Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 1er septembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tout le monde, et bonjour à

  7   vous, Monsieur. Je vous prie de bien vouloir prononcer la déclaration

  8   solennelle.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : KDZ-603 [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

 14   je vous prie, installez-vous.

 15   Monsieur, j'aimerais vous informer au nom de la Chambre de première

 16   instance que vous allez témoigner aujourd'hui avec octroi de pseudonyme,

 17   déformation des traits de votre visage et déformation de la voix, ce qui

 18   signifie qu'aucune référence ne sera faite à votre véritable nom ou

 19   qu'aucune information qui pourrait divulguer votre identité ne sera diffusé

 20   au public. L'enregistrement audio visuel de votre témoignage, qui sera

 21   diffusé au public, aura -- sera ce que vous voyez maintenant sur votre

 22   écran, et votre voix sera également déformée afin d'assurer la protection

 23   de votre identité et le compte rendu d'audience, qui sera certes disponible

 24   ou mis à la disposition du public, ne fera référence qu'à votre pseudonyme.

 25   Vous comprenez, Monsieur ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Gaynor.

 28   Bonjour à vous.


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  1   M. GAYNOR : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  2   Monsieur les Juges.

  3   Interrogatoire principal par M. Gaynor :

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

  5   R.  Bonjour.

  6   M. GAYNOR : [interprétation] Je souhaite que le document 90267 de la liste

  7   65 ter qui ne devra pas être affichée à l'écran.

  8   Q.  J'aimerais vous demander, Monsieur, s'il y a deux jours, vous avez eu

  9   la possibilité, avec ou grâce à l'aide d'un interprète, de consulter votre

 10   déclaration ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que vous avez apporté des corrections à cette déclaration et

 13   est-ce que vous l'avez signée ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce que vous pouvez confirmer que vous voyez sur votre écran votre

 16   nom ainsi que votre date de naissance ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Est-ce que vous voyez sur votre écran un exemplaire de la première page

 19   de votre déclaration que vous avez donc examinée puis signée ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Etant donné que, depuis que vous avez signé, vous m'avez indiqué une

 22   autre modification, page 5, paragraphe 23. Il est dit, dans votre

 23   déclaration, que vous avez vu 20 corps à Drum. Est-il exact que vous-même

 24   avez pu observer la présence de dix corps à Drum le jour du massacre ?

 25   R.  J'ai effectivement vu dix corps.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection à la précision qui vient d'être

 27   apportée. J'aimerais demander à M. Gaynor de ne pas indiquer qu'il

 28   s'agissait d'un massacre tant qu'il n'a pas été prouvé qu'il s'agissait


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  1   d'un massacre.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pensais qu'il faisait référence aux

  3   propos de sa déclaration. Monsieur Gaynor ?

  4   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, tout à fait. Je faisais référence à la

  5   déclaration qui décrit les événements à Drum comme un massacre, à la page

  6   5, paragraphe 23.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais dans le paragraphe en question, le terme

  8   massacre ne figure pas.

  9   M. GAYNOR : [interprétation] Très bien. Mais, ailleurs, il est question de

 10   massacre. Mais je prends bonne note de l'intervention de M. Karadzic et

 11   j'aimerais apporter une autre correction. Je vais vous donner un numéro ERN

 12   qui figure à la page 10, au paragraphe 37, ligne 3. Le numéro ERN 0101-8994

 13   devrait être 0101-8984.

 14   Q.  Donc, Monsieur, sous réserve de ces corrections, êtes-vous en mesure

 15   d'adopter cette -- votre déclaration comme élément de preuve et si les

 16   mêmes questions venaient à vous être posées aujourd'hui, est-ce que vous

 17   répondriez de la même façon ?

 18   R.  Oui.

 19   M. GAYNOR : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 20   dossier de la déclaration sous pli scellé.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Cette déclaration sera versée au

 22   dossier sous pli scellé.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle fera l'objet de la pièce P3262.

 24   M. GAYNOR : [interprétation] Je vais maintenant vous donner lecture du

 25   résumé de la déclaration. Le témoin a fait état du fait que les forces

 26   serbes ont tué au moins 20 Musulmans à Drum, un hameau musulman se trouvant

 27   à la périphérie de la ville de Vlasenica le 2 juin 1992. La police serbe

 28   est arrivée à Drum à la fin du mois de mai 1992 et à l'aide de haut-


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  1   parleurs a exigé que les Musulmans rendent leurs armes.

  2   Le domicile du témoin à Drum se trouve sur une élévation, ce qui lui

  3   donnait un excellent point de vue sur le village. A partir de cet endroit,

  4   au début du 2 juin 1992, il a vu des hommes armés, extrêmement armés, qui

  5   étaient couchés dans l'herbe ainsi -- autour du village. A l'arrivée d'un

  6   véhicule de transport de troupes, ces hommes sont sortis de leur cachette

  7   et le témoin a alors vu qu'il y avait un cordon de soldats qui sont sortis

  8   de cet abri. Le véhicule de transport de troupes s'est alors déplacé sur la

  9   route dans Drum, en tirant, et les soldats sont allés dans toutes les

 10   maisons en faisant sortir par la force les gens de leur foyer. Le témoin

 11   décrit plusieurs incidents au cours desquels il a vu les soldats tirer sur

 12   les hommes devant leur maison avec des salves de mitraillettes.

 13   Les femmes, les enfants ainsi que les hommes âgés du village ont reçu

 14   l'ordre de se rassembler à un lieu donné, alors que les villageois qui

 15   avaient survécu étaient maintenus sous bonne garde armée, une voiture de la

 16   police est arrivée. Le conducteur de cette voiture de police était un homme

 17   connu sous le surnom de Car. Cette personne, répondant au surnom de Car,

 18   portait un uniforme de la police de réserve et avait un fusil à lunette. Il

 19   y avait également une jeep militaire. Les villageois ont ensuite été placés

 20   dans un autobus sous une pluie d'insultes relatives à leur appartenance

 21   ethnique musulman et ont été conduits à Susica, au camp de Susica, alors

 22   que le bus a quitté Drum, le témoin a pu voir environ 20 corps -- ou il a

 23   pu voir des corps qui gisaient ici et là dans le village. Il s'agissait des

 24   hommes qui avaient été tués pendant l'attaque.

 25   Au camp de Susica, les soldats serbes ont donné l'ordre aux

 26   villageois de Drum de sortir du bus, les ont emmenés dans un entrepôt où

 27   s'est finalement retrouvé quelque mille personnes non Serbes. Pendant les

 28   premiers jours à Susica, aucun vivre ne leur a été donné. Le troisième


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  1   jour, des hommes de la municipalité de Vlasenica sont arrivés à Susica pour

  2   donner des permis ou des autorisations aux détenus qui acceptaient de

  3   signer une déclaration indiquant qu'ils quittaient de leur plein gré la

  4   municipalité. Environ 800 détenus ont signé ces déclarations, ont été

  5   placés dans des autobus et sont partis dans ces autobus.

  6   Pendant cette période, le témoin a vu des jeunes filles que l'ont

  7   faisait sortir et qui sont revenues quelques temps par la suite. Il a

  8   également vu des détenus qui semblaient avoir été roués de coups après

  9   avoir été interrogés, dans le bâtiment du SUP à Vlasenica. Le témoin a

 10   passé 28 à Susica, puis fut transféré au camp de Batkovic. Il y a été

 11   détenu en compagnie de quelque 1 600 autres détenus jusqu'au jour de son

 12   échange, le 7 décembre 1992.

 13   J'en ai maintenant terminé avec la lecture du résumé.

 14   Q.  Je souhaiterais vous poser une ou deux questions, Monsieur.

 15   La première question porte sur le désarmement de votre village, avant que

 16   ces personnes n'aient été tuées. Etes-vous en mesure de confirmer si les

 17   armes avaient été déposées lorsque la police serbe est arrivée dans le

 18   village ?

 19   R.  Bien, il y avait juste les personnes qui avaient un permis de port

 20   d'armes et qui avait des fusils de chasse. Personne d'autre n'avait de

 21   fusils. Donc, j'ai vu deux personnes remettre leurs armes. Ils les ont

 22   amenées au SUP. Personne d'autre dans le village ne possédait d'arme.

 23   Q.  J'aimerais maintenant que nous parlions du jour de l'attaque, à savoir

 24   le 2 juin 1992. A un moment donné avant l'attaque ou pendant l'attaque,

 25   est-ce que vous avez vu quelqu'un parmi vos voisins ou parmi les villageois

 26   de Drum opposer une résistance aux soldats qui menaient cette attaque ?

 27   R.  Non.

 28   M. GAYNOR : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin,


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  1   et il n'y a pas non plus de pièces présentées avec la déclaration. La liste

  2   de Batkovic à laquelle il est fait référence à la page de la déclaration du

  3   témoin a été versée au dossier et porte maintenant la cote P3213.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Gaynor.

  5   M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, l'accusé va maintenant vous

  7   poser des questions dans le cadre de son contre-interrogatoire.

  8   Etes-vous prêt, Monsieur Karadzic ?

  9   L'INTERPRÈTE : Précision de la cabine française : Remplacer "véhicule de

 10   transport de troupes" par "véhicule blindé". Reprise des débats.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 12   Bonjour. Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

 13   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 14   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur.

 15   R.  Bonjour.

 16   Q.  Vous venez de dire que personne ne possédait d'armes à Drum à part les

 17   fusils de chasse, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Vous avez dit que personne n'a opposé aucune résistance ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Mais est-il vrai que Drum est un village qui se trouve près de

 22   Vlasenica et qu'en fait, Drum fait partie de la commune locale de Piskavica

 23   et qu'il s'agit d'une localité majoritairement musulmane, tout comme la

 24   commune locale, d'ailleurs ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Donc, dans votre déclaration, à la page 2, paragraphe 2, vous dites que

 27   la population de Drum était musulmane et qu'il y avait quelques serbes qui

 28   résidaient dans ce secteur, notamment ou essentiellement à la périphérie du


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  1   village. Alors, est-ce que c'est vous qui avez formulé cela ou est-ce que

  2   cela vous a été suggéré ?

  3   R.  La première maison était une maison serbe, et puis ensuite à

  4   l'extérieur de Drum, il y avait cinq ou six foyers serbes, et nous, nous

  5   étions au milieu, nous étions donc plus près de Vlasenica que de Piskavica.

  6   Q.  Vous êtes natif de Rovasi, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Mais Rovasi, dont vous êtes natif, Rovasi et Drum, est-ce que vous

  9   savez si avant la guerre il y avait dans ces deux villages une certaine

 10   structure militaire en quelque sorte ?

 11   R.  Je n'en sais rien.

 12   Q.  Mais lorsque vous nous dites qu'il n'y avait pas d'armes à Drum, est-ce

 13   qu'il serait plus exact de dire que vous ne savez pas s'il y avait des

 14   armes ou non, par opposition au fait que vous savez absolument qu'il n'y

 15   avait pas d'armes ?

 16   R.  Ecoutez, moi, je n'en ai pas vu.

 17   Q.  Oui, mais l'un des témoins précédents qui est venu déposer et qui très

 18   heureusement n'était pas protégé a déclaré que les Musulmans de Drum

 19   étaient beaucoup mieux organisés que les Musulmans à Vlasenica. Qu'en

 20   dites-vous ?

 21   R.  Ecoutez, cela je ne le sais pas.

 22   Q.  Mais est-ce qu'il aurait donc tenu des propos qui ne seraient pas

 23   exacts ?

 24   R.  Ecoutez, vous pouvez lui poser la question.

 25   Q.  Mais est-ce que vous connaissiez l'imam ou le hodza Munib Ahmetovic ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que vous savez que l'imam s'est efforcé de fournir des armes à

 28   la population musulmane, notamment aux Musulmans de Drum ?


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  1   R.  Non.

  2   Q.  Est-ce que vous savez qu'il existait à Drum une cellule de Crise

  3   musulmane pour l'ensemble de la zone de Vlasenica, que des réunions y

  4   étaient organisées et que des armes y étaient préparées ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Mais est-ce que vous savez qui est Ferid Hodzic et est-ce que vous

  7   savez où se trouve le domicile de son père ?

  8   R.  Je connais Ferid, mais je ne sais pas où se trouve la demeure de son

  9   père.

 10   Q.  Est-ce que vous savez que Ferid s'était nommé commandant des forces

 11   paramilitaires musulmanes à Vlasenica ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Est-ce que vous savez qu'il y avait une Ligue patriotique des Bérets

 14   verts à Vlasenica, et que Ferid Hodzic, ainsi que le chef de la police,

 15   avait mis sur pied une armée secrète à Vlasenica ?

 16   R.  Ecoutez, je ne le sais pas. D'ailleurs, je ne l'ai pas vu.

 17   Q.  Est-ce que vous connaissez Tutic, qui a un magasin à Piskavica ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Est-ce que vous connaissez Hasan Dautovic de Piskavica ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Mais quelle est la distance entre votre village et Piskavica ?

 22   R.  Piskavica se trouve à quelque 400 mètres de mon domicile.

 23   Q.  Est-ce que vous connaissez Nezir Alicevic ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que vous connaissiez son frère, Huso ? Vous avez dit que vous

 26   avez vu qu'il avait été tué ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que vous connaissez Bego Puric ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Bego Puric de Drum ? Il habite à Drum, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que le document de la liste 65 ter 8852

  6   pourrait être affiché, je vous prie ? Excusez-moi, 1D4063.

  7   Je disais donc 1D4063, puis nous reprendrons votre déclaration.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc il s'agit d'une déclaration de l'imam Efendi Munib Ahmetovic, le

 10   hodza que vous connaissiez. Vous pouvez voir, dans le premier encadré,

 11   qu'il est indiqué qu'au début de l'année 1992, l'ancien chef de police --

 12   l'ancien commandant du poste de police, Fadil Turkovic, qui était le

 13   commandant de la police à l'époque, lui a offert au prix de 1 500 marks des

 14   Kalachnikovs. Puis, par la suite, l indique que :

 15   "En février, Mustafa Imamovic, Sahib et Ferid Hodzic l'ont appelé, ils se

 16   sont présentés comme la cellule de Crise."

 17   Il dit :

 18   "Nous sommes allés chez Ferid à Drum, et c'est là qu'ils m'ont

 19   demandé de prononcer un serment, ils m'ont ensuite proposé de travailler

 20   pour eux afin d'armer la population musulmane."

 21   Il indique : "J'ai accepté, et nous avons décidé," et cetera, et

 22   cetera, et le texte se poursuit.

 23   Page suivante, je vous prie.

 24   Monsieur, vous pouvez voir donc que cela s'est passé le 23 avril, le hodza

 25   avait déjà relaté tout cela à la police. Puis, là, il explique à qui il a

 26   fourni ces dix ou 11 fusils automatiques et fusils, et vous pouvez voir

 27   combien de personnes sont de Drum, Nezir, le voisin de Nezir à Drum, il ne

 28   connaît pas son nom, Nezir Alicevic, ensuite il y a probablement Huso,


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  1   parce que nous avons vérifié, puis Tutic à Piskavica, Hasan de Piskavica,

  2   et cetera, et cetera. Vous, vous nous dites qu'ils n'avaient pas d'armes;

  3   est-ce bien exact ?

  4   R.  Moi, je n'en ai pas vues. Vous savez, je ne m'occupais pas

  5   véritablement de ces choses-là. Personne ne m'a indiqué s'il y avait des

  6   armes qui étaient données et qui étaient vendues ou qui n'étaient pas

  7   vendues. Je n'en sais rien.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Est-ce que nous pourrions voir le bas du

  9   document, je vous prie ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, voilà l'exemple s'il

 11   en fut de la façon dont vous perdez votre temps. Le témoin vous a dit qu'il

 12   n'en savait rien. Ça ne sert à rien de poursuivre et de continuer à lui

 13   poser ces questions. Vous pourrez peut-être convoquer d'autres témoins pour

 14   contester la déclaration et la déposition du témoin ou sa crédibilité par

 15   la suite.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne l'ai pas vu.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas entendu

 18   l'interprétation. Pourriez-vous répéter, Monsieur Karadzic ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Ecoutez, je vous dirais très

 20   respectueusement que ce témoin a affirmé qu'ils n'avaient pas d'armes.

 21   Alors, je suis en train de prouver qu'ils en avaient et que ses réponses ne

 22   sont pas exactes. Il serait plus exact de dire qu'il n'en sait rien.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le fait est que vous ne prouvez

 24   rien du tout, vous êtes en train d'ergoter avec le témoin. Le témoin vous a

 25   dit qu'il n'en avait pas vues et qu'il n'en savait rien. C'est ça réponse,

 26   donc passez à autre chose maintenant.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Dans votre déclaration du 30 mai 2000, document 65 ter 8852 à la page

  2   2, vous dites que les familles serbes ont commencé à fuir de Vlasenica, à

  3   quitter Vlasenica, et à ce moment-là, de ce fait, Vlasenica s'est retrouvé

  4   avec une population majoritairement musulmane ?

  5   R.  Non, je n'ai vu aucun Serbe être déplacé de Vlasenica.

  6   Q.  Nous allons donc voir la déclaration.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi est-ce que nous n'affichons pas

  8   le document 8852 ? Monsieur Karadzic ainsi que vous, Monsieur, veuillez

  9   ménager des pauses ou des temps d'arrêt entre les questions et les

 10   réponses. Parce que vous vous exprimez dans la même langue, il faut que vos

 11   propos soient traduits soit en anglais soit en français. Donc ralentissez

 12   et ménagez un temps d'arrêt avant de soit poser votre question, soit

 13   apporter votre réponse.

 14   Oui, Monsieur Karadzic.

 15   M. KARADZIC : [interprétation] Bien.

 16   Q.  Je vais retrouver la référence. Alors, il est indiqué que les familles

 17   serbes ont commencé à être évacuées de Vlasenica, ce qui fait que Vlasenica

 18   est devenu une ville majoritairement musulmane. Ensuite, vous dites par la

 19   suite, les Musulmans ont commencé à partir également, ils sont partis vers

 20   Kladanj. La situation était très tendue, il y avait beaucoup de bruit qui

 21   courrait, de rumeur, de confusion. Il était absolument impossible de savoir

 22   quel était le meilleur comportement à avoir. Est-ce que vous le savez cela

 23   ?

 24   R.  Ce que je sais c'est qu'une semaine avant, vous pouviez obtenir un

 25   certificat, et j'entends un certificat pour les Musulmans qui voulaient

 26   aller de Vlasenica à Kladovo. C'était la seule possibilité pour partir;

 27   sinon, ceux qui connaissaient le chemin pouvaient toujours partir en

 28   passant par les bois.


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  1   Q.  A la page 5, je vous ai donné lecture de ce qui est indiqué dans la

  2   version serbe, et maintenant, je vais essayer de trouver la référence sur

  3   la page anglaise. Donc page 8, pour la version anglaise. Voilà, est-ce que

  4   vous pourriez regarder le paragraphe 4 ?

  5   "Lorsque les Bosno-serbes se sont emparés de Zvornik, un mois avant

  6   Vlasenica, nous avons commencé à nous inquiéter parce qu'il y avait une

  7   certaine incertitude qui y régnait. Donc --"

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vois un paragraphe quasiment

  9   identique que nous pouvons retrouver au paragraphe 5 de sa déclaration

 10   consolidée. Poursuivez, je vous prie.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Avant le début du conflit, est-ce qu'à la fois, les familles serbes et

 13   musulmanes ont commencé à quitter Vlasenica, et d'ailleurs, beaucoup plus

 14   les Serbes ?

 15   R.  Ecoutez, moi, je ne sais pas qui parmi les Serbes sont partis. Ce que

 16   je sais, c'est que les Musulmans partaient s'ils avaient l'autorisation

 17   pour partir à Kladanj, et puis, il y en avait d'autres qui sont partis en

 18   passant par les bois.

 19   Q.  Mais nous, nous parlons de la période qui précède le conflit. Est-ce

 20   que vous n'avez pas dit que les familles serbes quittaient Vlasenica comme

 21   cela a été indiqué dans votre déclaration ? Est-ce qu'il ne s'agit pas de

 22   votre déclaration ?

 23   R.  Oui, seulement s'ils partaient de leur plein gré, à cause de

 24   l'incertitude. Il y avait plus de Musulmans dans la municipalité de

 25   Vlasenica, mais il n'y avait pas d'armes, personne ne posait aucune

 26   résistance.

 27   Q.  Mais voyez-vous ce qui m'inquiète, Monsieur. C'est que je me demande si

 28   ces propos sont vos propos dans votre déclaration; est-ce que vous vous en


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  1   tenez à ce que vous avez dit ?

  2   R.  Il y a des Serbes qui partaient de Vlasenica, ils le l'ont fait de leur

  3   plein gré pour assurer leur sécurité, et en attendant de voir ce qui allait

  4   se passer à Vlasenica.

  5   Q.  Mais vous ne vous souvenez pas avoir dit cela, n'est-ce pas, c'est cela

  6   ?

  7   R.  Non, je ne les ai pas vus partir, donc je n'ai pas à m'en souvenir ou

  8   pas m'en souvenir puisque je ne les ai pas vus partir.

  9   Q.  Très bien. Vous avez dit dans votre déclaration du 6 juillet 1994, à la

 10   première page, donc c'est -- la page est différente, en fait. Mais bon, le

 11   fait est que vous dites que lorsque l'agression a été menée à bien à

 12   Vlasenica, et cetera, et cetera. Qui vous a dit qu'il s'agissait d'une

 13   agression ?

 14   R.  Ça, c'est une agression lancée contre le peuple musulman de Vlasenica.

 15   Tous ceux qui ont été retrouvés ont été tués, les femmes et enfants ont été

 16   transférés dans des camps et vers des territoires libres.

 17   Q.  Qui vous a dit cela, Monsieur le Témoin ?

 18   R.  Mais je ne connais pas leurs noms et leurs prénoms. Qu'est-ce que vous

 19   croyez que je vais aller les chercher personnellement ? Moi, j'étais dans

 20   le hangar, j'ai entendu l'un disait qu'il allait -- que nous allions partir

 21   et que nous n'allions plus jamais revenir. Un autre lui a répondu, peut-

 22   être qu'ils reviendront mais dans dix ans. Mais je ne les ai pas vus.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Affichons la pièce P3262, sans la

 24   diffuser à l'extérieur, et présentons au témoin le paragraphe 5. Nous

 25   pourrions afficher d'abord la première page.

 26   Monsieur le Témoin, voici la déclaration d'un témoin dont vous avez

 27   confirmé auprès de M. Gaynor la véracité. Je vous présente le paragraphe

 28   numéro 5. Vous disposez de la version en B/C/S.


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  1   M. GAYNOR : [interprétation] Cette déclaration consolidée n'est disponible

  2   qu'en anglais.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais vous en donner lecture, je cite

  4   :

  5   "Lorsque Zvornik est tombé aux mains des Serbes de Bosnie, un mois avant

  6   Vlasenica, nous avons réellement commencé à être inquiets, quant à ce qui

  7   se pourrait se passer. A cause de cette incertitude, les gens ont commencé

  8   à quitter Vlasenica."

  9   Ensuite, vous dites - je reprends la citation :

 10   "Des familles serbes ont commencé à quitter Vlasenica, qui devenait

 11   une ville majoritairement musulmane. Les Musulmans ont également commencé

 12   un processus d'évacuation afin de se rendre à Kladanj."

 13   Est-ce que vous pouvez confirmer que ceci est la vérité, ou bien n'avez-

 14   vous rien vu de cela ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Vous avez dit que, jusqu'au 16 avril, vous étiez employé au sein de

 20   Bosnaputevi, en tant que gardien, à Sokolac, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Vous avez indiqué que le Corps de Novi Sad était arrivé à Vlasenica.

 23   Vous avez dit qu'ils n'avaient fait rien de mal à personne, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui, en tout cas, pas à Drum; pour le reste, je ne sais pas. 

 25   Q.  Vous avez dit qu'au mois de mai, les rapports entre Musulmans et Serbes

 26   à Vlasenica étaient encore bons, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Vous avez dit plus loin, qu'aux mois d'avril et mai, les Serbes ont


Page 18155

  1   demandé que les armes soient remises, et qu'ils ont indiqué la chose

  2   suivante, que rien n'arriverait en fait aux habitants du village, n'est-ce

  3   pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Ceci a été fait au moyen d'annonce qui était lancée à partir d'un

  6   véhicule dont le chauffeur était un Musulman, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8    Q.  Savez-vous qu'à bord de ce véhicule, l'imam dont nous avons parlé

  9   était également présent, et que lui aussi lançait cet appel à la remise des

 10   armes et qu'il a mené la police jusqu'à des personnes auxquelles il avait

 11   lui-même livré des armes ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Merci. Vous avez indiqué, dans une déposition antérieure - mais je ne

 14   sais pas si je peux le dire. 1D4157, pages 7 351 et 7 352, vous avez

 15   indiqué que vous n'aviez vu personne rendre ses armes, n'est-ce pas ?

 16   R.  J'ai vu simplement deux ou trois fusils de chasse qui ont été remis.

 17   Q.  Merci. Vous avez dit ensuite que les forces des Serbes de Bosnie

 18   avaient attaqué le village de Drum ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Le 2 juin 1992, et que cela représentait la première attaque dans cette

 21   zone et qu'il s'agissait là du premier village à subir un tel nettoyage

 22   dans le cadre de cette opération pendant une période d'un mois entier ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'à la télévision vous avez dû

 25   apprendre que la guerre en Bosnie avait commencé deux mois plus tôt ?

 26   R.  Non. Je ne sais que ce qui s'est passé et quand cela a commencé à Drum.

 27   Q.  Mais vous avez dit vous-même qu'à Zvornik cela avait été le 8 avril,

 28   qu'à Bijeljina c'était le 31 mars. Ce n'est pas vous qui l'avez dit, mais


Page 18156

  1   en fait je vous le rappelle.

  2   R.  Je ne suivais pas tous ces événements. Moi, je sais simplement que

  3   jusqu'au 2 juin tout allait bien chez moi et qu'ensuite il y a eu ce

  4   nettoyage.

  5   Q.  Vous dites que l'offensive a commencé à 7 heures, et que vous, de 6

  6   heures 20 à 7 heures, vous étiez devant votre maison et que vous pouviez

  7   observer tout cela, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous dites avoir vu un groupe assez nombreux d'hommes sur les balcons

 10   de l'hôtel Panorama, et vous avez noté qu'ils observaient Drum, n'est-ce

 11   pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Savez-vous que l'hôtel Panorama abritait le commandement de la Défense

 14   territoriale ainsi qu'une partie de l'état-major des forces de la VRS ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Savez-vous que c'est quotidiennement que l'on constatait des tirs

 17   visant le commandement situé à l'hôtel Panorama, et dont la source était

 18   située à Drum ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Avez-vous entendu personnellement la façon dont certains officiers

 21   posaient des questions par transmission radio à des soldats pour demander

 22   quelles étaient ces balles qui étaient tirées ?

 23   R.  Non. Pas à la radio. Lorsqu'il y avait eu un groupe de personnes qui

 24   ont été emmenées, lorsque Car a été le premier à passer, il y a eu une jeep

 25   militaire, puis ce général qui est arrivé, je ne sais pas qui il était. Il

 26   avait des épaulettes, il a demandé à la première personne qui était à son

 27   droit, il a dit :

 28   "Qu'est-ce que c'est que ces tirs, quelle est cette balle qui a


Page 18157

  1   touché l'hôtel Panorama ?"

  2   La réponse qu'il a reçue a été :

  3   "Je ne sais pas. Appelez cette personne qui a la radio. Elle est

  4   devant."

  5   Q.  Mais comment se fait-il -- est-ce que c'est votre interprétation ?

  6   Comment cet officier pouvait-il ne pas savoir le type de balle dont il

  7   s'agissait ?

  8   R.  Je l'ignore. Demandez-le-lui à lui.

  9   Q.  Dans une déclaration, vous avez dit que les soldats entraient dans les

 10   maisons, dans une autre déclaration, vous avez indiqué que vous ne les avez

 11   pas vus entrer dans les maisons.

 12   R.  J'ai simplement vu lorsqu'il y avait ce nettoyage à Drum qu'ils

 13   entraient dans les maisons afin de voir s'il y avait des hommes. Ceux

 14   qu'ils y ont trouvés, ils les ont tués. Ceux qu'ils n'ont pas réussi à

 15   retrouver ont pu survivre parce qu'ils n'ont même pas été vus d'eux.

 16   Q.  Mais vous, vous ne vous cachiez pas ? Vous avez estimé n'appartenir à

 17   aucun parti, vous avez considéré que vous n'étiez pas armé et que, par

 18   conséquent, aucun danger ne vous menaçait, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui. Je n'avais aucune arme.

 20   Q.  Mais selon vous, qui était menacé d'un danger ?

 21   R.  Cela dépendait de la qualité des gens, quel type d'homme vous étiez,

 22   puis qui croisait votre chemin, et si les gens que vous croisiez allaient

 23   vous laisser partir ou non, cette femme en uniforme militaire, elle m'a vu

 24   et elle m'a dit : "Va là-bas. Il y a un groupe de femmes là-bas." Un homme

 25   qui était derrière, elle lui a dit : "Il faut l'y emmener, parce que,

 26   sinon, quelqu'un va le tuer." J'ai été escorté jusque-là, j'ai trouvé là-

 27   bas un groupe de femmes où il y avait également deux hommes, il y avait une

 28   vingtaine de femmes. Donc je me suis arrêté là, et eux, ils ont continué


Page 18158

  1   jusqu'à Piskavica.

  2   Q.  Donc trois hommes et une vingtaine de femmes et d'enfants ont été mis à

  3   part par eux, alors qu'eux-mêmes ont quitté vers Piskavica ?

  4   R.  Oui, nous étions 28 à bord de l'autobus. Nous sommes montés à bord

  5   d'autocars, les femmes venaient de certaines maisons et il n'y y avait que

  6   trois hommes.

  7   Q.  Quels étaient les critères en fonction desquels vous avez été tous les

  8   trois isolés des autres alors que les autres étaient pourchassés ?

  9   R.  J'ai trouvé ces deux-là sur la route, à environ 100 mètres devant moi.

 10   Je ne sais pas pour quelle raison ils ont été mis à part. Je sais qu'ils

 11   ont survécu. Je ne leur ai pas demandé.

 12   Q.  Il y a une incertitude pour moi. Quel est le point à partir duquel vous

 13   avez observé tout cela à Drum ? Est-ce que vous étiez assis devant votre

 14   maison, ou est-ce que vous regardiez de l'intérieur de la maison ?

 15   R.  J'étais devant la porte de ma maison, à l'extérieur.

 16   Q.  Merci. Donc, il y a des tirs et vous vous êtes assis devant votre

 17   maison ?

 18   R.  J'étais assis devant la maison même lorsqu'ils tiraient et même

 19   lorsqu'ils sont arrivés, moi je n'ai pas bougé d'un pouce. (expurgé)

 20   (expurgé) qui de toute manière ne pouvait pas fuir. S'il fallait mourir, il

 21   fallait mourir. Alors, je ne savais pas que des gens allaient être tués,

 22   mais quand j'ai vu que les gens se faisaient tuer, j'ai compris que c'était

 23   -- je ne savais pas ce qui m'attendait, je veux dire que c'était mon

 24   destin.

 25   Q.  A un moment, vous dites avoir vu des soldats faire sortir Hadzo

 26   Malesevic de sa maison et les avoir vus tirer ?

 27   R.  Oui, sur les escaliers de sa maison, il est tombé là.

 28   Q.  Vous avez dit plus tôt que c'était une certaine Slavica qui avait tiré


Page 18159

  1   sur Hadzo ?

  2   R.  Non. Slavica c'est celle qui m'a capturé, c'est elle qui a dit au

  3   soldat de m'escorter. Elle était au-dessus de la maison de Hadzo. Elle a

  4   traversé une partie de mon terrain.

  5   Q.  Ce que je viens de dire, vous l'avez indiqué dans votre déclaration.

  6   M. GAYNOR : [interprétation] Est-il possible d'avoir une référence pour la

  7   mention qui a été faite d'une déposition antérieure ou d'une déclaration

  8   antérieure ?

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est ce que je viens de dire.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  C'est la déclaration dans le cadre de la déposition du 9 mars 2010,

 12   1D4157, je crois. Pages 7 358 à 7 359. Donc, il n'est pas cela. Il

 13   s'agissait d'une déclaration du 6 juillet 1994, numéro 8852, dans la liste

 14   65 ter.

 15   M. GAYNOR : [interprétation] Peut-être M. Karadzic pourrait-il nous

 16   indiquer précisément la phrase à laquelle il s'est référé ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] En première page de la version en serbe, au

 18   dernier paragraphe de cette page.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parlons-nous là du paragraphe qui

 20   pourrait être identique à celui porte le numéro 13 dans la déclaration

 21   consolidée.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander que l'on ne diffuse pas

 23   ceci. Il est possible qu'en fait, je n'aie pas la déclaration consolidée,

 24   parce que j'ai des problèmes informatiques. Page anglaise numéro 3

 25   débordant sur la page 4 dans cette déclaration.

 26   M. GAYNOR : [interprétation] Ce passage de la déclaration de 1994 ne fait

 27   en fait pas partie de la déclaration consolidée.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 18160

  1   Q.  Vous dites avoir reconnu Slavica Matic et quelqu'un de Dragasevac dont

  2   vous ignorez le nom, un Roumain.

  3   R.  Oui, de Dragasevac.

  4   Q.  Vous avez dit que Slavica avait fait sortir Hadzo Malesevic et que,

  5   pendant qu'il descendait, c'était elle qui l'avait tué d'une rafale de

  6   fusil automatique. C'est ce que vous avez indiqué.

  7   R.  J'ai vu un soldat faire sortir Hadzo. Hadzo se trouvait en contrebas de

  8   la route où se trouvait l'armée alors que Slavica, elle, se dirigeait vers

  9   ma maison à partir de cette route, donc, en direction de la maison qui

 10   était à une cinquantaine de mètres.

 11   Q.  Donc, ce que vous avez déclaré précédemment, le 13 mai 2000, ce n'est

 12   pas exact, n'est-ce pas ?

 13   R.  Moi, je sais ce que j'ai dit.

 14   Q.  Mais est-ce que vous avez dit cela, est-ce que c'est votre déclaration

 15   ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Donc ceci n'est pas exact. La date indiquée, c'est le 6 juillet 1984

 18   [comme interprété]. Ce que vous avez dit à ce moment-là n'est pas exact,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  Moi, je sais que j'ai été capturé par Slavica. Je n'ai pas vu ce que

 21   vous dites. Avant qu'elle n'arrive, il y a eu d'autres personnes qui ont

 22   été tuées, Meho, Enver. Je ne l'ai pas vu tuer Hadzo.

 23   Q.  Merci. Comment se fait-il que vous ignoriez le nom de famille de ce

 24   Omer dans la maison duquel ils sont également entrés ?

 25   R.  Je ne sais pas. (expurgé)

 26   Q.  Dans votre déclaration du 30 mai 2000, en page 3, vous dites que ceci a

 27   été une tuerie systématique et très minutieusement mise en œuvre, n'est-ce

 28   pas ?


Page 18161

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Mais qui a mis ces mots dans votre bouche ?

  3   R.  Je l'ai vu de mes propres yeux.

  4   Q.  Mais pour vous, qu'est-ce que cela signifie, une tuerie systématique et

  5   menée de façon très minutieuse ?

  6   R.  Toutes les femmes, ne pas les tuer, les emmener dans un camp --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre réponse n'a pas pu être entendue

  8   par les interprètes, Monsieur le Témoin, parce que votre voix s'est

  9   chevauchée avec celle de l'accusé. Est-ce que vous pourriez répéter votre

 10   réponse, s'il vous plaît ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu de mes propres yeux le nettoyage de

 12   Drum auquel ils ont procédé, et ils ont tué tous les hommes. Donc, ceux qui

 13   ont été retrouvés ou sortis de leur cachette ont été tués. Ceux qui n'ont

 14   pas été retrouvés ont pu survivre. Les femmes et les enfants, leurs -- ils

 15   les ont -- ils avaient pour instruction, apparemment, de les emmener dans

 16   un camp. C'est ce que j'ai vu. Personne ne m'a dit : "Allez tuer telle ou

 17   telle personne."

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur, il est question ici de tuerie systématique et menée de façon

 20   très minutieuse; est-ce que c'est vous qui avez choisi cette formulation ?

 21   R.  C'était -- il s'agissait de tuer, de tuer tous les hommes qu'ils

 22   retrouvaient. Ils les ont tués.

 23   Q.  Combien cette communauté locale de Drum a-t-elle d'habitants ?

 24   R.  Je ne sais pas, je n'ai pas compté. (expurgé) et

 25   j'étais au-dessus de la route. La première maison serbe, c'était celle des

 26   Rocevic. (expurgé) Je n'ai pas compté combien

 27   il y avait d'habitants dans les maisons, ça ne m'intéressait pas, mais il y

 28   avait plus de cent maisons dans les environs, jusqu'à Piskavica.


Page 18162

  1   Q.  Et à Piskavica ?

  2   R.  Piskavica, peut-être qu'il y avait une cinquantaine de maisons --

  3   cinquantaine de maisons là-bas, mais il y avait également des villages :

  4   Alihodzici, et puis il y avait là-haut aussi Brijeg ou Brdo, je crois, je

  5   ne suis pas sûr, vers Sadici et Durici, des hameaux, donc, qui étaient plus

  6   loin.

  7   Q.  Merci. Donc, vous avez vu dix hommes perdre la vie et vous, vous étiez

  8   28 à bord de cet autocar ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous parlez de tuerie systématique et mise en œuvre de façon minutieuse

 11   ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Mais où se trouvaient les combattants musulmans ?

 14   R.  Je ne sais pas.

 15   Q.  Où était le reste des quelque mille habitants ?

 16   R.  Je ne sais pas.

 17   Q.  Slavica a-t-elle tué Meho et Ekrem ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Parce que, ça aussi, vous l'avez dit dans une de vos déclarations,

 20   celle du 6 juillet 1994, en page 2.

 21   R.  Il y avait deux hommes devant elle qui sont entrés dans la maison de

 22   Meho. Elle était arrivée un peu avant jusqu'à cette maison qui se trouvait

 23   à une cinquantaine de mètres de la mienne.

 24   Q.  Tout ça, vous l'avez observé. Alors, combien de temps toute cette

 25   opération a-t-elle duré ?

 26   R.  Moi, j'étais assis et il s'est écoulé une vingtaine de minutes avant

 27   qu'ils n'arrivent jusque chez moi. Tout se passait en contrebas de la

 28   maison de Hadzo. Ils avaient mis en place un cordon qui allait jusqu'à


Page 18163

  1   Vlasenica, et là, il y avait une maison serbe qui était la première maison.

  2   Ils n'ont pas touché à cette maison et, moi, j'étais assis en face de ma

  3   maison et je les regardais. Je me suis dit : "Qu'ils fassent ce qu'ils

  4   veulent." J'ai vu tout ça. J'ai vu qu'ils en ont fait sortir cinq de leurs

  5   maisons, qu'il y avait cinq -- qu'il y en avait cinq qui ont été tués en

  6   face du café de Nezir, alors peut-être qu'ils n'ont pas réussi à fuir,

  7   peut-être qu'ils ont essayé et qu'ils nous ont échoué, je ne sais pas.

  8   Q.  Passons à la page 2, parce qu'on pourra y voir ce que vous avez

  9   indiqué, à savoir que vous auriez vu vous-même que Slavica tuait Meho et

 10   Ekrem, à cinq mètres de la maison, et maintenant, vous nous dites que cela

 11   n'était pas exact.

 12   R.  Mais il y avait des soldats. Je n'ai pas vu. Il y avait des tirs.

 13   Alors, peut-être que c'était elle qui a tiré. Moi, je n'ai pas vu qu'elle a

 14   tiré. J'ai vu que l'homme est entré au rez-de-chaussée, qu'il n'a vu

 15   personne et ensuite, il est revenu. Il est monté à l'étage du dessus, et

 16   puis, il est entré, il a fait sortir Meho et Ekrem, et puis, il y en a un

 17   qui est entré dans la maison de Fadil. Il a fait sortir Fadil et il l'a tué

 18   devant la porte, et ils sont allés chercher de porte à porte. Lorsqu'ils

 19   voyaient qu'il n'y avait personne, ils poursuivaient, ils allaient plus

 20   loin.

 21   Q.  La femme de Meho et les autres femmes ont rejoint cet autocar par

 22   lequel vous avez été évacué ?

 23   R.  La femme de Meho et les autres sont sortis des maisons lorsque leurs

 24   maris ont été tués. La femme de Fadil est passée à côté de son mari, qui

 25   avait été tué. Ses deux fils et elle-même ainsi que son beau-fils et deux

 26   frères ont commencé à fuir et ils ont été tués devant le café de Nezir.

 27   Q.  Un soldat, qui était grand, a dit à Faketa "d'aller à la maison de

 28   Djoga" ?


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  1   R.  Devant la maison de Djoga.

  2   Q.  Merci. Quelle était la distance entre vous et ces maisons ?

  3   R.  La maison de Fadil était à dix mètres de la mienne, et entre mon

  4   terrain et celui de Meho, plutôt la clôture il y avait également dix

  5   mètres.

  6   Q.  Saviez-vous que l'armée musulmane, ces jours-là, planifiait, entamait

  7   une grande offensive, une offensive de grande ampleur visant plusieurs

  8   cibles à Vlasenica, et que tout cela entrait dans le cadre des préparatifs

  9   de l'offensive visant Sarajevo, une offensive qui a débuté le 8 juin ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Savez-vous qu'à partir du 27 mai, les attaques se sont intensifiées ?

 12   Par exemple, une colonne de poids lourds, un transport privé en provenance

 13   de la mine de bauxite a été attaqué, six chauffeurs ont été tués; est-ce

 14   que vous le saviez ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Saviez-vous qu'ils massacraient des civils dans les villages serbes de

 17   Metalja ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Saviez-vous qu'à partir de Drum, une attaque était censée lancée contre

 20   Vlasenica ?

 21   R.  Non.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous examiner le document 1D-4068 ?

 23   M. GAYNOR : [interprétation] Je relève simplement que ce document n'a pas

 24   été fourni dans la liste des documents de la Défense qui allaient être

 25   présentés au contre-interrogatoire. Mais il n'y a pas d'objection par

 26   ailleurs à son emploi.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comment cela se fait-il, Monsieur

 28   Karadzic ?


Page 18165

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, nous sommes peu nombreux et

  2   débordés. Ce rythme de comparution de deux témoins par jour est épuisant

  3   pour nous véritablement. Je ne vais pas demander le versement de ce

  4   document, je souhaite simplement que nous essayions de voir comment les

  5   choses se sont passées.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur le Témoin, voyez ce document qui date du 31 mai, ce monsieur,

  9   Mirsad Sulejmanovic fournit ici une déclaration à la police. Il indique

 10   qu'il se trouvait à Skugrici dans son village, qu'il travaillait en tant

 11   que magasinier, qu'il était également représentant à l'assemblée

 12   municipale, et il dit dans l'encadré, je cite "l'attaque lancée sur le

 13   village serbe de Metaljka a été menée le 2 juin 1992. Des gens de Donja

 14   Cerska, de Gornja Mahala, et cetera, y ont pris participé. Ils ont

 15   participé à l'incendie du village, à la destruction et à la profanation de

 16   pierres tombales." Pouvons-nous passer à la page suivante ?

 17   R.  Je suis supposé répondre ?

 18   Q.  Oui. Est-ce que vous saviez que l'armée musulmane était active de façon

 19   quotidienne et intense dans cette zone ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Ceci est pertinent en ce qui concerne les périodes qui ont suivi. Je

 22   vais maintenant vous lire une description de ces actions de façon à ce que

 23   nous puissions recueillir de vous des éléments d'information. Le 4 mai --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas si cela sert à quelque

 25   chose, mais vous avez dit que vous alliez lire la description de quelque

 26   chose. Il faut que vous nous indiquiez à partir de quoi vous voulez faire

 27   votre lecture.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la page précédente, on peut lire que


Page 18166

  1   l'attaque contre le village de Metaljka, l'attaque musulmane contre le

  2   village de Metaljka.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il lit un passage dans la déclaration de

  4   M. Sulejmanovic. Bien.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Nous n'avons plus besoin de ce document. Je ne vais pas approfondir

  9   cette question avec vous, Monsieur le Témoin. Je déclare que l'ensemble de

 10   cette région est livrée à des actions incessantes des forces musulmanes,

 11   des attaques quotidiennes contre des villages serbes; savez-vous cela ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  27 mai, action de sabotage contre la colonne ennemie à Konjevic Polje.

 14   L'ennemi a subi des pertes importantes et la communication entre les deux

 15   villes a été coupée. Le 27 mai, une action de sabotage contre les fils

 16   électriques; êtes-vous au courant?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Savez-vous qu'il y avait des coupures de courant ?

 19   R.  Oui, nous pensions que c'était vous qui aviez coupé les fils

 20   électriques des Musulmans.

 21   Q.  Ensuite une attaque contre Redzici, action de sabotage contre les

 22   forces ennemies et leurs véhicules; étiez-vous au courant?

 23   R.  Non.

 24   Q.  28 mai, attaque contre Jezica, moyens matériels et techniques ont été

 25   capturés le 28 mai, et Postolje et Podric [phon], nous avons chassé les

 26   Chetniks.

 27   R.  A quel endroit ?

 28   Q.  Dans le secteur de Birac, en direction de Konjevic Polje et Cerska.


Page 18167

  1   R.  Je n'en ai jamais entendu parler.

  2   Q.  Savez-vous où se trouve Banjevici ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Le 29 mai -- vous savez où se trouve Konjevic Polje, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  53 Chetniks ont été tués, et 15 corps que les Serbes n'ont pas pu faire

  7   sortir du secteur; étiez-vous au courant ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  29 mai, une offensive contre Kravica, huit Chetniks ont été tués;

 10   étiez-vous au courant ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  29 mai, une attaque des Musulmans contre Jasikovaca et Magasici; étiez-

 13   vous au courant ?

 14   R.  Non. Il y a -- cela se trouve à 40 ou 50 kilomètres de Vlasenica, pas

 15   de diffusion à la télévision, moi, je ne pouvais avoir aucun élément

 16   d'information au-delà de Drum. Je ne pouvais pas écouter la télévision et

 17   entendre ce genre de nouvelles.

 18   Q.  Savez-vous où se trouve Vitorog ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Alors, je vais vous dire comment cette action à Drum a été menée. Le 2

 21   juin, à Drum, une action de sabotage contre l'ennemi, à savoir le QG a été

 22   attaqué ?

 23   R.  Non, il n'y a pas eu de fusillade, lorsque je me suis réveillé vers 6

 24   heures du matin, et ce que j'ai vu était une chaîne d'un kilomètre

 25   d'Alihodzici à Vlasenica. Il n'y avait pas de village où il n'y avait

 26   aucune résistance, aucun coup de feu. Ils y avaient prévu simplement le

 27   nettoyage des Musulmans ce jour-là, au-delà à Drum et à au-delà, millier de

 28   personnes venues d' Alihodzici et d'autres villages où je ne me suis pas


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  1   rendu. Il y avait des troupes. Les troupes sont allées au-delà et ils ont

  2   nettoyé le secteur de la population musulmane.

  3   Q.  Comment savez-vous que cette décision a été prise ?

  4   R.  Non, c'est vous qui commandiez. Vous êtes censé être au courant de

  5   cette décision. C'est vous qui l'avez prise.

  6   Q.  Vous ne savez pas qu'une décision a été prise; c'est quelque chose que

  7   vous déduisez ?

  8   R.  Je sais qu'il n'y avait plus de Musulmans depuis 1992. je suis resté

  9   dans la région pendant un mois environ ensuite je suis allé plus loin à

 10   Batkovici. Je peux vous dire qu'il n'y avait plus de Musulman à Drum ou

 11   dans les alentours de Drum à partir de ce jour-là.

 12   Q.  Ensuite ce passage où vous dites -- je vais vous le lire en anglais, de

 13   façon à ce que cela puisse vous êtes traduit.

 14   "Quel genre de balles ont été tirées depuis de Panorama sur Vlasenica,

 15   auquel le soldat a répondu : 'Il y a un station radio à cet endroit. Il

 16   faudrait que vous leur posiez la question'."

 17   Quelque chose que vous avez dit dans votre déposition dans l'affaire

 18   Stanisic et Zupljanin, le Procureur contre Stanisic et Zupljanin, le 9 mars

 19   2010, le 1D4157, aux pages 7 364 et 7 365.

 20   R.  J'ai dit que, lorsque la jeep militaire et lorsque la patrouille

 21   militaire sont arrivées, il y avait un général qui était là et qui les

 22   accompagnait. J'ai posé la question à un homme qui était dans le camp. Je

 23   lui ai dit : D'où vient ce général ? On m'a répondu : Il y a un homme qui

 24   montait la garde alors que nous attendions l'autocar. On parlait de ce type

 25   de munition de ce qui avait été tiré depuis l'hôtel Panorama, et ensuite on

 26   a dit : "Demande à l'homme qui a une radio," et ensuite ils sont passés à

 27   autre chose.

 28   Q.  Est-ce qu'il s'agit du même Nezir Alicevic ? Y en a-t-il deux ou est-ce


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  1   qu'il y en a qu'un ?

  2   R.  Je ne connais qu'un Nezir Alicevic.

  3   Q.  Merci. C'est le Nezir que mentionne hodza dans le cadre de

  4   l'approvisionnement en munition ?

  5   R.  Je ne suis pas au courant de ce type de chose. Personne ne m'a rien

  6   proposé. Je n'ai pas fait mon service dans la JNA. (expurgé)

  7   (expurgé) Je ne pouvais pas manier les armes. La politique ne m'intéressait

  8   pas --

  9   Q.  Merci. Huso et Nezir étaient-ils frères ?

 10   R.  Oui, c'étaient des frères. Ils étaient frères.

 11   Q.  Est-ce que leurs maisons sont mitoyennes ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Donc 28 d'entre vous ont été conduits à Susica. Combien de soldats y

 14   avait-il à bord de l'autocar, de sentinelles ?

 15   R.  Il y avait une dizaine de réservistes de la police.

 16   Q.  Merci. Donc, dans l'autocar, il y avait essentiellement des femmes, des

 17   enfants et des personnes âgées; c'est exact ?

 18   R.  Il y avait 28 personnes au total, et nous étions les premiers à entrer

 19   dans Susica. Lorsque nous y sommes arrivés, il n'y avait personne d'autre à

 20   cet endroit-là.

 21   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à Susica, Susica n'existait pas en tant que

 22   prison mais les choses étaient en phase de préparation ?

 23   R.  J'ai trouvé dix personnes qui se trouvaient là devant la porte alors

 24   que nous descendions de l'autocar. L'autocar ne pouvait pas passer le petit

 25   pont il y avait un petit hangar. Il y avait une rivière. On ne pouvait pas

 26   passer avec un véhicule. Il fallait traverser le pont à pied. Nous sommes

 27   entrés à l'intérieur. Nous sommes rendus au hangar. Il n'y avait personne

 28   dans le hangar. Nous étions 28 au total, j'ai dénombré les personnes


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  1   présentes. Ensuite, la nuit, les gens sont arrivés. Il y avait un millier

  2   de personnes qui venaient de Piskavica, Sanici, Donja Piskavica, Bacino

  3   Brdo, et les alentours de Vlasenica, des gens de là.

  4   Q.  Merci. Dans un certain nombre de déclarations, vous avez dit que la

  5   salle n'avait pas été préparée, qu'il y avait beaucoup de choses à

  6   l'intérieur, que c'était sale, qu'il fallait préparer la salle avant que

  7   les gens ne puissent y être installés ?

  8   R.  C'est exact. Tout ce qu'il y avait à l'intérieur c'étaient des douilles

  9   de -- et il n'y avait rien au niveau du sol, c'était de la terre battue, et

 10   nous sommes restés là période un mois.

 11   Q.  Ensuite vous avez aidé au nettoyage ?

 12   R.  Nous avons enlevé les douilles. Il n'y avait plus rien à nettoyer. Si

 13   vous aviez un manteau vous l'enleviez et vous asseyez par terre sur le

 14   béton. 

 15   L'INTERPRÈTE : C'était un sol sur lequel il n'y avait rien.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] On s'allongeait dans ce cas-là. Ils fermaient

 17   même les fenêtres, pas simplement les portes, on ne pouvait plus respirer

 18   c'était suffoquant. Nous sommes restés là pendant dix jours ensuite 220

 19   personnes de Papraca sont arrivées de l'école quelque part. Je leur ai

 20   demandé s'ils étaient au centre de l'école de Vlasenica et si l'on les

 21   avait venir de là. Il y a des gens de la municipalité Kalesija, et je ne

 22   sais pas d'où venaient tous ces gens de ces différents villages.

 23   Q.  Alors, il s'agissait des détenus qui provenaient des lignes de front de

 24   combat ?

 25   R.  Je ne sais pas. Je n'ai rien vu. J'ai simplement posé la question à ces

 26   gens-là : "D'où venez-vous ?" Ils m'ont dit la municipalité de Kalesija.

 27   Q.  Merci. Ils vous ont dit ne vous inquiétez pas, et vous allez être en

 28   sécurité, vous n'aurez aucun problème, vous allez pouvoir rester ici


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  1   pendant deux jours, et ensuite vous allez être échangés contre des Serbes

  2   qui se trouvent de l'autre camp; est-ce exact ?

  3   R.  On nous a dit que nous allions rester pendant deux jours à Susica après

  4   nous serons échangés contre des Serbes à Kladanj. Ceci n'est jamais arrivé.

  5   Je suis resté là 28 jours et il n'y a jamais eu d'échange. Le deuxième et

  6   troisième jour les mêmes personnes qui délivraient des laissez-passer nous

  7   permettant de quitter la municipalité de Vlasenica sont venus, nous ont

  8   dit, parce qu'il fallait passer les postes de contrôle près de Sekovici. Je

  9   ne me suis pas rendu dans le tunnel vers Kladanj, il y avait un poste de

 10   contrôle serbe pour nous permettre de passer dans ce cas, et moi, je suis

 11   allé nulle part, je n'ai pas demandé de laissez-passer. J'étais un homme

 12   honnête. Je n'ai souillé mes mains nulle part c'est la raison pour laquelle

 13   je suis resté là. Tout d'abord, ils nous ont dit qu'il y aurait un échange,

 14   il n'y a pas eu d'échange, et ensuite après que les gens aient été

 15   rassemblés pour aller à Batkovic, ils ont dit qu'il n'y avait pas de

 16   nourriture à Vlasenica. Nous sommes allés à Batkovic, Sekovljani [phon]

 17   nous a accompagné, il y avait un commandant du Monténégro qui était là.

 18   Q.  Ces laissez-passer, étaient-ils exigés au poste de contrôle ? Est-ce

 19   que l'on pouvait passer avec ces permis, ces laissez-passer ?

 20   R.  Je ne sais pas. Je ne sais pas ce qui est arrivé à ces personnes qui

 21   sont partis, parce que, moi, je ne suis pas parti.

 22   Q.  Vous n'aviez pas demandé l'autorisation, donc on ne vous a pas remis de

 23   laissez-passer ?

 24   R.  C'est exact, je n'ai pas demandé.

 25   Q.  Maintenant, vous parlez des postes de contrôle; est-il exact qu'aux

 26   alentours de Drum, avant que le conflit n'éclate, la partie musulmane

 27   tenait un poste de contrôle ?

 28   R.  Non.


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  1   Q.  Pouvons-nous --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous d'autres questions, Monsieur

  3   Karadzic ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai même pas épuisé cette heure qui est la

  5   mienne et j'espère que j'aurais suffisamment de temps pour poser des

  6   questions au témoin. Bien, alors, je vais passer outre certaines questions.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  On vous a donc dit qu'il n'y avait pas suffisamment de nourriture à

  9   Vlasenica. Vous a-t-on dit que la partie musulmane ne souhaitait pas vous

 10   échanger et qu'ils demandaient à avoir des armes et de la nourriture en

 11   échange de vous, ils n'étaient pas disposés à relâcher les Serbes ?

 12   R.  Dans l'autocar, lorsque nous avons quitté Batkovic, cette personne, qui

 13   répondait au nom de Crnogorac, Monténégrin, il portait un complet noir. Il

 14   avait des poches, il avait des grenades dans ces poches. Il avait une veste

 15   en quelque sorte, un pistolet - je ne sais pas comment cela s'appelle -

 16   c'était un plus gros qu'un pistolet. Il a dit :

 17   "Ecoutez, je vous ai fait venir jusqu'ici, vous avez de la nourriture

 18   autant que vous le souhaitez, il y a du travail, il vous faudra travailler.

 19   Et le matin, nous avons fait une demande à Alija pour que vous soyez

 20   échangés contre nos Serbes, où là ils ont été faits prisonniers. Et il a

 21   dit : 'Les miens, je ne les remettrai pas. Ceux qui se sont rendus aux

 22   forces serbes vous pouvez les tuer, et en échange, vous pouvez leur donner

 23   des grenades et un sac de farine.' Nous ne souhaitions pas accepter cela et

 24   c'est ainsi qu'ils nous ont fait venir."

 25   C'est ce qu'ils nous ont dit lorsque nous étions dans l'autocar en

 26   direction de Batkovic.

 27   Q.  Lorsque vous étiez à Susica, il y a eu des approvisionnements en

 28   nourriture ? Vous receviez un repas par jour de la cuisine militaire de


Page 18173

  1   Vlasenica ?

  2   R.  La nourriture était mauvaise. Il n'y avait que les restes que les

  3   soldats ne voulaient pas, qu'ils remettaient aux soldats qui se trouvaient

  4   au front, qui revenaient. Ce sont ces restes-là que nous avions.

  5   Quelquefois, il n'y avait pas de pain. Mais pour ce qui est de la

  6   nourriture, c'était vraiment de la mauvaise nourriture. S'il n'y avait

  7   personne pour envoyer de la nourriture, moi, je ne suis pas allé au-delà du

  8   pont. Il y avait toujours une ou deux miches de pain, c'était du pain qui

  9   est fait maison et qui n'avait pas été acheté. Donc, il y avait toujours

 10   quelque chose comme ça, mais la nourriture était mauvaise.

 11   Q.  C'est la population voisine qui vous apportait cela ?

 12   R.  Je ne sais pas d'où cela venait. Je ne sais pas, quelqu'un apportait du

 13   pain et on rompait le pain et on distribuait des morceaux. Surtout ceux de

 14   Kalesija, qui avaient très faim. Nous souhaitions leur donner du pain. Ils

 15   avaient plus faim que nous, les habitants de la région.

 16   Q.  Merci. Ce chauffeur de taxi, Prlja, est-ce un Serbe ou un Musulman ? Il

 17   y avait un chauffeur de taxi qui s'appelait Prlja et qui vous a dit :

 18   "Donnez-moi cet or," pour que personne ne puisse vous tuer en raison de

 19   cela ?

 20   R.  C'était un Serbe.

 21   Q.  A-t-il conservé cet or ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, votre temps est

 23   écoulé. Nous vous accordons une minute pour conclure. Veuillez conclure

 24   avant la pause.

 25   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 26   Q.  A-t-il conservé cet or ?

 27   R.  Je ne l'ai plus jamais revu. Il a pris l'or. Je ne l'ai pas revu après

 28   qu'il l'ait pris, je ne l'ai pas revu par la suite, et si je le croisais,


Page 18174

  1   j'allais le voir et je lui disais où se trouvent tel et tel. En ce qui me

  2   concerne, personne ne m'a touché ou n'a levé la main à Susica et à

  3   Batkovic. (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé) Pour ce qui est des passages à tabac, je

  6   n'ai jamais été frappé par quiconque. Je l'aurais dit si j'avais été

  7   frappé.

  8   Q.  Est-il exact que des personnes faisaient librement une demande pour se

  9   rendre à Kladanj et Cerska et que la plupart des femmes ont fait cette

 10   demande ainsi que les personnes âgées; est-ce exact ?

 11   R.  Oui, simplement pour sortir du camp, pour ne plus s'y trouver. Ils

 12   faisaient une demande pour partir n'importe où. Ils disaient que cela

 13   n'avait pas d'importance. Il y avait des gens à Cerska. Dans ce cas-là, ils

 14   voulaient se rendre à Cerska. Je ne l'entendais pas, mais tout ce que ces

 15   personnes souhaitaient faire c'était quitter le camp de Susica.

 16   Q.  Et Cerska, cela faisait partie également de la municipalité de

 17   Vlasenica ?

 18   R.  Oui, oui, oui, cela fait partie de la municipalité de Vlasenica.

 19   Q.  Certains sont allés à Kladanj. La majorité des femmes ont fait la

 20   demande, à l'exception d'une vingtaine de femmes parce qu'elles

 21   souhaitaient attendre pour voir ce qui adviendrait de leurs filles; est-ce

 22   exact ?

 23   R.  Oui. L'autocar est arrivé le matin pour reconduire les gens à Kladanj.

 24   Ensuite, des femmes ont dit dans le hangar : "Nous ne partons pas jusqu'à

 25   ce que vous nous rendiez nos filles que vous avez fait sortir le soir."

 26   Vers 10 heures, deux soldats sont arrivés, nous ont sélectionnés, toi, toi,

 27   toi, et toi. Ils ont dit : Où est-ce que vous les emmenez ? A la maison

 28   d'un vieil homme pour aller faire le ménage. Donc le matin lorsque


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  1   l'autocar est arrivé pour emmener les femmes, elles se sont mises de côté

  2   et ont dit : "Nous n'allons pas quitter jusqu'à ce qu'ils nous rendent nos

  3   enfants." Un policier est arrivé, c'était un Serbe, un policier des Serbes

  4   de la municipalité de Vlasenica - je ne connais pas son nom - il a dit :

  5   "Frères [phon], qu'est-ce que vous attendez ?" Il s'est rendu dans une

  6   petite maison et en l'espace de dix minutes, je ne sais pas qui il a

  7   appelé, mais en l'espace de dix minutes, ces dix filles sont revenues au

  8   portail.

  9   Q.  Merci. Vous avez dit que ces filles n'avaient pas l'air d'avoir été

 10   maltraitées, qu'elles avaient l'air normal ?

 11   R.  Elles avaient l'air normal. Elles sont arrivées à la porte, elles ne

 12   sont pas entrées dans le hangar. Elles sont simplement venues et tout de

 13   suite elles sont montées à bord de l'autocar. Je ne sais pas où elles sont

 14   allées, à Kladanj ou ailleurs. Je ne me suis jamais porté volontaire pour

 15   demander à quitter le camp, cela n'a pas d'importance, quel que soit

 16   l'endroit. Je souhaitais rester à Vlasenica parce que je n'ai rien fait de

 17   mal à personne.

 18   Q.  Merci.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir une minute à huis

 20   clos partiel, s'il vous plaît ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit. Passons à huis clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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  7   [Audience publique]

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, s'il vous plaît, au moins jusqu'à

  9   la pause parce que je dois poser une question à propos de Batkovic. Je n'ai

 10   pas terminé.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes censés faire notre pause à

 12   20 lorsque nous siégeons normalement. Votre temps est écoulé, bien, soit,

 13   je vais vous autoriser à poser des questions sur Batkovic. Veuillez

 14   conclure en trois ou quatre minutes.

 15   M. KARADZIC : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Vous avez dit qu'à Susica et Batkovic, des gens ont fait une demande ou

 17   se sont présentés sur leur lieu de travail. Ils étaient à l'extérieur du

 18   camp pendant trois mois. Ils ont été emmenés par un ou deux gardiens et

 19   rentraient engraissés, bien nourris, et rapportaient de la nourriture de

 20   ces endroits où ils étaient allés travailler ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Donc ils pouvaient se présenter sur leurs lieux de travail, ils

 23   n'étaient pas obligés de le faire, n'est-ce pas ?

 24   R.  Cette trentaine de personnes qui sont allées en Serbie, on avait

 25   demandé à ce qu'une école soit construite. Il y avait un général qui avait

 26   six soldats de la police de réserve, et il leur a dit gentiment :

 27   "Emmenez ces personnes pour qu'ils aillent construire une école."

 28   Il y avait des menuisiers, différents corps de métiers qui ont fait


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  1   une demande, et j'ai écouté dans le hangar :

  2   "Il faut vous occuper de cette trentaine de personnes. S'il y a un

  3   pilonnage, il faut que vous les attrapiez dans vos mains, mais rien ne doit

  4   toucher ces personnes, il ne faut pas leur faire de mal."

  5   Ces hommes sont emmenés sur leur lieu de travail à bord d'une jeep à

  6   l'endroit où ils devaient travailler. Lorsque ces personnes sont rentrées

  7   au bout de trois mois, chacun a rapporté 20 à 30 boîtes de conserve de

  8   goulasch, tout ceci avait l'air très bon. Il y a eu un changement d'équipe

  9   pendant un mois et demi, et ensuite une autre équipe. Ils sont partis dans

 10   d'autres villages, ils ont eu des tourtes à manger. On leur a donné de la

 11   nourriture. Moi, je ne suis pas sorti du hangar parce que j'étais invalide.

 12   Ils m'ont donné ces boîtes de conserve et 30 paquets de cigarettes, ces

 13   personnes, surtout parce qu'elles ne fumaient pas.

 14   Q.  Et outre ces 30 personnes, y en a-t-il eu d'autres qui allaient dans

 15   les champs pour s'occuper de la récolte, dans différentes coopératives, et

 16   ils ont dit que les choses se passaient bien à cet endroit, ils ont ramené

 17   de la nourriture ?

 18   R.  Ils partaient travailler tous les jours, mais nous étions une vingtaine

 19   ou une trentaine qui étions invalides, et nous ne sommes pas partis

 20   travailler. Les autres, en revanche, partaient travailler et recevaient un

 21   bon repas. Je ne sais pas de quoi il était fait, je ne peux pas vous le

 22   dire. Moi, on m'a donné de la nourriture qui était pire parce que je ne

 23   travaillais pas. Mais ils m'ont donné de la nourriture aussi, et je pense

 24   qu'ils me connaissaient parce que j'étais un habitant de Vlasenica.

 25   Q.  Personne ne vous a passé à tabac, n'est-ce pas ?

 26   R.  Non, non.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences. Je pense que je ne peux pas

 28   abuser de votre patience.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

  2   Monsieur Gaynor, avez-vous des questions dans le cadre de vos questions

  3   supplémentaires ?

  4   M. GAYNOR : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Président, pas de

  5   questions.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, ceci met un terme à votre

  7   élément de preuve. Au nom des Juges de cette Chambre et de l'ensemble du

  8   Tribunal, je vous remercie d'être venu à La Haye pour faire votre

  9   déposition. Vous pouvez maintenant disposer.

 10   Nous allons tous nous lever. Compte tenu du rythme de ces débats, les Juges

 11   de la Chambre souhaite faire une pause plus longue d'une demi-heure et nous

 12   reprendrons à 11 heures mois cinq.

 13   [Le témoin se retire]

 14   --- L'audience est suspendue à 10 heures 26.

 15   --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Gaynor.

 17   M. GAYNOR : [interprétation] Je voulais indiquer à la Chambre de première

 18   instance que je devais en fait lui parler d'un problème de programmation

 19   qui se pose. Alors, est-ce que nous pourrions passer à huis clos partiel

 20   brièvement, je vous prie ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Pouvons-nous passer à huis clos

 22   partiel ?

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, Monsieur Gaynor, veuillez appeler

 22   à la barre votre témoin suivant.

 23   M. GAYNOR : [interprétation] Le témoin suivant est M. Suad Dzafic.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si nous incluons M. Mandic, qui était un

 25   témoin de la Chambre, ce témoin, à savoir M. Dzafic, est le 100e témoin.

 26   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, tout à fait, effectivement, c'est un

 27   titre en quelque sorte qui lui revient. Je vous remercie.

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin peut prononcer la

  2   déclaration solennelle, je vous prie.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   LE TÉMOIN : SUAD DZAFIC [Assermenté]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Dzafic. Veuillez

  8   prendre place.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez vous installer, je vous prie.

 11   Oui, Monsieur Gaynor.

 12   M. GAYNOR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 13   Interrogatoire principal par M. Gaynor :

 14   Q.  [interprétation] Monsieur Dzafic, hier avez-vous eu la possibilité

 15   d'examiner votre déclaration consolidée grâce aux bons soins d'un

 16   interprète ?

 17   R.  Oui.

 18   M. GAYNOR : [interprétation] Est-ce que le document de la liste 65 ter

 19   90268 peut être affiché à l'écran ?

 20   Q.  Vous avez eu la possibilité d'y apporter des corrections et de

 21   présenter des observations supplémentaires à la suite de quoi vous avez

 22   signé votre déclaration, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, oui.

 24   Q.  Est-ce que vous voyez la première page de la déclaration que vous avez

 25   signée sur votre écran ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que vous considérez que cette déclaration correspond à votre

 28   déposition et si les mêmes questions venaient à vous être posées


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  1   aujourd'hui, est-ce que vous fourniriez les mêmes réponses ?

  2   R.  Oui.

  3   M. GAYNOR : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

  4   dossier de cette déclaration, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Ce document sera versé au dossier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3263, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. GAYNOR : [interprétation] Je vais maintenant vous donner lecture d'un

  9   résumé de la déclaration.

 10   M. Dzafic est natif du village de Vitkovici dans la municipalité de

 11   Bratunac. Il est rentré de Serbie dans son village natal en mars 1992. Sa

 12   déclaration porte sur la prise serbe de la ville de Bratunac et des autres

 13   villages de la municipalité en avril et mai 1992.

 14   Il décrit le désarmement de la population musulmane, la destruction

 15   de leurs domiciles, et leur transfert depuis leurs villages vers des lieux

 16   de détention, notamment le stade de football à Bratunac, l'école Vuk

 17   Karadzic et la prison du MUP de la ville de Bratunac. Les soldats serbes

 18   lui ont dit que la direction du SDS à Bratunac avait recruté des soldats

 19   paramilitaires afin de tuer autant de Musulmans que possible. Le témoin a

 20   constaté que plus de 60 villageois musulmans avaient été tués à Glogova le

 21   9 mai 1992, il a été informé du transfert des villageois survivants à

 22   Bratunac.

 23   Le 17 mai 1992, le chef de la police est arrivé dans le village du

 24   témoin et a demandé aux habitants de remettre toutes les armes qu'ils

 25   avaient. Il a emmené avec lui quatre Musulmans au poste de police à

 26   Bratunac pour les interroger. Le lendemain du jour suivant, à savoir le 18

 27   mai 1992, des voisins serbes armés et portant un treillis de camouflage

 28   ainsi que des Unités du Corps de Novi Sad ont encerclé le village et ont


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  1   informé les villageois qu'ils ne pouvaient plus continuer à y vivre. M.

  2   Dzafic et les villageois musulmans de son village ont été placés dans des

  3   autobus, puis transférés vers le stade de football de Bratunac et par la

  4   suite à Vlasenica.

  5   Il y avait à bord de chaque autobus un garde armé. A Vlasenica, une

  6   trentaine de soldats armés portant une tenue complète de combat se sont

  7   approchés des bus. Certains portaient des insignes des Tigres d'Arkan et de

  8   Beli Orlovi, ils portaient également des insignes des autres Unités

  9   spéciales.

 10   Les hommes en âge de porter les armes ainsi que cinq mineurs ont été

 11   emmenés par les soldats à la prison du MUP de Vlasenica. Trente-deux hommes

 12   en âge de porter les armes ainsi que les cinq mineurs y ont été détenus

 13   jusqu'au 21 mai 1992.

 14   Pendant cette période, ils ont été roués de coups et ont subi des

 15   sévices de soldats serbes.

 16   Le 21 mai, deux officiers de police ont donné l'ordre aux détenus de

 17   sortir de leur cellule, les ont placés dans des autobus où les soldats leur

 18   ont confisqué leurs effets personnels, notamment de l'argent et des papiers

 19   d'identité. Le bus s'est dirigé vers Bratunac et était accompagné par un

 20   véhicule blindé et quatre voitures. Il s'est arrêté à la périphérie du

 21   village de Nova Kasaba, endroit où un homme connu sous le nom de Makedonac,

 22   les a fait sortir du bus et les exécutés. Les personnes ayant commis cet

 23   acte ont ensuite essayé de voir qui avait survécu et leur ont tiré dans la

 24   tête. M. Dzafic était allongé par terre et a fait semblant d'être mort

 25   jusqu'au moment où les soldats sont partis. Il s'est ensuite enfui vers le

 26   territoire contrôlé par les Musulmans.

 27   M. Dzafic fait référence à un document envoyé par le SJB de Milici au

 28   CSB de Sarajevo, document dans lequel il est fait référence à l'exécution


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  1   sommaire d'un groupe de 25 Musulmans de la municipalité de Bratunac à Nova

  2   Kasaba le 21 mai 1992.

  3   J'en ai terminé avec ma lecture du résumé.

  4   Q.  Monsieur Dzafic, je souhaiterais vous poser quelques questions à propos

  5   de certains sujets abordés dans votre déclaration. Dans un premier temps,

  6   je souhaiterais que nous parlions du moment où on vous a fait sortir de

  7   votre cellule à la prison du MUP de Vlasenica et au moment où on vous a

  8   demandé de monter dans un bus. Qui vous a fait monter dans ce bus ?

  9   R.  Lorsque nous sommes sortis de la cellule, nous sommes montés à bord

 10   d'autobus. Toutefois, un véhicule blindé de transport de troupes est

 11   arrivé, il y avait également quatre voitures et des soldats portant

 12   l'uniforme sont sortis de ces véhicules. Dans l'un de ces véhicules, il

 13   s'agissait d'une Lada Niva blanche, il y avait des têtes de mort qui

 14   étaient dessinées sur ce véhicule, puis il y avait également une

 15   inscription : "Bijeli Orlovi," à savoir "Les Aigles blancs." Lorsque nous

 16   sommes montés dans les autobus, Pero Mitrovic, un de mes voisins que je

 17   connaissais personnellement, est arrivé. Il travaillait à Belgrade.

 18   Q.  Je vous interromps, Monsieur. J'aimerais savoir qui exactement vous a

 19   fait sortir de votre cellule de la prison du MUP de Vlasenica et vous a

 20   fait monter dans l'autobus ?

 21   R.  Alors, lorsque nous sommes partis de la cellule, deux policiers sont

 22   arrivés et nous ont dit : Sortez de la cellule, mettez-vous en file

 23   indienne et partez. Il y avait cinq mineurs qu'ils ont fait sortir et qui

 24   sont restés. Lorsque nous sommes montés dans le bus, Makedonac, à savoir le

 25   Macédonien, c'est son surnom, c'est comme ça qu'on l'appelle, est venu à

 26   notre rencontre et nous a donné l'ordre de tout sortir de nos poches, donc

 27   l'argent, les papiers que nous avions, les documents, de ne plus rien

 28   laisser dans nos poches. C'est à ce moment-là --


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  1   Q.  Mais est-ce que je peux vous interrompre ? Lorsque vous parlez de

  2   documents, de papiers, à quels documents faites-vous référence ? Quels

  3   documents voulait-il que vous lui remettiez ?

  4   R.  Des documents personnels. Des cartes d'identité, de l'argent, ce genre

  5   de choses.

  6   Q.  Mais est-ce que quelqu'un vous a expliqué pourquoi vous deviez remettre

  7   vos documents d'identité ainsi que vos effets personnels ?

  8   R.  Non, non, à ce moment-là personne ne nous a fourni aucune explication.

  9   Toutefois, dans l'autobus, un homme portant l'uniforme est arrivé et il

 10   nous a dit que nous n'allions plus avoir besoin de nos affaires.

 11   Q.  Vous décrivez dans votre déclaration le transport dans l'autobus, qui

 12   vous a transféré vous ainsi que les personnes avec qui vous aviez été

 13   détenu, et vous dites que vous êtes arrivés à Milici et c'est là que

 14   l'autobus est arrivé. Pourriez-vous décrire ce qui s'est passé lorsque

 15   l'autobus s'est arrêté à Milici ?

 16   R.  Alors, pour ce qui est du transport de Vlasenica à Milici, en fait le

 17   bus ne s'est arrêté nulle part. Il s'est arrêté à Milici près d'une auberge

 18   ou d'un café. Moi, j'avais remarqué que ce Pero était assis justement

 19   devant le café et qu'il y avait également des policiers en uniformes de

 20   police. Un policier s'est approché de l'autobus, donc il était dans le café

 21   et il s'est approché près de la porte du bus, puis ce Pero -- parce que ce

 22   n'était pas très loin, le café en question et l'autobus.

 23   Il a dit à Pero : "Non, laisse-moi les tuer. Je vais les éliminer,

 24   comme ça tu n'auras pas à les conduire plus loin." Pero a dit : "Non, non.

 25   C'est nous qui dirigeons les opérations et c'est nous qui sommes

 26   responsables d'eux." Tout cela a duré quelques minutes. Puis ensuite

 27   l'autobus a repris sa route vers Kasaba.

 28   Q.  Alors, ces policiers serbes qui se trouvaient à Milici, est-ce qu'il y


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  1   en a qui ont tenté de vous protéger ou qui ont essayé de négocier avec Pero

  2   pour assurer votre protection ?

  3   R.  Non, non.

  4   Q.  Vous avez dit que l'autobus est parti de Milici et s'est dirigé ensuite

  5   vers Kasaba. Est-ce que vous pourriez nous décrire ce qui s'est passé

  6   lorsque l'autobus est arrivé à Kasaba ?

  7   R.  Lorsque l'autobus est arrivé à l'entrée de Kasaba, il s'est arrêté à

  8   cet endroit. Lorsqu'il s'est arrêté, la porte avant de l'autobus a été

  9   ouverte. J'ai entendu qu'un ordre était donné, on nous a dit, Dirigez-vous

 10   vers la porte arrière, il s'agissait de groupes de quatre à cinq hommes.

 11   Dès que cet ordre a été donné, la porte arrière s'est ouverte. Le premier

 12   groupe qui était assis près de la porte arrière justement est sorti. Ils

 13   sont sortis du bus, puis ils ont commencé à traverser un champ qui se

 14   trouvait là, et c'est là qu'ils leur ont tiré dessus immédiatement. C'est

 15   ainsi que les groupes de quatre à cinq hommes sont sortis, un groupe après

 16   l'autre.

 17   Quand mon tour est arrivé, moi, je faisais partie du dernier groupe. Mon

 18   frère était à mes côtés, mon cousin également, un autre de mes cousins.

 19   Puis il y avait également un membre de la famille de ce cousin en fait, il

 20   s'appelait Fahrudin, Arif, puis Galib. Alors, au moment où nous sommes

 21   arrivés près de la porte arrière, Galib nous a dit : "Vous voyez, là on va

 22   droit à notre mort." Donc j'ai essayé de lui dire quelque chose, mais

 23   j'étais incapable de prononcer un seul mot. Au moment où je suis sorti,

 24   j'ai entendu un ordre qui était donné, on nous a dit : Courrez, courrez à

 25   travers le champ. A ce moment-là, j'ai senti quelque chose de chaud au

 26   niveau de mon corps, et c'est à ce moment-là que je suis tombé. Tout à

 27   coup, j'ai entendu Pero et Makedonac qui se querellaient et qui disaient :

 28   "On ne devrait pas faire ça tout près de la route principale."


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  1   Puis lorsqu'ils ont remarqué qu'il y avait des survivants, ils leur ont

  2   tiré dessus pour s'assurer qu'ils étaient bel et bien morts.

  3   Mon frère était allongé à côté de moi, il était encore en vie aussi. Je les

  4   ai entendus dire : "Il y en a un qui visiblement est encore en vie." Donc

  5   j'ai refermé les yeux et je me suis tu, parce que je pensais qu'ils

  6   m'avaient remarqué. Mais ils se sont approchés de mon frère, ils l'ont

  7   liquidé, ils ne m'ont pas touché. Puis soudainement quelqu'un leur a donné

  8   l'ordre de monter dans les véhicules, ils ont mis les véhicules en marche,

  9   puis le silence est retombé. Je me suis relevé. Au moment où je me suis

 10   relevé, j'ai senti une douleur assez insupportable. J'ai commencé à marcher

 11   à travers champ, mais la douleur était si aigue que j'ai dû me rallonger.

 12   Je me suis à nouveau relevé. Je dois dire que la douleur était si

 13   insupportable que je ne pouvais même pas rester allongé, et je saignais

 14   beaucoup. Au moment où je marchais à travers ce champ, j'ai remarqué

 15   Ibrahim Muminovic, qui était aussi encore en vie. Il m'a dit : "Suad, je ne

 16   peux pas me relever. C'est comme si mes jambes avaient été coupées." Alors,

 17   je n'ai pas pu véritablement répondre à cela. J'ai poursuivi ma marche, du

 18   champ je me suis dirigé vers une rivière. J'ai franchi la rivière parce que

 19   j'essayais en fait de sauver ma peau. Puis là je suis arrivé près de

 20   maisons musulmanes.

 21   Au moment où je me suis levé, au moment où j'ai commencé à marcher, ils ont

 22   ouvert le feu à nouveau et ils tiraient à partir d'une colline qui se

 23   trouvait tout près. Toutefois, j'ai poursuivi mon chemin. Comme je ne

 24   savais pas à partir d'où ils tiraient, bon,  les balles qui sifflaient.

 25   Mais je ne savais pas véritablement où je me dirigeais, je suis arrivé vers

 26   ces maisons musulmanes. J'ai poursuivi mon chemin pendant un petit moment

 27   tout seul, puis soudainement des Musulmans m'ont entouré. Ils m'ont conduit

 28   vers le village d'à côté, et c'est là où --


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  1   Q.  Je vous remercie de votre récit. Donc vous avez survécu, et combien

  2   d'autres personnes ont survécu à cette exécution ?

  3   R.  Deux autres hommes ont survécu à cette exécution, Sadam Mujic et Rahman

  4   Karic. Toutefois, depuis la chute de Srebrenica, ils ne font plus partie de

  5   ce bas monde.

  6   Q.  Est-ce que vous avez des informations à propos de ce qui leur est

  7   arrivé après la chute de Srebrenica ?

  8   R.  Non, je ne sais rien à ce sujet.

  9   M. GAYNOR : [interprétation] J'en ai terminé avec l'interrogatoire

 10   principal, Monsieur le Président. J'ai un document à présenter dans ce

 11   contexte, il s'agit du document du MUP décrit dans le paragraphe 67 de la

 12   déclaration du témoin. Alors, le numéro 65 ter du document vous a déjà été

 13   donné, il s'agit du document 10772. Le numéro 65 ter qui figure au

 14   paragraphe 53 est erroné, donc je souhaiterais demander le versement au

 15   dossier du document 10772 de la liste 65 ter.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il figure au paragraphe 67 ?

 17   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est exact.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vous avez fait référence à un

 19   numéro de note en bas de page. Bien. Le document sera versé au dossier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3264.

 21   M. GAYNOR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur. Je vous remercie,

 22   Madame, Messieurs les Juges.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Monsieur Dzafic, l'accusé, M.

 24   Karadzic, va vous poser des questions dans le cadre de son contre-

 25   interrogatoire.

 26   Monsieur Karadzic, c'est à vous.

 27   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Dzafic.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je dois vous fournir quelques conseils.

  2   Vous vous exprimez tous les deux dans la même langue, donc pourriez-vous,

  3   je vous prie, ménager un temps d'arrêt avant de répondre aux questions qui

  4   vous seront posées par l'accusé, et ce, pour que les interprètes puissent

  5   faire leur travail et dans notre intérêt à nous également. Merci.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Je souhaiterais vous faire part de ma compassion et de mon soutien au

  8   vu de tout ce que vous avez vécu. J'aimerais maintenant essayer de

  9   comprendre certaines choses. Vous êtes revenu à Bratunac depuis la Serbie

 10   en mars 1992, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pourquoi êtes-vous revenu ?

 13   R.  Voilà pourquoi je suis revenu : Je travaillais en Serbie, et à la radio

 14   j'ai entendu que des événements se déroulaient en Bosnie, à savoir, j'ai

 15   entendu que des personnes avaient été tuées à Sarajevo. Toutefois, j'ai

 16   décidé de revenir dans mon village natal et c'est ainsi que je suis revenu.

 17   Q.  Est-ce que vous faites référence aux Serbes qui ont été tués lors de ce

 18   mariage, c'est à cela que vous faites référence ?

 19   R.  A ce moment-là, je ne savais pas qui avait été tué. J'ai juste entendu

 20   que quelqu'un avait été tué. Je ne me suis pas rendu compte qu'il

 21   s'agissait d'un Serbe qui était à une fête de mariage. Je ne savais pas qui

 22   avait été tué. J'ai juste entendu dire que quelqu'un avait été tué.

 23   Q.  Combien de temps avez-vous passé en Serbie jusqu'à ce moment-là ?

 24   R.  Environ trois ans. Trois ans, enfin lorsque je dis trois ans, ce n'est

 25   pas trois ans sans jamais revenir. Je travaillais, puis je rentrais chez

 26   moi, puis je repartais en Serbie, puis je revenais à nouveau chez moi,

 27   voilà.

 28   Q.  Je vous pose cette question parce que je voudrais savoir si vous étiez


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  1   informé des préparatifs de guerre dans la municipalité de Bratunac ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Lorsque vous êtes arrivé, est-ce que vous avez été informé du fait

  4   qu'un accord avait été conclu pour convertir en quelque sorte Bratunac en

  5   deux municipalités, une municipalité serbe et une municipalité musulmane ?

  6   R.  Ecoutez, moi, je ne suis pas tout à fait sûr de ces deux municipalités.

  7   C'est quelque chose que je ne comprends pas très bien d'ailleurs. J'ai

  8   entendu qu'il y avait eu scission et que le MUP, ou que les membres du MUP

  9   qui étaient d'appartenance ethnique serbe étaient sortis du bâtiment du MUP

 10   et avaient ensuite mis sur pied leur propre MUP. Pour ce qui est de la

 11   division de la municipalité en deux, non. Je n'en ai pas entendu parler, en

 12   tout cas je ne suis pas informé. Mais la scission au sein du MUP, cela

 13   s'est parlé. Pour ce qui est de la scission des deux municipalités, je

 14   suppose que c'est à cela que vous faites référence, mais bon, je ne sais

 15   pas grand-chose.

 16   Q.  Merci. Mais le MUP musulman est resté dans le bâtiment de l'ancien

 17   poste de police, alors que pour ce qui est des Serbes, est-ce qu'en fait

 18   ils ont créé leur propre poste dans le même bâtiment ou ailleurs ?

 19   R.  Non, non. Les Serbes ont créé leur propre MUP dans un autre bâtiment,

 20   ailleurs.

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous étiez informé de l'organisation de la Ligue

 22   patriotique et des Bérets verts et de l'armement des Musulmans à Bratunac ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Vous avez dit à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas d'armes.

 25   Toutefois, vous confirmez que votre père ainsi qu'un autre membre de votre

 26   famille avaient des armes. Vous le confirmez cela, n'est-ce pas ?

 27   R.  J'ai confirmé qu'il n'y avait pas eu d'armement illicite. Pour ce qui

 28   est des armes, mon père et ses membres de la famille et ses voisins avaient


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  1   des armes pour lesquelles ils avaient des permis de port d'armes. Il

  2   s'agissait de pistolet et de fusils de chasse.

  3   Q.  Dans votre déclaration du 22 juin 2000, vous dites que vous aviez

  4   entendu mais que vous n'avez pas vu qu'un Serbe avait tué un Musulman ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes n'ont pas entendu votre

  6   réponse. Vous pouvez la répéter, Monsieur Dzafic ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Merci. Vous dites qu'avant l'arrivée de la JNA, Mico Stojic et Nedeljko

 10   vous ont conseillé de ne pas aller plus loin que le périmètre de votre

 11   maison, de ne pas vous rendre dans les bois, et de rendre vos armes, si

 12   vous en avez; est-ce bien exact ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  A quoi faisaient-ils référence ? Quel était ce danger qui existait dans

 15   la forêt ?

 16   R.  Je n'en sais rien. Ils le savaient. Ils pensaient que nous étions

 17   armés, mais en fin de compte il a été avéré que nous n'avions pas d'armes.

 18   Q.  Ces deux-là, Mile Stojic et Nedeljko, c'étaient des Serbes de la

 19   Défense territoriale serbe, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, c'étaient mes voisins.

 21   Q.  Des Serbes, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation] 

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Dans votre déclaration du 15 juin 1993, déclaration que vous avez

 28   donnée à la Sûreté de l'Etat à Tuzla, vous avez indiqué que votre village


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  1   avait déjà remis ces armes, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui. Les armes pour lesquelles ils avaient un port d'armes, c'est-à-

  3   dire des pistolets et des fusils, c'est de ces armes-là qu'il s'agit -- et

  4   d'aucune autre arme. Pour être tout à fait clair, dès le départ, les armes

  5   qu'ils possédaient ont été accompagnées d'un permis de port d'armes.

  6   Q.  Merci. Dans cette déclaration de 2000, je crois que cela figure

  7   également dans la déclaration consolidée, donc celle du 12 juin 2000, aux

  8   paragraphes 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11, vous confirmez avoir également entendu

  9   dire qu'il ne s'agissait pas là d'informations de première main, n'est-ce

 10   pas ?

 11   R.  Quelles informations ?

 12   Q.  Celles qui portaient sur les incidents du début du mois d'avril et qui

 13   étaient contenues aux paragraphes 5 à 11 de cette déclaration.

 14   R.  Je ne comprends pas du tout ce que vous voulez dire.

 15   Q.  Très bien, dans ce cas-là, je vais devoir présenter cette déclaration

 16   pour vous montrer exactement à quoi je me réfère.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, les premiers jours du mois d'avril, est-

 18   ce que nous pourrions afficher ce document quelques instants, s'il vous

 19   plaît, donc, le document de la liste 65 ter numéro 20532 ? Page suivante,

 20   s'il vous plaît.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que ceci correspond sur le plan

 22   du contenu à certains passages de la déclaration consolidée, paragraphe 5

 23   notamment.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Donc, vous avez entendu dire que les Serbes avaient pris Zvornik et

 26   puis que le Corps de Novi Sad s'était mis en marche en direction de

 27   Bratunac. Savez-vous que la JNA avait été déployée là en Bosnie bien avant

 28   déjà qu'elle revenait de Croatie, et que ce n'est pas ce jour-là ni à ce


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  1   moment-là qu'ils sont arrivés de Novi Sad ?

  2   R.  Je ne sais pas d'où ils sont arrivés. Je sais qui est arrivé, des

  3   membres du Corps de Novi Sad. Le Corps de Novi Sad, pourquoi aurait-il été

  4   déployé à Zvornik ou à Bratunac ? Cela n'avait aucun sens. Le Corps de Novi

  5   Sad, pourquoi serait-il venu à Bratunac et à Zvornik, et en Bosnie, quelle

  6   en était la raison ?

  7   Q.  Monsieur Dzafic, savez-vous qu'à l'époque, la JNA était toujours la

  8   seule force armée légitime, et ce, jusqu'au 19 mai ?

  9   R.  Oui, je le sais, mais un corps d'armée de Serbie n'avait pas à venir à

 10   Zvornik pour maintenir l'ordre et la loi. Il y avait des corps d'armées qui

 11   avaient leur siège plus près et qui auraient dû le faire. Pourquoi un corps

 12   originaire de Serbie et de Novi Sad aurait-il été déployé là ?

 13   Q.  Je vois que c'est important pour vous. Est-ce que vous avez fait votre

 14   service militaire ?

 15   R.  Oui. Oui, c'est important, parce que je me suis demandé pourquoi :

 16   comment se fait-il que le Corps de Novi Sad se retrouve sur le territoire

 17   de Zvornik ou de Bratunac ?

 18   Q.  Où avez-vous fait votre service militaire ?

 19   R.  A Cacak. Vous m'avez entendu ? A Cacak.

 20   Q.  Ah, à Cacak, mais comment ça se fait que vous avez fait votre service

 21   militaire à Cacak alors que vous êtes originaire de Bosnie ?

 22   R.  Comment cela, c'était la Yougoslavie.

 23   Q.  Ah. Mais alors est-ce que, sur ce même fondement, on ne peut pas dire

 24   que le Corps de Novi Sad était appelé à intervenir partout en Yougoslavie

 25   parce que la Défense était unifiée à l'époque ?

 26   R.  Non. Le Corps de Novi Sad était à Novi Sad. S'ils étaient venus à Novi

 27   Sad, ce Corps de Novi Sad ne pouvait être venu à Bratunac que dans

 28   l'exécution d'une mission. C'est la façon dont je vois les choses.


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  1   Q.  Très bien. Nous devons alors jeter la lumière sur ceci. Est-ce que vous

  2   savez que les régions militaires dans leurs délimitations ne

  3   correspondaient pas à celles des républiques ?

  4   R.  Je ne vous ai pas compris. Les régions militaires ne correspondaient

  5   pas à ---

  6   Q.  Les frontières des régions militaires ne correspondaient pas à celles

  7   des républiques.

  8   R.  Je ne comprends pas.

  9   Q.  Est-ce que vous savez que la délimitation des entités et des structures

 10   militaires sur le plan territorial se distinguait de la délimitation des

 11   républiques ? Savez-vous qu'une région militaire pouvait recouvrir

 12   plusieurs républiques, ou qu'à l'inverse, dans une même république on

 13   pouvait avoir plusieurs régions militaires, qu'il n'y avait pas recoupement

 14   entre la division en républiques et la division en régions militaires ?

 15   R.  Je ne sais pas. Mais prenons un exemple, le Corps de Sarajevo se

 16   trouvait cantonné à Sarajevo.

 17   Q.  Nulle part ailleurs en dehors de Sarajevo ?

 18   R.  Je ne le sais pas. Je ne peux pas vous répondre avec certitude. Le

 19   Corps de Novi Sad était cantonné à Novi Sad. Si le Corps de Sarajevo était

 20   amené à se retrouver à Novi Sad, il ne pouvait le faire que dans

 21   l'accomplissement d'une mission.

 22   Q.  Monsieur Dzafic, mais le commandement était à Sarajevo alors que le

 23   Corps de Sarajevo lui-même allait jusqu'en -- jusqu'en Dalmatie, jusqu'à

 24   Slavonski Brod, les frontières n'étaient pas celles des républiques.

 25   Essayons d'éclaircir ceci. Est-ce que vous savez que le Corps de Novi Sad

 26   se trouvait déployé en profondeur en Bosnie et qu'en se retirant en

 27   direction de la Serbie, il est arrivé à Bratunac en provenance de la Bosnie

 28   centrale ?


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  1   R.  Mais quelle était la tâche de ce Corps de Novi Sad ? Que faisait-il en

  2   Bosnie ?

  3   Q.  Très bien. Laissons ceci de côté.

  4   R.  Oui, laissons ceci de côté. Parce que cela n'a aucun sens que de

  5   discuter de cela. Discutons de ce que j'ai vécu personnellement. Ce que

  6   vous dites là c'est important, mais --

  7   Q.  Est-ce que vous dites que c'est moins important ? Au paragraphe 6 de

  8   votre déclaration, vous dites que des Musulmans ont été licenciés du MUP,

  9   qu'un MUP serbe a été mis en place. Mais est-ce que les Musulmans ont été

 10   licenciés du MUP serbe par le MUP serbe ou par le MUP musulman ?

 11   R.  Peut-être y a-t-il une légère erreur. Les Musulmans sont restés à

 12   travailler au sein du MUP. Les Serbes se sont séparés et ont créé leur

 13   propre MUP. Peut-être que là il s'agit d'un départ, il s'agit des Musulmans

 14   qui travaillaient dans les usines et qui ont été licenciés dans des

 15   municipalités. Peut-être que c'est cela qui est sous-entendu. Mais les

 16   policiers qui étaient employés, ceux qui étaient Musulmans, sont restés à

 17   travailler au sein du MUP où ils avaient travaillé jusque-là, alors que les

 18   Serbes se sont séparés.

 19   Q.  Mais est-ce que vous savez qu'il fallait que les Musulmans constituent

 20   leur municipalité et que les Musulmans ont accepté cela, si bien que tous

 21   les employés musulmans de la municipalité conjointe devaient passer au sein

 22   de cette municipalité musulmane, alors que de leur côté les Serbes

 23   passaient à la municipalité serbe ?

 24   R.  Je ne sais pas.

 25   Q.  Mais ceci, c'est important, Monsieur Dzafic --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez ralentir et ménager des pauses.

 27   Monsieur Karadzic, à vous.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 18195

  1   Q.  C'est important, Monsieur Dzafic, si vous dites d'un côté que les

  2   Musulmans ont été licenciés, alors que, moi, je vous dis qu'ils n'ont pas

  3   été licenciés. Mais ce sont les Serbes qui eux-mêmes se sont retirés de la

  4   municipalité conjointe et que les Musulmans ensuite ont refusé d'appliquer

  5   l'accord qui avait été proposé et l'offre qui leur avait été proposée de

  6   mettre en place leur propre municipalité. Est-ce que vous saviez cela ?

  7   R.  Je n'ai pas été à ces réunions, je n'étais pas au courant de cela.

  8   Q.  Vous dites au paragraphe numéro 10 que les Serbes qui vivaient à

  9   Bratunac ont rejoint les rangs de formations paramilitaires. Est-ce que

 10   vous pourriez nous aider à y voir un petit peu plus clair et surtout à

 11   distinguer entre, d'une part, les réservistes de la JNA qu'avaient rejoint

 12   la plupart des Serbes, et d'autre part, les unités paramilitaires dont je

 13   vous prierais de bien vouloir de nous les décrire. Quels uniformes

 14   portaient-ils, ces paramilitaires, quels insignes, et est-ce que tel ou tel

 15   habitant serbe du cru a rejoint leurs rangs ? Est-ce que vous savez que les

 16   Serbes répondaient à tous les appels à mobilisation des réservistes de la

 17   JNA alors que les Musulmans et les Croates n'y répondaient pas ?

 18   R.  Est-ce que les Serbes répondaient à l'appel à la mobilisation de la JNA

 19   alors que les Musulmans n'y répondaient pas ?

 20   Q.  Oui.

 21   R.  Mais à quelle période ?

 22   Q.  Pendant toute l'année 1991 et en 1992, avant que n'éclate la guerre.

 23   R.  Personnellement, moi, personne ne m'a appelé.

 24   Q.  Mais lorsque vous êtes arrivé en Bosnie, est-ce que vous avez appris --

 25   est-ce que vous savez que tous les hommes en âge de combattre avaient été

 26   incorporés à la réserve de la JNA, même s'ils étaient encore à leur

 27   domicile ?

 28   R.  Mais où est-ce qu'ils allaient ? Est-ce qu'ils allaient sur -- ils


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  1   allaient faire la guerre en Croatie ?

  2   Q.  Tant que la guerre a duré en Croatie, ils y sont allés mais, sinon, ils

  3   étaient dans l'effectif de réserve, comme --

  4   R.  Mais pourquoi auraient-ils été dans la réserve ? Quelle menace pesait

  5   donc ?

  6   Q.  Mais laissons ça de côté, Monsieur Dzafic.

  7   R.  Mais laissons cela aussi de côté, Monsieur Karadzic. Passons à ce que,

  8   moi, j'ai vécu.

  9   Q.  Oui. Vous en avez parlé. Moi, je suis en train de parler de ce que vous

 10   avez déclaré. Vous avez dit que les Serbes du cru à Bratunac ont rejoint

 11   les rangs de formations paramilitaires.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce qu'ils ont également été dans les rangs de la réserve de la JNA

 14   ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que l'effectif de la réserve de la JNA est quelque chose de

 17   distinct des unités paramilitaires ?

 18   R.  La réserve de la JNA existait jusqu'à ce que l'armée ne parte, et vous

 19   avez donné la date tout à l'heure, 18 ou 19 mai. Donc, tous ces soldats

 20   sont passés à la Défense territoriale serbe. Certains autres sont allés

 21   rejoindre les unités paramilitaires, et certains ont rejoint les Aigles

 22   blancs ou les Tigres d'Arkan.

 23   Q.  Mais c'est cela, justement, Monsieur Dzafic, que nous essayons de

 24   distinguer. Jusqu'au 19 mai, la JNA était présente, et ils étaient partie

 25   intégrante de la réserve de la JNA, tout comme d'ailleurs la Défense

 26   territoriale, qui tombait sous la compétence de la JNA, n'est-ce pas ?

 27   R.  Mais quelle Défense territoriale ? Celle de qui ?

 28   Q.  Toute Défense territoriale tombait sous la compétence de la JNA, n'est-


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  1   ce pas ?

  2   R.  Mais attendez, mais pourquoi est-ce que moi je n'étais pas membre de

  3   cette Défense territoriale ?

  4   Q.  Monsieur Dzafic, vous étiez en Serbie, vous y travailliez, donc vous

  5   n'avez pas été appelé.

  6   R.  Mais, alors, pourquoi mes parents n'ont pas été appelés ? Pourquoi mes

  7   frères n'ont pas été appelés ? Pourquoi personne n'a été déployé ? Pour

  8   quelle raison ? Pourquoi ça n'a pas été mixte ?

  9   Q.  Mais Monsieur Dzafic, je parle justement de ça. Ils n'y sont pas allés

 10   parce qu'ils ne le voulaient pas. Pendant toute l'année 1991 et en 1992,

 11   ils refusaient toute forme de coopération avec la JNA. Et si vous ignorez

 12   cela, et bien, moi, je n'ai pas d'autre choix que d'essayer de jeter la

 13   lumière sur ce que vous dites.

 14   R.  Mais est-ce que vous avez peut-être le moindre document qui indiquerait

 15   que quelqu'un a refusé de répondre à de tels appels ?

 16   Q.  Oui, il y a de nombreux documents, Monsieur Dzafic, y compris des

 17   appels de la présidence de la BiH indiquant de ne pas répondre à de tels

 18   appels à mobilisation. Mais essayons de décrire les unités paramilitaires

 19   dont vous parlez pour essayer de les distinguer de la réserve de la JNA.

 20   R.  Mais alors, si moi j'étais en Serbie à travailler et que je n'ai pas

 21   été appelé au sein de la Défense territoriale jusqu'à ce que je sois donc

 22   revenu en Bosnie, pourquoi n'ont-ils pas appelé mes parents, mes frères,

 23   par exemple ? Pourquoi eux n'ont-ils été appelés par personne ? Moi,

 24   j'aurais été au courant, quand même, s'ils avaient reçu un appel à

 25   mobilisation au sein de la Défense territoriale. Encore juste une chose. Le

 26   fait que j'aie été en Serbie à travailler n'a absolument rien à voir. Je

 27   devais être mis à la disposition de la Défense territoriale et on aurait dû

 28   me remettre un appel à mobilisation, mais cela n'a pas été le cas. Alors,


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  1   je ne sais pas à qui appartenait cette Défense territoriale et quel

  2   territoire elle était censée défendre.

  3   Q.  Mais puisque nous y sommes --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Voyez-vous le

  5   paragraphe 9 de votre déclaration, Monsieur Dzafic, qui devrait se trouver

  6   juste devant vous ? Vous dites que des Serbes du cru à Bratunac ont rejoint

  7   les rangs d'unités paramilitaires. La question qui vous a été posée était

  8   de décrire les unités paramilitaires que vous évoquez dans ce paragraphe.

  9   Est-ce qu'elles se distinguaient des unités de réservistes de la JNA ?

 10   C'était la question qui vous a été posée. Est-ce que vous pourriez y

 11   répondre, Monsieur Dzafic ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, elles s'en distinguaient.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Comment faites-vous la différence ? Quel type d'uniformes et d'insignes

 15   portaient-elles ?

 16   R.  Les réservistes de la JNA étaient vêtus normalement et portaient

 17   l'uniforme de la JNA. Les autres, ils portaient différents uniformes. Ils

 18   avaient des insignes des Aigles blancs, des Tigres d'Arkan, et cetera. Il y

 19   en avait encore quelques autres, mais je ne me souviens pas. Ils avaient

 20   des insignes sur leurs uniformes.

 21   Q.  Vous avez également évoqué une tête de mort avec des tibias

 22   entrecroisés sur un véhicule automobile. Est-ce que cela aussi, c'était

 23   l'un de ces insignes ?

 24   R.  Oui, l'insigne des Aigles blancs. Cet insigne se trouvait sur ce

 25   véhicule, et il était écrit également : "Aigles blancs." Il y avait

 26   également des croix.

 27   Q.  Merci. Parmi eux, il y avait peu de gens du cru, n'est-ce pas ? Pour

 28   l'essentiel, ils n'étaient pas originaires de Bratunac ?


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  1   R.  Vous parlez de quelles personnes maintenant ?

  2   Q.  Les paramilitaires, les Aigles blancs, ceux qui portaient des insignes

  3   qui n'étaient pas ceux de la JNA, n'est-ce pas ?

  4   R.  Ceux qui sont venus nous chercher dans la prison pour nous emmener à

  5   l'exécution, c'est peut-être d'eux que vous parlez, parce que pour cela, je

  6   peux vous l'expliquer très bien.

  7   Q.  Monsieur, je vous parle de la période à laquelle vous êtes encore à

  8   Bratunac, avant tout cela, avant l'arrestation et tout le reste. Vous dites

  9   qu'à Bratunac, il y avait des unités paramilitaires et que certains Serbes

 10   ont rejoint les rangs de ces unités. Est-ce que la majorité des Serbes se

 11   trouvaient au sein de la réserve ? Est-ce que la majorité des effectifs de

 12   ces unités paramilitaires n'étaient pas originaires d'autres localités ?

 13   R.  Alors, les unités paramilitaires n'étaient pas composées uniquement de

 14   gens originaires de la municipalité de Bratunac. Je ne donne Bratunac que

 15   comme exemple. Il y avait des gens qui étaient originaires d'un peu

 16   partout, et il y a eu également des personnes qui ont rejoint les rangs de

 17   ces unités et qui étaient originaires de la municipalité de Bratunac. Quant

 18   à la réserve de la JNA et ses membres, ils ont été transférés et versés à

 19   la Défense territoriale de la Republika Srpska, et vous savez très bien

 20   comment et quand ceci a été mis en place.

 21   Q.  Merci. Vous avez dit que les soldats n'avaient maltraité personne; est-

 22   ce exact ?

 23   R.  C'est ce que je vous dis -- enfin, ce que je peux vous dire, c'est que

 24   le Corps de Novi Sad est arrivé au village à la recherche d'armes, qu'ils

 25   n'ont maltraité personne et qu'ils se sont comportés correctement. A un

 26   moment, un officier de ce groupe s'est étonné. Il s'est demandé pourquoi

 27   ils avaient été dépêchés sur place. Ils sont restés quelque temps, ils se

 28   sont assis avec nous, on a discuté. Il s'agissait du Corps de Novi Sad qui


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  1   était arrivé dans le village afin de confisquer dans armes.

  2   Q.  Merci. Vous dites qu'ils sont restés une heure, qu'ils n'ont maltraité

  3   personne et qu'ils sont repartis.

  4   R.  Oui, à peu près. Je ne sais pas exactement combien de temps ils sont

  5   restés, mais ils ont été tout à fait corrects. Ils se sont assis avec nous,

  6   ils ont discuté avec nous, normalement. Je le répète, ils se sont étonnés.

  7   Ils ne comprenaient pas pourquoi on les avait envoyés là. Ils ne

  8   comprenaient pas.

  9   Q.  Ensuite, vous avez dit qu'à partir du 10 mai, après les événements de

 10   Glogova, vous avez dit donc que la Défense territoriale serbe venait plus

 11   souvent se rendre en visite dans votre village plus souvent qu'auparavant,

 12   n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Merci. Il restait peu de temps avant de repartir, n'est-ce pas ?

 15   R.  Ça dépendait. Parfois, ils restaient aussi avec nous pour discuter. Il

 16   s'asseyait avec nous. Il s'agissait de personnes que je connaissais

 17   personnellement, c'étaient mes voisins, ce n'étaient pas des étrangers.

 18   Q.  Merci. Dusko et Brano, vous dites qu'ils venaient à Vitkovici en venant

 19   de Bosanski. Vous dites qu'ils vous auraient déclaré qu'il fallait que vous

 20   preniez la fuite, que vous fuyiez le village et qu'ils allaient vous faire

 21   signe pour vous indiquer quand la situation serait sure, qu'ils allaient

 22   tirer au moyen d'un M-53 pour vous faire savoir que vous pouviez revenir.

 23   R.  Je --

 24   M. GAYNOR : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce qu'il serait possible

 25   d'avoir la référence de cette citation ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est la déclaration de M. Suad Dzafic, du 15

 27   juin 1993. Je crois que j'en ai demandé tout à l'heure l'affichage. C'est

 28   la référence 20565, 1993 donc au moment où il est allé sur le territoire


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  1   contrôlé par les Musulmans.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous dites qu'on vous a indiqué de ne pas vous disperser, de rester

  4   dans la forêt et qu'un tir de M-53 allait vous donner -- allait vous faire

  5   savoir que la situation était sure à nouveau et que vous pouviez revenir

  6   dans le village.

  7   R.  Oui, mais je voudrais avoir ce texte devant moi à l'écran en B/C/S.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le numéro 20565 de la liste 65 ter.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Le document était écrit à la main, ensuite il a été tapé à la machine.

 11   Je crois que c'est en page 2.

 12   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire, écrit à la main ? Ceci a été tapé à la

 13   machine.

 14   Q.  Est-ce que vous avez donné une déclaration qui a été écrite à la main

 15   et ensuite tapée à la machine ?

 16   R.  Les gens ont consigné, ils ont écrit sur papier la déclaration que je

 17   donnais. Comment ils l'ont fait, je ne sais pas. J'ai probablement signé

 18   une version tapée à la machine, mais ça, c'est une copie, pas l'original.

 19   Q.  Voyez ce que dit Brano, ici. Brano Djuric, notre voisin -- nos -- Dusko

 20   et Brano Djuric, nos voisins, tous les deux âgés de 15 à 17 ans, nous ont

 21   dit que -- en fait, nous ont dit que Djurkovic, Milan avait dit qu'il

 22   fallait fuir le village en direction de la forêt.

 23   R.  Oui. C'est la façon dont ça s'est passé et c'est ce qu'ils nous ont

 24   dit. Ils nous ont dit qu'il fallait fuir dans les bois, pour nous mettre à

 25   l'abri et qu'ils allaient nous -- c'est-à-dire que pendant que toutes ces

 26   choses étaient en train de se passer à Glogova, de nous mettre à l'abri

 27   dans les bois et qu'ensuite, ils nous feraient signe quand nous pourrions

 28   revenir.


Page 18202

  1   Q.  Qui était à l'origine de cette menace qui était telle que Milan

  2   Djurkovic vous avait dit de vous mettre à l'abri dans les bois et qu'il

  3   vous ferait savoir ensuite quand il serait sûr de revenir ?

  4   R.  Croyez-moi, je ne sais pas. Il le savait probablement d'où venait ce

  5   danger ou cette menace.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, nous n'allons pas demander le versement.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Vous dites que :

  9   "Le signe convenu pour nous indiquer que nous pouvions revenir dans

 10   le village devait être un tir au moyen d'un fusil mitrailleur à canon court

 11   M-53. Ce qu'il a fait -- ce qui s'est passé, c'est que Golub nous a emmené

 12   vers cet autre village qui n'avait pas été incendié."

 13   Alors, est-ce que ce Golub, c'était un Serbe ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Est-ce qu'il était aussi au sein de la Défense territoriale serbe ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Merci. Ensuite, Mijo Stojic et un certain Milan sont arrivés et trois

 18   ou quatre membres de la police serbe en uniforme pour vous informer de ce

 19   qui était arrivé à Krasno Polje. Ils vous ont dit que Hajran Demirovic, qui

 20   venait de cette ville, avait été  tué parce qu'il aurait prétendument

 21   fabriqué des fusils manuellement.

 22   R.  Tout ce que dit cette déclaration est conforme à ce que j'ai dit et

 23   c'est exact. Nous pouvons poursuivre la lecture pendant deux heures, mais

 24   c'est -- les choses se sont passées exactement ainsi. Tout est exact,

 25   inutile de répéter ce que j'ai déjà dit. Tout ceci est -- correspond à la

 26   vérité.

 27   Q.  Ensuite, vous avez dit que les formations paramilitaires n'ont, à ce

 28   moment-là, fait prisonnier personne, après avoir reçu des armes des


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  1   villageois.

  2   R.  Moi, je vous parle de mon village. Ils n'ont fait -- Personne n'a été

  3   fait prisonnier dans mon village.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si M. Gaynor, éminent avocat, a besoin de ceci,

  6   ceci a été dit dans le procès de Slobodan Milosevic, page du compte rendu

  7   d'audience du 27 juin 2003, page 23236, ou plutôt 12 à 22.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Un peu plus loin, vous dites que la police serbe, à partir du 10 et

 10   jusqu'au 18 mai, a patrouillé le village; est-ce exact ?

 11   R.  Mai, quelle date du moi de mai ?

 12   Q.  Autour du 10 mai, lorsque ce qui est arrivé est arrivé à Glogova.

 13   Ensuite, ils ont patrouillé le village.

 14   R.  C'est exact.

 15   Q.  Merci. Vous dites qu'en raison de tout cela, vous ne vous sentiez plus

 16   en sécurité et que ces mêmes personnes sont venues et vous ont promis que

 17   rien ne vous arriverait; est-ce exact ?

 18   R.  C'est exact. Mais je vais préciser cela un petit peu. Je ne me sentais

 19   pas en sécurité. Bien sûr, la -- il y avait la police serbe. Il n'y avait

 20   pas de membres musulmans de la police serbe. Il était normal qu'on ne sente

 21   pas en sécurité. Il est vrai qu'ils sont venus nous dire qu'il ne nous

 22   arriverait rien.

 23   Q.  Avez-vous dit qu'ils ont demandé à Mehmed Alija Salihovic -- ils ont

 24   demandé à voir cet homme, parce qu'il aurait prétendument entraîné les

 25   Bérets Verts ?

 26   R.  Oui, j'ai dit que j'ai entendu cela. En général, ils recherchaient les

 27   hommes qui étaient plus puissants, qui étaient plus instruits. Ce Mehmed

 28   Alija Salihovic était professeur à Bratunac et toutes ces personnes qui


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  1   occupaient des postes élevés, ils les recherchaient parce qu'ils les

  2   accusaient d'avoir pris part ou avoir fait partie de certaines unités ou

  3   des Bérets Verts. Je ne sais même pas s'il y avait des Bérets Verts dans la

  4   municipalité de Bratunac et je ne sais même pas si des unités ont été

  5   entraînées ou formées. Je ne le sais pas.

  6   Q.  Soit, je l'admets, mais vous ne savez pas qu'il n'y avait pas non plus

  7   ce genre de choses, n'est-ce pas ?

  8   R.  Pour ce qui est de mon village, il n'y avait pas ce genre de choses.

  9   Q.  Vous avez également dit avoir entendu dire que M. Habibovic avait été

 10   tué, mais que vous ne l'avez pas vu vous-même; c'est exact ?

 11   R.  Oui. Pourriez-vous répéter cela, s'il vous plaît ? Vous voulez parler

 12   de quelle personne ?

 13   Q.  M. Habibovic. Il faudrait que j'affiche le document en question pour

 14   voir quel était le prénom de cette personne, mais cela n'a pas

 15   d'importance.

 16   R.  Je peux vous l'expliquer, si vous voulez parler de Fadil Habibovic. Il

 17   est vrai qu'il a été emmené et tué. Je ne l'ai pas vu, mais il a été emmené

 18   et tué et il n'est pas réapparu depuis. Il était avec moi, dans l'autocar.

 19   Il a -- on l'a fait descendre de l'autocar, il a été ramené, on l'a fait

 20   remonter, mais on ne l'a plus jamais revu. Si nous parlons de Fadil

 21   Habibovic.

 22   Q.  Merci. Ce Rahman Karic, était-il sur une quelconque liste pour avoir

 23   été en possession d'un fusil mitrailleur, et son frère n'a pas remis ses

 24   armes -- son arme ?

 25   R.  Oui, j'ai entendu qu'il figurait sur une liste en possession des

 26   Serbes, qu'on l'accusait d'être en possession d'un ancien fusil mitrailleur

 27   datant de la Première Guerre mondiale. Je le connais, c'était mon voisin,

 28   Rahman Karic. Je ne peux pas vous dire avec certitude s'il était en


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  1   possession d'une arme.

  2   Q.  Y a-t-il eu des cas où les Musulmans ou les Serbes ont traversé la

  3   Drina, en raison des tensions ou parce qu'ils ne se sentaient pas en

  4   sécurité; est-ce qu'ils se dirigeaient en courant vers la Serbie ?

  5   R.  Je sais que les Serbes s'enfuyaient en courrant. Je ne sais pas si la

  6   même chose valait pour les Musulmans. Je ne sais pas si vous, vous êtes au

  7   courant, et si vous savez que des Musulmans sont passés de l'autre côté, je

  8   ne sais pas. Mais, personnellement, je ne suis pas au courant.

  9   Q.  Combien de Serbes se sont enfuis, vous en souvenez-vous ?

 10   R.  Ils partaient en courant, ils partaient et ils revenaient. Ils

 11   partaient pendant la nuit, et ils revenaient pendant la journée. J'ai

 12   entendu dire que de la municipalité de -- que ceci est arrivé dans la

 13   municipalité de Bratunac. Dans mon village, les gens partaient le soir; les

 14   femmes et les enfants, et ensuite la plupart des hommes restaient en

 15   général. Je vous parle simplement de ce que je sais et de ce que j'ai

 16   entendu.

 17   Q.  Est-ce que cela voulait dire que la peur et l'insécurité régnaient

 18   parmi eux également ?

 19   R.  Sans aucun doute. Je me pose la question, et je me demande pourquoi ?

 20   Plus tard, il s'est avéré qu'il n'y avait pas de danger.

 21   Q.  Ensuite, vous dites que, le 17 mai, la Défense territoriale a encerclé

 22   le village, et qu'on vous a dit que vous ne deviez pas vous en aller

 23   quelque part et ne pas vous éloigner de la route principale, et que dans ce

 24   cas, rien ne vous arriverait. C'est la commission dirigée par Milomir Babic

 25   qui vous a dit cela ?

 26   R.  Le 17 mai.

 27   Q.  1992.

 28   R.  Oui, je sais c'est 1992. Je parle de 1992. Le 17 mai, nous avons été


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  1   informés du fait que nous ne devions aller nulle part, ne pas nous enfuir,

  2   que rien ne nous arriverait. Mais ensuite, le 18 mai au matin, à 9 h, tout

  3   d'abord, l'électricité a été coupée, et ensuite des informations sont

  4   arrivées indiquant que nous devions quitter le village, que nous pouvions

  5   emmener ce que nous pouvions emporter pour nous rendre à la route

  6   principale, où les autocars nous attendaient. C'est ce que nous avons fait.

  7   Mais au moment de partir, quelques personnes du village nous ont dit

  8   que lorsque nous avons quitté les maisons, nos maisons, il y avait beaucoup

  9   de soldats qui sortaient des bois voisins et qui continuaient à piller les

 10   maisons et à emmener le bétail. Ceci est arrivé peu de temps après notre

 11   départ. Nous étions à peine à bord des autocars quand tout ceci est arrivé.

 12   Il y avait des coups de feu tirés dans tous les sens. Personne n'a été tué,

 13   personne n'a été blessé, personne n'a été maltraité, je dois dire cela.

 14   Lorsque nous sommes arrivés au niveau des autocars qui se trouvaient

 15   là-bas, Milan, je ne sais pas si c'est Milan, enfin Babic, Milenko Babic,

 16   personnellement, je l'ai entendu, et il a réitéré une nouvelle fois si vous

 17   avez des armes, il ne croyait toujours pas, il a dit :

 18   "Mettez ceci sur un morceau de papier, vous n'êtes pas obligé de dire

 19   qui était en possession de l'arme, dites-nous simplement où se trouvent ces

 20   armes, et il ne vous arrivera rien."

 21   Ceci s'est passé au moment où nous montions à bord des autocars, le

 22   18 mai.

 23   Q.  Merci. Vous a-t-on dit qu'ils ne pouvaient pas vous protéger à

 24   moins que vous ne vous rassemblez tous et tout au même endroit et que vous

 25   deviez vous rendre au stade, car il serait plus facile de vous protéger à

 26   cet endroit-là ?

 27   R.  Non, ils ne nous ont pas dit qu'ils ne pouvaient pas nous

 28   protéger. Ils nous ont dit, vous partez, vous devez quitter le village. Mon


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  1   village, dans la municipalité de Bratunac, était le dernier village à être

  2   vidé de la sorte. Ce n'était pas un village très grand, il est vrai, et

  3   l'ensemble du village a été vidé le 18 mai, village dans la municipalité de

  4   Bratunac; cependant, les gens s'étaient rassemblés, personnes qui venaient

  5   d'autres villages, et ces gens-là ne sont pas partis lorsque d'autres

  6   étaient chassés du village.

  7   Q.  Monsieur Dzafic, nous avons entendu un témoin ici qui a dit dans

  8   sa déposition que vous avez été informé du fait que vous deviez vous

  9   rassembler au stade, pour que vous puissiez être protégé, et qu'il n'y

 10   avait aucune armée, vous n'étiez escorté par aucun soldat; êtes-vous parti

 11   seul ou avez-vous été escorté jusqu'à l'autocar par des soldats ?

 12   R.  Quel témoin avez-vous entendu ?

 13   Q.  je ne sais pas si c'était un témoin protégé ou pas, mais les Juges de

 14   la Chambre ont connaissance de cela.

 15   R.  Précisons tout ceci un petit peu. Moi, je parle de mon propre village,

 16   mon propre village, de mon propre village, personne n'est venu témoigner.

 17   Ça, c'est la vérité. 

 18   Q.  Est-il exact que Jasmin Muminovic avait un équipement de camouflage ou

 19   quelque chose qui ressemblait à un équipement de camouflage, et qu'il a été

 20   emmené à Vlasenica pour être interrogé ?

 21   R.  C'est exact. Lorsque nous avons été séparés de nos familles à

 22   Vlasenica, par rapport aux autocars, tous les hommes valides, on les a fait

 23   descendre des autocars. Ils sont -- une ou deux personnes âgées sont

 24   revenues, ils y restaient, quelques hommes valides y compris Jasmin

 25   Muminovic. Ils avaient des sacs à dos de couleur multicolore, et on lui a

 26   demandé d'où vient cela. Il a essayé d'expliquer que, quelques jours

 27   auparavant, il était rentré parce qu'il avait servi son temps dans la JNA

 28   et qu'il avait apporté l'uniforme et tout le reste avec lui. Mais il n'a


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  1   pas réussi à leur expliquer tout cela, parce qu'ils l'ont frappé si fort et

  2   ils l'ont emmené au poste de police pour être interrogé au MUP.

  3   Q.  Est-il exact que vous avez été interrogé au sujet de qui avait tué le

  4   juge Goran Zekic, et s'il est exact que vous vous souvenez du fait qu'il a

  5   été tué le 8 mai, lors d'une embuscade, au moment où il allait signer un

  6   accord de paix ?

  7   R.  Je me souviens du fait qu'il ait été tué, mais je ne me souviens pas de

  8   la date exacte. Lorsque nous avons été détenus dans nos cellules de prison,

  9   ils nous ont frappés et ils nous ont demandé qui l'a tué, qui l'a tué,

 10   savez-vous qui l'a tué. C'est le genre de question qu'ils nous posaient.

 11   Q.  Merci. Vous avez dit dans votre déclaration du 15 juin 1993, qu'ils

 12   vous ont frappé pendant dix minutes sans arrêter, et ensuite quelqu'un dans

 13   la salle a donné l'ordre aux soldats d'arrêter, et vous demandant de

 14   quitter la pièce; est-ce exact ?

 15   R.  Oui, c'est exact. Ceci est arrivé au moment où ils nous ont fait venir

 16   dans la prison.

 17   Q.  Merci. Est-il exact que des Serbes de la région vous ont dit que vous

 18   deviez simplement tenir plus longtemps et supporter cela pendant un petit

 19   moment jusqu'à ce qu'ils puissent se débarrasser de ces personnes qui s'y

 20   trouvaient de l'extérieur, et ensuite vous seriez en sécurité ?

 21   R.  Oui, c'est ce qu'a dit un policier ou un soldat qui était en prison. Il

 22   nous a dit :

 23   "Si vous supportez cela jusqu'au bout, et si rien ne vous arrive

 24   jusqu'à la fin du mois de mai, dans ce cas, il a dit que c'étaient les

 25   mercenaires qui se livraient au pillage et qui tuent, et eux, devaient

 26   partir à la fin du mois de mai, que nous serions sans doute en sécurité

 27   après cela, après cette date."

 28   Q.  Est-il exact que, plus tard, vous avez découvert que Jasmin Muminovic


Page 18209

  1   était un volontaire, il s'était porté volontaire dans la guerre en Croatie

  2   contre les Serbes ?

  3   R.  Pardonnez-moi ? Ecoutez, je n'ai pas compris votre question, veuillez

  4   la répéter, s'il vous plaît.

  5   Q.  Jasmin a été volontaire dans l'armée croate ? Non, no0n. Veuillez nous

  6   expliquer cela lorsque vous posez notre question. Est-ce que vous voulez

  7   parler de Jasmin Muminovic ? Vous avez dit que c'était un volontaire du

  8   côté croate, qu'il a participé à la guerre en Croatie.

  9   Q.  Qu'il a participé à la guerre en Croatie.

 10   R.  Vous avez dit qu'il était volontaire du côté croate, si je vous ai bien

 11   compris.

 12   Q.  Savez-vous qu'il y avait de nombreux musulmans de Bratunac qui

 13   s'étaient portés volontaires et qui étaient volontaires du côté croate en

 14   Croatie ?

 15   R.  Je ne sais pas, mais Jasmin Muminovic, comment pouvez-vous dire cela

 16   alors que le jeune homme avait fait son service dans la JNA et qu'il était

 17   du côté serbe en Croatie ? Vous dites qu'il était du côté croate. Moi, je

 18   vous pose la question : D'où proviennent ces informations qui sont les

 19   vôtres ? Disposez-vous de documents ? Nous pouvons fournir des documents

 20   pour vous dire ce -- de quel côté était Jasmin jusqu'à ce qu'il termine son

 21   service au sein de la JNA.

 22   Q.  Alors, vous avez dit que votre père et que votre frère ont été emmenés

 23   à Kladanj ou Tuzla, avec un groupe de femmes et d'enfants. Ou était-ce le

 24   père de Jasmin et le frère de Jasmin qui ont emmené à Kladanj ?

 25   R.  Je ne sais pas. Je pense que la déclaration l'explicite de quel frère

 26   et de quel père il s'agit. Vous ne pouvez pas poser des questions comme ça

 27   et m'induire à dire des choses qui ne sont pas exactes.

 28   Q.  Est-ce que nous pouvons regarder la page 4 de ce document ?


Page 18210

  1   R.  Je peux tout vous expliquer, mais ne m'induisez pas à dire quelque

  2   chose qui n'est pas vrai. Tout ce que j'ai vécu, ce sont des choses dont je

  3   parle et je sais qu'elles sont vraies. On ne peut pas nier la vérité qui

  4   est la mienne.

  5   Q.  J'essaie simplement de comprendre la situation et j'essaie de montrer

  6   ou de démontrer aux Juges de la Chambre quelle était la situation à

  7   l'époque.

  8   R.  Je suis sûr que les Juges de la Chambre comprennent la situation. Vous

  9   n'arriverez pas à me provoquer, même si je reste ici pendant cinq jours et

 10   cinq nuits. Ce que j'ai vécu, Monsieur Karadzic, est quelque chose qui ne

 11   vous est jamais arrivé, cela est certain.

 12   Q.  Alors, regardons ce que dit ce document. Peut-être que vous avez

 13   raison. Quelqu'un est venu après ceux qui vous ont fait chanter des chants

 14   chetnik, après que ceux-là soient partis.

 15   "Après leur départ, la porte a été ouverte, déverrouillée et après 30

 16   minutes, un policier est entré dans la pièce où nous avions été enfermé,

 17   nous disant qu'il ne fallait pas chanter, et a demandé qui étaient

 18   Muminovic et Jasmin, son frère et son père. Ils se sont levés, ils ont été

 19   -- on les a fait sortir de la pièce par le policier en question et en

 20   réponde à notre question, on a dit qu'ils seraient transférés à Novi Sad.

 21   Et par la suite, j'ai découvert que grâce à la participation de Jasmin à la

 22   frontière croate en tant que membre de la JNA, le père et le frère ont été

 23   transportés à Kladanj et à Tuzla, avec un groupe de femmes et d'enfants."

 24   Donc, vous avez raison, ils faisaient partie de la JNA.

 25   R.  Oui, j'ai raison et j'ai toujours raison. Voilà le document. Je peux

 26   vous assurer que ça avait été un membre de l'armée croate qui l'aurait

 27   relâché, encore une fois, je vous dis que je ne dis que la vérité. Vous ne

 28   pouvez pas m'induire à dire quelque chose qui n'est pas vrai. Tout ce que


Page 18211

  1   je vais faire, c'est dire la vérité. Monsieur Karadzic, ne tentez même pas

  2   de me faire dire autre chose. Inutile.

  3   Ces questions, je ne peux tout simplement pas y répondre. Je souhaite

  4   simplement parler de choses que j'ai vécues personnellement, ce qui m'est

  5   arrivé. Pour ce qui est de ce que j'ai entendu et de ce que j'ai vu, peut-

  6   être que c'est important pour vous.

  7   Q.  Oui, c'est important pour moi également.

  8   R.  Mais ces choses que j'ai vécues, si vous me posez des questions à leur

  9   sujet, je vais y répondre et je vais répondre d'autres choses également. Je

 10   ne sais pas si c'est encore utile. Tout a déjà été dit et tout a déjà été

 11   prouvé.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Dzafic.

 13   Monsieur Karadzic -- merci, Monsieur Karadzic. Si vous avez encore des

 14   questions pertinentes, il est temps de les évoquer. Il vous reste 10

 15   minutes pour conclure votre contre-interrogatoire.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je pense que tout est pertinent,

 17   Excellence, de façon à ce que nous puissions avoir une image d'ensemble. Le

 18   témoin ne parle pas seulement des événements qui ont eu lieu dans le

 19   contexte des exécutions, il parle aussi de bon nombre d'autres choses. Ceci

 20   fait partie de sa déclaration.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Vous avez dit que l'autocar a été entouré pour un groupe de personnes

 23   que vous avez reconnues, puisqu'il s'agissait des Tigres d'Arkan et des

 24   Aigles Blancs, n'est-ce pas ? L'autocar dans lequel vous étiez le 18 mai.

 25   En réalité, il s'agit du 21 mai.

 26   R.  Le 21, à Vlasenica. Je vais vous aider un petit peu.

 27   Q.  Uh-huh. Que vous a-t-on dit lorsque vous êtes monté à bord des autocars

 28   ? Vous étiez censés vous rendre où ?


Page 18212

  1   R.  Lorsque nous sommes sortis de la prison, ils nous ont dit que nous

  2   devions être échangés, voire peut-être même -- je ne sais pas, et que

  3   l'autocar se dirigeait vers Bratunac. Toutes sortes de choses m'ont

  4   traversé la tête à ce moment-là. J'ai même pensé que nous allions rentrer à

  5   la maison.

  6   Q.  Que vous a dit le policier, celui qui était entré ? Que vous alliez

  7   rentrer chez vous ?

  8   R.  Il faut que je regarde. Cela s'est passé il y a 18 ans. Je ne me

  9   souviens de chaque détail en particulier. Je suis sûr que vous-même, non

 10   plus, vous ne vous souvenez pas de chaque détail en particulier. Je peux

 11   regarder si vous m'indiquez à quel endroit j'ai vu cela.

 12   Q.  Dans votre déclaration ou dans votre déposition le 11 février 2004,

 13   dans l'affaire Krajisnik, aux pages 748 à 749, vous avez dit qu'un policier

 14   est entré et vous a dit que vous alliez rentrer chez vous.

 15   R.  A quel endroit est-il entré ? Il est entré dans l'autocar ou dans la

 16   cellule ?

 17   Q.  Je crois qu'il est entré dans la salle, dans la pièce.

 18   R.  C'est une cellule. Cela n'est pas une pièce. On dort dans une pièce.

 19   Une cellule est destinée à des prisonniers.

 20   Q.  Je lis à partir de l'anglais. Il vous a demandé de sortir un par un de

 21   la pièce et de rentrer chez vous, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, tout à fait, c'est comme ça.

 23   Q.  Ensuite --

 24   R.  Alors, lorsque nous sommes sortis de la cellule, personne ne nous a

 25   dit, bien sûr, que nous allions être exécutés, que nous allions être tués,

 26   rien de ce genre. Ils nous ont dit que nous partions. Mais j'ai trouvé ça

 27   un petit peu suspect lorsqu'ils ont séparé ces jeunes hommes qui étaient

 28   des mineurs et que ces jeunes hommes sont restés.


Page 18213

  1   Q.  Vous voulez parler d'un Macédonien de Prilep. Il appartenait à quelle

  2   formation celui-là ?

  3   R.  Je crois qu'il appartenait à une unité de sabotage ou quelque chose

  4   comme ça de Vukovar. Par rapport à ce que les gens disaient dans la

  5   municipalité de Bratunac, d'après les histoires qui circulaient que ce

  6   Macédonien avait tué beaucoup -- un bon nombre de personnes devant l'école

  7   Vuk Karadzic. Je ne vous parle que de ce que j'ai entendu, je ne l'ai pas

  8   vu. Beaucoup de gens parlaient de cela. Il est de Prilep et son surnom est

  9   Makedonac, de Macédoine. C'est quelqu'un qui me l'a dit et si je me

 10   souviens bien, c'était son prénom. Son nom de famille était Vance (phon),

 11   mais je n'en suis pas tout à fait sûr.

 12   Q.  Merci. Lorsque vous dites dans votre réponse à la réponse posée par M.

 13   Gaynor et dans vos réponses, vous parlez de soldats serbes. Lorsque vous

 14   dites cela, est-ce que vous voulez parler de ce Macédonien également ou

 15   est-ce que vous voulez dire que toutes ces personnes sont des soldats

 16   serbes d'après vous ?

 17   R.  Toutes ces personnes, bien sûr, toutes, tant qu'elles tuent des

 18   Musulmans.

 19   Q.  Merci. Si c'est un quelqu'un d'appartenance ethnique serbe, vous

 20   l'appelez un soldat serbe ?

 21   R.  Non, non, non, non. Je n'ai pas dit que c'était un Serbe et que c'était

 22   donc un soldat. Tous les Serbes n'étaient pas sans doute des soldats. Je

 23   n'ai pas dit que tous les Serbes étaient des soldats.

 24   Q.  Merci.

 25   R.  Je n'ai jamais parlé de cela ou de quelque chose de ce genre. Une

 26   personne ne peut pas se souvenir de tout. Cela remonte à un certain nombre

 27   d'années.

 28   Q.  Merci.


Page 18214

  1   R.  Veuillez me poser une question. Je vous que ce que j'ai vécu ne vous

  2   intéresse pas et vous n'aurez -- votre temps sera écoulé.

  3   Q.  Nous allons y venir, Monsieur le Témoin. Lorsque vous dites que des

  4   soldats serbes -- est-ce que vous parlez de soldats serbes ? Est-ce que ce

  5   Macédonien était un soldat serbe également ?

  6   R.  Ce soldat macédonien faisait partie de la Section de Sabotage de

  7   Vukovar. Si vous avez des informations sur -- à qui appartenait à cette

  8   Section de Sabotage de Vukovar et leur appartenance ethnique de ces hommes,

  9   moi, je ne peux pas vous répondre avec certitude.

 10   Q.  Qu'en est-il des hommes d'Arkan ? S'agit-il de soldats serbes ?

 11   R.  Oui. Oui. Les hommes d'Arkan, oui, et les Aigles blancs.

 12   Q.  Les Aigles blancs, est-ce que ce sont des soldats serbes ?

 13   R.  Oui, tout à fait.

 14   Q.  Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher ce

 16   document qui a été versé au dossier ? Je crois qu'il s'agit du seul

 17   document. Je crois que c'est le numéro 65 ter 10772. Ce document a déjà une

 18   cote P. C'est la dernière pièce P. Est-ce que nous pouvons afficher ce

 19   document maintenant, s'il vous plaît ?

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la pièce P3264, 3264.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Voyez-vous cela, Monsieur Dzafic ? Voyez-vous que le chef du centre de

 23   Sécurité publique de Sarajevo, le poste local, à l'époque où Milici était

 24   rattachée à Sarajevo -- ou plutôt, Sokolac. Le siège était à Sokolac, le 25

 25   juillet; le chef a demandé à recevoir des informations sur cet événement en

 26   particulier parce qu'on peut lire ici la référence. Ici, c'est un document

 27   strictement confidentiel numéro tel et tel, daté du 25 juillet 1992; est-ce

 28   exact ?


Page 18215

  1   R.  C'est ce qui est écrit ici, oui.

  2   Q.  Sur cette première page, est-ce qu'il y a une description de cet

  3   événement qui a eu lieu et auquel vous avez survécu ?

  4   R.  Oui. Justement; cependant, une petite correction qu'il faudrait

  5   apporter. Ce n'était pas 25 hommes qui ont été tués; 29 ont été tués, alors

  6   que les 32 ont été emmenés pour être exécutés, et 20 ont été tués et trois

  7   ont survécu. Donc, c'est ce que dit ce rapport, mais il y a quelques

  8   éléments qui n'ont pas été rapportés. Le rapport indique que des policiers

  9   serbes ont tenté d'arrêter ce groupe. Je ne sais pas s'ils ont essayé ou

 10   pas. Je n'ai pas remarqué qu'ils aient essayé. S'ils ont essayé, ces

 11   policiers serbes, pourquoi, dans ce cas ce membre de la police serbe, est-

 12   il arrivé jusqu'à l'autocar pour dire à Pero Mitrovic, alors que nous

 13   étions à côté de la taverne : "Laisse-moi les tuer tous pour que nous nous

 14   débarrassions de cela" ?

 15   Q.  Cet homme portait-il un uniforme de police et savez-vous qu'il s'agit

 16   d'un policier ? Parce qu'il porte un uniforme ? Ou est-ce que vous le

 17   connaissez personnellement ?

 18   R.  Je ne le connaissais pas personnellement. L'homme portait un uniforme

 19   de la police, c'était un policier, un policier de l'armée régulière, il

 20   portait un uniforme bleu de la police. Si tous les hommes pouvaient porter

 21   ces uniformes, dans ce cas, tous ces hommes étaient des policiers. Ce que

 22   je veux vous dire, c'est que lui portait un uniforme de la police. Je ne le

 23   connaissais pas, et c'est tout.

 24   Q.  Merci. Ce rapport parle-t-il ou mentionne-t-il les mêmes choses, à

 25   savoir les Aigles blancs, l'Unité de Vukovar, aucune mention n'est faite

 26   ici aux hommes d'Arkan; c'est exact ?

 27   R.  Oui. Oui, c'est ça.

 28   Q.  Eux, avaient-ils un véhicule blindé de transport de troupes et des


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  1   armes lourdes ?

  2   R.  Oui, il y avait un véhicule blindé de transport de troupes en couleurs

  3   de camouflage. Là, il y a une référence à une Golf rouge avec des plaques

  4   d'immatriculation correspondant à Bijeljina, ensuite, une autre Golf et

  5   deux Lada Nivas. Ensuite, cette autre Golf rouge avec des plaques

  6   d'immatriculation de Zvornik, Petro Mitrovic conduisait cette voiture.

  7   Ensuite, une Lada, je ne me souviens pas des plaques d'immatriculation --

  8   "Bijeli Orlovi" et le crâne, en fait, figuraient sur cette voiture.

  9   Q.  Merci. Voyez-vous qu'ici, on peut voir qu'à ce moment-là, le poste de

 10   police disposait de six membres ou avait six membres qui étaient armés et

 11   que ce groupe qui disposait de véhicules blindés de transport de troupes

 12   étaient lourdement armés et qu'ils étaient beaucoup plus forts ?

 13   R.  C'est ce que dit ce texte, mais je ne comprends pas qu'un poste de

 14   police n'ait que six hommes. Je veux dire, je souhaite simplement expliquer

 15   cela. Moi, je n'ai remarqué aucune tentative de quelque sorte que ce soit,

 16   aucune tentative de quelque sorte que ce soit pour que les choses -- que

 17   l'on empêche certaines choses, que l'on fasse cesser certaines choses. Si

 18   ceci aurait été le cas, lorsque nous avons été arrêtés près de cette

 19   taverne, cela n'a duré que quelques secondes. Toute tentative aux fins de

 20   négocier ou de faire cesser tout cela, que les hommes agissent ainsi, cela

 21   aurait pris du temps, alors que ceci a été très rapide.

 22   Q.  Ces hommes de ce groupe, étaient-ils conciliants ou cruels ?

 23   R.  De quel groupe voulez-vous parler ? Les auteurs, oui.

 24   Q.  Les auteurs, oui.

 25   R.  [aucune interprétation]

 26   Q.  Etaient-ils conciliants ou pas, est-ce que vous pouviez leur parler ou

 27   étaient-ils arrogants et cruels ?

 28   R.  Mais, en ce qui me concerne, c'est mon point de vue personnel, je ne


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  1   sais pas comment j'ai décrit ces personnes. Je ne saurais pas comment les

  2   décrire, d'ailleurs. Si je devais les décrire ici, et maintenant, ils --

  3   bon, j'utiliserais des termes très négatifs pour parler de ces personnes.

  4   Mais ce policier qui portait un uniforme, écoutez, il n'était pas meilleur

  5   qu'eux, absolument pas. Celui qui a marché et qui s'est rapproché du bus,

  6   qu'est-ce que c'est que ce type de plan,s'il se rapproche du bus et qu'il

  7   dit : Pero, je vais terminer -- je vais les achever ? Ce n'est pas la peine

  8   d'en dire davantage. Ce n'est pas le fait d'un homme conciliant. Comment

  9   est-ce que cet homme peut être considéré comme quelqu'un de bon ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Votre temps est écoulé. Dernière

 11   question, Monsieur Karadzic.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Une dernière question, Monsieur Dzafic. Il y a un moment, nous sommes

 14   convenus que vous ne saviez pas qu'il s'agissait d'un policier à

 15   l'exception du fait qu'il portait un uniforme bleu.

 16   R.  J'ai déjà donné une explication à ce sujet. Je ne le connaissais pas

 17   personnellement, mais le fait est qu'il portait un uniforme, un uniforme de

 18   policier. Je vous ai déjà donné cette explication. C'est ce que j'ai déjà

 19   dit, et cela correspond aux faits.

 20   Q.  Je n'ai plus de questions à vous poser. Merci de votre témoignage, et

 21   de grâce, ne vous sentez pas attaqué. Je ne suis pas en train de vous

 22   attaquer. J'essaie de faire en sorte que la vérité éclate.

 23   R.  Bien, Monsieur Karadzic, vous ne m'avez pas posé de nombreuses

 24   questions -- ou plutôt, vous ne m'avez pas posé beaucoup de questions

 25   dignes de ce nom. Vous ne m'avez pas posé de questions à propos de ces

 26   policiers qui se trouvaient là, par exemple. Les policiers dont les noms

 27   figurent sur les listes, ceux qui nous ont roués de coups, Pajic et Goran

 28   Gajic, toutes ces choses absolument atroces qu'ils m'ont fait subir, vous


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  1   ne m'avez absolument pas posé de questions à ce sujet.

  2   Q.  Mais vous l'avez dit dans votre déclaration. Je ne réfute absolument

  3   pas le fait que quelqu'un vous a frappé. En fait, je ne suis pas en train

  4   de récuser ou de contester le fait qu'il y avait des tirs. Encore faut-il

  5   savoir qui tirait ?

  6   R.  Oui, oui, mais ensuite, vous me demandez si quelqu'un m'a roué de

  7   coups, s'il y a des éléments de preuve. Moi, j'ai encore les traces des

  8   blessures sur mon corps.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Merci, Monsieur Dzafic.

 10   Monsieur Gaynor, vous avez des questions supplémentaires ?

 11   M. GAYNOR : [interprétation] Non, je n'ai pas de questions supplémentaires.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 13   Merci beaucoup, Monsieur Dzafic. Vous êtes arrivé au terme de votre

 14   déposition. J'aimerais, au nom de la Chambre de première instance, au nom

 15   de mes collègues et de l'ensemble du Tribunal, vous remercier d'être revenu

 16   à La Haye pour faire cette déposition. Et vous pouvez maintenant disposer,

 17   et je vous souhaite un bon retour chez vous.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

 19   Président. Merci.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut sortir du prétoire.

 21   [Le témoin se retire]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons entendre le témoin suivant à

 23   huis clos; c'est cela ?

 24   M. GAYNOR : [interprétation] Le témoin suivant ne va pas témoigner

 25   aujourd'hui, mais il comparaîtra conformément au programme qui avait été

 26   prévu et avec les mesures de protection que vous aviez demandées,

 27   d'ailleurs, à huis clos.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quel est le témoin qui peut


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  1   comparaître maintenant ?

  2   M. GAYNOR : [interprétation] Mais cela dépend de son état de santé. Il

  3   n'est pas disponible pour témoigner aujourd'hui, alors nous espérons

  4   vivement qu'il pourra déposer demain. Le deuxième témoin demain devrait

  5   également être en mesure de déposer, donc demain, nous aurons deux témoins

  6   à entendre.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous nous proposez en quelque

  8   sorte d'entendre les dépositions de ces deux témoins demain, n'est-ce pas ?

  9   M. GAYNOR : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 11   M. GAYNOR : [aucune interprétation]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Avant que nous ne levions

 13   l'audience, j'aimerais rendre une décision orale eu égard au statut de la

 14   demande d'entraide judiciaire internationale lors de comparutions de

 15   témoins par vidéoconférence. Cette demande a été déposée confidentiellement

 16   et ex parte le 1er août 2011 par le tribunal de Bosnie-Herzégovine. Le

 17   statut ex parte a été levé sur ordre du juge de permanence le 2 août 2011,

 18   dans ces explications portant la date du 4 août 2011, l'accusé avait

 19   demandé entre autres que cette question se voit attribuer un nouveau statut

 20   et soit considéré comme publique. Dans sa décision relative à la demande

 21   d'entraide du tribunal de Bosnie-Herzégovine conformément à l'article 75

 22   bis, déposée confidentiellement le 9 août 2011, la Chambre avait invité le

 23   tribunal de Bosnie-Herzégovine à indiquer pourquoi la dite requête devait

 24   rester confidentielle.

 25   La Chambre a maintenant été informée par le tribunal de Bosnie-Herzégovine

 26   que le Tribunal n'avait pas l'intention de demander que sa requête soit

 27   considérée comme une écriture confidentielle. Au vu de ceci, la Chambre

 28   ordonne que la confidentialité soit levée pour les différents documents que


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  1   je vais maintenant citer, et qui seront donc classés comme document tombant

  2   dans le domaine public.

  3   Premièrement : La requête d'entraide judiciaire internationale lors de la

  4   comparution de témoins pour vidéoconférence, requête présentée par le

  5   tribunal de Bosnie-Herzégovine, déposée le 1er août 2011.

  6   Deuxièmement : La réponse de l'Accusation à la requête confidentielle à la

  7   demande d'assistance du tribunal de Bosnie-Herzégovine, déposée le 3 août

  8   2011.

  9   Troisièmement : Le document de l'accusé, intitulé : "Présentation de

 10   Radovan Karadzic," déposée le 4 août 2011.

 11   Quatrièmement : La décision de la Chambre en matière de demande

 12   d'assistance adressée au tribunal de Bosnie-Herzégovine conformément à

 13   l'article 75 bis, déposée le 9 août 2011.

 14   Si vous n'avez pas d'autres demandes d'intervention, nous allons lever

 15   l'audience.

 16   Nous nous retrouvons demain à 9 heures.

 17   --- L'audience est levée à 12 heures 39 et reprendra le vendredi 2

 18   septembre 2011, à 9 heures 00.

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