Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 15 mars 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Bonjour, Monsieur Banbury. Je vous demande de prononcer la déclaration

  8   solennelle.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : ANTHONY BANBURY [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir, s'il vous

 14   plaît.

 15   Oui, Maître Robinson.

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 17   Messieurs les Juges. Je voudrais vous présenter une stagiaire qui est avec

 18   nous aujourd'hui, Julia Kretzenbacher, de l'Université de Melbourne.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame Edgerton.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 21   Messieurs les Juges.

 22   Interrogatoire principal par Mme Edgerton :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Banbury. Pourriez-vous décliner

 24   votre identité ?

 25   R.  Anthony Nathan Banbury.

 26   Q.  Monsieur Banbury, en 1997, vous avez fait une déclaration aux

 27   représentants du bureau du Procureur de ce Tribunal concernant vos

 28   observations et vos expériences lorsque vous avez servi au sein des Nations


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  1   Unies dans le cadre de la FORPRONU dans l'ex-Yougoslavie; est-ce exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  En 2009, est-ce que vous vous souvenez d'avoir rencontré avec un

  4   collègue et vous avez fait une autre déclaration où vous avez apporté des

  5   précisions et vous avez apporté des ajouts à votre déclaration de 1997,

  6   n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, je m'en souviens.

  8   Q.  Cette déclaration de 2009 a été faite au vu de nombreux documents qui

  9   n'étaient pas disponibles à l'époque de votre première déclaration; est-ce

 10   exact ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que vous vous êtes repenché sur cette déclaration de 2009 ainsi

 13   que les documents en question en préparation à votre déposition

 14   d'aujourd'hui ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que vous avez des modifications, des précisions à apporter après

 17   cet examen ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Si je vous posais les mêmes questions aujourd'hui que celles qui ont

 20   donné lieu à ce qui est contenu dans la déclaration de 2009, est-ce que

 21   vous y apporteriez les mêmes réponses ?

 22   R.  Oui, en théorie, les réponses seraient les mêmes.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 24   les Juges, la déclaration de 2009 est le document de la liste 65 ter 22657.

 25   Est-ce que l'on pourrait lui accorder une cote ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2451.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Je vais maintenant lire un résumé.


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  1   Anthony Banbury a servi au sein des Nations Unies dans l'ex-Yougoslavie

  2   d'avril 1994 jusqu'à la fin du conflit. Tout d'abord il était responsable

  3   des affaires civiles au QG de la FORPRONU à Sarajevo jusqu'au 1er mai 1995.

  4   Ensuite il a travaillé en tant qu'adjoint au représentant spécial du

  5   secrétaire général, M. Yasushi Akashi. A ces deux postes, M. Banbury a

  6   participé à des réunions avec les dirigeants des parties belligérantes et a

  7   élaboré des rapports, envoyé des dépêches, ainsi que des lettres et

  8   d'autres courriers pour le compte de ses supérieurs hiérarchiques.

  9   M. Banbury déclare que la population à Sarajevo a souffert d'une campagne

 10   constante de bombardement et de tir embusqué qui prenait en partie les

 11   civils. Il a observé, et je le cite :

 12   "Les armes utilisées, et tout particulièrement les pièces de mortier ainsi

 13   que l'usage de tireurs embusqués signifient que quel que soit l'endroit où

 14   vous habitiez, dès que vous sortiez, vous pouviez être tué à tout moment."

 15   Il a participé à de nombreuses réunions avec les dirigeants des

 16   Serbes de Bosnie, et M. Banbury a donc observé qu'ils étaient en mesure de

 17   moduler les conditions de vie à Sarajevo en contrôlant l'approvisionnement

 18   en eau, en électricité, en gaz, la liberté de mouvement ainsi que les

 19   niveaux de bombardement ainsi que de tirs embusqués, entre autres.

 20   En avril 1995, par exemple, l'accusé -- le Dr Karadzic a annoncé qu'il

 21   avait fermé l'aéroport de Sarajevo pour, je cite :

 22   "Montrer au monde qui contrôlait l'aéroport."

 23   M. Banbury mentionne que, lors de réunions auxquelles il a participé

 24   avec les dirigeants des Serbes de Bosnie, l'accusé contrôlait clairement la

 25   situation et il englobait tant les aspects militaires que politiques, et il

 26   a fait preuve de ce contrôle en négociant et en signant des accords sur

 27   différents sujets.

 28   A un certain moment, l'accusé a exprimé sa préoccupation qu'il était dominé


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  1   par les Musulmans. En avril 1995 lors d'un dîner, il a mentionné que les

  2   Serbes avaient vécu avec des Musulmans depuis 500 ans, et il a cité :

  3   "…c'est fini. Il en va de même à Chypre et en Inde. Les Indous ont

  4   été très tolérants, mais ils ne peuvent plus vivre avec les Musulmans."

  5   L'accusé a fréquemment fourni des mentions de crimes qui avaient été commis

  6   par les forces serbes durant les réunions qu'il avait avec des

  7   représentants des Nations Unies. Par exemple, lors d'un même dîner en

  8   avril, le commandant des forces, le général Janvier, s'est plaint auprès du

  9   Dr Karadzic que les forces serbes prenaient la partie des cibles civiles.

 10   L'accusé a plaisanté et a répondu :

 11   "Peut-être que certains de nos artificiers ont peut-être la vue basse."

 12   Ceci conclut le résumé, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.

 13   Q.  Monsieur Banbury, avant de rentrer dans les détails de votre déposition

 14   écrite que nous venons de verser au dossier, je voudrais vous poser

 15   quelques questions concernant votre parcours personnel, et ceci figure aux

 16   paragraphes 2 à 4 de votre déclaration de 2009.

 17   Ma question est la suivante : Votre métier au sein de la FORPRONU n'était

 18   pas la première au sein des Nations Unies, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non. J'ai travaillé à trois autres postes pour les Nations Unies.

 20   Q.  De quels postes s'agissait-il ?

 21   R.  Pendant environ deux ans, j'ai officié en tant que responsable de la

 22   protection des droits de l'homme, je travaillais au sein de camps de

 23   réfugiés, en 1988 jusqu'à 1990, à la frontière entre le Cambodge et la

 24   Thaïlande dans une opération des Nations Unies. J'ai également officié en

 25   tant que responsable des droits de l'homme aux Nations Unies lors d'une

 26   opération de maintien de la paix au Cambodge de 1992 à 1993, c'est-à-dire

 27   environ un an et demi. Ensuite j'ai officié au sein de l'organisation des

 28   Etats américains des Nations Unies à la mission conjointe entre les Nations


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  1   Unies et l'organisation des Etats américains dans une mission à Haïti.

  2   Q.  Vous avez également officié au sein du PAM [phon] en Asie, n'est-ce pas

  3   ?

  4   R.  En fait, si vous voulez, le PAM est une agence des Nations Unies, mais

  5   effectivement je suis revenu au sein des Nations Unies au sein du QG pour

  6   un nouveau poste.

  7   Q.  De quoi s'agit-il ?

  8   R.  Je suis secrétaire général adjoint pour les appuis sur le terrain. Il

  9   s'agit d'un département qui fournit en fait tout l'appui logistique et

 10   opérationnel pour les missions de maintien de la paix des Nations Unies et

 11   pour les missions politiques spéciales de par le monde.

 12   Q.  Merci. Je voudrais maintenant revenir à votre mission au sein de la

 13   FORPRONU, est-ce que vous pourriez revenir à ce qu'était votre mission à

 14   l'époque, c'est-à-dire au sein des Affaires civiles et lorsque vous

 15   travailliez pour M. Akashi.

 16   R.  J'ai été déployé à Sarajevo au début du mois d'avril 1994 -- je crois

 17   que c'était le 9 avril. En général, les responsables des Affaires civils,

 18   lorsqu'ils sont déployés dans une mission, sont tout d'abord envoyés vers

 19   une petite ville pour officier dans une structure régionale, mais en fait

 20   le responsable des opérations civiles des Nations Unies en Bosnie, M.

 21   Andreev, qui était donc le responsable des opérations civiles de la

 22   FORPRONU, a décidé d'être au sein de son équipe, avec une autre personne.

 23   Si vous voulez, j'étais un conseiller politique du responsable des

 24   structures civiles de la FORPRONU. Je participais aux réunions avec

 25   différentes parties belligérantes avec des représentants des Etats membres

 26   qui étaient en visite dans le pays, des ministres, des ambassadeurs, et

 27   cetera. En général, je préparais les réunions et j'établissais également

 28   une synthèse après les réunions avec les principaux points qui avaient été


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  1   abordés durant les réunions, les positions qui avaient été prises par les

  2   différentes parties présentes à la réunion. Je réalise également une

  3   analyse ou une évaluation à l'issue de cette synthèse de façon à ce que nos

  4   supérieurs à Zagreb et à New York n'aient pas uniquement un verbatim de ce

  5   qui avait été abordé durant la réunion, mais qu'ils puissent comprendre

  6   également l'importance de ce qui avait été abordé durant cette réunion

  7   précise.

  8   Q.  Est-ce que ce rôle a changé lorsque vous avez commencé à travailler

  9   pour M. Akashi ?

 10   R.  Oui. En Bosnie, je me bornais à travailler sur des questions liées à la

 11   Bosnie. Je rencontrais régulièrement avec M. Andreev, donc mon supérieur

 12   hiérarchique, nous rencontrions donc les responsables des différentes

 13   parties belligérantes, mais seulement les parties basées en Bosnie. Lorsque

 14   j'ai été muté à Zagreb en mai 1995, le 1er mai 1995, je suis devenu

 15   assistant spécial à M. Akashi, et en fait dans ce cas-là nous avions

 16   commencé à couvrir tout le territoire sur lequel était présent la FORPRONU,

 17   cela signifiait que cela s'étendait jusqu'à Zagreb et à Belgrade.

 18   Q.  Lorsque vous dites que vous rencontriez les responsables des

 19   différentes parties belligérantes, tout d'abord, en Bosnie, de qui

 20   s'agissait-il, qui étaient les interlocuteurs de M. Andreev durant ces

 21   réunions ?

 22   R.  Il s'agissait du président Izetbegovic, M. Silajdzic, M. Muratovic, M.

 23   Ganic, pour le gouvernement de Bosnie. Puis au niveau des Serbes de Bosnie,

 24   il y avait M. Andreev et moi-même aux réunions, habituellement le Dr

 25   Karadzic, M. Krajisnik, le Pr Koljevic, le général Mladic, le général

 26   Gvero, le général Tolimir. C'étaient nos principaux interlocuteurs, et il y

 27   avait également des interlocuteurs au niveau des Croates de Bosnie.

 28   Q.  Lorsque vous avez commencé à travailler pour M. Akashi, est-ce que vous


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  1   avez continué à rencontrer ces interlocuteurs tant au niveau des Bosno-

  2   Serbes que des Bosno-Musulmans ?

  3   R.  Oui, mais pas aussi fréquemment parce que j'étais basé à Zagreb plutôt

  4   qu'à Sarajevo. Par conséquent, je ne les rencontrais que lorsque M. Akashi

  5   sortait de Zagreb. Alors que de par le passé, les réunions étaient très

  6   fréquentes, elles étaient moins fréquentes lorsque je travaillais pour M.

  7   Akashi. Mais j'ai rencontré également le président Tudjman, le président

  8   Milosevic, ainsi que d'autres hauts responsables politiques.

  9   Q.  En plus des réunions que vous avez eues avec ces interlocuteurs divers,

 10   j'aimerais savoir quelles autres sources d'information vous aviez à votre

 11   disposition lorsque vous prépariez vos supérieurs aux réunions, lorsque

 12   vous établissiez vos analyses ou vos évaluations ? Qu'aviez-vous à votre

 13   disposition, et sur quoi vous basiez-vous ?

 14   R.  Mes supérieurs rencontraient fréquemment des responsables des Etats

 15   membres des Nations Unies, soit les ambassadeurs sur place, soit des

 16   ministres en visite dans la région. Il y avait souvent des visites de haut

 17   niveau des principaux Etats membres. Ces discussions étaient relativement

 18   politiques et ceci permettait de savoir quelle était la position de l'Etat

 19   membre et comment ils voyaient la résolution du conflit ainsi que le rôle

 20   des Nations Unies. De plus, nous avions un service à la FORPRONU à Sarajevo

 21   qui était à l'écoute des médias des différentes parties belligérantes, tout

 22   ceci était traduit, et ceci permettait d'avoir une évaluation ou une

 23   synthèse de ce qui était abordé dans les médias locaux puisque ceci était

 24   une source d'information très importante, factuelle, puisque ceci nous

 25   permettait de savoir ce qui se passait dans les différentes parties du

 26   pays, mais ils nous donnaient également une idée des objectifs politiques

 27   des différentes parties belligérantes, comment le conflit évoluait, quel

 28   était leur rôle, comment ils considéraient le rôle des autres parties


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  1   belligérantes dans le conflit. Nous parlions au quotidien de cette guerre,

  2   qu'elle était l'importance des différents événements, l'importance des

  3   différentes déclarations. On était baignés dans ces informations qui est

  4   des informations et des analyses qui provenaient de différentes sources. On

  5   parlait, bien sûr, aux populations locales que l'on avait appris à

  6   connaître, et au fur et à mesure, pas mal de personnes au sein de la

  7   FORPRONU ont compris de mieux en mieux ce qui se passait dans le pays.

  8   Q.  Est-ce que vos sources pouvaient également provenir d'autres

  9   organisations humanitaires, c'est-à-dire la Croix-Rouge, le HCR des Nations

 10   Unies ?

 11   R.  Oui. Le QG de la FORPRONU, c'est-à-dire la base avancée en Bosnie-

 12   Herzégovine, la base avancée du commandement de Bosnie-Herzégovine, qui

 13   était basé à Sarajevo, c'était en fait le QG pour la FORPRONU. Au départ,

 14   c'était le général Rose, et ensuite ça a été le général Smith ainsi que le

 15   responsable, c'est-à-dire M. Andreev. Il s'agissait en fait du centre

 16   [inaudible] pour Sarajevo. Nous recevions des visiteurs, qu'il s'agisse

 17   d'état-membre ou d'autres organisations des Nations Unies, tel que le CICR,

 18   les différents ONG, le HCR des Nations Unies, et on essayait toujours de

 19   voir ce qui se passait et on échangeait bien sûr nos informations. Si vous

 20   voulez, il s'agissait vraiment d'un carrefour de l'information. C'était

 21   probablement l'arrêt le plus important pour toute personne qui se rendait

 22   dans la ville. Par conséquent, on rencontrait toute une série de hauts

 23   responsables, tant civils que militaires, des responsables également de

 24   l'aide humanitaire, des responsables gouvernementaux. De cette manière, on

 25   pouvait prendre le pouls de ce qui se passait dans ces différentes

 26   organisations.

 27   Q.  Qu'en était-il des Unités de la FORPRONU sur le terrain ?

 28   R.  Nous recevions des rapports réguliers émanant des différents


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  1   commandements des secteurs qui devaient faire des rapports journaliers sur

  2   ce qui se passait sur le terrain et, bien sûr, le commandant du secteur se

  3   rendait à Sarajevo quelque soit la raison, pour des réunions, en général.

  4   Il s'entretenait également avec les dirigeants politiques ainsi que les

  5   dirigeants militaires.

  6   Nous avions également des réunions d'information quotidiennes, c'est-

  7   à-dire une réunion d'information le matin où vous aviez des rapports basés

  8   sur des rapports qui émanaient de différentes sources militaires, des

  9   unités militaires, ainsi que les observateurs militaires des Nations Unies

 10   et la police militaire. Ils faisaient des rapports à notre attention sur ce

 11   qui se passait et, de cette manière, nous pouvions ainsi profiter de ces

 12   rapports quotidiens qui permettaient de constituer une synthèse de ce qui

 13   s'était passé dans la journée.

 14   Q.  Nous allons passer à un autre sujet, c'est quelque chose que vous avez

 15   abordé dans votre déclaration écrite, à savoir la ville de Sarajevo.

 16   Dans votre déclaration écrite, au paragraphe 197, lorsque vous parlez de

 17   Sarajevo, je remarque que vous avez mentionné, je cite :

 18   "La tradition multiethnique de Sarajevo était contraire aux objectifs des

 19   dirigeants des Serbes de Bosnie."

 20   Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que vous pourriez préciser ceci ? Est-ce que vous pourriez nous

 23   expliquer, selon vous, quels étaient ses objectifs ?

 24   R.  D'après moi, les objectifs de guerre des Bosno-serbes étaient d'avoir

 25   le contrôle ou de définir les espaces territoriaux au sein desquels ils

 26   joueraient d'un contrôle politique total et au sein desquels les Serbes

 27   pourraient vivre de manière séparée par rapport aux Musulmans et aux

 28   Croates, et ce territoire comprendrait ceux où les Serbes avaient


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  1   traditionnellement vécus en Bosnie, même s'il y avait d'autres groupes

  2   ethniques qui vivaient également sur place, mais où il y avait une

  3   population serbe importante avant la guerre. Ils pensaient que ces

  4   territoires devraient être des territoires serbes et que ces territoires

  5   devraient être reliés les uns aux autres et ne devraient pas être séparés

  6   entre la Bosnie orientale et la Bosnie occidentale et, par conséquent, il

  7   fallait qu'il y ait un corridor suffisamment important qui relie -- dans le

  8   nord pour relier les deux parties. Ils voulaient un contrôle politique

  9   total.

 10   Q.  Merci. Toujours en ce qui concerne Sarajevo, un peu plus bas dans votre

 11   déclaration vous avez déclaré que :

 12   "Karadzic et Mladic avaient la possibilité de moduler le niveau de terreur

 13   qui était créé par les campagnes de bombardement des tireurs embusqués. Ils

 14   pouvaient améliorer les conditions, par exemple, en ouvrant l'aéroport, en

 15   permettant l'approvisionnement en eau et électricité, en arrêtant les

 16   bombardements, en arrêtant les tirs embusqués. Ils pouvaient, bien sûr,

 17   faire la situation s'empirer en restreignant ces différents

 18   approvisionnements. Les deux hommes ont fait montre de ces capacités en

 19   utilisant ces leviers dans les négociations."

 20   Je voudrais donc vous demander comment ils ont fait usage de ces leviers,

 21   c'est-à-dire en arrêtant les bombardements, en arrêtant les tirs embusqués,

 22   en fermant ou en ouvrant l'aéroport ? Comment utilisaient-ils ces leviers

 23   dans les négociations ?

 24   R.  Je crois qu'ils avaient trois groupes cibles : Tout d'abord, vous aviez

 25   la population civile de Sarajevo; deuxièmement, vous aviez la FORPRONU; et

 26   puis troisièmement vous aviez la communauté internationale en général. Ils

 27   essayaient d'influencer ces trois groupes de différentes manières. Le

 28   contrôle exercé par les Bosno-serbes sur Sarajevo, y compris sur


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  1   l'aéroport, leur permettait d'influencer ces trois groupes. Ils pouvaient,

  2   s'ils le souhaitaient, augmenter la cadence des tirs embusqués ou des tirs

  3   de mortier en direction de la ville ou, au contraire, réduire la cadence.

  4   Ils pouvaient également, s'ils le souhaitaient, très rapidement permettre

  5   plus d'accès à l'aide humanitaire vers la ville ou, au contraire,

  6   l'arrêter. Ils pouvaient également, s'ils le souhaitaient, très rapidement

  7   rendre l'accès plus facile à la FORPRONU vers la ville et à partir de la

  8   ville ou, au contraire, limiter cet accès. Il en va de même pour les

  9   organisations humanitaires.

 10   Etant donné qu'ils pouvaient, si vous voulez, moduler, réduire

 11   légèrement ou augmenter légèrement ces possibilités, ils étaient en mesure

 12   de créer cet effet de levier et d'avoir une influence sur nous, c'est-à-

 13   dire que lorsqu'ils bloquaient l'accès à l'aide humanitaire ou lorsqu'ils

 14   empêchaient la FORPRONU d'entrer dans la ville ou de quitter la ville, ceci

 15   mettait la pression sur nous et ceci signifiait que nous devions négocier

 16   et que l'on devait en fait obliger les différentes parties à prendre des

 17   décisions, et ils utilisaient ceci comme effet de levier dans les

 18   négociations. Cela signifie qu'ils pouvaient faire la pression sur la

 19   FORPRONU, c'est-à-dire que la FORPRONU devait en fait demander accès ou

 20   demander à ce que l'aide humanitaire puisse arriver. Cela signifie que,

 21   d'une certaine manière, la population de la ville était prise en otage. Ils

 22   pouvaient également faire pression sur les membres du Conseil de sécurité,

 23   de manière générale; également, la communauté internationale, mais plus

 24   particulièrement, les membres du Conseil de sécurité, qui ne voulaient pas

 25   s'impliquer plus avant dans une guerre en Bosnie. Si les Serbes - enfin

 26   j'entends les Bosno-serbes - menaçaient d'un conflit si l'on ne changeait

 27   pas de comportement, je pense que ceci avait influencé les différentes

 28   décisions ou le processus décisionnel de certains membres du Conseil de


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  1   sécurité ou membres du Groupe de Contact.

  2   Q.  Merci. Venons-en à des exemples. Vous avez mentionné l'aéroport comme

  3   étant un de ces exemples. Vous avez également mentionné ceci dans le

  4   paragraphe 66 de votre déclaration écrite. J'aimerais savoir comment ils

  5   étaient en mesure de contrôler l'aéroport.

  6   R.  Ils pouvaient en fait fermer l'aéroport quand ils le souhaitaient,

  7   parce qu'ils disaient : Nous ne pouvons pas garantir la sécurité et la

  8   sûreté des avions qui arrivent ou qui partent de l'aéroport, et cela

  9   signifiait pour ainsi dire que les avions étaient en danger et qu'ils

 10   pouvaient donc être pris à partie, et sans ces garanties de sécurité, ces

 11   vols ne pouvaient donc pas opérer. Il y a eu des exemples où des aéronefs

 12   ont été pris à partie, nos avions ont été également touchés par des tirs,

 13   et dans ces conditions, les avions ne pouvaient pas décoller ni atterrir,

 14   ou il y avait certaines limites qui étaient appliquées, par exemple, seul

 15   le personnel des Nations Unies pouvaient prendre un avion ou arriver en

 16   avion ou seuls les civils qui travaillaient pour les Nations Unies

 17   pouvaient prendre des avions. Ça dépendait de la situation. Ils avaient

 18   différents types de restriction qui étaient appliqués. Ils avaient du

 19   personnel militaire à l'aéroport qui pouvaient réaliser des inspections sur

 20   les aéronefs présents, et ils pouvaient vérifier également les cargaisons

 21   de ces avions et ils pouvaient également arrêter le fonctionnement, s'ils

 22   le souhaitaient.

 23   Q.  Dans le paragraphe 200, vous avez dit que Karadzic et Mladic étaient

 24   les deux principales instances ou personnes qui avaient le pouvoir

 25   décisionnel; comment est-ce que vous êtes arrivé à cette conclusion ?

 26   R.  Le Dr Karadzic était le dirigeant des Bosno-serbes et, selon moi, c'est

 27   lui qui avait l'autorité ultime pour prendre des décisions sur toutes les

 28   questions importantes, les questions stratégiques, les questions


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  1   importantes. Bien sûr, il y avait beaucoup de petites décisions qui

  2   n'arrivaient pas à ses oreilles, mais sur les questions importantes, c'est

  3   là où il avait le pouvoir. Dans le cas du général Mladic, c'était le

  4   responsable, le chef de l'armée des Serbes de Bosnie, le chef des

  5   structures militaires des Bosno-serbes, et par conséquent, c'est lui qui

  6   prenait des décisions sur les aspects militaires les plus importants. Le

  7   généralement Mladic ne s'impliquait pas, bien sûr, dans les affaires

  8   civiles, c'était l'instance militaire principale. Mais avec le Dr Karadzic,

  9   en tant que commandant suprême, il avait -- qui lui avait un rôle tant au

 10   niveau civil qu'au niveau militaire. Si l'on n'arrivait pas à une solution

 11   avec le Pr Koljevic sur des aspects humanitaires, ou sur l'accès à

 12   l'aéroport, ou avec M. Krajisnik ou avec le général Tolimir, dans ce cas-

 13   là, on demandait à la chaîne de commandement d'atteindre ou de contacter le

 14   Dr Karadzic ou le général Mladic pour que ceci soit résolu.

 15   Q.  Je crois que c'est peut-être le bon moment pour passer à de document

 16   qui est mentionné dans votre déclaration écrite; il s'agit du document de

 17   la liste 65 ter 11172. C'est un extrait de votre carnet concernant des

 18   événements qui ont eu lieu le 24 avril 1995.

 19   Est-ce que vous voyez cela sur votre écran, Monsieur Banbury ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Alors lorsqu'il s'agit de carnet de notes manuscrites ça se trouve

 22   parmi les pièces auxiliaires de votre déclaration, est-ce que vous pouvez

 23   nous dire quelle était votre pratique pour ce qui est de la prise des notes

 24   ? Est-ce que ces notes étaient complètes ou pas ?

 25   R.  Je me suis efforcé de prendre des notes non pas mot pour mot, mais de

 26   noter de la façon la plus rapprochée possible ce qui se passait. Donc

 27   j'essayais de marquer au mot à mot les choses cruciales, et je me suis

 28   efforcé de noter le plus possible de choses au sujet de la réunion, ou de


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  1   l'événement, j'évitais les formules de courtoisie, je me suis centré sur la

  2   substance de ce qui était dit pour avoir donc la signification ou alors je

  3   notais des citations au mot à mot, c'était donc assez complet.

  4   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez vous pencher sur cet extrait. Il y a deux

  5   pages relatives aux événements du 28 avril, et peut-être pourriez-vous

  6   placer ceci dans le contexte pour nous ? Que se passait-il donc à Sarajevo

  7   et autour de Sarajevo à l'époque ? A cette date du 24 avril. J'ai voulu

  8   dire 24, et non pas 28.

  9   R.  Il y a eu une cessation des hostilités qui découlaient d'un accord

 10   signé au mois de décembre 1994, décembre 1994/janvier 1995. Ça a été signé

 11   par les Serbes de Bosnie et le gouvernement bosnien suite aux efforts de

 12   paix de médiation investis par le président Carter en décembre 1994, donc

 13   il y a eu une cessation des hostilités suite à cet accord, appelé COHA. En

 14   substance des parties s'en sont tenues à l'accord de cessation des

 15   hostilités en janvier 1995, l'ambiance était bonne à Sarajevo, et cela

 16   signifiait qu'on pouvait entamer des négociations de paix global et cela

 17   voulait dire que la situation s'était apaisée sur le terrain et qu'on

 18   allait faire avancer des négociations de paix. Ce qui fait que cet accord

 19   COHA a réalisé une amélioration de la situation sur le terrain en janvier,

 20   et en grande partie en février, c'était le cas.

 21   La situation s'est détériorée toutefois au mois de mars, les négociations

 22   de paix étaient censées progresser, mais ça n'a pas été le cas. En avril

 23   1995, on a compris que ces pourparlers en matière d'aboutissement à la paix

 24   n'allaient aboutir à rien. Le préalable, c'était donc cet accord de

 25   cessation des hostilités mais la chose ne marchait plus, cela n'était plus

 26   réalisable, et cela fait que les deux parties se sont tournées vers des

 27   objectifs militaires, et moyens militaires, et en résultant de la situation

 28   en avril 1995, c'était détériorée de façon très rapide et c'était bien pire


Page 13315

  1   que cela n'avait été le cas au mois de janvier.

  2   Mme EDGERTON : [interprétation] Penchons-nous maintenant sur la page 2 de

  3   cet extrait, s'il vous plaît, et j'aimerais qu'on nous zoome quelque peu.

  4   Merci.

  5   Q.  Alors en moitié de page et plus vers le bas, on voit qu'il est fait

  6   référence au Dr Karadzic, et il y a une inscription disant :

  7   "Karadzic à VOA."

  8   Est-ce que vous voyez cela ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Est-ce que vous pouvez, tout d'abord, commencer par nous dire ce que ça

 11   veut dire "VOA" ?

 12   R.  Ça veut dire "Voice of America," "La voix de l'Amérique.

 13   Q.  Alors comme c'est dans votre écriture, vous serez mieux à même de nous

 14   interpréter les choses que les autres; est-ce que vous pouvez nous donner

 15   lecture du passage qui suit ?

 16   R.  Il est dit :

 17   "La communauté internationale doit accepter les plans de Serbes pour la

 18   paix; sinon, l'armée des Serbes de Bosnie allait envahir Sarajevo. Le Dr

 19   Karadzic a également dit qu'il avait fermé l'aéroport de Sarajevo pendant

 20   le week-end pour bien montrer au reste du monde qui est-ce qui contrôlait

 21   l'aéroport."

 22   Q.  Alors dites-nous : est-ce que cela est cohérent avec la situation qui

 23   se présentait du point de vue du contrôle exercé vis-à-vis de l'aéroport et

 24   dont il a question ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de la situation qui a conduit à la

 27   fermeture de cet aéroport du fait de la décision prise par le Dr Karadzic ?

 28   R.  Je crois qu'il y a eu une détérioration générale de la situation en


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  1   ville, et comme je l'ai précisé, les parties en présence étaient plutôt à

  2   la poursuite de leurs objectifs par des moyens militaires. Je ne me

  3   souviens pas de la survenue d'un incident concret qui aurait donné lieu à

  4   tout ceci. Il se peut qu'il y en ait eu.

  5   Q.  Merci.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que ceci soit versé au dossier

  7   comme pièce de l'Accusation, pièce à charge.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2452, Madame, Messieurs

 10   les Juges.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  Je voudrais maintenant que nous nous penchions sur le paragraphe 32 de

 13   votre déclaration écrite, où il est question de tir de tireurs embusqués.

 14   Mais avant que de le faire plus en détail, je voudrais vous demander si

 15   vous avez, en personne, vu les victimes de tir de tireurs embusqués pendant

 16   que vous étiez à Sarajevo.

 17   R.  Oui, j'ai vu une victime de tir de tireurs embusqués à Sarajevo.

 18   Q.  Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez vu ?

 19   R.  Il s'est agi assez âgé qui a été tuée par des tirs de tireurs embusqués

 20   dans le secteur de l'hôtel Holiday Inn.

 21   Q.  Merci. Au paragraphe 32 de votre déclaration, dans la dernière des

 22   lignes il y a une phrase assez longue qui dit :

 23   "L'argument disant que les soldats, y compris les soldats qui ne sont pas

 24   de service, s'étaient mêlés à la population et que c'est la raison pour

 25   laquelle les tirs de tireurs embusqués étaient justifiés, parce qu'il était

 26   considéré que ces civils, y compris femmes, enfants et personnes âgées, se

 27   faisaient victimes régulières de ces tirs de tireurs embusqués."

 28   S'agissant de ce passage, est-ce que vous pouvez nous apporter des


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  1   explications -- des clarifications ? Est-ce que vous voulez dire qu'à

  2   Sarajevo, il n'y avait pas de cibles militaires du tout ?

  3   R.  Non, je ne veux pas laisser entendre qu'à Sarajevo il n'y a pas eu de

  4   cibles militaires. Ce que j'ai voulu dire par là c'est que la majeure

  5   partie des victimes de ces tirs de tireurs isolés à Sarajevo était des

  6   civils, et que les tirs des tireurs embusqués ce ne sont pas des tirs

  7   arbitraires comme cela peut être le cas des mortiers, parce que le mortier

  8   ne fait pas de discernement. Mais quand on tire avec un fusil à lunette, on

  9   cible un individu, et les victimes de ces tirs de tireurs embusqués c'était

 10   une routine que de voir que les victimes étaient des civils à Sarajevo.

 11   Q.  Merci. Je voudrais que nous nous tournions maintenant vers un autre

 12   secteur qui est mentionné à plusieurs -- un autre domaine de questions qui

 13   est mentionné à plusieurs reprises dans votre déclaration, c'est la liberté

 14   de mouvement pour les Nations Unies et pour les organisations humanitaires

 15   pour ce qui est des territoires tenus par les Serbes de Bosnie.

 16   Je veux vous demander ce qui suit : Est-ce qu'il y a eu des secteurs en

 17   Bosnie, pour autant que vous vous en souveniez, qui étaient en particulier

 18   dépendants des fournitures d'aide par les soins des Nations Unies ?

 19   R.  Absolument. Un grand nombre de civils tout au large de la Bosnie

 20   étaient en grande partie ou tout à fait appuyés, dépendants de cette

 21   assistance humanitaire de la part des Nations Unies et des ONG pour leur

 22   survie. Ce qui fait que la population, dans son ensemble, ou en grande

 23   partie se fiait sur l'aide que nous apportions pour survivre. Il y a eu des

 24   parties du pays où notre capabilité [phon] de fournir cette aide dépendait

 25   de l'accord des Serbes pour ce qui est de continuer à approvisionner ces

 26   gens.

 27   Q.  Quelles étaient les parties du territoire en question ?

 28   R.  C'étaient les enclaves est, Srebrenica, Gorazde et Zepa. Sarajevo était


Page 13318

  1   en grande partie dépendante de notre aide - pas tout à fait, mais en grande

  2   partie - et Bihac en dépendait aussi. Il y avait d'autres groupes auxquels

  3   il nous fallait parvenir, chose qui nécessitait une coopération pour

  4   faciliter les approvisionnements. Il y avait différentes routes pour ce qui

  5   était d'aller à Bihac, mais l'une des routes était dépendante ou était

  6   soumise au bon vouloir des Serbes de Bosnie.

  7   Q.  Est-ce que les Nations Unies avaient disposé d'une liberté de mouvement

  8   au sujet des secteurs que vous venez de nous énumérer ?

  9   R.  Sur un plan légal, oui. Il y avait des résolutions du Conseil de

 10   sécurité autorisant la FORPRONU et lui fournissant le mandat de le faire,

 11   la chose était claire. Donc ceci constituait une obligation pour la

 12   totalité des parties au conflit, mais je ne peux pas dire que nous ayons

 13   bénéficié d'une véritable liberté de mouvement.

 14   Q.  Pourquoi pas ?

 15   R.  Dans le cas des enclaves de l'est, par exemple, les Serbes de Bosnie

 16   ont imposé toute une série de restrictions à notre égard. Ils ont déterminé

 17   le niveau d'accès que nous pouvions avoir et ce niveau-là, comme je l'ai

 18   indiqué, variait. Parfois, les restrictions étaient moins importantes, nous

 19   avions pu accéder donc au secteur pour apporter de l'aide humanitaire à la

 20   population, et lorsque nous avions été plus capables de le faire, nous

 21   réalisions notre mission avec succès, mais il y a eu beaucoup de cas de

 22   figure où notre liberté de mouvement s'était vue grandement limitée, et il

 23   en allait de même pour ce qui est de notre possibilité de réaliser notre

 24   mandat, si ce n'est tout à fait réduit au minimum.

 25   Q.  Alors ces variations dépendaient-elles de quelque chose de particulier

 26   ? Comment en venait-on à cela ?

 27   R.  Cela dépendait intégralement de la position prise par la direction des

 28   Serbes de Bosnie à Pale; ce sont eux qui imposaient différents types de


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  1   restrictions pour des raisons variées. Il y a eu un lien d'établi entre

  2   leur bonne volonté pour ce qui était de garantir l'accès avec différentes

  3   questions, et très souvent, il n'y avait pas de lien tout à fait logique ou

  4   raisonnable. Ils se servaient de notre mission de fournir de l'aide

  5   humanitaire à ces gens qui dépendaient de nous avec le réapprovisionnement

  6   de nos soldats, les relèves de nos soldats, et c'était absolument

  7   indispensable pour la FORPRONU. Etant donné que c'étaient des gens qui

  8   étaient censés contrôler, étant donné qu'ils contrôlaient le tout, ils

  9   avaient un levier se rapportant à ce que nous faisions. Ils établissaient

 10   un lien entre ceci et la liberté de déplacement, les accès aux enclaves, et

 11   cetera.

 12   Q.  Penchons-nous sur certains autres documents, puisque vous avez évoqué

 13   les points en question.

 14   A ce sujet, je voudrais qu'on nous montre le 10628 du 65 ter, et c'est un

 15   rapport daté du 15 décembre 1994 qui se rapporte à une réunion avec les

 16   autorités des Serbes de Bosnie au sujet de la liberté de déplacement de la

 17   FORPRONU.

 18   Voyez-vous ce document sur votre écran ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous êtes indiqué comme étant l'auteur du document ?

 21   R.  En effet.

 22   Q.  Vous avez été présent à la réunion, puis il y a eu le chef d'état-major

 23   du commandement pour la Bosnie, le général Brinkman, puis le lieutenant-

 24   colonel Daniell, le chef du département D3, puis le général Tolimir, le

 25   commandant Indic.

 26   Je vous renvoie vers la page 3 de ce document, paragraphe 5, celui-ci fera

 27   l'objet de ma question.

 28   Ici nous pouvons voir que l'on parle de progrès en matière de liberté de


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  1   mouvement, et le document dit :

  2   "La disponibilité de Tolimir, pour ce qui était de faire des progrès en

  3   matière de liberté de mouvement, est sans aucun doute liée à la tentative

  4   du Dr Karadzic de faire en sorte que le président Carter soit impliqué dans

  5   ce processus de paix. Notre liberté de mouvement a été une fois de plus

  6   utilisée par les Serbes de Bosnie en tant que partie intégrante de leurs

  7   astuces politiques, et cette fois-ci ça se passait à notre avantage."

  8   Alors est-ce que ceci est tout à fait cohérent avec la situation telle que

  9   vous l'avez décrite ?

 10   R.  Oui, absolument, et c'est un bon exemple.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais que cette pièce soit marquée

 12   comme étant une pièce à charge de l'Accusation, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2453, Madame, Messieurs

 15   les Juges.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation]

 17   Q.  Dans votre déclaration, vous avez commenté ce document à la fin du

 18   paragraphe 95, et vous avez dit :

 19   "Ceci constitue un exemple de plus pour ce qui est de la façon dont

 20   Karadzic pouvait tourner le bouton de la pression dans un sens ou dans

 21   l'autre comme ça lui plaisait."

 22   Alors pouvez-vous nous dire de quelle façon vous pouvez attribuer ce type

 23   de contrôle au Dr Karadzic s'agissant de cette liberté de mouvement ?

 24   R.  La réunion en question s'est tenue à un moment fort important. Il y a

 25   eu des combats et une crise à Bihac au mois de novembre, et ce, juste avant

 26   l'arrivée du président Carter. Il me semble que les autorités du

 27   gouvernement de Bosnie étaient très préoccupées parce qu'elles

 28   considéraient que cette mission du président Carter était fort importante


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  1   et ils pensaient qu'ils allaient être exposés à des pressions et qu'ils

  2   seraient obligés d'accepter ce qu'ils ne voulaient pas accepter. Je crois

  3   que les Serbes de Bosnie ou les autorités des Serbes de Bosnie voulaient --

  4   ou comptaient sur la mission du président Carter pour aboutir à ce qu'ils

  5   voulaient réaliser.

  6   Alors suite à ces combats à Bihac, il y a eu frappes aériennes de

  7   l'OTAN, et les autorités des Serbes de Bosnie avaient eu une stratégie qui

  8   était bonne ou intelligente, de leur avis, pour utiliser -- pour voir la

  9   FORPRONU, en combinaison avec l'OTAN, utiliser des frappes aériennes. Le

 10   prix à payer était très élevé, parce qu'ils nous limitaient notre liberté

 11   de mouvement, ils fermaient l'aéroport, ou ils stoppaient les arrivées de

 12   l'aide humanitaire vers les enclaves. Donc, en résultante, ils finissaient

 13   par être en position de supériorité stratégique par rapport à la FORPRONU

 14   suite à l'utilisation ou recours à la force par la FORPRONU, voire par

 15   l'OTAN. Ils étaient tout à fait disposés à aller au-delà en matière

 16   d'escalade, et c'est du fait de ces stratégies qu'ils avaient utilisées

 17   qu'il y a eu bien des hésitations pour ce qui est du recours à la force, et

 18   la stratégie était tout à fait efficace.

 19   Ceci s'est produit -- enfin, l'incident de Bihac s'est produit en

 20   1995, juste avant la réunion, donc nous avons dû faire face à toutes sortes

 21   de restrictions pour ce qui est de la fourniture de l'aide humanitaire,

 22   pour ce qui est de notre liberté de mouvement. Nous avions protesté, bien

 23   entendu. Nous sommes allés à Pale, nous avions demandé à ce que ces

 24   restrictions soient levées. Nous avons été donc les victimes au final de ce

 25   recours à la force, et les Serbes étaient tout à fait à même de refuser

 26   tout ce que nous avions demandé.

 27   Puis, il y a eu la mission du président Carter, et je crois avoir

 28   compris que les autorités des Serbes de Bosnie avaient été placées sous des


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  1   pressions de la part du président Carter dès qu'il est arrivé. Il leur a --

  2   enfin, il a demandé à ce qu'on se penche sur les questions en souffrance

  3   parce qu'on ne pouvait pas trouver de justificatifs du point de vue des

  4   restrictions imposées aux fournitures d'aide humanitaire de la part des

  5   forces de maintien de la paix des Nations Unies. Ensuite il y a eu décision

  6   politique prise au sommet de l'autorité à Pale, décision tout à fait

  7   rationnelle - enfin, j'hésite à utiliser le mot mais c'était le mot qui

  8   était utilisé, le terme était celui de "concession" - et les autorités des

  9   Serbes de Bosnie ont donc décidé de nous permettre une plus grande liberté

 10   de déplacement, une reprise des approvisionnements en aide humanitaire.

 11   Ceci visait à faire comprendre que c'était une partie tout à fait

 12   raisonnable et que ce n'était pas eux qui imposaient des restrictions à

 13   l'égard de la FORPRONU. C'était une décision politique tout à fait

 14   stratégique, et je ne pense pas qu'elle ait pu être prise par qui que ce

 15   soit d'autre si ce n'est le Dr Karadzic.

 16   Q.  Vous avez déjà abordé à plusieurs reprises le sujet de la

 17   limitation de la liberté de mouvement, chose qui n'a pas manqué de se

 18   répercuter sur la réalisation des missions de la FORPRONU en Bosnie-

 19   Herzégovine. Est-ce que vous vous souvenez si cela avait été le cas aussi

 20   au sujet de ces enclaves à l'est, là où la FORPRONU était stationnée ?

 21   R.  Ces enclaves étaient le point le plus vulnérable du point de vue des

 22   restrictions de la liberté de mouvement et ces limitations se rapportaient,

 23   dans une certaine mesure, au sujet de Sarajevo, mais c'est surtout au

 24   niveau de ces enclaves à l'est que cela s'était répercuté.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Peut-être pourrions-nous voir un autre

 26   document, le 65 ter 09686 ?

 27   Q.  Il s'agit d'un rapport daté du 19 novembre 1994, rapport que vous avez

 28   rédigé au sujet d'une réunion entre les représentants militaires de la


Page 13323

  1   FORPRONU avec le Dr Karadzic, M. Krajisnik et le général Tolimir. Certaines

  2   autres personnes avaient été présentes aussi. Je remarque vers la fin du

  3   paragraphe numéro 1 que l'un des sujets principaux des conversations était

  4   l'épuisement des réserves de carburant et de denrées alimentaires pour ce

  5   qui est des troupes de la FORPRONU dans les enclaves de l'est. Est-ce que

  6   ceci est une résultante des restrictions dont nous avons parlé tout à

  7   l'heure ?

  8   R.  Oui, absolument.

  9   Q.  Penchons-nous maintenant sur le paragraphe 5 de ce document, et si je

 10   m'en souviens bien, ça se trouve en page suivante de la version anglaise.

 11   Ça commence au paragraphe 5, c'est-à-dire à la page suivante, au bas de

 12   cette page. On voit que le Dr Karadzic aurait autorisé l'approvisionnement

 13   en denrées alimentaires et carburant de la FORPRONU pour ses besoins d'une

 14   semaine au sein des enclaves. Il y est dit que les requêtes de la FORPRONU

 15   allaient être examinées par l'état-major de l'armée des Serbes de Bosnie

 16   une fois que ces requêtes se verraient véhiculées par les soins du

 17   commandement de la Bosnie-Herzégovine, et on y voit l'inscription "demain."

 18   Alors en page 3, on voit que le Dr Karadzic a signé un accord avec le

 19   représentant spécial du secrétaire général de la FORPRONU -- du secrétaire

 20   général au sujet de ces stocks de la FORPRONU dans les enclaves. Le Dr

 21   Karadzic a continué à dire que l'accord était tout à fait conforme avec --

 22   ou tout à fait, en fonction des parts des forces bosniennes de cette zone

 23   démilitarisée.

 24   Est-ce que vous êtes au courant de la situation ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Pouvez-vous commenter les dires du Dr Karadzic disant que les requêtes

 27   de la FORPRONU allaient être -- allaient faire l'objet d'une décision de ce

 28   QG de l'armée des Serbes de Bosnie ?


Page 13324

  1   R.  C'était l'une des modalités suivant lesquelles les autorités des Serbes

  2   de Bosnie modulaient, voire contrôlaient nos activités au sein des enclaves

  3   de l'est. Il n'a jamais été juste question de savoir si le convoi allait

  4   pouvoir passer ou pas. Il fallait savoir qu'elle était la taille du convoi,

  5   combien de camions, ce qui avait à bord. Il fallait, à chaque fois, que

  6   nous fournissions des informations détaillées pour le passage de tout

  7   convoi, et nous indiquions la composition de ce convoi, et alors ils

  8   pouvaient mettre à profit ces informations de deux façons essentielles.

  9   L'une de ces façons c'était de pouvoir contrôler ce qui allait passer -

 10   armes des Nations Unies, moyens de transmission des Nations Unies,

 11   carburant transférés vers les enclaves - et ceci leur permettait de limiter

 12   nos potentiels opérationnels au sein des enclaves.

 13   La deuxième façon de procéder c'était les faire disposer d'un moyen

 14   bureaucratique assez commode pour ce qui était du blocage des convois. Par

 15   exemple, si on avait dit qu'on avait 13 camions avec des plaques

 16   d'immatriculation et qu'il y en avait un qui n'avait pas la plaque

 17   d'immatriculation appropriée, on renvoyait -- on constatait la chose et on

 18   renvoyait le convoi en entier. Donc c'était une façon bureaucratique, non

 19   pas pour être bureaucrate mais c'était pour prévenir ou limiter l'accès à

 20   ces enclaves. Ils voulaient mettre à profit, donc, ces questions

 21   bureaucratiques pour limiter ou prévenir nos possibilités d'accès.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Alors pour ce qui est de ces limitations

 23   des potentiels opérationnels de la FORPRONU dans les enclaves, je voudrais

 24   que nous passions -- excusez-moi, il faut d'abord que je demande le

 25   versement au dossier de cette pièce.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 2454, Madame,

 28   Messieurs les Juges.


Page 13325

  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais retrouver le fil de ma pensée.

  2   J'étais en train de parler du sujet relatif à cette limitation des

  3   activités de la FORPRONU au sein des enclaves, et à ce sujet, je voudrais

  4   que nous nous penchions sur un autre document de la liste 65 ter, à savoir

  5   le 10015. Ça nous fait sauter à la date du 11 mars 1995. Le document en

  6   question est un rapport de situation hebdomadaire.

  7   Q.  Pouvez-vous nous dire d'abord si vous avez le document devant vous ?

  8   R.  Oui, en effet.

  9   Q.  Alors pour commencer, pouvez-vous nous dire de quel type de document il

 10   s'agit ? Ce rapport de situation hebdomadaire, comment était-ce compilé et

 11   quelles étaient les informations que l'on y reprenait pour l'essentiel ?

 12   R.  Ces rapports hebdomadaires étaient devenus des documents très

 13   importants. En réalité, c'était rédigé par deux personnes, moi-même, voire

 14   un collègue à moi, et je crois que c'était devenu des documents qui étaient

 15   influents parce que bon nombre de personnes les demandaient. Ils étaient

 16   grandement distribués, et ce, notamment parce que ceux-ci comportaient des

 17   informations factuelles au sujet des événements qui se produisaient tant

 18   sur le plan militaire que politique. Ils englobaient de même des analyses

 19   avancées par des représentants officiels hauts gradés de la FORPRONU en

 20   Bosnie. Je ne veux pas me créditer uniquement de la chose, il y a bien des

 21   gens qui ont du mérite pour ce qui est d'avoir rédigé ce type

 22   d'information, et ces documents étaient considérés comme étant et faisant

 23   autorité puisqu'il y avait une analyse factuelle de ce qui se passait sur

 24   le terrain.

 25   Q.  Est-ce que vous les établissiez partant des sources que vous avez

 26   évoquées au tout début de votre témoignage d'aujourd'hui ?

 27   R.  Oui, cela se basait sur toutes sources d'information que nous avions à

 28   notre disposition. Il y avait les rapports au sein de la chaîne de


Page 13326

  1   commandement de la FORPRONU, puis il y avait les affaires civiles et les

  2   officiers des affaires civiles étaient répartis dans toutes les parties du

  3   pays. Ils avaient des contacts avec les maires, avec les personnes

  4   déplacées, avec les observateurs militaires. Ils allaient à des réunions

  5   politiques. Ils allaient à des réunions avec les représentants de l'Etat

  6   puis de la presse, et les officiels des autorités, les ONG, et cetera.

  7   Q.  Merci. Je voudrais que nous nous penchions sur la page 3, paragraphe 7

  8   et nous allons nous référer encore à la liberté de mouvement. Paragraphe 7,

  9   au bas de la page.

 10   Nous lisons dans ce paragraphe, je cite :

 11   "Des restrictions sévères imposées sur la liberté de déplacement de la

 12   FORPRONU par les Bosno-serbes incluent une capacité réduite à livrer des

 13   fournitures aux cinq enclaves et notamment à Sarajevo. En conséquence,

 14   notre capacité à remplir notre mandat et nos responsabilités est limitée."

 15   Plus loin, la dernière phrase, nous lisons ce qui suit, je cite :

 16   "L'intention de plus en plus claire de l'armée bosno-serbe semble consister

 17   à autoriser la livraison de fournitures aux enclaves nécessaires à notre

 18   survie, mais pas les livraisons nécessités pour nous permettre de

 19   fonctionner."

 20   Alors, d'abord, comme vous le dites dans votre déclaration écrite, la

 21   limitation de la capacité opérationnelle dans l'enclave, est-ce qu'elle

 22   correspond à ce que nous venons de discuter ?

 23   R.  Oui, absolument.

 24   Q.  Est-ce que vous pourriez commenter plus avant ce que vous avez décrit

 25   comme étant une intention claire de la part de l'armée bosno-serbe de ne

 26   laisser entrer que les fournitures nécessaires à la survie des personnes

 27   dans l'enclave ?

 28   R.  Les Bosno-serbes avaient un contrôle total sur ce qui était transporté


Page 13327

  1   dans les convois des Nations Unies, et plus particulièrement de la

  2   FORPRONU, et du HCR. Ce sont les Bosno-serbes qui décidaient. Nous pouvions

  3   proposer des demandes, comme nous l'avons fait, à de très, très nombreuses

  4   reprises, et à de très, très, nombreuses reprises, nos demandes ont été

  5   rejetées et ils n'ont laissé entrer que ce qu'ils voulaient laisser entrer,

  6   mais n'ont pas laissé entrer dans bien des cas. Un certain nombre de

  7   livraisons, cela se passait dans des périodes de temps différentes. Pendant

  8   un certain temps, ils ne laissaient pas entrer un certain nombre de

  9   produits pour lesquels nous demandions l'entrée dans l'enclave, ils

 10   n'autorisaient donc pas les approvisionnements que nous considérions comme

 11   nécessaires pour nous permettre de mener à bien les opérations relevant de

 12   notre mandat. Les résolutions du Conseil de sécurité ont établi clairement

 13   non seulement quelles étaient les responsabilités relevant de notre mandat,

 14   mais également que nous avions droit à la liberté de circulation, et que

 15   nous avions le droit d'aller où nous voulions librement des les enclaves.

 16   Les Bosno-serbes, malheureusement, n'ont pas respecté cela, et en raison de

 17   ce non-respect, nos troupes dans les enclaves de l'est se sont trouvées

 18   très souvent démunies en matériel, et en équipement nécessaire, pour mener

 19   à bien leurs opérations. Pour dire les choses clairement, je parle de

 20   carburant qui est un très bon exemple de produit nécessaire. Ils n'avaient

 21   pas suffisamment de carburant pour mener à bien les patrouilles. Comme cela

 22   est dit dans ce paragraphe, les Bosno-serbes voulaient nous permettre

 23   uniquement de survivre, mais pas de fonctionner. En limitant les

 24   approvisionnements, de façon très importante, ils réussissaient à atteindre

 25   leur objectif.

 26   Q.  Savez-vous si finalement ceci a eu un effet sur les forces de la

 27   FORPRONU présentes dans les enclaves à l'été de 1995 ?

 28   R.  Absolument, cela a eu un effet sur les forces de la FORPRONU, et sur


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  1   nos capacités à l'intérieur des enclaves -- des trois enclaves, mais

  2   notamment à Srebrenica et à Zepa. Ceci a eu lieu un effet opérationnel, du

  3   point de vue du matériel, et des équipements, du carburant, des vivres, des

  4   rations de vivres fraîches par opposition aux vivres en conserve, et

  5   cetera, des voies de communication, des évacuations médicales, et cetera.

  6   Ils nous ont souvent imposé des restrictions sur notre capacité à évacuer

  7   notre personnel pour des raisons médicales. Donc ceci a eu lieu un effet

  8   opérationnel sur nos capacités qui a été très négatif.

  9   Ceci a également eu un impact psychologique important sur nos troupes dans

 10   les enclaves, sur leurs commandants, qui dépendaient tellement des Bosno-

 11   serbes pour leur survie qu'ils ont commencé à refuser de faire quoi que ce

 12   soit qui risquait de gêner les Bosno-serbes par crainte de voir des

 13   restrictions supplémentaires imposées à leur fonctionnement. Ils voulaient

 14   se faire accepter par les Bosno-serbes de façon à ce que ces derniers

 15   puissent autoriser du carburant, ou du courrier, ou des vivres à entrer

 16   dans les enclaves. Entre-temps, parce que les Bosno-serbes liaient toujours

 17   ces restrictions à un prétendu comportement inadapté du gouvernement

 18   bosniaque ou de ces forces à l'intérieur des enclaves, donc le fait qu'il y

 19   avait là des soldats de l'armée bosnienne, les Bosno-serbes finalement

 20   envoyaient à la FORPRONU un message clair, et ils l'envoyaient en

 21   particulier aux commandants de la FORPRONU sur le terrain, qui consistait à

 22   dire, Vous êtes soumis à ces restrictions parce que l'armée bosnienne, le

 23   gouvernement bosnien, a fait quelque chose de répréhensible. Faites-en

 24   sorte que l'armée et le gouvernement bosnien cessent de faire ce qu'ils

 25   sont en train de faire. Les choses s'arrangeront pour vous. Donc cela

 26   plaçait nos forces et nos commandants sur le terrain, dans une situation

 27   psychologique de dépendance par rapport aux Bosno-serbes, qui souhaitaient

 28   se faire accepter par eux, et dans le but que quelqu'un les aide, et ils


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  1   voyaient dans le gouvernement bosnien et dans les forces bosniennes

  2   présentes dans les enclaves une source de problème pour eux, de difficulté

  3   situations pour eux. C'était en raison du mauvais comportement des troupes

  4   et du gouvernement bosnien que les forces de la FORPRONU ne pouvaient ni

  5   manger ni recevoir suffisamment de carburant ou d'autres produits. Donc la

  6   situation était particulièrement détestable.

  7   Q.  Je vous remercie. Avant de laisser de côté ce document, j'aimerais que

  8   nous passions du paragraphe 7 au paragraphe 9, qui revient sur le sujet de

  9   Sarajevo.

 10   Au paragraphe 9, vous parlez du fait que les tirs embusqués ont

 11   continué à représenter un problème cette semaine-là, et vous discutez un

 12   certain nombre d'incidents liés à des tirs embusqués. Au deux tiers de ce

 13   paragraphe, vous faites remarquer que pendant une réunion avec le

 14   commandant général Smith, avec le général Mladic, ce dernier a dit que :

 15   "L'augmentation des tirs embusqués par l'armée des Bosno-Serbes dans

 16   le secteur de Sarajevo était une réaction aux victimes que les Serbes

 17   avaient subies durant des offensives militaires lancées par le gouvernement

 18   bosnien. '(La reconnaissance explicite" - entre parenthèses - "par Mladic

 19   ou l'armée des Bosno-Serbes de responsabilité était quelque peu

 20   surprenante)'."

 21   Vous vous rappelez ce passage ? Vous vous rappelez avoir été frappé par

 22   cela ? Alors quelle en était la raison ?

 23   R.  J'ai été surpris que le général Mladic admette quelque chose que nous

 24   suspections tous, mais qui ne se reflétait pas nécessairement sur les

 25   Bosno-Serbes. Le fait qu'ils utilisaient délibérément des civils comme

 26   cibles des tirs embusqués dans le but de punir le gouvernement ou les

 27   autorités bosniennes pour des actions accomplies ailleurs était une forme

 28   de représailles pour quelque chose qui s'était passé ailleurs. Donc ils


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  1   utilisaient les tirs embusqués en tant qu'outils, en tant que moyen d'avoir

  2   une prise sur les Bosniens et de les punir. Nous suspections cela, c'est

  3   certain, mais j'ai été surpris d'entendre le général Mladic le reconnaître

  4   en mots.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Je demande que ce document devienne une pièce de l'Accusation.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   Pour le compte rendu d'audience, je remarque le numéro 65 ter de ce

  9   document qui est 10615, et ce document est donc admis en tant que pièce

 10   P2455.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  J'aimerais maintenant que nous passions à un autre sujet, à savoir

 13   l'OTAN. Nous allons à cette fin nous pencher sur un nouveau document auquel

 14   vous faites allusion dans votre déposition écrite, le document 65 ter

 15   numéro 10608, qui est un rapport établi par vos soins le 5 décembre 1994 et

 16   qui est intitulé : "Précisions quant au rôle de l'OTAN en Bosnie-

 17   Herzégovine." C'est un rapport qui rend compte d'une réunion entre les

 18   généraux Gvero et Tolimir d'une part, et le général Rose et M. Andreev

 19   d'autre part.

 20   Vous avez ce document sous les yeux ?

 21   R.  Oui.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que nous passions à la page 2,

 23   paragraphe 4 de ce document.

 24   Q.  Où nous trouvons l'expression d'une inquiétude quant au fait qu'en

 25   raison, je cite, "de malentendus surgi entre les parties au conflit, et la

 26   presse internationale, quant à la nature exacte du rôle de l'OTAN en

 27   Bosnie, il serait bon de préciser ces éléments."

 28   Puis si nous passons à la page suivante de ce document, nous y trouvons des


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  1   éléments qui figurent dans la déclaration de New York sur ce point, tels

  2   que rédigés par le général Rose.

  3   Donc au sujet de la participation de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine, peut-

  4   être pourriez-vous nous donner votre point de vue pour commencer, nous dire

  5   si les éléments qui figurent dans cette déclaration écrite correspondent à

  6   ce que vous, vous avez pu déterminer comme étant le rôle de l'OTAN dans le

  7   conflit ?

  8   R.  Oui, les éléments correspondent.

  9   Q.  Peut-être serait-il bon, ou en tout cas, pourriez-vous nous aider en

 10   commentant les circonstances, ou en tout cas, le genre d'action de la part

 11   de l'une ou l'autre des factions en présence qui a entraîné l'intervention,

 12   ou en tout cas l'implication de l'OTAN ?

 13   R.  Comme le document l'indique, il y a quatre domaines principaux qui

 14   peuvent justifier une intervention de l'OTAN à la demande de la FORPRONU.

 15   C'était la zone d'exclusion aérienne parce que, étant donné les capacités

 16   limitées des parties dans le domaine aérien, cet élément n'était pas un

 17   élément qui pouvait entraîner l'intervention de l'OTAN. Mais il y avait des

 18   vols d'hélicoptères de parts et d'autres, donc la question des survols et

 19   de la zone d'exclusion aérienne était un sujet qui revenait assez souvent.

 20   Il y avait aussi le problème de l'assistance de la FORPRONU, de la légitime

 21   défense. Puis les trois autres domaines étaient la légitime défense de la

 22   FORPRONU, la mise en œuvre de la zone d'exclusion pour les armes lourdes,

 23   et la protection des zones de sécurité. Mais pour que l'OTAN agisse, la

 24   FORPRONU devait donner son accord. Il fallait que l'intervention soit

 25   demandée par la FORPRONU, demande devant être adressée au représentant

 26   spécial du secrétaire général.

 27   Le seuil, du point de vue du niveau d'infractions nécessaire pour que le

 28   recours à la force soit décidé, ce qui était donc la procédure normale, ce


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  1   seuil était très élevé. Ce n'était pas une condition officielle, une

  2   condition juridique. La condition juridique se situait à un niveau beaucoup

  3   moins élevé. Une infraction modeste aurait pu légalement justifier que la

  4   FORPRONU fasse appel à l'OTAN pour obtenir un recours à la force. Mais

  5   politiquement pour les Nations Unies, c'était quelque chose d'assez peu

  6   engageant. Il était contre la nature des Nations Unies de faire appel à une

  7   autre partie pour recourir à la force contre quelqu'un. Nous étions

  8   présents en tant que responsables du maintien de la paix, nous souhaitions

  9   mettre un terme au combat. Donc pour nous, et je pense que c'était

 10   particulièrement le cas de l'envoyé spécial du secrétaire général, estimer

 11   valable le recours à la force de la part de l'OTAN était vraiment la

 12   dernière option envisageable. Le niveau de violations ou d'infractions

 13   devait être tellement élevé pour que ceci soit possible que l'on peut

 14   parler de situation qui devait être extrême. Il fallait que les risques,

 15   que les menaces pour les civils, et cetera, soient très, très importants

 16   pour qu'un ordre soit donné permettant le recours à la force de la part de

 17   l'OTAN.

 18   Mais il y avait des violations des accords et des infractions qui étaient

 19   quotidiennes, les violations aux accords conclus sur les zones de sécurité,

 20   sur la zone d'exclusion des armes lourdes pouvaient très facilement, sur le

 21   plan juridique, justifier un recours à la force. Mais s'il s'agissait de

 22   violations techniques, une pièce d'artillerie présente dans la zone

 23   d'exclusion des armes lourdes qui n'avaient rien à y faire, ce n'était pas

 24   suffisant pour que la FORPRONU demande à l'OTAN de recourir à la force.

 25   C'est seulement lorsque la situation est devenue particulièrement extrême

 26   lorsque les civils ont été pris pour cibles que les armes lourdes présentes

 27   à l'intérieur de la zone ont été utilisées pour prendre à partie les civils

 28   que la FORPRONU a demandé à l'OTAN de fournir son aide.


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  1   Q.  Donc dans le cas que vous décrivez comme étant une petite ou modeste

  2   infraction technique isolée, quelle était la première réaction que la

  3   FORPRONU pouvait avoir dans de telles conditions ?

  4   R.  Dans de telles conditions, nous contactions la partie responsable de

  5   l'infraction en question, et puisque nous parlons de cela, il est certain

  6   que nous avons contacté de façon très régulière les autorités bosno-serbes

  7   pour mettre en avant les violations commises par elles, qu'il s'agisse du

  8   problème d'infraction concernant la zone d'exclusion ou l'entrée de leurs

  9   forces dans les zones de sécurité. Nous leur donnions les renseignements,

 10   nous leur disions ce que nous savions à ce sujet, nous leur expliquions

 11   qu'il s'agissait d'une infraction, nous leur expliquions ce que nous

 12   attendions d'eux, ce que le Conseil de sécurité attendait de nous dans le

 13   cadre de notre mandat. Quelles étaient les responsabilités des Bosno-serbes

 14   et ce qui se produirait si l'infraction se poursuivait ? Je ne pourrais pas

 15   vous donner un chiffre, mais la grande majorité de nos réactions à de

 16   telles infractions étaient de nature politique. C'était des lettres,

 17   c'était des réunions, un dialogue, des négociations, des demandes et des

 18   pressions fortes. C'est seulement dans des circonstances tout à fait

 19   extrêmes que nous envisagions de recourir à la force.

 20   Q.  Avant de laisser ce document de côté, j'aimerais que nous revenions au

 21   paragraphe 5.

 22   Je vois que le général Gvero insiste sur le fait que l'ouverture de

 23   l'aéroport est directement liée à la réception par l'armée bosno-serbe de

 24   garanties selon lesquelles l'OTAN frapperait des cibles située sur le

 25   territoire de l'armée bosno-serbe. Alors vous parlez de l'aéroport et des

 26   liens établis entre diverses questions un peu plus haut dans votre

 27   témoignage écrit, et je me demandais si vous aviez un commentaire à faire

 28   sur ce point.


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  1   R.  C'est un très bon exemple des questions dont je parlais il y a quelques

  2   instants, à savoir ces situations dans lesquelles les autorités bosno-

  3   serbes pouvaient exercer leur contrôle sur notre utilisation de l'aéroport

  4   en accordant ou en n'accordant pas les garanties nécessaires pour que les

  5   Nations Unies puissent se poser sur l'aéroport. Ceci montre bien la volonté

  6   des Bosno-serbes, à certains moments, d'établir un lien entre les garanties

  7   de sécurité et d'autres questions. Donc l'ouverture ou la fermeture de

  8   l'aéroport était parfois liée à des questions qui n'avaient aucun rapport

  9   avec cela. L'aéroport était un moyen tout à fait important pour les Bosno-

 10   serbes d'emprise sur nous et ils cherchaient à utiliser ce moyen d'emprise

 11   pour obtenir quelque chose qui était très important pour eux et qui pouvait

 12   être une condition pour le recours à la force par l'OTAN ou un moyen

 13   d'empêcher activement ce recours à la force.

 14   Q.  Avant de passer à un sujet tout à fait différent de celui de

 15   l'aéroport, pourriez-vous nous dire qui a profité le plus de la poursuite

 16   du fonctionnement de l'aéroport ?

 17   R.  C'était un point tout à fait important pour la FORPRONU la possibilité

 18   d'utiliser l'aéroport. C'était le seul moyen que nous avions de pénétrer

 19   dans le pays, en tout cas l'un des plus importants. Nos dirigeants

 20   utilisaient cet aéroport, nos dirigeants militaires. C'était également un

 21   endroit très important pour les approvisionnements du HCR. Les

 22   atterrissages sur cet aéroport permettaient d'approvisionner la zone en

 23   nourriture, et il y avait régulièrement 10 à 15 vols par jour qui

 24   apportaient des vivres pour la FORPRONU. Bien entendu, les vols du HCR

 25   apportaient également de l'aide humanitaire à la population civile de

 26   Sarajevo, donc la population dépendait de ces vols, dans une grande mesure,

 27   ainsi que des possibilités d'atterrissage sur l'aéroport.

 28   Q.  Merci.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  2   document, Monsieur le Président, document 65 ter numéro 10608.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Qui devient la pièce P2456.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation]

  6   Q.  J'aimerais que nous passions maintenant à un autre sujet et donc à un

  7   autre document dont vous parlez dans votre déposition écrite, le document

  8   65 ter numéro 10709.

  9   Ce document est une appréciation politique hebdomadaire de la situation en

 10   Bosnie-Herzégovine, numéro 81, qui concerne la période allant du 21 au 27

 11   août 1994. C'est un rapport que vous avez rédigé. Avant de vous interroger

 12   à ce sujet, pourriez-vous nous expliquer rapidement quelle était cette

 13   appréciation politique ?

 14   R.  C'est le même genre de rapport que celui dont je parlais il y a un

 15   instant. C'est une appréciation hebdomadaire des principaux événements. Et

 16   d'ailleurs, nous avons cessé de qualifier ces rapports de politiques

 17   simplement parce que plus tard ils sont devenus plus que des rapports

 18   politiques. Donc c'est finalement un résumé des principales évolutions de

 19   la situation sur le terrain et une appréciation de leur incidence pour une

 20   semaine déterminée.

 21   Q.  Je vous remercie. Passons à la page suivante sur les écrans, page 3,

 22   paragraphe 4.

 23   Ce paragraphe 4 rend compte de quelque chose que vous appelez un

 24   conflit inter-Serbes et il présente une série d'accusations faites contre

 25   les dirigeants de Pale par des responsables serbes, y compris le premier

 26   ministre serbe, qui accusait les dirigeants Bosno-serbes d'avoir commis des

 27   crimes contre l'humanité en décidant de poursuivre la guerre pour des

 28   raisons internes uniquement, et ce, en particulier pour éviter d'être


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  1   traduits devant le tribunal chargé des crimes de guerre, et le président

  2   Lilic accuse également les dirigeants de la Republika Srpska de poursuivre

  3   le nettoyage ethnique et de continuer à bombarder des civils musulmans

  4   malgré les promesses qui avaient été faites d'arrêter ce genre d'action.

  5   Alors d'abord, comment est-ce que vous avez eu connaissance de ce

  6   conflit serbo-serbes et de ces accusations publiques ?

  7   R.  Notre principale responsabilité consistait à suivre les évolutions

  8   politiques liées au conflit et ceci impliquait, entre autres, non seulement

  9   de s'intéresser aux problèmes internes à la Bosnie mais également aux

 10   rapports entre les Bosno-croates et le gouvernement croate de Zagreb.

 11   C'était donc un élément auquel nous prêtions une attention soutenue. Il est

 12   certain que les rapports entre le président Milosevic et les autorités à

 13   Belgrade, d'une part, et le Dr Karadzic et les autorités de Pale, d'autre

 14   part, était un autre point important pour nous parce que ces éléments

 15   pouvaient avoir une influence importante sur le cours du conflit, des

 16   négociations, et cetera. Donc nous prêtions une attention soutenue à tout

 17   cela. Nous nous efforcions d'en apprendre le plus possible à partir de

 18   sources diversifiées. Une source importante pour nous était bien sûr les

 19   médias, qui venaient de Belgrade en grande partie, mais aussi de Bosnie. Et

 20   je pense que nous avons eu connaissance de ces déclarations du président

 21   Lilic et du premier ministre Marjanovic à partir des médias.

 22   Q.  Pourriez-vous passer au paragraphe 9 de ce document ? Nous voyons qu'en

 23   dépit de ces accusations publiques, vous faites état d'expulsions commises

 24   pour des raisons ethniques, expulsions donc de Musulmans hors de Bijeljina,

 25   Banja Luka et Sanski Most cette même semaine. A la dernière ligne de ce

 26   paragraphe, vous écrivez, je cite :

 27   "Des protestations répétées du HCR et du CICR n'ont eu aucun effet sur la

 28   poursuite de cette politique."


Page 13338

  1   J'aimerais savoir : sur quelle base vous considériez ces expulsions comme

  2   étant les manifestations d'une politique ?

  3   R.  Les expulsions sur base ethnique ont commencé au début du conflit, en

  4   réalité. C'est une question à laquelle la communauté internationale a

  5   accordé beaucoup d'attention. Les résolutions du Conseil de sécurité, qui

  6   étaient votées régulièrement, évoquaient ces expulsions sur base ethnique

  7   pour les condamner et exiger qu'elles cessent, et pourtant elles ont

  8   continué. C'est un point qui a suscité l'attention du monde entier. Pas mal

  9   de pression était exercée sur les parties pour qu'elles ne commettent pas

 10   ce genre d'action, et pourtant ces actions se sont poursuivies. S'agissant

 11   des groupes ethniques qui étaient expulsés ou sur lesquels les pressions

 12   s'exerçaient de la part des Bosno-serbes, elles pouvaient continuer, parce

 13   qu'il y avait des secteurs contrôlés par les Bosno-serbes. Cela n'aurait

 14   pas pu se passer s'il n'y avait pas eu une politique à cette fin. Cela

 15   n'aurait pas pu se passer si une politique n'avait pas été adoptée dans ce

 16   but.

 17   Les autorités bosno-serbes ont exercé un très bon contrôle sur ce qui se

 18   passait sur leur territoire. Elles avaient, c'est certain, la capacité de

 19   contrôler totalement nos déplacements, par exemple, sur leur territoire.

 20   Elles pouvaient arrêter d'importants convois de la FORPRONU escortés par un

 21   grand nombre de soldats lourdement armés, et elle pouvait l'arrêter

 22   simplement à un barrage routier. Donc il n'est pas possible de réaliser des

 23   déplacements de population aussi importants sous la pression parfois de

 24   groupes paramilitaires armés sans qu'il y ait participation ou consentement

 25   de la part des autorités bosno-serbes pour ces actions.

 26   Q.  Au début de votre déposition aujourd'hui, vous avez parlé des objectifs

 27   des Bosno-Serbes dans la guerre -- et je vais vous trouver les mots exacts

 28   utilisés par vous. Vous avez dit que :


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  1   "…vous souhaitiez avoir ou contrôler certains espaces territoriaux

  2   dans lesquels ils exerçaient un contrôle total et dans lesquels les Bosno-

  3   Serbes pourraient vivre séparément des Musulmans et des Croates…"

  4   Je me demande si vous voyez le moindre rapport entre ces incidents et

  5   les objectifs de la guerre tels que vous les avez exposés ?

  6   R.  Ces expulsions marquaient, en tout cas, l'une des modalités par

  7   lesquelles les objectifs assignés à la guerre étaient poursuivis. Les

  8   expulsions ont créé également des situations factuelles sur le terrain

  9   qu'il devenait ensuite très difficile de modifier de façon politique. Si le

 10   Conseil de sécurité condamnait les expulsions sur base ethnique commises

 11   par toutes les parties en présence en disant qu'elles ne seraient pas

 12   tolérées et que les populations seraient autorisées à rentrer à leurs

 13   domiciles, je pense qu'il existait une réalité politique toutefois selon

 14   laquelle une fois qu'un groupe ethnique avait été complètement chassé d'un

 15   secteur, il devenait très peu probable que ce secteur soit remis à un autre

 16   groupe ethnique durant le processus de règlement politique. Donc en

 17   expulsant certains groupes ethniques, l'une ou l'autre des parties -- mais

 18   là, nous parlons en l'espèce de la partie bosno-serbe, lorsqu'elle

 19   expulsait des non-Serbes elle était plus ou moins capable de garantir

 20   l'obtention par elle du territoire d'où ces autres groupes ethniques

 21   avaient été expulsés au moment de la conclusion d'un accord de paix, même

 22   si dans d'autres circonstances ce territoire aurait pu être contesté durant

 23   les discussions de paix.

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 25   versement au dossier de ce document 65 ter numéro 10709.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce P2457.

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que c'est le moment de la pause,


Page 13340

  1   Monsieur le Président ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous faisons une pause d'une demi-

  3   heure et reprendrons à 11 heures.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

  5   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre votre interrogatoire

  7   principal, Madame Edgerton.

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  9   Q.  Monsieur Banbury, nous nous en étions arrêtés à une discussion

 10   concernant le nettoyage ethnique et l'expulsion basée sur des critères

 11   ethniques de non-Serbes des secteurs de Banja Luka, Sanski Most, et

 12   Bijeljina.

 13   Je voudrais continuer à parler de ceci en demandant l'affichage du

 14   document de la liste 65 ter 10658, qui est une évaluation hebdomadaire, une

 15   évaluation politique donc de Bosnie-Herzégovine pour la période qui couvre

 16   la semaine allant du 4 au 10 septembre 1994, et vous en êtes l'auteur.

 17   Est-ce que vous voyez ce document à l'écran ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que l'on pourrait passer à la page 3 de ce document, s'il vous

 20   plaît, et je vous demande de vous concentrer sur le paragraphe 5 ? Ce

 21   paragraphe fait état des expulsions répétées de non-Serbes de territoires

 22   contrôlés par les Bosno-serbes et plus particulièrement des territoires de

 23   Sanski Most et de Bijeljina. Dans le paragraphe 6 qui commence en bas de

 24   cette page - par conséquent, je vous demande de passer à la page suivante -

 25   nous voyons que vous étiez présent lorsque M. de Mello a abordé cette

 26   question avec le Dr Karadzic celui-ci a répondu que : "Ces personnes qui

 27   quittaient Banja Luka le faisaient de leur propre chef. Alors que ceux qui

 28   venaient de Bijeljina avaient été forcés de quitter leurs maisons par des


Page 13341

  1   groupuscules criminels associés à la mafia de Hong Kong. M. Karadzic a

  2   rappelé que les expulsions de Bijeljina n'étaient pas une politique de la

  3   RS et que c'était contre ses intérêts et qu'elles avaient cessé 48 heures

  4   auparavant."

  5   Tout d'abord, qui était M. de Mello ?

  6   R.  M. de Mello était à Zagreb à l'époque mais il était basé à Sarajevo

  7   mais il couvrait tout le territoire.

  8   Q.  Maintenant revenons à la réponse du Dr Karadzic. Peut-être que l'on

  9   pourrait diviser ceci en deux ou trois parties. Pour ce qui est de ce qu'il

 10   avance concernant des expulsions qui ne constituaient pas une politique de

 11   la Republika Srpska. Est-ce que vous avez des commentaires à faire ?

 12   R.  Je crois qu'il est clair qu'au vu de ce qui s'est passé durant la

 13   guerre, ces expulsions basées sur des critères ethniques rentraient

 14   clairement dans le cadre de politique des autorités bosno-serbes.

 15   Q.  Suite à la remarque qu'il a faite, à savoir que les victimes avaient

 16   été forcées de quitter leurs maisons en raison de présence de groupuscules

 17   criminels associés à la mafia de Hong Kong. Vous avez mentionné dans votre

 18   déposition un peu plus tôt ce matin, j'aimerais savoir si vous avez d'autre

 19   commentaire à ce sujet.

 20   R.  Il y avait des autorités non étatiques qui étaient présentes dans les

 21   zones contrôlées par les Bosno-serbes. Il s'agissait de gangs

 22   paramilitaires qui étaient des gangs criminelles en fait qui commettaient

 23   des actes atroces contre les civils, contre des civils non-serbes, des

 24   pillages, viols, meurtres, ils incendiaient des maisons et ils procédaient

 25   à des expulsions. Donc ces gangs, effectivement, existaient, ces

 26   groupuscules existaient. Mais d'après moi, ils opéraient dans un

 27   environnement où les autorités bosno-serbes étaient tout à fait conscientes

 28   de ces actions. Ce que je veux dire, c'est que tout le monde était au


Page 13342

  1   courant de l'existence de ces gangs. Les autorités politiques de Pale

  2   étaient au courant de leur existence.

  3   Quant au degré de coopération avec les instances militaires bosno-

  4   serbes sur le terrain, je suppose que cela variait en fonction des

  5   circonstances, en fonction des groupes en question, en fonction de la

  6   période donnée, en fonction de la zone géographique. Mais il est clair qu'à

  7   certains moments il y avait une coopération active, selon moi, et quelle

  8   que soit la période concernée ces groupes n'auraient pas pu fonctionner

  9   sans la connivence et sans un accord tacite des autorités bosno-serbes.

 10   Q.  Pour conclure sur ce point, le Dr Karadzic a fait remarquer, lors de

 11   cette conférence de presse, que ces expulsions avaient cessé 48 heures

 12   auparavant, néanmoins, 1 000 personnes supplémentaires ont été expulsées ce

 13   même jour. Est-ce que vous avez des commentaires à faire concernant la

 14   remarque du Dr Karadzic ?

 15   R.  Il est évident que les expulsions n'avaient pas cessé étant donné que 1

 16   000 personnes supplémentaires ont fait l'objet d'expulsion le lendemain. De

 17   plus, il s'agit de savoir si ces personnes quittaient ce secteur de leur

 18   propre gré ou pas, comme ceci est mentionné dans le paragraphe en question,

 19   et sa définition de quitter de son propre gré dépend de ces circonstances.

 20   Il est possible qu'une famille ou un groupe important de personnes décide

 21   de quitter un territoire; cependant, il faut prendre en compte également

 22   les circonstances qui motivent cette décision. Si des voisins faisaient

 23   l'objet d'harcèlement, étaient tués, étaient violés, si des maisons aux

 24   environs étaient incendiées, si des biens étaient volés, s'ils faisaient

 25   l'objet de visites de la part d'éléments ou de groupuscules [phon]

 26   paramilitaires menaçants qui leur demandaient de quitter leurs maisons, ou

 27   si on leur proposait de partir en toute sécurité ou alors de rester, mais

 28   avec des perspectives beaucoup moins positives, est-ce que l'on peut


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  1   vraiment dire qu'ils quittaient ce territoire de leur propre gré ? Stricto

  2   senso, effectivement, c'est eux qui avaient décidé de partir, mais il est

  3   possible qu'ils n'aient pas beaucoup d'autres choix à leur disposition. Il

  4   est évident que dans de nombreux cas qu'on avait exercé une pression sur

  5   eux pour qu'ils prennent cette décision.

  6   Q.  Merci.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser ce document

  8   à charge, document de la liste 65 ter 10658 ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2458.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  J'aimerais maintenant passer à un autre thème un peu plus tard --

 13   quelques mois plus tard dans le conflit.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Je voudrais passer au document P2258, qui

 15   porte la date du 27 mars 1995. Ce document avait la référence 65 ter 01684

 16   auparavant.

 17   Q.  Il devrait s'agir d'un rapport que vous avez rédigé suite à une réunion

 18   à laquelle vous avez participé en présence du général Smith, de M. Aguilar,

 19   du Pr Koljevic et de M. Zametica. D'abord, est-ce que vous pouvez voir le

 20   document à l'écran devant vous ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Qui était M. Aguilar ?

 23   R.  Enrique Aguilar a remplacé Viktor Andreev, à savoir délégué ou

 24   représentant spécial du secrétaire général et responsable des affaires

 25   civiles pour la Bosnie. En cette qualité, c'était mon supérieur après le

 26   départ de M. Andreev.

 27   Q.  Ce document parle également de M. Zametica. D'après vous, qui était M.

 28   Zametica ?


Page 13344

  1   R.  Jovan Zametica, d'après ce que je savais, était un conseiller politique

  2   des hauts dirigeants bosno-serbes.

  3   Q.  Merci. Tout en bas de la page 1, au paragraphe 1, nous voyons que

  4   Koljevic dénonce fermement les attaques du gouvernement de Bosnie et a

  5   mentionné :

  6   "L'intention des Serbes est de continuer jusqu'au bout dans cette

  7   guerre par le biais de moyens militaires."

  8   Vous avez mentionné quelle était la situation en mars et en avril

  9   1995 dans votre déposition précédente, et je voudrais savoir si vous

 10   pouviez replacer ceci dans son contexte.

 11   R.  Les autorités bosno-serbes avaient des objectifs qu'elles souhaitaient

 12   atteindre par le truchement de cette guerre; nous en avons parlé

 13   précédemment. Ils avaient deux possibilités principales pour atteindre ces

 14   objectifs, à savoir par des moyens militaires et par des moyens politiques.

 15   Je pense qu'ils auraient préféré atteindre leurs objectifs par des moyens

 16   politiques, sans payer le prix de la guerre, puisque leurs soldats sont

 17   tombés au combat. Mais leurs objectifs, leurs objectifs principaux, n'ont

 18   pas changé. Lorsqu'ils se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient pas arriver

 19   à leurs fins par des moyens politiques, la seule possibilité qui restait

 20   était la possibilité d'une voie militaire. En mars 1995, lorsque cet accord

 21   sur la cessation des hostilités n'a plus pu être respecté, lorsque le

 22   processus de paix n'a plus amené de résultats qui auraient pu être en leur

 23   faveur, c'est-à-dire au moment où on a parlé précédemment de ce conflit

 24   serbo-serbe, ils ont peut-être considéré que leurs positions stratégiques

 25   s'amenuisaient et ils ont pensé que s'ils devaient atteindre leurs

 26   objectifs ou s'ils voulaient atteindre leurs objectifs, il fallait plutôt

 27   prendre des moyens militaires -- utiliser des moyens militaires, et ceci

 28   plutôt tôt que tard.


Page 13345

  1   Q.  Passons au paragraphe 6. Vous avez replacé ceci dans son contexte, mais

  2   je voudrais parler de la dernière phrase ou paragraphe, vous avez mentionné

  3   :

  4   "On a eu l'impression durant la réunion que Koljevic a joué le rôle

  5   de message et a continué à confirmer que les moyens militaires étaient de

  6   plus en plus importants et qu'ils prenaient le dessus sur les structures

  7   politiques de Pale."

  8   Qu'entendez-vous par cela ?

  9   R.  Vous savez, durant le conflit il y a eu pas mal de fluctuations, c'est-

 10   à-dire qu'à certains moments le processus politique semblait plus

 11   prometteur pour toutes les parties concernées et que l'on pouvait envisager

 12   que la résolution du conflit se ferait par cette voie, puis il y a eu

 13   d'autres moments où le processus politique n'était visiblement pas en

 14   mesure de permettre aux différentes parties belligérantes d'atteindre leurs

 15   objectifs. En fonction donc de ces circonstances, le processus politique

 16   avait l'ascendant, mais dans d'autres cas, le processus militaire avait

 17   l'ascendant. Il y a toujours eu des éléments de chacune de ces voies qui

 18   entraient en jeu, mais lorsque le processus politique était dans l'impasse,

 19   dans ce cas-là, les parties se concentraient plutôt sur des objectifs

 20   militaires, ou tout du moins essayaient de ne pas perdre de terrain d'un

 21   point de vue militaire.

 22   En mars 1995, avec un processus politique qui ne semblait pas vraiment

 23   produire des résultats, c'est-à-dire qui se trouvait dans l'impasse, les

 24   parties bosno-serbes envisageaient plutôt des moyens militaires, ce qui

 25   signifie que l'on allait mettre l'accent sur l'armée des Serbes de Bosnie,

 26   sur la manière dont ils allaient atteindre leurs objectifs, sur la manière

 27   dont ils allaient faire avancer les objectifs des Bosno-Serbes. Les

 28   dirigeants militaires, dans ce cas-là, seraient plus dominants par rapports


Page 13346

  1   aux dirigeants politiques qui eux essayaient de faire avancer un processus

  2   politique qui n'était plus vraiment présent. Il était donc naturel que les

  3   dirigeants militaires prennent l'ascendant.

  4   Q.  Mais durant à peu près la même période - et c'est dans le paragraphe

  5   106 de votre déclaration, mais également dans un document que je

  6   n'afficherai pas qui a la référence 65 ter 10618 - vous avez mentionné que

  7   le Dr Karadzic portait un uniforme militaire le 24 mars à Lopare. Nous

  8   avons vu une vidéo à ce sujet. Compte tenu de ce que vous avez dit, est-ce

  9   que ceci explique pourquoi le Dr Karadzic portait un uniforme militaire à

 10   ce moment-là ?

 11   R.  Je pense que le fait que le Dr Karadzic portait un uniforme militaire à

 12   ce moment-là correspond tout à fait à ce que j'avais décrit, à savoir qu'on

 13   mettait beaucoup plus l'accent sur la voie militaire. En mettant l'accent

 14   sur cette voie, il y avait des implications opérationnelles, mais il y

 15   avait également des implications psychologiques pour le moral des troupes

 16   donc de l'armée des Serbes de Bosnie, mais également pour le peuple bosno-

 17   serbe. Le fait que le Dr Karadzic porte un uniforme militaire constituait

 18   un signal qu'il envoyait tant à son armée qu'à son peuple ainsi qu'à toutes

 19   les parties impliquées, c'est-à-dire le gouvernement de Bosnie, la

 20   FORPRONU, les autres observateurs, à savoir qu'il s'engageait dans une voie

 21   militaire.

 22   Q.  Pour conclure sur ce thème, on pourrait peut-être faire visionner une

 23   vidéo de trois minutes, qui porte la référence 65 ter 45155. C'est sur le

 24   système Sanction, il y a également une transcription qui existe. M. Reid me

 25   dit que les interprètes ont reçu un exemplaire de cette transcription.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 28   "Situé à proximité de la zone d'activités de combat de Majevica. En parlant


Page 13347

  1   avec le peuple, les dirigeants, les commandants militaires, M. Karadzic a

  2   mentionné le caractère grave de la situation et le fait qu'on allait

  3   s'assurer de tenir le coup dans ces moments critiques. En plus étant donné

  4   l'analyse de la situation militaire et la situation réelle sur le champ de

  5   bataille, le pouvoir exécutif, politique, économique, et la vie en général

  6   allaient être abordés.

  7   "Chers téléspectateurs, compte tenu de l'offensive musulmane sur Majevica,

  8   le président de notre république est allé à Lopari, avec la population et

  9   les habitants de la région. M. le Président, quelles sont vos premières

 10   impressions ?

 11   "Les gens savent ce qu'ils veulent et ils veulent défendre leur pays.

 12   Et il en va de même au sein de l'armée, le moral est excellent, le matériel

 13   et les moyens sont mis en œuvre et nous sommes tous décidés et il y a un

 14   optimisme bien ancré, nous devrions procéder de la même manière que nous

 15   avons fait lorsqu'ils nous ont attaqués à Bihac. Il s'agit à Tuzla d'un

 16   bastion, et le 2e Corps de l'armée musulmane a avancé vers nos territoires

 17   pour mettre en danger la population serbe de Majevica, mais nous n'avons

 18   pas baissé les armes. Et par conséquent, les gens doivent le savoir. Nous

 19   pensons que nous avons maintenant tous les droits légitimes pour faire

 20   battre l'ennemi, et si nous avons besoin de le faire, à Tuzla également.

 21   "Vous êtes rarement en uniforme et, par conséquent, j'aimerais savoir ce

 22   qui se passe. Est-ce que quelque chose de grave se passe parce que vous

 23   portez un uniforme ?

 24   Réponse : Non, en fait, ce n'est pas qu'ils nous forcent à porter un

 25   uniforme. Nous avons porté un uniforme et tout le pays portera l'uniforme

 26   si nécessaire. Nous allons nous battre jusqu'à ce que nous prendrions

 27   toutes les mesures nécessaires pour protéger nos intérêts. S'ils nous

 28   forcent à mettre des uniformes et si on nous force à déclarer l'état de


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  1   guerre, dans ce cas-là, il n'aura pas de cessez-le-feu nous devrons

  2   détruire l'ennemi. Ils ne veulent pas que les choses évoluent comme on a

  3   souhaité qu'elles évoluent, et par conséquent, l'ennemi doit être détruit à

  4   Majevica, et ensuite nous devrons avancer en direction de nos territoires.

  5   Pour ce qui est de Tuzla, Tuzla était également notre territoire, et par

  6   conséquent, il n'y a aucune raison pour que nous l'abandonnions.

  7   "Question : Etant donné que le monde entier sait que c'est le cas, à savoir

  8   qu'il y a une offensive au niveau musulman, quel est votre avertissement ?

  9   "M. Karadzic : Bien, un ordre a été donné, et tout ceci a été répercuté

 10   dans la hiérarchie. Notre armée sait exactement ce qu'il doit faire. Toute

 11   brèche va essayer d'être endiguée et nous avons également un droit légitime

 12   de lancer des contre-offensives. Ce qui est important c'est que le monde

 13   entier a vu qui a rompu l'accord sur la cessation des hostilités. Je

 14   voudrais dire également à nos téléspectateurs qu'un cessez-le-feu a été

 15   violé. Une cessation des hostilités aurait pu amener à la signature une

 16   trêve est différente, donc une cessation des hostilités qui aurait pu

 17   amener à la signature d'un accord. Nous pourrons faire ce que nous pouvons

 18   et nous allons les poursuivre et nous les allons les détruire."

 19   Q.  Merci.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu

 21   d'audience, nous nous sommes arrêtés au compteur à 3:47.4.

 22   Q.  Monsieur Banbury, est-ce qu'il s'agit de la vidéo que vous aviez

 23   mentionnée ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous avez donc entendu la transcription en anglais de cet entretien

 26   qu'a donné le Dr Karadzic, et j'aimerais, par conséquent, si après avoir

 27   entendu cette transcription en anglais, vous avez des commentaires ?

 28   R.  Je remarque que le Dr Karadzic a mentionné au début de cet extrait


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  1   vidéo, le moral de la population civile, ainsi que le moral de l'armée, et

  2   ceci est tout à fait cohérent avec ce que j'avais dit précédemment, à

  3   savoir que l'objectif du port d'un uniforme par le Dr Karadzic était de

  4   renforcer le moral de l'armée mais également de la population civile, ceci

  5   permettait de montrer comment les forces de Bosnie s'étaient engagées dans

  6   une certaine voie, et que les Bosno-serbes allaient donc également prendre

  7   les mesures nécessaires pour battre en défaite cette armée. Tout ceci est

  8   cohérent.

  9   Q.  Vous avez mentionné dans votre déposition que le Dr Karadzic était en

 10   tant que commandant suprême, quelqu'un qui avait deux casquettes si l'on

 11   peut dire, c'est-à-dire à la fois politique et militaire. Est-ce que c'est

 12   également ce que vous en déduisez de cette vidéo ?

 13   R.  Oui, tout à fait, ceci est tout à fait cohérent, à savoir qu'en tant

 14   que commandant suprême, il pouvait examiner les ordres qui ensuite étaient

 15   répercutés dans la chaîne de commandement.

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser cette pièce

 17   à charge ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2359.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 21   Ceci conclut mon interrogatoire principal, et je voudrais verser au dossier

 22   toutes les pièces associées qui n'ont pas déjà été versées à charge.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans votre liste, il y a des pièces qui

 24   ont déjà été versées, telle que, par exemple, la pièce 2258, que nous

 25   venons d'aborder.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Je crois que le Greffier avait identifié

 27   trois pièces supplémentaires.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Trois supplémentaires. Moi, j'en avais


Page 13350

  1   vu que deux.

  2   Tout d'abord, nous avons la pièce ou du moins le document de la référence

  3   65 ter 10616, qui a été versé sous la cote P2257, et puis vous avez le

  4   document de la liste 65 ter 10652, qui a été versé sous la cote D1034. Est-

  5   ce que vous avez d'autres pièces à verser ?

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Non. En fait, je m'en étais remise à mon

  7   collègue.

  8   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Durant votre interrogatoire principal,

 10   nous avons également accepté le versement du document 09686, 10608, 10615,

 11   10628, 10658, 10709, et 11172.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Ainsi que la vidéo que nous venons de

 13   visionner.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais elle ne faisait pas partie des

 15   pièces associées, n'est-ce pas ?

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, tout à fait.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pour ce qui est des pièces 11192 et

 18   11193, est-ce qu'elles ont été téléchargées sur le système du prétoire

 19   électronique ? Je ne crois pas que cela a déjà été fait.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vous demande un instant, s'il vous

 21   plaît.

 22   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, ces pièces n'ont pas été

 24   téléchargées.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Apparemment pas, effectivement, et nous

 26   allons faire immédiatement.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections de la Défense, Maître

 28   Robinson ?


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  1   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors les documents qui n'ont pas encore

  3   été versés vont l'être et recevront une cote. Voilà.

  4   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Edgerton.

  6   Monsieur Karadzic, est-ce que vous êtes prêt à commencer votre contre-

  7   interrogatoire ? Très bien.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Soyez bienvenu

  9   parmi nous, Excellence.

 10   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Banbury. Je voudrais d'abord vous

 12   remercier d'avoir eu l'amabilité de rencontrer la Défense. Nous avons eu un

 13   récolement hier qui, j'espère, nous aidera à parcourir plus vite et de

 14   façon plus simple votre témoignage.

 15   Je voudrais brièvement que nous nous rappelions certaines choses au

 16   sujet des documents que vous avez rédigés à l'intention de vos chefs, de

 17   vos responsables, c'est-à-dire les projets de documents que vous aviez

 18   rédigés. Alors ai-je raison de dire que, dans une première partie, à chaque

 19   fois que faire se pouvait, sans prendre de notes sténographiées, vous avez

 20   annoté ce qui s'était dit à l'occasion de la tenue desdites réunions,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Merci. La fin du document comporte d'habitude certaines estimations du

 24   point de vue politique, du point de vue militaire, et cetera; est-ce bien

 25   exact ?

 26   R.  Oui, exact.

 27   Q.  Merci. Qui est-ce qui établissait ces estimations ?

 28   R.  Dans les documents que j'ai rédigés moi-même, j'ai été la personne qui


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  1   avait fait des estimations. Cela dépendait. Parfois, si par exemple la

  2   réunion se tenait à Pale et s'il fallait revenir à Sarajevo, on

  3   s'entretenait à bord du véhicule pour parler de la signification de cette

  4   réunion, et je tirais des conclusions des dires de mes responsables pour

  5   les incorporer dans mes estimations; sinon, je le faisais de mon propre

  6   chef. Mon supérieur qui, en fin de course signait le document, avait la

  7   possibilité de modifier ces évaluations, mais normalement les estimations

  8   que je rédigeais étaient entièrement, ou en grande partie, intactes.

  9   Q.  Merci. Est-ce que dans cette première partie, bien qu'il n'y ait pas eu

 10   de notes sténographiées, on introduisait l'essentiel de ce qui avait été

 11   dit à ces réunions, les choses importantes qui ont été dites ?

 12   R.  Oui. C'était mon objectif principal ou l'un des mes objectifs

 13   principaux, c'est-à-dire veiller à ce que les rapports reflètent de façon

 14   précise les faits qui ont été évoqués à la réunion, les principaux sujets,

 15   et de façon objective, oui.

 16   Q.  Donc est-ce que l'on peut dire que la première partie des documents

 17   c'est la partie la plus objective ? Les conclusions tirées à la fin sont

 18   quelque peu moins objectives, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Merci. Le Procureur vous a -- enfin, s'attendait de votre part à

 21   procéder au versement au dossier d'un grand nombre de documents que vous

 22   aviez rédigés, que vous aviez pondus sous forme de projet ou d'esquisse.

 23   Cela est censé aider les Juges de la Chambre, mais, moi, ce qui me place

 24   dans une espèce de mission c'est de savoir ce qui est l'opinion, qu'est-ce

 25   qui est une impression, et cetera.

 26   Donc la première partie du document c'est ce qui a de plus objectif, et les

 27   estimations à la fin c'est moins objectif, et vos commentaires c'est encore

 28   moins objectif parce que, de par la nature des choses, cela est censé être


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  1   subjectif, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci. Alors êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il convient à

  4   chaque fois de faire la différence entre ce que vous saviez exactement

  5   comme faits et quelle est votre estimation, votre opinion, votre

  6   impression, ou ce que vous croyiez être quelque chose, n'est-ce pas ?

  7   R.   Oui, je reconnais qu'il importe de faire la distinction entre les

  8   faits et les estimations.

  9   Q.  Merci. Je dois dire que vous avez, de façon tout à fait correcte,

 10   indiqué que c'était ce que vous croyiez, ce que vous aviez eu comme

 11   impression, et cetera. Ça nous facilitera la chose -- la tâche.

 12   Alors, Monsieur Banbury, je voudrais que nous nous penchions sur un sujet,

 13   le sujet du nettoyage ethnique. C'est à ce sujet que se rapportent des

 14   paragraphes de votre déclaration : les paragraphes 48, 49, puis 60, 63,

 15   puis 87 à 89.

 16   Vous êtes d'accord avec moi ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 18   Avant que de passer à ceci, je me demande si vous avez le texte de votre

 19   déclaration sous les yeux ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est le cas, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est très bien.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vais pas commenter les paragraphes au

 23   concret, mais c'est tout simplement pour qu'on sache où se trouve telle

 24   chose en cas de besoin.

 25   Je voudrais qu'on nous montre un document, le 65 ter 1294. Qu'on nous le

 26   montre au prétoire électronique afin que nous puissions nous pencher

 27   dessus.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 13354

  1   Q.  Etes-vous d'accord avec moi, Monsieur Banbury, pour dire que cet été et

  2   automne 1994 se sont passés en activité -- ou le signe des activités

  3   déployées par le Groupe de Contact ? Vous en souvenez-vous ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Merci. Alors je vous prie de vous pencher sur ce document, qui est daté

  6   du 9 septembre 1994, où on voit HCA de Vieira de Mello, qui voyage à Pale

  7   et qui s'entretien avec les dirigeants de la Republika Srpska. Alors je

  8   vous renvoie vers ce document, page 1, et ensuite nous pourrions passer à

  9   la page 2.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous montrer cette page 2, s'il vous

 11   plaît ?

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  En raison du grand nombre de documents, il faut que nous parcourions

 14   les parties qui sont moins intéressantes pour moi. Mais les documents sont

 15   à la disposition de tout un chacun.

 16   Je vous renvoie au paragraphe 5 :

 17   "Le chef a ensuite convié à ouvrir les routes aériennes en disant que leur

 18   fermeture a causé préoccupation du fait de l'étranglement de Sarajevo, et

 19   en plus, cela a donné des difficultés à la population civile serbe aussi."

 20   Alors j'aurais indiqué que la raison de la fermeture de l'aéroport aurait

 21   été, dites-vous, la volonté de montrer qui est-ce qui contrôlait l'aéroport

 22   ?

 23   R.  Oui, je me souviens du fait qu'il a été question de cette citation.

 24   Q.  Bien. Mais ne savez-vous pas que nous avions confié l'aéroport aux

 25   Nations Unies, à la gestion des Nations Unies ?

 26   R.  Je ne me suis pas trouvé en Bosnie lorsque la FORPRONU a pris contrôle

 27   de l'aéroport. Si j'ai bien compris, il y a eu un conflit au sujet de

 28   l'aéroport et la FORPRONU a, en partie, pu en prendre contrôle, et ce, en


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  1   raison de décisions prises par les autorités des Serbes de Bosnie.

  2   Q.  Bon, on vous montrera le contrat en question. On vous l'a confié.

  3   Je vous renvoie au paragraphe 6 qui, lui, se rapporte au nettoyage

  4   ethnique, et on dit que :

  5   "Le HCA, le responsable au chef des affaires civiles, s'est adressé à

  6   Karadzic pour mettre un terme aux nettoyages ethniques à Banja Luka et

  7   Bijeljina, et pour rendre publique son intention de briser le réseau

  8   criminel, conformément aux assurances qu'il avait avancées trois semaines

  9   avant auprès d'Akashi et de lui-même. Karadzic a confirmé de façon privée

 10   et publique que cette pratique ne reflétait pas sa politique puisque ça

 11   portait préjudice à la cause serbe, et que le chef de la police de

 12   Bijeljina avait été remplacé, et qu'il y a eu identification de deux bandes

 13   criminelles de moindre importance."

 14   Alors est-il exact de dire qu'ici, il est fait mention de certains noms

 15   d'individus qui travaillaient aux côtés des Musulmans, font des listes,

 16   leur font payer les passages, et cetera ? Le saviez-vous, ceci ?

 17   R.  Excusez-moi. Je n'ai pas très bien compris l'énoncé de votre question.

 18   Que voulez-vous que je vous dise au juste ?

 19   Q.  Ne voyez-vous pas ici que nous vous avions informé vous, à titre privé

 20   et par le biais des médias, que le chef de la police a été remplacé, non

 21   pas parce qu'il avait fait quelque chose, mais parce qu'il avait failli

 22   d'empêcher les groupes de criminels ? Vous voyez ici qu'il y a prise de

 23   position de notre part à ce sujet.

 24   R.  Je confirme que cela a été la position que vous aviez transmise à M. de

 25   Mello à l'occasion de la réunion. C'est ce que vous avez déclaré. Le

 26   rapport reflète de façon précise ce que vous aviez dit.

 27   Q.  En fin de paragraphe 7, vous pouvez voir que nous ne revenions pas plus

 28   tard sur ce document, le fait que j'avais approuvé le déplacement de


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  1   certains hommes politiques musulmans à Sarajevo pour qu'ils puissent

  2   rencontrer en personne M. Izetbegovic ?

  3   R.  Oui, je le vois.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

  6   document ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction D1136,

  9   Madame, Messieurs les Juges.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Aujourd'hui, à l'interrogatoire principal, vous avez précisé que le

 12   problème du nettoyage ethnique était présent de tous les côtés, et ce,

 13   depuis le début, n'est-ce pas ? Ça n'a pas été quelque chose crée en

 14   septembre et été 1994, c'est un problème qui datait de longue date déjà ?

 15   R.  Il est exact de dire que ce problème a existé tout au long du conflit

 16   et qu'il y a eu des mouvements de populations de toutes parts, oui.

 17   Q.  Vous avez dit que le Conseil de sécurité avait condamné toutes les

 18   parties en présence, et ensuite en continuant vous avez dit que vous

 19   mettiez en garde la partie serbe. Alors êtes-vous d'accord avec moi pour

 20   dire que le Conseil de sécurité avait condamné la totalité des parties en

 21   présence pour cette pratique et que vous, vous n'aviez mis en garde que la

 22   partie serbe ? Quand je dis "vous," je ne pense pas à vous en personne, je

 23   parle des Nations Unies.

 24   R.  Le Conseil de sécurité a rendu par le biais de ses résolutions et de

 25   ses déclarations présidentielles de façon tout à fait claire sa

 26   condamnation de la pratique des nettoyages ethniques, indépendamment du

 27   fait de savoir qui en a été responsable. S'agissant de la FORPRONU ou de sa

 28   direction, conformément à ce type de politique et de pratique, il y a eu


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  1   condamnation de tout cas de figure de nettoyage ethnique dont on aurait eu

  2   vent pour s'adresser aux autorités haut placées de la partie responsable.

  3   Je crois que la question qui se pose est celle de savoir si d'autres

  4   parties et quand ont été tenues responsables du nettoyage ethnique. Lorsque

  5   cela a eu lieu, la FORPRONU a évoqué le problème auprès d'eux.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on nous montrer la pièce 1D0245 ?

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Il s'agit d'un document daté de la veille de votre arrivée, mais ça

 10   porte sur le même sujet, parce que vous, vous êtes arrivé le 9 ou le 10

 11   avril, et ça c'est daté du 2 avril. Mais il y est question d'un problème

 12   qui perdurait.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre donc cette pièce

 14   10245.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, un instant, avant que de

 16   passer à ceci, Monsieur Karadzic.

 17   Monsieur Banbury, au paragraphe 6 de ce document, M. Karadzic semble faire

 18   référence à des hommes à Arkan, sa bande, quelque chose de semblable du

 19   moins, chose que vous aviez comparée avec des éléments de la mafia de Hong

 20   Kong; vous en souvenez-vous ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas avoir

 22   utilisé moi-même ce terme, je crois que c'est le terme utilisé par le Dr

 23   Karadzic.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le Dr Karadzic ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais vous avez déclaré qu'il

 27   s'agissait d'autorités paraétatiques qui intervenaient sur des territoires

 28   contrôlés par les Serbes de Bosnie, à savoir des bandes de paramilitaires


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  1   ou de groupes criminels qui commettaient des atrocités. Alors partant de

  2   quoi avez-vous tiré ce type de conclusion ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il a été

  4   clairement établi qu'il y a e des bandes de paramilitaires conduites par

  5   des figures d'une triste notoriété venues de Bosnie ou venues de la Serbie

  6   elle-même. Ces individus du groupe ont déployé tout un éventail d'activités

  7   fort déplaisantes en Bosnie. Ils ont été présents à bien des phases, et

  8   notamment au début, et je crois que leur assistance n'est pas contestée, il

  9   y a des rapports repris par la presse par les rapports des Nations Unies,

 10   des plaintes reçues de la part des autorités du gouvernement de Bosnie ou

 11   des autorités de Croatie. Il y a bon nombre de témoignages de témoins, de

 12   victimes portant sur les activités déployées par des gangs.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mon erreur, excusez-moi.

 14   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   Je voudrais qu'on nous agrandisse le texte.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Il s'agit ici d'un courrier adressé par le président chef du

 19   gouvernement, M. Vladimir Lukic, de la Republika Srpska, et vous voyez à

 20   qui il s'adresse. Alors je vous renvoie au premier paragraphe : 

 21   "On a reçu un rapport de l'UNHCR portant sur la détérioration de la

 22   situation à Banja Luka. Il est intéressant de remarquer qu'il s'agit d'un

 23   tout premier rapport au sujet des minorités -- du statut des minorités où

 24   que ce soit en Bosnie-Herzégovine. Le fait est que l'UNHCR a produit ce

 25   rapport pour y attirer l'attention de la communauté internationale et des

 26   médias. Malheureusement, ceci ne laisse aucun doute sur le fait qu'une

 27   agence des Nations Unies a commencé à être impliquée dans la guerre contre

 28   les Serbes. Les représentants officiels de l'UNHCR ne vérifient pas les


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  1   sources des informations recueillies ni leur teneur, et se servent de façon

  2   non critique des déclarations d'évêques, des muftis ou des représentants de

  3   Caritas sur le terrain. Ils requièrent une protection à l'intention des

  4   minorités, mais ne semblent pas être intéressés par toute une série de

  5   charges au pénal qui -- ou de délits au pénal commis par des individus,

  6   prenant part à des activités criminelles au détriment des Musulmans et

  7   Croates."

  8   Alors est-ce que vous aviez eu vent du fait que nous avons arrêté et jugé

  9   certains éléments qui avaient eu des comportements illégaux -- illicites à

 10   l'égard de Musulmans et de Croates ?

 11   R.  Je ne suis pas au courant d'arrestations effectuées par des autorités

 12   des Serbes de Bosnie pour ce qui est des éléments criminels de ce type. Je

 13   n'en ai pas eu connaissance.

 14   Q.  Merci. Mais est-ce que ceci coïncide avec ce que j'ai dit à ce sujet au

 15   moins de septembre, en vous parlant à vous de la situation à Banja Luka et

 16   en vous parlant de ce même sujet ?

 17   R.  Vos déclarations se trouvent être consistantes et conformes en la

 18   matière. Mais ce que je sais, ce dont j'ai eu connaissance, les auteurs

 19   principaux de ce type de délit, les chefs de ces gangs, n'ont été ni

 20   arrêtés ni poursuivis en justice. Ils ont continué d'agir dans l'impunité

 21   et à vaquer à ce type d'activités pendant des périodes de temps prolongées,

 22   ce qui fait que vos déclarations se trouvent être cohérentes. Mais ce que

 23   j'ai pu constater c'est que sur le terrain c'était tout à fait différent.

 24   Q.  Vous allez être surpris si vous suivez ce procès jusqu'à la fin combien

 25   de gens nous avons mis derrière les barreaux.

 26   Alors passons à la page suivante. Le premier ministre, M. Lukic, fait

 27   savoir que Louis Gentille et d'autres s'agissant de 29 municipalités dans

 28   la région de Banja Luka, et tout ce qui se passait dans ces municipalités


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  1   éloignées et peu contrôlées par Banja Luka sont attribués à Banja Luka --

  2   ou sont reprochés à Banja Luka comme si elle contrôlait le tout. Vous allez

  3   voir au premier paragraphe quelle est la quantité de réfugiés qu'il y a, et

  4   il y est dit qu'il est tout à fait dénué de sens que d'évoquer cette

  5   population parce que la population a perdu beaucoup du fait des sanctions

  6   imposées aux Serbes, parce que ce sont les sanctions qui ont généré la

  7   perte de postes de travail et cela a créé un grand nombre de réfugiés. On

  8   nous a reproché le fait de ne pas embaucher des Croates ou des Musulmans,

  9   chose qui va par la suite les inciter à demander à partir. Je vous renvoie

 10   vers ce passage, en particulier du fait qu'il n'y a eu aucun mot de

 11   prononcé au sujet du statut des Serbes à Sarajevo. Nous savons que jusqu'à

 12   présent quelque 7 000 Serbes ont été liquidés par des milices musulmanes à

 13   Sarajevo. Il n'y a pas eu un seul Serbe à avoir eu l'autorisation de

 14   quitter Sarajevo sans la permission des autorités musulmanes. On voit que

 15   ces ingérences des agences humanitaires internationales risquent d'avoir

 16   des conséquences prévisibles qui constituent une ingérence dans le

 17   processus de négociation et qui devraient conduire à une solution pacifique

 18   pour l'ex-Bosnie-Herzégovine en Yougoslavie. On voit qu'une organisation

 19   secrète musulmane à Banja Luka prépare une insurrection et place des

 20   rumeurs et l'UNHCR embarque sur cette espèce de galère et entrave

 21   l'acceptation de ce plan du Groupe de Contact.

 22   Alors est-ce que vous saviez qu'il y avait une organisation musulmane

 23   clandestine à Banja Luka qui a été l'auteur de tout ceci ?

 24   R.  Non. Je n'ai pas eu connaissance de l'existence d'un tel groupe ou de

 25   telles activités.

 26   Q.  Fort bien. Nous finirons bien par le démontrer et le prouver.

 27   Est-ce que vous vous souvenez du fait qu'à l'époque de la tenue des

 28   conférences ou des réunions importantes, il y a systématiquement eu


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  1   détérioration de la situation, détérioration visant à influer sur le cours

  2   de la conférence et sur l'évolution des événements ?

  3   R.  Je pense qu'il y a souvent eu le cas où on a vu différentes parties au

  4   conflit à la veille d'une importante réunion ou conférence qui se sont

  5   efforcées d'influencer sur la situation à leur avantage en se servant de

  6   différents moyens, en effet.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de

  9   cette pièce ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, qu'en dites-vous ?

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Aucun objection.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1137.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut nous montrer la pièce

 15   1D2737, je vous prie ?

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous allez voir ma réaction du jour d'après, réaction envoyée à

 18   l'intention de la totalité des instances qui se trouvent être concernées.

 19   Il y a aussi une traduction de ce document.

 20   Alors je vous demande de jeter un coup d'œil, de lire ce qui y est dit ici,

 21   il est dit :

 22   "J'ordonne -- j'ordonne, et ce, à l'intention de la totalité des autorités

 23   ou des postes qui risquent d'être concernés, et je souligne en particulier

 24   la nécessité de jeter la lumière sur les crimes commis à Prijedor."

 25   Alors vous avez des différents alinéas, je ne vais pas en donner lecture,

 26   tout un chacun peut le lire, donc entreprendre toutes sortes d'activités

 27   pour lutter contre les extrémistes, enlever les obstacles, assurer une

 28   escorte de la police aux représentants du CICR, et je dis que toutes nos


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  1   autorités sont censées assurer la sécurité des gens du CICR et que la non

  2   exécution ou l'exécution incomplète de l'ordre sous-entend des sanctions au

  3   pénal.

  4   Alors est-ce que ceci coïncide avec ce que je vous ai dit, à vous et à vos

  5   collaborateurs, à l'occasion de nos réunions et de nos pourparlers ?

  6   R.  Le document ici se trouve être cohérent avec ce que vous avez fait

  7   comme déclaration dans le télégramme antérieur.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

 10   dossier ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1138.

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Si je puis ajouter quelque chose au sujet

 14   de ce document, nous avons ici deux blocs signature, et cela me laisse

 15   entendre qu'il ne s'agit peut-être pas d'une version mais qu'il y a deux

 16   versions, une version en serbe et une version anglaise du même document qui

 17   se trouvent être destinées à l'intention du grand public.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'imagine que la version anglaise est

 19   l'originale, à savoir que c'est la copie qui a été communiquée au CICR à

 20   l'époque. Est-ce que vous voulez que ces deux documents soient versés au

 21   dossier en tant que pièces distinctes ?

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis en train de me demander quelle est

 23   la meilleure façon de procéder, je n'en suis pas trop sûre.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est reflété au compte rendu. Nous

 25   pouvons en faire une seule et même pièce à conviction, ce sera la pièce

 26   D1138 et on va la laisser tel quel.

 27   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais qu'on nous montre maintenant


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  1   le 1D477, et c'est le seul document sur les 150 ou 200 à ne pas avoir été

  2   traduit. Mais il est là pour nous montrer comment l'ordre que j'ai donné a

  3   été exécuté du côté des militaires.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Ici nous voyons un télégramme du ministère de la Défense. Je voudrais

  6   qu'on descende un peu la page pour que l'on puisse voir que cela vient du

  7   département chargé de la défense à Banja Luka. Voilà. On voit en en-tête :

  8   "Ministère de la Défense," la date est celle du 3 avril, et c'est codé,

  9   c'est donc "urgent et chiffré," et on envoie le même texte, mot à mot; d'un

 10   mot à l'autre, c'est le même texte. Donc l'ordre, que j'ai donné

 11   précédemment et qu'on a vu tout à l'heure, a été re véhiculé pour devenir

 12   un ordre à l'intention de l'armée, entreprendre toutes les mesures visant à

 13   jeter de la lumière -- à faire la lumière sur les crimes commis dans la

 14   Republika Srpska, notamment à Prijedor, et cetera, donc c'est un document

 15   tout à fait identique ici qui est repris. Etes-vous d'accord avec moi pour

 16   dire que le ministère de la Défense a réagi de façon prompte -- a réagi le

 17   même jour pour véhiculer l'ordre en question ?

 18   R.  Oui. Je ne parle pas la langue serbe-croate, ce qui fait que je ne sais

 19   pas quelle est la teneur de ce document. Mais si l'on suppose que ce que

 20   vous dites est bien exact, on peut être d'accord pour dire que la réaction

 21   est tout à fait prompte.

 22   Q.  Bien.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut accorder à ce document une

 24   cote MFI en attendant l'arrivée de la traduction ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Il y a une traduction officielle du CLSS.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais c'est parfait. Ça deviendra donc la

 28   pièce à conviction D1139.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on, à présent, nous montrer le D705

  2   ? C'est une pièce qui est versée au dossier mais je voudrais qu'on nous la

  3   montre brièvement afin que le témoin puisse se pencher dessus. Le D705,

  4   s'il vous plaît.

  5   Donc nous sommes toujours au mois d'avril et nous nous occupons de

  6   problèmes similaires. M. Akashi envoie à M. Annan et M. Stoltenberg ce

  7   télégramme le 7 avril.

  8   J'aimerais que l'on affiche la page 3 de ce document.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Paragraphe 10, c'est celui-ci sur lequel j'aimerais que vous orientiez

 11   votre attention, je cite :

 12   "Que le CICR soit autorisé à évacuer les Musulmans de Prijedor. Répondant à

 13   cette demande, le Dr Karadzic a déclaré que la situation à Prijedor était

 14   une évolution regrettable pour les Serbes. Tout en acceptant que la

 15   situation aurait pu être prévue, il a fait remarquer que les civils

 16   présents dans la ville s'étaient, au début de la guerre, massacrés les uns

 17   les autres, et il a maintenu que la situation actuelle avait été provoquée

 18   par un massacre de six policiers serbes de la ville dû aux Musulmans. En ce

 19   moment, des forces supplémentaires ont été envoyées dans la ville pour

 20   stabiliser la situation et il avait, au départ, répondu favorablement à la

 21   demande du CICR d'évacuer tous ceux qui craignaient pour leur vie en se

 22   fondant sur l'impression que les nombres de personnes concernées étaient

 23   minimaux. Toutefois --"

 24   J'aimerais qu'on passe à la page suivante. Donc je poursuis la citation :

 25   "Toutefois, 80 camions remplis de passagers à chaque fois, c'était

 26   inacceptable. Il avait --"

 27   Le "il" concerne Radovan Karadzic. Je reprends la citation :

 28   "Il n'avait aucune objection par rapport à l'évacuation de ces personnes à


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  1   raison de cinq camions par jour, environ 100 personnes, car ceci

  2   permettrait à ceux qui restaient dans la ville de revoir leur situation

  3   dans le cadre d'une stabilisation des conditions de vie à l'intérieur de la

  4   ville."

  5   J'aimerais que vous vous penchiez sur le paragraphe 12 aussi, où il est

  6   question du nettoyage ethnique et des violations des droits humains qui

  7   doivent cesser, et cetera, et cetera. Puis, à ce moment-là, Karadzic

  8   déclare, je cite :

  9   "…qu'il accepterait ma visite à Banja Luka et qu'il proposait que le vice

 10   premier ministre de l'Intérieur, basé à Banja Luka, soit l'invité de ce

 11   voyage. Si possible et s'il était disponible, il m'accompagnerait pendant

 12   ma visite."

 13   Nous arrivons à la dernière phrase, qui se lit comme suit, je cite :

 14   "Par ailleurs, il a fait remarquer que les extrémistes de Banja Luka

 15   étaient difficiles à contrôler et il a exprimé le vœu que ma visite

 16   décourage ces extrémistes de nouveaux abus dans le secteur."

 17   Alors convenez-vous que vous saviez aussi qu'un grand nombre de Serbes de

 18   la région de Krajina avait fui vers Banja Luka, en provenance aussi de

 19   Bosnie centrale, et que parmi eux, il y avait des gens qui n'étaient pas

 20   connus de la police locale ?

 21   R.  Oui, oui.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document est déjà une pièce au dossier. Je

 24   voulais simplement le soumettre au témoin.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Est-ce que ceci correspond également, d'après votre expérience, à ce

 27   que j'ai pu dire moi-même pendant un certain nombre de réunions auxquelles

 28   vous aviez assisté déjà par le passé ?


Page 13367

  1   R.  Je crois que la date de ce télégramme est le 7 avril 1994. Or, moi je

  2   suis arrivé sur les lieux le 9 avril. Donc toute cette discussion se

  3   déroulait au moment même de mon arrivée et, par conséquent, il m'est un peu

  4   difficile -- enfin, je n'ai pas personnellement l'expérience de cette

  5   réunion. Je n'ai pas préparé ce télégramme codé. Je suis en train de le

  6   lire ici aujourd'hui. Je pense que c'est un document de la FORPRONU, et je

  7   crois qu'il reflète bien ce qui était discuté à l'époque.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du document

 10   D471, qui est également une pièce à conviction déjà.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur, vous y trouverez notre façon de voir les événements de

 13   l'époque, en particulier ceux qui avaient un rapport avec les conférences.

 14   Ce que nous affirmons c'est que la population locale avait peur, certes,

 15   mais il y avait aussi le fait que les dirigeants musulmans au plus haut

 16   niveau émettaient des consignes qui avaient pour but de créer des crises et

 17   de faire partir la population, notamment au moment où se menaient certaines

 18   conférences.

 19   Est-ce que ceci vous semble familier ?

 20   R.  Je ne suis pas au courant d'une telle pratique de la part des autorités

 21   gouvernementales bosniennes.

 22   Q.  Voyez ce document. Nous avons également une traduction. Dans ce

 23   document, le SDA, qui est le parti principal de la partie musulmane, écrit

 24   ce que l'on peut lire dans le texte, et au premier paragraphe nous voyons

 25   que :

 26   "Du point de vue de la sécurité, la situation en Bosnie-Herzégovine

 27   devient de plus en plus complexe, en particulier après l'adoption par

 28   Karadzic des documents de Genève qu'il a adoptés avec sa clique de Pale. Il


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  1   est, par conséquent, nécessaire dans le but de réaliser l'aspiration de

  2   tous les Musulmans, de préserver et de renforcer notre état de Bosnie-

  3   Herzégovine et d'entreprendre en urgence les mesures suivantes dans la

  4   municipalité de Trebinje."

  5   Ensuite on a une liste des demandes qui sont faites, à savoir quitter

  6   de façon groupée la municipalité dans des conditions organisées, dans le

  7   but de créer une crise, et le SDA déclare également qu'il est censé rendre

  8   compte au Merhamet -- à l'organisation Merhamet au Monténégro. Ce document

  9   est un document authentique provenant du parti politique SDA, et il évoque

 10   la création d'une crise à Trebinje.

 11   Savez-vous qu'il n'y a pas eu de meurtres à Trebinje, de façon

 12   générale ? La date de ce document est le 20 janvier 1993, et nous étions

 13   fiers du fait que Trebinje était parvenu à conserver son caractère

 14   multiethnique à cette date.

 15   R.  Si la question consiste à me demander si je savais qu'il n'y avait pas

 16   eu d'assassinats de Musulmans de Bosnie à Trebinje en janvier 1993, je vous

 17   répondrais que je ne connais pas suffisamment bien l'histoire. Je ne

 18   connais pas les circonstances exactes qui prévalaient à Trebinje à cette

 19   époque-là.

 20   Q.  Mais vous rappelez-vous que nous vous avions informé, pendant un

 21   certain nombre de réunions, que les Musulmans provoquaient des incidents et

 22   prenaient des mesures qui rendaient la situation plus difficile. Vous

 23   rappelez-vous que nous avons décrit les manigances des Musulmans et que

 24   vous en avez souvent pris note dans vos notes personnelles et fait état

 25   dans vos rapports ?

 26   R.  Oui, je me souviens de cela. A plusieurs reprises, les autorités bosno-

 27   serbes ont informé les dirigeants de la FORPRONU que le gouvernement

 28   musulman de Bosnie ou que les Musulmans de Bosnie se livraient à un certain


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  1   nombre de manigances, si je puis utiliser ce terme, pour tromper la

  2   FORPRONU et la communauté internationale. Nous avons pris note de vos

  3   avertissements à ce sujet, oui.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage du document

  6   1D3439.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce document ne doit pas être diffusé à

  8   l'extérieur. Il ne peut être utilisé qu'à huis clos partiel s'il doit être

  9   utilisé.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si nous devons passer à huis clos partiel,

 12   j'indique que je n'aurais besoin que de la dernière page. D'ailleurs il

 13   n'est pas nécessaire de voir qui est mon interlocuteur. La seule chose que

 14   je souhaite montrer c'est ce qui a été dit et le fait que ceci a été

 15   consigné dans ce document.

 16   Donc d'abord affichage de la première page, je vous prie, pour que les

 17   personnes dans le prétoire puissent en prendre connaissance mais sans

 18   diffusion vers l'extérieur du prétoire.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Voilà. Monsieur, je vous demanderais de vous pencher sur le paragraphe

 21   30 qui s'affiche à l'écran actuellement, et qui se lit comme suit, je cite

 22   :

 23   "Le Dr Karadzic a déclaré --

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais si le Dr Karadzic s'apprête à citer le

 25   document nous devons passer à huis clos partiel.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pensais ne citer que la dernière phrase qui

 27   concerne Trebinje sans faire référence à qui était mon interlocuteur. Si

 28   cela exige de passer à huis clos partiel, d'accord, mais enfin c'est la


Page 13370

  1   dernière phrase du paragraphe 30 qui m'intéresse. Alors nous pourrons tous

  2   lire cette phrase. Véritablement, elle ne permet pas de reconnaître qui que

  3   ce soit. J'aimerais qu'elle soit consignée au compte rendu d'audience pour

  4   confirmer ce que je viens de dire.

  5   Est-ce que je peux donner lecture de la dernière phrase du paragraphe 30 ?

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je cite :

  8   "Se référant à sa lettre --

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si vous vous apprêtez

 10   à citer des passages particuliers de ce document, nous allons passer à huis

 11   clos partiel. Passons à huis clos partiel.

 12   Nous sommes maintenant à huis clos partiel. Quelle est votre question,

 13   Monsieur Karadzic ?

 14   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Page 13371 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23   [Audience publique]

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] Ce document n'est pas diffusé vers

 25   l'extérieur, n'est-ce pas ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Bon.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 13373

  1   Q.  Convenez-vous, Monsieur Banbury, que dans ces mots que j'ai prononcés,

  2   je répète que nous avons toujours été fiers du caractère multiethnique de

  3   Trebinje et convenez-vous que nous avons averti nos interlocuteurs par

  4   rapport au côté systématique de ces machinations, de ces manigances pendant

  5   la guerre, manigances correspondant à ce que nous avons pu voir dans le

  6   document précédent ?

  7   R.  Je conviens que le document que vous avez montré tout à l'heure

  8   contenait une référence à votre déclaration sur la fierté qui était la

  9   vôtre par rapport au caractère multiethnique de Trebinje. Je conviens que

 10   vous-même, ainsi que d'autres hauts responsables du pouvoir bosno-serbe, en

 11   avaient averti la FORPRONU à l'époque de temps en temps, en indiquant que

 12   les autorités musulmanes ou les représentants du gouvernement musulman de

 13   Bosnie se livraient à des manigances ou, en tout cas, à des tentatives

 14   destinées à tromper la FORPRONU sur diverses questions et notamment sur des

 15   questions liées aux raisons du nettoyage ethnique ou aux motifs des

 16   attaques.

 17   Q.  J'aimerais préciser un point.

 18   Au moment où tout ceci m'est dit et alors que je ne suis pas en

 19   possession du document du Parti démocratique, SDA, donc vous conviendrez

 20   qu'à ce moment-là, je ne nie pas, je ne rejette pas la possibilité que les

 21   choses soient bien comme il est indiqué dans la bouche de mes

 22   interlocuteurs. Convenez-vous que je me suis engagé à faire quelque chose à

 23   ce sujet. Vous rappelez-vous qu'à plusieurs reprises j'ai admis cette

 24   possibilité et j'ai dit que nous ferions quelque chose à ce sujet même sans

 25   qu'il soit prouvé que les choses étaient réellement ainsi.

 26   R.  Le document dont j'ai parlé il y a un instant concerne les événements

 27   de janvier 1993, c'est-à-dire 15 mois avant mon arrivée, et je n'ai pas

 28   vraiment eu le temps de lire complètement ce document. Donc je ne peux,


Page 13374

  1   encore une fois, que convenir que le document évoqué dans votre déclaration

  2   exprime bien de la fierté par rapport au caractère multiethnique de

  3   Trebinje, et je ne peux que reconnaître ou convenir de cela avec vous, et

  4   admettre qu'à plusieurs reprises vous-même ou d'autres hauts responsables

  5   du pouvoir bosno-serbe, à plusieurs reprises, avaient averti la FORPRONU

  6   quant au fait que les autorités musulman es de Bosnie essayaient de nous

  7   tromper de diverses manières.

  8   Q.  Merci. Vous rappelez-vous la crise centrée sur Banja Luka et Bijeljina,

  9   et vous rappelez-vous également le fait que je n'ai pas nié que tout cela

 10   se soit passé jusqu'au moment où j'ai découvert exactement ce qui s'était

 11   effectivement passé ? Convenez-vous que notre démarche ne consistait pas à

 12   nier quoi que ce soit, mais à dire : D'accord, nous allons enquêter pour

 13   voir ce qui s'est effectivement passé ?

 14   R.  Ayant lu les quelques documents précédents, je suis d'accord que ces

 15   documents indiquent bien ce que vous dites. Mais je n'ai pas

 16   personnellement participé à tous ces événements, à toutes ces réunions, ou

 17   à la rédaction de tous ces documents, donc j'en conviens, mais uniquement

 18   sur la base des documents qui m'ont été montrés ici aujourd'hui, et ce,

 19   uniquement sur la base de quelques passages de ces documents.

 20   Q.  Bon. Mais est-ce qu'eu égard à la réunion du 9 septembre 1994, vous

 21   admettez de ne pas exclure la possibilité que des consignes similaires ont

 22   été données aux Musulmans de Banja Luka et de Bijeljina ?

 23   R.  Je ne sais pas si c'est le cas ou pas. C'est théoriquement, très

 24   possible. Mais je ne sais pas si cela a effectivement eu lieu. Je ne suis

 25   pas au courant.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] A présent, j'aimerais montrer au témoin un

 28   document qui a servi de base à la possibilité qui a été donnée à la


Page 13375

  1   population de partir de façon ordonnée vers un autre lieu. C'est un

  2   document qui date de 1992.

  3   J'aimerais qu'on affiche le document 1D251.

  4   Au préalable, je demande le versement au dossier du document précédent.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce D1140, à

  7   conserver sous pli scellé.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Sous pli scellé, n'est-ce pas ?

  9   Bon. Je demande maintenant l'affichage du document 1D251.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Le document précédent est bien celui au

 11   sujet duquel le témoin n'a eu à répondre à aucune question liée à ce

 12   document-là ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que oui. Donc vous faites

 14   objection au versement au dossier de ce document ?

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je ne crois pas que le témoin ait reçu la

 16   moindre question par rapport à ce document. Car la question qui lui a été

 17   posée portait sur Trebinje.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je me permettre de répondre ?

 19   J'ai posé une question qui concernait un mode systématique de façon de

 20   faire, et la réponse a été que, oui, nous avions averti la FORPRONU par

 21   rapport à ce côté systématique de façon d'agir. Le document explicite le

 22   document précédent qui émanait du Parti démocratique, donc c'est un double

 23   lien de [inaudible].

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans le contexte, où nous nous trouvons,

 26   nous estimons que ce document est pertinent. Donc nous l'admettons au

 27   dossier.

 28   Bien, poursuivons.


Page 13376

  1   Monsieur Karadzic.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Banbury, vous avez dit, vous-même, lorsque nous nous sommes

  4   rencontrés que vous avez pris connaissance des documents qui avaient été

  5   rédigés avant votre arrivée, documents qui concernaient la présence des

  6   Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, et qui servaient de base à cette

  7   présence, notamment lorsque ces documents étaient des textes d'accords dont

  8   la durée de validité était indéterminée.

  9   Donc je vais maintenant vous montrer un document qui montre quel était

 10   notre comportement vis-à-vis des civils qui souhaitaient changer leur lieu

 11   de résidence. Je dis bien "résidence permanente," et pas "résidence

 12   temporaire." Nous avons deux mots pour cela dans notre langue. Donc ce

 13   document est un accord qui a été signé par les représentants de toutes les

 14   parties en présence en Bosnie-Herzégovine, et y compris d'ailleurs par les

 15   Croates. Ah, non, ce n'est pas le gouvernement de Croatie, mais le HDZ,

 16   donc y compris par des représentants du HDZ, et la date de ce document est

 17   le 30 octobre 1992. Nous pouvons, si nécessaire, voir aussi la version

 18   serbe de ce document.

 19   Passons maintenant à la page 2.

 20   C'est un document qui a été établi à la demande de la Croix-Rouge

 21   internationale. Paragraphe 3, je cite :

 22   "Rappelant que la présence de civils dans certains secteurs doit être

 23   protégée par rapport aux opérations militaires," et cetera, et cetera. Ça

 24   c'est le préambule.

 25   Puis point 1, je cite :

 26   "Les civils qui désirent quitter temporairement le territoire contrôlé par

 27   l'une des parties en présence dans le but de se rendre sur le territoire

 28   contrôlé par l'autre partie doivent être autorisés à le faire."


Page 13377

  1   Nous pouvons sauter le point 2.

  2   Nous arrivons au point 3, je cite :

  3   "Les civils devraient pouvoir partir dans le cadre de départ organisé sous

  4   supervision internationale et, si nécessaire, sous protection

  5   internationale. Cette sécurité leur sera garantie par chacune des parties

  6   sur le territoire sous son contrôle."

  7   Le point 4 se lit comme suit, je cite :

  8   "Chacune des parties au conflit garantit à ceux qui quittent temporairement

  9   le territoire qu'elle contrôle :

 10   "A) que leurs biens capitaux, et propriétés seront respectés et protégés;

 11   "B) qu'ils auront le droit de revenir à leur domicile à une époque

 12   ultérieure s'ils le souhaitent."

 13   Nous pouvons également voir la dernière page pour vérifier les signatures.

 14   Dernier paragraphe également. Il n'est pas nécessaire d'en donner lecture.

 15   Il est indiqué ici que le groupe concerné est un groupe vulnérable et qu'il

 16   pourra bénéficier de l'aide internationale, et notamment de l'aide du CICR.

 17   Puis nous voyons que quatre parties sont signataires de e document. Ce

 18   n'est pas un document des Nations Unies mais est-ce que ce document du CICR

 19   apporte des éléments d'information par rapport à certains départs ?

 20   R.  Ce document, encore une fois, a été rédigé bien avant mon arrivée,

 21   octobre 1992. Donc, d'après moi, les dispositions contenues dans ce

 22   document qui régissent les modalités des départs n'ont pas été respectées

 23   et ne caractérisent pas la nature des déplacements de population en Bosnie

 24   pendant la guerre.

 25   Q.  Si je devais vous dire, Monsieur Banbury, que la partie serbe a été la

 26   seule à accorder une escorte aux civils qui souhaitaient changer

 27   temporairement de résidence et que la partie musulmane a expulsé les Serbes

 28   en leur permettant uniquement d'emporter un baluchon et en les menaçant de


Page 13378

  1   tirs d'armes à feu, qu'est-ce que vous répondriez ?

  2   R.  Il y a deux parties à votre question.

  3   Sur la question de la sécurité assurée aux Musulmans qui quittaient

  4   les zones contrôlées par les Bosno-serbes en Bosnie-Herzégovine, oui, je

  5   suis au courant que cela s'est passé parfois, au cas par cas. Je crois que

  6   ceci est dû, en grande partie, au fait que le départ de ces civils était un

  7   objectif poursuivi par les autorités bosno-serbes et que ces autorités

  8   bosno-serbes souhaitaient donc voir partir ces personnes, donc qu'elle leur

  9   assurait une escorte. Je ne suis pas sûr, par exemple, qu'au moment où ces

 10   personnes quittaient la région elles aient pu être interviewées par des

 11   organisations internationales pour déterminer la nature volontaire de leur

 12   départ.

 13   Maintenant, du point de vue de la deuxième partie de votre question

 14   concernant les conditions dans lesquelles les Serbes ont quitté les

 15   secteurs du contrôle du gouvernement musulman de Bosnie, je pense qu'il y a

 16   eu des cas de ce genre et que les conditions précisent variaient en

 17   fonction des circonstances. Je sais qu'il y a eu, parfois, des moments très

 18   déplaisants dans lesquels des Serbes ont été forcés ou, en tout cas, ont

 19   subit des pressions pour quitter les zones sous contrôle gouvernemental

 20   bosnien. Je sais également qu'il y a eu d'autres départs organisés, de

 21   façon tout à fait régulière, départs de Bosno-serbes de ces mêmes secteurs

 22   sous contrôle du gouvernement bosnien. Donc je pense qu'il y avait une

 23   grande diversité de situation.

 24   Q.  Dernière question avant la pause, Monsieur Banbury, et je dois faire

 25   remarquer, à ce stade, que vous avez utilisé le mot "je crois." Donc après

 26   avoir confirmé ce que vous saviez, vous avez exprimé ce que vous croyiez.

 27   Or, c'est cela qui me pose problème, qui pose problème à la Défense, et que

 28   nous devons parfois vérifier.


Page 13379

  1   Est-ce que vous avez des éléments qui prouvent ce que vous dites ou est-ce

  2   que c'était simplement une appréciation de votre part que nous devons

  3   vérifier ? Est-ce que vous avez donc des preuves de ce que vous avancez, ou

  4   est-ce que c'est ce que vous croyez, simplement ? Je vous demanderais de

  5   regarder ce que j'ai dit, dans le document précédent, pièce D705, par

  6   rapport à Prijedor, je cite :

  7   "Un certain nombre de personnes par jour, car ceci permettrait aux

  8   personnes qui restent de réévaluer leur situation après la stabilisation

  9   des conditions de vie dans la ville."

 10   Donc la politique de l'état ne les poussait pas à partir, mais ces

 11   personnes partaient pour que la situation se stabilise et pour que soient

 12   éliminées les raisons qui les poussaient à partir pour commencer. Ce

 13   paragraphe 10 confirme-t-il ce fait au-delà du moindre doute ? Donc est-ce

 14   que vous pouvez ne plus employer le mot "je crois" mais parler de ce qui

 15   était et de ce que vous savez.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça serait très difficile, non seulement

 17   pour le témoin mais pour les Juges également, de suivre tout cela sans voir

 18   le document.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 20   document, et on peut afficher celui dont je viens de parler.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, je crois que nous

 22   sommes déjà en présence du document en question ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est le document en question.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parlons-en à la fin. Pourquoi est-ce que

 25   vous ne posez pas votre question par rapport à ce document, qui est le D705

 26   ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons la page suivante, paragraphe 10, qui

 28   commence dans cette page. Bien. Page suivante encore.


Page 13380

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est un rapport de M. Akashi qui

  2   concerne sa rencontre avec M. Karadzic.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Donc indépendamment de quelque appréciation ou estimation que ce soit,

  5   ce qui est exprimé dans ce document c'est que nous sommes prêts à évacuer

  6   non pas 80 camions, mais cinq camions par jour, même si ceci nous a été

  7   imposé par la force. Nous n'étions pas favorables à cela. Vous verrez plus

  8   tard que nous avons fait connaître notre opposition à cela mais que nous

  9   avons estimé que c'était une solution pour que ceux qui restaient puissent

 10   avoir le temps de réévaluer leur situation et décident de rester dans la

 11   ville.

 12   Est-ce que ce document ne dit pas cela de façon explicite ?

 13   R.  Ce document dit cela, oui.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que nous pourrions faire la

 15   pause maintenant ? Est-ce que le document précédent est versé au dossier ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, que pensez-vous pour le

 17   document 1D251 ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'étais

 19   un peu perdue entre les différents documents dont nous parlons. Je pensais

 20   que nous parlions maintenant du D705.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, du 1D251, document du CICR.

 22   Mme EDGERTON : [interprétation] Puis-je répondre après la pause, je vous

 23   prie ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

 25   d'une demi-heure. Nous reprendrons à 13 heures 05.

 26   [Le témoin quitte la barre]

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 34.

 28   --- L'audience est reprise à 13 heures 06.


Page 13381

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je voudrais vous

  3   parler du temps qui m'a été alloué pour ce témoin. L'Accusation - et cela

  4   se comprend - souhaite que le témoin authentifie les documents dont il est

  5   l'auteur; cependant, en plus de ces évaluations subjectives à l'issue de

  6   ces documents, dans cette déclaration, il a fourni également toute une

  7   série d'interprétations, qui sont basées sur des impressions sur des

  8   jugements, sur des caractéristiques psychologiques également. Par

  9   conséquent, si ces propos sont considérés comme des éléments de preuve, il

 10   faudra que la Défense fasse toute la lumière sur sa déposition, et pour

 11   essayer de voir également si d'autres documents des Nations Unies ne vont

 12   pas à l'encontre de ce que lui nous dit ici.

 13   Si nous n'étions pas restreints pour nos mémoires de clôture et pour

 14   nos plaidoiries, ça ne serait pas un problème; cependant, nous ne pensons

 15   pas qu'en six heures nous aurons suffisamment de temps pour mettre l'accent

 16   sur des interprétations personnelles. Il s'agit de quelqu'un qui n'est pas

 17   un expert et qui présente ses propres opinions.

 18   Vous verrez qu'il dit, par exemple : "Mladic a reconnu qu'il avait

 19   ouvert le feu contre des civils." En fait, ce n'est pas ce qu'il a reconnu.

 20   Il a reconnu qu'il y avait des tireurs embusqués, qui étaient légitimes et

 21   légaux, et ceci a des conséquences énormes -- ces détails ont des

 22   conséquences énormes. Par conséquent, soit les Juges de la Chambre ne

 23   devraient pas prendre ces commentaires en compte, soit on devrait me donner

 24   plus de temps.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, six heures c'est

 26   amplement suffisant pour couvrir toutes les questions importantes. Je vais

 27   vous donner un exemple qui montre que vous n'utilisez pas le temps qui vous

 28   est imparti à bon escient.


Page 13382

  1   Nous avons déjà versé au dossier la pièce D1139. Il s'agissait d'un

  2   ordre du ministère de la Défense qui avait été donné à votre demande. Il

  3   s'agit -- et ce premier ordre en question était donc la pièce D1138. Vous

  4   n'aviez pas besoin de présenter le document au témoin. Vous auriez pu

  5   verser directement ce document sans le truchement de ce témoin ou alors

  6   vous auriez pu le verser par le biais d'un autre témoin. C'est un exemple,

  7   un détail peut-être peu important.

  8   Mais je dirais que les Juges de la Chambre, pour l'instant, ne sont

  9   pas enclins à vous donner plus de temps pour le contre-interrogatoire de ce

 10   témoin. Par conséquent, je vous demande d'utiliser le temps qui vous est

 11   imparti à bon escient.

 12   Madame Edgerton, est-ce que l'on pourrait discuter du versement du document

 13   précédent ?

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. Pas d'objection.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ce document est versé au

 16   dossier.

 17   Entre-temps, on peut faire entrer le témoin dans le prétoire.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document deviendra la pièce D1141.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais vous rappeler qu'il y a 214

 20   paragraphes dans cette déclaration et chacun de ces paragraphes nécessite

 21   des précisions, et ceci présente énormément de difficultés pour moi.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez continuer

 24   votre contre-interrogatoire.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc vous avez versé -- vous avez accepté le

 26   versement du document précédent, n'est-ce pas ?

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait maintenant demander


Page 13383

  1   l'affichage du document 1D3459 ?

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Banbury, voilà ce que je vous soumets. La continuité des

  4   documents qui traitent -- qui parlent du traitement des civils, la

  5   continuité des documents sur lesquels nous avons travaillé est la suivante.

  6   Vous avez donc le document précédent, qui était un document de la Croix-

  7   Rouge, et vous avez celui-ci, qui émane du co-président de la Conférence de

  8   Londres. C'est celui qui a remplacé Lord Carrington. Il s'agissait de la

  9   Conférence de Londres sur la Bosnie-Herzégovine, qui était tenue le 27 août

 10   1992. J'aimerais attirer votre attention sur les paragraphes qui sont

 11   surlignés et qui parlent du traitement des civils, à savoir, si vous

 12   regardez le paragraphe D, cela parle de rapatriement vers des zones qui

 13   sont contrôlées par les autorités appartenant à leur groupe ethnique

 14   respectif.

 15   Est-ce que l'on pourrait passer à la page suivante, s'il vous plaît ?

 16   Voyez, par exemple, qu'ils peuvent choisir de résider temporairement

 17   dans leur secteur de détention, réinstallation dans des zones qui sont loin

 18   du conflit, et ceci, sous supervision internationale, et puis statut de

 19   réfugiés temporaires dans les pays tiers.

 20   Est-ce que l'on peut passer au bas du document, autre partie surlignée ?

 21   Voyez le 3.3. Il rappelle que :

 22   "Les réfugiés et les personnes déplacées devraient avoir la

 23   possibilité de rentrer chez elles de leur propre gré et en toute sécurité."

 24   Est-ce que l'on peut passer à la page suivante, s'il vous plaît ?

 25   Regardez maintenant le paragraphe 7 :

 26   "Ces mesures devraient se conformer aux accords conclus par les parties à

 27   Genève le 22 mai sous les hospices du CICR."

 28   Vous voyez que dès le début de la guerre, c'est-à-dire un mois après le


Page 13384

  1   début de celle-ci, les différentes parties avaient signé un accord

  2   précisant comment les civils seraient traités. Il était mentionné, par

  3   exemple, qu'elles avaient le droit -- que les civils avaient le droit de

  4   passer sur un autre territoire.

  5   Vous voyez marqué ceci au petit B également :

  6   "Aucune partie ne peut avoir l'obligation de donner des garanties de

  7   sécurité pour le compte des autre parties au conflit."

  8   Est-ce que vous vous souvenez, Monsieur Banbury, que tant les Musulmans que

  9   les Serbes étaient tellement proches des uns des autres - et je parle ici

 10   des lignes de confrontation à Sarajevo - qu'ils auraient pu tous les deux

 11   ouvrir le feu contre des aéronefs, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Alors vous parlez de garanties.

 14   Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il aurait fallut prendre

 15   en compte tous ces accords pour ce qui est, par exemple, d'une

 16   réinstallation temporaire de population sur leur demande, et ceci, de

 17   manière organisée ?

 18   R.  Je vous prie de m'excuser. Est-ce que vous pourriez répéter votre

 19   question, s'il vous plaît ?

 20   Q.  J'aimerais savoir si vous êtes d'accord pour dire qu'il faudrait garder

 21   à l'esprit tous les accords qui constituent la base de la prise en charge

 22   et du traitement des civils durant cette guerre civile ?

 23   R.  Oui, je suis tout à fait d'accord pour dire que tous les engagements

 24   signés devraient être pris en compte, et je pense que la FORPRONU a pris

 25   ceci en compte. Mais ce qui a fait l'objet de tant de frustrations de notre

 26   part et à plusieurs reprises c'était que les engagements qui avaient été

 27   pris durant les discussions politiques n'étaient pas respectés en pratique.

 28   Cela faisait une différence entre des accords qui avaient été conclus par


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  1   les parties des engagements qui avaient été imposés par le biais de

  2   différents instruments, le droit international, mais également par des

  3   résolutions du Conseil de sécurité, également par les pratiques sur le

  4   terrain des différentes parties, et qu'il y avait énormément de différences

  5   en la matière.

  6   Q.  Merci. Conviendrez-vous avec moi que, du point de vue du droit pénal,

  7   il faut déterminer au-delà de tout doute raisonnable si l'on a forcé

  8   quelqu'un de quitter un territoire ou si l'on a obligé quelqu'un à se

  9   réinstaller ailleurs.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas au témoin de répondre à

 11   cette question, Monsieur Karadzic.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser ce document au dossier

 13   ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Je crois qu'on a vraiment du mal à établir

 16   un lien entre ce document et les questions qui ont été posées au témoin.

 17   Mais il est évident qu'il s'agit d'un document authentique et, par

 18   conséquent, sur cette base-là, je n'aurai pas d'objection.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande si vous deviez vraiment

 20   présenter ce document au témoin pour poser cette question. Mais quoi qu'il

 21   en soit, nous allons accepter le versement de ce document.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document deviendra la pièce D1142.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur Banbury, les Musulmans sont arrivés à vous convaincre qu'ils

 25   étaient en faveur d'une Bosnie-Herzégovine multiethnique, n'est-ce pas ?

 26   Vous restez convaincu de cela à ce jour, et vous en parlez dans le

 27   paragraphe 204 de votre déclaration, n'est-ce pas ?

 28   R.  Je pensais à l'époque et je pense toujours que c'était la politique


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  1   officielle et l'objectif du gouvernement de Bosnie que d'avoir un Etat

  2   multiethnique, effectivement.

  3   Q.  Mais voilà ce que je vous soumets. Durant des réunions secrètes avec

  4   des représentants de la Croatie, la partie musulmane a déclaré qu'ils

  5   voulaient expulser les Serbes de Bosnie, et les Croates ont informé les

  6   Américains de cet objectif. Je vais vous présenter maintenant un autre

  7   document où Ganic dit la chose suivante au président Tudjman.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander l'affichage

  9   du document 1D127 ?

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Vous voyez qu'il s'agit du compte rendu ou d'un PV d'une réunion entre

 12   le président Tudjman et Ejub Ganic. Je vous demande de consulter la page

 13   23. En anglais, il s'agit de la page 4 sur le prétoire électronique. Voilà

 14   ce que dit Ganic :

 15   "M. le président, peut-être que je ne suis pas réaliste, mais je pense que

 16   le renforcement de l'entité que constitue la Fédération serbe va être

 17   marginalisée. Si vous comprenez ce que je veux dire."

 18   Est-ce que l'on peut passer à la page suivante ? C'est la page 4 en

 19   anglais, et dans le dernier paragraphe, il est mentionné :

 20   "Vous savez ce que l'on va nous permettre de faire. Nous pouvons

 21   marginaliser les Serbes en Bosnie."

 22   Est-ce que l'on peut maintenant passer à la page 29 ? En anglais, il s'agit

 23   de la page 4. Donc on voit que c'est saur la même page en anglais. Ça

 24   commence -- ce sont toujours les propos de Ganic :

 25   "Autre chose. Permettez-nous de nous armer beaucoup plus. En

 26   acceptant de recevoir --" "-- de nous permettre de recevoir plus d'armes,

 27   nous aurons une population qui sera prête pour la guerre. Que pensez-vous

 28   de cela ? Est-ce que vous pensez que les Américains ou les Allemands les


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  1   laisseront être notre garantie," et cetera, et cetera.

  2   Donc, Monsieur Banbury, cela s'est produit le 29 avril 1995. La

  3   traduction c'est qu'en fait on allait pousser à la guerre, on allait

  4   pousser une génération à la guerre, qu'on allait -- nous pouvons jeter dans

  5   la guerre.

  6   Donc, Monsieur Banbury, est-ce que ceci correspond à nos soupçons

  7   concernant les intentions des Musulmans vis-à-vis des Serbes ? Nous vous

  8   l'avons dit et les Nations Unies également, les Musulmans voulaient avoir

  9   une Bosnie sans chrétien. Tout d'abord, sans Serbe, et ensuite sans Croate.

 10   Vous voyez ici, nous en avons la preuve :

 11   "Marginalisez les Serbes était devenu un projet à l'échelle de

 12   l'Etat, parce que cet homme est le vice-président de la présidence

 13   musulmane et il est le numéro 1 au niveau de l'armée de l'entité de

 14   Bosnie."

 15   R.  Je suis désolé, Docteur Karadzic. Est-ce qu'il s'agit d'une question ?

 16   Q.  Est-ce que vous n'étiez pas au courant de cela ? Est-ce que l'on ne

 17   vous faisait pas part de nos peurs et de nos préoccupations concernant les

 18   intentions des Musulmans ? Est-ce que ceci ne correspond pas aux

 19   préoccupations que nous avions quant à nos perspectives de l'avenir ?

 20   R.  Avant de répondre, j'aimerais obtenir une précision. Cette réunion

 21   s'est tenue à quelle date ? Je n'ai pas remarqué cela lorsque vous avez

 22   affiché la page de couverture. Je suis désolé.

 23   Q.  Cette réunion s'est tenue le 29 avril 1995. On peut revenir à la page

 24   de garde, si vous le voulez.

 25   R.  Merci. Cette déclaration de M. Ganic, qui figure dans ce document, à

 26   savoir que leur intention était de marginaliser les Serbes, je ne sais pas

 27   ce qu'il entend par "marginaliser," parce que cela peut signifier beaucoup

 28   de choses. Mais il y avait une Fédération qui avait été signée entre les


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  1   Bosno-musulmans et les Bosno-croates, une Fédération englobant de parties,

  2   et cette Fédération était de facto une alliance contre les Bosno-serbes. Il

  3   est évident que vous, en tant que -- et les autres dirigeants bosno-serbes

  4   avaient fourni aux responsables de la FORPRONU ou avaient donné aux

  5   responsables de la FORPRONU des éléments, des déclarations qui laissaient

  6   penser que le gouvernement de Bosnie, les Bosno-musulmans voulaient dominer

  7   les Serbes, voulaient maltraiter les Serbes; vous avez effectivement alerté

  8   la FORPRONU à ce sujet, effectivement.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser ce document au

 11   dossier -- ou plutôt, les parties dont j'ai données lecture, peut-être la

 12   totalité du document ?

 13   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 14   les Juges, il s'agit d'un document, qui est dans la langue d'origine, et

 15   porte plus de 40 pages. Je travaille depuis assez longtemps au Tribunal, et

 16   je crois savoir qu'il s'agit d'une transcription de réunions qui se sont

 17   tenues durant toute une journée au bureau du président Tudjman. Par

 18   conséquent, j'aimerais émettre une réserve tant que nous n'avons pas de

 19   traduction complète. Nous n'avons en fait que des traductions très

 20   parcellaires de certains extraits choisis, et compte tenu des parties en

 21   présence, et du contexte, également de la durée couverte par la

 22   transcription de cette réunion, ce serait important d'avoir la totalité de

 23   la traduction.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que cette réunion a duré qu'une

 25   heure.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Je suis désolée si tel est le cas. Je vous

 27   prie de m'excuser.

 28   [La Chambre de première instance se concerte]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donner une cote provisoire à

  2   ce document, et nous attendrons que Mme Edgerton revienne vers nous avant

  3   de donner une cote définitive.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce D1143, cote

  5   provisoire MFI.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Pour ce qui est des intentions de la partie serbe, vous aviez certaines

  9   opinions et pas mal d'impressions, enfin ce que vous ne saviez pas -- mais

 10   plutôt concentrons-nous sur ce que vous saviez.

 11   Dans les paragraphes 35 à 39, et 56 à 59, vous parlez des plans de paix, et

 12   à plusieurs reprises, vous avez répété que les Serbes voulaient la paix,

 13   mais avec leurs propres conditions, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je consulte ma déclaration, mais, effectivement, c'est quelque chose

 15   que j'ai mentionné et cela doit figurer quelque part dans ma déclaration,

 16   effectivement.

 17   Q.  Au paragraphe 19, ainsi que paragraphes 35 à 39, ainsi que 56 à 59, il

 18   est mentionné quelles étaient nos conditions, à savoir négociations,

 19   différents plans. A un moment donné, vous mentionnez que l'on voulait plus

 20   de 50 % du territoire de la Bosnie ?

 21   R.  Oui, je crois que c'est exact.

 22   Q.  Merci. J'aimerais savoir si vous avez participé à une de ces

 23   conférences durant la guerre ?

 24   R.  De quelle conférence parlez-vous ?

 25   Q.  Des conférences sur la paix, ou des conférences qui abordaient les

 26   plans de paix qui devraient être adoptés ?

 27   R.  Je n'ai jamais participé à des conférences officielles internationales

 28   pour la Bosnie. J'ai participé à de nombreuses réunions des Groupes de


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  1   Contact, ou j'ai participé à des réunions avec des représentants des

  2   Groupes de Contact, des réunions où on parlait également de plan de paix ou

  3   l'on discutait un accord sur la paix. Mais en fait pour ce qui est des

  4   conférences internationales, mis à part Londres, il y a très peu de

  5   conférences qui se sont tenues à partir de mon arrivée là-bas, donc, non,

  6   je n'ai pas participé à ce genre de conférences.

  7   Q.  Pensez-vous que nous avons accepté, très tôt dans le conflit, que nous

  8   accepterions moins de 50 % du territoire ? Par exemple, dès le départ, lors

  9   de la Conférence de Lisbonne, nous avons accepté que l'on obtiendrait 44 %.

 10   Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Puis, durant la période du plan Owen-Stoltenberg, nous avions accepté

 13   que les Musulmans reçoivent 33,5 % et les Croates à 35,7 -- ou plutôt,

 14   17,5, ce qui au total correspondrait à 51 %, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait consulter rapidement

 17   le document de la liste 65 ter 17686, s'il vous plaît ?

 18   Il s'agit ici d'une lettre, datée du 8 juillet 1994, du secrétaire général,

 19   à l'attention du Conseil de sécurité; il est question de plans.

 20   Je demande maintenant à ce qu'on nous montre la page 12. Non, non, c'est la

 21   page 13 au prétoire électronique, en réalité.

 22   Je demande à tout un chacun de se pencher. Je vais donner lecture en

 23   anglais :

 24   "Au paragraphe 12 de ce rapport, il est question des réunions du Conseil de

 25   sécurité, 29 décembre 1993, en présence du co-président de ce comité de

 26   l'administration (S/26922), la phase à laquelle est arrivé l'effort de mise

 27   en place de la paix pour ce qui est de la situation en Bosnie-Herzégovine

 28   se trouve être résumée comme suit :"


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  1   On dit ici qu'il va être question d'une union de trois républiques, qu'il y

  2   aura une république de la majorité musulmane de 33,3 %, 17,5 % pour la

  3   minorité croate, le groupe ethnique croate. On dit que la République

  4   musulmane aurait accès à la mer, et que Silajdzic et Krajisnik allaient

  5   continuer à discuter pour ce qui est d'une délimitation territoriale.

  6   On dit que, le 18 et 19 janvier, on a proposé des cartes, et les Serbes ont

  7   proposé, à cette majorité musulmane, 33,56 %, et à la partie croate, 17,5

  8   %, et que Izetbegovic avait fait savoir que c'était la composition qu'on

  9   leur avait faite.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  On peut voir aussi que la partie musulmane avait réclamé le droit à un

 12   accès à la mer --

 13   R.  Oui, je suis d'accord du point de vue du fait de dire que les autorités

 14   du gouvernement de Bosnie avaient souhaité eu avoir accès à la mer.

 15   Q.  Vous souvenez-vous du fait que Lord Owen ait dit au public, que c'était

 16   la première fois où l'armée non vaincue était disposée à être rétrocédée de

 17   si grand territoire; donc une armée qui n'a pas été vaincue, mais qui dans

 18   l'intérêt de la paix, veut bien céder de si gros territoire, passer de

 19   quelque 70 % à 49 % du territoire ?

 20   R.  Enfin, comme cela de but en blanc, je ne sais pas, je n'ai pas

 21   connaissance de telle déclaration faite par Lord Owen.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

 24   document des Nations Unies ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Edgerton.

 26   Mme EDGERTON : [interprétation] Pour que les choses soient tout à fait

 27   clairement dites au compte rendu, ceci n'est pas une lettre qui est à voir

 28   avec les plans, comme l'a dit le Dr Karadzic. Il s'agit d'un rapport du co-


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  1   président du comité d'administration des activités liées à la Conférence

  2   internationale sur l'ex-Yougoslavie.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

  4   Ce sera versé au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1144, Messieurs

  6   les Juges.

  7   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

  8   Q.  Comme on peut le voir ici, la conférence dure encore. Il n'y a pas eu

  9   de journée sans qu'une conférence quelconque ne soit en cours.

 10   Si je puis vous le rappeler, fin 1991 et début 1992, il y a eu la

 11   Conférence Carrington-Cutileiro, et ça a été en vigueur jusqu'au 22 août

 12   1992 lorsque Vance et Owen ont pris la relève -- Owen et Stoltenberg ont

 13   repris la relève fin 1993. Début 1994 -- au printemps 1994, c'était le plan

 14   du Groupe de Contact, et pour finir c'étaient les accords de Dayton. Etes-

 15   vous d'accord avec moi ?

 16   R.  Je suis d'accord pour dire qu'il y a eu différents processus en cours

 17   aux fins d'aboutir à une paix en Bosnie, oui.

 18   Q.  Merci. Vous serez d'accord avec moi pour dire qu'avant la guerre et

 19   sans la guerre, la Communauté européenne - parce que c'était la Communauté

 20   européenne, à l'époque - avait envoyé des intermédiaires, Carrington et

 21   Cutileiro, pour proposer trois républiques ethniques en Bosnie-Herzégovine,

 22   chose qui se trouvait être connue comme les accords de Lisbonne ou comme le

 23   plan à Cutileiro.

 24   R.  Je suis vaguement au courant de ce plan. Je n'avais pas encore commencé

 25   à m'occuper de la Bosnie, comme je l'ai dit, jusqu'en avril 1994. Mais

 26   lorsque j'ai commencé à intervenir en la matière, je me suis familiarisé

 27   avec les accords antérieurs et les entretiens qui avaient eu un impact

 28   important sur les événements, en avril 1994 et par la suite j'ai eu à


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  1   connaître, mais je ne peux pas dire que j'ai été expert pour ce qui est de

  2   ce qui s'était passé politiquement avant la période où je suis arrivé.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Pour votre information, les trois

  4   parties avaient accepté cet accord, et si les Musulmans n'avaient pas fini

  5   par le rejeter par la suite, il n'y aurait pas eu de guerre et nous aurions

  6   eu moins de 49 %.

  7   Alors est-ce qu'on peut --

  8   Mme EDGERTON : [interprétation] Mais quelle est la question ? Est-ce qu'il

  9   y a eu une question de posée au sujet de ce que le Dr Karadzic vient de

 10   nous dire ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Karadzic, abstenez-vous de faire

 12   des déclarations, ou posez une question.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais on peut mettre un point d'interrogation

 14   parce que M. Banbury a hérité de certaines tâches et de certains travaux

 15   qui avaient déjà eu cours.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que, le 18 mars 1992, les trois

 18   parties avaient accepté les accords de Lisbonne, et une semaine plus tard

 19   la partie musulmane a fini par le rejeter ?

 20   R.  Je n'ai pas connaissance des dates exactes, mais je suis d'une façon

 21   générale au courant de ces circonstances-là.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant le 1D3424. Alors je vous prie de

 24   prêter attention sur ce qui suit.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Nous sommes d'accord, d'abord, pour dire qu'il s'agit du 6 juin 1994.

 27   Télégramme de l'ambassadeur Akashi à l'intention de Stoltenberg, Annan et

 28   lui-même.


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  1   Alors penchez-vous sur le paragraphe 2. Je vous convie à vous pencher sur

  2   l'encadré, paragraphes 2, 3, et cette partie du paragraphe 3, ainsi que ce

  3   qui est au 4 en guise de sous-paragraphe. Une fois que vous aurez terminé,

  4   je vous prie de nous l'indiquer pour que nous puissions vous montrer la

  5   page d'après.

  6   R.  Oui, je viens de terminer ma lecture.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Montrez-nous la page suivante, s'il vous plaît.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Je vous demande de prendre connaissance de ce qui est encadré, je ne

 10   vous limite en rien pour ce qui est du reste.

 11   Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'au paragraphe il est dit entre

 12   parenthèses que les Musulmans ne voulaient pas que la FORPRONU s'interpose

 13   entre les parties en présence, et cette proposition faite par les Serbes,

 14   la trouvez-vous justifiée et raisonnable d'un point de vue militaire, à

 15   votre avis ?

 16   R.  Ce que je confirme c'est que le document dit que les Musulmans ne

 17   voulaient pas une interposition. Je suis au courant des débats et de la

 18   proposition. De là maintenant à juger du fait si cela était raisonnable ou

 19   pas, je crois que pour y répondre il faudrait prendre en considération le

 20   contexte de ce qui était réalisable ou pas, et ce qui était acceptable pour

 21   les autres parties et non. Donc le tout devrait être pris en considération

 22   dans un contexte plus vaste plutôt que de prendre de façon dissociée des

 23   éléments distincts. Mais il ne fait pas l'ombre d'un doute le fait qu'il y

 24   a des éléments individuellement pris qui sont tout à fait raisonnables à

 25   mon avis. Mais il y a eu également des choses qui n'ont pas été acceptées

 26   ou acceptables pour tous. Donc ça c'est une proposition d'une partie qui

 27   n'a pas été acceptée par l'autre partie, mais partant de là la FORPRONU

 28   aurait peut-être pu conduire des négociations.


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  1   Q.  Merci. Je vous renvoie maintenant à la première partie de ce paragraphe

  2   7, où Karadzic et Krajisnik s'emploient au cas où il y aurait échec de

  3   l'accord de faire en sorte que les arrangements obtenus pour Sarajevo afin

  4   que l'on puisse préserver moyennant ces éléments-là la paix à Sarajevo.

  5   Est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi pour dire que ceci se trouve

  6   être noté comme étant des propositions avancées par Krajisnik et Karadzic ?

  7   R.  Je suis d'accord pour dire qu'il y a un arrangement distinct qui avait

  8   été prévu pour Sarajevo. Je pense qu'à un bon nombre de reprises vous et

  9   les autorités bosno-serbes avez avancé des propositions pour Sarajevo, pour

 10   l'aéroport, pour les zones protégées, pour les déplacements de la FORPRONU,

 11   et du point de vue des Nations Unies toutes ces propositions étaient tout à

 12   fait inacceptables. Je ne sais pas maintenant dire quels devaient être les

 13   éléments faisant partie de cet avenant spécial. En principe, cela semblait

 14   être bon. Mais de là à savoir si c'était raisonnable ou pas, cela dépendait

 15   des éléments concrets qui étaient prévus.

 16   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que lorsque vous commencez à

 17   négocier, au départ vous avancez le prix le plus élevé et ensuite vous

 18   cédez du terrain ?

 19   R.  Oui, je suis d'accord là-dessus, c'est une pratique habituelle.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   Puis-je demander le versement de ce document au dossier ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1145, Mesdames,

 24   Messieurs les Juges.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   Restons encore un peu sur ce sujet des négociations et des

 27   aspirations des Serbes de Bosnie -- ou plutôt, de la Republika Srpska, et à

 28   cet effet je vous renvoie au 1D3425.


Page 13397

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Vous avez certainement remarqué que la partie serbe n'était pas

  3   favorable à des trêves de courte durée, et parfois on n'a pas, à juste

  4   titre, compris les raisons pour lesquelles nous n'étions pas favorables à

  5   ces trêves de courte durée.

  6   Alors à cet effet, je vous prie de vous pencher sur le paragraphe 3. Alors

  7   on peut voir qu'il s'agit de négociations relatives à une cessation des

  8   hostilités, et ces négociations se passent à Genève.

  9   Alors vous vous souviendrez que, dans le clip vidéo, j'ai dit que les

 10   trêves c'était une chose, et la cessation des hostilités c'était ce que

 11   nous demandions parce que c'était une introduction à la paix. La cessation

 12   des hostilités, c'est quelque chose de plus grande envergure que cela n'est

 13   le cas lorsqu'il est question de simples trêves.

 14   R.  Oui, en principe, ça devrait être le cas, je suis d'accord.

 15   Q.  Merci. Etes-vous d'accord avec moi pour dire que la partie serbe émet

 16   des réserves pour ce qui est de ces trêves et pour ce qui est de ces

 17   déplacements d'armes qui ne seraient prévus que pour l'espace de quatre

 18   semaines, et est-ce que vous trouvez raisonnable que tout ce travail se

 19   fasse pour quatre semaines et au bout de quatre semaines, on risquait

 20   d'avoir des combats reprenant de plus belle ? N'était-ce pas là une bonne

 21   raison de ne pas accepter la chose, comme nous le dit ce paragraphe 3 ?

 22   R.  Je suis d'accord pour dire que la cessation ou l'accord relatif à la

 23   cessation des hostilités c'est quelque chose qui nécessite beaucoup de

 24   travail et de l'implication des parties, de la FORPRONU, et cetera, et ça

 25   peut durer bien plus que quatre semaines. Les raisons pour lesquelles une

 26   partie rejette telle chose peuvent varier. Des fois, ces raisons sont dites

 27   de façon publique, sont rendues publiques, et d'autres fois, elles sont

 28   passées sous le silence. Ce qui importe, à mon avis, pour ce qui est de la


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  1   décision prise par vous-même et les autorités compétentes s'agissant de ne

  2   pas accepter des cessations des hostilités à court terme, c'était le fait

  3   de ne pas donner la possibilité à vos adversaires de reprendre des forces,

  4   et vous étiez donc intéressé par le maintien des gains territoriaux que

  5   vous aviez déjà réalisés. Du moins, c'était l'appréciation que j'en ai

  6   faite. De là à savoir si les motivations que vous avez avancées étaient les

  7   vôtres, je ne peux pas le confirmer. Cela est possible.

  8   Q.  Pour ce qui est de votre affirmation, ça a été en public. N'avons-nous

  9   pas accepté déjà d'avoir au final moins de 50 % ? C'était une chose que

 10   nous avions acceptée il y a longtemps avant cette date-là.

 11   R.  Vous et vos autorités aviez accepté le fait que vous pouviez obtenir

 12   moins de 50 % du territoire, mais un élément individuel d'un accord de paix

 13   ne peut être pris comme cela en considération de façon isolée. Il doit être

 14   placé dans le contexte plus large de la totalité de l'accord.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement, montrez-nous, je vous prie, la page

 17   suivante. La page entière peut revêtir de l'importance pour ce qui est de

 18   la lecture, mais au paragraphe 4, on dit que la partie serbe avait été

 19   d'accord avec notre proposition. Donc c'est les Nations Unies qui avaient

 20   proposé quatre mois de cessation des hostilités. Nous avions accepté

 21   l'arrangement proposé pour ce qui était de la séparation des forces, du

 22   contrôle des armes, et cetera, et au cinquième paragraphe, on dit :

 23   "Toutefois, lorsque nous avons informé les Serbes de Bosnie sur les

 24   positions qui faisaient l'objet de l'insistance de la Fédération, aucune de

 25   ces propositions de la Fédération ne leur semblait acceptable. La partie

 26   serbe avait dit qu'un maximum de compromis de leur part serait de tomber

 27   d'accord sur une cessation des hostilités sur quatre mois, tel que proposé

 28   par sept ministres et par les Nations Unies."


Page 13399

  1   Les "sept ministres" c'est le G7, n'est-ce pas ?

  2   L'INTERPRÈTE : Aucune réponse audible du témoin.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation]

  4   "Le Dr Karadzic a dit que si l'on voulait négocier au sujet d'une

  5   trêve pour ce qui est de la volonté de la Fédération, alors il faudrait

  6   peut-être placer un cadre différent. Il avait dit que la partie serbe avait

  7   été fort coopérative et avait accepté des compromis considérables au fil

  8   des négociations," et cetera.

  9   Alors on peut voir que nous avions fini par céder et accepter la durée de

 10   quatre semaines, tel que proposé. L'ambassadeur Akashi, nous ne pouvions

 11   pas lui résister. Nous avons fait bon nombre de concessions lorsqu'il était

 12   impliqué.

 13   On avait dit que, pendant un mois, on s'abstiendrait d'entreprendre des

 14   actions provocatrices. On voit Ejub Ganic, Nikola Koljevic. Je ne sais pas

 15   qui a signé au nom des Croates, et on voit que l'ambassadeur Akashi a

 16   signé, lui aussi.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors est-ce que, partant de ce document, les Serbes vous semblent être

 19   coopératifs ou pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce

 23   document ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1146, Madame,

 26   Messieurs les Juges.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Président, ceci est un contre-

 28   interrogatoire, et pour ce qui est de ce document, il n'a été question que


Page 13400

  1   de confirmer -- enfin, de faire confirmer au témoin la teneur de ce texte,

  2   et j'ai du mal à accepter que le Dr Karadzic puisse avoir besoin de plus de

  3   temps qu'accordé parce que, pour l'essentiel, il demande au témoin de

  4   confirmer ce qui se trouve écrit dans un document mais ça aurait pu être

  5   fait par écrit.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] L'essentiel c'était -- la question essentielle

  7   était de savoir si la partie serbe avait fait preuve de coopérativité pour

  8   ce qui était de signer des accords de cessation des hostilités. Le témoin

  9   s'est penché sur le document et il l'a confirmé.

 10   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] En fait, Docteur Karadzic, le témoin

 11   a uniquement confirmé ce qui a été dit par le document. Il n'a pas confirmé

 12   des faits qui auraient découlés de ce document.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Edgerton, la Chambre est d'avis

 14   que ces documents se trouvent être pertinents pour comprendre le témoignage

 15   de ce témoin et le placer dans son contexte.

 16   Allons de l'avant.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être n'a-t-on pas bien traduit. J'ai

 18   demandé au témoin si, partant de ce document, l'impression qui se dégageait

 19   c'était de voir que les Serbes étaient coopératifs, et il a dit : "Oui."

 20   Peut-être la chose n'a-t-elle pas été comprise du fait de l'interprétation.

 21   Je voudrais maintenant qu'on nous montre le 1D2456.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La réponse du témoin se trouve être

 23   consignée au compte rendu.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Il s'agit ici d'un télégramme envoyé en provenance de Akashi, c'est

 27   envoyé aux Nations Unies à M. Annan. C'est daté du 21 juin 1994. Donc nous

 28   sommes en pleins pourparlers, d'ailleurs pas seulement au stade des


Page 13401

  1   pourparlers au sujet du plan qui est le nôtre dans le cadre du Groupe de

  2   Contact, mais de pourparlers qui portent également sur la cessation des

  3   hostilités.

  4   Alors le point 1, je cite :

  5   "Immédiatement après la date effective du 8 juin 1994, l'accord de Genève

  6   sur la cessation des activités offensives, la FORPRONU a noté une

  7   diminution significative du niveau d'activité sur la ligne de confrontation

  8   séparant la Bosnie-Herzégovine et l'armée des Bosno-Serbes.

  9   "Malheureusement, ces indicateurs positifs d'origine n'ont pas été soutenus

 10   par les parties, et depuis le 15 juin 1994, il y a eu une augmentation

 11   marquée des tirs d'artillerie et d'armes légères qui ont ramené les

 12   hostilités au niveau d'avant la signature des accords."

 13   Puis un peu plus loin :

 14   "Des violations indirectes ont été initiées par la Bosnie-Herzégovine,

 15   particulièrement dans le secteur nord-est de sa zone de responsabilité,

 16   mais pas uniquement à cet endroit."

 17   Est-ce que ceci correspond à ce que nous ne cessons de dire depuis le

 18   début, à savoir que ce sont eux qui ont violé les cessez-le-feu et qui nous

 19   ont placés dans une situation impossible par rapport aux événements

 20   importants qui se déroulaient à l'époque, à savoir les conférences ? Est-ce

 21   que nous vous avons également informé de cela, comme l'a confirmé ici M.

 22   l'ambassadeur Akashi ?

 23   R.  Je crois que la FORPRONU -- enfin, les renseignements dont fait état M.

 24   Akashi dans ses rapports au sujet des événements adressés au QG des Nations

 25   Unies à New York proviennent plus probablement de militaires de la FORPRONU

 26   ou d'observateurs militaires de la FORPRONU qui rendent compte de la

 27   situation, mais il ne se fonde pas uniquement sur des éléments

 28   d'information provenant des Bosno-Serbes. Dans ce cas précis, en juin 1994


Page 13402

  1   et pendant les journées qui ont suivi l'accord de Genève, ce sont des

  2   militaires du gouvernement musulman de Bosnie qui étaient responsables --

  3   ou, en tout cas, qui assumaient la plus grande part de responsabilité pour

  4   les violations des cessez-le-feu. Dans ce cas particulier, oui,

  5   effectivement.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Passons à la page suivante.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Je suis d'accord avec vous, quoi qu'il en soit, que M. l'Ambassadeur

 10   Akashi ne s'appuyait pas sur nos protestations, mais s'appuyait

 11   exclusivement sur des sources des Nations Unies.

 12   Alors paragraphe 3, deuxième phrase, qui se lit comme suit, je cite :

 13   "Cela semble refléter une absence de volonté de la part du gouvernement

 14   bosnien d'appliquer l'accord et peut même être une indication de motifs

 15   quelque peu suspects de sa part au moment où il l'a signé."

 16   Puis au point 4, je cite :

 17   "Par ailleurs, vous vous rappellerez en vous fondant sur le plan Z840 du 18

 18   juin 1994 de la FORPRONU que ce sont les autorités de Bosnie-Herzégovine

 19   qui ont manifesté le moins de coopération par rapport au passage au

 20   deuxième aspect de l'accord de Genève, à savoir la libération immédiate et

 21   totale de toutes les personnes détenues, y compris des prisonniers de

 22   guerre."

 23   Puis plus loin, nous avons le point 5 qui se lit comme suit, je cite :

 24   "De notre part, de dénoncer les violations continues de la part de la

 25   Bosnie-Herzégovine pourrait amener, comme cela s'est déjà produit par le

 26   passé, une contre-offensive disproportionnée de la part de l'armée des

 27   Bosno-Serbes. Par conséquent, je demanderais que ces événements perturbants

 28   soient portés à l'attention du Conseil de sécurité. J'ai annexé un projet


Page 13403

  1   de déclaration présidentielle sur le sujet qui peut être d'une certaine

  2   utilité pour vous."

  3   La dernière page est un projet qui montre la façon dont M. l'Ambassadeur

  4   Akashi estime que devrait être présentée la déclaration du président.

  5   Alors, Monsieur Banbury, est-ce que vous voyez que M. Akashi est totalement

  6   conscient du fait que garder le silence au sujet des violations commises

  7   par les Musulmans, violations de l'accord, était dangereux car cela

  8   déboucherait sur une contre-offensive disproportionnée de la part des

  9   Bosno-Serbes ?

 10   R.  Je pense que ce rapport est très clair. M. Akashi transmet de façon

 11   très exacte au QG des Nations Unies à New York notre meilleure appréciation

 12   possible de la situation sur le terrain, de son évolution et des

 13   responsabilités -- et de la partie responsable. Je pense que ce que dit ce

 14   document montre très clairement l'absence de partialité de la part de la

 15   FORPRONU lorsqu'elle rencontre des événements sur le terrain, l'absence de

 16   partialité du point de vue du fait de favoriser ou d'appuyer ou d'être

 17   opposée à tel ou tel parti. Nous rendions compte de façon exacte de ce qui

 18   se passait sur le terrain, nous disions qui nous estimions être

 19   responsable, et nos recommandations, sur la façon de promouvoir des action

 20   susceptibles de mener à la paix, figurait également dans nos rapports.

 21   C'était donc un engagement et une pratique à laquelle la FORPRONU a été

 22   très attachée depuis le début jusqu'à la fin dans l'histoire des opérations

 23   de maintien de la paix.

 24   Q.  Si nous sommes d'accord en partie, nous pourrions maintenant regarder

 25   la page 2 où nous lisons toutefois, je cite :

 26   "Toute absence de dénonciation de notre part par rapport aux violations

 27   dues à la BiH, et qui se poursuivent --"

 28   Donc la partie musulmane n'a même pas été avertie à l'époque, et ceci n'a


Page 13404

  1   même pas été annoncé. Voilà sur quoi se fonde principalement notre

  2   protestation quant à l'existence d'une partialité, parce que la partie

  3   musulmane a pu croire dans ces conditions qu'elle pouvait faire ce qu'elle

  4   voulait. Est-ce que vous êtes d'accord que M. l'Ambassadeur Akashi, en

  5   personne, déclare que ceci doit prendre fin ? Veuillez regarder le

  6   paragraphe 5, je vous prie. Convenez-vous que M. l'Ambassadeur Akashi, en

  7   personne, déclare que ceci doit prendre fin, et est-ce que vous êtes

  8   d'accord que ceci indique que jusqu'à ce moment-là des cas de ce genre

  9   n'avaient pas été rendus publics ?

 10   R.  Je ne crois pas que ce soit le sens à donner à ce paragraphe. Ce

 11   paragraphe indique clairement au début que la FORPRONU continuera à évoquer

 12   ces questions dans ses rapports avec le gouvernement musulman de Bosnie.

 13   Nous avons souvent évoqué au plus haut niveau avec le président Izetbegovic

 14   ces questions avec également le premier ministre, avec des responsables

 15   militaires et civils de haut rang, nous évoquions leurs responsabilités.

 16   Lorsqu'il y avait violation des résolutions du Conseil de sécurité ou des

 17   actions qui devaient être mentionnées, officielles ou non officielles, nous

 18   les mentionnions. Nous portions tout cela à leur intention et insistions

 19   pour qu'ils respectent les accords.

 20   Le paragraphe qui suit indique que :

 21   "…il y a eu échec de notre part pour dénoncer la poursuite des violations

 22   dues à la BiH et nous indiquons que - comme par le passé - ceci risque de

 23   mener à une contre-offensive disproportionnée de la part de l'armée des

 24   Serbes de Bosnie…"

 25   Par conséquent, il faut qu'il y ait une action décisive et que la question

 26   soit évoquée par la FORPRONU dans ses contacts avec le gouvernement de

 27   Bosnie. Ce type d'action recommandé par M. Akashi était une déclaration

 28   présidentielle, donc je pense qu'il y a, ici, une suite logique


Page 13405

  1   d'événements. Nous nous efforcions de résoudre la situation sur le terrain.

  2   Nous ne pensions pas que nos efforts sur le terrain avaient de grande

  3   chance d'aboutir au résultat souhaité et, par conséquent, recommandation a

  4   été faite au QG des Nations Unies à New York d'entreprendre une action au

  5   niveau du Conseil de sécurité.

  6   Q.  Mais alors suis-je en droit de dire que ceci ne concerne pas les

  7   actions visant la partie musulmane mais concerne la nécessité d'informer le

  8   public des actions du Conseil de sécurité ? Il est indiqué dans ce document

  9   que ce genre de chose n'a pas été annoncé par le passé et il est demandé à

 10   ce que le Conseil de sécurité en soit informé.

 11   R.  Oui. Ma lecture de ce paragraphe permet de penser que si nous

 12   n'entreprenions aucune action au niveau de New York, au niveau du Conseil

 13   de sécurité, par conséquent, la réaction de l'armée bosno-serbe par rapport

 14   à ces violations de l'accord par l'armée gouvernementale de Bosnie allait

 15   être comme par le passé une contre-offensive disproportionnée.

 16   Q.  Je vous remercie.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 18   document.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est admis.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce D1147.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous examinions le

 22   document 1D3523 de façon à voir que le général Mladic suit la même logique

 23   lorsque deux ou trois semaines avant cela il s'adresse à M. Boutros-Ghali

 24   et au général De Lapresle dans une lettre qui est envoyée par les voies

 25   hiérarchiques des Nations Unies, je cite :

 26   "Des violations successives et de plus en plus graves des accords de

 27   cessez-le-feu dans le secteur de Sarajevo auquel il a été procédé moyennant

 28   l'emploi d'armes diverses ont pris à partie de façon générale des bâtiments


Page 13406

  1   civils et la population civile."

  2   Puis il cite des exemples au paragraphe 2. Nous lisons, je cite :

  3   "Le 24 mai 1994, un autobus civil a été pris à partie dans la même région

  4   sur la route reliant Hadzici à Subotica. Une femme a été tuée, et 13

  5   passagers, principalement des femmes, ont été blessées, dont deux

  6   gravement."

  7   Page suivante à l'écran. Toute la page, s'il vous plaît, à l'écran. Dans ce

  8   passage, c'est le général Mladic qui pose des questions. Voyons le point 2,

  9   par exemple, qui se lit comme suit, je cite :

 10   "Je suis déçu par le fait que la FORPRONU a été dans l'incapacité et

 11   n'était pas prête à prendre des mesures efficaces et adaptées. Pourquoi

 12   est-ce que la FORPRONU n'a pris aucune mesure en direction des Musulmans

 13   pour faire cesser leurs actions offensives armées et autres ?"

 14   Puis un peu plus bas, nous lisons, je cite :

 15   "L'opinion publique n'est pas informée du comportement contraire à la paix

 16   qui est manifestement celui des Musulmans."

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Donc c'est une lettre qui est signé par Milovanovic, chef de l'état-

 19   major de Mladic, à cette époque-là. Est-ce que ceci correspond à ce que dit

 20   M. l'Ambassadeur Akashi, en personne, à savoir que personne n'était informé

 21   de ces violations des accords ?

 22   R.  Je remarque que cette lettre provient du général Milovanovic et que ce

 23   n'est pas un document des Nations Unies. Donc les incidents qui sont

 24   évoqués aient censé avoir lieu et que l'on trouve mentionnés dans cette

 25   lettre, je ne sais pas s'ils ont à quelque moment que ce soit été confirmés

 26   par les Nations Unies. Sauf votre respect, nous ne nous appuyons pas sur

 27   des renseignements provenant de l'une ou l'autre des parties si pour

 28   rédiger nos rapports destinés au siège des Nations Unies à New York. Nous


Page 13407

  1   cherchions d'abord confirmation de la réalité de ces allégations dans la

  2   mesure du possible afin de vérifier ces renseignements par des moyens

  3   diversifiés. Donc je ne sais pas si ces événements ont réellement eu lieu,

  4   et s'ils ont eu lieu, je ne sais pas dans quelle mesure nous en avons rendu

  5   compte, soit, au siège des Nations Unies parce que nous avions également

  6   une façon régulière de procéder. Il y avait ces réunions de presse

  7   quotidienne à Sarajevo où les principaux événements militaires étaient

  8   portés à la connaissance de la presse mondiale. Je crois que nous

  9   cherchions à rendre compte exactement et équitablement et impartialement

 10   des défaites qui représentaient les événements en cours sur le terrain. Pas

 11   seulement en direction du siège des Nations Unies à New York, mais

 12   également à l'intention du monde entier qui prêtait une attention soutenue

 13   à ce qui se passait et qui pouvait l'apprendre grâce à ces réunions de

 14   presse quotidiennes.

 15   Du point de vue des questions posées par le général Milovanovic dans ce

 16   paragraphe 2, pourquoi est-ce que la FORPRONU ne prend aucune mesure

 17   efficace dans le but d'obtenir que les Musulmans cessent leurs actions

 18   offensives ? Pourquoi est-ce qu'elle ne les contraint pas à respecter ce

 19   qui a été convenu ? Malheureusement, à mon grand regret, la FORPRONU n'a

 20   pas pu obliger quelque partie que ce soit à respecter les accords conclus

 21   volontairement, pas plus d'ailleurs que d'autres obligations

 22   internationales qui peut-être découlaient des résolutions du Conseil de

 23   sécurité ou d'accords signés au niveau international, nous ne pouvions pas

 24   contraindre les parties à arrêter les combats ou à mettre fin à leurs

 25   actions. Ceci a été le cas dans nos rapports avec les deux parties, et

 26   c'est extrêmement regrettable que nous n'ayons pas pu le faire et que les

 27   parties n'aient pas respecté leurs obligations.

 28   Q.  Je vous remercie.


Page 13408

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le contexte du télégramme d'Akashi, est-ce

  2   que nous pouvons verser ce document au dossier ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Banbury, vous ne niez pas que

  4   la FORPRONU a reçu ces lettres à ce moment-là ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, nous

  6   recevions de façon régulière ce genre de lettres et de protestations

  7   émanant des Serbes de Bosnie, ou même d'ailleurs de toutes les parties en

  8   présence, c'était une pratique régulière, ils transmettaient ce qu'ils

  9   estimaient être des renseignements relatifs aux faits ou aux événements sur

 10   le terrain et protester auprès de nous de notre absence d'action visant à

 11   empêcher des incidents qui prenaient à partie leurs populations. C'était

 12   tout à fait routinier.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   Le document est admis.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce D1148.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Affichage du document 1D3348.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  J'aimerais vous rappeler que Mladic et Milovanovic, au nom de Mladic,

 20   ainsi qu'Akashi ont dit que l'opinion n'était pas suffisamment informée et

 21   qu'il y avait une espèce de couverture sur tous ces événements. Nous allons

 22   maintenant montrer pourquoi ceci a eu lieu, pourquoi le public n'a pas été

 23   informé.

 24   Ce document est un télégramme qui date du 22 juillet 1994 et qui concerne

 25   la visite du secrétaire d'Etat à la défense, William Perry, dans notre

 26   région.

 27   Page 3 sur les écrans, s'il vous plaît.

 28   Donc le passage qui m'intéresse c'est celui qui est encadré, dans le haut


Page 13409

  1   de la page, nous voyons que M. le secrétaire à la défense, M. Perry,

  2   déclare qu'il y a trois actions possibles pour élargir l'application du

  3   plan du Groupe de Contact :

  4   "D'abord, supprimer ce qui empêche d'aller dans le sens de ce plan, faire

  5   état des difficultés concrètes, et s'appuyer sur les pressions économiques

  6   et diplomatiques à long terme sans modifier d façon fondamentale le rôle de

  7   la FORPRONU. Nous avons répliqué que la FORPRONU ne pouvait pas s'attendre

  8   à ne pas être affectée par une quelconque augmentation des pressions sur

  9   les Serbes, mais que l'isolement serait un instrument efficace.

 10   "En deuxième lieu, M. le secrétaire Perry a déclaré qu'un groupe pouvait

 11   choisir d'appliquer vigoureusement les zones d'exclusion, en admettant la

 12   nécessité que la FORPRONU se retire. M. le secrétaire Perry a déclaré que

 13   cette option pourrait ressembler à une guerre et nous contraindre à

 14   réfléchir et à déployer nos forces, ce qui aiderait les Musulmans de Bosnie

 15   et peut-être les Croates contre les Serbes."

 16   Puis un peu plus bas, vous pouvez voir la phrase qui se lit comme suit, je

 17   cite :

 18   "Je cherche à rechercher un arrangement constitutionnel qui, sans

 19   représenter une reconnaissance internationale, fournirait aux Serbes une

 20   forte dose d'autonomie et de dignité ainsi qu'un droit à la confédération,

 21   comme celui dont ont bénéficié les Croates."

 22   Alors, Monsieur Banbury, est-ce que vous convenez que c'était bien des

 23   options qui étaient envisagées à cette époque-là, donc une des options

 24   étant une défaite des Serbes avec appui aux Musulmans et aux Croates dans

 25   le but de vaincre les Serbes ? Et convenez-vous que les Musulmans et que le

 26   plan du Groupe de Contact ne garantissaient pas l'autonomie et la dignité,

 27   et que c'était un sujet sur lequel il convenait de réfléchir, l'autonomie

 28   et la dignité des Serbes, qu'il y avait nécessité de réfléchir à cela ?


Page 13410

  1   R.  Mon point de vue sur ces options c'est qu'elles ont été présentées par

  2   le secrétaire Perry en théorie. Il s'agissait d'options théoriques qui

  3   étaient proposées à la communauté internationale. Mais je suis d'accord, et

  4   ceci figure en haut du paragraphe qui est affiché en ce moment sur les

  5   écrans, aucune des options qui viennent d'être citées n'a bien fonctionné,

  6   comme indiqué dans le texte. Elles n'étaient pas très réalisables. Il y

  7   avait peu de volonté de la part de la communauté internationale ou de

  8   l'OTAN de se plonger dans une guerre en Bosnie. Donc il leur fallait en

  9   fait mettre au point une quatrième solution possible, et cette quatrième

 10   solution possible implique clairement qu'il fallait garantir aux Serbes un

 11   degré d'autonomie et de dignité plus important. Donc tout ceci, ce sont des

 12   supputations de ma part. Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord avec

 13   vous.

 14   Q.  Mais vous avez vu que, dans ce passage, il est question d'une zone

 15   d'exclusion. Est-ce que vous vous rappelez qu'à l'époque nos armes lourdes

 16   étaient sous surveillance de la FORPRONU dans cette zone d'exclusion de 20

 17   kilomètres, qui était sous contrôle, sous supervision de la communauté

 18   internationale par le truchement des Nations Unies, qui prévoyait de

 19   prendre des mesures contre les Serbes en vue de les vaincre, et que, je

 20   cite :

 21   "La reconnaissance internationale apporterait aux Serbes un degré élevé

 22   d'autonomie et de dignité."

 23   Donc c'est une option en réserve qui permettrait de nous battre sur notre

 24   territoire du sacrifice et de la persistance, et nous avions déjà remis nos

 25   armes aux Nations Unies, n'est-ce pas ? La zone d'exclusion était déjà en

 26   vigueur, n'est-ce pas ?

 27   R.  Mais, Docteur Karadzic, elle n'a pas été respectée par vos responsables

 28   militaires. Il y a eu des violations de grande ampleur, de la part de


Page 13411

  1   l'armée des Bosno-serbes par rapport à cette zone d'exclusion, des armes

  2   lourdes autour de Sarajevo. Vous aviez des armes lourdes qui étaient

  3   éparses un peu partout dans la zone. Même les armes lourdes que l'armée des

  4   Bosno-serbes avait placé dans les centres de regroupement des armes étaient

  5   toujours contrôlées par l'armée des Bosno-serbes, sous la supervision de la

  6   FORPRONU mais sous le contrôle de l'armée bosno-serbe. Les événements qui

  7   s'en sont suivis dans la guerre, au moment où l'armée bosno-serbe retirait

  8   ses armes de ces centres de Regroupement des armes pour les utiliser contre

  9   vos ennemis, on montrait très clairement que ces armes n'étaient pas sous

 10   le contrôle de la FORPRONU.

 11   Quant à l'option que vous évoquez dans ce document, à savoir application de

 12   la zone d'exclusion des armes : Premièrement, ceci n'a été évoqué qu'à

 13   titre d'option qui était en cours de discussion dans le but de mettre en

 14   œuvre les décisions qui avaient déjà été prises et qui portaient sur les

 15   obligations qu'avait l'armée des Bosno-serbes ou qu'avait les autorités

 16   bosno-serbes. Ces obligations n'ont pas été respectées du point de vue de

 17   la présence des armes lourdes dans la zone d'exclusion. L'option de mettre

 18   en œuvre le respect pour cette zone d'exclusion, ce qui eut été un signe

 19   d'adhésion de votre part à la création de cette zone d'exclusion des armes,

 20   a été rejetée parce que cela aurait exigé un conflit de niveau trop élevé

 21   pour la communauté internationale. Donc le secrétaire Perry et, semble-t-

 22   il, les Nations Unies ont exclu la possibilité du recours à la force pour

 23   imposer le respect des obligations qui étaient les vôtres, respect dont

 24   vous ne faisiez pas preuve, à ce moment-là.

 25   Donc, excusez-moi, j'ai une lecture très différente de ce document par

 26   rapport à la vôtre.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous verrons maintenant ce qu'il en est.

 28   Je demande le versement au dossier de ce document.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce D1149.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D3426.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  J'aimerais vous poser au préalable la question suivante : Est-ce que

  6   vous savez que nous avions le droit de reprendre, de récupérer nos armes

  7   lourdes dans certaines circonstances pour les utiliser dans le cadre de

  8   notre défense ?

  9   R.  Je ne crois pas que ce soit le cas. Si tel était le cas, il ne l'était

 10   que dans des circonstances très circonscrites, et il est tout à fait

 11   certain que les conditions qui eussent pu vous permettre théoriquement de

 12   récupérer vos armes pour les utiliser dans le cadre d'une défense légitime,

 13   il est évident que, du point de vue de la FORPRONU, ces conditions n'ont

 14   jamais été réunies, et pourtant vous avez récupéré des armes et vous les

 15   avez utilisées.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous verrons demain ce qu'il en est, heure par

 17   heure, comment nous nous sommes retenus. Mais voyons maintenant cette

 18   dépêche du général de Lapresle du 16 juin 1994, qui évoque le statut de la

 19   zone d'exclusion autour de Sarajevo.

 20   Paragraphe 1 :

 21   "J'ai joint en annexe une liste des armes non contrôlées par l'armée des

 22   Bosno-serbes qui se trouvent dans la zone d'exclusion de Sarajevo."

 23   Puis au point 3, nous lisons :

 24   "La perception qui peut exister dans certains milieux que la FORPRONU ne

 25   contrôle pas la zone des 20 kilomètres est fausse. Un certain nombre

 26   d'armes figurant sur les listes sont hors service. La plupart des autres

 27   armes sont inspectées régulièrement ou sont, en tout cas, sous observation

 28   de la FORPRONU. Par ailleurs, nombre des armes qui sont impliquées dans les


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  1   violations n'ont pas une portée suffisante pour atteindre Sarajevo. Les

  2   allégations faites selon lesquelles les Serbes récupéraient régulièrement

  3   des armes dans les centres de Regroupement des armes lourdes sont fausses

  4   et doivent être réfutées."

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que ceci répond à l'impression qui était la vôtre, impression

  7   que vous avez le plus probablement acquise à la lecture de la presse

  8   musulmane ?

  9   R.  Mon impression et la façon dont la FORPRONU comprenait la zone

 10   d'exclusion des armes reposait sur des renseignements qui étaient

 11   rassemblés par nous, et pas du tout sur des sources de presse quelle

 12   qu'elles soient. Nous avions des observateurs militaires qui, à tout

 13   moment, pouvaient observer certaines armes. Nous avions du personnel dans

 14   les centres de Regroupement des armes. Nous pouvions évaluer la situation

 15   grâce à des photographies aériennes. Donc c'est par toute une série de

 16   sources différentes que nous développions notre compréhension de la

 17   situation des armes lourdes dans la zone d'exclusion et de la présence dans

 18   les centres de Regroupement des armes des armes de l'armée bosno-serbe.

 19   Comme indique le paragraphe 3, il est exact que certaines armes étaient

 20   sous notre observation directe. Il est exact aussi que des armes se

 21   trouvaient dans les points -- dans les centres de Regroupement des armes,

 22   où nous étions présents. Il est exact que certaines armes étaient anciennes

 23   et rouillées et avaient dépassé, et n'avaient qu'une porte réduite. Ce sont

 24   des faits. Mais il est également exact qu'il y a eu des répétitions

 25   systématiques des violations des dispositions régissant la zone d'exclusion

 26   des armes de la part de l'armée bosno-serbe avec des introductions

 27   nombreuses d'armes lourdes dans la zone dont certains pouvaient atteindre

 28   et ont été utilisées pour atteindre la population civile de Sarajevo. Les


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  1   dirigeants de la FORPRONU ont porté régulièrement ces préoccupations à

  2   l'attention de vous-même et des dirigeants militaires musulmans de Bosnie.

  3   Pendant toute la guerre, nous n'avons jamais été satisfaits des réponses

  4   obtenues, parce que le régime de zones d'exclusion des armes n'a jamais été

  5   totalement respecté, c'est d'ailleurs devenu un élément critique dans les

  6   derniers jours de la guerre.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Nous reparlerons de cela

  8   demain. Vous verrez quelle était la réalité de la situation.

  9   Je demande le versement au dossier de ce document.

 10   Encore un document avant d'en terminer, si possible.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce D1150.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche le

 14   document 65 ter numéro 17724.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous avez dit que nous n'étions pas favorables au plan établi par le

 17   Groupe de Contact. Vous avez dit que les Serbes l'avaient rejeté. Mais si

 18   vous aviez su à l'époque, nous verrons ce qu'il en est parce qu'il y a un

 19   piège sémantique qui a été tendu par la communauté internationale avec

 20   coupage de cheveux en quatre.

 21   C'est un télégramme, un rapport de situation hebdomadaire datant du 1er mai

 22   1995 qui se lit comme suit, entre autres, je cite :

 23   "Le Groupe de Contact de Carter s'est plongé dans un inexplicable débat

 24   sémantique."

 25   Voyons maintenant la page suivante.

 26   Vous appelez ce plan un plan raisonnable. Voyons le paragraphe 57, je cite

 27   -- le président Carter est mentionné, puis ensuite je cite :

 28   "Une émission de télévision à laquelle s'est joint le Dr Karadzic par


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  1   liaison satellite le 4 mai a critiqué le Groupe de Contact pour n'avoir pas

  2   réussi à utiliser l'occasion de négocier la paix en Bosnie puisque les

  3   négociations se sont engluées dans un débat sémantique. Carter a déclaré

  4   que la paix avait été prise en otage par l'insistance du Groupe de Contact,

  5   que les Serbes acceptent le plan de ce Groupe de Contact avant que ne

  6   s'engagent des pourparlers directs entre les parties. Carter a fait appel à

  7   toutes les forces désormais intéressées dans cette région pour qu'elles

  8   concentrent leurs efforts vers tout ce qui pourrait favoriser ou même vers

  9   la nécessité de contraindre les deux parties à coopérer à des efforts

 10   pacifiques de bonne foi sans aucune condition préalable," et cetera, et

 11   cetera.

 12   Donc le président Carter a compris que nous admettions les dispositions du

 13   plan établi par le Groupe de Contact, et que nous étions prêts à négocier.

 14   Mais qu'est-ce que nous étions prêts à négocier au cas où nous acceptions

 15   de négocier ce plan ? Le président Carter a compris que la question était

 16   le mot "accepter," et pas le mot "nous sommes d'accord," et cetera, et

 17   cetera, qu'il y avait là des pièges sémantiques dont chacun pouvait

 18   vraiment se passer puisque le plus important c'était l'occasion qui était

 19   donnée de rétablir la paix.

 20   Est-ce que vous convenez que le président Carter en personne admet qu'il

 21   n'y a rien à reprocher aux Serbes dans tout cela ?

 22   R.  J'ai eu le privilège d'être affecté par M. Akashi auprès du président

 23   Carter en tant que conseiller politique de la FORPRONU au moment où le

 24   président Carter a participé aux pourparlers de paix en Bosnie en décembre

 25   1994. J'ai pu passer trois jours à peu près en Bosnie à ses côtés, y

 26   compris dans tous les pourparlers qu'il a menés avec vous, Dr Karadzic.

 27   Donc j'ai le plus grand respect pour le président Carter et je pense qu'il

 28   a joué un rôle précieux en décembre 1994, en mai 1995 ou, en tout cas,


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  1   après décembre 1994 et, en tout cas, jusqu'au mois de mai 1995, il n'était

  2   pas intimement engagé dans le processus de paix, il ne l'était plus. Mais

  3   je pense que c'était quelqu'un de très engagé en faveur de la paix en

  4   Bosnie, qui avait les meilleures intentions, mais je ne suis pas sûr qu'il

  5   ait eu des connaissances suffisamment précises de ce que faisait le Groupe

  6   de Contact et des raisons pour lesquelles ils avaient décidé de suivre le

  7   cours qu'ils avaient déterminé.

  8   Donc, oui, ceci est clair à la lecture de ce document, ce que pensait le

  9   président Carter, mais je pense qu'il y avait une raison pour laquelle le

 10   Groupe de Contact et les différents représentants des différents pays

 11   avaient leur propre opinion en estimant que des conditions étaient

 12   nécessaire pour la poursuite du processus de paix.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Ce document est admis.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il devient la pièce D1151.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera tout pour aujourd'hui.

 16   Nous reprenons demain à 9 heures.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 18   [Le témoin quitte la barre]

 19   --- L'audience est levée à 14 heures 34 et reprendra le mercredi 16 mars

 20   2011, à 9 heures 00.

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