Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 2 février 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Oui, Maître Robinson.

  8   M. ROBINSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Je voudrais vous présenter Kerem Gulay, c'est un stagiaire qui va être avec

 10   nous --

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 12   Monsieur le Témoin, veuillez prononcer la déclaration solennelle.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 14   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   LE TÉMOIN : PATRICK RECHNER [Assermenté]

 16   [Le témoin répond par l'interprète]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 18   Monsieur Tieger, c'est vous qui allez interroger le témoin.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 20   Je précise que c'est M. Amir Zec qui m'accompagne ce matin, de même que

 21   d'habitude M. Reid.

 22   M. ROBINSON : [interprétation] J'avais, avant le début de l'audition, une

 23   question à soulever s'agissant du carnet du témoin. Je pense qu'il faut le

 24   faire en présence du témoin, mais si vous n'avez pas cette impression, je

 25   m'arrêterai.

 26   Monsieur le Président --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Oui, poursuivez.

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Le 11 janvier, nous avons appris que le

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  1   témoin avait tenu un carnet personnel pendant qu'il était en Bosnie,

  2   surtout quand il a été détenu par la VRS, et le 11 janvier, nous l'avions

  3   demandé à l'Accusation. Le 13 janvier, on nous a dit de faire la demande

  4   directement au Canada, ce que nous avons fait aussitôt. Apparemment,

  5   d'après ce que dit M. Tieger, ce carnet n'a pas été fourni, le témoin ne

  6   l'a pas apporté, et l'Accusation ne l'a pas.

  7   Est-ce que la Chambre pourrait demander au témoin s'il est prêt à mettre

  8   son carnet à notre disposition quand il sera au Canada, bien sûr, et il

  9   pourra biffer, enlever toute note personnelle.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous savez que nous n'avons pas comme

 11   politique d'intervenir tout de suite. C'est en dernier ressort que nous

 12   intervenons, si c'est nécessaire, et nous laissons le soin aux parties de

 13   coopérer.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Mais ce dernier moment est arrivé --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci étant dit, est-ce que je peux

 16   demander au témoin ce qu'il en est, quelle est la position du témoin sur ce

 17   témoin.

 18   Monsieur Rechner.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas le carnet en ma possession. Je

 20   suis en service à l'extérieur du Canada. Je n'ai plus l'original. Il y a

 21   peut-être un exemplaire photocopié quelque part, mais je ne sais pas -- je

 22   sais qu'il y a une photocopie, mais je ne sais pas exactement où elle se

 23   trouve aujourd'hui.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous avez l'occasion de rentrer au

 25   Canada et de retrouver cet exemplaire photocopié, est-ce que vous pourriez

 26   lui-même le photocopier et le mettre à la disposition des parties ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, pour autant que je puisse caviarder les

 28   notes qui me semblent nécessaires, essentielles, comme le disait Me

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  1   Robinson.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'avez-vous à dire, Maître Robinson ?

  3   M. ROBINSON : [interprétation] Non, merci. Je comprends parfaitement, et

  4   effectivement, nous allons demander au Service des Témoins et des Victimes

  5   d'assurer le suivi.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Monsieur Tieger.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Interrogatoire principal par M. Tieger :

 10   Q.  [interprétation] Votre nom a déjà été mentionné, mais peut-être

 11   pouvons-nous commencer en vous demandant de décliner votre identité.

 12   Q.  Je m'appelle Patrick Anthony Rechner.

 13   Q.  Et vous servez aujourd'hui dans l'armée canadienne ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et quel est votre grade ?

 16   R.  Je suis commandant.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Nous allons maintenant afficher le numéro

 18   90213 de la liste 65 ter.

 19   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ce document, Commandant ? Est-ce bien

 20   votre déclaration préalable consolidée, qui reprend des parties de

 21   dépositions faites auparavant dans le cadre des sujets dont connaît la

 22   Chambre ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Etes-vous en mesure de confirmer que c'est le reflet fidèle de votre

 25   déclaration et que vous répondriez de la même façon aujourd'hui aux Juges

 26   si ces mêmes questions vous étaient reposées dans ce prétoire ?

 27   R.  Oui.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement du document 90213.

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est versé.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2170.

  3    M. TIEGER : [interprétation]

  4    Q.  J'ai quelques questions à vous poser sur vos antécédents, mais surtout

  5   en ce qui concerne le travail que vous avez fait en ex-Yougoslavie.

  6   Tout d'abord, cependant, et je pense que vous avez confirmé ceci dans votre

  7   déclaration consolidée, est-ce que vous avez bien rejoint l'armée

  8   canadienne à l'âge de 18 ans, est-ce que vous avez fréquenté le collège

  9   militaire et est-ce que vous êtes devenu officier d'infanterie en 1985 ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Puis, vous avez été dans le Bataillon canadien de Slavonie occidentale

 12   en ex-Yougoslavie de février à mai 1993 dans ce qui était appelé à ce

 13   moment-là le secteur occidental ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Puis, vous avez demandé à faire partie des observateurs militaires des

 16   Nations Unies ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et après, vous avez servi dans le secteur sud, de juillet 1994 à

 19   décembre 1994, après quoi vous avez été muté à Pale, et vous y êtes resté

 20   de janvier à juin 1995; est-ce que c'est à peu près   exact ?

 21   R.  Oui. En fait, je suis arrivé à Pale le 31 décembre.

 22   Q.  Merci. Une première chose : pourriez-vous expliquer aux Juges de la

 23   Chambre, de façon générale, quel était le rôle que devaient jouer les

 24   observateurs militaires des Nations Unies en ex-Yougoslavie ?

 25   R.  En général, leur rôle était de travailler avec les parties au conflit,

 26   et nous vivions dans la communauté locale même, dans la collectivité, ce

 27   qui était différent des forces de maintien de la paix. Nous étions une

 28   petite équipe d'officiers internationaux qui étaient au moins capitaines.

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  1   Nous n'avions pas d'armes.

  2   Notre mission principale était de veiller au respect des dispositions en

  3   matière des cessez-le-feu convenus entre les parties là où nous étions

  4   cantonnés et là où nous travaillions, avec l'accord des parties au conflit.

  5   Voici, de façon générale, ce que faisaient les observateurs militaires, les

  6   OMNU. Nous avons prêté assistance lorsqu'il s'agissait de délivrer du

  7   secours humanitaire, mais ce n'était pas notre mission principale.

  8   Q.  Dans le cadre de vos activités d'observateur militaire, OMNU comme nous

  9   les appellerons, à Pale en 1995, est-ce que vous avez travaillé avec une

 10   équipe précise ?

 11   R.  Oui. C'était le bureau de liaison des OMNU, avec le gouvernement de

 12   Pale, avec le commandement militaire.

 13   Q.  Et est-ce que ce bureau de liaison portait une appellation précise ?

 14   R.  Comme toutes les équipes d'observateurs militaires, nous prenions notre

 15   indicatif d'appel pour nous qualifier, si vous voulez. Donc on était

 16   l'équipe "7 Lima".

 17   Q.  Pour être plus précis, quel était le rôle que jouait cette équipe de

 18   liaison à Pale Lima 7 ? Qu'est-ce qu'elle était censée faire ?

 19   R.  Notre fonction était tout à fait unique, elle ne ressemblait pas à

 20   celle des autres équipes. C'était surtout administratif, politique. Nous ne

 21   faisions pas de patrouille. Nous n'allions pas voir s'il y avait eu des

 22   violations de cessez-le-feu. Non. Notre travail c'était de permettre une

 23   meilleure communication entre les Nations Unies et les autorités politiques

 24   et militaires serbes de Bosnie, et, cela va de soi, nous venions ainsi

 25   faciliter les communications avec les autres parties au conflit et les

 26   Nations Unies. Et nous étions des médiateurs entre les autorités serbes de

 27   Bosnie et d'autres parties desquelles ces autorités voulaient avoir des

 28   informations, par exemple.

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  1   La communication se faisait souvent par téléphone, que ce soit par

  2   les lignes fixes, commerciales, mais aussi par voie satellitaire, par

  3   exemple VSAT, qui était une ligne privilégiée satellitaire des Nations

  4   Unies. Et puis, on utilisait aussi CapSat. Ça ressemble aux courriers

  5   électroniques, aux emails. Et il y avait aussi des fax qu'on utilisait pour

  6   contacter le QG, donc le bureau de M. Akashi, pour les Nations Unies, et le

  7   commandant des forces de maintien de la paix à Zagreb, mais aussi pour

  8   contacter le commandement de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, ça c'était pour

  9   les Musulmans, et puis aussi on pouvait contacter le gouvernement à Pale ou

 10   aussi le haut commandement militaire à Han Pijesak, qui se trouvait à

 11   environ 60 kilomètres de là.

 12   Q.  Auparavant, de façon générale, vous avez évoqué ce que faisaient

 13   aussi les observateurs militaires des Nations Unies. Vous avez dit qu'ils

 14   aidaient aussi à la fourniture de l'aide humanitaire. Est-ce que votre

 15   équipe à Pale a fait ce genre de travail aussi ?

 16   R.  Oui. Au nom du représentant des Affaires civiles à Sarajevo, qui

 17   s'appelait à l'époque M. Aguilar, nous avons eu quelques réunions avec le

 18   gouvernement serbe de Bosnie. Surtout avec le bureau du vice-président,

 19   avec M. Koljevic, aussi avec le ministre de la santé, M. Kalinic, mais

 20   aussi avec le directeur des services sanitaires du côté serbe de Bosnie,

 21   c'était le Dr Sosic. A titre officiel.

 22   A titre officieux, nous avons essayé de rendre moins pénible la

 23   situation des communautés locales. M. Sosic était chef d'hôpital de Pale,

 24   et quelquefois, il nous faisait des demandes pour que nous obtenions des

 25   médicaments de première nécessité lorsque la situation était

 26   particulièrement grave pour certains qui étaient hospitalisés. Et

 27   quelquefois, nous prenions l'initiative d'aller en personne à Sarajevo pour

 28   obtenir ces médicaments des installations sanitaires des Nations Unies qui

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  1   s'y trouvaient.

  2   Mais aussi, certains observateurs militaires ont participé plus

  3   personnellement à aider telle ou telle personne précise dans la zone de

  4   Pale.

  5   Q.  Il y avait combien de membres dans cette équipe Lima 7 ?

  6   R.  En tout, nous étions quatre officiers : moi-même; Ole Zidlik, un

  7   Tchèque; Thelmo Reis, un Portuguais; et Pavel Teterevsky, un Russe.

  8   Q.  Et est-ce qu'il y avait un chef d'équipe ou un officier en chef en

  9   matière de liaison ?

 10   R.  Oui. C'était moi à l'époque. Fin avril, je suis devenu chef de l'équipe

 11   et officier de liaison en chef de l'équipe Lima 7.

 12   Q.  Où est-ce que les membres de l'équipe habitaient et travaillaient ?

 13   R.  Nous avons loué une partie de maison à une famille locale. C'était un

 14   bâtiment qui faisait trois étages à Pale. Notre bureau c'était un garage

 15   qui avait été transformé à l'étage principal, et nous avions nos chambres

 16   au deuxième étage, à l'étage supérieur. Il y avait aussi dans cette maison

 17   des habitants du coin que nous voyions régulièrement, avec qui nous avions

 18   des contacts réguliers.

 19   Q.  Où se trouvait cette maison par rapport, disons, à un lieu officiel où

 20   se trouvait une installation de gouvernement ou une installation militaire

 21   du gouvernement serbe de Bosnie ?

 22   R.  A peu près à 300 mètres de ce qu'on appelait la présidence serbe de

 23   Bosnie. C'était un complexe hôtelier qui s'appelait Panorama. Je pense

 24   qu'on était à peu près à 300 mètres de cet hôtel Panorama.

 25   Q.  Il y a quelques instants, vous avez donné le nom de certains des

 26   fonctionnaires -- des représentants officiels serbes de Bosnie avec qui

 27   vous avez eu des contacts dans le cadre de vos activités. Dites-nous, s'il

 28   vous plaît, qui étaient vos contacts principaux du côté serbe de Bosnie, en

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  1   général, si vous vouliez vous acquitter de vos missions et occupations

  2   journalières ?

  3   R.  Du côté militaire, nos contacts privilégiés étaient deux officiers de

  4   liaison de l'armée bosno-serbe qui étaient au QG principal de Han Pijesak.

  5   Il y avait d'abord le colonel Milos Djurdjic et le commandant Kralj. Du

  6   côté civil, c'était surtout le Pr Nikola Koljevic, qui était vice-président

  7   de la Republika Srpska. Il était aussi président du comité chargé de la

  8   coopération avec la FORPRONU et les agences de secours humanitaire.

  9   Q.  Est-ce que ces contacts étaient journaliers ou hebdomadaires ? Quelle

 10   était la fréquence de ces réunions ? Par exemple, ces réunions en tête-à-

 11   tête avec M. Koljevic ou avec d'autres membres de son équipe ?

 12   R.  Nous n'avons pas eu de contact directement avec le Pr Koljevic de façon

 13   régulière. C'était Ceca Savic, sa secrétaire, qu'on voyait souvent. Là, ces

 14   contacts étaient pratiquement quotidiens. C'était vrai aussi pour les deux

 15   officiers de liaison de la VRS, avec qui nous avions des contacts

 16   quotidiens. J'ajouterais que nous avons eu affaire avec le bureau de M.

 17   Karadzic, donc avec la présidence, par le truchement de sa secrétaire,

 18   Mira, qu'on voyait souvent, par exemple, si on voulait apporter des

 19   lettres, s'il fallait demander une autorisation à ce niveau-là.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une précision. A ce moment-là, vous

 21   étiez capitaine ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Outre Mira, est-ce que vous avez eu d'autres contacts dans le bureau de

 26   M. Karadzic ou un contact avec quelqu'un qui avait affaire avec lui ?

 27   R.  Oui. J'ai eu des contacts assez fréquents avec M. Jovan Zametica. Si

 28   j'ai bien compris, c'était le conseiller politique le plus important et le

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  1   porte-parole de M. Karadzic.

  2   Q.  Intéressons-nous à une période précise qui intervient pendant votre

  3   mandat à Pale, fin mai 1995, surtout le 25 mai 1995  nous intéresse.

  4   Est-ce que ce jour-là, vous avez appris que l'OTAN avait déclenché une

  5   frappe aérienne ou qu'il y avait eu une explosion à proximité de Pale ?

  6   R.  Oui. Nous avions vu se produire deux explosions de grande envergure

  7   vers 16 heures au sud de l'endroit où nous étions installés à Pale, donc

  8   environ à 5 ou 10 kilomètres de là.

  9   Q.  Est-ce que, lorsque ceci est survenu, vous saviez ce qu'étaient ces

 10   explosions ou est-ce que vous avez pu vous rendre sur les lieux pour

 11   vérifier ce qui s'était passé ?

 12   R.  Non, nous ne savions pas exactement ce qui s'était passé. Il était

 13   impossible de sortir et de se rendre dans cette zone, parce qu'à ce moment-

 14   là, nous étions sous le coup de restrictions de mouvement et n'étions pas

 15   autorisés à sortir de Pale. Mais nous avons subodoré que c'était sans doute

 16   une frappe aérienne, parce que nous avions auparavant transmis une lettre

 17   au général Mladic, qui était le chef de la VRS, une lettre du général

 18   Smith, qui était commandant des forces de maintien de la paix en Bosnie,

 19   qui disait que si certaines conditions n'étaient pas remplies par les

 20   Serbes de Bosnie et, en fait, par toutes les parties au conflit, il y

 21   aurait des frappes aériennes. En ce qui concerne les Serbes de Bosnie, la

 22   première condition c'était qu'ils devaient restituer quatre armes lourdes

 23   au point de rassemblement d'armes dont elles avaient été enlevées

 24   précédemment.

 25   Q.  Parlons du lendemain matin, de la journée du 26 mai. Est-ce qu'à ce

 26   moment-là, vous avez réalisé qu'il y avait d'autres explosions qui

 27   s'étaient produites ?

 28   R.  Oui. Il devait être 10 heures du matin, le même genre d'explosions a

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  1   retenti, semblables aux frappes aériennes de la veille.

  2   Permettez-moi de préciser à l'intention des Juges qu'après les frappes

  3   aériennes, peut-être une demi-heure plus tard, le QG, le 25 mai, nous avait

  4   informés qu'il y avait eu des frappes aériennes de l'OTAN au nom des

  5   Nations Unies.

  6   Le 26 mai, des explosions similaires se sont produites, mais elles se sont

  7   échelonnées sur l'espace d'une heure. Nous nous sommes dit qu'il avait eu à

  8   peu près dix explosions à partir de 10 heures du matin, à peu près.

  9   Q.  Après le début de cette période au cours de laquelle il y a eu des

 10   explosions, est-ce que vous vous êtes rendus compte qu'il se passait

 11   quelque chose là où vous étiez logés ou où se trouvait votre bureau ?

 12   R.  Oui. Quelques minutes plus tard, il y a eu quelques coups de feu, des

 13   cris, des voix qui criaient fort.

 14   Q.  Et vous, où étiez-vous lorsque vous avez entendu ces cris, ces tirs ?

 15   R.  J'étais dans ma chambre, au deuxième étage.

 16   Q.  Et qu'est-ce que vous avez fait après avoir entendu ces tirs et ces

 17   cris ?

 18   R.  La veille, il y avait eu des informations à la radio, et il y avait eu

 19   aussi la réaction de nos voisins. Les gens étaient vraiment furieux après

 20   ces frappes aériennes. Nous nous sommes inquiétés de savoir qui criait. La

 21   veille, Mira, la secrétaire de M. Karadzic, on lui avait téléphoné pour

 22   voir si notre bureau était surveillé par les gens de la sûreté pour

 23   empêcher que des habitants de Pale viennent nous attaquer parce qu'ils

 24   voulaient se venger ou parce qu'ils étaient furieux de la situation. Donc,

 25   moi, je ne savais pas trop ce qui se passait. Je suis descendu de l'étage

 26   lentement pour voir ce qu'il en était.

 27   Q.  Qu'est-ce que vous avez découvert ?

 28   R.  Il y avait deux entrées à notre bureau. L'entrée principale, celle de

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  1   devant, là où avant c'était un garage, c'était la porte d'entrée, et puis,

  2   sur le côté, il y avait une petite porte. Je suis allé à la petite porte.

  3   Elle était déjà ouverte. J'ai pu jeter un coup d'œil et j'ai eu

  4   l'impression qu'il y avait trois Serbes de Bosnie. J'ai vu au moins une

  5   personne qui était armée.

  6   Je suis allé dans la cuisine -- il fallait traverser le couloir quand

  7   on était dans le bureau pour y arriver. Là, on avait un téléphone, et j'ai

  8   fait trois appels. J'ai d'abord appelé Mira, la secrétaire de M. Karadzic,

  9   à qui j'avais parlé le soir précédent, et je lui ai dit que nous avions des

 10   gens armés à l'intérieur du bureau et qu'ils avaient déjà tiré à

 11   l'extérieur de la maison. Je lui ai demandé qu'elle envoie quelqu'un pour

 12   faire une enquête. Puis, elle m'a demandé à quel moment ces personnes

 13   étaient arrivées. Je lui ai répondu qu'elles étaient arrivées quelques

 14   minutes auparavant, donc vers 10 heures 30 le 26 mai. Ce sur quoi elle m'a

 15   répondu ceci -- ah, oui, elle m'a demandé aussi si c'était des soldats. Il

 16   n'était pas possible de le savoir, parce qu'ils ne portaient pas de tenues

 17   de soldats. Elle m'a demandé à quel moment ils étaient arrivés, et j'ai dit

 18   10 heures 30. Et puis, elle a dit, Oui, d'accord, ils ont été envoyés

 19   officiellement. Mais je lui ai demandé qu'est-ce que ça veut dire, et elle

 20   ne m'a pas répondu.

 21   Puis, j'ai appelé Jovan Zametica. Je vous l'ai déjà dit, c'était le

 22   conseiller politique en chef de M. Karadzic, et j'avais, dans le fond,

 23   appris à le connaître sur une base personnelle. Je lui ai expliqué la

 24   situation, et il m'a répondu qu'effectivement, on avait pris des mesures

 25   pour envoyer des hommes dans notre bureau. J'ai demandé une explication,

 26   Qu'est-ce que ça voulait dire, ai-je dit. Il m'a répondu, Ecoutez, soyez le

 27   plus coopératif possible.

 28   Et puis, nous avions aussi la dame qui s'occupait de notre ménage ce

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  1   matin-là. J'allais téléphoner au chef de la police à Pale pour être sûr que

  2   tout était bien maîtrisé, que la situation était calme. J'étais sur le

  3   point d'appeler Snezana Golijanin, qui était notre interprète et qui était

  4   de service ce jour-là. Elle est arrivée dans le bureau, elle voulait

  5   monter, et puis j'ai entendu une voix qui parlait fort. J'ai demandé ce qui

  6   se passait, et Snezana m'a dit, Vous êtes censé venir dans le bureau. J'ai

  7   demandé à la dame qui faisait le ménage d'appeler le chef de la police et

  8   je suis allé dans le bureau.

  9   Q.  Lorsque vous êtes entré dans le bureau, qui s'y trouvait ?

 10   R.  Lorsque j'ai passé la porte, j'ai vu une personne armée d'un AK-47, un

 11   fusil d'assaut russe que l'on voyait et qui était fabriqué par l'armée

 12   yougoslave, qui s'en servait. Il y avait des grenades à main -- cela était

 13   fabriqué à Zastava. C'était les armes de leur compagnie. Et il portait un

 14   uniforme : un pantalon militaire de camouflage et un t-shirt. L'autre

 15   personne était quelqu'un que j'avais rencontré un peu plus tôt à Pale, à

 16   deux occasions au moins. C'était un Canadien d'origine serbe. Il s'appelait

 17   Nicholas Ribic et il portait un uniforme de l'armée serbe de Bosnie au

 18   complet avec un casque et il était également armé d'un fusil AK-47.

 19   Q.  Les autres membres de votre équipe étaient-ils dans le bureau ou à

 20   proximité ?

 21   R.  Ole Zidlik et Pavel Teterevsky étaient également dans ce bureau.

 22   Q.  Qu'est-il arrivé lorsque vous êtes allé dans le bureau ?

 23   R.  Nicholas Ribic s'est immédiatement tourné vers moi et m'a dit, Assieds-

 24   toi. Il était en colère lorsqu'il a parlé, et donc j'ai obtempéré. Je me

 25   souviens qu'Ole Zidlik s'occupait de notre système radio de transmission

 26   avec notre observateur militaire au QG des Nations Unies à Sarajevo, avec

 27   Nick Ribic qui était à ses côtés.

 28   Q.  Est-ce qu'à un moment donné, vous avez pris part à cette tentative de

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  1   contacter le QG, le QG de l'OMNU, par l'intermédiaire du système de

  2   transmission ?

  3   R.  Oui. En tant que chef d'équipe, j'ai pris le contrôle de tout cela, et

  4   notre équipe était impliquée dans cela. J'ai dit qu'il y avait des hommes

  5   armés qui étaient dans notre bureau. Et Nicholas Ribic, qui parlait

  6   parfaitement l'anglais, bien sûr, puisqu'il était canadien, a commencé à

  7   proférer des menaces. Il a dit qu'il souhaitait que les frappes aériennes

  8   cessent.

  9   Q.  Et a-t-il indiqué ce qui arriverait si ces frappes aériennes ne

 10   cessaient pas ?

 11   R.  Ceci a commencé par des exigences qui étaient les  suivantes : il

 12   fallait que les frappes aériennes cessent. Ensuite, il a dit ceci : Si vous

 13   tenez à la vie de vos observateurs militaires des Nations Unies, vous ferez

 14   cesser les frappes aériennes. Et je dois ajouter que nous avons ensuite

 15   utilisé notre téléphone satellite pour faciliter les communications, parce

 16   qu'au niveau de la communication radio, il y avait beaucoup de personnes

 17   qui l'utilisaient. M. Ribic ne connaissait pas les protocoles pour parler

 18   avec ce système-là, et donc cela semait la confusion au niveau du quartier

 19   général. En fait, nous avons décidé d'opter pour le téléphone satellite, et

 20   M. Ribic continuait à proférer ses menaces. Il poursuivait, il disait, Si

 21   les pilonnages se poursuivent, nous allons exécuter vos observateurs

 22   militaires; autrement dit, moi-même et les deux autres membres de mon

 23   équipe.

 24   Le quatrième que j'ai évoqué plus tôt -- pardonnez-moi -- Thelmo Reis, du

 25   Portugal, il était en permission à ce moment-là, il n'était pas dans le

 26   pays. Donc nous n'étions que trois : moi-même, Ole et Pavel.

 27   Et donc, pour en revenir à la situation dans le bureau, les menaces

 28   devenaient de plus en plus claires, à un tel point que si une bombe tombait

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  1   encore, un observateur militaire serait tué.

  2   Q.  Au cours de ces échanges avec le quartier général des OMNU, et après

  3   les exigences qui ont été présentées, autrement dit, si le pilonnage ne

  4   cesse pas, et la menace sur ce qui adviendrait si, quelle serait la réponse

  5   -- comment a réagi le quartier général à ce qu'a dit Ribic ?

  6   R.  Ceci ne s'est passé qu'à la radio. Ce qu'on lui a dit, c'est qu'il

  7   devait comprendre que les observateurs militaires des Nations Unies

  8   n'étaient pas impliqués dans les frappes aériennes, n'avaient aucun moyen

  9   de communiquer avec leurs supérieurs et de faire cesser ces frappes et

 10   qu'ils devaient emprunter d'autres voies pour se faire. Je ne suis pas tout

 11   à fait sûr -- c'est quelque chose qui a été évoqué au téléphone et je n'ai

 12   pu qu'entendre ce qu'a dit M. Ribic, parce qu'on n'a pas mis de haut-

 13   parleurs, et M. Ribic s'est tourné vers moi et a dit, Ecoutez, faites en

 14   sorte que je sois mis en contact avec M. le général Smith. Je suppose que

 15   notre QG lui a dit que c'était le bureau du général Smith, autrement dit,

 16   les forces de maintien de la paix, qui serait en mesure de faire cesser les

 17   frappes aériennes de façon plus rapide. Donc M. Ribic a demandé à ce que le

 18   contact soit établi avec le bureau du général Smith, et moi, je m'en suis

 19   occupé, j'ai établi le contact avec le bureau du général Smith. C'est

 20   quelque chose que nous faisions souvent. Je me suis entretenu avec l'aide

 21   de camp du général Smith, et j'ai dit qu'il y avait des personnes armées

 22   dans notre bureau qui proféraient des menaces contre nous, contre notre

 23   vie, et qu'ils insistaient pour parler au général Smith. Et ensuite, M.

 24   Ribic a pris le combiné et a commencé à proférer les menaces à l'aide de

 25   camp du général Smith.

 26   Q.  Après que ces appels aient été passés, est-ce que d'autres personnes

 27   sont arrivées dans le bureau des observateurs militaires des Nations Unies

 28   ?

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  1   R.  Oui. Après que Ribic eut terminé son appel avec le bureau du général

  2   Smith, il nous a dit que son commandant allait arriver incessamment, sous

  3   peu. Dans dix à 15 minutes, un autre groupe de soldats serbes de Bosnie

  4   sont arrivés à l'endroit où nous étions. Ils étaient dirigés par quelqu'un

  5   qui répondait au nom de Srdjan.

  6   Q.  Après l'arrivée de Srdjan et des autres membres de la VRS, êtes-vous

  7   restés à l'endroit où vous étiez hébergés ?

  8   R.  Non. On nous a dit d'aller chercher notre véhicule. C'était une Toyota

  9   blanche, une Land Cruiser, qui portait les inscriptions "Nations Unies" et

 10   "Observateurs militaires" sur les côtés et arborait également le drapeau

 11   des Nations Unies. C'était notre véhicule officiel. Donc on nous a dit

 12   d'aller le chercher, on nous a dit que nous serions emmenés à l'endroit qui

 13   était les cibles des frappes aériennes, qui se poursuivaient toujours à ce

 14   moment-là. A cet endroit-là, on m'a indiqué que cet endroit s'appelait

 15   Jahorinski Potok, et on m'a demandé de transmettre cette information.

 16   Q.  Et lorsque vous étiez en chemin, qui vous a dit -- ou tout d'abord, qui

 17   vous a demandé de monter à bord du véhicule ? C'était vous-même et qui

 18   d'autre ?

 19   R.  Moi-même et les deux autres observateurs militaires qui faisaient

 20   partie de mon équipe, Ole Zidlik et Pavel Teterevsky. Nous étions assis à

 21   l'arrière, et le véhicule était conduit par des soldats serbes de Bosnie.

 22   Il y avait également quelques sièges supplémentaires à l'arrière, c'était

 23   l'endroit où nous mettions le fret, et il y avait deux sièges là également.

 24   Donc nous sommes partis en direction de l'endroit où se déroulaient les

 25   frappes aériennes.

 26   Q.  Et en route vers Jahorinski Potok, vous et les autres observateurs

 27   militaires des Nations Unies, vous a-t-on, d'une manière ou d'une autre,

 28   empêchés de bouger ?

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  1   R.  Oui. Nous avons tous été menottés et menottés les uns aux autres avec

  2   deux menottes. J'étais assis d'un côté du véhicule, et à ma gauche, il y

  3   avait Ole Zidlik, et à ma droite, l'autre personne qui était menottée à

  4   gauche, Pavel Teterevsky.

  5   Q.  Commandant, qu'est-il arrivé lorsque vous et le capitaine Zidlik et le

  6   capitaine Teterevsky et les soldats êtes arrivés à Jahorinski Potok ?

  7   R.  Jahorinski Potok était un complexe assez important. D'après nous, cela

  8   ressemblait à un dépôt, assez important, logistique et il y avait un dépôt

  9   de munitions. Nous n'y avons été auparavant. Il y avait un portail à

 10   l'entrée, qui était fermé à clé, donc nous nous sommes arrêtés devant le

 11   portail principal et les deux soldats Serbes de Bosnie sont allés chercher

 12   quelqu'un pour ouvrir ce portail.

 13   Alors que nous étions devant et nous attendions, nous étions toujours

 14   menottés les uns aux autres à l'intérieur de la voiture, et un groupe de

 15   civils s'était rassemblé près de notre véhicule. Et une de ces personnes

 16   s'est détachée de la foule et s'est dirigée vers notre véhicule, a ouvert

 17   la porte et a commencé à me rouer de coups et de coups de poing.

 18   Heureusement, j'avais une main libre et j'ai pu également rétorquer et

 19   donner quelques coups et quelques coups de poing. Heureusement, les gardes

 20   - il y avait d'autres soldats serbes - ont pu réagir à temps avant que

 21   quelque chose de grave n'arrive. Donc on lui a demandé de partir. Ensuite,

 22   il est revenu, c'était l'individu qui m'avait attaqué. Il semblait s'être

 23   calmé, et tout à coup, brusquement, il a sorti son pistolet et a dirigé son

 24   pistolet sur le véhicule. Pavel Teterevsky, l'observateur russe, qui était

 25   assez vif, a immédiatement ouvert la porte et nous a fait passer de l'autre

 26   côté. Donc le véhicule était placé à ce moment-là entre nous et cet

 27   individu armé. Ensuite, les gardes ont réagi assez rapidement et ont réussi

 28   à lui enlever son pistolet et à le décharger. Mais à notre grande surprise,

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  1   une fois que l'homme s'était calmé, ils lui ont remis. Et donc, nous

  2   l'avions échappé bel.

  3   Encore une chose à propos de cet incident.

  4   Une fois que cet homme s'était calmé, il m'a demandé de m'avancer -- ou

  5   plutôt, je crois que les Serbes ont enlevé mes menottes. Donc je me suis

  6   dirigé vers lui, en compagnie des soldats serbes de façon à être un petit

  7   peu protégé. Il m'a pris à la gorge et m'a dit qu'il avait perdu 12 moutons

  8   au cours des frappes aériennes, et c'était son moyen de subsistance. Il a

  9   également dit qu'un de ses membres de sa famille qui était parti ce matin-

 10   là n'était pas revenu, et il pensait que cette personne avait également été

 11   tuée par les frappes aériennes. Et il m'a dit que pour ces raisons, il

 12   devrait avoir le droit de me tuer et que je ne devrais pas être surpris par

 13   sa réaction. Je lui ai également dit que nous n'avions rien à voir avec les

 14   frappes aériennes, mais il était trop en colère et trop émotif à ce moment-

 15   là pour pouvoir parler de ce genre de choses.

 16   Q.  Merci, Commandant. Et l'accès ou l'entrée à cette installation a-t-elle

 17   pu se faire, et est-ce que vous êtes entrés à l'intérieur de Jahorinski

 18   Potok ?

 19   R.  Au bout de 15 minutes environ, étant donné que personne n'a pu trouver

 20   de clé, le verrou a été cassé à l'aide d'un marteau. Nous sommes allés à

 21   l'intérieur de ces installations à bord du véhicule, et il y avait, à une

 22   centaine de mètres, un entrepôt assez important. Etant donné que les

 23   frappes aériennes se poursuivaient toujours et que nous attendions une

 24   confirmation de la part de notre QG des militaires observateurs des Nations

 25   Unies pour savoir à quel moment ces frappes cesseraient, nous nous sommes

 26   arrêtés devant l'entrepôt. Ils nous ont fait sortir de la voiture et ils

 27   ont changé les menottes. Nous étions toujours menottés les uns aux autres,

 28   mais nous avons pu nous tenir debout. Et l'un d'entre nous avait passé la

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  1   main par la fenêtre, et donc nous étions attachés, si vous voulez, au

  2   véhicule et nous ne pouvions pas nous échapper.

  3   Nous avons donc attendu à cet endroit-là que les frappes aériennes cessent.

  4   Cela a duré peut-être 20 ou 30 minutes. Et à ce moment-là, le lieutenant-

  5   colonel qui, nous avons appris plus tard, dirigeait le service de presse et

  6   d'information à Pale disposait d'un caméscope. C'était un des soldats

  7   serbes qui étaient avec nous. Ils nous a montré son revolver qu'il a sorti

  8   de son étui et nous a montré les encoches d'arrêt. Il a expliqué que ceci

  9   servait à tuer deux personnes, qu'il avait déjà tué avec cette arme et que

 10   si les frappes aériennes ne cessaient pas d'ici la fin de la journée, il

 11   viendrait vers nous et il procédait aux exécutions lui-même et qui lui

 12   prendrait beaucoup de plaisir parce qu'il avait encore trois encoches sur

 13   son revolver, nous indiquant que c'était pour nous trois.

 14   Q.  Et le lieutenant-colonel vous a-t-il indiqué s'il avait l'intention de

 15   vous tuer quoi qu'il arrive, ou si c'était à condition que les frappes

 16   aériennes cessent ?

 17   R.  Ecoutez, il n'a pas été clair sur ce point. Cela aurait pu être compris

 18   dans un sens comme dans un autre.

 19   Q.  Avez-vous reçu des informations de la part du QG des militaires

 20   observateurs des Nations Unies, ou d'une autre source, de savoir si les

 21   frappes aériennes allaient cesser ou non ?

 22   R.  Pour finir, comme je vous l'ai dit, nous avons attendu là une vingtaine

 23   de minutes. Après ces 20 minutes, nous avons eu un appel radio de notre QG,

 24   et je peux, en fait, parler de "Kilo X-ray". C'est peut-être plus facile

 25   que de répéter "quartier général des militaires observateurs des Nations

 26   Unies" à chaque fois. Donc notre QG, Kilo X-ray également, nous a appelés

 27   et nous a dit que les frappes aériennes avaient maintenant cessé.

 28   Q.  Après avoir reçu ces informations, qu'est-il arrivé, Commandant ? Tout

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  1   d'abord, y a-t-il eu d'autres mentions de frappes aériennes ?

  2   R.  Eh bien, ces frappes aériennes n'étaient pas constantes. Toutes les

  3   cinq ou dix minutes -- il n'y avait pas d'intervalle régulier, mais il y

  4   avait à peu près cinq minutes entre ces frappes. Je me souviens du fait

  5   que, soit moi-même, soit Nick Ribic, qui était le soldat canadien d'origine

  6   serbe, était en contact radio avec nos hommes et précisait où on nous avait

  7   emmenés. Et je crois qu'à ce moment-là, Ribic a dit que nous serions

  8   emmenés à l'endroit où les frappes aériennes se déroulaient, autrement dit,

  9   la casemate où il y avait des munitions et l'endroit qui était bombardé ce

 10   matin-là.

 11   Donc ils nous ont placés à bord du véhicule, et au moment où nous étions

 12   sur le point de partir, il y a eu une autre frappe aérienne. Autrement dit,

 13   après que nous ayons eu la confirmation que les frappes aériennes avaient

 14   cessé, les Serbes ont continué à se diriger vers cette casemate. Et la

 15   situation n'était pas très claire pour nous. Nous ne savions pas si les

 16   frappes aériennes avaient effectivement cessé ou non. Fort heureusement,

 17   c'était le dernier impact, donc c'était la dernière frappe aérienne. Après,

 18   nous avons pu passer.

 19   Q.  Commandant, veuillez dire aux Juges de la Chambre ce qui est arrivé

 20   après que vous et le capitaine Zidlik et le capitaine Teterevsky ayez été

 21   emmenés dans ces casemates.

 22   R.  C'était la même chose qu'avant. Nous étions toujours menottés les uns

 23   aux autres et on nous a emmenés en voiture jusqu'à, en tout cas, un à 2

 24   kilomètres de l'endroit où il y avait les entrepôts, où nous avons attendu

 25   par le passé. Nous sommes arrivés devant quatre casemates qui étaient à 50

 26   mètres de distance les unes des autres. Deux avaient été détruites. Je

 27   suppose que c'était ce matin-là, parce qu'on sentait encore l'odeur de

 28   l'explosif. Et Nick Ribic a ensuite dit à la radio que nous étions sur le

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  1   site, et il a dit à quel endroit, nous avons dit "les casemates", et s'il y

  2   a d'autres frappes, nous serons tués.

  3   Ensuite, ils nous ont fait sortir des véhicules, ils nous ont

  4   menottés. Pavel Teterevsky et moi-même, nous avions été menottés à deux

  5   paratonnerres devant l'une des casemates qui n'avaient pas encore été

  6   touchées, et ils ont menotté Ole Zidlik à la porte de la casemate pour

  7   qu'il ne soit pas touché. Et ensuite, nous avons vu que la casemate était

  8   remplie de munitions.

  9   Q.  Commandant, après que vous et les deux membres de votre équipe

 10   étiez ainsi dans l'impossibilité de bouger, rivés à ces cibles possibles,

 11   avez-vous vu d'autres membres des équipes des militaires observateurs des

 12   Nations Unies que l'on faisait venir dans le même secteur ?

 13   R.  Oui. Environ une heure et demie plus tard, nous avons vu notre

 14   véhicule qui était conduit en direction des casemates provenant de la même

 15   direction que nous avions empruntée un peu plus tôt. Nous avions reconnu

 16   des membres d'une autre équipe des observateurs militaires qui étaient

 17   basés à Pale, et c'était une équipe de militaires observateurs de type

 18   patrouille, connue sous le nom de Sierra Echo 1. C'était leur indicatif

 19   radio. Nous les avons vus mis à bord du véhicule. Le véhicule, ensuite, a

 20   été conduit par des soldats serbes, et ils sont passés devant notre

 21   position, l'endroit où nous avions été menottés. Ensuite, ils ont continué

 22   leur chemin sur la route, et 15 à 30 minutes plus tard, nous avons vu le

 23   véhicule passé devant nous et revenir de la direction d'où il était parti.

 24   Q.  Savez-vous ce qu'il est advenu de ces autres membres des équipes des

 25   observateurs militaires ?

 26   R.  A ce moment-là, nous avons simplement vu le véhicule passer devant nous

 27   et revenir dans l'autre sens. J'ai appris plus tard, après quelques heures,

 28   que l'un des observateurs militaires, un officier polonais répondant au nom

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  1   de Janusz Kalbarczyk, avait été emmené à l'endroit où le véhicule était

  2   passé devant nous et menotté à l'autre casemate. Et les quatre autres

  3   membres de l'équipe sont restés à bord du véhicule. Ils ont été emmenés

  4   ensuite à ce qui était l'entrepôt où nous nous étions arrêtés au début, au

  5   moment où on avait demandé à ce que les frappes aériennes cessent, et

  6   ensuite emmenés sur un pont près de Pale, et ramenés à l'entrepôt par la

  7   suite, à l'intérieur de ces installations.

  8   Et un autre point : cette équipe de Sierra Echo, avant qu'elle ne passe

  9   devant nous à bord d'un véhicule, une demi-heure avant cela et avant que

 10   les deux soldats serbes qui nous avaient pris en otage, ils ont pris cet

 11   officier russe qui faisait partie de mon équipe, Pavel Teterevsky. Donc,

 12   pendant la première heure, nous n'étions que trois de mon équipe, et

 13   ensuite, au bout d'une demi-heure, il n'y avait que moi-même et Ole Zidlik

 14   qui étions menottés devant la casemate.

 15   Q.  Après vous avoir menottés, vous et le capitaine Zidlik, à ces endroits,

 16   et après avoir neutralisé le capitaine Teterevsky, est-ce que les soldats

 17   serbes de Bosnie sont restés avec vous tout le temps?

 18   R.  Non, ils ne sont restés avec nous qu'au début, lorsqu'ils nous ont

 19   menottés à un paratonnerre, dans mon cas, et l'autre personne qui était

 20   menottée à la casemate, c'était Ole. Le lieutenant-colonel que j'ai cité

 21   nous a montré son caméscope et son pistolet. Il nous a filmés dans cette

 22   position pendant quelques instants -- mais ils étaient inquiets, parce que

 23   la situation n'était pas tout à fait claire, et on ne savait pas vraiment

 24   ce qui se passait au niveau des frappes aériennes, donc ils ne souhaitaient

 25   pas passer trop de temps à cet endroit-là, et donc ils sont partis assez

 26   rapidement.

 27   Et environ une heure plus tard, deux d'entre eux sont revenus. Ils m'ont

 28   donné une boîte sur laquelle je pouvais m'asseoir. Et Ole Zidlik, qui était

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  1   menotté à la porte, ils l'ont menotté à une casemate qui se trouvait un peu

  2   plus bas de façon à ce qu'Ole Zidlik puisse s'asseoir. Et c'est à ce

  3   moment-là qu'ils ont emmené Pavel Teterevsky.

  4   Q.  Est-ce qu'à un moment donné dans la journée plus tard, les soldats de

  5   la VRS sont venus vérifier et voir comment vous alliez, vous, capitaine

  6   Zidlik et les autres observateurs militaires des Nations Unies qui étaient

  7   plus loin sur la route ?

  8   R.  Oui. Vers 14 heures 30 de l'après-midi, deux soldats que nous n'avions

  9   pas vus auparavant sont venus vérifier. Ole Zidlik et moi-même, nous

 10   comprenions le serbo-croate, donc nous savions ce que disaient ces soldats.

 11   Ils se demandaient s'ils avaient le temps de vérifier comment allaient les

 12   autres observateurs militaires des Nations Unies qui se trouvaient plus bas

 13   sur la route, parce qu'à 14 heures 30, les frappes aériennes étaient

 14   censées reprendre. L'un d'entre eux a dit qu'il était là la veille et qu'il

 15   ne souhaitait absolument pas être dans le secteur s'il y avait d'autres

 16   frappes aériennes. Donc tout ce qu'ils ont fait, ils sont simplement passés

 17   devant nous rapidement -- il y avait une petite colline, ils ont juste

 18   regardé au-dessus, sont revenus très rapidement et se sont éloignés de

 19   l'endroit où nous nous trouvions, où nous étions menottés.

 20   Q.  Commandant, combien de temps vous et le commandant Zidlik êtes-vous

 21   restés menottés au paratonnerre ou à la casemate ?

 22      R.  Eh bien, moi, je suis resté environ cinq à six heures, après 11

 23   heures ou midi jusqu'à 5 heures l'après-midi. Et Ole Zidlik y est resté

 24   jusqu'à 9 heures du soir environ, donc neuf heures environ dans son cas.

 25   Q.  Et vous avez parlé des soldats qui sont venus vérifier votre situation

 26   vers 14 heures 30 et qui étaient préoccupés par le fait d'être dans le

 27   secteur parce que les frappes aériennes pouvaient reprendre. Après cela,

 28   avez-vous vu d'autres personnes venir dans ce secteur ?

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  1   R.  Fort heureusement, il n'y a pas eu de frappes aériennes, en tout cas

  2   pas à l'endroit où nous étions, à 14 heures 30. Une heure plus tard

  3   environ, c'est-à-dire vers 15 heures 30 de l'après-midi, il y avait deux

  4   groupes d'officiers militaires. D'après leurs grades, ils étaient haut

  5   gradés - il y avait des colonels qui faisaient partie du groupe - et ils

  6   sont venus inspecter le secteur, mais ce qui les intéressait davantage,

  7   c'était d'évaluer les dégâts qui avaient été provoqués, plutôt que notre

  8   sort. Donc ils ont été suivis, 20 à 30 minutes plus tard, par un groupe de

  9   civils qui devaient être des représentants du gouvernement, comme je l'ai

 10   imaginé, parce qu'ils portaient des complets et une cravate. Dans ce groupe

 11   de civils, il y avait un membre qui était Jovan Zametica, qui était le

 12   conseiller politique et porte-parole de M. Karadzic.

 13   Q.  Est-ce que vous savez si M. Zametica vous a vus, vous et Zidlik ?

 14   R.  Oui. Il nous a vus, mais plus que cela; il est venu vers nous, il m'a

 15   parlé. Je devrais ajouter ceci : nous étions très près l'un de l'autre.

 16   Parce que je vous ai dit que Teterevsky était à peu près à 10 mètres sur ma

 17   droite; Zidlik, lui, était en face, à une vingtaine de mètres. La

 18   délégation, aussi bien ses membres militaires que civils, est venue vers

 19   nous. Zametica s'est approché de moi, et je lui ai dit que j'étais vraiment

 20   choqué, abasourdi de voir comment on nous traitait, parce que jusqu'alors,

 21   je m'étais dit que peut-être il y avait eu une erreur, que c'était un

 22   groupe incontrôlé qui nous avait pris en otage. Lorsque j'avais appelé la

 23   secrétaire de M. Karadzic et Zametica, on ne nous avait jamais expliqué ce

 24   qui allait se passer dans notre bureau. Alors, j'ai dit à Zametica, Mais

 25   qu'est-ce qui se passe, comment ce traitement peut-il se justifier ? J'ai

 26   expliqué que j'avais été assailli. Il m'a dit, Mais les temps changent,

 27   tout simplement. De façon tout à fait complaisante, il a ajouté un

 28   commentaire à son intention, Je me demande, a-t-il dit, ce que va faire

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  1   maintenant le général Smith. Ce sur quoi il est reparti sur la route.

  2   J'aimerais ajouter ceci à l'intention des Juges - je ne sais pas si ceci a

  3   déjà été dit : une autre différence qu'il y avait entre les observateurs

  4   militaires et les forces de maintien de la paix -- les casques bleus

  5   habituels, cette différence c'est que nous, nous sommes protégés par le

  6   droit international en tant qu'experts en mission, experts des Nations

  7   Unies. Nous sommes des personnes protégées. Nous le savions. Des gens comme

  8   Zametica le savaient aussi, le gouvernement de M. Karadzic aussi. C'est

  9   pour ça que nous étions tout à fait ébranlés face à ce qui nous arrivait.

 10   Q.  Vous dites que vous êtes resté menotté à ce paratonnerre à Jahorinski

 11   Potok jusqu'à 17 heures à peu près. Qu'est-ce qui s'est passé après ?

 12   R.  Un véhicule est alors venu de la même direction qu'avant, enfin de la

 13   direction d'où il y avait ces maisons. Il y avait au volant un soldat serbe

 14   de Bosnie. Ces véhicules ont fait demi tour, se sont arrêtés, quelqu'un

 15   s'est approché de moi et m'a dit qu'on allait m'emmener. J'ai dit où, et on

 16   ne m'a pas répondu. On m'a fait monter à l'arrière du véhicule, là où se

 17   trouvait Janusz Kalbarczyk. Moi aussi j'ai été menotté, et on nous a

 18   emmenés.

 19   Q.  Où est allé ce véhicule dans lequel vous vous trouviez, vous et M.

 20   Kalbarczyk ?

 21   R.  Nous avons traversé Pale. A Pale, il y a d'autres soldats qui sont

 22   montés, puis nous avons pris une route qui montait vers une station de ski

 23   qui s'appelait Jahorina, parce que Jahorina c'est le nom que porte une

 24   montagne de la région. Je connaissais bien le coin, parce que dans la

 25   station de ski, il y avait un hôtel, l'hôtel Bistric, où se trouvaient

 26   certains fonctionnaires serbes de Bosnie, dont M. Zametica. Une fois, je

 27   lui avais rendu visite dans cet hôtel, donc j'ai reconnu la route que nous

 28   montions. Nous nous sommes arrêtés sur un bas-côté où il y avait un sentier

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  1   de terre. A ce moment-là, nous étions suivis par au moins un véhicule civil

  2   où il y avait des militaires serbes de Bosnie. Il y avait aussi Snezan

  3   Lalovic, un journaliste civil, et son caméraman, et aussi un lieutenant-

  4   colonel, qui faisait partie du bureau de presse, et c'était l'autre

  5   caméraman. Les soldats serbes de Bosnie, sans fournir d'explication, nous

  6   ont bandé les yeux à moi et à Kalbarczyk. La plupart des gens sont montés

  7   dans le véhicule, qui était vraiment bondé à ce moment-là. Nous avons

  8   emprunté ce sentier de terre. C'était une Golf, cette voiture, je m'en

  9   souviens. Le sentier était abrupt, très pentu. Ça a duré 45 minutes

 10   environ, le trajet, parce que la route était très difficile. Nous nous

 11   sommes arrêtés, on nous a fait descendre, on a enlevé les bandeaux. Je me

 12   suis trouvé ainsi devant un grand dôme, une coupole qui sert de radar, et,

 13   je vous l'ai dit, nous étions avec ces gens : il y avait le journaliste

 14   civil et le caméraman, notamment. Au moment où on nous enlevait les

 15   bandeaux, deux soldats ont pris leurs armes - ces fusils d'assaut AK-47 -

 16   ont mis une cagoule noire, et Snezan Lalovic s'est tourné vers nous. Il

 17   nous a demandé si on avait peur. Je ne sais pas trop à quoi devait servir

 18   cette question. Donc j'ai essayé de sembler le plus calme possible. Ils ont

 19   emmené Janusz Kalbarczyk. Moi, je suis resté près du véhicule. Ils l'ont

 20   emmené dans cette coupole, ils étaient environ à 100 mètres, et là, ils

 21   l'ont menotté à la coupole. Ils l'ont emmené, et ces deux soldats qui

 22   étaient cagoulés lui ont fait subir une forme d'interrogatoire.

 23   Q.  Votre réponse lorsque le soldat Lalovic vous a demandé si vous aviez

 24   peur c'était que vous n'étiez pas apeuré lorsque vous êtes arrivé au radar,

 25   lorsqu'on avait enlevé les bandeaux. Mais lorsque le véhicule s'est arrêté,

 26   lorsqu'on vous a bandé les yeux avant qu'on vous emmène au radar, qu'est-ce

 27   que vous vous êtes dit qui allait se passer ?

 28   R.  Je ne peux pas vous le dire, parce qu'il y a toutes sortes d'idées qui

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  1   me passaient par la tête, évidemment. Mais il y a une chose que je ne peux

  2   pas oublier, c'est que pendant toute la matinée, on nous avait menacés. Ça

  3   avait commencé dans le bureau, puis à l'entrepôt, et on nous avait dit que

  4   s'il y avait davantage de frappes aériennes, on allait nous exécuter. Et

  5   puis, à 14 heures 30, rappelez-vous, ces deux soldats étaient passés par là

  6   et s'étaient disputés parce que les frappes aériennes étaient censées

  7   reprendre. Donc je ne savais pas ce qui s'était passé. Est-ce qu'il y avait

  8   eu davantage de frappes aériennes ou pas, je ne le savais pas. Donc nous

  9   étions inquiets. Nous en avons discuté après avec les autres observateurs

 10   militaires. Ce que nous craignions, c'était d'être exécutés, pas seulement

 11   ce jour-là, mais aussi dans l'après-midi du 26 mai lorsqu'on nous a emmenés

 12   au radar. Moi, je me disais que voilà, on va nous exécuter.

 13   Une autre source d'inquiétude, puisqu'il se passait, c'est que quand

 14   on était sur ce sentier, un des soldats dans la voiture s'est tourné vers

 15   un autre soldat et a dit, Pourquoi on y va ? Et l'autre soldat a dit, Ça

 16   dépend de Jahorina. Et l'autre soldat a répondu, C'est parce que Mladic

 17   veut qu'on filme du personnel des Nations Unies, et il n'a pas dans quelles

 18   conditions les filmer. Donc c'est peut-être pour ça que je me disais qu'il

 19   n'était pas exclu qu'on nous emmène à cet endroit pour qu'on soit exécutés

 20   et que notre exécution soit filmée.

 21   Q.  Vous avez dit que Kalbarczyk avait été emmené par l'homme armé et

 22   cagoulé pour être interrogé. Et qu'est-ce qui s'est passé après ?

 23   R.  Une fois cet interrogatoire effectué, Snezan Lalovic, le journaliste -

 24   il était là avec son cameraman - une fois de plus, on nous a bandé les

 25   yeux, on nous a remis dans ce véhicule, menottés comme avant, avec tous les

 26   soldats qui ont été entassés dans le véhicule, et nous avons repris la

 27   route. Une fois arrivés sur la route principale, là, on nous avait d'abord

 28   arrêtés pour nous bander les yeux. Les bandeaux ont été enlevés, et nous

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  1   avons été emmenés à l'hôtel Bistrica dans la station de ski de Jahorina. Je

  2   cherche un mot difficile à trouver, parce que la situation était tout à

  3   fait "bizarre" ou étrange. Tout d'un coup, c'est comme si l'état d'esprit

  4   avait changé chez les soldats. Ils étaient tout à fait cordiaux, voulaient

  5   faire la fête. Voulait-on boire quelque chose, voulait-on du café. Ils

  6   étaient tout à fait détendus. Moi, j'avais déjà été plusieurs fois à cet

  7   hôtel, et les femmes qui y travaillaient m'ont reconnu et m'ont demandé

  8   comment ça allait. Donc, si vous voulez, c'était un revirement complet,

  9   comme si rien ne s'était passé auparavant.

 10   On nous a emmenés au restaurant de l'hôtel pour y manger le repas du soir.

 11   Le repas fut excellent. C'était vraiment bizarre, cette situation, parce

 12   que jusqu'à ce moment-là, j'étais en situation de menace perpétuelle,

 13   constante, et maintenant, tout le monde était détendu et faisait comme si

 14   rien ne s'était passé.

 15   Après ce repas, les gardes nous ont dit qu'ils allaient nous emmener chez

 16   nous pour aller y chercher des couvertures et de quoi nous couvrir, et puis

 17   on allait chercher les autres membres de l'équipe, parce qu'on allait

 18   passer la nuit dans les casemates ou dans d'autres cibles stratégiques à

 19   l'extérieur. Nous sommes allés là où nous logions, nous avons été chercher

 20   nos affaires.

 21   Et alors qu'on repassait par Pale, qu'on traversait Pale, nous avons vu un

 22   autre véhicule des Nations Unies dans lequel se trouvaient des soldats

 23   serbes. Il y avait une autre équipe d'observateurs militaires Sierra Sierra

 24   1 qui était de Kasindol. Et j'ai vu un Tchèque, un Pakistanais, un

 25   Néerlandais, ces officiers qui se trouvaient dans le véhicule. Ils étaient

 26   en civil, ce qui nous a surpris, mais on n'a pas eu la possibilité de leur

 27   parler parce qu'ils étaient à l'arrière du véhicule, et ce sont nos gardes

 28   qui sont sortis seulement pour aller vérifier et discuter de quelque chose,

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  1   je ne sais pas quoi, avec cet autre véhicule.

  2   Nous avons été emmenés dans une garnison militaire, la caserne Koran. On

  3   nous a emmenés au premier et au deuxième [comme interprété] étages, dans

  4   une espèce de dortoir. Et là, pour la première fois de la journée, j'ai vu

  5   les autres observateurs militaires. On était vraiment soulagés de voir que

  6   tout le monde était sain et sauf.

  7   Les autres observateurs militaires -- il n'y avait qu'Ole Zidlik de mon

  8   équipe, et pour ce qui est de l'équipe Sierra Echo 1, il y avait Evans

  9   Griffiths du Ghana; Pepe Romero, un Espagnol; Janusz Kalbarczyk, un

 10   Polonais; et Zlato Kukuznik [phon], un Tchèque. Il y avait aussi Dmitri

 11   Batiouchenkov, un Russe, qui n'était pas là, et Pavel Teterevsky, le Russe

 12   de mon équipe, n'était pas là non plus. Mais il y avait aussi deux membres

 13   d'une autre équipe, Sierra Golf 1, de Grbavica, un quartier du côté serbe à

 14   Sarajevo. Il y avait aussi Harvey Alves, un Brésilien, et Josh Gelasen

 15   [phon], un Néerlandais.

 16   Q.  Merci, Mon Commandant. Le lendemain matin, est-ce qu'on vous a gardé à

 17   la garnison ou est-ce que vous en êtes parti ?

 18   R.  La première chose qui s'est passée le lendemain matin, vers 9 heures,

 19   c'est ceci : M. Ribic et un des autres soldats m'ont dit de les suivre. On

 20   m'a fait sortir du dortoir de ce bâtiment pour aller à notre véhicule qui

 21   était garé à l'extérieur. Et on m'a dit d'envoyer un message à Kilo X-ray,

 22   notre QG de Sarajevo. Ces deux hommes m'ont donné une liste de lieux dont

 23   je devais dire combien d'observateurs militaires se trouvaient, donc

 24   c'était l'endroit où nous avions été menottés la veille, à Jahorinski

 25   Potok, dans les entrepôts. J'ai transmis ces éléments d'information et j'ai

 26   saisi l'occasion pour ajouter que lorsque M. Akashi allait venir rencontrer

 27   les Serbes de Bosnie, il faudrait qu'il y ait l'officier de liaison en chef

 28   des observateurs militaires avec lui pour qu'on ne nous oublie pas et pour

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  1   que les Nations Unies essaient de nous faire participer le plus possible

  2   dans les négociations qui devraient permettre de trouver une solution à ce

  3   qui se passait jusqu'alors.

  4   Q.  Examinons le document 10597 de la liste 65 ter.

  5   C'est un télégramme codé qui porte la date du 27 mai 1995, envoyé par

  6   Janvier à Annan.

  7   Prenons le cinquième paragraphe du document. Il se trouve à la page 2 en

  8   anglais.

  9   Vous le voyez, il est dit que :

 10   "L'équipe des observateurs militaires de Pale a été prise en otage hier.

 11   Cette équipe a pu établir un contact radio avec le QG des observateurs

 12   militaires à Sarajevo ce matin pour dire qu'ils sont sains et saufs, et ils

 13   ont pu donner des informations sur l'endroit où se trouvent les autres

 14   équipes."

 15   Est-ce qu'ici, il est fait référence au contact que vous avez établi dans

 16   la matinée du 27, ce dont vous venez de parler ?

 17   R.  Je n'en suis pas absolument sûr, mais il me semble que c'est bien le

 18   cas. On dit simplement l'équipe des observateurs de Pale; ça pourrait être

 19   la nôtre ou l'équipe Sierra Echo 1. Mais je pense que la description

 20   correspond bien à la situation quand on dit que quelqu'un a établi le

 21   contact radio et a fait un rapport sur l'endroit où se trouvaient les

 22   autres équipes.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Mon Commandant.

 24   Monsieur le Président, je demande le versement du document.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est versé.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2171.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Vous avez donc appelé le QG. Après cela, est-ce que vous avez été

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  1   emmenés quelque part; et si oui, par qui ?

  2   R.  Nous avions passé la nuit tous ensemble, ces trois équipes dont je vous

  3   ai parlé. Nous étions en tout huit observateurs militaires, et nous avons

  4   été ramenés à l'endroit qui avait été bombardé la veille, à ce complexe.

  5   J'avais dit dans mon message qu'on allait nous ramener devant les

  6   casemates. A mon grand soulagement, nous n'avons pas été ramenés aux

  7   casemates proprement dites, mais à quelques centaines de mètres avant, où

  8   il y avait une petite cabane. On allait nous y garder toute la journée.

  9   Les choses semblent assez calmes, mais il y avait des menottes, environ dix

 10   paires de menottes, donc je pense qu'on attendait des ordres, et si les

 11   ordres venaient, on allait se retrouver dans la même situation que la

 12   veille. Nous avons passé la journée là.

 13   Dans la matinée ou en début d'après-midi, les deux Russes nous ont

 14   rejoints, donc il y avait Pavel Teterevsky aussi de mon équipe et Dimitri

 15   Batiouchenkov de Sierra Echo 1. Rien ne s'est passé ce jour-là.

 16   En fin d'après-midi, moi-même et un membre de l'équipe Sierra Echo 1

 17   avons reçu l'ordre d'aller à nos logements pour aller chercher des

 18   vêtements propres pour nous et les autres membres des équipes. Certains des

 19   gardes nous ont emmenés à notre logement. Et au bureau de Sierra Echo 1, là

 20   se trouvaient quelques interprètes qui regardaient la télévision. Il y

 21   avait la télévision par satellite, une liaison par satellite, et c'est

 22   ainsi que ces personnes regardaient CNN. Les interprètes ont dit qu'ils

 23   avaient vu ces images des observateurs utilisés comme bouclier humain

 24   diffusées de par le monde, et il y avait aussi des nouvelles télévisées

 25   serbes à Pale. On y voyait moi-même, Ole Zidlik et Pavel Teterevsky

 26   menottés à ces paratonnerres et aux casemates où il y avait les munitions,

 27   et dans ces nouvelles, on nous accusait d'être ceux qui avaient guidé les

 28   frappes aériennes. Ce n'était pas seulement faux. Nous, ça nous a rendus

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  1   furieux, parce que ce genre d'accusations compromettait nos vies, parce que

  2   ça rendait furieuse la population locale. Les gens de la région n'avaient

  3   pas accès à des médias indépendants; ils croyaient ce qu'ils entendaient à

  4   la radio, à la télévision, et en général, après avoir entendu ce qu'ils

  5   entendaient, ils voulaient se livrer à des représailles contre nous.

  6   Q.  Vous avez fini par être relâchés le 18 juin 1995, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, c'est ce jour-là que nous avons quitté Pale.

  8   Q.  J'ai des questions à vous poser sur certains des événements survenus

  9   pendant la période concernée, sur ce que vous avez fait avant d'être

 10   relâché.

 11   Première question, vous avez dit que vous étiez retourné à votre logement.

 12   Est-ce que vous êtes retourné à votre logement une fois ou plusieurs fois

 13   entre le moment où on vous a placé en détention à la garnison et le moment

 14   de votre libération ?

 15   R.  Oui, plusieurs fois j'y suis retourné.

 16   Q.  Est-ce que, lorsque vous êtes allé chez vous, vous avez essayé de

 17   demander à quelqu'un d'envoyer un message à votre QG ?

 18   R.  Oui, c'était le lendemain, le 28 mai. Après la journée que nous avons

 19   passée près des casemates et la guérite, j'ai été autorisé d'aller avec un

 20   membre de l'autre équipe à nos logements pour aller chercher des effets

 21   personnels, parce que nous avions compris à ce moment-là qu'on allait nous

 22   garder captifs pendant plusieurs jours supplémentaires. Un de nos

 23   interprètes était de service. Au cours des trois journées précédentes, que

 24   nous n'avions pas passées au bureau, j'ai vu que les rapports confidentiels

 25   que nous recevions d'habitude étaient toujours reçus, donc j'ai dit à mon

 26   interprète d'envoyer un fax à Kilo X-ray, à notre QG, pour dire à ce QG

 27   d'arrêter d'envoyer ces rapports et pour leur faire comprendre, aux

 28   personnes qui s'y trouvaient, que moi-même, des membres de mon équipe et

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  1   des membres de Sierra Echo 1 et de Sierra Golf 1 étaient en détention, mais

  2   que nous étions sains et saufs. Notre propriétaire, le propriétaire de la

  3   maison, ne parlait pas l'anglais, mais il était dans le bureau. Il a

  4   compris quelques mots, comme le mot fax, par exemple, et il est intervenu

  5   furieux, et il a dit, Non, non, pas de téléphone, pas de fax. M. Krajisnik

  6   a passé un coup de fil et il a dit que tout ceci est interdit. Faites ce

  7   qu'on vous dit et vous allez être libérés dans trois ou quatre jours. Notre

  8   propriétaire avait une affaire -- c'était un homme d'affaire très proche de

  9   M. Krajisnik avant la guerre. C'était des amis intimes, des collègues. Je

 10   pense qu'ainsi j'ai compris -- nous avons compris à l'époque que M. Momcilo

 11   Krajisnik c'était le président de l'assemblée des Serbes de Bosnie à Pale.

 12   Q.  Est-ce que, au cours de cette période de détention, vous avez tenté de

 13   contacter le Pr Koljevic, avec lequel vous aviez déjà eu affaire ?

 14   R.  Oui. Le lendemain, en fait, le 29, j'ai pu aller là où nous étions

 15   logés, parce que là où on était détenus, il n'était pas possible de laver

 16   du linge. Nous en avons parlé avec nos gardiens, et j'ai proposé de faire

 17   laver le linge par la dame qui s'occupait de notre ménage. On avait déjà

 18   payé le loyer du mois suivant, et parmi les services fournis, il y avait le

 19   service de lavage de linge, de lessive. Donc je suis allé pour emmener le

 20   linge sale, mais en route, je me suis arrêté là où se trouvait logée

 21   l'équipe Sierra Echo 1. Un de mes interprètes était de service -- enfin,

 22   non pas de service, elle était en visite. Je lui ai dit qu'on allait partir

 23   en direction de mon bureau dans quelques minutes et qu'il fallait organiser

 24   une réunion avec le Pr Koljevic. Jusqu'alors, je me disais encore qu'il

 25   pouvait peut-être intervenir en notre faveur, puisque j'avais eu déjà des

 26   contacts personnels en ma qualité d'officier de liaison en chef avec lui

 27   auparavant. J'ai demandé à mon interprète de l'appeler, d'appeler Ceca, la

 28   secrétaire de M. Koljevic, pour lui dire qu'elle devait appeler mon bureau,

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  1   qu'il y avait des choses dont je devais discuter en urgence avec elle.

  2   C'est tout ce que j'ai dit. C'est ce qu'a fait mon interprète, et ça a

  3   marché vraiment comme une montre suisse.

  4   Cinq minutes après être entré dans mon bureau, le téléphone a sonné. Mon

  5   interprète qui était de service a décroché et m'a dit, Voilà, Ceca veut

  6   vous parler. Le garde serbe qui était avec nous, et qui allait rester le

  7   garde principal pendant toute notre période de captivité, était quelque peu

  8   surpris, parce que c'était quelqu'un d'important qui téléphonait, donc il

  9   n'a pas dit non. J'ai dit à Ceca qu'il fallait que je rencontre le Pr

 10   Koljevic car je voulais apprendre ce qui se passait. Je voulais aussi

 11   parler de notre situation, qui était inacceptable, et je voulais savoir ce

 12   qu'il en était véritablement des frappes aériennes. Ceca a dit, Oui, pas de

 13   problème, je vais organiser la réunion. Elle a dit, Ça ne devrait pas être

 14   difficile. Et elle m'a demandé de passer le combiné au capitaine Vojvodic,

 15   et j'ai compris qu'elle lui avait dit que le lendemain, il y aurait une

 16   réunion qui serait organisée avec le Pr Koljevic, que tout avait été

 17   autorisé, que c'était officiel.

 18   Nous sommes partis, il y a une brève conversation avec le capitaine

 19   Vojvodic, qui m'a fait comprendre qu'il y aurait cette réunion.

 20   Après, nous sommes retournés dans cette cabane -- ou à la caserne de

 21   Koran, où nous étions en détention, et il m'a demandé si le colonel

 22   Djurdjic pouvait assister à la réunion. J'ai dit, Bien, c'est à M. Koljevic

 23   de décider; moi, je ne m'y oppose pas, je n'y vois aucun inconvénient. Et

 24   puis, on m'a demandé de préparer une lettre qui parlerait des sujets de

 25   conversation. C'est ce que j'ai fait, j'ai dit que je voulais parler des

 26   conditions de détention, des circonstances dans lesquelles nous avons été

 27   pris en otage, je voulais expliquer le mauvais traitement que nous avions

 28   subi à M. Koljevic et je voulais aussi parler de la façon de trouver une

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  1   solution à la crise.

  2   Q.  Et est-ce que cette réunion a eu lieu ?

  3   R.  Non. J'ai posé la question plusieurs fois pendant la journée au

  4   capitaine Vojvodic. D'abord, il m'a dit, Je ne sais pas, et puis il a dit

  5   qu'il allait essayer d'apprendre ce qui se passait, et puis il a dit qu'il

  6   n'y avait personne au bureau de M. Koljevic et personne non plus à la

  7   présidence qui pourrait donner des informations éventuelles sur cette

  8   réunion. Il a dit que personne ne lui avait dit quoi que ce soit et qu'il

  9   n'avait aucune information à propos de la réunion.

 10   Q.  Est-ce que vous avez fini par rencontrer le Pr Koljevic pendant que

 11   vous avez été retenus captifs ?

 12   R.  Oui, finalement, le 15 juin, le 21e jour de notre captivité.

 13   M. TIEGER : [interprétation] A vous de décider, je peux poursuivre ou est-

 14   ce que nous allons faire la pause.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 16   Nous allons faire une pause d'une demi-heure. Nous reprendrons à 11

 17   heures.

 18   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 19   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Puis-je présenter Mme Guo, qui vient de

 22   Chine et des Pays-Bas, et qui nous a rejoints pour ce volet d'audience.

 23   Mme GUO : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 25   M. TIEGER : [interprétation]

 26   Q.  Commandant, juste avant la pause, je vous ai demandé si vous avez

 27   réussi finalement à rencontrer le Pr Koljevic lorsque vous étiez en

 28   captivité. Et vous avez précisé que ceci est arrivé beaucoup plus tard, le

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  1   15 juin. Ensuite, à nouveau -- et c'était le 21e jour de votre captivité.

  2   Pourriez-vous nous parler de cette réunion, s'il vous plaît ?

  3   R.  Oui. Ceci était quelque peu surprenant. Je dois dire que c'était une

  4   surprise agréable. Le matin de ce jour-là, le capitaine Vojvodic était venu

  5   nous voir là où nous étions hébergés. Il m'a dit de me préparer et il m'a

  6   dit que j'avais finalement ma réunion avec le Pr Koljevic et que je devais

  7   en être satisfait. Il avait réussi à organiser cette réunion. Je lui ai

  8   dit, Eh bien, il est temps.

  9   Ensuite, on m'a emmené avec le capitaine Vojvodic en voiture jusqu'au QG

 10   militaire à Pale, QG de la police militaire, et j'ai eu une réunion, un

 11   face-à-face avec le Pr Koljevic.

 12   Q.  Et avez-vous transmis au Pr Koljevic vos préoccupations au sujet de

 13   votre traitement lorsque vous étiez en captivité et différentes autres

 14   questions que vous souhaitiez aborder avec lui ?

 15   R.  Oui, et ce, avec moult détails, et j'étais très reconnaissant envers le

 16   Pr Koljevic parce que j'ai eu l'occasion d'aborder toutes ces questions. Et

 17   l'élément qui me préoccupait le plus à l'époque, à ce moment-là, c'était

 18   que nous ne pouvions pas, à l'exception de périodes très courtes, entrer en

 19   contact avec les membres de notre famille. A ce moment-là, nous avions tous

 20   réussi à appeler chez nous, mais pour certains d'entre nous, ceci est

 21   arrivé beaucoup plus tard, le 10 juin, lorsque j'ai pu téléphoner à la

 22   maison. Et nous ne souhaitions pas être limités à une ou deux minutes de

 23   conversation lorsque nous étions en captivité, parce que les membres de

 24   notre famille avaient vu toutes les images qui avaient été diffusées et

 25   avaient vu que nous servions de bouclier humain, et étaient préoccupés au

 26   sujet de notre bien-être. Et nous étions inquiets parce qu'eux-mêmes

 27   étaient inquiets par rapport à la situation. Ils ne recevaient aucune

 28   information, et les Serbes de Bosnie ne relayaient aucune information aux

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  1   Nations Unies parce que nous n'avions pas de contact avec le monde

  2   extérieur. Ça, c'était la première préoccupation qui était la mienne. Et le

  3   Pr Koljevic a réagi de façon positive. Il ne s'est pas engagé du tout. Il a

  4   simplement dit qu'il verrait ce qu'il pouvait faire.

  5   Nous avons également abordé, avec beaucoup de détails, la prise d'otages et

  6   ce qui nous était arrivé. Et je voulais m'assurer que le Pr Koljevic

  7   comprenne bien tout. Il était quelque peu surpris. Il était au courant de

  8   certains détails, mais il n'était pas au courant de tout, et il n'était pas

  9   au courant du fait que nous avions été menacés et que l'ensemble de la

 10   situation avait eu un effet non seulement sur mon équipe et nous tous, mais

 11   sur les autres personnes également.

 12   Ensuite, nous avons abordé la question des rapports de travail entre les

 13   Nations Unies et les autorités serbes de Bosnie, et le rôle de mes équipes

 14   en tant que bureau de liaison plus précisément. Le Pr Koljevic a ensuite

 15   expliqué que les frappes aériennes, aux yeux des Serbes de Bosnie, avaient

 16   été très mal accueillies. Ils étaient surpris par l'intensité de ces

 17   frappes, et, en réalité, ces frappes avaient véritablement provoqué

 18   énormément de dégâts. Il a indiqué que ce n'était pas un sujet de

 19   préoccupation que ces frappes aériennes, parce qu'ils avaient été avertis à

 20   l'avance jusqu'à ce moment-là, qu'il s'agissait de frappes symboliques et

 21   qu'il s'agissait simplement de cibles prises isolément. Mais il a indiqué

 22   que les frappes du 26 étaient des frappes aériennes intensives, et ils

 23   pensaient que ces frappes-là ne devaient pas se produire avant midi ce

 24   jour-là, qui était la date butoir qui avait été précisée par le général

 25   Smith, et c'était la date à laquelle toutes les frappes aériennes devaient

 26   cesser. Quoi qu'il en soit, il a indiqué que pour les Serbes, il s'agissait

 27   d'une crise fort importante et qu'ils avaient besoin de réagir d'une

 28   manière qui frapperait les Nations Unies. Il a utilisé cette analogie,

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  1   cette image de chocs électriques, les chocs électriques qui sont utilisés

  2   parfois pour traiter certains patients. On peut tuer un patient, mais

  3   parfois, on peut aussi le soigner. Et donc, ça, c'était leur point de vue,

  4   que cela valait la peine même si cela comportait un risque.

  5   Ensuite, nos relations futures. Il a dit que nous serions libérés à Pale,

  6   et que les Serbes souhaitaient entretenir des relations toutes nouvelles

  7   avec les Nations Unies, et que notre bureau serait fermé.

  8   C'est essentiellement cela qui a été évoqué au cours de cette réunion.

  9   Q.  Vous avez parlé du fait de pouvoir établir un contact avec les membres

 10   de votre famille et, malgré vos demandes, que c'était difficile pour vous.

 11   Avez-vous demandé à rencontrer le CICR, la Croix-Rouge internationale ?

 12   R.  Dans les premiers jours de notre captivité, je crois que c'était le

 13   troisième ou quatrième jour, j'ai rédigé une lettre à l'intention du

 14   commandant Batinic, qui était le supérieur hiérarchique du capitaine

 15   Vojvodic - et le capitaine Vojvodic était, je vous le rappelle, notre

 16   gardien, pour l'essentiel, lorsque nous étions en captivité - nous étions

 17   frustrés par le fait que nous ne recevions aucun appel téléphonique et

 18   autres choses. Nous avons donc rédigé une lettre à l'intention du

 19   commandant Batinic, demandant à ce que nous puissions passer des appels

 20   téléphoniques et établir un contact avec le CICR, qui avait un bureau avec

 21   des délégués à Pale, et nous les connaissions fort bien. Et nous savions

 22   que ceci était conforme au droit international. Nous souhaitions également

 23   avoir accès à des soins médicaux parce que certaines personnes de notre

 24   équipe étaient extrêmement stressées. Nous souhaitions également pouvoir

 25   accéder de façon régulière à des lieux d'hébergement, nous avons demandé à

 26   pouvoir utiliser ces endroits. Et une question que nous avons également

 27   soulevée : nous avons demandé à ce que moi-même et mon équipe, nous

 28   puissions travailler, même si nous étions à l'extérieur de notre bureau. Si

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  1   c'était une préoccupation pour les Serbes de Bosnie, ils pouvaient mettre

  2   des gardes pour nous surveiller, mais nous avons estimé que c'était très

  3   important, nous souhaitions maintenir notre rôle qui était celui d'une

  4   équipe de liaison entre les Nations Unies et les autorités serbes de

  5   Bosnie, et nous souhaitions que ceci commence le plus rapidement possible.

  6   Nous les avons rencontrés, je crois que c'était le 8 juin. Donc cela

  7   concerne la Croix-Rouge. Donc notre captivité avait duré depuis un certain

  8   nombre de jours déjà. Et depuis le premier jour, nous avons indiqué que

  9   nous avons été emmenés et nous souhaitions que la Croix-Rouge

 10   internationale puisse nous contacter directement.

 11   Q.  Vous avez indiqué cette réunion avec le Pr Koljevic alors que vous

 12   étiez en captivité. Est-ce que vous avez également rencontré quelqu'un qui,

 13   d'après vous, était le président de la Republika Srpska et de la Commission

 14   chargée des échanges ?

 15   R.  Oui. Lorsque les délégués du CICR sont venus nous voir, je crois que

 16   c'était le 8 juin, ils étaient accompagnés par M. Bulajic, qui était

 17   président de la Commission chargée des échanges serbes de Bosnie. C'était

 18   un représentant qui allait prendre part à l'échange de prisonniers entre

 19   les Serbes de Bosnie et les autres parties au conflit. En réalité, j'avais

 20   rencontré M. Bulajic une fois par le passé lorsque je me rendais à Kiseljak

 21   en voiture, qui était un quartier près de Sarajevo et tout le contrôle des

 22   forces croates. Il avait un problème à un poste de contrôle lorsque moi, je

 23   revenais d'une réunion avec une équipe française qui l'escortait, et

 24   j'avais réussi -- parce qu'ils ne parlaient pas le serbo-croate, je suis

 25   intervenu et j'ai réussi à leur faire passer le poste de contrôle croate

 26   pour qu'ils puisent passer en Republika Srpska.

 27   Quoi qu'il en soit, M. Bulajic est arrivé avec l'équipe du CICR et s'est

 28   présenté, et nous a dit que nous étions traités convenablement comme des

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  1   prisonniers de guerre, étant donné que nous avions été des combattants. Et

  2   c'est quelque chose avec lequel je n'étais pas d'accord. J'ai dit, Est-ce

  3   que vous savez que nous sommes des observateurs militaires des Nations

  4   Unies ? Nous ne sommes pas des soldats ni des forces de maintien de la

  5   paix. J'ai [comme interprété] dit, Oui. Est-ce que vous savez que nous ne

  6   sommes pas armés ? Est-ce que vous savez que nous travaillons sur le

  7   territoire serbe de Bosnie avec l'autorisation du président, M. Karadzic ?

  8   Réponse : Oui. Alors, comment pouvez-vous estimer que nous sommes des

  9   combattants ? Et il a répondu, C'est quelque chose que nous pouvons évoquer

 10   plus tard, et nous a remis aux gens du CICR. Et nous n'avons pas pu aborder

 11   cette question plus en détail avec lui.

 12   Q.  Vous avez précisé un peu plus tôt que vous avez été libéré le 18 juin

 13   finalement. Est-ce que vous avez rencontré le Pr Koljevic une nouvelle fois

 14   après cette réunion du 15 ?

 15   R.  Oui. Le 18 également, en réalité, j'ai -- alors, il y avait une courte

 16   réunion qui s'est passée au téléphone. Il y avait un incident au cours

 17   duquel nous avons rassemblé nos affaires juste avant notre libération, nous

 18   avons essayé d'emporter du matériel de bureau également, on nous a empêchés

 19   de le faire -- notre propriétaire nous a empêchés de le faire ainsi que les

 20   gardes serbes. Ensuite, le Pr Koljevic a eu vent de cela et nous a appelés

 21   et nous a présenté ses excuses, et qu'il en ferait un point d'honneur

 22   personnel que d'assurer la sécurité de notre matériel de bureau.

 23   Et un peu plus tard ce jour-là, nous avons été emmenés au QG  de la police

 24   militaire, où il y a un endroit où nous avons eu cette réunion avec lui le

 25   15, et cette fois-là, c'était tout le groupe des observateurs militaires

 26   qui était retenu à cet endroit-là. J'y ai été emmené également. Et j'y ai

 27   également rencontré 11 soldats canadiens de l'autre bataillon du maintien

 28   de la paix qui était cantonné à Visoko, près de Sarajevo. Ensuite, le Pr

Page 11115

  1   Koljevic s'est entretenu avec les Canadiens, avec les observateurs

  2   militaires, et l'autre groupe, et il a simplement dit qu'il s'excusait pour

  3   le traitement que nous avions subi et qu'il avait compris un petit peu,

  4   parce qu'au cours de son service militaire, il avait été emprisonné lui-

  5   même dans des prisons militaires yougoslaves à l'époque. Et il a réitéré

  6   cette analogie avec les électrochocs et cette thérapie, et que les Serbes

  7   devaient prendre des mesures extrêmes.

  8   Q.  Un peu plus tôt, lorsque votre propriétaire était intervenu parce que

  9   vous souhaitiez faire quelque chose à l'endroit où vous étiez hébergés,

 10   vous dites qu'il a cité M. Krajisnik. Dans l'exemple que vous venez de

 11   citer, au cours duquel M. Koljevic s'est excusé, est-ce que c'est quelque

 12   chose qui, d'après vous, avait été fait à la demande du propriétaire ou

 13   est-ce que ceci a été porté à l'attention de M. Krajisnik ?

 14   R.  Ce qui s'est passé, en réalité, c'est que je m'étais rendu à l'endroit

 15   où nous étions hébergés, j'ai pris mes affaires personnelles ainsi que mon

 16   téléphone satellite et le combiné, et quelqu'un, Ole Zidlik, l'observateur

 17   tchèque de mon équipe, est allé chercher le transmetteur CapSat, qui est un

 18   petit boîtier bleu qui ressemble à un disque dur d'un ordinateur et qui

 19   permet au système d'être utilisé par liaison satellite en utilisant ce

 20   réseau comme un système de messagerie électronique. Donc nous étions

 21   autorisés à prendre ce matériel, et moi, j'en étais personnellement

 22   responsable, j'avais apposé ma signature à cela.

 23   Mais notre propriétaire, Savic, a découvert que l'antenne -- la femme, Mira

 24   Savic, avait constaté que l'antenne manquait. Elle était très en colère.

 25   Elle a dit à Ole Zidlik que nous étions un ennemi du peuple serbe. En

 26   essayant de retrouver ce matériel, nous étions très surpris, en particulier

 27   parce que nous étions proches d'elle et de ses enfants. Nous lui avions

 28   apporté des bonbons, nous étions proches des enfants, nous nous étions

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  1   occupés des enfants de la famille. Et donc, ils ont fouillé ses affaires et

  2   n'ont trouvé que ces éléments, mais pas le combiné. Et notre interprète,

  3   Svetlana Balovic [phon], était là, et lorsqu'elle a vu que le combiné

  4   n'était pas là, elle a dit, Ah, c'est Patrick qui doit l'avoir. Et donc, on

  5   m'a obligé à revenir à l'endroit où nous avions été logés et remettre le

  6   combiné, et il y a eu un différend avec le propriétaire. Après quoi, il a

  7   dit que ceci serait porté à l'attention de M. Krajisnik. Ensuite, sur une

  8   ligne fixe, le Pr Koljevic m'a appelé et m'a dit qu'il s'en excusait, il

  9   s'excusait pour l'incident, et il a évoqué au cours de sa conversation

 10   qu'il avait tout appris de M. Krajisnik. Don, il était au courant -- je

 11   suppose que c'est le propriétaire, Dani Savic, qui a appelé Krajisnik, qui

 12   avait appelé Koljevic.

 13   Q.  Je souhaite vous montrer un ou deux documents, et ensuite quelques

 14   images.

 15   Est-ce que nous pouvons tout d'abord afficher le numéro 65 ter 18839. Est-

 16   ce que nous pourrions voir la troisième page, s'il vous plaît -- cela doit

 17   être la troisième page dans le prétoire électronique. Merci.

 18   Si vous regardez ce premier paragraphe, Commandant, on y voit écrites,

 19   entre autres, l'entrée par la VRS dans la maison de Lima 7 et la menace

 20   proférée à l'encontre du quartier général des observateurs militaires que

 21   pour chaque bombe, un observateur militaire sera tué. Il est dit que la

 22   menace a été réitérée à l'encontre du général Smith au téléphone, et en

 23   direction des observateurs militaires à Pale, de leur équipe qui se

 24   trouvait à Jahorinski Potok, l'endroit où l'OTAN avait lancé des frappes

 25   aériennes. Ce document indique également qu'il y avait des demandes émanant

 26   d'un soldat de la VRS et ensuite de Lima 7 de confirmer que le bombardement

 27   cessera; le rassemblement d'une foule; le chef d'équipe de Lima 7 qui a été

 28   frappé et menacé d'un pistolet; les observateurs militaires qui ont été

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  1   menottés dans la voiture; et une réponse émanant du général Smith que le

  2   bombardement va cesser; un rapport de Lima 9, que si les frappes aériennes

  3   se poursuivent, les observateurs militaires seront tués à cause de l'OTAN.

  4   Je vais d'abord vous demander une précision : 7 Lima 9, savez-vous à quoi

  5   ceci fait référence ?

  6   R.  Oui, c'est mon indicatif personnel. Le "9" signifie que c'est le chef

  7   d'équipe ou le commandant de l'équipe. Donc 7 Lima 9. A la radio, on disait

  8   "un neuf". Ça, c'était moi.

  9   Et ensuite, je souhaite préciser. Vous parlez de la VRS. L'abréviation pour

 10   l'armée serbe de Bosnie que nous avions tendance à utiliser dans les

 11   rapports, en général, c'est BSA, c'est la même chose.

 12   Q.  Et ce sigle, que représente-t-il ?

 13   R.  "BSA", armée serbe de Bosnie donc.

 14   Q.  [aucune interprétation]

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  Est-ce que ces mentions illustrent ce que vous avez vécu comme éléments

 17   de première main et font partie de certains éléments que vous avez

 18   présentés aux Juges de la Chambre aujourd'hui ?

 19   R.  Tout à fait.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 21   au dossier de ce document.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] P2172.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer au numéro 65

 25   ter 21963 maintenant, s'il vous plaît.

 26   Est-ce que nous pouvons passer à la page suivante, s'il vous plaît. Et à la

 27   page suivante encore. Encore deux pages. Est-ce que nous pouvons afficher

 28   les deux pages suivantes.

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  1   Q.  Commandant, avez-vous eu l'occasion de voir ce document auparavant, et

  2   pouvez-vous nous dire, compte tenu de votre expérience et de ce que vous

  3   avez appris d'aucuns, ce qui est dit dans ce document ?

  4   R.  Ce document illustre que le quartier général de Sarajevo, autrement

  5   dit, celui du général Smith, ou du quartier général du secteur de Sarajevo

  6   du général Gobillard, d'après eux, c'était les observateurs militaires qui

  7   ont été pris en otage à l'endroit où ils se trouvaient.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je demande à ce que ce

  9   document soit versé au dossier, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2173, Mesdames,

 12   Messieurs les Juges.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Commandant, je souhaite maintenant regarder

 14   certaines images vidéo, si vous me le permettez. Je vais vous demander,

 15   lors du visionnage de ces images, de bien vouloir nous aider. Nous

 16   précisons ce qui est décrit dans ces images. Dans certains cas, les images

 17   sont visionnées tellement lentement que vous pourrez commenter en même

 18   temps. Dans d'autres cas, il faudra nous arrêter de façon à pouvoir faire

 19   un arrêt sur image et expliquer. A ce moment-là, vous pourrez décrire ce

 20   que nous voyons.

 21   Est-ce que nous pouvons afficher le P02024.

 22   Monsieur le Président, dans notre liste 65 ter, au compteur, nous étions à

 23   00:26:41 et jusqu'à 00:29:30. Comme les Juges de la Chambre le savent,

 24   lorsque ces images sont visionnées avec le système Sanction, il y a un

 25   léger décalage au niveau du compteur et le calcul doit se faire sur la base

 26   des images montrées dans le système Sanction. Il faut évidemment identifier

 27   le passage en question, et il faut ajouter, s'il y a une différence, le

 28   temps indiqué au compteur dans le système Sanction. Je vais également

Page 11119

  1   essayer de vous aider en apportant mes propres commentaires par rapport à

  2   ce qui est à l'écran.

  3   Est-ce que nous pouvons commencer par le 00224 [comme interprété], s'il

  4   vous plaît.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  7   "Le reporter : Ceci a été attaqué par les jets des Nations Unies. Les

  8   Serbes ont réagi de façon violente, non pas avec des bombardements, mais

  9   avec une prise d'otages. C'était une humiliation pour les Nations Unies --"

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11    M. TIEGER : [interprétation]

 12   Q.  Commandant, je souhaite vous demander également de nous dire quand vous

 13   pensez qu'il est approprié d'arrêter les images.

 14   Pourriez-vous nous dire qui est décrit et représenté ici ?

 15   R.  C'est mon collègue de Sierra Echo 1, de l'autre équipe de nos

 16   observateurs militaires, Janusz Kalbarczyk, et ceci se trouve au mont

 17   Jahorina, au dôme où se trouve le radar où nous avons été emmenés le 26

 18   mai. L'incident que j'ai évoqué, où nos yeux ont été bandés. Et lorsque

 19   nous sommes arrivés en haut du dôme, les soldats étaient cagoulés et nous

 20   ont enlevé nos armes. Le commandant Kalbarczyk avait été emmené là et

 21   filmé. L'image précédente était une image qui représente ce dont je me

 22   souviens de ce qui s'est passé le matin du 26, autrement dit, les frappes

 23   aériennes. Nous avons vu beaucoup de fumée et de poussière. C'est ce que

 24   nous voyions de Pale, de l'endroit où nous étions hébergés, qui était un

 25   terrain un petit peu en hauteur.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu, 00:26:58

 27   [comme interprété].

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "Les observateurs militaires des Nations Unies étaient tenus et

  3   menottés avec des grilles à des lieux stratégiques --"

  4   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  5   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons revenir en arrière un

  6   petit peu. Il s'agit ici du point 00:27:08.1.

  7   Q.  Est-ce que vous reconnaissez les personnes qui sont représentées ici

  8   ainsi que l'endroit en question ?

  9   R.  Oui. Il s'agit là -- du côté gauche, c'est Griffiths Evans du Ghana, et

 10   à sa droite -- ou à ma droite, plutôt, se trouve Pepe Romero d'Espagne. Il

 11   s'agit des observateurs militaires de Sierra Echo 1 à Pale. Il s'agit d'un

 12   pont qui se trouve à Pale que je connaissais bien, qui était assez proche

 13   de l'endroit où nous étions hébergés, à 200 mètres environ.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Nous pouvons poursuivre.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 17   "Le reporter : Les observateurs ont vu aujourd'hui que beaucoup

 18   d'avions avaient bombardé des cibles civiles et qu'il y a eu beaucoup de

 19   civils de tués. C'est un crime contre l'humanité. Nous voudrions faire

 20   appel à l'OTAN, notamment à l'intention du général Rupert Smith, pour lui

 21   dire d'être conscient du fait qu'il met nos vies en danger.

 22   Le reporter --"

 23   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. TIEGER : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous vous reconnaissez ici ?

 26   R.  Oui, ça, c'est un officier russe, M. Pavel Teterevsky, officier des

 27   OMNU, Lima 7.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Continuons.

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  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  3   "Le reporter : … ont été attaqués. Ceci est un Russe, ceci est un Canadien

  4   --"

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, c'est moi-même. Nous avons été attachés au

  6   paratonnerre tous les deux, et je l'ai expliqué dans mon témoignage.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Oui, ça se continue.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "Le reporter : Ils ont été utilisés comme des boucliers humains pour les

 11   frappes aériennes, et ceci est un troisième officier venant de la

 12   République Tchèque --"

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est Ole Zidlik --

 14   M. TIEGER : [aucune interprétation]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] -- c'est un officier de Lima 7.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 18   "Le reporter : … des otages ont appelé leurs quartiers généraux pour dire

 19   que si les bombardements sont continués, ils seraient tués.

 20   Et pour confirmer, le général Smith -- confirmer que les

 21   bombardements étaient interrompus.

 22   Le troisième, c'est un soldat de l'armée des Serbes de Bosnie. Les

 23   observateurs militaires se trouvent maintenant au site d'un entrepôt. S'il

 24   y a davantage de bombardements, ils seront les premiers à être exécutés.

 25   Compris ?"

 26   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 27   M. TIEGER : [interprétation] Nous allons nous arrêter ici un instant.

 28   Q.  Commandant, est-ce que vous pouvez nous dire qui est-ce qui a parlé ici

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  1   et quand est-ce que ces communications radio ont été échangées ?

  2   R.  Les trois premiers messages sont de moi, à la demande des soldats des

  3   Serbes de Bosnie qui nous avaient placés en captivité. Je crois que la

  4   première était pendant que nous étions dans l'entrepôt en attendant les

  5   frappes aériennes, et la troisième, lorsque nous avons commencé à nous

  6   déplacer vers les bunkers. Et la quatrième communication, dont on voit le

  7   texte sur l'écran, c'est un soldat serbe de Bosnie qui parle. Il s'agit de

  8   Nicholas Ribic, un Canadien d'origine serbe qui était des premières

  9   personnes impliquées dans la prise des otages.

 10   Et lorsqu'il a dit entrepôt, en fait, il voulait dire bunker. Nous sommes

 11   arrivés là-bas, sur le site, et on nous a attachés, les menottes aux mains,

 12   à des paratonnerres, alors que M. Ole Zidlik a été menotté à la porte d'un

 13   bunker.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. TIEGER : [interprétation] Ici, j'aimerais qu'on finisse de visionner

 18   cette partie.

 19   Q.  Commandant, je voudrais attirer votre attention sur une pièce 65 ter

 20   qui porte la référence 44557A [comme interprété] et ça va jusqu'au 557C. Il

 21   s'agit de la référence ERN V000-8393. Les références de temps sont 0:38:16

 22   jusqu'à 0:43:02.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. TIEGER : [interprétation] Arrêtons-nous d'abord ici. Ça se trouve à 9

 25   secondes à compter du début.

 26   Q.  Reconnaissez-vous ce que nous voyons ici, la partie qu'on voit ?

 27   R.  Oui, c'est un véhicule à nous, un Land Cruiser de Toyota dont j'ai

 28   parlé auparavant. Le plus proche du véhicule, si on regarde vers la gauche,

Page 11123

  1   si vous regardez donc de la droite vers la gauche, le plus proche du

  2   véhicule c'est Pavel Teterevsky, ensuite Ole Zidlik, et ensuite vous me

  3   voyez moi-même. L'homme qui porte une béquille est Srdjan - c'était Ribic

  4   qui nous avait dit que c'était lui le chef du groupe des soldats qui nous

  5   avait pris en otage. L'emplacement c'est l'entrepôt qui se trouve à

  6   l'intérieur des installations où nous avons attendu la cessation des

  7   bombardements, c'est-à-dire à un kilomètre ou 2 de l'emplacement des

  8   bunkers. Mais ça se trouve à l'intérieur de cette grande base logistique où

  9   on avait entreposé des munitions.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le 65 ter c'est 40557 ?

 11   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois m'être

 12   trompé. Vous avez raison.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   [Diffusion de la cassette vidéo]

 15   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 16   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on voit le même site, mais c'est filmé

 18   sous un autre angle

 19   M. TIEGER : [interprétation] Et on fait référence à l'image au 59.1.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, de la gauche vers la droite, c'est moi-

 21   même, puis Ole, puis Pavel.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "Vous allez mourir de leurs propres bombes, à cause de l'OTAN."

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. TIEGER : [interprétation] Arrêtez-vous là.

 27   Q.  Commandant, on vous voit de nouveau à bord du véhicule. Est-ce que vous

 28   pouvez aider les Juges de la Chambre à s'y retrouver pour ce qui est des

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  1   lieux où cette scène a été tournée ?

  2   R.  Oui. Nous sommes à gauche des entrepôts, quand on a quitté les

  3   entrepôts, et ça été tourné juste avant. Nous sommes remontés à bord du

  4   véhicule et on nous a conduits vers les bunkers et les paratonnerres où

  5   nous avons été attachés avec des menottes.

  6   Q.  Et qui est-ce qui vous a dit : "Dites-leur qu'ils allaient mourir à

  7   cause de l'OTAN" ?

  8   R.  C'est Nicholas Ribic, un Canadien d'origine serbe. C'était l'un des

  9   soldats de cette armée des Serbes de Bosnie à compter du jour qui a marqué

 10   notre prise en otage, et il était assis à l'arrière dans la partie coffre

 11   du Land Cruiser.

 12   [Diffusion de la cassette vidéo]

 13   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 14   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 15     M. TIEGER : [interprétation] Arrêtez ici.

 16   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q.  Ici, nous nous trouvons, de façon évidente, à un autre endroit.

 19   Cette partie de la vidéo c'est un endroit où on vous voit vous-même?

 20   R.  Oui, c'est cela.

 21   Q.  Au début de cette transmission radio, vous avez reçu instruction de les

 22   informer de quelque chose, puis la communication se poursuit par des

 23   parties où l'on entend des conversations que nous avons déjà entendues dans

 24   un extrait vidéo qui a fait l'objet de conversations faites par radio ?

 25   R.  Oui. Si vous vous en souvenez, Ribic m'avait dit que nous allions tous

 26   nous faire tuer pour l'OTAN. Moi, j'ai dit que nous allions être tués à

 27   cause de l'OTAN pour rendre la chose moins intelligible et plus ambiguë.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]

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  1   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

  2   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  3   M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que nous pouvons faire un arrêt sur

  4   image ici.

  5   Q.  Nous nous trouvons à un autre endroit. Est-ce que vous arrivez à vous y

  6   retrouver ? La référence de la vidéo à 1:36:05.

  7   R.  Oui. Nous sommes au niveau des bunkers, nous venons d'arriver. On nous

  8   enlève nos menottes. Je suis à côté de Nicholas Ribic, c'est le gars qui

  9   est en uniforme avec un casque vert, et derrière lui, il y a Ole Zidlik.

 10   Ils nous ont fait sortir du véhicule et nous ont attachés à ces

 11   paratonnerres, enfin Pavel et moi-même, alors qu'Ole, lui, a été menotté à

 12   la porte du bunker.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 15   "Attendez ici.

 16   Ah, Cher Russe. Vous êtes Russe ?"

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Alors, qui est-ce qu'on voit ici ?

 20   R.  C'est Pavel Teterevsky qui a été attaché avec ses menottes au

 21   paratonnerre, et cela est le fait de soldats serbes.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Nous sommes à 1:47.3.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 25   "Oui. Comment il s'appelle, Kozirev. Lui, il peut vous aider. Au

 26   diable avec lui."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. TIEGER : [interprétation]

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  1   Q.  Alors, que voit-on ici au 2:04.2 ? Que voyez-vous, Commandant ?

  2   R.  On y voit moi-même, du côté droit de ce paratonnerre, et on voit Ribic

  3   emmener Ole Zidlik.

  4   [Diffusion de la cassette vidéo]

  5   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation] 

  6   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  7   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  8   M. TIEGER : [interprétation] Oui, arrêtez-vous ici. Nous nous trouvons au

  9   cadre 2:31.9, pour que le commandant puisse commenter.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pouvez voir qu'à la transcription qui se

 11   trouve en bas, on dit que nous n'étions que trois et qu'il y avait deux

 12   jeux de menottes. Le premier jeu a été utilisé pour Pavel Teterevsky, le

 13   deuxième jeu de menottes a été mis sur mes poignets, et ils n'avaient pas

 14   de menottes pour Ole Zidlik. Donc ils ont cherché quelque chose pour

 15   l'attacher lui aussi avec Pavel, avec de la ficelle ou du fil de fer, pour

 16   l'attacher au paratonnerre.

 17   M. TIEGER : [interprétation]

 18   Q.  Et on y dit :

 19   "Trouvez quelque chose de plus souple."

 20   N'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, ils ont fini par trouver un bout de corde.

 22   Q.  Merci.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. TIEGER : [interprétation] Alors, on s'arrêtera au 2:53.9.

 27   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passe ici ?

 28   R.  Oui. Ici, dans cette partie, on voit notre véhicule qui se déplace en

Page 11128

  1   descendant vers une vallée étroite où se trouvaient ces bunkers. La

  2   personne qui a tourné ce clip se trouvait à l'endroit où Pavel, Ole et moi

  3   avions été attachés avec des menottes. Et on peut voir qu'il s'éloigne de

  4   nous, c'est-à-dire des entrepôts, à l'origine, où on nous avait gardés.

  5   Q.  Vous avez mentionné d'autres observateurs militaires des Nations Unies

  6   qui ont été emmenés là après vous et après le capitaine Zidlik et le

  7   capitaine Teterevsky, et vous aviez dit que des soldats étaient venus pour

  8   vérifier. Ils ont emmené des observateurs militaires des Nations Unies vers

  9   2 heures 30 ou à peu près. Alors, au sujet de cette partie de la vidéo,

 10   est-ce que vous pouvez nous dire où se trouvaient ces autres observateurs

 11   militaires des Nations Unies et Kalbarczyk ?

 12   R.  Oui. On voit la direction empruntée par le véhicule. C'était vers

 13   l'endroit où se trouvait Janusz Kalbarczyk.

 14   Mais pour être tout à fait clair, nous n'avons jamais, en fait, vu où

 15   Janusz a été gardé, parce qu'on ne pouvait pas le voir du fait de l'angle

 16   sous lequel nous étions placés par rapport à la vallée. Nous savions tout

 17   simplement qu'il se trouvait quelque part en contrebas.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, c'est de nouveau moi qu'on voit.

 20   M. TIEGER : [interprétation] C'est à 3:05.

 21   [Diffusion de la cassette vidéo]

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci est le pont de Pale, qui se trouve non

 23   loin de l'endroit où nous étions logés. On y avait vu Griffiths Evans du

 24   Ghana et Pepe Romero qui y étaient assis à côté d'un drapeau des Nations

 25   Unies.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Et ce sont des commentaires qui ont été

 27   consignés à 3:15.8.

 28   Q.  Est-ce que vous reconnaissez quelqu'un au pont ?

Page 11129

  1   R.  C'est un peu confus. On y voit un homme avec une canne. Il ressemble à

  2   Srdjan. Et je crois que si vous faites défiler la vidéo, l'image deviendra

  3   plus claire.

  4   Q.  Alors, si vous reconnaissez quelqu'un, dites-le-nous pendant que nous

  5   regardons.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, on voit Ribic avec son casque sur la

  8   tête. Il se trouve à droite de l'écran. On a l'impression qu'il est en

  9   train de mettre des menottes à quelqu'un, ou quelque chose de très

 10   similaire à cela, et il me semble que c'est Pepe Romero, d'origine

 11   espagnole. Et on voit un uniforme bleu à côté de lui, il s'agit de

 12   Griffiths Evans, originaire du Ghana. Les deux font partie de cette équipe

 13   Sierra Echo 1.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de l'emplacement 3:20.8.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 17   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, nous voyons Nicholas Ribic, qui porte son

 19   casque, et il est en train de donner des instructions à deux observateurs

 20   militaires des Nations Unies.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Nous sommes maintenant à l'emplacement 3:40.2.

 22   Q.  Est-ce que vous reconnaissez l'homme en blouson marron qui se trouve à

 23   gauche de l'image ?

 24   R.  Oui, il s'agit de Snezan Lalovic, qui est le journaliste qui m'avait

 25   accompagné, moi-même et Janusz Kalbarczyk, plus tard jusqu'aux

 26   installations radar de Jahorina. C'est un journaliste serbe venu de Pale.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. TIEGER : [interprétation] Veuillez vous arrêter là, s'il vous plaît.

Page 11130

  1   Q.  Nous voyons maintenant une scène différente. Est-ce que vous

  2   reconnaissez ce qui y est montré ?

  3   R.  Oui. Nous sommes là sur la route conduisant vers Jahorina. Comme je

  4   l'ai mentionné, Janusz et moi-même avons été emmenés là-bas. On s'est

  5   arrêtés, puis on a tourné vers un sentier en terre battue. Je me trouve à

  6   l'arrière à gauche. Janusk, lui, est en uniforme bleu et il est assis à

  7   droite. Et ils sont en train de se préparer à nous bander les yeux.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 10   "… est-ce qu'on voit quelque chose à travers ?

 11   L'autre voix : Non. Il est apeuré, traumatisé. Il ne sait même pas où il

 12   est."

 13   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous sommes en train de rouler sur cette même

 15   route en direction de Jahorina. Ces pylônes à drapeau qu'on voit du côté

 16   gauche, je crois que c'est l'emplacement où commence l'installation des

 17   sports d'hiver.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Nous nous sommes arrêtés à 4:28.9.

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   M. TIEGER : [interprétation]

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. TIEGER : [interprétation] Oui, alors, je voudrais que ceci soit versé

 23   comme pièce à conviction unique.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En une seule pièce à conviction ?

 25   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, les portions A, B, C ensemble --

 27   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, M. Reid me rappelle

 28   que, et nous en avons discuté avec le greffier, une partie de cette pièce à

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  1   conviction a déjà été versée au dossier. Nous avions commencé à essayer

  2   d'expliquer qu'il y avait des recoupements et nous avions demandé si ça ne

  3   risquait pas de causer des problèmes. Mais rien n'a été décidé encore. Nous

  4   voulions juste indiquer aux Juges que nous étions en train de rechercher

  5   une solution pour ce faire. Mais je crois qu'à des fins d'identification,

  6   ceci devrait être versé au dossier comme pièce unique, et ensuite on pourra

  7   déblayer les éléments ultérieurement.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, nous allons le faire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

 10   P2174.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Et si je puis ajouter, Monsieur le Président,

 12   la situation sera la même avec la quatrième des pièces à conviction, c'est-

 13   à-dire le quatrième clip vidéo que nous allons voir.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, allons-y.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais maintenant qu'on nous montre le 65

 16   ter 40387A.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] L'homme qui porte un costume en gris et qui a

 19   des cheveux blancs, c'est le Pr Nikola Koljevic, le vice-président.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je précise que c'est à l'endroit 7.9 du

 21   système Sanction, et les chiffres que l'on voit sur la vidéo sont 10:52:12

 22   [comme interprété].

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Une fois de plus, on voit ici le Pr Koljevic.

 25   Et les gens en uniforme à qui il s'adresse sont des gens venus de la

 26   République fédérale de Yougoslavie, c'est-à-dire de la Serbie, non pas de

 27   Bosnie-Herzégovine. J'ai compris qu'il s'agissait d'une unité spéciale

 28   appartenant au ministère de l'Intérieur. C'est juste avant que nous ne

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  1   soyons relâchés le 18 juin, et ces soldats ou membres de la police spéciale

  2   étaient venus pour nous escorter en direction de la République fédérale de

  3   Yougoslavie.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Donc, à ce moment-ci, la vidéo s'arrête au

  5   16.3 du système Sanction.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  8   "Je ne veux faire aucune déclaration officielle. Je voudrais, en mon

  9   nom et au nom de mes amis et collègues qui sont ici, je dois dire que je me

 10   félicite que la crise soit terminée. Au bout de 24 jours, je suis content

 11   de regagner nos unités. C'était une période de temps difficile, mais nous

 12   sommes tous bien et nous sommes contents de nous en aller.

 13   Question : Comment avez-vous été traité, Monsieur ?

 14   Réponse : Je ne voudrais pas commenter la chose en ce moment-ci.

 15   Question : Où est-ce que vous allez ? Est-ce que vous rentrez chez vous ?

 16   Est-ce que vous aimeriez aller chez vous ?

 17   Réponse : Non, je dois passer encore un certain temps en mission. Et il

 18   appartiendra à mon QG de décider où je serai envoyé.

 19   Question : Est-ce que vous voudriez continuer à travailler du côté serbe en

 20   Bosnie ?

 21   Réponse : Oui, bien sûr, ainsi que de tout autre côté."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. TIEGER : [interprétation]

 24   Q.  Peut-être n'est-il pas nécessaire de le dire, Commandant, mais pouvez-

 25   vous dire quelle est la personne avec laquelle vous vous êtes entretenu ?

 26   R.  Oui, ça, c'est moi. Et les circonstances dans lesquelles ça a été

 27   tourné, c'est le moment où nous sommes montés à bord de l'autocar, où nous

 28   devions quitter Pale pour aller en Serbie. Il y avait beaucoup de

Page 11133

  1   journalistes, de reporters, et tous voulaient nous interviewer, mais nous

  2   ne voulions que nous en aller. Le Pr Koljevic est venu jusqu'à l'autobus et

  3   a demandé de faire une petite déclaration, chose que j'ai faite.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que ceci

  5   soit versé au dossier.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2175, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Penchons-nous maintenant sur la pièce 65 ter

 10   40202A.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   M. TIEGER : [interprétation] Arrêtons-nous ici, s'il vous plaît.

 13   Q.  Commandant, pouvez-vous nous dire si vous reconnaissez quiconque ici ?

 14   R.  Oui. On voit un bunker, l'un des bunkers, au loin. Si mes souvenirs

 15   sont bons, c'est le bunker qui a été touché -- enfin, non, celui-là, on ne

 16   le voit pas sur l'écran puisqu'il se trouve plus à gauche. Une bombe est

 17   tombée à l'arrière de ce bunker pour le détruire. Et si on regarde plus à

 18   droite, on voit le paratonnerre où a été attaché Pavel Teterevsky. Et on

 19   voit devant une route rougeâtre. Ça, c'est la route qui mène vers les

 20   entrepôts en contrebas, où on a emmené Janusz Kalbarczyk. Et on voit le

 21   journaliste Snezan Lalovic et le caméraman Slobodan Stancevic.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 24   "… les soldats de la FORPRONU, c'est-à-dire ceux qui ont appelé

 25   l'OTAN pour qu'ils procèdent à des frappes aériennes, se trouvent ici. Ils

 26   sont entre nos mains. Voilà de quoi ils ont l'air."

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, c'est Pavel Teterevsky, et ça, c'est moi-

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  1   même. Et la date est celle du 26 mai.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Et c'est le moment 1:03.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  5   "C'est ce qui arrivera aux soldats tant que les frappes aériennes ne

  6   seront pas interrompues."

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Ça, c'est Ole Zidlik.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Le timing c'est 1:15.

 10   [Diffusion de la cassette vidéo]

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je puis dire quelque chose. Vous venez

 12   d'entendre le commentaire où il est fait mention de ligne de front. On a

 13   entendu des coups de feu. Il nous a semblé que c'était des coups de feu

 14   tirés quelque part dans le lointain, et ce, dans la direction où Janusz

 15   Kalbarczyk a été emmené, et nous avions redouté que cela ne se soit produit

 16   un peu plus près et que l'on ne se trouve à proximité d'un conflit entre

 17   les Serbes de Bosnie et les Musulmans. Puis, les soldats nous ont expliqué

 18   que la ligne de front était loin, mais que c'était des munitions qui

 19   étaient en train d'exploser du fait des frappes aériennes.

 20   [Diffusion de la cassette vidéo]

 21   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 22   "Ce sont des endroits où sont tombées des bombes des avions de l'OTAN

 23   à fort pouvoir de destruction."

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répéter que les accusations qui

 25   disaient que c'était nous qui avions guidé les frappes aériennes pour aider

 26   quelque assistance que ce soit se trouvent être absolument erronées.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

Page 11135

  1   "Et ça, ce sont les cibles qui ont été choisies, des endroits où se

  2   trouvaient des réfugiés arrivés de Sarajevo.

  3   Après les frappes aériennes de l'OTAN, les membres de la FORPRONU --"

  4   M. TIEGER : [interprétation]

  5   Q.  Qui voit-on ici ?

  6   R.  C'est Snezan Lalovic, le reporter.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "… on leur a demandé ce qu'ils ont vu à l'occasion des frappes

 10   aériennes de l'OTAN.

 11   Le représentant des observateurs : Nous avons vu les avions de l'OTAN qui

 12   ont bombardé des cibles civiles. C'est une chose très -- c'est très mal. Ce

 13   sont des crimes contre l'humanité. Nous allons nous adresser à l'OTAN,

 14   notamment au général Rupert Smith, pour dire que nos propres vies sont en

 15   danger. Et nous allons demander que soit mis un terme à ces frappes

 16   aériennes de l'OTAN contre l'armée des Serbes de Bosnie et les cibles

 17   serbes sur les territoires serbes afin que nos vies soient épargnées.

 18   Le reporter : Est-ce que vous avez eu des problèmes avec les soldats serbes

 19   --"

 20   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je vais ajouter une explication.

 22   Plus tard, Evans et Romero ont dit qu'ils ont été forcés, pendant

 23   qu'ils se trouvaient sur le pont, à faire ce type de déclaration. On leur a

 24   dit qu'il fallait qu'ils le fassent, donc ils ont été menacés, et ils l'ont

 25   dit sous la menace. D'après ce que nous avons pu voir, aucune des cibles

 26   n'avait été touchée. Il n'y avait aucune maison civile à proximité, d'après

 27   ce que j'ai pu voir; par exemple, à proximité du bunker où j'ai été

 28   attaché. Et là où nous étions installés à Pale, nous n'avions pas vu

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  1   d'autres cibles de touchées, exception faite de ce secteur où se trouvaient

  2   les bunkers. Donc, à titre d'éclaircissement, je dirais que partant de ce

  3   que nous avons pu observer, c'était véritablement les cibles qui étaient

  4   touchées.

  5   M. TIEGER : [interprétation]

  6   Q.  Commandant, vous nous avez dit auparavant dans votre témoignage qu'on

  7   vous avait accusés dans une émission de télévision de la radio télévision

  8   serbe, vous-même et les autres observateurs militaires des Nations Unies,

  9   que vous étiez impliqués dans le fait d'avoir dirigé les frappes aériennes

 10   de l'OTAN. Est-ce que vous avez, pendant votre captivité, eu l'occasion de

 11   répondre à ce journaliste Lalovic qui a fait ce type d'allégations ?

 12   R.  Oui, nous avons pu le faire dès le début, un peu en fin d'après-midi de

 13   la journée du 27 mai. C'était à la deuxième journée de notre captivité.

 14   C'était ce jour-là qu'on nous avait dit qu'on nous amènerait vers les

 15   bunkers. On a été gardés à cette guérite qui se trouvait un peu plus loin

 16   du même site, nous y avons passé la journée. Janusz Kalbarczyk et Harley

 17   Alves du Brésil ont été emmenés une fois de plus du mont Jahorina pour être

 18   filmés à proximité des installations radar. Donc Snezan Lalovic est allé

 19   là-bas avec eux, puis il est revenu avec eux. Il est resté là quelque

 20   temps. Pendant qu'eux se trouvaient là-haut, je suis allé avec l'un des

 21   observateurs militaires des Nations Unies jusqu'à notre maison, et comme je

 22   l'ai dit dans l'un de mes témoignages, l'un des interprètes au site Sierra

 23   Echo 1 a dit que nous avons vu à la télévision -- disant que nous étions là

 24   pour conduire les frappes aériennes de l'OTAN. Et lorsque nous sommes

 25   revenus au bunker, je l'ai dit aux autres observateurs militaires des

 26   Nations Unies, et Ole Zidlik et moi-même avons dit à Snezan Lalovic que

 27   c'était des allégations tout à fait erronées. Il était d'accord, mais il a

 28   dit qu'avec la partie musulmane et sa propre propagande, et comme eux

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  1   mentaient, les Serbes devaient forcément mentir eux-mêmes. C'est une

  2   explication tout à fait simple.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, vous voyez Ole Zidlik. Il a été attaché à

  5   la porte par des menottes, à ce bunker qui avait servi d'entrepôt à

  6   munitions. C'est le même bunker. On nous a déplacés là. M. TIEGER :

  7   [interprétation] Ça se trouve à l'emplacement 3:09.3.

  8   [Diffusion de la cassette vidéo]

  9   L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11   M. TIEGER : [interprétation] Nous voudrions que cette vidéo soit versée au

 12   dossier.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une petite objection, si vous le permettez.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant.

 16   Ceci a été joint à la pièce 40402B [comme interprété], si j'ai bien

 17   compris.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ça chevauche avec le P02153.

 19   C'était là le problème, c'était là que le bât blessait.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement. Je pensais que

 21   c'était devenu la pièce P2153.

 22   M. TIEGER : [interprétation] C'est exact.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 24   Qu'est-ce que vous disiez, quelle était votre objection, Monsieur

 25   Karadzic ? Est-ce qu'elle n'a plus lieu d'être puisque le document est

 26   devenu une pièce du dossier?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, mon objection est la suivante.

 28   J'espère que les Juges de la Chambre vont mettre de côté cette

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  1   qualification qui dit que ce sont des otages des Nations Unies. C'est un

  2   journaliste qui parle. La façon dont ceci a été avancé --

  3   M. TIEGER : [interprétation] Mais excusez-moi, on dit que c'est une

  4   objection, mais ce commentaire n'a pas lieu d'être. Il est déplacé. Je

  5   pense qu'il est inadmissible.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez l'occasion de présenter vos

  7   arguments, de demander des éclaircissements en posant des questions au

  8   témoin, mais le moment n'est pas venu.

  9   Oui, poursuivez, Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je suppose que ce document a été versé --

 11   effectivement. J'ai ainsi terminé mon interrogatoire principal.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 13   Pourquoi ne pas aborder les pièces afférentes qui restent. Je pense

 14   qu'il y en a quelques-unes qui ont déjà été versées au dossier, 11723 et la

 15   40511B. Celles-là, mis à part celles qui ont déjà été versées pendant

 16   l'interrogatoire principal, seront déclarées recevables et recevront en

 17   temps utile chacune une cote.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger. 

 20   Oui, ce n'est pas un gros problème, mais en ce qui concerne le numéro de la

 21   liste 65 ter 22011, à savoir le questionnaire concernant le témoin, M.

 22   Rechner, voulez-vous en demander le versement, puisque c'est une espèce de

 23   déclaration fournie par le témoin ?

 24   M. TIEGER : [interprétation] J'ai --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je veux dire, j'ai la déclaration

 26   consolidée.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je comprends. Peut-être que la question

 28   devait être soulevée - comment dire ? - ce n'est pas aussi manifeste que

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  1   certaines autres questions, mais étant donné la nature de la déclaration

  2   consolidée, si vous pensez que c'est un document suffisamment proche pour

  3   avoir un statut de déclaration supplémentaire qui pourrait s'intégrer dans

  4   la déclaration consolidée, je ne serai pas en désaccord avec vous. En fait,

  5   je suis d'accord avec vos instructions, je les suivrai. Je ne veux pas vous

  6   causer de problème. Il ne faut pas nécessairement que ce document soit

  7   versé au dossier.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   Il n'y a pas d'objection de la part de la Défense en ce qui concerne les

 10   pièces afférentes restantes.

 11   L'INTERPRÈTE : Signe négatif de la tête de Me Robinson.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous êtes prêt, Monsieur

 13   Karadzic, pour commencer votre contre-interrogatoire ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, merci.

 15   Bonjour à tous et à toutes.

 16   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Mon Commandant. Je voudrais vous

 18   demander si vous êtes à même de confirmer qu'au fil du temps que vous avez

 19   passé en Bosnie-Herzégovine en votre qualité d'observateur militaire des

 20   Nations Unies, vous avez été chargé d'une collecte d'informations, et que

 21   ces informations ont été partagées avec la FORPRONU, c'est-à-dire qu'elles

 22   ont été rendues accessibles à la FORPRONU.

 23   R.  Quand vous parlez "d'information", vous utilisez un terme très

 24   vague. Dans le cadre de nos fonctions, ce que nous faisions, c'était

 25   rapporter le résultat de réunions. Nous faisons rapport à notre QG de tout

 26   ce qui pouvait se passer d'inhabituel, constaté pendant l'exercice de nos

 27   fonctions officielles. Mais si vous pensez qu'on était à la quête de

 28   renseignements pour savoir ce qui se passait à Pale ou ce que faisaient les

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  1   militaires serbes, non, on ne faisait rien de la sorte. Je vous l'ai déjà

  2   dit, nous avions pour fonction d'être uniquement une équipe de liaison.

  3   Pour ce qui est des autres équipes d'observateurs militaires, à ma

  4   connaissance, tous les éléments d'information que ces équipes fournissaient

  5   aux Nations Unies faisaient partie de leurs fonctions officielles,

  6   fonctions que ces équipes exerçaient uniquement avec la permission et

  7   l'approbation préalable de toutes les parties au conflit.

  8   Permettez-moi d'ajouter que nous avons travaillé en toute ouverture, en

  9   publicité. Quand les observateurs militaires patrouillaient, ils avaient

 10   toujours des représentants des factions locales pour assurer leur propre

 11   sécurité. Et dans leurs bureaux, ces équipes n'avaient pas de matériel de

 12   codage, de chiffrage. Nous avions des communications radio parfaitement

 13   ouvertes. N'importe qui pouvait se brancher sur notre fréquence.

 14   On n'allait pas fouiner pour trouver des renseignements secrets ou pour

 15   saper la sécurité légitime de toutes parties au conflit.

 16   Q.  Merci. Vous voulez dire par là que vous n'avez fait que jouer un rôle

 17   d'officier de liaison, n'est-ce pas, et que vous n'avez informé qui de

 18   droit que de la teneur des réunions ?

 19   R.  Essentiellement, oui. S'il se passait quelque chose d'inhabituel à un

 20   jour donné; par exemple, il s'est produit quelques incidents où nous avons

 21   eu des véhicules qui ont été enlevés, qui ont été pris à la pointe du

 22   fusil, et il y a même un groupe d'hommes armés qui est, moi, je arrivé dans

 23   notre bureau et qui a dévalisé les autres membres de l'équipe. Je n'y étais

 24   pas ce jour-là. On a, bien sûr, fait rapport.

 25   Nous sommes aussi allés à Sarajevo assez régulièrement pour y déposer des

 26   versions imprimées des documents que nous avions reçus de correspondance et

 27   nous allions chercher du courrier qui était destiné aux militaires serbes

 28   de Bosnie ou aux autorités civiles, donc à vos gens à vous.

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  1   Q.  Est-ce que vous avez informé qui de droit de l'humeur qui l'emportait

  2   au niveau de la population, de la situation dans laquelle se trouvait la

  3   population, c'est-à-dire la circonstance telle qu'elle se présentait à

  4   Pale, là où vous avez été affecté ?

  5   R.  Pas de façon habituelle, routinière. Je pense que vous pensez à un

  6   rapport que j'ai envoyé après le premier jour du bombardement, le 25 mai.

  7   Ce jour-là, j'avais parlé avec le bureau de M. Akashi. J'y connaissais bien

  8   John Almstrom, et je lui ai parlé des inquiétudes que nous avions vu la

  9   situation régnant dans l'endroit. Je m'explique : des gens étaient très

 10   inquiets, les médias avaient dit qu'il y avait des cibles civiles qui

 11   avaient été touchées, ainsi de suite. M. Almstrom m'a demandé de lui

 12   envoyer ces éléments d'information, mais ce n'est pas quelque chose qu'on

 13   faisait régulièrement.

 14   Je pense que vous êtes d'accord avec moi pour dire que c'était quand même

 15   là des événements assez inhabituels, qui sortaient de l'ordinaire, et je

 16   voulais m'assurer que notre hiérarchie dans les Nations Unies comprenait

 17   que ces frappes aériennes étaient perçues comme étant dirigées contre les

 18   Serbes de Bosnie. Vu la façon dont on en avait fait rapport, nous savions

 19   que ce n'était pas vrai, il n'y avait pas eu de cibles civiles qui avaient

 20   été touchées, mais nous avions des craintes pour notre sécurité, du coup.

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous considérez que le fait de détruire des

 22   potentiels de défense des Serbes de Bosnie ne se répercute pas sur les

 23   civils ? Vous avez pu voir qu'on avait détruit des choses qui n'avaient en

 24   rien enfreint ce qui était convenu pour ce qui est des points de

 25   rassemblement d'armes. On avait détruit des réserves de munitions. Vous

 26   avez donc considéré que ça n'avait rien à voir avec les civils et leur

 27   sentiment de mise en sécurisation ?

 28   R.  Je ne peux pas vous commenter ce que pensaient les civils des

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  1   bombardements de cibles militaires. Si vous me demandez pourquoi on a ciblé

  2   ces cibles, et pas les points de rassemblement d'armes, je ne suis pas en

  3   mesure de vous dire pourquoi de telles décisions ont été prises.

  4   Q.  Merci. Quelle était la position adoptée par M. Almstrom ?

  5   R.  C'était un des conseillers principaux de M. Akashi, ce M. Almstrom. Je

  6   le connais bien parce qu'avant, il était dans l'armée canadienne et il se

  7   trouve qu'il a été mon premier chef sous les ordres duquel j'ai servi dans

  8   l'infanterie.

  9   Q.  Merci. Ai-je raison de considérer que M. Almstrom ne faisait pas partie

 10   de la filière des observateurs des Nations Unies; il était membre de la

 11   FORPRONU, lui, et partant de ses fonctions, il vous avait chargé de

 12   l'informer, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je dois apporter une précision. Notre bureau de liaison, ce n'était pas

 14   uniquement pour les observateurs militaires. Nous étions le seul bureau de

 15   liaison des Nations Unies à Pale. Il y avait un Haut-commissaire chargé des

 16   réfugiés, petite antenne composée de deux personnes, mais qui avait une

 17   autre fonction. Donc nous avons fait fonction, nous, de bureau de liaison

 18   aussi pour le bureau de M. Akashi et d'autres parties des Nations Unies en

 19   Bosnie-Herzégovine. Il n'était pas inhabituel que nous recevions des

 20   lettres, des demandes qui venaient directement de son bureau pour qu'elles

 21   soient transmises à votre bureau, ou vice versa. Par exemple, si on

 22   recevait quelque chose de vous qui lui était destiné, on l'envoyait

 23   directement au bureau de M. Akashi et on se contenait d'en informer notre

 24   QG à Sarajevo.

 25   Q.  Merci. Oui, ça, c'est la fonction des officiers de liaison, mais ce qui

 26   m'intéresse, c'est ceci : tout d'abord, les informations dont vous avez

 27   disposé, que vous aviez recueillies, ont-elles été rendues accessibles à la

 28   FORPRONU ? Et à titre complémentaire, ce que vous nous avez dit vous-même

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  1   aujourd'hui, est-ce que la FORPRONU était en droit de vous donner des

  2   missions afin que vous lui procuriez ceci ou cela ?

  3   R.  Je pense que votre question est trop générale. Vous parlez

  4   "d'information", et je ne comprends pas très bien.

  5   Q.  Vous avez décrit la tâche des officiers de "liaison", transmission de

  6   documents. Nous ne contestons pas la chose. Moi, ce qui m'intéresse, c'est

  7   de savoir si vos rapports suivant la filière OMNU ont été rendus

  8   accessibles à la FORPRONU ? C'est une question déjà.

  9   R.  Quand vous dites "rapports de l'OMNU", vous parlez des rapports envoyés

 10   uniquement par mon bureau ?

 11   Q.  Entre autres, votre bureau à vous aussi. Le tout allait dans la filière

 12   des OMNU. Est-ce que, en tant que telle, cette filière de présentation de

 13   rapports a été rendue accessible à la FORPRONU ?

 14   R.  Je crois que je comprends mieux le sens de votre question maintenant.

 15   On avait, si vous voulez, une filière de compte rendu propre que nous

 16   devions, nous observateurs militaires, respecter et appliquer. Nous étions

 17   différents, je vous l'ai dit, des forces de maintien de la paix des Nations

 18   Unies, donc nos rapports allaient selon une filière différente. Mais à

 19   chaque échelon de la filière, il y avait normalement, au même endroit, un

 20   bureau de la FORPRONU. Par exemple, à Sarajevo, au QG du général Smith,

 21   qu'on appelait le QG de la FORPRONU, il y avait le bureau des OMNU, il y

 22   avait le commandement de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, il y avait le QG de

 23   la FORPRONU, et à côté, effectivement, un bureau des observateurs

 24   militaires. Ce qui veut dire qu'il y avait un échange d'information si

 25   c'était nécessaire.

 26   Q.  Merci. Avec tout le respect que je vous dois, vous ne devez en aucune

 27   façon formuler l'hypothèse pour ce qui est des objectifs que je poursuis.

 28   Nous ne mettons pas en accusation qui ce soit. Nous parlons de la nature

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  1   des relations entre les deux.

  2   Est-ce que la FORPRONU pouvait vous confier une mission afin que vous

  3   lui communiquiez ceci ou cela, comme M. Almstrom l'a fait cette fois-là ?

  4   R.  Cette fois-ci, ce n'était pas une mission; c'était simplement une

  5   demande. Mais effectivement, la FORPRONU pouvait nous envoyer des demandes,

  6   mais elle ne pouvait pas nous donner d'ordres. Il fallait que ce que nous

  7   le fassions soit approuvé par notre filière de commandement des

  8   observateurs. Si c'était quelque chose de simple, normalement, à chaque

  9   échelon, les observateurs faisaient ce qu'on leur demandait, mais si

 10   c'était quelque chose de plus sérieux, de plus compliqué, de plus

 11   difficile, à ce moment-là, il fallait que ce soit d'abord approuvé à

 12   l'échelon supérieur de la filière des observateurs militaires des Nations

 13   Unies.

 14   Q.  Merci. Est-ce que cette façon de comprendre la chose - et vous avez

 15   compris la chose, j'imagine - que les deux parties belligérantes dans ce

 16   secteur de Sarajevo, à savoir les Serbes et les Musulmans, avaient procédé

 17   à des violations de façon variée des accords de cessez-le-feu et de ce qui

 18   avait constitué la zone d'exclusion totale pour ce qui concerne les armes

 19   lourdes, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je me souviens qu'il y a eu des violations. Mais notre bureau n'a pas

 21   participé aux enquêtes qui ont suivi. Je ne peux pas vous donner de

 22   complément d'information. Je ne peux pas répondre à votre question.

 23   Q.  Merci. Mais vous n'êtes pas sans savoir que la partie musulmane n'a

 24   jamais été bombardée, n'est-ce pas ?

 25   R.  Mais bombardée par qui ?

 26   Q.  Par les Nations Unies, c'est-à-dire l'OTAN.

 27   R.  Quand vous dites "bombardements", vous parlez de frappes aériennes ?

 28   Q.  Oui, oui, tout à fait.

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  1   R.  Pas à ma connaissance. En tout cas, pas pendant que j'étais sur place.

  2   Q.  Merci. Aujourd'hui, en page 11 du compte rendu, vous avez confirmé le

  3   fait que l'OTAN avait procédé à des frappes aériennes contre les positions

  4   serbes au nom des Nations Unies, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est de cette façon-là qu'on en a rendu compte dans les médias. Je ne

  6   suis pas sûr du lien qu'il y a eu dans l'exécution de ces frappes aériennes

  7   entre les Nations Unies et l'OTAN. Je peux vous dire qu'effectivement, les

  8   avions c'était des avions de l'OTAN. Ce n'était pas des avions des Nations

  9   Unies.

 10   Q.  Mais vous l'avez dit en page 11 que c'était des frappes aériennes de

 11   l'OTAN qui se sont faites au nom des Nations Unies. Vous serez donc

 12   d'accord avec moi pour dire que ces frappes ont été demandées par le

 13   commandant des forces des Nations Unies ? Je ne sais pas vous donner la

 14   ligne. C'est la page 11. Il me semble que c'est la ligne 12 ou 13.

 15   R.  Est-ce que vous vous reportez à ma déclaration consolidée ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. M. Karadzic parle du compte

 17   rendu provisoire de l'audience d'aujourd'hui.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, d'accord.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voulez-vous que je vous lise le passage

 20   concerné.

 21   "Oui. Vers 10 heures du matin, le même genre d'explosion que les frappes

 22   aériennes de la veille s'était produit. Je voudrais préciser à l'intention

 23   des Juges qu'après ces frappes aériennes, environ une demi-heure plus tard,

 24   nous avons appris de notre QG, le 25 mai, que ces deux explosions étaient,

 25   en fait, des frappes aériennes effectuées par l'OTAN au nom des Nations

 26   Unies."

 27   Ici, c'était le compte rendu de vos dires effectués ici. C'est à cela que

 28   faisait référence M. Karadzic.

Page 11147

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Et j'ajoute que partant de la

  2   lettre que j'avais reçue du général Smith, lettre envoyée au général

  3   Mladic, qui l'avertissait de la nécessité de ramener les armes aux points

  4   de rassemblement des armes faute de quoi il y aurait des frappes aériennes.

  5   C'était de notoriété publique, on savait que s'il fallait des frappes

  6   aériennes, il y avait un système qui avait été mis en place par lequel les

  7   Nations Unies demanderaient à l'OTAN d'effectuer ces frappes aériennes.

  8   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que ces frappes

 10   aériennes de l'OTAN ont eu lieu deux heures avant l'écoulement du délai qui

 11   avait été imposé par la FORPRONU, donc deux heures avant le délai prévu par

 12   l'ultimatum ?

 13   R.  Vous parlez du 26 ou du 25 mai ? Ou on parle uniquement de la journée

 14   du 25 mai ?

 15   Q.  Je parle du 25 mai, qui est la date du début des frappes aériennes. Il

 16   y avait un ultimatum qui les avait précédées. Et il y avait, avant

 17   expiration du délai, deux heures encore à écouler ?

 18   R.  Il faudrait que je voie la lettre originale, que je n'ai pas sous les

 19   yeux. Ça fait plusieurs années que je l'ai vue.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez confirmer le fait que le 25 mai, je me

 21   trouvais à Banja Luka ? Vous en souvenez-vous ?

 22   R.  Oui, je m'en souviens, grâce aux renseignements donnés par votre

 23   secrétaire, parce que le bureau de M. Akashi m'avait envoyé une demande

 24   pour que je vous trouve ce jour-là parce que le bureau de M. Akashi avait

 25   besoin de discuter de certaines choses avec vous.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que nous nous penchions maintenant

 28   sur la pièce 65 ter 32390. Il s'agit d'une conversation interceptée entre

Page 11148

  1   moi et le général Milovanovic au sujet de cet ultimatum.

  2   J'espère que nous avons une traduction. Je n'en suis pas trop sûr, mais je

  3   vais en donner lecture.

  4   Nous sommes au 25 mai 1995, et c'est à 15 heures 43. Voilà la traduction.

  5   Milovanovic dit -- enfin, il dit bonjour à Karadzic, et cetera, et cetera.

  6   Ça, c'est peu important. Puis, on dit :

  7   "Akashi était après moi toute la journée. Je ne voulais pas lui parler. Il

  8   a réussi à me trouver et il m'a demandé si je pouvais faire quelque chose

  9   dans les cinq minutes à venir. Alors, est-il si difficile de restituer ces

 10   quatre armes, quelque quatre armes ? Nikola se trouve ici, il a entendu

 11   parler de la chose."

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Alors, est-ce que vous pouvez vous pencher sur ce passage. Est-ce que

 14   vous voyez bien qu'on ne m'a donné quelques minutes à peine pour faire en

 15   sorte, depuis Banja Luka, à ce que quatre pièces d'artillerie soient

 16   rendues aux postes de rassemblement des  armements ?

 17   R.  Donnez-moi un instant, s'il vous plaît, pour lire la totalité du texte.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à toutes les parties présentes de

 19   prendre bien lecture, parce que ceci reflète tout à fait nos positions. On

 20   parle aussi de la Slavonie occidentale, qui, un mois avant cela, était

 21   tombée, alors que c'était une zone protégée.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de l'heure, il est indiqué "15

 23   heures 43" en début. C'est comme si les frappes s'étaient produites à 16

 24   heures. Moi, c'est le souvenir que j'en ai. Disons 16 heures comme point de

 25   repère. Ça veut dire que ceci se serait produit 17 minutes avant. Mais pour

 26   ce qui est de la fin exacte du délai avant la restitution des armes, je ne

 27   sais pas si c'était bien ce jour-là. Mais il faudrait que je voie la lettre

 28   originale, je le répète. Je ne sais pas. Je pense que c'était avant 16

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  1   heures, mais il faudrait que je vérifie dans la lettre.

  2   Je précise, quand je dis lettre, c'est celle qui a été envoyée au général

  3   Mladic la veille. Donc je pense qu'il avait plus que 17 minutes pour

  4   restituer les armes demandées. Et peut-être y a-t-il eu aussi auparavant

  5   des discussions sur le sujet, mais je ne veux pas, ici, faire de

  6   suppositions à ce propos.

  7   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  8   Ici, il est dit :

  9   "Je lui ai dit que je ne pouvais pas même en contact en quelques minutes et

 10   qu'il fallait faire quelque chose à ce sujet."

 11   Q.  Est-ce que c'est bien ainsi que les choses se sont   passées ? Parce

 12   que de Banja Luka, par téléphone, dans les circonstances qui étaient les

 13   nôtres, puisque les communications étaient mauvaises, il était difficile de

 14   faire quoi que ce soit en quelques minutes. Vous êtes d'accord avec moi ou

 15   pas ?

 16   R.  Je ne sais pas comment je pourrais commenter cela. Je ne connais pas

 17   les circonstances qui étaient les vôtres, et qu'est-ce que ça veut dire

 18   communications, quel était le système dont vous disposiez. Je ne le sais

 19   pas.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 22   document.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans l'intervalle, comme d'habitude,

 24   nous allons donner une cote provisoire pour identification.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI D987.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   Je voudrais à présent qu'on nous montre un document de l'agence France-

 28   presse. C'est le 65 ter 10726. Je demande à ce qu'on nous le montre, s'il

Page 11150

  1   vous plaît.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous avez dû remarquer, au niveau du document précédent, que, Mon

  4   Commandant, la position que nous avons formulée était celle-ci : si les

  5   Serbes venaient à être bombardés, les Nations Unies ne sauraient désormais

  6   être considérées comme étant des forces de maintien de la paix, mais comme

  7   des ennemis, n'est-ce pas ? On l'a vu au document précédent. Vous vous en

  8   souviendrez puisque vous l'avez lu.

  9   R.  Ce sont les mots que vous avez prononcés, si j'ai bien compris,

 10   effectivement.

 11   Q.  Merci. Puis-je vous demander de prêter attention maintenant à cette

 12   nouvelle de l'agence France-presse qui reprend ce que j'ai dit dans le

 13   public à la radio de Banja Luka le 25 mai. Il y est dit la même chose, à

 14   savoir qu'au cas où nous viendrions à être attaqués, que c'est une attaque,

 15   et que dans ce cas de figure, les Nations Unies se font partie

 16   belligérante, donc notre ennemi ?

 17   R.  C'est ce que vous avez déclaré, effectivement.

 18   Q.  Est-ce que vous étiez conscient à l'époque, Monsieur Mon Commandant, de

 19   la différence entre soutien aérien rapproché et frappes aériennes en tant

 20   que mesures punitives qui modifient la situation sur le terrain, c'est-à-

 21   dire atténuent la capacité de l'une des parties au conflit à se battre ?

 22   R.  Une frappe aérienne c'est le simple fait de larguer une bombe, alors

 23   que le "soutien aérien rapproché" c'est aussi une appellation assez vague.

 24   Je vous l'ai dit, je ne suis pas formé en tant que contrôleur aérien

 25   avancé, donc je ne connais pas nécessairement les différences qu'il peut

 26   exister entre ces termes.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois l'heure qu'il est, Monsieur

 28   Karadzic.

Page 11151

  1   Nous allons faire une pause d'une demi-heure et nous reprendrons les débats

  2   à 13 heures 05.

  3   --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.

  4   --- L'audience est reprise à 13 heures 06.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis introduire

  7   ou présenter Aiofe Nichearbhaill, qui est de l'Université nationale Galway,

  8   pour ce volet d'audience. Merci.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre

 10   votre contre-interrogatoire.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Mon Commandant, je ne sais pas si vous allez être d'accord avec moi,

 13   mais je voudrais vous rappeler le fait qu'un soutien aérien rapproché c'est

 14   destiné à l'autodéfense des unités de la FORPRONU lorsque celles-ci tombent

 15   en difficulté; c'est bien cela ?

 16   R.  Je ne sais pas comment ceci a été défini précisément pour la FORPRONU.

 17   Je ne sais pas comment l'appui aérien rapproché a été défini par la

 18   FORPRONU.

 19   Q.  Merci. Mais êtes-vous au courant du fait que le général Mladic avait

 20   donné les mains déliées aux généraux de la FORPRONU pour le cas où ils

 21   seraient attaqués par nos forces. Il a dit, Ripostez en toute liberté et ça

 22   n'aura aucune conséquence pour ce qui est de nos relations. Le saviez-vous,

 23   cela ?

 24   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

 25   Q.  Merci. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que ces frappes aériennes

 26   c'était autre chose, les frappes aériennes n'avaient pas constitué une

 27   autodéfense de la part de la FORPRONU, c'était autre chose; on avait frappé

 28   l'une des parties au conflit, n'est-ce pas ?

Page 11152

  1   R.  Comme je l'ai précisé un peu plus tôt, je ne sais pas comment on peut

  2   établir une différence entre ces deux termes, les frappes aériennes et

  3   l'appui aérien rapproché.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous remontre le document de

  6   tout à l'heure, celui qu'on avait sur nos écrans, le 65 ter 10726. Il a été

  7   versé au dossier.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, pas encore.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Est-ce que ce qui est dit se trouve être conforme à ce que vous avez su

 11   et appris de ma bouche, à savoir qu'au cas où il y aurait attaque de la

 12   FORPRONU, les Nations Unies ne seraient plus des forces de maintien de la

 13   paix, mais partie au conflit ? Si ça a été publié le 25, ça a dû être dit

 14   le 24. Est-ce que c'est d'ailleurs conforme à ce que vous en aviez eu à

 15   connaître ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 18   Eh bien, il y a deux questions différentes qui ont été posées. Eu égard à

 19   la première, si jamais cette question est soulevée une nouvelle fois, ceci

 20   ne peut pas être une question qui convient, de présenter deux documents au

 21   témoin qu'il n'a pas vus auparavant et lui demander dans quelle mesure ces

 22   documents sont cohérents.

 23   Le dernier document semble être un document qui a trait avec la

 24   connaissance et l'expérience du témoin, et ça, c'est une autre question.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que le témoin est en mesure de

 26   répondre et de dire si ceci concorde avec les connaissances qu'il avait à

 27   l'époque.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de la question de la

Page 11153

  1   cohérence, je me souviens du fait qu'il y avait une déclaration faite à la

  2   presse par M. Karadzic aux environs de ces dates-là. Je ne sais pas si

  3   c'était le 25, le 26, ou plus tôt. Je me souviens qu'il ait dit quelque

  4   chose de l'ordre de -- comme ceci est rapporté ici, que l'emploi de frappes

  5   aériennes ou l'appui aérien rapproché - je ne sais pas exactement quels

  6   termes ont été utilisés - conduirait M. Karadzic à considérer les forces du

  7   maintien de la paix des Nations Unies comme quelque chose qui serait

  8   comparable à un ennemi. Mais je ne peux pas vous dire si ce sont ses

  9   propres termes. C'était certainement de cet ordre-là. Je ne sais pas

 10   c'était général ou très détaillé, je ne peux pas faire de commentaire à cet

 11   égard.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le document peut être versé au dossier ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce document peut être versé au

 14   dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce 1D988 [comme

 16   interprété], Mesdames, Messieurs les Juges.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   Je voudrais rafraîchir votre mémoire, Mon Commandant. Aussi vais-je

 19   demander à ce qu'on nous montre le 65 ter 12143 au prétoire électronique.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  En attendant que ce soit affiché : êtes-vous d'accord avec moi pour

 22   dire que les frappes ont commencé le 25 mai et qu'à partir de ce jour-là,

 23   on vous a demandé de rester là où vous étiez logés, n'est-ce pas ?

 24   R.  Je me suis rendu compte de ces frappes aériennes pour la première fois

 25   lorsque j'ai observé ces bombes le 25 mai, et je ne dis pas qu'on nous a

 26   "demandé". On nous a donné l'ordre, puisque qu'on ne nous a pas autorisés à

 27   quitter notre logement. Cet ordre nous a été envoyé par l'officier de

 28   liaison de l'armée serbe de Bosnie, le général Djurdjic ou Kralj. Nous

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  1   avons compris que nous étions placés en résidence surveillée, de ce fait.

  2   Q.  Un problème d'interprétation. J'ai dit on vous a "demandé", on a

  3   traduit par "asked", oui, on vous a donné instruction de rester à domicile.

  4   Alors, est-ce que vous pouvez vous pencher sur ce document, s'il vous

  5   plaît. C'est un document que vous avez envoyé vous-même à M. Almstrom. Je

  6   ne sais pas quel était son grade au dénommé Almstrom. C'est bien ce que

  7   vous lui avez envoyé, n'est-ce pas ?

  8   R.  Cela semble l'être, oui. M. Almstrom était un civil à ce moment-là. Ce

  9   n'était pas un officier de l'armée.

 10   Q.  Puis-je attirer votre attention sur :

 11   "Ils ont répété une déclaration antérieure à Karadzic qu'au cas où les

 12   Nations Unies se serviraient de frappes aériennes contre les Serbes, les

 13   Serbes ne considéreraient plus les troupes des Nations Unies comme étant

 14   des troupes de maintien de paix, mais comme des ennemis."

 15   R.  Quelle est votre question ?

 16   Q.  J'attendais d'abord que la traduction soit faite.

 17   Est-ce que c'était bien la position que nous avions adoptée à l'époque, et

 18   comme on peut le voir, c'est une chose dont vous étiez forcément au

 19   courant, on le voit ici ?

 20   R.  Dans ce rapport, au paragraphe 1, c'est à ce cinquième point, j'ai

 21   résumé simplement ce qui avait été rapporté par les services de

 22   radiodiffusion serbe à la télévision locale. C'était un condensé des

 23   nouvelles. Mais si vous me demandez si c'est, en réalité, ce qui avait été

 24   rapporté, c'est exact.

 25   Q.  Merci. Paragraphe 3, point 3, qui reprend des commentaires à vous et

 26   des conclusions que vous avez avancées, n'est-ce pas ?

 27   Je demande aux parties en présence de prendre lecture du paragraphe 3 :

 28   "Les bombardements ont causé et continuent à causer de la préoccupation

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  1   dans une mesure considérable parmi les civils serbes tant à Pale et parmi

  2   leurs familles et amis dans toute l'ex-Yougoslavie. Tout de suite après

  3   l'attaque et avant que les diffusions de nouvelles ne commencent, les amis

  4   et les gens de la famille dans laquelle nous avons vécu, que nous

  5   connaissions comme étant des voisins, ont commencé à appeler --"

  6   Et là, j'aimerais qu'on tourne la page, s'il vous plaît :

  7   "… pour se renseigner, quelle était la situation," et cetera.

  8   Je ne vais pas tout lire, mais je demande à toutes les parties d'y jeter un

  9   coup d'œil. Ensuite, le paragraphe d'après -- ou le reste du texte jusqu'au

 10   bout.

 11   Dans ce paragraphe, Monsieur, vous remarquez, à très juste titre, le fait

 12   que 60 à 70 % de la population à ce moment-là à Pale étaient des réfugiés

 13   qui avaient déjà fui des secteurs autres, et que c'était quelque chose

 14   qu'ils ressentaient de façon plus pénible encore, n'est-ce pas ?

 15   "L'état de peur a continué parmi les civils. Il y a cinq minutes, le père

 16   de l'un de nos interprètes a appelé depuis Ilidza pour vérifier s'il n'a

 17   pas été blessé…"

 18   Et cetera.

 19   "Il faut garder à l'esprit que plus de la moitié (60 à 70 % au moins) de la

 20   population de Pale étaient des réfugiés eux-mêmes et qu'ils étaient très

 21   sensibilisés à tout ce qui pouvait être ressenti comme étant un élément

 22   remettant leurs vies en danger une fois de plus."

 23   Ça, ce sont des observations que vous aviez formulées et des conclusions

 24   que vous aviez tirées à l'époque, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'était mon observation, oui.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander maintenant à ce que l'on se

 27   penche sur le dernier des paragraphes :

 28   "Pour autant que les gens du cru le perçoivent, les Nations Unies (une fois

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  1   de plus) sont en train de faire porter aux Serbes le blâme au sujet des

  2   événements qui se sont produits au fil des quelques derniers jours dans

  3   Sarajevo. Alors qu'ils sont tout à fait conscients des raisons officielles

  4   des frappes aériennes (les quatre canons), ils n'arrivent pas à comprendre

  5   que les Musulmans passent sans punition pour les tirs et les pilonnages

  6   qu'ils infligent aux civils serbes dans Sarajevo et autour. Dans l'esprit

  7   des gens du cru, les Musulmans ont recommencé à se battre, et les Serbes

  8   ont été punis pour s'être défendus. Qui plus est, l'agence de presse locale

  9   rapporte et crée une impression généralisée qui est celle de dire que

 10   l'OTAN est allée aussi loin qu'elle a complètement négligé la sécurité des

 11   citoyens à l'occasion de cette toute dernière attaque."

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Ça a été aussi une observation de votre part, une conclusion que vous

 14   aviez tirée, n'est-ce pas ?

 15   R.  Mon observation portait sur la perception locale, qui se fondait sur

 16   les rapports des observateurs militaires et autres informations reçues des

 17   dirigeants serbes de Bosnie.

 18   Q.  Alors, de votre avis, était-ce véritablement exact, à savoir que les

 19   civils étaient apeurés et rendus furieux ?

 20   R.  Je ne peux que commenter sur ceux que nous avons pu voir : la famille

 21   chez qui nous habitions, notre interprète qui était de service à ce moment-

 22   là et quelques voisins autour de nous. Mais je ne peux pas parler de la

 23   perception générale et des personnes qui se trouvaient plus loin. Il est

 24   vrai que je me livrais à une certaine généralisation dans ce rapport.

 25   Q.  Merci.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement de ce

 27   document au dossier ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci fait partie d'une pièce connexe qui

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  1   a déjà été versée au dossier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document recevra la cote P2177.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le 65 ter 19300.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit, Mesdames, Messieurs les Juges,

  6   de la pièce 2178. Cela fait partie également des pièces connexes.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] En page 1 -- non, non, c'est la page qui vient

  8   après celle-ci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Ici, on voit que c'est un débriefing effectué par vous, un rapport

 11   émanant de vous et émanant aussi du commandant Westlund ?

 12   Est-ce qu'on peut nous montrer la page suivante, s'il vous plaît.

 13   Ici, essayons de retrouver les qualifications émanant de vous disant que

 14   les civils étaient terrorisés et rendus furieux. Je vais essayer de le

 15   retrouver. C'est l'entrée relative au 25 et au 26 mai. Le voit-on ? Il se

 16   peut que ce soit à la page précédente. Non, non, ce n'est pas le cas.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est

 18   dans le prétoire électronique, à la page 8. Si vous pouvez le retrouver.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le voilà, 25 et 26 mai.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous en souvenez-vous de ceci, Monsieur ? Souvenez-vous, on voit

 22   Patrick Rechner, capitaine, un rapport. Alors, vous en souvenez-vous de

 23   cette opinion émanant de vous disant que les civils étaient terrifiés et

 24   rendus furieux ?

 25   R.  Oui. Ce n'était pas mes propres termes. Ceci a été rédigé par une autre

 26   personne qui a fait le débriefing. Mais c'est vrai, il s'agissait là d'un

 27   moment-clé de notre conversation, ceci est exact, et comme je l'ai déjà dit

 28   auparavant, pour ce qui est des environs immédiats autour de Pale où nous

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  1   vivions, ceci est exact.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons nous pencher sur

  4   l'entrée relative à la date du 15 juin. Je vous renvoie page 2, paragraphes

  5   81 et 82.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que vous voyez bien qu'ici, vous transmettez la teneur de votre

  8   entretien avec le Pr Koljevic, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Merci. Alors, est-ce que le 26 mai -- puisque c'est une pièce déjà

 11   versée au dossier, je n'ai pas à demander son versement.

 12   Le 26 mai, à l'époque où vous avez été capturé, vous étiez au service actif

 13   des Nations Unies, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je ne sais pas ce que vous entendez par "service d'active".

 15   Q.  Est-ce que vous étiez de service, est-ce que vous étiez en mission ?

 16   R.  J'étais employé en tant qu'observateur militaire des Nations Unies.

 17   Cela signifie que j'y étais envoyé par les forces canadiennes pour

 18   travailler en tant qu'observateur militaire des Nations Unies.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le P2172,

 20   puisqu'on est en train de parler des évaluations formulées par vous. C'est

 21   la pièce que nous avons versée au dossier aujourd'hui même. Et là, une fois

 22   arrivé à ce document, page 3, s'il vous plaît. Plutôt, c'est à la page 2,

 23   la page suivante. 8166, ça, c'est la page. 

 24   "La planification chez les civils et les militaires a été estimée à un

 25   niveau de planification élevée."

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que ceci concorde avec ce que vous avez observé, à savoir que

 28   c'était une situation où les gens étaient en proie à la panique ? Est-ce

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  1   que vous êtes d'accord avec cette conclusion ?

  2   R.  Pardonnez-moi, Monsieur le Président, mais je cherche toujours le

  3   passage en question.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sont les trois premières lignes.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Les trois premières lignes.

  6   Tout ce que je vois, c'est qu'il y a de la panique parmi les civils

  7   et dans les installations militaires. Là, c'est vrai pour ce qui est du

  8   quartier où je vivais, oui. Mais pour ce qui est du reste, par exemple, les

  9   autres aspects militaires, je ne peux pas vous le dire. Par exemple, les

 10   soldats de la VRS qui sont venus nous prendre en otage ce matin-là, ils

 11   n'avaient pas du tout l'air d'être paniqués. Ils étaient simplement en

 12   colère, avaient l'air fâché.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Oui, mais ceux qui ont tiré, ceux qui ont perdu les moutons dont vous

 15   avez parlé, leurs familles, ces gens-là, est-ce qu'ils avaient l'air

 16   terrifiés, furieux, pris de panique ?

 17    M. TIEGER : [interprétation] Je pense qu'ici cette question présuppose des

 18   faits qui n'ont pas été établis.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Effectivement. Reformulez votre

 20   question, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Commandant, aujourd'hui, pendant l'interrogatoire principal, vous avez

 24   déclaré que vous aviez subi la colère d'un homme qui, après s'être mis en

 25   colère, s'est calmé, mais qui s'est plaint du fait qu'il avait perdu

 26   beaucoup de ses moutons, plus de dix, me semble-t-il, et puis qu'il avait

 27   perdu un parent. Vous vous en souvenez ?

 28   R.  Oui, je me souviens que c'est ce qu'il m'a dit.

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  1   Q.  Cet excès de sa part, était-ce un excès de colère ou de panique ?

  2   R.  Ici, on dit "fureur" ou "en colère". En anglais, je dirais simplement

  3   qu'il était "mécontent".

  4   Q.  Merci. Regardez le deuxième paragraphe du point 3 :

  5   "Dans de telles conditions, il est impossible de garantir la vie du

  6   personnel, et lorsqu'il y a la possibilité d'engager directement la

  7   FORPRONU dans des activités militaires qui sont dirigées contre une des

  8   forces au conflit (la VRS), à ce moment-là, on ne peut pas exclure des

  9   forces armées régulières, et il est vivement recommandé de ne pas

 10   poursuivre les frappes aériennes dans de telles conditions."

 11   Etes-vous d'accord avec l'évaluation qui est ici présentée et qui est

 12   réalisée par le commandement supérieur de Bosnie ?

 13   R.  Non, je ne peux pas vous commenter ce qui est ici parce que je n'ai pas

 14   les informations qu'il avait à sa disposition. J'avais très peu

 15   d'information. Tout ce que je savais, c'est qu'il y avait eu des frappes

 16   aériennes à Pale, parce que je les avais vues, et je savais comment on

 17   m'avait traité, moi.

 18   Q.  Mais vous ne contestez pas qu'il s'agit ici d'un rapport officiel ou

 19   d'une évaluation générale faite par le QG des observateurs militaires des

 20   Nations Unies au QG de Sarajevo ? C'est bien ce qui est écrit en tête,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, c'est une forme d'évaluation. Mais à quoi sert-elle, à qui est-

 23   elle envoyée, je ne sais pas, mais apparemment, c'est un rapport officiel.

 24   Q.  Merci. Je répète la même question par rapport à tous ces autres qui ont

 25   été faits prisonniers en même temps que vous. Est-ce que ces hommes étaient

 26   du personnel actif au service des Nations Unies ?

 27   R.  Est-ce que vous pourriez répéter la question ? Excusez-moi.

 28   Q.  Tous ceux qui ont été capturés avec vous, qui se trouvaient à votre

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  1   poste d'observation et au poste d'observation voisin, est-ce que c'était

  2   tous des hommes d'active ?

  3   R.  Vous parlez des gens qui ont été détenus avec moi, c'était mon équipe,

  4   Echo 1 et puis Sierra Golf 1. Ce n'était pas des postes d'observation.

  5   C'était des équipes des observateurs militaires, et ils ont été enlevés là

  6   où ils étaient logés.

  7   Q.  Mais je vous demandais s'ils étaient du personnel d'active au moment où

  8   ils étaient faits prisonniers, tout comme vous, vous l'étiez ?

  9   R.  Je ne sais pas si la traduction est juste quand on dit "d'active".

 10   Veut-on dire de service plutôt que d'être en permission ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Mais est-ce que vous étiez en service ? Est-ce que vous étiez de

 14   service ?

 15   R.  Nous, on dirait effectivement de service. Parce que le personnel peut

 16   être en permission, en congé, ou il est en service. Et à ma connaissance,

 17   je sais ce qu'il en est pour les membres de mon équipe, ça, c'est certain.

 18   Et je suppose que c'était vrai aussi pour les deux autres équipes des OMNU,

 19   ils étaient tous de service, donc ils n'étaient pas en permission.

 20   Q.  Pendant votre captivité, est-ce qu'il est arrivé qu'on vous dise que

 21   vous étiez considérés et traités comme étant des prisonniers de guerre ?

 22   R.  Deux fois. La première fois, ce fut dans la soirée du 27 mai. C'est le

 23   capitaine Vojvodic qui l'a dit, quand on était à l'étage dans ce bâtiment

 24   qui servait de dortoir où nous allions passer la nuit. Quand il s'est

 25   présenté, il nous a dit que nous étions des prisonniers de guerre de la

 26   VRS, de l'armée des Serbes de Bosnie. C'est la seule fois qu'on a utilisé

 27   les termes de "prisonniers de guerre". M. Bulajic nous a qualifiés de

 28   combattants, et je pense qu'il voulait dire que nous étions des prisonniers

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  1   de guerre, mais il ne l'a jamais exprimé en tant que tel. Il a simplement

  2   dit que nous avions été capturés parce que nous étions des combattants.

  3   Q.  Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ici, dans ce document de la liste 65 ter

  5   19300 que nous venons d'examiner, page 4 - inutile d'afficher de nouveau ce

  6   document - vous aviez dit que vous aviez été informés du fait que vous

  7   étiez des prisonniers de guerre.

  8   Peut-on maintenant voir le document de la liste 65 ter 22011. C'est un

  9   questionnaire que vous avez rempli aussitôt après avoir été relâché.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Et vous l'avez confirmé, Bulajic c'était le président du comité chargé

 12   de l'échange des prisonniers de guerre du côté serbe ?

 13   R.  Je ne sais pas s'il s'occupait uniquement de prisonniers de guerre. On

 14   m'a dit que c'était le président de ce qui était appelé la Commission serbe

 15   d'échange, et je sais qu'il a participé à des négociations portant sur

 16   l'échange de prisonniers. Mais je ne sais pas quel statut vous donniez ou

 17   quelle importance vous donniez au statut de prisonniers de guerre.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons la réponse que vous donnez dans ce

 19   questionnaire à la question numéro 20. Je pense que c'est la troisième

 20   page. Elle porte un numéro ERN 1037307.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Je vais vous demander de donner lecture de la question comme de votre

 23   réponse, question numéro 20, s'il vous plaît. Mais vous pouvez faire une

 24   lecture à voix haute simplement votre réponse.

 25   R.  "Pendant la visite du CICR le 8 juin 1995, M. Bulajic, le président de

 26   la Commission d'échange des Serbes de Bosnie, nous a déclaré que nous

 27   étions des prisonniers de guerre officiellement parce que nous étions des

 28   combattants."

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  1   Il se peut, effectivement, qu'il ait utilisé l'appellation

  2   prisonniers de guerre, mais moi, ce que j'ai retenu, c'est qu'il nous avait

  3   qualifiés de combattants.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Maintenant que ceci est consigné au compte

  6   rendu d'audience, il n'est pas nécessaire de demander le versement du

  7   questionnaire.

  8   Je demande maintenant l'affichage du document de la liste 65 ter 1D3067.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  En attendant qu'il soit affiché, je vous demande ceci : je ne sais pas

 11   si c'est vrai pour votre personne, mais vous, en tant que groupe, vous avez

 12   demandé que soient appliqués certains droits et certains privilèges; vous

 13   avez demandé, notamment, une visite de la Croix-Rouge, l'aide d'un médecin,

 14   et vous avez demandé d'avoir le droit de recevoir les nouvelles ou, par

 15   exemple, de regarder la   télé ?

 16   Nous avons une traduction de ce document. Est-ce qu'on peut afficher le

 17   document et sa traduction à l'écran ?

 18   C'est bien cela, n'est-ce pas, Mon Commandant, est-ce que vous n'avez pas

 19   formulé certaines demandes à l'armée serbe, ce que je viens de dire, donc :

 20   visite de la Croix-Rouge, visite d'un médecin et le droit de regarder la

 21   télévision, ou plutôt, de recevoir des informations par les médias ?

 22   R.  Oui, visite de la Croix-Rouge, assistance médicale et le droit de

 23   regarder les nouvelles télévisées, par exemple, effectivement, c'est ce que

 24   nous avons demandé. Non pas parce qu'on nous avait dit qu'on était des

 25   prisonniers de guerre, mais parce que nous pensions qu'il était tout à fait

 26   injuste d'avoir été faits prisonniers et injuste qu'on nous garde captifs.

 27   Q.  Et si vous avez formulé ces demandes, c'est parce que c'était en

 28   conformité avec le droit international. Vous l'avez dit aujourd'hui, c'est

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  1   conforme aux normes juridiques internationales, n'est-ce pas ? Est-ce que

  2   vous avez jamais entendu parler d'otages dans les normes et règles du droit

  3   international ?

  4   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire par mentionner d'une façon ou d'une

  5   autre ? Et de quelles normes du droit international parlez-vous ? Vous

  6   parlez des conventions de Genève ?

  7   Q.  Mais n'importe quoi. Par exemple, le droit international des conflits

  8   armés, est-il envisagé d'autoriser les otages à formuler certaines

  9   revendications qui sont respectées ? Des otages, qu'est-ce qu'ils invoquent

 10   comme droits quand ils disent, Voilà, je veux ceci, je veux cela ? Vous

 11   faites ici référence au droit international.

 12   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] En réalité, je crois que la plupart

 13   des professeurs de droit international seraient interpellés et s'engeraient

 14   dans une très longue discussion sur ce point, qui donnerait lieu à beaucoup

 15   d'encre qui coulerait. Et je pense ici, pour ce qui est de cet officier,

 16   vous devez vous abstenir de poser ce genre de question, parce qu'il n'a pas

 17   cette connaissance. Il faut poser la question dans d'autres enceintes

 18   plutôt que de poser la question à ce témoin. Je doute vraiment qu'il ait

 19   une connaissance approfondie du sujet qui lui permette de répondre à cette

 20   question avec toute la précision qu'elle exige.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] A ma connaissance, la prise d'otages est

 22   interdite. Mais effectivement, il faudrait discuter dans le détail de la

 23   question posée par M. Karadzic.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   Je vais m'abstenir de poser des questions théoriques.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Mais je voulais simplement savoir si c'est vrai que vous avez formulé

 28   ces exigences, s'il est vrai que vous avez demandé que ces exigences et ces

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  1   demandes soient remplies. Quand vous dites droit international, est-ce que

  2   vous parlez du droit international qui protège les otages ou les

  3   prisonniers de guerre ?

  4   R.  Ce que nous avons demandé, ce sont des choses minimales auxquelles nous

  5   estimions avoir droit en tant que groupe si les Serbes de Bosnie pensaient

  6   que nous étions des prisonniers de guerre, et d'après les droits qui

  7   reviennent à des prisonniers de guerre dans les conventions de Genève, il

  8   fallait les demander. On n'avait rien de tout ça. Nous avons pensé qu'il

  9   fallait tout du moins poser des exigences minimales.

 10   Q.  Mais vous avez quand même demandé une visite de la Croix-Rouge, vous

 11   avez demandé l'assistance d'un médecin, vous demandez le droit de regarder

 12   la télévision, et on vous a accordé ces trois exigences, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, vers la fin. Parce que nous avons demandé ces choses-là tout au

 14   début. Il faudrait que je vérifie dans ce rapport que vous avez montré un

 15   plus tôt, mais je pense que cette lettre a été rédigée le quatre ou le

 16   cinquième jour. Et la Croix-Rouge, elle n'est venue que le onzième jour --

 17   le 11 juin, pardon. Le médecin n'est venu que le 8 juin. Et c'est après que

 18   nous ayons répété constamment que c'était nécessaire que ceci nous a été

 19   accordé, et seulement après que les Serbes aient commencé à relâcher

 20   certains des otages des Nations Unies, pas avant.

 21   Q.  Merci. Mais sauf le respect que je vous dois, et je sais bien que

 22   beaucoup d'années se sont écoulées et ça a un effet inévitablement sur les

 23   souvenirs qu'on a, mais maintenant, à la vingtième question, vous dites :

 24   "… le 8 juin 1995…"

 25   Donc c'est le 8 juin que la visite de la Croix-Rouge a été effectuée.

 26   Et puis, le 6 juin, vous avez reçu la visite d'un professeur d'université,

 27   la visite du Dr Sosic, et voici ce qu'il dit en première page, peut-être

 28   que les interprètes pourront nous aider :

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  1   "Rapport d'un médecin de l'hôpital militaire à l'issue de la visite

  2   d'officiers prisonniers de guerre, d'officiers des Nations Unies."

  3   On dit "zarobljenik" [phon] en serbe, mais dans nos contrées,

  4   "zarobljenik", il n'est pas nécessaire de dire "de guerre". On dit

  5   "prisonniers", donc ça va de soi que c'est un prisonnier de guerre quand on

  6   est "zarobljenik". Mais ça a été mal traduit ici. Il ne faudrait pas

  7   simplement dire "prisonniers", parce que le verbe "zarobiti" [phon], ça

  8   veut dire qu'on fait prisonnier un opposant, un ennemi. Alors, est-ce que

  9   ceci ne montre pas que, de l'avis du professeur, vous étiez un prisonnier

 10   de guerre ?

 11   R.  Mais je ne sais pas d'où vient ce rapport qui est à l'écran.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que le témoin n'est pas en

 13   mesure de vous aider sur ce point.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas ce rapport. Je ne l'ai

 15   jamais vu.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passez à autre chose, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Mais on voit bien que le 6, vous avez reçu la visite du Dr Sosic. Vous

 20   avez formulé votre revendication le 4. Le 6, vous recevez la visite du Dr

 21   Sosic, et le 8, celle de la Croix-Rouge.

 22   Ici, le Dr Sosic, il décrit la situation dans laquelle vous vous trouvez,

 23   votre état de santé mentale, votre état de santé physique, en fait, de tous

 24   ceux qui étaient captifs. Il vous a rendu visite le 5 juin, et il a écrit

 25   son rapport le lendemain, le 6.

 26   Peut-on voir la page suivante, s'il vous plaît. Vous voyez ici Mirko Socic,

 27   Pr Mirko Sosic, et consultant en chef, c'est le Dr Babic. Vraiment, ce sont

 28   des experts de haute volée qui vous ont rendu visite aussitôt après que

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  1   vous l'ayez exigé, qui viennent vous voir le 5 et font leur rapport le 6.

  2   Est-ce bien le rapport résultant de la visite qu'ils ont faite ? Est-

  3   ce que vous aviez bien dit certaines des choses qu'on trouve dans ce

  4   rapport, à savoir qu'on est censé être relâchés immédiatement, on propose

  5   certaines mesures, par exemple, que vous ayez plus de fruits, plus de

  6   légumes, et cetera ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  8   M. TIEGER : [interprétation] J'aurais pu ne pas intervenir, mais si je

  9   n'interviens pas maintenant, ça va s'accumuler.

 10   C'est plutôt du commentaire que nous fait M. Karadzic. Il dit qu'ils

 11   sont des experts, alors que ceci n'a pas été prouvé. Et puis, il va essayer

 12   d'obtenir des éléments. Ce n'est pas en soi important. Bon, je ne mets pas

 13   en doute les qualifications professionnelles de ces experts, mais c'est le

 14   type de commentaire invasif qui peut se présenter finalement sous forme

 15   d'élément de preuve, et ça peut se reproduire.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous recevez une autre leçon

 17   aujourd'hui, Monsieur Karadzic. N'oubliez pas ce qui vient d'être dit.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci de me faire des cours, Monsieur

 19   Tieger, de m'éduquer.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Etes-vous d'accord pour dire que M. Sosic c'est un professeur

 22   d'université et que le Dr Babic est un consultant spécialiste, que ces deux

 23   hommes vous ont rendu visite et que ce rapport est issu de la visite qu'ils

 24   ont effectuée ?

 25   R.  Oui, effectivement, deux personnes répondant à ces noms sont venues

 26   nous voir le 5 juin. Je ne sais pas si ce rapport-ci est la résultante de

 27   cette visite qu'ils nous ont faite à nous ou à d'autres observateurs

 28   militaires, mais vous le voyez, ce qui est dit ici correspond assez bien à

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  1   ce que nous avions demandé officiellement au commandant Batinic en début de

  2   détention.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D989.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Mon Commandant -- ou plutôt, je vous demande une confirmation ou le

  9   contraire. Est-ce que vous avez vu des prisonniers de guerre pendant la

 10   durée de votre mandat dans diverses situations, dans divers lieux de

 11   conflit ?

 12   R.  Non, en fait, pas selon la définition donnée par les conventions de

 13   Genève.

 14   Q.  Mais je voulais vous poser la question. Je pense que vous vous êtes

 15   trouvé dans plusieurs théâtres de guerre au nom des Nations Unies. Est-ce

 16   qu'il vous est arrivé de voir des prisonniers de guerre qui avaient le

 17   droit d'utiliser des téléphones satellitaires, des téléphones sans fil ?

 18   Est-ce qu'on fait ce genre de privilège ?

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passez à autre chose, Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais c'est quand même en rapport avec la

 21   question que posait cet éminent M. Tieger, quand on enlève du matériel à

 22   quelqu'un. Quand quelqu'un est fait prisonnier, cette personne n'a pas le

 23   droit de communiquer. Je n'ai même pas de téléphone portable ici même à la

 24   prison. Les prisonniers de guerre n'ont pas le droit --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez déjà posé la question et on y

 26   a déjà répondu. Arrêtez de faire des commentaires.

 27   Je pense que vous terminez là.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on travaille jusqu'à 14 heures 30, n'est-

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  1   ce pas ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   Regardons les pages 4 et 5 du document 19300, 19300 de la liste 65 ter.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le rapport, le briefing, retour

  6   d'information ou rapport de mis au point après la mission.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, pages 4 et 5 de ce rapport, ce que ce

  8   rapport dit à propos du 1er juin.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  En fait, le 1er juin, vous avez écrit une lettre et vous évoquez les

 11   droits que vous aviez en tant que prisonniers de guerre partant des

 12   conventions de Genève :

 13   "Nous avons discuté des conséquences qu'avaient les prisonniers de

 14   guerre aux termes des conventions de Genève. Une lettre en six points a été

 15   envoyée à M. Batinic comprenant plusieurs revendications."

 16   Est-ce que vous voyez ce passage ?

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que c'est la page 11, le bas de la

 18   page 11 puis début de la page 12, dans le système du prétoire électronique.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Effectivement. Regardez, c'est la rubrique pour

 20   le 1er juin :

 21   "Les observateurs militaires se sont demandés comment discuter de la

 22   question. Le consensus fut qu'ils allaient choisir un représentant officiel

 23   (qui ne serait pas Rechner ou Zidlik, les observateurs parlant serbe aussi,

 24   de façon à ce que deux observateurs militaires puissent confronter le

 25   capitaine) --"

 26   Page suivante. On parle ici de :

 27   "… prisonniers de guerre aux termes de la convention de Genève."

 28   Et ici, on a vos revendications :

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  1   "Cette requête a été présentée au commandant Batinic. Première

  2   revendication : contact avec les proches de la famille; contact avec le

  3   CICR; que Rechner ait le droit de parler au Pr Koljevic; que les membres

  4   des trois équipes puissent se rendre dans leurs logements pour aller

  5   chercher des vêtements propres; pouvoir suivre les nouvelles; et examen par

  6   un médecin."

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Est-il exact de dire que le capitaine Vojvodic a amené certains d'entre

  9   vous là où vous habitiez pour que vous y alliez chercher des vêtements

 10   propres ?

 11   R.  Oui, il l'a fait en premier lieu.

 12   Q.  Ce qui veut dire que ces six points ont tous été respectés, à peu de

 13   choses près ?

 14   R.  Lorsque arrive la date du 15 juin, oui, tous ces points sont respectés.

 15   Mais c'était le 21e jour de captivité, le 15 juin.

 16   Q.  Maintenant, il faut revenir à la question. Vous écrivez ça le 1er juin.

 17   Le 4 juin, vous contactez Batinic et vous remettez la lettre. Enfin, je

 18   suppose, je ne sais pas comment. Et le 5, vous recevez la visite d'un

 19   médecin. Le 8, vous recevez la visite de la Croix-Rouge, non ? Ce qui veut

 20   dire que c'est bien avant la fin de la période de captivité. C'est bien

 21   avant cela qu'on répond à vos revendications ?

 22   R.  Ces demandes, elles ont été formulées oralement dès le premier jour.

 23   Lorsque nous nous sommes rendus compte qu'il n'y avait pas de réaction - ce

 24   qui nous semblait le plus important, c'était de pouvoir contacter par

 25   téléphone notre famille, nos proches - on a décidé de faire ça de façon

 26   plus officielle en envoyant ça dans une lettre au commandant Batinic.

 27   Q.  Et ça, vous l'avez rédigé le 4 juin, n'est-ce pas?

 28   R.  Il faudrait que je revienne un petit peu en arrière. Est-ce que vous

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  1   pouvez revenir à la page précédente, s'il vous plaît ?

  2   Le 1er juin, comme vous le voyez.

  3   Q.  Le 1er juin, vous vous êtes entretenu à ce sujet, mais vous aviez dit

  4   auparavant que vous aviez remis votre revendication écrite le 4 juin. Est-

  5   ce que vous avez pu vous entretenir au téléphone avec les membres de votre

  6   famille ?

  7   R.  Pardonnez-moi, il y avait deux questions. La première c'est la remise

  8   de la lettre, et la deuxième partie c'est de nous entretenir avec les

  9   membres de notre famille au téléphone. Je peux répondre à la première

 10   question.

 11   Dès la rédaction de la lettre, nous l'avons remise au capitaine Vojvodic.

 12   Lorsque le commandant Batinic l'a reçue, en réalité, je ne sais pas.

 13   Q.  Merci. Est-ce que certains d'entre vous ou la totalité d'entre vous a

 14   eu ou pas l'occasion de s'entretenir au téléphone avec les membres de leurs

 15   familles ?

 16   R.  D'après ce que je sais, nous avions tous eu au moins une fois

 17   l'occasion d'avoir une conversation téléphonique qui était surveillée

 18   pendant deux minutes. Donc une seule conversation de deux minutes à la date

 19   du 15 juin.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le même

 22   document, l'entrée faite pour -- un instant. C'est la page 5. Ça se

 23   rapporte aussi à la date du 1er juin.

 24   Montrez-nous, s'il vous plaît, la page suivante. Il faut que je retrouve le

 25   passage où il est dit :

 26   "Les gens des Nations Unies ont été d'accord pour donner leurs numéros

 27   d'identification, leur nom et leur grade, compte tenu du statut de

 28   prisonnier de guerre qui leur a été attribué par les Serbes."

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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est au milieu, 1930.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Mon Commandant, les Serbes vous ont accordé ce statut et vous avez opté

  4   en faveur de la possibilité de dire rien que ce que vous êtes censés dire

  5   en application de la réglementation régissant les prisonniers de guerre :

  6   votre numéro de matricule, votre nom, prénom et grade ?

  7   R.  Comme je vous l'ai dit, ce n'est pas moi qui ai rédigé ceci. Ceci est

  8   fondé sur une discussion que j'ai eue avec quelqu'un, et ils l'ont rédigée.

  9   Par "statut", ce n'est peut-être pas la meilleure formulation. On devrait

 10   lire que les Serbes nous ont dit que nous étions des prisonniers de guerre,

 11   point final. Nous n'avons jamais reçu une quelconque liste de nos droits,

 12   de la façon dont nous devrions être traités. On nous a simplement dit que

 13   nous étions des prisonniers de guerre de l'armée serbe de Bosnie, point

 14   final. C'est tout ce qu'on nous a jamais dit. Et ensuite, M. Bulajic a dit

 15   qu'il estimait que nous étions des combattants.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'une manière ou d'une autre, ceci est

 17   indiqué par la parenthèse, qui dit ce terme "est donné par les Serbes ?"

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Nous pouvons donc aller de l'avant.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Est-il exact de dire que deux pilotes sur trois faisant partie de cette

 22   équipe ont été interrogés au sujet des circonstances de la possibilité

 23   d'avoir eu affaire, là, à des contrôleurs des activités aériennes avancées

 24   dans le territoire ?

 25   R.  Je ne sais pas vraiment ce qui a été évoqué. Ceci -- après, ils en ont

 26   parlé un petit peu au cours de la discussion, ont évoqué le fait que les

 27   officiers serbes de Bosnie s'intéressaient aux capacités de ciblage de

 28   l'OTAN et ce genre de choses. Je ne sais pas plus que ce qui est écrit ici.

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  1   Q.  Puis-je vous demander de vous pencher sur le même passage :

  2   "Les officiers sont partis vers leurs supérieurs et ont dit qu'ils

  3   voulaient parler avec Zidlik (Tchèque) et Evans (Ghanéen) qui avaient des

  4   origines de formation de pilote. Ils ont fait l'objet d'interrogatoires

  5   distincts. Ces officiers ont proposé d'autoriser Evans à faire un appel

  6   chez lui s'il coopérait. Il a refusé. Donc ils ont voulu savoir comment les

  7   cibles avaient été choisies. Ils ont aussi montré à Zidlik un fragment de

  8   bombe qui avait des coordonnées d'inscrites dessus, ce qui laisserait

  9   entendre que les OMNU, les observateurs des Nations Unies, avaient fourni

 10   les coordonnées en question à l'OTAN."

 11   Je ne vais pas tout lire.

 12   Vous voyez que les gens de l'armée de la Republika Srpska se

 13   demandaient comment il était possible de les voir disposer de toutes ces

 14   coordonnées. Ils avaient donc suspecté les gens ayant appartenu aux forces

 15   aériennes et faisant désormais partie des observateurs militaires des

 16   Nations Unies qui avaient servi de gens qui auraient indiqué aux forces

 17   aériennes les cibles à prendre en considération ? Est-ce que vous voyez que

 18   c'est bien ce qui est écrit ici ?

 19   R.  Je ne comprends pas très bien. Peut-être que c'est un problème de

 20   traduction. Je ne suis pas très sûr d'avoir compris votre question.

 21   Q.  A l'interrogatoire principal, vous aviez dit qu'on vous avait accusé

 22   d'avoir orienté les avions pour ce qui est des cibles; pas vous en

 23   personne, mais le service des observateurs militaires des Nations Unies

 24   avait été accusé d'avoir dirigé les avions de l'OTAN pour ce qui est des

 25   cibles ?

 26   R.  D'après ce que j'avais compris, moi, j'étais accusé en même temps

 27   qu'Ole Zidlik et de Pavel Teterevsky et qu'on nous avait accusés d'avoir

 28   agi en tant que contrôleurs aériens avancés. C'est ce qui avait été diffusé

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  1   dans les nouvelles ce jour-là.

  2   Q.  Merci. Mais il n'y a que les deux qui avaient fait partie des forces

  3   aériennes qui ont été interrogés ce jour-là. Vous et l'autre n'avez pas été

  4   interrogés ce jour-là.

  5   R.  Comme cela est déclaré, c'était Griffiths Evans.

  6   Q.  Merci. Est-il exact de dire que les interrogatoires ont été le fait

  7   d'un commandant des services de Sûreté, et le général Mladic, à ce moment-

  8   là, n'avait pas été présent dans la caserne ?

  9   R.  Je ne me souviens pas d'avoir vu le général Mladic à cet endroit-là

 10   pendant ma captivité. Je ne sais pas s'il était là ou pas. Je ne peux pas

 11   le dire, ni dans un sens ni dans un autre. Je ne l'ai pas vu.

 12   Q.  Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le D306, qui est

 14   une pièce à conviction déjà. D306.

 15   Je voudrais vous montrer la déclaration de l'un des observateurs qui a été

 16   gardé en captivité, Gunnar Westlund, originaire de Finlande, et j'aimerais

 17   qu'on nous montre ce document. Un instant que je retrouve la page.

 18   Oui, je vois que c'est bien le Gunnar Westlund en question. Est-ce qu'on

 19   peut nous montrer la page d'après, s'il vous plaît.

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Je crois que nous cherchons la page 2 [comme

 21   interprété] qui est dans le prétoire électronique.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'excuse. Au prétoire électronique et au

 23   document original, ce n'est pas toujours le même numéro de page.

 24   Au point 3.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous pouvez lire :

 27   "Une fois, en avril 1995, j'ai regardé par notre fenêtre et j'ai vu

 28   un véhicule des Nations Unies avec des inscriptions apparentes disant OMNU

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  1   à l'intérieur…

  2   "C'était à quelque 200 mètres de notre bâtiment."

  3   Je vous prie de prendre lecture de ce document et je prie la totalité des

  4   participants dans le prétoire à en prendre lecture.

  5   Est-ce que vous avez eu à connaître ce type d'incidents, Mon

  6   Commandant ?

  7   R.  Non.

  8   Q.  Merci. Pour que nous comprenions mieux les choses, que diriez-vous pour

  9   ce qui est de la partie serbe ? Que devait-elle penser lorsque des équipes

 10   fantômes apparaissaient comme ça et qui abusaient de vos uniformes, de vos

 11   insignes et même de vos   véhicules ? N'était-ce pas là encore une raison

 12   de plus --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a dit qu'il ne le savait pas.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Mon Commandant, est-ce que vous auriez eu vent de la présence de

 17   soldats canadiens qui auraient servi en Bosnie comme étant des agents de

 18   reconnaissance ou des contrôleurs aériens avancés qui accomplissaient des

 19   missions pour le compte de l'OTAN ?

 20   R.  J'avais entendu dire que notre bataillon à Visoko avait un -- voire

 21   peut-être deux officiers qui avaient été formés pour être des contrôleurs

 22   aériens avancés dans le cas où ils allaient fournir un appui aérien pour

 23   les protéger.

 24   Q.  Merci. Dans l'affaire contre le dénommé Nicholas Ribic au Canada, vous

 25   avez également été témoin, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, tout à fait.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer le 65 ter -- le

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  1   1D2904, plutôt. 1D2904.

  2   Identifions d'abord la page de garde. On voit que c'est :

  3   "Le tribunal fédéral du Canada, Nicholas Ribic."

  4   Moi, ce qui m'intéresse, c'est la page 138. C'est la page 137 du document,

  5   mais au prétoire électronique, c'est le 138.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]   

  7   Q.  Je vais vous demander maintenant de vous pencher sur la partie qui se

  8   rapporte aux contrôleurs aériens avancés et la déclaration du Témoin B --

  9   enfin, la personne qui a témoigné dans cette affaire-là sous le pseudonyme

 10   de Témoin B. Il a dit qu'il avait été l'un des contrôleurs aériens avancés

 11   à être impliqués pour ce qui était de guider les bombes jetées sur Pale en

 12   mai 1995.

 13   C'est à la page 138.

 14   C'est aussi un commandant, lui, n'est-ce pas ?

 15   R.  Je ne sais pas à qui vous faites référence, pardonnez-moi.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr. Il faudrait que ceci soit beaucoup

 17   plus clair. Cette question manque de fondement, compte tenu du fait que

 18   tout ce que nous savons est que ceci semble être quelqu'un qui a témoigné

 19   dans la même affaire dans laquelle ce témoin-ci a témoigné.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous reformuler votre question,

 21   Monsieur Karadzic, de façon à ce que le témoin puisse la comprendre.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Vous avez témoigné dans ce même procès. Vous avez confirmé aujourd'hui

 24   que vous aviez eu vent de l'existence de contrôleurs aériens avancés qui

 25   faisaient partie des forces canadiennes et qui se trouvaient être là-bas

 26   dans le secteur de Visoko. Le témoin qui a témoigné ici, sous le pseudonyme

 27   de Témoin B, a lui aussi confirmé qu'il était contrôleur aérien avancé pour

 28   guider les bombes qui sont tombées en mai 1995 sur le secteur de Pale.

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  1   M. TIEGER : [interprétation] Encore une fois, pardonnez-moi, je suis désolé

  2   d'être obligé de me lever aussi souvent. Ces faits n'ont pas été présentés

  3   pour ce qui est des contrôleurs aériens avancés. Je crois qu'on a parlé de

  4   capacité, et non pas de guidage en tant que tel. Je crois que ceci ne

  5   devrait pas être imbriqué dans les questions de cette manière, et ceci

  6   n'est pas le reflet exact de la déposition du témoin.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, ce Témoin B a confirmé qu'un

  8   contrôle aérien avancé a assuré le guidage de ces bombes en 1995 dans le

  9   secteur de Pale.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, je ne sais rien à propos de

 11   cette personne, hormis le fait qu'il s'agit du Témoin B dans ce procès. Je

 12   n'étais pas là pour sa déposition et je ne sais pas ce qu'il a fait.

 13   Pour ce qui est du bataillon de Visoko, c'est quelque chose que j'ai

 14   évoqué. J'ai entendu dire qu'ils étaient censés avoir, au sein de leur

 15   structure, une personne qui avait été formée pour être contrôleur aérien

 16   avancé. A savoir s'ils avaient effectivement une personne dans le bataillon

 17   à ce moment-là, surtout à ce moment-là, au mois de mai, je ne le sais pas.

 18   Je ne dispose pas de cette information.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 20   Montrez nous donc la page d'après.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Mon Commandant, ceci est très important. Un capitaine de votre armée

 23   nationale, dans les Nations Unies, passe toute une semaine à Pale, et vous,

 24   vous informez qui de droit de toute chose importante. Et en parlant

 25   d'opération, voyez un peu ce qu'il avait planifié --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il dit qu'il ne sait rien à ce sujet. Si

 27   vous jugez que c'est nécessaire, appelez à la barre le Témoin B, si cet

 28   homme a une quelconque pertinence. Veuillez simplement poser votre

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  1   question.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Si

  3   vous me permettez d'intervenir pendant quelques instants.

  4   Nous avons l'intention de citer à la barre le Témoin B. Nous sommes en

  5   pourparlers avec le gouvernement canadien à cet effet. Je crois que M.

  6   Karadzic ne procède pas à la manière d'un avocat. Il essaie de tester la

  7   crédibilité du témoin en lui demandant des détails sur ce qu'a dit le

  8   Témoin B de façon à pouvoir apprécier la crédibilité du témoin par la

  9   suite, compte tenu des événements qui se sont déroulés dans la ville dans

 10   laquelle il s'est trouvé lui-même. Donc c'est ce que tente de faire M.

 11   Karadzic, et je crois que c'est légitime.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, le témoin a déjà dit

 13   qu'il ne savait rien de plus à propos de cette personne, hormis le fait

 14   qu'il ait été cité à la barre en tant que Témoin B dans ce procès.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Je crois que l'idée derrière ces questions,

 16   c'est de poser la question au témoin à savoir s'il y avait un quelconque

 17   membre des forces canadiennes des Nations Unies qui s'occupait de

 18   surveillance des cibles à Pale qui ont été bombardées, qui avait passé une

 19   semaine dans le secteur de Pale avant d'avoir sélectionné les cibles de

 20   l'OTAN et qu'il fournissait les renseignements sur ce qu'il y avait au

 21   niveau du dépôt de munitions où il a été retenu. Par la suite, il dit qu'il

 22   y avait quatre à cinq contrôleurs aériens dans le secteur de Pale, donc il

 23   semble que tous ces éléments qui font partie de notre thèse sont, d'après

 24   nous, des éléments qui peuvent faire l'objet de questions par nous au

 25   témoin. S'il ne sait rien à ce sujet, soit, mais je crois que nous sommes

 26   en droit de lui poser ces questions.

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Des questions discrètes peuvent,

 28   bien sûr, être posées au témoin, mais il n'est pas approprié de poser des

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  1   questions au témoin à propos de la déposition d'un autre témoin, d'autant

  2   qu'il n'a pas assisté à cela. Donc vous avez commencé votre intervention à

  3   juste titre, Maître Robinson, en disant que le Dr Karadzic n'a pas procédé

  4   à la manière d'un avocat, et ceci est exact. Ce n'est pas le cas. Ce qu'il

  5   doit faire, c'est formuler des phrases précises de façon à recueillir des

  6   réponses discrètes, sans pour autant faire référence à un tiers ou citer un

  7   tiers.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez jouer un rôle dans la

  9   formulation des questions de la Défense, Maître Robinson.

 10   Monsieur Karadzic, vous pouvez poser votre question au témoin et poursuivre

 11   après avoir entendu ceci. Présentez vos moyens au témoin. Posez vos

 12   questions au témoin.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attends l'interprétation.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur le Témoin, la substance de ma question était la suivante :

 16   vous vous trouviez à Pale, vous informiez depuis Pale sur toute chose

 17   importante. Comment se peut-il que vous ne sachiez pas qu'un membre de

 18   votre armée a séjourné pendant une semaine à Pale pour planifier des

 19   attaques de l'OTAN contre des cibles dans notre camp ? C'est ça la

 20   substance de ma question.

 21   M. Robinson a parfaitement bien compris la façon malhabile dont j'ai posé

 22   ma question.

 23   Qu'avez-vous donc observé, si vous n'aviez pas su qu'un capitaine de votre

 24   armée était à Pale pour planifier des attaques ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai un éléphant

 27   sous ma robe. Comment se fait-il que le Dr Karadzic n'était pas là ? Il

 28   suppose que ceci n'a pas été présenté comme élément de preuve, et il

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  1   revient au témoin de désembrouiller tout cela.

  2   S'il souhaite présenter sa thèse au témoin, il le peut, mais il ne peut pas

  3   supposer qu'il a été établi qu'il y avait un membre de "votre armée", comme

  4   il l'a dit, qui a passé une semaine à Pale et a planifié les attaques de

  5   l'OTAN, et cetera.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. La question est de savoir est-ce

  7   que c'est possible que le témoin ne soit pas au courant du fait qu'il y

  8   avait les attaques de l'OTAN pendant que son armée a passé une semaine à

  9   Pale. C'est une question multiple. Le témoin a répondu à la deuxième partie

 10   de la question, à savoir s'il savait si, oui ou non, un membre de la

 11   FORPRONU ou des OMNU a passé une semaine à Pale. Posez des questions

 12   simples, si vous le souhaitez.

 13   Je vais poser la question en votre nom, Monsieur Karadzic.

 14   Monsieur Rechner, saviez-vous à l'époque qu'il y avait des contrôleurs

 15   aériens avancés -- pardonnez-moi, qu'un contrôleur aérien avancé avait

 16   passé une semaine à Pale ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne le savais pas. Je ne me souviens

 18   même pas d'avoir vu un autre Canadien à cet endroit-là.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Le même témoin a dit que les observateurs des Nations Unies avaient

 22   fourni des informations du domaine du renseignement à l'OTAN. Qu'en dites-

 23   vous ?

 24   Je peux vous montrer la page du compte rendu de ce procès. Le même témoin

 25   qui a participé à tout ceci a dit que c'est des observateurs militaires des

 26   Nations Unies qui lui fournissaient du renseignement pour indiquer ce qui

 27   se trouvait dans nos entrepôts de munitions. En aviez-vous connaissance, et

 28   savez-vous qui est-ce qui a communiqué ce type de renseignement ?

Page 11183

  1   R.  Je ne suis pas au courant du fait que quelqu'un au sein de mon équipe

  2   ait fourni des renseignements à l'OTAN, personne non plus au sein des

  3   organisations des observateurs militaires des Nations Unies.

  4   Q.  Merci. En page 149 de ce compte rendu d'audience, le même témoin a dit

  5   qu'il y avait quatre équipes de contrôleurs aériens avancés à Pale,

  6   disposant de quatre ou cinq hommes dans chaque équipe. Cette présence

  7   massive de contrôleurs aériens, l'avez-vous remarquée et en avez-vous

  8   informé qui que ce soit ?

  9   R.  Absolument pas. Je n'ai pas observé une telle présence à Pale, bien

 10   sûr, et donc il n'y a pas eu de rapport là-dessus. Comme je vous l'ai dit,

 11   je n'ai vu ni les Canadiens ni les contrôleurs aériens avancés à Pale.

 12   Q.  Merci. Vous avez été parmi les dernières des personnes relâchées,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Comment avez-vous interprété le fait d'avoir été gardé jusqu'au bout ?

 16   Saviez-vous, pour être plus précis, que la partie serbe vous avait gardé

 17   pour obtenir quatre soldats à elle que la FORPRONU avait gardés prisonniers

 18   ?

 19   R.  Non, je n'étais pas au courant de cela. Au cours de la réunion que j'ai

 20   eue avec le président Koljevic le 15, il m'a dit qu'il espérait que je sois

 21   libéré plus tôt, mais qu'il y avait des difficultés techniques. Et c'est

 22   tout ce qu'il a dit. Il ne m'a pas expliqué ce que voulaient dire ces

 23   difficultés techniques, s'il s'agissait d'un problème de transport ou pas,

 24   je ne sais pas.

 25   Q.  Dans ce procès contre M. Ribic, vous avez témoigné sur ces

 26   circonstances. Pages 181 et 182. C'est ce qui a été rapporté aux

 27   informations locales au sujet de l'emprisonnement de ces quatre Serbes.

 28   Est-il exact du fait que vous ayez été informé par les médias de la

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  1   présence de quatre soldats serbes tenus par la FORPRONU au pont Vrbanja ?

  2   R.  J'avais entendu -- en réalité, je crois que c'était sur ma propre

  3   radio, sur les ondes courtes, qu'il y avait une position française sur le

  4   pont de Vrbanja qui avait été attaquée par des Serbes qui portaient des

  5   uniformes français avec des casques bleus, qu'il y avait eu des combats

  6   après cela et que les Français avaient capturé quatre de ces Serbes. C'est

  7   tout ce que je sais. Comment il y avait un lien, pour autant qu'il y en ait

  8   eu un avec notre libération, je ne sais pas. Je n'ai aucune connaissance à

  9   cet effet.

 10   Q.  Et vous pensez que ce sont des Serbes qui avaient endossé un uniforme

 11   français ?

 12   R.  C'est de cette façon que ceci a été rapporté.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous avons entendu des témoins et nous avons vu

 14   ici même des déclarations disant que ce sont des Musulmans de Bosnie qui

 15   ont endossé l'uniforme français et que c'était pour cela qu'il y avait un

 16   affrontement entre Musulmans et Serbes de Bosnie sur le pont de Vrbanja.

 17   Regardons le document de la liste 65 ter 13544. Je répète le numéro :

 18   13544. Est-ce que c'était D213.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'était une pièce afférente. Ceci vous a

 20   été dit par le bureau du Procureur, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il se peut que l'Accusation en ait la

 22   traduction.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Vous dites ici que le président de la république a ordonné que des

 25   membres de la FORPRONU -- non, ce n'est pas ça. Ça doit être un ordre de

 26   libération des observateurs militaires en date du 17 juin. Est-ce qu'on a

 27   la date du 17 juin ici ?

 28   Regardez, ici, on a donné un ordre. Il a été ordonné de relâcher des

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  1   personnes qui se trouvaient en détention -- point 11, c'est plus bas :

  2   "Le commandement du RSK devra, avant 14 heures," tel ou tel jour, "remettre

  3   aux autorités du MUP de la Republika Srpska 26 membres des Nations Unies

  4   qui vont être relâchés. Ils vont être remis uniquement après que la

  5   FORPRONU ait amené à la garnison de Lukavica quatre membres de la VRS qui

  6   ont été capturés."

  7   Est-ce que vous vous rendez compte ici qu'il s'agit d'un échange de tous

  8   contre tous ?

  9   R.  Ce que je vois, c'est qu'ici, le général Mladic donne l'ordre à

 10   certains de ses commandants de ne pas nous relâcher, nous qui étions 26,

 11   tant que quatre membres de la VRS ne seraient pas remis à la garnison de

 12   Lukavica.

 13   Q.  Mais disons que le libellé est différent. On dit qu'ils seront libérés

 14   une fois que les autres seront relâchés. Ça ne veut pas dire qu'ils ne

 15   seront pas libérés. Il y a quand même une légère nuance, une certaine

 16   différence. Dès qu'un groupe aura été relâché, l'autre groupe sera libéré.

 17   Est-ce que ça ressemble à un échange à vos yeux ?

 18   R.  Je crois que c'est un problème. Parce que vous dites que dans votre

 19   version, ça ne correspond pas à la traduction en anglais. En anglais, on le

 20   voit, on dit que les "26 membres des Nations Unies ne seront libérés," et

 21   je cite, "ce ne sera fait qu'après que la FORPRONU ait amené à la garnison

 22   de Lukavica les quatre membres de la VRS qui avaient été capturés."

 23   Donc c'est ça que ça veut dire : il faut d'abord libérer les quatre soldats

 24   avant que les 26 membres soient libérés.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois le temps qui passe. Il est passé

 26   14 heures 30. Il vous faut davantage de temps pour terminer votre contre-

 27   interrogatoire, Monsieur Karadzic ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que nous avons parcouru la plupart des

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  1   questions. Il m'en reste quelques-unes, mais au fond, je pense qu'il est

  2   possible de terminer. Est-ce qu'on est censé terminer maintenant ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez encore cinq minutes.

  4   Est-ce que vous avez des questions supplémentaires, Monsieur Tieger ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] Pour faire vite, je peux faire plus

  6   court, mais il y a quand même un sujet qu'il faudrait aborder. J'essaierai

  7   d'être très efficace ou je pourrais peut-être simplement vous renvoyer à

  8   certains documents qui abordent cette question. Je ferai de mon mieux.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Essayez de terminer en l'espace de

 10   trois minutes, Monsieur Karadzic.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Vous avez écrit une lettre au capitaine Vojvodic; n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, je ne me souviens pas avoir écrit de lettre au capitaine Vojvodic.

 15   J'ai écrit à Batinic, ça, oui, et à Djurdjic.

 16   Q.  Oui, excusez-moi, je voulais dire Djurdjic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'essaie de retrouver la lettre.

 18   Est-ce que ça a déjà été versé au dossier -- ça fait partie d'une pièce du

 19   dossier déjà ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Manifestement, ça n'a même pas été repris dans

 22   le prétoire électronique.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la lettre que vous avez envoyée à

 25   Djurdjic ?

 26   R.  Oui. Je n'en ai plus tout à fait le détail en tête, mais je l'ai écrite

 27   dans la soirée du 29 mai, à la demande du capitaine Vojvodic, à propos de

 28   la réunion avec le Pr Koljevic. Le colonel Djurdjic voulait connaître le

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  1   détail des sujets que je voulais aborder avec le Pr Koljevic.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc ce document précédent a déjà été versé au

  4   dossier, ça fait partie d'une pièce; c'est ça ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Mais est-ce que vous avez écrit à quelqu'un après votre libération ?

  8   R.  Ecrire à propos de quoi ?

  9   Q.  Est-ce que vous avez écrit à un officier serbe, par exemple, après

 10   votre libération ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Merci. Alors, c'est forcément un homme à vous qui a écrit, qui a

 13   exprimé sa reconnaissance pour le traitement qui vous a été réservé. Je

 14   suppose que ce n'est pas vous, manifestement, donc ce n'est pas nécessaire

 15   de vous le montrer.

 16   Merci, Commandant. Désolé que vous ayez subi cette épreuve à l'époque. Mais

 17   je ne peux pas m'empêcher de penser aux Serbes qui, à l'époque aussi, ont

 18   subi les coups des frappes aériennes de l'OTAN.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je vais essayer de faire bref, en renvoyant à

 21   un document souvent utilisé par M. Karadzic.

 22   Nouvel interrogatoire par M. Tieger :

 23   Q.  [interprétation] D'abord, l'accusé vous a posé des questions sur cet

 24   homme qui avait perdu ses moutons et à propos de l'homme qui avait perdu un

 25   membre de sa famille. Je pense qu'en début d'audience, vous aviez dit qu'un

 26   homme avait dit qu'il avait perdu un parent. Est-ce que ceci se trouve

 27   mentionné dans la pièce P22011, le débriefing dont M. Karadzic a souvent

 28   parlé, et est-ce que vous avez rencontré une fois de plus cette personne et

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  1   que vous avez appris que cette personne supposée disparue était partie se

  2   promener et qu'elle était rentrée ?

  3   R.  C'est exact. Cette personne qui m'a attaqué plus tard m'a expliqué que

  4   cette personne proche qu'il pensait disparue, en fait, était partie se

  5   promener et était rentrée saine et sauve.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Oui, en fait, je me suis trompé dans le numéro

  7   de la pièce, c'est la pièce P. C'était le numéro de la liste 65 ter 22011.

  8   Q.  Et puis, M. Karadzic a souvent parlé de ces appels téléphoniques.

  9   Document 22011 de la liste 65 ter, page R103-8644, page lue par M.

 10   Karadzic, M. Evans se voit offrir une conversation téléphonique s'il

 11   voudrait coopérer, et il refuse. A la page précédente, on vous dit, le 30

 12   mai, que si vous donnez des notes à propos des autres officiers, vous

 13   pourrez peut-être téléphoner à votre famille, chez vous dans votre pays.

 14   Est-ce que c'est vrai qu'on a essayé d'utiliser cette possibilité de

 15   téléphoner à votre famille pour pousser les observateurs militaires à faire

 16   quelque chose que ces prisonniers ne voulaient pas faire au départ ?

 17   R.  Oui, c'est certain, c'est comme ça que nous avons compris la situation.

 18   On se servait d'appât, et de cet appât, on disait, Voilà, vous pourrez

 19   téléphoner à vos proches, pour essayer de nous forcer de faire quelque

 20   chose qu'on ne voulait pas faire.

 21   Q.  Merci.

 22   M. TIEGER : [interprétation] C'est tout.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Deux précisions, s'il vous plaît, très vite,

 24   parce que je ne veux pas que la Chambre soit induite en erreur. Deux

 25   petites choses, deux précisions très courtes.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'est-ce que c'est, Monsieur Karadzic ?

 27   Ça a rapport à quoi ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord, Commandant, est-ce que vous avez quand

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  1   même pu téléphoner, même si vous n'avez pas répondu à ces exigences ?

  2   Lorsque vous avez parlé du statut de prisonniers de guerre, est-ce que vous

  3   n'avez pas été autorisé à passer des coups de fil sans compensation, sans

  4   contrepartie ?

  5   Quand cet homme était en colère, quand il s'est rendu compte que ce proche

  6   était quand même encore en vie, est-ce que cet homme est resté en colère ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne pense pas qu'il soit nécessaire

  8   d'avoir l'aide de ce témoin sur la question. Je ne pense pas que cette

  9   précision soit vraiment nécessaire.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Je pense qu'il nous faut une

 11   précision. Je peux essayer de le faire, disons, directement avec le témoin

 12   ou en passant par les enregistrements. Désolé de ne pas en avoir parlé.

 13   C'est en rapport avec une déposition antérieure.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 15   Commandant Rechner, ceci met fin à votre déposition. Au nom de la

 16   Chambre et du Tribunal, je vous remercie vivement d'être venu déposer à La

 17   Haye. Vous pouvez désormais disposer.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Mesdames, Messieurs les Juges.

 19   [Le témoin se retire]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Rapidement, nous avons été saisis d'une

 21   demande de la Défense pour suspension de trois mois de la procédure à

 22   compter du 15 février. Est-ce que nous pourrions avoir une réponse de

 23   l'Accusation dans les meilleurs délais.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Reçu cinq sur cinq.

 25   Au cours de ces questions supplémentaires très brèves, je parlais du

 26   document de la liste 65 ter 22011. Je me suis trompé. C'était le numéro

 27   19300.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

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  1   Est-ce que vous pourriez déposer votre réponse avant mercredi ?

  2   M. TIEGER : [interprétation] Ça devrait marcher, mais s'il y a un problème,

  3   je vous le dirai.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  5   Nous reprendrons les débats demain à 9 heures. 

  6   --- L'audience est levée à 14 heures 45 et reprendra le jeudi 3 février

  7   2011, à 9 heures 00.

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