musulmanes de Bosnie ?

  2   R.  Il y avait le QG du 1er Corps de l'ABiH dans la ville, et le QG du RSK

  3   qui se trouvait juste au bord de l'aéroport, puis il y avait aussi le QG de

  4   la Défense en ville pour les Musulmans.

  5   Q.  Vous parlez du QG du 1er Corps et du QG du RSK. Est-ce que c'était,

  6   s'agissant de ces deux QG, est-ce que c'étaient les cibles militaires les

  7   plus significatives, les plus importantes dans la zone ?

  8   R.  C'était le commandement, la direction de toutes les forces militaires

  9   de la région qui s'y trouvait et c'était, disons, l'élément-clé dans la

 10   zone.

 11   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges quelle était la fréquence des tirs dirigés

 12   sur ces cibles militaires ?

 13   R.  Pendant tout mon tour de service, à l'exception d'un incident, jamais

 14   on n'a pris ces QG pour cibles, et cette fois-là c'était fin de mon tour en

 15   1995 lorsque les Musulmans ont tiré sur la caserne de Lukavica, lorsque

 16   nous avons reçu des rapports de nos hommes, et nous avons trouvé ça tout à

 17   fait choquant, et il y a eu en réponse un barrage intensif de tirs des

 18   Serbes sur la ville.

 19   Q.  Vous en avez parlé, mais est-ce que vous vous souvenez du type de tirs

 20   dirigés par les forces musulmanes sur Lukavica, combien d'armes furent

 21   utilisées, par exemple ?

 22   R.  Ils ont tiré aux mortiers sur Lukavica. Nous avons protesté, c'étaient

 23   les forces musulmanes qui tiraient, nous, nous nous inquiétions de la

 24   réaction qu'il pouvait y avoir, parce que effectivement il y a eu des tirs

 25   de barrage très intensifs à l'artillerie lourde sur la ville.

 26   Q.  Vous dites "des tirs de représailles sur la ville," est-ce que ça veut

 27   dire que les forces serbes de Bosnie bombardaient après les tirs de

 28   mortiers sur Lukavica où se trouvait le QG du 1er Corps ou est-ce que

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  1   c'étaient d'autres cibles qui avaient été visées ?

  2   R.  Non, on n'a pas tiré sur le QG du 1er Corps d'ABiH. C'étaient des tirs

  3   aveugles sur toute la ville.

  4   Q.  Et c'était important comme tirs ?

  5   R.  C'étaient des tirs disproportionnés. On avait tiré quelques tirs sur

  6   les Serbes, il y avait souvent des tirs de réponse de 20 coups, voire plus.

  7   C'étaient vraiment des réponses très musclées de la part des Serbes.

  8   Q.  Parlons des armements utilisés pendant les bombardements. Vous avez

  9   d'abord parlé de mortiers, et je sais que vous avez été chef d'une section

 10   de mortiers. En général, pourquoi utilise-t-on des mortiers ? Est-ce que

 11   c'est pour tirer sur des structures militaires, des installations

 12   militaires, des militaires ?

 13   R.  En général, c'est pour soutenir des opérations d'infanterie. Ils sont

 14   les plus efficaces lorsque vous avez des gens qui sont à pied dans une

 15   zone, et ils n'ont qu'une valeur très limitée lorsqu'on les utilise pour

 16   tirer sur des installations militaires.

 17   Q.  Est-ce que ce sont des systèmes de grande précision ou bien plutôt qui

 18   visent des surfaces plus générales ?

 19   R.  Ce sont des armes de surface, avec des trajectoires élevées et portant

 20   sur des zones très grandes.

 21   Q.  Est-ce qu'on peut cibler de façon chirurgicale une cible précise

 22   lorsqu'on est dans un milieu bâti à forte densité démographique ?

 23   R.  Non, ce n'est pas ce qu'on utilise lorsqu'on se trouve en pleine ville,

 24   lorsque la population est très condensée dans un secteur de la ville. Leur

 25   utilisation est plus efficace dans un terrain dégagé.

 26   Q.  Vous avez dit que c'était - dans une de vos réponses - "Un système de

 27   surface avec une trajectoire élevée, dans une zone très frappée."

 28   R.  Ce ne sont pas des tirs à vue, et la plupart de ces systèmes n'ont pas

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  1   sur l'ogive de l'obus un système de téléguidage. On utilise des tables de

  2   tirs en fonction de la trajectoire et la probabilité de chute dans une zone

  3   donnée peut être calculée à l'aide de tables. Par conséquent, on les

  4   utilise comme système couvrant des surfaces. Donc on essaie de voir un

  5   quadrillage et on dit, il est probable que l'obus va tomber là. Ce n'est

  6   pas utilisé comme on utilise un char, par exemple, une arme de précision,

  7   un char ou un fusil. Ce sont des armes de couverture de zone.

  8   Q.  Prenons une hypothèse, un obus de mortier tombe sur un bâtiment dans un

  9   milieu bâti où il y a une forte population. S'il tombe sur une installation

 10   militaire --

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est une question directrice, on demande au

 14   témoin de se livrer à des suppositions. Pourquoi le faire dans un

 15   interrogatoire principal ?

 16   [La Chambre de première instance se concerte]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pourriez reformuler votre question.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je ne demande pas des conjectures. Je demande

 19   simplement au témoin ce que serait l'effet d'un obus de mortier sur un

 20   bâtiment. Je ne pense pas qu'il y ait de suppositions --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, mais il y a une partie de votre

 22   question dont on pourrait dire qu'elle guidait le témoin dans sa réponse,

 23   dans une certaine mesure.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 26   M. TIEGER : [interprétation]

 27   Q.  J'étais sur le point de vous demander : si un obus de mortier tombait

 28   ou touche un bâtiment, le touchait, quel serait l'effet de cet impact sur

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  1   les personnes se trouvant dans le bâtiment et sur le bâtiment ? Parlons du

  2   type de bâtiment dans lequel on aurait pu trouver le QG de telle ou telle

  3   unité de l'armée musulmane de Bosnie.

  4   R.  Ce que nous avons vu en guise de bâtiments à Sarajevo, autour de

  5   Sarajevo c'étaient surtout des bâtiments de béton, et les bâtiments où on

  6   aurait pu avoir à l'intérieur des unités de l'ABiH se trouvaient dans ces

  7   bâtiments. Et ces mortiers utilisés contre de tels bâtiments auraient peu

  8   d'effet, voire aucun, en raison du matériel de construction et de la taille

  9   du mortier, la plupart des mortiers étaient de 82-millimètres; ils étaient

 10   trop petits.

 11   Q.  Quel sera l'effet sur les personnes se trouvant dans la zone touchée,

 12   en tout cas la zone touchable, à savoir la zone où l'obus pourrait peut-

 13   être tomber en cas d'explosion, quel serait l'effet sur les personnes

 14   touchées par cette explosion ?

 15   R.  Les mortiers tirés sur des bâtiments auraient peu d'effet, mais ils

 16   auraient un effet certain sur des personnes se trouvant dans un espace

 17   dégagé et des personnes qui ne sont pas protégées.

 18   Q.  Dans votre déclaration vous avez dit que vers la fin de votre tour de

 19   service à Sarajevo, les forces serbes de Bosnie ont commencé à utiliser des

 20   bombes aériennes dont vous avez dit que c'étaient des bombes - ça se trouve

 21   à la page 63 de votre déclaration - vous avez dit que c'était un appareil

 22   de fortune qui peut effectivement voler, mais qui n'a pas de système de

 23   guidage. Et vous avez dit :

 24   "Bon, on vise, on tire avec, puis ça tombe quelles que soient les

 25   capacités balistiques et aérodynamiques de ce dispositif improvisé, et ça

 26   tombe quand ça n'a plus de carburant."

 27   Quelle est la valeur militaire d'une telle arme ?

 28   R.  A mon avis, elle n'a aucune valeur militaire dans un milieu bâti, en

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  1   milieu urbain.

  2   Q.  Alors, à votre avis, pourquoi utiliser de tels engins ?

  3   R.  C'est pour utiliser de façon aveugle, aléatoire, ces armes, et ceci

  4   aura un effet plus dévastateur sur les civils non-combattants et sur les

  5   infrastructures non-combattantes.

  6   Q.  Voyons le document 10691 de la liste 65 ter. Il porte la date du 7

  7   avril 1995. C'est un rapport de combat régulier du RSK, il est signé de la

  8   main du général Milosevic.

  9   Veuillez prendre la page 2 en anglais, c'est aussi la page 2 en

 10   B/C/S. Milieu de page. Je lis :

 11   "A Ilidza PBR, 120 kilos [comme interprété] ont été trouvés [comme

 12   interprété] et une bombe AB de 250 kilos a été lancée sur le centre de

 13   Hrasnica. D'après le centre des interceptions, les Musulmans affirment que

 14   la fusée 'Luna' a atterri."

 15   Est-ce qu'il est ici fait référence à une de ces bombes aériennes dont vous

 16   parlez dans votre déclaration ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Hrasnica, qu'est-ce que c'était comme zone ?

 19   R.  C'était surtout une zone habitée par des civils. C'était un quartier

 20   civil qui se trouvait au pied du mont Igman.

 21   Q.  Allons rapidement au haut de la page 3, en anglais du moins. Je pense

 22   que c'est toujours la page 2 en B/C/S. Ici il est question d'un incident au

 23   cours duquel il y a eu des coups de feu tirés entre la FORPRONU et les

 24   Serbes de Bosnie. On y reviendra peut-être, mais est-ce que vous vous

 25   souvenez de cet incident ?

 26   R.  Oui, parfaitement.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire en quelques mots ce qui s'est passé ce jour-là

 28   ?

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  1   R.  On utilisait la route du mont Igman, en tout cas, les civils

  2   l'utilisaient pour entrer dans la ville et pour en sortir. Les Serbes

  3   avaient tiré sur cette route, ce qui avait provoqué des protestations de

  4   notre part. Et finalement, nous avons placé des soldats des Nations Unies

  5   sur la route pour la protéger. En dépit de cela, les Serbes ont continué de

  6   tirer sur la route, mais aussi sur nous. On en est arrivé à un point où

  7   finalement ils étaient supérieurs en puissance de tirs, parce que notre

  8   système, le système que nous avions, était inférieur par rapport à celui

  9   qu'ils utilisaient pour tirer sur nous.

 10   Q.  Je vous parlais des bombes aériennes.

 11   R.  Excusez-moi.

 12   Q.  Non, non. Vous avez répondu à ma question. Mais est-ce que nous

 13   pourrions revenir un instant au sujet précédent.

 14   A cet égard, prenons un autre document, le document P1201. Ce

 15   document porte la date du 6 avril. Nous allons bientôt le voir apparaître à

 16   l'écran.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le document précédent a été

 19   versé ?

 20   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Merci de me le

 21   rappeler. J'en demande le versement.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est versé au dossier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1782.

 24   M. TIEGER : [interprétation]

 25   Q.  Le document P1201 c'est un document qui vient du commandant du RSK, le

 26   général Milosevic, et qui dit que :

 27   "La Brigade d'Ilidza va se préparer aussitôt à lancer une bombe aérienne

 28   qu'il va transporter sur place à cet effet.

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  1   "Là, il faut choisir la cible la plus utile à Hrasnica ou dans le quartier

  2   dans la cité de Colony, et où il faut essayer de faire le plus grand nombre

  3   de victimes et causer le plus de dégâts matériels possibles.

  4   "M'informer personnellement de l'état d'exécution de cette mission."

  5   A votre avis, y a-t-il un lien entre cet ordre du 6 avril et le rapport de

  6   combat que nous venons de voir, qui date du lendemain ?

  7   R.  Oui, il semble y avoir un lien entre les deux, une corrélation.

  8   Q.  Vu votre expérience, que pensez-vous de la mission qui est donnée ici

  9   dans cet ordre ? Qu'est-ce qu'elle doit faire la Brigade d'Ilidza ?

 10   R.  Je pense qu'on demande aux forces serbes de tirer sur ce qui est

 11   surtout une population civile, et non pas sur la route ni sur les forces de

 12   la FORPRONU.

 13   Q.  Cet ordre, est-il du même genre que ce que vous auriez pu émettre ou

 14   que vous auriez autorisé un de vos subordonnés à émettre ?

 15   R.  D'après ma façon de lire cet ordre, je l'ai vu comme étant

 16   manifestement un ordre illégal. En tant que récepteur de cet ordre, je

 17   n'aurais pas obéi à cet ordre, car il ne concernait pas une cible légitime

 18   - et ce qui est pire, il concernait une cible civile - et aurait pour

 19   résultat de provoquer de nombreuses victimes.

 20   Q.  Général, partons de l'hypothèse -- ou plutôt, je reformule. Existait-il

 21   une unité au sein de l'armée musulmane de Bosnie à Hrasnica ou à Sokolovic

 22   Kolonija ? Est-ce que ceci aurait modifié le caractère illégal du lancement

 23   d'une bombe aérienne comme cela était demandé précisément dans l'ordre ?

 24   R.  La bombe aérienne aurait été une arme totalement inadaptée pour un tir

 25   sur une cible militaire qui était une ville ou une localité densément

 26   peuplée.

 27   Q.  Général, vous avez fait savoir ce que vous aviez appris au sujet du

 28   commandement et du contrôle du Corps de Sarajevo-Romanija, en particulier

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  1   dans le domaine du pilonnage, des tirs embusqués et autres questions

  2   similaires pendant la durée de votre mandat sur place. Je vous demande de

  3   nous dire, d'après votre appréciation, quel était le niveau de commandement

  4   qui aurait été habilité à autoriser, ou plutôt, à ratifier l'emploi de

  5   bombes aériennes à Sarajevo ?

  6   R.  A mon avis, le commandant du Corps de Sarajevo-Romanija exerçait

  7   directement son contrôle sur l'emploi du pilonnage et le recours aux tirs

  8   embusqués dans Sarajevo et dans les environs de Sarajevo.

  9   Q.  Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur un document qui est

 10   le document P1294. Il date du 12 juin 1994.

 11   Général, ce document est un ordre qui est adressé au Corps de Sarajevo-

 12   Romanija alors qu'il provient à l'origine de l'état-major principal de

 13   l'armée de la Republika Srpska. Il date donc du 12 juin 1994. Il concerne

 14   la lettre adressée par la Brigade d'infanterie d'Ilijas directement à

 15   l'état-major principal, qui demandait que des bombes aériennes soient

 16   envoyées sur Vogosca Pretis, et au deuxième paragraphe de cet ordre, nous

 17   lisons que :

 18   "L'état-major principal de la VRS statue sur l'emploi des bombes aériennes

 19   et éventuellement d'un corps d'armée, si l'état-major principal de la VRS

 20   l'a accepté, et pas une brigade selon son plan propre."

 21   Général, ce document correspond-il aux observations que vous avez faites

 22   pendant la durée de votre mandat sur place, pendant vos communications avec

 23   les dirigeants bosno-serbes, dirigeants militaires, et correspond-il à la

 24   situation sur le terrain telle que vous l'avez constatée ?

 25   R.  Ce document confirme notre appréciation de l'époque, à savoir que le

 26   corps d'armée était au contrôle de toutes les forces sur le terrain et

 27   qu'elles opéraient sous la direction de leur quartier général le plus

 28   gradé.

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  1   Q.  Général, j'aimerais vous poser quelques questions au sujet des tirs

  2   embusqués visant des civils, dont vous avez parlé dans votre déclaration

  3   écrite. En page 24 de cette déclaration, Général, vous affirmez que les

  4   tirs embusqués contre des civils étaient une de vos préoccupations pendant

  5   les inspections que vous avez effectuées, et un peu plus loin dans le

  6   texte, vous indiquez que les tirs de tireurs embusqués contre des civils

  7   étaient le fait des deux parties en présence, mais principalement de la

  8   partie serbe. Ceci figure en page 24 de votre déclaration. Ce que je viens

  9   de dire de vos propos correspond-il à peu près à ce que vous avez dit,

 10   Général ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Alors, j'aimerais commencer par vous demander si vous avez pu

 13   déterminer quelle était la partie belligérante qui était responsable des

 14   tirs de tireurs embusqués ? Et je vous demande de le faire sur la base de

 15   ce que vous avez pu constater en telle ou telle occasion ou de ce que vous

 16   avez pu constater pendant toute la durée de votre mission sur place. Y a-t-

 17   il eu des enquêtes particulières qui ont été diligentées ? Est-ce que vous

 18   avez demandé à des groupes spécialisés de suivre ce processus ? Par quelles

 19   sources avez-vous pu déterminer la responsabilité des uns ou des autres eu

 20   égard aux tirs de tireurs embusqués contre les civils ?

 21   R.  Les Nations Unies étaient chargées de veiller à ce que nous ne soyons

 22   pas impliqués dans le moindre problème entre les deux parties belligérantes

 23   sur la ligne de confrontation. Par conséquent, nous veillions avec beaucoup

 24   de soin à déterminer s'il y avait ou pas le moindre incident lié à des tirs

 25   embusqués entre les deux factions belligérantes. Si tel était le cas, nous

 26   nous tenions en dehors. Mais lorsque le problème visait des civils qui

 27   n'étaient pas des combattants, nous intervenions en protestant, et nous

 28   faisions en sorte que cette protestation soit adressée à la faction

Page 8015

  1   appropriée. Et en raison de la topographie du terrain, c'est-à-dire du fait

  2   que nous étions en ville, nous veillions en particulier à déterminer quelle

  3   était la partie qui avait tiré contre des non-combattants. Ce que nous

  4   faisions lorsqu'il y avait un incident, c'était de lancer une enquête soit

  5   au niveau du bataillon, soit au niveau du secteur, aux fins de déterminer

  6   si oui ou non l'incident avait visé des civils, quelle était la partie

  7   belligérante qui était à l'origine du tir, ensuite nous protestions vis-à-

  8   vis de la partie en cause. Nous avions des bataillons sur le terrain qui

  9   étaient responsables de suivre tous ces incidents. Par ailleurs, sur

 10   l'itinéraire que l'on appelait communément l'Allée des tireurs embusqués,

 11   nous avions établi des forces antitireur embusqué qui avaient pour but

 12   d'observer les positions potentielles de tireurs embusqués et de rechercher

 13   dans ces endroits des tireurs tirant sur des civils éventuellement. En

 14   outre, nous avions également, dans le cadre de la "task force" mis en place

 15   des barricades passives pour protéger les civils.

 16   Q.  Mon Général, s'agissant de cette "task force" antitireur embusqué,

 17   voici ma question : qu'est-ce qui a poussé à créer cette "task force"

 18   spécialement consacrée à combattre les tireurs

 19   embusqués ?

 20   R.  Le grand nombre d'incidents à l'intérieur de la ville qui avaient lieu

 21   sur l'Allée des snipers et visaient des civils a exigé de nous que nous

 22   créions cette "task force" qui avait des capacités de reconnaissance et de

 23   surveillance permettant de déterminer la localisation des nids de tireurs

 24   embusqués. Nous avons fait des photographies, nous avons dessiné la plupart

 25   de ces endroits. Par ailleurs, le fait de disposer de tireurs d'élite

 26   susceptibles de riposter à ces tireurs embusqués était également destiné à

 27   protéger les civils de Sarajevo. Et comme je l'ai déjà dit, il y avait

 28   certaines zones qui étaient particulièrement vulnérables aux tireurs

Page 8016

  1   embusqués et qui ont été protégées par des barrages passifs, mais ceci a

  2   été le résultat du fait que des tirs embusqués avaient visé des civils à

  3   l'intérieur de la ville, des civils à bord de tramways ou qui marchaient

  4   dans des zones exposées de la ville.

  5   Q.  Cette "task force" antitireur embusqué s'est-elle familiarisée avec la

  6   localisation des positions de tireurs embusqués, c'est-à-dire de l'endroit

  7   où ils se trouvaient et à partir duquel ils tiraient ?

  8   R.  Oui, cette "task force" connaissait très bien les positions des tireurs

  9   embusqués. Au moins une fois, je me suis rendu sur ces positions avec mon

 10   supérieur, qui était Français. Et les deux factions belligérantes savaient

 11   où étaient déployée la "task force" antitireur embusqué, car nous étions à

 12   l'aire libre. En fait, nous avions des soldats des Nations Unies qui

 13   avaient été abattus par des tirs de tireurs embusqués dans ce quartier.

 14   Q.  Général, vous avez parlé d'enquêtes, vous avez également parlé du

 15   travail d'observation de la "task force" antitireur embusqué, et vous avez

 16   également évoqué des discussions avec les dirigeants militaires bosno-

 17   serbes. S'agissant du dernier point, je vais vous poser quelques questions

 18   sur ce sujet dans un instant, mais pour l'instant, j'aimerais vous poser

 19   quelques petites questions relatives aux enquêtes et à cette "task force"

 20   antitireur embusqué.

 21   D'abord, voici ma première question : eu égard au niveau de certitude

 22   attaché à la responsabilité de l'une ou l'autre des parties au conflit

 23   s'agissant d'incidents liés à des tirs de tireurs embusqués, j'aimerais

 24   vous interroger au sujet d'un certain nombre de ces incidents, ensuite je

 25   vous poserai des questions au sujet de l'aspect global de l'activité des

 26   tireurs embusqués. Mais d'abord, parlons des incidents particuliers. Quel

 27   était le niveau de certitude s'agissant de déterminer la responsabilité de

 28   telle ou telle partie belligérante, en fonction des enquêtes ou des

Page 8017

  1   éléments d'information apportés par cette "task force" antitireur embusqué

  2   ?

  3   R.  La "task force" antitireur embusqué était très compétente pour

  4   déterminer l'origine des tirs liés à des incidents particuliers. Chaque

  5   fois qu'elle pouvait le faire, elle répliquait également en nature aux tirs

  6   des tireurs embusqués. Au cas où elle ne pouvait pas le faire, et

  7   indépendamment de cela, les renseignements qu'elle avait glanés étaient

  8   rapportés au bataillon et au niveau du secteur, et dans tous les cas, nous

  9   protestions pour chacun de ces incidents.

 10   Q.  En fonction de tous les renseignements qui ont été à votre disposition

 11   grâce au travail de la "task force" antitireur embusqué, renseignements

 12   provenant d'enquêtes bien précises ou de vos discussions avec les

 13   dirigeants militaires bosno-serbes, quel était le niveau de certitude que

 14   vous aviez quant au fait que les forces bosno-serbes étaient engagées ou

 15   n'étaient pas engagées dans des attaques contre des civils impliquant des

 16   tireurs embusqués ?

 17   R.  Nous étions certains que les forces bosno-serbes étaient engagées dans

 18   ces attaques contre les civils. Nous avons eu d'innombrables rendez-vous

 19   avec le commandant du corps pour discuter des tirs embusqués et implorer

 20   les Bosno-Serbes d'arrêter de prendre pour cibles les civils avec ces

 21   tireurs embusqués. Ces discussions au niveau du corps avaient pendant un

 22   certain temps un effet positif, pour la plupart d'entre elles, mais cet

 23   effet n'était que temporaire, et le cycle ne cessait de se reproduire avec

 24   aggravation constante, puis amélioration pendant un certain temps, ensuite,

 25   de nouveau, aggravation.

 26   Q.  Eu égard à cet effet positif temporaire, que pourriez-vous dire, si

 27   vous avez quelque chose à dire, au sujet du commandement et du contrôle

 28   exercé par le commandant du corps d'armée et par les dirigeants militaires

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  1   bosno-serbes sur les tireurs embusqués qui tiraient contre des civils ?

  2   R.  A notre avis, les tireurs embusqués qui opéraient étaient sous le

  3   contrôle et étaient réglementés au niveau du corps d'armée.

  4   Q.  Dans ces conditions, je vais vous poser quelques questions sur d'autres

  5   éléments liés au commandement et au contrôle de l'action de ces tireurs

  6   embusqués, en particulier de ceux qui tiraient sur les civils dont vous

  7   parlez dans votre déclaration écrite.

  8   Je vous interrogerai d'abord sur la nature des tireurs embusqués. Je crois

  9   que vous avez indiqué, en page 31 de votre déclaration, que le tir embusqué

 10   est une activité très spécialisée qui implique l'intervention d'un tireur

 11   hautement qualifié, qui peut rapidement se déplacer d'un point à un autre

 12   sans être vu et tirer sur des cibles particulièrement importantes.

 13   Pourriez-vous expliquer le rapport existant entre la nature du tireur

 14   embusqué et la compétence ou les qualités particulières, ou même uniques,

 15   des tireurs embusqués d'une part, et le commandement et le contrôle d'autre

 16   part ?

 17   R.  Les tireurs embusqués sont des hommes particulièrement habiles. Ils se

 18   sont vu enseigner une compétence qui est enseignée à très peu de personnes

 19   et uniquement aux meilleurs, à savoir une combinaison de la capacité de tir

 20   et d'autres capacités tactiques de déplacement sur le champ de bataille

 21   sans être vu. Etant donné que ces hommes sont peu nombreux, ils sont en

 22   général maintenus au niveau le plus élevé des cibles, c'est-à-dire qu'ils

 23   ne sont concernés que par des cibles d'une grande importance pour le

 24   commandement sur le terrain, et on ne les gaspille pas sur n'importe quelle

 25   cible. Ils sont destinés à infliger des pertes importantes, ou même à

 26   décapiter, si je puis me permettre cette métaphore, le commandement et le

 27   contrôle en effaçant un commandant ou en créant un effet qui va briser

 28   l'énergie de l'unité visée. Mais ils ont une compétence tout à fait

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  1   spécialisée qui doit donc être utilisée de façon judicieuse.

  2   Q.  Vous avez parlé d'une compétence spécialisée. Comment appréciiez-vous

  3   le niveau de compétence des tireurs embusqués bosno-serbes de Sarajevo

  4   pendant la durée de votre mission ?

  5   R.  Nous avions au sein des Nations Unies des tireurs d'élite qui étaient

  6   destinés à découvrir les positions des tireurs embusqués du côté serbe. A

  7   leur avis, ils avaient en face d'eux une force très professionnelle, car

  8   lorsque des amateurs interviennent dans ce domaine, ils sont tués très

  9   rapidement, ils sont facilement découverts, on les réduit à néant

 10   rapidement, et les hommes à la recherche desquels nous étions et qui

 11   tiraient sur des civils étaient difficiles à trouver. Ils tiraient à partir

 12   de divers endroits dans un même bâtiment, ce qui démontrait leur capacité

 13   qui n'était pas une capacité égale à celle de n'importe quel tireur, et nos

 14   tireurs d'élite ont eu beaucoup de mal à découvrir ces hommes. Donc ce que

 15   je veux dire, c'est que l'appréciation chez nous était que ces hommes

 16   étaient des professionnels.

 17   Q.  Général, je voudrais maintenant vous soumettre trois documents qui

 18   concernent le même sujet. Et avant de vous demander un commentaire ou une

 19   réponse, j'aimerais vous donner la possibilité d'en prendre connaissance.

 20   Le premier c'est le document 65 ter numéro 15725. C'est un rapport de la

 21   1ère Brigade d'infanterie d'Ilijas adressé au commandement du Corps de

 22   Sarajevo-Romanija en date du 13 janvier 1995, suite à la réception d'un

 23   ordre d'entraînement qui comportait des propositions.

 24   J'aimerais appeler votre attention sur la page 2 de la version anglaise,

 25   qui correspond à la page 3 de la version B/C/S. Le passage qui m'intéresse

 26   est au milieu de la page, où il est question de :

 27   "… quatre instructeurs qui sont chargés d'entraîner les tireurs d'élite,

 28   qui vont assister à un stage à la fin du mois de janvier de cette année, et

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  1   pour lesquels nous recommandons les membres suivants de notre brigade :"

  2   est-il dit dans le texte.

  3   J'aimerais maintenant appeler votre attention sur la page 3, toujours au

  4   milieu de la page dans la version anglaise du texte :

  5   "Nous recommandons les améliorations et les modifications suivantes au

  6   programme :

  7   "Cours de tireur d'élite : Nombre de classes pour le sujet numéro 3 doit

  8   passer de 13 à 15; le nombre d'entraînements pratiques doit être de 6."

  9   J'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur le document 65 ter numéro

 10   15507.

 11   Page 4 de la version anglaise et de la version B/C/S.Ce document est un

 12   rapport émanant du commandement de la 3e Brigade d'infanterie de Sarajevo

 13   et qui est adressé au commandement du Corps de Sarajevo-Romanija, et ce

 14   rapport est envoyé suite à la réception d'un ordre strictement confidentiel

 15   datant du 5 janvier. Comme je vous l'ai déjà dit, j'aimerais que vous vous

 16   penchiez sur une partie du texte qui se trouve en page 4, qui se lit comme

 17   suit, je cite :

 18   "Nous recommandons les hommes suivants pour entraînement en qualité de

 19   tireurs embusqués :"

 20   Ensuite, il y a une liste de noms et le passage se termine par les mots

 21   suivants, je cite :

 22   "Nous recommandons que l'entraînement soit réalisé à Lukavica."

 23   Pour finir sur ce sujet, Général, j'aimerais que vous examiniez un passage

 24   du document P1613. Ce document est un ordre qui provient du général

 25   Milosevic, en date du 19 janvier 1995, M. Milosevic étant le commandant du

 26   Corps de Sarajevo-Romanija, il a pour objet le détachement et le transfert

 27   des instructeurs de tireurs d'élite destinés à mener l'entraînement dans la

 28   caserne de Jahorina, et il est destiné à l'entraînement de l'état-major

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  1   principal de la VRS. Si vous vous penchez rapidement, Général, sur cet

  2   ordre, vous constaterez qu'il précise la date et l'heure du transfert des

  3   instructeurs de tireurs d'élite dans le secteur de la caserne de Jahorina,

  4   et qu'il comporte également d'autres éléments d'information relatifs à cet

  5   entraînement, en précisant que cet ordre doit être réalisé complètement,

  6   puis nous parvenons au passage suivant, je

  7   cite :

  8   "…je tiendrai les commandants de brigade personnellement responsables."

  9   Général Fraser, ayant examiné ces trois ordres et rapports, pouvez-vous

 10   nous dire s'ils correspondent ou s'ils ne correspondent pas à votre

 11   appréciation quant aux capacités et au professionnalisme des tireurs

 12   embusqués qui intervenaient à Sarajevo du côté bosno-serbe pendant la durée

 13   de votre mandat ?

 14   R.  Ces ordres et ces rapports indiquent l'importance qu'accordaient les

 15   Bosno-Serbes à l'entraînement, et dans le cadre de l'entraînement,

 16   l'importance toute particulière qu'ils accordaient à l'entraînement des

 17   tireurs embusqués, ce qui ressort manifestement des explications que l'on

 18   trouve dans chacun de ces documents quant au caractère très spécial des

 19   hommes qui sont proposés comme candidats à l'entraînement, et le dernier

 20   rapport confirme, en fait, notre première appréciation, à savoir que ces

 21   tireurs embusqués étaient un atout très important pour les Bosno-Serbes

 22   puisqu'ils étaient placés sous le contrôle direct du commandant du corps

 23   d'armée par cet ordre dans lequel il est indiqué que les tireurs embusqués

 24   et le carburant sont concernés et que les commandants de brigade seront

 25   tenus personnellement responsables de la réalisation de l'ordre. On ne peut

 26   pas être plus précis quant à l'indication des priorités d'un commandant de

 27   corps et quant au fait qu'il tient à placer cette action sous son contrôle

 28   personnel.

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  1   Q.  Général, dans votre rapport consolidé, vous indiquez qu'il y a d'autres

  2   éléments en rapport avec le commandement et le contrôle par les dirigeants

  3   militaires bosno-serbes sur les tireurs embusqués. L'un d'eux est évoqué en

  4   page 25 de votre déclaration consolidée, où vous dites, je cite :

  5   "A mon avis, ces tireurs embusqués agissaient sur ordre d'un organisme plus

  6   gradé que le simple secteur, parce que les trois secteurs que j'ai décrits,

  7   Sedrenik, l'Allée des tireurs embusqués, et l'aéroport, étaient fréquentés

  8   par de nombreuses brigades serbes."

  9   Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre quel est le sens à donner au fait

 10   que les tireurs embusqués agissaient dans divers endroits où des unités

 11   hiérarchiquement différentes sur le plan de leur importante étaient

 12   déployées ?

 13   R.  L'action des tireurs embusqués dans la ville semblait correspondre à un

 14   schéma qui était pratiqué dans toute la ville, du point de vue de la

 15   répartition des brigades, il nous est apparu à l'époque qu'il y avait

 16   quelqu'un qui élaborait un plan pour contrôler cette activité dans la ville

 17   et qu'il ne s'agissait pas simplement de trois brigades qui faisaient leur

 18   petit travail chacune dans leur coin. Le fait que ces tireurs embusqués

 19   étaient des hommes hautement spécialisés, le caractère systématique de

 20   leurs actions nous a amenés à penser qu'il s'agissait d'une action

 21   coordonnée à un niveau supérieur. Les documents que je viens d'examiner

 22   confirment d'ailleurs notre appréciation de l'époque, à savoir qu'il

 23   s'agissait d'une action qui était de grande importance pour le corps

 24   d'armée et qui était donc contrôlée au niveau du corps d'armée et planifiée

 25   à ce niveau également.

 26   Q.  Général, vous avez parlé précédemment de rencontres que vous-même et

 27   d'autres responsables militaires des Nations Unies avez eues avec des

 28   dirigeants militaires bosno-serbes pour protester contre les tirs embusqués

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  1   visant des civils, et vous avez dit qu'il y avait dans ces cas-là une

  2   décrue au moins temporaire de leurs actions par la suite.

  3   J'aimerais vous soumettre un aspect lié à ces réunions. Je crois que

  4   c'est en page 22 de votre déclaration que vous dites, je cite :

  5   "Je peux qualifier les rencontres avec lui comme commençant par une

  6   espèce de leçon, par un refus de l'objet que nous avions donné à la

  7   discussion. Mais il y avait ensuite un certain degré de reconnaissance de

  8   l'action des tireurs embusqués en ville."

  9   Général, vous disiez que ce serait une bonne chose si un accord anti-tireur

 10   embusqué était conclu. S'agissant de ces rencontres avec le général Galic.

 11   J'aimerais vous prier de consacrer votre attention sur un autre

 12   document, le document 65 ter numéro 19248.

 13   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je demande au préalable le

 14   versement au dossier des deux documents liés à l'entraînement des tireurs

 15   embusqués dont il a été question précédemment. A savoir les documents 65

 16   ter numéros 15725 et 15507.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ils sont admis.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et deviennent les pièces P1783 et P1784

 19   respectivement, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 20   M. TIEGER : [interprétation]

 21   Q.  Prenons maintenant le document 19248 de la liste 65 ter, c'est un

 22   rapport consécutif à la réunion du 24 juin en 1994. C'est un rapport fait

 23   par le général Galic. Je vais maintenant vous demander de vous intéresser

 24   au passage qui commence vers le bas de la page, il y est écrit "Discussions

 25   et conclusions," voici ce qui est dit par la suite : 

 26   "Le général Soubirou a parlé de l'aspect humain de l'accord portant sur la

 27   cessation des activités de tireurs embusqués. Le général Galic est d'accord

 28   pour dire que c'est là une utilisation inhumaine qui est faite des tireurs

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  1   embusqués, il a ajouté qu'il s'opposait à un accord partiel, il a insisté

  2   pour dire qu'un accord global était possible.

  3   "J'ai accepté l'explication, mais j'ai souligné le fait que l'accord signé

  4   le 9 février 1994 portait également sur ce problème. J'ai insisté tout

  5   particulièrement pour dire que l'accord conclu et qu'il était supposé

  6   appliquer jusqu'à présent n'a pas été respecté par les Musulmans, et que la

  7   FORPRONU n'avait rien fait pour les forcer à respecter cet accord."

  8   C'est une réunion qu'a le général Galic avec le général Soubirou, est-ce

  9   qu'à l'époque vous étiez présent à la réunion, est-ce que vous vous en

 10   souvenez ?

 11   R.  Oui, je pense avoir été présent.

 12   Q.  Ma première question sera celle-ci : le rapport qui est fait ici de

 13   cette réunion cadre-t-il bien de façon générale avec le souvenir que vous

 14   avez de la façon dont ces réunions en général - et cette réunion-ci en

 15   particulier - se déroulaient lorsqu'il y avait expression de manifestations

 16   et des réactions en ce qui concerne les dirigeants bosno-serbes, les

 17   dirigeants militaires s'entend ?

 18   R.  Oui, c'était tout à fait caractéristique, c'est un cas classique de la

 19   façon dont ces réunions étaient menées par le commandant du Corps des

 20   Serbes de Bosnie.

 21   Q.  Les tirs embusqués des forces musulmanes comme des forces serbes de

 22   Bosnie dirigés sur les civils, était-ce un sujet de discussion ?

 23   R.  Nous avons parlé effectivement du fait que des civils étaient pris pour

 24   cibles par les deux factions. Nous leur avons dit à ces factions qu'elles

 25   devaient cesser ces activités, car c'étaient là des activités inhumaines

 26   qui étaient contraires à toutes les règles régissant les conflits armés.

 27   Q.  Est-ce que le général Galic a démenti le fait que les forces serbes se

 28   livraient à des tirs embusqués sur des civils ou est-ce qu'il a protesté

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  1   pour dire que les forces musulmanes de Bosnie le faisaient aussi ?

  2   R.  En règle générale, il pontifiait et il démentait cela au début, mais au

  3   cours de la conversation il commençait à reconnaître que ça se passait. Il

  4   accusait l'autre camp d'avoir commis ces actes. Mais normalement, après ces

  5   réunions, on constatait une légère amélioration de la situation sur le

  6   terrain. Nous en avons conclu qu'il prenait note de ce que nous avions dit,

  7   et que quelque part quelqu'un l'écoutait et améliorait la situation en ce

  8   qui concerne les civils. Mais ce n'était là qu'une amélioration temporaire.

  9   Q.  Dans votre déclaration consolidée, vous parlez des efforts des Serbes

 10   de Bosnie qui cherchaient à maintenir le contrôle de toute la ville,

 11   notamment en imposant des restrictions sur le volume d'aide humanitaire qui

 12   pouvait parvenir à la ville. Je crois que c'est à la page 5 de votre

 13   déclaration, et vous dites que les forces serbes de Bosnie voulaient

 14   maintenir la pression sur la ville en contrôlant l'arrivage d'aide

 15   humanitaire. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez constaté pendant

 16   votre tour de service ?

 17   R.  Oui. Ils excellaient à déterminer la quantité d'aide que nous avions et

 18   qui arrivait dans la ville, qui était stockée en ville, et tout ceci était

 19   contrôlé par eux dans la mesure où ils stoppaient des convois. Je me

 20   souviens que nous n'avons pas eu de denrées fraîches pendant 20 jours.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous demandez le versement de ce rapport

 22   ?

 23   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. J'avais oublié, Monsieur le

 24   Président. Tout à fait.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est versé au dossier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1785.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Je vais vous poser une question à propos du système de contrôle et de

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  1   direction à propos d'autres aspects de ce qui se passait à Sarajevo ou de

  2   ce que faisaient les forces bosno-serbes à Sarajevo. Mais maintenant,

  3   parlons de cette même question du contrôle du commandement en ce qui

  4   concerne la quantité d'aide humanitaire qui pouvait être acheminée, des

  5   restrictions qui étaient imposées en matière d'aide humanitaire.

  6   A cet égard, nous allons examiner le document 07651 de la liste 65 ter.

  7   Vous voyez ici un rapport de l'état-major principal de l'armée de la

  8   Republika Srpska, la VRS, en date du 14 avril 1994, ce rapport est envoyé

  9  au président de la Republika Srpska, aux commandements du 1er et du 2e Corps

 10   de Krajina, au Corps Sarajevo-Romanija, ainsi qu'à d'autres corps, et aussi

 11   à l'état-major général de l'armée yougoslave. Nous allons examiner deux

 12   extraits qui se trouvent en fin de rapport, bas de page 3 en anglais, tout

 13   d'abord, ce sera la page 3 en B/C/S, voici ce qui est dit :

 14   "Situation sur le territoire :

 15   "Pendant la journée, il n'y a pas eu de circulation d'équipes ni de convois

 16   de la FORPRONU, ni d'organisations humanitaires sur tout le territoire de

 17   la Republika Srpska. Le commandement Suprême avait pris une décision en

 18   matière de restriction de mouvement et elle est mise en œuvre."

 19   Prenons aussi un passage tout à la fin du document, je lis :

 20   "Pour assurer la poursuite de l'exécution de la décision prise par le

 21   commandement Suprême en ce qui concerne la suspension des relations avec le

 22   commandement de la FORPRONU et la restriction de la circulation ou des

 23   déplacements des équipes et convois de la FORPRONU et des organisations

 24   humanitaires."

 25   Est-ce que ceci correspond bien à ce que vous disiez lorsqu'il s'agissait

 26   de savoir qui contrôlait ces restrictions imposées à l'acheminement de

 27   l'aide humanitaire pendant votre tour de service à Sarajevo ?

 28   R.  Oui, ceci correspond très bien à l'évaluation que nous avions faite, à

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  1   savoir que l'aide humanitaire et notre liberté de circulation étaient

  2   contrôlées par les Serbes.

  3   Q.  Vous présentez deux autres documents -- mais auparavant, avant que vous

  4   ne me posiez la question, Monsieur le Président, je vous demande le

  5   versement du document.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1786.

  8   M. TIEGER : [interprétation]

  9   Q.  Deux documents supplémentaires qui portent sur le fait de maintenir la

 10   pression sur la ville, comme vous le dites à la page 5 de votre

 11   déclaration, en exerçant des pressions sur les organisations humanitaires

 12   et sur la FORPRONU en matière d'aide humanitaire. Nous avons d'abord le

 13   document 1331 de la liste 65 ter. 11331, c'est le numéro que devrait porter

 14   ce document.

 15   Je vous avais demandé, Mon Général, de voir un document relatif aux

 16   événements survenus le 7 avril 1995. Mais ici nous avons un document qui

 17   est un ordre donné par le général Milosevic le 26 novembre 1994, il est

 18   adressé au commandant de la Brigade d'infanterie d'Ilijas. Il dit ceci :

 19   "Suite à l'ordre donné oralement par le commandant de l'état-major

 20   principal de la VRS, répétez aussitôt immédiatement la tâche donnée dans

 21   mon ordre strictement confidentiel 2015-342 [comme interprété] du 24

 22   novembre 1994.

 23   "Faites attention à l'utilisation que vous faites des munitions.

 24   "Informez-moi personnellement de l'exécution de la mission.

 25   "Vous devez tirer sur le centre des forces de la FORPRONU qui sont

 26   déployées."

 27   Est-ce que ceci correspond bien à l'évaluation que vous avez faite pendant

 28   votre tour de service, à savoir qu'on faisait pression sur la FORPRONU,

Page 8028

  1   notamment en attaquant les forces de la FORPRONU ? Est-ce que ceci

  2   correspond bien à ce que vous avez dit quant à la question de savoir où se

  3   situait le degré ou l'échelon de commandement et de contrôle ?

  4   R.  Ce document correspond très bien à notre analyse de la situation à

  5   l'époque. Ça correspond aussi aux attaques menées sur nos propres forces,

  6   et ceci confirme que c'est une violation directe des règles, puisque vous

  7   avez un chef de corps qui ordonne de tirer sur les forces des Nations

  8   Unies, et nous, nous n'étions pas en guerre ni en situation de conflit avec

  9   les forces serbes. Vraiment, je suis dégoûté de voir ceci.

 10   Q.  Un dernier document, ce sera le document 09250 [comme interprété] de la

 11   liste 65 ter. C'est un ordre donné par l'état-major principal de la VRS le

 12   13 avril 1994. Il concerne le traitement réservé aux membres des

 13   organisations internationales sur le territoire de la Republika Srpska.

 14   L'ordre est donné par le général Mladic qui l'envoie à divers commandements

 15   et QG. Il dit ceci, je

 16   lis :

 17   "Les observateurs militaires des Nations Unies et les membres de la

 18   FORPRONU doivent être logés dans des lieux adéquats en dehors des

 19   installations où ils sont cantonnés à la date d'aujourd'hui; c'est-à-dire

 20   dans des installations militaires qui peuvent constituer une cible des

 21   forces aériennes de l'OTAN. Choisissez vous-mêmes."

 22   Puis il est dit que ces observateurs militaires des Nations Unies et ces

 23   membres de la FORPRONU doivent se voir interdire tout contact ou toute

 24   communication avec d'autres. Ils doivent rester isolés.

 25   Est-ce que cet ordre donné par le général Mladic est conforme à l'analyse

 26   que vous avez faite à l'époque, vu l'expérience que vous avez du terrain

 27   là-bas, vu les contacts que vous avez eus avec les dirigeants militaires

 28   bosno-serbes et tous les faits que vous aviez à votre disposition ? Est-ce

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  1   que ceci correspond à ce que vous disiez s'agissant du commandement et du

  2   contrôle qu'il y avait des actions dirigées sur les forces de la FORPRONU ?

  3   R.  Ce document cadre bien avec l'expérience que nous avons eue des forces

  4   bosno-serbes sur le terrain. Il démontre qu'il y a un système de

  5   commandement et de direction très efficace, très effectif, sous la tutelle

  6   du général Mladic, qui veut que s'appliquent ces conditions et qui traite

  7   les membres de la FORPRONU comme si c'était des prisonniers de guerre alors

  8   que nous n'étions pas partie au conflit.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement de ce document et du

 10   document précédent.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, les deux documents sont versés.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 11331 deviendra la pièce

 14   P1787, et le document 09250 deviendra la pièce P1788.

 15   M. TIEGER : [interprétation]

 16   Q.  Enfin, Mon Général, nous allons revenir sur une autre partie de votre

 17   déclaration consolidée pour faire toute la lumière sur ce point.

 18   Page 73 de cette dite déclaration, vous dites que vous avez passé, vous et

 19   d'autres responsables avez passé beaucoup de temps à vous déplacer en ville

 20   à parler avec notamment des habitants de la ville qui travaillaient pour

 21   les Nations Unies, et que ce faisant vous leur demandez quelles étaient

 22   leurs conditions de vie, quelle était leur réalité quotidienne, et je vous

 23   cite :

 24   "Chaque fois, ils ont exprimé l'incertitude et la terreur qui les habitait

 25   de ne jamais savoir ce qui allait se passer dans le moment qui suivait."

 26   Et vous avez dit qu'ils étaient "traumatisés, manifestement traumatisés."

 27   Ce sont vos propres mots.

 28   Ceci se lit, bien sûr, dans un contexte, et je ne veux pas qu'il y ait la

Page 8030

  1   moindre trace d'ambiguïté. Mais pour ce qui est de la cause de cette

  2   terreur, qu'est-ce que c'était, cette cause ?

  3   R.  La terreur c'était le résultat de plusieurs facteurs. C'était une ville

  4   assiégée. L'aide humanitaire était contrôlée par les Serbes. Ces personnes

  5   étaient pilonnées, étaient la cible de tirs embusqués, et quand on sortait

  6   de chez soi on ne savait pas ce qui allait vous arriver, et c'était risquer

  7   sa vie chaque fois qu'on sortait de chez soi, qu'on franchissait le pas de

  8   sa porte. Quelqu'un m'a dit, je ne l'oublierai jamais, dans les années 40,

  9   quand le régime c'était le régime nazi, c'était bien mieux que pendant

 10   cette guerre civile en Bosnie. Ce n'est pas une bonne chose à dire, mais

 11   ceci montre et replace ceci dans son contexte, que c'était les pires

 12   conditions de vie imaginables qu'on pouvait avoir à cette époque-là dans la

 13   ville de Sarajevo.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.

 15   Ce sera la fin de mon interrogatoire principal, Monsieur le Président,

 16   Madame et Messieurs les Juges.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 18   Est-ce que nous allons faire une pause avant que vous ne commenciez votre

 19   contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, d'accord.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause d'une demi-

 22   heure. Nous reprendrons les débats à 11 heures moins 05.

 23   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

 24   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, c'est à vous.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   Qu'il me soit permis une fois de plus de faire remarquer que le temps qui

 28   m'a été alloué pour ce témoin important ne risque pas de suffire, d'autant

Page 8031

  1   plus que M. Tieger, mon éminent confrère, ici, a abordé le témoin de façon

  2   ambitieuse, et de la sorte nous avons obtenu énormément de décisions d'un

  3   caractère général. Et avec l'aimable coopération du général Fraser, il nous

  4   faudra approfondir quelque peu ces sujets afin que les choses soient

  5   objectivement présentées et présentées de façon utilisable.

  6   Bonjour à tous et à toutes.

  7   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Général Fraser.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Je voudrais vous remercier d'abord de votre amabilité pour le contact

 11   par "videolink" avec les conseils de la Défense, et je crois bien que nous

 12   avons pu tomber d'accord sur certains points qu'il nous faudra confirmer,

 13   donc répéter ici aujourd'hui.

 14   Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que les Juges de la

 15   Chambre devraient laisser de côté les parties de votre déclaration qui se

 16   rapportent à des périodes où vous n'avez pas été vous-même là-bas ?

 17   R.  Je ne suis pas tout à fait certain du fait qu'il m'appartienne de le

 18   dire à moi.

 19   Q.  Mais vous serez d'accord pour dire qu'il y a des déclarations ou des

 20   éléments de déclarations qui se rapportent à Gorazde pour des périodes où

 21   vous n'étiez pas là-bas vous-même ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je voudrais vous

 23   conseiller de passer au sujet suivant, parce que ce n'est pas une question

 24   à poser au témoin, comme il vient de vous le dire.

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 26   Q.  A un endroit, vous avez dit que les Serbes n'avaient pas demandé l'aide

 27   des Nations Unies, alors que les Musulmans avaient protesté ou demandé de

 28   l'aide. Est-ce que je peux vous demander quelles sont les sources qui ont

Page 8032

  1   été vos sources d'information pendant que vous vous trouviez dans Sarajevo

  2   ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes probablement en train de

  4   demander une référence.

  5   M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Merci.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

  7   nous donner la référence que vous êtes en train

  8   d'évoquer ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est une partie de la déclaration. Il va

 10   falloir que je retrouve le passage de cette déclaration du général, ça

 11   risque de me prendre un peu de temps, mais en moins d'une minute, je pense

 12   pouvoir trouver.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous vous souvenez d'avoir déclaré chose pareil, Général ?

 15   R.  Non, je ne m'en souviens pas. Vous allez devoir être plus concret.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que l'erreur est la mienne.

 17   J'ai lu votre déclaration de 1997, et il m'a semblé que c'était la

 18   déclaration amalgamée. Or en page 11 de cette déclaration, il y a un

 19   passage similaire qui va à cet effet, à savoir que :

 20   "Les Serbes n'avaient jamais demandé notre aide. Ils ont eu une attitude

 21   plutôt fataliste, et ils s'en sont servis pour faire montre de situation de

 22   faiblesse dans la campagne."

 23   Vous souvenez-vous de ce type de passage ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens d'avoir dit quelque chose à cet

 25   effet.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est à cela que vous avez

 27   fait référence, Monsieur Karadzic ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Votre Excellence. Merci. Ce que je voulais

Page 8033

  1   demander au général Fraser, c'est de nous dire quelles ont été ses sources

  2   d'information, étant donné que les Serbes n'ont pas beaucoup fait de

  3   jérémiades, et n'ont pas demandé d'aide, et ils n'ont pas non plus

  4   grandement informé sa partie.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Je voudrais qu'il nous dise quelles ont été ses sources d'information

  7   pour ce qui est de la période où il a été là-bas ?

  8   R.  Nous nous sommes entretenus avec les commandants des corps serbes,

  9   c'est-à-dire avec le commandant du corps serbe, et c'est là que

 10   l'expérience que j'ai eue se trouvait être limitée, puisque c'est mon

 11   commandant qui s'est entretenu avec le commandant du corps serbe. Et nous

 12   nous sommes également entretenus avec la partie musulmane, c'est-à-dire le

 13   commandant du corps musulman; en sus, mon commandant s'est entretenu avec

 14   la direction du gouvernement musulman, et dans d'autres opportunités, il

 15   accompagnait le général Rose pour s'entretenir avec la direction serbe. Par

 16   conséquent, nos sources d'information c'étaient les leaders soit musulmans,

 17   soit serbes, et en plus, les rapports qui nous étaient communiqués par nos

 18   unités qui étaient déployées tout au large du secteur de Sarajevo.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous sous-entendez par là les rapports en provenance

 20   des instances gouvernementales ou des agences au niveau du gouvernement

 21   situées à Sarajevo ?

 22   R.  Je ne me souviens pas d'avoir eu recours à des rapports du gouvernement

 23   à quelque moment que ce soit.

 24   Q.  Merci. A l'occasion de notre conversation, et dans vos déclarations, il

 25   est fait état de réserves que aviez formulées à l'égard des rapports des

 26   observateurs militaires qui ont été adjoints là-bas, qui étaient peu

 27   fiables, d'après vous, et qui informaient d'abord Zagreb, ensuite vous-

 28   même. Ils étaient donc peu fiables, comme vous le dites dans votre

Page 8034

  1   déclaration faite entre le 15 et le 18 novembre 1997, page 0055-5094. Etes-

  2   vous d'accord ?

  3   R.  Je suis d'accord pour dire que j'ai fait des commentaires au sujet de

  4   l'utilité des observateurs militaires des Nations Unies. Leur fiabilité

  5   dépendait de leur origine. Et cette chaîne de commandement qui remontait

  6   jusqu'à Zagreb faisait que nous n'obtenions pas les informations en temps

  7   utile de leur part.

  8   Q.  Donc est-ce que vous voulez dire que leur appartenance ethnique, leur

  9   origine nationale, faisait de ces observateurs militaires des Nations Unies

 10   et des différents bataillons en place, ce qui influait sur la fiabilité de

 11   ce qu'ils communiquaient ?

 12   R.  C'est ce que j'ai dit.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la page de cette

 14   déclaration 0055-5094, 65 ter 11079. C'est 11079; ce n'est pas 11709.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous le souhaitez, pour ce qui est de

 16   faire référence ultérieurement au même document, peut-être serait-il bon de

 17   donner une copie papier au général par avance, si la chose peut être

 18   arrangée.

 19   Je ne pense pas que ce soit -- je pense que M. Karadzic avait fait

 20   référence à la déclaration de ce témoin datée de 1997. Veuillez vérifier le

 21   numéro du 65 ter une fois de plus.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] 11079, c'est sa déclaration. Il nous faut la

 23   page 14. Le ERN ce serait 0055-5094. Mais non, ce n'est pas ce document. Si

 24   on peut demander aimablement à l'Accusation de fournir le texte de la

 25   déclaration.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai vérifié les requêtes présentées par

 27   l'Accusation, c'est-à-dire ce qui est versé au dossier par leurs soins, et

 28   là il est fait état d'un 65 ter 11079. Voilà, on est en train de nous

Page 8035

  1   l'afficher.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Je vous prie de confirmer si c'est bien votre déclaration datée de

  4   1997. Et j'aimerais qu'on montre, ceci fait, la page 14. J'attire votre

  5   attention sur le paragraphe qui se reporte aux "Observateurs militaires des

  6   Nations Unies."

  7   Si vous êtes d'accord avec moi, Général, il est dit ici qu'eux tous, plus

  8   ou moins, exception faite de quelques individus que vous aviez mis de côté

  9   dans notre conversation, à savoir ce dénommé Thomas [phon], qui était un

 10   exemple positif, vous avez dit aussi que les autres étaient assez peu

 11   fiables et que leurs rapports étaient inutilisables, c'est-à-dire que les

 12   commandants de la FORPRONU se servaient, eux, de sources qui leur étaient

 13   tout à fait propres; c'est bien cela ?

 14   R.  Ce que j'ai dit c'est qu'ils n'étaient pas cohérents, qu'ils n'étaient

 15   pas fiables. Il y avait une filière de rapport qui allait vers Zagreb. Donc

 16   ceci vous dit que nous avons dû nous appuyer sur nos propres sources. Et en

 17   tant que partie intégrante de la chaîne de commandant militaire normale,

 18   nous devions nous servir de sources multiples pour corroborer les

 19   informations arrivant du terrain.

 20   Et je veux clarifier une chose. Ici, il est dit "bataillons" dans votre

 21   question. Moi, je n'ai parlé que des observateurs militaires des Nations

 22   Unies, comme cela est écrit ici.

 23   Q.  Bon. Ce qui découle des origines ethniques ou nationales pour ce qui

 24   est de différents bataillons nationaux, on y arrivera plus tard.

 25   Mais ce qui m'intéresse c'est que :

 26   "Ils étaient inconséquents, incohérents, et que d'abord ils

 27   envoyaient leurs rapports vers Zagreb, chose qui ne nous était pas très

 28   utile."

Page 8036

  1   Est-ce que vous pouvez me le confirmer ?

  2   R.  Ça ne nous a pas été fort utile, ça, oui, mais ça ne veut pas dire que

  3   nous avions rejeté la chose à part entière. Ils n'étaient pas fiables, ils

  4   n'étaient pas cohérents, donc nous avons dû nous référer à d'autres sources

  5   pour mettre ensemble toutes les pièces du puzzle et corroborer ce qui nous

  6   était dit.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   Est-ce que vous pourriez nous montrer la page d'avant pour jeter de

  9   la lumière sur la structure de l'organisation de la FORPRONU dans Sarajevo.

 10   C'est le 5083. C'est la page qui précède cette page-ci.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le 93, page 13.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, excusez-moi, 83.

 13   0055-5083. C'est la page 3 du document en question.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est exact. Si M. Karadzic n'a pas

 15   besoin de la version en B/C/S, peut-être pourrions-nous mettre ce côté

 16   cette page-là pour que le général voie mieux la page agrandie.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce serait peut-être utile aux interprètes, mais

 18   bon, si vous le dites.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que vous aviez affirmé ici

 21   qu'il y a eu des divergences ethniques, nationales ? Par exemple, quand il

 22   est question du général Soubirou et de Gobillard, et là on voit ADC qui

 23   avaient une certaine autonomie, et vous dites que tous les matins, vous

 24   receviez :

 25   "…des rapports français et des rapports du renseignement, et Soubirou

 26   ne voulait pas que quiconque lise ces rapports, s'il n'était pas un

 27   Français."

 28   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble qu'il faut

Page 8037

  1   descendre un peu la page pour resituer le passage qui vient d'être cité. Je

  2   m'excuse, si cela vous est utile, nous avons la version papier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que ce soit donné au général.

  4   Je suppose que la Défense n'a rien contre. Il s'agit de la page 3, Mon

  5   Général.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce qu'on peut confirmer ceci : ça fait partie de votre déclaration,

  9   n'est-ce pas, Monsieur ?

 10   R.  Les Français ont bel et bien rédigé des rapports qu'ils envoyaient à

 11   leur structure nationale, et je n'avais pas droit de vue sur ce qu'ils

 12   avaient écrit là. Mon devoir était principalement celui qui concernait le

 13   segment Nations Unies. Eux, ils ont écrit du point de vue français à

 14   l'intention des lecteurs français seulement. Mais le fait est que j'étais

 15   assistant militaire, et ça ne m'a pas empêché de faire mon travail en ma

 16   qualité de Canadien aussi.

 17   Q.  Mais ne pensez-vous pas qu'il eût été utile que de vous entendre nous

 18   informer de ce qu'ils avaient rédigé dans les rapports qu'ils avaient

 19   envoyé, n'est-ce pas, mais vous n'aviez pas eu la possibilité de les lire,

 20   n'est-ce pas ?

 21   R.  Comme je vous l'ai déjà dit dans ma toute dernière phrase au paragraphe

 22   4, il y a eu à plusieurs reprises la possibilité de se pencher dessus, mais

 23   il n'y avait rien de très frappant dedans. Par conséquent, ils envoyaient

 24   essentiellement des informations qui étaient déjà celles qui circulaient

 25   dans les filières des Nations Unies. Et s'agissant des opérations de la

 26   coalition, il était typique dans ces différentes nations de faire suivre au

 27   rapport les filières nationales pour informer de ce qui se passait sur le

 28   terrain.

Page 8038

  1   Q.  Est-ce que les autres contingents ethniques, nationaux en faisaient de

  2   même ?

  3   R.  Au meilleur de mes connaissances, oui.

  4   Q.  Vous souvenez-vous du fait que nous avions été d'accord pour ce qui est

  5   de la présence des forces des Nations Unies, mais nous n'avions pas donné

  6   notre approbation pour ce qui est de la présence de forces nationales en

  7   tant que telles ?

  8   R.  Le fait est que je me suis trouvé là-bas dans le cadre des Nations

  9   Unies, et ça signifiait que vous aviez convié le Canada à participer en sa

 10   qualité de membre des Nations Unies. Je dirais, par conséquent, que vous

 11   aviez approuvé tant l'un que l'autre.

 12   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que la partie serbe

 13   avait eu certaines raisons pour ce qui était de suspecter les membres de

 14   forces particulières du point de vue de leur impartialité, et à cet effet,

 15   nous avions fait confiance aux Nations Unies, et non pas à des forces

 16   nationales de certains pays, en particulier lorsque ces pays-là faisaient

 17   partie de l'OTAN ?

 18   R.  Lorsque -- enfin, je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de

 19   dire à présent, car tous ceux qui portaient un casque bleu se trouvaient là

 20   sous les auspices des Nations Unies. Nous étions là-bas en application d'un

 21   mandat des Nations Unies, indépendamment du fait d'avoir eu des pays

 22   membres de l'OTAN, et nous ne nous sommes pas trouvés là-bas en tant que

 23   partenaires de l'OTAN, mais en tant qu'effectif des Nations Unies. Mon

 24   commandant a notamment pris bien soin du fait que les troupes placées sous

 25   son commandement agissent de façon impartiale à l'égard des parties

 26   belligérantes.

 27   Q.  Merci. Mais toujours est-il que dans vos déclarations, il importait de

 28   savoir qui était le commandant, alors que les autres officiers dans les

Page 8039

  1   quartiers généraux étaient une espèce de décoration, plus ou moins, n'est-

  2   ce pas ?

  3   R.  Est-ce que vous pouvez me dire où est-ce que j'ai dit ça ?

  4   Q.  On le trouvera, si vous confirmez que vous l'avez bien dit. C'est la

  5   page d'après.

  6   R.  Ecoutez, laissez-moi relire ma déclaration.

  7   Q.  Peut-on nous montrer la page d'après, s'il vous plaît.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Paragraphe 3.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Au paragraphe 3, je dis effectivement que :

 10   "Ces officiers des Nations Unies au QG étaient essentiellement 'une espèce

 11   de décoration.'"

 12   Et que les Français avaient effectué le gros du travail, et que cela était

 13   une question d'efficacité. Afin que les choses soient faites de la façon la

 14   plus efficace, on s'appuie forcément sur les gens qu'on avait au QG, parce

 15   que nous nous trouvions là-bas pour accomplir un mandat des Nations Unies.

 16   Et je l'ai dit dans ce contexte-là.

 17   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour confirmer avoir dit que le général

 19   Soubirou avait, par exemple, reçu des instructions de la part du général

 20   Smith ou Rose, mais qu'essentiellement il faisait son travail en

 21   consultation avec la France, c'est-à-dire son pays d'origine ?

 22   R.  Le général Rose et le général Smith étaient des supérieurs directs du

 23   général Soubirou, et il prenait ses ordres de la part de ceux-ci. Mais à

 24   chaque fois qu'il y a une coalition qui vient de pays différents, il y a

 25   des instructions qui sont envoyées et des consultations qui sont effectuées

 26   avec les pays d'origine. C'est ainsi que fonctionnent les opérations

 27   déployées par de telles coalitions.

 28   Q.  Merci. A l'occasion de notre conférence par "videolink," vous aviez dit

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  1   que les Nations Unies partageaient les informations obtenues avec l'OTAN,

  2   que cela se faisait essentiellement au niveau du général Rose et de

  3   l'amiral Leighton Smith, n'est-ce pas ?

  4   R.  J'ai dit que j'ai eu l'occasion d'écouter des conversations

  5   téléphoniques entre Rose et Smith, j'ai bien dit que j'en ai entendu

  6   quelques-unes.

  7   Q.  Merci. Vous avez également confirmé votre assurance disant que les

  8   rapports de situation des Nations Unies et autres informations étaient

  9   rebalancés aussi vers l'OTAN.

 10   R.  Je ne me souviens pas d'avoir confirmé que les rapports de situation

 11   des Nations Unies et autres informations avaient été réexpédiés vers

 12   l'OTAN. Je confirme que Rose s'était efforcé d'expliquer la situation à

 13   l'OTAN, et dans bon nombre de situations à expliquer la situation des

 14   Nations Unies sur le terrain concernant les circonstances auxquelles les

 15   Nations Unies étaient appelées à faire face.

 16   Q.  Merci. Nous sommes tombés d'accord -- ou plutôt, vous avez confirmé que

 17   le général Rose avait amené les JCO en Bosnie, parce qu'il voulait des

 18   sources d'information indépendantes et fiables. C'étaient des soldats

 19   britanniques auxquels il pouvait faire confiance, et ces soldats ont été

 20   déployés, entre autres, à Gorazde, en leur qualité de membres des unités

 21   SAS, n'est-ce pas ?

 22   R.  Le général Rose a effectivement fait venir des soldats de la JCO pour

 23   servir de sources d'information. Mais pour ce qu'ils avaient fait à

 24   Gorazde, c'est à lui qu'il faut poser la question. Ils venaient de l'armée

 25   britannique, eux, et certains d'entre eux se trouvaient aussi être membres

 26   des SAS, mais pour autant que je le sache, ils ne l'étaient pas tous.

 27   Q.  Merci. Au fil de notre conversation, vous avez aussi confirmé que vous

 28   aviez eu des informations -- ou que les Nations Unies avaient eu des

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  1   informations relatives à l'existence d'un marché noir et des activités

  2   déployées par le personnel des Nations Unies à cet effet, et que cela a

  3   même donné lieu à des investigations, n'est-ce pas ?

  4   R.  Les Nations Unies ont bel et bien diligenté des enquêtes au sujet

  5   d'allégations disant que des membres des Nations Unies avaient pris part à

  6   des activités du marché noir, la chose a été prise très au sérieux,

  7   l'investigation à ce sujet a été effectuée par un groupe de travail venu de

  8   Zagreb.

  9   Q.  Il y a même eu des voitures qui ont été piégées et ont explosé, et ces

 10   voitures appartenaient à des hommes qui essayaient de mettre un terme à

 11   tout cela. Notamment à un commandant français, sa voiture a sauté dans le

 12   cadre d'un acte criminel, n'est-ce pas ?

 13   Je vais reformuler ma question. Est-il exact que la voiture du commandant

 14   d'une compagnie française, qui s'était efforcé de faire obstacle au marché

 15   noir, est-il exact que sa voiture a été piégée et a sauté, et que ce fait

 16   avait un rapport avec son travail contre le marché noir ?

 17   R.  Il y a eu un commandant de section de la police militaire française qui

 18   a été victime du piégeage de sa voiture alors qu'il était en train

 19   d'enquêter sur le marché noir. Il est venu nous voir et nous l'avons

 20   transmis aux responsables de la police habilitée à traiter cette affaire,

 21   nous avons donc soumis à ces responsables les allégations de marché noir

 22   sur lesquelles enquêtait cet homme.

 23   Q.  Lors de notre rencontre, vous avez confirmé que le piégeage de cette

 24   voiture pouvait avoir un rapport avec les actions antimarché noir que

 25   réalisait cet homme, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est ce que j'ai dit, oui.

 27   Q.  Merci. Il y avait aussi des membres des Nations Unies qui ont été

 28   impliqués dans les milieux liés à la prostitution à Sarajevo, n'est-ce pas

Page 8042

  1   ?

  2   R.  J'ai entendu de telles allégations, et chaque fois que nous entendions

  3   une allégation, nous en informions les autorités compétentes pour qu'elles

  4   puissent s'en occuper.

  5   Q.  Merci. Lors de notre rencontre, vous avez dit que la police civile des

  6   Nations Unies avait mené une vaste enquête au sujet des actions liées à du

  7   trafic de munitions, trafic de carburant, de voitures, trafic d'armes,

  8   trafic de papiers d'identité et trafic d'alcool; c'est bien cela, n'est-ce

  9   pas ?

 10   R.  Ceci faisait partie du travail de la "task force" des Nations Unies

 11   chargée du marché noir, et ce secteur a donc mené au moins une importante

 12   enquête portant sur des allégations de marché noir.

 13   Q.  Et ceci en rapport avec le marché noir impliquant les divers articles

 14   que je viens de citer et que vous avez vous-même cités lors de votre

 15   rencontre avec moi, n'est-ce pas ?

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Merci. Vous avez également admis que jusqu'à ce moment-là les Serbes

 18   avaient, en raison de tout cela, des raisons de se montrer prudents lors de

 19   leur consentement à l'entrée de convois à Sarajevo, étant donné toutes ces

 20   actions de marché noir, n'est-ce pas ?

 21   R.  Je n'ai pas admis cela. J'ai dit, qu'en fait, le marché noir était un

 22   problème auquel étaient confrontées toutes les parties belligérantes, un

 23   problème que les Nations Unies ont pris très au sérieux et dont les Nations

 24   Unies se sont occupées. J'ai dit que nous avions évoqué ce problème lors de

 25   nos contacts avec les instances compétentes.

 26   Q.  Mais vous conviendrez, n'est-ce pas, que les Serbes avaient des raisons

 27   de faire preuve d'une certaine prudence quant à ce qui pénétrait dans

 28   Sarajevo, qu'ils souhaitaient contrôler ce qui pénétrait dans la ville

Page 8043

  1   étant donné les renseignements dont ils disposaient sur ce genre de sujet ?

  2   R.  Je ne conviendrais pas que les Serbes étaient obligés d'accroître leur

  3   contrôle. Ce que je dirais c'est que les Serbes, en coopération avec les

  4   Nations Unies, auraient dû s'intéresser au marché noir et auraient dû

  5   respecter le mandat des Nations Unies en accordant aux Nations Unies la

  6   liberté de circulation.

  7   Q.  Merci. Lors de notre rencontre, je vous ai demandé de bien vouloir

  8   préciser avec moi ce problème de la liberté de circulation. A votre avis,

  9   le concept de liberté de circulation des convois humanitaires en

 10   particulier implique l'absence de tout contrôle à leur égard ?

 11   R.  Non. Il doit exister un certain degré de contrôle, mais ce contrôle ne

 12   doit pas arriver au point d'entraver la possibilité de ces convois

 13   d'atteindre leur destination.

 14   Q.  La force qui donne l'autorisation de passage d'un convoi a-t-elle le

 15   droit d'imposer un certain nombre de conditions techniques eu égard au

 16   passage de ces convois ? J'ai bien dit "conditions techniques."

 17   R.  La notion de contrôle implique l'imposition de conditions techniques.

 18   Mais vous avez parlé de la force qui émet l'autorisation de passage des

 19   convois humanitaires, nous ne demandions pas d'autorisation, nous

 20   informions les Serbes du fait que de l'aide humanitaire arrivait vers la

 21   ville à des fins humanitaires, et des mesures de contrôle adaptées auraient

 22   dû être prises pour garantir que cette aide humanitaire arrivait à

 23   destination, son arrivée n'aurait pas dû être entravée.

 24   Q.  Nous allons bientôt en arriver à discuter des différences

 25   d'interprétation sur le plan juridique.

 26   Savez-vous, Général, que pour la première fois dans l'histoire de la

 27   guerre, durant la guerre qui a opposé les Serbes aux Bulgares les

 28   militaires serbes ont interrompu leurs activités dans le but d'autoriser

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  1   l'entrée d'aide humanitaire destinée aux Bulgares, et que ceci a contribué

  2   à l'introduction d'une norme par le fondateur de la Croix-Rouge ? Est-ce

  3   que vous le saviez ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est la pertinence de cette

  5   question, Monsieur Karadzic ? Veuillez poursuivre.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, on entend des choses tellement

  7   horribles au sujet des Serbes que ce n'est pas mal d'entendre une bonne

  8   chose. Ce sont les Serbes qui ont créé cette règle consistant à autoriser

  9   le passage à l'aide humanitaire et ils l'ont créée au XIXe siècle, le

 10   fondateur de la Croix-Rouge s'en est saisie pour en faire la base de cette

 11   norme appliquée par son organisation.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Mais quoi qu'il en soit, j'aimerais que nous nous penchions sur le

 14   document 1D2612 de façon à tirer au clair les droits exacts des différentes

 15   parties en présence. 1D2612.

 16   Ce document est un extrait de la 4e convention de Genève relative à la

 17   protection des civils en temps de guerre.

 18   Je demande à présent l'affichage de la page 23. Ou plutôt, excusez-

 19   moi, de la page 9, article 23, de cette 4e convention.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 22   Une question d'incidence - je ne fais pas objection à l'emploi de ce

 23   document - je comprends que des documents surgissent pendant un contre-

 24   interrogatoire alors même qu'ils n'ont pas été notifiés à l'avance. Cela

 25   n'a rien d'inhabituel. Le premier fait partie de cette catégorie. Mais quoi

 26   qu'il en soit, si le Dr Karadzic pouvait nous dire qu'il va utiliser un

 27   document qui n'a pas été notifié à l'avance à l'Accusation, cela nous

 28   permettrait de ne pas nous lancer dans un processus de recherche complexe

Page 8045

  1   pour le retrouver.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La convention de Genève n'est pas le

  3   genre de document que l'on admet en général pendant un contre-

  4   interrogatoire, mais votre remarque peut être notée par la Défense.

  5   Avançons, Monsieur Karadzic.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous ferons de notre mieux, bien entendu.

  7   La nécessité de s'intéresser à ce document émane de notre

  8   compréhension différente de ce que sont les droits des parties au conflit.

  9   Q.  Selon l'article 23 de cette 4e convention de Genève que je vous demande

 10   de lire, vous verrez ce qui est indiqué quant à la réalité des droits des

 11   parties belligérantes. Nous trouvons le passage suivant en particulier, je

 12   cite :

 13   "…c'est dans le premier paragraphe de cet article…"

 14   Je cite : "… peuvent décider de conditions imposées à des

 15   distributions destinées aux bénéficiaires, et ce, sous le contrôle local

 16   des puissances en présence."

 17   Puis un peu plus loin, je cite :

 18   "Ces quantités doivent être acheminées le plus rapidement possible, et la

 19   puissance qui autorise leur liberté de passage doit avoir le droit de

 20   prescrire les arrangements techniques qui sous-tendent l'autorisation de

 21   passage en question."

 22   Alors comment est-il possible pour la partie serbe, Général, de cesser

 23   d'être une partie au conflit et de se voir réduite à une situation où on ne

 24   lui demande plus son autorisation et où on l'informerait simplement de ce

 25   qui se passe ?

 26   R.  Tout ce que je puis dire c'est ce que j'ai lu jusqu'à présent ici, et

 27   les choses sont écrites très clairement dans ce premier paragraphe. Je

 28   suppose qu'après avoir compris ce qui est indiqué ici, ma réaction

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  1   consisterait à demander : pour quelle raison j'ai passé 20 jours sans

  2   denrées alimentaires fraîches ? Parce qu'en vertu de ce que je lis ici, les

  3   denrées alimentaires auraient dû être distribuées le plus rapidement

  4   possible.

  5   Je ne m'oppose pas, voyez-vous, à ce qui est indiqué dans ce paragraphe, à

  6   savoir que la puissance qui autorise le passage, c'est le troisième

  7   paragraphe avant la fin, je comprends bien, mais l'intention indiquée dans

  8   ce premier paragraphe est tout à fait claire, elle vise à ce que l'aide

  9   humanitaire et à ce que les vivres soient distribuées le plus rapidement

 10   possible. 

 11   Q.  Je suis d'accord. Mais vous remarquerez que la partie qui est à

 12   l'origine de l'autorisation n'est pas simplement informée, elle bénéficie

 13   du droit d'imposer des conditions ?

 14   J'aimerais que vous vous penchiez maintenant sur le paragraphe C, je cite :

 15   "Un avantage manifeste…

 16   "… peut être obtenu grâce aux efforts militaires ou à l'économie de

 17   l'ennemi en substituant les quantités susmentionnées de vivres qui

 18   autrement seraient obtenues ou produites par l'ennemi ou par la mise en

 19   circulation de ces éléments, services ou facilités, et qui, autrement,

 20   seraient nécessités pour la production de tels biens."

 21   Est-ce que vous convenez qu'une partie qui accorde l'autorisation de

 22   passage à un convoi est autorisée à s'assurer que la partie adverse ne va

 23   pas en tirer une espèce de bénéfice

 24   militaire ?

 25   R.  Les Nations Unies connaissaient cette disposition, et mon commandant a

 26   particulièrement veillé, dans le cadre des pouvoirs qui étaient les siens,

 27   à ce que l'aide qui arrivait aille bien aux civils. Dans des cas de ce

 28   genre, nous prenions langue avec le commandant de corps pour parler de la

Page 8047

  1   liberté de circulation dans le cadre du sens à donner à ce document et à

  2   son article 23.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Puisque ce document ne sera pas versé au dossier car les conventions de

  5   Genève font partie de la jurisprudence, j'aimerais que nous nous penchions

  6   maintenant sur le document 1D1724.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Et en attendant l'apparition de ce document à l'écran : Général, je

  9   vous dirais que M. Tieger a très habilement et avec un certain succès créé

 10   l'impression que M. Mladic aurait interdit quelque chose, ou plus

 11   précisément, que Mladic aurait confirmé que la liberté de circulation a été

 12   suspendue, ensuite nous nous pencherons sur la pièce P1786. Mais pour

 13   l'instant, examinons d'abord ce premier document. Je vais vous en donner

 14   lecture, car ne je suis pas sûr qu'il s'accompagne d'une traduction.

 15   C'est un rapport de combat régulier qui a été établi à 17 heures le 12 mai

 16   1994. C'est le Corps de Sarajevo-Romanija qui écrit à l'état-major

 17   principal. Et nous lisons, je cite :

 18   "Au croisement avec la rue de Kasindolska, un blindé du Bataillon français

 19   a été intercepté, et suite à son inspection, il a été établi que ce blindé

 20   transportait sept caisses d'obus destinés à un mortier de 82-millimètres

 21   que l'unité française de Rajlovac était présumée utiliser."

 22   Puis à la page suivante, je cite :

 23   "Une inspection a permis d'établir que ces articles n'avaient pas été

 24   indiqués comme faisant partie de l'arsenal d'armes du calibre suscité, et

 25   la résolution de ce problème est en cours.

 26   "Dans le secteur de responsabilité du 3e Bataillon d'infanterie de

 27   Sarajevo, nous avons constaté le déplacement délibéré de membres de la

 28   FORPRONU à bord d'un véhicule tout-terrain qui se dirigeait vers Kosevo,

Page 8048

  1   Visojevici, et qui ont fait demi-tour à cet endroit."

  2   Général, est-ce que vous conviendrez que transporter des munitions

  3   destinées à la partie adverse nous donne le droit de faire preuve d'une

  4   certaine précaution ?

  5   R.  D'abord, je n'ai pas connaissance de cet incident particulier, et cela

  6   ne faisait pas partie de mes missions en tant qu'assistant militaire auprès

  7   du commandant de secteur, qui ne consistait pas à apporter mon aide à l'une

  8   ou l'autre des parties.

  9   Q.  Je conviens qu'il n'y a pas eu de telle assistance aux plus hauts

 10   niveaux, mais ceci ne change rien au fait qu'à des niveaux moins élevés,

 11   nos ennemis étaient approvisionnés en armes grâce au passage de nos lignes,

 12   ce qui nous donnait le droit de faire preuve de quelque précaution et de

 13   procéder à des inspections.

 14   Conviendrez-vous que si l'autre partie ne respecte pas les règles convenues

 15   et les procédures convenues, nous-mêmes avions le droit de suspendre un

 16   programme déterminé ?

 17   R.  Vous me demandez de formuler un commentaire suite à une question

 18   hypothétique ou suite à l'examen d'un document dont je n'ai pas pu vérifier

 19   tous les détails, donc j'estime que je ne suis pas en mesure de répondre à

 20   cette question avec la qualité professionnelle voulue.

 21   Q.  Mais, Général, il est question ici d'un fait dont vous avez parlé, à

 22   savoir qu'il y a eu des entraves de la liberté de circulation des convois,

 23   et je vous soumets en ce moment un document authentique qui indique quels

 24   sont les motifs qui ont poussé à cet accroissement du contrôle. Ceci

 25   n'avait rien à voir avec vous ou avec ce qui se passait sur les lignes.

 26   Mais ce que je souhaite faire en vous montrant ce document, c'est tirer au

 27   clair les raisons qui justifiaient un accroissement du contrôle et les

 28   raisons qui justifiaient que l'on nourrisse quelque doute. Est-ce que les

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  1   Serbes ont agi ainsi parce qu'ils étaient mauvais, ou est-ce qu'ils l'ont

  2   fait parce qu'ils devaient se protéger pour ne pas être mis en cause au

  3   prétexte que, par exemple, ils auraient pris eux-mêmes des mesures pour

  4   distribuer des armes à l'ennemi.

  5   Pouvez-vous jeter un coup d'œil au document et répondre à cette question.

  6   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant cela, je vous demanderais une

  8   nouvelle fois de vous abstenir de formuler des commentaires. Toute la

  9   dernière partie de votre question n'était qu'un commentaire.

 10   Monsieur Tieger, en dehors du problème de traduction, est-ce que vous

 11   faites objection à l'admission de ce document ?

 12   M. TIEGER : [interprétation] Il sera enregistré aux fins d'identification.

 13   Donc pour le moment, je ne vois aucune raison d'élever une objection, mais

 14   nous aurons d'autres occasions à l'avenir de préciser notre position

 15   éventuellement.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Le document est donc admis aux

 17   fins d'identification.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D769 MFI, Monsieur le

 19   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ressens la nécessité de préciser les raisons

 21   de mon commentaire, qui n'était pas un commentaire. Mon désir était

 22   d'informer le général --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, contentez-vous de

 24   poser des questions au témoin.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Général, dans votre déclaration -- ou plutôt, je reformule. Avez-vous

 28   conscience du fait que les Musulmans ou l'armée musulmane de Bosnie a

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  1   utilisé la tour Unis et d'autres bâtiments de très grande taille, notamment

  2   l'immeuble de l'assemblée, en tant que lieux où elle plaçait des tireurs

  3   embusqués ?

  4   R.  Oui, nous en avions conscience.

  5   Q.  Merci. M. Tieger, en pages 23 à 25 du compte rendu, vous a laissé

  6   entendre que le général Galic aurait admis qu'il y avait des tireurs

  7   embusqués qui tiraient dans la ville de Sarajevo et que ces tirs visaient

  8   les civils, or la question se pose de savoir s'il a vraiment reconnu que de

  9   tels tirs visaient les civils. Est-ce que le général Galic a admis à

 10   quelque moment que ce soit que l'action des tireurs embusqués visait les

 11   civils ?

 12   R.  Cela ressort assez clairement du PV qui a été dressé à l'issue de cette

 13   rencontre, il l'a reconnu.

 14   Q.  Est-ce que, où que ce soit, les civils sont mentionnés ?

 15   R.  Pas en tant que tels, mais c'est ce que j'ai compris comme étant le

 16   sens de ce qu'il a écrit dans ses notes personnelles pendant cette réunion.

 17   Q.  Vous avez des notes de cette réunion qui permettraient de penser qu'il

 18   s'agissait de civils, vous en possédez ?

 19   R.  Je ne possède aucune note de cette réunion.

 20   Q.  Merci. Vous rappelez-vous qu'un certain nombre d'accords antisnipers

 21   [phon] ont été conclus ?

 22   R.  Je me rappelle que nous avons travaillé avec les deux parties

 23   belligérantes à Sarajevo dans le but de conclure des accords antisnipers.

 24   Le message que nous adressions aux deux parties belligérantes était

 25   identique, à savoir que nous leur demandions de ne pas prendre les civils

 26   pour cibles, et nous leur disions que nous allions engager des actions

 27   contre toute partie belligérante qui prenait des civils pour cibles.

 28   Q.  Vous rappelez-vous, Général, que ces accords antisnipers impliquaient

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  1   également une interdiction de l'action des tireurs embusqués en ville

  2   contre, y compris, des cibles légitimes. Donc il ne s'agissait pas

  3   d'interdire leur action uniquement contre les civils, mais d'interdire leur

  4   action tout court ?

  5   R.  J'aurais besoin de relire le texte des accords, mais d'après ce que

  6   j'avais compris, toute action militaire contre la faction militaire adverse

  7   était du ressort des deux factions belligérantes. Lorsque les Nations Unies

  8   intervenaient, c'était lorsque ces actions militaires avaient des

  9   conséquences néfastes sur la communauté civile.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Je demanderais maintenant l'affichage de la pièce P1208 - qui est un

 12   document de l'Accusation - ce document va nous permettre de nous rappeler

 13   quelle était la situation qui prévalait avant la signature de cet accord

 14   antisniper, puisqu'un commandant a émis un certain nombre d'ordres.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Le texte apparaît à l'écran et j'aimerais appeler votre attention sur

 17   le paragraphe 3. Conviendriez-vous que dans ce paragraphe nous trouvons une

 18   définition très claire des cibles qui étaient celles des tireurs embusqués

 19   et que ces cibles sont des officiers et des soldats, comme indiqué dans ce

 20   paragraphe ?

 21   R.  Oui, les instructions que l'on voit dans ce paragraphe sont claires. Il

 22   est tout à fait clair qu'il ne faut pas viser les civils, en particulier

 23   les enfants, ou les personnes circulant sur les routes ou embarquées à bord

 24   de tramways. C'est tout à fait clair.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   Ce document est déjà une pièce à conviction. Nous n'avons donc pas besoin

 27   d'en demander le versement au dossier.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]

Page 8052

  1   Q.  Vous vous rappelez certainement avoir eu des éléments d'information

  2   montrant que les Français possédaient des vidéos sur les images desquelles

  3   on voyait des snipers musulmans tirer sur la population de Sarajevo ? Les

  4   Français étaient bien en possession de cette vidéo, n'est-ce pas ?

  5   R.  J'ai entendu parler de cela, mais je n'ai jamais visionné les images.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le 65 ter 09664.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Indépendamment du fait de ne pas avoir vu cette vidéo, vous avez

  9   certainement entendu parler de son existence, n'est-ce pas ?

 10   R.  J'ai entendu ce type de récits, oui.

 11   Q.  Et vous êtes d'accord aussi pour confirmer que vous aviez entendu de la

 12   part des Français que les Musulmans avaient fait des vidéos d'attaques

 13   contre les enfants pour faire diffuser cela à la télévision afin de ternir

 14   l'image des Serbes ?

 15   R.  J'ai entendu ce type de récits aussi, oui.

 16   Q.  Merci. J'aimerais vous demander maintenant de prêter attention à ce

 17   texte afin de procéder à son identification. Ici, c'est un résumé

 18   antisniper émanant du Bataillon français daté du 23 septembre 1994. C'est

 19   une période où vous vous trouviez là-bas, n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est exact.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre la page d'après.

 22   Le B/C/S n'est pas indispensable ici.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  On voit au H, "Site du sniper," puis au 7, où vous dites observation,

 25   il est dit :

 26   "D'après les --"

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça se trouve en bas de page. Un instant.

 28   C'est bon.

Page 8053

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  On a confirmé les -- une Musulmane a confirmé à l'intention des

  3   Français pour vous dire que les tirs étaient venus du côté musulman, en

  4   face du bâtiment des PTT, n'est-ce pas ?

  5   R.  Bien, c'est ce qui est dit dans cette phrase du document. Mais je vais

  6   essayer de -- enfin, laissez-moi vous demander : de quoi s'agit-il dans ce

  7   document ? Le précédent c'était un document français. Celui-ci --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez dit qu'il y avait une première

  9   page ? Montrez-la.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est un rapport officiel. Je m'excuse pour mon

 11   français qui est inexistant. Il s'agit du capitaine Chassang et il s'agit

 12   d'une investigation concernant des tirs de snipers, et ça vient du

 13   Bataillon français numéro 2. L'investigation en question a permis de

 14   conclure que les tirs sont venus du côté musulman, depuis l'immeuble face

 15   au bâtiment des PTT. C'est un rapport en provenance du Bataillon français.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous n'avons pas une version

 17   originale du document français ? Il doit y avoir un numéro ERN. J'espère

 18   que nous devrions être en mesure de le montrer au témoin.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux voir la page 2, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, certes.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Bon, Madame, Messieurs les Juges, ça va pour

 23   ce qui est du document.

 24   Mais il n'était pas usuel pour moi de lire ce niveau de document. Ça,

 25   c'était un niveau en dessous -- et je suis en train, oui, de voir les

 26   observations qui figurent au paragraphe 7.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 28   M. KARADZIC : [interprétation] Oui, je veux bien accepter que vous ne

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  1   l'ayez pas lu à l'époque, mais c'est un phénomène que vous avez évoqué.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc je demanderais à ce que ce document soit

  3   versé au dossier.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D770, Monsieur le

  6   Président.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Mon Général, de la bouche de qui avez-vous entendu le fait qu'il y ait

  9   eu des tirs de snipers en direction d'enfants pour ternir l'image des

 10   Serbes ? Est-ce que c'est des récits que vous avez entendus de la part de

 11   quelqu'un ou est-ce que quelqu'un vous l'aurait dit; et si oui, qui ?

 12   R.  Ça devait forcément venir des soldats des Nations Unies, et il me

 13   semble que je me souviens d'une protestation adressée à l'intention des

 14   Musulmans pour ce type d'activités.

 15   Q.  Merci. Est-ce que vous auriez entendu à quelque moment que ce soit des

 16   informations qui diraient que des Serbes avaient tiré en  direction de

 17   leurs civils pour ternir l'image de la partie adverse ?

 18   R.  Je ne me souviens pas avoir entendu chose pareille à quelque moment que

 19   ce soit.

 20   Q.  Merci. S'agissant de notre session de récolement, vous aviez dit que

 21   d'après vos informations les Musulmans voulaient susciter une intervention

 22   militaire de la part des étrangers, et vous n'étiez pas certain du fait de

 23   savoir si ces tirs de snipers en direction de leur population avaient cela

 24   pour finalité. Mais vous avez aussi dit que leurs tireurs et leurs snipers

 25   étaient des professionnels pour sûr, que ce n'étaient pas des renégats

 26   quelconques. Par conséquent, le fait de voir des snipers tirer contre leurs

 27   propres civils c'était une sorte de politique militaire, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je voudrais juste répondre à la totalité des éléments contenus dans

Page 8055

  1   votre question.

  2   Notre évaluation disait que les autorités musulmanes étaient intéressées

  3   par le fait de garder les Nations Unies sur place et pour les faire

  4   participer aux opérations, et donc, in extenso, ça voulait dire qu'il y

  5   aurait implication de la communauté internationale.

  6   Deuxièmement, je ne me souviens pas avoir dit à quelque moment que ce soit

  7   qu'il y avait eu une espèce de politique militaire visant à cibler ses

  8   propres civils. J'ai dit que les Musulmans étaient coupables d'avoir tiré

  9   sur leurs propres civils, et nous avions protesté contre ce type de choses

 10   comme nous avions protesté contre les Serbes lorsqu'ils tiraient contre les

 11   civils.

 12   Et les Musulmans avaient leurs propres snipers professionnels et tireurs

 13   professionnels, tout comme les Serbes en avaient aussi.

 14   Q.  Merci. A l'occasion de cette conversation de récolement, vous avez

 15   également confirmé que les officiers des Nations Unies avaient procédé à

 16   des investigations dans des cas de figure où on avait ciblé des membres des

 17   Nations Unies, et dans ce cas de figure, il y a eu collecte d'éléments de

 18   preuve avec investigation complète à l'appui. D'autre part, lorsque les

 19   civils étaient ciblés, les Nations Unies procédaient à certaines

 20   investigations pour ce qui est de savoir quelle était l'origine des tirs,

 21   mais les éléments de preuve étaient recueillis par la police locale cette

 22   fois-ci, n'est-ce pas ?

 23   R.  C'est exact, et nous nous sommes efforcés d'obtenir des informations de

 24   l'une quelconque des factions qui étaient impliquées dans l'investigation

 25   aux fins de compléter nos rapports. Et dans une mesure plus ou moins

 26   grande, nous avons réussi à recueillir des informations aux fins de

 27   compléter nos propres rapports selon la disponibilité des factions en

 28   question à partager ces informations avec nous.

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  1   Q.  Oui, mais nous sommes bien d'accord l'un avec l'autre pour ce qui est

  2   d'affirmer que les investigations en matière pénale et légale lorsqu'il y a

  3   eu des civils ciblés à Sarajevo étaient confiées, elles, à la police

  4   locale, n'est-ce pas ?

  5   R.  Ce que j'ai dit, c'est que lorsqu'il y a eu des civils de touchés, les

  6   Nations Unies diligentaient leur propre enquête alors que les autorités

  7   locales faisaient ce qu'ils faisaient dans l'axe national qui était le

  8   leur, et nous nous sommes efforcés d'obtenir des informations de leur part

  9   aux fins de compléter notre investigation.

 10   Q.  Mais votre investigation était-elle fait à un niveau pénal et légal ou

 11   c'étaient eux ? Qui est-ce qui collectait les éléments de preuve ? Du point

 12   de vue pénal et du point de vue de ce que fait la police judiciaire. Leur

 13   police ou les Nations Unies ?

 14   R.  Nous ne diligentions pas d'enquêtes pénales. Nous procédions à une

 15   enquête pour déterminer les faits et déterminer laquelle des parties en

 16   présence était responsable de tel ou tel autre incident. Dans le cas où il

 17   y aurait eu des activités criminelles, nous faisions venir notre propre

 18   police militaire pour diligenter ce type d'enquêtes criminelles, donc

 19   d'enquêtes au pénal. Ça avait donc un lien avec nos fonctionnements

 20   internes. S'agissant des snipers ou des pilonnages, cela a été fait par les

 21   troupes des Nations Unies sur le terrain, et leurs résultats étaient

 22   véhiculés par le biais de la filière de commandement.

 23   Q.  Merci. Est-ce que vous avez eu des informations disant que l'ABiH avait

 24   pilonné le centre de Sarajevo ?

 25   R.  Dans un cas de figure, nous avons eu vent de la chose. Il y a eu une

 26   investigation conjointe de faite avec les autorités musulmanes. Ceci a été

 27   la résultante d'une attaque qui était d'abord venue du côté serbe, et au

 28   fil de l'investigation, il y a eu un deuxième incident, une deuxième

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  1   attaque vers le même site, et nous avons tiré la conclusion qui était celle

  2   de dire que la deuxième attaque au mortier venait du côté musulman. Cette

  3   information a été véhiculée vers les autorités musulmanes.

  4   Q.  De votre avis, quel était objectif poursuivi par le fait de tirer un

  5   obus de mortier du côté de cette faction musulmane ? Ou pour être plus

  6   précis, était-ce là une tentative d'augmenter le nombre de victimes pour

  7   accuser plus gravement encore la partie serbe ?

  8   R.  Les conclusions de notre rapport ont été celles de dire : d'abord, il y

  9   a eu une première attaque du côté serbe, puis nous avons protesté à

 10   l'encontre des Serbes pour avoir attaqué des sites avec des civils. Puis la

 11   deuxième attaque était faite par les Musulmans, et nous avons protesté à

 12   leur encontre. Nous avons fourni les informations aux deux parties en

 13   présence et nous avons tenu une conférence de presse pour expliquer la

 14   façon dont nous avions conduit nos investigations en utilisant les

 15   informations en provenance du côté musulman. Donc nous avons présenté les

 16   faits et nous avions indiqué que les deux parties étaient à blâmer.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La question qui vous a été posée était

 18   celle de savoir si vous aviez déterminé qu'il y avait eu une intention de

 19   présente au niveau musulman.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

 21   Il nous avait semblé que l'intention des Musulmans était celle de créer

 22   plus de victimes pour faire porter le blâme par les Serbes pour cette

 23   attaque.

 24   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la partie de la ville qui était

 26   impliquée pour ce qui est de cette attaque ?

 27   R.  Là, vous êtes en train de demander à ma mémoire de faire un effort. Il

 28   m'est difficile de m'en souvenir, désolé.

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  1   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du moment où cela s'était produit ?

  2   R.  Il faudrait que je revienne à mon carnet de notes, mais il me semble me

  3   souvenir que ça s'est passé tout de suite à l'ouest de Skenderija, du côté

  4   musulman, à proximité du marché. Mais là je suis en train, effectivement,

  5   de faire des efforts de mémoire, et je n'y arrive pas.

  6   Q.  Bon, écoutez, je vais essayer de vous rafraîchir la mémoire et vous

  7   dire que dans la session de récolement vous avez aussi évoqué des carnets

  8   de notes. Est-ce que nous pourrions avoir droit de vue dans ces carnets de

  9   notes ?

 10   R.  En 1997, lorsque j'ai commenté -- ou plutôt, lorsque j'ai fait mon

 11   rapport, tout ce que j'avais en ma possession, je l'ai remis, et je --

 12   voyez-vous, on y a consigné tout ce que j'avais dit, et toutes les

 13   observations faites a posteriori se basent sur des déclarations faites à

 14   l'époque. Je ne sais pas quelle est la documentation à laquelle j'ai fait

 15   référence à l'époque, mais quelle qu'ait été la documentation que j'ai

 16   possédée, je ne saurais vous dire où se trouvent ces notes, exception faite

 17   de ce qui a été consigné comme étant ma déclaration partant de ces notes et

 18   partant des documents des Nations Unies auxquels j'ai souvent fait

 19   référence.

 20   Q.  Est-ce que vous auriez remis ces carnets de notes au bureau du

 21   Procureur ?

 22   R.  Une fois de plus, ce que je peux vous répéter, tout ce que j'ai eu à ma

 23   possession en 1997, je l'ai mis à disposition. Mon rapport a été rédigé à

 24   l'époque, et je n'arrive pas maintenant à me souvenir de ce qu'il en est

 25   advenu. Je ne l'ai pas aujourd'hui.

 26   Q.  Mon éminent confrère, M. Tieger, nous a fait savoir qu'ils n'ont pas

 27   réussi à localiser la chose, ce qui ne signifie pas que nous renoncions à

 28   la volonté de faire en sorte que l'on fasse l'effort de retrouver ces

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  1   carnets de notes. Si moyen de nous aider il y aurait, cela serait fort

  2   utile.

  3   Vous aviez aussi indiqué que Ganic a eu à faire face à certaines de

  4   vos constatations --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, je vous prie. Il me semble

  6   que le témoin ne peut pas revenir vers les pages antérieures du compte

  7   rendu. Je parle de la page 56, lignes allant de 8 et au-delà -- il se peut

  8   qu'il s'agisse d'une erreur de frappe. Je vais vous en donner lecture, et à

  9   vous de le confirmer :

 10   "Notre rapporteur a d'abord dit qu'il y avait une attaque du côté serbe…"

 11   Ensuite, le compte rendu dit, je cite :

 12   "La deuxième partie était une attaque contre les positions serbes faite par

 13   les Musulmans, et nous avons protesté."

 14   Là je suppose qu'au lieu de "positions serbes," on devait entendre

 15   "positions civiles."

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 18   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère que les Juges de la Chambre ont relevé

 20   aussi l'appel que nous venons de lancer à l'instant même pour ce qui est de

 21   faire en sorte que ces carnets de notes refassent surface, et j'espère que

 22   les Juges nous apporteront à cet effet leur soutien.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, M. Robinson le sait

 25   certainement, et je crois bien que l'accusé devrait en avoir pris

 26   connaissance, à savoir nous avons déjà été saisis de cette situation. Et du

 27   fait de l'ambiguïté potentielle associée à ce qui vient d'être dit, je

 28   précise que nous avons recherché ces carnets de notes et nous n'avons

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  1   aucune indication pour ce qui est d'avoir, à quelque moment que ce soit,

  2   reçu au niveau du bureau du Procureur ce carnet de notes. Nous n'avons donc

  3   aucune information disant que cela se trouverait en notre possession, en

  4   dépit du fait que nous avions procédé à une recherche détaillée dans notre

  5   base de données. D'après la façon dont nous avons compris la chose, ceci a

  6   laissé entendre que nous étions en possession de ces carnets de notes, et

  7   d'après la façon dont je comprends la chose, cela ne semble pas être le

  8   cas. Il n'y a donc aucune indication disant ce qu'il en serait advenu.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis élaborer

 10   quelque peu.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si nous avons là quelques instants à

 12   passer là-dessus, peut-être le général pourrait-il nous le dire ?

 13   Monsieur Robinson.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] C'est bon, nous pouvons en parler dans une

 15   autre forme. Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en remercie.

 17   Allons de l'avant, Monsieur Karadzic.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que ne serait-ce qu'à

 20   une occasion, Ejub Ganic était resté coït lorsque vous lui avez fait

 21   entendre quelle était la façon d'agir de la partie musulmane à l'égard de

 22   ses propres citoyens ?

 23   R.  Il était resté coït et il n'en a pas été fort heureux.

 24   Q.  Est-ce que vous savez que le général Rose était convaincu du fait que

 25   Ganic avait un détachement à lui de tireurs d'élite pour tuer ses propres

 26   citoyens dans Sarajevo ?

 27   R.  Je n'en ai pas connaissance.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que d'après les

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  1   conventions de Genève, entre autres, pour ce qui est de la partie que nous

  2   avons évoquée aujourd'hui, à savoir la 4e convention, partie numéro 2, les

  3   hôpitaux ne sont pas censés être mués en installations militaires et ceux-

  4   là bénéficient d'une protection seulement au cas où ces hôpitaux ne sont

  5   pas utilisés en guise d'installations militaires ?

  6   R.  C'est ce qui est bel et bien conforme à la convention de Genève, en

  7   effet.

  8   Q.  Les Musulmans ont-ils tiré depuis l'enceinte de l'hôpital de Kosevo en

  9   direction des positions serbes ?

 10   R.  Je ne m'en souviens pas.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on alors nous montrer votre déclaration

 12   11079 datant de 1997. Aussi allons-nous essayer de nous pencher sur la page

 13   0055-5101. Il me semble que c'est la page 21.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Puis-je attirer votre attention sur le dernier paragraphe, où il est

 16   dit que :

 17   "Les tirs de mortier tirés depuis l'hôpital de Kosevo et depuis le

 18   point de regroupement d'armes d'Ilidza."

 19   Alors, est-ce que ça rafraîchit votre mémoire pour ce qui est du fait

 20   d'avoir abusé l'hôpital de Kosevo, chose qui s'est produite à plusieurs

 21   reprises ?

 22   R.  Je maintiens ce qui figure dans ma déclaration de 1997. Comme je vous

 23   l'ai déjà dit, le temps a quelque peu effacé les détails. Je maintiens ce

 24   qui y figure, à savoir que des tirs de mortier étaient venus du côté de

 25   l'hôpital de Kosevo et depuis ce point de rassemblement d'armes à Ilidza.

 26   Mais comme je l'ai dit en guise de réponse à plusieurs reprises, je ne puis

 27   que me référer à la déclaration que j'avais faite à l'époque.

 28   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez du fait que la partie musulmane

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  1   avait souvent fait recours à ce type de tactique consistant à tirer depuis

  2   des rapprochées des postes des Nations Unies, du bâtiment des PTT, et

  3   autres immeubles de ce type pour attirer des ripostes de la part de la

  4   partie serbe, et il y a eu des protestations de la part des Nations Unies

  5   qui se sont faites très souvent à l'intention ou auprès de M. Izetbegovic ?

  6   R.  Il est exact de dire que les Musulmans l'avaient fait, et que nous

  7   avons protesté auprès du corps. Il n'y a pas qu'Izetbegovic, nous avons

  8   protesté auprès du corps d'armée musulman aussi.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Je ne sais pas si nous avons encore le temps avant la pause,

 11   Excellence ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci étant le cas, je crois que nous

 13   allons faire la pause à présent, une pause d'une demi-heure, nous allons

 14   reprendre à 13 heures moins 05.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

 16   --- L'audience est reprise à 13 heures 00.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, à vous.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Très rapidement, je voudrais saisir l'occasion pour confirmer le fait

 20   que des liaisons vidéo ont été demandées et prévues pour les 1er et 2

 21   novembre pour l'audition des Témoins KDZ476, 244, et 130.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelles que soient les dispositions

 23   mises en place, nous respecterons les dates d'audition par vidéoconférence

 24   de ces trois témoins.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est exactement ce que j'ai compris

 26   également, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de cette information à l'avance.

 28   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic. 

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  1   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Général, j'aimerais vous rappeler vos aimables réponses pendant notre

  3   rencontre par vidéoconférence. En effet, pendant cette réunion à distance

  4   vous avez confirmé qu'un siège pouvait être une tactique militaire légitime

  5   pour autant qu'elle n'ait pas pour but d'affamer la population civile,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est une tactique, en effet, oui.

  8   Q.  Merci. Nous sommes également convenus, n'est-ce pas, que pour les

  9   Serbes encercler Sarajevo dans le but de conserver l'armée musulmane à

 10   l'intérieur de la ville et de l'empêcher de pouvoir participer aux combats

 11   qui se menaient dans le reste de la Bosnie était également une tactique

 12   légitime, n'est-ce pas, autrement dit le "confining muslim forces" pour

 13   employer le terme anglais ?

 14   R.  Je conviens qu'il est légitime pour les soldats serbes d'avoir encerclé

 15   les forces musulmanes à l'intérieur de Sarajevo.

 16   Q.  Merci. Nous nous sommes également mis d'accord sur le fait que l'emploi

 17   de l'artillerie lourde était légitime dans le but de : 

 18   "… repousser les attaques de la partie adverse."

 19   Et que la partie musulmane était considérablement supérieure en

 20   nombre, de sorte que l'emploi de l'artillerie lourde était du côté serbe un

 21   moyen de rétablir un certain équilibre dans le rapport des forces, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Je conviendrais que l'emploi de l'artillerie contre les forces

 24   militaires musulmanes était une stratégie légitime.

 25   Q.  Merci. Nous nous sommes mis d'accord également sur le fait que l'armée

 26   musulmane se servait de mortiers mobiles pour tirer sur les positions

 27   serbes, et qu'il arrivait que ces mortiers mobiles soient positionnés dans

 28   des lieux très sensibles comme, par exemple, le siège des Nations Unies ou

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  1   d'autres lieux d'une grande sensibilité sur le plan civil, donc les

  2   mortiers étaient positionnés dans ces endroits dans le but d'attirer une

  3   réplique au tir de la part de la partie serbe, n'est-ce pas ?

  4   R.  Les forces musulmanes ont bien agi de cette façon. Nous avons protesté

  5   auprès d'elles en raison de leur recours à de telles tactiques. Ce que

  6   cette partie musulmane a fait avait pour but d'attirer une réplique de la

  7   part des Serbes, mais les Serbes avaient le choix de tirer ou de ne pas

  8   tirer.

  9   Q.  Nous reviendrons sur ce point plus tard. Chaque fois qu'ils pouvaient

 10   le faire, ils n'ont pas tiré --

 11   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ceci est très typique

 13   de votre façon de procéder. Vous ne devez pas faire de déclaration. Vous

 14   devez vous contenter de poser des questions.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président.

 16   Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Général, nous nous sommes également mis d'accord sur le fait qu'il

 19   était toujours légitime d'attaquer des combattants ennemis quel que soit

 20   l'endroit où ils se trouvent, y compris si ces derniers organisent un match

 21   de football tout près de la ligne de front, n'est-ce pas ?

 22   R.  Engager des soldats d'un côté ou de l'autre était une activité légitime

 23   et les prendre pour cibles était légitime, même s'ils étaient en train de

 24   se livrer à une activité sportive.

 25   Q.  Merci. Vous vous êtes dit d'accord, n'est-ce pas - et je pense que vous

 26   vous en souviendrez - le fait que les états-majors militaires, les bureaux

 27   militaires, à tous les niveaux hiérarchiques depuis la compagnie jusqu'au

 28   corps d'armée, étaient des cibles militaires légitimes, même si leur

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  1   emplacement était situé assez loin des lignes de front, ce qui est

  2   d'ailleurs en général le cas, n'est-ce pas ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Toutes mes excuses, Monsieur le Président.

  5   Je crois avoir déjà formulé cette objection. Et je pense que le moment

  6   actuel est un bon moment pour la resituer dans son contexte. La question de

  7   savoir si une cible militaire est légitime par rapport à des circonstances

  8   déterminées porte sur deux éléments différents. La question qui se pose

  9   consiste à savoir s'il est légitime de prendre pour cible une installation

 10   militaire déterminée. Le témoin doit être informé des circonstances, c'est-

 11   à-dire du lieu de l'emplacement, du type d'arme, et cetera, qui sont liées

 12   à cette installation militaire.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le général pourra répondre

 14   à cette question.

 15   Vous pouvez répondre à la question, Général ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Un QG militaire est une cible militaire

 17   légitime en tant que telle.

 18   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 19   Q.  A titre d'information, je vous annonce que la question que je m'apprête

 20   à vous poser constituera la base de plusieurs questions ultérieures et je

 21   vous la pose en fonction des séances de récolement que nous avons eues

 22   ensemble.

 23   Alors, les entrepôts d'armes, c'est-à-dire l'endroit où des fournitures

 24   militaires, des équipements militaires sont entreposés, sont aussi des

 25   cibles légitimes, n'est-ce pas, même si ces dépôts se trouvent en

 26   profondeur du territoire, derrière les lignes de front, n'est-ce pas ?

 27   R.  Des dépôts militaires et des entrepôts militaires sont des cibles

 28   légitimes. Mais l'endroit où ils se trouvent complique un peu le problème.

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  1   Que faites-vous avec une telle cible militaire ? Nous entrons maintenant

  2   dans la question qu'il convient de se poser, à savoir une question qui

  3   relève du discernement militaire.

  4   Q.  Merci. Nous nous sommes également mis d'accord, n'est-ce pas, sur le

  5   fait que les moyens favorisant le transport et la communication, c'est-à-

  6   dire les véhicules, les transporteurs destinés à transporter un grand

  7   nombre de soldats ainsi que les transporteurs d'équipement, les voies de

  8   circulation publiques, les usines destinées à fabriquer des moyens destinés

  9   aux militaires, sont tous des cibles légitimes, n'est-ce pas ?

 10   R.  Les transports militaires, les transports d'équipement militaires, les

 11   usines fabriquant des moyens destinés aux militaires sont des cibles

 12   légitimes. Quant aux voies de communication publiques et aux véhicules qui

 13   ne sont pas précisément destinés aux militaires, ce ne sont pas des cibles

 14   militaires légitimes. Pour qu'elles le deviennent, il faudrait que leur

 15   mission soit d'ordre militaire.

 16   Q.  Je ne pensais pas à des voies utilisées par le public. Je pensais à des

 17   voies de circulation utilisées par l'armée. Là il y a peut-être eu un

 18   malentendu. Mais nous nous sommes mis d'accord également, n'est-ce pas, sur

 19   le fait que les lieux de commandement civil -- ou autrement dit, les chefs

 20   civils d'une armée, que sont en particulier les chefs d'Etat, un président,

 21   par exemple, peuvent être également une cible militaire légitime, n'est-ce

 22   pas ? Autrement dit, le lieu depuis lequel s'exerce le commandement civil

 23   et le lieu depuis lequel s'exerce le commandement militaire sont bien,

 24   n'est-ce pas, des cibles militaires légitimes ?

 25   R.  Il faudrait de très, très nombreuses explications pour définir

 26   exactement ce qu'est une voie de circulation militaire. Je pense que pour

 27   ma part je n'en ai jamais vu durant toute ma vie. Maintenant, les lieux de

 28   commandement civils ou les dirigeants civils de l'armée, ces termes nous

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  1   amènent dans une zone assez nébuleuse s'agissant du ciblage et il me

  2   faudrait beaucoup de travail avec tous mes conseillers juridiques pour

  3   définir s'il s'agit ou pas d'une cible militaire légitime. Mais en tout

  4   état de cause, je ne crois pas pouvoir mieux répondre à votre question.

  5   Q.  Merci, Général. Je voudrais qu'à présent nous disions quelques mots

  6   d'un autre sujet, qui est la proportionnalité des tirs ou le caractère

  7   discriminatoire d'un tir. Donc en vous appuyant sur l'expérience qui est la

  8   vôtre en tant que représentant des Nations Unies, et ce, dans le contexte

  9   des combats menés à Sarajevo, il est vrai, n'est-ce pas, que les

 10   expressions pilonnage ou tir disproportionné ou indiscriminé sont des

 11   expressions très souvent utilisées. Alors, j'aimerais que nous précisions

 12   un peu les choses de ce point de vue.

 13   Est-ce que vous connaissiez les positions de l'ABiH à l'intérieur de la

 14   ville ? Saviez-vous où elles se trouvaient ?

 15   R.  Je savais où se trouvait la présidence, où se trouvaient les quartiers

 16   généraux des corps d'armée, et plus généralement où se trouvaient les

 17   lignes de confrontation à Sarajevo.

 18   Q.  Connaissiez-vous le déploiement des unités aussi bien au niveau des

 19   lignes de front qu'en profondeur du territoire derrière les lignes de front

 20   à Sarajevo ?

 21   R.  Je ne disposais pas de renseignements détaillés au sujet de chaque

 22   unité. Il s'agissait de renseignements dont disposaient les forces des

 23   Nations Unies dans les secteurs concernés. Pour ma part, je m'occupais des

 24   deux côtés, de ce qui se passait au niveau du corps d'armée.

 25   Q.  Conviendrez-vous qu'à Sarajevo était déployé le 1er Corps de l'ABiH ?

 26   R.  Il se trouvait dans le secteur de Sarajevo, exact.

 27   Q.  Disposiez-vous d'information quant aux effectifs de ce corps d'armée ?

 28   R.  Nous avions une idée de l'importance et des effectifs de ce corps

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  1   d'armée au sein de notre organisation.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   Je demande à présent l'affichage du document 1D406.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  En attente d'affichage de ce document, je vous demande, Général, si la

  6   FORPRONU possédait son propre service de Renseignements ?

  7   R.  Nous avions nos propres services d'information. Car nous étions

  8   représentants des Nations Unies, donc nous ne cherchions pas à recueillir

  9   du renseignement, mais nous cherchions à obtenir des informations.

 10   Q.  Merci. Conviendriez-vous qu'afin de déterminer qui tire à partir de

 11   quel endroit, il importe de savoir quelles forces sont déployées où, sont

 12   en possession de quels emplacements ?

 13   R.  C'était important, et c'est la raison pour laquelle nous demandions

 14   toujours à nos forces des Nations Unies dans les secteurs concernés de

 15   faire des recherches et de déterminer, en fonction de ce que savaient les

 16   parties belligérantes, ce qui se passait sur le terrain et qui se trouvait

 17   où.

 18   Q.  Merci. Dans votre déclaration consolidée, en page 51, vous dites, je

 19   cite :

 20   "Question : Très bien, Colonel. Vous avez déjà dit - et c'était hier - en

 21   répondant à une question de l'Accusation, bien, à cette question, vous avez

 22   répondu qu'à Sarajevo il n'y avait que des civils et qu'il n'y avait pas de

 23   militaires. Vous rappelez-vous avoir dit cela ?

 24   "Réponse : Ce que j'ai dit concernait des endroits bien déterminés, oui, il

 25   y avait les civils et les Nations Unies. Il y avait l'ABiH le long de la

 26   ligne de confrontation. Elle avait son propre quartier général, mais il y

 27   avait d'autres cibles militaires. Je veux dire, la ville est grande. Il

 28   faudrait que vous soyez plus précis."

Page 8069

  1   Vous vous rappelez cette série de question-réponse ?

  2   R.  Je pars du principe que c'est bien ce que j'ai dit, car si vous dites

  3   que c'est dans ma déclaration, je confirme, mais je n'ai pas chacun des

  4   mots de ma déclaration en tête.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner

  6   l'emplacement exact de cette affirmation dans le texte ? Vous avez parlé

  7   d'une page 51, mais je ne trouve pas le passage.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si c'est la page 51 qui est à l'écran

  9   actuellement, peut-être faudrait-il la faire défiler vers le bas -- ou

 10   encore peut-on afficher la page précédente. Peut-être que le numéro 51 pour

 11   la page correspond à la numérotation du prétoire électronique. Nous allons

 12   le voir tout de suite.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Mais pendant que nous attendons l'apparition du texte à l'écran,

 15   Général, conviendriez-vous -- toutes mes excuses, il s'agit de la page 75.

 16   Donc, Général, conviendriez-vous qu'une armée a le devoir de donner des

 17   signes distinctifs à ses soldats, ce qui permet à ces derniers de se

 18   distinguer des civils ? Vous êtes d'accord sur le fait qu'il s'agit d'une

 19   obligation pour quelque armée que ce soit de distinguer ses soldats à

 20   l'aide de signes distinctifs, qui permettent de faire la différence entre

 21   eux et les civils ?

 22   R.  C'est une convention normale pour les armées que le port de l'uniforme.

 23   Q.  Etes-vous conscient du fait que, selon les déclarations, y compris de

 24   généraux musulmans, au début, chez eux, 85 % de combattants se battaient en

 25   vêtements civils et que par la suite ce pourcentage s'est un petit peu

 26   réduit, mais qu'au début, le pourcentage en question était très important,

 27   pratiquement 85 % qui se battaient habillés en civil ?

 28   R.  Je peux vous dire, en tant que soldat de métier, que si une armée a 85

Page 8070

  1   % de ses soldats qui portent des vêtements civils, tout engagement de ces

  2   pseudo-civils exigera une décision quant au fait de tirer ou de ne pas

  3   tirer sur eux, qui dépendra du fait qu'ils portent ou ne portent pas une

  4   arme. Et sur la base de mon expérience personnelle, je vous dirais que

  5   lorsqu'on se trouve face à un combattant potentiel qui porte des vêtements

  6   civils, on s'abstient de tirer si cet homme ne représente pas une menace

  7   pour vous. Tout ceci c'est le genre de brouillard de la guerre auquel un

  8   soldat de métier est confronté tous les jours en temps de guerre. Et le

  9   fait que des combattants portent des vêtements civils rend tout simplement

 10   la décision du commandant plus difficile à prendre.

 11   Q.  Merci. Finissons-en avec votre déclaration consolidée. Vous voyez

 12   l'extrait qui est affiché à l'écran et qui se lit comme suit, je cite :

 13   "Très bien, Colonel," et cetera.

 14   Vous êtes d'accord que c'est bien la partie de votre déclaration où vous

 15   traitez de ce problème ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 75 ? Attendons qu'elle apparaisse.

 17   Ah, elle est à l'écran.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, elle est déjà à l'écran.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Général, vous avez demandé que des questions précises vous soient

 21   posées.

 22   Conviendrez-vous qu'à Sarajevo il n'y avait pas un seul quartier,

 23   pour ainsi dire, qui était totalement civil, à savoir que les éléments

 24   militaires et les éléments civils, c'est-à-dire y compris des installations

 25   militaires, des structures militaires existaient dans tous les quartiers de

 26   la ville ?

 27   R.  Je ne conviendrais pas que chacun des quartiers avait une installation

 28   militaire. La ville abritait un très grand nombre de civils, et il y avait

Page 8071

  1   des militaires qui étaient éparpillés un peu partout. Mais dire que tout

  2   était militaire, non, je ne suis pas d'accord avec cela.

  3   Q.  Merci. S'il le faut, nous pourrons faire afficher un plan, mais sinon,

  4   sur la base de ce que vous savez, je vous demande de nous dire quels

  5   étaient le ou les quartiers de Sarajevo qui étaient entièrement civils,

  6   d'après vous ?

  7   R.  Sarajevo est une grande ville, donc je ne saurais pas répondre à votre

  8   question dans l'immédiat. Je ne pourrais pas vous dire quel était le

  9   quartier qui était totalement civil. Mais je ne connaissais pas

 10   particulièrement bien la ville de Sarajevo. Je ne la connaissais que dans

 11   le cadre de mon travail auprès du corps d'armée, donc je ne peux vous

 12   fournir qu'une interprétation générale, et je vous dirais, en bref, que

 13   j'ai vu où se trouvaient les lignes de front, mais que je ne crois pas

 14   avoir la possibilité de répondre dans le détail à votre question.

 15   Q.  Merci. J'espère que vous comprendrez que je me dois d'être précis eu

 16   égard à toute affirmation générale, car au sens juridique et pénal du

 17   terme, rien ne doit rester imprécisé.

 18   Peut-on faire défiler la page à l'écran vers le bas, de façon à ce que nous

 19   voyons une autre question et une autre réponse qui portent sur ce même

 20   sujet. Voilà. Merci beaucoup.

 21   Est-ce que vous pourriez, je vous prie, lire cette question et cette

 22   réponse qui viennent d'apparaître à l'écran, qui commencent par le mot

 23   "Colonel."

 24   Est-il bien indiqué dans cette question et cette réponse que vous n'aviez

 25   pas connaissance du déploiement de ces unités et que vous ne vous occupiez

 26   que de l'état-major du commandement du corps d'armée ainsi que des

 27   institutions étatiques du gouvernement ?

 28   R.  Je ne savais pas où étaient déployées les brigades. Savoir cela

Page 8072

  1   relevait de la responsabilité d'autres bataillons des Nations Unies. Pour

  2   ma part, mon travail se limitait à ce qui concernait le QG du corps

  3   d'armée.

  4   Q.  Merci. Merci. Mais est-ce que vous seriez, malgré tout, d'accord pour

  5   dire qu'il est tout à fait légitime que l'armée serbe tire sur des cibles

  6   militaires légitimes qui se trouvaient dans la ville même ?

  7   R.  Je serais d'accord pour dire qu'il est légitime de tirer sur des cibles

  8   militaires, mais avec le système d'armes qu'avaient les Serbes, moi, en

  9   tant que commandant serbe, je ne l'aurais pas ordonné, car je n'aurais pas

 10   pu garantir l'effet qu'auraient eu ces tirs sur la cible que je visais.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Regardons la page 77 de la déclaration, si vous

 12   le voulez bien. Deux page plus loin.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Regardez ici la réponse :

 15   "S'il y avait une cible militaire dans la ville, les Serbes avaient

 16   le droit de la viser, cette cible militaire, et les Nations Unies ne

 17   pouvaient pas protester, parce que ça faisait partie -- ça avait été fait

 18   dans les règles d'engagement."

 19   Etes-vous d'accord pour dire, Général, qu'il était nécessaire de savoir

 20   parfaitement quel était le dispositif ou la répartition des cibles

 21   militaires en ville pour pouvoir prendre position ? Les Nations Unies

 22   n'auraient-elles pas dû prendre position, quels que soient les tirs faits

 23   par les Serbes, vu la réponse que vous donnez ici dans ce compte rendu

 24   d'audience ?

 25   R.  La position des Nations Unies se fondait sur la connaissance

 26   approfondie qu'avaient les soldats sur le terrain, et cette position était

 27   que si on identifiait -- on engageait une cible militaire, il n'y aurait

 28   pas de protestation de notre part, mais que si on n'identifiait pas cette

Page 8073

  1   cible, nous allions protester. Je n'ai pas peut-être toutes les

  2   connaissances détaillées de la question des cibles militaires détaillées.

  3   Il faut la poser à ceux qui se trouvaient sur le terrain et avaient ces

  4   connaissances poussées en la matière.

  5   Q.  Parlons un peu davantage de la question de la proportionnalité et du

  6   caractère indiscriminé -- ou plutôt du caractère ciblé des tirs; quand a-t-

  7   on un tir ciblé et quand ne l'est-il pas ? Dans le procès Galic, est-ce que

  8   vous avez évoqué la question de la proportionnalité et les questions

  9   corollaires ? Pour vous faciliter la tâche, regardons la page 81. Page 81 :

 10   "Oui, je comprends bien," c'est le Juge Orie qui intervient, "je

 11   comprends."

 12   Je vais vous demander de regarder la question posée et la réponse que vous

 13   avez alors fournie.

 14   Est-ce que vous avez terminé la lecture ? C'est votre avis que vous

 15   exprimez là, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et si nous supposions qu'une position de l'armée serbe aurait subi une

 18   attaque au mortier ou à l'arme lourde depuis les immeubles.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voulez-vous voir le reste de la page ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce serait utile, Monsieur le Président,

 21   effectivement.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Donc si la position bosno-serbe est attaquée au mortier ou à l'arme

 26   lourde se trouvant sur un bâtiment en milieu urbain, est-ce que vous feriez

 27   un contre-feu en utilisant un tireur élite, un tireur embusqué, ou vous

 28   feriez autrement ?

Page 8074

  1   R.  On utiliserait le système d'armes qui permettrait de réagir à l'arme

  2   qui a tiré sur vous. Et si vous n'aviez pas un système d'armes adéquat, il

  3   faudrait riposter, effectivement. Rappelez-vous la position des Nations

  4   Unies sur le mont Igman. Nos systèmes d'armes n'ont pas pu réagir après les

  5   tirs des Serbes. Si vous n'avez pas l'arme nécessaire, vous ne riposter

  6   pas. Donc pour répondre à votre question. Si on tire sur vous au mortier et

  7   que vous n'avez pas les moyens pour réagir, votre décision est de ne pas

  8   faire de tirs de riposte.

  9   Q.  Si, par exemple, on tire au mortier alors que ce mortier est embarqué

 10   sur un camion et si nous subissons des pertes, est-il légitime de riposter

 11   par des tirs de mortiers ?

 12   R.  Non. Dans ce cas de figure que vous présentez, étant donné que vous

 13   avez un système mobile, vous n'avez sans doute pas un système d'armes qui

 14   vous permet de poursuivre ce mortier puisque vous ne savez pas d'où il a

 15   tiré.

 16   Q.  Oui, mais, Mon Général, vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'on

 17   ne sait pas, quand on subi le tir, qu'il est tiré d'une arme mobile qu'on

 18   déplace. Tout ce qu'on voit, c'est qu'on subit des pertes. Dans ce cas de

 19   figure, dans ce scénario, qu'est-ce qu'une armée devrait faire ?

 20   R.  Malheureusement, les Serbes ont décidé d'encercler Sarajevo. Et si vous

 21   subissez des pertes, si vous ne connaissez pas l'origine des tirs, bien,

 22   tout ce que vous pouvez faire c'est de tirer sur les positions militaires

 23   connues qui se trouvent sur la ligne de confrontation, mais dans la ville

 24   même d'où est peut-être venu le tir. C'est le dilemme auquel fait face un

 25   soldat.

 26   Q.  Oui, mais si nous, nous savons d'où vient le tir, si nous voyons d'où

 27   vient le tir, est-ce qu'il est légitime d'essayer de neutraliser cette

 28   origine ? Et comment éliminer la menace d'une attaque massive au mortier ou

Page 8075

  1   une autre arme qui nous infligerait des pertes ? Si nous sommes pris pour

  2   cibles depuis Golo Brdo ou bien à l'obusier depuis l'hôpital militaire,

  3   pourquoi est-ce qu'on va aller tirer sur le mont Igman ou ailleurs si la

  4   menace, elle vient de l'une ou de l'autre de ces positions que je viens de

  5   citer ? Est-ce qu'il ne faut pas faire des tirs préventifs ou éliminer une

  6   menace qui vient de tirs, d'attaques au mortier ou à l'arme plus lourde ?

  7   R.  Si un obusier tire sur vous et si cet obusier se trouve à proximité

  8   d'un hôpital militaire, si vous avez une arme qui vous permet d'éliminer

  9   l'obusier, mais écoutez, parce que c'est tout -- même si c'est -- vous avez

 10   cette arme, mais comme l'obusier se trouve auprès d'un hôpital militaire,

 11   vous ne tirez pas, tout simplement. Ça, ça fait partie de la convention de

 12   Genève.

 13   Q.  Mais qui a la responsabilité de la position de cet obusier à proximité

 14   de l'hôpital militaire ? Qui est-ce qui est responsable, les Serbes ou les

 15   Musulmans ?

 16   R.  Les Musulmans ont la responsabilité d'avoir utilisé cette arme, et à ce

 17   moment-là, nous protestons auprès des Musulmans pour avoir positionné une

 18   arme à proximité d'un hôpital ou pour avoir utilisé un système mobile,

 19   parce que ça va attirer une réponse qui ne va pas être sur la source du

 20   premier tir, mais ça va entraîner des dommages collatéraux qui sont

 21   inacceptables.

 22   Q.  Voyons comment vous avez fourni une explication suite à un exemple

 23   concret.

 24   Pour ce faire, prenons la page 52 de votre déclaration consolidée.

 25   C'est la rubrique consacrée à Lukavica. Veuillez lire ce passage du

 26   début à la fin.

 27   R.  J'ai terminé ma lecture.

 28   Q.  Etes-vous d'accord pour dire avec moi que si, par exemple, on ouvrait

Page 8076

  1   le feu sur les Serbes depuis Debelo Brdo et si vous saviez que Debelo Brdo

  2   était tenu par l'armée musulmane; c'est bien cela, n'est-ce pas ?

  3   R.  Il y avait des parties de Debelo Brdo qui étaient tenues par les

  4   Musulmans, mais il y avait aussi un poste des Nations Unies.

  5   Q.  Oui, mais conviendriez-vous qu'il n'y avait pas de civils à Debelo Brdo

  6   ?

  7   R.  Il y avait là une ligne de confrontation, nous l'avons reconnue, et

  8   disons qu'à 100 ou 200 mètres de la ligne, il y avait sans doute des

  9   civils.

 10   Q.  Et si on ouvrait le feu sur Debelo Brdo, disons, ceux qui faisaient le

 11   décompte du nombre d'obus tirés, est-ce qu'ils tiendraient compte du nombre

 12   d'obus sur Debelo Brdo pour établir le nombre total d'obus qui sont tombés

 13   sur Sarajevo ?

 14   R.  Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire. Nous avons fait des

 15   décomptes, nous avons compté le nombre d'obus. Je ne sais pas si nous avons

 16   compté le nombre d'obus tombés sur la ligne de confrontation à Debelo Brdo

 17   au jour dont vous parlez.

 18   Q.  Oui, mais vous mentionnez Debelo Brdo comme exemple de tirs

 19   disproportionnés.

 20   Pouvons-nous examiner rapidement la pièce P1782 qui a été versée

 21   aujourd'hui.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez un commentaire à

 23   faire après ce que vient de dire M. Karadzic, à savoir que vous aviez cité

 24   le cas de Debelo Brdo comme étant un cas de tirs disproportionnés ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque les Musulmans ont tiré sur Lukavica,

 26   nous avons protesté, c'est ce que j'ai dit, car nous savions que c'était

 27   pour provoquer une réponse des Serbes. Ça, c'est une première chose.

 28   Deuxième chose, autour de Debelo Brdo, il y avait des positions

Page 8077

  1   militaires, mais il y avait aussi des civils, et les tirs d'artillerie

  2   pouvaient aussi tomber là où il y avait des civils. Et nous avons protesté

  3   auprès des Serbes parce qu'ils avaient tiré sur des cibles civiles. Ça

  4   dépend du système d'armes utilisé, et les tirs étaient bien plus importants

  5   que de simples tirs de défense. Et ils insistaient, ils voulaient prouver

  6   quelque chose, Ça s'est intensifié tout au long de la journée et ça ne

  7   s'est pas limité à la ligne de confrontation. Ils se sont aventurés dans

  8   les zones civiles, et là, nous avions l'obligation d'en faire rapport, d'y

  9   mettre un terme. Et c'est ce que nous avons essayé de faire.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Nous allons revenir à la page 52 de votre déclaration, mais veuillez

 13   comprendre que je ne peux simplement laisser en l'air des choses générales,

 14   qu'il vaut être précis.

 15   Regardez la dernière phrase du premier paragraphe, qui dit ceci --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 17   Oui, Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je pensais

 19   que nous revenions à la déclaration consolidée, et là, j'ai une copie qui

 20   n'est pas annotée et qui serait peut-être utile pour le témoin.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, fort bien. Oui, oui, ce serait

 22   bien utile que le général ait une copie sous les yeux, on ne sait jamais.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, on peut revenir tout de suite à sa

 24   déclaration.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Prenez la page 52, c'est là où vous dites que les Musulmans avaient

 27   tiré sur les Serbes et que les Serbes avaient tiré des tirs de riposte.

 28   Voyons quelles sont les cibles qu'ont visées les Serbes dans leurs tirs de

Page 8078

  1   riposte,

  2   Parce qu'ici, il est dit que les Serbes tiraient sur la ville. Mais

  3   voyons exactement sur quelle partie de la ville ils ont tiré. Ils ont eu

  4   des tirs de riposte sur Debelo Brdo et sur la zone adjacente à la Miljacka,

  5   sur la rive tenue par les Musulmans.

  6   Est-ce que vous voyez ici qu'on a ouvert le feu sur Debelo Brdo ? Et

  7   êtes-vous d'accord pour dire que là il n'y a pas une seule installation

  8   civile ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que la question a déjà été posée et

 11   elle a déjà reçu réponse.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A un moment donné, le général a répondu

 13   qu'il y avait une ligne de confrontation à cet endroit, c'est ce qu'il nous

 14   a dit, Nous avons reconnu qu'il n'y avait pas de civils. Sans doute se

 15   trouvaient-ils à 100 ou 200 mètres de là. Puis vous avez ajouté plus tard,

 16   Monsieur le Témoin, que quelquefois les tirs sont allés plus loin. Donc

 17   c'est peut-être un moment qui se prête bien à des précisions.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis d'accord pour dire que l'engagement

 19   avait commencé peut-être à la ligne de confrontation se trouvant sur Debelo

 20   Brdo. Nous avons fait très attention ce jour-là, parce que nous avions

 21   notre propre poste là et il y avait un obus qui, s'il était tombé sur notre

 22   poste, ç'aurait été en violation de l'accord, et nous aurions protesté. En

 23   plus, la riposte ne s'est pas limitée à la ligne de confrontation. C'est

 24   allé jusqu'à la communauté musulmane parce que les lignes de confrontation

 25   se trouvaient quelquefois à une centaine de mètres des civils.

 26   Et je le répète, des tirs d'artillerie dirigés sur la ligne de

 27   confrontation en milieu urbain, ça va inévitablement provoquer des

 28   violations parce que ce sont des tirs de zone. Ce n'est pas l'arme idéale

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  1   contre des combattants en milieu urbain. J'espère qu'ainsi j'étoffe mieux

  2   le propos que je tenais dans ma déclaration, et j'espère avoir ainsi

  3   répondu à la question.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 15, s'il vous plaît, dans le système du

  6   prétoire électronique.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Et je vais vous demander de l'examiner vous aussi, Monsieur le Témoin.

  9   C'est votre réponse qui dit que :

 10   "Les Musulmans avaient leurs positions juste -- et les Musulmans

 11   étaient juste en contrebas. Et si je peux ajouter que les Serbes étaient

 12   juste au sud d'une élévation d'une hauteur qui surplombait Debelo Brdo."

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Merci. Est-ce que vous voudriez consulter une carte, voire une photo de

 15   Debelo Brdo qui va vous montrer qu'il n'y avait pas d'objets d'installation

 16   civile, en tout cas pas dans un rayon de 200 ou 300 mètres par rapport à la

 17   ligne de confrontation ? Peut-être que votre mémoire vous suffira, qu'il ne

 18   sera pas nécessaire d'examiner une carte.

 19   R.  J'ai admis qu'il n'y avait pas de civils, sans doute à une distance de

 20   100 ou 200 mètres de la ligne de confrontation d'avec les Musulmans, ou

 21   entre les Musulmans et les Serbes qui tenaient les hauteurs.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Reprenons la pièce P1782. 1782. Ça suffira,

 24   rien qu'en anglais.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Regardez la dernière phrase du premier paragraphe. Elle dit ceci, je

 27   cite : Un employé de Famos a été tué, et deux femmes ainsi qu'un civil sont

 28   blessés. Puis paragraphe 3, dernière phrase, je

Page 8080

  1   lis : Une jeune fille et une femme civile ont été blessées.

  2   Vous l'aurez peut-être constaté, nous avons ici un rapport émanant du Corps

  3   Sarajevo-Romanija. Il est adressé à l'état-major principal, et ici on fait

  4   état du type et du nombre de blessures subies par l'armée serbe infligées

  5   par les Musulmans.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante, s'il vous plaît.

  7   Point 3, "Situation sur le territoire." Page suivante.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Regardez.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un peu plus bas, s'il vous plaît.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  "Et pendant les tirs, lorsqu'un enfant fut blessé, les membres des

 13   Nations Unies se trouvant sur Debelo Brdo se sont abrités, et aussitôt

 14   après ils sont sortis et nous ont empêchés de riposter. Les membres des

 15   Nations Unies de Debelo Brdo s'étaient mal conduits déjà auparavant

 16   puisqu'ils avaient manifesté de la sympathie pour le camp musulman. Plus

 17   particulièrement, ils ont soutenu les Musulmans qui construisaient des

 18   abris et avançaient sur nos positions. Les observateurs des Nations Unies

 19   ont été mutés à l'organe de sécurité de la caserne Slavisa Vajner Cica…"

 20   Regardons le début de ce point 3. Je lis :

 21   "Il y a des problèmes avec la FORPRONU qui sont apparus au niveau de la

 22   Brigade d'infanterie d'Ilidza vers 21 heures 15 hier, lorsque la FORPRONU a

 23   tiré sur nos positions dans la zone de l'école des eaux et forêts, après

 24   nos tirs sur la route Hrasnica-Igman."

 25   Général, est-ce que vous voyez qu'ici vous avez la réponse que nous avons

 26   eue aux tirs des Musulmans, mais aussi aux tirs qui venaient, il faut bien

 27   le reconnaître, de la FORPRONU ? Nous sommes pris pour cible, on nous tire

 28   dessus, et alors que nous visons des cibles légitimes, et on prévoit un

Page 8081

  1   abri pour les Musulmans à Debelo Brdo, ce qui fait que nous n'avons pas pu,

  2   à cause de cela, donner de réponse appropriée ?

  3   R.  Je vais répondre à votre question. La FORPRONU a tiré sur la position

  4   serbe suite au fait que les Serbes avaient tiré sur nous. Ce n'est pas nous

  5   qui avons commencé l'engagement. Ce sont les Serbes qui l'ont commencé.

  6   Les Serbes avaient le droit de riposter si les Musulmans tiraient sur

  7   eux, pour autant qu'ils aient les bonnes armes, en tenant compte des dégâts

  8   collatéraux. Nous n'en avons pas discuté, mais si on entre dans le domaine

  9   des civils, effectivement ça nous a posé problème, et nous l'avons dit.

 10   Jamais de la vie la FORPRONU n'a aidé une faction belligérante, et je

 11   peux vous dire que nous n'avons pas aidé les Musulmans à creuser leurs

 12   tranchées. Ce n'est pas ce que nous faisons. C'étaient les Serbes et les

 13   Musulmans qui se combattaient. Alors effectivement, il y a eu des forces

 14   musulmanes à Debelo Brdo qui se sont mises à l'abri pour se défendre. Nous

 15   avons été en contact avec eux toute la journée, et s'ils pensaient que

 16   leurs vies étaient menacées, ils avaient le droit de riposter pour se

 17   défendre. Mais nous n'avons pas engagé cet affrontement. Ce n'est pas nous

 18   qui sommes à l'origine de cet engagement.

 19   Q.  Merci. Le général Milosevic dit que la Brigade d'Ilidza a tiré

 20   sur la route de Hrasnica au mont Igman. Or, c'est une artère

 21   d'approvisionnement de l'armée musulmane à Hrasnica et à Sarajevo.

 22   Quelqu'un de la FORPRONU a tiré sur l'école des eaux et forêts parce qu'on

 23   avait tiré sur la route Hrasnica-Igman, après quoi les forces de la

 24   FORPRONU sont allées à Debelo Brdo pour protéger l'unité musulmane, ce qui

 25   nous a empêchés d'avoir des tirs de riposte.

 26   Revenons à la page 52 pour examiner un autre lieu de la ville où nous avons

 27   effectué des tirs de riposte.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois, que de nouveau, cette

Page 8082

  1   déclaration n'était pas utile. Abstenez-vous de faire des discours.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je dois poser la question.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Le général Milosevic informe ici son supérieur hiérarchique du fait que

  5   la brigade a tiré sur la route Hrasnica-Igman, après quoi la FORPRONU est

  6   devenue partie prenante, s'est impliquée, ou pensez-vous que le rapport du

  7   général Milosevic ait été incorrect ?

  8   R.  Le général Milosevic a le droit d'avoir son avis, mais nous avons eu

  9   des hommes sur la route du mont Igman visés par des tirs, et ils ont

 10   riposté pour se défendre. Nous étions les forces de maintien de la paix.

 11   Nous ne faisions pas partie des combattants, des belligérants.

 12   Q.  Regardez le deuxième endroit dans la ville où nous avons effectué des

 13   tirs de riposte. Le premier lieu, ce fut Debelo Brdo, puis il y a eu la

 14   rivière Miljacka du côté musulman.

 15   Etes-vous d'accord pour dire que cette rivière, le fleuve Miljacka, à cet

 16   endroit-ci, c'était en fait une ligne de séparation ? Etes-vous d'accord

 17   pour dire qu'il y avait des tranchées serbes, des tranchées musulanes sur

 18   les deux rives, êtes-vous d'accord pour dire que du côté musulman de la

 19   rivière il y avait de véritables fortifications militaires ?

 20   R.  Je suis d'accord pour dire que la rivière c'était la séparation entre

 21   les forces musulmanes et les forces serbes et qu'il y avait éparpillées

 22   entre eux ces parties des civils, et ceci était vrai sur toutes les rives,

 23   tous les tronçons de rives.

 24   Q.  Merci.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans cette réponse, Mon Général, vous

 26   n'avez pas parlé des tirs qui allaient plus loin que la ligne de

 27   confrontation, au point où ceci aurait engagé des éléments civils.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me préciser ? Est-ce

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  1   que là je devrais examiner un document ou est-ce que c'était dans le cadre

  2   d'une réponse que je donnais ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En fait, "ce n'était pas [comme

  4   interprété] simplement tirer sur la ville, c'est tirer sur Debelo Brdo, et

  5   la zone autour de la rivière Miljacka du côté musulman, c'était intense.

  6   Mais là, vous ne parlez pas de l'élément civil. J'aimerais une

  7   précision de votre part.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Les combats autour de Debelo Brdo, pour

  9   l'essentiel, impliquaient la ligne de front, entre les factions. Mais si on

 10   allait vers la rivière Miljacka, il y avait ici et là des éléments civils.

 11   Il n'y avait pas 100 ou 200 mètres de séparation. C'était vraiment mélangé,

 12   si vous voulez. C'était émaillé de civils.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation] 

 15   Q.  Mais, Mon Général, seriez-vous d'accord pour dire que les deux rives -

 16   et quand on dit 100 ou 200 mètres de la rivière, il y avait des tranchées -

 17   et que les bâtiments adjacents, eux aussi, ils ont été utilisés pour

 18   défendre ce territoire. M. Sabljica l'a confirmé à votre place là, il y a

 19   peu. Donc il y avait des tranchées sur les deux rives alors que de l'autre

 20   côté, par exemple, il y avait des fortifications qui étaient tenues par les

 21   défenseurs de la

 22   ligne ?

 23   R.  Je ne conteste pas qu'il y ait eu des défendeurs des parties de la

 24   rivière ainsi que dans les immeubles.

 25   Q.  Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre le 1D1758

 27   maintenant. 1D1758.

 28   Q.  Il s'agit d'un rapport du Corps de Sarajevo-Romanija; c'est régulier,

Page 8084

  1   c'est destiné à l'état-major. Et avec votre autorisation --

  2   Relevez un peu le texte, s'il vous plaît. Alors s'il n'y a pas de

  3   traduction, j'aimerais donner lecture du paragraphe 3.

  4   "On a repris les travaux du génie, à savoir dans la zone de

  5   responsabilité de la 1ière Brigade motorisée de Sarajevo dans le secteur du

  6   2e Bataillon d'infanterie à côté de Kudrine Kuce, et en face de la

  7   distribution d'électricité le long de la rivière Miljacka, où il y a eu

  8   fortification de faite en présence de la FORPRONU et dans la zone de

  9   responsabilité de la 3e Brigade d'infanterie. A la cote 850, on a remarqué

 10   qu'on était en train de creuser des tranchées. L'excavation des tranchées

 11   était effectuée par les soldats de la FORPRONU en compagnie de soldats

 12   musulmans. Ensuite, on voit le comportement des Serbes au deuxièmement

 13   [phon], avec nos effectifs de poing. Ce qu'on voit, c'est que le long de la

 14   rivière Miljacka, à côté de Kudrine Kuce, en face de la société de

 15   distribution d'électricité, il y a une fortification des lignes, et si des

 16   obus sont en train de tomber sur cette rive-là de la Miljacka, est-ce que

 17   de votre avis c'est légitime ou pas ?

 18   R.  Si votre question -- tout d'abord, les Nations Unies n'étaient pas en

 19   train d'aider les Musulmans dans leurs préparatifs à la défense. Et

 20   deuxièmement, le fait de savoir si c'est légitime que d'avoir fait tomber

 21   deux obus à côté de la rivière, de mon avis, non, en raison de la proximité

 22   des civils, des bâtiments, des systèmes d'armement eux-mêmes, du fait de

 23   tirer des munitions d'artillerie à proximité de la ligne de démarcation, ce

 24   n'est pas un système efficace. C'est tout à fait imparfait. Vous ne pouvez

 25   pas avoir une trajectoire appropriée pour toucher votre cible. Il vaut

 26   mieux utiliser des mitrailleuses, des lance-roquettes, des armes qui

 27   permettent de tirer directement. Mais utiliser des pièces à tirs indirects

 28   en direction des positions de l'ennemi avec l'artillerie, ce n'est pas une

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  1   façon légitime de cibler.

  2   Q.  Ce que je veux déterminer c'est vous faire dire si la Miljacka est

  3   fortifiée non loin de Kudrine Kuce et que Kudrine Kuce, c'est une partie

  4   intégrante de cette ligne ou non. Et, Mon Général, il relève de la

  5   responsabilité de qui de mettre des fortifications dans une zone civile ?

  6   Est-ce que ça relève de notre responsabilité ou de la leur ? Est-ce qu'ils

  7   ont le droit de se servir de ce voisinage de l'installation civile pour se

  8   protéger de tout tir en riposte ? Est-ce que ça, ça constitue une violation

  9   des conventions de Genève ?

 10   R.  L'utilisation des civils en tant que boucliers c'est contre la loi.

 11   Toute partie qui fortifierait sa défense le long de cette ligne a le droit

 12   de le faire. Mais ceci étant dit, ils ne peuvent pas se servir de civils

 13   pour faire partie intégrante de ses travaux de défense. Ils ont

 14   l'obligation de faire sortir les civils du secteur afin de pouvoir

 15   poursuivre le combat avec la partie qui se trouve de l'autre côté; c'est

 16   légitime. Mais garder les civils de ce côté, cela relève des

 17   responsabilités du commandant en place, et il se trouve être responsable

 18   vis-à-vis de ce que disent les conventions de Genève.

 19   Q.  Merci.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que je peux

 21   vous rappeler le fait qu'à un moment donné vous avez souhaité montrer au

 22   général le document 1D46 [comme interprété], avec la liste des unités, puis

 23   vous avez sauté ce document pour montrer au général sa propre déclaration.

 24   Il vous appartient de décider de ce que vous allez en faire.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] On y viendra à ce document. Ce document montre

 26   les effectifs de l'ABiH en ville et autour de la ville. Mais je voudrais

 27   d'abord demander le versement au dossier du document que nous avions eu sur

 28   nos écrans tout à l'heure. S'il n'y a pas de traduction, marquons-le à des

Page 8086

  1   fins d'identification.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allons-nous lui attribuer une cote à des

  3   fins d'indentification en attendant la traduction, Monsieur Tieger ?

  4   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, ce sera fait.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P771 MFI.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, Mon Général, en tirant sur Lukavica, ces effectifs musulmans

 10   étaient en train de tirer en même temps vers des zones d'habitation ?

 11   R.  En tirant vers Lukavica, vers l'état-major du corps, ce serait tout à

 12   fait légitime; mais tirer vers des secteurs d'habitation, ce n'est pas le

 13   cas.

 14   Q.  Mais Lukavica c'était une zone d'habitation, n'est-ce pas ?

 15   R.  Il y avait là aussi le QG du corps, ce qui fait qu'il convient de

 16   délimiter les cibles de tirs.

 17   Q.  Mais est-ce qu'il y a une distinction à faire entre Sarajevo et

 18   Lukavica, ou est-ce que les Musulmans bénéficient de remise ?

 19   R.  Tout engagement en direction de Sarajevo et de Lukavica devrait être

 20   fait avec une vérification préalable pour savoir si les cibles sont des

 21   cibles militaires, et je ne vois pas qu'il y ait eu des remises

 22   d'attribuées aux Musulmans, puisque les Nations Unies ont traité les deux

 23   parties belligérantes de façon équitable.

 24   Q.  Je voudrais qu'on nous montre la page 60 de votre déclaration. Et vous,

 25   je vous demande de me répondre : y a-t-il une différence entre Lukavica et

 26   Sarajevo, dans le sens que je viens de l'évoquer ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, où voulez-vous en

 28   venir, ce disant ? Vous admettez que les Serbes ont violé les conventions

Page 8087

  1   de Genève par le fait d'avoir situé leur quartier général dans une zone

  2   résidentielle. Allons de l'avant.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je veux, Votre Excellence, c'est que

  4   nous puissions voir quel a été le traitement réservé aux parties au

  5   conflit, et ce, par les soins de la communauté internationale, c'est-à-dire

  6   les représentants des Nations Unies.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Alors, est-ce que vous voyez ici la question qui vous a été posée et la

  9   réponse apportée. Il est question :

 10   "Passons à l'exemple concret de la caserne de Lukavica. Est-ce que

 11   vous saviez que Lukavica était un secteur résidentiel dans Sarajevo ?"

 12   Et la réponse :

 13   "Oui, je le savais."

 14   Est-ce que vous avez donc considéré que tirer sur Lukavica c'était une

 15   activité légitime, n'est-ce pas ?

 16   R.  J'ai dit que tirer en direction de la caserne de Lukavica était

 17   légitime. Tirer vers des secteurs résidentiels à Lukavica ne l'était pas.

 18   Q.  Merci. Indépendamment du fait d'avoir eu des zones d'habitation autour,

 19   vous avez considéré la chose comme étant légitime, n'est-ce pas ?

 20   R.  La caserne est une cible légitime, et nous avons toutefois protesté

 21   pour ce qui est des Musulmans qui ont tiré vers le siège du quartier

 22   général, et ce, en raison des réactions qui se sont ensuivies. Je vous l'ai

 23   déjà dit. S'ils avaient tiré vers la partie de la ville où il y avait des

 24   civils, les Nations Unies étaient cohérentes en protestant des factions

 25   quelles qu'elles soient, et il y a eu protestation à l'égard des Musulmans

 26   s'ils avaient tiré en direction d'installations civiles.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on se penche sur la page 58 de

 28   votre déclaration. Voyons un peu, ça se trouve en partie inférieure. Il y a

Page 8088

  1   une question qui est posée. D'abord, vous dites :

  2   "O.K. Laissez-moi reformuler…"

  3   Alors, c'est vers cette partie-là que je vous dirige. Et il y a une

  4   question posée par le Juge Harhoff.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  C'est ce que vous avez répondu à l'époque, n'est-ce pas ?

  7   R.  Je maintiens ma déclaration, à savoir celle de dire que tirer vers la

  8   caserne de Lukavica était tout à fait légitime, mais les forces qui étaient

  9   sur le terrain ne nous ont pas fait savoir qu'il y a eu des tirs en

 10   direction de quoi que ce soit d'autre, si ce n'est cette cible militaire au

 11   moment donné.

 12   Q.  Mon Général, est-ce que vous n'étiez pas censé connaître la disposition

 13   complète des forces musulmanes dans la partie civile de Sarajevo, donc dans

 14   les secteurs civils de Sarajevo, pour être à même de caractériser les tirs

 15   des Serbes ?

 16   R.  Les bataillons des Nations Unies et des forces qui se trouvaient dans

 17   Sarajevo avaient pour mission de savoir où se trouvaient les forces

 18   musulmanes, ce qui fait qu'au moment où il y avait réception des rapports,

 19   nous pouvions nous-mêmes présenter des rapports à nous, voire, le cas

 20   échéant, protester auprès de qui de droit. C'était une partie normale de la

 21   façon de présenter des rapports par les soins des Nations Unies aux fins de

 22   s'assurer que nous ne sommes pas en train de nous immiscer dans les

 23   activités des parties belligérantes. Or, lorsque ceci sort du cadre de ce

 24   qui est autorisé, il faut bien que nous intervenions.

 25   Q.  Mais vous, vous dites que quand on tire vers des installations

 26   militaires ou des troupes qui se trouvent dans une zone civile, ça ne

 27   change pas la nature de la cible militaire; c'est bien ce que vous nous

 28   dites, n'est-ce pas ? Par exemple, pour l'exemple de Lukavica, il en va de

Page 8089

  1   même. Est-ce qu'il en va de même pour ce qui est des installations

  2   militaires musulmanes dans la ville ?

  3   R.  Cibler des installations militaires ou des effectifs militaires, c'est

  4   légitime. Les effectifs qui - pour répondre à votre question - se trouvent

  5   dans une zone civile changent la nature de la cible, et il nous appartient

  6   alors de décider si on pouvait œuvrer en direction d'une cible militaire si

  7   ça se trouvait dans une zone civile. Si vous êtes en civil, il faut peut-

  8   être s'arrêter parce que vous mettez en danger les civils. Les rapports en

  9   provenance de Lukavica qui nous ont été communiqués par les soldats

 10   français qui se trouvaient sur les lieux disaient que les projectiles

 11   avaient touché le commandement à Lukavica. Et si problème il y a eu au

 12   niveau des forces des Nations Unies qui se trouvaient dans le même secteur,

 13   le fait est qu'il y a eu des tirs de dirigés vers le QG, c'est-à-dire le

 14   commandement, et ça fait partie de la guerre.

 15   Q.  Mon Général, j'ai peut-être été confus dans ma question. Le QG se

 16   trouve à Lukavica, dans une zone d'habitation, et comme dans la ville de

 17   Sarajevo, toutes les installations militaires musulmanes se trouvent dans

 18   des zones résidentielles. Alors, tirer sur Lukavica dans une zone

 19   résidentielle, de façon précise ou pas, c'est légitime. Mais est-ce que

 20   tirer en direction des installations militaires musulmanes peut bénéficier

 21   du même statut que dans le cas précédent ou est-ce que là il y a une

 22   différence de faite ? Répondez-moi par un oui ou par un non. Est-ce que les

 23   installations militaires serbes ont le même statut pour ce qui est de cette

 24   zone résidentielle, est-ce que ce statut est le même que pour ce qui est

 25   des installations musulmanes de l'autre côté ?

 26   R.  Les installations militaires serbes qui se trouvaient dans une zone

 27   résidentielle avaient le même statut que les installations militaires

 28   musulmanes dans des zones résidentielles. Je suis d'accord avec votre

Page 8090

  1   déclaration.

  2   Q.  Merci.

  3   Est-ce qu'on peut nous montrer le 1D406, que j'avais annoncé il y a un

  4   moment de cela. J'espère qu'on devrait avoir une traduction. Il s'agit d'un

  5   document de l'ABiH, et ça vient de l'état-major principal. Ce document nous

  6   parle des effectifs qui sont présents dans Sarajevo.

  7   S'il n'y a pas de traduction, je vais identifier le document.

  8   L'ABiH, état-major principal de l'armée, QG de l'armée,

  9   administration des affaires d'organisation et de mobilisation. Et il s'agit

 10   de :

 11   "Communication d'un aperçu des appellations des différentes

 12   formations et des numéros de la VJ.

 13   "Ceci doit être utilisé à des fins internes, sans possibilité de

 14   faire des copies."

 15   Est-ce qu'on peut nous montrer la page 2 maintenant, je vous prie.

 16  Ici, nous avons le 1er Corps. D'abord il y a l'état-major principal, puis le

 17   QG du commandement Suprême.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Eux, ils se trouvent à Sarajevo, au centre-ville, n'est-ce pas ?

 20   R.  Si c'est à moi que vous posez la question, je ne peux pas vous le dire

 21   partant de ce document. S'il est dit que c'est une organisation des forces

 22   armées, je veux bien vous croire sur parole.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du fait que l'état-major principal et le

 24   QG du commandement Suprême se trouvaient au centre même de la ville de

 25   Sarajevo ?

 26   R.  Ça, je le sais, oui.

 27   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que le

 28   commandement du 1er Corps et les unités accessoires se trouvaient également

Page 8091

  1   au centre de Sarajevo ?

  2   R.  Oui, c'est le cas.

  3   Q.  Est-ce que je peux attirer votre attention sur le numéro 5667. Cette

  4   partie-là se rapporte au 1er Corps. Alors, je vous demande de prêter

  5   attention. Il y a : "BVP, 1er Corps," puis "5114 : bataillon DB, bataillon

  6   DB." Puis on voit 1er LAR DPVO, puis le 1er Bataillon du génie, puis le 1er

  7   LOB du Corps, puis le 1er Bataillon médical.

  8   Page suivante, s'il vous plaît.

  9   Ensuite, on voit le 141e LBR, puis le 145e, puis le 146e, puis le Kralj

 10   Tvrtko, c'est une brigade croate qui se trouve dans la ville même, puis le

 11  1er MAP [phon], puis le 1er MAD, puis le Bataillon blindé du 1er Corps, puis

 12  le NCR du 1er Corps, puis le commandement de la garnison à Sarajevo, puis le

 13   commandement de la localité de Novo Sarajevo, puis le commandement de la

 14   localité de Vogosca, puis le commandement de la localité de Novi Grad, le

 15   commandement de la localité d'Ilidza, le commandement du site de Stari

 16   Grad, le commandement du site Centar, et le commandement du site Hadzici.

 17   Montrez-nous, s'il vous plaît, la page suivante.

 18   Et puis viennent -- ça va du 524, 1er Corps, 101e Brigade motorisée, 102e

 19   Brigade motorisée, 105e Brigade motorisée, 111e, et je crois que c'est la

 20   Brigade de Montagne Vitezovi, 112e Brigade des Vitezovi motorisée, 115e

 21   Brigade motorisée, 152e Brigade motorisée, 155e Brigade motorisée, et 143e

 22   Brigade motorisée.

 23   Alors, est-ce que vous êtes d'accord avec moi, Mon Général, pour dire qu'à

 24   Sarajevo il y avait environ 60 bataillons dans ces brigades et quelque 150

 25   compagnies ? Donc bataillons de brigade, bataillons autonomes, compagnies,

 26   unités, et cetera, c'était au nombre de 60 bataillons et quelque 150

 27   compagnies ?

 28   R.  Je reconnais qu'il y avait ce 1er Corps musulman à Sarajevo. Je ne peux

Page 8092

  1   pas parler du nombre de compagnies ou de bataillons, mais je ne conteste

  2   pas la présence d'un corps là-bas.

  3   Q.  Est-ce que vous voyez au "5603" : "104e Brigade des Vitezovi motorisée

  4   à Hrasnica" ? Est-ce que vous connaissiez le nombre d'hommes dans cette

  5   104e Brigade et des installations qu'elle avait à sa disposition dans

  6   Hrasnica même ?

  7   R.  Non, je ne le savais pas.

  8   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez vous pencher au 5453 : "la 155e." Etes-

  9   vous d'accord avec moi pour dire que cette 155e Brigade motorisée était

 10   déployée à Dobrinja et qu'elle comptait jusqu'à 5 000 soldats ? Un témoin

 11   nous a même dit que, de son avis, ils étaient encore plus nombreux. Et

 12   c'est tout petit, Dobrinja. Vous connaissez la taille de Dobrinja, n'est-ce

 13   pas ? Est-ce que vous savez d'abord où se trouve Dobrinja ?

 14   R.  Oui, je le sais. Je ne peux pas confirmer qu'ils aient eu

 15   5 000 soldats là-bas, mais je connais le secteur.

 16   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que cette 155e Brigade

 17   de Montagne, sa zone de responsabilité c'était bel et bien Dobrinja ?

 18   R.  Je veux bien vous croire sur parole. Mais je ne sais pas quelle était

 19   cette brigade au juste, mais il y a eu des soldats partout dans Sarajevo,

 20   oui.

 21   Q.  Merci. Alors, pour les parties en présence, la colonne de gauche, c'est

 22   les appellations nouvelles, et la colonne de droite ce sont les

 23   appellations anciennes. Il y a eu une nouvelle dénomination des unités, et

 24   c'est la raison pour laquelle ce document a été rédigé.

 25   Alors, ça, ça fait partie du 1er Corps. Et vous souvenez-vous aussi du fait

 26   qu'à Pazaric il y avait la 14e Division ? En ville, il y avait la 12e, mais

 27   à Pazaric et à Tarcin, il y avait la 14e Division du 1er Corps ?

 28   R.  Ce sont des détails dont je ne me souviens pas.

Page 8093

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que si une

  2   brigade compte trois à cinq bataillons et qu'un bataillon compte trois à

  3   cinq compagnies, ça fait une quantité énorme de postes de commandement, de

  4   logistique, de postes de commandement avancés, et que la ville de Sarajevo

  5   est truffée d'installations qui sont nécessaires pour un tel nombre

  6   d'unités ?

  7   R.  C'est un commentaire tout à fait raisonnable.

  8   Q.  Est-ce que vous avez entendu dire que les Musulmans étaient à même de

  9   produire des armes, même de fabriquer de nouveaux mortiers, et que les obus

 10   de mortiers étaient fabriqués au centre même de Sarajevo, non loin de

 11   l'immeuble de la télévision ?

 12   R.  Je savais qu'il y avait des usines dans ce secteur.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   Je demande le versement au dossier de ce document.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai aucune objection à formuler, Monsieur

 17   le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, nous allons lui attribuer une cote

 19   à des fins d'identification.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D772, marquée à des fins

 21   d'identification.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si nous avons le temps, je voudrais montrer

 23   brièvement encore un document.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous avons encore cinq minutes.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre le 1D02498.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Et en attendant, je vais vous dire de quoi il s'agit. Il s'agit d'une

 28   déclaration de Vahid Karavelic, que vous avez connu. Qui était Vahid

Page 8094

  1   Karavelic ?

  2   R.  Karavelic c'était le commandant du 1er Corps musulman. Est-ce que nous

  3   parlons de la même personne ? Je n'arrive pas à lire ce document.

  4   Q.  Oui, oui, c'était le commandant du 1er Corps. Seulement un passage de

  5   cette déclaration m'intéresse pour voir comment, en sa qualité d'adversaire

  6   immédiat en temps de guerre, il avait conçu la tactique de l'artillerie du

  7   Corps de Sarajevo-Romanija. Ça se trouve en page 13. Et je crois bien que

  8   c'est en page 14 dans la version ici. Mais il y a une traduction. Cette

  9   déclaration a été traduite.

 10   En attendant qu'on nous le montre -- si, si, il y a une traduction.

 11   C'est certain. Mais je vais en donner lecture.

 12   Remontez un peu le texte pour nous montre l'intitulé "Tactiques de

 13   l'artillerie." Ça se trouve au milieu de la page. Descendez, s'il vous

 14   plaît, la page. Page 13, au milieu. Non, le milieu de la page. Montrez-nous

 15   le haut.

 16   C'est bon. Je vais donner lecture en attendant la traduction :

 17   "La RSK a, semble-t-il, eu recours à des types standard de tirs de barrage;

 18   vagues de tirs, tirs de protection, tirs sélectifs et concentration de

 19   tirs. Je n'ai pas remarqué une diminution d'intensité des tirs d'artillerie

 20   au fil de cette --"

 21   Je vois que M. Tieger s'est levé, donc je vais m'arrêter.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Peut-être nous serait-il possible d'aller de

 23   l'avant plus vite. Il y a une référence de la version anglaise. C'est le

 24   11377.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Et ce sera votre dernière

 26   question.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer la version

 28   anglaise aussi afin que les parties puissent suivre plus facilement.

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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc notre adversaire immédiat en temps de guerre caractérise les tirs

  3   d'artillerie --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, que nous retrouvions la page

  5   pertinente, afin que le général puisse en prendre lecture, et à vous de

  6   poser votre question. Voilà, c'est la partie qui nous intéresse. Quelle --

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est bien cela.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- est votre question ?

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Penchez-vous sur ce paragraphe. Ma question est celle-ci : est-ce que

 11   vous êtes d'accord avec moi pour dire que le général Karavelic avait bien

 12   connu le déploiement de ses effectifs de Sarajevo et que cette

 13   caractérisation faite par lui pour ce qui est de l'utilisation de

 14   l'artillerie du Corps Sarajevo-Romanija se base sur la connaissance de ses

 15   propres déploiements de troupes, et qu'ici dans cette caractérisation, il

 16   n'y a rien d'illégal ?

 17   R.  Tout d'abord, je tiens à dire que je sais que le général Karavelic

 18   connaissait forcément le déploiement de ses troupes puisqu'il était

 19   commandant du corps. Le fait qu'il comprenait la doctrine serbe lors de

 20   l'utilisation de l'artillerie, c'était une chose qui lui était utile; mais

 21   ceci étant dit, il n'y a rien de légal pour ce qui est de voir les

 22   commandants serbes tirer à l'artillerie en direction de la ville où il y a

 23   des civils éparpillés partout. Ça, c'est un simple fait découlant de la

 24   convention de Genève et des règles d'engagement. Ce n'est pas noir et

 25   blanc, le fait de savoir si c'était légitime ou pas; il y a toute une série

 26   de facteurs à prendre en considération pour ce qui est des cibles

 27   militaires, l'aspect de la proportionnalité, l'aspect des dégâts

 28   collatéraux, le fait qu'il y avait des civils dans la ville, tout ceci

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  1   dénie le droit à l'utilisation de ce système d'armement.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais est-ce que je peux poser une petite

  3   question encore ?

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très brièvement.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Le paragraphe parle pour lui-même.

  7   Mais, Mon Général, vous avez dit que vous vous étiez rendu compte du

  8   fait que les gens dans Sarajevo souffraient. Est-ce que ces souffrances

  9   auraient été moindres s'il y avait eu démilitarisation de la ville ?

 10   R.  Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que vous voulez dire par

 11   "démilitariser" ?

 12   Q.  Ce que j'entends c'est que s'il y avait eu démilitarisation et si la

 13   ville était confiée pour gestion aux Nations Unies, donc interdiction de

 14   l'existence des activités de forces armées dans la ville de Sarajevo. C'est

 15   ce que la partie serbe avait proposé. Mais peu importe maintenant. Est-ce

 16   que les souffrances n'auraient pas été là s'il y avait eu démilitarisation

 17   de la ville ?

 18   R.  Bien, tout d'abord, pour répondre à votre question, les Serbes avaient

 19   le choix au départ de ne pas tirer sur la ville. Ce qui a déjà créé une

 20   situation, en voulant contenir le 1er Corps musulman --

 21   Q.  Non, non, Mon Général, ne répondez pas à une question tierce. Est-ce

 22   que la démilitarisation était censée éliminer les souffrances ? Maintenant

 23   de là à parler du fait qu'on avait eu un choix ou pas, on en parlera

 24   demain. Mais si on l'avait confié aux Nations Unies pour que les Nations

 25   Unies gèrent la ville de Sarajevo, est-ce que cela aurait empêché les

 26   souffrances des gens ?

 27   R.  Ça aurait amélioré la situation à l'intérieur de la ville.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de votre patience.

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  1   Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Vu l'heure qu'il est, je ne voulais pas

  3   intervenir, mais je pense que normalement, il faudrait permettre au témoin

  4   de répondre à la question posée. Il ne faut pas qu'on l'interrompe comme

  5   ça, à mi-chemin.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Monsieur Karadzic, on m'a dit que vous avez déjà disposé de deux heures et

  8   50 minutes, ce qui veut dire qu'il vous restera deux heures et dix minutes

  9   pour terminer votre contre-interrogatoire demain.

 10   Demain, nous allons siéger l'après-midi, ce qui veut dire que nous

 11   reprendrons l'audience à 14 heures 15.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'espère qu'on me donnera un peu plus de temps.

 13   Je pense que je devrais bénéficier d'un peu plus de temps.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous devriez pouvoir faire un ordre de

 15   priorités dans vos questions, posez des questions plus concentrées, soyez

 16   plus efficace.

 17   Vous le savez sans doute, Mon Général, au cours de cette déposition, vous

 18   n'êtes censé parler à personne d'autre du contenu de votre déposition.

 19   Bon après-midi.

 20   [Le témoin quitte la barre]

 21   --- L'audience est levée à 14 heures 36 et reprendra le mardi 19 octobre

 22   2010, à 14 heures 15.

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