Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 1er décembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Le Juge Morrison est indisposé

  7   aujourd'hui, par conséquent, nous siégeons conformément à l'article 15 bis.

  8   Je crois que le Dr Karadzic -- ou Me Robinson va présenter l'équipe de la

  9   Défense.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, bonjour. Je voudrais vous présenter le

 11   Dr Dusan Dunjic, qui est un expert, et que les Juges de la Chambre ont

 12   permis de prêter assistance durant la déposition de ce témoin.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Je vais demander au témoin de

 14   prononcer la déclaration solennelle.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   LE TÉMOIN : RICHARD WRIGHT [Assermenté]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Docteur. Veuillez vous mettre à

 20   l'aise.

 21   Oui, Monsieur Mitchell.

 22   M. MITCHELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour.

 23   Interrogatoire principal par M. Mitchell :

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur.

 25   R.  Bonjour.

 26   Q.  Pouvez-vous décliner votre identité.

 27   R.  Richard Vernon Stafford Wright.

 28   Q.  Pourriez-vous nous informer des documents que vous avez devant vous ?


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  1   R.  Il s'agit des documents et des rapports que j'aie rédigés pour le TPY

  2   concernant les exhumations.

  3   Q.  Merci.

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Pourrais-je avoir le document de la

  5   liste 65 ter 3452, s'il vous plaît ?

  6   Q.  Professeur, vous avez fourni une copie de votre CV au bureau du

  7   Procureur en novembre. Est-ce que le CV, qui est à l'écran, est le CV mis à

  8   jour ?

  9   R.  Il faudrait en fait que je vois la date à la fin du document.

 10   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-on passer à la dernière page ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, c'est le CV mis à jour.

 12   M. MITCHELL : [interprétation]

 13   Q.  Vous nous avez parlé de votre parcours par le menu dans l'affaire

 14   Krstic, et je verserais le compte rendu d'audience dans ce procès au

 15   dossier de ce procès donc, mais je voudrais quand même vous poser quelques

 16   questions concernant votre parcours.

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-on passer à la première page du CV,

 18   s'il vous plaît ?

 19   Q.  Vous êtes Professeur emeritus d'anthropologie de l'Université de

 20   Sydney, mais en fait vous êtes archéologue, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, je suis archéologue.

 22   Q.  Pourriez-vous nous expliquer quelle est la différence entre le titre

 23   que vous avez et votre profession ?

 24   R.  Il n'y a pas vraiment de différence, puisqu'à l'époque, l'Université de

 25   Sidney n'avait pas de département ou de faculté d'Anthropologie, c'est-à-

 26   dire qu'anthropologie physique ainsi qu'archéologie et anthropologie

 27   culturelle. Donc l'anthropologie était en fait une appellation globale, et

 28   moi, j'étais responsable du volet archéologique de cette faculté


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  1   d'Anthropologie.

  2   Q.  Merci. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre en quoi consiste

  3   l'archéologie et pourquoi ceci est pertinent dans l'exhumation des

  4   charniers ?

  5   R.  L'archéologie est en fait l'étude de la terre, des terrains, et ceci

  6   peut donc porter sur l'étude de restes humains, mais également d'autres

  7   éléments que l'on peut retrouver dans la terre et qui auraient été

  8   fabriqués par des êtres humains, tous ces éléments sont donc exhumés et

  9   sont interprétés.

 10   Q.  Vous avez commencé à travailler pour le TPY en 1997, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Est-ce que vous aviez déjà procédé à l'exhumation de charniers ?

 13   R.  Oui. En 1990, le ministre de la Défense du gouvernement d'Australie

 14   avait demandé de me rendre en Ukraine, qui faisait, à l'époque, partie de

 15   l'Union soviétique, pour enquêter sur trois charniers de Juifs qui avaient

 16   été tués en 1942. Comme je le disais, trois charniers ont fait l'objet de

 17   cette étude, j'ai travaillé là-dessus de 1990 à 1991, et j'ai établi des

 18   rapports que j'ai donc ensuite soumis au gouvernement d'Australie. Au total

 19   800 corps ont fait l'objet de l'étude au sein de ces trois charniers. La

 20   raison pour cela c'est qu'il y avait en fait trois hommes à Adelaide, dans

 21   le sud de l'Australie, qui étaient accusés d'avoir participé à des meurtres

 22   de Nazi en Ukraine en 1942 et ils avaient émigré en Australie après la

 23   Deuxième Guerre mondiale.

 24   Q.  Merci. Au TPY, vous avez travaillé avec des spécialistes de

 25   l'anthropologie, des spécialistes en pathologie, en médecine légiste; est-

 26   ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre comment ces

 27   différentes disciplines sont liées les unes aux autres ?

 28   R.  Les anthropologues de mon équipe, ainsi qui étaient donc dans l'équipe


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  1   d'exhumation, avaient une expérience en archéologie. Ils étaient donc tout

  2   à fait à même d'étudier des restes humains que l'on retrouvait dans des

  3   couches boueuses souterraines. Les anthropologues donc à la morgue, qui ne

  4   faisaient pas partie de l'opération, procédaient à l'analyse des restes que

  5   nous avions trouvés parce qu'ils avaient une connaissance du corps humain

  6   et du squelette humain, qui leur permettaient également de pouvoir

  7   préserver au mieux possible les restes humains que l'on découvrait sans

  8   causer trop de dégâts.

  9   Q.  Qu'en est-il des spécialistes en pathologie ?

 10   R.  Non, nous n'avions pas de spécialiste en pathologie dans l'équipe.

 11   Q.  Mais à la morgue --

 12   Q.  Ah, d'accord.

 13   Q.  -- dans quelle mesure leur travail était lié au vôtre ?

 14   R.  Dans le processus, nous avions une morgue qui était à Visoko, c'est-à-

 15   dire à proximité de Sarajevo, et nous envoyions donc les corps que nous

 16   avions exhumés dans des camions frigorifiques en direction de la morgue à

 17   Visoko. On faisait des analyses pour déterminer le profil biologique des

 18   individus, c'est-à-dire leur âge, leur sexe, ainsi que les causes du décès

 19   et la manière dont ils étaient décédés, et ceci était fait par les

 20   anthropologues et par les spécialistes en pathologie et ceci ne faisait pas

 21   en fait partie, à proprement parler, de notre équipe. Donc l'opération

 22   était divisée de la manière suivante : vous aviez une équipe d'exhumation,

 23   dont j'étais responsable, et vous aviez également les spécialistes en

 24   anthropologie et en pathologie qui étaient à la morgue.

 25   Q.  Merci. La dernière exhumation qui a été réalisée pour les comptes du

 26   TPY s'est faite en 2000, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui. C'était en septembre/octobre 2000.

 28   Q.  Est-ce que vous avez participé à des exhumations depuis ?


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  1   R.  Non, pas avec le TPY, mais j'ai participé à des exhumations de soldats

  2   principalement australiens mais également britanniques qui ont été tués

  3   durant la Première Guerre mondiale dans un lieu qui s'appelle Fromelles

  4   dans le nord-est de la France, et j'étais le conseiller légiste en chef de

  5   l'équipe d'archéologie d'Oxford, qui avait été chargée de s'acquitter de

  6   cette mission, pour récupérer les corps, de récupérer également les

  7   uniformes ainsi que tous les objets qui étaient associés aux corps qui

  8   avaient été enterrés par les Allemands après cette bataille désastreuse. Il

  9   était donc analysé sur place avec une prise d'échantillon ADN, mais je

 10   n'avais donc pas un rôle exécutif si l'on peut dire.

 11   Q.  Merci. Est-ce qu'il y avait des signes particuliers quant à la

 12   disposition des corps ?

 13   R.  Les corps avaient été rassemblés deux ou trois jours, probablement,

 14   après la bataille et il y avait des corps qui n'étaient pas complets, étant

 15   donné que certains avaient été tués suite à des bombardements par obus et

 16   les Allemands les avaient enterrés. Il s'agissait d'un régiment bavarois,

 17   mais, en fait, les Allemands les avaient enterrés en faisant preuve

 18   d'énormément de respect. Il y avait, en fait -- ils étaient, donc, en

 19   quinconce si l'on peut dire, donc certains faisaient face à l'est, d'autres

 20   faisaient face à l'ouest. Il y avait deux rangées. Elles étaient séparées

 21   par une petite quantité de terre. Au total, il y avait cinq charniers qui

 22   contenaient 250 soldats enterrés avec leurs uniformes.

 23   Q.  Est-ce qu'il y avait des personnes en Bosnie qui ont été impliquées

 24   dans cette exhumation ?

 25   R.  Oui. Deux des personnes, qui avaient travaillé avec moi en Bosnie

 26   pendant certaines semaines, voire des mois -- en fait, Oxford archéologie

 27   est une société d'expertise et conseils qui est très expérimentée, mais qui

 28   n'avait pas d'expérience dans les charniers. Par conséquent, ils avaient


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  1   employé des experts pour chacun de ces charniers. Une autre personne,

  2   Caroline Barker, qui travaillait avec moi, était responsable du volet

  3   anthropologie sur le site de Fromelles, et le photographe légiste avait

  4   travaillé également avec moi. Donc, effectivement, les personnes qui

  5   avaient travaillé avec moi en Bosnie ont bien sûr continué leur carrière.

  6   Nous avons, pour ainsi dire, récupéré, pour travailler sur le site de

  7   Fromelles, et je parle de quatre d'entre eux.

  8   Q.  Merci. Une dernière question concernant votre parcours. Sur votre CV,

  9   nous voyons, tout en haut de la page, Sir Richard Wright AM. Ceci est

 10   différent des autres -- des autres CV. Qu'est-ce que cela signifie ?

 11   R.  Il s'agit d'un titre honorifique : Membre de l'Ordre de l'Australie.

 12   Cet AM, cela signifie, donc, Membre de l'Ordre d'Australie et c'est la

 13   reine d'Angleterre qui décerne ces distinctions. Ceci était donc pour mes

 14   travaux en matière d'archéologie légiste que j'avais réalisés.

 15   Q.  Maintenant, je voudrais revenir à vos activités au sein du TPY. Vous

 16   avez rédigé deux rapports : Exhumations, donc, en Bosnie orientale en 1998,

 17   et Excavations et exhumations en 1999 à Kozluk. Est-ce que vous vous

 18   souvenez avoir parlé de ceci dans votre déposition dans l'affaire Krstic ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous avez la possibilité d'examiner à nouveau votre

 21   déposition dans l'affaire Krstic ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Je crois que vous souhaitez apporter une correction à cette déposition.

 24   Page du compte rendu d'audience 3633, lignes 19 à 21, il y a deux

 25   références aux termes -- qui sont mentionnées. On voit le terme objectif.

 26   En fait, il faudrait que ce soit objet.

 27   R.  C'est exact. Il s'agissait de la récupération d'objets. Et en fait, ça

 28   a été consigné comme objectif.


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  1   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut confirmer qu'avec cette correction, ce compte

  2   rendu d'audience est fidèle à votre déposition dans l'affaire Krstic ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que -- si on vous posait les mêmes questions, vous répondriez de

  5   la même manière aujourd'hui ?

  6   R.  Oui.

  7   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

  8   verser la déposition dans l'affaire Krstic qui a la référence 65 ter 03227.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez également

 10   verser le CV du Dr. Wright ?

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, je vous prie de m'excuser,

 12   effectivement.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donc d'abord verser le CV au

 14   dossier.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 03452

 16   deviendra la pièce P3998.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La déposition du Pr Wright dans

 18   l'affaire Krstic sera versée au dossier sous la cote P3999.

 19   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais également

 20   verser les pièces associées ainsi que les deux rapports que j'ai

 21   mentionnés. Le premier rapport intitulé : "Exhumations en Bosnie orientale

 22   en 1998," qui porte la référence 65 ter 2496; et le deuxième rapport

 23   intitulé : "Excavations et exhumations à Kozluk en 1999," à la référence 65

 24   ter 2495.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Robinson.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces deux rapports seront versés sous la

 28   cote P4000 et 4001.


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  1   M. MITCHELL : [interprétation] Je voudrais maintenant donner lecture du

  2   résumé de la déposition du Pr Wright dans l'affaire Krstic.

  3   Le Pr Wright a commencé à travailler pour le TPY en juin 1997. En 1998, il

  4   a été à la tête d'une équipe d'exhumation au site de charnier au Barrage

  5   rouge; Cancari road 3, 12; Hodzici road 3, 4 et 5; Liplje 2; et Zeleni

  6   Jadar 5. En 1999, il a exhumé un charnier principal à Kozluk, et au moment

  7   de sa déposition dans l'affaire Krstic, il travaillait sur des sites à

  8   Prijedor.

  9   Le Pr Wright a décrit comment l'excavation commençait par des enquêteurs du

 10   TPY qui étaient donc acheminés en direction d'un site où l'on suspectait

 11   qu'il y avait un charnier. C'était donc son rôle de trouver le site exact

 12   du charnier dans la zone suspecte.

 13   Tout d'abord, on vérifiait qu'il n'y avait ni mine, ni engin piégé et

 14   une équipe de géomètres prenait des cotes concernant le charnier et ses

 15   contenus. Ensuite, on commençait à gratter à la surface la couche

 16   supérieure, donc, de la terre, jusqu'à ce que le Pr Wright puisse être

 17   satisfait qu'on arrivait à la partie qui pouvait être considérée comme

 18   étant le charnier.

 19   Chacun des corps dans le charnier faisait l'objet d'une étude et d'un

 20   système d'enregistrement en 3D. Chaque corps et chaque partie de corps

 21   recevait un numéro unique et était photographié.

 22   Une fois que les corps et les parties de corps étaient exhumés, ceux-

 23   ci étaient envoyés à la morgue pour tes analyses pathologiques et

 24   anthropologiques.

 25   Les détails des huit charniers qui ont été exhumés par le professeur

 26   Wright en 1998 sont les suivants. Il y a le premier site connu sous le nom

 27   de Barrage rouge. Il s'agit d'un charnier principal qui avait été creusé

 28   dans le mur de soutènement d'un barrage. Il y avait eu des pillages qui


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  1   avaient été réalisés, cependant il y avait des restes humains fragmentés

  2   qui d'après la morgue représentait un nombre minimum de personnes -- de 46

  3   personnes.

  4   Les sept autres sites qui ont fait l'objet d'une exhumation, Cancari

  5   road 3, Cancari road 12; Hodzici road 3, 4 et 5; Zeleni Jadar 5; Liplje 2

  6   étaient des charniers secondaires. Il a conclu que le charnier secondaire

  7   Liplje 2 était lié au charnier principal du Barrage rouge en raison de

  8   blocs -- de blocs géologiques qui -- que l'on retrouvait sur les deux

  9   sites.

 10   En 1998, le Pr Wright a également étudié 21 sites supplémentaires qui

 11   se sont avérés étant des charniers. Il a évalué que sur ces 21 sites, au

 12   total 2 571 corps supplémentaires avaient été découverts.

 13   En 1999, le Pr Wright a exhumé un charnier principal qui avait été

 14   partiellement pillé à Kozluk et on a conclu que ce site était relié à celui

 15   de Cancari road 3, un charnier secondaire qu'il avait exhumé dans les

 16   années précédentes, en raison de la présence de fragments de verre -- de

 17   couleur verte qui étaient présents dans les deux sites.

 18   Il en a conclu également que le site de Kozluk était un site

 19   d'exécution en plus d'un site d'enterrement. Ce -- Cette conclusion était

 20   basée sur l'absence de changements de position des membres des corps et

 21   également par le fait qu'on avait retrouvé des balles qui étaient fichées

 22   dans la roche sous les corps.

 23   Le Pr Wright a observé que 42 % des 280 personnes du site de Kozluk

 24   avaient leurs mains liées dans le dos, alors que 16 % des corps avaient,

 25   portaient des bandeaux au niveau de la tête.

 26   Le Pr Wright a également noté qu'il avait vu que des habits civils dans ces

 27   charniers qui avaient été exhumés en 1998 et 1999.

 28   J'annonce les questions supplémentaires.


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  1   Q.  Professeur, vous avez parlé des charniers primaires et secondaires, ou

  2   principaux et secondaires, dans votre déposition précédente; est-ce que

  3   vous pourriez nous définir de quoi il s'agit ?

  4   R.  Oui, en fait, il y a une première catégorie qui est un site

  5   d'exécution. Ensuite un charnier principal, il s'agit de l'endroit où des

  6   corps ont été transportés d'un site d'exécution en direction de ce site

  7   pour être enterrés, et dans la plupart des cas, ces charniers ont ensuite

  8   été retraités et les corps ont été transportés dans des charniers

  9   secondaires. Donc on fait la différence entre des charniers principaux qui

 10   est l'endroit où les corps ont été enterrés pour la première fois, et les

 11   charniers secondaires qui constituent les endroits où les corps ont ensuite

 12   été re-transportés à partir des charniers principaux.

 13   Q.  Dans vos rapports, vous utilisez le terme donc de "vol ou de pillage;"

 14   est-ce que vous pourriez décrire ce que cela signifie ?

 15   R.  En fait nous utilisions le terme de "pillage" en archéologie pour

 16   signifier que, lorsque vous procédez à l'excavation d'un site, vous voyez

 17   que certains objets ont été pris ou certains éléments ont été pris. Cela

 18   pourrait être considéré comme une activité criminelle, mais en fait ce

 19   n'est pas nécessairement le cas. Il y a une partie dans le dictionnaire

 20   anglais d'Oxford concernant le contexte archéologique, et qui explique

 21   l'usage de ce terme de "rob," donc de vol ou de pillage dans un contexte

 22   archéologique, et c'est de contexte-là que je l'utilisais

 23   Q.  J'aimerais que vous nous donniez, si vous pouvez, un exemple de ces

 24   différentes catégories, c'est-à-dire site d'exécution, charnier principal,

 25   charnier secondaire; est-ce que vous pourriez peut-être utiliser le site de

 26   Kozluk pour nous expliquer comment cela fonctionnait ? Pourriez-vous tout

 27   d'abord nous expliquer comment vous avez commencé à travailler sur le site

 28   de Kozluk ?


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  1   R.  En 1998, nous procédions à des excavations dans un site que l'on

  2   appelait Cancari Road 3, et les engins de terrassement délimitaient les

  3   confins du charnier et, à ce moment-là, nous avons remarqué des centaines,

  4   voire des milliers de petits bouts de verres de couleur verte. Et il

  5   s'agissait pour la plupart de bouteilles qui avaient encore les petites

  6   bagues au niveau du goulot de la bouteille, visibles, avec également des

  7   étiquettes qui mentionnaient donc l'usine de bouteilles de Vitinka, à

  8   Kozluk. Ce site, donc Cancari Road 3, est dans une partie assez reculée de

  9   la Bosnie, c'était donc assez tard en décembre, et j'en avais conclu que

 10   ces corps avaient été donc transportés ici avec les verres cassés, et cela

 11   provenait donc d'un site principal ou d'un site d'exécution. Je ne sais pas

 12   donc de quoi il s'agissait, mais le site principal ou le site d'exécution

 13   était donc à proximité d'une usine de fabrication de bouteilles, qui donc

 14   se débarrassait de ces bouteilles cassées.

 15   Donc j'ai contacté le TPIY à ce sujet, ils ne savaient pas vraiment qu'il y

 16   avait un site d'exécution ou un site principal dans cette zone, mais ils

 17   ont dépêché quelqu'un immédiatement, et nous sommes allés voir donc cette

 18   usine de fabrication de bouteilles, qui est à proximité de la rivière

 19   Drina. Je crois que c'était en 1998 ou en 1999, et mon équipe est retournée

 20   là-bas, et nous avons trouvé un site principal qui avait donc été pillé. Et

 21   on a pu donc en conclure que les corps qui se trouvaient à Cancari 3,

 22   avaient été transportés de Kozluk à Cancari 3 mais, en même temps, ils

 23   avaient transporté donc ces restes de bouteilles ainsi que les étiquettes.

 24   Et Cancari 3 était donc certainement un charnier secondaire, étant donné

 25   que beaucoup de corps n'étaient pas complets, puisque certaines de corps

 26   n'avaient pas été transportées.

 27   Q.  Je voudrais vous présenter certaines photos et je voudrais que vous

 28   nous expliquiez donc ce que vous voyez.


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  1   R.  De quel site parlez-vous ?

  2   Q.  Kozluk.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] C'est le document de la liste 65, numéro

  4   2459.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] 2495 ?

  6   M. MITCHELL : [interprétation] Je crois qu'il s'agit de la cote 2495.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est ce que nous avons déjà

 10   versé au dossier, un des rapports d'expert ?

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, effectivement. Pourrait-on passer à la

 12   page suivante en B/C/S, s'il vous plaît ? C'est là où nous aurons la

 13   description.

 14   Q.  Professeur, la photo numéro 4, celle qui est en haut; est-ce que vous

 15   pourriez nous dire ce que nous voyons ici ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, s'il vous plaît. Si la

 17   Défense est d'accord, nous pouvons agrandir la partie, la version anglaise

 18   et ne plus avoir à l'écran la version en B/C/S.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit donc de détail de la surface

 20   d'exécution Kozluk, KK2. La raison pour laquelle cet endroit est important,

 21   c'est que vous êtes sur une zone élevée, et vous regardez une surface assez

 22   plane où se trouvent ces restes humains, et nous avons pu les analyser

 23   visuellement. Nous avons vu qu'il y en avait qui avaient des blessures par

 24   balle, et les balles étaient -- s'étaient fichées dans le sol à environ 10

 25   centimètres.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell, est-ce que vous

 27   souhaitez que le témoin annote cette photo ?

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ceci serait


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  1   utile.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors attendez un instant que

  3   l'huissière vous aide. Voilà, vous pouvez donc annoter cela.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation]  Voilà les parties donc qui sont planes, et

  5   vous voyez que beaucoup des corps avaient les mains attachées dans le dos,

  6   et nous avons donc trouvé des balles fichées dans le sol.

  7   Ensuite ces corps ont été recouverts par une couche de terre, et

  8   ensuite on a essayé, donc, pas nous, donc, et on a essayé de récupérer les

  9   corps, et on commence à avoir une ancienne tranchée qui est à la limite de

 10   l'endroit où se trouvent les corps.

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons, s'il vous

 12   plaît, regarder la photographie du bas ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite savoir si les annotations

 14   faites par le professeur sont importantes pour vous. Est-ce que vous voulez

 15   les conserver ?

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Pas pour le moment.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc nous pouvons montrer la

 18   photographie d'en bas.

 19   M. MITCHELL : [interprétation] La photographie numéro 5, s'il vous plaît.

 20   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 21   M. MITCHELL : [interprétation]

 22   Q.  Vous voyez que nous voyons la bordure de la tranchée.

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous allez demander au

 25   professeur d'annoter de nouveau ?

 26   M. MITCHELL : [interprétation] Attendez, un instant, s'il vous plaît.

 27   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il faudra probablement d'abord activer

  2   cette modalité donc d'annotation à l'écran. Mme l'Huissière pourra nous

  3   aider.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais mentionné précédemment donc cette

  5   surface plane. Je ne sais pas si ça peut être utile, je peux indiquer les

  6   endroits sans annoter.

  7   M. MITCHELL : [interprétation]

  8   Q.  Oui.

  9   R.  Donc, en haut de la photographie vous voyez cette même surface plane,

 10   vous voyez que les corps sont allongés dessus. En bas, vous voyez la

 11   tranchée, et vous voyez les bordures. Vous voyez que cela traverse donc

 12   cette tranchée passe en fait en plein milieu des corps et une jambe a été

 13   coupée, et ça a été fait par une excavatrice à dent. L'excavatrice a enlevé

 14   probablement des corps, certains qui se trouvaient donc là en bordure, vous

 15   voyez, vous avez des marques qui sont laissées par l'excavatrice, cette

 16   excavatrice -- cette pelle Canly [comme interprété].

 17   Q.  [aucune interprétation]

 18   R.  Les archéologues n'ont enlevé que la terre meuble. Donc je pense qu'il

 19   n'y a pas eu d'exécution ici et qu'on a essayé de récupérer les corps.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on peut faire un zoom avant

 21   ? Oui. On le voit un peu mieux.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc je parle des corps qui n'ont pas été

 23   touchés, en haut. On voit quelques membres qui ont été enlevés en bordure.

 24   En bas, vous voyez qu'il y a ces tranchées qui traversent en fait la masse

 25   des corps.

 26   M. MITCHELL : [interprétation] Page 30 dans le prétoire électronique, s'il

 27   vous plaît.

 28   Q.  Voyons la photographie numéro 9, ce sont des morceaux de verre vert


Page 22274

  1   dont vous avez parlé ?

  2   R.  Oui. Vous voyez ce verre vert que nous avons enlevé lorsque nous avons

  3   envoyé les corps à la morgue. Il s'agit de l'endroit KK3. Nous avons trouvé

  4   ici 280 corps entiers, et nous avons, en bas sur la pente, les corps qui

  5   sont laissés, ainsi que le verre vert.

  6   Q.  En principe, vous avez préservé les objets que vous avez trouvés dans

  7   les fosses ou les charniers ?

  8   R.  Oui, en général. Bien entendu, tout ce qui pouvait permettre

  9   l'identification des individus. Mais il y a eu une exception qui a été

 10   faite à Kozluk et à Cancari 3 on n'a pas ramassé le verre, parce qu'on a

 11   estimé que cela n'avait pas d'impact sur quelque chose qui nous

 12   intéressait, que ce fût simplement des déchets.

 13   Q.  Alors la page 25, ligne 13 rapporte vos propos comme disant qu'il ne

 14   s'agissait pas d'un lieu d'exécution. C'est ce que vous avez dit ?

 15   R.  Non. Il y avait une exécution qui s'est déroulée là.

 16   Q.  Merci.

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Alors voyons maintenant la photographie

 18   numéro 10.

 19   Q.  Page 13 de votre rapport, vous dites que vous estimez que 16 % des

 20   corps comportaient des bandeaux sur les yeux et que 43 %, ou 124 corps,

 21   avaient des liens. Alors, sur la base de cette photographie, est-ce que

 22   vous pouvez nous dire comment vous interprétez qu'il s'agissait d'un

 23   bandeau ou d'un lien ?

 24   R.  J'ai peur de toucher l'écran, et en fait j'aurais besoin d'annoter.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous expliquer comment se présente ce

 27   corps. Vous avez là les cheveux de la tête. Vous avez l'épaule. Les côtes.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de votre patience.


Page 22275

  1   Nous pourrions placer la photographie sur le rétroprojecteur pour que le

  2   professeur puisse travailler avec l'image.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, c'est bien, Monsieur le Président. Je

  4   n'ai pas en fait cette photographie en couleur.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Même si vous l'avez en noir et blanc, ce

  6   serait bien.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne souhaitais interrompre, mais nous

  8   pourrions peut-être faire une pause de cinq minutes. Peut-être que cela

  9   vaudrait la peine pour que le témoin puisse annoter correctement.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de faire cette suspension,

 11   Monsieur Tieger, nous avons reçu une requête de la Défense demandant, soit,

 12   de reporter à plus tard la déposition de M. Jean-Rene Ruez ou bien de

 13   demander qu'il dépose viva voce. Alors quand est-ce que vous allez pouvoir

 14   ne répondre ?

 15   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que vous souhaitez que l'on réponde

 16   le plus rapidement possible, dès que possible nous allons vous apporter

 17   notre réponse.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc avant la fin de la journée de

 19   travail demain, s'il vous plaît.

 20   Nous allons suspendre pour cinq minutes, et annoncez-nous -- enfin,

 21   informez-nous à partir du moment où ce sera prêt.

 22   --- La pause est prise à 9 heures 39.

 23   --- La pause est terminée à 9 heures 47.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de votre patience. Vous pouvez

 25   continuer.

 26   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

 27   Q.  Donc, Professeur, nous devrions pouvoir continuer, maintenant. Tout est

 28   en place. La question était de savoir : est-ce que vous identifiez un objet


Page 22276

  1   qu'en constituant un lien ou un bandeau ?

  2   R.  Oui, justement, je montrais comment se présentait ce corps. Vous avez

  3   les cheveux ici. Mais les problèmes recommencent.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Pardon.

  6   M. MITCHELL : [interprétation] Nous devrions voir la photographie du bas.

  7   Nous avons ici des copies couleur.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne comprends pas ce qui se passe.

  9   Plaçons une reproduction en couleur sur le rétroprojecteur. Ah, cela

 10   fonctionne maintenant.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] La tête, les cheveux, les épaules, la colonne

 12   vertébrale, les deux bras derrière le dos qui se rejoignent, et vous avez

 13   ce tissu qui est attaché autour des bras. C'est ce qui les retient -- qui

 14   les maintient jointent derrière le dos. Là, ce n'est -- cela ne se voit pas

 15   très bien, mais c'est le bandeau au -- derrière le crâne. Donc, ces

 16   morceaux de tissus, à mon sens, ne constituent pas les déchets se trouvant

 17   dans la fosse, mais liés au corps, ce sont donc des objets qui doivent être

 18   récupérés.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,

 20   signer et inscrite la date, la date d'aujourd'hui est celle du 1er décembre

 21   ?

 22   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons verser ces pages

 24   séparément au dossier.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document P4002, pièce à

 26   conviction P4002.

 27   M. MITCHELL : [interprétation] Page 32, s'il vous plaît.

 28   Q.  Très rapidement, Professeur, est-ce que vous vous souvenez de quoi


Page 22277

  1   étaient faits les liens à cet endroit-là, sur ce site-là; est-ce que

  2   c'était le même tissu ou est-ce que c'était autre chose ?

  3   R.  Je ne peux pas vous répondre. Je ne peux pas vous dire si tout était de

  4   la même composition, parce que ce n'était pas quelque chose que j'ai

  5   étudié. Mais, à Kozluk, la plupart des liens, je pense que tout ce que l'on

  6   voie à l'image, maintenant, sont faits de tissu. Mis à part ces

  7   photographies que nous avons prises pour nos archives, en principe, nous

  8   n'avons pas analysé ce tissu, la composition des liens.

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Page 29, maintenant, s'il vous plaît.

 10   Q.  Donc vous avez dit déjà, Professeur, que vous avez considéré qu'il

 11   s'agissait de liens ici, parce que les mains étaient attachées dans le dos,

 12   les deux mains. Alors, maintenant, là, vous n'avez qu'un poignet, donc

 13   comment est-ce que vous pouvez dire qu'il s'agit de lien ?

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que l'on peut faire un zoom avant sur

 15   la photo numéro 8 ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, là, vous avez un individu qui a ce lien

 17   autour de son bras, il y a un nœud, et je suis arrivé à la conclusion que

 18   ça s'est détaché de sa main gauche, mais pas de la main droite. Donc vous

 19   voyez, là, le nœud, vous voyez comment ça s'est détaché.

 20   M. MITCHELL : [interprétation] Je demande le versement.

 21   Q.  Professeur, est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, parapher et

 22   inscrire la date ?

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction P4003.

 25   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Professeur, changeons de sujet à présent. Je n'ai que quelques

 27   questions à vous poser au sujet de l'instance à laquelle vous rendiez

 28   compte, au TPIY, pendant ces exhumations.


Page 22278

  1   R.  Oui, donc compte tenu de la structure, de l'organisation du TPIY, à

  2   l'époque, je rendais compte au chef des opérations.

  3   Q.  Est-ce que c'est lui qui dirigeait l'aspect professionnel de vos

  4   activités sur les sites ?

  5   R.  Non. Il s'est rendu très rarement sur le terrain.

  6   Q.  Alors les enquêteurs qui se sont rendus sur place, est-ce qu'ils vous

  7   ont donné des consignes sur la manière de procéder, de travailler ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Alors j'ai quelques questions à vous poser au sujet des protocoles que

 10   vous respectiez sur le terrain. Qui a mis en place ces protocoles ?

 11   R.  Moi-même avec mon équipe. Maintenant, vous vous référez à un document

 12   en fait qui comporte toute une série de paragraphes.

 13   Q.  Oui.

 14   R.  Est-ce que l'on pourrait l'afficher, s'il vous plaît ?

 15   Q.  Oui.

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Je demande le document 65 ter, 2495. C'est

 17   le rapport Kozluk.

 18   Q.  Cela devrait se situer vers la page 6, cela commence par : "Procédures

 19   d'exhumation."

 20   R.  Oui, c'est bien. Merci.

 21   Q.  Ce sont donc les protocoles que vous avez, vous, mis sur pied, et vous

 22   les avez développés ?

 23   R.  Oui. C'était imprimé, c'était remis à chaque membre de l'équipe, et

 24   j'ai expliqué moi-même ces protocoles à chaque membre de l'équipe. En

 25   principe, cela décrit qui a la responsabilité de croire pendant

 26   l'exhumation.

 27   Q.  Ces protocoles, est-ce qu'ils étaient déjà articulés, formulés pour

 28   l'ensemble des sites de Srebrenica, les deux sites de Prijedor, et puis


Page 22279

  1   vous avez travaillé à Redak, Pasinac, Kevljani ?

  2   R.  Oui, et c'était le même protocole au fond pour chaque site, mais il y

  3   avait des différences qui en fait sont fonction de la nature du site, mais

  4   au fond ils sont identiques. Donc on les a respectés en 1998, 1999 et 2000.

  5   Q.  Ces protocoles, est-ce qu'ils ont été acceptés par des équipes

  6   travaillant à d'autres sites, qui ne sont pas liés au TPIY ?

  7   R.  Oui, ils ont été utilisés. Ils ne sont pas publiés. Les principes sur

  8   lesquels ils reposent ont été incorporés dans un livre sur les enquêtes

  9   scientifiques, sur les charniers, et les contributions à ce livre ont été

 10   faites par des membres de mon équipe, de mes équipes, et ces protocoles en

 11   fait, qui ont été développés, ne sont pas des protocoles que j'ai

 12   développés personnellement. Mais ça a été développé en collaboration avec

 13   les membres de mon équipe, les photographes, et aussi les agents qui ont

 14   travaillé sur les sites.

 15   Q.  Alors, maintenant, nous parlons de Kozluk. Je vous ai demandé si vous

 16   avez préservé les morceaux de verres cassés, vous avez dit que non. Est-ce

 17   qu'il y a un autre moment où vous n'avez pas préservé d'objet ?

 18   R.  Au barrage rouge, nous y avons travaillé en avril 1998. Il n'y avait

 19   pas là de corps entiers. C'étaient des os isolés, séparés, et il y avait

 20   des morceaux de tissu dans ce charnier de barrage route qui n'étaient pas

 21   en relation avec les os. C'étaient des morceaux de tissu qui n'auraient pas

 22   permis d'identifier les individus. Donc, pour certains, ils ont été

 23   replacés dans les charniers, et nous n'avons gardé, préservé que des pull-

 24   overs en laine qui auraient pu être reconnus par des intéressés. C'est le

 25   seul moment où j'ai jeté des objets, mais c'était après les avoir

 26   photographiés.

 27   Q.  Alors les 21 sites, qui ont été vus en 1998, et sur lesquels on a

 28   travaillé, vous estimez qu'ils ont comporté 2 571 corps; est-ce que par la


Page 22280

  1   suite, vous avez revu ces estimations ?

  2   R.  J'ai eu les informations de la morgue, nombre de corps dans les sept

  3   charniers secondaires qui avaient été ouverts par nous. Il y avait 21

  4   charniers que nous avons sondés, et en principe, nous voulions bien

  5   identifier l'emplacement du charnier, et montrer qu'il y avait plus que

  6   deux individus par charnier, mais nous ne voulions pas les exhumer. Donc

  7   nous avons fait des calculassions et des estimations, et je suis arrivé

  8   avec le chiffre de 120 [comme interprété] individus par charnier, mais je

  9   ne suis pas bon pour ce qui est des chiffres.

 10   Est-ce que je peux voir mes notes --

 11    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien sûr.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour le rapport concernant l'année 1998, nous

 13   avons inspecté sept fosses secondaires. On m'avait demandé d'évaluer

 14   combien de corps se trouvaient dans le site numéro 21 et j'ai calculé qu'il

 15   y avait environ 2 571 et je -- j'étais préoccupé par le fait que mes

 16   calculs ne soient peut-être erronés. Par conséquent, j'ai gardé le contact

 17   avec les personnes qui ont travaillé depuis sur les sites d'excavation --

 18   d'exhumation et sur ces fosses secondaires qui avaient fait l'objet de

 19   sondages et que je n'avait pas exhumés par -- personnellement. Notamment,

 20   M. Jon Sterenberg, qui a travaillé pour l'ICMP et qui m'a dit que d'après

 21   les -- sur les personnes qui avaient été exhumées dans 10 de ces fosses,

 22   qui avaient fait l'objet de sondages, il y avait, en moyenne 151 personnes

 23   par fausse, ce qui signifie que mon évaluation à l'époque en 1999 était en

 24   dessous de la réalité.

 25   M. MITCHELL : [interprétation]

 26   Q.  D'accord.

 27   R.  J'ai également consulté un rapport beaucoup plus récent de Dusan Janc.

 28   Il avait des informations, notamment l'année dernière, concernant le nombre


Page 22281

  1   de personnes dans 19 des 21 fosses sondées qui correspondaient en moyenne

  2   1376 [comme interprété], donc, j'avais sous-estimé dans mon rapport le

  3   nombre de corps.

  4   Q.  Merci.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste une seconde.

  6   Monsieur Karadzic, vous avez un problème ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je crois que ça devrait être ça.

  8   M. MITCHELL : [interprétation]

  9   Q.  Dans l'affaire Tolimir, on vous a présenté le rapport de Dusan Janc.

 10   R.  Je ne sais pas si on me l'a présenté l'année dernière ou après.

 11   Q.  Je voudrais parler d'un autre site d'exhumation à Glogova 1.

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document de

 13   la liste 65 ter 2504.

 14   Q.  En attendant que ce document s'affiche, Professeur, est-ce qu'il

 15   s'agissait des mêmes protocoles d'exhumation que ce que vous aviez utilisé

 16   en 1998 et 1999 ?

 17   R.  Non, ce n'est pas exactement les mêmes protocoles, mais les principes

 18   étaient les mêmes. Je pense qu'en 2000, où nous avions décidé -- enfin,

 19   1999, nous avions décidé à Kozluk qu'il y avait des centaines, voire des

 20   milliers de douilles ou de -- de douilles de balles et nous avons décidé

 21   que nous n'allions pas toutes les étudier. Mais nous avons étudié toutes

 22   celles que nous n'avons pas photographiées. Ceci, donc, est tout à fait

 23   explicite dans nos protocoles de l'an 2000 -- pour l'année 2000, donc, mais

 24   s'il ne s'agit d'objets, tels que, par exemple, des douilles d'AK-47, dans

 25   ce cas-là, nous ne photographiions pas tous ces objets.

 26   Q.  D'accord.

 27   R.  Mais c'est ce genre de différences entre les protocoles, donc.

 28   Q.  Est-ce qu'il s'agit du rapport que vous avez rédigé sur cette


Page 22282

  1   exhumation ?

  2   R.  Oui.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la page 26

  4   ?

  5   Q.  Est-ce que vous pourriez nous décrire ce que nous voyons sur cette

  6   photo ?

  7   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait l'agrandir.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que la version B/C/S n'est

 10   vraiment pas nécessaire.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit du site que l'on appelle Glogova 1.

 12   Je n'ose pas toucher l'écran -- enfin, si, je vais risquer quand même de le

 13   faire.

 14   M. MITCHELL : [interprétation]

 15   Q.  Attendez un instant, Professeur.

 16   R.  Voilà. Voilà donc la zone du site Glogova 1, et de l'autre côté de la

 17   route, vous avez Glogova 2, mais je n'étais pas responsable de l'exhumation

 18   de ce site Glogova 2.

 19   Q.  Est-ce que vous pourriez --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez inscrire les

 21   chiffres 1 et 2 de façon à ce qu'on s'en souvienne ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. [Le témoin s'exécute]

 23   M. MITCHELL : [interprétation]

 24   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous aider à nous orienter ? Vous avez

 25   une route en haut de la photo.

 26   R.  Oui, à gauche. Cet axe nous amène à Kravica et à l'entrepôt qui est

 27   environ à six kilomètres et l'axe sur la droite, en direction de Bratunac.

 28   Q.  D'accord.


Page 22283

  1   R.  Puis, vous avez une route secondaire qui est en fait une route non

  2   goudronnée qui vous amène en direction des deux sites de Glogova.

  3   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez parafer cette photo, s'il vous plaît ?

  4   Merci.

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   M. MITCHELL : [interprétation] J'aimerais verser cette photo au dossier.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça deviendra la pièce P4004.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la page

  9   28, s'il vous plaît ?

 10   Q.  Il s'agit d'un site complexe, Professeur. Donc, lorsque l'image

 11   apparaît, est-ce que vous pourriez nous décrire la totalité du site et nous

 12   expliquer, pour qu'on s'y retrouve, avec les différentes fosses voisines ?

 13   M. MITCHELL : [interprétation] Peut-être que la page 29 serait mieux.

 14   Q.  Il y a six fosses voisines ici ?

 15   R.  Il y en a fait six fosses voisines qui existent encore. En fait, il y a

 16   deux grandes zones sur ce site. Vous avez celle que j'avais entourée en

 17   rouge et je vais apposer le numéro 1. Vous avez trois petites fosses à

 18   gauche, E, K et L, et puis vous avez la zone à droite qui représente une

 19   zone plus importantes de fosses, au pluriel, et là, vous avez donc les

 20   fosses H, S et C. Vous avez, donc, des corps qui restent et qui sont issus

 21   d'une fosse qui a été pillée en octobre 1995, et donc, ça, c'est ce qui est

 22   resté. Pour ce qui est de la partie gauche, ce sont les fosses qui n'ont

 23   pas été perturbées en octobre 1995.

 24   Q.  Comment savez-vous que ces fosses ont été pillées en octobre 1995 ?

 25   R.  Parce qu'on voit les signes d'engins de terrassement qui ont en fait

 26   creusé à travers ces corps et qui ont donc laissé des bouts de membres

 27   après cette tentative de retirer les corps.

 28   Q.  Comment savez-vous exactement que cela s'est produit en octobre 1995 ?


Page 22284

  1   R.  On m'a montré des images aériennes qui j'ai inclues dans mon rapport,

  2   et donc on voit ce qui s'est passé en juillet 1995, donc, où les

  3   inhumations ont eu lieu. Puis ensuite nous voyons en octobre 1995 ces

  4   photos aériennes qui montrent que la zone que j'ai entourée en rouge a donc

  5   été perturbée et vous avez une photo qui montre un engin de terrassement

  6   présent dans cette zone, et là, je l'ai annoté. Il se trouvait dans cet

  7   endroit où j'ai mis un point avec le chiffre 2.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez apposer la date et vos initiales également ?

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, est-ce que vous avez

 11   incorporé ces photos aériennes que vous avez vues à l'époque dans votre

 12   rapport ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons accepter cette

 15   représentation comme pièce P4005. Est-ce que vous avez le rapport devant

 16   vous, Monsieur Mitchell ?

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je crois que

 18   c'est à la page 27. Il s'agit d'une photo aérienne qui porte la date du 27

 19   juillet -- non, pardon, quatre photos aériennes, 5 juillet, 17 juillet, 27

 20   juillet et 30 octobre.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Après avoir sauvegardé l'image qui est à

 22   l'écran, je voudrais que l'on passe à la page 27 du rapport pour consulter

 23   rapidement ces photos.

 24   Monsieur le Professeur, je crois que vous avez ces photos devant vous.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner des

 27   explications.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Voilà donc la zone


Page 22285

  1   qui a fait l'objet de nos enquêtes. Le 5 juillet, vous voyez que la terre

  2   n'a pas été remuée, rien n'a été perturbé. Puis le 17 juillet, vous voyez

  3   que la terre a été remuée. Vous ne pouvez pas creuser des fosses sans

  4   remuer de la terre. Donc cette zone que j'encercle ici est la zone où les

  5   inhumations ont eu lieu. Les lettres que nous avons utilisées ici, les

  6   lettres bleues, représentent les zones où vous avez des corps qui sont

  7   restés sur place, et les autres endroits n'ont pas été perturbés.

  8   Puis, pour ce qui est du 27 juillet, vous voyez que la zone a été à nouveau

  9   aplanie. En bas de la photo, vous avez les lettres K et L. Il s'agit de

 10   fosses qui n'étaient pas présentes le 17 juillet, je vais apposer la lettre

 11   [comme interprété] 2, vous avez donc ces deux fosses qui ont vu le jour par

 12   la suite.

 13   Ce qui s'est passé le 30 octobre, vous voyez qu'il y a eu de nouveaux

 14   endroits où la terre a été remuée, comme par exemple, ce que je viens

 15   d'encercler ici, mais ça n'a pas touché les fosses, K, E et L.

 16   La photo de l'engin de terrassement, qui était en fonctionnement à

 17   l'époque, ne m'avait pas été fournie lorsque j'ai rédigé ce rapport, donc

 18   elle n'est pas inclue dans ce rapport.

 19   M. MITCHELL : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous pouvez apposer vos initiales et inscrire également la

 21   date ?

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] P4006.

 24   Oui, Monsieur Mitchell.

 25   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

 26   Q.  Est-ce que vous avez pu établir des liens entre ce charnier à Glogova 1

 27   et la fosse secondaire ?

 28   R.  Oui. De la même manière que nous avons établi un lien entre Cancari


Page 22286

  1   Road 3 et Kozluk, nous avons en fait trouvé une des fosses secondaires pour

  2   le site de Glogova avant de trouver la fosse principale. La fosse

  3   secondaire, nous l'avons trouvée en 1998, à la fin de la saison, et c'est

  4   Zeleni Jadar 5. A Zeleni Jadar 5, il y avait en fait des caractéristiques

  5   qui étaient vraiment propres à ce site par rapport aux autres fosses que

  6   nous avions étudiées. Par exemple, il y avait beaucoup de pièces détachées

  7   de voitures, il y avait des fils de fer barbelés, il y avait également du

  8   foin. Tout ceci était donc amalgamé avec les corps. Il y avait également

  9   une pomme qui n'était pas mûre, et ça peut paraître tout à fait anodin

 10   comme détail, mais ceci permet en fait de déterminer exactement à quelle

 11   période de l'année nous nous trouvions lorsque les corps ont été enterrés.

 12   En 2000, nous avons procédé à l'excavation du site de Glogova, et nous

 13   avons retrouvé des pièces détachées de voitures, des fils de fer barbelés,

 14   et ce site était à proximité de vergers.

 15   Q.  Vous avez retrouvé également du foin ?

 16   R.  Nous avons trouvé du foin à Glogova 1. Il y a une photo dans mon

 17   rapport de ce foin. Plus précisément, ce qui était très intéressant pour

 18   les enquêteurs, nous avons trouvé également des morceaux d'un bâtiment

 19   détruit, et M. Mike Hedley, qui était un officier de police britannique,

 20   qui devait rédiger le rapport sur les parties de ce bâtiment que l'on avait

 21   trouvées à Glogova, a pu déterminer qu'il s'agissait en fait de l'entrepôt

 22   de Kravica. Il y avait la porte, il y avait les parties de l'encadrement de

 23   la porte, il y avait la porte à proprement parler, il y avait des morceaux

 24   de ciment qui étaient peints en blanc et d'autres peints en rouge, ainsi

 25   que du polystyrène qui était utilisé. On pouvait voir ceci à l'entrepôt, le

 26   polystyrène était utilisé comme isolant entre les différentes parois. Mais

 27   je n'ai pas fait une analyse. Je me suis fait une impression de tout cela.

 28   Mais une analyse distincte a été réalisée.


Page 22287

  1   Q.  Un autre objet, un autre type d'objet, que vous décrivez dans cette

  2   fosse, à savoir des éclats d'obus ainsi que des objets liés à des grenades.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la page 37

  4   sur le système de prétoire électronique, s'il vous plaît ?

  5   Q.  Pourriez-vous nous expliquer ce qui est représenté sur ces cinq photos,

  6   en commençant par celle qui est en haut de la page, 56763_15 ?

  7   R.  Oui. Il s'agit en fait d'une pomme et d'un morceau de métal qui s'est

  8   fiché dans la pomme.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas agrandir la première

 10   photo ?

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, nous voyons un crâne, un crâne qui est

 13   pratiquement désintégré, et vous avez un bout de métal qui est en fait une

 14   grenade qui n'avait pas explosé.

 15   M. MITCHELL : [interprétation] Merci.

 16   Est-ce qu'il faut sauvegarder cette page, maintenant, avant de passer à la

 17   page suivante ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas --

 19   M. MITCHELL : [interprétation] En fait, nous pouvons la sauvegarder tel

 20   quel en apposant le paraphe du témoin ainsi que la date.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pièce 4007.

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Si l'on descend un peu plus bas dans la page

 24   il y a deux autres photos.

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez décrire ce que l'on voit ici ?

 26   R.  Eh bien --

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   R.  -- il s'agit en fait de tissus humains, c'est de la chair que l'on voit


Page 22288

  1   ici, peut-être qu'il s'agit de l'épaule. Vous avez une photo plus générique

  2   et vous en avez une qui est en fait un agrandissement, il y a un morceau de

  3   métal qui est logé dans la chair.

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

  5   il s'agit de la photo 56715_04a. Est-ce que l'on peut maintenant passer de

  6   l'autre côté de la page de façon à obtenir le numéro de la deuxième photo.

  7   Pourrait-on sauvegarder cela.

  8   Q.  Professeur, est-ce que vous pouvez apposer votre paraphe et la date.

  9   R.  [Le témoin s'exécute]

 10   Q.  Pour les besoins du compte rendu d'audience, la deuxième photo que nous

 11   venons de consulter est la photo 56715_05a. Maintenant, on peut passer aux

 12   deux photos du bas de la page, à savoir 56726_25.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux précédentes seront versées sous

 14   la cote P4008 ?

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est exact.

 16   M. MITCHELL : [interprétation]

 17   Q.  La deuxième photo que nous consultons ici qui est sur la droite est la

 18   photo 56757_24. Professeur, pouvez-vous nous décrire ce que vous voyez ?

 19   R.  Il s'agit d'une partie de métal que nous avons vue à proximité du

 20   corps. Et on m'a expliqué qu'il s'agissait en fait de munitions qui

 21   n'avaient pas explosé, il s'agit en fait d'une partie d'une grenade que

 22   l'on utilise pour dégoupiller la grenade, qui ensuite donc explose. Et puis

 23   vous en avez une autre qui est en meilleur état que la première qui était

 24   pliée.

 25   M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait passer à la

 26   page 17 sur le système de prétoire électronique, 17 en version anglaise, 16

 27   en version B/C/S.

 28   Q.  Dans votre version papier, Professeur, il s'agit de la page 16.


Page 22289

  1   R.  Est-ce que vous voulez que j'appose des annotations ?

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, non, vous n'avez apposé aucune

  4   annotation.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

  6   M. MITCHELL : [interprétation]

  7   Q.  Dans cette partie du rapport, vous mentionnez qu'il y a des blessures

  8   qui sont des blessures liées au souffle d'une explosion ainsi que d'autres

  9   qui sont liées au processus d'inhumation. Est-ce que vous pourriez donc

 10   expliquer ?

 11   R.  Ici, les os s'étaient beaucoup plus désintégrés dans les vêtements que

 12   dans n'importe quel autre site que nous avions étudié. Les parties de

 13   métal, qui s'étaient logées dans les corps, m'ont amené à conclure qu'il

 14   s'agissait en fait de résultats d'une explosion ou d'un souffle. Mais, bien

 15   sûr, tous ces corps ont ensuite été envoyés à la morgue, parce que, là, il

 16   ne s'agissait que d'impressions qui avaient été recueillies dans l'urgence,

 17   d'impressions que je me fais lorsque je suis sur le site, mais je suis

 18   convaincu que ces corps avaient été soumis à une explosion ou à un souffle

 19   d'explosion.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous consultons quel paragraphe sur

 21   cette page ?

 22   M. MITCHELL : [interprétation] C'est tout à fait en bas de la page.

 23   Veuillez m'excuser. C'est à la page 16, le paragraphe qui commence par "In

 24   the light of," et cetera.

 25   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 26   M. MITCHELL : [interprétation] Paragraphe 3.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, d'accord. Merci.

 28   M. MITCHELL : [interprétation]


Page 22290

  1   Q.  Je voudrais parler d'un autre sujet, il s'agit d'une vidéo --

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez verser ce rapport

  3   au dossier, s'il vous plaît ?

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous ne versez pas le rapport

  6   provisoire, n'est-ce pas ?

  7   M. MITCHELL : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la pièce P4009.

  9   Je suppose qu'il n'y a pas d'objection.

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Non.

 11   M. MITCHELL : [interprétation] Il ne nous reste qu'un seul sujet à aborder,

 12   il s'agit d'une vidéo d'environ dix minutes, mais avec les pauses et les

 13   explications ceci nous prendra au moins 15 [comme interprété] minutes.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause

 15   dans quelques minutes. Mais avant cela, je voudrais maintenant m'intéresser

 16   aux pièces associées --

 17   M. MITCHELL : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- par exemple, le compte rendu

 19   d'audience que vous versez.

 20   Ma première question : Il y a deux rapports d'expert qui ont déjà été

 21   versés et qui sont sur la liste des pièces associées, vous ne voulez pas

 22   les verser séparément ?

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Effectivement, il faudrait qu'il y ait deux

 24   cotes séparées en vertu de l'article 94, et par conséquent, elles ne

 25   devraient pas être considérées comme des pièces associées.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 20576.

 27   Non, avant cela, le document de la liste 65 ter 2494. Est-ce que l'on peut

 28   le charger sur le système de prétoire ? Il s'agit d'un diagramme d'une


Page 22291

  1   page. D'après le compte rendu d'audience, le docteur a identifié

  2   différentes parties de ce diagramme en utilisant des couleurs, mais moi je

  3   n'ai que la version en noir et blanc. Est-ce que l'on pourrait charger le

  4   document 2924 [comme interprété] sur le système de prétoire électronique ?

  5   Est-ce que vous avez une version originale en couleur ?

  6   M. MITCHELL : [interprétation] J'ai essayé de regarder cela. Et je ne crois

  7   pas que nous ayons une version en noir et blanc, mais le Pr Wright en a une

  8   version en couleur.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous vous occuper de cela durant

 10   la pause ?

 11   M. MITCHELL : [interprétation] D'accord.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant, le document qui a la

 13   référence 20576, le docteur a expliqué qu'il avait apposé des notes en

 14   rouge, mais je ne vois que des notes en jaune sur cette photo. Je parle

 15   donc de la photo 20576. Encore une fois, est-ce que vous pouvez vérifier

 16   tout cela pendant la pause ?

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause d'une demi-

 19   heure et nous reprendrons à 11 heures.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 21   --- L'audience est reprise à 11 heures 01. 

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que tout va

 23   bien ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pas pour le moment, mais j'espère que cela va

 25   s'arranger.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Continuons, Monsieur

 27   Mitchell.

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Donc vous nous avez posé des questions sur


Page 22292

  1   donc la pièce 2495, c'est le rapport Kozluk. Nous allons télécharger la

  2   version en couleur, et puis la photographie, la bonne photographie n'est

  3   pas la 2706, la bonne a déjà été versée au dossier comme pièce P2016. Elle

  4   fait partie de la décision en application de la requête 92 bis, KDZ-069,

  5   donc c'est la bonne pièce.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons maintenant voir la pièce

  7   connexe, qui sera le dernier élément, la vidéo.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Oui.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, y a-t-il objection ?

 10   M. ROBINSON : [interprétation] Non.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc l'ensemble des pièces connexes

 12   seront versées au dossier, et on leur attribuera une cote en temps voulu.

 13   Continuons.

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Professeur, nous allons visionner une vidéo. La vidéo du site Cancari

 16   12, c'est en 1998 que vous l'avez exhumé. Avant le visionnage; est-ce que

 17   vous pourriez un petit peu replacer cette vidéo dans le contexte, comment

 18   est-ce que cela s'est déroulé ?

 19   R.  Oui, le site Cancari 12 est le premier que nous avons exhumé en 1998.

 20   C'est une fosse secondaire. C'est au bout de ce que nous appelons la route

 21   Cancari, qui se situe donc à l'extrémité du champ par rapport à la rivière

 22   Drina, donc plus loin de la rivière Drina. Nous avons été emmenés là par

 23   les enquêteurs, il a fallu que je voie s'il était possible d'exhumer à cet

 24   endroit. Nous avons effectivement pu avoir tout ce qui était nécessaire à

 25   placer sur le site pour travailler, donc, les bâtiments nécessaires.

 26   Q.  Donc nous allons peut-être commencer, vous allez nous décrire ce que

 27   nous voyons. Vous allez nous expliquer les images.

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Commençons.


Page 22293

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez, s'il vous plaît. Le "time code"

  3   indique 00 : 25 secondes.

  4   Q.  Qu'avons-nous vu à l'instant, Professeur ?

  5   R.  Donc nous avons vu la fosse, donc avant le début des travaux

  6   d'excavation, il y avait le personnel qui était là pour installer leur

  7   équipement pour faire des travaux de géomètre.

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Reprenons la vidéo.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. MITCHELL : [interprétation] Faites un arrêt, s'il vous plaît, c'est à 01

 11   : 05 secondes.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce que nous voyons ?

 13   R.  Nous voyons ici la recherche des limites de la fosse, c'est ce que nous

 14   avons fait dans un premier temps. Donc en archéologique, la règle est qu'on

 15   cherche d'abord à délimiter l'emplacement de la fosse avant de commencer à

 16   exhumer les corps. Comment est-ce qu'on établit où se trouvent les

 17   frontières ? C'est la terre qui comporte les éléments minéraux des

 18   profondeurs et mélangés à des éléments organiques, et vous voyez ici donc

 19   cette pelleteuse qui cherche à identifier donc la nature du sol.

 20   Q.  Qu'est-ce que vous cherchez très précisément, quels sont les signes

 21   très précis, donc le changement de la texture du sol, la couleur de la

 22   terre; quels sont les indices que vous recherchez ?

 23   R.  Mais comme je viens de vous le dire, il y a un mélange des couches du

 24   sol, là où se trouve la fosse, la fosse qui a été donc creusée, donc les

 25   archéologues cherchent à identifier ces changements de texture ou de

 26   couleur, et voir si cela correspond à un endroit aux limites de la fosse.

 27   Q.  Très bien.

 28   M. MITCHELL : [interprétation] Continuons.


Page 22294

  1   [Diffusion de la cassette vidéo]

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtons ici, s'il vous plaît.

  3   Q.  J'ai deux questions pour vous. Premièrement, quels sont ces signes

  4   orange, les markers orange ?

  5   R.  Ce sont des markers provisoires qui indiquent de l'avis de

  6   l'archéologue les frontières de la fosse.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer à quoi correspond la couleur du

  8   sol ici, à l'image où nous sommes ?

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Donc l'arrêt sur image c'était 01 : 47

 10   secondes.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. La couleur naturelle du sol ici est

 12   noire, à l'horizon organique à la couche supérieure, et puis cela devient

 13   rougeâtre, et puis beaucoup plus pâle. C'est le dépôt naturel, et lorsque

 14   les corps ont été placés dans la fosse, et la fosse a été comblée, le sol

 15   autour des corps a changé de couleur. Donc il y a de l'oxyde de fer dans le

 16   sol qui a été modifié à cause de la putréfaction des corps, donc l'action

 17   des bactéries. C'est un phénomène que l'on observe là où il y a du fer. Il

 18   y a une perte d'oxygène à cause de la putréfaction. Donc ce qui est très

 19   utile ce sont ces sols qui deviennent vert bleuâtre. C'est la perte des

 20   molécules d'oxygène. C'est un indicateur très utile. Cela indique qu'il y a

 21   eu de la matière organique à cet endroit.

 22   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que nous pouvons continuer.

 23   [Diffusion de la cassette vidéo]

 24   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtons ici.

 25   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 26   M. MITCHELL : [interprétation]

 27   Q.  Alors à quel stade sommes-nous du processus ?

 28   R.  Précédemment, nous avons vu des gens avec des bêches et des pelles. Ils


Page 22295

  1   n'étaient pas là pour enlever les corps, mais ils suivaient l'excavatrice

  2   pour bien indiquer l'endroit où se situe la fosse. Puis ensuite, là où on

  3   estime que se trouve la fosse, on cherche, effectivement, à vérifier s'il y

  4   a des corps. On fait des échantillonnages.

  5   M. MITCHELL : [interprétation] Nous sommes à 2 minutes 49 secondes. Est-ce

  6   que vous pouvez continuer.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. MITCHELL : [interprétation]

  9   Q.  Nous voyons que l'on creuse une tranchée ici. Est-ce que vous pouvez

 10   nous dire à quel stade de l'excavation sommes-nous ?

 11   R.  Nous avons vu que l'on a creusé par échantillonnage précédemment, dans

 12   la partie précédente de la vidéo, et lorsqu'on a pu établir grâce à cela

 13   qu'il y a des corps, maintenant il faut enlever la terre qui recouvre les

 14   corps. S'il y a le danger qu'au cours du travail, l'eau remplit la fosse.

 15   Il faut, en fait, creuser une tranchée plus profonde tout autour du

 16   périmètre de la fosse pour y recueillir l'eau, si jamais l'eau arrivait.

 17   Q.  Alors, nous voyons qu'il y a la pelle qui travaille et puis tout le

 18   reste du travail est fait à la main, manuellement.

 19   R.  Tout le travail autour des corps est fait manuellement. La pelle sert

 20   uniquement à enlever le matériel qui ne comporte pas les corps.

 21   M. MITCHELL : [interprétation] On peut continuer, s'il vous plaît.

 22   [Diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez, s'il vous plaît.

 24   Q.  Que voyons-nous ici ?

 25   R.  Nous avons fait un bond en avant de plusieurs jours par rapport à

 26   l'image précédente, donc vous voyez qu'il y a cette tranchée autour de la

 27   fosse, avec des planches. Les corps sont exposés, et on les emporte dans

 28   les housses, dans le camion frigorifique, et celui-là les emmène à la


Page 22296

  1   morgue de Visoko. Donc, il s'est passé beaucoup de temps entre les deux

  2   séquences.

  3   Q.  Cette machine que nous voyons ici, cet appareil ?

  4   M. MITCHELL : [interprétation] A 4 minutes 22 secondes.

  5   R.  C'est un instrument de mesure que nous utilisons pour localiser tout

  6   objet ou toute partie corporelle par rapport aux mètres de distance -- non

  7   -- en -- une distance en mètres par rapport aux points cardinaux est, nord,

  8   et également l'altitude ainsi que la date. Et à partir de cela, c'est en

  9   trois dimensions que nous pouvons reconstruire le site où on a localisé un

 10   objet ou une partie du corps.

 11   Q.  Vous utilisez 12 points pour localiser chaque corps ?

 12   R.  Oui. La tête, les omoplates, les coudes, les poignets, le bassin, les

 13   genoux, les chevilles, et on reconstruit une image en trois dimensions que

 14   l'on peut tourner.

 15   Q.  Très bien.

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Continuons.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. MITCHELL : [interprétation] Nous avons fait un arrêt sur image à 5

 19   minutes 2 secondes.

 20   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire, s'il vous plaît, ce que nous

 21   voyons à l'image, Professeur ? 

 22   R.  Oui. Je tiens à dire qu'il s'agit de la fosse secondaire de Cancari 12,

 23   et les corps avaient été enlevés d'un site qui, d'après ce qu'on m'a dit,

 24   était la ferme de Branjevo. Pendant qu'on a enlevé les corps de la fosse

 25   d'origine à la ferme de Branjevo, il y a eu beaucoup de corps qui ont été

 26   disloqués, donc nous avons des mains et des membres. Ici, je ne me souviens

 27   pas exactement de quel individu il s'agit, ce que nous voyons à l'image,

 28   mais nous avons la main et puis il y a des tissus au niveau du poignet,


Page 22297

  1   donc des liens.

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Continuons, s'il vous plaît.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo]

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez, s'il vous plaît.

  5   Q.  Quel est ce code que nous voyons ?

  6   R.  On ne voit pas le C à cause de la motte de terre qui le cache, donc

  7   normalement ce serait CR12, l'indication du site, et puis A046 signifie

  8   qu'il s'agit du 46e objet. Je ne sais pas de quel objet il s'agit,

  9   probablement, le lien que nous avons vu précédemment. Je ne suis pas

 10   certain pour autant. Ensuite, on enregistre ces informations dans un

 11   carnet. Donc vous avez un carnet qui attribue à chaque site, et chaque

 12   objet y est répertorié.

 13   M. MITCHELL : [interprétation] Il s'agit d'un arrêt sur image à 5 minutes,

 14   31 secondes, je précise pour le compte rendu d'audience. Continuons.

 15   [Diffusion de la cassette vidéo]

 16   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez, s'il vous plaît, à 6 minutes, 22

 17   secondes.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire à quoi correspond cet objet blanc que l'on voit à

 19   l'écran ?

 20   R.  C'est une des housses que nous avons utilisée avec une fermeture

 21   éclaire tout le long de la housse. Nous voyons le code B095, CR12. Je pense

 22   que, là, c'est un 9. Cela veut dire que c'est un corps entier qui rentrera

 23   dans cette housse. Alors, parfois, l'on ne peut pas enlever le corps en

 24   tant qu'une pièce, mais certaines parties corporelles doivent être

 25   prélevées séparément, donc, à la fin, la housse comporterait quasiment tout

 26   le corps et est transportée dans le camion frigorifique.

 27   Q.  Alors, un code pour les parties corporelles serait différent ?

 28   R.  Oui, je pense que ce serait BP092, BP signifiant partie corporelle.


Page 22298

  1   Q.  Merci.

  2   M. MITCHELL : [interprétation] Continuons.

  3   [Diffusion de la cassette vidéo] 

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez, s'il vous plaît.

  5   Q.  Alors quelle est cette feuille que nous voyons ici ?

  6   R.  C'est une des feuilles d'enregistrement des corps. La personne, qui

  7   sera responsable du retrait du corps, renseignera des informations, plus

  8   particulièrement comment était disposé le corps, s'il y avait des traces

  9   sur le corps, quel type de vêtement recouvrait le corps, est-ce qu'il y

 10   avait des objets associés, ils seraient enregistrés. Puis, c'était

 11   simplement pour que la personne, qui a enlevé le corps, puisse suivre un

 12   protocole, puisse savoir quelle remarque il convient d'enregistrer. Tout en

 13   bas, il y a un petit schéma, un croquis pour montrer comment était disposé

 14   le corps.

 15   M. MITCHELL : [interprétation] C'était à 6 minutes 40 secondes. Continuons.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez à 7 minutes 52 secondes.

 18   Q.  Nous avons plusieurs parties corporelles qui sont placées dans une

 19   housse. Est-ce que vous pouvez simplement décrire ce que nous voyons à

 20   l'image.

 21   R.  Oui. Nous avons vu très rapidement l'étiquette. C'était une étiquette

 22   qui indiquait qu'il s'agissait d'un corps entier, mais le corps est prélevé

 23   dans la fosse par morceaux. Donc maintenant, l'ensemble de ces pièces sont

 24   placées dans cette housse ensemble pour contenir donc le corps entier.

 25   M. MITCHELL : [interprétation] Continuons.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtez.

 28   Q.  Où est-ce qu'on emporte ce corps à présent, Professeur ?


Page 22299

  1   R.  Donc, au tout début de la séquence, vous avez vu que les sacs en

  2   plastique étaient placés sur les mains. Enfin, les mains étaient placées

  3   dans ces sacs en plastique, ainsi que les pieds, pour que ces différentes

  4   parties ne se perdent pas, qu'elles restent ensemble. Maintenant, le corps

  5   est emporté dans le camion frigorifique sur un brancard.

  6   M. MITCHELL : [interprétation] C'était à 8 minutes 38 secondes.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. MITCHELL : [interprétation] Arrêtons ici, à 9 minutes 8 secondes.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce qui se passe ici, Professeur ?

 10   R.  Oui, il y a deux choses, en fait -- ou plutôt, une chose. Ils cherchent

 11   des portefeuilles ou toute forme d'identification; un collier, quelque

 12   chose que nous pourrions prendre en photographie. Il ne s'agit pas d'un

 13   moment final d'étude des documents retrouvés avec le corps, mais simplement

 14   parce que nous avions peur que ces documents ne se décomposent à partir du

 15   moment où ils seront sortis de la fosse. Donc, par exemple, nous vérifions

 16   s'il y avait un portefeuille dans la poche. On l'ouvrait, parce que quand

 17   vous l'ouvrez, normalement vous trouvez des pièces d'identité, et puis on

 18   prenait une photographie et puis on replaçait le portefeuille dans la

 19   poche.

 20   Alors, pour deux raisons, parce qu'on voudrait qu'il y a un minimum

 21   de contacts avec l'oxygène. Donc, à partir du moment où la housse est

 22   refermée, il ne va pas y avoir d'oxygène. Donc, ce n'endommagera pas

 23   grandement les pièces d'identité, et deuxièmement, c'est frigorifié pour

 24   que la dégradation due aux bactéries soit réduite au minimum.

 25   Q.  Vous ne pouvez peut-être pas nous donner une réponse exacte, mais à

 26   quelle rapidité un morceau de papier se dégraderait lorsque vous l'excavez

 27   ? Est-ce que c'est une question de jour, de semaine, d'heure ?

 28   R.  Il y a des principes généraux, bien sûr. Si c'est un document qui est


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  1   déjà en mauvais état, et s'il n'a pas la possibilité, si on avait la

  2   possibilité de le faire sécher, enfin, je ne sais pas. Vous savez, ça

  3   dépend des conditions.

  4   M. MITCHELL : [interprétation] Nous allons poursuivre le visionnage de la

  5   vidéo.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. MITCHELL : [interprétation] Nous allons nous arrêter là. 10 minutes 10

  8   secondes au compteur.

  9   Q.  Est-ce qu'il s'agit du camion frigorifique que nous venons de voir sur

 10   la photo ?

 11   R.  Oui. Vous avez également vu les responsables des agents de la police

 12   scientifique qui étaient responsables de la remise des corps et des objets.

 13   Q.  Donc les corps vont vers la morgue ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  C'est à ce moment-là que les anthropologues et les pathologistes

 16   commencent leurs examens, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, les enquêteurs donc commencent leurs examens et leurs tests sur

 18   les objets.

 19   M. MITCHELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Professeur, je n'ai pas

 20   d'autres questions.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 22   Oui, le moment est donc venu pour M. Karadzic de commencer son contre-

 23   interrogatoire. Une seconde. Je crois que cette vidéo faisait partie des

 24   pièces associées, mais est-ce qu'elles devraient recevoir une cote séparée.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce P4027.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 27   Oui, Monsieur Karadzic, allez-y.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,


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  1   Messieurs les Juges. Bonjour à tous.

  2   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Professeur.

  4   R.  Bonjour, Monsieur Karadzic.

  5   Q.  Au départ, je voudrais vous dire combien que je tiens à haute estime le

  6   travail que vous avez réalisé, et je voudrais que vous compreniez que, du

  7   point de vue de la Défense, nous devons déterminer quelles sont les parties

  8   de vos activités qui peuvent être considérées comme étant des éléments au-

  9   delà de tout doute raisonnable, puisqu'il s'agit du concept en droit pénal

 10   que nous utilisons ici, à savoir ce qui a pu vraiment être déterminé et

 11   d'autre part ce qui pourrait être remis en question. En d'autres termes, il

 12   s'agit d'une activité gigantesque et impressionnante, et je ne vais pas

 13   chercher à la miner d'une manière ou d'une autre, mais j'essaie simplement

 14   de déterminer ce qui peut être utile ou pas.

 15   Est-ce que vous êtes d'accord avec notre manière de procéder ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Alors je voudrais commencer par vous poser une question sur ce que vous

 18   avez dit au départ, à savoir que vous avez travaillé pour la Cour pénale

 19   internationale. Ai-je raison de dire que vous travaillez pour le bureau du

 20   Procureur ?

 21   R.  Oui, je travaillais sous contrat.

 22   Q.  Je vous pose cette question parce que, dans notre système juridique, il

 23   y a un juge d'instruction qui est engagé, qui doit être impartial, alors

 24   que quelqu'un travaillant pour le bureau du Procureur n'est pas

 25   nécessairement impartial. Donc en fait, qui était votre employeur au niveau

 26   du bureau du Procureur ?

 27   R.  Mon supérieur hiérarchique était le chef des opérations. Trois

 28   personnes ont occupé ce poste durant ces quatre années, c'était donc mon


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  1   supérieur hiérarchique et qui pouvait donc engager ou renvoyer les membres

  2   de son équipe, et donc moi-même.

  3   Q.  Vous parlez du chef des opérations. Est-ce que, mis à part ces

  4   opérations précises, il était responsable d'autres opérations ? Est-ce que

  5   vous pourriez nous aider à décrire le profil du poste d'un chef des

  6   opérations ? Quand on parle d'opération, il s'agissait de quel type

  7   d'opération.

  8   R.  Monsieur Karadzic, je ne sais pas, je ne suis pas en mesure de répondre

  9   à cette question. Je n'étais pas employé dans la structure générale ou

 10   l'organigramme général du TPIY. Par conséquent, je ne connais pas les

 11   responsabilités des autres personnes, mis à part celles qui étaient les

 12   miennes.

 13   Q.  Merci. Dans votre deuxième phrase, dans les propos introductifs, vous

 14   parlez donc de Glogova 1, et vous dites : "On m'a demandé d'identifier et

 15   de procéder à l'exhumation de fosses ou de charniers qui avaient recueilli

 16   des personnes qui avaient soi-disant été tuées après la prise de

 17   Srebrenica."

 18   Est-ce exact ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Peut-on considérer, par conséquent, que tous les corps auxquels vous

 21   avez pu avoir accès, c'est-à-dire les corps que votre équipe a exhumés, que

 22   pour ce qui est de ces corps, vous avez pu déterminer que ces personnes

 23   étaient décédées après la prise de Srebrenica ?

 24   R.  Est-ce que vous parlez de Glogova uniquement, ou est-ce que vous parlez

 25   de tous les sites que nous avons abordés aujourd'hui ?

 26   Q.  Est-ce que vous aviez reçu une mission pour uniquement pour Glogova ou

 27   pour tous les sites ?

 28   R.  Non, parce que j'ai posé une question, et parce que d'activités que


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  1   j'ai menées, n'étaient pas liées à l'affaire Srebrenica. J'ai travaillé à

  2   Prijedor. Mais pour ce qui est des sites que nous avons abordés

  3   aujourd'hui, effectivement, d'après ce que j'avais compris, le TPIY pensait

  4   qu'il s'agissait de personnes qui avaient été tuées après la chute de

  5   Srebrenica.

  6   Q.  Ce qui m'intéresse c'est la Bosnie orientale et pas Prijedor. Ce qui

  7   m'intéresse, c'est ce qui rentre dans le cadre de cette affaire.

  8   Monsieur le Professeur, est-ce que vous avez obtenu d'autres informations

  9   de qui que ce soit ? Est-ce que l'on vous a informé de ce qui s'était passé

 10   là-bas, et avec qui vous devriez traiter, et qu'est-ce que vous devriez

 11   gérer sur place, si l'on peut s'exprimer ainsi ?

 12   R.  Qu'est-ce que vous voulez dire ? Vous voulez dire ce qui s'était passé

 13   à Srebrenica, ce que je pourrai m'attendre à trouver là-bas ? Je ne

 14   comprends pas très bien les termes de votre question.

 15   Q.  Je vais être plus simple. La guerre a commencé là-bas en avril 1992. La

 16   guerre a continué jusqu'au mois d'octobre 1995. Srebrenica a été déclaré

 17   une zone de sécurité ou une zone protégée, en mai 1993. Avant juillet 1993,

 18   environ 2 000 combattants ont perdu leur vie uniquement à Srebrenica. Je ne

 19   parle pas uniquement de Srebrenica, c'était également, alors qu'ils

 20   partaient en direction de territoires détenus par les Serbes. Est-ce que

 21   vous pouviez -- pourriez faire un distinguo entre ceux qui avaient perdu

 22   leur vie avant la prise de contrôle de Srebrenica et ceux qui avaient perdu

 23   leur vie après celle-ci ?

 24   R.  Non, je ne vois pas comment j'aurais pu déterminer cela, et je ne veux,

 25   par conséquent, pas répondre à votre question.

 26   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Vous avez donné une réponse et je ne me

 27   remets pas en question les résultats de vos recherches vous avez fait un

 28   travail énorme. Mais est-ce que vous savez que des gens ont péri tous les


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  1   jours dans cette zone, des Serbes, des Musulmans périssaient tous les jours

  2   ? Est-ce que l'on vous a donné ce type d'information ?

  3   R.  Non, en ma qualité officielle d'enquêteur indépendant sur ces

  4   charniers, mais j'ai lu les journaux, j'avais entendu des nouvelles

  5   concernant les différents événements qui s'étaient produits là-bas. Mais

  6   d'un point de vue officiel on ne m'a pas vraiment dit quoi que ce soit sur

  7   la chute de Srebrenica. On m'a demandé d'enquêter sur certaines fosses et

  8   de déterminer combien de personnes se trouvaient dans ces fosses, à qui

  9   appartenaient ces corps, quelles étaient les [inaudible] associées. Je ne

 10   suis pas un expert dans l'histoire de la guerre.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour être simple, en terme plus simple,

 12   Professeur, vous avez mentionné, en page 47, la ligne 18, j'avais cru

 13   comprendre que le TPY, et je suppose que vous voulez dire le bureau du

 14   Procureur, donc vous disiez, Je suppose que le TPY pensait que ces

 15   personnes avaient été tuées après la chute de Srebrenica, mais ce n'était

 16   pas à vous de déterminer cela.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'était ma responsabilité de

 18   déterminer cela.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voulais dire le fait qu'ils étaient

 20   tués après la chute de Srebrenica ou avant celle-ci.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, je vois que vous voulez dire. J'avais cru

 22   comprendre que ces personnes avaient péri après la chute de Srebrenica.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais est-ce que vous avez pu conclure

 24   cela ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je dirais que j'ai pu conclure qu'il

 26   s'agissait de personnes qui avaient péri après la chute de Srebrenica. Je

 27   suppose que les personnes, qui avaient péri avant la chute de Srebrenica,

 28   donc dans l'enceinte de Srebrenica, dans les confins de Srebrenica,


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  1   auraient été enterrés là-bas. Mais je n'ai pas travaillé dans cette zone-

  2   là. Nous avons travaillé dans les zones où les corps ont été transportés.

  3   Ces personnes avaient donc quitté Srebrenica -- on leur avait fait quitter

  4   Srebrenica et je ne pense pas donc que ces personnes aient péri avant la

  5   chute de Srebrenica.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, dans votre mission, est-ce que

  7   vous deviez également déterminer à quel moment ces personnes -- ces corps

  8   étaient des corps de personnes qui avaient péri à tel ou tel moment ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ça aurait été le

 10   cas. On m'a demandé de déterminer s'il était raisonnable de penser que ces

 11   personnes avaient péri après la chute de Srebrenica.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci.

 13   Monsieur Karadzic, vous pouvez poursuivre.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Est-ce que vous avez pu conclure et est-ce qu'on vous a montré des

 17   charniers -- en fait, est-ce que votre mission était de rechercher et

 18   d'examiner l'ensemble des charniers connus ?

 19   R.  Non, Monsieur Karadzic, l'on m'a montré des photographies aériennes,

 20   des photographies qui montraient des endroits où la terre avait été remuée

 21   fraîchement et c'étaient des photographies d'octobre 1995. On m'a montré

 22   des photographies où j'ai pu compter à peu près 28 endroits avec cette

 23   terre remuée qui s'est manifestée sur quelques jours en octobre 1995, et je

 24   suis allé à tous ces endroits pour voir où nous pouvions exhumer. Donc nous

 25   avions six mois à peu près à notre disposition et donc j'ai cherché à voir

 26   combien de sites nous pouvions raisonnablement choisir pour y travailler

 27   pendant cette période-là. Donc on n'a pas pu en choisir plus que sept

 28   pendant le temps donné, mais comme je l'ai déjà dit, nous avons fait des


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  1   échantillonnages, nous avons sondé les autres sites qui apparaissaient sur

  2   les photographies aériennes donc pour constater s'il y avait de multiples

  3   restes humains à ces endroits mais nous ne les avons pas examinés. Donc,

  4   pour répondre, oui, effectivement, j'étais tenu d'enquêter sur l'ensemble

  5   des charniers mais pas d'exhumer à tous les endroits, donc j'en ai -- je me

  6   suis limité à sept sites.

  7   Q.  Alors, quelle est la méthode que vous avez appliquée pour déterminer le

  8   moment du décès ?

  9   R.  Les montres que portaient certains individus, d'après ce que nous avons

 10   pu comprendre, correspondaient à la date des exécutions, et cette analyse

 11   est contenue dans mon rapport, donc il y a cette correspondance. Puis nous

 12   avons également trouvé des objets, par exemple, un journal néerlandais qui

 13   a été utilisé pour rouler des cigarettes et nous l'avons trouvé dans des

 14   poches de victimes. Mais la méthode principale que nous avons utilisée pour

 15   savoir de quand dataient les charniers, c'était que les fosses secondaires

 16   des exhumations de 1998 ne sont pas visibles avant octobre 1995. Nous avons

 17   des images de ces mêmes endroits sur le terrain avant octobre 1995 et puis

 18   soudain on voit apparaître ces fosses, donc c'était la meilleure façon

 19   d'identifier le moment où la fosse a été crée.

 20   Q.  Oui, mais le moment du décès n'est pas la même chose que le moment où

 21   la fosse a été creusée. Donc comment est-ce que vous avez pu établir le

 22   moment du décès des individus ?

 23   R.  Je n'ai pas pu établir cela si ce n'est par rapport au contexte, donc

 24   je n'ai pas pu par rapport au contexte de l'ensemble des objets qui ont été

 25   extraits des charniers.

 26   Q.  Donc vous êtes en train de nous dire que les montres affichaient la

 27   date et l'heure de l'exécution, le jour, le mois, l'année de l'exécution.

 28   R.  Ces montres dont je parle ce sont des montres automatiques qui


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  1   s'arrêtent en l'espace de 24 ou 48 heures à partir du moment où l'individu

  2   qui les porte a cessé de bouger. Donc d'après ce que l'on m'a dit c'est que

  3   les exécutions ont eu lieu le vendredi du 14 juillet du samedi 15 ou du

  4   dimanche 16, ce qui correspond à l'information que nous avons reçue sur la

  5   date des exécutions. Mais, mis à part cela, je sais à partir de quel moment

  6   les fosses sont apparues. Mais je ne peux pas vous dire à quel moment les

  7   individus sont décédés.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

  9   M. MITCHELL : [interprétation] Si l'on continuera à explorer la question

 10   des montres, je pense qu'il serait utile de se référer au rapport, document

 11   2496 sur la liste 65 ter et c'est vers la page 28 que l'on commence à

 12   parler de ces questions-là. Cela commence ce chapitre.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Monsieur Karadzic.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Donc toutes ces montres étaient des montres mécaniques ou automatiques,

 16   il n'y avait pas de montre qui marchait avec des batteries --

 17   L'INTERPRÈTE : -- des piles, se corrige l'interprète.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait des montres que l'on remonte et des

 19   montres électroniques mais, là, vous n'avez pas -- ces montres-là ne me

 20   montrent pas le jour et la date. Je pense vraiment qu'il faudrait que l'on

 21   voit l'image de ces -- les photographies de ces photos.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est l'avant-dernière page du --

 23   du premier rapport. Il s'agit de documents de la pièce P4000.

 24   Il s'agit de la page 181 dans le prétoire électronique. C'est à cela que

 25   vous pensiez ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est à ce type de montre que j'ai pensé.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Donc, on ne peut pas remonter cette montre, n'est-ce pas ? On ne


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  1   voit pas le bouton qui sert à remonter. Ça, c'est un -- c'est une montre

  2   automatique, électronique -- automatique, c'est ce qui est écrit dessus,

  3   n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui, une montre mécanique automatique qui se remonte automatiquement,

  5   mais qui s'arrête à partir du moment où il n'y a pas eu de mouvement. Donc,

  6   au bout de 24 ou 48 après la cessation de -- de tout mouvement, et nous

  7   voyons qu'il s'agit d'une montre italienne ou espagnole, parce que ça

  8   indique SAB pour samedi, le samedi 15. Donc, cela correspond à l'exécution

  9   du vendredi 14 et c'est ce que nous avons vu sur 8 sur 10 montres. Je dis,

 10   dans mon rapport, que la probabilité que 8 sur 10 montres nous affichent,

 11   donc, exactement cette date correspond à une très, très, très grande

 12   probabilité qu'effectivement, la date de l'exécution a été celle comme

 13   indiquée. Donc vous avez demandé ce qui en est, donc des montres

 14   électroniques. Bien sûr, elles -- ce -- ce sont des montres à pile. Elles

 15   continuent jusqu'à ce que la pile ne -- ne se vide, ne s'use. Donc, on ne

 16   peut pas savoir exactement la date. Donc, ce qui est important pour ces

 17   montres-là, c'est qu'elles nous montrent la date -- donc le jour, la date.

 18   Q.  Oui, mais on n'a pas le mois, on n'a pas l'année, n'est-ce pas ?

 19   R.  Non, non, on n'a pas l'année, on n'a pas le mois. Donc, ce n'est pas

 20   aussi fiable que ça pourrait.

 21   Q.  D'accord, Professeur, mais est-ce qu'on vous a dit -- est-ce qu'on vous

 22   a informé des coutumes, voire même des lois qui étaient en vigueur chez

 23   nous, à savoir que les détenus ne pouvaient pas garder leurs pièces

 24   d'identités, pas de montres, aucun objet de valeur. Ils n'avaient --

 25   l'argent, par exemple, ils n'avaient aucun droit de garder cela, les gens

 26   capturés, détenus tant que leur innocence n'a pas été prouvée ?

 27   R.  Non, Monsieur Karadzic, j'ignore complètement cette --

 28   Q.  Mais est-ce que cela vous paraîtrait crédible si je vous disais que nos


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  1   peuples, quelque soit leur confession ne prennent -- ne prélèvent jamais

  2   rien sur un corps qui -- sur un cadavre et qu'on -- on peut prendre des

  3   choses à des vivants ?

  4   R.  Je peux vous faire confiance si vous me dites que c'est une coutume,

  5   mais ce n'est pas quelque chose que je connaisse.

  6   Q.  Merci. Est-ce que l'on vous a dit que ces jours-là, pendant la chute de

  7   Srebrenica et après ces dates-là, donc, il y a beaucoup de combats autour

  8   de Srebrenica et qu'il y a eu beaucoup de gens qui ont péri dans ces

  9   combats de part et d'autre ?

 10   R.  Vous me demandez si j'ai -- j'en ai été informé. On ne m'a pas briefé

 11   spécifiquement là-dessus par les employés du TPY, mais c'est quelque chose

 12   que j'ai vu dans la presse, oui, ou ailleurs. J'ai -- j'étais informé là-

 13   dessus.

 14   Q.  Donc, est-ce que vous avez eu pour consigne d'identifier dans ces

 15   charniers qui étaient ceux qui ont été exécutés donc dont la vie s'est

 16   terminée de manière illégale, en aillant recours à des moyens illégaux

 17   après la chute de Srebrenica, ou vous deviez juste savoir combien il y a eu

 18   de personnes qui ont perdu leur vie ?

 19   R.  J'ai eu pour consigne d'examiner ces charniers, et comme je vous ai

 20   dit, en 1998, il s'est avéré que c'étaient des fosses secondaires, et j'ai

 21   eu pour consignes de réunir les éléments sur lesquels j'ai déjà déposé.

 22   Donc, les éléments de preuve. Donc, bien entendu, j'ai pu constater, donc,

 23   qu'il y avait des blessures par balles sur ces corps, mais il ne

 24   m'appartenait pas de déterminer quelle était la cause de leur mort. C'était

 25   la responsabilité des anthropologues et des médecins légistes qui

 26   travaillaient à la morgue. Ce sont eux qui ont établi des rapports

 27   officiels là-dessus. Quand je suis allé travailler en Ukraine, il y a eu,

 28   là, donc, des centaines de personnes qui avaient été fusillées. Je sais à


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  1   quoi ressemblent des blessures par balles, donc je peux vous dire que je

  2   suis arrivé à la conclusion que c'est de manière violente que ces gens on

  3   perdu leur vie, mais il ne m'appartenait pas de déterminer le -- comment

  4   ces gens ont perdu la vie.

  5   Q.  Je vais vous poser une question d'ordre général. Si l'on vous donnait

  6   la même consigne, on vous confiait la même mission aujourd'hui sur le même

  7   terrain, comte tenu de votre expérience acquise, est-ce que vous vous y

  8   prendriez différemment maintenant pour mener ce même type de travail ? Est-

  9   ce que vous amélioreriez, modifieriez votre approche, votre démarche ?

 10   R.  Je ne changerais pas au fond les procédures que nous avons appliquées,

 11   à savoir le fait d'identifier l'emplacement du charnier en dérangeant le

 12   moins les corps. Je procéderais de nouveau à l'enlèvement des corps.

 13   J'enregistrerais, je mesurerais l'ensemble des éléments pour savoir

 14   exactement d'où on les a prélevés dans le charnier. En -- je ferais des

 15   photographies de chacun des corps et des objets avant de les enlever. Non,

 16   je ne changerais rien à ces procédures-là, et ce sont d'ailleurs celles que

 17   je continue de pratiquer, enfin, que l'on continue d'utiliser pour exhumer

 18   les soldats, par exemple, à Formelles. Je l'ai mentionné, donc, ce site de

 19   la Première Guerre mondiale. Donc, je ne modifierais en rien ces

 20   procédures-là de fond.

 21   Q.  Merci. Changeriez-vous quelque chose suite à certaines remarques et

 22   objections qui ont été faites à propos de votre rapport rendu définitif.

 23   Vous avez répondu à certains de ces commentaires et objections et vous en

 24   avez acceptés certains. Quels seraient ces changements que vous feriez en

 25   tenant compte de ces commentaires ou objections ?

 26   R.  Je crains que je ne sache pas très bien de quoi il s'agisse lorsque

 27   vous parlez de ces commentaires et de ces objections qui ont été faites à

 28   propos de mon rapport définitif. Il faudrait que vous précisiez avant que


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  1   je ne puisse répondre à cette question, et je ne sais pas dans quel

  2   contexte ces objections ont été faites outre ma déposition dans trois

  3   affaires précédentes, Krstic, Popovic et Tolimir, devant ce Tribunal.

  4   Q.  Je vais essayer de circonscrire ma question. Est-il exact que le Dr

  5   Zoran Stankovic a fait le commentaire suivant en vertu de l'article 19 du

  6   protocole additionnel des conventions de Genève, ou en se fondant sur un

  7   autre document, que chaque partie en présence a le droit de prendre part ou

  8   d'être présent en tant qu'observateur lors de l'inspection ? Je crois que

  9   vous avez dit que c'était peut-être le cas, mais que cela ne relevait pas

 10   de vos fonctions, à savoir d'autoriser ce genre de chose.

 11   R.  C'est la même réponse que je donnerais maintenant. Je n'étais pas

 12   responsable de la partie logistique ni de la sécurité concernant ces

 13   travaux-là, et je ne me souviens pas que l'on m'ait posé cette question,

 14   plus particulièrement dans l'affaire Krstic. Mais cela ne relève pas de mes

 15   fonctions que de décider qui doit être autorisé à être présent sur le site

 16   ou non.

 17   Q.  Merci. Cependant, lorsque vous avez déclaré quelles personnes ont

 18   participé à l'exhumation, vous avez dit qu'aucun citoyen de l'ex-

 19   Yougoslavie n'avait participé à ces travaux. Est-ce qu'un citoyen de l'ex-

 20   Yougoslavie a assisté à ces travaux ?

 21   R.  Non. Cette déclaration est exacte. Aucun citoyen de l'ex-Yougoslavie

 22   n'avait été autorisé à venir sur les lieux pendant les quatre années où je

 23   me suis occupé de ces excavations, et la nuit, les sites étaient protégés

 24   par des gardes armés pour empêcher quiconque d'entrer.

 25   Si le TPIY m'avait demandé de permettre à quelqu'un d'assister à ces

 26   exhumations, je l'aurais fait, mais en règle générale, aucun citoyen de

 27   l'ex-Yougoslavie n'était autorisé à s'approcher des sites.

 28   A côté du barrage rouge où nous avions besoin d'une lourde


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  1   excavatrice, le chauffeur de l'excavatrice n'a pas été autorisé à entrer

  2   sur le site pour se rapprocher des lieux en question. Donc c'était un de

  3   nos ingénieurs qui a conduit l'excavatrice jusqu'aux lieux en question.

  4   Donc la politique était strictement appliquée.

  5   Q.  Je vous remercie. Alors, si je vous ai bien compris, ce n'est pas

  6   quelque chose qui a été mis en place par vous. C'était une interdiction qui

  7   avait été formulée par quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ?

  8   R.  C'était une politique qui avait été mise en place -- une interdiction,

  9   en anglais, a un sens bien particulier, mais c'était la politique adoptée,

 10   nous n'avions pas le droit d'autoriser quiconque à entrer sur le site.

 11   J'avais un directeur de projet qui s'occupait du site, et cette personne

 12   s'occupait de ce genre de questions. Ça n'était pas à moi de le faire.

 13   J'étais là simplement pour accomplir les travaux revenant à un homme de la

 14   police scientifique. Je n'étais pas là pour me mêler de questions de

 15   politique.

 16   Q.  Merci. Ceci n'est pas une attaque à votre encontre de quelque manière

 17   que ce soit. Je souhaite simplement savoir qui a enfreint le droit de la

 18   Republika Srpska en vertu de l'article 19 des protocoles additionnels, à

 19   savoir que des citoyens de ce pays auraient le droit de participer à ces

 20   exhumations. Vous n'étiez pas responsable de cela, mais c'est un droit qui

 21   a été enfreint, n'est-ce pas ?

 22   R.  Ecoutez, je ne suis pas au fait de ces droits, et donc je ne peux pas

 23   faire de commentaires sur ce sujet.

 24   Q.  Merci. Je pense que vous avez vu et que vous avez commenté le fait que

 25   vous étiez d'accord avec l'objection formulée par le Dr Zoran Stankovic, un

 26   expert en matière de fouilles scientifiques, quelqu'un de Belgrade, mais

 27   cela ne relevait pas de vos fonctions. Donc je vais retrouver la référence

 28   et nous allons essayer d'établir cela d'une autre manière.


Page 22313

  1   Donc vous admettez que cet article du protocole additionnel existe

  2   bien ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a dit qu'il n'était pas au

  4   courant de cela, donc veuillez poursuivre.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Vous avez dit un peu plus tôt, si cela m'a été correctement traduit,

  7   vous nous avez dit que vous vous êtes occupé des travaux relevant d'un

  8   membre de la police scientifique. Est-ce que vous êtes un expert en matière

  9   de fouilles scientifiques ?

 10   R.  Je suis archéologue et je suis spécialisé dans ce qui relève des

 11   travaux de la police scientifique. Donc je suis expert, non pas dans tous

 12   les domaines, mais je m'occupe de travaux de recherches archéologiques

 13   scientifiques et, dans une certaine mesure, d'anthropologie scientifique.

 14   Alors, si je suis un expert scientifique au sens large du terme, non. Je

 15   vous répondrais que je ne sais rien pour ce qui est des analyses d'ADN. Je

 16   ne sais rien à propos des empreintes digitales. Mais je sais comment il

 17   faut mener à bien une excavation et comment il faut appliquer les règles

 18   sur un site où ces travaux sont menés.

 19   Q.  Merci. Est-ce que nous pouvons convenir du fait que cela ne relève pas

 20   de vos fonctions que de faire des autopsies et d'établir les circonstances

 21   et l'heure du décès ?

 22   R.  Cela -- je ne peux pas fournir un avis d'expert devant des Juges, cela

 23   n'est pas acceptable, et je ne peux pas vous donner mon avis sur les

 24   circonstances et l'heure du décès. Cela ne fait pas partie de mon domaine

 25   d'expertise.

 26   Q.  Merci. Alors, compte tenu du temps qui me reste, je vais vous citer un

 27   exemple, l'exemple de Glogova 1 de l'année 2000, où vous fournissez une

 28   explication de l'endroit en question. Il s'agit là d'une description de


Page 22314

  1   Glogova 1, de ce site, où vous avez déclaré que vous avez remarqué six

  2   zones où il y avait des restes humains qui avaient été placés, ainsi que

  3   des emplacements où des tentatives d'inhumation avaient été faites dans le

  4   but de déplacer les corps. Etes-vous en mesure de nous dire autre chose à

  5   propos de ces tentatives-là ? S'agissait-il de tentatives ou est-ce que

  6   ceci a été réellement fait ?

  7   R.  C'était des tentatives, ceci n'a pas été fait jusqu'au bout. Ces

  8   informations nous proviennent de photographies aériennes qui ont été prises

  9   en octobre 1995. Un certain nombre de corps ont été enlevés, parce que nous

 10   avons retrouvé des parties vides dans ces fosses, et il y a des parties

 11   manquantes. Mais il est vrai qu'il s'agissait d'une tentative, à savoir

 12   s'il s'agissait d'une tentative d'enlever tous les corps, nous ne le savons

 13   pas. Mais, en tout cas, ils n'ont pas réussi à enlever tous les corps,

 14   parce qu'il en restait un certain nombre. Il y avait des restes humains qui

 15   étaient tombés des corps et cela provenait des corps qui avaient été

 16   enlevés.

 17   Q.  Ce que je souhaite savoir néanmoins, c'est qu'auraient été vos

 18   conclusions, eu égard à la fosse E, si vous aviez creusé plus en

 19   profondeur, vous avez dit que cette fosse avait été pillée. Enfin, vous

 20   n'avez pas utilisé le mot "pillée"; vous avez dit qu'un certain nombre de

 21   corps avaient été enlevés, et fort heureusement, vous avez dit : "Lorsque

 22   nous avons creusé plus en profondeur, nous en avons conclu que cela n'était

 23   pas le cas." Est-ce exact ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir le numéro

 25   de la page ?

 26   Monsieur le Professeur, veuillez nous dire à quel endroit cela se trouve.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à quelle page cela se

 28   trouve-t-il ?


Page 22315

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de votre rapport, la pièce

  2   P4009.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Page 6.

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  Je crois que cela se trouve à la page 6, et le titre de ce chapitre est

  7   : "Description du site de Glogova."

  8   R.  Oui, je comprends la question que vous me posez. Pour ce qui est de la

  9   fosse E, il ne s'agissait pas de la fosse --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page suivante. Un instant, s'il vous

 11   plaît. Fosse E.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La fosse E était une fosse qui, au mois

 13   d'octobre, n'avait subi aucune modification. La raison pour laquelle je dis

 14   cela, c'est parce que c'est ce que nous avons constaté, au niveau des

 15   excavations ainsi que des photographies aériennes, il n'y a eu aucun

 16   déplacement au niveau de la fosse E.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Cependant, vous avez établi que ce n'est qu'après avoir creusé plus à

 19   profondeur que vous avez tout d'abord conclu qu'on y avait creusé de façon

 20   illégale et que cette fosse avait fait l'objet de pillage ?

 21   R.  C'est exact. Parce que lorsque nous avons creusé en surface dans cette

 22   fosse, nous n'avons trouvé aucun corps, mais alors que nous creusions plus

 23   en profondeur, nous avons découvert quelques corps.

 24   Q.  Merci. Quelque chose vous a-t-il empêché de creuser plus en profondeur

 25   dans les autres fosses ?

 26   R.  Non. J'avais pour tâche, étant donné que j'avais commencé les

 27   excavations sur un site donné, de m'assurer que chaque corps avait été

 28   levé. De façon à ce que nous ne laissions aucun corps sur ces sites, nous


Page 22316

  1   faisions les travaux d'excavation en dessous des fosses de façon à pouvoir

  2   parvenir à la terre. Donc, pour revenir à la fosse E, nous n'avons trouvé

  3   aucun corps en surface, et nous avons creusé jusqu'à la terre, et au bas de

  4   la fosse, nous avons trouvé les corps dans la fosse E.

  5   Avant de déblayer une fosse, avant d'arriver au fond, nous enlevons

  6   toujours de la terre pour nous assurer de tomber sur la terre elle-même.

  7   Dans mon rapport sur Glogova, je parle -- excusez-moi, veuillez m'accordez

  8   quelques instants. Je parle à la page 7 de mon rapport. Je montre la terre

  9   --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Deux pages plus loin, s'il vous plaît.

 11   Est-ce bien la bonne page, Monsieur le Professeur ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. J'ai

 13   reconstitué le terrain avant qu'aucune fosse ne fasse l'objet d'une

 14   excavation. Donc c'est une excavation que nous avons faite à l'extérieur de

 15   l'endroit où se trouvaient les fosses de façon à avoir une idée de comment

 16   nous parvenions à cette terre naturelle. Donc, dans tous ces secteurs qui

 17   figurent sur ma carte de l'excavation de Glogova, nous avons creusé jusqu'à

 18   ce que nous atteignions la terre pour nous assurer qu'il ne restait aucun

 19   corps dans ces fosses.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Maintenant je vais demander de reporter votre attention au chapitre

 22   suivant, lorsque vous parlez au fait que ces fosses ont été creusés et ont

 23   fait l'objet de pillage. Vous avez déclaré dans vos conclusions qu'il n'y

 24   avait aucune raison pour croire que les corps de Glogova 1 avaient été à

 25   l'origine enterrés ailleurs, avaient été exhumés et ensuite enterrés à

 26   Glogova. Et vous déclarez :

 27   "Au contraire. D'après nos indications, les corps ont été exhumés de

 28   Glogova 1 et emmenés ailleurs."


Page 22317

  1   Avez-vous pu établir que Glogova 1 était en réalité le lieu de

  2   l'exécution ?

  3   R.  Non. Je n'en ai pas conclu qu'il s'agissait du lieu d'exécution, car

  4   contrairement à Kozluk, il n'y avait aucune douille d'obus. Il y avait

  5   quelques balles auprès des corps et une ou deux cartouches, mais il n'y en

  6   avait pas suffisamment. Il n'y avait pas suffisamment de douilles, de

  7   pistolets, de fusils, pour permettre de croire que les corps avaient été

  8   exécutés à Glogova même et enfouis sous le sol. Donc il ne m'a pas semblé

  9   qu'il s'agissait d'un lieu d'exécution. Mais par ailleurs, il n'y avait

 10   rien qui indiquait, comme à Cancari 12 et sur d'autres sites, que de -- des

 11   morceaux de terre qui ne provenaient pas de cette région.

 12   C'est ce que recherche un archéologue : êtes-vous sûr que ces corps

 13   n'ont pas été enterrés dans un endroit A, exhumés et ensuite emmenés à

 14   Glogova ? Et la terre, dans ce cas, voyage en même temps que les corps. Et

 15   la terre est différente. C'est quelque chose que nous n'avons pas constaté

 16   à Glogova. Nous avons retrouvé des objets, nous avons retrouvé du plâtre et

 17   des morceaux de lambris de porte qui semblaient indiquer que les corps

 18   étaient venus d'ailleurs. Et nous en avons conclu que ce "ailleurs" était

 19   le dépôt de Kravica. Mais ces corps n'avaient pas été enterrés ailleurs

 20   avant cela.

 21   Monsieur le Président, le compte rendu d'audience indique qu'ils

 22   avaient été enterrés ailleurs. J'ai précisé que ces corps n'avaient pas été

 23   enterrés ailleurs avant cela, me semble-t-il.

 24   Q.  Je vous remercie de bien vouloir faire preuve de compréhension.

 25   J'attends la fin de la traduction vers le serbe avant de vous poser ma

 26   question suivante. Je vous demanderais maintenant d'être plus précis.

 27   Combien de fosses primaires avez-vous retrouvées ?

 28   R.  En rapport avec les sites qui, d'après nous, semblaient être liés à


Page 22318

  1   Srebrenica -- c'est sur lequel j'ai travaillé, c'était le site du barrage

  2   rouge. Celui-ci avait été pillé. Le site primaire suivant était Kozluk, que

  3   nous avons découvert en raison du verre retrouvé à Cancari 3, et le

  4   troisième site primaire était Glogova. Donc, compte tenu de ces enquêtes

  5   qui avaient été menées en particulier, il y avait trois sites primaires.

  6   Q.  Merci. Mais ce n'est qu'à un endroit, au barrage rouge, que vous

  7   avez établi, que la fosse primaire correspondait également au lieu

  8   d'exécution; c'est exact ?

  9   R.  Au barrage rouge, il y avait un nombre très important de douilles et

 10   d'ossements qui jonchaient le sol à l'endroit où la fosse avait été

 11   creusée, donc il me semblait qu'il s'agissait là d'un lieu d'exécution. Les

 12   corps, d'après moi, ou en tout cas les corps qui étaient dans la fosse

 13   provenaient de cette exécution, mais bien évidemment, les corps avaient été

 14   enlevés des fosses et il ne restait que quelques ossements.

 15   Vous m'avez posé la question, le barrage rouge, oui, mais ce n'est

 16   pas dans un seul endroit que j'ai établi que la fosse correspondait au lieu

 17   d'exécution, parce qu'il s'agit là pour l'essentiel de mon interprétation

 18   de ce qui s'était passé à Kozluk. Il s'agissait à la fois d'un lieu

 19   d'exécution et d'inhumation. Mais Glogova n'était pas un lieu d'exécution.

 20   C'est un endroit où les personnes avaient été placées. C'était leur premier

 21   lieu d'inhumation.

 22   Q.  Ces personnes avaient été tuées ailleurs; c'est cela ?

 23   R.  Les personnes de Glogova n'avaient pas été tuées à Glogova même, oui.

 24   Q.  Merci. Comment avez-vous écarté l'idée que Glogova était un endroit où

 25   il y avait eu assainissement ? Comment pouviez-vous écarter cette

 26   éventualité qu'il s'agissait là de corps qui avaient été rassemblés lors du

 27   ratissage du terrain de soldats qui avaient été tués ailleurs et qui

 28   avaient été enterrés dans cette fosse-là suite à l'application de mesures


Page 22319

  1   d'hygiène ?

  2   R.  Ecoutez, je ne peux pas complètement écarter cette idée-là. D'après mes

  3   observations, c'est qu'il n'y avait pas un seul morceau de vêtement

  4   militaire qui a été retrouvé à Glogova, un échantillon de vêtement

  5   militaire. Les corps avaient été inhumés dans des conditions propres et ne

  6   montraient aucun signe d'insectes. Les corps étaient restés à l'intérieur

  7   et ensuite rassemblés. En général, ce sont des mouches qui attaquent les

  8   corps, et cela se retrouve sur les corps, et on retrouve les ailes très

  9   souvent sur les corps. Donc, il ne s'agissait pas de corps qui avaient été

 10   laissés dehors et qui avaient été rassemblés par la suite. Donc, j'avais de

 11   bonnes raisons de croire qu'il s'agissait de corps qui provenaient de

 12   différents endroits.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 14   M. MITCHELL : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps, mais il

 15   y a une correction que je dois apporter au compte rendu d'audience à la

 16   ligne 16. Le mot "assignation", je crois que ça devait être le terme en

 17   B/C/S, "asanacija".

 18   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur le Professeur, tout ce que je tente de faire maintenant c'est

 21   d'établir la chose suivante : est-ce que vous dites que tous les corps

 22   retrouvés à Glogova 1 étaient dans un même état de décomposition, ou est-ce

 23   que ces corps étaient dans des états de décomposition différents ?

 24   R.  Eh bien, les corps étaient vraiment dans des états de décomposition

 25   différents. Cela dépendait de l'endroit où le corps était situé dans la

 26   masse de corps. Lorsqu'on est enterré dans une fosse commune, au bord, eh

 27   bien, la putréfaction est beaucoup plus rapide et l'état squelettique

 28   survient beaucoup plus rapidement que pour un corps qui se trouve au milieu


Page 22320

  1   de la masse des corps. Donc, tous ces corps n'ont pas été retrouvés dans un

  2   même état de décomposition, mais la différence eu égard aux états de

  3   décomposition peut être interprétée en fonction de l'endroit où se retrouve

  4   le corps dans la masse des corps lorsqu'il y a excavation. La raison pour

  5   laquelle j'ai dit qu'il n'y avait aucune trace d'insectes, c'est parce que

  6   les insectes sont des indices, et si sur certains corps il y a des insectes

  7   et sur d'autres, non, cela nous permet de déterminer que ces corps

  8   proviennent d'autres endroits à des moments différents, mais nous n'avons

  9   rien constaté de la sorte. Je n'ai rien vu qui pouvait me porter à croire

 10   qu'il y avait différents événements ou des événements différents qui

 11   étaient à l'origine de la mort de ces personnes à Glogova, et, à mon sens,

 12   ceci peut être expliqué par un seul et même massacre.

 13   Q.  Merci. Alors, regardons maintenant ce que vous avez dit au chapitre :

 14   "Caractéristiques des fosses et des corps". Cela se trouve à la page 15 de

 15   mon exemplaire. Ensuite, vous dites que :

 16   "L'état de conservation des corps dépend s'ils sont soit à l'état de

 17   squelette ou comportent de nombreux lambris de chair. Au tableau numéro 8.

 18   Ces états de conservation ne permettent pas de dire qu'il s'agit de dates

 19   d'inhumation différentes."

 20   Je ne sais pas si en anglais, "ne doit pas ou ne devrait pas être

 21   compris comme". En serbe, nous avons "ne doit pas être compris comme

 22   étant."

 23   Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ces différences doivent ou

 24   ne devraient permettre de déterminer ?

 25   R.  Je comprends bien les difficultés qu'il y a au niveau des termes

 26   utilisés. Il ne faut pas conclure que ces corps ont été tués ou ont fait

 27   l'objet de massacre à différentes dates, parce que nous avons remarqué

 28   qu'il y avait des états de conservation différents qui, en fait, étaient


Page 22321

  1   dus à l'emplacement du corps dans la fosse commune.

  2   Je n'ai pas dit qu'il ne s'agissait -- que cela n'était pas le cas,

  3   mais nous n'avions pas besoin d'expliquer ces différences au niveau de la

  4   conservation, parce qu'outre le fait -- nous avons simplement précisé que

  5   cela dépendait de l'emplacement du corps à l'intérieur de la fosse.

  6   Q.  Je me propose, avec votre permission, d'en donner lecture en anglais.

  7   Je crois que c'est bien traduit. On y dit :

  8   "Ces différences en l'état de préservation ne doivent pas être

  9   comprises comme indiquant des périodes différentes d'ensevelissement."

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Donc, on exclut la possibilité d'avoir eu des ensevelissements

 12   effectués à des moments différents ? Alors, en quoi cela se trouve-t-il

 13   être exclu ?

 14   R.  C'est précisément la raison pour laquelle j'ai dit auparavant que

 15   j'étais d'accord pour indiquer que des interprétations différentes sont

 16   possibles, mais que ce n'est pas nécessairement le cas d'une interprétation

 17   qui se ferait du point de vue des niveaux différents de préservation. C'est

 18   ce que je voulais dire. Donc, je suis en train de me conformer à un

 19   principe que l'on essaie d'introduire pour expliquer les choses

 20   différemment. Mais je ne vois pas pourquoi l'on ferait cela si on n'est pas

 21   contraint. En anglais -- en Angleterre, nous appelons cela "Occam's razor,"

 22   la lame de rasoir d'Occam. Alors, si vous trouvez des squelettes au bas et

 23   par-dessus des corps qui sont entiers, moi, je dirais que ces corps qui

 24   sont devenus des squelettes ont été apportés d'un autre endroit, parce

 25   qu'il n'est pas possible, du point de vue de la décomposition des corps, de

 26   voir des corps frais en haut. Mais nous n'avons pas trouvé chose semblable,

 27   justement.

 28   Q.  Merci. Mais vous a-t-on indiqué où se trouve la fosse commune, le


Page 22322

  1   charnier, des personnes enterrées alors qu'ils ont été tués au mois de mai

  2   1992 à Glogova, parce qu'il y a eu de gros combats et il y a eu, semble-t-

  3   il, des exécutions illégales. Alors, est-ce qu'on vous a montré ce

  4   charnier-là ?

  5   R.  Non. On ne m'a pas dit de rechercher un charnier que l'on avait

  6   considéré avoir été créé en 1992, non.

  7   Q.  Mais est-ce que vous excluez la possibilité de voir dans ce charnier

  8   qui a été créé en 1992, on ait pu enterrer ultérieurement des corps à

  9   l'occasion du processus d'assainissement du terrain ?

 10   R.  Est-ce que vous voulez dire par l'a, Monsieur Karadzic, que la totalité

 11   des corps y avaient été ensevelis ? Ou alors, que des corps ont été

 12   ensevelis plus tard par-dessus les autres cadavres qui se trouvaient déjà

 13   là-bas ?

 14   Q.  Mais alors, est-ce que vous pouvez nous dire combien vous avez trouvé

 15   de corps dans Glogova 1 ?

 16   R.  Deux cents -- non, 191 corps complets et 249 parties de corps, d'après

 17   ce que dit mon rapport.

 18   Q.  Merci. Mais on sait qu'environ 64 victimes sont tombées en mai 1992.

 19   Alors, est-ce que quelqu'un vous a prévenu de ce fait-là ?

 20   R.  Non. Je ne me souviens pas que quelqu'un m'ait dit ceci.

 21   Q.  Personne ne vous a fait savoir non plus qu'il y a eu des combats au fil

 22   des trois années écoulées, mais au mois de juillet de cette année. Sur ce

 23   territoire entier, il y a eu des combats qui se sont prolongés sur une

 24   dizaine de journées.

 25   R.  Alors, puis-je vous demander si vous vous référez à juillet 1995 ou

 26   1992 ?

 27   Q.  1995, avant la chute de Srebrenica et après la chute de Srebrenica. Il

 28   y a eu des combats, non pas des exécutions. Est-ce que vous avez donc été


Page 22323

  1   informé du fait que des combats avaient eu lieu et qu'un grand nombre de

  2   combattants musulmans essayaient de se frayer un passage en direction de

  3   Tuzla en se battant, et bon nombre d'entre eux sont tombés à l'occasion de

  4   ces combats-là ?

  5   R.  Non, je ne suis pas au courant de l'histoire de ces événements.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je vois que l'heure

  7   est venue de faire la pause. Si cela vous arrange, nous pouvons faire la

  8   pause maintenant.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai beaucoup de

 10   questions encore. C'est un témoin très important. Le Procureur a utilisé

 11   deux heures. Je devrais en avoir au moins six.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons faire une pause d'une heure,

 13   et nous allons reprendre à 1 heure 35.

 14   Oui, Monsieur Nicholls.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais

 16   nous n'avons pas d'autre témoin de prévu pour aujourd'hui.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, c'est ce qu'on nous a dit. C'est ce

 18   que j'ai cru comprendre.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Fort bien. Je voulais juste le dire de façon

 20   claire. Merci.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A 1 heure 35.

 22   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 35.

 23   --- L'audience est reprise à 13 heures 36.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, allez-y, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Professeur, vous avez indiqué que dans le cas de figure de Glogova 1,

 28   vous aviez constaté que beaucoup de gens avaient péri suite à des


Page 22324

  1   explosions; c'est bien cela ?

  2   R.  J'ai constaté deux choses à Glogova. Ma réponse pour répondre à votre

  3   question est oui, mais permettez-moi de dire pourquoi. J'ai constaté qu'il

  4   y avait des ossements qui étaient plus cassés qu'ailleurs et j'ai aussi

  5   trouvé des bouts, des fragments d'explosif et des bouts d'obus ou fragments

  6   de métal qui devaient se trouver dans les corps.

  7   Q.  Merci. Je comprends parfaitement que vous vous absteniez de faire des

  8   évaluations médico-légistes pour ce qui est du moment de la mort du décès

  9   et des causes de décès. Mais toujours est-il que je voudrais savoir si vous

 10   avez déterminé l'ancienneté du charnier, de la fosse commune, quand est-ce

 11   que ce charnier ou tel autre a été constitué ?

 12   R.  Je n'ai pas déterminé la chose par mes enquêtes médico-légales, parce

 13   que les images aériennes ont montré que la terre n'a pas été remuée à la

 14   date du 5 juillet 1995, mais qu'il y a eu des déplacements de terre avant

 15   le 20 juillet 1995. C'est la raison pour laquelle j'estime qu'on peut

 16   déterminer l'ancienneté des différents charniers.

 17   Q.  Est-ce que vous pouvez déterminer s'il y a eu ou pas avant cela à ce

 18   même endroit un charnier, suite à quoi il y aurait rajout de corps, ou est-

 19   ce que c'est un charnier qui a été placé là au mois de juillet ? Exception

 20   faite du site de Glogova, parce que pour d'autres sites nous savons qu'il y

 21   a eu beaucoup de morts à être ensevelis en 1992 et 1993 à cet endroit-là ?

 22   R.  Il y a deux choses que je voudrais évoquer pour répondre à votre

 23   question. Tout d'abord, des bouts de l'entrepôt de Kravica étaient mélangés

 24   avec les corps. Là-bas il n'y a pas de couche inférieure de cadavres qui

 25   n'aurait pas eu des bouts d'entrepôt de mélangés au reste. Ensuite, je suis

 26   au courant de charniers, non pas à Glogova mais ailleurs, où on a enseveli

 27   des gens, puis s'est passé un certain temps, puis on a ensuite enseveli des

 28   cadavres à titre complémentaire. Comment on peut distinguer la chose, par


Page 22325

  1   l'utilisation de méthodes archéologiques ? Si un charnier est laissé ouvert

  2   avec des cadavres exposés aux intempéries, alors il y a des insectes qui

  3   s'attaquent aux cadavres, comme je l'ai déjà expliqué auparavant, la

  4   chitine qui constitue les corps d'insectes, c'est quelque chose qui dure

  5   très longtemps, et lorsqu'on retrouve cela c'est une indication fiable pour

  6   dire que les corps ont été exposés aux intempéries.

  7   Deuxièmement, ces cadavres qui sont exposés aux intempéries se

  8   détériorent beaucoup plus vite du fait du climat, les os se craquellent, et

  9   on voit cela à la surface. Il n'y a pas d'os brisés, mais il y a des

 10   craquelures qui apparaissent.

 11   A Glogova, nous n'avons jamais vu des signes de dégâts sur des

 12   couches antérieures de cadavres. Nous n'avons pas trouvé de couche de

 13   cadavres antérieurement posés là. Je répète donc que nous avions constaté

 14   que des bouts d'entrepôt s'étaient mélangés aux corps. Il n'y a pas eu de

 15   terre de retrouvée qui aurait enseveli des couches antérieurement posées de

 16   cadavres ni des dégâts dus aux intempéries auxquelles auraient été exposés

 17   certains cadavres. Partant de tout ceci et d'autres éléments de preuve,

 18   j'ai pu conclure de façon unique -- enfin, de façon tout à fait claire

 19   qu'il s'agit d'un ensevelissement en un temps.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez évoqué un lien potentiel entre

 21   le site de Glogova et l'entrepôt de Kravica. Est-ce que vous excluez la

 22   possibilité qu'il y aurait eu des corps dans ce charnier à avoir été

 23   transportés là depuis un autre site d'ensevelissement ou d'exécution ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'exclurais pas la chose. Mais ce que je

 25   dirais, Monsieur le Président, c'est que ce type de cadavres ont été

 26   ensevelis en même temps, si tant est que cela s'est produit.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Merci.

 28   A vous, Monsieur Karadzic.


Page 22326

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Vous avez mentionné la chose, et peut-être puis-je introduire un

  3   nouveau terme. S'il y a eu des tombes de "pillées", est-ce qu'on peut

  4   appeler certaines tombes d'enrichies a posteriori ? Vous avez mentionné ce

  5   site-là, mais y a-t-il eu d'autres sites encore où il y aurait eu des corps

  6   de rajoutés a posteriori ? Donc, par opposition aux tombes pillées, y aura-

  7   t-il eu des tombes enrichies, comme on en a vu pour le barrage rouge ?

  8   R.  Non. J'ai compris la question, et j'ai compris le terme que vous

  9   utilisez pour dire "enrichies". Non, je n'ai pas trouvé de tombes qui

 10   auraient été ré-ouvertes pour qu'on puisse y poser d'autres corps.

 11   Q.  Mais vous avez dit tout à l'heure que vous aviez vu des charniers de ce

 12   type où il y a eu des enterrements faits a fortiori. Alors, est-ce que ce

 13   n'est que le barrage rouge ou ce n'est même pas le cas pour le barrage

 14   rouge non plus ?

 15   R.  Je suis navré, mais je ne me suis peut-être pas exprimé de façon

 16   claire. Les tombes que j'ai eu l'occasion de voir n'ont rien à voir avec ce

 17   que vous êtes en train d'évoquer. Ils ne tombent pas sous la catégorie de

 18   tombes où il y aurait eu des corps de rajoutés. Les tombes que j'ai vues

 19   par la suite, c'est-à-dire en Ukraine et un autre charnier à Prijedor

 20   tombent sous une autre catégorie, mais ça ne fait pas l'objet de mon

 21   témoignage. Alors, pas un seul des charniers que nous sommes en train

 22   d'évoquer à présent n'est pas un charnier où l'on aurait ajouté a

 23   posteriori des corps.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, il y a peut-être une erreur

 25   d'interprétation. Vous avez dit que vous aviez eu à connaître de cas de

 26   charniers, "non pas à Glogova mais ailleurs, où il y aurait eu des corps

 27   d'ensevelis, puis au bout d'un certain temps, on aurait enseveli d'autres

 28   personnes dedans." Mais vous voulez dire que vous n'avez pas trouvé des


Page 22327

  1   exemples de ce genre en Bosnie ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je ne me

  3   suis peut-être pas expliqué de façon appropriée. Je ne l'ai pas vu à

  4   Glogova, et je ne l'ai vu à aucune des tombes ou charniers qui sont liés

  5   aux événements de Srebrenica. J'ai vu un cas de figure de ce type en

  6   Bosnie, mais c'est des exécutions qui dataient de 1992.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Merci. On y reviendra. Je sais que vous avez mentionné le barrage rouge

 10   à cet effet.

 11   Mais finissons-en avec les insectes. Etes-vous d'accord avec moi pour dire

 12   qu'en page 15, dans la variante serbe, vous avez indiqué qu'il fallait

 13   tenir compte du fait que les corps ont été enlevés des charniers et qu'ils

 14   étaient recouverts de boue, donc il était difficile de voir clairement

 15   quels étaient toutes les caractéristiques de ces cadavres. On a, par

 16   exemple, indiqué sur certains formulaires que les constations n'étaient que

 17   des constations à caractère provisoire. Alors, ce travail d'identification,

 18   de vérification des changements intervenus sur les corps, ils ont été au

 19   final effectués dans la morgue. Donc, ce n'est que de la morgue que des

 20   conclusions finales pouvaient provenir. C'est bien cela ?

 21   R.  Oui, c'est exact.

 22   Q.  Merci. Sur le film, on a pu voir qu'il s'agissait de la mi-mai. Est-ce

 23   que vous pouvez nous dire quelle était la température qui était celle des

 24   morgues ?

 25   R.  J'ignore quelle était la température, mais ça devait être un peu au-

 26   dessus de zéro. La température idéale serait de cinq degrés. Mais je ne

 27   sais pas ce que les techniciens ont pu régler comme température et quelle

 28   était la température qui régnait à l'intérieur. Mais oui, j'ajoute cinq


Page 22328

  1   degrés Celsius.

  2   Q.  Merci. Alors, vous nous avez dit que périodiquement vous avez procédé à

  3   des transports de cadavres vers la morgue de Visoko. Alors à quelle

  4   fréquence avez-vous procédé à ces transports-là ?

  5   R.  Je devrais dire qu'en moyenne, ça devrait être une semaine entre

  6   l'exhumation et le moment où il y avait suffisamment de corps au niveau de

  7   la morgue pour être acheminés vers Visoko. Donc, c'était à peu près une

  8   semaine, des fois un peu moins.

  9   Q.  Merci. Est-ce que vous avez reçu des informations en retour pour ce qui

 10   est de savoir quand est-ce, après l'arrivée, on a procédé aux autopsies ?

 11   R.  Ça, je ne le sais pas, Monsieur Karadzic. Je suis allé à plusieurs

 12   reprises jusqu'à la morgue, mais je n'ai pas participé à ce qui a été fait

 13   là-bas, ce qui fait que je ne sais pas combien de temps il s'est passé

 14   entre l'arrivée des cadavres et l'autopsie en tant que telle, autopsie

 15   effectuée par les pathologues [phon] et les anthropologues.

 16   Q.  Merci. Est-il exact de dire que certaines fosses communes, comme celle

 17   de Cancari, par exemple, qu'on a pu constater sur les prises de vues en

 18   1995, et ça été exhumé en 1998 seulement ?

 19   R.  Oui. C'est précisément le cas.

 20   Q.  Merci. Alors, y a-t-il des indices qui permettent de calculer

 21   l'ancienneté des fosses communes ou est-ce que nous ne pouvons nous référer

 22   qu'aux prises aériennes, seules ?

 23   R.  Pour être précis, oui, il faut que nous nous appuyions sur les prises

 24   de vues aériennes. Il existe des méthodes, telle que le carbone radioactif,

 25   qui nous permettraient à présent, si ce n'est pas à l'époque, nous donner

 26   une idée approximative du moment de la mort d'une personne, mais ce n'est

 27   pas la précision qui peut nous être fournie par les prises de vues

 28   aériennes. Je vais être un peu plus explicite. Ce carbone radioactif est


Page 22329

  1   utilisé depuis de longues années déjà, mais la forme concrète de cette

  2   détermination de l'ancienneté d'un cadavre avec le carbone radioactif,

  3   c'est ce qui est utilisé par des explosions de bombes à hydrogène, vers le

  4   début des années 1960 [comme interprété], et c'est ce qui est utilisé à

  5   présent pour voir la décomposition de ce carbone radioactif qui est utilisé

  6   pour les besoins de la police aux fins de déterminer le moment du décès de

  7   quelqu'un. Par exemple, on retrouve quelqu'un dans une forêt à l'extérieur

  8   de Sydney et puis les gens du laboratoire m'ont dit que c'était une

  9   personne décédée en 1985 et 1992, mais ce n'est pas plus précis que cela.

 10   Q.  Merci. Vous avez dit que dans les poches il y avait des balles, des

 11   balles intactes. Ce que je voudrais savoir, c'est ces journaux hollandais,

 12   est-ce qu'on peut confirmer de -- enfin, des bouts de journaux qui étaient

 13   utilisés, probablement, pour rouler des cigarettes. Est-ce qu'on a

 14   déterminé de quand dataient ces bouts de journaux -- de journaux quotidiens

 15   ?

 16   R.  Je suis certain du fait que cela aurait pu se faire, mais je ne me

 17   souviens pas d'avoir vu un bout de papier de journal où il y aurait une

 18   date. Peut-être pourrait-on avoir lu le texte et ensuite déterminé, partant

 19   du texte, quand est-ce que le journal a été imprimé, mais ça, je ne peux

 20   pas vous le dire.

 21   Q.  Mais ces articles-là, ces objets-là, ont-ils été sauvegardés ?

 22   R.  Ça, c'est une question qu'il faudra poser aux enquêteurs du TPIY, parce

 23   qu'une fois que j'ai restitué les corps, je n'assume plus aucune

 24   responsabilité. Je ne le sais pas.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander à M. Mitchell -- l'imprimante

 26   de la Défense ne fonctionne pas. Je voudrais qu'on nous imprimer les ERN

 27   1086397 et 98, et j'aimerais que ce soit placé sur le rétroprojecteur. En

 28   même temps, je fais savoir au bureau du Procureur que j'ai l'intention de


Page 22330

  1   me référer à ces documents-là.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Merci d'avoir répondu, Professeur, à mes questions.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous avons une référence 65

  5   ter pour ces documents ?

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  En attendant que la chose ne soit faite, je vous rappelle qu'il y a une

  8   page 17 où vous avez donné les indications -- des indications de blessures,

  9   éclats d'obus, balles, fragments de balles, on a retrouvé des bouts de

 10   grenades à main, des morceaux de projectile, et on a trouvé aussi des

 11   balles entières dans les poches de certaines personnes. Est-ce que ces

 12   balles, dans les poches de quelqu'un, ça indique bel et bien qu'il

 13   s'agissait là d'un combattant ?

 14   R.  Il y a deux choses à dire à ce sujet. Tout d'abord, il n'y a qu'un seul

 15   individu qui avait eu des balles dans sa poche. Ça se trouve illustré à la

 16   photo numéro 17 de mon rapport. On a retrouvé ces balles avec d'autres

 17   objets personnels. Mais le fait que quelqu'un porte des balles dans ses

 18   poches ne me laisse pas entendre en soi que c'est nécessairement un

 19   combattant. Je ne sais rien d'autre au sujet de cette personne si ce n'est

 20   le fait qu'il y avait des balles dans sa poche.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

 22   M. MITCHELL : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un

 23   document -- il vaut mieux peut-être le donner au témoin, ou --

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, on peut le montrer aux Juges et le

 25   placer sur le rétroprojecteur ensuite. Ah, l'imprimante s'est mise à

 26   travailler -- à fonctionner. Elle n'avait pas fonctionné pendant plus d'une

 27   heure. Alors, j'aimerais demander à ce que ce document soit placé sur le

 28   rétroprojecteur.


Page 22331

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Si je vous ai bien compris, il s'agit d'un courrier émanant de vous à

  3   l'intention de M. McCloskey.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mettons d'abord cela sur le

  5   rétroprojecteur.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Vous souvenez-vous de ce courrier, Monsieur ?

  8   R.  Monsieur le Président, est-ce que je peux prendre lecture de ce

  9   courrier ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais faites, Professeur.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais le lever -- le rapprocher un peu.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une autre copie peut être placée sur le

 13   rétroprojecteur au profit des autres personnes dans le prétoire. Donc, vous

 14   pouvez garder une copie entre les mains et l'autre copie, la faire mettre

 15   sur le rétroprojecteur.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je n'ai pas pu me souvenir de la totalité

 17   des détails de la lettre, mais je confirme qu'il s'agit bel et bien de ma

 18   lettre.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on nous montrer la page suivante, s'il

 20   vous plaît ?

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Au paragraphe 3, on mentionne l'article 90 des protocoles additionnels,

 23   et vous dites que vous n'avez jamais demandé cela mais que vous n'auriez

 24   jamais refusé si on vous avait demandé de le faire. C'est bien ce que vous

 25   avez dit ?

 26   R.  C'est exact, et j'ai déjà répondu auparavant à cette même question de

 27   façon identique. Mais ce n'est pas parce que je connais bien la teneur de

 28   cet article 90. Je ne sais pas au juste ce que le protocole en question


Page 22332

  1   nous dit. Ce que je veux dire, c'est qu'on m'a demandé d'autoriser la

  2   présence d'un expert à l'occasion des analyses de fosses communes, et je

  3   n'aurais eu aucune objection à cela.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document au dossier, s'il

  6   vous plaît.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D1974.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Pour ce qui est de ce paragraphe qui commence par" : "Je suis d'accord

 11   pour dire que le chiffre exact ne peut être déterminé qu'en procédant à des

 12   exhumations réelles," êtes-vous d'accord pour dire que, si vous tenez

 13   compte des quatre années de guerre et qu'un nombre important de personnes

 14   ont perdu la vie, il est encore plus difficile d'évaluer le nombre de cas

 15   au cours duquel les personnes sont décédées après la chute de Srebrenica ?

 16   Peut-être que ma question était beaucoup trop compliquée. Il y a eu une --

 17   il y avait une guerre, et voici -- et ma question : pour ce qui est de

 18   faire des estimations, est-ce que ceci n'a pas été rendu encore plus

 19   compliqué, à savoir une estimation quant à la -- ou portant sur la chute de

 20   Srebrenica ? Ce que je veux dire, c'est estimer le nombre de cas ou le

 21   nombre de cadavres, si vous voulez.

 22   R.  Alors, pour ce qui est de l'estimation des corps trouvés dans ces sites

 23   que nous avons vus sur ces images, c'est quelque chose auquel j'ai répondu

 24   lorsque j'ai répondu au Procureur. J'ai dit que j'avais vérifié cela par la

 25   suite pour constater que ces fosses avaient fait l'objet d'excavation et

 26   que mon estimation, des corps retrouvés dans les fosses, était légèrement

 27   sous-évaluée, donc, pour ce qui est des sites que nous voyons sur ces

 28   photographies aériennes, je m'en tiendrais à la méthode que j'aie appliquée


Page 22333

  1   lorsque j'ai rédigé mon rapport en 1998, portant sur 1998. Ces estimations

  2   font l'objet de critiques dans cette lettre et se sont avérées depuis être

  3   des estimations raisonnables du nombre de corps qui ont été retrouvés dans

  4   les fosses secondaires restantes.

  5   Q.  Je ne conteste pas cela. Ce qui m'intéresse maintenant c'est ceci :

  6   Tous ces corps, corps retrouvés dans des fosses qui sont censés ne pas

  7   avoir fait l'objet d'exhumation, et si nous tenons compte de ces moyennes,

  8   est-ce que tous ces corps sont liés à la chute de Srebrenica en écartant

  9   complètement l'idée que la guerre avait fait rage pendant quatre ans

 10   auparavant ?

 11   R.  Je ne peux pas commenter cela, Monsieur Karadzic. Je ne peux pas parler

 12   des sites que j'aie excavés moi-même personnellement. Ce dont je parle ici,

 13   lorsque je parle d'estimation, porte sur des fosses dont -- que je n'ai pas

 14   excavées donc je ne peux pas faire de commentaire, à savoir si ces fosses

 15   portaient sur Srebrenica. Je ne peux en parler qu'en disant qu'il

 16   s'agissait de fosses qui apparaissaient sur les images aériennes et qui

 17   dataient du mois de juillet 1995. Je ne suis pas retourné en Bosnie après

 18   l'an 2000 lorsque nous en avions terminé à Glogova. Ces autres sites ont

 19   fait l'objet d'excavation par d'autres personnes.

 20   Q.  Merci. Mais êtes-vous d'accord pour dire qu'on peut avec exactitude

 21   déterminer l'heure du décès en procédant à des autopsies plutôt qu'en

 22   utilisant des photographies aériennes ?

 23   R.  J'en doute. Je pense que, même dans le cas de personnes qui sont

 24   décédées la semaine dernière, le débat est posé sur l'heure exacte du

 25   décès. Dans le cas qui nous intéresse il y a des corps qui étaient dans des

 26   fosses et ces corps sont datés grâce aux images aériennes, et à mon sens,

 27   les scientifiques sont plus à même de déterminer l'heure de la mort. Ils

 28   sont plus à même de le faire -- ou, en tout cas, la façon dont j'entends le


Page 22334

  1   travail des pathologistes, des légistes, à mon sens, il s'agit là de la

  2   meilleure façon de déterminer l'heure du décès meilleure que les travaux

  3   menés par les pathologistes.

  4   Q.  Alors qu'en est-il des fosses secondaires, comment pouvons-nous établir

  5   à quel moment les personnes qui se trouvent dans des fosses secondaires

  6   sont décédées ?

  7   R.  Comme nous l'avons fait, dans nombreux cas, nous pouvons qu'identifier

  8   les fosses primaires d'où provenaient ces corps, telle que la ferme de

  9   Branjevo, le barrage rouge, et déterminer l'âge de ces fosses d'après les

 10   images aériennes. Donc le fait qu'il y ait des fosses secondaires ne

 11   signifient pas que nous ne pouvons pas dater les fosses primaires et d'où

 12   provenaient les corps. Je n'ai pas conduit une analyse détaillée des images

 13   aériennes à l'époque. J'ai vu des photographies qui correspondaient à des

 14   photographies aériennes datées qui concordent avec les décès du mois de

 15   juillet 1995.

 16    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell.

 17   M. MITCHELL : [interprétation] Pardonnez-moi, si j'interromps à nouveau,

 18   Monsieur le Président. Simplement une idée qui a été lancée il y a quelques

 19   instants, à savoir que les exhumations d'une manière ou d'une autre ne

 20   correspondaient pas aux conventions de Genève. Je me demande si M. Karadzic

 21   pourrait nous indiquer quelle disposition précisément et celle sur laquelle

 22   il se repose pour parler de cela en ces termes-là, parce que l'article 90

 23   n'a rien à voir avec les exhumations de fosses communes. L'article 120 de

 24   la 3e Convention de Genève n'aborde absolument pas la question des

 25   procédures qui sont adoptés de -- qui sont appliquées aux prisonniers de

 26   guerre et ne parle absolument pas des experts. Donc peut-être que M.

 27   Karadzic pourrait se pencher sur la question de façon plus précise ou, en

 28   tout cas, retirer cette question.


Page 22335

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Me le Juge Lattanzi a trouvé l'article

  2   34, je ne sais pas très bien si c'est exact. L'article 90 également,

  3   l'article 90.

  4   M. MITCHELL : [interprétation] S'agit-il des protocoles additionnels ? Est-

  5   ce que nous parlons ici des protocoles additionnels ?

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que M. Karadzic va faire

  8   valoir des arguments plus précis.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 10   En principe, dans le cas de Markale et tout le reste, nous avons

 11   demandé à ce que la partie serbe assiste aux exhumations mais c'est quelque

 12   chose qui nous a toujours été refusé. Peut-être qu'il s'agit d'une erreur

 13   typographique en tout cas puisque cet article a été photocopié.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que je peux en terminer sur le sujet de Glogova ?

 16   Vous avez retrouvé 16 victimes à cet endroit-là dont les mains étaient

 17   ligotées avec des bandeaux.

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Quelque part, vous avez retrouvé des corps de ce type-là

 20   également à Kozluk à un endroit comme cela, je crois ?

 21   R.  Oui, c'est exact, et de nombreux cas de ce genre dans les fosses

 22   secondaires également.

 23   Q.  Merci. Lorsqu'on vous a posé la question de savoir de quoi ces bandeaux

 24   étaient faits, vous avez dit que c'était du tissu. Est-ce qu'il s'agissait

 25   de parties d'uniforme ou pas ?

 26   R.  J'ai répondu en disant que je ne me souvenais pas si le morceau de

 27   tissu utilisé était différent ou pas, que je ne m'en souvenais pas.

 28   Q.  Mais vous n'avez pas remarqué qu'il s'agissait d'un morceau de tissu


Page 22336

  1   provenant d'un uniforme ?

  2   R.  Est-ce que vous parlez de Kozluk ou de ce site de Glogova ?

  3   Q.  Monsieur le Professeur, sur toutes les photos aériennes que nous avons

  4   vues où nous avons vues des ligatures des bandeaux sont différents. Il

  5   semble que tout ceci soit un peu amateur. Les personnes ont utilisé ce

  6   qu'ils trouvaient sous la main pour leur ligoter les mains. Ce n'est pas

  7   comme s'il y avait un même morceau de tissu qui avait été prévu à cet

  8   effet.

  9   R.  Je n'ai pas étudié ou analysé ce morceau de tissu mais je me suis

 10   entretenu avec un enquêteur sur le sujet qui m'a dit qu'après que les corps

 11   étaient été envoyés à la morgue il y en avait beaucoup qui étaient faits

 12   dans le même tissu -- qui provenaient du même tissu. Mais moi je ne peux

 13   pas en parler parce que ce n'est pas moi qui ai analysé ces morceaux de

 14   tissu aux sites à Glogova où ces personnes avaient les mains bandées.

 15   C'était dans ce cas une corde en polyéthylène. Il ne s'agit pas d'un

 16   morceau de tissu.

 17   Q.  Merci. Vous avez analysé les nombres de personnes exhumées mais vous

 18   avez également estimé le nombre de corps qui avaient été retrouvés dans

 19   toutes les fosses, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui, j'ai fourni des estimations de nombre de corps retrouvés dans

 21   toutes les fosses dans mon rapport et j'ai également dit que le chiffre

 22   définitif devait être déterminé à la morgue.

 23   Q.  Merci. Savez-vous que dans différents sites des liens ont été établis

 24   sur la base de l'ADN ?

 25   R.  Je suis au courant parce que j'ai lu des articles là-dessus. Mais ceci

 26   n'avait pas commencé avant mon départ de la Bosnie. Il s'agit de travaux

 27   récents.

 28   Q.  Merci. Je ne recherche aucun coupable. Je souhaite simplement établir


Page 22337

  1   ce qui suit : si vous êtes d'accord pour dire qu'à Cancari 3, sur les 138

  2   corps levés, il n'y en avait que 40 qui avaient un lien avec Kozluk, on ne

  3   peut pas estimer que les autres corps avaient un quelconque lien avec

  4   Kozluk ?

  5   R.  Monsieur Karadzic, vous vous fondez sur des informations qui ne sont

  6   pas en notre possession. Je suppose que vous vous fondez sur des études

  7   faites sur l'ADN.

  8   Q.  Oui, oui, tout à fait. Ce sont des études faites sur l'ADN des corps,

  9   et des liens ont été établis entre les fosses secondaires, des parties de

 10   corps, et cetera, et ces liens ont été établis sur la base d'analyses

 11   d'ADN, et à Cancari 3, sur les 138 corps --

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne posez-vous pas cette

 13   question à un autre témoin ? Le témoin a déjà dit qu'il n'était pas au

 14   courant de ces analyses.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur le Professeur, votre réponse me convient pour ce qui est

 18   d'établir un nombre.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande, néanmoins, à afficher le numéro 65

 20   ter 21024, une lettre rédigée par un enquêteur, M. Dusan Janc. 2009 -- ou

 21   mars 2009. Il existe une traduction en serbe également, mais cela ne

 22   correspond pas.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Puis-je vous demander de regarder ce document, s'il vous plaît. Est-ce

 25   que ceci correspond à ce que vous avez dit il y a quelques instants, à

 26   savoir que ceci ne permet pas d'établir le nombre de corps ?

 27   R.  Vous devez me permettre de lire ce document.

 28   Je l'ai lu. Pouvez-vous me répéter votre question, s'il vous plaît.


Page 22338

  1   Q.  Ceci correspond-il avec ce que vous avez dit il y a quelques instants,

  2   à savoir que ces estimations ne permettent pas de déterminer un chiffre ?

  3   Le chiffre doit provenir de la morgue -- plutôt, à partir de toutes les

  4   exhumations, et pour finir, déterminé par la morgue.

  5   R.  Oui, je crois, néanmoins, que cette correction apportée par M. Janc ne

  6   porte pas sur le calcul des corps retrouvés, et porte davantage sur la

  7   provenance des corps plutôt que sur le nombre de corps retrouvés dans les

  8   fosses. Mais peut-être que je n'ai pas compris votre question.

  9   Q.  Dans l'avant-dernier paragraphe, on peut lire :

 10   "Néanmoins, le chiffre exact ne peut pas être fourni".

 11   Est-ce que vous convenez que si nous parlons d'endroits différents, nous ne

 12   pouvons pas dire que les causes sont les mêmes ? Causes du décès,

 13   j'entends, bien sûr.

 14   R.  Oui, tout à fait. Si les analyses d'ADN ont montré que la plupart des

 15   corps dans les fosses communes de Glogova provenaient de l'entrepôt de

 16   Kravica mais que d'autres ne provenaient pas de cet endroit-là, je pense

 17   dans ce cas qu'ils, ces corps, auraient des caractéristiques différentes,

 18   peut-être, ou peut-être pas.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

 21   dossier de ce document, s'il vous plaît ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que ceci doit être versé au

 23   dossier par l'Accusation. Je ne vais pas prendre position.

 24   M. MITCHELL : [interprétation] M. Janc va venir témoigner à la barre, donc

 25   nous pourrions le faire maintenant ou à ce moment-là.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, attendez peut-être la

 27   déposition de M. Janc. Moi, je n'ai pas de problème à le verser au dossier

 28   en tant que pièce de la Défense.


Page 22339

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, la raison pour laquelle je souhaite le

  2   faire maintenant, c'est que j'ai demandé le versement au dossier d'une

  3   partie de la déposition de Karavelic. Le Procureur souhaitait verser au

  4   dossier l'ensemble de la déposition de Karavelic, en pensant qu'ils

  5   allaient citer cette personne à la barre en tant que témoin. J'étais

  6   d'accord parce que je pensais qu'il allait venir ici. Mais ceci n'est pas

  7   juste parce que finalement ils n'ont pas cité à la barre ce témoin, et il

  8   me revient maintenant de citer ce témoin-là à la barre. C'est la raison

  9   pour laquelle j'agis ainsi maintenant.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je ne vois aucune difficulté à

 11   ce que ce document soit versé au dossier. Pièce D1975.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Conviendriez-vous, Monsieur le Professeur, que les Serbes ont enterré

 14   leurs propres morts sur leur territoire en s'organisant avec les familles,

 15   alors que les victimes de l'autre partie ont été inhumées dans des fosses

 16   communes, et vice-versa ? Les Musulmans ont enterré leurs propres morts

 17   dignement, en s'organisant avec les familles -- les familles se sont

 18   organisées pour ce faire, et les soldats serbes ont été inhumés dans des

 19   fosses communes. Est-ce que c'est quelque chose qui correspond à ce qu'on

 20   avait l'habitude de faire ou pas ?

 21   R.  Je n'ai aucune idée à propos de ce que vous venez de me dire parce que

 22   je ne peux ni l'infirmer ni le confirmer.

 23   Q.  Si je vous disais qu'une partie de Podrinje a été placée sous contrôle

 24   musulman pendant un certain temps, et que 50 fosses communes serbes ont été

 25   retrouvées à cet endroit-là, et lorsque nous avons libéré ce territoire,

 26   ces corps ont été exhumés et ces corps ont été enterrés par les familles,

 27   le général Morillon a assisté à certaines de ces exhumations, est-ce que

 28   cet élément d'information jette davantage de lumière sur la question que je


Page 22340

  1   vous ai posée précédemment ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Mitchell.

  3   M. MITCHELL : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une date,

  4   s'il vous plaît, pour pouvoir placer ceci dans son contexte ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'était en 1993, le printemps de l'année 1993,

  6   lorsque nous avons libéré les territoires serbes qui étaient placés sous le

  7   contrôle musulman jusqu'à cette date. C'est un fait communément accepté, il

  8   y avait une cinquantaine de fosses communes, et après cela les enterrements

  9   ont été organisés par les familles. Vice-versa. Les Musulmans ont enterré

 10   des soldats serbes et des civils serbes dans des fosses communes, et ils

 11   ont enterré leurs propres défunts, et ce sont les familles qui s'en sont

 12   chargées. L'inverse était également vrai.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Karadzic, je n'aime jamais entendre

 14   parler d'atrocités, je n'ai aucune raison de ne pas croire ce que vous

 15   dites, mais je suis un expert scientifique à propos des fosses communes que

 16   j'ai exhumées. Je ne -- vous donner d'avis sur -- je ne peux pas donner mon

 17   opinion sur les événements historiques qui n'ont pas fait l'objet de ma

 18   propre enquête. J'ai enquêté sur le meurtre de civils serbes et ceci a été

 19   organisé par le TPY près de Gospic. C'était un événement épouvantable. Je

 20   suis -- je peux vous parler de cela, mais je ne peux pas vous parler de ce

 21   qui s'est passé en Bosnie orientale, de ce qui s'est passé dans des fosses

 22   communes sur ce territoire-là. Je ne peux pas vous parler des fosses que je

 23   n'ai pas -- que le TPY -- sur lesquelles le TPY ne m'a pas demandé

 24   d'enquêter.

 25   Q.  Monsieur le Professeur, je souhaite que nous regardions ceci. Vous avez

 26   déclaré sur la base de 121 ou 151, quelque soit le nombre total de corps

 27   inhumés dans les fosses communes de Podrinje, la vallée de la Drina, tout

 28   ceci a-t-il un lien avec Srebrenica et comment peut-on faire la différence


Page 22341

  1   entre les corps qui sont liés à Srebrenica et ceux qui ne le sont pas du

  2   tout ?

  3   R.  Je suppose que vous voulez parler de la vallée de Podrinje, vous voulez

  4   dire -- lorsque vous dites parler de la vallée de la Podrinje, vous voulez

  5   parler de Glogova, le site de Glogova ? Je ne connais pas la géographie

  6   très bien de Glogova.

  7   Q.  -- "réponse," Podrinje correspond à la vallée de la Drina, la rive

  8   gauche de la Drina, entre Kozluk et Bratunac. Tout cela correspond à

  9   Podrinje. Nous appelons cette région qui se -- qui jouxte la Drina,

 10   Podrinje, que cela comprend Kozluk également, là où vous avez travaillé.

 11   R.  J'ai certainement déclaré avoir découvert plus de 120 -- plus de 121 ou

 12   150 corps dans cette région dont vous parlez. J'ai en trouvé plusieurs

 13   centaines, à savoir si ces corps avaient un quelconque lien avec la chute

 14   de Srebrenica, à mon sens, on ne peut le déterminer qu'en interprétant les

 15   images aériennes et sur la base d'objets retrouvés dans les fosses. Mais à

 16   mon sens, ceci est accessoire ou secondaire par rapport aux photographies

 17   aériennes qui permettent de déterminer la date à laquelle ces corps ont été

 18   inhumés.

 19   Q.  Oui, Monsieur le Professeur, mais comment savons-nous que les personnes

 20   qui ont été tuées en juillet 1995 ont été déplacées d'une fosse commune à

 21   une fosse secondaire -- une fosse primaire à une fosse secondaire ? Comment

 22   pouvons-nous déterminer si elles ont perdu la vie avant cela ?

 23   R.  Parce que comme je vous l'ai dit auparavant, ces fosses primaires qui

 24   nous intéressent sont datées grâce à l'image aérienne et bien sûr que ces

 25   personnes ont perdu la vie avant d'avoir été placées dans les fosses

 26   secondaires. Mais, à ma connaissance, il n'y a pas de fosse primaire qui

 27   aurait permis de découvrir des corps de fosses secondaires et qui seraient

 28   datées d'avant 1995 ou avant la date du mois de juillet 1995. Je n'en


Page 22342

  1   connais -- je ne connais aucun cas de ce type.

  2   Q.  Je vous remercie. Je ne veux pas parler des fosses que vous avez

  3   ouvertes vous-mêmes. Je souhaite parler de la méthode que vous avez

  4   appliquée pour vous permettre de faire cette estimation. Est-ce que vous

  5   excluez la possibilité ou est-ce que vous acceptez la possibilité que dans

  6   les fosses secondaires, il y avait également des corps pour lesquels ceux-

  7   là constituaient une fosse primaire ?

  8   R.  Le fait que les corps soient placés dans des fosses secondaires, pour

  9   moi, constituait un seul et unique événement. Nous n'avons vu aucun signe

 10   d'exécution ou indice d'exécution autour des fosses secondaires.

 11   Q.  Donc il ne s'agissait pas de ce cas de lieux d'exécution. Est-ce que

 12   vous écartez cette possibilité tout simplement ou est-ce que vous pensez

 13   que cette éventualité existe, à savoir que certains corps avaient été

 14   ajoutés dans certaines fosses, donc pour certains corps, il s'agirait de

 15   fosses primaires et pour d'autres corps, il s'agirait de fosses secondaires

 16   ?

 17   R.  Je crois que, dans ces circonstances-là, on ne peut rien n'exclure,

 18   mais lorsque nous avons conduit ou fait nos analyses, nous n'avons pas

 19   toujours procédé avec le plus grand soin. La stratigraphie, par exemple,

 20   des fosses, la différenciation en -- dans l'état de décomposition des

 21   corps, comme j'ai déjà évoqué, des membres de mon équipe sont des gens

 22   expérimentés en archéologie stratigraphique et les effets sur les corps et

 23   les dégâts que cela provoque sur les corps lorsque d'autres corps sont

 24   placés au-dessus, des corps plus frais, vous m'avez demandé d'exclure cela.

 25   C'est quelque chose qui est toujours difficile pour un expert scientifique

 26   et j'hésite à le faire. Mais, à mon sens, cela ne fait pas l'ombre d'un

 27   doute. Je ne pense tout simplement pas qu'il s'agissait la de fosses que

 28   nous avons -- à propos desquelles ou compte tenu des événements -- compte


Page 22343

  1   tenu des éléments dont nous dispositions pour lesquels nous avons fait des

  2   interprétations erronées.

  3   Q.  Alors, veuillez nous dire ceci s'il vous plaît. Vous avez exhumé cette

  4   fosse. C'est exact ?

  5   R.  Cette fosse secondaire, oui.

  6   Q.  Qu'en est-il des fosses primaires ? Personne n'a exhumé les fosses

  7   primaires, c'est exact ? D'après vos estimations, cela portait sur combien

  8   de fosses ? Vous avez établi un certain nombre de choses par rapport aux

  9   corps que vous avez exhumés. Vous avez fait des estimations en vous fondant

 10   là-dessus. Sur la base de combien de sites au total -- de fosses au total -

 11   -

 12   M. MITCHELL : [interprétation] Ecoutez, je crois que ceci sème un petit peu

 13   la confusion. Est-ce que nous parlons des estimations de -- des 21 fosses

 14   communes, des -- de 20 071, est-ce cela dont nous voulons parler, en fait,

 15   de ces fosses qui ont fait partie de cette étude ?

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous suis pas non plus.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, voici l'idée que je souhaite vous

 18   soumettre. Je crois que le professeur sait très bien de quoi nous parlons.

 19   Certaines ont été exhumées alors que d'autres -- pour d'autres, des

 20   estimations ont été fournies sur la base de moyennes qui avaient été

 21   calculées.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Alors, combien de fosses -- pour combien de fosses les exhumations ont-

 24   elles été faites et -- pour combien des estimations ont-elles été faites,

 25   tout simplement ?

 26   R.  J'ai déjà expliqué cela. J'ai vérifié. Je vais revenir à votre question

 27   -- à votre première question. Alors qu'en est-il des fosses primaires,

 28   personne ne les a exhumées ? Bien. Les fosses primaires ont été exhumées,


Page 22344

  1   par exemple, la ferme de Branjevo a été exhumée en 1996, mais pas par mon

  2   équipe. Les fosses primaires dans le sud de Nova Kasaba, dans cette région,

  3   ont été exhumées en 1996. C'est moi-même -- J'ai exhumé la première fosse

  4   primaire -- la fosse primaire importante de Kozluk. Donc, les fosses

  5   primaires ont été exhumées.

  6   Maintenant, pour ce qui est de la question des estimations, comme je l'ai

  7   déjà dit, on me -- en 1999, en me fondant sur les travaux effectués en 1998

  8   que vous avez cités, mais que j'ai déjà dit aux Juges de la Chambre, j'ai

  9   vérifié ces chiffres et le nombre de corps qui ont été retrouvés dans ces

 10   fosses dont -- que je n'ai pas exhumés, 21 au total fosses secondaires. Il

 11   s'est avéré qu'à la lumière des exhumations actuelles des fosses

 12   secondaires, c'est 21, j'ai légèrement sous-estimé le nombre de corps qui

 13   pouvaient être retrouvés dans ces fosses que je n'ai pas exhumées.

 14   Q.  Très bien. Donc, c'est -- je comptais sur votre réponse à propos de ces

 15   estimations. Donc, les autres ont été exhumées par quelqu'un d'autre. Est-

 16   ce que vous êtes en mesure de vous en tenir aux conclusions des experts qui

 17   ont travaillé dans ces fosses. Vous avez fait des estimations sur -- des

 18   estimations de fosses que vous n'avez pas exhumées vous-même et êtes-vous

 19   en mesure de réexaminer vos travaux et de maintenir les résultats de leurs

 20   travaux ?

 21   R.  Ecoutez, je sais que Jon Sterenberg a continué -- est resté en Bosnie -

 22   - qu'il a -- elle a continué à travailler sur les lieux pendant quatre ans,

 23   et d'après moi, et je sais que je peux me reposer sur ses conclusions. Je

 24   ne connais pas M. Dusan Janc. Je ne sais pas -- je ne peux pas faire de

 25   commentaire au sujet de la fiabilité de ses travaux. Je n'ai aucune raison

 26   de croire que c'est un observateur peu fiable mais, encore une fois, je ne

 27   le connais pas, je le reconnais.

 28   Q.  Bon, c'est tout à fait équitable comme réponse, mais je ne sais pas si


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  1   mon temps est révolu ou s'il me reste encore un peu de temps ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, tant que vous vous en

  3   tenez à des questions pertinentes, je vous laisserai continuer.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Est-ce que vous avez eu à connaître du sort des différents objets

  7   retrouvés ? Qu'en a-t-il été ? Vous les avez sélectionnés, et qu'avez-vous

  8   fait de tous les objets retrouvés à l'occasion de ces exhumations ?

  9   R.  Je n'ai pas procédé à une sélection de ces objets retrouvés. Il se peut

 10   qu'il y ait une erreur de traduction. Moi, j'ai retrouvé des objets. Je les

 11   ai consignés dans des registres, qui ont été remis au TPIY, mais les objets

 12   ont été envoyés en tant que tels à la morgue, et je crois que les

 13   enquêteurs ont analysé tout cela. Qu'est-il advenu par la suite de tous ces

 14   objets, je ne sais pas, et je ne sais pas où ça se trouve à présent.

 15   Q.  Merci. Vous avez trouvé des pièces d'identité ayant appartenu à des

 16   individus, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Saviez-vous que chez nous, la pratique et la coutume, et peut-être une

 19   réglementation dirait-elle aussi, qu'un prisonnier, quelqu'un de capturé ne

 20   conserve pas ses pièces d'identité mais il doit les restituer, ou

 21   autrement, ces personnes étaient susceptibles de pouvoir s'échapper ?

 22   R.  Je n'ai aucune idée de tout cela pour ce qui est de la réglementation

 23   qui était celle de la Republika Srpska ou de ce qui avait été mis en place

 24   comme réglementation à l'époque.

 25   Q.  Mais est-ce que dans votre pays, un prisonnier peut conserver son

 26   passeport ?

 27   R.  Pour dire vrai, Monsieur Karadzic, je n'ai jamais été arrêté moi-même,

 28   alors est-ce qu'on m'autoriserait à garder mon passeport ou pas, je ne le


Page 22346

  1   sais pas.

  2   Q.  Merci. Bon, alors je suppose -- mais vous ne savez pas répondre. La

  3   personne où on a retrouvé une pièce d'identité, c'était quelqu'un qui

  4   n'était pas fait prisonnier auparavant, mais laissons cela de côté. Est-il

  5   exact de dire qu'il est question de voir qu'à Glogova 1 et Glogova 2, il y

  6   avait un mélange, c'est-à-dire que les ADN dans ces fosses communes ont pu

  7   être retrouvés dans d'autres fosses communes aussi ? Il y a eu six cas de

  8   figure où l'on a démontré qu'une partie d'un corps s'était retrouvée à un

  9   endroit et d'autres parties de ce même corps étaient retrouvées à un autre

 10   endroit.

 11   R.  Je ne suis pas au courant de ce cas concret que vous êtes en train

 12   d'évoquer, mais ça ne me surprend pas, compte tenu de la façon dont les

 13   corps ont été transportés. Il se peut que des parties de corps soient

 14   tombées et aient fini dans un autre camion, vers une autre fosse commune.

 15   Mais revenons à la question de Glogova 1 et Glogova 2. Moi, je ne puis vous

 16   parler que de Glogova 1. Glogova 2, ça a été excavé une fois que j'ai cessé

 17   de travailler pour le TPIY.

 18   Q.  Merci. Mais vous voyez ce qu'on a retrouvé. A Glogova 1, on a retrouvé

 19   un lien 11 avec le numéro 2, puis 3 avec le numéro 1, 13 avec Bjecevo

 20   [phon] 3, 3 en liaison avec Zeleni Jadar numéro 13, 13 avec Zeleni Jadar 5,

 21   6 avec Zeleni Jadar 4, et cetera. Ce qui fait que là, il s'agit d'un

 22   mélange absolu de constaté à Glogova 1. Je comprends parfaitement bien que

 23   vous n'ayez pas pu le savoir parce qu'on n'avait pas fait d'analyses d'ADN

 24   à l'époque. Mais est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que les

 25   choses semblent être beaucoup plus complexes que cela n'avait semblé être

 26   le cas au départ ?

 27   R.  Je ne sais pas si j'ai eu quelque chose à voir avec ces fosses à Budak,

 28   mais j'ai certainement eu quelque chose à voir avec les tombes de Zeleni


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  1   Jadar. C'étaient des tombes secondaires, des fosses secondaires, et il y

  2   avait des bouts de corps que nous avions constatés avoir été acheminés là

  3   depuis Glogova, donc suite à des pillages de Glogova. Donc, en octobre

  4   1995, des cadavres ont été enlevés de Glogova mais des parties de ces corps

  5   étaient restées derrière. Les corps qui ont été enlevés ont été réensevelis

  6   à Zeleni Jadar. Je ne me souviens pas du nombre exact, mais il me semble

  7   que c'était cinq. Alors, je m'attendrais, bien entendu, à ce que des

  8   parties de corps ou des bouts de personnes soient retrouvés tant à Glogova

  9   qu'à Zeleni Jadar. Mais je ne peux pas parler des autres sites de Budak,

 10   Budak 2 et 3 que vous avez évoqués, parce que je n'en sais strictement

 11   rien.

 12   Q.  Monsieur le Professeur, est-ce que vous savez que des objets et du

 13   matériel médico-légal ont été détruits suite à acheminement vers les locaux

 14   de ce bureau du Procureur ici présent ?

 15   R.  Comme je vous l'ai déjà dit, je ne sais pas ce qu'il est advenu des

 16   objets retrouvés une fois que je les ai rétrocédés. Je n'ai pas été un

 17   employé de ce Tribunal pénal international. Je suis un intervenant sur

 18   contrat.

 19   Q.  Merci, Professeur. Merci de vos réponses aimables. Excusez-moi si

 20   parfois il y a eu des imprécisions. Je suis à la recherche de ces

 21   précisions moi-même, donc je vous remercie, vous avez été d'une grande

 22   assistance.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Excellences, parce

 24   que je n'ai pas eu le temps d'étudier le reste des documents. Mais je crois

 25   bien que ce que nous avons consacré comme temps à ces questions a été fort

 26   édifiant.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Mitchell, avez-vous des

 28   questions complémentaires ?


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  1   M. MITCHELL : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  3   Ceci met un terme à votre témoignage, Professeur. Au nom des Juges de la

  4   Chambre et du Tribunal dans son ensemble, je tiens à vous remercier d'être

  5   venu une fois de plus témoigner devant ce Tribunal.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur le

  7   Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, nous allons lever l'audience.

  9   Oui, Monsieur le Professeur, vous pouvez vous en aller maintenant.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 11   [Le témoin se retire]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Nicholls.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Excusez-moi, Madame, Messieurs les Juges.

 14   Nous avons heureusement encore un peu de temps, et je voudrais présenter

 15   une brève requête orale, s'il n'y a pas d'opposition de la partie adverse.

 16   Je voudrais que l'on verse au dossier la feuille de corrections que M.

 17   Brown a évoquée le 24 novembre, à la fin de son témoignage. Il s'agit d'un

 18   ERN, il s'agit du 65 ter 90303. Il s'agit donc d'une feuille de

 19   rectificatifs qui a été établie suite aux questions posées à M. Brown à

 20   l'occasion du contre-interrogatoire.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que ce sera versé au dossier

 22   comme une pièce distincte de l'Accusation ?

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, s'il vous plaît.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, bien ce sera fait.

 25   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1428, Madame, Messieurs

 26   les Juges.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il d'autres sujets à aborder ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Du point de vue des cadences de travail, je


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  1   suis certain, pour ce qui me concerne, que je n'ai plus 25 ans depuis très

  2   longtemps, et je crois que les cadences pour ce qui est du fonctionnement

  3   de ce procès pour tout un chacun ici, c'est quelque chose de plutôt très

  4   rapide.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous sommes en train de siéger cinq

  6   jours par semaine, mais il nous reste moins d'un mois avant la pause

  7   d'hiver.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais c'est des journées très longues.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. L'audience est levée à demain 9

 10   heures.

 11   --- L'audience est levée à 14 heures 42 et reprendra le vendredi 2 décembre

 12   2011, à 9 heures 00.

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