Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 22544

  1   Le vendredi 9 décembre 2011

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin vient à la barre]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Et bonjour,

  7   Monsieur Riedlmayer.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Si la Chambre m'y autorise, je souhaiterais

 11   soulever une petite question avant que nous ne commencions.

 12   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je suis arrivé ici, je pensais

 14   commencer ma déposition au début de la semaine et j'avais accepter de

 15   présenter une conférence à Amsterdam vendredi après-midi. Nous sommes

 16   maintenant vendredi, et je ne sais pas, je m'interroge, si nous pouvions

 17   terminer un peu plus tôt que prévu, je pourrais être à temps pour ma

 18   conférence à Amsterdam. Sinon, je devrais l'annuler, en tout cas prévenir

 19   les organisateurs. Alors, je comprends très bien que ma première obligation

 20   est par rapport à la Chambre et va pour desservir les intérêts de la

 21   justice, mais j'aimerais toutefois pouvoir les informer de cette

 22   annulation.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Après avoir entendu cela, nous allons

 24   diminuer la durée de la pause de déjeuner, donc nous n'aurons pas une heure

 25   mais une demi-heure, et nous pourrons ainsi conclure à 2 heures 30, et je

 26   ne pense pas que M. Karadzic aura besoin de tout ce temps-là. Puisqu'il a

 27   prévu trois heures pour votre contre-interrogatoire, donc je pense que nous

 28   pourrons très certainement terminer vers 14 heures.


Page 22545

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de commencer, et sans pour autant

  3   passer à huis clos partiel, je souhaiterais faire une observation générale.

  4   Je m'interroge, Monsieur Tieger, je me demande si l'Accusation est prête à

  5   réagir à la requête présentée par l'accusé qui a trait à certaines

  6   conditions afférentes à l'article 70. Vous voyez de quoi je veux parler,

  7   Monsieur Tieger ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Ecoutez, je n'en suis pas très sûr, Monsieur

  9   le Président, mais quoi qu'il en soit, est-ce que vous pourriez peut-être -

 10   - bon, si vous pensez à une période bien précise, je pourrais m'enquérir et

 11   indiquer un peu plus tard à la Chambre quel est le point de vue de

 12   l'Accusation ? Mais il me serait utile de savoir si vous, vous pensez à une

 13   période particulière --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous en traiterons en l'absence du

 15   témoin. Mais la requête à laquelle je pensais a été déposée le 8 décembre.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 19   Messieurs les Juges. Bonjour, Monsieur. Je n'ai pas l'intention, en fait,

 20   d'utiliser la demi-heure dont je vous avais parlé hier en fin d'audience.

 21   Excusez-moi. En fait, j'avais pris un peu les devants, donc je ne vais pas

 22   m'attarder, parler pendant une demi-heure des prochaines photographies,

 23   photographies que j'ai montrées maintenant. Je pensais que vous me parliez

 24   de la durée de l'interrogatoire principal. Mais le fait est qu'aujourd'hui

 25   nous avons également Mme Janet Stewart qui est avec nous en l'absence de M.

 26   Reid.

 27   LE TÉMOIN : ANDRAS JANOS RIEDLMAYER [Reprise]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


Page 22546

  1   Interrogatoire principal par Mme Sutherland : [Suite]

  2   Q.  [interprétation] Et hier, Monsieur Riedlmayer, vous vous souviendrez

  3   que nous nous intéressions aux caractéristiques des destructions.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et je souhaiterais que le document de la

  5   liste 65 ter --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Brièvement, avant cela, je me demande si

  7   Mme Pelic a été présentée officiellement ?

  8   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, mais pas en

  9   audience publique. Effectivement, je dois indiquer qu'aujourd'hui nous

 10   avons également parmi notre équipe Mme Lena Pelic.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et je souhaiterais maintenant que le

 13   document 23553 de la liste 65 ter soit affiché. Est-ce que la photographie

 14   numéro 11 pourrait être affichée, elle figure à la page 11 pour le prétoire

 15   électronique.

 16   Q.  Monsieur Riedlmayer, quelle est l'importance de la photographie que

 17   nous voyons tous maintenant sur nos écrans ?

 18   R.  Il s'agissait d'une mosquée de la ville de Kozarac, dans la

 19   municipalité de Prijedor. Il s'agit de la mosquée Mutnik, qui était une

 20   vieille mosquée, un bâtiment important. Comme nous l'avons hier sur les

 21   autres clichés, le repère le plus important était le minaret que nous

 22   pouvons voir sur la photographie qui se trouve à la droite, la photographie

 23   qui a été prise avant la guerre. La photographie sur la gauche a été prise

 24   après la guerre, l'angle étant 90 degrés, vous voyez -- donc, 90 degrés par

 25   rapport à l'angle de la photographie datant d'avant la guerre, et vous

 26   pouvez voir que le minaret n'y figure plus. Le bâtiment a été complètement

 27   incendié, et il faut remarquer, il est important de le dire, que ce

 28   bâtiment se trouvait à quelque distance de la rue sur une petite élévation.


Page 22547

  1   Donc je dois dire qu'il est très peu vraisemblable qu'il ait été ciblé par

  2   d'autres attaques. Le fait est que ce qu'il s'est passé s'est passé

  3   précisément pour détruire ce bâtiment.

  4   Q.  Est-ce qu'il y a certaines catégories de bâtiments qui ont été beaucoup

  5   plus endommagés ou détruits que d'autres ?

  6   R.  Oui. Comme je l'indique dans mon rapport, les mosquées anciennes, les

  7   mosquées importantes, les mosquées qui dataient de l'ère Ottoman, et

  8   notamment les mosquées qui étaient des monuments classés, donc qui

  9   remontaient à l'époque Ottoman et autrichienne, les mosquées qui étaient

 10   placées sous protection spéciale ont toutes beaucoup plus souffertes des

 11   dégâts que les autres.

 12   Q.  Diapositive suivante. Alors, je pense que cela est l'un de vos deux

 13   premiers exemples. Est-ce que vous pourriez nous décrire ce que l'on voit

 14   sur cette photographie ?

 15   R.  Il s'agit de la mosquée d'Aladza à Foca. C'était un monument classé,

 16   protégé, qui datait du XVIe siècle. Alors, la photographie de la gauche est

 17   une photographie prise avant la guerre. Et la photographie que nous voyons

 18   à la droite a été prise en 1996, après la fin de la guerre, et vous pouvez

 19   voir que non seulement la mosquée a été détruite, mais que tous les

 20   décombres ont été supprimés. On voit encore le périmètre des fondations, et

 21   vous voyez le cercle qui correspondait aux fondations de la fontaine pour

 22   les ablutions que nous pouvons voir d'ailleurs sur la photographie de la

 23   droite, photographie qui date d'avant guerre.

 24   Q.  Autre photographie. Alors, je pense qu'il y a trois photographies pour

 25   cet exemple.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire cette première photographie ?

 28   R.  Il s'agit de la mosquée du sultan Mehmed le Conquérant qui avait été


Page 22548

  1   construite sur une falaise d'une centaine de mètres à Kuslat, dans le sud

  2   de la municipalité de Zvornik. Là encore, il s'agit d'un monument classé,

  3   protégé, l'une des mosquées les plus anciennes en Bosnie. Donc vous avez

  4   une photographie qui date d'avant la guerre qui avait été prise par

  5   l'institut pour la protection des monuments, et vous voyez que la prise,

  6   l'angle, était donc le bas de la falaise.

  7   Q.  Photo suivante.

  8   R.  Vous avez sur la gauche la photographie prise toujours par

  9   l'institution pour la protection des monuments. Là, vous voyez la

 10   photographie perchée en haut de la falaise. La photo de droite a été prise

 11   en mai 2002. Et vous n'y voyez plus de mosquée. Si vous scrutez un peu la

 12   photo, vous voyez le pic, en fait, qui se trouve sur la gauche de la

 13   photographie, c'est là, ce qui correspond à l'emplacement de l'ancienne

 14   mosquée. Donc, lors de mon séjour là-bas, moi je suis passé par là, j'ai

 15   cherché la mosquée, je ne l'ai pas vue. J'ai posé des questions, et on m'a

 16   dit : Vous savez, il faut deux heures pour grimper en haut de la falaise,

 17   cela va vous prendre tout le reste de la journée. Bon, je ne l'ai pas fait,

 18   mais nous avons quand même constaté et répertorié l'absence de la mosquée.

 19   Q.  Photographie suivante, je vous prie.

 20   R.  Voilà. En 2006, là, j'ai obtenu un certain nombre de photographies qui

 21   avaient été prises sur le site par des journalistes, et cela est un exemple

 22   de ces photographies qui montre que la mosquée a énormément été endommagée.

 23   Le minaret, le toit et une grande partie des murs ont été détruits.

 24   Q.  Je souhaiterais maintenant que nous nous intéressions aux nouvelles

 25   mosquées et aux églises. Est-ce qu'elles ont subi le même degré

 26   d'endommagement ?

 27   R.  Je pense que -- enfin, peut-être que vous pourriez me montrer la

 28   photographie suivante, car je pense que vous allez y faire référence.


Page 22549

  1   Q.  Oui.

  2   R.  Comme je l'ai également indiqué dans mon rapport, j'ai constaté que

  3   dans les zones où je me suis rendu, donc cela va de Sanski Most à l'ouest

  4   jusqu'à Zvornik à l'est, j'ai constaté, disais-je, qu'il y avait un certain

  5   nombre de mosquées et d'églises qui étaient en train d'être construites

  6   juste avant la guerre. Certaines étaient déjà utilisées de façon officieuse

  7   lorsqu'il y avait trop de fidèles pendant les vacances, mais elles

  8   n'avaient pas encore été répertoriées officiellement auprès des autorités.

  9   Dans un certain nombre de cas, il y avait également d'anciennes

 10   mosquées et d'anciennes églises qui existaient, qui étaient à côté des

 11   nouvelles mosquées et églises. Alors, les anciennes ont été détruites ou

 12   considérablement endommagées, et les bâtiments dont la construction n'était

 13   pas finie, là on pouvait voir des impacts. Mais en général, les dégâts

 14   étaient peu importants.

 15   Et là, il s'agit donc d'une mosquée de la municipalité de Sanski Most

 16   à Kukavice. Vous voyez qu'il y a quand même deux impacts de projectiles sur

 17   la façade, mais sinon, le dôme est intact. Et sur la droite, vous voyez

 18   l'ancienne mosquée que nous allons voir sur la photographie suivante.

 19   Q.  Oui. Est-ce que nous pourrions justement présenter la photographie

 20   suivante.

 21   R.  Il s'agit de l'ancienne mosquée. C'est une photographie qui a été prise

 22   de l'autre côté du bâtiment. Donc vous voyez le mur arrière de la façade.

 23   Et à côté, bon, vous voyez l'ancienne mosquée qui a été entièrement

 24   incendiée. Sur la droite, il s'agit d'une photographie de l'intérieur. Je

 25   sais que la qualité de la photographie est assez médiocre, je m'en excuse.

 26   La couleur Xerox de la photographie n'est pas très bonne. Cela vient en

 27   fait d'un musée. Mais vous pouvez voir, donc, l'endroit où les prières

 28   avaient lieu, ainsi que le pupitre, et là vous voyez les dégâts au niveau


Page 22550

  1   du pupitre. Et, en fait, la photographie a été prise entre les deux

  2   fenêtres sur la droite à l'intérieur de la mosquée.

  3   Q.  Photographie suivante, qui va vous montrer un autre exemple.

  4   R.  Oui. Là, il s'agit d'une mosquée à Donji Krizevici, municipalité de

  5   Zvornik. D'après ce que je sais et d'après ce qui m'a été relaté par la

  6   communauté islamique de Zvornik, il s'agit de la seule mosquée de la

  7   municipalité de Zvornik sur plus d'une trentaine de mosquées qui était plus

  8   ou moins intacte à la fin de la guerre. C'était une mosquée dont la

  9   construction n'était pas terminée. Mais visiblement, c'est une mosquée.

 10   Vous avez le dôme qui est très visible, et on voit derrière que le minaret

 11   a commencé à être construit. Elle était très visible. On la voyait de

 12   l'autoroute qui allait à Zvornik. Et pourtant, il n'y a pas eu de dégâts

 13   hormis des graffitis et des matériaux de construction qui ont été volés,

 14   quand même.

 15   Q.  Et quelles conclusions pouvez-vous tirer du fait que les nouvelles

 16   mosquées n'ont pas été autant endommagées que les 

 17   anciennes ?

 18   R.  Je pense que cela indique qu'il y avait quand même une certaine

 19   tendance à essayer d'endommager les mosquées qui avaient déjà été

 20   répertoriées et enregistrées. Alors, j'hésite, je ne me hasarderais pas à

 21   dégager des conclusions hormis ce que je viens de dire. Il appartient à la

 22   Chambre de le faire. Mais je pense qu'il est assez important de constater

 23   que les mosquées qui n'avaient pas été répertoriées et enregistrées mais

 24   qui étaient visibles n'ont pas été touchées ou quasiment pas, alors que les

 25   plus anciennes ont été détruites, quasiment toutes sans exception.

 26   Q.  Vous nous avez déjà parlé des bibliothèques religieuses ainsi que des

 27   archives des communautés musulmane et catholique. Voilà deux exemples que

 28   je souhaiterais montrer à la Chambre. Diapositive suivante, je vous prie.


Page 22551

  1   Quelle est l'importance de ce croquis et de cette photographie ?

  2   R.  Le croquis représente la mosquée de la ville de Bratunac. C'était le

  3   siège de la communauté islamique dans la municipalité de Bratunac. Et je

  4   présente un croquis plutôt qu'une photographie, parce que la photographie

  5   qui a été prise avant la guerre avait été prise si longtemps avant la

  6   guerre qu'on ne pouvait pas y voir le bâtiment qui se trouve à côté de la

  7   mosquée qui était le bâtiment de la chancellerie où se trouvaient les

  8   archives de la communauté islamique. La photographie de la droite, c'est

  9   moi qui l'ai prise, et je pense en fait que nous voyons une partie de

 10   l'allée qui se trouvait entre la mosquée qui n'existe plus et le bâtiment

 11   adjacent qui ne se trouve plus là non plus. Donc tout le site de la mosquée

 12   de la ville et de la fondation musulmane, où se trouvaient donc les bureaux

 13   dont je vous ai parlé, ont été complètement rasés. Et cette photographie a

 14   été prise en 2002.

 15   Q.  Bien. Est-ce que nous pouvons passer à la photographie suivante, je

 16   vous prie.

 17   R.  Vous voyez maintenant la mosquée de la ville et les bureaux de la

 18   communauté islamique de Zvornik. Cela se trouve en plein centre de la place

 19   du marché à Zvornik. Sur la gauche, la photographie a été prise juste avant

 20   le début de la guerre. Regardez à la gauche de la mosquée, vous voyez un

 21   arbre. Il s'agit d'un tilleul. Un tilleul en Bosnie, c'est un arbre que

 22   l'on appelle "lipa", et en règle générale, la coutume voulait en Bosnie que

 23   l'on plante un tilleul juste à côté de l'entrée de la mosquée.

 24   Je l'indique parce que sur la photographie de la droite, vous pouvez

 25   toujours voir le fameux tilleul. Et là, l'angle de prise de vue est 90

 26   degrés. Donc vous voyez le tilleul avec des conteneurs à poubelles devant,

 27   et la mosquée qui se trouvait à côté n'existe plus. Les bureaux des

 28   archives de la communauté islamique n'existent plus. Pendant la guerre et


Page 22552

  1   après la guerre, cela a été utilisé comme parking. Et puis, en 2002, il

  2   faut savoir qu'une décision du tribunal a été prise pour contraindre les

  3   autorités municipales à ériger une clôture autour de cet endroit.

  4   Q.  Une fois que les bâtiments ont été détruits -- j'aimerais que

  5   maintenant nous nous intéressions au sort réservé aux sites religieux et

  6   culturels. Quel a été le sort de ces sites ?

  7   R.  Comme je viens de l'indiquer, parfois ils ont été utilisés comme

  8   parking, comme marché aux puces, très souvent comme dépotoir, comme

  9   décharge. Parfois des carcasses de vieilles automobiles y étaient déposées.

 10   Parfois les terrains ont été utilisés à d'autres fins.

 11   Q.  Est-ce que nous pourrions, je vous prie, présenter les trois

 12   photographies suivantes. Premièrement, que voyons-nous sur cette première

 13   photographie ?

 14   R.  Il s'agissait de la mosquée de Beksuja de Zvornik, Beksuja Dzamija.

 15   C'était une vieille mosquée qui se trouvait dans un quartier résidentiel.

 16   La mosquée n'existe plus. Vous continuez toutefois à voir que le tilleul

 17   est présent. La photographie est très vieille, mais vous pouvez voir qu'il

 18   reste quelques pans de mur, et puis vous voyez ces conteneurs avec ces

 19   poubelles. Je dois dire que cette photographie a été prise en juillet, et

 20   la puanteur était assez épouvantable. Et juste à côté, à gauche de cet

 21   endroit, vous voyez qu'il y a un immeuble. Je dois dire que c'est quand

 22   même un endroit assez étrange pour y déposer des poubelles.

 23   Q.  Photographie suivante.

 24   R.  Il s'agit de la troisième mosquée de Zvornik, la mosquée Zamlaz. Vous

 25   voyez la photographie prise avant la guerre. Sur la droite de la

 26   photographie, vous voyez qu'il y a un immeuble de trois étages et vous

 27   voyez les bandes près de la fenêtre. Et puis, vous voyez le même bâtiment

 28   qui se trouve sur la droite de la photographie prise après la guerre. La


Page 22553

  1   mosquée, elle n'existe plus. Vous voyez qu'il y a un autre immeuble qui est

  2   en train d'être construit. Le site a été utilisé à des fins commerciales.

  3   Q.  [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une petite seconde, Madame Sutherland.

  5   Oui -- non, non. J'aimerais obtenir une précision. Parce qu'il se peut

  6   qu'il y ait quelque chose qui m'ait échappé hier.

  7   Est-ce que ce numéro a une importance ? Est-ce qu'il s'agit d'une référence

  8   croisée ?

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, oui, Monsieur le Président. M.

 10   Riedlmayer, pour aider la Chambre, vous donne le numéro du dossier formaté

 11   pour cette mosquée.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par exemple, là, je vois 22.31 --

 13   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Donc, si vous prenez la pièce P4070, où

 14   vous avez les dossiers formatés, vous y trouverez les mêmes photographies

 15   avec tous les détails qui proviennent de la base de données de l'enquête.

 16   Q.  Corrigez-moi si je m'abuse, mais c'est bien cela, Monsieur Riedlmayer ?

 17   R.  Oui, tout à fait.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sont les dossiers formatés. Bien.

 19   Mme SUTHERLAND : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que nous avons reçus sous force de CD;

 21   c'est cela ?

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non, non, non. Ils ont été chargés dans

 23   le prétoire électronique. Vous avez sur CD-ROM la base de données, parce

 24   que là il s'agit des dossiers correspondant à 381 sites, et cela a été

 25   placé sur un logiciel bien précis qui n'est pas compatible avec le système

 26   du prétoire électronique.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Mais par contre, les dossiers formatés se


Page 22554

  1   trouvent dans le prétoire électronique.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] 

  4   Q.  Monsieur Riedlmayer, que pouvons-nous voir sur ces photographies ?

  5   R.  Oui, il s'agit d'un autre lieu de culte musulman dans un village qui se

  6   trouve à l'extérieur de Zvornik. Il s'agit du sanctuaire de Divic. Sur la

  7   gauche, vous voyez ce dont il avait l'air un ou deux ans avant la guerre.

  8   Ils venaient justement de le restaurer, et là il y avait une cérémonie de

  9   prière. La photographie de droite a été prise par mes bons soins. Vous

 10   voyez que le sanctuaire a complètement été rasé jusqu'aux fondations. Vous

 11   voyez, il y a un vieux camion qui a été jeté ou déposé là. De l'autre côté,

 12   au niveau d'une des extrémités des fondations, c'est là où se trouvaient

 13   les tombes des saints musulmans qui avaient fondé ce sanctuaire.

 14   Q.  Et j'aimerais vous montrer les deux derniers clichés. Est-ce que vous

 15   pourriez nous décrire les premières photographies ?

 16   R.  Il s'agit de la mosquée de Novoseoci, dans la municipalité de Sokolac.

 17   Sur la gauche, c'est la photographie qui avait été envoyée pour inviter les

 18   gens à l'inauguration de cette mosquée, qui avait été reconstruite après

 19   avoir été détruite pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle n'a été

 20   reconstruite qu'en 1990. Et sur la droite, vous voyez le site après la

 21   guerre, le site où se trouvait la mosquée, en septembre 1992. D'après les

 22   informations fournies par la communauté islamique, la mosquée a été

 23   détruite et les villageois ont été chassés.

 24   Cliché suivant, je vous prie. Là, il s'agit des décombres ou des gravats de

 25   la mosquée qui se trouvent dans la décharge municipale publique d'Ivan

 26   Polja, à quelque 6 kilomètres du village. Tout ce qui restait, ces gravats

 27   de la mosquée ont été jetés là avec des tonnes de déchets municipaux. Et en

 28   2000, une exhumation a été organisée sur le site par l'Institut chargé des


Page 22555

  1   personnes portées disparues. Et en dessous des décombres et des gravats de

  2   la mosquée, ont été retrouvés les restes de plus de 40 résidents de

  3   Novoseoci qui avaient été vus pour la dernière fois en vie en novembre

  4   1992.

  5   Q.  Est-ce que vous connaissez l'appartenance ethnique de ces personnes ?

  6   R.  Oui. Il s'agissait d'un village musulman, et il s'agissait en fait de

  7   villageois musulmans qui étaient les fidèles de cette mosquée.

  8   Q.  Je vous remercie.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] J'en ai terminé avec la présentation de

 10   ces clichés. Je souhaiterais demander le versement au dossier de ces deux

 11   documents.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, cela sera versé au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P4071, Monsieur le

 14   Président.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Riedlmayer, vous avez donc présenté votre rapport d'expert,

 17   votre base de données sur votre étude ainsi que les dossiers formatés. Vous

 18   avez présenté deux photographies que vous souhaitiez présenter comme

 19   complément d'information à votre rapport d'expert. Et ces deux

 20   photographies ont trait au site 17.9 des dossiers formatés, il s'agit de

 21   Donje Puharska, dans la municipalité de Prijedor ?

 22   R.  C'est exact.

 23   Q.  Des copies de ces photographies ont déjà été versées au dossier, il

 24   s'agit des documents P03564 et P03565. Je souhaiterais qu'ils soient

 25   affichés maintenant.

 26   Il s'agit de la pièce P03564.

 27   R.  Souhaitez-vous que je présente mes observations à ce 

 28   sujet ?


Page 22556

  1   Q.  Oui, je vous en prie.

  2   R.  Oui. Je vais vous expliquer pourquoi j'ai été particulièrement ravi

  3   d'obtenir ces deux photographies supplémentaires qui m'ont été fournies par

  4   la communauté islamique de Prijedor. Moi, je me suis rendu sur ce site

  5   précis en 2002, et il faut savoir que les gravats avaient déjà été enlevés,

  6   supprimés, et qu'il ne restait plus que les fondations et la maison

  7   endommagée qui se trouvait à la droite de la mosquée. Ces photographies ont

  8   été prises à la fin de l'été 1992, en septembre 1992, me semble-t-il. Si

  9   vous les regardez de très près, dans un premier temps vous comprenez très

 10   rapidement qu'il s'agissait d'une mosquée. Car juste à la gauche de la

 11   maison, vous voyez ce qui brille, ce qui est blanc, c'est ce qui est

 12   utilisé pour couvrir le minaret de la mosquée. Cette mosquée a été la

 13   première mosquée de la municipalité de Prijedor à être construite avec un

 14   dôme et avec ce revêtement particulier qui recouvre le minaret.

 15   Q.  Il va falloir que je corrige quelque chose. Il s'agit de la pièce

 16   P03565. Je vois cela en haut de l'écran. Mais je souhaiterais maintenant

 17   demander l'affichage de la pièce P3564, qui correspond au document 10978 de

 18   la liste 65 ter.

 19   R.  Ici, vous avez la même scène vue sous un autre angle. On voit encore

 20   une fois le haut du minaret, et par terre, à droite, la pointe du minaret

 21   en forme de cône.

 22   Q.  Merci. J'en ai terminé avec ces deux pièces. Monsieur Riedlmayer, dans

 23   votre rapport, votre rapport d'expert, aux paragraphes 21 à 57, ces

 24   paragraphes contiennent vos conclusions. Tout d'abord, pour ce qui est des

 25   sites religieux islamiques, au paragraphe 26 de votre rapport, vous

 26   déclarez que 266 sur les 281 mosquées avaient été très lourdement

 27   endommagées, voire détruites, ou plutôt, 9 % [comme interprété] de ces

 28   bâtiments ont été très lourdement endommagés ou détruits.


Page 22557

  1   Si nous tenons compte des sites qui ne figurent plus à l'annexe D, est-ce

  2   que ceci change quelque chose au pourcentage que vous avez cité ?

  3   R.  En réalité, j'ai fait le calcul moi-même, et cela modifie le chiffre

  4   d'un demi-pourcent.

  5   Q.  Alors, pour ce qui est des sites qui n'ont plus été retenus dans l'acte

  6   d'accusation, nous arrivons au chiffre de 226 sur les 239 mosquées qui ont

  7   fait l'objet de votre étude, avec un total de 

  8   94,6 %. C'est exact ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Eu égard aux sites catholiques, au paragraphe 45, vous déclarez que sur

 11   les 32 des 42 églises catholiques qui ont fait l'objet du rapport, 76 %

 12   avaient été très lourdement endommagées ou détruites. Encore une fois, en

 13   tenant compte des sites qui n'ont plus été retenus dans l'annexe D, ceci

 14   change-t-il quelque chose à ce chiffre ?

 15   R.  C'est un changement minime, qui correspond à 2 %, me semble-t-il.

 16   Q.  Et avec ces nouveaux chiffres, les sites qui n'ont pas été retenus, des

 17   26 sur les 42 églises catholiques qui ont fait l'objet de votre étude,

 18   alors cela signifie que 74,3 % ont été lourdement endommagées ou détruites;

 19   c'est exact ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  Avez-vous remarqué d'autres tendances eu égard à la destruction de ces

 22   sites culturels et d'un nombre important de ces sites lors de vos

 23   recherches ?

 24   R.  Oui. La destruction correspondait aux zones placées sous le contrôle

 25   des forces serbes de Bosnie dans les mosquées que j'ai étudiées. Sur la

 26   carte, nous retrouvons les lieux des mosquées détruites, et il était

 27   quasiment possible de dessiner une carte territoriale des zones qui avaient

 28   été conquises par les forces serbes de Bosnie. De l'autre côté, il y avait


Page 22558

  1   des dégâts provoqués au-delà de la ligne de confrontation -- et que des

  2   dégâts -- et par ailleurs -- mais dans les zones qui étaient contrôlées par

  3   les forces serbes de Bosnie, il n'y avait quasiment plus de mosquées

  4   intactes. Il y a un exemple qui fait exception à cette règle dans la

  5   municipalité qui ne fait pas partie de cette étude, à Mrkonjic Grad, où des

  6   résidents serbes ont empêché des paramilitaires de détruire la mosquée.

  7   C'est à Mrkonjic Grad, dans le village de Donja --

  8   L'INTERPRÈTE : Nom inaudible.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur Riedlmayer. Je n'ai pas

 10   d'autres questions à vous poser.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Madame Sutherland.

 12   Monsieur Karadzic, c'est à vous. Avant que vous ne commenciez, je dois vous

 13   dire que nous siégeons aujourd'hui en vertu de l'article 15 bis également,

 14   et je remarque également que Me Robinson n'est pas présent aujourd'hui pour

 15   que ceci soit consigné au compte rendu d'audience.

 16   A vous, Monsieur Karadzic.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour à vous, Excellences. Bonjour à toutes

 18   les personnes présentes dans le prétoire.

 19   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 20   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Riedlmayer.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je pense qu'il y a encore de l'air

 22   froid qui entre dans le prétoire, cela n'est pas dirigé contre moi, mais je

 23   crois que l'air est malgré tout trop froid. Peut-être que je suis un petit

 24   peu sensible au froid parce que je suis en convalescence, mais je pense

 25   qu'au mois de décembre cela n'est pas utile. Peut-être que nous pourrions

 26   changer la température du prétoire et de l'élever de deux degrés. Je

 27   demande donc au Greffe de bien vouloir contrôler cela et voir s'il est

 28   possible d'élever la température un petit peu dans le prétoire.


Page 22559

  1   Q.  [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  3   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre se pencheront

  5   sur la question.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur Riedlmayer, êtes-vous un scientifique ?

  8   R.  Non, je ne suis pas un scientifique dans cette exception du terme. J'ai

  9   fait mes études dans les sciences sociales, les sciences naturelles et les

 10   humanités.

 11   Q.  Et lorsque vous étiez à l'école, avez-vous passé des examens dans le

 12   domaine des statistiques ?

 13   R.  Oui, tout à fait.

 14   Q.  Et quel est votre métier très exactement ?

 15   R.  Je suis un spécialiste en matière de documentation d'art. C'est ce que

 16   je fais depuis 26 ans, c'est ma profession. J'ai un diplôme de l'école des

 17   sciences de l'information et des bibliothèques, comme j'ai publié dans mon

 18   domaine, et voilà pour l'essentiel mon métier.

 19   Q.  Merci. On vous a confié une mission, puisque c'est quelque chose dont

 20   vous parlez dans le premier paragraphe, et votre mission consistait à

 21   répertorier les dégâts infligés aux sites religieux et culturels dans les

 22   communautés musulmanes de Bosnie et croates de Bosnie, à savoir les

 23   Catholiques, dans au moins 14 municipalités. Vous avez eu pour mission de

 24   référencer ces dégâts, de les répertorier. Est-ce que votre mission

 25   consistait à répertorier seulement les objets et les sites musulmans et

 26   croates ?

 27   R.  Lorsque j'ai reçu cette mission, comme les rapports précédents que j'ai

 28   effectués dans d'autres affaires de ce Tribunal, j'ai demandé à avoir des


Page 22560

  1   précisions. J'ai demandé si mon rapport ne devait porter que sur les sites

  2   musulmans de Bosnie ou croates de Bosnie, aussi si ça devait s'appliquer à

  3   tout le patrimoine culturel, et on m'a répondu en disant qu'il fallait que

  4   je documente les sites qui avaient trait aux communautés non serbes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pardonnez-moi de vous interrompre. M.

  7   Karadzic a parlé de 14 municipalités. Je me demande quel est le rapport

  8   qu'il a actuellement. Parce que le rapport de M. Riedlmayer porte sur 22

  9   municipalités, et je ne vois pas que ceci figure au paragraphe 1 de son

 10   rapport.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est sans doute une erreur.

 12   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Peut-être qu'il fait référence à six

 13   autres des rapports de M. Riedlmayer.

 14   M. LE JUGE KWON : Hm-hm.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la destruction du patrimoine

 16   culturel en Bosnie-Herzégovine, droits d'auteur 2003, Andras Riedlmayer.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Il s'agit d'un autre rapport. Peut-

 18   être le rapport présenté dans l'affaire Krajisnik ou dans une autre

 19   affaire.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est possible, mais je pense que, pour

 22   l'essentiel, c'est la même chose.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Vous a-t-on dit de ne pas enquêter sur les dégâts affligés au

 25   patrimoine culturel et religieux serbe, et n'avez-vous jamais été appelé à

 26   la barre pour témoigner contre des dirigeants militaires et politiques

 27   musulmans et croates ?

 28   R.  Comme je viens de vous le dire, j'ai déclaré que l'on m'a demandé de


Page 22561

  1   répertorier les dégâts provoqués au patrimoine culturel des communautés non

  2   serbes, et dans ce contexte-là en Bosnie, je n'ai pas témoigné contre que

  3   ce soit des dirigeants politiques militaires musulmans ou croates. Quoi

  4   qu'il en soit, dans les deux autres affaires dans lesquelles -- pardonnez-

  5   moi, les trois autres affaires dans lesquelles j'ai témoigné sur le Kosovo,

  6   j'ai inclus des éléments du patrimoine culturel serbe. Je ne faisais

  7   qu'appliquer les consignes que j'avais reçues.

  8   Q.  Merci. Donc vous dites que vous avez reçu des consignes du bureau du

  9   Procureur, et ensuite vous dites que les constatations et conclusions de

 10   ces rapports sont les conclusions de l'auteur. Si je vous ai bien compris,

 11   les consignes qui vous ont été données correspondaient à ce que vous venez

 12   de nous dire ?

 13   R.  Il s'agissait en fait du cahier des charges de ma mission. C'est ce que

 14   l'on m'a demandé de faire et d'inclure dans mon rapport. Parce qu'il

 15   s'agit, dans ce cas, des sites qui figurent dans l'acte d'accusation dans

 16   cette affaire.

 17   Q.  Merci. Donc on vous a demandé de retrouver et de référencer des

 18   bâtiments qui étayaient les accusations contenues dans l'acte d'accusation;

 19   c'est exact ?

 20   R.  Je ne le dirais pas comme ça. On m'a demandé de faire une étude sur

 21   l'état du patrimoine culturel des communautés non serbes dans ces

 22   municipalités. Il ne m'a pas été dit si ceci allait confirmer ou infirmer

 23   les chefs d'accusation.

 24   Q.  Mais aux lignes 22, 23 et 24 de la page 17, c'est précisément ce que

 25   vous avez dit. Vous avez supposé ou on vous a donné une mission dans le

 26   cadre de l'acte d'accusation, et dans ce sens-là, ceci est conforme aux

 27   exigences de l'acte d'accusation ?

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.


Page 22562

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] De façon très manifeste, M. Karadzic est

  2   en train de lire à partir d'un autre rapport. J'ai un exemplaire du rapport

  3   de M. Riedlmayer --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il n'a pas cité le compte

  5   rendu d'audience aujourd'hui, lignes 22, 23 et 24 d'aujourd'hui ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, exactement.

  7   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pardonnez-moi. Je ne sais pas si M.

  8   Karadzic souhaite avoir un exemplaire du rapport qui a été versé au dossier

  9   et qui porte la cote P4068.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous avoir un exemplaire ?

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que je dispose d'un exemplaire en

 12   anglais, mais j'ai fait mes notes sur mon exemplaire en serbe. Mais je

 13   dispose d'un exemplaire en anglais. En tout cas, merci beaucoup.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que ceci signifie qu'une enquête devait être menée sur les

 16   auteurs, les circonstances et l'intention ? Et plus précisément, qu'avez-

 17   vous pu conclure au-delà de tout doute raisonnable ?

 18   R.  Eh bien, la question du doute raisonnable est quelque chose, à mon

 19   sens, qui relève de la compétence des Juges de la Chambre, parce qu'il

 20   s'agit de la responsabilité qui va être déterminée à terme. Mon travail a

 21   porté sur des conclusions factuelles et statistiques, à savoir des

 22   conclusions sur les objets, les bâtiments et les institutions que l'on m'a

 23   demandé d'étudier. Et mon rapport inclut des entretiens que j'ai eus avec

 24   des informateurs, dont certains évoquent la question de la responsabilité.

 25   Mais il ne m'appartient pas de traiter de ce sujet-là. Mes entretiens avec

 26   ces personnes-là portaient pour l'essentiel sur la date à laquelle ces

 27   objets avaient été détruits. J'essayais d'exclure soit des bâtiments qui

 28   avaient été détruits avant la guerre, soit des bâtiments qui avaient été


Page 22563

  1   détruits après la guerre. Cette enquête, pour l'essentiel, s'est déroulée

  2   de plusieurs années après les événements en question; par conséquent, il

  3   était crucial pour moi de découvrir dans quel état se trouvaient ces

  4   bâtiments, en tout cas à la fin de la guerre.

  5   Q.  Merci. Vous avez donc pu établir au-delà de tout doute raisonnable que

  6   quelque chose avait été détruit ou renversé ?

  7   R.  Oui. Dans un certain nombre de cas, j'ai pu, en observant les lieux en

  8   question, établir comment le bâtiment avait été détruit, si c'était suite à

  9   une explosion, à un incendie.

 10   Q.  Etes-vous un expert qui pourrait établir ces faits-là, ou pouviez-vous

 11   parler ou entrer en contact avec un expert qui aurait pu établir tout cela

 12   ?

 13   R.  Non, je n'ai pas de formation dans ce domaine-là. Les incendies

 14   volontaires ne font pas partie des enquêtes que j'ai menées. Je ne suis pas

 15   un expert en engins explosifs. Cependant, je dirais que cela fait une

 16   décennie que je travaille sur ces sujets-là, que j'ai lu la littérature à

 17   la profession, que j'ai visité et observé des milliers de bâtiments

 18   détruits et que j'ai, suite à cela, développé une certaine expertise. La

 19   plupart de mes observations se fondent sur le simple bon sens. Si un

 20   bâtiment n'a plus de toit, si les murs sont calcinés et s'il y a des

 21   morceaux de bois brûlé qui sont encastrés dans la maçonnerie, dans ce cas

 22   tout semble indiquer qu'il y a eu un incendie. Je ne pense pas qu'il soit

 23   nécessaire de mener à bien des tests scientifiques pour établir cela. S'il

 24   y a des orifices plus importants dans les murs et qu'il manque des morceaux

 25   de mur, que l'on voit ça à certaine distance, il est clair qu'il s'agit là

 26   d'une explosion, et il est inutile d'être un expert militaire pour établir

 27   cela.

 28   Mais j'ai fait très attention aux termes que j'ai employés lorsque je parle


Page 22564

  1   d'explosion. Je fais des distinctions entre différents types de munitions,

  2   parce que cela impose des limites. Je crois que je peux tirer des

  3   conclusions qui sont utiles à partir de mes observations.

  4   Q.  Merci. Dans ce cas, avez-vous pu établir les circonstances dans

  5   lesquelles ceci s'est passé ? Nous avons vu la mosquée de Hrustovo il y a

  6   quelques instants. Saviez-vous ou savez-vous ce qui s'est passé à Hrustovo

  7   ?

  8   R.  Eh bien, cela n'a pas fait partie de mon enquête. J'ai -- j'étais là

  9   pour établir les faits concernant les bâtiments, mais non pas sur

 10   l'ensemble du conflit.

 11   Q.  Donc vous n'avez pas déterminé s'il y avait eu des combats à un endroit

 12   en particulier, et cette photographie où nous voyons un orifice dû à un

 13   mortier n'a pas été expliquée et n'a pas été placée dans son contexte;

 14   c'est exact ?

 15   R.  Dans de nombreux cas, j'ai pu déterminer les éléments suivants :

 16   lorsque, par exemple, il y avait un nombre important d'orifices

 17   correspondant à des balles ou lorsqu'il y avait des orifices dus à des

 18   engins explosifs, oui. Mais non, je ne sais pas à quel moment il y a eu les

 19   combats dans ce secteur-là ou précisément ce qui s'est passé. Je crois que

 20   c'est quelque chose qui sera déterminé par d'autres sources ou personnes.

 21   Q.  Merci. Et vous n'avez rien établi eu égard aux auteurs de cela ?

 22   R.  Non. Cela ne relevait pas de mes compétences. Et ce que je pouvais

 23   faire au mieux, c'était d'établir la date ou le moment où ceci s'était

 24   passé. Je crois que l'on peut tirer des conclusions à partir de cela.

 25   Q.  Lorsque vous dites que quelque chose est détruit sur le territoire

 26   serbe, eh bien, l'étape suivante consisterait à dire que ceci a été détruit

 27   par les Serbes. Pourriez-vous nous dire quels Serbes, ou pourriez-vous nous

 28   dire si ceci était le fait des autorités ou de quelqu'un d'autre ? Avez-


Page 22565

  1   vous établi quelles étaient les autorités qui étaient à l'origine de ces

  2   événements-là ?

  3   R.  Encore une fois, établir la responsabilité des auteurs ne relève pas de

  4   ma mission en tant qu'expert. Mais je peux faire l'observation suivante :

  5   dans un certain nombre d'endroits, tels que Prijedor, des bâtiments avaient

  6   été détruits à un moment où la communauté était placée sous le contrôle des

  7   autorités serbes de Bosnie. Je connais dans les grandes lignes le

  8   déroulement de la guerre en Bosnie.

  9   Je sais également dans combien d'endroits la destruction a été menée

 10   après les premières explosions et coups de feu par les autorités

 11   municipales qui se sont servi de l'équipement de la municipalité pour

 12   enlever les gravats. Donc je peux tirer des conclusions limitées à partir

 13   de cela.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que c'est ce que vous avez

 15   entendu dire des gens sur place ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai entendu dire, et comme dans

 17   l'exemple de Novoseoci, je crois que les faits indiquent que les gravats

 18   ont été enlevés.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Et si vous ne pouvez pas nous dire si ceci a été le fait de ou ceci a

 22   été mené à bien par les autorités ou les forces paramilitaires; ai-je

 23   raison de dire que vous avez rassemblé des éléments de preuve qui

 24   concernaient la guerre civile, et non pas contre les Serbes ? Parce que si

 25   c'est le cas, je peux être d'accord avec vous.

 26   R.  Je ne suis pas très sûr d'avoir bien compris votre question.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, soyez rassuré, M.

 28   Riedlmayer a témoigné sur les faits. Il n'a pas témoigné sur la


Page 22566

  1   responsabilité des auteurs du tout.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Cependant, certaines conclusions m'inquiètent, et la manière dont ces

  6   conclusions ont été tirées. Vous avez dit que les nouvelles mosquées

  7   avaient été moins endommagées que les plus anciennes, et vous interprétez

  8   cela en disant que les anciennes mosquées avaient été enregistrées. Est-ce

  9   la seule interprétation, ou y a-t-il une autre interprétation possible ?

 10   R.  Ecoutez, je suis ouvert à d'autres interprétations, mais je n'en ai pas

 11   trouvé.

 12   Q.  Etant donné que vous connaissez bien la culture islamique et l'Islam,

 13   est-ce que vous savez que les mosquées sont des casernes en même temps et

 14   servent de lieu de recrutement où des munitions sont déposées ainsi que des

 15   engins explosifs, que c'est un point de distribution des armes, et qu'il

 16   s'agissait dans ce cas essentiellement de mosquées anciennes, alors que les

 17   nouvelles mosquées n'ont pas été utilisées à ces fins ?

 18   R.  Je n'ai jamais entendu parler de cela.

 19   Q.  Par exemple, lorsqu'une nouvelle mosquée a été inaugurée à Kakanj en

 20   1990, lorsque l'imam a dit en public dans une allocution qu'il s'agira non

 21   seulement d'un lieu de culte mais d'une caserne. Vous n'avez pas remarqué

 22   des choses comme cela, n'est-ce pas ?

 23   R.  Kakanj n'était pas une des municipalités couvertes par mon étude, et je

 24   ne suis pas au courant de la teneur des sermons.

 25   Q.  Merci. Qui était au pouvoir à Baljvine ? Vous avez dit qu'il s'agissait

 26   d'une exception que vous aviez remarquée. Vous avez dit que les autorités

 27   de Baljvine avaient réussi à dissuader les paramilitaires pour qu'ils ne

 28   détruisent pas la mosquée. A Mrkonjic Grad et Baljvine, qui était au


Page 22567

  1   pouvoir à l'époque ?

  2   R.  Je n'ai pas dit que les autorités avaient dissuadé les paramilitaires.

  3   Il s'agissait de résidents serbes qui défendaient leurs voisins. Et les

  4   informations dont je dispose proviennent d'un ouvrage de Svetlana Broz, qui

  5   a interviewé les résidents et qui l'a inclus dans son livre intitulé :

  6   "Good People in an Evil Time", "Les bonnes personnes dans une période

  7   maléfique".

  8   Q.  Saviez-vous que la police de Bijeljina, après que les forces

  9   paramilitaires aient été arrêtées en 1992, les a interrogées sur la mosquée

 10   détruite de Bijeljina ? Pourquoi ceci a-t-il été 

 11   fait, eh bien, il a été question du cuivre sur la mosquée. Et est-ce que

 12   vous êtes au courant du fait que la police a enquêté là-dessus ?

 13   R.  Je ne suis pas au courant de l'enquête. Cependant, je suis au courant

 14   de ce qu'il était advenu de la mosquée de Bijeljina. En 1992, il y avait un

 15   vandalisme très marqué, il y a eu beaucoup de vandalisme sur la mosquée,

 16   mais aucune mosquée n'a été détruite. Les mosquées de Bijeljina ont été

 17   détruites au printemps de l'année 1993, lorsque Bijeljina était

 18   complètement sous le contrôle des autorités serbes de Bosnie. Il n'y avait

 19   pas de combat à ce moment-là dans la région, à ma connaissance.

 20   Q.  Vous avez également parlé de Brcko et de Bijeljina, et vous avez dit

 21   que ces deux villes étaient placées sous le contrôle des forces serbes de

 22   Bosnie. Est-ce que vous êtes au courant de la façon dont les autorités

 23   fonctionnaient à Bijeljina et Brcko, et est-ce que vous êtes au courant des

 24   efforts déployés par les autorités serbes pour éliminer les forces

 25   paramilitaires dans ces villes-là ?

 26   R.  Cela ne faisait pas partie de mon étude.

 27   Q.  Monsieur Riedlmayer, vous ne pouvez pas avancer qu'ils étaient

 28   totalement placés sous le contrôle des forces serbes, n'est-ce pas ?


Page 22568

  1    R.  Tout ce que je sais, je le tiens des éléments d'information, des

  2   éléments de contexte. Je sais qu'à ce moment-là, les mosquées ont été

  3   détruites, mais il n'y avait pas de combat dans la zone en question. Dans

  4   le cadre de mon étude menée sur le terrain, je n'étais pas censé enquêter

  5   sur toutes les circonstances de la destruction.

  6   Q.  Merci. Toutefois, je souhaiterais que nous revenions sur cette question

  7   de professionnalisme et d'objectivité. Est-ce que vous êtes intéressé par

  8   l'aboutissement, le résultat, de mon procès ?

  9   R.  Je le suis, tout comme je suis de nombreux procès de ce Tribunal, mais

 10   je ne suis pas ici pour vous juger. Cela est de la compétence des Juges.

 11   Q.  Merci. Toutefois, j'aimerais savoir si, de façon générale, vous êtes

 12   intéressé par l'aboutissement des procès contre les Serbes ou contre la

 13   Serbie ? Etes-vous vraiment un témoin impartial ?

 14   R.  Vous savez, je n'ai pas un intérêt précis qui desservirait la cause des

 15   Serbes ou qui irait à l'encontre de la cause des Serbes. Je souhaiterais

 16   que justice soit rendue, et peu importe qu'il s'agisse de Serbes, de

 17   Musulmans ou de Croates ou d'Albanais, j'espère très sincèrement que les

 18   personnes responsables de crimes contre l'humanité et d'autres violations

 19   contre le droit international seront poursuivies et sanctionnées et punies.

 20   Mais je ne suis pas partisan pour que l'on ménage des suspects non serbes

 21   ou des suspects serbes. D'ailleurs, toute personne qui est inculpée et pour

 22   laquelle il est prouvé qu'elle est innocente devrait, à mon avis, être

 23   libérée.

 24   Q.  Toutefois, jusqu'à présent, vous avez dans une grande mesure participé

 25   à des études ou à des travaux contre les structures serbes. Et je pense que

 26   la conférence que vous allez donner aujourd'hui dessert également cet

 27   objectif. Vous avez été jusqu'à présent extrêmement actif à présenter

 28   différentes variantes de la culpabilité serbe ? Est-ce que vous l'avez fait


Page 22569

  1   de part le monde ?

  2   R.  Pour répondre à propos du sujet de ma conférence aujourd'hui, cette

  3   conférence s'intéresse à des questions relatives à la reconstruction après

  4   la guerre. Je ne vois pas comment cela milite à l'encontre des structures

  5   serbes ou de toute autre chose. J'ai justement mis la touche finale à cette

  6   conférence hier, et il y a des éléments qui sont assez critiques des

  7   Musulmans et des Croates. C'est une conférence qui sera prononcée à

  8   l'Institut pour les Amériques de l'Académie royale néerlandaise des

  9   sciences. Cela ne s'inscrit absolument pas dans le cadre d'une conspiration

 10   politique quelle qu'elle soit.

 11   Q.  Merci. Je ne vous parlais pas de conspiration. Je parlais en quelque

 12   sorte de pigistes ou de free-lance. Mais est-ce que vous pouvez confirmer

 13   que vous avez écrit une histoire succincte de la Bosnie-Herzégovine ?

 14   R.  Oui, je sais à quel document vous faites référence. Et d'ailleurs, il a

 15   été présenté déjà dans l'affaire contre Milosevic. Il ne s'agit pas d'une

 16   publication ou d'un ouvrage officiel. Il a été rédigé en 1993 et a été

 17   placé sur un site Web. Il s'agit d'un pamphlet ou d'une histoire succincte.

 18   Cela ne fait pas partie de ma bibliographie officielle. Ce qui a été versé

 19   au dossier, c'est mon curriculum vitae officiel, et là vous trouvez tous

 20   les ouvrages, tous les essais que j'ai écrits de façon officielle, et je

 21   vous mets au défi d'y trouver quoi que ce soit qui ait une connotation

 22   anti-Serbe.

 23   Q.  Mais dites-moi, je vous prie, ce qui suit : je ne suis pas seulement

 24   intéressé par le fait que quelqu'un ait des sentiments anti-Serbe, mais ce

 25   qui m'intéresse également, ce sont les compétences des personnes.

 26   Est-ce que vous savez quel était l'ordre social en Bosnie-Herzégovine

 27   au moment du Congrès de Berlin lorsque l'Empire austro-hongrois a reçu le

 28   mandat de pénétrer en Bosnie ? Quel était l'ordre social en vigueur à


Page 22570

  1   l'époque ?

  2   R.  Il se trouve que j'ai écrit ma thèse de maîtrise à ce sujet. Cela s'est

  3   passé il y a un certain temps, et il s'agissait essentiellement d'un

  4   ouvrage relatif à l'histoire diplomatique, mais je sais pertinemment que

  5   dans les années 1870, à la fin de l'Empire ottoman en Bosnie, il y avait de

  6   grands propriétaires terriens. Il y avait également les Kmets, qui étaient

  7   les équivalents des serfs, en quelque sorte, qui ne pouvaient pas être

  8   propriétaires de leurs terres et qui étaient extrêmement exploités. Je sais

  9   quel était l'ordre social. Mais je ne suis pas tout à fait sûr que cela ait

 10   trait avec mon rapport d'expert actuel.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie, voir

 12   le document 1D4902. Il s'agit de ce texte.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Nous allons résumer. Vous convenez qu'en Bosnie-Herzégovine, au moment

 15   du Congrès de Berlin, l'ordre social était représenté par le féodalisme,

 16   n'est-ce pas ?

 17   R.  Vous savez, le féodalisme est très, très, très spécifique au contexte

 18   occidental, mais je vous l'accorde, il y avait une distribution inéquitable

 19   des terres, et la grande majorité des personnes était effectivement

 20   exploitée. Mais c'était au XIXe siècle. Les mêmes conditions prévalaient en

 21   Russie.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions, je vous prie,

 23   demander l'affichage de la page suivante de ce document.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Convenez-vous qu'en Serbie, dès l'année 1804, outre ce mouvement de

 26   libération, nous avons pu assister à une révolution de type bourgeois ?

 27   R.  Les révolutions du XIXe siècle qui ont eu lieu dans différents pays des

 28   Balkans étaient à la fois des [imperceptible], des révoltes de paysans


Page 22571

  1   ainsi que la révolte de la classe des commerçants. Karadjordje, le chef

  2   serbe qui a dirigé la révolution de 1804, était lui-même un négociant fort

  3   prospère. Il avait certaines aspirations qui trouvaient leur origine dans

  4   le fait qu'il avait tout simplement été informé de certaines des idées qui

  5   émanaient de la Révolution française et du Siècle des lumières. Mais je ne

  6   sais pas franchement quelle est la pertinence de ceci par rapport à mon

  7   rapport actuel.

  8   Q.  Nous allons voir quelle est cette pertinence, mais je suis sûr que vous

  9   vous souviendrez de ce qu'a écrit Leopold Ranke. Il a écrit notamment un

 10   essai intitulé : "La révolution serbe de 1804", n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne vous dirais pas non. Je ne peux pas vous dire que je l'ai lu,

 12   parce que cela ne s'inscrivait pas véritablement dans mon domaine de

 13   compétence.

 14   Q.  Merci. Regardez le deuxième paragraphe, où vous indiquez que la Serbie,

 15   et je cite en anglais : "La Serbie, en 1389, avait subi une défaite

 16   absolument humiliante imposée par les Turcs lors de la fameuse bataille du

 17   Kosovo et avait été réduite au statut de vassal de l'Empire ottoman."

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous savez qu'à ce moment-là, la France commémorait la

 20   victoire d'une armée chrétienne et que la Serbie a continué à souffrir

 21   pendant 100 ans après cela ? C'était en quelque sorte match nul.

 22   R.  Oui. Mais là, nous nous replongeons dans le XIVe siècle. Ce que je

 23   sais, c'est qu'à la fin de la bataille, à la fois le dirigeant serbe et le

 24   sultan ottoman avaient péri, et que la Serbie n'a pas été complètement

 25   effacée de la carte pendant environ 70 ou 80 ans. Pendant cette période

 26   toutefois, la Serbie était effectivement un Etat vassal de l'Empire

 27   ottoman. Et je vous rappellerais que vous êtes en train de prendre en

 28   considération un récit historique qui est très officieux, en quelque sorte,


Page 22572

  1   qui couvre l'histoire des Balkans à partir de la fin de l'Empire romain

  2   jusqu'à l'année 1993. Vous avez quelque six pages et demie sans notes en

  3   bas de page. Donc vous ne pouvez pas vous attendre à y trouver des détails

  4   précis.

  5   Q.  Bien. Alors, nous n'allons plus en parler. Mais vous avez également

  6   fait référence au roi Tvrtko. Est-ce que vous savez que le roi Tvrtko est

  7   un roi serbe ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je me suis abstenue de soulever des

 10   objections, mais j'aimerais quand même savoir quelle est la pertinence de

 11   ces questions posées à M. Riedlmayer qui a écrit son rapport d'expert ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien sûr.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Très bien. Nous allons passer au paragraphe 3 de la page 3. Voilà ce

 16   que vous dites, et je cite :

 17   "Les Slaves musulmans ne voyaient pas d'avenir pour eux dans ce nouvel

 18   ordre qui était proposé et ont continué à préconiser cet ancien idéal

 19   bosnien de cette société pluraliste et à plusieurs religions. Pour des

 20   raisons évidentes, ils avaient tendance à ne pas accepter que les autres

 21   fassent l'objet de faveurs de la part des autorités hongroises."

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je m'excuse, mais à moins -- je ne

 23   comprends pas la pertinence par rapport au rapport d'expert de M.

 24   Riedlmayer.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'essaie de prouver que M. Riedlmayer est un

 26   activiste, un militant qui est en train de jeter les bases de la

 27   condamnation des Serbes pour tous les faits. Ce paragraphe montre que M.

 28   Riedlmayer est convaincu que le système féodal de la Bosnie-Herzégovine,


Page 22573

  1   dans le cadre duquel les Chrétiens n'avaient pas le droit de détenir et

  2   d'être propriétaires de terres et n'avaient d'ailleurs absolument aucun

  3   droit, représentait l'idéal de la société multiethnique et

  4   multiconfessionnelle. Toutefois, cela représentait l'esclavage pour les

  5   Chrétiens.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, j'aimerais savoir

  7   quel est le lien entre tout ceci et le rapport de M. Riedlmayer ?

  8   D'ailleurs, j'aimerais corriger quelque chose que j'ai dit un peu plus tôt.

  9   Page 22 du compte rendu d'audience. Une ligne de mes propos a été oubliée.

 10   J'étais en train de vous dire que M. Riedlmayer n'était pas en train de

 11   témoigner à propos de qui était responsable, mais à propos des faits. Ce

 12   que j'entendais, c'est que la Chambre ne va pas utiliser les éléments de

 13   preuve ou la déposition de M. Riedlmayer pour déterminer qui est

 14   responsable de la destruction de ces bâtiments.

 15   Je ne vois vraiment pas à quoi il nous sert d'étudier par le menu des

 16   détails de l'histoire de la Serbie et de la Bosnie-Herzégovine, et je

 17   pense, Monsieur Karadzic, qu'il serait peut-être plus important d'en venir

 18   à l'essentiel.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Alors, je ne vais pas vous parler de

 20   toutes ces périodes, mais il y a quand même quelque chose qui, pour moi,

 21   représente une importance capitale, car je souhaiterais véritablement voir

 22   si ce témoin est impartial, s'il s'agit d'un témoin au sens premier du

 23   terme, et j'aimerais donc que nous puissions voir comment M. Riedlmayer

 24   parle des Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale.

 25   Page 4, je vous prie. Page 4 de ce document, troisième paragraphe. Est-ce

 26   que nous pourrions avoir la quatrième page. Paragraphe 3 de la quatrième

 27   page.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 22574

  1   Q.  Regardez le deuxième paragraphe. Il est question de ce qui était la

  2   Croatie des Oustachis. Regardez ce que vous dites à la fin de ce

  3   paragraphe, qu'il y avait donc une division musulmane SS -- vous parliez

  4   très certainement de la Division Handzar. Est-ce que vous savez que c'était

  5   la division la plus cruelle, et vous savez qu'ils ont existé pendant deux

  6   ans, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui, je suis informé de la Division Handzar.

  8   Q.  Toutefois, dans le paragraphe suivant, vous mettez sur un pied

  9   d'égalité la Serbie et la Croatie pendant la Deuxième Guerre mondiale; est-

 10   ce bien exact ? Vous dites qu'une campagne semblable avait été menée à bien

 11   sous la houlette du général Nedic, qui avait des camps de concentration

 12   pour les Juifs, les non-Serbes ainsi que pour ses opposants politiques

 13   serbes ?

 14   R.  Oui, c'est exact. Je ne mets personne sur un pied d'égalité. Je me

 15   contente tout simplement de décrire ce qui, d'après moi, correspond à des

 16   faits qui, d'ailleurs, ont déjà été établis. Le régime croate sous Pavelic

 17   a commis des actes maléfiques, et il en va de même pour Nedic. Le fait est

 18   qu'il y avait des camps de concentration qui avaient été organisés et gérés

 19   par Nedic d'ailleurs, et le fait est que dans ces camps de concentration il

 20   y avait des Juifs et des opposants serbes qui y avaient été jetés, et le

 21   fait est qu'ils avaient collaboré. Tout comme le général Pétain en France,

 22   Nedic était absolument obsédé par un fait, par le fait qu'il y avait tant

 23   de jeunes Serbes qui étaient tombés sur les fronts, sur les champs de

 24   bataille. Et sa collaboration, elle vient de cela, il ne voulait pas que ce

 25   massacre soit répété. Tout comme Pétain, Pétain qui avait des opinions qui

 26   étaient d'extrême droite, en fait, ses opinions d'extrême droite

 27   correspondaient aux idées sociales des nazis. Alors, je ne suis pas en

 28   train de vous dire qu'il est exactement pareil à Pavelic, mais les deux,


Page 22575

  1   d'une façon ou d'une autre, ont collaboré.

  2   Q.  Oui, mais où se trouvait ce camp de concentration pour les Juifs qui

  3   était dirigé par le gouvernement serbe, enfin le gouvernement de Nedic ? Où

  4   se trouvait ce camp ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, ce n'est pas le bon

  6   moment de parler de ce genre de choses. Je souhaiterais que nous en venions

  7   à l'essentiel et à ce dont a parlé M. Riedlmayer lors de son interrogatoire

  8   principal, je vous en prie.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais qu'un document soit montré. Car

 10   véritablement je dois vous montrer, vous prouver la partialité de M.

 11   Riedlmayer. Je dois vous montrer qu'il est anti-Serbe et qu'il est partial,

 12   et qu'il s'agit de quelque chose de très dangereux. Parce que dans un

 13   premier temps, vous satanisez [phon] en quelque sorte quelqu'un, et ensuite

 14   cela est suivi par des bombes. M. Riedlmayer est bel et bien intéressé par

 15   l'aboutissement de ce procès.

 16   Je vais passer à autre chose, mais avant je voudrais vous montrer un

 17   document, le document 1D4922, pour vous montrer à quel point tout cela est

 18   dangereux, périlleux, peut porter tort et est de toute façon erroné. Donc,

 19   document 1D4922.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Riedlmayer, convenez-vous qu'il s'agit d'une carte des

 22   territoires yougoslaves pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez discerner une différence entre la Croatie et la

 25   Serbie ? La Croatie étant un état indépendant.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je ne vois absolument pas la

 27   pertinence de ce document. Passez à autre chose, je vous prie.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, le camp dont parle M.


Page 22576

  1   Riedlmayer se trouve à Belgrade, mais dans l'Etat de Croatie. Vous voyez

  2   quelles étaient les limites de l'Etat croate --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous ai dit que cela n'avait

  4   absolument aucune pertinente. Et je vous demande de passer à votre sujet

  5   suivant.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que cette carte pourrait être versée au

  7   dossier, tout simplement pour que la Chambre de première instance puisse en

  8   disposer ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre vient de vous indiquer ce

 10   qu'elle pensait de la pertinence de cette carte.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais écoutez, je suis un tant soit peu

 12   perplexe. Comment se fait-il que je ne peux pas contester le

 13   professionnalisme et la crédibilité ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous êtes

 15   en train de contester le fait que certaines mosquées auxquelles a fait

 16   référence M. Riedlmayer aient véritablement été détruites ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce que je conteste, ce sont les conséquences

 18   qui émanent de certaines conclusions avancées par M. Riedlmayer, à savoir

 19   les conséquences, ce qui est implicite, à savoir que cela avait quelque

 20   chose à voir avec les autorités serbes, plutôt, un Etat organisé, la

 21   planification. Alors, je peux vous prouver quelle est la base de ce que

 22   j'avance, et ensuite je vous dirais comment et pourquoi cela est erroné.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je remarque l'heure qu'il est. La

 25   Chambre va faire une pause d'une demi-heure, et nous reprendrons à 10

 26   heures 55.

 27   --- L'audience est suspendue à 10 heures 24.

 28   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.


Page 22577

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je souhaite

  3   revenir sur la question que les Juges de la Chambre ont évoquée en début de

  4   séance. Je vais en parler de façon générale, comme l'ont fait les Juges de

  5   la Chambre. Je suis sûr que nous parlons de la même question, et je

  6   souhaite informer les Juges de la Chambre du fait que l'Accusation ne

  7   s'oppose pas à la requête.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Docteur Karadzic, les Juges de la

 10   Chambre estiment que cela devrait vous rassurer que les conclusions qui

 11   pourraient être déduites des éléments de preuve présentés par ce témoin eu

 12   égard à la question de la responsabilité des Serbes de la destruction des

 13   mosquées n'est pas quelque chose qui serait envisagé par les Juges de la

 14   Chambre. Et comme le témoin l'a dit à juste titre, le fait d'établir la

 15   responsabilité des auteurs ne relève pas de son domaine d'expertise.

 16   Le Président l'a dit avant la pause, et nous avons estimé qu'il était

 17   nécessaire de le redire après la pause pour que vous soyez complètement

 18   informé de la situation.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences. Je vais en terminer sur la

 21   question historique avec une seule question.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-il exact, comme le dernier paragraphe semble le dire, que vous avez

 24   écrit un pamphlet dans le but de faire lever l'embargo sur les armes des

 25   Musulmans ?

 26   R.  Est-ce que vous faites toujours référence au document que vous avez

 27   affiché précédemment ?

 28   Q.  Oui, une courte histoire de la Bosnie.


Page 22578

  1   R.  Puis-je voir le dernier paragraphe, s'il vous plaît. Je ne m'en

  2   souviens pas. Cela remonte à un certain nombre d'années.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. C'est le 1D4902. Non, pas ce

  4   document-là -- une courte histoire.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] 79. La dernière page, s'il vous plaît. Une page

  6   en arrière, s'il vous plaît. Histoire succincte de la Bosnie-Herzégovine.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  En attendant, c'est le dernier paragraphe à partir du bas.

  9   "L'initiative en vue de lever l'embargo contre les armes imposé au

 10   gouvernement de Bosnie et d'appeler une intervention musclée pour mettre un

 11   terme au conflit avait été sans cesse entravée par les Nations Unies et les

 12   autres communautés internationales."

 13   Veuillez regarder l'ensemble du paragraphe, s'il vous plaît, où vous parlez

 14   en faveur de la levée de l'embargo, à savoir vous vous opposez à tous les

 15   pays qui souhaitent que l'embargo soit maintenu, n'est-ce pas ?

 16   R.  Eh bien, ceci a été rédigé en me fondant sur ma compréhension de

 17   l'article 51 du chapitre 7 de la charte des Nations Unies, je crois que je

 18   l'ai cité quelque part ici, qui déclare qu'il y a un droit à l'autodéfense

 19   des Etats membres, mais que ceci ne peut lui être refusé qu'au moment où le

 20   Conseil de sécurité peut établir la paix et la sécurité. Je paraphrase,

 21   mais c'est pour l'essentiel. Et, en fait, en 1993 et par la suite, le

 22   Conseil de sécurité des Nations Unies n'a pas réussi à imposer la paix et

 23   la sécurité. Par voie de conséquence, j'ai pensé à l'époque que l'embargo

 24   sur les armes était contreproductif.

 25   Q.  Merci. Cependant, il me semble que ceci découle de votre compréhension

 26   de la structure interne de la Bosnie. A plusieurs endroits, vous dites

 27   qu'il s'agit là du territoire occupé par les Serbes de Bosnie. Ne

 28   comprenez-vous pas que les Serbes de Bosnie faisaient partie de la


Page 22579

  1   population qui vivait dans cette région depuis plus longtemps et couvrait

  2   65 % du territoire ? En d'autres termes, ils n'étaient pas dans le pays de

  3   quelqu'un d'autre. Ils étaient dans leur propre pays, ils étaient censés se

  4   défendre contre ces personnes qui étaient là ? Il s'agissait d'un conflit

  5   interne.

  6   R.  Madame, Messieurs les Juges, je ne suis pas ici pour parler du bien

  7   fondé de la guerre en Bosnie. Il y a un certain nombre de questions que je

  8   pourrais débattre, à savoir que les 65 % du territoire représentaient

  9   l'endroit où les uns ont vécu avant les autres. Mais je ne vois pas en quoi

 10   ceci a une quelconque incidence sur ma déposition.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dans ce cas, nous allons revenir au rapport en

 14   tant que tel. Je vais afficher plusieurs documents qui concernent la

 15   crédibilité et la partialité, et j'espère que j'aurai votre permission pour

 16   le faire.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Au point 1 de votre rapport, le contexte de votre étude, vous dites que

 19   :

 20   "… le conflit de 1995 en Bosnie, des rapports ont été présentés par les

 21   différentes parties sur la destruction généralisée du patrimoine religieux

 22   et culturel."

 23   Par conséquent, des rapports avaient été rédigés sur la destruction

 24   des bâtiments serbes, n'est-ce pas ?

 25   R.  C'est exact.

 26   Q.  Est-ce que vous voyez qu'il y a un lien entre la destruction d'une

 27   série de bâtiments avec l'autre série de 

 28   bâtiments ? Est-ce que vous ne pensez pas que ceci a un caractère de


Page 22580

  1   représailles ? C'est quelque chose que vous avez abordé dans le procès

  2   contre Milosevic. Est-ce vous qui établissez ce lien, ou est-ce que vous

  3   pensez que ceci a été préparé ou planifié par un Etat ?

  4   R.  Si je me souviens bien de ma déposition dans l'affaire Milosevic, j'ai

  5   indiqué qu'il y avait des cas précis de destruction en guise de

  6   représailles à des endroits bien précis et à des dates bien précises, mais

  7   ceci n'était pas le cas dans les municipalités en Bosnie, œil pour œil,

  8   dent pour dent, en guise de représailles. Je pense, par exemple, aux

  9   premiers mois de la guerre, le long de la Save, au nord et au sud de

 10   Mostar, où il y avait justement ce genre d'événement qui se produisait

 11   entre les milices croates et les forces serbes. Par exemple, à Mostar, il y

 12   avait les deux églises catholiques de Mostar qui ont été touchées par les

 13   forces serbes pendant le siège de l'année 1992, après quoi des

 14   nationalistes croates ont plastiqué la cathédrale serbe et l'ancienne

 15   église orthodoxe.

 16   Donc le long de la Save, il y avait de tels incidents. Je dirais que j'ai

 17   vu des traces de cela lorsque j'ai mené mon étude, mais le Tribunal ne m'a

 18   pas demandé de me pencher sur la destruction des églises serbes. Lorsque

 19   j'ai vu ces traces, c'est quelque chose que j'ai consigné parce que cela

 20   m'intéressait. Par exemple, à Bukvik, près de Brcko, une église qui avait

 21   brûlé.

 22   Et à la fin de la guerre, en septembre et octobre de l'année 1995, il

 23   y avait un certain nombre d'églises serbes qui avaient fait l'objet

 24   d'attaques dans la partie occidentale de la Bosnie. Dans la municipalité de

 25   Sanski Most essentiellement et dans la municipalité de Kljuc, l'armée serbe

 26   de Bosnie est sortie de la poche de Bihac dans les dernières semaines de la

 27   guerre, et à ce moment-là un certain nombre d'églises serbes ont été

 28   incendiées. Je dispose d'une collection de photographies là-dessus et j'ai


Page 22581

  1   l'intention d'en faire quelque chose, mais ceci ne faisait pas partie de

  2   mon cahier des charges dans le contexte de ce rapport.

  3   Je souligne que dans la plupart des endroits en Bosnie, la

  4   destruction était vraiment d'un côté seulement, et je crois qu'il faut

  5   garder à l'esprit la chronologie sur ces événements.

  6   Q.  Est-ce que vous vous souvenez à quel moment Zitomislic, un très ancien

  7   monastère qui remonte du XVIe siècle, quand Zitomislic - qui était un lieu

  8   de culte très important pour les Serbes - savez-vous à quel moment ceci a

  9   été détruit ?

 10   R.  D'après mon souvenir, ceci a été détruit au début de l'été 1992 par les

 11   forces croates. J'ai, en réalité, rédigé un article là-dessus.

 12   Q.  Voyez-vous, vous avez cité le contexte de tout ceci, et cela est une

 13   bonne chose. Mais n'avez-vous pas remarqué qu'il y avait un schéma ou une

 14   tendance ? Vous avez dit que les églises catholiques en Bosnie occidentale

 15   le long de la Save avaient été détruites, et la plupart de ces destructions

 16   ont eu lieu en 1991, avant que la guerre n'éclate en Bosnie, et en 1995.

 17   Avez-vous remarqué que ceci avait un lien avec l'éclatement du conflit en

 18   Croatie et avec l'arrivée des réfugiés, à la fois en 1991 et 1995 ?

 19   R.  En réalité, j'apporterais une correction à ce que vous venez de dire.

 20   Il y avait une destruction très peu importante en 1991, moment où le

 21   conflit croate a débordé. La plupart des destructions ont eu lieu en 1992.

 22   Et la deuxième de destruction a eu lieu en 1995, et ceci a coïncidé avec le

 23   conflit renouvelé en Croatie.

 24   Q.  Merci. Et par opposition à cela, vous avez remarqué, et à juste titre,

 25   mais je ne sais pas si votre interprétation était juste, que les églises

 26   catholiques de Pale et le long de la Drina, à Cajnice et Rogatica, me

 27   semble-t-il, n'avaient pas été détruites. Est-ce que vous êtes d'accord

 28   pour dire que c'était le cas, parce que dans ce secteur il n'y avait aucun


Page 22582

  1   réfugié qui arrivait de Croatie; donc personne ne fuyait les Croates, et il

  2   n'y avait pas réfugiés dont les églises avaient été détruites dans leurs

  3   lieux d'origine ?

  4   R.  C'est une question en deux parties. Je souhaite tout d'abord répondre à

  5   la première partie de votre question.

  6   Je pense que les églises de Pale, de Rogatica et de Cajnice n'ont

  7   fait l'objet que d'un vandalisme mineur, en grande partie parce qu'il y

  8   avait très peu de Croates qui vivaient dans cette région. Et dans la

  9   plupart des endroits où ces attaques ont eux lieu, ces attaques ont eu lieu

 10   dans le cadre des attaques contre ces communautés. A Cajnice, par exemple,

 11   je crois qu'il n'y avait pas plus qu'une poignée de Croates qui vivaient

 12   là.

 13   Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, concernant

 14   les réfugiés, à ma connaissance, je ne sais pas dans quelle mesure les

 15   réfugiés ont joué un quelconque rôle dans tout cela. Comme je vous l'ai

 16   dit, cela n'est pas de mon rôle que de retrouver les auteurs individuels.

 17   Q.  Merci. En aucun cas, je ne ferais porter la faute aux réfugiés. Mais le

 18   flot de réfugiés a néanmoins une incidence sur l'état d'esprit et change le

 19   climat. Est-ce que l'atmosphère et le flot des réfugiés qui portent en eux

 20   des récits tragiques, est-ce que vous ne pensez pas que ceci puisse avoir

 21   une incidence sur l'état d'esprit général ? Est-ce que vous êtes d'accord ?

 22   R.  Sans doute.

 23   Q.  Vous venez de parler de vandalisme et des graffitis. Pensez-vous que

 24   c'était l'œuvre des autorités ou est-ce que c'est quelque chose qui a été

 25   fait sur les ordres donnés par eux, ou est-ce que vous pensez simplement

 26   que l'émergence ou la présence de graffitis a quelque chose à voir avec les

 27   autorités ? Je fais référence au paragraphe 42, mais il y en a d'autres où

 28   ceci est mentionné.


Page 22583

  1   R.  J'ai simplement fait remarquer que ces graffitis existaient. Le

  2   vandalisme pouvait être assez important. Par exemple, dans l'église de

  3   Pale, les statues des saints avaient été brisées. La même chose avait pu

  4   être remarquée à Brcko et dans un certain nombre d'autres endroits. Je ne

  5   pense pas que ce soit les autorités qui aient fait cela. Cependant, je

  6   pense que cela relève de la responsabilité des autorités d'empêcher ce

  7   genre de choses et de les sanctionner.

  8   Q.  Merci. Au paragraphe 40, vous évoquez le fait que les décombres aient

  9   été enlevés. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ceci était

 10   conforme aux règles afférant à la protection civile, à savoir que les

 11   gravats liés à la destruction générale en ville devaient être enlevés parce

 12   que des lieux publics devaient être dégagés ?

 13   R.  Je ne vais pas faire de commentaires sur la politique telle qu'elle

 14   aurait dû être. Néanmoins, je me souviens du fait qu'à Bijeljina et à Banja

 15   Luka, dans ces deux localités, j'ai vu des vidéos de la façon dont ceci a

 16   été fait. A Bijeljina, par exemple, on peut voir l'ancienne mosquée en

 17   ville qui est renversée par des bulldozers au moment où cette mosquée

 18   tenait encore relativement bien debout. Donc je ne pense pas qu'il

 19   s'agissait simplement d'une question de sécurité publique. A mon sens, je

 20   pense que c'était une participation active à ces destructions.

 21   Et dans un certain nombre d'endroits, et pas seulement dans ce

 22   village que j'ai évoqué, mais dans des villes importantes, les décombres

 23   des mosquées ont été placées dans les déchargés municipales et enterrées

 24   sous des tonnes de détritus. Encore une fois, si les autorités avaient un

 25   quelconque respect pour ces monuments, ils auraient simplement retiré les

 26   décombres et ils les auraient peut-être conservés quelque part pour pouvoir

 27   reconstruire l'édifice. Je ne peux pas en dire davantage. Je ne peux que me

 28   livrer à des conjectures sur les actions menées par les autorités sur la


Page 22584

  1   base des éléments que j'ai rassemblées.

  2   Q.  Mais lorsque vous parlez du cas d'un bâtiment qui est encore intact,

  3   est-ce que vous ne pensez pas qu'un expert aurait dû, sur l'élément

  4   statique de l'édifice, aurait dû calculer si, oui ou non, cela présentait

  5   un quelconque danger pour le public ? Est-ce que vous ne pensez pas que

  6   c'était à eux d'en décider ?

  7   R.  Je pense que là nous commençons à entrer dans le domaine de la

  8   spéculation. J'ai quelque expérience en matière d'architecture, et la façon

  9   la plus simple, lorsqu'un bâtiment est instable, pour empêcher qu'il ne

 10   puisse faire du mal à quelqu'un, c'est de mettre une clôture autour.

 11   Q.  Et si un bâtiment ne peut pas être reconstruit, est-ce que vous ne

 12   pensez pas que ce serait une raison valable de retirer les gravats ?

 13   R.  Dans bon nombre de cas qui nous intéressent ici, les bâtiments étaient

 14   des monuments classés qui revêtaient une importance historique. Et je pense

 15   que, dans toute administration qui fonctionne normalement, il eût été

 16   considéré normal de conserver ces sites pour pouvoir en envisager une

 17   reconstruction éventuelle.

 18   Q.  Au paragraphe 31, vous parlez des minarets qui avaient été endommagés.

 19   Avez-vous établi ou disposiez-vous d'informations indiquant que les

 20   mosquées, et plus particulièrement les minarets, servaient de lieux pour

 21   les nids de mitrailleuses.

 22   Q.  Je n'ai eu aucun élément d'information à cet effet. Mais lorsque les

 23   minarets étaient encore debout, je regardais très attentivement pour voir

 24   si ces minarets comportaient des traces de balles, ou sur le bâtiment, et

 25   en général on s'attend, s'il y a des combats qui font rage autour du

 26   bâtiment, à ce qu'il y ait des armes de poing qui aient peut-être été

 27   impliquées dans cela. Je ne suis pas un expert militaire, très honnêtement,

 28   mais je pense qu'un minaret ne constituerait pas une bonne position pour


Page 22585

  1   quelqu'un qui dispose d'une mitrailleuse. Parce que l'escalier est assez

  2   étroit et le balcon est très exposé. Je ne peux pas en dire davantage sur

  3   la question.

  4   Q.  Merci. Avez-vous remarqué, et si oui, quel élément en particulier, pour

  5   ce qui est des explosions ? Vous avez dit que dans la plupart des cas, les

  6   engins explosifs avaient été placés à l'intérieur, n'est-ce pas, et que la

  7   déflagration avait lieu à l'intérieur de la mosquée, n'est-ce pas ?

  8   R.  En réalité, je n'ai pas dit cela. J'ai dit que les engins explosifs

  9   avaient été placés à l'intérieur de l'escalier du minaret, la cage

 10   d'escalier, et non pas à l'intérieur de la mosquée. Et je suis certain

 11   qu'il y a des cas où des mosquées étaient plastiquées à l'aide d'engins

 12   explosifs placés à l'intérieur, mais dans la plupart des cas, lorsque vous

 13   avez un bâtiment comme une mosquée, on regarde d'abord où les premiers tirs

 14   ont été lancés, et ensuite on regarde les traces d'explosion au niveau des

 15   murs. Ça n'est pas la même chose que le fait de faire exploser les

 16   minarets. Parce que, très souvent, les minarets tombaient de telle façon

 17   qu'ils tombaient de l'autre côté de la mosquée et fracassaient le toit et

 18   le mur. J'ai un certain nombre d'exemples pour illustrer cela. Et je crois

 19   que l'idée était de détruire la mosquée. Ce n'était pas accidentel et ce

 20   n'était pas une coïncidence non plus.

 21   Q.  Je vous pose cette question parce que nous faisons valoir, en nous

 22   fondant sur les éléments qui nous ont été communiqués, que certaines

 23   mosquées contenaient des armes et des engins explosifs et que ces mosquées

 24   ont été détruites en conséquence. Et dans certains cas, les dégâts étaient

 25   très importants, et les structures contiguës ont été touchées également.

 26   Est-ce que vous avez pu remarquer quelque chose comme cela ?

 27   R.  Encore une fois, c'est une question en deux parties. Pour ce qui est de

 28   la première partie, à savoir que ces mosquées contenaient des armes et des


Page 22586

  1   engins explosifs, je n'ai pas vu d'élément ou de preuve de cela, et aucun

  2   récit corroboré ne m'a été rapporté sur ce fait. En tout cas, je n'étais

  3   pas en mesure d'enquêter dessus.

  4   Et pour ce qui est des dégâts très conséquents infligés aux structures

  5   contiguës, un exemple que j'ai à donner, c'est quelque chose que j'ai

  6   montré aujourd'hui, la mosquée Aladza à Foca, où, en 1996, les bâtiments

  7   qui étaient autour présentaient des signes de d'endommagement dus à

  8   l'explosion. Mais la mosquée d'Aladza à Foca a été détruite quelques mois

  9   après la prise de contrôle de Foca par la VRS, et donc cela m'étonnerait de

 10   constater qu'il y avait encore des Musulmans qui auraient caché des armes

 11   dans la mosquée dans cette ville, parce que cette ville était déjà sous le

 12   contrôle de leurs adversaires de la partie adverse.

 13   Q.  Mon point de vue est quelque peu différent lorsqu'il s'agit de la

 14   portée de l'explosion. Par exemple, l'église catholique de Doboj,

 15   lorsqu'elle a été détruite, un certain nombre de structures aux alentours

 16   de bâtiments ont été détruites en même temps ?

 17   R.  Je sais que l'église catholique de Doboj a été détruite par une

 18   explosion. Et lorsque je me suis rendu à Doboj en 2002, aucun dégât ne

 19   pouvait être constaté au niveau des maisons voisines, mais je ne peux pas

 20   exclure que ceci n'ait pas été le cas. Je me suis entretenu avec le prêtre

 21   de la paroisse qui m'a relaté la façon dont l'église avait été détruite.

 22   Q.  Moi, je fais valoir, et c'est ma thèse, Monsieur Riedlmayer, que ceci a

 23   été l'œuvre de personnes qui n'étaient pas des professionnels, qui ont posé

 24   des engins explosifs de façon non professionnelle. Parce que des

 25   professionnels auraient agi différemment, ne pensez-vous pas ?

 26   R.  Il y a beaucoup de suppositions qui sont faites ici, Monsieur. J'ai

 27   entendu des récits de destruction ailleurs qui avaient été l'œuvre de

 28   professionnels. Par exemple, les mosquées de Banja Luka. Toutes les


Page 22587

  1   mosquées ont été détruites dans ce secteur au moment du couvre-feu. Et

  2   d'après un récit d'un informateur, la mosquée Ferhadija de Banja Luka a été

  3   anéantie avant d'être détruite, et les résidents des bâtiments voisins ont

  4   eu des consignes, ils devaient ouvrir leurs fenêtres de façon à ce que les

  5   fenêtres ou les vitres ne se cassent pas. Il me semble que c'est assez

  6   professionnel comme manière de faire.

  7   Q.  Connaissez-vous un seul bâtiment qui ait été détruit pendant la journée

  8   par des professionnels ? Avez-vous entendu parler de professionnels qui se

  9   seraient vantés d'avoir détruit de tels bâtiments, ou est-ce que tout ceci

 10   s'est fait dans la clandestinité et la nuit ?

 11   R.  A l'exception d'un petit nombre de cas, j'ai les dates de destruction,

 12   mais je n'ai pas l'heure du jour. C'est tout ce que je peux dire par

 13   rapport à votre question.

 14   Q.  Avez-vous entendu parler de quelqu'un qui s'en serait vanté ou qui en

 15   serait fier, ou est-ce que ceci s'est fait de façon 

 16   cachée ?

 17   R.  J'ai lu un entretien assez long publié dans le magazine "Salam" de

 18   quelqu'un qui prétendait avoir fait partie de l'équipe qui avait détruit la

 19   mosquée de Prijedor. Ils ont décrit la manière dont ils sont arrivés avec

 20   leurs outils et ils ont dit qu'ils avaient un système d'annonce publique.

 21   Ils ont annoncé Black Sabbath publiquement sur leur système d'annonce. Ils

 22   ont tout sorti, et tout ce qui pouvait être enlevé a été retiré avant sa

 23   destruction. Il avait l'air d'être assez fier de cela.

 24   C'était quelque chose que je n'ai pas inclus dans mon rapport parce que

 25   c'était quelqu'un qui avait un pseudonyme, et parce que le bâtiment n'avait

 26   pas été détruit, et parce que cela n'était pas sur la liste des monuments

 27   que l'on m'a demandé d'étudier. Mais puisque vous posez la question…

 28   Q.  Mais le héros a utilisé un pseudonyme, n'est-ce pas ?


Page 22588

  1   R.  Oui, tout à fait.

  2   Q.  Je suis un peu perplexe par rapport aux statistiques que vous avancez.

  3   Par exemple, vous parlez de 200 ou je ne sais pas combien, 107 ont été

  4   endommagées, et un pourcentage très élevé est mentionné. Je cherche

  5   l'endroit en question. Vous en souvenez-vous, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vous ai posé une question à propos des statistiques pour la raison

  8   suivante : avez-vous analysé ces 107 mosquées ? A ce moment-là, vous auriez

  9   réalisé un pourcentage de 100 % ? N'est-ce pas inhabituel de dire que sur

 10   tel et tel nombre des mosquées faisant partie de l'étude, le pourcentage

 11   est élevé ? Et le pourcentage aurait été encore plus élevé, à savoir 100 %,

 12   si vous n'aviez étudié que ces 107 mosquées ?

 13   R.  Je ne comprends pas où vous voulez en venir, Monsieur.

 14   Q.  Moi, je ne sais pas. Vous dites que 107 mosquées ont été détruites et

 15   qu'il y a un pourcentage beaucoup plus important qui a fait l'objet

 16   d'études, mais par rapport à quoi ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons voir le passage.

 18   Madame Sutherland.

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, j'allais justement demander la

 20   citation exacte.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi. Je vais la retrouver. Le témoin

 22   sait de quoi je parle, mais je vais retrouver ceci.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Paragraphe 26 pour la version anglaise.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Là où vous faites référence à un total

 25   de 266 mosquées; c'est cela ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et vous dites que sur ces 266 mosquées,

 28   125 ont été lourdement endommagées; c'est cela ?


Page 22589

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est le paragraphe auquel vous faites

  3   référence, Monsieur Karadzic ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, mais c'est une référence que l'on trouve à

  5   plusieurs endroits, me semble-t-il.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Sur 120, 107 étaient endommagées. Mais dans ce paragraphe, il est

  8   indiqué que sur un nombre X de mosquées inspectées -- est-ce que vous

  9   acceptez que le nombre de mosquées inspectées est variable et qu'il est

 10   assez difficile de dégager une conclusion de ce fait ?

 11   R.  Monsieur, si vous lisez mon rapport avec attention, vous verrez que je

 12   dis dans un paragraphe précédent - et je m'excuse, parce que là je n'ai pas

 13   le numéro du paragraphe - mais je dis que dans la plupart des municipalités

 14   où nous nous sommes rendus, et je dis "nous" parce que j'étais accompagné

 15   d'un chauffeur, j'ai pu étudier la plupart des sites dans toutes les

 16   municipalités, j'ai pu m'entretenir avec le conseil local de la communauté

 17   islamique ou le prêtre de la paroisse qui m'ont fourni une liste des lieux

 18   de culte dans leur zone et qui ont tous, d'ailleurs, proposé de me servir

 19   de guide.

 20   S'il y a des mosquées intactes que je n'ai pas vues, je serais le

 21   premier à être ravi d'en entendre parler, mais ceci étant dit, je ne pense

 22   pas qu'il en existe.

 23   Q.  Bien. Au paragraphe 14, vous dites que vous vous êtes rendu dans 49 %

 24   des localités, et vous donnez un pourcentage de 51 %, et ce, d'après

 25   d'autres informations qui vous ont été données; c'est cela ?

 26   R.  Oui, c'est exact.

 27   Q.  Est-ce que vous aviez un guide serbe qui pouvait également vous fournir

 28   des renseignements, ou est-ce que vous avez obtenu tous vos renseignements


Page 22590

  1   de la part des communautés religieuses qui avaient été touchées ?

  2   R.  Non, non. J'ai obtenu des renseignements d'une grande multitude de

  3   sources. Par exemple, de l'institut pour la protection des monuments. Pour

  4   ce qui est des sources serbes, je vous dirais que dans un certain nombre de

  5   municipalités, je me suis efforcé d'obtenir des renseignements ou les

  6   extraits du cadastre pour bien m'assurer que le site sur lequel on m'avait

  7   emmené correspondait à une église ou à une mosquée. Je n'ai pas entièrement

  8   et seulement été tributaire des communautés religieuses. Toutefois, étant

  9   donné qu'ils étaient quand même les parties intéressées essentiellement,

 10   ils ont été une source qui a été utilisée, bien entendu.

 11   Q.  Bien. Au paragraphe 22, vous allez même jusqu'à mentionner la période

 12   englobée par l'acte d'accusation, et vous dites qu'il n'y aucune mosquée

 13   qui a survécu à la guerre. Vous dites que 15 mosquées, à savoir 5 % du

 14   total des mosquées, ont été évaluées comme étant légèrement endommagées.

 15   Est-ce que c'est à dessein que vous faites référence à la période comprise

 16   ou englobée par l'acte d'accusation ou est-ce que c'est un lapsus de votre

 17   part ?

 18   R.  Non, non. La période de l'acte d'accusation faisait partie du mandat

 19   qui m'avait été octroyé. Et comme je vous l'ai déjà indiqué un peu plus

 20   tôt, j'ai fait des efforts pour exclure les bâtiments qui avaient été

 21   endommagés soit avant, soit après la guerre. Mais la période à prendre en

 22   considération est la période de la guerre.

 23   Q.  Merci. Au paragraphe 23, vous déclarez que les mosquées qui ont des

 24   minarets sont visibles de très loin. Est-ce que vous êtes en mesure de nous

 25   dire si dans d'autres lieux, d'autres bâtiments, tels que des écoles

 26   coraniques ou des écoles théologiques islamiques, sont visibles également,

 27   même s'ils n'ont pas ces caractéristiques extérieures visibles ? Est-ce

 28   qu'il est difficile de les reconnaître et de la classer par rapport à leur


Page 22591

  1   objectif, tout comme les mosquées ayant des minarets ?

  2   R.  Monsieur, comme je l'ai indiqué dans mon rapport, les "mektebs", les

  3   écoles coraniques et les écoles théologiques islamiques n'ont pas de

  4   minaret. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, elles ont été moins

  5   détruites en règle générale, et je suppose que c'est parce qu'il est plus

  6   difficile de les identifier de l'extérieur. Et lorsqu'elles ont été

  7   détruites, je suppose qu'elles ont été détruites soit parce que les gens y

  8   sont entrés, soit parce que les gens du coin savaient ce qu'elles étaient.

  9   Mais je ne voudrais surtout pas me livrer à des conjectures. Je cite des

 10   exemples d'un certain nombre de ces édifices. Ils se trouvent d'ailleurs

 11   dans ma base de données, et vous pouvez tout à fait citer des références et

 12   nous pouvons en parler.

 13   Q.  Bien. Au paragraphe 31, vous dites qu'il a été dit fréquemment que

 14   toutes les mosquées qui se trouvaient sur le territoire et qui avaient été

 15   contrôlées par les forces serbes de Bosnie pendant la guerre avaient été

 16   complètement détruites, ce qui n'est pas tout à fait exact. Vous donnez le

 17   nom de municipalités où les bâtiments n'ont pas été détruits. Nous pouvons

 18   donc supposer, puisqu'il s'agit de politique de l'Etat, que dans ces

 19   municipalités la population n'a pas obéi aux autorités centrales, ou peut-

 20   être qu'alors il ne s'agissait absolument pas d'une politique de l'Etat ?

 21   R.  Une fois de plus, je ne veux surtout pas me livrer à des conjectures à

 22   propos des mobiles ou des motivations, mais j'aimerais corriger quelque

 23   chose dans la question que vous m'avez posée.

 24   Au paragraphe 31, j'essaie de faire comprendre quelque chose,

 25   j'essaie d'indiquer que tout n'a pas été rasé, que tout n'a pas été nivelé.

 26   Lorsque l'on dit "raser complètement" en anglais, cela signifie que non

 27   seulement le bâtiment a été rasé, mais qu'il est absolument entièrement

 28   détruit, qu'il n'en reste plus rien. Il y a eu beaucoup d'utilisation


Page 22592

  1   d'hyperboles, en quelque sorte. Après la guerre, les gens avaient tendance

  2   à exagérer la portée de la destruction. Et très souvent, dans les petits

  3   villages, dans les petites localités, les mosquées avaient été complètement

  4   détruites, anéanties et rasées -- ou plutôt, cela n'était pas si fréquent

  5   dans les petits villages. Cela s'est passé plutôt dans les grandes

  6   agglomérations. Et le seul endroit où j'ai remarqué qu'il y avait eu une

  7   tentative faite pour détruire une mosquée, c'était à Mrkonjic Grad, à

  8   Baljvine.

  9   Q.  Je vous remercie. Mais la mosquée à Pale, elle n'a pas été détruite non

 10   plus ?

 11   R.  Je n'ai pas accès à ma base de données. Je pense que ce fut

 12   effectivement un édifice qui a été légèrement endommagé. Il y a eu des

 13   actes de vandalisme, mais non pas des actes de destruction.

 14   Q.  Merci. Vous avez mentionné aujourd'hui Novoseoci. Est-ce que vous savez

 15   quand sont morts les hommes de Novoseoci ?

 16   R.  Ecoutez, je ne sais pas quand est-ce qu'ils sont morts, quand est-ce

 17   qu'ils ont été tués, mais je pense -- enfin, je l'ai lu, j'ai lu un

 18   témoignage, et je l'indique dans une note en bas de page, soit pour

 19   l'affaire Krajisnik ou l'affaire Brdjanin, probablement pour l'affaire

 20   Krajisnik d'ailleurs, ils avaient été vus en vie pour la dernière fois en

 21   septembre 1992. Ecoutez, Madame, Messieurs les Juges, vous avez peut-être

 22   déjà entendu des témoignages à ce sujet, donc ce n'est pas la peine que

 23   j'essaie de résumer ce qui s'est passé. Mais je me souviens que l'on a

 24   séparé les femmes des hommes. Les femmes ont dû marcher, enfin franchir la

 25   ligne de confrontation en direction de Sarajevo, et puis les hommes n'ont

 26   plus jamais été revus jusqu'à ce que leurs corps aient été découverts en

 27   dessous des gravats de la mosquée, donc dans le dépotoir à Ivan Polje.

 28   Q.  Mais vous avez également utilisé des comptes rendus d'audience, n'est-


Page 22593

  1   ce pas, lorsque vous avez rédigé votre rapport ?

  2   R.  Oui. Oui, oui, j'ai fait référence dans plusieurs paragraphes à des

  3   comptes rendus d'audience. Je ne les ai pas beaucoup utilisés, mais j'y ai

  4   fait référence lorsque cela était pertinent pour parler d'un monument ou

  5   d'un bâtiment précis tel que, par exemple, dans le cas de Novoseoci.

  6   Q.  Et c'est l'Accusation qui vous a remis ces comptes rendus d'audience ?

  7   R.  Non, personne ne m'a remis les comptes rendus d'audience. J'ai fait ce

  8   que le public peut faire en règle générale. Je suis allé sur le site du

  9   Tribunal et j'ai utilisé le moteur de recherche du Tribunal, comme tout un

 10   chacun peut le faire.

 11   Q.  Merci. Est-ce que vous vous souvenez des témoins dont vous avez utilisé

 12   les comptes rendus d'audience comme source 

 13   d'information ?

 14   R.  Non. J me suis contenté de consigner le passage en question. Je ne me

 15   souviens plus des noms.

 16   Q.  Est-ce que vous vous souvenez des municipalités auxquelles il était

 17   fait référence dans les comptes rendus d'audience ?

 18   R.  Eh bien, il y a un exemple dont je me souviens, Novoseoci, mais il se

 19   peut qu'il y en ait d'autres. Novoseoci, qui se trouve dans la municipalité

 20   de Sokolac.

 21   Q.  Merci. Au paragraphe 55, vous faites référence à la bibliothèque de la

 22   vieille mosquée de Janja et vous dites que cela a été détruit. Mais est-ce

 23   que vous savez que pendant toute la guerre, Janja n'a été habitée que par

 24   des Musulmans, qui y résident toujours d'ailleurs ?

 25   R.  Ecoutez, je me suis rendu à Janja et j'ai parlé à la population là-bas,

 26   ce qui explique ce que je sais à propos des manuscrits qui y ont été

 27   détruits lorsque les bulldozers sont passés sur la mosquée.

 28   Et j'ai également entendu de la part des personnes avec qui je me


Page 22594

  1   suis entretenu, et j'ai également lu cela dans des articles de presse,

  2   qu'il y a eu des expulsions de la ville de Janja pendant la guerre. Je me

  3   souviens que dans ma base de données il y a trois entrées qui concernent

  4   Janja : la vieille mosquée de Janja, la nouvelle mosquée de Janja et les

  5   archives dans la bibliothèque de la communauté islamique de Janja. Tout

  6   cela a été détruit. Et je dispose de nombreuses photographies. Il y a

  7   d'ailleurs une photographie qui a été prise alors que la vieille mosquée

  8   était détruite par les bulldozers. Voilà, cela nous a permis de déterminer

  9   quand est-ce que cela a été fait puisqu'il y avait une date sur la

 10   photographie en question.

 11   Il y avait également à Janja des ouvrages qui avaient été publiés et une

 12   étude qui a été faite sur les manuscrits avant la guerre.

 13   Q.  Bien. Nous allons compléter cela avec d'autres éléments. Dans le même

 14   paragraphe, vous parlez de Kula Grad à Zvornik. Savez-vous que Kula Grad

 15   était entre les mains des Musulmans pendant longtemps, qu'ils ont converti

 16   cela en ligne de front, qu'ils ont tiré à partir de là, et ils auraient pu,

 17   et peut-être même qu'ils l'ont fait, évacuer tout ce qu'ils souhaitaient

 18   évacuer ?

 19   R.  Je sais qu'après la chute de Zvornik il y avait une résistance à Kula

 20   Grad. Je ne suis pas au courant des événements historiques du conflit dans

 21   ce secteur, et je ne sais pas ce qui a été évacué.

 22   Mais ce que je peux dire et ce dont je peux parler, c'est trois

 23   monuments qui se trouvent à Kula Grad. Il y avait un monument qui

 24   correspondait à celui que vous avez cité, le lieu de pèlerinage de Hasan

 25   Kaimija, et -- que j'ai visité. J'ai un grand nombre de photographies

 26   portant sur la période d'avant et d'après la destruction, avant la

 27   destruction et la période de reconstruction. Et le deuxième monument de

 28   Kula Grad était la mosquée de Kula Grad, dont il ne restait que très peu


Page 22595

  1   d'éléments. Parce que ceci a été détruit par une explosion. Et la troisième

  2   est la mosquée d'Avdo Tuhcic, qui se trouvait sur une colline derrière Kula

  3   Grad. Cette mosquée-là a été fortement endommagée pendant la guerre

  4   également et a été reconstruite par la suite. Et c'est ce dont je peux

  5   parler avec précision. Je ne peux pas parler du type de combat qu'il y a eu

  6   dans cette région. Mon rapport ne porte pas là-dessus.

  7   R.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions regarder le 1D1606,

  9   rapidement.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Qui vous a parlé de Kula Grad ? Qui a été votre guide ?

 12   R.  Alors, mon guide à Kula Grad étai, me semble-t-il, l'imam en chef

 13   de Zvornik.

 14   Q.  Il ne vous a pas informé du fait qu'il y avait une église

 15   orthodoxe à cet endroit-là et qu'elle n'y était plus, et il ne vous a pas

 16   dit que Zvornik porte le nom de l'église, et plus précisément du clocher de

 17   l'église ?

 18   R.  Je connais cette histoire parce que Branko Grujic, qui était le

 19   maire pendant la guerre de Zvornik, a donné de longs entretiens, et il a

 20   parlé de l'église orthodoxe médiévale qui prétendument était érigée dans la

 21   citadelle et il souhaitait la voir reconstruite.

 22   Lorsque j'ai visité la citadelle, on voyait déjà le début d'une

 23   reconstruction. On voyait un clocher, mais l'église orthodoxe n'a pas été

 24   détruite au cours de cette guerre-là. L'église orthodoxe avait disparu bien

 25   des siècles avant cette date. Donc je ne vois pas en quoi ceci serait

 26   pertinent dans mon rapport.

 27   Q.  Monsieur Riedlmayer, cette église a été reconstruite à plusieurs

 28   reprises et souvent détruite. Quelqu'un vous a-t-il parlé de cela ?


Page 22596

  1   R.  Je ne connais pas en fait l'historique de ce bâtiment dans le

  2   détail, mais je sais que cette église n'existait pas à la fin du XXe

  3   siècle.

  4   Q.  Merci. Pourriez-vous, s'il vous plaît, regarder ce document

  5   maintenant qui évoque des actions de combat depuis la citadelle de Zvornik

  6   et où une demande est faite aux fins de tirer sur Kula parce qu'il y avait

  7   des attaques et il y avait des tirs qui provenaient de Kula et il était

  8   nécessaire de neutraliser ces tirs ?

  9   R.  Madame, Messieurs les Juges, Kula Grad est en réalité l'ancienne

 10   citadelle turque qui se trouve au-dessus de Zvornik. Zvornik se trouve le

 11   long de la rive de la Drina et remonte la colline d'un côté, et l'ancienne

 12   forteresse, qui est en ruine, se trouve sur une montagne et surplombe cela.

 13   Donc c'est vrai qu'il s'agit d'une position de défense naturelle. J'en

 14   conviens.

 15   Mais les dégâts provoqués, en tout cas la mosquée qui a été plastiquée, et

 16   le dégât provoqué au niveau du lieu de culte ou de pèlerinage de Hasan

 17   Haimija avaient l'air très conséquents. Je n'avais pas l'impression qu'il

 18   s'agissait d'un effet de tir croisé.

 19   Q.  Mais vous n'êtes pas un expert militaire, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je ne prétends pas l'être.

 21   Q.  Merci. Au paragraphe 54, ici, vous parlez de M. Besic, vous parlez de

 22   sa carte, et ce qui m'intéresse, c'est de savoir si vous vous êtes penché

 23   sur ces aspects-là de notre guerre civile, à savoir les hostilités dirigées

 24   contre les symboles religieux, ou est-ce que vous cherchiez simplement des

 25   preuves de la culpabilité serbe ?

 26   R.  Alors, très exactement quelle était votre question ? Comment la

 27   destruction d'édifices religieux constitue-t-elle une catégorie à part, par

 28   opposition à la catégorie de symboles 


Page 22597

  1   religieux ? Je ne sais pas très bien où vous voulez en venir.

  2   Q.  Ma question porte sur ceci : avez-vous enquêté ou avez-vous analysé ces

  3   aspects-là de notre guerre civile, ou cherchiez-vous simplement des preuves

  4   de la culpabilité serbe ?

  5   R.  Eh bien, je pense que nous avons déjà couvert ce domaine. J'ai parlé de

  6   mon cahier des charges par rapport à mon étude, j'ai dit que ceci portait

  7   sur la destruction de lieux culturels non serbes, édifices culturels.

  8   Néanmoins, sur un plan purement professionnel et en tant que chercheur, ce

  9   qui est advenu du patrimoine culturel de toutes les communautés en Bosnie-

 10   Herzégovine m'intéressait. Et je sais que je n'ai pas fait d'études sur le

 11   terrain pour le Tribunal sur ces questions-là parce qu'on ne m'a pas

 12   demandé de le faire.

 13   Q.  Avez-vous rédigé des articles sur les dégâts au niveau du patrimoine

 14   culturel et religieux serbe accessoirement ? N'avez-vous jamais publié

 15   quelque chose sur la question ?

 16   R.  Oui, j'ai rédigé un article sur Zitomislic et qui portait sur le

 17   patrimoine serbe au Kosovo, et non pas en Bosnie. J'ai publié un certain

 18   nombre d'articles là-dessus. Je n'ai pas encore publié quelque chose de

 19   plus détaillé sur les dégâts provoqués au niveau du patrimoine culturel

 20   serbe en Bosnie, mais j'ai l'intention d'inclure ceci dans une description

 21   plus générale de dégâts provoqués pendant la guerre, qui est quelque chose

 22   que je mettrais peut-être sur un site internet ou peut-être un article,

 23   voire même un livre.

 24   Q.  Merci. Je pense que je sème peut-être la confusion parce que j'ai un

 25   autre document. Mais ce qui m'intéresse, c'est de savoir si vous maintenez

 26   l'affirmation, ou si vous la rejetez, que des monuments revêtant une

 27   importance historique et culturelle très importante avaient été pris pour

 28   cibles pour être détruits ? Est-ce quelque chose que vous avez établi, est-


Page 22598

  1   ce qu'il était de l'intention d'aucuns de détruire ces édifices ?

  2   R.  Eh bien, les principaux monuments, ceux qui ont été pris pour cible et

  3   qui devaient être protégés au plan juridique en vertu des lois en ex-

  4   Yougoslavie, ont été davantage endommagés. Alors, je ne sais pas si ceci

  5   peut évoquer une quelconque intention ou autre chose, de toute façon je

  6   m'en remets aux Juges de la Chambre pour déterminer la question, mais il

  7   s'agit en tout cas d'un fait réel. Et il n'y avait pas de sites de

  8   patrimoine culturel en Bosnie avant la guerre. Un site a été ajouté à la

  9   liste faisant partie du patrimoine culturel, il y a maintenant le pont de

 10   Mostar. Il y avait des sites très importants qui ont été détruits, comme la

 11   mosquée d'Aladza, qui apparemment devait figurer sur la liste du patrimoine

 12   culturel de l'UNESCO. Et il y a eu des pertes innombrables sur le plan

 13   culturel, non seulement au niveau des communautés locales, mais des

 14   bâtiments qui revêtaient d'une importance historique et culturelle capitale

 15   ont été très fortement endommagés, et ce, de façon non proportionnée par

 16   rapport à ce qui se passait.

 17   Q.  Avez-vous une explication à fournir ? Par exemple, est-ce que vous

 18   pensez que les bâtiments les plus anciens se trouvent dans les zones

 19   urbanisées, plus denses, où l'antagonisme se fait plus présent ?

 20   R.  Ecoutez, je n'en suis pas sûr. J'ai donné un exemple où un tel

 21   bâtiment, la mosquée de Kuslat, qui se trouvait très loin de tout, d'une

 22   zone urbanisée, et qui était toute seule. Et la mosquée d'Ustikolina, par

 23   exemple, qui se trouve dans un tout petit village et qui était censée être

 24   la mosquée la plus ancienne de Bosnie, qui a été complètement détruite. Et

 25   je pense que si on devait se livrer à des conjectures sur des explications

 26   à fournir et pourquoi ces édifices-là ont davantage attiré l'attention, eh

 27   bien, parce que c'étaient des édifices qui étaient plus connus tout

 28   simplement et, par conséquent, qui présentaient un plus grand attrait, dans


Page 22599

  1   le mauvais sens du terme.

  2   Q.  Et la mosquée d'Ustikolina, vous dites que c'est la plus ancienne,

  3   quand cette mosquée a-t-elle été construite ?

  4   R.  A l'origine, à la fin du XVe siècle. 1449 est la date qui est citée,

  5   mais je pense que l'ouvrage que nous avons aujourd'hui a été érigé plus

  6   tard. Il a été réparé à plusieurs reprises au cours de l'histoire. Les

  7   éléments les plus vulnérables des mosquées sont les minarets, qui peuvent

  8   être touchés par l'éclair ou endommagés par ailleurs, et donc ce sont en

  9   général les éléments qui sont le plus souvent remplacés. J'ai vu une image

 10   de la mosquée datant du XIXe siècle où la mosquée avait un minaret assez

 11   petit en bois, et par la suite un minaret en pierre a été reconstruit.

 12   Donc tous ces bâtiments qui sont utilisés sont des structures vivantes, et

 13   je crois que ce que l'on peut dire, c'est qu'on connaît la date de la

 14   construction de l'édifice, mais on ne sait pas si l'ensemble du bâtiment

 15   correspond effectivement à cette date-là.

 16   Q.  Merci. Je pose la question parce qu'au paragraphe 27, une réponse s'est

 17   glissée. En fait, on parle du début de XIVe siècle, au début des années --

 18   oui.

 19   R.  A quel endroit ?

 20   Q.  Au paragraphe 27 : 46 % des 281 mosquées faisant l'objet de l'étude

 21   remontaient à l'époque ottomane, au début du XIVe siècle --

 22   R.  Ceci fait référence à l'ère ottomane, et non pas à l'ère des premières

 23   mosquées. Les Ottomans sont entrés en Bosnie dans les premières décennies

 24   des années 1400.

 25   Q.  Vous souvenez-vous de l'année ?

 26   R.  A différentes époques, à différentes dates, 1420, 1430, il y a eu une

 27   guerre civile contre les nobles de Bosnie, et ensuite ils ont occupé une

 28   partie de la vallée de la Drina. La dernière région à succomber aux


Page 22600

  1   Ottomans était dans le secteur nord-ouest, autour de Bihac, et ceci, un

  2   siècle après l'arrivée des Turcs.

  3   Q.  Merci. L'époque des incursions est une époque qui est différente de

  4   celle où la Bosnie a été placée sous le contrôle turc ?

  5   R.  Il y avait déjà des administrations turques en Bosnie à la fin du XVe

  6   siècle. Ils n'ont pas attendu la chute de Bihac pour établir le

  7   gouvernement ottoman en Bosnie. Tout ce que je dis, c'est que la Bosnie

  8   n'est pas tombée d'un coup. Elle est tombée à des moments différents.

  9   Q.  Merci. Saviez-vous -- ou connaissiez-vous l'attitude des autorités à

 10   cet égard, à l'égard de la destruction des édifices, quels que soient les

 11   édifices, qui se trouvaient dans des régions en dehors des zones de combat

 12   ? Etiez-vous au courant d'ordres sur la poursuite des auteurs de ces actes

 13   ?

 14   R.  Je suis au courant de l'existence d'un ordre qui d'ailleurs a été

 15   réimprimé, il s'agit en fait d'un ouvrage intitulé "Ma défense",  qui a été

 16   publié alors qu'il était encore en fuite. Il remonte au mois de mai 1993,

 17   cet ouvrage, et il a été présenté par M. Milosevic pendant son procès. Je

 18   suis informé de l'existence de cet ouvrage.

 19   Je ne suis pas au courant de poursuites de personnes responsables de

 20   la destruction de mosquées ou d'églises catholiques. Ceci étant dit, vous

 21   pouvez toujours éclairer ma lanterne.

 22   Q.  Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] D106, est-ce que nous pourrions rapidement

 24   examiner ce document.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  J'aimerais entre-temps vous poser une question, car vous dites que les

 27   autorités serbes ont construit une église à Divic. Mais est-ce que vous

 28   conviendrez que ce ne sont pas les autorités qui construisent des églises;


Page 22601

  1   ce sont les croyants qui construisent des églises ?

  2   R.  Les croyants, eux, ils construisent des églises à condition d'avoir des

  3   permis ou des autorisations de la part des autorités. Ils ne peuvent pas

  4   d'ailleurs construire sur un terrain qui ne leur appartient pas. Qui plus

  5   est, pour ce qui est de ce cas d'espèce, je pense que la communauté

  6   islamique a poursuivi en justice les autorités et il a été décidé que les

  7   autorités étaient fautives. Ce fut la décision prise par la chambre

  8   responsable pour les droits de l'homme. Après, il a fallu attendre des

  9   années pour que cela devienne une réalité.

 10   Q.  Mais est-ce qu'il s'agit du document auquel vous avez fait référence

 11   lorsque j'ai donné l'ordre de renforcer la patrouille et de faire en sorte

 12   que les lieux de culte soient protégés ? Et cela, d'ailleurs, en l'année

 13   1993, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, oui. Oui, oui, tout à fait. C'est un document du 12 mai 1993.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] D1736, je vous prie.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Voyez la façon dont les autorités locales de Kljuc condamnent dans un

 18   communiqué à la radio les actes commis et mentionnent une enquête portant

 19   sur les auteurs de ces actes, à savoir le fait d'avoir détruit la mosquée,

 20   et vous voyez quand elle a été détruite, à 3 heures 05 du matin ?

 21   R.  Y a-t-il une date indiquée ?

 22   Q.  Je pense que ceci correspond à 1992. Je ne vois pas de date. Le 1er

 23   juillet 1992.

 24   R.  Merci. Alors, concernant le document du 12 mai, je crois qu'il faut

 25   relever qu'à l'époque où ce document a été émis, il a été, -- juste après

 26   la destruction des principales mosquées du centre de Banja Luka, la

 27   Ferhadija et l'Arnaudija, vers le 8 mai. Ce dont je me souviens, encore une

 28   fois à partir du procès Milosevic, c'est le fait que concernant Banja Luka,


Page 22602

  1   un ordre a pu être émis, mais à l'époque il y avait d'autres mosquées

  2   encore intactes à Banja Luka, et au cours des mois suivants, elles ont été

  3   une à une détruites. Au mois de décembre, il n'y en avait plus une

  4   subsistant à Banja Luka. Je m'interroge quant à l'efficacité d'un tel

  5   ordre.

  6   Q.  Moi aussi, je m'interroge. Mais est-ce que vous vous rappelez que

  7   j'avais qualifié ceci d'acte de terrorisme et que j'avais demandé que l'on

  8   traite cela de façon identique à des actes de terrorisme ?

  9   R.  Je crois que l'ordre se passe de commentaires. Je n'ai pas besoin de

 10   commenter ceci.

 11   Q.  Merci.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document 17581

 13   de la liste 65 ter.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Voyez ce document. C'est le général Talic, commandant du 1er Corps de

 16   Krajina, secret militaire, à traiter comme un document confidentiel. A la

 17   date du 23 juin, il donne l'ordre de sécuriser les lieux de culte et de les

 18   protéger contre les actes de profanation. Concernant les activités de

 19   combat, il indique qu'il n'est permis d'ouvrir le feu en direction de ces

 20   lieux du culte seulement si des tirs en proviennent. Il interdit les

 21   mauvais traitements infligés aux ministres du culte, et cetera. Est-ce que

 22   vous seriez d'accord pour dire qu'il s'agit là d'un exemple de mesures

 23   appropriées prises par le commandant de corps ?

 24   R.  A mon avis, ceci est un type d'ordre susceptible d'être émis par un

 25   commandant responsable, en effet.

 26   Q.  Merci.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous aviez l'intention de


Page 22603

  1   demander le versement de l'ordre du général Jankovic --

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que ceci a déjà été versé sous la cote

  3   D106.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non. Je me référais à 1D1606, concernant

  5   Kula Grad, qui était un de vos documents.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je pensais que ceci avait été versé.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je dois me tourner vers le greffe dans

  8   ce cas.

  9   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est D1606.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons verser au dossier ce

 12   document du 1er Corps de Krajina.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il reçoit la côte D1979, Madame,

 14   Monsieur les Juges.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Peut-on maintenant examiner le document

 16   numéro 17848 de la liste 65 ter. Juste avant cela, peut-on afficher la page

 17   suivante du document qui est à l'écran afin de vérifier quels sont tous les

 18   destinataires du document. Est-ce qu'on peut l'afficher ? Bon, tant pis.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Voyez ceci maintenant. A la date du 3 août, nous avons un nouvel

 21   avertissement portant sur l'interdiction de détruire les édifices du culte.

 22   Tous les commandants d'unités se voient ici avertir qu'il convient pour eux

 23   d'empêcher des actes aussi inappropriés. Il dit également, je cite :

 24   "La non-exécution de mon ordre sera considérée comme une infraction

 25   au pénal, et c'est ainsi qu'on procédera à l'avenir."

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la page suivante

 27   pour vérifier quelle est la liste de tous les destinataires de ce document

 28   émis à la date du 3 août.


Page 22604

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Cela a été envoyé à chaque unité. En première page, il est dit :

  3   "Secret militaire, strictement confidentiel, à conserver sans limitation de

  4   durée." Il ne s'agit pas d'un acte de propagande, il s'agit d'un document

  5   strictement confidentiel.

  6   Manifestement, son premier ordre du 23 juin n'a pas porté ses fruits.

  7   Ou plutôt, Monsieur Riedlmayer, conviendrez-vous qu'un édifice du culte

  8   peut également être détruit par quelqu'un qui n'est pas membre de l'armée

  9   et que le général Talic n'a, dans ce cas-là, aucune compétence concernant

 10   des personnes qui ne sont pas placées sous son commandement ?

 11   R.  Encore une fois, c'est une double question que vous me posez.

 12   Certainement, quelqu'un qui n'appartient pas aux forces armées peut

 13   également détruire un édifice du culte. Quant à une limitation de la

 14   responsabilité de commandement du général Talic, c'est une question sur

 15   laquelle je ne peux pas me prononcer et que je ne peux que laisser à la

 16   prestation des Juges.

 17   Q.  Merci.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il reçoit la cote D1980.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  C'est à contrecoeur maintenant que je me trouve contraint d'examiner

 22   une autre question, celle de votre partialité. Est-il exact que vous avez

 23   en diverses occasions exprimé des regrets, par exemple, concernant le fait

 24   que la Serbie n'ait pas été condamnée pour génocide en Bosnie ?

 25   R.  J'ai été témoin pour la partie bosniaque à la CIJ. Dans mon souvenir,

 26   je dirais que la Serbie a effectivement enfreint la convention sur le

 27   génocide, et ceci, en manquant à son obligation d'empêcher le génocide ou

 28   d'en punir les auteurs en Bosnie.


Page 22605

  1   Quant à votre question consistant à me demander si j'avais exprimé

  2   des regrets, si j'avais regretté que le jugement ne soit pas allé plus

  3   loin, je ne me rappelle pas d'exemple précis, mais je conviens de la chose

  4   suivante, à savoir que oui, j'aurais souhaité que le jugement aille plus

  5   loin dans la position qui a été prise.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on examiner le document 1D4903.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Il semblerait que ce soit de façon très précoce que vous ayez pris une

 10   position très critique à l'égard des Nations Unies, y compris également à

 11   l'encontre des hommes politiques occidentaux, en raison de

 12   l'incompréhension qui était la leur de la crise, n'est-ce pas ?

 13   R.  Je ne vois pas de date.

 14   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Décembre 1994.

 17   R.  Oui. C'est l'époque à laquelle le Secrétaire général s'est vu remettre

 18   une récompense à l'Université de Harvard. J'ai émis quelques critiques. On

 19   me cite ici, et l'on m'attribue les propos suivant, je cite :

 20   "Les forces de protection de l'ONU ne peuvent même pas se protéger elles-

 21   mêmes, et à plus forte raison, elles ne sont pas en mesure de protéger les

 22   zones de sécurité, ni d'assurer la livraison de l'aide ou la surveillance

 23   des zones d'exclusion.

 24   "Je crois que c'est là un précédent particulièrement grave que de remettre

 25   une récompense à quelqu'un pour un échec aussi évident."

 26   Je crois que plus tard le Secrétaire général, lui-même, a reconnu l'échec

 27   des Nations Unies dans leur mission en Bosnie. Je ne crois pas qu'il y ait

 28   quoi que ce soit de controversé ici.


Page 22606

  1   Q.  Mais vous rappelez-vous que ce même Secrétaire général a déclaré que

  2   ces zones de protection étaient devenues des points d'appui armés des

  3   forces armées musulmanes qui en abusaient ?

  4   R.  Je n'ai pas connaissance qu'il ait déclaré quoi que ce soit de ce type,

  5   mais ce n'est pas impossible.

  6   Q.  Je vous remercie.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document 1D4905.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me rappelle ceci : une pétition circulait

  9   qui appelait à l'arrestation des fugitifs. Je n'ai pas rédigé le texte de

 10   cette pétition, mais j'ai fait partie des signataires. Je crois que des

 11   milliers d'autres personnes l'ont signée. Si vous examinez la version

 12   anglaise ou bosniaque, il est indiqué, je cite :

 13   "Nous, soussignés, estimons qu'il est du devoir moral de nos gouvernements

 14   d'ordonner à leur troupes en Bosnie de procéder immédiatement à

 15   l'arrestation de Radovan Karadzic et Ratko Mladic qui ont été accusés par

 16   le TPIY de génocide et de crimes contre l'humanité."

 17   Je crois qu'il s'agit là purement et simplement d'une déclaration factuelle

 18   de ce que représentent les faits. Le Tribunal vous a bien mis en

 19   accusation, vous-même et le général Mladic, et c'était du devoir des Etats

 20   membres des Nations Unies que de mettre à exécution ce mandat d'arrêt des

 21   Nations Unies. Je ne vois absolument rien de préjudiciable ici, ni de

 22   controversé.

 23   Q.  Mais combien de pétitions avez-vous signées qui portaient sur d'autres

 24   accusés ?

 25   R.  Je ne m'en souviens pas. J'ai tout à fait pu signer plus d'une

 26   pétition.

 27   Q.  Et ceci, en faveur de l'arrestation de qui ? Savez-vous combien de

 28   personnes ont été mises en accusation ici et combien il y a eu de fugitifs


Page 22607

  1   ? Pour quelles personnes avez-vous demandé qu'elles soient arrêtées ?

  2   R.  Manifestement, j'ai souscrit pour vous-même et pour M. Mladic qui étiez

  3   les fugitifs les plus en vue de ce Tribunal et qui aviez été en fuite le

  4   plus longtemps. Pour la plupart des autres fugitifs, je dirais qu'ils ne

  5   représentaient pas une question aussi publique que la vôtre ou celle du

  6   général Mladic, en tout cas pas de la même façon.

  7   Q.  Merci. Pouvons-nous examiner la page 9 de ce même document où figure

  8   votre signature. N'est-ce pas ?

  9   R.  Laissez-moi juste le retrouver.

 10   Q.  C'est la dernière avant les caractères plus petits.

 11   R.  Oui, je vois.

 12   Q.  Merci.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous demandez le versement de

 15   document précédent aussi ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, nous pouvons le verser.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, c'est à vous qu'il revient de

 18   décider.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, très bien.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser les deux

 21   documents.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le

 23   document 1D4903 reçoit la cote D1981. Le document 1D4905 reçoit la cote

 24   D1982. Je vous remercie.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on maintenant examiner le document 1D4907.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Vous avez été collaborateur du gouvernement du Kosovo dans les efforts

 28   de ce dernier visant à obtenir son indépendance, et vous êtes intervenu en


Page 22608

  1   matière de patrimoine culturel, n'est-ce pas ?

  2   R.  J'ai participé à un projet sous l'intitulé Patrimoine culturel du

  3   Kosovo. Nous avons reconstitué un certain nombre de monuments nationaux et

  4   de monuments culturels endommagés au Kosovo. J'ai également été engagé pour

  5   apporter mon aide dans le cadre de la bibliothèque nationale du Kosovo.

  6   Tout ceci est tout à fait public. Et je n'avais rien à voir avec la

  7   déclaration de l'indépendance du Kosovo. Nous avons en fait dans ce

  8   document une interview avec le Dr Shukriu, et elle me remerciait de mon

  9   intervention au Kosovo pour avoir documenté les destructions qui y sont

 10   survenues.

 11   Je voudrais vous rappeler que j'ai également documenté les

 12   destructions du patrimoine culturel serbe au Kosovo et que j'ai été à

 13   différents moments en contact avec l'église orthodoxe serbe dans mes

 14   travaux où je m'efforçais de travailler également sur le patrimoine

 15   culturel serbe au Kosovo.

 16   Q.  Merci. Alors, cet entretien s'est déroulé dans le cadre des

 17   préparatifs qui étaient les siens avant le quatrième round des pourparlers,

 18   avec la Serbie, dans un domaine plutôt technique; c'est ce qui est écrit,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  Eh bien, ce qui est indiqué ici au premier paragraphe, c'est

 21   qu'elle se préparait pour cette quatrième série de négociations. Je n'ai

 22   pas participé aux négociations, pas du tout. Je me trouvais tout simplement

 23   au Kosovo pendant une très courte visite de 48 heures, et j'ai eu un

 24   entretien qui a duré peut-être un quart d'heure, photographies y comprises

 25   et remerciements y compris dans ces 15 minutes. Si j'avais fait partie de

 26   ce round de négociations, cela se serait passé de façon tout à fait

 27   différente. La plupart des rencontres que j'ai eues au Kosovo avaient trait

 28   au patrimoine culturel au Kosovo et aux autorités qui en étaient


Page 22609

  1   responsables et qui utilisaient la base de données, base de données que

  2   j'ai également soumise dans le cadre de l'affaire Milosevic, qui était

  3   l'une des bases de données utilisées pour l'inventaire des monuments et du

  4   patrimoine culturel au Kosovo.

  5   Q.  Merci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on verser ce document.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il reçoit la cote D1983.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Avant la pause, pouvons-nous examiner un

  9   document assez bref, 1D4909.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q. Alors, nous devrions avoir quelque part une traduction en anglais. Je

 12   vais vous en donner lecture. Il est dit ici :

 13   "Contactez Washington. Que l'on entende également votre voix."

 14   Et il est question ici -- voilà, je vais lire, je cite :

 15   "Si nous n'élevons pas la voix et ne protestons pas, cela signifie que nous

 16   aidons l'Occident et ses dirigeants à s'en sortir avec leur nouvelle

 17   'politique' envers la Bosnie, ignorer toutes les décisions et les

 18   ultimatums qui ont été posés."

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si nous ne disposons

 20   pas de la traduction anglaise, veuillez d'abord nous informer de la nature

 21   de ce document.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ici, il s'agit d'une action sur internet, une

 23   action de soutien à la partie musulmane en Bosnie. Elle comprend également

 24   une lettre de M. Riedlmayer adressée au président Clinton, et pour moi,

 25   cette lettre est significative. Peut-on avoir la page 3. M. le Témoin s'en

 26   souviendra.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Riedlmayer -- non,

 28   excusez-moi. Madame Sutherland.


Page 22610

  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je m'apprêtais à

  2   dire qu'il existe une version anglaise de ce document. Donc, si les Juges

  3   de la Chambre ont l'intention de prendre la pause dès maintenant, cela

  4   permettra peut-être à la Défense de se procurer la version anglaise du

  5   document.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons donc faire une

  7   pause maintenant, pause d'une demi-heure, et nous reprendrons à 13 heures. 

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

  9   --- L'audience est reprise à 13 heures 02.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour cette partie de l'audience, la

 11   Chambre siège en application des dispositions de l'article 15 bis du

 12   Règlement, c'est-à-dire en l'absence du Juge Morrison et du Juge Lattanzi,

 13   qui est justifiée par des motifs personnels urgents.

 14   Bien. Poursuivons. Monsieur Karadzic.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis malgré tout un peu déçu, car j'aurais

 16   souhaité que Mme le Juge Lattanzi soit présente dans le prétoire de façon à

 17   ce que je puisse lui présenter mes meilleurs vœux pour les fêtes à venir.

 18   Mais je peux toutefois déclarer que j'en terminerai en une demi-heure.

 19   Je demande l'affichage du document 1D4909. Est-ce que nous avons bien reçu

 20   la traduction en anglais ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette traduction a-t-elle été

 22   téléchargée ?

 23   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas réussi

 24   à la retrouver. Mais de toute évidence M. Riedlmayer a écrit ce qu'il a

 25   écrit en anglais, donc il doit s'agir du document à partir duquel une

 26   traduction a été réalisée --

 27   Mais la Défense n'a pas non plus réussi à le retrouver.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.


Page 22611

  1   Est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur Riedlmayer ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je reconnais cette déposition. Et je reconnais

  3   qu'il y a quelques problèmes liés à la traduction.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, à vous.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons avoir les pages 2 et 3

  6   à l'écran.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Vous rappelez-vous, Monsieur Riedlmayer, qu'il s'agit d'une lettre que

  9   vous avez adressée au président Clinton ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens.

 11   Q.  Page 3 à l'écran, je vous prie, et je donnerai lecture du paragraphe

 12   pertinent. Je cite :

 13   "La levée des sanctions sur les armes les aideraient à convaincre

 14   l'agresseur que le temps ne joue plus en leur faveur. Le gouvernement de

 15   Bosnie, reconnu au niveau international, a accepté tous les plans de paix

 16   qui lui ont été soumis, nonobstant la qualité malhonnête ou douloureuse de

 17   ces plans. Les extrémistes de Pale, quant à eux, ont rejeté tous les plans

 18   qui leur étaient soumis par la communauté internationale."

 19   Alors, qui est-ce qui vous a fourni ce genre de renseignement, Monsieur

 20   Riedlmayer ? Etant donné que j'ai accepté quatre des cinq plans proposés,

 21   alors que les Musulmans ont rejeté le plan Cutileiro qui aurait pu nous

 22   aider à empêcher la guerre ? Qui vous a mal informé à ce point ?

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, une question à la

 24   fois. Interrompons-nous ici et posons une question à M. Riedlmayer de façon

 25   à ce qu'il puisse y répondre.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Tout cela se passait il y a très

 27   longtemps, Monsieur le Président, donc je vous réponds de mémoire, mais à

 28   l'époque je dépendais de ma lecture de la presse, et je parlais de plans


Page 22612

  1   tels que le plan Vance-Owen, qui a été rejeté.

  2   Je tiens également à souligner, Monsieur le Président, Monsieur le

  3   Juge, qu'avec le temps chacun se forge une opinion par rapport à des

  4   situations diverses, et notamment par rapport aux situations politiques. Ce

  5   que j'écrivais, je l'écrivais en tant que citoyen des Etats-Unis et

  6   j'adressais ma lettre à des représentants élus de mon pays. Ce qui, en soi,

  7   n'empêche pas que j'aie pu écrire un rapport factuel objectif et

  8   professionnel.

  9   Les positions que je défendais à ce moment-là dans les circonstances

 10   de l'époque - nous parlons de l'été 1995 - étaient, à mon avis, tout à fait

 11   acceptables.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Merci. Est-ce que vous saviez que la partie musulmane avait déjà rejeté

 14   à ce moment-là l'accord de Lisbonne et qu'elle était très près de rejeter

 15   le plan Owen-Stoltenberg ?

 16   R.  Si je me souviens bien, le gouvernement de Bosnie avait d'abord hésité,

 17   et ensuite, sous les pressions, avait fini par accepter le plan Owen-

 18   Stoltenberg, alors que la Republika Srpska et son parlement l'ont rejeté.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et qu'en était-il de l'accord de

 20   Lisbonne ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] L'accord de Lisbonne a fait l'objet, à un

 22   stade très précoce, de nombreuses controverses quant au fait de savoir

 23   pourquoi le gouvernement de Bosnie l'avait rejeté. Je ne me rappelle plus

 24   exactement les détails, mais cela se passait deux ans avant que je n'envoie

 25   cette lettre.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Merci. Je vais vous corriger sur un point. Le Parlement serbe a accepté

 28   le plan Owen-Stoltenberg, alors que le Parlement de Bosnie, ou le Parlement


Page 22613

  1   musulman, l'a rejeté. Mais revenons sur le paragraphe que j'ai cité :

  2   "S'agissant de la FORPRONU et du Groupe de contact, les efforts déployés

  3   pour parvenir à une solution du conflit de Bosnie sont devenus

  4   insignifiants. La seule chose que craignent Karadzic et ses sbires, c'est

  5   que leurs victimes puissent réussir à obtenir des moyens pour la défense,

  6   voire des moyens financiers."

  7   Tout d'abord, est-ce que vous savez que mon gouvernement à l'époque était

  8   parmi les gouvernements les plus éduqués d'Europe et que, au nombre de nos

  9   représentants gouvernementaux, figuraient un certain nombre de professeurs

 10   et de professionnels hautement qualifiés dans divers domaines ?

 11   R.  C'est exactement le problème qui se pose avec la traduction, le

 12   problème dont je parlais tout à l'heure. Mon texte original parlait de

 13   personnes hors-la-loi, "outlaw" en anglais qui est un terme tout à fait

 14   précis. Cela peut vouloir dire pas mal de choses, depuis des fugitifs qui

 15   fuient la loi jusqu'à des bandits de grand chemin, mais cela peut également

 16   avoir une connotation se référant à des actions qui sont contraires à la

 17   loi. Il y a des gouvernements félons, il y a des organisations félonnes.

 18   Je vous rappellerais, Monsieur, que le gouvernement de Bosnie était le

 19   gouvernement d'un Etat membre des Nations Unies. C'était un Etat qui

 20   jouissait de la reconnaissance internationale, alors que vous aviez un

 21   ministre des Affaires étrangères, mais pour autant que je le sache, vous

 22   n'étiez même pas officiellement reconnu par la Serbie. Et deuxième point,

 23   il y avait une longue liste de résolutions des Nations Unies qui

 24   exprimaient une certaine méfiance par rapport à vous. Je l'indique car le

 25   motif se trouvait dans des actions contraires à la loi commise par vous.

 26   Tout ceci étant dit, c'était quelque chose de très particulier à

 27   l'époque, et cela se passait bien avant qu'on ne m'ait demandé d'intervenir

 28   en tant que témoin expert devant ce Tribunal.


Page 22614

  1   Q.  Je vous remercie. Savez-vous que le gouvernement de Bosnie ne peut

  2   exister qu'aussi longtemps qu'il se compose de représentants légitimes des

  3   trois populations, et non de deux, et que nous représentions la troisième

  4   partie prenante du gouvernement.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, n'entrons pas dans ce

  6   sujet. Veuillez poursuivre.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Encore une question. Savez-vous que pendant toute la guerre, la partie

 10   musulmane a reçu des armes en Bosnie ?

 11   R.  Cela ne me surprendrait pas, mais ce n'est pas une question qui relève

 12   de mon domaine de spécialité.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Etant donné que j'ai donné lecture de ce

 15   passage, est-ce que je peux en demander le versement au dossier.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document peut être admis au dossier

 17   étant entendu que la traduction anglaise soit téléchargée en temps utile

 18   dans le prétoire électronique.

 19   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]  

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons pour l'instant l'enregistrer

 21   aux fins d'identification par souci de sécurité.

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est l'original qui est en anglais,

 23   Monsieur le Président. Il ne s'agit pas de traduction anglaise.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, effectivement, la traduction

 25   n'est pas une traduction en anglais.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous vous rappellerez

 27   peut-être que ce document a déjà été produit pendant l'affaire Karadzic --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez sans doute de l'affaire


Page 22615

  1   Milosevic ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, pardon, je pensais à l'affaire

  3   Milosevic. Toutes mes excuses.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Aucun doute que l'Accusation

  5   retrouvera ce document.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, le document

  9   D4909 devient la pièce D1984, enregistrée aux fins d'identification. Merci.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D4910.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Nous sommes ici face à une situation assez comparable à celle de tout à

 14   l'heure, c'est-à-dire que l'original est en anglais, et la traduction à

 15   partir de l'anglais.

 16   Vous avez créé, n'est-ce pas, une organisation dont le nom est Action

 17   de coalition bosniaque ? Ou alors, vous en étiez membre ?

 18   R.  J'en étais membre.

 19   Q.  Je vous demande, en l'absence de traduction, si vous vous rappelez que

 20   vous avez eu un entretien avec des représentants de cette organisation ?

 21   Nous avons le texte de cet entretien; c'est celui qui est à l'écran en ce

 22   moment.

 23   R.  Est-ce que vous avez la date ?

 24   Q.  Nous allons la rechercher. Elle ne figure pas sur le texte de la

 25   traduction.

 26   R.  J'ai un vague souvenir de ceci, mais cela s'est passé il y a très

 27   longtemps. J'étais interrogé au sujet de Dayton et de ses conséquences.

 28   C'est bien de ce document-là que nous parlons ?


Page 22616

  1   Q.  Oui. Affichage de la page 2, je vous prie. Dans cette interview, vous

  2   parlez de façon assez péjorative d'un certain nombre de représentants

  3   politiques américains et d'Europe occidentale. Le pouvoir a joué un rôle

  4   très important pour décourager le gouvernement Clinton de jouer un rôle

  5   actif, et cetera.

  6   Vous vous rappelez de tout cela, n'est-ce pas ? Vous avez évoqué la

  7   doctrine Powell également ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Pourrait-on peut-être

  9   agrandir le texte à l'écran, que les interprètes puissent le lire plus

 10   facilement.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. On pourrait agrandir le bas du texte, le

 12   bas de la page.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Voilà, nous lisons :

 16   "Aux Etats-Unis, le général Colin Powell, membre de l'état-major conjoint,

 17   a joué un rôle très important au sein du gouvernement américain pour que

 18   celui-ci joue un rôle-clé. 'Nous parlons de déserts, et non de montagnes,"

 19   a dit avec insistance le général Powell."

 20   Vous évoquez cela comme étant la doctrine Powell. Et un peu plus bas dans

 21   le texte, nous lisons, je cite :

 22   "Le président Clinton, déjà affecté par le succès de la contre-attaque du

 23   général Powell, Powell qui a réussi à empêcher la présence d'homosexuels

 24   dans l'armée américaine --"

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Plus lentement, je vous prie.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Dans ce paragraphe, vous êtes très critique de l'action du président

 28   Clinton, n'est-ce pas ?


Page 22617

  1   R.  Oui.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Affichage de la page 8, je vous prie.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Savez-vous, Monsieur Riedlmayer, que les Serbes considèrent que les

  5   Musulmans sont Serbes à l'origine et que nous sommes fiers du fait que les

  6   plus grandes personnalités musulmanes, telles que Selimovic et, avant lui,

  7   Hasan Ribac, ou Osman Djikic, soient des Serbes, et que nous les

  8   considérons comme des Serbes ?

  9   R.  Je sais qu'il y a certains Musulmans qui s'identifient comme étant

 10   Serbes. Je sais également que les nationalistes serbes affirment avec

 11   insistance que les Musulmans sont des Serbes convertis à l'Islam. De même,

 12   les nationalistes croates affirment avec insistance que les Musulmans sont

 13   en fait des Croates. Je pense que ce qui importe, c'est ce que chacun pense

 14   être lui-même, plutôt que de savoir ce qu'une tierce personne affirme avec

 15   insistance quant à ce que vous êtes.

 16   Q.  Je suis d'accord, mais je vous disais que nous sommes fiers de savoir

 17   que certaines des personnalités les plus importantes et les plus créatives

 18   parmi celles qui ont embrassé la religion musulmane ont veillé à conserver

 19   leurs racines. Mais voyons ce que vous dites dans cette page, comment est-

 20   ce que vous répondez aux accusations selon lesquelles vous présentez le

 21   conflit de façon simpliste comme étant un conflit opposant les méchants

 22   Serbes à leurs victimes impuissantes. Voilà quelle est votre réponse à

 23   cette affirmation, je cite :

 24   "C'est une façon méprisante de décrire la situation. Tout d'abord, il ne

 25   s'agit pas du conflit entre une nation victime et une nation qui serait

 26   l'agresseur. C'est un conflit plus complexe. Les nationalistes serbes,

 27   dirigés par Karadzic, croient en un Etat pur sur plan racial et sur le plan

 28   ethnique. Pour obtenir l'existence d'un tel Etat, ils ont expulsé et tué


Page 22618

  1   tous ceux dont ils estimaient qu'ils n'avaient pas des origines pures, un

  2   sang serbe pur. Ils ont considéré qu'il était un crime pour des non-Serbes

  3   de se marier ou d'avoir des rapports sexuels avec eux. Les 20 % à 30 % de

  4   personnes mariées dans un couple mixte en Bosnie ont été décrétés citoyens

  5   de deuxième zone qui devaient être éliminés," et cetera, et cetera.

  6   Qui vous a poussé à adopter une telle position dans cette interview ?

  7   R.  D'accord. Je devrais revoir la version anglaise de ce texte pour

  8   vérifier les mots exacts que j'ai utilisés. Je dirais que ce n'est pas la

  9   position que j'ai aujourd'hui. Les choses sont très simples. Aujourd'hui,

 10   je dispose de renseignements dont je ne disposais pas à cette époque-là.

 11   Manifestement, nous sommes ici face à une action de défense, et les

 12   mots prononcés par moi viennent des sentiments que je ressentais, mais je

 13   répète une nouvelle fois ici que ce processus s'est déroulé il y a plus de

 14   20 ans et qu'au cours de 20 ans, chacun d'entre nous apprend beaucoup.

 15   Q.  Merci. Vous convenez que vous n'avez pas eu sous les yeux le moindre

 16   texte législatif qui aurait été de nature discriminatoire, que ce soit sur

 17   le plan politique ou sur le plan racial, si je puis m'exprimer ainsi, même

 18   si les Musulmans et nous-mêmes appartenons à la même race et que, à notre

 19   avis, nous faisons partie également du même groupe ethnique ?

 20   R.  Je ne connais pas toute la législation de votre gouvernement. Je sais

 21   que des accusations figurent dans ce document selon lesquelles les mariages

 22   mixtes étaient interdits et que ceci est une erreur. Ce qui est dit dans ce

 23   texte est fondé sur certaines informations erronées. Depuis, j'ai appris un

 24   certain nombre de choses, et en particulier la réalité qu'il y avait

 25   derrière toute cette situation, à savoir que les membres des couples mixtes

 26   étaient encouragés à émigrer, ce qui n'est pas tout à fait la même chose,

 27   je l'admets. Mais voilà quel était l'état de mes connaissances à cette

 28   époque-là. Si je me souviens bien, avant la fin de la guerre, aux environs


Page 22619

  1   du mois d'octobre, c'est encore le genre d'information qui circulait au

  2   moment où les négociations de Dayton étaient en cours.

  3   Q.  Merci. Si je devais vous dire qu'au sein de mon bureau, des Musulmans

  4   et des représentants de familles musulmanes jouissant de ma confiance la

  5   plus entière travaillaient à mes côtés, étaient mes collaborateurs les plus

  6   proches et qu'ils provenaient de mariages mixtes, est-ce que ceci vous

  7   aiderait à rejeter les conceptions erronées qui étaient les vôtres ?

  8   R.  Je viens de le dire, je me suis écarté de ces positions. J'ai désavoué

  9   ces conceptions erronées il y a déjà de nombreuses années.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si le fait que j'aie donné lecture du passage

 12   qui m'intéressait suffit pour obtenir le versement au dossier, Excellences,

 13   je vous demande le versement avec un enregistrement aux fins

 14   d'identification en attente de traduction comme pour le document précédent.

 15    M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons l'enregistrer aux fins

 16   d'identification en attente de traduction.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document devient la pièce D1985,

 18   enregistrée aux fins d'identification.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 4923.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Ce document est intitulé "Génocide spirituel", et il est tiré du site

 22   internet de l'église orthodoxe serbe.

 23   Je demande l'affichage de la page 7. Ce n'est pas le texte qui m'intéresse,

 24   ce sont les photos. Agrandissement, je vous prie, à l'écran.

 25   Est-ce que les images que l'on voit ici sont plus agréables ou plus

 26   acceptables que celles que vous avez montrées tout à l'heure, ou est-ce que

 27   la situation que décrivent ces images est assez 

 28   similaire ?


Page 22620

  1   R.  On voit ici l'image d'une église qui semble avoir été plastiquée. Je

  2   connais le livre et je connais les illustrations que l'on trouve dans cet

  3   ouvrage.

  4   Q.  Ce que nous voyons ici était une basilique. Elle avait été construite

  5   en 1853.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le bas de la page à présent.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Je vais lire ce passage du texte, je cite :

  9   "L'église du saint martyr de George à Donja Sopotnica est parmi les églises

 10   les plus anciennes qui aient été construites entre 1539 et 1631 -- "

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, quelle est la

 12   pertinence de ce passage ? Passez à votre sujet suivant.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je voulais que l'on voie tout de

 14   même quelle était la situation de l'autre côté, car cette église Herceg

 15   Stjepan est une église très ancienne --

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce n'est pas un sujet correspondant aux

 17   connaissances de ce témoin.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Page suivante à l'écran

 19   pendant quelques instants. Je ne vais pas lire quoi que ce soit, mais je

 20   voudrais simplement que chacun puisse voir quelle était la situation grâce

 21   aux illustrations.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Passez à votre sujet suivant.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D4924, et

 24   je demanderais le versement au dossier du document que je suis en train de

 25   faire afficher.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non, je ne l'autoriserai pas.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne parle pas du document précédent. Je parle

 28   de celui dont je demande l'affichage maintenant, le 1D4924.


Page 22621

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sur votre liste, nous lisons "Lieux de

  2   culte orthodoxe endommagés dans l'ex-Yougoslavie." Cela n'a rien à voir

  3   avec la déposition de ce témoin, Monsieur Karadzic. Arrivez-en à vos

  4   dernières questions, je vous prie.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, la thèse que je défends consiste à

  6   dire que des habitants de ces localités ont fui et sont devenus des émigrés

  7   et que le chaos créé par la guerre civile a donné lieu à toutes ces

  8   conséquences. Et qu'il importe, dans des conditions aussi complexes, de

  9   comprendre de façon approfondie les événements qui ont eu lieu dans le

 10   cadre de ce qui était une guerre civile, de comprendre en particulier que

 11   tous les événements qui ont eu lieu ne sont pas nécessairement de la

 12   responsabilité d'un gouvernement, mais qu'ils sont la conséquence d'une

 13   guerre civile. Enfin, si vous refusez que je présente cette thèse, je

 14   passerai à autre chose.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'un avis unanime à ce

 17   sujet. Veuillez passer à votre sujet suivant, Monsieur Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, Excellences, je serais en position

 19   d'en terminer à ce stade. Je souhaite remercier M. Riedlmayer. Je vous

 20   souhaite bon voyage et bonnes fêtes, comme à tous d'ailleurs, comme à tous

 21   les présents, les Juges de la Chambre ainsi que toutes les personnes

 22   présentes. Je leur souhaite bonnes fêtes et tous mes meilleurs vœux.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] J'ai quelques points à apporter, Monsieur

 26   le Président.

 27   Nouvel interrogatoire par Mme Sutherland :

 28   Q.  [interprétation] Monsieur Riedlmayer, ce matin, M. Karadzic, en page 35


Page 22622

  1   du compte rendu d'audience, a indiqué ce qui suit. Il a dit, je cite :

  2   "Voyez-vous un lien entre la destruction d'un ensemble de bâtiments et

  3   celle d'un autre ensemble de bâtiments ? Ne voyez-vous pas que le second

  4   événement est le résultat d'un désir de revanche ou de représailles ?"

  5   Ensuite, vous avez répondu et, entre autres, vous avez indiqué, je cite :

  6   "Je soulignerais que dans la plupart des localités de Bosnie, la

  7   destruction n'intervenait que d'un seul côté, et je garderais à l'esprit

  8   l'enchaînement des événements."

  9   Vous vous rappelez le premier transparent qui vous a été présenté ce matin

 10   concernant la mosquée de Mutnik à Kozarac, transparent P04071. Pendant

 11   qu'on attend l'affichage, savez-vous ce qu'il est advenu de l'église serbe

 12   orthodoxe de Kozarac ?

 13   R.  Pour autant que je le sache, elle est restée intacte pendant toute la

 14   durée de la guerre.

 15   Q.  Nous avons vu ceci ce matin. Si nous pouvions voir la page numéro 11.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pièce P00550.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais si ceci est autorisé, on devrait

 18   m'autoriser aussi à présenter des documents concernant des édifices serbes.

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Riedlmayer, est-ce bien ce dont je parlais ?

 21   R.  C'est la vieille église de Kozarac, la vieille église serbe.

 22   Q.  Savez-vous quelle était la distance entre la mosquée de Mutnik et cette

 23   église ?

 24   R.  Elles n'étaient pas très éloignées l'une de l'autre.

 25   Q.  Le deuxième sujet que je souhaitais aborder figure en page 42 du compte

 26   rendu d'aujourd'hui. M. Karadzic vous a demandé si vous étiez au courant de

 27   l'existence de héros qui se seraient vantés d'avoir fait sauter certains

 28   édifices. Je voudrais passer un bref enregistrement vidéo d'un discours du


Page 22623

  1   commandant du Corps de la Drina, le général Milenko Zivanovic, le 12

  2   juillet 1995.

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le numéro 65 ter est 40538 [comme

  4   interprété]. La transcription de l'extrait vidéo qui va être diffusé figure

  5   dans le document de la liste 65 ter numéro 03098 [comme interprété]. Ceci

  6   commence en page 16, bas de la page 16, jusqu'à la page 17. La vidéo est

  7   sous-titrée, Messieurs les Juges.

  8   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Les interprètes n'ont pas reçu

  9   de transcription nonobstant la présence de sous-titres.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le temps à partir duquel je souhaite

 11   faire démarrer la diffusion de cet enregistrement est 00:38:36.4 [comme

 12   interprété].

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Nous nous sommes arrêtés à la cote temps

 15   00:39:32.5.

 16   Q.  Monsieur Riedlmayer, savez-vous s'il y a eu la moindre mosquée détruite

 17   --

 18   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine française : Mme Sutherland pourrait-elle

 19   répéter sa question en parlant plus lentement ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai couvert Srebrenica. Pour le

 21   procès précédent, je me suis rendu à Srebrenica pour une étude. Srebrenica

 22   disposait de cinq mosquées. Toutes étaient détruites. Vous pouvez voir le

 23   minaret dans la vidéo de Petrovic, lorsque les troupes serbes entrent en

 24   ville. Et ensuite, au cours des jours suivants, vous disposez également de

 25   photographies montrant les dommages subis par les mosquées suite aux

 26   explosions. Au moment où je me suis rendu sur place, elles avaient été

 27   toutes réduites à l'état de décombres. L'une des mosquées en face de

 28   l'église serbe de l'autre coté de la place du marché avait été complètement


Page 22624

  1   rasée et l'on avait disposé des épaves de véhicules au-dessus de

  2   l'emplacement. La vieille mosquée n'avait plus que des fragments de mur

  3   debout. La même chose s'appliquait à la mosquée située à l'entrée nord de

  4   Srebrenica, au quartier général de la communauté musulmane ainsi que dans

  5   la mosquée de Petric Mahala. Complètement détruite. Il ne restait que des

  6   ruines.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. L'ensemble des

  8   monuments culturels détruits auxquels se réfère l'acte d'accusation

  9   correspond à 1992, n'est-ce pas ? Annexe D.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je crois qu'il y a également peut-être

 11   quelque dates en 1993.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection à cela.

 13   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président,

 14   c'est 1992, mais ceci se rapportait à une question posée par M. Karadzic.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cette vidéo concerne 1995, alors je vous

 16   invite à passer à autre chose.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne demande

 18   pas le versement de cet enregistrement vidéo.

 19   Q.  Monsieur Riedlmayer, la deuxième question que je souhaite vous

 20   soumettre --

 21   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais juste corriger le compte

 22   rendu. Page 76, ligne 15, le numéro de document dans la liste 65 ter pour

 23   l'enregistrement vidéo est de 40582.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Juste pour le compte rendu d'audience, puis-je

 25   dire simplement que ceci ne découle pas de ma question. Moi, j'ai posé une

 26   question qui portait sur les terroristes, alors que le général Zivanovic

 27   parle de combats et d'attaques. Moi, j'ai demandé si c'était en secret ou

 28   en public qu'ils procédaient à des destructions --


Page 22625

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci n'est pas utile. Avancez.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  3   Q.  En page 55 du compte rendu d'aujourd'hui, Monsieur Riedlmayer, M.

  4   Karadzic vous a demandé si vous étiez informé de l'attitude de ces

  5   autorités à l'égard de la destruction de tout édifice se trouvant en dehors

  6   des zones de combat. Vous rappelez-vous de quoi que ce soit qui aurait été

  7   déclaré par les autorités serbes de Prijedor concernant la destruction des

  8   édifices religieux, notamment de Bijeljina ?

  9   R.  Je me rappelle un entretien avec Simo Drljaca, qui était le chef de la

 10   police de Prijedor et qui, je crois, avait une certaine autorité sur

 11   d'autres parties de la Krajina de Bosnie. Il disait que pour les mosquées,

 12   il n'était pas suffisant d'en détruire les minarets, mais qu'il fallait

 13   aller jusqu'à détruire les fondations. Et que c'était là le seul moyen de

 14   faire partir les Musulmans sans aucune possibilité de retour ni de

 15   reconstruction.

 16   Q.  Et pour finir, en page 47 du compte rendu d'audience, M. Karadzic a

 17   avancé que la mosquée de Pale n'avait pas été détruite non plus. Vous avez

 18   répondu en indiquant que vous n'aviez pas accès à votre base de données.

 19   Peut-être que Mme l'Huissière pourrait vous apporter son aide en vous

 20   remettant cette version papier de la base de données que vous avez

 21   constituée. Avec un post-it de couleur jaune, j'ai indiqué le début de la

 22   section consacrée à la municipalité de Pale.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois encore une fois --

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous pourriez examiner très rapidement l'étude à laquelle

 26   vous avez procédé --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, Mme Sutherland.

 28   Quelle est votre objection, Monsieur Karadzic ?


Page 22626

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas parlé de villages de la

  2   municipalité de Pale, mais de la ville de Pale elle-même. Je sais qu'il

  3   s'est passé toutes sortes de choses dans les villages, mais dans la ville

  4   de Pale elle-même, c'est sur cela que portait ma question. C'est là-bas que

  5   nous trouvons aussi bien une mosquée qu'une église catholique qui soient

  6   restées intactes.

  7    Mme SUTHERLAND : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Riedlmayer, est-ce que vous pourriez nous donner votre

  9   confirmation après avoir vérifié --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 11   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 12   [La Chambre de première instance se concerte]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 14   [La Chambre de première instance se concerte]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Puisque vous n'aviez pas limité votre

 16   question à la seule ville, nous allons permettre à Mme Sutherland de

 17   poursuivre.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Les entrées qui concernent Pale

 19   concernent tous les villages à l'exception de l'église catholique qui est

 20   en ville. Je ne disposais d'informations précises concernant la mosquée de

 21   Pale. Vous vous rappellerez peut-être que dans mon rapport, j'ai pris garde

 22   à n'inclure que des sites pour lesquels des photographies et/ou des

 23   informations croisées et vérifiées étaient disponibles. Mais j'ai entendu

 24   dire que la mosquée de Pale a subi des actes de vandalisme sans avoir pour

 25   autant été détruite.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 27   Q.  Et les enregistrements de votre base de données concernant Pale ? 

 28   R.  Il y a là plusieurs villages. Praca, où la mosquée a été complètement


Page 22627

  1   détruite. Il y avait une vieille mosquée datant du XVIe siècle. A Podvitez,

  2   par exemple, ainsi qu'à Bogovici, nous avons là deux exemples de villages

  3   où les mosquées ont été détruites. Dans la ville de Pale, les statues

  4   votives de saints sur l'autel principal ont été détruites dans l'église

  5   catholique, mais l'église catholique elle-même n'a pas subi de dommage pour

  6   ce qui est de sa structure.

  7   Cela se limite à ceci -- non, il y a également Praca. A côté de la mosquée,

  8   il y avait un mausolée qui a subi des dégâts, qui a été légèrement

  9   endommagé. C'est là toute l'étendue dans laquelle j'ai traité de la

 10   municipalité de Pale. Je dois dire que cette demande d'inclure la

 11   municipalité de Pale n'est arrivée qu'en avril 2009 et que je n'ai pas été

 12   en mesure de me rendre compte de visu de ce qu'il en était de l'ensemble de

 13   cette municipalité. Je me suis appuyé sur une documentation photographique

 14   pour tout ceci.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur Riedlmayer. Je n'ai pas

 16   d'autres questions.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ceci met un terme à votre

 18   déposition, Monsieur Riedlmayer. Au nom des Juges de la Chambre, je

 19   souhaite vous remercier de votre venue encore une fois devant ce Tribunal

 20   pour déposer.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et merci de vous

 22   être assuré de la possibilité de mon départ à temps.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie pour votre indulgence.

 24   Je vous souhaite un bon voyage de retour, et vous pouvez disposer dès

 25   maintenant.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 27   [Le témoin se retire]

 28   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, juste une question


Page 22628

  1   encore. Le document D01736, le document de la radio de Kljuc présenté par

  2   M. Karadzic. Vous avez demandé une date -- ou plutôt, M. Riedlmayer a

  3   demandé s'il y avait une date sur ce document. M. Karadzic a donné celle du

  4   1er juillet 1992. En fait, le document n'est pas daté.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, j'aurais dû également

  7   relever que le rapport expurgé et les enregistrements expurgés ont été

  8   chargés dans le système cet après-midi.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. J'en prends note.

 10   Avant de lever l'audience, Monsieur Tieger, j'ai été informé que la Chambre

 11   a reçu une copie de la requête demandant une prorogation du délai de

 12   communication. Il serait probablement utile d'entendre la réponse de la

 13   Défense. Pourriez-vous donc expliquer oralement -- ou en tout cas aborder

 14   ceci oralement afin que M. Karadzic en soit informé et comprenne de quoi il

 15   s'agit.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Comme c'est

 17   indiqué dans notre requête, l'Accusation s'est acquittée des recherches

 18   nécessaires et est prête à communiquer le résultat de ses recherches, à

 19   savoir les documents retrouvés dans ces bases de données et ces archives,

 20   en tout cas celles qui sont accessibles. Pendant ce travail, et dans le

 21   cadre de l'effort qui a été accompli, comme nous le décrivons dans notre

 22   requête, nous nous sommes conformés intégralement aux instructions des

 23   Juges de la Chambre.

 24   Pendant que ce travail était fait, cependant, nous avons relevé qu'il

 25   y avait des références à certains documents qui n'ont pas été retrouvés au

 26   cours des recherches. Nous avons donc envisagé la possibilité de

 27   l'existence de tels documents en d'autres endroits qui auraient été soit

 28   inconnus, soit inaccessibles aux représentants de l'Accusation. C'est la


Page 22629

  1   raison pour laquelle nous avons proposé de procéder à des recherches

  2   supplémentaires en vue de nous conformer davantage encore à l'ordonnance de

  3   la Chambre et de minimiser les risques d'être passé en quelque sorte à côté

  4   de documents existants. Mais avant de procéder de la sorte, un temps non

  5   négligeable sera nécessaire pour procéder à des recherches manuelles et

  6   pour scanner certains documents, ainsi que pour procéder à des recherches

  7   électroniques. Dans l'ensemble, nous avons estimé que ce processus de

  8   recherche supplémentaire ne pourrait être achevé avant le 31 janvier de

  9   l'année prochaine, et c'est pourquoi nous avons demandé une prorogation de

 10   délai à cet effet.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez

 12   suivi ?

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. En fait, je préfère que ce soit Me

 14   Robinson qui se charge de ce type de question, mais je crois que nous

 15   aurions plutôt tendance à accepter ceci. Puisqu'il ne semble pas y avoir

 16   d'alternative. Il est essentiel qu'à l'issue de ce processus nous nous

 17   voyions octroyer, nous aussi, le temps nécessaire et suffisant à l'examen

 18   de toute cette documentation.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. La Chambre estime que votre

 20   demande est raisonnable. Par conséquent, il y est fait droit, Monsieur

 21   Tieger.

 22   A moins qu'il y ait d'autres sujets à apporter à notre attention,

 23   l'audience est à présent levée. Nous allons reprendre nos débats à la date

 24   du 10 janvier, Monsieur Tieger, date à laquelle vous avez prévu une

 25   vidéoconférence à 8 heures du matin, n'est-ce pas ?

 26   M. TIEGER : [interprétation] C'est cette date-là que nous visons, Monsieur

 27   le Président. Bien entendu, les Juges de la Chambre seront informés de

 28   toute complication éventuelle, mais nous espérons que cela ne sera pas le


Page 22630

  1   cas. Et nous nous attendons à ce que la reprise se fasse le 10.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'en réjouis, parce que le 9 janvier c'est

  3   la journée de la Republika Srpska et, par conséquent, c'est un jour qui ne

  4   sera pas ouvré pour nous. Donc je me réjouis que nous ne siégions pas ce

  5   jour-là.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite à tout un chacun de bonnes

  7   fêtes.

  8   L'audience est levée.

  9   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mardi 10 janvier

 10   2012, à 8 heures 00.

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  

 26  

 27  

 28