Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 24 novembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Monsieur Nicholls.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, pourrions-

  9   nous passer quelques instants à huis clos partiel. Il n'est pas nécessaire

 10   de faire sortir le témoin. Je souhaite simplement porter à votre attention

 11   une question qui n'a rien à voir avec le présent témoin.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvons-nous passer brièvement à huis

 13   clos partiel.

 14   [Audience à huis clos partiel]

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26   [Audience publique]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Brown.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellence.

  3   Bonjour à tous.

  4   LE TÉMOIN : EWAN BROWN [Reprise]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   Contre-interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Brown.

  8   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je souhaiterais simplement

 10   m'adresser à vous pour commencer très brièvement. Pour commencer, je compte

 11   sur votre compréhension, même pour un professionnel, interroger trois

 12   témoins en une seule journée ce serait beaucoup a fortiori pour un amateur.

 13   Donc je demande à ne pas avoir à interroger un troisième témoin

 14   aujourd'hui. Si bien que cela nous permettrait peut-être d'économiser un

 15   peu de temps. Et je souhaiterais que l'on puisse réallouer ce temps au

 16   témoin qui est maintenant dans le prétoire. Deuxièmement, concernant ce

 17   rapport il comporte 500 paragraphes, moi, on m'a accordé 480 minutes. Donc

 18   même si M. Brown avait répondu par oui ou par non, je n'aurais pas eu la

 19   possibilité de couvrir l'ensemble de ce contenu. C'est pourquoi je vais

 20   devoir passer très rapidement sur tous ces chapitres et ces paragraphes en

 21   extrayant de façon assez parcimonieuse un exemple ou un sujet par-ci, par-

 22   là parce que je n'ai pas d'autre choix. Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste pour être très clair, quel est le

 24   troisième témoin dont vous parlez ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, je pense qu'un troisième témoin est

 26   prévu si jamais nous en finissons avec le Témoin KDZ039.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre en

 28   considération votre demande.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Brown, je vais maintenant vous poser des questions qui se

  4   limiteront à celles pour lesquelles --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger…

  8   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre a décidé de faire droit à la

 10   demande de l'accusé, qui semble plutôt justifiée. Donc, si vous retenez le

 11   dernier témoin prévu pour aujourd'hui, en fait, vous pourriez le libérer.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   Nous allons siéger également cinq jours la semaine prochaine.

 15   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Brown, je vais vous interroger concernant ce sur quoi vous

 18   vous êtes fondé dans votre travail, et vous pourriez toujours répondre par

 19   oui ou par non. Alors, au paragraphe 2.73, vous avez abordé les similitudes

 20   et le modèle de comportement du 1er Corps de Krajina dans les municipalités

 21   de la Krajina. Avez-vous déterminé dans quelles municipalités de Krajina il

 22   ne s'est rien passé et dans quelles municipalités de Krajina il ne s'est

 23   rien produit qui soit comparable avec le modèle que vous évoquez ?

 24   R.  Eh bien, concernant les opérations de désarmement que nous avons

 25   examinées au cours de ces derniers jours, j'ai certainement observé des

 26   similitudes entre les municipalités de Prijedor, Sanski Most, Novi, Kljuc,

 27   Kotor Varos, même si les événements s'y sont produits un peu plus tard dans

 28   cette dernière municipalité. Il y avait des mouvements sortants, c'est ce


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  1   que j'observe à partir des documents, et ce, à Banja Luka, bien qu'il y ait

  2   pas eu le type d'attaques que j'ai pu relever dans d'autres municipalités.

  3   Une des complications possibles était que la zone de responsabilité du 1er

  4   Corps de Krajina s'étendait --

  5   Q.  Excusez-moi, mais ce que je vous demande, c'est simplement de me dire

  6   si vous avez pu relever dans combien de municipalités il ne s'est rien

  7   produit et dans combien de municipalités il ne s'est produit rien de

  8   significatif, en tout cas, ce qui s'est produit était plus anodin, disons.

  9   Et troisièmement, dans combien de municipalités le modèle que vous mettez

 10   en avant était applicable. Ou bien l'avez-vous appliqué à toutes les

 11   municipalités ?

 12  R.  Eh bien, je vous disais que l'une des difficultés que rencontrait le 1er

 13   Corps était que sa zone de responsabilité s'étendait à l'été 1992. Donc, la

 14   situation des municipalités situées dans le corridor était quelque peu

 15   différente de celle que je viens juste d'évoquer. Et pour revenir au

 16   rapport d'analyse sur le degré de préparation au combat, il y était indiqué

 17   qu'en substance il y avait deux phases : une première phase au cours de

 18   laquelle le contrôle des municipalités a été consolidé, sécurisé, et une

 19   seconde phase au cours de laquelle des opérations de plus grande envergure

 20   avaient lieu. Il y avait des documents émanant de certaines municipalités

 21   dans lesquelles ce schéma ne s'appliquait pas nécessairement.

 22   Q.  Je vous remercie. Alors, que penserez-vous si je vous dis qu'ici même

 23   un témoin appartenant au groupe ethnique musulman a déclaré il y a quelques

 24   jours que là où ils étaient moins de 50 % de la population, il n'y avait

 25   aucun problème, alors que là où ils étaient environ 50 %, c'est-à-dire

 26   Kljuc, Sanski Most, Prijedor, il y avait des problèmes ? Qu'en pensez-vous

 27   ? Il a énuméré les municipalités dans lesquelles il n'y avait eu aucun

 28   problème.


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  1   R.  Et de quelles municipalités ce témoin parlait-il, Monsieur Karadzic ?

  2   Q.  Monsieur, si vous êtes d'accord, dans la Krajina de Banja Luka, il y

  3   avait 17 municipalités. Si l'on y ajoute les municipalités du corridor,

  4   Derventa, Doboj, et cetera, nous obtenons un chiffre de plus de 20

  5   municipalités. Mais dans le premier groupe, celui des 17 municipalités,

  6   avant l'extension de la zone de responsabilité du 1er Corps de Krajina,

  7   votre modèle était-il applicable à l'ensemble de ces 17 municipalités, est-

  8   ce que vous avez calculé dans combien de municipalités il n'y avait

  9   absolument aucun problème et dans combien de municipalités on a constaté

 10   des problèmes d'une gravité moindre, et cetera ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Ce n'est pas une

 13   objection. Mais pourrions-nous avoir une citation pour le témoin, citation

 14   de la page à laquelle se réfère notamment M. Karadzic. Enfin, la référence,

 15   plutôt, que fait M. Karadzic à la page précédente, ligne 20 du compte

 16   rendu. Cela pourra nous être communiqué plus tard, mais je pensais au

 17   témoin.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 19   Monsieur Brown.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr quant à la question de

 21   savoir si l'ensemble de ces 17 municipalités étaient comprises dans la zone

 22   du 1er Corps de la Krajina. Je devrai vérifier cela. J'ai procédé à un

 23   échantillonnage dans cette zone de responsabilité du 1er Corps de la

 24   Krajina. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous voulez dire lorsque

 25   vous parlez d'événements de gravité moindre ou d'un modèle atténué. Ce que

 26   je sais, c'est que dans les municipalités que j'ai étudiées, on a une

 27   correspondance certaine avec le modèle, celui des opérations de désarmement

 28   et de prise de contrôle. Il est possible que dans certaines des autres


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  1   municipalités où les Serbes représentaient une majorité importante, il n'y

  2   avait pas de besoin d'appliquer ce schéma précis, en tout cas pas de façon

  3   stricte, mais même dans les municipalités comme Celinac, par exemple, où je

  4   crois que les Musulmans étaient peu nombreux, peut-être 10 % ou un peu

  5   moins de 20 %, on trouve des références dans la documentation du 1er Corps

  6   de la Krajina à des opérations et des attaques, et nous en avons parlé.

  7   Donc, il est bien possible qu'il y ait eu des différences dans certaines

  8   municipalités à cause de la composition ethnique, mais il y avait le même

  9   désir de contrôle de ces territoires et municipalités dans la zone couverte

 10   par la RAK.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Merci. Mais je vais vous rappeler qu'à Celinac, il n'y avait pas

 13   d'opérations. Il y avait des incidents, dans le village de Bastasi. Est-ce

 14   que vous conviendrez qu'il n'y a eu d'opérations que dans les municipalités

 15   où il y avait les forces armées musulmanes, là où elles avaient commencé en

 16   tuant des Serbes, et ce, en profondeur sur le territoire couvert par les

 17   forces serbes; oui ou non ?

 18   R.  Non. Je ne conviens pas de cette caractérisation.

 19   Q.  Je vous remercie. Si je vous dis que nous avons 17 municipalités plus

 20   quatre ou cinq dans le corridor et qu'on arrive à 22 ou 23 municipalités en

 21   tout qui se trouvent dans la zone couverte par le Corps de la Krajina alors

 22   que vous, par ailleurs, vous n'êtes capable d'énumérer que quatre ou cinq

 23   municipalités qui correspondent à votre modèle dans la vallée de la Sava,

 24   que diriez-vous ? Il s'agit de Kljuc, Sanski Most, Prijedor et Novi, qui

 25   étaient dans la vallée de la Sana, objectifs stratégiques du 5e Corps

 26   musulman de Bihac. Ça nous a été confirmé par un témoin musulman. Alors,

 27   est-ce que vous reconnaissez cela ou bien continuez-vous à affirmer que

 28   quelle que soit la concentration de la population musulmane, quelle que


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  1   soit la municipalité, ce sont les Serbes qui ont attaqué ?

  2   R.  Monsieur Karadzic, je ne défendrai pas cette position sur la base des

  3   documents que j'ai étudiés. Ce n'était pas un rapport chargé d'examiner

  4   chaque municipalité individuelle et chaque localité peuplée de Serbes dans

  5   cette zone. Ce que je peux dire certainement, c'est qu'au mois de mai et au

  6   mois de juin, les municipalités que j'ai étudiées et pour lesquelles j'ai

  7   disposé d'un grand nombre de documents du 1er Corps de Krajina sont des

  8   municipalités dans lesquelles on a assisté à ce type d'attaques, et on a vu

  9   également un très grand nombre de personnes quitter ces municipalités au

 10   cours des semaines et des mois suivants. Le corridor représente une

 11   situation légèrement différente parce que -- je crois que les Croates

 12   avaient pris le contrôle de certaines des municipalités du corridor à

 13   partir de la fin mars, et ensuite également. Cependant, après les

 14   opérations du 1er Corps de la Krajina de l'été 1992, je crois que le

 15   contrôle a été repris et qu'un grand nombre de Croates de ces municipalités

 16   a fui. La situation dans les municipalités du corridor est donc légèrement

 17   différente, mais il me semble que le résultat est semblablement le même.

 18   Q.  Mais saviez-vous que les Serbes étaient la majorité, qu'elle soit

 19   relative ou absolue, et à Derventa, et à Doboj, et à Modrica, alors qu'ils

 20   n'étaient pas majoritaires à Odzak et à Orasje, est-ce que vous savez que

 21   nous avons réintégré Odzak pacifiquement après la guerre ?

 22   R.  Je sais que certaines municipalités du corridor étaient des

 23   municipalités où les Croates ou en tout cas des non-Serbes étaient

 24   majoritaires, alors que dans d'autres municipalités les Serbes étaient

 25   majoritaires. Par exemple Doboj, les Serbes n'y étaient pas majoritaires,

 26   et c'était le cas également dans toute une série d'autres municipalités.

 27   Alors ce n'est pas une zone dans laquelle j'ai étudié la composition

 28   ethnique de la population -- enfin, en tout cas, je ne l'ai pas fait pour


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  1   Doboj, et ce n'était pas une zone couverte en particulier par le rapport.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr que vous ayez répondu

  3   à la question, Monsieur Brown. La question était la suivante, je cite :

  4   "Est-ce que vous saviez que nous avions réussi à réintégrer pacifiquement

  5   Odzak après la guerre ?"

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que

  7   M. Karadzic entend par pacifiquement. S'agissait-il d'un volet des accords

  8   de Dayton, Odzak était-il donc censé être restitué sous contrôle de la

  9   Republika Srpska et dans le cadre du territoire de cette dernière. Cela a

 10   très bien pu être le cas, parce qu'il s'agissait d'une majorité serbe dans

 11   cette municipalité. Ou alors, peut-être était-ce au titre des accords de

 12   Dayton.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Alors peut-être y a-t-il eu problème de traduction ou c'est moi qui me

 15   suis mal exprimé. Nous contrôlions Odzak, les Croates y étaient

 16   majoritaires, et après la guerre nous l'avons restitué aux Croates.

 17   R.  Eh bien, Monsieur Karadzic, cela a peut-être été le cas. Mais je sais

 18   que les forces de la VRS et le 1er Corps de la Krajina ont pris le contrôle

 19   du territoire pendant l'été, et ceci a très bien pu faire partie des

 20   dispositions de l'accord de Dayton, ce retour d'une localité sous contrôle

 21   croate, ou en tout cas hors du contrôle des Serbes. J'aurais plutôt

 22   tendance à imaginer que cela faisait partie des accords de Dayton.

 23   Q.  Je vous remercie. Mais en fait, en tant que soldat vous conviendrez

 24   qu'on ne restitue pas un territoire avant la conclusion d'un accord de

 25   paix, n'est-ce pas ?

 26   R.  Je crois que c'est une question assez générale, et je ne suis pas sûr

 27   de pouvoir répondre, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Un

 28   territoire peut être restitué pour des raisons militaires, mais il est


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  1   évident qu'un territoire peut également être transféré ou restitué en tant

  2   que disposition d'un accord négocié. Il peut faire partie d'une zone tampon

  3   ou être placé sous le contrôle de forces de maintien de la paix. Donc, je

  4   ne suis pas tout à fait sûr de bien être en mesure de vous répondre de

  5   façon simple.

  6   Q.  Merci. Je voudrais que vous examiniez maintenant vos paragraphes 2.88

  7   et 2.89. Vous dites au 2.89 que manifestement le général Talic n'avait pas

  8   fait grand-chose en dehors du rapport qu'il a soumis -- ou plutôt, des deux

  9   rapports de combat qu'il a soumis au sujet dans le cadre desquels il

 10   parlait d'un incident. Moi je ne parlerais pas d'incident, mais plutôt du

 11   crime et de la tragédie de Vlasic. Et vous, maintenant, vous écrivez dans

 12   ce paragraphe, n'est-ce pas, que d'après vous Talic aurait dû en faire

 13   plus, n'est-ce pas ? Paragraphe numéro 2.89.

 14   R.  Oui, je crois que, enfin potentiellement, il aurait dû en faire plus.

 15   Je ne dis pas qu'il n'a rien fait parce qu'il a soumis des rapports le long

 16   de la chaîne d'envoi d'information, mais il me semblait qu'il mettait en

 17   avant le fait qu'aucun soldat n'avait été impliqué. En fait, je crois qu'il

 18   y avait beaucoup plus que le général Talic aurait pu faire. Mais je ne dis

 19   pas qu'il n'a rien fait parce qu'il est évident que dans ces événements il

 20   y a eu un certain nombre d'auteurs identifiés par les documents du Corps de

 21   la Krajina, et la police a été identifiée comme étant -- des membres de la

 22   police étaient certains des auteurs, en fait. Donc, je conviens avec vous

 23   de cette caractérisation de tragédie, c'en était une, c'était manifestement

 24   un incident très significatif avec un grand nombre de victimes tuées sur le

 25   mont Vlasic et précipitées dans cette fosse. Mais compte tenu de la gravité

 26   de cet incident, je me serais attendu à ce que le général Talic en fasse

 27   plus que juste envoyer un rapport.

 28   Q.  Mais êtes-vous d'accord pour dire que le général Talic, tout comme le


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  1   colonel Peulic, ont enquêté pour vérifier si l'armée était mêlée à cela et

  2   qu'ils ont constaté que ce n'était pas le cas, n'est-ce pas ?

  3   R.  A partir de la déclaration aux médias, on peut voir qu'il a déclaré que

  4   l'armée avait procédé à une enquête pour vérifier si certains de ces

  5   membres avaient ou non été impliqués et il affirme que cela n'était pas le

  6   cas.

  7   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que l'armée n'exerce aucune compétence à

  8   l'égard de la police civile et qu'il ne pouvait rien faire d'autre que

  9   d'informer ces supérieurs hiérarchiques ?

 10   R.  Eh bien, en tant qu'ancien soldat je ne peux dire la chose suivante à

 11   partir des documents que j'ai pu lire, oui, il a envoyé des informations

 12   sous forme de rapports. Mais j'affirme qu'il aurait pu faire davantage --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Brown, à votre avis, qu'aurait-

 14   il dû faire de plus ou qu'aurait-il pu faire de plus, à part l'envoi de

 15   rapports ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, il aurait pu sécuriser le site. Il

 17   aurait pu mener lui-même une enquête approfondie afin de déterminer qui

 18   avait commis cela et dans quelles circonstances. Il aurait très bien pu

 19   avoir recours aux ressources de la police militaire en matière d'enquête,

 20   ressources qui étaient les siennes, afin de mener une enquête extrêmement

 21   approfondie, avant de passer la main aux autorités civiles pour que ceci

 22   fasse l'objet d'une enquête plus large.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais après avoir constaté que les

 24   auteurs étaient des policiers, il aurait, selon vous, eu les compétences

 25   nécessaires pour enquêteur sur des membres de la police, c'est ce que vous

 26   nous dites ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas nécessairement au fait de la

 28   législation applicable, mais manifestement il a appris très rapidement qui


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  1   étaient les auteurs --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais --

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Et le colonel Peulic était le commandant de

  4   cette zone qui, en substance, était une zone militaire. Et je crois

  5   également que le convoi traversait la zone du commandant du groupe

  6   opérationnel. Par conséquent, je ne pense pas qu'il était possible

  7   d'exclure complètement l'armée. En revanche, quant à la question de savoir

  8   si on a identifié clairement les auteurs comme étant des policiers, je

  9   crois que ceci n'est pas absolument clair. Et je ne suis pas entièrement au

 10   fait des conditions -- du contexte juridique dans lequel le général Talic

 11   aurait été contraint d'agir pour ce qui est de poursuivre des policiers.

 12   Alors compte tenu du groupe nombre de personnes impliquées dans ces

 13   événements, et de la connaissance quasiment instantanée qui a été celle du

 14   général Talic quant à la survenue de ces événements, je pense que, et c'est

 15   ce que j'ai mis dans mon rapport, il s'est contenté de faire le minimum.

 16   Mais je pense qu'il aurait pu faire plus.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 18   Monsieur Karadzic.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Brown, paragraphe 2.88, nous voyons ce que Peulic a proposé.

 21   Est-ce que vous savez que Peulic a sécurisé les lieux et que l'ensemble de

 22   la police civile, c'est-à-dire le CSB ainsi que la police civile ont

 23   immédiatement dépêché des enquêteurs, ils se sont immédiatement joints à

 24   l'enquête, et que Talic n'avait rien à faire là-bas ? Le saviez-vous ?

 25   R.  Eh bien, non.

 26   Q.  Merci. Alors au paragraphe 2.140, vous dites, par exemple -- vous

 27   parlez, par exemple, de politique d'expulsion, de politique de transfert de

 28   population. Alors est-ce que vous avez également retrouvé mon fax, le


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  1   message que j'ai envoyé dans lequel j'interdisais le déplacement de civils

  2   ?

  3   R.  A partir des documents que j'ai pu examiner, j'ai considéré que ceci

  4   n'était pas évident. Si vous voulez bien me présenter cela, je suis sûr que

  5   j'aurai la possibilité de le consulter utilement.

  6   Q.  Je peux vous en présenter un de ces documents.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document de la

  8   liste 65 ter numéro 1397. Document numéro 13937 de la liste 65 ter. Ce

  9   n'est pas celui-là. C'est bien celui-ci.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Je vais vous en donner lecture tant que la traduction ne se sera pas

 12   affichée. Voici ce qui est dit, je cite : "Département de la RDB de

 13   Mrkonjic Grad". Je cite : 

 14   "Nous vous faisons suivre intégralement la dépêche du département --"

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez reprendre.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

 17   Donc, en titre, nous lisons : "Département du RDB de Mrkonjic Grad".

 18   Je cite le texte :

 19   "Nous vous faisons suivre dans son intégralité la dépêche du RDB de

 20   Sarajevo III, Direction numéro," et cetera, et cetera, "qui concerne les

 21   déplacements de la population civile à partir du territoire de la

 22   municipalité de Srbobran." C'est le nom que nous donnions à Donji Vakuf. Et

 23   ils font suivre, en fait, mon télégramme. Je cite :

 24   "Nous vous transmettons son intégralité, l'information concernant le

 25   déplacement des populations civiles du territoire de la municipalité de

 26   Srbobran, qui a été envoyée au président de la Republika Srpska, M. Radovan

 27   Karadzic, par le président Nedeljko Ninkovic, ce résident de la

 28   municipalité de Srbobran, et le député de l'assemblée nationale de la


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  1   Republika Srpska, Nikola Kisin."

  2   Dont le contenu est le suivant :

  3   "Monsieur le Président, nous vous avons déjà informé précédemment des

  4   déplacements de population à partir du territoire de cette municipalité.

  5   Ensuite, nous avons reçu un ordre sous la référence" telle et telle

  6   "concernant une interdiction de déplacer la population à partir de notre

  7   municipalité, ordre auquel nous nous conformons strictement. Nous vous

  8   avons fait savoir oralement (député) que le chef du SJB de Srbobran avait

  9   persuadé la population de quitter le territoire et nous avons fait savoir

 10   quelles en étaient les modalités et qui l'avait reconnu, cela.

 11   "Nous avons averti le commandant de la 30e Division, le colonel Zec,

 12   des déplacements et de ceux qui en étaient responsables."

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, pourriez-vous

 14   reprendre. Pourriez-vous reprendre à partir de la partie que les

 15   interprètes n'ont pas saisie.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] "Nous avons informé le commandant Zec de la 30e

 17   Division de ce déplacement et qui en était à l'origine. Depuis cette date,

 18   les choses ne se sont pas améliorées. En somme, toute la région de Turbet

 19   et Golos ont été vidées. Il y a encore quelques cas particuliers de

 20   personnes qui quittent la région de Srbobran et certains laissez-passer ont

 21   été délivrés par le commandant de la 19e Brigade d'infanterie légère et le

 22   lieutenant-colonel Ljubomir Jekic. Nous disposons d'informations indiquant

 23   que ces permis ou ces laissez-passer ont été délivrés par le SJB de

 24   Srbobran, mais ils n'ont pas été immatriculés à cet endroit. Il y a des

 25   postes de contrôle mixtes, tenus à la fois par la police civile et par

 26   l'armée, et en deux ans et demi, un nombre important de personnes sont

 27   revenues avec leurs effets personnels, mais en traînant les pieds. Nous

 28   avons essayé de les avertir, mais ceci n'a servi à rien. Il est donc


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  1   important que ces éléments d'information vous soient transmis, et veuillez

  2   les transmettre le plus rapidement possible à cette direction."

  3   Donc, ici, nous parlons de Srbobran, de Mrkonjic Grad, et ceci a été

  4   transmis à Banja Luka et à Sarajevo, et ceci m'est enfin parvenu.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Voyez-vous ce document ? Pendant deux ans et demi, il y a eu des

  7   tentatives de faites dans ce sens. On demandait aux gens de partir, ils

  8   demandaient à avoir des laissez-passer pour pouvoir partir, alors que nous

  9   tentions de les empêcher de les recevoir.

 10   R.  Ecoutez, je ne peux que me fier à la traduction. Ceci n'est pas très

 11   clair à mes yeux, de savoir si on parle des Serbes qui sont à Srbobran ou

 12   qui souhaitent fuir la zone de conflit. Je crois que Srbobran et Donji

 13   Vakuf se trouvaient juste à l'endroit où il y avait le front. Il se peut

 14   que ces personnes dont nous parlons sont des Serbes qui souhaitaient partir

 15   et quitter cet endroit, peut-être qu'il s'agit de non-Serbes. Je ne sais

 16   pas. Et je ne connais pas, en 1994, la composition ethnique de Srbobran, de

 17   cette municipalité. Mais pour l'essentiel, à mon sens, cette région était

 18   composée essentiellement de Serbes, et dans la municipalité au sens large

 19   de Donji Vakuf, c'était le cas également avant le conflit. Donc, il

 20   faudrait que je relise ce document, et il se peut que ce que dit ce texte,

 21   eh bien, c'est que nous ne souhaitons pas que les Serbes quittent cette

 22   région, et ils souhaitaient partir, peut-être, en raison du conflit qui s'y

 23   déroulait, parce que cela devient, dans ce cas, un territoire qui n'est pas

 24   peuplé. Peut-être qu'ils parlaient des dernières personnes ou des derniers

 25   non-Serbes qui vivaient encore à Srbobran et qui souhaitaient quitter la

 26   région, mais je ne sais pas qui souhaitaient se rendre en Bosnie. Je crois

 27   que vous parlez de 1994. C'est peut-être une question qui porte plus

 28   particulièrement sur cette région-ci. Mais deux ans après 1992, et mon


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  1   rapport concerne cette date-là, où un nombre important de non-Serbes

  2   avaient quitté de nombreuses municipalités de la Krajina.

  3   Q.  Mais voyez-vous, l'appartenance ethnique de ces personnes n'est pas

  4   mentionnée. On parle simplement de civils, et on parle d'une période de

  5   deux ans et demi, ce qui comprend l'année 1992. Dans votre paragraphe 148,

  6   vous dites qu'au sein du 1er Corps de la Krajina, il a été rapporté que dans

  7   la zone de responsabilité de ce corps, un problème particulier a été

  8   signalé, à savoir des Musulmans et des Croates qui demandent à avoir

  9   l'autorisation de pouvoir quitter la région dans laquelle ils vivent et

 10   s'installer dans les territoires tenus par les forces de la zone de Beretke

 11   et du HVO. Et ensuite, on parle de la Croix-Rouge de Mrkonjic Grad, qui

 12   négocie avec le HVO de Jajce et des autorités des municipalités voisines

 13   qui tentent de conclure un accord.

 14   Voyez-vous qu'il s'agit là de Musulmans de Donji Vakuf, qui est une

 15   situation analogue à celle de Srbobran, à savoir que les municipalités de

 16   part et d'autre de la ligne de conflit, eh bien, que dans ces municipalités

 17   de part et d'autre, des efforts avaient été faits pour permettre à la

 18   population de traverser la ligne.

 19   R.  Vous semblez qualifier ce mouvement, ce déplacement en 1992, de

 20   déplacement volontaire. Et d'après les documents que j'ai mis en exergue,

 21   et d'après certaines citations de mon rapport, ce n'est pas quelque chose

 22   que j'ai remarqué. Veuillez vous reporter aux décisions prises par la RAK,

 23   à ce que dit le 1er Corps de Krajina : Nous devons œuvrer pour une

 24   séparation complète. Regardez les références qui sont faites par le 1er

 25   Corps de Krajina : Les personnes ne doivent pas être autorisées à revenir.

 26   Regardons les documents, par exemple, de Novi. Un nombre important de

 27   personnes qui quittent cette région, à mon sens, et il ne s'agit pas d'un

 28   déplacement de la population volontaire et de plein gré. Il s'agissait d'un


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  1   nombre important de personnes en un très court laps de temps, d'après les

  2   documents que j'ai pu parcourir, et de personnes qui partaient et que l'on

  3   contraignait à quitter les territoires que les autorités de la RAK

  4   souhaitaient contrôler.

  5   Q.  Nous allons y venir.

  6   L'INTERPRÈTE : Que les autorités de la Republika Srpska souhaitaient

  7   contrôler.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

  9   document, s'il vous plaît.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce document a fait l'objet

 11   d'une notification au bureau du Procureur ? Je n'ai pas vu ce document sur

 12   la liste.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois que oui.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'en suis pas certain, mais il n'y a pas

 15   d'objection de notre part, en attendant la traduction, en ce qui me

 16   concerne.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons donc marquer ce

 18   document aux fins d'identification.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro MFI D1939, Madame,

 20   Messieurs les Juges.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, veuillez tenir

 22   compte du fait que pendant la guerre, Donji Vakuf s'appelait Srbobran. Donc

 23   il s'agit d'un seul et même endroit.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Brown, alors regardez le paragraphe 1.41, là aussi un document

 26   qui parle du HVO de Jajce qui négocie avec la Croix-Rouge de Mrkonjic Grad

 27   pour le compte des Serbes de Jajce pour qu'ils puissent être emmenés de

 28   l'autre côté et que les Croates et les Musulmans de Mrkonjic Grad puissent


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  1   être emmenés de l'autre côté. Et il est dit que sur ce principe-là, les

  2   personnes qui décident de partir de leur plein gré s'installent là où ils

  3   souhaitent habiter, et si ceci est couronné de succès, cela sera suivi d'un

  4   échange de prisonniers de guerre. C'est ce que vous déclarez ici, n'est-ce

  5   pas ? C'est vous qui citez ce document.

  6   R.  De quelle note en bas de page s'agit-il ?

  7   Q.  538, le rapport de combat régulier du 1er Corps de Krajina daté du 13

  8   août 1992.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Pour répondre à votre question, le dernier

 10   document n'a pas fait l'objet d'une notification.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et n'a pas été traduit non plus.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Des informations supplémentaires. Je crois que

 13   ceci a été transmis. Il faudrait vérifier le message électronique.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Il semblerait que c'est bien ce que dit le

 15   document. Des mentions ont été faites de ces accords conclus par la Croix-

 16   Rouge qui ont effectivement eu lieu. A savoir si ces personnes se déplacent

 17   de leur plein gré ou non, eh bien, ça c'est une autre question. Et

 18   simplement pour précision, je ne pense pas que Srbobran couvrait tout le

 19   territoire de Donji Vakuf. A mon sens, Srbobran représentait qu'une partie

 20   de la municipalité de Donji Vakuf. Il ne s'agissait pas de l'ensemble de la

 21   municipalité. A mon sens, il ne s'agissait que d'une partie contrôlée par

 22   la Republika Srpska.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Pour votre information, l'ensemble de Srbobran faisait partie de Donji

 25   Vakuf, et les Serbes contrôlaient l'ensemble de Srbobran jusqu'à l'automne

 26   1995, mais cela n'a pas d'importance.

 27   Monsieur Brown, vous vous êtes livré à des conjectures dans un sens ou dans

 28   un autre. Vous avez fait analyser la situation en vous fondant sur les


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  1   documents. Ce document parle des souhaits des deux parties et des

  2   négociations qui se sont déroulées pour permettre aux personnes de quitter

  3   la zone et se rendre dans une zone qu'ils jugeaient plus sûre. Maintenant,

  4   lorsque vous dites que vous ne savez pas si c'était de leur plein gré, ça

  5   c'est une autre question. La question que je vous pose est : est-ce que

  6   vous n'êtes pas en train de confondre un déplacement volontaire et le

  7   déplacement de personnes dû à la peur, que l'on contraignait à partir ?

  8   Qu'entendez-vous par cela ? Le fait de fuir en présence de la police ou

  9   d'autres forces ou le fait de chasser des personnes parce qu'il régnait un

 10   climat de peur ? Est-ce que vous faites une différence ici ?

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Pas d'objection, Madame, Messieurs les

 12   Juges. Nous parlons de la note en bas de page 538, 05204 le numéro 65 ter,

 13   si M. Karadzic souhaite afficher ce document.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et je remarque que ce point figurait

 15   dans le message électronique.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Brown.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne pense pas que je suis en train

 19   de confondre les deux liens. Bon nombre de raisons pour lesquelles les

 20   personnes souhaitent partir, et une des raisons peut être que dans les

 21   zones de combat, ces personnes ont peur. Je n'en doute pas un seul instant.

 22   Il y a bon nombre d'autres raisons à cela aussi. Par exemple, dans un des

 23   rapports de combat du 30 ou du 31 mai, je crois, après les opérations qui

 24   se sont déroulées à Kljuc, Kozarac et Sanski Most, on fait état du fait que

 25   les conscrits d'appartenance ethnique musulmane demandent à quitter le

 26   Corps de Krajina, et la raison pour laquelle ils demandent cela, c'est

 27   qu'ils ne sont pas heureux au vu de la destruction massive de leurs villes

 28   dans ces régions. Et cela figure dans le rapport de combat du corps. Donc


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  1   ce sont les destructions qui sont la résultante de ces attaques et qui ont

  2   conduit à ce climat de peur non négligeable. Mais je reviens à cette

  3   question de la cellule de Crise qui donnait des instructions qui étaient

  4   interprétées par l'armée, à savoir que les personnes allaient quitter la

  5   région en grand nombre et qu'elles ne reviendraient pas. Et que ces

  6   personnes qui partaient, eh bien, cela signifie qu'ils pensaient que

  7   d'autres Serbes viendraient en territoire serbe et sur le territoire de la

  8   Republika Srpska. Il est vrai, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, que bon

  9   nombre de personnes avaient peur, qu'elles se sont enfuies et qu'elles

 10   souhaitaient partir. Mais cette question de transfert forcé est tout à fait

 11   manifeste au vu du document, et il semble que l'armée et le 1er Corps de

 12   Krajina en particulier étaient au courant de ce transfert forcé des

 13   individus, et que les personnes qui partaient n'allaient pas revenir.Et

 14   pour ce qui est des documents de la police, il y avait des documents qui

 15   attestent de personnes qui sont retirées des registres, documents qu'ils

 16   ont signés, et à la lecture de ces documents, un nombre important de

 17   personnes ne sont pas parties de leur plein gré mais sont parties parce

 18   qu'elles n'allaient pas rentrer chez elles, que leurs maisons existent ou

 19   qu'elles n'existent plus.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Brown, je n'ai pas le temps de préciser cette question-là.

 22   Moi, je vous soumets que les forces organisées, à savoir la police, ont

 23   demandé à personne de partir de façon forcée. Je vais tenter de prouver ça

 24   en d'autres termes. Ne pensez-vous pas qu'une décision prise par la

 25   municipalité, à savoir que quelqu'un n'allait pas revenir était tout à fait

 26   valable ? Et la partie négociatrice, la Republika Srpska, pour ce qui est

 27   de la question du retour de ces personnes, eh bien, il n'y avait que la RS

 28   qui avait son mot à dire et il n'y avait que sa décision qui était valable


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  1   ?

  2   R.  Est-ce que vous êtes en train de dire que quelqu'un ne peut rester que

  3   si elle reçoit l'autorisation de la Republika Srpska; c'est cela ? C'est là

  4   où vous voulez en venir, Monsieur Karadzic ?

  5   Q.  Monsieur, je veux parler du droit des réfugiés à rentrer. Avez-vous vu

  6   les documents dans lesquels je dis que les réfugiés qui ont abandonné leurs

  7   biens correspondent à une situation provisoire et chacun doit avoir le

  8   droit de rentrer après la guerre ? N'avez-vous jamais lu un document de ce

  9   type émanant de moi qui interdit qu'une décision émanant de quelqu'un

 10   puisse contraindre ou non quelqu'un à partir ?

 11   R.  Les documents que j'ai examinés, les documents du Corps de Krajina et

 12   les documents ayant trait à la RAK, je n'ai pas vu mention de cela du tout

 13   dans ces documents-là. Tout ce que je puis dire d'après les documents que

 14   j'ai vus, certains documents militaires semblaient indiquer qu'il y avait

 15   un accord du type que les individus qui partaient n'allaient pas revenir, à

 16   savoir que les Serbes qui étaient dans d'autres territoires devaient venir

 17   en Republika Srpska. Ce souhait-là était exprimé. En tout cas, c'est une

 18   politique qui a été menée par la RAK.

 19   Q.  Et avez-vous vu ou lu que la personne qui a rédigé ces balivernes a

 20   également dit que les Serbes aussi qui ne souhaitaient pas participer aux

 21   combats quittaient également la Republika Srpska et que ces personnes-là ne

 22   seraient pas autorisées à rentrer chez elles non plus ?

 23   R.  Il se peut que ce document ait évoqué cela. Il faudrait que je le

 24   revoie. Cela ne me surprend pas beaucoup. Je crois qu'il y a des personnes

 25   qui ne souhaitaient pas participer à cela ou ne souhaitaient pas rejoindre

 26   l'armée de la Republika Srpska et qui ont peut-être fui quelque part. Ils

 27   se sont rendus en Serbie. C'étaient des traîtres, des personnes qui ne

 28   souhaitaient pas adhérer à cette cause. Et peut-être c'est ce dont se fait


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  1   l'écho ces documents. Il se peut qu'un nombre important de Serbes en

  2   Republika Srpska n'était pas d'accord avec cette politique, ce qui serait

  3   une des raisons de leur départ. Mais cela ne me surprend pas que ce type de

  4   commentaire se soit glissé dans les documents militaires du Corps de la

  5   Krajina.

  6   Q.  Eh bien, vous n'avez pas seulement parcouru des documents militaires

  7   mais ceux de la cellule de Crise également de la RAK, qui déclaraient qu'il

  8   y avait des Serbes, et non seulement des Musulmans, qui quittaient la

  9   Republika Srpska et qui seraient privés de leurs droits. Vous avez peut-

 10   être lu dans certains documents que les Serbes et les Musulmans qui

 11   quittaient la Republika Srpska perdraient leurs droits ?

 12   R.  C'est tout à fait possible.

 13   Q.  Merci. Est-ce que vous savez que le 19 août, j'ai annulé tous les

 14   certificats portant sur la remise des biens ? Etes-vous au courant de cela

 15   ?

 16   R.  Non, je ne suis pas au courant de cela.

 17   Q.  Merci.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, est-ce

 19   que nous pouvons avoir une date, s'il vous plaît ?

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1992. Par le truchement du Témoin Doyle, nous

 21   avons versé ce document au dossier. Il m'a informé à la date du 16 août à

 22   Londres de ceci, et dès mon retour à Pale le 19 août, j'ai ordonné que tout

 23   ceci soit déclaré nul et non avenu, et il m'a dit chapeau. Il ne savait

 24   même pas que j'avais fait cela. Je ne sais pas sous quel numéro ce document

 25   a été versé au dossier.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Savez-vous qu'à partir du 22 avril 1992, j'ai prôné, entre autres, le

 28   droit des réfugiés à rentrer, et ceci figure dans de nombreux documents, et


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  1   j'ai déclaré qu'il s'agissait là d'un droit inaliénable, soit le retour des

  2   réfugiés ou il y aurait réparation pour ces personnes pour les biens qu'ils

  3   auraient perdus ou qui auraient été détruits pendant la guerre ?

  4   D1754 est le document qui correspond à la date du 19 août 1992.

  5   R.  Eh bien, Monsieur Karadzic, je ne suis pas au courant de ces

  6   instructions données le 22 avril. Tout ce que je puis dire, quelles que

  7   soient les instructions que vous ayez données ce jour-là, ceci ne semble

  8   avoir eu aucune incidence sur le Corps de Krajina dans les mois qui ont

  9   suivi, si, effectivement, il s'agissait là d'une véritable tentative dans

 10   ce sens.

 11   Q.  Eh bien, Monsieur Brown, je ne m'attends pas à ce qu'un témoin ait

 12   tellement d'a priori qu'il mette en doute les documents qui ont été

 13   délivrés par le président de la république, documents qui ont été publiés.

 14   Bon, vous pouvez laisser le soin de faire ceci à l'Accusation. Avez-vous vu

 15   des documents qui évoquaient les actions menées par les dirigeants de

 16   l'Etat ? C'est ce qui m'intéresse. Bon, maintenant je sais que vous n'avez

 17   pas vu de tels documents. Paragraphe 2.134 ou 234 : Même si des milliers de

 18   non-Serbes ont fini par être placés dans les centres de détention avant

 19   d'être déplacés dans la région de Krajina, il est manifeste qu'un nombre

 20   très important de Musulmans et de Croates ont fui ou ont été contraints ou

 21   chassés de chez eux et étaient suffisamment désespérés qu'ils ont décidé de

 22   partir. Pour quelle raison les Juges de cette Chambre établiraient-ils une

 23   différence entre ces raisons-là, à savoir qui a fui, qui a été chassé, et

 24   combien de personnes étaient tellement désespérées qu'elles ont décidé de

 25   partir ? Il s'agit là d'un point important. Il s'agit d'un procès pénal. Il

 26   est important de faire la différence entre ces trois éléments.

 27   R.  Monsieur Karadzic, je ne pense pas que je sois en mesure d'expliquer ou

 28   de conseiller quoi que ce soit aux Juges de la Chambre en la matière, à


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  1   savoir sur l'importance de la mission qui est la leur.

  2   Q.  Et est-ce que vous pensez que tout ceci revient au même, que tout ceci

  3   a le même poids, je parle de toutes ces raisons, ou que les différences

  4   sont notables et qu'il faut le signaler ?

  5   R.  Ecoutez, moi, je ne suis pas avocat, Monsieur Karadzic, et je ne

  6   présente pas tous ces éléments de façon juridique. L'analyse que j'ai faite

  7   m'a permis de conclure, comme je l'ai déjà dit, qu'il y avait le souhait de

  8   délimiter le territoire de la Republika Srpska comme cela a été dit à la

  9   16e Séance de l'assemblée, et pas seulement à cette assemblée-là, qu'il

 10   s'agissait de tracer un territoire que vous et les dirigeants de la

 11   Republika Srpska souhaitiez contrôler et qui sous-entendait le déplacement

 12   d'un nombre important de personnes qui, à vos yeux, étaient des personnes

 13   qui étaient contre l'Etat de la Republika Srpska. A savoir si toutes ces

 14   personnes ont été chassées effectivement, ou si elles avaient suffisamment

 15   peur qu'elles sont parties, ou qu'elles ont accepté les offres de la Croix-

 16   Rouge ou d'autres organisations militaires pour partir, ou si leurs biens

 17   ont été détruits de façon massive et donc étaient suffisamment désespérées,

 18   n'ayant plus de maisons, pour partir, eh bien, tout ceci fait partie de la

 19   même question. Mon analyse des documents que j'ai vus m'a permis de

 20   conclure qu'il y avait le désir de délimiter ce territoire de la Republika

 21   Srpska et qu'à l'intérieur de ce territoire de la Republika Srpska, il n'y

 22   aurait pas un nombre important de personnes qui étaient perçues comme étant

 23   des ennemis de cet Etat-là. Et voilà -- et comment ces personnes sont

 24   parties, cela ne fait pas partie de mon analyse.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, la pièce qu'a citée

 26   M. Karadzic, qui est un ordre aux fins de se conformer aux conventions de

 27   Genève, c'est le D1754, eh bien, ce document est toujours sous pli scellé.

 28   Est-ce pour la même raison que celle que vous avez évoquée hier, à savoir


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  1   que ceci doit encore être examiné ?

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Cela se peut. Comme je l'ai dit, nous avons

  3   déposé ce tableau, et d'après mon souvenir, il s'agit de tous les documents

  4   de M. Karadzic, de ses ordres aux fins de se conformer aux conventions de

  5   Genève, tout ce genre de choses, et nous ne les avons pas placés sous pli

  6   scellé, en tout cas pas sur notre tableau.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Brown, c'est une chose que de délimiter les frontières de la

 10   Republika Srpska, et moi je vous soumets l'idée suivante : les trois

 11   parties étaient d'accord avec ces frontières, ainsi que la quatrième partie

 12   prenante qui était la Communauté européenne. Si vous n'êtes pas d'accord,

 13   dites-le. Mais c'est ainsi que les choses se sont passées. Savez-vous que

 14   les frontières qui existent ont été acceptées par les quatre parties en

 15   présence ?

 16   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, je ne pense pas que les débats sur les

 17   frontières dans le cadre des discussions sur le plan Cutileiro

 18   correspondent exactement aux frontières définies par la Republika Srpska, à

 19   savoir celles qu'elles souhaitaient avoir dans les discussions avant et à

 20   la date de la 16e Séance de l'assemblée. Je crois qu'il y a des différences

 21   au niveau de ces frontières. Si vous voulez parler des frontières qui

 22   existent aujourd'hui et des frontières qui ont été définies par les accords

 23   de Dayton, il y a des différences entre Dayton et les frontières telles

 24   qu'elles existent aujourd'hui et ce qui a été défini en 1992. Mais il ne

 25   s'agit pas de quelque chose que j'ai abordé dans le détail dans mon

 26   rapport. Les frontières sont bien sûr importantes, mais les différences au

 27   niveau de ces différentes négociations, non.

 28   Q.  Merci. Dans ce cas, je ne vais pas vous demander si, oui ou non, dans


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  1   une négociation, on commence avec le prix le plus fort ou le prix le plus

  2   bas avant de négocier. Mais d'où avez-vous tiré les informations que nous

  3   souhaitions nous séparer des Musulmans alors que des Musulmans sont restés

  4   en Republika Srpska, lorsqu'on parle de la séparation des deux autres Etats

  5   qui appartenaient aux deux autres peuples ? Est-ce que c'est quelque chose

  6   que vous avez tiré de l'acte d'accusation ? Est-ce que l'acte d'accusation

  7   a été rédigé d'après votre analyse ? Et comment ceci coïncide-t-il avec la

  8   thèse, à savoir que dans certaines municipalités la population n'a pas été

  9   déplacée, qu'il y avait certains villages, tels que Janja, Bijeljina et

 10   d'autres villages, où personne n'est parti ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] J'ai essayé de m'abstenir de faire des

 13   objections, mais nous avons ici une question particulièrement complexe, et

 14   M. Karadzic -- enfin, c'est M. Karadzic qui décide, mais une grande partie

 15   de ces sujets ont déjà été traités pendant la première journée. C'est à lui

 16   de décider s'il veut revenir là-dessus ou pas.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez reformuler,

 18   s'il vous plaît, de façon plus simple.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Savez-vous, Monsieur Brown, qu'il n'y a pas une seule localité en

 21   Republika Srpska pour laquelle on puisse dire qu'aucun Musulman n'est resté

 22   jusqu'à la fin de la guerre, à l'exception peut-être de Drvar, mais là-bas

 23   il n'y avait pas de Musulmans même avant la guerre ? Donc il n'y a pas une

 24   seule localité où il n'y ait pas eu un nombre significatif de Musulmans qui

 25   soient restés jusqu'à après la guerre. C'est une question simple.

 26   R.  Il est possible qu'un certain nombre de Musulmans soient restés dans

 27   toute une série de localités. Je ne dis pas dans mon rapport que chaque

 28   Musulman présent sur le territoire de la Republika Srpska devait être


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  1   chassé. Je crois que dans vos propres termes lors de la 16e Session de

  2   l'assemblée vous avez indiqué : Nous ne voulons pas avoir des effectifs

  3   importants, une population importante. Donc je ne suis pas en train de dire

  4   qu'il n'y avait pas eu peut-être des poches où les non-Serbes avaient pu

  5   rester sur le territoire de la Republika Srpska, peut-être même pendant

  6   toute la durée de la guerre. Mais je maintiens mon affirmation selon

  7   laquelle à partir des documents que j'ai pu examiner, on s'attendait à ce

  8   que de grands nombres de non-Serbes ne restent pas sur le territoire de la

  9   Republika Srpska. Et je crois que vous-même, à l'occasion de l'une réunion

 10   du Club des députés en février, vous avez indiqué que 90 % des Serbes

 11   soient à l'intérieur des frontières de votre république, ce qui signifie

 12   que 10 % seulement seraient à l'extérieur, mais qu'il fallait faire de la

 13   place pour eux et que cela serait fait si nécessaire. Donc je ne conteste

 14   pas qu'à la 16e Séance de l'assemblée vous ayez parlé pour la première fois

 15   de séparation, mais je n'affirme pas non plus que chaque Musulman

 16   individuel fût censé quitter le territoire de la Republika Srpska.

 17   Mais j'affirme que dans la mise en place de la Republika Srpska, on

 18   s'attendait à ce que de très nombreux non-Serbes quittent le territoire.

 19   Q.  Merci. Mais tout d'abord, votre calcul de 90 % des Serbes à l'intérieur

 20   de la Republika Srpska ne signifie pas qu'il en resterait 10 % ailleurs,

 21   mais qu'il s'agirait en fait de 90 % des Serbes de Bosnie-Herzégovine sur

 22   leurs territoires qui rejoindraient la Republika Srpska. En fait, nous ne

 23   revendiquions pas des territoires qui n'étaient pas les nôtres. Et vous

 24   avez pu le voir, nous nous opposions à la mégalomanie territoriale. Et

 25   vous, vous continuez à affirmer que j'avais à l'esprit les personnes qui

 26   étaient restées en Republika Srpska et que, deuxièmement, 90 % de

 27   l'ensemble de la population de la Republika Srpska devait être serbe. Mais

 28   vous comprenez ceci complètement de travers. Et avec M. Izetbegovic, nous


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  1   nous sommes mis d'accord pour que --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous n'êtes pas ici

  3   pour débattre avec le témoin. Vous êtes censé poser une question.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Ma question est la suivante : vous venez de dire -- alors est-ce que

  6   nous avons dit que nous voulions que 90 % de la population de la Republika

  7   Srpska soit des Serbes ou bien nous efforcions-nous d'obtenir que 90 % des

  8   Serbes de Bosnie-Herzégovine se trouvent à l'intérieur de la Republika

  9   Srpska; est-ce l'un ou l'autre ?

 10   R.  Pour cela, il me faudrait examiner le procès-verbal de la réunion du

 11   Club des députés, mais dans la compréhension qui est la mienne, vous avez

 12   indiqué que 90 % des Serbes de Bosnie-Herzégovine devraient se trouver sur

 13   le territoire de la Republika Srpska. En même temps que d'autres références

 14   lors d'autres séances, notamment la 16e Séance de l'assemblée, qui toutes,

 15   de façon conjointe, me conduisent à la conclusion que le territoire de la

 16   Republika Srpska allait être peuplé de façon prédominante par des Serbes et

 17   que de grands nombres de non-Serbes ne seraient plus les bienvenus en

 18   Republika Srpska. Les événements qui ont suivi cette 16e Séance de

 19   l'assemblée au cours des jours ou des semaines suivantes le montrent,

 20   c'est-à-dire qu'en très grand nombre, ces populations ne sont pas restées

 21   et ont été transférées de force hors de ce territoire, ce qui s'était déjà

 22   produit dans certaines municipalités avant cette 16e Séance.

 23   Q.  Mais avez-vous consulté mon discours du 25 janvier 1992 à l'assemblée

 24   conjointe de Bosnie-Herzégovine lorsque j'ai dit que : Si vous proclamez

 25   l'indépendance et que vous organisez un référendum avant la

 26   régionalisation, il y aura une guerre qui va éclater, chacun revendiquera

 27   sa part, chacun fuira dans ses parties du territoire, nous nous

 28   organiserons et à la fin nous serons quand même forcés de nous mettre


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  1   d'accord malgré tout ? Est-ce que vous avez vu ce discours ? Est-ce que

  2   vous en avez tenu compte ?

  3   R.  Je n'ai pas vu ce discours, Monsieur Karadzic. Peut-être avez-vous

  4   déclaré ceci. Mais dans l'ensemble des documents de la JNA, on voit qu'il y

  5   avait un armement, qu'on se préparait en s'armant à l'éventuel échec des

  6   négociations afin que le territoire puisse être pris, et on voit bien que

  7   ce territoire devait être constitué de façon prédominante de municipalités

  8   sous contrôle serbe et qu'un grand nombre de non-Serbes de ces

  9   municipalités allaient être déplacés. Alors, certainement, dans certaines

 10   municipalités de la RAK, c'est ce qui s'est produit, et c'est ce que j'ai

 11   vu.

 12   Q.  Monsieur, je rejette ceci avec la dernière énergie et j'affirme que

 13   vous n'avez aucun fondement pour dire cela.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Veuillez vous reporter au document 2.135.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Vous savez que le 24 avril, le corps, en même temps que les organes de

 17   l'Etat, conjointement avec eux, a essayé d'empêcher les attaques et le

 18   déplacement forcé de population, et je vais lire en anglais : "En

 19   coopération avec les organes gouvernementaux afin d'empêcher les attaques

 20   et le transfert forcé de personnes indépendamment de leur appartenance

 21   ethnique ou religieuse."Donc l'armée en coopération avec --

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, de quoi sommes-nous en train

 23   de parler ? Est-ce que vous pouvez redonner la référence.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] 2.135, paragraphe numéro 2.135 du rapport de M.

 25   Brown.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Alors, est-ce que vous voulez nous dire que c'était le corps lui-même


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  1   qui s'élevait contre ses propres agissements, ou bien n'est-il pas clair

  2   que le gouvernement tant que le 1er Corps de Krajina sont contre ceci ?

  3   R.  Eh bien, j'ai dit dans le rapport qu'à certaines périodes des mois de

  4   mars et avril, certainement la JNA a fait suivre certaines instructions

  5   dans lesquelles il était indiqué que la JNA souhaitait réduire les tensions

  6   interethniques et empêcher et prévenir les attaques dans ces territoires.

  7   Je crois que c'était probablement pour essayer de maintenir la Bosnie au

  8   sein de la Yougoslavie. Probablement --

  9   Q.  Vous interprétez les choses et vous nous livrez vos réflexions,

 10   Monsieur. Moi, ce que je vous demande, c'est est-ce qu'il n'est pas clair

 11   ici que les autorités et l'armée sont contre ce type de phénomène ? Ce que

 12   je vous demande, c'est ce que vous avez véritablement constaté. Est-ce que

 13   vous avez écrit dans votre rapport qu'au mois d'avril il était tout à fait

 14   clair que les autorités et le gouvernement s'opposaient à ce type de

 15   comportements et essayaient de les prévenir ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez ne pas interrompre le témoin au

 17   milieu de sa réponse.

 18   Veuillez poursuivre, Monsieur Brown.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que ceci fait partie de cette double

 20   politique. La JNA s'efforçait de maintenir autant que possible la cohésion

 21   de la Yougoslavie. Elle a fait circuler des instructions dans lesquelles il

 22   était indiqué qu'elle souhaitait réduire les tensions interethniques, et je

 23   crois que nous avons ici une référence à cela. Mais en même temps, il y a

 24   également des références claires nous montrant que la JNA a pris fait et

 25   cause avec la position qui était celle des Serbes et qu'elle distribuait et

 26   disséminait des armes. Et même avant cette date, elle avait apporté son

 27   assistance dans un certain nombre de municipalités dans lesquelles des

 28   organes serbes prenaient le contrôle de la municipalité. Donc, oui, il y a


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  1   un certain nombre de références à cela, au fait que la JNA s'est efforcée

  2   de maintenir une certaine harmonie. Mais ceci s'est fait conjointement, de

  3   façon parallèle, à l'autre partie du processus où la JNA apportait son

  4   assistance. Par exemple, à Zvornik, les opérations de Zvornik, cela a

  5   résulté en la prise des municipalités, et parmi elles, celle de Krupa.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Est-ce que Zvornik faisait partie de votre travail ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cessez d'interrompre le témoin, Monsieur

  9   Karadzic. Laissez-le répondre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Excellence, je ne peux pas accepter que

 11   le témoin me livre sa propre version de son rapport.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez laisser le témoin répondre.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, j'espère avoir été clair, Monsieur le

 14   Président. Je crois qu'il y avait une politique qui était double, qui avait

 15   deux faces. Je ne conteste pas qu'il y ait eu cette politique de la JNA. En

 16   fait, je cite certains documents où l'on voit le désir de la JNA de réduire

 17   les tensions interethniques, y compris les moments où la JNA elle-même ne

 18   savait pas exactement quel était le sort qui l'attendait.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Eh bien, voyez dans la suite du paragraphe que la population est

 21   effrayée, qu'elle est frappée de panique et qu'elle quitte déjà certains

 22   territoires. Et ensuite, vous dites dans la suite, je cite :

 23   "Le 1er Corps de la Krajina fait savoir que la population est effrayée et

 24   que la pression à laquelle elle est soumise pour quitter ces territoires

 25   augmente."

 26   Alors, est-ce que vous avez réussi à déterminer d'où venaient ces pressions

 27   ?

 28   R.  Non. C'était une référence au 1er Corps de la Krajina. Peut-être était-


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  1   ce la déclaration que vous aviez faite auparavant -- peut-être était-ce

  2   l'une d'entre elles -- l'une de ce type de déclarations qui ne faisaient

  3   qu'exacerber les pressions. Mais je suis sûr qu'il y avait de nombreux

  4   propos et de nombreuses déclarations qui circulaient qui n'ont fait

  5   qu'augmenter les tensions, à la fois à l'échelon local et globalement. Je

  6   n'ai pas examiné les détails. Tout ce que j'ai fait, c'est faire état de ce

  7   que le 1er Corps de Krajina a fait figurer dans ces rapports quotidiens de

  8   combat; la tension augmentait, les gens étaient effrayés, et il était clair

  9   qu'ils avaient peur de ce qui s'était peut-être passé dans d'autres

 10   municipalités en d'autres lieux, et donc ils redoutaient ce qui pouvait se

 11   passer.

 12   Q.  Merci. Alors, voyez la note en bas de page numéro 520. Vous vous

 13   appuyez sur un document numéro 9417, examinons-le. Voyons sa page 3 dans le

 14   système e-court. En fait, c'est la page 2 du document à proprement parler.

 15   Numéro 9417 dans la liste 65 ter. Pendant que nous en attendons

 16   l'affichage, Monsieur Brown, ce que j'affirme à votre attention, c'est que

 17   ce dont ils font état -- les rapports qu'ils font indiquent que les

 18   pressions exercées pour que les gens quittent ces territoires viennent de

 19   personnes qui, en réalité, souhaitent partir et souhaitent modifier leur

 20   lieu de résidence. Est-ce que vous comprenez cela ? Ce n'est pas quelqu'un

 21   qui exerce des pressions sur eux pour qu'ils partent; eux-mêmes veulent

 22   partir, comme on l'a vu dans ce télégramme il y a quelques instants.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, page 2, s'il vous plaît. Et dans la

 24   pagination du système e-court, c'est la page 3. Page 2 -- en fait, numéro 3

 25   dans le système e-court.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous pouvez me répondre ? Avez-vous remarqué que les

 28   pressions pour partir, pour quitter le territoire, venaient de ceux-là


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  1   mêmes qui voulaient partir ?

  2   R.  Ce n'est pas la façon dont je lis ceci, Monsieur Karadzic. Les gens

  3   partaient parce qu'ils avaient peur. Pour que quelqu'un quitte son domicile

  4   et envisage même cette possibilité, il faut qu'il ait subi des menaces

  5   significatives. Il faut qu'il se sente menacé. Ceci s'est produit après la

  6   prise de certaines municipalités. Par exemple, Prijedor, le 30 avril, ceci

  7   intervient une semaine plus tard. Et quelques jours après le déplacement de

  8   pièces d'artillerie dans Prijedor. Des incidents se produisaient, et ce

  9   qu'ils redoutaient quant aux événements auxquels on pouvait s'attendre dans

 10   cette zone leur a fait envisager la possibilité de partir et les a fait

 11   partir. Et ils ont très bien pu être au fait de ce qui s'était passé à

 12   Krupa et dans d'autres parties de la Bosnie-Herzégovine --

 13   Q.  Ce n'est pas à vous qu'il revient de dire cela, de dire peut-être,

 14   Monsieur Brown. Votre rapport est plein de peut-être. Est-ce que vous voyez

 15   qu'ici il est dit : La population a peur, et la panique règne parmi la

 16   population. De nombreuses personnes quittent le territoire pour d'autres

 17   parties du pays, et je crois que ceci n'a pas été bien traduit. Il est dit

 18   : Nombreux sont ceux qui fuient. L'original dit qu'il y a une immigration

 19   importante à l'intérieur du pays, indépendamment des aspects politiques ou

 20   du moral. Alors, il y a ici une distinction que je me dois de faire devant

 21   cette Chambre de première instance entre la situation où quelqu'un va voir

 22   les gens pour les convaincre de partir et celle où eux-mêmes partent par

 23   peur. Est-ce que, du point de vue de la Défense, cette distinction est

 24   nécessaire.

 25   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous passez

 26   beaucoup de temps à faire des commentaires. Si vous avez besoin de faire

 27   cette distinction, veuillez l'exprimer sous la forme d'une question

 28   appropriée.


Page 21895

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Brièvement, Monsieur le Président. Je

  3   m'oppose à la façon dont M. Karadzic crie sur le témoin et au ton avec

  4   lequel il s'exprime en disant :

  5   "Monsieur, Monsieur, ce n'est pas à vous de dire peut-être…"

  6   Le témoin s'efforce de répondre aux questions qui lui sont posées. Il fait

  7   de son mieux, et il n'est pas juste de l'interrompre de la sorte. Et M.

  8   Karadzic ne devrait pas se permettre de dire au témoin quels sont les

  9   propos qu'il est autorisé à utiliser dans ses réponses.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 11   Alors, quelle est votre question ? Et je crois que vous touchez à la fin,

 12   Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document ? J'en ai presque

 14   terminé. Je voudrais simplement dire qu'il n'y a pas eu de contre-

 15   interrogatoire digne de ce nom parce que je n'ai pu couvrir qu'un seul de

 16   12 sujets. Alors, peut-on verser ceci ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1940.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais demander aux Juges de la

 20   Chambre si tous les documents auxquels se réfère le témoin dans son rapport

 21   peuvent faire l'objet d'une demande de versement direct à l'audience, ceux

 22   qui n'ont pas été déjà versés par l'Accusation ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à cela, Monsieur le

 25   Président. Ceci pourra vous être utile dans votre examen du rapport. Comme

 26   je l'ai déjà dit, j'ai essayé de discuter de ceci avec Me Robinson. En

 27   fait, je voulais le faire, mais nous n'avons pas encore eu le temps de le

 28   faire. Nous avons un tableau avec des liens hypertextes vers toutes les


Page 21896

  1   notes en bas de page, avec également les numéros dans la liste 65 ter.

  2   Mais, en fait, cela permettrait que vous ayez le rapport sous les yeux, et

  3   au moyen d'un ordinateur, vous auriez la possibilité de cliquer sur une

  4   note de bas de page et d'en lire le contenu.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Et je m'apprêtais à dire que cela prendra

  7   peut-être un certain temps, mais c'est possible, parce que cela a déjà été

  8   fait dans le passé.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, quel est votre point de

 10   vue concernant la demande de versement direct à l'audience ?

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, pour nous conformer

 12   aux critères que vous avez indiqués pour une demande de versement direct à

 13   l'audience, nous sommes censés apporter la démonstration de la pertinence

 14   de chacun des documents, et notamment de sa pertinence concernant notre

 15   thèse. Et je dois dire qu'en tant que conseil de la Défense, je

 16   m'interroge, je suis plus que dubitatif quant à la pertinence qu'il y

 17   aurait à demander en bloc le versement de l'ensemble des éléments

 18   concernant ce témoin. Je crois comprendre pourquoi l'Accusation est

 19   favorable à le faire, mais je ne vois pas pourquoi ceci serait intéressant

 20   du point de vue de la Défense. En tout cas, c'est quelque chose que nous

 21   pourrions discuter, M. Karadzic et moi-même, et si c'est approprié, nous le

 22   ferons par écrit.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Monsieur Karadzic, pourriez-vous conclure votre contre-interrogatoire.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, j'aurais besoin d'encore au moins deux

 26   jours. Si au moins je pouvais avoir encore une heure pour donner au moins

 27   un exemple par sujet, parce qu'ici, nous avons de nombreux sujets qui sont

 28   couverts, dix ou 12 au moins, et je n'ai eu le temps d'aborder pratiquement


Page 21897

  1   aucun d'entre eux. Je n'ai pas eu assez de temps. Quant aux documents, je

  2   ne veux pas demander le versement de tous les documents. Je souhaite

  3   demander le versement des documents que le témoin a évoqués, ceux sur

  4   lesquels il s'est appuyé et que le bureau du Procureur n'a pas versés au

  5   dossier. Donc, c'est une sélection qu'il y aurait à faire parmi les

  6   documents.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant faire une pause

  9   de 25 minutes, et après la pause, vous aurez une demi-heure pour finir,

 10   Monsieur Karadzic.

 11   Nous reprendrons donc à 16 heures 05.

 12   --- L'audience est suspendue à 15 heures 38.

 13   --- L'audience est reprise à 16 heures 07.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Brown, vous venez de me citer comme quelqu'un qui serait

 18   l'auteur d'un certain nombre d'idées criminelles. Cela porte sur ce

 19   déplacement de personnes. En réalité, il faut que je trouve autre chose

 20   maintenant, le lien entre le centre de la Republika Srpska à Pale et la RAK

 21   de Krajina. Au paragraphe 1.113 à la page 50, avez-vous cité toutes vos

 22   références qui vous ont permis de rédiger ce paragraphe 185, 186, 187 ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poser une question à la fois,

 24   s'il vous plaît.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Eh bien, j'ai introduit le sujet et maintenant je pose une question au

 27   sujet du paragraphe. Est-ce que vous avez rédigé ce paragraphe en vous

 28   fondant sur les documents qui sont cités dans ces trois notes en bas de


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  1   page, ou existe-t-il quelque chose dont vous n'avez pas fait mention ?

  2   R.  J'ai rédigé ce rapport il y a longtemps, Monsieur Karadzic, et je ne

  3   sais pas s'il y avait d'autres références, mais il s'agit des références

  4   que j'ai citées.

  5   Q.  Merci. Et vous avez estimé qu'il suffisait de citer des articles de

  6   journaux, comme le journal "Kozarski Vjesnik", et le rapport du 1er Corps;

  7   est-ce exact ?

  8   R.  Eh bien, les documents sont cités dans le rapport, Monsieur Karadzic.

  9   Q.  Merci. Et au paragraphe 1.114, vous parlez de la cellule de Crise

 10   également et vous citez deux sources, 188 et 189, ce sont les numéros de

 11   notes en bas de page, n'est-ce pas ?

 12   R.  C'est exact, Monsieur Karadzic.

 13   Q.  Est-ce que vous avez jugé que cela vous permettait d'avoir une vue

 14   d'ensemble et de l'intérieur des travaux de la cellule de Crise et des

 15   liens qui existaient entre cette cellule et l'armée ?

 16   R.  Le rapport n'a pas été écrit pour avoir une vue de l'intérieur des

 17   travaux de la cellule de Crise de la RAK. Ce paragraphe faisait partie d'un

 18   passage plus important, parce que je pensais que la RAK, au niveau

 19   municipal, avait des rapports étroits -- il y avait des rapports étroits

 20   entre l'armée et les autorités civiles dans la Krajina et que la police y

 21   était représentée également.

 22   Q.  Veuillez regarder le paragraphe suivant maintenant, 1.115. Voici ce que

 23   vous dites :

 24   "C'était un effort concerté de la part du 1er Corps de Krajina. Il

 25   s'agissait d'établir et de maintenir des liens avec les autorités civiles à

 26   tous les niveaux. A la date du 7 mai 1992, quelques semaines avant

 27   certaines attaques militaires dans les municipalités de la Krajina, une

 28   réunion a été convoquée à propos du statut à venir de la JNA, auquel ont


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  1   participé les commandants militaires du corps et les autorités civiles."

  2   Donc vous estimez que c'est quelque chose qui n'est pas souhaitable ou

  3   quelque chose qui semble prouver un crime, à savoir que l'armée et les

  4   autorités civiles étaient en contact l'une avec l'autre ?

  5   R.  Je n'affirme pas cela non plus. La raison pour laquelle j'ai ajouté

  6   cela - il y a bon nombre d'autres documents qui sont cités - eh bien, il me

  7   semblait que l'armée et les autorités civiles travaillaient étroitement

  8   ensemble, et ceci est arrivé aux échelons supérieurs au niveau du général

  9   Talic, et de manière importante également au niveau de ses brigades et de

 10   ses brigades subordonnées. Un certain nombre de documents ont permis

 11   d'étayer cela.

 12   Q.  Merci. Regardons maintenant le 1.105 et de 118 à 119, où vous parlez

 13   des relations entre le gouvernement -- ou plutôt, le premier ministre

 14   Djeric et les inspections sur les travaux qui doivent être menées par la

 15   cellule de Crise du peuple serbe dans les municipalités. Inutile de lire

 16   ceci à voix haute, donc ce que vous citez ici, ce sont les trois premiers

 17   paragraphes. Et ensuite, au paragraphe 1.107, vous y dites :

 18   "Un facteur important dans la mise en œuvre des politiques générales du SDS

 19   et du fonctionnement des organes serbes de Bosnie autoproclamés sur le

 20   terrain."

 21   Et vous établissez entre cela un lien avec un objectif commun, et cetera.

 22   Et donc, vous estimez que les cellules de Crise illustrent la façon dont le

 23   SDS appliquait sa politique et que les instructions de Branko Djeric

 24   étaient un exemple particulièrement significatif à cet égard, n'est-ce pas

 25   ? Le numéro du document est le P3439, par ailleurs.

 26   R.  Oui, tout à fait, j'estime que les cellules de Crise ont constitué un

 27   organe important, qu'elles permettaient à l'armée et à la police et aux

 28   organes civils d'être réunis au niveau civil. Je crois qu'il y a des


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  1   documents qui étayent cela ou qui le mettent en exergue.

  2   Q.  Merci. Cependant, au vu de ce paragraphe, vous affirmez qu'ils étaient

  3   censés mettre en œuvre des instructions qui venaient des échelons centraux

  4   du gouvernement. C'est bien l'objectif de ces instructions ?

  5   R.  Je pense qu'il y a suffisamment de documents qui permettent de montrer

  6   que les cellules de Crise devaient répondre aux échelons qui se trouvaient

  7   au-dessus des municipalités. Prenez le cas, par exemple, d'une des

  8   municipalités comme Sanski Most, pour laquelle les documents sont assez

  9   volumineux. Il est aisé de constater que les documents sont transmis aux

 10   cellules de Crise, les décisions sont prises au niveau des cellules de

 11   Crise, certainement en ce qui concerne les opérations de désarmement,

 12   ensuite ces décisions sont transmises, par exemple, à Sanski Most, lorsque

 13   les colonels Andzic et Basara doivent mener à bien les opérations. Nous

 14   avons vu le document en question hier, ou avant cette date --

 15   Q.  Merci. Moi, je vous demande simplement de vous en tenir au document, le

 16   document de Djeric que vous avez cité. Vous parlez de ce document et vous

 17   dites que c'est un document qui illustre le lien entre les organes centraux

 18   ou centralisés et les municipalités.

 19   R.  Oui. Je crois que ça n'est pas le seul, et l'instruction Subotic est un

 20   autre exemple. Je ne dis pas qu'il s'agit des seuls mécanismes. Mais en

 21   tout cas, au moment de la création de l'armée, il semblerait qu'il y ait eu

 22   des réunions à un niveau élevé et des directives qui aient été données. Et

 23   je crois que le rapport d'aptitude au combat fait particulièrement

 24   référence à cela, à savoir l'importance des cellules de Crise. Je ne dis

 25   pas que c'est le seul document.

 26   Q.  Pourquoi, dans ce cas, avez-vous omis les paragraphes 9, 10 et 13 ?

 27   Pourquoi n'avez-vous pas attiré les Juges de la Chambre sur ces

 28   paragraphes-là ? P34359, nous n'avons pas beaucoup de temps, mais affichons


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  1   ce document et regardons le 9, 10 et 13. Les autorités municipales ont

  2   l'obligation de faire certaines choses que vous avez omis de mentionner aux

  3   Juges de la Chambre. Est-ce parce que vous avez travaillé pour le bureau du

  4   Procureur ? Est-ce juste envers la Défense et les Juges de la Chambre ?

  5   R.  Est-ce que je peux voir ces paragraphes 9, 10 et 13, voir à quoi ils

  6   correspondent ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons les télécharger.

  8    L'ACCUSÉ : [interprétation] Vers le bas, au point 9 de l'anglais et en

  9   serbe également, semble-t-il. L'original déclare que la cellule de Crise a

 10   l'obligation de créer les conditions nécessaires aux organisations chargées

 11   de faire appliquer la paix internationale et d'apporter de l'aide et

 12   garantir un transport sans entrave des convois à leur destination. Peut-

 13   être qu'il y a un problème de traduction et que cela porte à confusion.

 14   Est-ce que nous pouvons avoir la page suivante en anglais, s'il vous plaît,

 15   de façon à pouvoir voir le point 10.

 16   "La population non combattante et les blessés doivent être traités de la

 17   façon la plus humaine possible conformément au CICR. Les prisonniers de

 18   guerre doivent également être traités humainement, et ce, conformément aux

 19   lois de la République serbe de Bosnie-Herzégovine."

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Avez-vous peut-être oublié d'attirer l'attention des Juges de la

 22   Chambre sur ce passage lorsque vous avez abordé ce document ?

 23   R.  Je crois que dans le rapport en tant que tel, j'ai dit que ce -- il ne

 24   s'agissait pas -- que mon rapport ne constituait pas une étude exhaustive

 25   de toutes les composantes et des actions menées par la cellule de Crise, et

 26   que la citation que j'ai faite par rapport à l'instruction de Djeric était

 27   une citation d'ordre général, à savoir que les cellules de Crise existaient

 28   et que cela impliquait que l'armée travaillait en coopération avec les


Page 21902

  1   autorités civiles. Cela, je ne l'ai pas omis, et je l'ai même -- et je l'ai

  2   même, en y réfléchissant, inclus ceci au point 10. J'en ai peut-être même

  3   parlé dans un paragraphe, je l'ai même cité, je l'ai peut-être inclus un

  4   peu plus tard dans mon rapport, puisque nous parlons de ces questions ayant

  5   trait aux prisonniers de guerre. Par exemple, le général Talic qui a donné

  6   ses propres instructions à propos des prisonniers de guerre. Peut-être

  7   qu'il s'agit d'une omission de ma part, mais je ne pense pas que -- je n'ai

  8   pas utilisé le document comme le ferait un expert médico-légal et analysé

  9   chaque aspect de l'opération menée par les cellules de Crise. Il s'agit de

 10   déclarations plus générales que je faisais. Il y en avait d'autres que j'ai

 11   regardés qui portaient sur les cellules de Crise, et dans ce cas-là, il y

 12   avait plus de détails. Ces documents parlaient plus dans le détail des

 13   cellules de Crise que moi j'en ai parlé. Je m'en suis servi lorsqu'il

 14   s'agissait d'analyser les relations entre les cellules de Crise qui

 15   existaient, l'armée qui en était une composante, et en fait, j'argue, je

 16   dirais qu'il s'agissait d'une caractéristique significative, en tout cas

 17   dans cette première partie, lorsque le rapport évoque la question de

 18   l'aptitude au combat.

 19   Q.  Quoi qu'il en soit, le paragraphe 1.105 contient une partie de ce

 20   document et les paragraphes cités ne sont pas mentionnés ou il n'y a pas de

 21   commentaires, n'est-ce pas ?

 22   R.  Les références font partie du document, oui, tout à fait.

 23   Q.  Merci. Alors, au point suivant, vous concluez en disant que c'était la

 24   politique des hauts dirigeants de transmettre ceci aux échelons inférieurs.

 25   Regardez le point 1.108 de votre rapport. A ce paragraphe-là, vous semblez

 26   laisser entendre le contraire. 1.108 :

 27   "Dans la Krajina de Bosnie, les dirigeants, lorsqu'ils font des

 28   déclarations publiques et au niveau de leurs actions concrètes sur le plan


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  1   politique, maintiennent et conservent une attitude indépendante vis-à-vis

  2   du gouvernement serbe de Bosnie-Herzégovine, et il y a même des tentatives

  3   d'ingérence au niveau du commandement des corps et de certaines structures

  4   de ce dernier."

  5   Ce document porte la date du 14 juin, n'est-ce pas, et c'est quelque

  6   chose que vous avez noté, n'est-ce pas ? 

  7   R.  Oui, tout à fait.

  8   Q.  Au paragraphe 1.09, vous évoquez un combat politique entre Banja Luka

  9   et le gouvernement à Pale qui était manifeste pendant les mois d'été de

 10   l'année 1992. Et le texte se poursuit en disant que :

 11   " … ceci était illustré dans certains rapports militaires à

 12   l'époque."

 13   N'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, il y a un petit nombre de références qui portent sur le sujet. Je

 15   pensais que ces références étaient suffisamment importantes pour pouvoir

 16   les inclure dans mon analyse. Il y avait de nombreux exemples de références

 17   à des réunions auxquelles a participé le général Talic pour essayer de

 18   tenter d'éliminer certaines de ces différences. Et donc, moi, je les ai

 19   signalées dans mon rapport et j'ai indiqué que cette question se posait.

 20   Mais je ne vois pas, cependant, qu'il s'agisse là d'une question tellement

 21   sérieuse que le Corps de Krajina ne pouvait pas fonctionner ou que le Corps

 22   de Krajina n'a pas pu mener à bien les tâches qui étaient les siennes. Mais

 23   le rapport évoque le fait qu'il semblait y avoir des tensions de temps en

 24   temps.

 25   Q.  Merci. De toute façon, vous avez noté que la Krajina était assez isolée

 26   jusqu'au mois de septembre 1992 et que le corridor n'était pas un lieu sûr,

 27   que ce n'est pas avant le mois de juillet que la sécurité a été assurée

 28   dans le corridor, et que le réseau téléphonique ne fonctionnait que très


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  1   mal; c'est exact ?

  2   R.  Peut-être que le dernier point est exact. Je ne sais pas. Lorsque vous

  3   parlez que le réseau téléphonique ne fonctionnait que très mal, je ne sais

  4   pas si ceci est arrivé. En tout cas, l'analyse du rapport de combat n'en

  5   parle pas. Il est vrai que le téléphone était une ressource souvent

  6   utilisée lorsque les autres moyens militaires ne fonctionnaient pas. Donc

  7   je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Je ne dirais pas que le

  8   Krajina était forcément isolée jusqu'au mois de septembre 1992, et ce, pas

  9   du tout. D'après moi, le corridor a été pris, ou en tout cas certaines

 10   municipalités ont été prises au mois de mars, à la fin du mois de mars me

 11   semble-t-il, ce qui signifie que cette route qui traversait la Krajina en

 12   direction de Semberija et en direction de la Serbie a été coupée, mais que

 13   la situation a été rétablie à la mi-juillet 1992, après que l'opération

 14   Corridor 92 ait été couronnée de succès. Et il y avait également un pont

 15   qui permettait aux gens de se rendre à Banja Luka. Je suppose que si les

 16   gens n'avaient pas pu parvenir à Banja Luka, la 16e Séance de l'assemblée

 17   n'aurait pas pu se dérouler à cet endroit-là. Je crois qu'il y avait des

 18   hélicoptères aussi qui pouvaient entrer et sortir. L'aéroport fonctionnait

 19   toujours, était ouvert, et je crois qu'il y avait des vols, des avions qui

 20   pouvaient atterrir et quitter Banja Luka. Mais j'entends bien ce que vous

 21   dites. Pour ce qui est de la route qui traversait la Krajina, cette route a

 22   été coupée pendant un certain temps, mais après l'opération Corridor, la

 23   route a été rouverte à nouveau. Et ensuite, entre la fin du mois de juillet

 24   jusqu'au mois de septembre ou octobre à peu près, cette route a été

 25   élargie.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons regarder le numéro 65

 28   ter 428.


Page 21905

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  C'est un document que l'Accusation avait l'intention de verser au

  3   dossier en même temps que votre rapport. Le numéro 65 ter 428, à la page 3.

  4   A la page 3, au point 2, s'il vous plaît, "éléments provenant du contre-

  5   renseignement." Cela doit se trouver dans le prétoire électronique. Page 3.

  6   Le titre est "contre-renseignement." C'est vers la fin de la page.

  7   "Certains représentants officiels de la RAK travaillent d'arrache-pied à la

  8   création d'un soi-disant Etat de Krajina" -- les interprètes m'ont demandé

  9   de ralentir. Eléments provenant du contre-renseignement :

 10   "Certains représentants officiels de la RAK travaillent d'arrache-pied sur

 11   la création d'un soi-disant Etat de Krajina, ce qui pourrait avoir des

 12   conséquences négatives sur l'unité du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine et

 13   de la lutte qui a été la leur."

 14   Est-ce que vous disposiez de ce document lorsque vous avez rédigé votre

 15   rapport, étant donné que ce document figure sur la liste du bureau du

 16   Procureur ?

 17   R.  Je ne me souviens pas d'avoir vu ce document, Monsieur Karadzic. Il se

 18   peut que ce document soit devenu disponible après que j'aie rédigé mon

 19   rapport.

 20   Q.  Merci.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux en demander le versement au

 22   dossier, s'il vous plaît ? Numéro 65 ter 432, c'est un autre document du

 23   bureau du Procureur qu'ils souhaitent verser par le truchement de votre

 24   déposition.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne suis pas en train de soulever une

 27   objection. Je ne sais pas exactement ce que M. Karadzic entend lorsqu'il

 28   parle que le numéro 65 ter 428 est quelque chose que nous souhaitions


Page 21906

  1   verser au dossier en même temps que le rapport. Je ne sais pas très bien ce

  2   qu'il entendait par-là. Et moi j'ai versé au dossier ce que j'avais

  3   l'intention de verser au dossier.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  5   Qu'est-ce que vous entendiez par-là, Monsieur Karadzic, lorsque vous

  6   avez dit que c'était le document que le Procureur souhaitait verser au

  7   dossier, qu'est-ce que vous entendiez par-là ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ils ont inclus ce document en tant que

  9   référence -- ou par rapport à ce témoin. La liste d'origine devait

 10   certainement être plus exhaustive, mais en tout cas c'est un document qui

 11   figure sur la liste 65 ter, sous le numéro 428. Mais c'est un document

 12   qu'il est important de signaler.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, poursuivons. Je ne vois pas ces

 14   éléments-là sur la liste des documents qui sont utilisés pendant

 15   l'interrogatoire principal. Nous allons le verser au dossier, ce numéro 65

 16   ter 428.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1941, Madame, Messieurs

 18   les Juges.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Alors, veuillez regarder ce document, s'il vous plaît. Est-ce que nous

 21   pouvons avoir la page 3, le point 3, s'il vous plaît. On évoque la

 22   situation sur le territoire, et il est dit que : Il y avait une lutte de

 23   pouvoir au sein des différents organes de la SR BH qui a une incidence sur

 24   les structures militaires. Il y a également des ministères parallèles dans

 25   la République serbe de Bosnie-Herzégovine ainsi que dans la Région autonome

 26   de Krajina. Est-ce quelque chose dont vous avez pris bonne note ?

 27   R.  Je n'en suis pas certain. Il faudrait que je me reporte aux notes de

 28   mon rapport. Mais comme je vous l'ai dit, j'ai cité le fait qu'il y avait


Page 21907

  1   des tensions, des difficultés. La RAK, en tout cas, par exemple, souhaitait

  2   qu'il y ait une unité -- qu'elle soit unifiée à d'autres territoires ou

  3   d'autres régions serbes en Croatie, et d'autres questions sur lesquelles

  4   elle n'était pas tout à fait d'accord. J'ai clairement indiqué dans mon

  5   rapport que ces tensions existaient et qu'il s'agissait très souvent de

  6   tensions internes parce qu'ils cherchaient à avoir ou exercer une influence

  7   sur les uns ou sur les autres. Mais à mon sens, ceci n'a eu aucune

  8   incidence sur ce que faisait le Corps de Krajina en tant que tel. En

  9   réalité, le général Talic tentait de résoudre ces différends en organisant

 10   des réunions, et qui sont citées dans certains de ces documents.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

 13   dossier de ce document, s'il vous plaît ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. C'est la pièce D1942.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Veuillez regarder, s'il vous plaît, le paragraphe 1.1.4, où vous dites

 17   que vous saviez que les autorités locales dans certaines municipalités

 18   avaient pour ambition d'asseoir leur pouvoir en contrôlant certaines

 19   instances militaires, ou organes militaires, de la municipalité. Il

 20   semblerait qu'on ait demandé à Talic d'exercer son influence par

 21   l'intermédiaire du gouvernement de la RAK pour exclure certains éléments

 22   extrémistes. Kljuc est citée en particulier, et on constate ici que les

 23   structures militaires de Kljuc demandent à ce que ces dernières influencent

 24   les hommes politiques de la région par le truchement du gouvernement de la

 25   RAK de façon à ce qu'elles ne contrôlent pas leurs unités militaires

 26   régionales; est-ce exact ?

 27   R.  Ecoutez, il me faudrait un certain temps pour parcourir les documents

 28   et mon rapport, mais d'après moi, ce qui s'est passé, c'est qu'il y avait


Page 21908

  1   des tensions à Kljuc, et je crois qu'il y a des Musulmans qui ont été tués

  2   -- ou un Musulman a été tué. Une demande a été faite à Talic -- ou Talic a

  3   envoyé une demande à la RAK pour leur demander en substance d'user de leur

  4   influence ou de leur autorité pour, d'une manière ou d'une autre, éviter un

  5   quelconque malentendu avec la JNA dans le secteur. Je crois que Talic a

  6   clairement indiqué par le biais de cette demande qu'il s'adressait à la RAK

  7   et que ceci revêtait une certaine importance. Il leur a demandé de l'aider.

  8   Je crois qu'une pression a été exercée également de se servir de l'unité de

  9   la JNA à Kljuc. Il a tenté de résoudre cette question-là en se tournant

 10   vers les organes investis de l'autorité à l'époque. Je crois que cette même

 11   unité était là au début du mois de mai, c'était la même unité qui avait

 12   participé à la prise de contrôle -- ou plutôt, aux opérations de

 13   désarmement du mois de mai. Donc c'était la même unité, la même unité dont

 14   il parlait au début du mois de mai, et finalement l'unité qui a mené les

 15   opérations à la fin du mois. Mais pour être très précis, il faudrait que je

 16   regarde mes notes. Mais le général Talic estimait que pour pouvoir résoudre

 17   ces tensions et ces pressions, la RAK était l'organe vers lequel il devait

 18   se tourner.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez terminer en

 20   trois minutes, s'il vous plaît.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur, ceci portait sur ma question où j'ai dit que vous étiez, bien

 24   évidemment, au courant du fait qu'il y avait des velléités d'indépendance

 25   au niveau des municipalités, que chaque unité administrative souhaitait

 26   avoir sa propre armée. De toute façon, vous avez développé la question.

 27   Regardez le point 2.24, à la page 69 de votre rapport, où vous avez écrit

 28   que jusqu'à la création de la VRS, les unités assuraient leur propre


Page 21909

  1   organisation, étaient auto-organisées.

  2   Et vous citez cela : "Entre le 1er avril et le 15 juin, les unités

  3   régionales et municipales s'étaient auto-organisées au nom de la Défense

  4   territoriale…" et cetera, et cetera.

  5   R.  Oui. Sous l'influence patriotique du SDS, c'est bien ce que dit le

  6   texte.

  7   Q.  Oui. Saviez-vous que selon la doctrine de Tito, à savoir dans une

  8   population armée, les municipalités étaient souveraines en ce qui concerne

  9   les questions de défense et que le président municipal était le commandant

 10   suprême des forces sur son territoire ? Il y avait des unités municipales

 11   au sein desquelles chacun avait le devoir de se battre, que le membre de

 12   cette unité ait reçu ou non des ordres à cet effet ?

 13   R.  Je connais la Loi sur la Défense populaire généralisée. Je sais qu'en

 14   temps de crise, les personnes pouvaient être mobilisées au sein de la

 15   Défense territoriale, et il relevait de la responsabilité de chaque citoyen

 16   de contribuer à la défense de l'Etat. Mais je ne pense pas que ceci avait

 17   une quelconque incidence sur la situation que j'ai vue dans la Krajina en

 18   1992.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que la RAK, à l'automne de l'année 1992,

 20   a été abolie et que toutes les régions autonomes ont cessé d'exister étant

 21   donné qu'il avait été dit et conclu que les instances de l'Etat, les

 22   organes centraux, n'exerçaient pas suffisamment d'influence sur ces

 23   dernières régions et sur leur fonctionnement ?

 24   R.  Ecoutez, je sais qu'à la fin de l'année 1992, la RAK a cessé de

 25   fonctionner. Comment cela s'est passé et quelles négociations étaient à

 26   l'origine de cela, eh bien, ce n'est pas quelque chose que j'ai inclus dans

 27   mon rapport.

 28   Q.  Eh bien, c'est parce qu'il y a eu une modification de la constitution,


Page 21910

  1   Monsieur Brown, peut-être que vous vous en souvenez ? Avez-vous parcouru

  2   les documents qui vous ont été fournis ? Il s'agit en réalité de

  3   corrections qui ont été apportées à certains documents. Et est-ce que vous

  4   avez inclus ces corrections sur la feuille d'errata qui a été présentée aux

  5   Juges de cette Chambre ? En particulier parce que certains points vous ont

  6   été signalés dans d'autres affaires, les paragraphes 1.114, 2.18, 2.31,

  7   2.24, 2.76, 1.105, 2.5 et 2.80 ?

  8   R.  Oui, Monsieur Karadzic. Oui, je crois que c'était le travail à la

  9   maison que m'a donné M. Robinson pendant le week-end. J'ai regardé les huit

 10   paragraphes qui m'ont été remis. Et au point 1, qui était le paragraphe

 11   1.114, à mon sens, il n'était pas nécessaire de modifier ce paragraphe-là,

 12   il n'était pas nécessaire de corriger le rapport. Le paragraphe 2.18, à mon

 13   sens, rien n'exigeait la modification du rapport, sauf qu'un numéro ERN a

 14   été mal répertorié, ce qui n'a pas été signalé dans les deux feuilles sur

 15   lesquelles ces errata ont été signalées, je suis disposé à vous présenter

 16   un troisième feuillet erratum. Le troisième paragraphe, le paragraphe 2.24,

 17   avait déjà été modifié dans la fiche d'errata numéro 2. Le paragraphe 2.76

 18   est une référence qui concerne l'absence d'attaque sur Celinac qui, je

 19   crois, a été évoquée par Me Ackerman. Pour ma part, je ne suis pas d'accord

 20   avec cette position de Me Ackerman, mais vous constaterez à la lecture de

 21   ce que j'ai écrit à ce sujet dans mon document que je ne vois absolument

 22   pas le moindre problème à modifier ces mots pour qu'ils se lisent

 23   "opérations militaires", au pluriel, plutôt que "attaque". Il y a deux

 24   références dans mon rapport qui indiquent qu'il y a eu des opérations

 25   menées à Celinac. Et donc, je pense que mon propos tient toujours. Je ne

 26   pense pas que Me Ackerman ait raison de dire qu'il n'y a pas eu

 27   d'opérations à Celinac. Je crois qu'il y en a eu, et deux références

 28   figurent à ce sujet dans mon rapport. Mais je ne vois pas de problème à


Page 21911

  1   apporter une légère modification aux mots utilisés dans l'une des phrases

  2   qui figurent dans ce rapport. Alors, le sixième paragraphe concerné, le

  3   paragraphe 1.105, Me Loukas a indiqué, ou en tout cas déclaré, qu'elle

  4   pensait qu'il s'agissait de ma part d'une omission délibérée au paragraphe

  5   10 du document de la cellule de Crise concernant la question des

  6   prisonniers de guerre. J'ai indiqué pour ma part que je n'avais utilisé que

  7   des éléments sélectionnés par rapport aux aspects militaires de la cellule

  8   de Crise, mais je ne vois aucun problème à inclure le paragraphe 10 sur une

  9   fiche d'errata. Cela étant, je ne pense pas que ceci modifie

 10   substantiellement ma position par rapport aux cellules de Crise.

 11   Le septième paragraphe, à savoir le paragraphe 2.5, l'endroit où j'ai

 12   placé ma note en bas de page a fait discussion. J'ai placé la référence de

 13   note en bas de page à la fin de la phrase, et il a été dit pendant le débat

 14   que cette référence ne rendait compte que d'une chose, c'est que la

 15   sécurité avait été assurée pour les installations les plus importantes, et

 16   je crois qu'il était même question d'assurer la sécurité de territoires,

 17   d'installations-clés, et d'autres aspects. Je pense que le Juge a dit à

 18   l'époque qu'il serait peut-être préférable de placer la note en bas de page

 19   au milieu de la phrase, là où il est question d'assurer la sécurité des

 20   installations-clés, puisque c'est à ces installations que la note se

 21   référait. Encore une fois, je ne vois pas en quoi cela change

 22   substantiellement le commentaire que j'ai fait, mais je suis tout à fait

 23   prêt de modifier l'emplacement de la note en bas de page pour la placer

 24   dans la partie de la phrase qui convient, et même de donner davantage de

 25   détails dans cette note pour qu'elle soit plus claire. Je ne pense pas que

 26   ceci modifie quoi que ce soit de façon substantielle dans mon rapport, et

 27   je crois qu'il s'agit plutôt d'un problème administratif. Le huitième

 28   paragraphe, le paragraphe 2.80, a déjà été modifié par la fiche d'errata


Page 21912

  1   que j'ai remise le 11 novembre. Donc, ces modifications se trouvent déjà

  2   sur cette fiche d'errata.

  3   Sur le fond, par conséquent, j'ai examiné les documents. Dans deux

  4   d'entre eux, il y avait déjà des modifications signalées dans une fiche

  5   d'errata antérieure. L'un de ces documents n'avait besoin d'aucune

  6   modification, à mon avis, et les cinq autres, à mon avis, sont de nature

  7   mineure qui ne nécessite pas des transformations substantielles d'une

  8   quelconque analyse, mais je ne vois aucun problème, et je l'ai déjà fait, à

  9   mettre tout cela par -- à rédiger une troisième note d'errata en plaçant

 10   toutes ces modifications sur cette note.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A ce stade, nous devrons admettre au

 12   dossier votre fiche, Maître Robinson.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'elle a été communiquée par

 15   l'Accusation.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, et

 17   l'Accusation n'a pas d'objection.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Nous allons la télécharger dans le prétoire

 19   électronique.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un numéro de pièce, je vous prie.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Excusez-moi. Qu'en est-il du paragraphe 131, il n'a pas été évoqué.

 23   Est-ce que vous avez apporté une modification à ce paragraphe ?

 24   R.  Ah, oui. C'est une modification de nature tout à fait mineure que je ne

 25   vois aucun problème à inclure dans une troisième fiche d'errata. Le

 26   problème avec ce paragraphe 1.31, c'est qu'il existait une note de bas de

 27   page de référence. C'était une longue citation, et donc, une note de

 28   référence en bas de page, mais cette citation provenait de deux documents.


Page 21913

  1   Et au compte rendu d'audience, on évoque un document supplémentaire mais

  2   pas au bon endroit. Donc, il s'agit d'un problème administratif, et ce que

  3   j'ai fait sur la nouvelle fiche d'errata, c'est de préciser tout cela pour

  4   qu'il n'y ait plus d'ambiguïté. Le paragraphe 1.31 doit donc comporter deux

  5   notes de référence en bas de page au lieu d'une, dans lesquelles il est

  6   indiqué dans l'une d'entre elles qu'elle a un rapport avec le compte rendu

  7   d'audience, mais que la deuxième n'avait pas été définie de façon

  8   suffisamment claire. Donc, ce n'est pas une modification de la citation sur

  9   le fond, mais simplement une précision quant au fait que cette citation

 10   provient de deux documents plutôt que d'un seul.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Un numéro de pièce.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D1943.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Deux questions brèves encore, Monsieur Brown,

 14   et je souhaite informer les Juges de la Chambre que je n'ai pas eu le temps

 15   de traiter de la crédibilité ou des qualifications, ainsi que d'autres

 16   questions liées à l'organisation --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est un commentaire

 18   inacceptable. Veuillez poursuivre avec vos deux dernières questions.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Première question : est-ce que vous convenez, en tant qu'officier et en

 21   tant qu'analyste, qu'un officier de haut rang est tenu de notifier, et ce,

 22   par écrit, ou de rendre compte des erreurs commises par un subordonné ?

 23   R.  En tant qu'ancien soldat, je réponds oui.

 24   Q.  Merci. Ma deuxième question est la suivante : votre analyse comporte

 25   environ 500 paragraphes et un grand nombre de notes en bas de page. Est-ce

 26   que dans cette analyse on trouve tout ce que vous avez pu apprendre et

 27   mettre par écrit sous forme de notes rédigées, tout ce que vous avez pu

 28   trouver s'agissant d'actes répréhensifs de la part des Serbes, à la lecture


Page 21914

  1   des documents du 1er Corps de la Krajina ?

  2   R.  Je pense que j'ai mis l'accent sur cela par le passé, Monsieur

  3   Karadzic. Les documents que j'ai utilisés étaient, dans leur grande

  4   majorité, des documents de l'époque, provenant du 1er Corps de la Krajina et

  5   rédigés à l'époque des faits; il y avait aussi un certain nombre de

  6   documents de police rédigés à l'époque des faits également; et un nombre

  7   assez limité d'articles de presse de l'époque également; ainsi qu'une ou

  8   deux vidéos. Mais la majorité écrasante des documents que j'ai utilisés

  9   pour rédiger mon rapport provenait des archives du 1er Corps de la Krajina.

 10   Q.  Merci.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

 12   Est-ce que vous avez des questions supplémentaires, Monsieur Nicholls ?

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, ceci met donc un point final à

 15   votre déposition, Monsieur Brown. Merci d'être venu à La Haye pour

 16   témoigner.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de votre patience, Monsieur le

 18   Président, Madame, Messieurs les Juges.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Je vous souhaite un

 20   bon voyage de retour chez vous.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur.

 22   [Le témoin se retire]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nicholls, est-ce que vous

 24   proposez que nous fassions une courte pause ou est-ce que cela ne pose

 25   problème que nous continuions immédiatement ?

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne vois aucun problème à poursuivre dans

 27   l'immédiat, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas, vous pouvez faire entrer


Page 21915

  1   votre témoin suivant.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, tant que le témoin

  3   n'est pas encore dans le prétoire, je voudrais informer la Chambre de

  4   première instance qu'hier la Chambre d'appel a rendu un arrêt au sujet de

  5   la communication retardée concernant le Témoin KDZ-320 et qu'elle a renvoyé

  6   la question vers la Chambre de première instance, et je voulais --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Nous sommes au

  8   courant.

  9   M. ROBINSON : [interprétation] Je pensais que vous l'étiez. Mais je voulais

 10   vous faire savoir que nous ne déposerons aucune écriture supplémentaire

 11   désormais, mais que nous vous demandons de prendre en compte les écritures

 12   déjà déposées devant la Chambre d'appel.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demande de prononcer la

 18   déclaration solennelle, Monsieur.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 20   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   LE TÉMOIN : KDZ039 [Assermenté]

 22   [Le témoin répond par l'interprète]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Veuillez vous asseoir

 24   confortablement, Monsieur, je vous prie.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que nous ne commencions à entendre

 27   votre déposition, Monsieur, j'aimerais m'occuper d'une question

 28   administrative. Et à cette fin, je demande que nous passions rapidement à


Page 21916

  1   huis clos partiel.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

  3   le Président, Madame, Messieurs les Juges.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   Interrogatoire principal par M. Nicholls :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Vous m'entendez bien ?

 18   R.  Je vous entends parfaitement bien.

 19   Q.  Il y a un point que j'aimerais vous rappeler avant que nous ne

 20   commencions, à savoir qu'il faut absolument que vous évitiez de prononcer

 21   votre propre nom, Monsieur.

 22   R.  Très bien.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Comme je vous l'ai déjà dit, Monsieur le

 24   Témoin, lorsque nous nous adresserons à vous, nous vous appellerons M. le

 25   Témoin ou Témoin 39.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. 

 27   M. NICHOLLS : [interprétation]

 28   Q.  Et l'autre point sur lequel je souhaitais appeler votre attention,


Page 21918

  1   Monsieur, c'est que je sais que vous avez subi une blessure à la jambe par

  2   le passé et qu'il arrive parfois que votre jambe vous provoque d'intenses

  3   douleurs si vous êtes assis pendant longtemps. Donc, n'ayez absolument

  4   aucun amour propre, si vous commencez à ressentir une douleur à la jambe et

  5   que vous avez besoin de vous lever et de marcher un peu, n'hésitez pas à me

  6   le faire savoir.

  7   R.  Très bien, Monsieur.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] La première chose que je voudrais faire,

  9   c'est demander l'affichage du document 65 ter numéro 90301, qui est une

 10   fiche de pseudonyme et qui ne doit pas être diffusée à l'extérieur.

 11   Q.  Monsieur, vous allez voir apparaître à l'écran dans quelques instants

 12   une feuille de papier avec votre nom sur cette feuille de papier. Ne lisez

 13   pas ce qui est écrit sur la feuille à haute voix. Contentez-vous de

 14   regarder ce qui est écrit et de me dire si c'est bien votre nom que l'on

 15   voit sur cette feuille.

 16   R.  Oui. Oui, je vois mon nom à l'écran.

 17   Q.  Merci.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 19   document avec conservation sous pli scellé.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document devient la pièce P3938, à

 22   conserver sous pli scellé, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

 23   Juges.

 24   M. NICHOLLS : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur, comme je vous l'ai expliqué, puisqu'un certain nombre de

 26   questions vous ont déjà été posées auparavant, nous n'allons pas vous

 27   reposer les mêmes questions qui portent sur ce que vous avez vécu

 28   personnellement. Ce que nous allons faire maintenant, c'est vous soumettre


Page 21919

  1   la déposition que vous avez faite dans l'affaire Popovic. Donc je vais

  2   maintenant vous poser quelques questions. Première question : est-ce que

  3   vous vous rappelez avoir témoigné dans l'affaire Popovic en 2007 ?

  4   R.  Je ne me rappelle pas, mais il est certain que oui.

  5   Q.  D'accord. Vous avez relu votre déposition dans cette affaire Popovic.

  6   Est-ce que vous vous rappelez --

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Quand vous avez écouté votre déposition, celle que vous avez faite dans

  9   l'affaire Popovic, est-ce que vous pouvez confirmer aujourd'hui que lorsque

 10   vous l'avez réécoutée, vous n'y avez trouvé aucune erreur, que le compte

 11   rendu correspondait donc à la réalité ?

 12   R.  Oui, il était exact.

 13   Q.  Merci. Et pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre, Monsieur, je vous

 14   prie, si l'on devait aujourd'hui vous poser les mêmes questions qu'à

 15   l'époque, est-ce que vos réponses seraient les mêmes qu'à l'époque ?

 16   R.  Je donnerais les mêmes réponses aux mêmes questions.

 17   Q.  Merci.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Eh bien, sur ces mots, Monsieur le

 19   Président, je demande le versement au dossier du document 22402A avec

 20   conservation sous pli scellé. Il s'agit de la déposition faite par ce

 21   témoin dans l'affaire Popovic les 1er et 2 novembre 2007. Et je demande

 22   également le versement au dossier du document 22402B, qui est la version

 23   publique de ce même compte rendu d'audience.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux versions sont admises en tant

 25   que pièces à conviction.

 26   M. NICHOLLS : [interprétation] Très bien.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 22402A devient la pièce

 28   P3939, à conserver sous pli scellé; et le document 22402B devient la pièce


Page 21920

  1   P3940.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur, avant de vous poser des questions, je vais donner lecture

  5   d'un bref résumé de votre déposition, après quoi je vous poserai mes

  6   questions.

  7   R.  Très bien.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] Le témoin est né dans un petit hameau de la

  9   municipalité de Srebrenica. Il a grandi dans la municipalité de Srebrenica,

 10   a élevé une famille à cet endroit et y a résidé jusqu'au 11 juillet 1995.

 11   Aux environs de 17 heures ce jour-là, il rentrait du travail, il avait

 12   ramassé du foin, et il a entendu dire que Srebrenica était tombée. Il a

 13   entendu cela de la bouche d'un voisin qui lui a dit qu'un membre de la

 14   protection civile avait déclaré que les personnes âgées et les infirmes

 15   devaient se rendre à la base des Nations Unies de Potocari et que les

 16   jeunes gens en âge militaire, en revanche, devaient essayer de sauver leur

 17   vie en passant par la forêt.

 18   Il s'est donc mis en chemin vers la base de la FORPRONU en compagnie

 19   de son épouse, de sa fille, de sa belle-fille et de sa petite-fille. Il a

 20   fait ce voyage à dos de cheval en raison de la mauvaise blessure qu'il a

 21   reçue à la jambe qui lui rend la marche difficile. Ils sont tous arrivés à

 22   Potocari alors que la nuit était déjà tombée et qu'il se trouvait là déjà

 23   un grand nombre d'autres personnes. Ils ont passé la nuit du 11 au 12

 24   juillet sur le parking de l'usine Sacmara, non loin de la base de la

 25   FORPRONU. Le parking était bondé, de nombreuses personnes s'y trouvaient.

 26   Le matin du 12 juillet, il a entendu dire qu'un transport avait été

 27   organisé à destination de Tuzla. Alors qu'il attendait, il a vu des soldats

 28   serbes qui se dirigeaient vers les usines situées non loin de la base de la


Page 21921

  1   FORPRONU en mettant le feu aux meules de foin pendant leur avancée. Aux

  2   environs de 14 heures, les premiers autobus et les premiers camions sont

  3   arrivés. Lui s'est dirigé vers la grand-route, où il a vu des barrages. Sur

  4   le sentier étroit qui conduisait à l'endroit où les autobus et les camions

  5   attendaient, il a vu des soldats de la FORPRONU qui étaient alignés. Un peu

  6   plus bas, il a vu des soldats serbes portant l'uniforme de camouflage,

  7   alignés non loin des autobus et des camions.

  8   Le témoin a déclaré dans sa déposition qu'il n'a même pas pu réussir

  9   à s'approcher des autobus. Alors qu'il s'approchait de ces autobus avec sa

 10   famille, un soldat serbe l'a pris par l'épaule et lui a ordonné : "Va vers

 11   la gauche." Il a donc été séparé de sa famille à ce moment-là. On l'a mis

 12   de côté et on lui a donné l'ordre de rejoindre un groupe d'autres hommes

 13   âgés qui avaient déjà été séparés des autres. Il a vu d'autres hommes qui

 14   continuaient à se faire séparer de leurs familles. Il a été détenu avec

 15   environ une vingtaine d'autres hommes d'âgés. Ils étaient gardés par cinq

 16   ou six soldats serbes en uniforme de camouflage et armés de fusils

 17   automatiques.

 18   Les soldats ont escorté les hommes qui avaient été séparés de leurs

 19   familles jusqu'à une maison dont la construction était inachevée qui se

 20   trouvait non loin de la grand-route. Alors qu'un nombre de plus en plus

 21   important de prisonniers arrivait, ils remplissaient la pièce dans laquelle

 22   il se trouvait, et certains ont été contraints de rester à l'extérieur. A

 23   un certain moment, le général Mladic a parlé aux prisonniers en leur disant

 24   qu'il avait besoin de 180 hommes pour un échange. Tous les prisonniers qui

 25   avaient été amenés dans la maison étaient des personnes âgées ou

 26   handicapées, tout comme le témoin. Certaines de ces personnes avaient même

 27   des cannes. Pendant les heures de leur détention dans cette maison, les

 28   prisonniers n'ont reçu aucuns vivres et aucune eau.


Page 21922

  1   Alors que la nuit tombait, les hommes ont été placés à bord de deux

  2   autobus qu'on a remplis complètement. Les autobus étaient bondés, il n'y

  3   avait pas suffisamment de place pour que tous les prisonniers puissent

  4   s'asseoir. Ils ont été conduits à Bratunac, et là ils ont rencontré dix ou

  5   15 soldats devant un entrepôt abandonné, non loin d'une école. Le témoin a

  6   appris par la suite que l'école s'appelait l'école Vuk Karadzic. Les

  7   prisonniers ont été emmenés à l'intérieur de l'entrepôt et on les a

  8   contraints de s'asseoir alors que les soldats gardaient l'entrée de

  9   l'entrepôt. Les hommes ont continué à être amenés à l'intérieur de

 10   l'entrepôt jusqu'aux environs de minuit, et à cette heure-là l'entrepôt

 11   était plein. Le témoin estime qu'il y a eu à peu près 400 prisonniers

 12   détenus dans cet entrepôt, qui étaient tous des hommes âgés et/ou infirmes.

 13   Ils ont été maintenus dans une chaleur suffocante, et l'entrepôt était

 14   bondé, sans recevoir d'eau ou de quoi manger. On répondait à leurs plaintes

 15   par des menaces et de la violence.

 16   Toute la nuit du 12 juillet, les soldats serbes ont emmené environ 40

 17   prisonniers hors de l'entrepôt. Le témoin a entendu des coups, des plaintes

 18   et des cris. Certains hommes sont rentrés dans la pièce avec du sang sur

 19   eux. Cinq hommes sont morts pendant la nuit. Le témoin se rappelle deux

 20   prisonniers en particulier qu'on a fait sortir de l'entrepôt. Le premier,

 21   Ibran Mustafic, n'est pas revenu. Le témoin a pensé qu'Ibran Mustafic avait

 22   été assassiné; mais quelque temps après avoir fui pour se diriger vers le

 23   territoire sous contrôle musulman, il a appris que M. Mustafic n'avait pas

 24   été tué. Le deuxième homme, Hamed Efendic, a été emmené hors de l'entrepôt,

 25   et le témoin a entendu des coups de feu, et à ce moment-là il a entendu des

 26   soldats qui disaient : "Vous pouvez l'emporter. Il est fini. Il est mort."

 27   Le lendemain matin, le matin du 13 juillet, les prisonniers ont reçu

 28   de l'eau. Ils ont été autorisés à déplacer les corps des hommes qui étaient


Page 21923

  1   morts dans l'entrepôt. Le témoin n'a pas participé à l'enlèvement des

  2   cadavres, mais ceux qui l'ont fait, lorsqu'ils sont revenus, ont décrit une

  3   pile de cadavres qu'ils ont vus derrière l'entrepôt. Ce matin-là également,

  4   des soldats serbes ont exigé que les prisonniers rendent leurs objets de

  5   valeur et autres objets personnels, y compris leur carte d'identité.

  6   Pendant la journée, les soldats ont continué à appeler des prisonniers pour

  7   qu'ils sortent de l'entrepôt et ils ont continué à les tuer. Le témoin a

  8   personnellement vu un homme qui se faisait tuer par des soldats. Le

  9   prisonnier a été touché par un soldat à l'aide d'une barre métallique,

 10   après quoi un autre soldat a frappé le prisonnier dans le dos avec une

 11   hache. Le témoin estime que pendant toute la journée du 13 juillet, 40

 12   hommes à peu près ont encore été tués.

 13   Dans la soirée du 13 juillet, le général Mladic est arrivé dans

 14   l'entrepôt et a dit aux prisonniers qu'ils seraient échangés. A ce moment-

 15   là, 296 prisonniers ont été dénombrés. Peu après, six autobus sont arrivés,

 16   et les prisonniers ont reçu l'ordre de monter à bord de ces autobus. La

 17   sécurité était assurée dans chacun de ces autobus par un soldat serbe armé

 18   d'un fusil automatique. Il faisait jour lorsque les prisonniers sont montés

 19   à bord des autobus. Ils y sont restés un certain temps jusqu'à ce que les

 20   lumières s'allument à Bratunac. Le convoi d'autobus est parti de Bratunac

 21   aux environs de 20 heures ou 21 heures dans la soirée du 13 juillet, alors

 22   que la nuit était en train de tomber. Il s'est arrêté à Drinjaca, en

 23   chemin, avant de poursuivre sa route vers le nord en traversant Zvornik en

 24   direction de Karakaj. Le convoi a ensuite pris un virage à gauche pour se

 25   diriger vers l'ouest, vers une école. Le témoin estime que les prisonniers

 26   sont arrivés à l'école peu après minuit, aux environs de 2 heures du matin,

 27   dans les premières heures de la matinée du 14 juillet. Dix ou 15 soldats

 28   serbes ont rencontré les prisonniers. Lui-même et les autres prisonniers


Page 21924

  1   sont descendus des autobus et ont pénétré dans la salle de sport de

  2   l'école. Les prisonniers n'ont pas reçu d'eau ou de vivres, et alors que

  3   leur nombre s'accroissait à l'intérieur de la salle de sport, les

  4   conditions de vie y sont devenues pires. Certains hommes étaient contraints

  5   de rester assis sur les genoux d'autres hommes, et l'atmosphère est devenue

  6   suffocante. Les soldats serbes ont ordonné aux prisonniers de continuer à

  7   se presser les uns contre les autres pour que davantage de prisonniers

  8   puissent entrer dans la salle. Les soldats ont menacé de tirer des coups de

  9   feu sur les prisonniers et en ont tirés au dessus de leur tête. Un

 10   prisonnier qui se plaignait des conditions en vigueur a été emmené par un

 11   soldat, le témoin a entendu des coups de feu et le prisonnier en question

 12   n'est jamais revenu. Selon ce que se rappelle le témoin, le dernier des

 13   prisonniers est arrivé aux environs de 10 heures du matin le 14 juillet. Le

 14   témoin estime qu'à ce moment-là près de 2 500 prisonniers se trouvaient

 15   dans l'école. Le témoin se rappelle qu'à un certain moment le général

 16   Mladic est arrivé dans l'école et a dit aux prisonniers que certains

 17   d'entre eux seraient emmenés vers Fikret Abdic, et d'autres à Bijeljina.

 18   Un peu plus tard, les prisonniers se sont vus placer des bandeaux sur

 19   les yeux et on les a fait sortir de la salle de sport pour les entasser à

 20   bord d'une petite camionnette TAM. Chaque prisonnier a reçu une gorgée

 21   d'eau au moment où on lui plaçait le bandeau sur les yeux, avant de monter

 22   à bord de la camionnette. Quand son tour est arrivé, le témoin est monté à

 23   bord de la camionnette, qui a emprunté une route sur une courte distance

 24   avant de prendre un virage pour entrer dans une clairière. Il a relevé son

 25   bandeau. Le camion était suivi par un soldat armé à bord d'une voiture. Le

 26   témoin a vu de nombreux cadavres alors que la camionnette poursuivait son

 27   chemin et à un certain moment il a vu un autre groupe de corps. A cet

 28   endroit, la camionnette s'est arrêtée et deux soldats ont ouvert le hayon


Page 21925

  1   arrière. Les hommes sont descendus, on leur a dit où ils devaient se tenir

  2   et on leur a ordonné de rester tranquille. Le témoin se rappelle que le

  3   général Mladic était présent sur le site d'exécution à côté d'une voiture.

  4   Dès que la camionnette est repartie, les soldats ont ouvert le feu.

  5   Le témoin n'a pas été touché. Il est tombé au sol comme d'autres

  6   prisonniers qui avaient reçu une balle tout autour de lui. Alors qu'il

  7   restait sans bouger, il a vu la camionnette qui revenait avec à son bord un

  8   autre groupe de prisonniers. On les a fait sortir, on les a alignés en

  9   quatre rangées avant de tirer sur ceux. Le témoin a vu cela se répéter à

 10   plusieurs reprises. Alors que la nuit tombait, les prisonniers continuaient

 11   à arriver sur le site à bord de camionnettes TAM, et les exécutions se sont

 12   poursuivies à la lumière des phares de deux excavatrices qui avaient été

 13   amenées sur le site pour creuser des tombes.

 14   Le témoin a continué à rester tranquille sur le sol jusqu'à ce que la

 15   camionnette TAM s'en aille puis revienne et que toutes les personnes qui se

 16   trouvaient auparavant dans la salle de sport aient apparemment été tuées.

 17   Il a appelé à haute voix pour vérifier si d'autres prisonniers avaient

 18   survécu. Une seule personne a répondu et ils se sont enfuis ensemble. Dans

 19   la matinée ils ont été rejoints par un troisième survivant de cette

 20   exécution. Les trois hommes sont arrivés en territoire sûr le 19 juillet

 21   1995, ou à peu près à cette date. Voilà, ceci met un point final au résumé

 22   de votre déposition.

 23   Q.  Monsieur, j'aurais maintenant quelques questions à vous poser. D'accord

 24   ?

 25   R.  D'accord.

 26   Q.  Vous avez entendu le résumé que je viens de faire. Sans prononcer le

 27   nom du village, je vous demande s'il est exact que vous êtes né et avez

 28   grandi dans la municipalité de Srebrenica ?


Page 21926

  1   R.  Oui, j'y suis né.

  2   Q.  Attendez que ma question soit terminée pour que le compte rendu soit

  3   tout à fait clair. D'accord ?

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous êtes marié et est-ce que vous aviez des enfants à

  6   Srebrenica ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Veuillez dire aux Juges de la Chambre pourquoi vous avez quitté

  9   Srebrenica en juillet 1995 ? Qu'est-ce qui vous a poussé à partir de

 10   l'endroit où vous êtes né et où vous avez passé toute votre vie ?

 11   R.  Eh bien, parce que notre communauté locale a été pilonnée toute une

 12   journée et que la mosquée a été complètement démolie. Enfin, elle n'a pas

 13   été totalement détruite, mais le minaret a été démoli. Il y avait tellement

 14   d'obus que les gens se sont même cachés dans la rivière. Et quand tout cela

 15   s'est arrêté dans l'après-midi, je suis allé chercher du foin. On

 16   n'entendait plus de coups de feu. Et quand la nouvelle est arrivée que

 17   Srebrenica était tombée et qu'il fallait que nous allions vers la base de

 18   la FORPRONU, on nous a dit que Srebrenica serait prise par les soldats

 19   serbes et que ces soldats serbes allaient tuer tout ce qui restait dans le

 20   village. C'est pour cela que nous sommes partis. Nous avons été forcés de

 21   partir, autrement nous aurions été tués. Un certain nombre de personnes

 22   âgées sont restées dans le village parce qu'il n'y avait personne pour les

 23   aider à partir, et ils ont tous été tués. On ne les a jamais vues à Tuzla.

 24   Q.  Merci, Monsieur. J'ai encore quelques questions, et nous allons parler

 25   d'un autre témoignage. Alors je voudrais que nous passions à une partie

 26   ultérieure de votre témoignage lorsque vous avez été gardé dans une école,

 27   une fois emmené depuis Bratunac.

 28   M. NICHOLLS : [interprétation] Et à cet effet, je voudrais que l'on nous


Page 21927

  1   montre le 65 ter 03199 sur nos écrans. Il s'agit de la page 140 au prétoire

  2   électronique. Ça a été distribué, Madame, Messieurs les Juges, en copie

  3   papier, les livres.

  4   Q.  Bien. Monsieur, je vous prie de vous pencher sur la photo que vous avez

  5   sous les yeux, et dites-nous d'abord si vous y voyez clairement.

  6   R.  Oui, c'est clair.

  7   Q.  Bon. Est-ce que vous reconnaissez ce que vous pouvez voir ?

  8   R.  Je vois l'école et je vois une salle dans laquelle j'ai été gardé.

  9   Q.  Pouvez-vous nous indiquer sur cette photo l'endroit où étaient garés

 10   ces camions ou camionnettes TAM.

 11   R.  Ici. C'est par ici qu'on est entré dans la salle. Ici il y a une porte

 12   d'accès.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demanderais à ce que quelqu'un s'occupe

 14   d'aider le témoin à nous marquer sur la photo les différents emplacements.

 15   Q.  Monsieur -- attendez un peu. Attendez un peu, s'il vous plaît. Attendez

 16   d'abord ma question.

 17   Veuillez mettre un cercle au niveau de l'endroit où les camions ont été

 18   garés, au meilleur de votre souvenir, lorsqu'on est venus vous emmener

 19   depuis l'école.

 20   R.  Ici.

 21   Q.  Bon. Ils étaient donc garés à proximité de la porte d'entrée ?

 22   R.  On avait placé une plateforme au niveau du sol du camion. Nous n'avions

 23   pas à monter. Je n'ai pas vu les marches qu'on voit ici. Ils avaient

 24   égalisé pour arriver au niveau du béton. Ils avaient mis des planches et

 25   nous allions tout droit pour monter à bord de ces petits camions.

 26   Q.  Et est-ce qu'on pouvait voir ce qu'il y avait à l'intérieur des camions

 27   en regardant depuis la porte ?

 28   R.  Mais on voyait des gens dans les camions, et que les camions arrivaient


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  1   vides et on faisait monter les gens et s'asseyaient dedans. Ce qui fait

  2   qu'une fois la camionnette pleine, on cessait de faire monter les gens, la

  3   camionnette s'en allait et il y avait une voiture rouge qui les escortait.

  4   Et il y avait une porte ouverte et il passait un fusil automatique par la

  5   porte en disant : "Ne parlez pas, sinon je vous abattrai." Il y avait une

  6   bâche sur le camion, mais derrière il n'y avait pas de bâche, on avait

  7   relevé la bâche, ce qui fait que nous on pouvait voir la voiture qui nous

  8   accompagnait.

  9   Q.  Fort bien. Je vous remercie.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais demander un versement au dossier.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais peut-être demander au témoin

 12   d'ajouter une date et de mettre une signature avec un numéro qui est le

 13   sien, le 39.

 14   Patientez un peu.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Bon.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation]

 17   Q.  Alors, Monsieur, je vous prie de mettre le 24.11.11, et mettre 39 en

 18   guise de signature.

 19   R.  C'est quoi aujourd'hui ? Quelle heure il est ?

 20   Q.  Non, non, non, vous n'avez pas à mettre l'heure. Vous mettez 11 pour le

 21   mois, 11 pour l'année.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Je crois que c'est bon. Et maintenant mettez un numéro 39 qui est le

 24   vôtre.

 25   R.  [Le témoin s'exécute]

 26   Q.  Merci.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demande un versement au dossier.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ce sera versé au dossier.


Page 21929

  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P3941, Madame, Messieurs

  2   les Juges.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] En réalité, nous allons demander plus tard

  4   le versement au dossier du livre entier, enfin je ne sais pas comment

  5   procéder au mieux. Mais étant donné que ça vient d'être annoté par le

  6   témoin, on en fera une pièce distincte. Merci.

  7   Q.  Monsieur, je voudrais vous montrer maintenant une autre photo, page 160

  8   de la même pièce à conviction. C'est bon. Monsieur, je vais vous demander

  9   de procéder au même exercice. Voyons d'abord si vous voyez clairement la

 10   photo qui vous est montrée.

 11   R.  Oui, je vois clairement.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous voyez ?

 13   R.  Je vois le passage par lequel on nous a fait passer. C'est un passage à

 14   niveau et on est passés en dessous et on a traversé le pré et on était à

 15   peu près ici. C'est là qu'on nous a fait descendre et c'est là qu'il y a eu

 16   les exécutions, par ici. C'était juste devant la forêt. La forêt était dans

 17   notre dos.

 18   Q.  Fort bien. Merci, Monsieur. Avec un stylet, j'aimerais que vous

 19   indiquiez avec un cercle ou une figure ovale, au meilleur de vos

 20   connaissances, l'endroit où vous étiez debout lors de ces exécutions.

 21   R.  Eh bien, c'était par ici.

 22   Q.  Merci. Une fois de plus, j'aimerais que vous mettiez la date 24.11 en

 23   bas, et le numéro 39 pour vous identifier.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demande si le témoin pourrait

 25   indiquer la route par laquelle ils sont passés pour arriver.

 26   Est-ce que vous pouvez vous en occuper, Monsieur le Témoin ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux le faire, mais on est partis

 28   d'ici. C'est, donc, sur la droite de la photo. On est passés par les prés.


Page 21930

  1   Là, on ne pouvait pas passer par la montée. C'était une montée ici. Alors

  2   j'ai demandé une pente plus petite pour remonter. C'est donc -- j'ai suivi

  3   le pré et ensuite je suis monté. Il y avait plus de forêts là, et là, il y

  4   avait trop -- enfin des arbustes très petits. Ça gênait quand on marchait.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation]

  6   Q.  Bien --

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin nous a dit que la voie ferrée

  8   était en haut et on est passés en dessous et on a traversé les prés, alors

  9   j'aimerais que l'on tire au clair les choses.

 10   Vous êtes passés sous la voie ferrée, n'est-ce pas ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 13   Je reviens à vous, Monsieur Nicholls.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 15   Je demande un versement au dossier de cette pièce, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, veuillez mettre un 39 aussi,

 19   en bas.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier. Ce sera la

 22   pièce P3942.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation]

 24   Q.  Monsieur, dans votre déclaration du 21 juillet 1995, donc quelques

 25   jours après être arrivé sur le territoire contrôlé par les Bosniens, vous

 26   avez été à même de nommer six hommes qui ont été à bord du même petit

 27   camion TAM avec vous sur le site d'exécution. Vous souvenez-vous des noms

 28   de ces six hommes, et que vous connaissiez, et j'aimerais que vous les


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  1   indiquiez maintenant aux Juges de la Chambre ?

  2   R.  Il y avait Jakub Karic [phon], et Ljubovic Suljo, Mehmedovic Ismet --

  3   non, Izet, Izet, Hasanovic Hasib, il y avait Gabelic Sefko, et il y avait

  4   Tursunovic Adil. Il y en avait encore, mais ça, c'étaient des gens, des

  5   proches, des gens qui étaient avec moi.

  6   Q.  Et savez-vous nous dire si l'un quelconque de ces individus que vous

  7   aviez connus aurait survécu aux exécutions ?

  8   R.  Il n'y en a pas un seul à survivre. Il y a Ibrahim Mustafic à avoir

  9   survécu. Il a été le seul parmi des milliers.

 10   Q.  Merci, Monsieur. Je n'ai plus de questions pour vous à présent.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, nous allons faire une pause de

 12   25 minutes.

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Après quoi, vous serez contre-interrogé

 15   par M. Radovan Karadzic. Mais avant que de faire ceci, je voudrais dire

 16   qu'il devrait y avoir plusieurs pièces auxiliaires demandant un versement.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections, Monsieur

 19   Robinson ?

 20   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, ce sera versé et on leur donnera

 22   une cote en temps utile.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause de 25

 25   minutes et nous allons reprendre à 18 heures.

 26   --- L'audience est suspendue à 17 heures 34.

 27   --- L'audience est reprise à 18 heures 01.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que nous ne commencions, Monsieur


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  1   le Témoin, lorsque vous répondez aux questions de M. Karadzic, je vous

  2   demande de faire une petite pause avant que de commencer à répondre, parce

  3   que vous parlez tous les deux la même langue.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Certes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Afin que vos réponses soient

  6   correctement interprétées, veuillez patienter un peu avant de répondre.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Fort bien.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, à vous.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 11   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 12   R.  Bonjour.

 13   Q.  Bon, ça, c'est un bon exemple de la façon dont il ne faut pas procéder.

 14   Vous devez patienter un peu.

 15   R.  [aucune interprétation]

 16   Q.  Est-il exact de dire que deux jours après votre sortie sur le

 17   territoire tenu par l'ABiH, vous avez fait une déclaration, et quatre jours

 18   plus tard, une deuxième déclaration encore, à Zivinice ainsi qu'à Tuzla ?

 19   R.  Je ne m'en souviens pas. J'ai donné des déclarations. Où et quand, je

 20   ne m'en souviens plus.

 21   Q.  Bon. Moi, je patiente que pour que vous soyez interprété, que vos

 22   propos soient interprétés. C'est pour cela que je fais une pause, et

 23   j'espère que vous comprenez pourquoi.

 24   Alors, lorsque vous avez fait ces déclarations, vous les avez

 25   signées, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Avez-vous été un soldat de l'ABiH ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Cependant, la première déclaration du 21 juillet, vous aviez dit que

  2   vous étiez un civil et que vous n'aviez pas eu d'engagement militaire et

  3   que vous n'aviez pas disposé d'arme; c'est bien ce que vous avez dit ?

  4   R.  Je n'avais pas d'arme. Je n'avais pas de vêtements, si ce n'est les

  5   miens, et je travaillais dans la cuisine.

  6   Q.  Merci. Mais à Tuzla, quatre jours plus tard, c'est-à-dire le 22

  7   juillet, vous avez fait une déclaration pour dire que vous aviez été membre

  8   de l'ABiH jusqu'à la démilitarisation de Srebrenica, et c'est là que vous

  9   aviez restitué vos armes; c'est bien cela ?

 10   R.  Je ne sais pas ce qui a été écrit. Alors, quand on a restitué les armes

 11   et quand il a eu une démilitarisation, mais jusque-là j'étais attribué à la

 12   cuisine. La cuisine a été démantelée, donc je n'en faisais plus partie

 13   puisqu'il n'y avait plus eu de cuisine.

 14   Q.  Auprès de quelle unité vous trouviez-vous s'agissant de cette cuisine ?

 15   Et si vous pensez que ça risque de vous identifier, nous pouvons passer à

 16   huis clos partiel. Est-ce que vous voulez que nous passions à huis clos

 17   partiel ou est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle unité vous aviez

 18   été intégré à la cuisine ?

 19   R.  Ecoutez, je ne sais pas comment ça s'appelait, cette unité. C'était

 20   l'unité qui se trouvait à Suceska, et j'étais rattaché à cette unité-là.

 21   Q.  Merci. Etait-ce la 283e ou la 284e ?

 22   R.  Je ne saurais pas vous le dire. Si ça a été le cas, moi je veux bien

 23   tomber d'accord.

 24   Q.  Merci. Est-ce que le commandant de l'unité était Zulfo Tursunovic ?

 25   R.  Ah oui. Oui, Zulfo Tursunovic.

 26   Q.  Est-ce exact de dire que Zulfo Tursunovic avait quatre années d'école

 27   primaire ?

 28   R.  Ça, je ne sais pas. Je ne pourrais pas te le dire. Combien d'années de


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  1   classe il avait fait, ça, je ne le sais vraiment pas.

  2   Q.  Est-ce que quelqu'un dans votre famille avait servi comme soldat dans

  3   son unité ?

  4   R.  Oui, pendant un certain temps, son fils, puis il est passé enseigner à

  5   l'école. Lorsqu'on avait commencé à créer des écoles, il est devenu

  6   enseignant dans une école.

  7   Q.  Merci. Où avez-vous eu des activités de combat, vous, cette unité ?

  8   R.  On s'est défendu seulement à Suceska. Je ne sais pas s'il y a eu des

  9   activités de combat du tout.

 10   Q.  Merci. Ne mentionnez pas le nom de votre hameau, parce que Suceska

 11   c'est une communauté locale, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  A quelle distance se trouve Suceska de la ville, de la bourgade de

 14   Srebrenica ?

 15   R.  Ça se trouve à 14 ou 15 kilomètres.

 16   Q.  Merci. Mais ça c'est par la route, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, oui, par la route.

 18   Q.  Et cette route, elle continue quelque part, n'est-ce pas ?

 19   R.  Elle continue vers Derventa et Milici.

 20   Q.  Merci. Est-ce que c'est là que l'on avait établi une ligne de

 21   démarcation ? Est-ce que c'est là que la ligne de conflit se trouvait ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Et quelle était la brigade du côté serbe qui se trouvait en face de

 24   vous ?

 25   R.  Ça, je ne le sais pas. Mais c'est vous qui le savez, cela.

 26   Q.  Etait-ce peut-être la Brigade de Milici ?

 27   R.  Milici, c'est ce qu'il y avait de plus près. Mais comment ils

 28   s'appelaient au juste, je l'ignore.


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  1   Q.  Et cette ligne était gardée, maintenue, jusqu'à mars ou avril 1993,

  2   n'est-ce pas ?

  3   R.  Est-ce qu'elle a été gardée ou maintenue, je ne le sais pas, mais je

  4   sais qu'il y a eu une démilitarisation après.

  5   Q.  Merci. Mais même après cela, il y a eu une ligne de démarcation vis-à-

  6   vis des Serbes, n'est-ce pas ?

  7   R.  Une ligne où l'on n'a fait qu'observer.

  8   Q.  Observer la Brigade de Milici, mais la Brigade de Milici aurait pu

  9   passer à côté de ces observateurs de façon aisée ?

 10   R.  Ah, c'était la FORPRONU, là. La FORPRONU nous a protégés.

 11   Q.  Merci. Est-il exact de dire que Zulfo Tursunovic, en 1995, était

 12   l'adjoint de Naser Oric, et Naser Oric, lui, était le commandant de la 28e

 13   Division ?

 14   R.  Etait-ce un suppléant, je ne le sais pas. Mais Naser Oric était, en

 15   effet, le commandant.

 16   Q.  Merci. Et cette division, combien comptait-elle de -- cinq brigades et

 17   un bataillon autonome, n'est-ce pas ?

 18   R.  Ça, je l'ignore, parce que moi je ne suis pas allé là-bas et je ne sais

 19   pas ce qui s'y trouvait.

 20   Q.  Merci. Et Zulfo Tursunovic était un homme comment de par sa nature ? Il

 21   était comment à l'égard des Serbes ?

 22   R.  Allez à Milici, demandez à ceux qui ont été capturés et emprisonnés, et

 23   vous le savez fort bien. Vous savez comment les nôtres qui ont été capturés

 24   ont été exécutés, et les autres, comme des messieurs, ils mangeaient de la

 25   viande et ils buvaient avec eux toute la nuit et ils injuriaient vos

 26   soldats : "Qu'avez-vous fait de vos voisins ?" Et on nous a affirmé que :

 27   "On a passé la nuit chez Zulfo comme des seigneurs."

 28   Q.  Merci. Vous mentionnez une démilitarisation. Est-ce que ça s'est


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  1   produit lorsque Srebrenica est devenue une zone protégée, et est-ce que ça

  2   a été véritablement démilitarisé ?

  3   R.  On dit que oui. Moi, je ne suis pas allé démilitariser et je n'avais

  4   pas à m'en préoccuper, vous savez. Ça, c'est une question qu'il faut poser

  5   à quelqu'un d'autre.

  6   Q.  Merci. C'est ce qu'on fera. A l'époque de la démilitarisation, ça a été

  7   un groupe, 8e Groupe opérationnel, et après la démilitarisation c'est

  8   devenu la 28e Division; exact ?

  9   R.  Mais je l'ignore aussi, ça.

 10   Q.  Bon. Maintenant nous arrivons aux événements critiques. Vous avez dit -

 11   et vous avez répété aujourd'hui à l'occasion de l'interrogatoire principal

 12   - que quelqu'un était venu pour vous dire que Srebrenica était tombée ou

 13   qu'elle allait tomber et que ceux qui n'étaient pas des combattants

 14   devaient aller à Potocari ?

 15   R.  C'est exact. On nous a dit que Srebrenica était tombée.

 16   Q.  Merci. Mais est-ce que vous pouviez aller à Potocari sans avoir à

 17   passer par Srebrenica ?

 18   R.  Oui. J'ai pris une autre route. Je suis passé par les collines. Je ne

 19   suis pas allé le long de la route.

 20   Q.  Etait-ce plus long comme route ?

 21   R.  Non, c'était plus près.

 22   Q.  Merci. Et à quelle distance se trouvait la ligne de démarcation de

 23   votre village et de votre hameau ?

 24   R.  Il y avait un ruisseau qui nous séparait, mais je n'ai pas mesuré la

 25   distance.

 26   Q.  Merci. Mais est-ce que vous pouviez voir des soldats serbes de l'autre

 27   côté du ruisseau ?

 28   R.  Mais de l'autre côté, à la colline, j'en voyais autant que vous


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  1   vouliez. Ils avaient trois chars, un obusier et quelques mortiers. Et on a

  2   pu voir cela.

  3   Q.  Alors, nous ne sommes pas en train de parler du mois de juillet, mais

  4   vous les avez vus entre la démilitarisation et l'année 1995 ?

  5   R.  Après, je ne sais pas combien ils étaient, où est-ce qu'ils étaient. Je

  6   n'ai plus demandé s'il y avait eu quelqu'un là-bas ou pas.

  7   Q.  Merci. Lorsque vous êtes allé là-bas, vous avez vu des meules de foin

  8   en train de brûler.

  9   R.  C'était des meules de foin appartenant à des Musulmans.

 10   Q.  Merci. Mais ça a été utilisé pour quoi faire ?

 11   R.  Eh bien, moi je voudrais vous le demander. Je ne sais pas.

 12   Q.  Non, non, Monsieur le Témoin. Je ne veux pas vous demander pourquoi on

 13   a mis le feu, mais à quoi ça servait, ces meules de 

 14   foin ?

 15   R.  Mais pour le bétail. Mais moi je m'étais dit que vous me demandiez

 16   pourquoi on y avait mis le feu. Je croyais que c'était ça la question.

 17   Q.  Merci. Mais là-bas, la population est une population agricole ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Aviez-vous eu du bétail ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Qu'avez-vous eu comme bétail ?

 22   R.  Est-ce qu'il faut que je vous le raconte ?

 23   Q.  Oui, j'aimerais bien.

 24   R.  J'avais deux vaches, une vingtaine de moutons et un cheval.

 25   Q.  Et dans les autres hameaux, les autres, ils avaient quoi ?

 26   R.  Certains avaient un peu plus de bétail, d'autres en avaient un peu

 27   moins.

 28   Q.  Mais aucune famille villageoise n'était là-bas sans 


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  1   bétail ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Bon. Alors, on a mis le feu avant d'avoir coupé le foin; c'était le

  4   foin de l'année passée, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non, non, c'était le foin nouveau qui a été incendié. Parce qu'on a

  6   coupé les foins et on avait aussi récolté le blé déjà.

  7   Q.  Merci. Ah, il y avait du blé. Mais qu'est-ce qui pousse encore dans

  8   votre région ?

  9   R.  Du maïs, du blé, on a des fruits et on a du tabac.

 10   Q.  Le tabac pousse aussi ?

 11   R.  Oui, oui, ça pousse.

 12   Q.  Bon. Ça, c'est ce qui vous concerne. Est-ce que vous vendiez vos

 13   excédents ?

 14   R.  Des excédents de foin ou de quoi ?

 15   Q.  Non. Des produits tels que fromage, lait, viande, blé et maïs ?

 16   R.  Non, je ne vendais pas. C'était pour moi et ma famille.

 17   Q.  Merci. Mais y avait-il des gens qui produisaient plus; et si oui, que

 18   faisaient-ils avec ?

 19   R.  Tous les réfugiés de Vlasenica et de Han Pijesak, on les nourrissait.

 20   Ils ont tout mangé. On n'a rien vendu. Et il y avait des réfugiés venus de

 21   cinq municipalités, y compris celle de Bratunac.

 22   Q.  Merci. Alors, vous nous dites que vous avez vu beaucoup de gens à

 23   Potocari. Et vous, c'est ce que vous avez confirmé aujourd'hui et même

 24   avant, on vous a emmené vers un immeuble avec 40 ou 50 autres hommes,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et c'est le 12 ou le 11 au soir que vous êtes arrivé, au fait ?

 28   R.  Le 11 au soir.


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  1   Q.  Merci. Et ce mercredi 12, le général Mladic a rendu visite à cet

  2   immeuble, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Donc il est entré en se promenant, avez-vous dit dans une déclaration,

  5   il a dit : Bonjour les voisins, vous savez qui je suis, n'est-ce pas ? Et

  6   il vous a demandé ce que vous faisiez avec Alija. Et il vous a proposé de

  7   rejoindre les rangs des unités à Fikret Abdic, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la Chambre qui était

 10   Fikret Abdic, surnommé Babo ?

 11   R.  Fikret Abdic était à Velika Kladusa. Je ne sais pas trop ce qu'il avait

 12   comme fonction. Il était directeur d'Agrokomerc. Après, je ne sais plus ce

 13   qu'il a été.

 14   Q.  Je vais vous aider. Etait-ce un notable Musulman ? Est-ce qu'il a fait

 15   partie de la présidence et avait eu le plus de votes ?

 16   R.  Oui, et il s'est désisté de son pouvoir pour le rétrocéder à Alija.

 17   C'est lui qui avait gagné aux élections.

 18   Q.  Bon. Alors, vous avez conclu du fait que Mladic était favorable à vous

 19   voir rejoindre les rangs d'Abdic, et non pas d'Izetbegovic; c'est bien cela

 20   ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Merci. Et vous avez dit qu'il a été fort agréable en s'adressant à

 23   vous, qu'il a été assez gentil et qu'on pouvait lui faire confiance ?

 24   R.  On lui a demandé pourquoi on nous mettait de côté, alors il a dit qu'il

 25   y avait 180 Serbes d'emprisonnés à Tuzla et il ne pouvait pas les sortir de

 26   là-bas, donc il fallait qu'il emprisonne lui aussi des gens pour pouvoir

 27   les échanger.

 28   Q.  Merci. Et il était vêtu comment ?


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  1   R.  Il avait un uniforme de camouflage, il y avait des macarons de grade

  2   dessus, mais il n'avait pas de couvre-chef.

  3   Q.  Et les grades, ils étaient où ?

  4   R.  Sur les manches. Je ne sais pas s'il y avait des macarons au niveau des

  5   épaules. Je ne sais pas trop. Je sais qu'il y avait eu des macarons de

  6   grade.

  7   Q.  A quelle heure, le 12 juillet, le général Mladic est-il entré dans

  8   cette maison-là ?

  9   R.  Je ne peux pas être trop certain. Je pense qu'il devait être 6 heures

 10   ou 7 heures. Bon, il restait peut-être encore deux heures de jour avant que

 11   la nuit ne tombe.

 12   Q.  Et il n'est pas resté longtemps ?

 13   R.  Non. Il a repris le même chemin pour retourner vers la route.

 14   Q.  Merci. Maintenant, disons ceci : on vous a emmené de là à Bratunac. Ce

 15   qui m'a prêté à confusion dans l'interprétation de M. Nicholls, c'est que

 16   vous auriez dit qu'on vous avait transférés à bord de deux camionnettes et

 17   que ces deux camionnettes étaient surchargées. Alors, combien étiez-vous et

 18   combien pouvait-on faire monter de gens sur ces camions ?

 19   R.  Ah, non, on n'était pas dans des camions. On était dans des autocars.

 20   Q.  Et ils étaient comment ?

 21   R.  Je ne les ai pas mesurés. C'étaient des autocars normaux. Nous étions

 22   certainement 70 à bord d'un autocar. C'était plein à craquer.

 23   Q.  Ah, ce n'est pas les 40 ou 50 qui étaient dans la maison; il y avait

 24   d'autres individus ?

 25   R.  Mais autour de la maison, il y en avait encore. On a mis au rez-de-

 26   chaussée autant qu'on pouvait en mettre, mais il y en avait à côté de la

 27   maison et le long de la maison. On les faisait descendre à côté de la

 28   maison.


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  1   Q.  Ils étaient assis, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Ils étaient assis autour de la maison. Je crois que les interprètes

  4   n'ont peut-être compris le terme local de "sidjali [phon]" pour "être

  5   assis".

  6   R.  Oui, oui, ils étaient assis.

  7   Q.  Alors, ils vous ont amenés à Bratunac. Où, au juste ?

  8   R.  Avant la gare routière de Bratunac, quand on montait par la route, ils

  9   ont d'abord tourné vers Kravica. Et avant la gare routière, ils ont pris à

 10   droite. On est passé à côté d'une école et à côté d'un entrepôt.

 11   Q.  Est-ce que vous avez été installé dans cet entrepôt alors ?

 12   R.  Oui, oui.

 13   Q.  Ce n'était pas une école, n'est-ce pas ?

 14   R.  Non, non.

 15   Q.  Serait-il exact de dire qu'on vous a expliqué à Tuzla ce que c'était

 16   que cet immeuble, cet édifice ?

 17   R.  Oui. Des gens de Bratunac que j'ai retrouvés à Tuzla, ils me l'ont

 18   expliqué.

 19   Q.  Alors, ils vous ont expliqué à Tuzla autre chose, à savoir où se

 20   trouvaient les lieux d'exécution, et ils vous ont décrit la clôture et ce

 21   passage de voie ferrée ?

 22   R.  Oui. Il y a une salle de sport où certains jouaient au basket-ball.

 23   Q.  Qui est-ce qui vous a décrit tout cela ?

 24   R.  Je n'arrive pas à me souvenir des individus, c'étaient des Bosniens y

 25   demeurant.

 26   Q.  Est-ce qu'eux aussi on les avait emmenés là-bas, aussi savaient-ils où

 27   vous aviez été emmené ?

 28   R.  Non. Ils m'ont dit qu'en temps de paix, ils allaient là-bas pour jouer


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  1   au basket.

  2   Q.  Est-ce qu'ils vous l'ont décrit avant vous ne fassiez votre déclaration

  3   du 21 juillet ou est-ce que ça vous a été décrit après ?

  4   R.  Ça, je ne le sais pas vous le dire au juste.

  5   Q.  Alors, cet entrepôt, le premier où vous avez été enfermé, quelle était

  6   sa taille ?

  7   R.  A Bratunac, vous voulez dire ?

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Mais je ne peux pas vous donner les dimensions. Mais je dirais que nous

 10   étions 400 environ à avoir été entassés dedans.

 11   Q.  Mais quelle était la taille de l'entrepôt si vous avez pu être 400

 12   dedans ?

 13   R.  Je ne sais pas vous le dire maintenant. Si vous ne le savez pas, je ne

 14   sais pas non plus. Il se peut qu'à l'époque je le savais, mais maintenant

 15   je ne sais pas vous le dire.

 16   Q.  Bien. Mais je suis un peu dans la confusion. On vous avait dit que

 17   c'était un entrepôt appartenant à une coopérative, mais qu'est-ce que vient

 18   faire l'école de Vuk Karadzic ici ?

 19   R.  L'école, c'est dissocié. Ce n'est pas tout près. Je vous l'ai dit, on

 20   est passé à côté de l'école. On m'a demandé par où vous êtes passé, alors

 21   j'ai dit qu'on est passé à côté d'une école, puis ensuite il y avait un

 22   entrepôt. L'entrepôt n'était pas à côté de l'école.

 23   Q.  Vous, à Tuzla, on vous a indiqué que c'était un entrepôt appartenant à

 24   une coopérative ?

 25   R.  Oui. Puis il y avait un entrepôt de la coopérative à Kravica, et là

 26   aussi il y en a eu beaucoup de tués. Et puis cet entrepôt, on l'a quitté,

 27   celui de Bratunac.

 28   Q.  Donc vous n'avez pas été détenu dans l'école Vuk Karadzic; c'est bien


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  1   cela ?

  2   R.  Non, je n'y étais pas.

  3   Q.  Vous nous dites que dans l'entrepôt vous étiez 400 et que vous avez été

  4   gardés par deux soldats ?

  5   R.  Non, pas deux soldats. Il y avait un soir où il y avait quelqu'un qui

  6   avait donné des ordres : "Vous 12, vous devez exécuter les ordres. Est-ce

  7   que c'est bien compris ?" Et tous ont dit : "Compris." Et puis ils ont

  8   commencé à faire sortir des gens et à les abattre.

  9   Q.  Attendez, on y viendra. On y viendra.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, mais à partir de

 11   maintenant, je vais demander à ce que l'on donne des citations, "vous avez

 12   dit" ou "dans votre déclaration", enfin qu'on nous le dise. Merci.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Mais si j'ai bien compris, M. Nicholls a dit dans son résumé que le

 15   témoin avait été détenu dans l'école de Vuk Karadzic. Alors, quelle est la

 16   ligne, je peux vous dire que ça se trouve entre la ligne 58 et 68 -- non,

 17   non, excusez-moi, pas la ligne. La page 58 et la page 68.

 18   Alors, quelle était la hauteur des murs de cet entrepôt ?

 19   R.  Peut-être 4 mètres. Je n'en suis pas trop sûr.

 20   Q.  Merci. Vous avez bien dit, n'est-ce pas, qu'au niveau du mur, il y

 21   avait une fenêtre avec une vitre avec un grillage métallique dedans ?

 22   R.  Oui, là-haut.

 23   Q.  Alors, on ne pouvait pas voir par cette fenêtre; elle était trop haut

 24   placée ?

 25   R.  Non, on n'y voyait rien. Rien.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour que tout soit clair, je ne crois

 27   pas que M. Nicholls ait dit que le témoin avait été détenu dans l'école

 28   Karadzic, n'est-ce pas ?


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  1   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est exactement ce que je souhaitais dire,

  2   Monsieur le Président. Si vous regardez ce qui est écrit dans le texte que

  3   j'ai lu, il est écrit que :

  4   "…dix à 15 soldats serbes les ont rencontrés devant un entrepôt

  5   abandonné non loin d'une école…," et que le témoin a par la suite appris

  6   que l'école portait le nom de Vuk Karadzic.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, non loin d'une école de Bratunac

  8   qui portait le nom de Vuk Karadzic.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Désolé. Voilà, j'ai dit en ligne 13, je cite

 10   :

 11   "Les hommes ont continué à être amenés dans l'entrepôt jusqu'aux

 12   environs de minuit, heure à laquelle l'entrepôt était bondé."

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais quoi qu'il en 

 14   soit --

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Toutes mes excuses. Apparemment, j'ai prêté

 16   davantage attention à la référence à cette école de Vuk Karadzic parce

 17   qu'elle m'a parue importante, et je n'ai pas fait attention au fait que le

 18   témoin avait dit ne pas avoir été détenu dans cette école.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, est-ce que vous avez été comptés dans l'entrepôt et à combien

 21   de reprises ?

 22   R.  Une seule fois.

 23   Q.  A quel moment ?

 24   R.  Le lendemain, dans la soirée.

 25   Q.  Et ils ont dénombré environ 400 personnes, n'est-ce pas ?

 26   R.  Eh bien, 296 personnes qui étaient vivantes à ce moment-là.

 27   M. NICHOLLS : [interprétation] Je n'ai pas l'intention d'élever une

 28   objection, mais M. Karadzic doit être équitable lorsqu'il pose des


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  1   questions au témoin. Je ne sais pas d'où il tire que le témoin aurait dit

  2   que 400 personnes auraient été dénombrées le lendemain. Or, la façon dont

  3   la question est formulée permet de penser que le témoin aurait dit ce genre

  4   de chose, à savoir que 400 personnes ont été dénombrées le lendemain.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Me Robinson pourra peut-être prendre la parole.

  6   Je crois que c'était une page avant que le témoin ait déclaré qu'ils

  7   étaient environ 400.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur, est-ce que vous n'avez pas dit il y a un instant que quelque

 10   400 personnes ont été emmenées à Bratunac ?

 11   R.  Oui, quand j'ai dit que je pensais que c'était ça le total. Mais en une

 12   nuit, il y a eu pas mal de tués - je pense que 14 personnes ont été tuées -

 13   et puis, le lendemain, une dizaine de personnes ont été emmenées pour

 14   charger les cadavres, et ils ne sont pas rentrés. Et les choses se sont

 15   poursuivies. D'après mon évaluation, une quarantaine de personnes ont été

 16   tuées de cette façon. Le lendemain, juste avant la tombée de la nuit, dix

 17   autres personnes ont été emmenées à l'extérieur pour s'occuper du

 18   chargement des cadavres, et ils ne sont pas revenus. Et c'est à ce moment-

 19   là que j'ai dit qu'il restait dans l'entrepôt 296 personnes, mais je crois

 20   qu'au départ il devait s'y trouver environ 400 personnes.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde.Monsieur Nicholls, c'est la

 22   façon dont vous avez résumé les choses. Selon l'estimation du témoin, il y

 23   avait 400 hommes à peu près qui se trouvaient là, page 5, ligne 15 --

 24   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Mais le

 25   lendemain lorsqu'ils ont été dénombrés, le total est différent de celui que

 26   vient de préciser le témoin. Donc le témoin estimait qu'ils étaient 400

 27   environ lorsqu'ils sont arrivés à cet endroit, et ensuite, lorsqu'on les a

 28   fait monter à bord d'autobus pour être emmenés ailleurs, ils étaient 296,


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  1   si je me rappelle exactement le nombre cité par le témoin.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que dans le résumé vous avez

  3   parlé de 269 [comme interprété] personnes.

  4   Mais enfin, poursuivons, Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Quels meurtres avez-vous vus ? Vous avez vu une personne se faire tuer

  8   dans la salle de sport, n'est-ce pas ?

  9   R.  Quelle salle de sport ? A Karakaj ?

 10   Q.  J'ai compris que quelqu'un s'était fait tuer avec une barre de fer et

 11   ensuite une hache dans la salle de sport.

 12   R.  Oui, j'ai vu ça. Dans la matinée, ils nous ont autorisés à nous servir

 13   des toilettes, qui se trouvaient dans une pièce non loin de là. Il y avait

 14   un hall puis une petite pièce sur la gauche. Et lorsque nous sommes allés

 15   aux toilettes, eux, ils nous mettaient une main sur l'épaule, et plus tard

 16   cette personne se faisait tuer. On n'avait pas le droit de regarder. Et

 17   alors que je revenais des toilettes, j'ai vu un homme qui s'est fait

 18   arrêter de cette façon et on lui a dit : "Viens de ce côté." Il est allé de

 19   leur côté. Il y avait trois hommes d'un côté et trois hommes de l'autre. Il

 20   y en avait un autre qui tenait un fusil automatique en face de l'homme qui

 21   s'approchait de lui, et il l'appelait en lui disant : "Viens par ici, viens

 22   vers moi." L'homme en question a fait ce qu'on lui disait de faire, et à ce

 23   moment-là il y en a un qui était sur la gauche qui l'a frappé sur le dos

 24   avec une barre de fer, ou même peut-être sur la tête. Et l'homme est tombé.

 25   Un autre homme qui se trouvait sur la droite avait une hache à la main, et

 26   cette hache portait sans arrêt du sang sur la lame. Il la brandissait pour

 27   nous montrer ce qu'il était en train de faire. Il a frappé l'homme avec la

 28   hache sur le dos. Je suis parti, et la dernière chose que j'ai vue, c'est


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  1   qu'il s'accrochait encore à sa hache. Il ne voulait pas retirer la hache ou

  2   bien il ne pouvait plus la retirer. Quoi qu'il en soit, je suis rentré dans

  3   l'entrepôt.

  4   Q.  Merci. Donc, ça c'est le meurtre auquel vous avez assisté. Est-ce que

  5   vous en avez vu d'autres ?

  6   R.  J'ai entendu, j'ai entendu des gens qui disaient : "Il est mort,

  7   emporte-le." Voilà ce que j'ai entendu. Et j'ai entendu aussi quand ils

  8   tranchaient la gorge de certains hommes, on entendait un son de

  9   gargouillis, et on entendait qu'un corps se faisait traîner sur le sol en

 10   béton. C'est à ce moment-là que nous savions que quelqu'un s'était fait

 11   tuer. Je n'ai pas vu cela, mais j'ai entendu les coups et les bruits.

 12   Q.  Hm-hm. Et vous avez aussi entendu quand Ibro Mustafic a été emmené et

 13   vous en avez conclu qu'il était mort, n'est-ce pas ?

 14   R.  Mustafic, voilà ce que j'ai dit, quand on l'a emmené, on a entendu du

 15   bruit. Il y avait quelqu'un avec nous. Ils ont commencé à crier, ensuite il

 16   y a eu du silence. Et ensuite, ils ont demandé : "Qu'est-ce que tu penses

 17   qu'il est arrivé à Mustafic ?" Et ce qu'il est arrivé aux autres est sans

 18   doute arrivé à Mustafic également. Il doit avoir été frappé avec un objet

 19   contondant, peut-être que nous n'avons pas pu entendre ce qui se passait.

 20   Q.  Mais vous vous rappelez, n'est-ce pas, que les Musulmans avaient essayé

 21   à deux reprises d'attenter à la vie de Mustafic un mois et demi avant les

 22   combats autour de Srebrenica ?

 23   R.  Je ne sais rien de tout cela. Posez la question à Ibrahim à ce sujet.

 24   Q.  Ibran a été emmené aussi, mais Ibran a survécu, et après cela il a

 25   écrit le livre intitulé "Un chaos planifié", qui concerne les événements de

 26   Srebrenica, n'est-ce pas ?

 27   R.  Je ne sais pas.

 28   Q.  Mais jusqu'au moment où ils vous ont dit qu'il était vivant, vous étiez


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  1   certain qu'il avait été pris et qu'il s'était fait tuer, n'est-ce pas ?

  2   R.  Eh bien, oui, c'est ce que j'ai dit parce que je savais ce qu'il était

  3   advenu à tous les autres à Bratunac.

  4   Q.  Merci. J'aimerais savoir pourquoi vous dites dans votre déclaration que

  5   vous avez faite à Zivinice, deux jours après votre libération, qui

  6   constitue le document 65 ter numéro 22369, en page 2, ainsi que dans la

  7   déclaration que vous avez faite quatre jours plus tard, le document 65 ter

  8   numéro 22398, dans aucune de ces déclarations vous ne mentionnez cette

  9   hache, qui, pourtant, est un détail très parlant.

 10   R.  Je pense que j'en ai parlé dans mes deux déclarations. Je ne me

 11   rappelle pas que je n'en aie pas parlé. Chaque fois qu'on me demandait si

 12   j'avais été témoin d'un meurtre - et vous, vous me l'avez demandé aussi -

 13   j'en ai toujours parlé. Donc, quelle que soit la personne qui me demandait

 14   si j'avais vu un meurtre se produire, j'ai toujours répondu : "Oui, ça

 15   c'est le meurtre que j'ai vu." Et j'ai dit que j'ai entendu que quelqu'un

 16   se faisait tuer avec une arme à feu, mais que je ne l'ai entendu qu'une

 17   seule fois car il n'y a eu qu'un coup de feu.

 18   Q.  Mais est-ce que vous avez vu quelqu'un se faire frapper au moment où le

 19   coup de feu a éclaté ?

 20   R.  Non, je n'ai pas vu, mais j'ai entendu le coup de feu et je les ai

 21   entendus dire : "Il est mort. Emporte-le jusqu'au monticule."

 22   Q.  Eh bien, nous vérifierons si la hache a été mentionnée dans ces deux

 23   déclarations. Mais dites-moi, pourquoi est-ce que cet homme s'est fait

 24   frapper avec la barre de fer ?

 25   R.  Quand nous sommes arrivés, il y avait l'un d'entre eux qui tenait cette

 26   barre de fer à la main. La barre avait une section carrée, et cet homme

 27   tenait la barre de fer à la main et nous menaçait en disant : "Voilà avec

 28   quoi vous allez vous faire tuer cette nuit." Et un autre homme tenait la


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  1   hache et nous menaçait lui aussi. Il avait aussi un couteau et il disait :

  2   "Voilà ce dont je vais me servir pour vous trancher la gorge."

  3   Q.  Oui, mais pourquoi est-ce qu'il a été frappé ?

  4   R.  Posez la question à celui qui l'a frappé, demandez-lui pourquoi. Parce

  5   que c'était un Musulman de Bosnie, c'est la seule raison pour laquelle il a

  6   été frappé.

  7   Q.  Mais n'avez-vous pas dit dans votre déclaration à Tuzla qu'ils avaient

  8   trouvé sur lui un couteau et que le soldat l'a frappé, comme vous dites,

  9   avec une barre de fer, en le tuant instantanément, mais vous n'avez jamais

 10   parlé d'un autre soldat ou d'une hache à ce moment-là. Donc, est-ce que ce

 11   que vous avez déclaré est vrai, à savoir qu'ils avaient trouvé sur cet

 12   homme un couteau qu'il cachait sur lui ?

 13   R.  Ils ont demandé à un homme : "Qu'est-ce que tu as sur 

 14   toi ?" Et ils l'ont immédiatement frappé sur place, et il est mort. Vous

 15   voulez que j'entre dans les détails ? Quand ils ont découvert qu'il avait

 16   un couteau sur lui -- ils l'ont découvert, et c'est à ce moment-là que ça

 17   s'est passé. Mais je n'ai pas vu ce qui s'est passé parce que j'étais aux

 18   toilettes, mais j'ai vu quand on l'a fait sortir dans la cour et qu'il

 19   s'est fait tuer.

 20   Q.  Mais vous avez déclaré qu'ils avaient trouvé sur lui un couteau et que

 21   c'est la raison pour laquelle il avait été frappé par une barre de fer ?

 22   R.  Non, ce n'est pas ça. Je n'ai pas vu de qui il s'agissait ou ce qui lui

 23   est arrivé, mais ils l'ont emmené en le tirant par l'épaule et ils l'ont

 24   mis de côté, à l'écart. Et un autre homme qui se tenait près de la porte a

 25   dit : "Qu'est-ce que tu as dans le dos ? Enlève-le." Et ils ont découvert

 26   un couteau dans le sac que portait cet homme, mais ils l'ont immédiatement

 27   tiré de côté et tué à l'extérieur.

 28   Q.  Bon, lundi, si nous avons le temps, nous vérifierons les pages


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  1   pertinentes, mais vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de coups avant 22

  2   heures, n'est-ce pas ?

  3   R.  Jusqu'à 22 heures, on amenait encore des gens dans l'entrepôt.

  4   Q.  Mais qui est-ce qui est resté avec vous après 22 heures ? Il y a des

  5   soldats et des officiers qui étaient déjà partis et il y en a qui sont

  6   restés.

  7   R.  Je ne sais pas qui étaient ces hommes. C'étaient des hommes qui se

  8   trouvaient à l'endroit où il y avait la lampe électrique. Ils étaient cinq

  9   ou six.

 10   Q.  Donc, après 10 heures du soir, il y a des hommes qui portaient des

 11   lampes électriques qui sont arrivés. Est-il vrai qu'ils cherchaient des

 12   personnes en particulier ?

 13   R.  Ils ont simplement demandé qui venait d'où. Ils demandaient s'il y

 14   avait là des gens qui venaient de tel ou tel village, et cetera, et

 15   personne ne répondait. Et à ce moment-là, ils brandissaient leurs torches

 16   électriques sur une personne et cette personne devait sortir. Et ils ont

 17   cessé de poser des questions.

 18   Q.  Quels étaient les villages qui les intéressaient et au sujet desquels

 19   ils ont posé des questions ?

 20   R.  Glogova, Hranca et Voljavica.

 21   Q.  Hm-hm. Est-ce que vous savez pourquoi ils ont posé ces questions de

 22   cette façon ? Est-ce que peut-être ils avaient des suspicions ou est-ce

 23   qu'il y avait des combats dans ces villages et que les habitants de ces

 24   villages étaient allés dans des villages serbes, Kravica et autres, pour

 25   tuer les habitants de ces villages serbes peut-être ?

 26   R.  Ce n'est pas vrai. Glogova et Hranca ont été les premiers à tomber. Les

 27   soldats serbes ont pris Glogova et Hranca en premier, et les habitants ont

 28   fui vers la forêt et ont regardé brûler leur village. Et à Bratunac il ne


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  1   se passait encore rien à ce moment-là.

  2   Q.  Est-ce que vous vous rappelez que le jour de Noël, selon le calendrier

  3   orthodoxe, une attaque a eu lieu et 50 civils ont été tués, une attaque des

  4   Musulmans ?

  5   R.  Mais pourquoi est-ce que vous interdisiez à l'aide humanitaire de

  6   passer ? Dans ce cas, personne n'aurait attaqué Kravica. Les gens avaient

  7   faim, leurs enfants mourraient de faim, et c'est à ce moment-là qu'ils sont

  8   allés attaquer ces endroits, parce qu'ils ne voulaient pas regarder leurs

  9   enfants mourir de faim sous leurs yeux. Les gens disaient : "Cela ne me

 10   fait rien si je me fais tuer. Je ne peux pas continuer à regarder mon

 11   enfant mourir de faim." Et vous, vous interdisiez le passage de l'aide

 12   humanitaire. C'est vous qui êtes coupable pour Kravica.

 13   Q.  Ça ne fait rien. Nous préciserons tout cela pour les Juges de la

 14   Chambre de première instance, mais combien de Musulmans ont été tués à

 15   Kravica le jour de Noël 1993 ?

 16   R.  Je ne sais pas.

 17   Q.  Pas un seul, Monsieur. Trente quatre civils serbes ont été tués.

 18   R.  Ça non plus, je ne le sais pas.

 19   Q.  Très bien. Mais en tout cas, eux, ils cherchaient des gens en

 20   particulier qui venaient de villages bien particuliers, et ils les

 21   faisaient sortir, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non, au début ils recherchaient des personnes bien particulières, mais

 23   personne n'a répondu. Et par la suite, ils n'ont plus cité de noms ou

 24   demandé des gens correspondant à certains éléments détaillés. Ils n'ont

 25   plus demandé : "D'où est-ce que tu viens ?" Mais au lieu de cela, ils

 26   brandissaient leurs torches électriques sur le visage de quelqu'un, et

 27   cette personne devait immédiatement sortir.

 28   Q.  Ah, maintenant je comprends. Donc ils se servaient de leurs torches


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  1   électriques et chaque fois que la torche se pointait sur un visage, cette

  2   personne devait sortir ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous dites que le 13 juillet, aux environs de 18 heures, Mladic est

  5   revenu, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Comment était-il habillé ?

  8   R.  De la même façon que la veille.

  9   Q.  Avec les mêmes insignes de grade ?

 10   R.  Oui, tout était pareil.

 11   Q.  Est-ce que les insignes de grade se trouvaient sur son épaule ou sur sa

 12   manche ?

 13   R.  Je ne sais pas.

 14   Q.  Est-ce que vous avez dit à qui que ce soit ce qu'on vous avait fait la

 15   veille dans la nuit ?

 16   R.  Bien sûr que nous l'avons dit. Nous avons dit : "Pourquoi est-ce que

 17   vous nous avez fait tout ça ?" Il y a tant de personnes qui ont été tuées.

 18   Nous étions pratiquement en train de suffoquer. Mais personne ne voulait

 19   nous entendre. Et à ce moment-là, ils ont dit : "Maintenant, on vous emmène

 20   à Kalesija pour être échangés."

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Ce n'est pas une objection. Simplement, ce

 23   qui m'inquiète c'est le compte rendu d'audience, parce que l'interprète

 24   parle très vite. J'entends que les réponses arrivent alors que l'interprète

 25   est encore en train d'interpréter les questions.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, tous les deux,

 27   ralentir un petit peu.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. D'accord, d'accord. Je vais ralentir.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  2   Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Témoin, si vous voulez vous pouvez regarder ce qui est

  5   écrit sur l'écran devant vous, et quand ce qui s'écrit s'arrête, à ce

  6   moment-là vous pouvez commencer à répondre à la question.

  7   R.  Bon, bon, j'ai compris.

  8   Q.  Est-ce que vous savez qui sont ces personnes qui sont venues là où vous

  9   vous trouviez cette nuit-là ?

 10   R.  Des soldats serbes, n'est-ce pas; c'est ça ? Ou bien vous parlez de

 11   ceux qu'on a continué à amener ?

 12   Q.  Ceux qui se renseignaient, qui utilisaient leurs torches électriques,

 13   qui faisaient sortir les gens, qui frappaient les gens, est-ce qu'ils se

 14   sont présentés ? Est-ce que vous avez appris qui ils étaient ?

 15   R.  Non, je ne savais pas qui ils étaient.

 16   Q.  Mais pourtant, dans une de vos déclarations, le document 1D4875, dont

 17   je demande l'affichage sans diffusion vers l'extérieur, vous dites qu'il

 18   s'agissait de ce que vous avez appelé des Loups noirs, n'est-ce pas ?

 19   R.  J'ai peut-être dit ça. Si je l'ai dit, c'était ce qu'ils étaient. Mais

 20   aujourd'hui, je ne m'en souviens pas.

 21   Q.  Ce détail figure en page 2 du document qui est affiché actuellement à

 22   l'écran.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande donc l'affichage de la page 2, sans

 24   aucune diffusion vers l'extérieur.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  C'est dans le paragraphe du milieu. Je vais lire à haute voix et vous

 27   entendrez les interprètes. Vous auriez dit, je cite :

 28   "D'autres Serbes sont arrivés avec des torches électriques. Ils ont demandé


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  1   : 'Qui vient de Glogova ? Qui vient de Bratunac ? Qui vient de Valjevo (en

  2   Serbie) ? Qui vient de Loznica ? Qui vient de Sabac ?' Les gens de Glogova

  3   ont levé la main. Ensuite, les gens de Bratunac ont levé la main, et

  4   cetera. Les Serbes ont dit, à ce moment-là, qu'ils étaient les 'Loups

  5   noirs' (… une unité militaire spéciale serbe). Il est possible qu'ils aient

  6   dit qu'ils étaient les 'Loups de la Drina' (une autre unité spéciale

  7   serbe). Je ne me rappelle pas s'ils ont dit 'Loups noirs' ou 'Loups de la

  8   Drina.' Mais ce qui est certain c'est qu'ils étaient soit l'un soit

  9   l'autre."

 10   Donc ce sont des hommes qui n'étaient pas là jusqu'à présent, ce ne sont

 11   pas les hommes qui vous ont amenés à bord des autobus. Ils n'étaient pas là

 12   pendant la journée et ils sont arrivés à ce moment-là; c'est bien ça ?

 13   R.  J'ai dit, à Potocari, comment se présentaient les hommes qui étaient

 14   avec nous dans la maison. Ils se sont présentés en disant que certains

 15   venaient d'Uzice, d'autres de Valjevo et d'autres de Novi Sad. Et à

 16   Bratunac, je ne me rappelle pas comment ils se sont présentés.

 17   Q.  Merci. Dans les deux ou trois lignes précédentes du document, vous

 18   dites, je cite, et moi je lis toujours en anglais mais vous entendrez les

 19   interprètes, donc vous dites, je cite :

 20   "Pendant la nuit, deux Serbes seulement sont restés dans l'entrepôt…"

 21   Donc, alors que vous, vous étiez 300 ou 350, il n'y a que deux hommes qui

 22   sont restés avec vous dans l'entrepôt; c'est bien cela ?

 23   R.  Ça, ce n'est pas ma déclaration. Ce n'est pas moi qui ai dit que deux

 24   soldats sont restés uniquement dans l'entrepôt. Je ne sais pas combien ils

 25   étaient exactement, mais il y en avait au moins six qui étaient près de la

 26   porte et que nous pouvions voir de nos yeux. Mais combien ils étaient au

 27   total là-bas, je ne sais pas. En tout cas, ils étaient, pendant toute la

 28   nuit, au minimum, six.


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  1   Q.  Merci. Est-ce que vous avez remarqué une quelconque différence entre

  2   les hommes qui vous ont amenés pendant la journée sur place et les hommes

  3   qui ont fait leur apparition pendant la nuit ? Et si oui, quelle était

  4   cette différence ? Une différence d'uniforme, une différence de

  5   comportement ?

  6   R.  Il n'y avait qu'un seul homme qui nous a amenés dans l'autobus. Il

  7   était assis à côté du chauffeur et il portait un fusil automatique, et je

  8   crois qu'il portait un uniforme de camouflage, si je ne me trompe. Et c'est

  9   lui qui nous a amenés. Personne d'autre n'était dans l'autobus quand on

 10   nous a amenés.

 11   Q.  Merci. Et à bord de cet autobus il y avait à peu près 70 Musulmans et

 12   un Serbe, donc; c'est ça ?

 13   R.  Exact.

 14   Q.  Avez-vous déclaré que personne n'avait eu le courage de se plaindre

 15   auprès de Mladic des coups qui avaient été distribués ?

 16   R.  Ce n'est pas seulement un homme qui s'est plaint. Nous avons tous

 17   commencé à hurler en disant : "Mais pourquoi est-ce que vous êtes en train

 18   de nous étouffer ici ? Pourquoi est-ce que vous nous tuez ? Pourquoi est-ce

 19   que vous nous emmenez ailleurs ?" Mais lui ne voulait pas en parler. Il a

 20   simplement dit : "Vous allez être emmenés à Kalesija pour être échangés."

 21   Q.  Bon. Nous allons rechercher votre déclaration pour voir exactement ce

 22   que vous y avez dit.

 23   Bon. Alors, Mladic vous parle de certains Serbes qui auraient été

 24   faits prisonniers à Tuzla, n'est-ce pas, et il vous dit qu'il faut qu'un

 25   échange soit effectué ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Merci. Et dans votre déclaration que vous avez faite au bureau du

 28   Procureur, le document 22397, en page 7, au paragraphe 22, vous dites qu'il


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  1   n'y avait là que deux soldats. Comment étaient habillés ces soldats ?

  2   R.  Tu me demandes pour Bratunac ou bien pour quel endroit ?

  3    L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 22397.

  4   C'est le numéro 65 ter du document. Page 5, paragraphe 4 à l'écran, je vous

  5   prie, sans diffusion à l'extérieur.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur, est-ce que c'est bien votre déclaration écrite que l'on voit

  8   à l'écran ?

  9   R.  Oui, c'est ma signature.

 10   Q.  Merci. Page 5, quatrième paragraphe à l'écran, je vous prie. Monsieur,

 11   vous pouvez prendre connaissance de ce passage. C'est l'endroit où vous

 12   parlez de Mladic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande qu'on agrandisse le texte.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  "Aux environs de 18 heures, les gardes qui se trouvaient à côté de la

 16   porte nous ont dit : Eh bien, voilà, le général Mladic arrive…". Un peu

 17   plus loin, vous dites Mladic est arrivé peu de temps après. Vous dites

 18   comment il est habillé et vous dites qu'il est resté à côté des gardes à la

 19   porte. Vous dites nous avons demandé pourquoi on nous retenait là. Personne

 20   ne s'est plaint des coups ou des meurtres.

 21   Donc Mladic n'a pas été informé de cela, n'est-ce pas ?

 22   R.  Eh bien, ce n'est pas qu'une personne serait allée se plaindre. C'est

 23   nous en tant que groupe qui avons dit : "Pourquoi est-ce qu'on nous tue ici

 24   ? Pourquoi est-ce qu'on ne nous donne pas d'eau ? Pourquoi est-ce qu'on ne

 25   nous donne rien ?" Et lui a répondu : "Si l'échange avait pu se faire plus

 26   tôt, tout cela ne serait pas arrivé. Vous pouvez compter combien vous êtes

 27   ici." Il n'a pas voulu entendre ce que nous étions en train de lui dire. Et

 28   il a ajouté : "Maintenant, je vais vous dire ce qui va se passer. Vous


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  1   allez être transportés à Kalesija, vous tous."

  2   Q.  Très bien. Quelque chose de semblable est écrit ici également, mais

  3   vous dites que vous avez demandé pourquoi vous étiez retenus, et ensuite il

  4   y a une phrase qui se lit comme suit, je cite :

  5   "Personne n'a eu le courage de se plaindre au sujet des meurtres et des

  6   coups."

  7   R.  Pas individuellement, parce que si un individu avait protesté, il

  8   aurait été tué.

  9   Q.  Merci. Et puis ensuite vous dites que pendant qu'on vous transportait,

 10   un véhicule de couleur rouge escortait les autobus et que Mladic était à

 11   bord de ce véhicule de couleur rouge, n'est-ce pas ?

 12   R.  Devant l'usine de piles électriques, quand on va de Potocari à

 13   Bratunac, Mladic s'est avancé vers le premier autobus. Moi, j'étais à bord

 14   du premier autobus. J'étais tout près du chauffeur parce que j'avais été le

 15   dernier à monter à bord. Et il a dit : "Suivez la voiture rouge, donc

 16   roulez derrière la voiture." Un soldat serbe est arrivé, il s'est tenu

 17   debout à côté du chauffeur. Il avait un fusil automatique. Il a fermé la

 18   portière. Mladic est resté sur la route, et nous avons vu cette voiture

 19   rouge devant nous. La voiture rouge a démarré, nous avons suivi la voiture

 20   rouge. Nous avons demandé au chauffeur : "Où est-ce que nous allons ?" Et

 21   il a répondu : "Est-ce que vous avez entendu ce que Mladic vient de dire,

 22   que je dois suivre la voiture rouge. Si vous, vous savez où nous allons,

 23   moi, je le sais aussi. Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où nous

 24   allons. Je ne fais que suivre la voiture rouge." Et la voiture rouge, elle,

 25   s'est dirigée vers Bratunac, elle a tourné à gauche vers Kravica, et puis

 26   elle a tourné à droite avant d'arriver à la gare routière, et ensuite il y

 27   a eu cette école dont nous avons parlé et puis on est arrivé devant

 28   l'entrepôt de la coopérative. La voiture s'est arrêtée. Les autobus se sont


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  1   arrêtés. Il y avait là des soldats serbes. Ils étaient un certain nombre,

  2   peut-être une quinzaine, et ils nous ont dit : "Descendez." Ils ont ouvert

  3   la portière. Ils ont dit : "Descendez, entrez dans l'entrepôt," et c'est

  4   comme ça qu'on est descendus des autobus et qu'on est entrés dans

  5   l'entrepôt.

  6   Q.  Vous parlez du moment où vous êtes arrivé à Bratunac. Moi, je vous

  7   interroge au sujet du moment où vous avez quitté Bratunac.

  8   R.  Au moment où j'ai quitté Bratunac, ou plutôt, à Bratunac, je suis monté

  9   à bord d'un autobus. Sur la gauche, il y avait Mladic qui était debout, et

 10   un groupe d'une quinzaine de soldats. Et moi, je suis en train de regarder

 11   l'autobus. Lui, il faisait ce geste de la main en leur parlant. Eux le

 12   regardaient, et il leur a dit quelque chose et ensuite il est parti. Et

 13   puis nous avons demandé au chauffeur : "Qu'est-ce qu'on attend ? Pourquoi

 14   est-ce qu'on ne part pas ?" Et il a répondu : "Je ne sais pas non plus. Je

 15   regarde l'autobus devant moi, et quand l'autobus partira, je démarrai

 16   aussi." Et donc, on a attendu que les lumières s'allument à Bratunac, et

 17   quand les lumières se sont allumées, les autobus ont démarré et c'est dans

 18   ces conditions qu'on est arrivés à Drinjaca. On s'est arrêtés à Drinjaca et

 19   ensuite le voyage s'est poursuivi.

 20   Q.  Merci. Donc vous êtes arrivés à l'école aux environs de 9 heures 30 du

 21   soir; c'est ça ?

 22   R.  Je pense qu'il était 2 heures du matin. Enfin, je n'en suis pas sûr.

 23   Peut-être était-ce une autre heure, mais en tout cas c'était après minuit.

 24   Il faisait nuit.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que vous

 26   avez encore des questions, donc il va nous falloir poursuivre lundi.

 27   Il est l'heure de lever la séance, Monsieur le Témoin.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous le savez peut-être déjà, mais en

  2   tout cas vous n'êtes pas censé discuter de votre déposition avec qui que ce

  3   soit jusqu'à lundi. Vous comprenez cela, Monsieur ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends. Je comprends.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Passez un bon week-end, je vous prie.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous souhaite

  7   aussi un bon week-end à vous.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  9   Bien. Nous reprendrons nos débats lundi à 14 heures 15.

 10   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le lundi 28 novembre

 11   2011, à 14 heures 15.

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