Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 22 septembre 2011

  2   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   [Audience publique]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  7   Bonjour, Monsieur le Témoin. Je vous demande de bien vouloir prononcer la

  8   déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 10   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   LE TÉMOIN : KDZ-051 [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

 14   Je souhaite vous informer, Monsieur le Témoin, au nom des Juges de cette

 15   Chambre, que vous allez témoigner avec un pseudonyme, qui est le KDZ-051,

 16   et déformation des traits du visage. Ce qui signifie que l'on ne citera pas

 17   votre véritable nom et on ne citera pas non plus des informations qui

 18   permettraient de vous identifier publiquement ou dans les médias.

 19   L'enregistrement audiovisuel de votre déposition sera diffusé au public,

 20   mais comportera une déformation des traits de votre visage, comme vous

 21   pouvez le constater sur l'écran que vous avez devant vous.

 22   Est-ce que vous me suivez bien ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est pour garantir la protection de

 25   votre identité, et le compte rendu d'audience, qui restera néanmoins

 26   public, citera toujours votre pseudonyme. J'espère que ce régime vous

 27   satisfait.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pendant votre déposition, je souhaite

  2   vous indiquer que vous pouvez à tout moment nous dire que vous souhaitez

  3   faire une pause, n'hésitez pas à le faire.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Merci.

  6   M. ZEC : [interprétation] Bonjour, Mesdames, Messieurs les Juges.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Zec.

  8   M. ZEC : [interprétation] Je vais commencer par montrer au témoin un

  9   feuillet comportant un pseudonyme. Est-ce que nous pouvons afficher dans le

 10   prétoire le numéro 65 ter 90280 ? Je demande à ce que ce document ne soit

 11   pas diffusé à l'extérieur du prétoire.

 12   Interrogatoire principal par M. Zec :

 13   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, si vous regardez l'écran qui se

 14   trouve devant vous, je vais vous demander de répondre par "oui" ou par

 15   "non." Est-ce que vous voyez votre nom inscrit là-dessus ?

 16   R.  Oui.

 17   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je demande le

 18   versement au dossier de ce feuillet comportant le pseudonyme du témoin sous

 19   pli scellé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci sera versé au dossier.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Numéro de la pièce, numéro 65 ter 90280 -

 22   -

 23   L'INTERPRÈTE : Numéro de la cote du document inaudible.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] -- sous pli scellé.

 25   M. ZEC : [interprétation] Je vais vous demander d'afficher le numéro 65 ter

 26   90281 et qu'il soit téléchargé dans les deux langues et que ceci ne soit

 27   pas diffusé à l'extérieur.

 28   Q.  Monsieur le Témoin, est-il exact que vous avez fourni des déclarations


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  1   au bureau du Procureur et que vous avez également témoigné devant ce

  2  Tribunal le 31 mars et le 1er avril 2005, dans l'affaire Momcilo Krajisnik ?

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Avez-vous eu l'occasion d'examiner une déclaration consolidée qui

  5   comporte des passages de votre déposition antérieure et de vos déclarations

  6   et dépositions antérieures ?

  7   R.  Oui, j'ai examiné cela.

  8   Q.  Alors, si vous regardez l'écran qui se trouve devant vous, s'agit-il là

  9   de la première page de la déclaration consolidée que vous avez examinée ?

 10   R.  Oui, c'est la première page.

 11   Q.  Avez-vous apporté quelques corrections mineures à cette déclaration qui

 12   ont été intégrées à cette déclaration que vous avez signée par la suite ?

 13   R.  Oui, c'est exact.

 14   Q.  Est-ce que vous confirmez que cette déclaration est exacte, véridique,

 15   et que si on devait vous poser des questions analogues dans le prétoire

 16   aujourd'hui, fourniriez-vous les mêmes réponses ?

 17   R.  Oui, c'est exact.

 18   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je demande le

 19   versement au dossier de cette déclaration consolidée sous pli scellé. La

 20   version caviardée publique de cette déclaration est téléchargée dans le

 21   prétoire électronique, numéro 65 ter 90281A, et je demande à ce qu'elle

 22   soit versée en tant que document public.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux documents seront versés au

 24   dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, la

 26   déclaration non caviardée reçoit la cote P3404 sous pli scellé, et la

 27   version publique caviardée P3405.

 28   M. ZEC : [interprétation] Le témoin est un Musulman de Bosnie de Rogatica.


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  1   Le témoin connaissait Rajko Kusic en tant qu'ami et collègue pendant un

  2   certain nombre d'années avant la guerre. En avril 1992, Kusic a dit au

  3   témoin que lui et la JNA devaient défendre le peuple serbe et la terre

  4   serbe. Vers le 22 mai 1992, le pilonnage de Rogatica a commencé. Depuis

  5   l'endroit où il s'y trouvait, le témoin a remarqué que les régions habitées

  6   par des Musulmans étaient prises pour cibles. Après le pilonnage, des

  7   annonces ont été faites à la population musulmane pour que cette dernière

  8   se rende aux autorités serbes à l'école de Veljko Vlahovic. Le témoin, sa

  9   famille, et environ 300 autres Musulmans ont été contraints de se rendre à

 10   l'école en juin 1992. De nombreux nouveaux détenus sont arrivés et l'école

 11   finalement retenait au moins 1 100 personnes. Le témoin a été détenu dans

 12   l'école pendant trois mois et demi. L'école était gardée par des soldats

 13   serbes et par la police serbe. Les détenus ne recevaient pas suffisamment

 14   de nourriture ou d'eau. Bon nombre d'entre eux ont été soumis à la torture,

 15   aux travaux forcés, au viol et aux violences sexuelles. Parmi les victimes

 16   de viols et de sévices sexuels, il y avait des enfants mineurs. Un certain

 17   nombre de personnes ont été emmenées à l'extérieur de l'école et n'ont

 18   jamais été revues. De temps en temps, on pouvait entendre des tirs à

 19   l'extérieur de l'école. A l'école même, les gardes contraignaient les

 20   détenus à signer des papiers qui déclaraient qu'ils avaient rejoint la

 21   religion orthodoxe serbe de leur plein gré. Le témoin a dû sortir de

 22   l'enceinte de l'école pour voir Rajko Kusic et y être interrogé. Kusic a

 23   visité l'école à dix ou 15 occasions. Lors d'une de ses visites, le témoin

 24   a entendu Kusic dire qu'il devait faire un rapport à Pale sur l'état

 25   d'avancement du nettoyage de Rogatica.

 26   Mesdames, Messieurs les Juges, ceci met un terme à mon résumé, et j'ai

 27   quelques questions supplémentaires à poser au témoin.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Zec.


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  1   M. ZEC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur le Témoin, pendant la séance de récolement que nous avons eue

  3   samedi [comme interprété],  vous ai-je fait entendre un enregistrement

  4   audio d'une conversation téléphonique qui a été interceptée ?

  5   Monsieur le Témoin, avez-vous compris ma question ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Vous ai-je fait entendre un enregistrement d'une conversation

  8   téléphonique interceptée ?

  9   R.  Oui, vous l'avez fait.

 10   Q.  Etiez-vous en mesure de reconnaître les voix des interlocuteurs ?

 11   R.  Oui, tout à fait.

 12   Q.  Qui avez-vous reconnu, qui étaient ces personnes ?

 13   R.  J'ai reconnu la voix de M. Radovan Karadzic, et de M. Sveto

 14   Veselinovic, même si je ne suis pas tout à fait sûr pour ce qui est de la

 15   voix de Sveto Veselinovic.

 16   Q.  Comment avez-vous reconnu ces voix ?

 17   R.  J'ai reconnu le timbre de la voix, le sujet dont ils parlaient. Dans le

 18   cas de Sveto Veselinovic, il y a très forte probabilité pour que ce soit sa

 19   voix, parce qu'à un moment donné, il a mentionné le nom de Rajko Kusic, ce

 20   qui m'a fait dire que j'étais quasiment sûr que c'était lui.

 21   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, est-ce que nous

 22   pouvons avoir dans le prétoire électronique, le numéro 65 ter, 30254 qui

 23   est une écoute téléphonique entre Radovan Karadzic et Sveto, datée du 20

 24   septembre 1991.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez sous les yeux la transcription d'un

 26   enregistrement audio de la conversation que vous avez entendue dimanche.

 27   Page 3 en anglais, page 4 en B/C/S. on mentionne Kusic, et vous nous avez

 28   déjà dit compte tenu de la teneur de cette conversation, que vous pensiez


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  1   que c'était Rajko Kusic; est-ce exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Pourquoi pensez-vous cela ?

  4   R.  Parce que compte tenu du contexte de leur conversation, mention a été

  5   faite de Rogatica et de Kusic, et sachant que Rajko Kusic, à l'époque,

  6   était un organisateur et un commandant de l'Unité chetnik de Borika, comme

  7   cela a été appelé à la fois par les Serbes et les Musulmans, à l'époque.

  8   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je demande le

  9   versement au dossier de cette pièce, marquée aux fins d'identification.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera fait.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document aura la cote MFI 3406,

 12   Mesdames, Messieurs les Juges.

 13   M. ZEC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur le Témoin, vous avez dit que Tomo Batinic était le président

 15   de l'assemblée municipale dans votre déclaration; pourriez-vous préciser de

 16   quelle assemblée il s'agit ici ?

 17   R.  Tomislav Batinic était le président de l'assemblée municipale de

 18   Rogatica, mais, en réalité, c'était le président d'une de ses composantes,

 19   la composante serbe de la ville de Rogatica. En d'autres termes, M. Batinic

 20   était le président de l'assemblée municipale de la partie serbe de

 21   Rogatica.

 22   M. ZEC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le numéro 65

 23   ter, 07161 ?

 24   La première page de ce document est une page de garde, envoyée par le

 25   Comité exécutif de Rogatica au ministère de la Défense de la RS, leur

 26   fournissant un rapport sur les travaux de l'assemblée municipale de juillet

 27   1992 à septembre 1993.

 28   Pourrions-nous avoir la page 8 du prétoire électronique, et la page 6


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  1   en B/C/S, s'il vous plaît ?

  2   Q.  Au paragraphe 2 de l'anglais et 3 du B/C/S, on peut lire, le 26

  3   décembre 1991, Tomislav Batinic a été élu président de l'assemblée

  4   municipale; voyez-vous cela ?

  5   R.  Oui, je le vois.

  6   Q.  S'agit-il de la même personne que vous évoquez dans votre déclaration ?

  7   R.   Oui, tout à fait.

  8   M. ZEC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir la page 5 du

  9   prétoire électronique, et la page 4 du prétoire électronique [comme

 10   interprété] de ce document ?

 11   Q.  Ici, le texte évoque la création de l'assemblée municipale serbe. Si

 12   vous regardez le bas de la page, et la page suivante en B/C/S, 6 et 7 en

 13   anglais, on y voit une liste de députés de l'assemblée municipale initiale,

 14   et le premier nom sur cette liste, est celui de Tomislav Batinic; voyez-

 15   vous cela ?

 16   R.  Oui, je le vois.

 17   Q.  Je souhaite maintenant que vous parcouriez cette liste, et que vous

 18   nous indiquiez les noms des personnes que vous connaissiez personnellement.

 19   Si vous le souhaitez, nous pouvons passer à huis clos partiel, pour ce

 20   faire.

 21   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Est-ce que le Procureur peut

 22   éteindre son microphone, s'il vous plaît ?

 23   M. ZEC : [aucune interprétation] --

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce stade, inutile de passer à huis clos

 25   partiel.

 26   M. ZEC : [interprétation]

 27   Q.  D'accord.

 28   R.  Sur cette liste, je reconnais Tomislav Batinic, Predrag Malovic, Gordan


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  1   Vucak, Rajko Kusic, Vlastimir Lelek, Milanko Lelek, Radoje Popovic, Slavko

  2   Lubarda, Veljko Bojovic, Milorad Sokolovic, Drago Vukasinovic, Milorad

  3   Jagodic, Vojko Ujic, Boban Jesic, Miroslav Obradovic et Slobodan Puhalac.

  4   Q.  Je vous remercie. Savez-vous si ces hommes étaient membre d'un

  5   quelconque parti politique ?

  6   R.  D'après ce que je sais, la plupart d'entre eux l'étaient, ou plutôt je

  7   crois qu'ils étaient tous membres du SDS, le Parti démocratique serbe.

  8   Q.  Parmi ces personnes, qui avez-vous vu visiter l'école, Veljko Vlahovic,

  9   pendant que vous y étiez détenu ?

 10   R.  Vous voulez parler de noms sur cette liste ?

 11   Q.  Oui, parmi ces personnes dont vous avez vu les noms, et vous pouvez

 12   consulter la page précédente, si vous le souhaitez.

 13   R.  Puis-je voir la page précédente, s'il vous plaît, à nouveau. Si je

 14   regarde les deux pages, les noms qui figurent sur les deux pages de cette

 15   liste, Tomislav Batinic s'est rendu à l'école Veljko Vlahovic ainsi que

 16   Rajko Kusic.

 17   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je demande le

 18   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document aura la cote P3407, Mesdames,

 21   Messieurs les Juges.

 22   M. ZEC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur le Témoin, dans votre déclaration, vous avez dit que Rajko

 24   Kusic était membre du SDS, et vous avez également dit que c'était votre ami

 25   avant la guerre. Voici donc ma question : Savez-vous où à Rogatica, dans

 26   quelle partie de la ville ou dans quel quartier il vivait ?

 27   R.  La maison de Rajko Kusic se trouvait à l'extérieur de la ville, à

 28   Karanfil Mahala, dans le quartier de Karanfil Mahala.


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  1   Q.  Pourriez-vous me donner le nom de la rue principale qui traversait ce

  2   quartier ?

  3   R.  C'était Titova Ulica, qui traversait la ville du sud au nord en

  4   direction de la route qui menait à Sarajevo. A gauche, il y avait ce

  5   quartier, et la maison de Rajko Kusic se trouvait là, dans le quartier de

  6   Karanfil Mahala.

  7   M. ZEC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir le numéro 65 ter

  8   18176, s'il vous plaît ? Il s'agit là maintenant d'une liste des principaux

  9   membres du Conseil du SDS et ceci comporte les adresses ainsi que les

 10   numéros de téléphone. Je souhaite avoir en B/C/S la dernière page et en

 11   anglais l'avant-dernière page.

 12   Q.  Maintenant, si vous regardez le haut de la page en B/C/S et en anglais

 13   au milieu de la page, on peut y voir le nom de Rajko Kusic, on voit son

 14   adresse, ainsi que son numéro de téléphone; voyez-vous cela ?

 15   R.  Oui, je le vois.

 16   Q.  On peut lire ici que l'adresse de Rajko Kusic est la rue Tita. Est-ce

 17   que ceci correspond à votre souvenir de son adresse ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je demande le

 20   versement au dossier du numéro 65 ter 18176.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agit-il de la rue Titova ou de la rue

 22   Tita ?

 23   M. ZEC : [interprétation] En réalité, cela a été traduit e anglais par

 24   Marsala Tita, et il y a une toute petite différence au niveau du suffixe en

 25   B/C/S, cela dépend du nom que l'on donne à cette rue.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

 27   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document sera versé au dossier.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce 3408, Mesdames, Messieurs les

  2   Juges.

  3   M. ZEC : [interprétation] Maintenant je souhaite visionner une courte

  4   séquence vidéo.

  5   Est-ce que nous pouvons voir maintenant le 45262A, s'il vous plaît ? Il

  6   s'agit d'un rapport de l'ITN sur Rogatica, un an après le début des

  7   conflits. Je souhaite visionner un court passage de cette vidéo. Est-ce que

  8   nous pouvons la visionner lorsque vous serez prêt.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : L'interprète précise de la cabine française précise que,

 11   malheureusement, ils n'ont pas la transcription de cette vidéo.

 12   M. ZEC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur le Témoin, cette personne que nous voyons sur cette image,

 14   savez-vous qui est cet homme ?

 15   R.  Il s'agit là de Tomislav Batinic, Tomo, président de l'assemblée

 16   municipale serbe de Rogatica.

 17   Q.  Batinic dit ici : <

 18   "Les Serbes et les Musulmans ne peuvent pas cohabiter et les Serbes

 19   veulent ou souhaitent avoir leur propre Etat une fois pour toute."

 20   Monsieur le Témoin, ceci coïncide-t-il avec des déclarations faites par les

 21   représentants officiels du SDS avec lesquels vous vous êtes entretenus y

 22   compris M. Batinic ?

 23   R.  Oui, oui, tout à fait.

 24   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges, je demande le

 25   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La phrase que vous avez citée, sont les

 27   propres termes de ce M. Batinic ou sont les paroles de quelqu'un d'autre ?

 28   M. ZEC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il s'agit des propos


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  1   de M. Batinic c'est ce qu'il a dit sur cette bande.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais le compte rendu indique, "C'est le

  3   maire serbe de Rogatica qu m'a dit … "

  4   Nous n'avons pas entendu la traduction.

  5   M. ZEC : [interprétation] Alors ce que nous avons ici, nous entendons les -

  6   - ce que lui a dit le maire de Rogatica. Mais si vous écoutez bien on peut

  7   véritablement entendre ce que dit Batinic, peut-être pas l'ensemble de la

  8   phrase, mais des parties de la phrase, oui, et les propos qui sont -- ce

  9   qui a été traduit ce sont les propos qui ont été rapporté et non pas ce que

 10   dit Batinic. Il ne s'agit pas des propos de Tomislav Batinic, mais il cite

 11   Tomislav Batinic.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors est-ce qu'on peut avoir la

 13   transcription ? Nous n'avons pas entendu le son et la traduction anglaise.

 14   M. ZEC : [interprétation] Nous n'avons pas eu le son. Moi, je ne l'ai pas

 15   entendu non pus. Peut-être que nous pouvons le revisionner.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que les interprètes ont reçu

 17   la transcription.

 18   M. ZEC : [interprétation] Non, nous n'avons pas proposé la transcription

 19   aux interprètes parce qu'ils sont capables de lire, nous ne leur avons pas

 20   donnée. Mais je vous propose d'écouter la voix. Nous allons réentendre

 21   cela.

 22   Je propose que l'on repasse la vidéo pour que les choses soient

 23   claires.

 24   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27    "Le maire serbe de Rogatica nous a dit que les Serbes et les Musulmans ne

 28   pouvaient vivre ensemble et que les Serbes voulaient avoir leur propre Etat


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  1   une bonne fois pour toute."

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise que l'on a

  3   entendu que le journaliste, pas la voix de Tomo Batinic.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous ne sommes pas sûrs le fait de

  5   savoir qui est-ce qui a prononcé cette phrase.

  6   M. ZEC : [interprétation] Mais nous pouvons essayer --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez demander au témoin s'il a pu

  8   entendre ce que M. Batinic avait dit.

  9   M. ZEC : [interprétation] Peut-être que ce clip n'est pas réglé de façon à

 10   ce que le témoin puisse entendre, nous pouvons essayer d'interpréter chaque

 11   mot, pour savoir qui a dit quoi, parce que nous avons un original en B/C/S;

 12   qui nous donne ce que la personne qui parle a dit; et il s'agit de la

 13   Télévision de Belgrade, qui a traduit en anglais. Donc si vous êtes

 14   d'accord nous pourrions peut-être essayer de faire une transcription

 15   reflétant les propos de chacune des personnes.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 17   M. ZEC : [interprétation] Nous allons pouvoir le proposer pour versement.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous ne faisons

 20   pas objection au versement, et il conviendra de voir quel est le poids à

 21   accorder qui a dit quoi.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous ne faites pas objection pour

 23   ce qui est du fondement.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Karadzic, je viens de

 26   poser une question à M. Robinson.

 27   M. ROBINSON : [interprétation] Parce que ceci semble être une déclaration

 28   de l'époque, nous ne faisons pas objection.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, vous vouliez

  2   dire quelque chose.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce journaliste est venu témoigner ici; pourquoi

  4   n'a-t-on pas demandé le versement par le biais du témoignage de ce

  5   journaliste ? Nous ne savons pas ce qui a été pris hors contexte des propos

  6   qui ont été prononcés par M. Batinic. Pourquoi n'a-t-on pas demandé le

  7   versement de cette pièce par le biais du témoignage du journaliste qui a

  8   tourné ce clip ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci ne peut être une raison pour ce qui

 10   est d'empêcher l'Accusation de demander un versement de ce document. Nous

 11   allons le verser au dossier.

 12   M. ZEC : [aucune interprétation]

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3409.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je suppose qu'il y a une limitation quand

 15   même, Excellence, il faudra déterminer qui a dit quoi, n'est-ce pas ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je prends l'Accusation aux mots

 17   pour ce qui est de faire l'exercice en question en temps voulu. Continuons.

 18   M. ZEC : [interprétation] Oui, nous allons le faire, Monsieur le Président.

 19   Q.  Monsieur le Témoin, ceci est ma dernière question pour vous. Je

 20   voudrais que vous disiez aux Juges de la Chambre en vos propres termes quel

 21   est l'événement auquel vous avez survécu vous-même et vos membres de la

 22   famille, vos proches.

 23   R.  Tous ces événements qui se sont produits à compter du mois de mai 1992

 24   et au-delà ont laissé des traces profondes me concernant moi, ma famille et

 25   mes amis qui ont survécu. Rogatica c'était une petite ville où il y avait

 26   beaucoup de compréhension pour les uns et pour les autres où il y avait

 27   beaucoup de vitalité, beaucoup de couples mixtes entre Musulmans et Serbes,

 28   Serbes et Croates, Musulmans et Croates. Rogatica c'était une ville où on


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  1   pouvait très bien vivre, où tout un chacun avait son travail, les enfants

  2   allaient à l'école. Nous avions eu des merveilles naturelles que nous

  3   exploitions tous ensemble. Nous fêtions ensemble les fêtes de Noël serbes,

  4   on fêtait les fêtes musulmanes, les fêtes catholiques. Il y avait une très

  5   belle image d'une petite ville bosniaque charmante qui, au début de ce mois

  6   de mai 1992, a vu cette façon de vivre interrompue de façon sanglante par

  7   les soins de l'armée serbe ou de ce qu'il est convenu d'appeler l'armée

  8   serbe, les Chetniks de Rajko Kusic, qui, pendant des mois, ont pilonné la

  9   ville depuis les hauteurs surplombant la ville, ils ont tiré sur la

 10   population qui se trouvait là-bas. La majorité de cette population était

 11   musulmane, nos voisins serbes ont été évacués.

 12   Au mois de mai, les enfants serbes, les mères serbes, les vieillards serbes

 13   ont été évacués, au mois de mai. D'après ce que nous avons appris

 14   ultérieurement, on les a fait partir en Serbie. Puis il y a eu ces

 15   pilonnages impitoyables au quotidien, où les enfants, les vieillards

 16   mourraient, où les maisons venaient à être détruites. Pour avoir au bout de

 17   trois mois, trois mois et demi, des effectifs chetniks et des effectifs de

 18   l'armée serbe entraient dans la ville pour procéder à un nettoyage, sans

 19   choisir les moyens, sans sélectionner les moyens de le faire.

 20   Indépendamment du fait de savoir s'il s'agissait des enfants, de

 21   vieillards, de personnes inaptes à se débrouiller toutes seules, certaines

 22   personnes ont été tuées, d'autres --

 23   Q.  Excusez-moi, je m'excuse. Je ne voudrais pas que - enfin, c'est déjà

 24   dans vos déclarations - vous nous avez raconté tout ceci. Je ne crois pas

 25   que vous soyez contraint de parler de la totalité des détails puisque c'est

 26   déjà dans votre déclaration.

 27   Est-ce que vous pouvez nous dire brièvement quel a été l'impact de

 28   ces événements vous concernant vous et votre famille ?


Page 19384

  1   R.  Excusez-moi. J'ai dévidé avec ma réponse.

  2   Mais il est difficile d'éviter de dire tout ceci, parce que ma famille a

  3   souffert le martyr. Ma fille, depuis 1992, elle a été violée à l'âge de 7

  4   ans, à plusieurs reprises. Mon fils, qui avait 13 ans, a été violé pendant

  5   des mois, et c'est cela qui fait surtout mal. Ils m'ont violé moi aussi,

  6   mais ça j'ai surmonté. Mais quand il s'agit d'enfants, j'ai du mal. Je

  7   n'arrive pas à me libérer de ces images de ces instants. Je ne peux pas me

  8   débarrasser de ces pensées qui me disent que ce sont mes ex-amis, mes ex-

  9   voisins, qui ont fait cela, parce que tous ceux qui ont porté ce mal à ma

 10   famille, c'étaient des gens que je connaissais. Bien sûr que cela me fait

 11   souffrir.

 12   S'agissant de toutes les difficultés qu'a eu à subir ma famille pendant

 13   trois mois, trois mois et demi à l'école, et une dizaine de mois encore

 14   dans une autre partie de la ville; ça a laissé des traces indélébiles sur

 15   ma santé psychique. Je suis malade, gravement malade. Ça fait 16 ans que je

 16   me soigne, et j'essaie au moins d'oublier ne serait-ce qu'une partie de

 17   tout ceci, mais je n'y arrive pas. Je n'ai jamais demandé à ce jour à ma

 18   femme si elle a été elle aussi violée. Je n'ai pas la force de le faire. Je

 19   n'ai pas le droit de le faire. Elle a été emmenée elle aussi, nous n'avons

 20   jamais parlé de cela.

 21   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 22   M. ZEC : [interprétation] Mesdames, Messieurs les Juges --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que le moment serait approprié

 24   pour faire une pause. Nous allons faire une pause de 20 minutes.

 25   --- La pause est prise à 9 heures 42.

 26   --- La pause est terminée à 10 heures 23.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que de poursuivre, le Juge Baird

 28   voudrait dire quelques mots au témoin.


Page 19385

  1   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Témoin, est-

  2   ce que vous vous êtes remis, ou est-ce que vous voulez que nous vous

  3   donnions un peu plus de temps ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux continuer.

  5   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] La Chambre n'est pas non consciente du

  6   stress que vous avez subi, en témoignant. Nous voulons vous faire savoir

  7   que si à quel que moment que ce soit, à quelle que phase que ce soit de

  8   votre témoignage, vous estimez qu'il vous faut une petite pause pour vous

  9   remettre de vos émotions, faites-le-nous savoir tout de suite, et nous

 10   allons lever l'audience pour vous arranger. C'est une chose très

 11   importante. Si, à un moment quelconque de votre témoignage, vous estimez

 12   que vous avez besoin d'un peu de temps pour vous remettre, faites-le-nous

 13   savoir. Nous allons lever l'audience et peu importe la fréquence à laquelle

 14   vous pourriez présenter ce type de requête; vous avez bien compris ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que M. Karadzic ne commence son

 17   contre-interrogatoire, nous avons quelques pièces auxiliaires à aborder.

 18   M. ZEC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, il y a six pièces à

 19   conviction qui sont déjà versées au dossier. Il s'agit du 65 ter 07330, qui

 20   est devenu maintenant la pièce P03291, une pièce à conviction devrait se

 21   trouver sous pli scellé, à savoir le 65 ter, numéro 07880.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Y a-t-il des objections ?

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Alors ces cinq documents restants

 25   seront versés au dossier, on leur donnera des cotes en temps utile.

 26   M. ZEC : [interprétation] Je n'ai plus de questions. Merci, Monsieur le

 27   Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, à vous.


Page 19386

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour. Bonjour, Excellences. Bonjour à tous

  2   et à toutes.

  3   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  4   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

  5   R.  Bonjour.

  6   Q.  Je vous prie de bien vouloir agréer mes sympathies et la solidarité que

  7   je tiens à exprimer pour ce que vous avez souffert dans la vie. Je voudrais

  8   vous demander de m'aider à tirer au clair ce qui s'est passé, et qui a fait

  9   quoi à Rogatica.

 10   Aujourd'hui, en page 8, vous avez dit que ce dénommé Kusic résidait dans la

 11   banlieue, à Karanfil Mahala. Dites-nous : qui constituait la majorité dans

 12   cette partie de Mahala ?

 13   R.  Au mieux de mes connaissances, la majorité de la population là-bas

 14   était serbe.

 15   Q.  Merci. Il va s'en dire qu'à Rogatica, il y avait des parties qui

 16   étaient presque à 100 % musulmane ou à 100 % serbe, mais ça faisait partie

 17   des quartiers de la ville ?

 18   R.  Oui, ça faisait partie intégrante de la ville.

 19   Q.  Est-ce que nous sommes d'accord pour dire qu'au noyau même de la ville,

 20   d'un bout à l'autre, il n'y a pas plus d'un kilomètre de distance ?

 21   R.  Je pense qu'il y a un peu plus d'un kilomètre, pas beaucoup plus peut-

 22   être, un kilomètre 200 mètres, plus ou moins.

 23   Q.  Merci. Aujourd'hui, en page 13, vous nous avez parlé de cette belle vie

 24   que vous avez eue à Rogatica. Nous sommes bien d'accord pour dire que vous

 25   parlez de Rogatica, ou la ville de Rogatica et la Bosnie-Herzégovine

 26   faisaient partie de la Yougoslavie?

 27   R.  Dans cette période, oui, et même après le démantèlement de la

 28   Yougoslavie, nous, à Rogatica, puisque la Bosnie avait reçu un statut de


Page 19387

  1   république indépendante, nous avons continué à Rogatica notre vie normale.

  2   Nous avons continué à travailler, nous allions au restaurant ensemble. En

  3   fait, de mon avis, la vie dans Rogatica a changé dans la mesure suivante,

  4   suite à cette désintégration de la Yougoslavie. Nous avions reçu une

  5   nouvelle appellation, un nouveau nom mais, en substance, la vie dans

  6   l'entreprise où je travaillais, dans les cafetes où j'avais l'habitude

  7   d'aller, la vie n'avait pas grandement changé.

  8   Q.  Merci. Donc ces six semaines, entre le 6 avril et 22 mai, c'était -- ça

  9   se passait comme s'il n'y avait pas eu de guerre à Sarajevo, à Kupres, et

 10   cetera ?

 11   R.  C'était le sentiment que nous avions à Rogatica. Avec mes amis serbes,

 12   j'avais coutume d'aller m'asseoir quelque part, et discuter sur le sujet,

 13   et pendant très longtemps, nous avions espéré qu'à Rogatica, il n'y aurait

 14   absolument aucun problème. Enfin, moi, personnellement, c'est le genre

 15   d'impression que je me suis faite pendant nos entretiens. Je me disais qu'à

 16   Rogatica, il n'y aurait pas ce genre de chose comme à Derventa, au début,

 17   parce que Rogatica, c'était une toute petite ville qui vivait sa petite vie

 18   tranquille. C'est du moins le sentiment que j'avais. Je n'avais pas de

 19   raison de croire que quoi que ce soit d'important se produirait à Rogatica.

 20   Personnellement, je faisais confiance à mes amis serbes, qui me disaient

 21   s'il y avait des problèmes, s'il y avait des interventions militaires, et

 22   en particulier, la petite rue où je vivais qui est une toute petite rue et

 23   qui s'appuie sur un quartier habité essentiellement par des Serbes, dans ma

 24   rue à moi, il y avait à 100 % des Musulmans, mais on s'entendait tous très

 25   bien.

 26   Vers la fin du mois d'avril, il y a eu des entretiens, des contacts entre

 27   nous où les gens disaient s'il y avait des mouvements militaires, où il y

 28   aurait par exemple des Serbes à Donje Polje, ça s'appelait ainsi, à côté de


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  1   l'église. Ils disaient qu'ils nous prendraient en protection nous autres.

  2   Q.  Merci. On y viendra tout à l'heure. Vous avez même été convié à vous

  3   abriter chez quelqu'un, chez des gens lorsqu'il y a eu des combats, n'est-

  4   ce pas ?

  5   R.  Non, pas quand il y a eu des combats, c'est vrai, mais ça se passait

  6   pendant cette période paisible, on me disait que s'il y avait des conflits

  7   ou des interventions que nous pouvions en toute liberté compter sur eux,

  8   venir à Donje Polje, et on nous disait que nous y serions protégés.

  9   Q.  Merci. En page 7 aujourd'hui, vous avez fourni une opinion, une

 10   conviction de votre part, disant que la plupart des membres de cette

 11   cellule de Crise ou de l'assemblée de la Rogatica serbe étaient des membres

 12   du SDS. Est-ce que vous vous souvenez-vous de l'identité du président de la

 13   cellule de Crise à Rogatica, un Serbe ?

 14   R.  Je crois que c'était Sveto Veselinovic qui était à la tête de la

 15   cellule de Crise. Enfin, c'est une information qu'on ne m'a pas communiquée

 16   officiellement. Je n'avais occupé aucune fonction officielle dans la ville

 17   pour qu'on me fasse savoir qui étaient les gens, les responsables du SDS ou

 18   du SDA. Moi, j'étais un citoyen ordinaire qui a essayé jusqu'au bout de

 19   vivre avec les autres, et c'est donc en vivant avec les gens que j'ai

 20   appris que Sveto Veselinovic se trouvait à la tête de cette cellule de

 21   Crise de la partie serbe de Rogatica.

 22   Q.  Il me semble qu'un témoin a confirmé qu'il y avait un autre nom en

 23   fait, et que ce n'était pas quelqu'un qui était membre du SDS mais un

 24   membre du Parti communiste. Mais je crois qu'on pourra tirer la chose au

 25   clair avec un autre témoin.

 26   Vous nous avez dit qu'il y a eu des élections, que le SDA l'avait

 27   emporté les élections, que le SDS était en deuxième position, et en

 28   troisième position le SDP. Sommes-nous d'accord pour dire qu'au sein du


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  1   SDP, il y avait autant de Serbes que de Musulmans ?

  2   R.  Je ne peux pas vous répondre à cette question, franchement, je ne sais

  3   pas quelle était la constellation des choses. Je ne savais pas combien il y

  4   avait de tels membres de tel groupe ethnique dans tel parti. Mais partant

  5   des conversations que j'ai eues à titre privé avec des gens de Rogatica,

  6   j'ai su qu'il y avait quelques membres dans le SDP, qui étaient issus du

  7   groupe ethnique serbe; je me souviens de plusieurs individus, à titre

  8   concret, le directeur de Tehnotrans, par exemple, un dénommé Rade -- on

  9   avait fait une dernière promenade dans la rue du président Tito tout seul -

 10   c'était juste avant le début des pilonnages - on s'était entretenu sur le

 11   sujet. A un moment, Rade - il s'appelait Jovicic -- Rade Jovicic m'a dit --

 12   je ne lui ai pas posé la question de savoir dans quel parti il était. Ça ne

 13   m'intéressait pas. Mais il m'a dit : Nous avons eu tort, tous les deux, de

 14   ne pas être partis, toi, dans le Parti musulman, et moi, dans le SDS, pour

 15   essayer de faire quelque chose de bien dans cette ville pour éviter les

 16   problèmes qui sont survenus déjà à Visegrad, à Foca et dans les villes

 17   environnantes. C'est ce qui me fait dire qu'il y avait, au SDP des Serbes

 18   et des Musulmans, mais combien y avait-il de Serbes ou combien y avait-il

 19   de Musulmans, je ne le sais pas.

 20   Q.  Merci. Pour les parties en présence, je voudrais tirer au clair quelque

 21   chose. Le SDP c'était en réalité le parti qui perpétuait les idées de la

 22   Ligue des Communistes de Bosnie, mais ils ont changé de nom seulement ?

 23   R.  Sincèrement, je ne peux pas vous répondre à votre question. Je ne le

 24   sais pas. Je n'en savais pas beaucoup ni au sujet de la Ligue des

 25   Communistes de Yougoslavie ni au sujet du Parti du SDP, ni au sujet de

 26   quelque parti que ce soit. J'étais sportif, moi, j'ai pratiquement toute ma

 27   vie tourné vers les activités sportives, non pas vers les activités

 28   politiques. Ce qui fait que constater que le SDP était une façon de


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  1   perpétuer les idées de la Ligue des Communistes, je ne sais pas vous le

  2   dire. Vraiment pas. Ça ne m'intéressait pas ni à l'époque ni à présent.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez du fait que le président de la

  4   cellule de Crise, ça pouvait être un dénommé Milorad Sokolovic, et lui

  5   n'était pas membre du SDS ?

  6   R.  Je ne sais pas vous le dire, vraiment pas. Je vous répète que mes

  7   connaissances politiques et mes informations à caractère politique c'est

  8   plutôt maigre. Je ne peux pas vous répondre que Mile Milorad Sokolovic

  9   était à la tête de la cellule de Crise ou pas. Je ne sais pas.

 10   Q.  Merci. Peut-être que les Juges de la Chambre jugeront utile de savoir

 11   que ce Milorad Sokolovic venait de la même famille que Mehmed Pasa

 12   Sokolovic, le Grand Vizir de l'Empire ottoman, peut-être l'un des vizirs

 13   les plus renommés dans l'Empire ottoman, et Mehmed Pasa c'était quelqu'un

 14   qui était originaire de votre région à vous ?

 15   R.  Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, il est difficile de

 17   voir quelle est la finalité de votre question et quelle est la pertinence

 18   puisque le témoin vous a dit qu'il ne savait pas qui était ce Sokolovic.

 19   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'excuse. Je voulais que les Juges de la

 21   Chambre en sachent un peu plus long sur nous, parce que Mehmed Pasa

 22   Sokolovic a construit le célèbre pont de la Drina, qui est mondialement

 23   connu.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais vous n'êtes pas en train de

 25   témoigner aujourd'hui. Veuillez continuer.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur le Témoin, ce que j'ai à l'esprit c'est votre paragraphe 7. Il


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  1   semblerait que vous vous soyez longuement entretenu avec M. Kusic lorsqu'il

  2   y a eu le début des conflits. Vous y dites que Rajko Kusic vous a dit :

  3   Radovan me paye mieux. Est-ce que vous êtes sûr que Kusic vous a dit une

  4   chose pareille, et ne saviez-vous pas que nos soldats percevaient cinq

  5   marks allemands de salaire par mois ?

  6   R.  Je ne suis pas au courant de l'importance ou du montant des salaires,

  7   mais je sais que Rajko me l'a dit. Parce qu'on a travaillé dans la même

  8   entreprise, et quand il s'en allait de l'entreprise, je lui ai demandé

  9   pourquoi il le faisait, parce qu'on était bons amis. Il a souri et il m'a

 10   dit : Radovan me paye mieux. Je ne lui ai pas posé d'autres questions. On a

 11   continué à parler de la façon dont on allait vivre, je lui ai demandé :

 12   Comment vas-tu faire pour vivre puisque tu ne vas plus travailler à

 13   l'entreprise ? Alors il m'a répondu qu'il allait ouvrir un magasin privé,

 14   qu'il allait faire du commerce.

 15   Plus tard, j'ai vu Rajko vendre au marché. Enfin, je me souviens d'un

 16   détail concret, il vendait de l'eau de vie, du mar [phon] en carton. Je

 17   m'étais approché de lui pour demander combien ça coûtait. On a échangé

 18   quelques propos, je lui ai demandé comment ça allait, et il m'a dit que ça

 19   allait bien. C'est ainsi que notre entretien s'est terminé. Puis c'est à

 20   peu près la réponse que je pourrais vous faire pour ce qui est de ce que

 21   Rajko m'avait dit à ce moment-là.

 22   Q.  Merci. Mais est-ce que vous voulez bien me croire si je dis que les

 23   finances du SDS étaient sous contrôle et que le SDS ne payait personne,

 24   exception faite de cinq ou six employés ?

 25   R.  Ecoutez, je n'ai jamais demandé ce type d'informations. Ça ne

 26   m'intéressait pas. Je n'ai posé la question à personne, et même en

 27   m'entretenant avec Rajko, je n'ai pas eu l'occasion d'entendre quoi que ce

 28   soit. Ce n'était pas dans mon domaine d'intérêts, ni la politique ni les


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  1   différents financements, pas plus que tout ce qui se passait autour.

  2   Q.  Merci. Saviez-vous que s'agissant des tensions qui existaient au niveau

  3   des autorités civiles et de l'armée, M. Kusic lui avait -- s'était rangé du

  4   côté des opinions de l'armée ?

  5   R.  Je n'ai pas compris votre question.

  6   Q.  Est-ce que vous saviez que, dans la Republika Srpska, il y avait des

  7   tensions entre les autorités civiles et l'armée ?

  8   R.  Dans la Republika Srpska ?

  9   Q.  Oui, dans la Republika Srpska, entre l'armée serbe et les autorités

 10   civiles serbes il y a eu des tensions ?

 11   R.  De quelle période êtes-vous en train de parler ? Enfin, je ne comprends

 12   pas.

 13   Q.  Oui, c'était plus tard, pendant la guerre, peu importe.

 14   Vous avez dit au même paragraphe que les Serbes recevaient des indemnités

 15   pour quitter leurs emplois de leur plein gré. Est-ce que vous parlez des

 16   entreprises publiques ou des entreprises privées ?

 17   R.  Je parle des entreprises publiques. Je sais que des camarades, des amis

 18   à moi, dans l'entreprise où nous travaillions ensemble, on touchait une

 19   indemnisation. Ils ont quitté l'entreprise probablement pour vaquer à des

 20   affaires dans le privé, que sais-je.

 21   Q.  Merci. Vous nous avez dit qui faisait quoi, et sommes-nous d'accord

 22   pour dire que le pouvoir était départagé entre les Serbes et les Musulmans

 23   sur la base d'un accord entre les Serbes et les Musulmans ? Le président de

 24   l'assemblée c'était Adil Lutvic, un Musulman; puis le président du Conseil

 25   exécutif, Mile Vujic, un Serbe; puis Ismet Osmanovic est Musulman, à la

 26   tête du SJB. Le chef du poste de police, Mladen Vasiljevic, un Serbe; le

 27   commandant de la Défense territoriale, un certain Mehmed Agic, est

 28   Musulman; et cetera. En a-t-il été ainsi ?


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  1   R.  Pour vous répondre franchement, vous en savez plus long que moi, parce

  2   que, franchement, je ne me suis pas occupé de cela, je ne voulais pas

  3   m'aventurer dans les eaux qui auraient fait savoir Qui faisait quoi. Y a-t-

  4   il eu plus de Musulmans au niveau de l'assemblée municipale ou au niveau de

  5   la police, ça ne m'intéressait absolument pas. J'ai toujours eu de bonnes

  6   relations avec tout le monde et pour moi, à mes yeux, ça n'avait aucune

  7   espèce d'importance pour ce qui était de savoir qui occupait telle fonction

  8   ou telle autre. J'étais peut-être un peu déçu d'apprendre que quelqu'un

  9   occupait telle fonction, parce qu'à mon avis, il n'était pas à la mesure de

 10   -- d'effectuer ou d'accomplir ces questions. Ça, c'est un problème qui me

 11   regarde.

 12   Q.  Merci. Mais est-ce que vous aviez -- enfin, puisque vous avez parlé de

 13   divisions au niveau de la municipalité ou de la police, vous aviez dit que

 14   le partage au niveau de la police avait été instruit par Sveto Veselinovic,

 15   par Rajko Kusic, et cetera. Alors, il me -- je me dois de vous poser ces

 16   questions.

 17   Avez-vous eu vent des négociations qui se sont produites au niveau de

 18   la Bosnie-Herzégovine, négociations relatives aux conditions sous

 19   lesquelles les Serbes allaient accepter l'indépendance de la Bosnie-

 20   Herzégovine ? Avez-vous eu vent de cette Conférence de Lisbonne, des plans

 21   qui ont été abordés avant le début des conflits et pendant la guerre ?

 22   R.  Non, Monsieur.

 23   Q.  Alors, pour ce qui est de ces informations --

 24   R.  Pour ce qui est de ces informations peu recherchées dont je disposais,

 25   je les avais obtenues de personnes avec lesquelles j'allais me promener et

 26   que je rencontrais dans les cafés. Je n'entendais ces informations que par

 27   moments, les informations qui nous venaient de la ville, les informations

 28   politiques de notre ville et c'est ainsi que je recevais ces éléments


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  1   d'information. Par exemple, un jour, quelqu'un qui travaillait pour la

  2   police et qui était un -- quelqu'un d'appartenance ethnique serbe disait

  3   qu'ils avaient été séparés. Ils se sont rendus à Karanfil Mahala et les

  4   autres hommes de la police sont restés là. Il s'agissait, là,

  5   d'informations dont je disposais de mes concitoyens. Ce n'est pas quelque

  6   chose que j'entendais à la radio, que je lisais dans les journaux. Je n'ai

  7   pas du tout -- je ne me suis pas du tout penché là-dessus.

  8   Q.  Est-ce que vous savez que ces pourparlers, sur la division de la

  9   municipalité et la division du poste de police en deux forces, de police

 10   étaient le résultat de la Conférence de Lisbonne et du plan Cutileiro ?

 11   Cela, vous ne le saviez pas, n'est-ce pas ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Merci. Au paragraphe 10, vous dites qu'il n'y avait pas d'armée

 14   d'active en ville, mais que tout le monde faisait partie des forces de

 15   réserve et que vous avez été convoqué à des manœuvres avant et après les

 16   élections. Avant les élections, avez-vous répondu à ces appels à la

 17   mobilisation et combien de temps ont duré ces manoeuvres ?

 18   R.  Oui, je faisais partie d'une unité de réservistes qui appartenaient à

 19   notre compagnie et je crois que, dans ces années-là, après mon retour à

 20   Rogatica, pendant ces cinq à six années, j'ai participé à l'appel des

 21   personnes présentes dans l'enceinte de l'usine où je travaillais et au

 22   stade où nous étions très importants lorsque la liste des présences a été

 23   lue à voix haute. Ceci durait -- a duré deux ou trois heures. Je n'avais

 24   pas d'autres activités -- Enfin, je n'ai pas participé à ces activités-là.

 25   Q.  Il y avait une unité de réservistes au sein de la JNA et qui avait été

 26   créée au sein de votre propre compagnie, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Ceux-ci avaient été créés le cas échéant, au cas où il y aurait la


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  1   guerre. Saviez-vous que d'autres unités de réservistes avaient été envoyées

  2   dans des centres d'Entraînement, des terrains d'entraînement, des camps

  3   d'entraînement pendant plusieurs jours pour des manoeuvres ?

  4   R.  Ça n'est que par hasard que j'ai entendu parler de manœuvres

  5   militaires. Des simulations de la guerre auxquelles ont -- n'ont participé

  6   que des réservistes serbes. Je me souviens maintenant très bien. On nous a

  7   demandé de nous mettre en rang au centre sportif. On nous a dit que les

  8   Musulmans n'avaient pas répondu -- ne répondaient plus aux appels à la

  9   mobilisation, ces appels à la mobilisation qui portaient sur

 10   l'incorporation aux forces de réserve.

 11   Q.  Nous allons y venir dans quelques instants, mais avant les élections,

 12   avant la crise, vous souvenez-vous que quelques hommes sont partis

 13   plusieurs jours à des camps militaires où ils ont participé à des manœuvres

 14   militaires, qu'ils seront venus en uniforme, avec des armes également; vous

 15   souvenez-vous de cela ?

 16   R.  Oui, à plusieurs occasions et ce n'était pas officiel. Quelqu'un me

 17   disait qu'un groupe de Serbes s'était armé et que ce groupe avait ramené

 18   des armes à la maison.

 19   Q.  Nous allons y venir. Je parle maintenant de la période qui a précédé

 20   les élections et la crise. Mais parlons de ce que vous venez d'évoquer.

 21   Est-ce que vous nous dites qu'on vous a dit que des Musulmans n'étaient

 22   plus nécessaires, que ce soit leurs officiers ou leurs troupes ? Vous dites

 23   cela au paragraphe 10, qu'on n'avait plus besoin d'eux ou on n'avait plus

 24   besoin de leurs armées musulmanes.

 25   Que vouliez-vous dire par "armée musulmane," "troupes musulmanes" ?

 26   R.  Je voulais parler des hommes musulmans qui faisaient partie des forces

 27   de réserve, cette unité à Rogatica.

 28   Q.  Mais est-ce que nous sommes d'accord pour dire que Rogatica se trouvait


Page 19396

  1   dans la zone de responsabilité de la 216e Brigade de la JNA, dont le poste

  2   de commandement était à Han Pijesak ?

  3   R.  Je ne suis pas au courant de cela ni de cet endroit. Cela ne m'a jamais

  4   intéressé et je n'ai jamais entendu parler de quoi que ce soit à ce sujet.

  5   Q.  Saviez-vous que l'homme numéro 1 de cette brigade, chef d'état-major,

  6   jusqu'à voire même après l'éclatement du conflit, était Asim Dzambasovic,

  7   maintenant général de brigade de l'armée de l'ABiH ?

  8   R.  Cela, je ne le sais pas, Monsieur Karadzic.

  9   Q.  Est-ce que nous sommes d'accord pour dire que Asim Dzambasovic doit

 10   être Musulman ?

 11   R.  Oui, je suppose d'après son prénom et son nom de famille.

 12   Q.  Alors, à ce stade, il règne une certaine confusion dans mon esprit.

 13   Saviez-vous que la présidence de Bosnie-Herzégovine, après l'éclatement du

 14   conflit en Slovénie et en Croatie, que la partie musulmane et croate de la

 15   présidence a recommandé aux Croates et aux Musulmans de ne pas répondre aux

 16   appels à la mobilisation de la JNA, qu'ils soient intégrés aux forces de

 17   réserve ou simplement qu'ils répondent à l'appel à la mobilisation ?

 18   R.  Cela, je ne le sais pas.

 19   Q.  Savez-vous que certaines municipalités comme Vlasenica -- dans

 20   certaines municipalités comme Vlasenica, les réservistes sont allés à Banja

 21   Luka et qu'ils s'étaient organisés et qu'ils ont ramené des Musulmans à

 22   bord d'autobus ?

 23   R.  Cela, je ne le sais pas.

 24   Q.  Même si une annonce avait été faite dans les médias que les JNA -- que

 25   la JNA avait renoncé aux réservistes musulmans et aux conscrits musulmans,

 26   est-ce que cela a jamais fait l'objet d'annonces dans les médias ?

 27   R.  Je ne le sais pas.

 28   Q.  Lorsque vous avez appris que quelqu'un de la JNA avait dit cela, est-ce


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  1   qu'une quelconque explication a été fournie sur les raisons pour lesquelles

  2   les réservistes musulmans, les officiers et les recrues n'étaient plus

  3   nécessaires dans la JNA ?

  4   R.  Ecoutez, ce jour-là, aucune explication n'a été fournie. Les gens

  5   parlaient entre eux, plus tard, mais ces récits ne m'intéressaient pas et

  6   je ne voulais pas être impliqué dans tout ceci de quelque manière que ce

  7   soit. La première notion que j'en ai eue, à savoir que quelque chose était

  8   sur le point de se produire dans cet Etat qui était le nôtre, est une

  9   notion que j'ai apprise par la suite. Mais je n'ai jamais pu avoir

 10   connaissance de quoi que ce soit qui m'aurait permis de répondre à votre

 11   question.

 12   Q.  Au paragraphe 11, vous dites que la plupart des membres du SDS voyaient

 13   des gens de la JNA et que la JNA organisait des réunions avec des Chetniks

 14   en vue et que ces Chetniks exerçaient une très grande influence sur les

 15   Serbes. Est-ce que nous pouvons préciser cela ? Qu'entendez-vous par

 16   "Chetniks" ? Est-ce que vous voulez parler de personnes qui affectionnent

 17   les symboles chetniks et qui se disent Chetniks, ou est-ce que vous voulez

 18   parler de tous les Serbes ?

 19   R.  Non, je ne veux pas parler de tous les Serbes. Simplement ceux qui

 20   avaient rejoint ces détachements chetniks, comme Rajko Kusic, je ne sais

 21   pas comment tout ceci avait été organisé et cela ne m'intéressait pas. Mais

 22   je sais qu'ils se sont organisés en groupe, en un groupe et, bien sûr, tous

 23   les Serbes de Rogatica n'ont pas rejoint les Chetniks.

 24   Q.  Saviez-vous que, depuis le début, et ce, jusqu'à la fin, à la date du

 25   20 mai, ce détachement commandé par Rajko Kusic était un bataillon légal de

 26   la 216e Brigade de la JNA; il s'est transformé en brigade par la suite qui

 27   est devenue une brigade de l'armée de la Republika Srpska ?

 28   R.  C'est la première fois que j'en entends parler.


Page 19398

  1   Q.  Merci. Outre Rajko Kusic, y avait-il des Chetniks, comme vous les

  2   appelez ? Vous avez parlé des cocardes et des symboles qui étaient les

  3   leurs avec un crâne.

  4   R.  Qu'entendez-vous par là, avant la guerre ou après que la guerre n'ait

  5   commencé ?

  6   Q.  A tout moment.

  7   R.  Il y a des gens qui arboraient ces insignes, en particulier, j'ai vu un

  8   ou deux hommes que je connaissais et qui arboraient ces insignes-là. Cela

  9   me faisait peur pour être à vrai dire.

 10   Q.  Au paragraphe 12, vous dites qu'un nombre important d'officiers de

 11   troupes est arrivé dans la municipalité et vous dites qu'ils étaient venus

 12   chercher les armes qui se trouvaient dans les dépôts de la Défense

 13   territoriale. Vous dites que les Musulmans ont résisté, qu'il y a eu une

 14   fusillade, que certains Musulmans ont été blessés par des soldats de la

 15   JNA, et cetera.

 16   Alors je vais vous poser cette question-ci maintenant : Savez-vous que les

 17   armes de la Défense territoriale étaient entreposées dans les casernes de

 18   la JNA en 1990, à savoir avant les élections, sous le régime communiste ?

 19   R.  Cela je ne le sais pas.

 20   Q.  Savez-vous que cette visite de la JNA dans votre municipalité est

 21   arrivée à la suite d'un incident au cours desquels un petit groupe

 22   d'officiers de la JNA a indiqué qu'il n'était pas autorisé à venir chercher

 23   des documents dans les services militaires d'une localité en question et

 24   ensuite ils se sont présentés en plus grand nombre ?

 25   R.  Cela je ne le sais pas.

 26   Q.  Savez-vous que la partie musulmane a fait disparaître ces documents,

 27   que la JNA ne les a jamais reçus ?

 28   R.  Cela je ne le sais pas.


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  1   Q.  Savez-vous qu'il est impossible de réaliser une mobilisation sans avoir

  2   à disposition ces documents, sauf si on se rend de maison en maison pour

  3   voir s'il y a des réservistes et si quelqu'un n'a pas répondu à l'appel à

  4   la mobilisation ?

  5   R.  Cela je ne le sais pas.

  6   Q.  Mais vous avez -- vous étiez là au moment de cet incident et vous avez

  7   observé cet affrontement. Saviez-vous que la JNA avait le droit d'avoir

  8   accès à toutes les structures militaires, y compris tous ces documents, et

  9   que dans ce cas on entravait son droit à exercer son rôle constitutionnel ?

 10   R.  Je ne le sais pas. Je le répète. Ces choses-là ne m'intéressaient pas.

 11   A l'époque, (expurgé) et si vous pensez que

 12   je souhaitais être là, non, ce n'était pas le cas. J'étais là par hasard.

 13   J'ai décrit tout ceci dans ma déclaration.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zec.

 15   Oui, une seconde, Monsieur Karadzic.

 16   M. ZEC : [interprétation] A la page 28, ligne 22, je demande à ce que ceci

 17   soit caviardé parce que nous pouvons y lire le nom de la rue, et on fait

 18   référence à un membre de la famille du témoin.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que quasiment tout le monde à (expurgé)

 21   (expurgé) donc il ne s'agit pas d'un élément

 22   permettant l'identification du témoin. Mais je ne m'oppose pas au

 23   caviardage.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Je vous pose la question, Monsieur le Témoin, parce que c'est quelque

 26   chose qui figure dans votre déclaration, et la Défense doit tester le

 27   fondement de votre connaissance et votre position, parce qu'il eut peut-

 28   être été préférable qu'il vous soit -- ce soit limité aux choses que vous


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  1   avez vécues personnellement et que vous avez vues personnellement. Mais

  2   vous avez fourni une réponse qui est bonne, lorsque vous avez dit que vous

  3   avez remarqué ceci par hasard et que vous ne connaissiez pas le contexte et

  4   les éléments entourant cet incident.

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Bien. Alors, vous dites au paragraphe 13 que des hommes serbes

  7   occupaient des positions militaires à l'extérieur de Rogatica, alors que

  8   des femmes et des enfants serbes étaient déjà partis, et à Rogatica, il n'y

  9   avait plus que des Musulmans et quelques Serbes qui n'étaient pas d'accord

 10   et n'avaient pas les mêmes points de vue que Kusic. Est-il vrai qu'avant

 11   l'éclatement du conflit un nombre important de Musulmans et de Serbes

 12   avaient quitté Rogatica ?

 13   R.  Oui. Même, si pour ce qui est un nombre "important," je n'en suis pas

 14   tout à fait certain parce que j'étais là et je voyais combien de Musulmans

 15   étaient restés alors que le pilonnage avait déjà commencé.

 16   J peux redire ce que j'ai déjà dit. Avec certitude, un nombre  important de

 17   Serbes avait déjà été évacué, alors certains Musulmans avaient été déplacés

 18   de Rogatica, et ce, de façon organisée, mais je ne sais pas qui l'a

 19   organisé.

 20   Q.  Vous voulez parler de la période qui a précédé le conflit ?

 21   R.  C'est exact.

 22   Q.  Veuillez me dire, s'il vous plaît, d'après vous ou d'après ce que vous

 23   savez, qui -- ces personnes fuyaient devant quoi, ces Musulmans et ces

 24   Serbes ? Quel sentiment éprouvaient-ils et pourquoi jugeaient-ils

 25   préférable de partir pour se mettre en sécurité ?

 26   R.  Je suppose que les Musulmans avaient peur, avaient peur de quelque

 27   chose qui ne serait pas bien, et d'après ce que je sais à propos de mes

 28   amis serbes qui sont partis, peut-être qu'ils savaient ou estimaient que la


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  1   guerre était imminente. Un nombre important de mes amis s'est installé en

  2   Serbie, accompagné de leurs familles. Ils se sont rendus pas seulement en

  3   Serbie; certaines personnes sont allées au Monténégro.

  4   Q.  Est-ce que vous pensez qu'il est probable que ces personnes-là avaient

  5   peur également ?

  6   R.  Personne ne part de chez soi facilement. Cela doit être dû à quelque

  7   chose qui ressemble à de la peur, la peur de quelque chose.

  8   Q.  Merci. Vous dites que le 22 mai le conflit a éclaté et qu'il y a eu un

  9   pilonnage. Savez-vous, et êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a eu un

 10   incident qui a contribué à une augmentation significative des tensions où

 11   il a été question de barrages routiers musulmans suivis par des barrages

 12   serbes ? Vous souvenez-vous de cela ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Vous souvenez-vous du fait que le 23 mars des Musulmans ont érigé des

 15   barrages routiers et ensuite le 24 mars les Serbes ont fait de même, que le

 16   colonel Milosevic est arrivé sur place, qu'il a exercé son influence et que

 17   les barrages ont été enlevés ?

 18   R.  Ecoutez, je ne connais rien à ce sujet dans le détail, mais je sais que

 19   les deux camps ont érigé des barrages routiers, cela dépendait de l'endroit

 20   où ils habitaient. Mais en ce qui concerne la rue dans laquelle nous

 21   habitions, je sais que nous n'avons érigé aucun barrage routier. Nous

 22   prenions le café ensemble, nous travaillions ensemble, nous nous voyions en

 23   dehors du travail.

 24   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons brièvement voir la pièce P2371 dans le

 25   prétoire électronique pour vous permettre de vous rafraîchir la mémoire.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le P3271, P3271. Oui. Alors nous avons

 27   maintenant le document à l'écran.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Veuillez regarder la date, s'il vous plaît, qui se trouve en haut. Il

  2   s'agit du 24 mars. Ensuite le texte se poursuit en disant que le 23, des

  3   Musulmans ont érigé des barricades, que ceci gênait le fonctionnement de

  4   l'économie et des écoles, et ensuite, le 24 mars, ont érigé leurs propres

  5   barrages routiers. Ensuite c'est Nermin, du SUP, qui a envoyé cela.

  6   R.  Non, je ne connais pas cet homme-là.

  7   Q.  Vous connaissez Mile Ujic ?

  8   R.  Oui, nous sommes allés à l'école ensemble.

  9   Q.  Veuillez regarder les destinataires de ce communiqué. Ceci a été

 10   adressé à la présidence de la République serbe de Bosnie-Herzégovine; c'est

 11   exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ensuite au gouvernement de la République socialiste de Bosnie-

 14   Herzégovine ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Au ministère de la Défense nationale et au ministère de l'Intérieur ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Si ceci n'a pas été corrigé, je dois dire qu'il y a eu une mauvaise

 19   interprétation du SRBH, où mention a été faite de la République serbe de

 20   Bosnie-Herzégovine, alors qu'il faudrait lire République socialiste de

 21   Bosnie-Herzégovine.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans le prétoire électronique, ceci a été

 23   consigné de façon erronée, parce qu'il faut lire République socialiste de

 24   Bosnie-Herzégovine, on voit que Rogatica fait partie de la République

 25   socialiste de Bosnie-Herzégovine, et nous avions une abréviation

 26   correspondant à cela qui est la présidence SRBH. Je souhaite que la

 27   correction soit apportée au compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Merci. Après cet incident, le problème a été un petit peu dilué. Il n'y

  2   a pas eu de conflit en conséquence. Il y a eu une accalmie pendant deux

  3   mois, n'est-ce pas, jusqu'au 22 mai; c'est exact ?

  4   R.  A la date que vous mentionnez, moi, je n'avais aucun problème, en tout

  5   cas, il n'y en avait pas. J'allais travailler régulièrement. Je n'ai vu

  6   aucun barrage de part et d'autre, et quand bien même il y en avait, je

  7   n'allais pas dans ces secteurs-là, parce que cela ne m'intéressait pas

  8   vraiment.

  9   Q.  Merci. Est-ce que vous savez qu'un accord avait été conclu aux fins

 10   d'avoir deux municipalités et que les communautés locales serbes devaient

 11   être placées sous administration serbe, alors que les communautés

 12   musulmanes devaient être placées sous administration musulmane, et le

 13   bâtiment municipal lui-même devait être divisé en deux de façon à ce qu'une

 14   partie soit utilisée par la municipalité serbe de Rogatica, et l'autre

 15   partie par municipalité musulmane ?

 16   R.  Je sais que ceci est arrivé. Mais ce qui était placé sous l'autorité de

 17   qui, je ne sais pas, parce que cela ne m'intéressait pas.

 18   Q.  Merci. Vous êtes en quelque sorte un artiste. D'après ce que j'ai

 19   compris, vous vous occupez d'arts, en quelque sorte ?

 20   R.  Oui. (expurgé)

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  1   [Audience à huis clos partiel]

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  5  (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, nous sommes en

  8   audience publique.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Vous dites, au paragraphe 13, qu'il y avait des meurtres de Musulmans,

 12   que des Musulmans étaient tués près de Rogatica, et que ceci a provoqué des

 13   mouvements de panique. Est-ce que c'est quelque chose dont vous aviez

 14   connaissance personnellement ou avez-vous eu l'occasion de voir ces

 15   meurtres de vos propres yeux ?

 16   R.  Non.

 17   Q.  Savez-vous, dans ce cas, que le 20 mai, un policier serbe a été tué

 18   dans la municipalité -- dans la communauté locale de Zlatni Do; que cet

 19   homme était en train de patrouiller le secteur, après la séparation des

 20   forces de police qui avait fait l'objet d'un accord, et que son corps, ils

 21   ne souhaitaient pas remettre son corps et ils n'étaient disposés à le faire

 22   que lorsque dix policiers serbes seraient tués ? Etiez-vous au courant de

 23   cela ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Merci. Ici, vous avez indiqué que pour l'essentiel, vous vous êtes basé

 26   sur des déclarations, vous le dites au paragraphe 14. Vous avez basé ce que

 27   vous avez dit sur des déclarations de personnes résidant dans ces villages,

 28   qui ont vu un soldat serbe, tuer plusieurs personnes, y compris des femmes.


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  1   Les personnes qui vous ont déclaré cela sont des Musulmans; est-ce que vous

  2   pouvez nous donner les noms de ces personnes et le nom de ce village, afin

  3   que la Défense sans vous impliquer puisse procéder à des vérifications.

  4   R.  Je ne peux pas. Les noms de ces villages ou de ce village et les noms

  5   de ces personnes, je ne les connais pas. Ce sont des gens que je ne

  6   connaissais pas. Lorsque ce cas de figure est discuté, c'étaient des gens

  7   qui étaient venus de quelque part, d'un village quelconque. Je n'étais pas

  8   intéressé par le fait de savoir d'où, je ne sais pas pourquoi. Ils sont

  9   venus et ils ont raconté ce qu'ils ont raconté, à savoir que c'étaient des

 10   Chetniks, ces gens qui tuaient des hommes et qu'il y avait eu des

 11   massacres. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire au sujet de ce

 12   détail.

 13   Q.  Merci. Est-ce que vous êtes en train de parler d'une période antérieure

 14   ou postérieure au 22 mai ?

 15   R.  Antérieure. Parce que je pouvais me déplacer de façon normale dans la

 16   ville, avant ce 22 mai.

 17   Q.  Merci. Au paragraphe 15, vous indiquez que vous aviez appris qu'un

 18   serbe, un paysan serbe avait été tué pendant qu'il s'occupait de son bétail

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Au paragraphe 16, vous y indiquez qu'une femme âgée, une Croate, avait

 22   fui le village qui était pilonné, et qu'elle s'est abritée chez vous, et

 23   qu'elle y restait assez longtemps. Combien de temps est-elle restée chez

 24   vous ?

 25   R.  Deux jours et une nuit.

 26   Q.  Merci. De quel village était-elle originaire ?

 27   R.  Je ne sais pas. Moi, je suis quelqu'un de Rogatica, mais je ne connais

 28   ni les noms des villages, je ne suis pas allé dans ces villages, exception


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  1   faite du village de Seljani [phon], où j'avais une tante, où j'allais non

  2   pas souvent mais ça et là. Les autres villages, je ne pouvais pas retenir

  3   leurs noms, et je vais vous die que ça ne pas particulièrement intéressé.

  4   Q.  Merci. Comment s'appelait cette Croate, cette femme croate ?

  5   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je sais que son mari s'appelait Jozo,

  6   c'était une femme croate et que son mari était un garde forestier, décédé

  7   d'ailleurs, et qu'elle vivait toute seule, d'après ce qu'elle nous a

  8   raconté.

  9   Q.  Merci. Au paragraphe 18, vous décrivez le fait que vous avez vu des

 10   camions militaires arriver dans le voisinage et se garer non loin de la

 11   maison, le foyer public du village, et qu'ils ont déchargé des caisses qui,

 12   vous avez supposé contenaient des armes, mais les armes, vous ne les avez

 13   pas vues, n'est-ce pas ?

 14   R.  C'est cela.

 15   Q.  Alors cet entrepôt, cette maison ou foyer public, ça avait été sécurisé

 16   par des militaires, n'est-ce pas ?

 17   R.  Il y avait des gardiens qui sécurisaient les lieux que je ne

 18   connaissais pas. Il y en avait d'autres que je connaissais par contre. Ce

 19   qui fait que je ne sais pas si c'étaient des militaires, enfin, il serait

 20   difficile de dire quelle armée, à quel moment, parce que ces armées se

 21   manifestaient au fur et à mesure.

 22   Q.  Merci. Mais ils l'ont fait en public, ils ne s'étaient pas cachés. Ils

 23   étaient venus, ils ont déchargé leur caisse, et ça s'est passé ainsi. Vous

 24   l'avez vu et vous le décrivez aux paragraphes 18 à 21, si tant est que vous

 25   avez le texte de vos déclarations sous les yeux.

 26   R.  Je ne l'ai pas.

 27   Q.  En avez-vous besoin ?

 28   R.  Non.


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  1   Q.  Merci. Il y est dit que :

  2   "C'étaient des camions militaires qui appartenaient à l'armée

  3   populaire Yougoslavie, et des camions appartenant à des voisins serbes qui

  4   étaient venus à titre privé à proximité de l'église."

  5   Vous n'avez pas vu ce qui avait dedans, mais vous aviez conclu du

  6   fait que ça pouvait être des armes. Donc ils se sont servis d'un foyer

  7   public pour en faire un entrepôt ? C'est bien ce qui découle de vos propos

  8   ?

  9   R.  Enfin, la seule différence c'est que je n'appelle pas cela foyer

 10   public, moi. On appelait cela le Dom, le foyer. Depuis que j'étais petit on

 11   a appelé la chose ainsi. C'était une maison que nous appelions le foyer,

 12   c'est-à-dire le Dom. Il s'y trouvait un moment un centre d'accueil pour

 13   orphelins, puis ensuite on y a mis des locaux d'une usine, puis enfin, je

 14   ne sais trop. Je ne sais plus si on appelait cela foyer public ou autre

 15   chose.

 16   Q.  Merci. Je l'ai lu au paragraphe 18 de votre déclaration, deuxième

 17   phrase. Vous dites :

 18   "Il s'est garé à côté de ce foyer public."

 19   R.  Ecoutez, c'est probablement ainsi que ça s'appelle.

 20   Q.  Etes-vous d'accord avec moi pour dire que c'était à un moment donné, à

 21   un moment où l'armée se retirait de la Slovénie et de la Croatie avec

 22   énormément de matériel qu'elle traînait avec, lors de son replis en

 23   direction de la frontière de la Yougoslavie ?

 24   R.  Je ne le savais pas, je n'étais pas au courant de ce détail. Ça ne

 25   m'intéressait pas du reste.

 26   Q.  Merci. Vous dites au paragraphe 23 que vous ne saviez pas qu'il y avait

 27   eu un armement quelconque de Musulmans dans la région; est-ce que cela

 28   signifie que vous ne saviez pas qu'il existait une Ligue patriotique des


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  1   Bérets verts, et qu'il existait une cellule municipale sous la supervision

  2   directe de l'homme qui est devenu par la suite général, Sefer Halilovic ?

  3   R.  Non. Dans le contexte que vous venez d'indiquer, je ne savais pas tout

  4   cela. Il est vrai que les "Bérets verts," les "Chetniks," ou le "Corps de

  5   Uzice," ce sont des termes dont j'ai entendu parler de la bouche de

  6   quelqu'un, mais je n'établissais de corrélation et je n'étais pas concerné.

  7   Q.  Merci. Mais est-ce que vous avez ultérieurement appris que la partie

  8   musulmane était à Rogatica, organiser militairement pour créer une Ligue

  9   patriotique des Bérets verts et se procurer des armes ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Merci. Avez-vous entendu parler de Hamid Bahto et vous avez connu

 12   personnellement, peut-être.

 13   R.  [aucune interprétation]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je crois avoir entendu le

 15   témoin dire, Non.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de la question d'avoir connu

 17   ce dénommé Bahto.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, la question précédente.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a une question où il a été question

 20   de savoir si vous aviez appris par la suite que les Musulmans de Rogatica

 21   s'étaient organisés au sein d'une Ligue patriotique ou pour créer des

 22   Bérets verts.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je ne savais pas.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous ne l'avez pas appris plus tard non plus ?

 27   R.  Pas dans le contexte de votre question. Je répète que j'ai entendu

 28   parler de ces Bérets verts, des Chetniks, du corps d'armée, un tel, et


Page 19410

  1   cetera, mais je n'établissais pas de corrélation, parce que d'abord ça ne

  2   m'intéressais pas toutes ces choses-là, et ma petite personne,

  3   deuxièmement, ne pouvait rien faire de positif pour avoir à s'occuper de

  4   tout ceci.

  5   Q.  Merci. Alors, ce Hamid Bahta, en avez-vous entendu parler ? L'avez-vous

  6   connu ?

  7   R.  Non, je n'ai pas entendu parler de ce nom. Le nom de famille me dit

  8   quelque chose parce qu'ils sont plusieurs à s'appeler Bahto, mais Hamid

  9   Bahta c'est quelqu'un que je n'ai pas connu.

 10   Q.  Merci. Au paragraphe 24, vous faites état du fait que Kusic avait

 11   disposé d'une base à Borike, et que c'était un commandant d'une groupe

 12   paramilitaire et qu'il avait un entraînement dans des petits villages, vous

 13   indiquez que sur leur couvre-chef ils portaient des insignes avec une tête

 14   de mort et une inscription SDS. Est-ce qu'il y aurait une photographie

 15   quelque part de cet insigne avec une tête de mort, avec une inscription SDS

 16   ? Est-ce que quelqu'un a pris une photo de ce genre ? Auriez-vous une photo

 17   de ce genre quelque part ?

 18   R.  Non, je n'en ai pas vues.

 19   Q.  Est-ce que nous pourrions, pendant la pause, vous priez de nous

 20   dessiner l'aspect de cet insigne sur un couvre-chef ?

 21   R.  J'aurais beaucoup de mal à le faire. Il s'est passé énormément de

 22   temps. A l'époque où j'ai vu mon camarade Marinko avec une toque sur la

 23   tête et une tête de mort dessus, enfin un insigne qui comportait une tête

 24   de mort, et il me semble des lettre rouges, un grand S, puis un petit D,

 25   puis un grand S en lettres rouges. De là, à savoir si je pourrais vous

 26   faire un schéma, en fin peut-être que oui mais je crains fort de me

 27   tromper, et je ne veux pas mettre en doute mes réponses et la question que

 28   vous posez.


Page 19411

  1   Q.  Merci. Avez-vous entendu parler du fait, Monsieur le Témoin, que la

  2   position proclamée par le SDS était celle d'affirmer qu'on ne voulait ni

  3   des Chetniks ni des partisans ? Que nous voulions surmonter ces dissensions

  4   de l'époque et que nous ne voulions ni Chetniks ni partisans et leur

  5   iconographie ?

  6   R.  Je ne le savais pas.

  7   Q.  Mais Kusic ne vous a-t-il pas dit lui-même que son unité faisait partie

  8   de la JNA ?

  9   R.  Non.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je crois que vous

 11   avez encore des questions en contre-interrogatoire. Si la chose vous

 12   arrange, les Juges de la Chambre voudraient faire une pause maintenant.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Mais sur 110, je suis arrivé

 14   au 24. Je vais quand même assez vite, je vous demanderais de veiller à ce

 15   que j'aie le temps de jeter de la lumière sur la totalité de ces

 16   paragraphes.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, mais je devrais aller aux

 19   toilettes.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes. C'est la raison pour laquelle

 21   nous allons faire une pause d'une demi-heure et nous allons reprendre à

 22   midi.

 23   --- L'audience est suspendue à 11 heures 30.

 24   --- L'audience est reprise à 12 heures 00.

 25    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic. Il vous reste

 26   une heure pour conclure votre contre-interrogatoire, après quoi nous aurons

 27   une pause de 40 minutes.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Nous en sommes restés au moment où je vous disais que Rajko Kusic, vous

  3   aviez dit que lui et son groupe appartenaient à la JNA légitime et vous

  4   pensiez que ce n'était pas le cas. Toutefois, au paragraphe 95, vous dites

  5   que lorsque vous lui avez demandé ce qui se passait, l'expression de son

  6   visage a changé et il s'est contenté de vous dire que lui-même et la JNA

  7   devaient défendre le peuple serbe et les terres serbes, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est bien ce qu'il a dit.

  9   Q.  Merci. Au paragraphe suivant, vous dites que le village de Gucevo avait

 10   aussi sa propre Unité de la JNA, avec Radomir Bukva et Petar Jesic à sa

 11   tête. Vous saviez donc bien qu'il s'agissait là de forces de réserve de la

 12   JNA ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Jusqu'au 20 mai 1992, la JNA était une force armée légitime, n'est-ce

 15   pas, la seule légitime en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 16   R.  Je suppose que oui, mais je ne connais pas très bien le système dans

 17   son ensemble. Après le démantèlement de la Yougoslavie, quelle armée se

 18   trouvait en Slovénie, quelle autre en Croatie ou en Bosnie-Herzégovine, je

 19   ne m'y intéressais pas vraiment à l'époque et on ne m'a rien dit non plus

 20   sur ceux qui étaient officiellement responsables de l'armée.

 21   Q.  Savez-vous que la guerre faisait déjà rage le 26 mars à Bosanski Brod,

 22   un peu plus tard à Bijeljina, le 3 avril à Kupres, et encore un peu plus

 23   tard à Sarajevo ? Saviez-vous que la guerre avait déjà éclaté dans ces

 24   différentes localités de Bosnie-Herzégovine, conflits qui ne vous ont pas

 25   affecté pendant six semaines ? L'avez-vous appris dans la presse ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Saviez-vous, ou peut-être ne le savez-vous pas, et je ne vous en

 28   tiendrai pas responsable. Mais peut-être saviez-vous que le SDA avait


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  1   essayé de nous duper, de nous tromper en revenant sur les accords que nous

  2   avions conclus en vue de l'acceptation de l'indépendance de la Bosnie-

  3   Herzégovine ?

  4   R.  Je ne le savais pas.

  5   Q.  Aux paragraphes 32 et 33, vous dites, au paragraphe 33 précisément, que

  6   vous êtes allé chez des voisins. Etait-ce un voisin Musulman -- j'essaye de

  7   ne pas donner son nom, regardez le paragraphe 33 si vous souhaitez

  8   vérifier, et que vous êtes resté chez lui pendant 20 jours ?

  9   R.  Oui, c'est un voisin --

 10   Q.  Ne dites pas son nom, s'il vous plaît.

 11   R.  Il habitait en face de chez moi, de l'autre côté de la route. Il avait

 12   deux étages alors que ma maison était de plain-pied et que déjà à l'époque

 13   elle avait été endommagée. Nous nous sommes installés chez lui et nous y

 14   avons trouvé refuge devant les pilonnages pendant toute la période.

 15   Q.  Eh bien, vous avez déjà répondu sans le savoir à ma question suivante.

 16   De quoi essayiez-vous de vous protéger, de la police ou du pilonnage ?

 17   Pourquoi sa maison était-elle plus sûre que la vôtre ? Mais vous avez déjà

 18   répondu, vous avez dit que le bâtiment était plus résistant, plus solide,

 19   et que vous vous cachiez non pas de la police, mais du pilonnage.

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Je suis un peu étonné de vous entendre dire que vous étiez en mesure de

 22   voir ce qui se passait, et non seulement l'endroit d'où les obus étaient

 23   tirés, mais également l'endroit où ils atterrissaient. Je fais référence au

 24   paragraphe 66. Vous donnez le nom et le prénom d'une certaine personne qui

 25   aurait tiré un obus qui avait tué un petit garçon ?

 26   R.  Oui, je l'ai vu.

 27   Q.  Alors quelle était la distance entre le lieu du tir et le lieu d'impact

 28   ?


Page 19414

  1   R.  Je ne sais pas, je ne m'intéressais pas particulièrement à ce genre de

  2   choses, ni à l'époque ni d'ailleurs maintenant. Si vous me demandez de vous

  3   donner la distance exacte, je ne suis pas en mesure de vous répondre,

  4   combien, à vol d'oiseau, peut-être 150 mètres, 200 peut-être. Je ne peux

  5   pas vous répondre avec exactitude.

  6   Q.  De quel type d'obus s'agit-il ? Sont-ce des obus de mortiers ?

  7   R.  Je ne sais pas comment ça s'appelle, c'est un tube qui est rattaché à

  8   quelque chose, et vous devez bien comprendre que je n'y connais absolument

  9   rien en matière d'armes. Dans l'armée, j'étais instructeur de conduire et

 10   je n'ai participé à des exercices d'infanterie que pendant un mois, et les

 11   armes ne m'intéressaient absolument pas. Mais pour vous répondre, c'était

 12   un tube rattaché à une plaque ou une plateforme située par terre, et ce

 13   tube n'était pas très long.

 14   Q.  A 150 mètres, cette arme a tué le petit garçon ?

 15   R.  Je suppose qu'il s'agissait de 150 mètres, mais je n'en suis pas

 16   certain.

 17   Q.  Au paragraphe 36, ne dites-vous pas que les combats pour la prise de la

 18   ville avec le pilonnage et la prise des maisons les unes après les autres

 19   que les combats de rues ont duré au total deux mois et demi ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous conviendrez, Monsieur le Témoin, qu'il y a eu une certaine

 22   résistance, parce que la ville fait 1.2 kilomètres et que s'il n'y avait

 23   pas eu de résistance, elle aurait pu être prise en une heure ou deux, et

 24   pas en deux ou trois mois ?

 25   R.  J'aimerais préciser ma réponse. Dans toutes les conversations que j'ai

 26   eues avec mes anciens amis, mes voisins au camp, j'ai posé la même question

 27   : Pourquoi n'êtes-vous pas venus immédiatement à Rogatica ? Parce que, dans

 28   la ville de Rogatica, il y avait 2 500 à 3 000 personnes qui étaient


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  1   totalement désarmées. Personne n'avait la moindre arme, et il n'y avait

  2   aucun tir qui partait de la ville, alors qu'en l'espace des deux ou trois

  3   mois qui ont suivi, la ville a fait l'objet d'un pilonnage incessant avant

  4   qu'ils se rendent compte qu'il n'y avait pas la moindre résistance. J'ai

  5   dit dans ma déclaration que j'ai entendu que Rajko Kusic s'était fait

  6   critiquer par vous. Pourquoi Rogatica n'avait-elle pas encore été prise,

  7   disiez-vous, et ce n'est que plus tard qu'ils sont enfin entrés dans la

  8   ville, après tant de mois de pilonnages totalement injustifiés.

  9   Q.  Nous devrons en reparler avec quelqu'un d'autre parce qu'il est tout à

 10   fait illogique qu'une si petite ville avec une rue principale de 1.2

 11   kilomètres ne soit prise qu'après deux mois et demi ou trois mois.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, évitez les

 13   déclarations ou les commentaires, s'il vous plaît.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais lui demander si la situation lui

 15   paraissait aussi logique qu'à moi.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si les choses étaient

 17   illogiques ou s'il y avait une intention derrière ce pilonnage. Mais le

 18   fait est que c'est ce qui s'est passé, et la ville de Rogatica dont avaient

 19   besoin certaines personnes même par la suite a été complètement dévastée.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Vous avez dit que deux mosquées avaient été détruites, et je voudrais

 22   vous demander si l'une d'entre elles a été restaurée avec l'aide du

 23   gouvernement de la Republika Srpska et le gouvernement de Rogatica ?

 24   R.  Oui, je le sais.

 25   Q.  Bien, nous conviendrons que l'église catholique, même si les

 26   catholiques étaient très peu nombreux, est demeurée intacte ?

 27   R.  Oui, j'en conviens puisque j'ai passé deux ou trois mois à proximité de

 28   cette église au moment où les activités militaires avaient déjà commencé.


Page 19416

  1   L'église catholique a été peut-être touchée par quelques balles, mais elle

  2   n'a pas été pilonnée.

  3   Q.  Vous conviendrez que vous n'aviez peut-être pas une bonne connaissance,

  4   de bonnes informations sur les activités et les opérations de combat et la

  5   guerre menée à Rogatica, et que c'est peut-être pour cette raison que vous

  6   pensez qu'il n'y a pas eu de combats ?

  7   R.  Lorsque j'ai dit qu'il n'y avait pas eu de combats à Rogatica, je l'ai

  8   dit en toute connaissance de cause et sans tenir compte du fait que je ne

  9   savais pas ce qui se passait dans les environs de Rogatica. Je sais qu'à

 10   Rogatica les Musulmans ne tiraient pas puisqu'ils n'avaient aucune arme.

 11   Les Musulmans étaient restés en pensant que leurs voisins serbes ne leur

 12   porteraient pas préjudice. Je fais partie de ceux qui sont restés à

 13   Rogatica. Des Serbes et des Musulmans m'ont suggéré à plusieurs reprises

 14   que je devrais partir après le départ d'autres, mais j'ai décidé de rester

 15   parce que je ne pensais pas que quelqu'un me ferait le moindre mal. A

 16   Rogatica, il n'y avait pas d'activités militaires, en tout cas pas à

 17   l'endroit où je me trouvais, pas dans le secteur où j'étais, y compris le

 18   centre de la ville ainsi que toutes les villes telles que la mienne et les

 19   rues adjacentes.

 20   Q.  Ça ne ressort pas dans le compte rendu, ce que vous avez répondu sur le

 21   paragraphe 15, à savoir que vous aviez entendu dire qu'un paysan qui

 22   gardait son bétail avait été tué. Je vous avais dit un paysan serbe, et le

 23   mot serbe n'apparaît pas dans le compte rendu.

 24   R.  Oui, j'ai entendu effectivement qu'un berger -- un gardien de bétail

 25   avait été tué, un Serbe, mais comment, je ne le sais pas.

 26   Q.  Vous dites au paragraphe 39 ensuite, numéro 65 ter 08207 --

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'ailleurs, je ne suis pas tout à fait sûr que

 28   l'Accusation ait demandé le versement au dossier de ce document, mais ici


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  1   vous en avez parlé. Je demanderais à ce qu'on l'affiche à nouveau à

  2   l'écran. Je pense qu'on peut le diffuser.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est l'une des pièces dites

  4   connexes que nous avons versées au dossier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit maintenant de la pièce 3414.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est possible que ce soit une pièce connexe

  7   mais, en tout cas, elle n'a pas été affichée à l'écran.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, je vous demanderais de vous pencher sur ce rapport

 10   d'opération régulier et vous constaterez qu'au niveau des demandes qui sont

 11   faites, il est indiqué quelles sont les mêmes que chaque jour. Alors, est-

 12   ce que vous saviez que les brigades s'adressaient à leur commandement

 13   supérieur tous les jours par voie de rapport ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Mais vous commentez ce point au paragraphe 39 de votre déclaration, où

 16   vous dites également, que vous étiez un civil, qu'il n'y avait pas d'arme,

 17   et que les armes étaient en possession des Serbes.

 18   Alors je vous demanderais de vous pencher sur un certain nombre de points

 19   qui ont leur importance. Au premier paragraphe, il est indiqué que Kusic

 20   rend compte au commandement du Corps Sarajevo-Romanija en indiquant qu'un

 21   grand nombre de civils musulmans sont en train d'arriver en ville jour

 22   après jours, qu'il s'agit pour la plupart de femmes et d'enfants ainsi que

 23   de personnes non armées. Ces personnes trouvent à s'abriter dans le centre

 24   d'instruction secondaire.

 25   Je vous demande donc si cette école secondaire était bien l'école

 26   Veljko Vlahovic ?

 27   R.  Ce qui est indiqué dans le rapport est une chose, mais ce que j'ai vu,

 28   et ce qui pour moi est la vérité est autre chose. Ce nombre très important


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  1   de civils ne venaient pas pour s'abriter dans le centre d'instruction

  2   secondaire. Mais ces personnes ont été installées dans cette école suite à

  3   l'action menée par les soldats serbes et chetniks. Ils arrivaient là donc

  4   en qualité de prisonniers parce que --

  5   Q.  Bon. Mais est-ce qu'il existait deux écoles à Rogatica, ou une seule ?

  6   R.  S'agissant d'école seconde, il n'y en avait qu'une, mais il y avait

  7   aussi une école primaire dans laquelle on a aussi enfermé des civils.

  8   Q.  Regardez ce qui est écrit, que les snipers agissent à partir deux

  9   endroits dans la ville - ce document date du 11 juillet - que l'ennemi

 10   provoque la colonne qui progresse vers Gorazde, et vous verrez dans le

 11   paragraphe plus long qu'il est indiqué que certains agissent encore dans la

 12   ville que notre côté il n'y a pas eu de victime tant que cinq soldats amis

 13   n'ont pas été tués. La brigade tient les positions qui font face à

 14   l'ennemi. Il est indiqué qu'aucune mine n'a été utilisée ce jour-là mais un

 15   certain nombre de balles, et au niveau des demandes qui concluent le texte,

 16   il est indiqué quelles sont les mêmes que tous les jours.

 17   Donc vous constaterez qu'il est indiqué que la population quitte les

 18   villages pour se rendre dans la ville et qu'elle trouve à se loger dans

 19   l'école secondaire. Que les tireurs embusqués agissent dans la ville, qu'il

 20   y a des combats en ville, et qu'un certain nombre d'opérations y sont donc

 21   menées pendant que les unités elles sont déployées sur des positions

 22   diverses et que les hommes qui les composent sont épuisés. Est-ce que vous

 23   dites ici que dans la ville de Rogatica, aux environs du 11 juin, ainsi que

 24   dans les environs de la ville il n'y avait aucune position tenue par deux

 25   armées qui faisaient face ?

 26   R.  Je ne peux pas vraiment dire cela. Tout ce que je peux dire c'est que

 27   ce rapport ne rend pas compte fidèlement de la vérité telle qu'elle se

 28   présentait ce jour-là, du moins d'après ce que je peux expliquer moi-même


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  1   parce que à l'endroit où je me trouvais étant donné ce que j'ai vécu et ce

  2   que j'ai vu et entendu, c'est tout ce que je peux dire. Le 11 juin, donc

  3   déjà le deuxième ou le troisième jour de ma détention dans le camp, je ne

  4   pouvais pas savoir grand-chose sur tout cela mais je pouvais entendre les

  5   obus, le pilonnage sans merci de la ville. J'ai vu que -- on faisait des

  6   prisonniers qui devaient être interrogés dans le centre scolaire. Quant à

  7   ce rapport, je ne saurais vraiment rien n'en dire et je ne peux pas

  8   répondre à votre question parce que je n'en sais rien.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que vous vous penchiez sur le

 11   document 1D01113 à présent, donc je demande l'affichage. Document 1D01113.

 12   Bon, il est affiché.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors, je vous prierais de prêter attention à ce document. Il s'agit

 15   d'un bulletin relatant les événements quotidiens qui provient du ministère

 16   de l'Intérieur de la Republika Srpska. Nous y lisons, je cite :

 17   "En dépit de la trêve qui a été conclue les Musulmans ennemis entreprennent

 18   un certain nombre d'actions sur le territoire," et cetera, et cetera.

 19   Il est dit que, dans la ville de Rogatica, à partir du village de

 20   Zivaljevici, qui est habité uniquement par des Musulmans, une attaque a

 21   commencé à l'aide de tirs embusqués et de tirs de mortier contre les

 22   villages serbes environnants. Cela se passait le 6 mai, c'est-à-dire le

 23   jour de la Saint-Georges. Est-ce que vous convenez que Zivaljevici était un

 24   village musulman ? Est-ce que vous avez eu connaissance de cette attaque ?

 25   R.  Tout d'abord, je ne sais pas que Zivanovic est un village exclusivement

 26   musulman, et d'autre part s'agissant de l'attaque, comme je l'ai déjà dit,

 27   dans cette ville et ces environs, je n'ai pas su grand-chose des attaques

 28   qui ont marqué le début de la guerre ou de ce qui a pu se faire avant la


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  1   guerre, et cela ne m'intéressait pas d'ailleurs.

  2   Q.  Je vous remercie.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  4   document qui a un rapport direct avec les propos du témoin.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Zec.

  6   M. ZEC : [interprétation] Sur la base des réponses du témoin, je ne vois

  7   pas de fondement justifiant le versement.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, pouvez-vous nous aider

  9   sur ce point ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que nous pourrions tenter le

 11   versement au dossier de ce document par le truchement d'un autre témoin,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   J'aimerais que nous nous penchions un instant sur la pièce D572.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Prêtez attention, je vous prie, au deuxième paragraphe où il est

 18   indiqué que dans la ville de Rogatica et ses environs immédiats des

 19   attaques sont menées de façon très organisée tous les jours contre l'ennemi

 20   et elles sont repoussées de façon organisée également. Mais la brigade

 21   étant donné cette situation s'étire sur un front de grande longueur ce qui

 22   est une difficulté. Donc voilà les informations qui sont transmises dans ce

 23   rapport. Est-ce que vous saviez, Monsieur, que cette brigade - et il s'agit

 24   de la brigade de Kusic - est-ce que vous saviez qu'elle s'étirait sur une

 25   grande longueur et qu'elle avait de grandes difficultés à repousser les

 26   attaques ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Quelle est la distance entre Medjedja et Ustipraca par rapport à


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  1   Rogatica ?

  2   R.  Ustipraca est à 20 ou 25 kilomètres, et Medjedja est peut-être un peu

  3   plus loin à une trentaine de kilomètres, si je me souviens bien.

  4   Q.  Est-ce que vous saviez quelles étaient les armées ou quelle était

  5   l'armée déployée à Medjedja ou Ustipraca ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Si je vous disais que c'était l'armée musulmane qui a conservé ces

  8   positions très longtemps et est-ce que vous l'admettriez ?

  9   R.  Non. Parce que je ne sais pas pourquoi aujourd'hui cela m'intéressait

 10   davantage qu'à l'époque et pourquoi je devrais l'admettre aujourd'hui, pas

 11   plus ce rapport que -- parce que je ne connais pas le rapport. Je ne

 12   connais pas la situation, je ne peux pas tirer des conclusions sur la base

 13   de vos directives. Je pense que c'est absurde -- c'est absurde de discuter

 14   ce document avec moi.

 15   Q.  Merci. Mais ce n'est pas qui suis responsable de cela, c'est

 16   l'Accusation qui vous a mis dans la situation de devoir commenter des

 17   rapports de combat, car l'Accusation souhaite verser au dossier des

 18   rapports de combat, elle est donc tenue de vérifier auprès de vous ce que

 19   vous en savez, et je dois vérifier si vous êtes au courant réellement de la

 20   situation ou si vous avez appris ce que l'Accusation vous a demandé

 21   d'apprendre.

 22   R.  Ecoutez, Monsieur Karadzic, ne m'insultez pas. Personne ne m'a appris

 23   ce que je dois dire, et d'ailleurs dans toute ma vie personne ne

 24   m'apprendra ce que j'ai à dire. Je suis ici un homme égal à vous, un être

 25   humain, je n'ai pas de haine pour vous, mais je suis ici avec toute

 26   compétence nécessaire pour raconter ma douleur, pour raconter ce que j'ai

 27   vécu. J'ai vécu trois mois et demi de bombardement, dans ma maison, chez le

 28   voisin et au camp, et j'ai vécu au total 17 mois d'exactions de la part des


Page 19422

  1   soldats serbes, des policiers serbes et des forces volontaires chetniks

  2   venues de Serbie.

  3   Q.  Merci.

  4   R.  Alors n'ajoutez pas à cela une suggestion selon laquelle quelqu'un

  5   pourrait me souffler quoique ce soit, je vous en prie, ne me sous estimez

  6   pas.

  7   Q.  Merci. Non, ce n'est pas du tout mon intention. Ce que je voulais c'est

  8   vérifier auprès de vous ce qu'il en est des documents que l'Accusation vous

  9   a soumis. Au paragraphe 39 de votre déclaration, vous dites qu'il n'y a pas

 10   eu de résistance -- au paragraphe 36, et au paragraphe 39, on vous a parlé

 11   d'un rapport envoyé par M. Kusic à son commandement.

 12   Alors Monsieur, est-ce que vous avez jamais eu sous les yeux un

 13   rapport envoyé par M. Kusic à mon intention ?

 14   R.  Lui, ne m'en a jamais montré. Mais je pense que dans l'affaire

 15   Krajisnik, j'ai eu l'occasion de voir quelques documents mais quels étaient

 16   exactement ces documents, je ne sais le vraiment plus aujourd'hui. La seule

 17   chose que je sais, c'est que Rajko Kusic dans une discussion qu'il a eue

 18   avec moi m'a dit à plusieurs reprises qu'il devait envoyer un rapport à

 19   Pale et à vous, et à la direction militaire de la Republika Srpska.

 20   Q.  Vous avez fait votre service militaire, je vous demande donc si à

 21   cette époque-là, Rajko Kusic était bien un capitaine ?

 22   R.  Je ne sais pas, nous, nous devions nous adresser à lui en

 23   l'appelant Voïvode, maintenant quel était son grade, je n'en sais rien.

 24   Plus tard, c'était peut-être déjà en 1993, un de ses amis serbes qui

 25   parlait et j'ai surpris ce qu'il disait m'a permis d'apprendre qu'il avait

 26   le grade de capitaine ou de commandant, je n'en suis plus tout à fait sûr

 27   aujourd'hui.

 28   Q.  Merci. Avant la guerre, il était sans doute commandant.


Page 19423

  1   Conviendrez-vous puisque vous avez fait votre service militaire, qu'un

  2   capitaine et même un commandant et même un colonel, et même un général s'il

  3   n'est pas commandant de l'état-major principal ou président de la

  4   république, n'envoie de rapport qu'à son supérieur direct; est-ce que vous

  5   êtes au courant de cela ?

  6   R.  Dans l'armée populaire yougoslave, ce que vous venez de dire est

  7   tout à fait exact. Mais je parle de l'armée populaire yougoslave dans

  8   laquelle j'ai fait mon service, et qui avait une hiérarchie.

  9   Comment les choses se passaient au sien de l'armée de la Republika

 10   Srpska avec les Chetniks, les organisations paramilitaires pendant la

 11   guerre en Bosnie, qui exerçait le commandement, ça, on ne savait pas, et

 12   d'ailleurs cela ne m'intéressait pas.

 13   Q.  Merci. Au paragraphe 44 de votre déclaration écrite, vous dites que

 14   vous avez vu l'unité, les Unités d'Arkan dont il était connu qu'elles

 15   étaient déployées à Borike, et qu'à Mesici, vous avez vu le 5e Corps

 16   d'Uzice. Est-ce que vous avez vu personnellement ce corps d'Uzice et à quel

 17   moment, parce que vous dites que c'était à la mi-juin, n'est-ce pas, -- mi-

 18   juillet ?

 19   R.  J'ai dit que c'était le Corps d'Uzice, et d'après les nouvelles qui

 20   pouvaient parvenir dans le camp à cette époque-là, qui provenaient des gens

 21   que je connaissais qui étaient des Serbes, il est possible que cela ait été

 22   le Corps de Uzice. D'ailleurs, depuis l'école, j'ai vu des colonnes

 23   composées de camions, d'hommes, d'armement, et j'ai vu cela de mes yeux

 24   comme l'ont vu nombre des personnes qui étaient enfermées dans l'école.

 25   Pour répondre à votre question au sujet des Unités d'Arkan, je n'ai pas vu

 26   de mes yeux ce qui se passait à Borike, parce que je ne pouvais pas m'y

 27   rendre, mais c'est Rajko Kusic en personne qui m'a dit qu'il y avait 300

 28   hommes d'Arkan, les Aigles blancs à Borike, et qu'il me demandait d'essayer


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  1   de convaincre les gens qui étaient dans le camp de dire la vérité au moment

  2   où ils étaient interrogés. Car s'ils disaient le contraire de la vérité, eh

  3   bien, lui, allait ordonner aux hommes de Borike de lancer une action.

  4   Q.  Merci. Est-il exact que vous avez entendu les Serbes dire qu'ils

  5   devaient se retirer, qu'ils n'allaient pas rester longtemps dans le centre

  6   scolaire, et qu'ils attendaient simplement que les événements en cours

  7   s'achèvent pour partir ?

  8   R.  J'ai entendu que les bombardements ont duré plusieurs jours. Il y avait

  9   des véhicules militaires qui avaient des haut-parleurs et qui appelaient

 10   les Musulmans à sortir de leur maison, et à restituer leurs armes s'ils en

 11   possédaient, puis à se rendre à l'école. Voilà ce que j'ai entendu, et

 12   c'est avec une grande peur au ventre que j'ai pris le chemin de la place

 13   qui se trouve à une trentaine ou une cinquantaine de mètres de ma maison,

 14   dans la direction du centre-ville pour voir ce qui était en train de se

 15   passer, essayer d'apprendre quelque chose et décider de ce que j'allais

 16   faire.

 17   J'ai vu qu'il y avait plus de 1 000 Musulmans qui étaient regroupés là-bas,

 18   des gens qui n'avaient aucune arme, qui n'avaient pas d'arme à rendre à qui

 19   que ce soit parce qu'ils n'en avaient pas. Puis j'ai vu un blindé - je ne

 20   sais pas si c'était un char ou un autre blindé - mais, en tout cas, Zivojin

 21   Novakovic [phon] est sorti de ce blindé. Il nous a lu un texte dans lequel

 22   il était dit que nous avions le devoir de remettre nos armes, et que nous

 23   devions nous présenter au centre scolaire secondaire pour la suite de la

 24   procédure.

 25   Moi, je connaissais l'immeuble de l'école secondaire, et j'ai dit que même

 26   si nous y allions, nous n'aurions pas suffisamment de place pour y loger

 27   tous, et qu'il ne pouvait pas y avoir suffisamment à manger ou suffisamment

 28   d'espace ou suffisamment de lits pour nous abriter tous. Où est-ce que nous


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  1   allions faire la cuisine, où est-ce que nous allions manger ? Lui a répondu

  2   que tout cela n'allait durer que trois jours, après quoi, nous pourrions

  3   rentrer chez nous.

  4   Donc les quelques personnes qui m'entouraient et moi-même, nous

  5   sommes entendus avec Zivojin pour qu'il demande à la direction militaire

  6   serbe, pour qu'il dise à cette direction militaire serbe que nous qui

  7   étions là sur la place, nous étions prêts à accepter l'entrée des Serbes

  8   dans la ville pour que la police reprenne sa place, pour que le président

  9   de l'assemblée revienne à la mairie, pour que le drapeau serbe soit hissé,

 10   que nous étions prêts à reconnaître la République serbe, à condition

 11   seulement que cessent les bombardements et que nous puissions reprendre une

 12   vie normale, et nous étions à peu près 1 000 ou 2 000. Quand il a entendu

 13   cela, il a hoché du chef. J'ai vu qu'il était assez satisfait de ce que

 14   nous avions dit, et il a dit qu'il allait essayer d'obtenir cela. Mais

 15   après quelques instants, il est revenu et il nous a dit que cela était hors

 16   de question, qu'il avait reçu un ordre que tous les Musulmans devaient

 17   aller dans l'école secondaire.

 18   Q.  Merci. Vous parlez de cela dans les paragraphes 46 à 50, et dans

 19   quelques-uns de ces paragraphes vous dites qu'on vous a informé que vous

 20   alliez rester dans le bâtiment de l'école deux ou trois jours.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Merci. Mais au paragraphe 22, vous dites que 300 personnes ont été

 23   tuées. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez entendu dire, ou est-ce

 24   que vous avez la preuve qu'au cours des combats, 300 personnes ont été

 25   tuées à Rogatica ?

 26   R.  Je ne me rappelle pas quel était le jour mais je crois que c'était le

 27   19 juin, à peu près. Oui, je crois que c'était le 19 juin.

 28   Q.  Mais il est écrit juillet dans le texte.


Page 19426

  1   R.  Ah, juillet, peut-être. Enfin, moi, j'étais dans l'école secondaire, à

  2   ce moment-là, dans le bâtiment, et à un moment, il y a un soldat qui est

  3   entré dans l'immeuble que je n'ai pas reconnu. Il portait le couvre-chef

  4   typique serbe, la "subara", et il avait aussi l'insigne

  5   serbe sur la "subara". Quand il m'a vu, il a bondi sur moi et il m'a dit :

  6   Ah, tu es ici, je te cherchais, (expurgé)

  7   (expurgé)

  8   (expurgé)

  9   (expurgé) et à Gracanica, nous avons tué

 10   300 personnes, hommes, femmes et enfants, en une heure. Tekija, c'est la

 11   ville où j'habitais. Nous n'avons absolument pas fait attention à l'état de

 12   toutes ces personnes, nous les avons simplement tuées. Il avait des yeux

 13   injectés de sang. Moi, je n'ai rien répondu, je l'ai regardé. Je me

 14   demandais simplement si ces massacres allaient se poursuivre dans l'école.

 15   Voilà, et très peu de temps après, il est parti. Donc, cette nouvelle selon

 16   laquelle 300 personnes avaient été tuées, c'est Zeljko qui m'en a parlé.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Monsieur Zec, vous vouliez parler

 19   de la ligne 3 …

 20   M. ZEC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais il y a aussi

 21   d'autres lignes -- d'autres moments où le témoin a prononcé le nom de sa

 22   rue, mais ça n'a pas nécessairement été consigné au compte rendu.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne crois pas qu'il ait parlé de Gracanica et

 24   pourtant, je vois "Gracanica" dans le compte rendu.

 25   M. ZEC : [interprétation] Nous ne parlons pas de Gracanica ici mais de la

 26   rue dans laquelle il habitait. Le nom a été prononcé, page 54, ligne 3,

 27   mais il y a eu un deuxième moment où le témoin a prononcé ce nom et ça n'a

 28   pas été consigné au compte rendu en anglais.


Page 19427

  1   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète française : le témoin a bien parlé

  2   aussi de Gracanica.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  4   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Donc vous avez confirmé que vous les civils êtes restés trois mois et

  7   demi dans ce centre scolaire secondaire, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, à peu près pendant ce temps-là.

  9   Q.  Vous avez aussi confirmé que la prise de Rogatica a duré trois mois et

 10   demi, n'est-ce pas ?

 11   R.  C'est à peu près cela.

 12   Q.  Donc, lorsque l'armée serbe a pris le contrôle de Rogatica, les civils

 13   ont été libérés et certains prisonniers ont été interrogés à Rasadnik,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Non, ce n'est pas cela.

 16   Q.  Comment cela s'est-il passé ?

 17   R.  Rogatica a été prise par les forces de l'armée serbe, et d'ailleurs,

 18   pendant la prise de la ville en tant que telle, un grand nombre de civils

 19   qui étaient dans l'école secondaire a été transporté, en plusieurs voyages,

 20   dans diverses directions, et au moment où ces transports étaient organisés,

 21   les hommes étaient séparés des femmes et des enfants. Les hommes étaient

 22   emmenés dans une direction, les femmes et les enfants dans une autre. Pas

 23   mal de civils ont disparu de l'école secondaire pendant la nuit. On les

 24   emmenait quelque part pour subir un interrogatoire et ils ne revenaient

 25   pas.

 26   De sorte qu'à la fin des actions militaires menées à Rogatica, les civils

 27   de l'école secondaire ont été déménagés encore une fois. Je ne sais plus

 28   vous dire qui a été transporté ailleurs ou qui a été déménagé autrement.


Page 19428

  1   Q.  Merci. Est-ce que vous avez entendu parler d'Asim Hodzic, un vieux

  2   général musulman originaire de Rogatica ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Savez-vous qu'il était constamment en contact avec les autorités serbes

  5   et qu'il a conseillé à cinq villages environnants Rogatica de restituer

  6   leurs armes et qu'après cela, ces villages ont vécu en toute sécurité ?

  7   R.  Je ne sais pas.

  8   Q.  Vous avez dit vous-même que Tomislav Batinic était un homme modéré ?

  9   R.  Avant la guerre, oui.

 10   Q.  Avez-vous bien dit que pendant la guerre aussi, il apportait de l'aide

 11   humanitaire dans les villages musulmans, ce qui vous a poussé à penser que

 12   c'est parce qu'il avait aidé les Musulmans qu'il avait été remplacé à son

 13   poste par ses supérieurs ?

 14   R.  Je ne sais pas pourquoi il a été remplacé à son poste, mais ce que je

 15   sais, c'est que le frère d'un soldat qui était à bord du véhicule où se

 16   trouvait Tomo m'a raconté toute l'histoire -- enfin, il m'a dit ce qui

 17   s'était passé ce jour-là, et ce qui s'est passé, c'est que Tomislav Batinic

 18   et Radomir Cerovic conduisaient un camion, transportant du café, de

 19   l'huile, du sucre, de la farine, vers un village pour distribuer ces vivres

 20   aux Musulmans qui étaient restés dans le village. Cela s'est passé sans

 21   doute deux ou trois fois, et Radomir Cerovic ainsi que Tomislav Batinic ont

 22   été appelés par Kusic à ne plus agir de la sorte, et on leur a dit qu'on

 23   allait les renvoyer s'ils continuent à le faire. Donc, une fois qu'ils

 24   étaient allés apporter une aide à un village, sur le chemin du retour, ils

 25   ont sauté sur une mine qui a provoqué la mort de Cerovic et qui a causé la

 26   cécité de Tomo, parce qu'il a reçu des éclats sur le visage. Maintenant,

 27   est-ce qu'il a été remplacé à son poste à cause de ça ou pas, je n'en sais

 28   rien.


Page 19429

  1   Q.  Si je vous dis qu'après la guerre, il a été candidat sur la liste du

  2   SDS, et que tant qu'il l'a voulu il a été candidat et élu, d'ailleurs, au

  3   poste de président de l'assemblée, est-ce que vous l'admettriez ?

  4   R.  J'ai entendu dire qu'après la guerre, il a présidé la municipalité,

  5   oui.

  6   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous connaissez la situation suivante : un

  7   jour, les villageois de Satorovici, des Musulmans, sont venus à l'école

  8   secondaire. Ils y venaient chaque fois qu'il y avait des combats, et puis

  9   ils rentraient chez eux pour prendre un bain et se nourrir, et restaient à

 10   l'école secondaire chaque fois qu'ils le jugeaient nécessaire.

 11   R.  Non, et ce n'est pas vrai.

 12   Q.  Très bien. C'est ce qu'un témoin a dit ici, un Musulman.

 13   R.  Cela ne m'intéresse pas. Je sais ce que je sais parce que j'étais là-

 14   bas et cela ne s'est pas passé. Personne n'avait le droit de quitter

 15   l'école secondaire sans être accompagné par un soldat serbe ou un

 16   paramilitaire serbe, et personne ne pouvait entrer dans le centre scolaire

 17   sans être accompagné d'un soldat ou d'un paramilitaire serbe non plus.

 18   Voilà ce qui est la vérité.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D4297.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Examinez ceci. Un instant, s'il vous plaît.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Deuxième page. Je demanderais l'affichage de la

 23   deuxième page. Il s'agit d'une déclaration faite par une autre personne.

 24   Nous n'allons pas en demander le versement au dossier. Voyons simplement ce

 25   que dit cette personne à propos de ce dont nous parlons. Deuxième

 26   paragraphe. C'est en page 2 de l'anglais, au cours de la période du 8 juin

 27   au 24 juillet; voyez-vous ce paragraphe ? "Nous n'avons pas eu de problème

 28   --" L'avez-vous retrouvé en serbe ?


Page 19430

  1   R.  Non, je ne le trouve pas.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on affiche la

  3   première page en serbe, c'est peut-être là que se trouve ce paragraphe.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  "Au cours de la période --" c'est ainsi que commence ce paragraphe.

  6   R.  Oui, ça y est, troisième paragraphe.

  7   Q.  Donc :

  8   "Au cours de la période du 8 juin au 24 juillet, nous n'avons pas eu

  9   de problèmes, ni moi-même ni ma famille. Nous étions tous ensemble dans une

 10   salle de classe. Tous les 15 jours, nous recevions de petites quantités de

 11   nourriture. Au cours de cette période, j'ai été autorisé à rentrer chez

 12   nous pour y récupérer de quoi manger et de quoi nous habiller. Les autres

 13   prisonniers ont été autorisés à faire de même, mais seuls ceux qui vivaient

 14   aux alentours de l'école," et cetera, et cetera.

 15   Voyez-vous donc que ceux qui étaient venus d'ailleurs avaient eu

 16   l'autorisation de sortir et que ceci était vrai d'autres personnes,

 17   d'autres prisonniers également ?

 18   R.  Non, non. C'est un cas unique. C'est le seul cas où cette femme a

 19   bénéficié d'un "privilège," et elle a pu se rendre de temps en temps chez

 20   elle, mais jamais seule, toujours accompagnée de Kovacevic, du soldat serbe

 21   qui avait un lien particulier avec cette femme dont j'ignore la nature.

 22   Mais il est vrai qu'elle habitait avec les autres membres de sa famille

 23   dans une salle, une pièce extrêmement petite entre la salle des professeurs

 24   et une salle de classe. Il y avait une espèce de cagibi [phon] où les

 25   professeurs laissaient leurs livres, une pièce qui faisait 2 mètres sur 3

 26   peut-être, et c'est là donc que se trouvait elle-même, cette femme et sa

 27   famille, dans cette pièce. C'est vrai que, de temps en temps, M. Kovacevic

 28   lui apportait de la nourriture, Kovacevic était un soldat qui s'occupait


Page 19431

  1   d'elle. Pourquoi ? Je n'en sais rien parce que cela ne m'intéressait pas.

  2   Q.  Mais n'a-t-elle pas dit que ce Kovacevic était un collègue de son mari,

  3   et n'a-t-elle pas dit non plus que d'autres familles bénéficient des mêmes

  4   possibilités ?

  5   R.  Non, non. Seule elle en bénéficiait. Evidemment, il faudra lui demander

  6   ce qu'elle a dit, mais je sais ce que je sais. J'étais dans une salle qui

  7   se trouvait à proximité de la sienne et j'y étais avec ma famille et 40

  8   autres personnes dans la salle des professeurs. C'est là que nous étions.

  9   Tous les jours, nous nous rencontrions dans le couloir, parfois nous

 10   échangions un mot ou deux, mais très rarement. Elle essayait de ne pas trop

 11   nous parler parce que quasiment tous les jours elle recevait la visite de

 12   ce Kovacevic ou d'autres soldats. Je ne peux donc pas entrer dans le détail

 13   de sa déclaration. Je ne pense pas que ceci était le cas de toutes les

 14   autres familles qui se trouvaient là parce que d'autres familles ne

 15   bénéficiaient pas des mêmes privilèges.

 16   Q.  Merci. Au paragraphe 67, avez-vous dit que l'on vous a interrogé sur

 17   votre poste de radio et sur les membres de votre famille, qui faisaient

 18   partie de l'armée musulmane ? N'étaient-ce pas là les questions qui vous

 19   ont été posées dans votre interrogatoire ?

 20   R.  Je ne sais pas. Puisque vous en parlez, un jour, deux soldats sont

 21   venus. Je ne les connaissais pas. L'un d'entre eux a dit mon nom, il m'a

 22   trouvé et il m'a montré une grande photo prise lors d'une remise de diplôme

 23   à la fin du lycée, et il m'a demandé le nom d'une des personnes que l'on

 24   voyait sur cette photo, l'un des professeurs, mais je ne connaissais que

 25   très peu de professeurs de Rogatica puisque j'avais passé beaucoup de temps

 26   hors de Rogatica. Je suis revenu à la veille de la guerre, donc je ne

 27   connaissais pas ces professeurs. Ensuite il m'a dit de dire la vérité, ils

 28   m'ont emmené au sous-sol où j'ai été frappé. Deux hommes de Pancevo, Noka


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  1   et Kosa, c'est ainsi qu'on les surnommait, ont procédé à mon

  2   interrogatoire. Je n'ai jamais su quels étaient leurs vrais noms, je n'ai

  3   pas vraiment cherché à l'apprendre non plus.

  4   Q.  A quelle unité appartenaient-ils ? Les Aigles blancs, d'autres ?

  5   R.  Je ne sais pas. Noka avait un petit couvre-chef rouge et il portait un

  6   uniforme de camouflage. L'autre en fait il portait des vêtements civils, je

  7   sais qu'il avait des baskets, des jeans et une veste militaire et il

  8   boitait.

  9   Q.  Merci. Au paragraphe 72, vous dites qu'une personne se vantait du

 10   nombre de personnes qu'ils avaient violées, n'est-ce pas ?

 11   R.  C'est exact.

 12   Q.  Toutefois, vous ne savez pas ce qu'il avait fait, vous n'avez fait

 13   qu'entendre ce qu'il avait à dire, n'est-ce pas ?

 14   R.  J'ai dit, dans ma déclaration, ce qu'il m'avait dit.

 15   Q.  Merci.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on passer en audience à huis clos pour une

 17   minute seulement, ou huis clos partiel ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 19   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Au paragraphe 87, avez-vous dit que vous n'avez pas vu de personnes

 21   être tuées au camp, mais que vous avez vu certaines personnes être emmenées

 22   hors du camp, que vous avez entendu des tirs et que ces gens ne sont jamais

 23   revenus; c'est bien exact ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Sauf votre respect, Monsieur le Témoin, dans quasiment toutes les

 26   dépositions on trouve cette phrase. Comment l'expliquez-vous ?

 27   R.  Je ne sais pas. Je n'ai aucun contact avec qui que ce soit, et ce,

 28   depuis 16 ans déjà. Je suis contraint de vivre ma propre vie, et j'essaie


Page 19434

  1   avec mes photos. Mais je ne suis plus en contact avec qui que ce soit, et

  2   cela ne m'intéresse pas du tout.

  3   Q.  Vous avez dit également qu'une personne avait dit, Tu n'auras plus

  4   besoin d'un manteau là où tu vas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  Savez-vous que cette phrase revient souvent dans les dépositions de

  7   Musulmans ?

  8   R.  Probablement, parce que lorsque cela est arrivé j'étais à la porte,

  9   lorsque Ljubinac, ce soldat, a demandé à Mujo de le suivre. Mais derrière

 10   mon dos, il y avait un certain nombre de prisonniers, et sans doute que

 11   d'autres que moi l'ont entendu également.

 12   Q.  Merci. Mais je ne parle pas de témoins de Rogatica, je parle de témoins

 13   venus de toutes parts. Cette phrase revient constamment. Ils étaient

 14   emmenés hors de l'endroit où ils se trouvaient, des tirs étaient entendus,

 15   et ils n'en revenaient pas. Alors, qu'avez-vous en commun, le bureau du

 16   Procureur et seulement le bureau du Procureur ?

 17   R.  Monsieur, s'il vous plaît.

 18   Q.  Très bien. Très bien. En audience publique, vous avez parlé de torture

 19   et de viol. Qui avait connaissance que ceci se produisait ? Où ceci avait-

 20   il lieu ? Qui en était le témoin ?

 21   R.  Toute la police serbe de Rogatica était au courant. Tout le

 22   commandement de l'armée était au courant, des Chetniks, et l'armée serbe,

 23   parce que de très nombreux membres participaient à de tels actes. Il

 24   n'était donc même pas nécessaire d'en parler et ça n'a pas été le cas

 25   puisque je suppose que tout le monde, ou quasiment tout le monde était

 26   impliqué. Trois mois c'est long. Trois mois et demi c'est très long, et ma

 27   douleur la plus profonde vient du fait que tant d'amis et tant de

 28   connaissances que j'avais à l'époque ont terni inutilement leur réputation.


Page 19435

  1   Q.  Vous étiez ami avec M. Kusic, lui avez-vous raconté ce qui vous était

  2   arrivé, ce qui vous arrivait à l'époque ?

  3   R.  Je n'ai pas eu l'occasion de le faire parce qu'il évitait tout contact

  4   avec moi lorsque ces mauvais traitements ont commencé à m'être infligés. Il

  5   évitait tout contact avec moi. Nous nous sommes vus au début à deux

  6   reprises, et une fois dans le groupe à l'école. En ce qui concerne ses

  7   autres visites, elles ne l'ont pas emmené vers moi. Je m'y attendais.

  8   J'avais demandé à son chauffeur, un autre bon ami à moi, d'organiser une

  9   rencontre pour que je puisse lui dire quelques mots. Toutefois, il n'a

 10   jamais répondu. Il ne voulait pas simplement.

 11   Q.  Merci. Au paragraphe 90, dites-vous que vous étiez à trois mètres de

 12   lui lorsque vous l'avez entendu dire qu'il avait été retardé dans son

 13   nettoyage de Rogatica ?

 14   R.  Oui, c'est ce qu'il nous a dit. Nous étions environ 200 dans la salle

 15   de classe parce qu'ils étaient en train de se préparer une action

 16   particulière et ils nous avaient entassés tous dans une seule salle de

 17   classe. Je ne sais pas très bien ce qu'ils comptaient faire dans le cadre

 18   de cette opération. Très brièvement, il nous a parlé de nos interrogatoires

 19   avec la police ou avec l'armée. Je dois dire qu'il nous provoquait et à un

 20   moment donné très brièvement il s'est adressé à moi en me disant que je

 21   devais m'attendre au même sort qu'il était possible que mon fils qui avait

 22   13 ans à l'époque soit mobilisé et qu'il défende l'identité serbe, la

 23   serbité [phon].

 24   Q.  Un seul Musulman a-t-il été mobilisé ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'heure est venue de conclure votre

 26   contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que vous m'informiez

 28   lorsqu'il ne me reste plus que dix minutes ceci m'aurait permis de passer à


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  1   d'autres documents. Mais le temps qui me reste est trop limité, il y a 110

  2   paragraphes, cela fait trop peu de temps.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle la Chambre

  4   a autorisé votre commis à l'affaire à être présent dans ce prétoire.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais à ma connaissance, l'Accusation --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il vous reste trois minutes.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur le Témoin, avez-vous informé qui que ce soit de ce qui vous

  9   était arrivé parmi les Serbes ?

 10   R.  Je n'ai pas eu l'occasion de le faire. Une fois, M. Tomislav Batinic

 11   est venu visiter le camp. J'ai essayé de lui parler de tout cela, il a

 12  baissé la tête et il m'a dit en quelques mots : (expurgé) c'est trop tard, vous

 13   allez tous être tués.

 14   Q.  Deuxième point. Est-il exact que vous avez été considéré comme étant

 15   privilégié par les Serbes et que de nombreux Musulmans étaient jaloux de

 16   vous du fait du traitement qui vous était réservé ?

 17   R.  Je ne sais pas où vous avez trouvé cette information. Lorsque toute la

 18   famille a été violée pendant trois mois et demi, a souffert, violée,

 19   frappée, si ça c'est un traitement de faveur, alors je me demande bien qui

 20   a pu vous donner ces informations.

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on voie cette

 23   déclaration à l'écran.

 24   M. ZEC : [interprétation] Monsieur le Président, page 64, ligne 8, le

 25   témoin a prononcé un nom qui doit être expurgé.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D4296, je demanderais à ce que ce document

 28   soit affiché à l'écran, s'il vous plaît. Je pense qu'il s'agit d'un


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  1   document qui a été versé en application de l'article 92 ter ou 92 quater.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Voyez ce document. A Rogatica - et je demanderais à ce que ce document

  4   n'apparaisse pas à l'extérieur du prétoire - avec un statut privilégié

  5   reste dans le camp, on trouve un nom avec une famille, et ensuite un autre

  6   nom avec la famille. Il y est dit que la première personne souffrait d'une

  7   hernie et qu'elle ne quittait jamais la maison, (expurgé)

  8   sortait assez librement.

  9   Qu'avez-vous à en dire ?

 10   R.  Monsieur Karadzic, je n'avais pas d'hernie. Mes voisins de Donje Polje,

 11   Nedo -- Nedovic Dank [phon] -- pardon, et Mackenzie, je ne me souviens plus

 12   de son nom, c'était son surnom, ainsi que Fedjo Planincic [phon] m'ont

 13   frappé à tel point que je ne pouvais même plus aller travailler, et à ma

 14   place, ils ont emmené mon fils, mon fils de 13 ans qui était en train

 15   d'aider à bâtir -- des nids de tireurs embusqués à Rogatica. Il

 16   l'ensevelissait des cadavres à Rogatica et il a fait tout ce qu'il a fait,

 17   et finalement, lorsqu'il a subi des sévices -- il a subi, pardon, des

 18   sévices sexuels et ma femme ne bénéficiait pas d'une liberté de mouvement.

 19   Elle était toujours accompagnée de soldats serbes. Elle faisait du travail,

 20   lequel, je ne sais pas, je n'ai jamais voulu lui demander.

 21   M. ZEC : [interprétation] Monsieur le Président, page 65, ligne 6, un autre

 22   doit être expurgé.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Zec.

 24   C'était votre dernière question, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un dernier document qui vient corroborer ceci.

 26   C'était la première déclaration d'Alija Zivakovic [phon]. Je crois que

 27   c'est un document qui a été présenté en application de l'article 92 ter,

 28   car d'autres documents liés à ce témoin, Alija Zivakovic, ont été versées


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  1   au dossier en application de l'article 92 ter. Si ce n'est pas le cas,

  2   alors qu'on en tienne compte. Mais je demanderais l'autorisation de voir

  3   s'afficher à l'écran le document 1D4295 sans diffusion à l'extérieur du

  4   prétoire encore une fois.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera votre dernière question,

  6   Monsieur Karadzic. Comme vous le savez sans doute il n'existe pas de

  7   fondement suffisant pour admettre au dossier la dernière déclaration

  8   présentée par vous celle de Fatima Jasenkovic [phon].

  9   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien entendu.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc ce document est rejeté.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. Mais voyons la page 5. Voyons ce qui

 12   est écrit à ce niveau. J'aimerais soumettre ce passage au témoin. Nous

 13   n'avons pas obligation de demander le versement au dossier. Pas de

 14   diffusion vers l'extérieur du prétoire, je vous prie. La page qui

 15   m'intéresse c'est celle dont le numéro ERN se termine par 514. Est-ce qu'on

 16   peut montrer le numéro ERN à l'écran ? Moi, j'ai comme numéro ERN 08554,

 17   donc ça ne correspond pas, à mon avis. Pasic, Miljho; un certain Zijko;

 18   Alija Isakovic; Nadelj ISakovic; Faruk Isakovic; Borovac; c'est-à-dire

 19   toutes les personnes qui ont fait acte de loyauté vis-à-vis du pouvoir

 20   serbe ont été mises à l'abri dans le centre scolaire, et votre nom ainsi

 21   que le nom de votre famille sont mentionnés dans cette liste. Voilà ce qui

 22   figure dans ce passage.

 23   Est-ce que les Musulmans vous ont accusé d'avoir bénéficié de privilèges et

 24   d'avoir été à l'abri par rapport aux actions des soldats serbes; oui ou non

 25   ?

 26   R.  Non. La majorité de ces Musulmans qui habitaient à Rogatica savait que

 27   j'étais un ami très proche de Rajko, alors certain ont peut-être pu penser

 28   telle ou telle chose, mais c'était absurde.


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  1   Q.  Merci.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je n'ai pas plus de temps, je me dois de

  3   dire pour consignation au compte rendu d'audience que je le regrette. Je

  4   regrette de ne pas disposer de davantage de temps pour préciser ce que le

  5   témoin a vu de ses yeux et entendu personnellement et déterminer également

  6   qui savait quoi exactement.

  7   La page qui était à l'écran n'était pas la page que je demandais. La

  8   page que je demandais était la page dont le numéro ERN est 088514.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais alors c'est peut-être un autre

 10   document dont vous parlez.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais le nom prononcé correspond, Fatima

 12   Jasenkovic, effectivement.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est à vous d'organiser la façon dont

 14   vous présentez vos moyens de Défense. Ce sera tout, Monsieur Karadzic.

 15   Monsieur Zec, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?

 16   M. ZEC : [interprétation] Une brève question seulement, Monsieur le

 17   Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie.

 19   Nouvel interrogatoire par M. Zec :

 20   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, en page 44 du compte rendu de

 21   l'audience d'aujourd'hui, le Dr Karadzic vous a dit que l'une des mosquées

 22   de Rogatica a été reconstruite avec l'aide du gouvernement de la Republika

 23   Srpska. Ligne 68. En page 44, ligne 9, vous dites : "Je sais cela."

 24   J'aimerais que vous nous donniez la date de la reconstruction de cette

 25   mosquée, si vous la connaissez. Au moins l'année.

 26   R.  Je ne connais pas la date ou l'année de la reconstruction de cette

 27   mosquée, et je ne suis pas sûr à 100 % que ceci ait été fait par le

 28   gouvernement de la Republika Srpska. J'ai dit dans ma réponse initiale que


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  1   j'étais au courant de cela.

  2   Q.  Mais, à votre avis, la mosquée a-t-elle été reconstruite pendant la

  3   guerre ou après la guerre ?

  4   R.  Pas mal de temps après la guerre.

  5   Q.  Merci.

  6   M. ZEC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin. Monsieur,

  9   ceci met un point final à votre déposition. Au nom de mes collègues de la

 10   Chambre de première instance ainsi qu'au nom du Tribunal dans son ensemble,

 11   je tiens à vous remercier d'être venu à La Haye pour témoigner, nonobstant

 12   la difficulté qui caractérise votre situation personnelle. Vous pouvez

 13   maintenant vous retirer.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 15   [Le témoin se retire]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va suspendre ses travaux

 17   pendant 40 minutes. Mais avant cela, il y a deux questions à traiter

 18   rapidement.

 19   Monsieur Tieger, s'agissant de votre requête en vue d'autorisation de

 20   réponse à un témoignage par vidéoconférence, étant donné que la Chambre

 21   connaît bien la jurisprudence en la matière, elle ne nécessite pas de

 22   réponse de la part de l'Accusation.

 23   Enfin, Maître Robinson, par rapport à votre requête en vue d'émission

 24   d'injonctions contraignantes destinées à la Bosnie-Herzégovine, requête qui

 25   date du 31 août 2009, cette requête n'a pas encore fait l'objet d'une

 26   décision de la part de la Chambre. Je crois savoir que vous avez rencontré

 27   le général Delic, Sead Delic, et la Chambre aimerait donc savoir si vous

 28   pourriez nous donner des informations plus récentes au sujet de votre


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  1   entretien avec le général de brigade Brdjanovic ainsi que si vous pouvez

  2   nous dire si l'entretien que vous avez eu avec le général Delic peut avoir

  3   la moindre incidence sur cette injonction contraignante.

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

  5   Président. L'entretien avec le général Delic met un point final à

  6   l'obligation qui est celle du gouvernement de Bosnie-Herzégovine par

  7   rapport à cette requête. S'agissant de Brdjanovic, je peux dire aux Juges

  8   de la Chambre que, si je peux le rencontrer et terminer l'entretien avec

  9   lui, nous retirerons l'injonction contraignante intégralement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Robinson.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président,

 12   j'aimerais évoquer une question, si vous me le permettez.

 13   Nous voudrions demander qu'il y ait reclassement de la déposition à huis

 14   clos partiel qui a eu lieu le 19 septembre pendant la déposition du Témoin

 15   KDZ-075. Nous demandons que la page 19 055, ligne 23, jusqu'à la page 19

 16   058, ligne 19, soient reclassées en tant que document public. L'Accusation

 17   nous a fait savoir qu'elle ne s'y opposait pas.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, ce sera fait. Donc demande

 19   accordée.

 20   Nous allons faire une pause de 40 minutes.

 21   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, j'ai presque oublié de dire que la

 23   partie du compte rendu ayant un rapport avec la vidéo sera également rendue

 24   publique.

 25   Nous reprenons donc nos débats à 13 heures 50.

 26   --- L'audience est suspendue à 13 heures 12.

 27   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 28   [Audience à huis clos]


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 13  Pages 19442-19463 expurgées. Audience à huis clos.

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   --- L'audience est levée à 15 heures 02 et reprendra le mardi 27

  5   septembre 2011, à 14 heures 15.

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