Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 12 janvier 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  7   Oui, Monsieur Tieger.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

  9   Monsieur le Président et Madame, Messieurs les Juges. Deux choses très

 10   rapidement, Monsieur le Président. Premièrement, il s'agit d'une question

 11   qui avait fait l'objet d'un accord entre l'Accusation et la Défense eu

 12   égard à la demande présentée par la Défense - la 67e demande eu égard à la

 13   communication reçue de la part de l'Accusation.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je veux juste m'assurer que tout marche

 15   bien du point de vue de la technique. Oui ? Tout le monde entend ? Parfait.

 16   Monsieur Tieger.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Nous avons donc pris en considération cette

 18   demande en essayant d'évaluer la durée qui est prise en considération ainsi

 19   que la limite par rapport aux mots qui avaient été acceptées eu égard à nos

 20   demandes précédentes, qui portaient d'ailleurs sur la même question mais

 21   pour un nombre de témoins moins importants. Nous évaluons en fait que nous

 22   aurions besoin de 30 jours à partir du moment où le document a été reçu, ce

 23   qui s'est passé hier. Il s'agit de 17 000 mots supplémentaires au vu du

 24   nombre de témoins concernés. Comme je l'ai indiqué, j'en ai parlé avec Me

 25   Robinson et avec la Défense, qui est absolument d'accord pour ce que nous

 26   avançons, et nous demandons donc à la Chambre de faire droit à notre

 27   requête.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que vous n'avez pas


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  1   d'objection ?

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Deuxièmement, la Chambre nous avait fort

  5   aimablement octroyé une prorogation jusqu'au 22 décembre pour que nous

  6   puissions prendre en considération les décalages entre l'évaluation

  7   calculée par le greffier pour ce qui est du temps déjà utilisé et nos

  8   propres calculs. Ce fut un exercice extrêmement utile, et nous nous sommes

  9   réunis avec le greffier. Les décalages et différences ont été maintenant

 10   réglés. Je suppose que la Chambre n'a pas besoin d'entendre davantage de

 11   détails à ce sujet, mais je voulais juste vous en informer et vous indiquer

 12   justement que la question était réglée. Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 14   Monsieur Karadzic, êtes-vous prêt à commencer votre contre-interrogatoire ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Bonjour à tout le monde.

 17   LE TÉMOIN : JOSEPH KINGORI [Reprise]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   Contre-interrogatoire par M. Karadzic :

 20   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Kingori. Premièrement,

 21   j'aimerais savoir si vous entendez l'interprétation.

 22   R.  Oui, Monsieur le Président.

 23   Q.  Premièrement, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté d'avoir une

 24   réunion avec la Défense. Je pense que cela sera extrêmement utile, et

 25   j'aimerais d'emblée vous poser une question. Est-ce que les observateurs

 26   militaires des Nations Unies avaient en fait pour ce qui était de

 27   l'établissement de leur rapport ? Est-ce qu'il y avait quelque chose qui

 28   avait été établie par écrit et est-ce qu'ils avaient des consignes pour


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  1   faire ce travail ?

  2   R.  Oui, oui, tout à fait.

  3   Q.  Est-ce que nous pourrions obtenir ce document ?

  4   R.  Oui, vous pourriez tout à fait l'obtenir en passant par la filière des

  5   Nations Unies. Mais je dois vous dire que j'ai un document qui établit

  6   notre mandat dans l'ancien Secteur est, où j'ai travaillé au début de mon

  7   mandat. Mais pour ce qui est de Srebrenica, je ne l'ai pas pris.

  8   Q.  Est-ce que vous êtes en train de nous dire que votre affectation et que

  9   la portée du travail effectué par les observateurs étaient différents en

 10   fonction des localités ?

 11   R.  Madame, Messieurs les Juges, le travail général d'un observateur

 12   militaire est le même partout mais, bien entendu, il y a des consignes ou

 13   des directives à propos de ce que l'on peut observer dans différentes zones

 14   parce qu'il fallait que nous observions différentes choses en fonction des

 15   secteurs. Il y avait des problèmes différents qui devaient être observés.

 16   Si je peux vous donner un exemple à titre d'illustration, le Secteur est,

 17   où je me trouvais au départ, dans ce secteur, il n'y avait pas d'hostilités

 18   ouvertes, et je pense notamment à l'absence d'artillerie lourde, par

 19   opposition à Srebrenica, où là, il y avait constamment des tirs

 20   d'artillerie lourde, des tirs de mitrailleuses tout le temps. Donc, là, il

 21   y avait des différences entre les secteurs. Il y a certains secteurs qui

 22   étaient considérés comme moins durs que d'autres. Donc les questions ou les

 23   éléments que nous devions observer dans ces différents secteurs étaient

 24   différents.

 25   Q.  Merci. Mais il y avait quand même des normes communes invariables pour

 26   tous les secteurs et pour tous les observateurs militaires, et cela passait

 27   d'abord par le fait d'observer les violations des accords de cessez-le-feu

 28   et d'établir des rapports à propos de ces violations. Est-ce que vous êtes


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  1   d'accord avec ce que j'avance ?

  2   R.  Oui, c'est tout à fait exact, Madame, Messieurs les Juges.

  3   Q.  J'aimerais maintenant vous demander de vous intéresser au paragraphe B.

  4   Je pense que, dans le document anglais, il s'agit de la troisième page,

  5   devoirs ou fonctions des observateurs militaires des Nations Unies, donc

  6   fonctions ou devoirs généraux des observateurs. Voilà ce que je voulais

  7   vous demander --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez un document papier

  9   ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. En fait, j'ai

 11   transformé ce document ou je l'ai téléchargé dans un document Word, parce

 12   que nous n'avons pas le logiciel complet Adobe Acrobat. Nous n'avons que la

 13   possibilité de lire grâce à l'Acrobat Reader, donc il était beaucoup plus

 14   facile que je transforme ce dossier en un document Word. Vous savez, je

 15   vous dirais que c'est justement l'un des problèmes auxquels je me heurte.

 16   Du point de vue technologique, vous savez, il y a quand même certaines

 17   exigences. Il faut pouvoir garder le rythme, mais nous n'avons pas toujours

 18   les ressources technologiques --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, moi, je voulais vous demander tout

 20   simplement de lire moins vite.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Kingori, je voulais vous demander en fait de vous intéresser

 24   au paragraphe B et non D. Alors le A, c'est le contexte, et le B porte

 25   justement sur les fonctions des observateurs militaires des Nations Unies.

 26   Il y a quelque chose que j'aimerais vous demander, parce que je dois vous

 27   dire que je suis un peu perplexe parce que, moi, j'étais proche de la zone

 28   de Sarajevo et il m'a semblé que les choses étaient légèrement différentes.


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  1   Est-ce que vous convenez que, dans la zone de Sarajevo, les observateurs ne

  2   pouvaient pas franchir la ligne de séparation et qu'il y en avait certains

  3   qui étaient du côté serbe et d'autres qui étaient du côté musulman ?

  4   R.  Ce que je sais c'est que, dans la zone de Sarajevo, les choses étaient

  5   légèrement différentes. Il ne s'agissait pas seulement de Sarajevo

  6   d'ailleurs, parce que même dans le Secteur est, nous avions des

  7   observateurs placés dans les deux camps, et pour Srebrenica, nous avions

  8   des observateurs qui se trouvaient seulement à l'intérieur de l'enclave, ce

  9   qui fait qu'effectivement, la situation pouvait changer en fonction des

 10   lieux.

 11   Q.  Merci. Vous dites, à la première phrase, que vous devez établir des

 12   rapports lorsqu'il y a des violations de l'accord de cessez-le-feu, puis

 13   vous faites référence à certaines activités dont je n'étais absolument pas

 14   au courant d'ailleurs; par exemple, il s'agit de faire en sorte d'organiser

 15   des réunions avec les différentes parties. Est-ce que vous le savez, ou

 16   est-ce que vous souhaitez avoir votre déclaration consolidée ?

 17   R.  Non, écoutez, je le sais cela, Monsieur le Président.

 18   Q.  Bien. Alors est-ce que c'est une tâche qui vous a été confiée. Est-ce

 19   que cela a été consigné par écrit ? Est-ce que vous deviez faire en sorte

 20   que les différents camps se réunissent et négocient même l'autorisation

 21   d'entrer ou de sortir de l'enclave ? Est-ce que vous êtes en mesure de nous

 22   fournir une explication à ce sujet, Monsieur ?

 23   R.  Pour ce qui est de cet objectif de faire en sorte d'organiser une

 24   réunion avec les deux camps, le but était en fait de minimiser en quelque

 25   sorte leur différence. Alors nous voulions en quelque sorte comprendre

 26   pourquoi il y avait des différences entre les différentes parties, pourquoi

 27   ils souhaitaient poursuivre les atrocités qu'ils commettaient dans

 28   différents lieux, et nous voulions faire en sorte de les amener, de les


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  1   amener dans une réunion ensemble pour qu'au moins il puisse y avoir une

  2   paix dans cette enclave. Il y avait un deuxième objectif, et je suis sûr

  3   qu'il se trouve dans mes notes, si vous les consultez, parce que le colonel

  4   Vukovic avait l'intention de rencontrer Naser Oric, et il nous a envoyé lui

  5   transmettre ce message qui était qu'il souhaitait le rencontrer dans un

  6   lieu choisi par lui, ce qui signifie en fait que nous convergions en

  7   quelque sorte vers une situation où les deux ennemis auraient pu se réunir

  8   et parler.

  9   Q.  Oui, je comprends. Je comprends que c'était quelque chose que vous

 10   vouliez faire, et je pense à la perspective humanitaire. Est-ce que vous

 11   avez reçu un mandat, un mandat consigné dans un document des Nations Unies

 12   où il est indiqué que vous deviez faire l'objet de médiateur entre les

 13   parties au conflit ?

 14   R.  Monsieur le Président, lorsque -- quelle que ce soit, la mission des

 15   Nations Unies, en fait, dans une zone telle que celle-ci, il est évident

 16   que cela passe par un gros effort de médiation. Essayez en fait d'établir

 17   le lien entre les deux parties, c'était important. Cela a été indiqué par

 18   écrit, il fallait faire l'objet de médiateur entre les deux factions

 19   belligérantes.

 20   Q.  Merci. Mais lorsque vous parlez de mission des Nations Unies, je peux

 21   comprendre cela, mais est-ce que c'était ce que faisaient les observateurs

 22   militaires précisément ? Est-ce que vous aviez votre propre commandement --

 23   vous aviez votre propre filière de commandement avec la façon d'établir et

 24   d'envoyer des rapports; est-ce que cela était différent de celle de la

 25   FORPRONU ?

 26   R.  Oui, oui, tout à fait. Pour cela, notre filière était très différente,

 27   et la façon d'établir des rapports c'était très différent de la façon

 28   effectuée par la FORPRONU.


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  1   Q.  Est-ce que vous lisiez les instructions en fonction de consigne et

  2   d'ordre qui était donné ?

  3   R.  Oui, les observateurs militaires des Nations Unies avaient leurs

  4   propres ordres, leurs propres consignes. Un mandat qui était très, très

  5   clair.

  6   Q.  Cet exercice qui consistait à jouer les intermédiaires, est-ce que cela

  7   faisait partie justement du mandat ? Est-ce qu'il était question de

  8   médiation et de relation active en quelque sorte avec les parties au

  9   conflit ? Est-ce que cela faisait partie véritablement des devoirs des

 10   observateurs militaires des Nations Unies ?

 11   R.  Ecoutez, je vais vous permettre de comprendre en fait un peu mieux ce

 12   dont il était question. Alors, dans un premier temps, je vous ai dit dès le

 13   début que les observateurs militaires étaient armés en quelque sorte d'un

 14   calepin et d'un crayon pour consigner ce qui faisait l'objet de discussion,

 15   et pour faire en sorte que ce qui était écrit était aussi fidèle que

 16   possible. La raison, en fait, c'était que vous aviez une réunion avec une

 17   partie au conflit, vous parliez de choses très, très graves, par la suite,

 18   vous alliez trouver l'autre partie au conflit, là aussi, vous aviez des

 19   discussions à propos de questions très, très graves. En fait, il faut

 20   essayer de faire en sorte qu'il y ait conciliation, et vous devez jauger ce

 21   qui creuse l'abîme entre eux pour essayer justement de combler cet abîme.

 22   Donc vous pouvez le faire en passant par la chaîne de commandement normal,

 23   si c'était quelque chose qui n'était pas tout à fait, qui ne correspondait

 24   tout à fait à vos prérogatives, alors, là, vous pouviez passer par les

 25   échelons supérieurs. Mais s'il s'agissait d'une question opérationnelle, à

 26   un niveau opérationnel, vous pouviez le faire à votre propre niveau.

 27   Q.  Merci. Je ne voudrais pas passer trop de temps à parler de ces

 28   questions, mais cela est important. C'est important pour votre déclaration


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  1   consolidée. Alors outre le besoin humanitaire ou humain qui consistait à

  2   aider, est-ce que vous aviez reçu cette mission de la part des Nations

  3   Unies ? Est-ce qu'on vous avait dit qu'il fallait que vous établissiez en

  4   quelque sorte de façon active une interface avec les parties, qu'il fallait

  5   que vous fassiez objet de médiateur entre les parties, ou est-ce que votre

  6   tâche consistait tout simplement à observer, à constater et à présenter des

  7   rapports ?

  8   R.  Monsieur le Président, vous savez, nous avons toujours agi en fonction

  9   du mandat des Nations Unies.

 10   Q.  Est-ce que cet exercice de médiation faisait partie du mandat tel que

 11   vous le décrivez ?

 12   R.  Ecoutez, si vous avez suivi ce que je viens de dire jusqu'à présent,

 13   vous comprendrez aisément que cet exercice de médiation en fait partie.

 14   Q.  Merci. Alors, lorsque la plupart des observateurs étaient présents,

 15   vous étiez six, grand maximum. Je vous parle de l'enclave, lorsque vous

 16   étiez tous présents. Donc le plus grand nombre d'observateurs présents à

 17   cet endroit était bien six, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, oui, nous étions six, effectivement.

 19   Q.  Alors, là, je dois vous dire que je suis quand même un peu perplexe,

 20   parce que, pour six personnes, la tâche était extrêmement ambitieuse, car

 21   il est dit dans ce chapitre que vous aviez un autre rôle qui consistait à

 22   négocier les autorisations d'entrée et de sortie dans l'enclave et de

 23   l'enclave, et ce, au nom des autres institutions spécialisées des Nations

 24   Unies et au nom de certaines ONG, telles que le HCR, l'Institut chargé des

 25   migrations internationales, et cetera, et je vous en donne lecture; et tous

 26   ceux qui ne pouvaient pas avoir, et pour tous ceux qui ne pouvaient pas

 27   avoir y avoir accès, à moins qu'il y ait une intervention de la part des

 28   observateurs militaires des Nations Unies. Il faut également que vous


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  1   accompagniez certaines de ces organisations pour qu'aucun mal ne leur soit

  2   causé.

  3   Donc je me demande comment six personnes non armées pouvaient se permettre

  4   d'avoir des affectations assez ambitieuses, telles que, par exemple, la

  5   négociation des autorisations de sortie et d'entrée, la protection,

  6   l'accompagnement de certaines personnes. Je crains fort que ce type

  7   d'affection extrêmement générale ait certainement engendré la confusion,

  8   parce que ces tâches qui vous avaient été confiées, est-ce qu'elles étaient

  9   conformes aux règles de service des Observateurs militaires ?

 10   R.  Monsieur le Président, il faut que vous sachiez que cela ne faisait pas

 11   partie des activités quotidiennes. Il ne s'agissait pas des activités qu'il

 12   fallait faire tous les jours. Bon, il y avait des choses dont nous étions

 13   informés, donc il y avait des choses qui étaient planifiées au préalable,

 14   par exemple l'arrivée des rations, par exemple, ou le fait que certaines

 15   personnes devaient franchir, ou que des rations devaient être ramenées dans

 16   l'enclave. Là, nous obtenions un rapport de notre QG ou de la part de la

 17   HCR d'ailleurs des Nations Unies, ou de la part de l'organisation qui

 18   souhaitait obtenir l'autorisation pour entrer dans l'enclave. Tout ce que

 19   nous faisons -- tout ce que nous devions faire c'était rédiger une lettre à

 20   l'intention de l'armée des Serbes de Bosnie ou nous appelions encore M.

 21   Petar, et là, il nous disait s'ils allaient nous octroyer l'autorisation en

 22   question ou non. C'était aussi simple que cela, et cela ne prenait pas

 23   toute la journée; cela ne prenait certainement pas et encore moins la

 24   semaine entière. Donc, pour ce qui est de l'accompagnement que vous avez

 25   mentionné, cela pouvait aller de paire avec des patrouilles qui étaient

 26   organisées régulièrement et normalement. Nous pouvions organiser cela,

 27   parce que nous savions quand est-ce que les gens allaient franchir la

 28   ligne, par exemple, il suffisait d'envoyer une patrouille pour qu'elle


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  1   escorte les personnes en question ou le convoi.

  2   Q.  Mais il s'agissait de patrouille non armée, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non armée si vous pensez au fusil ou à d'autres armes, mais nous étions

  4   armés de nos calepins et de nos stylos, et d'intelligence et de certaines

  5   compétences en matière de négociation, qui nous permettaient d'avoir accès

  6   à certaines zones, qui la plupart du temps, d'ailleurs, faisaient l'objet

  7   d'une garde très importante.

  8   Q.  Monsieur Kingori, mais je sais que le département des Affaires civiles

  9   communiquaient avec nous. Moi, je sais qu'il y a des lettres que j'ai

 10   reçues de leur part, il y a des informations qui m'ont été envoyées, des

 11   renseignements, j'en ai beaucoup tout comme l'état-major principal, tout

 12   comme la FORPRONU. Je sais que la FORPRONU avait également une escorte

 13   armée pour les convois et que nous approuvions d'ailleurs l'arrivée de ces

 14   convois, tout comme d'ailleurs l'état-major principal ainsi que le comité

 15   chargé d'approuver ces demandes de la part des organisations, des

 16   institutions spécialisées des Nations Unies, mais nous n'avons jamais reçu

 17   ne serait-ce qu'une seule demande de la part des observateurs militaires.

 18   Alors, j'aimerais savoir quand est-ce que -- ou plutôt, où vous avez envoyé

 19   ces demandes pour que les convois et l'arrivée des convois soient

 20   approuvées, à vous les envoyez ?

 21   R.  Ecoutez, Monsieur le Président, nous envoyons en utilisant la filière

 22   normale de l'armée des Serbes de Bosnie. Nous leur écrivions en passant par

 23   le truchement du commandant Nikolic. Alors où est-ce que ces demandes ont

 24   atterri, je n'en sais absolument rien. Tout ce que nous savons c'est que

 25   nous obtenions l'autorisation en question et que nous étions en mesure

 26   d'escorter, d'accompagner ces personnes dans l'enclave. Il faut savoir que

 27   ça c'était la procédure d'autorisation normale que le convoi en fait

 28   demandait en passant par l'armée des Serbes de Bosnie. Parfois ils devaient


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  1   effectivement communiquer exactement ce qu'ils allaient amener dans

  2   l'enclave, et ils devaient donc répertorier tout ce qui se trouvait à

  3   l'intérieur du convoi. Mais il y avait également des copies qui nous

  4   étaient envoyées, et/ou nous pouvions lire : "S'il vous plaît, venez nous

  5   escorter," à partir d'un certain lieu, par exemple, ce que nous pouvions

  6   faire. Parfois ils demandaient à la FORPRONU, à savoir au Bataillon

  7   néerlandais à Srebrenica, ils leur demandaient de les accompagner. Donc,

  8   voilà, on pouvait œuvrer de ces deux façons, mais il est absolument évident

  9   que nous occupions de cela également.

 10   Q.  Merci. Quelle était la tâche de la FORPRONU pour ce qui est des convois

 11   lorsque vous chargiez desdits convois ?

 12   R.  Je pense qu'il faudrait poser cette question à la FORPRONU ce serait

 13   mieux, ils avaient leur propre mandat, et ils avaient leurs rôles à jouer.

 14   Q.  Au point 9, vous dites que le Bataillon néerlandais n'était pas tenu de

 15   vous informer de quoi que ce soit, qu'il n'y avait pas un système d'échange

 16   d'information, mais qu'il est arrivé que des informations soient échangées

 17   entre vous; c'est bien cela ?

 18   R.  Oui, Messieurs les Juges -- Madame, Messieurs les Juges, c'est exact.

 19   Q.  Donc vous ne pouviez savoir que ce que vos six parveniez à voir et ce

 20   que le Bataillon néerlandais souhaitait porter à votre connaissance ?

 21   R.  Cela n'est pas exact. Il y a beaucoup de sources d'information. Si vous

 22   parcourez le texte dans son intégralité, vous verrez que nous avions de

 23   multiples sources d'information. Nous avions des informations que nous

 24   recueillions grâce à la population, aux gens du cru. Officiellement,

 25   ensuite par le Bataillon néerlandais. Nous pouvions également recevoir les

 26   informations de nos postes d'observation puisque nous étions libre de

 27   circuler et d'observer la situation depuis là-bas. Puis, nous avions des

 28   informations relevant du renseignement, que nous recevions de notre QG, et


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  1   qui nous étaient envoyées pour vérification puis nous recevions également

  2   des éléments d'information de l'armée des Serbes de Bosnie lorsque nous

  3   organisions des réunions avec eux.

  4   Q.  Merci. Mais je voudrais que vous vous concentriez bien sur ce qui

  5   figure dans votre paragraphe 9.

  6   "Il n'y avait pas de système par lequel ils étaient tenu, ils étaient

  7   obligés de nous informer quoi que ce soit il n'y avait pas de système par

  8   lequel ils avaient à nous informer des activités militaires que ce soit à

  9   l'intérieur ou à l'extérieur."

 10   Donc j'aimerais savoir maintenant. Est-ce que vos patrouilles se

 11   composaient de deux hommes, de trois hommes ou est-ce qu'un seul soldat

 12   pouvait effectuer une patrouille ?

 13   R.  Cela dépendait de la situation, il y a eu des moments où nous avions

 14   davantage d'hommes dans l'enclave, et puis en particulier pendant l'attaque

 15   sur l'enclave, nous avions un personnel réduit, donc juste deux hommes,

 16   donc ce nombre d'hommes qui composaient une patrouille a fluctué. Mais

 17   normalement deux observateurs militaires et un interprète faisaient une

 18   patrouille.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Colonel, est-ce que vous avez votre

 20   déclaration consolidée sur vous ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite que l'on remette au témoin

 23   une version imprimée, sa déclaration.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez continuer.

 26   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Si je vous pose cette question, c'est parce que ce qui m'intéresse ce


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  1   sont les informations que vous aviez et votre attitude vis-à-vis la

  2   démilitarisation de Srebrenica également sur la présence d'armement dans

  3   cette zone de sécurité, dans cette enclave, et ce, parce que vous avez une

  4   attitude diamétralement opposée à celle de toutes les autres institutions

  5   des Nations Unies, y compris le secrétaire général. Saviez-vous d'ailleurs

  6   que le secrétaire général a déclaré que les zones de sécurité étaient des

  7   bastions armés de l'ABiH ?

  8   R.  Je ne comprends pas la question. Est-ce que vous pourriez me la poser

  9   autrement, s'il vous plaît ?

 10   Q.  La voici. Comment expliquez-vous la chose suivante : Vous-même vous

 11   estimez qu'il n'y avait pas d'armé, pas d'armement là-dedans, pas d'action

 12   lancée par la 28e Division musulmane, tandis que tous les autres

 13   protagonistes des Nations Unies affirment autre chose, le contraire ? Donc

 14   ce qui m'intéresse c'est : Ne le saviez-vous pas que ces choses-là

 15   existaient, ou bien est-ce que vous affirmez qu'elles n'ont pas existé que

 16   ce n'était pas la réalité ?

 17   R.  Madame, Messieurs les Juges, si nous parlons d'activités militaires

 18   dans Srebrenica, il y a une chose qui est sûre du côté musulman il y avait

 19   un minimum de moyens. Il y avait des armes de petit calibre et nous en

 20   avons parlé, il y a eu même quelques mitrailleuses et nous avons fait

 21   rapport là-dessus, nous avons dit que nous avons vu des hommes armés de

 22   mitrailleuse. Mais de toute évidence, il n'y a aucune comparaison possible

 23   entre ce qu'il y avait de ce côté-là et du côté de l'armée des Serbes de

 24   Bosnie, donc, qui avait l'artillerie lourde, qui avait des chars. Ils

 25   avaient des mitrailleuses lourdes. Ils avaient des lance-roquettes, et nous

 26   avons fait rapport sur tout cela, tout cela a été enregistré, donc ils

 27   avaient tout l'arsenal d'armement lourd qu'ont généralement les armées.

 28   Donc ils avaient tout, et lorsque vous comparez cela à ce que l'on trouvait


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  1   du côté musulman, c'était largement supérieur, parce qu'ils avaient,

  2   effectivement, des armes de petit calibre qui ne leur permettaient pas de

  3   faire le poids face à l'armement lourd de l'autre côté.

  4   Deuxièmement, si l'on parle de la démilitarisation, donc, lorsque nous nous

  5   sommes rendus sur place, lorsque je me suis rendu personnellement sur

  6   place, la démilitarisation avait déjà eu lieu bien avant, mais il y a eu

  7   effectivement quelques armes de petit calibre qui sont restées sur place,

  8   c'est évident. Je ne vais pas nier cela. Mais vous avez une zone de

  9   sécurité établie par les Nations Unies, pourquoi ? Parce que ceux, qui se

 10   trouvaient à l'intérieur de cette zone, avaient déjà remis leurs armes et

 11   ils avaient besoin de bénéficier de la protection des Nations Unies face

 12   aux attaques lancées par des groupes armés qui les entouraient. Donc

 13   c'était ça l'objectif principal de la création de cette zone de sécurité,

 14   zone protégée par les Nations Unies, que ceux qui se trouvent à l'intérieur

 15   -- ceux qui sont à l'intérieur et qui n'ont rien pour attaquer ceux qui se

 16   trouvent à l'extérieur, donc qu'ils ne puissent pas le faire et que ceux

 17   qui se trouvent à l'extérieur n'aient pas de justification pour bombarder

 18   cette zone. C'était ça la raison principale.

 19   Q.  Je voudrais maintenant que vous vous reportiez au paragraphe 15 de

 20   votre déclaration, je lis le texte :

 21   "On m'a demandé si les violations du cessez-le-feu comprenaient également

 22   le maintien d'unités militaires à l'intérieur de l'enclave. Il y a eu

 23   plusieurs violations de l'accord de cessez-le-feu, dont le fait que

 24   personne ne devait être en possession d'armes à l'intérieur de la zone de

 25   sécurité, et c'est la raison pour laquelle tous les Musulmans ont été

 26   désarmés et toutes les armes lourdes, les armes de petit calibre, les

 27   mitrailleuses, et tout cela a été placé en lieu sûr, à savoir dans la base

 28   du Bataillon néerlandais. Et c'est quelque chose qui se passait de manière


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  1   générale dans toutes les zones démilitarisées, pas seulement à Srebrenica."

  2   Donc êtes-vous d'accord pour dire que six zones de sécurité en tout ont été

  3   proclamées par les Nations Unies ? Je vais vous aider. J'en donne la liste,

  4   Srebrenica, Zepa, Sarajevo, Maglaj ou Mostar, Bihac et Tuzla; c'est bien

  5   cela ?

  6   R.  Vous avez oublié Gorazde.

  7   Q.  Donc, à la place de Maglaj, ce serait Gorazde. Donc est-ce que cela

  8   correspond à la liste de zones de sécurité ? Donc ce qui est écrit au

  9   paragraphe 15, est-ce que cela est exact que Srebrenica était démilitarisée

 10   et désarmée et que cela a été le cas de l'ensemble des zones de sécurité ?

 11   R.  En fait, vous vous contentez de répéter ce qui est écrit ici. Je n'ai

 12   pas compris votre question.

 13   Q.  Est-ce que vous déclarez que les six zones de sécurité ont été

 14   démilitarisées et désarmées ?

 15   R.  Messieurs les Juges, même si nous mentionnons l'ensemble des zones de

 16   sécurité ou zones protégées par les Nations Unies, je voudrais que l'on se

 17   concentre surtout sur Srebrenica parce que c'est de cela qu'il s'agit. Donc

 18   on peut mentionner de manière marginale les autres zones de protection des

 19   Nations Unies, les UNPA, effectivement, normalement, il devait s'y produire

 20   la même chose que ce qui s'est produit à Srebrenica.

 21   Q.  D'accord. Mais vous avez dit que ce modèle -donc démilitarisation,

 22   reprise des armes - a été le même modèle qui devait s'appliquer à

 23   Srebrenica et aux cinq autres zones de sécurité, donc l'ensemble des zones.

 24   C'est vous qui avez parlé en premier lieu des autres zones. Donc c'est la

 25   raison pour laquelle je suis obligé de préciser cela.

 26   R.  Madame, Messieurs les Juges, je maintiens ce que j'ai dit. Parlons de

 27   Srebrenica surtout. J'ai mentionné les autres zones, effectivement on

 28   s'attendait à ce que la situation soit la même partout, mais, évidemment,


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  1   il y a eu des différences en fonction des différentes zones. Donc, comme

  2   vous le savez, Srebrenica n'est pas un cas isolé en tant que zone de

  3   sécurité des Nations Unies, donc on s'attendait à ce que la situation soit

  4   la même dans toutes les autres zones.

  5   Q.  Je vous remercie d'avoir précisé ça. C'est ce que vous souhaitiez,

  6   c'est ce que vous vouliez. Mais cela est présenté comme une affirmation

  7   ici, donc il faut bien comprendre quelle est la différence entre vos

  8   souhaits et la réalité.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il vous plaît, continuons.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Donc parlons de Srebrenica.

 12   Monsieur Kingori, est-ce que vous affirmez que Srebrenica était

 13   démilitarisée et que l'ensemble des armes ont été rassemblées, récupérées ?

 14   Aujourd'hui, vous nous dites qu'il y avait des armes de petit calibre qui

 15   sont restées et qu'il y a eu même des mitrailleuses. Vous avez dit qu'ils

 16   n'en avaient pas de mitrailleuses; c'est ça ?

 17   R.  Madame, Messieurs les Juges, ce que j'ai dit c'était la chose suivante,

 18   la démilitarisation avait déjà été terminée dans toute l'enclave.

 19   L'ensemble des armes lourdes avait été placé dans la base des Nations

 20   Unies, à savoir la base du Bataillon néerlandais, et lorsque j'y suis allé

 21   on m'a montré l'emplacement de ces armes lourdes, et la plupart des armes

 22   de petit calibre avaient été rassemblées et placées en lieu sûr. Donc, si

 23   vous me demandez à moi, la démilitarisation était déjà faite, mais j'ai

 24   ajouté que l'on ne peut pas dire qu'il n'y avait pas quelques armes de

 25   petit calibre qui sont restées et qui n'ont pas été donc rassemblées,

 26   récupérées. C'est normal, c'est ce qui se passe partout, dans tous les cas.

 27   C'est ce que j'ai dit et je le maintiens.

 28   Q.  Mais, Monsieur Kingori, si je dis que les Musulmans, eux-mêmes, ont


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  1   établi des documents permettant de comprendre que seules des armes qui ne

  2   fonctionnaient pas ont été rendues, et si je vous rafraîchis la mémoire sur

  3   un point, à savoir que dans votre entretien, vous avez dit que vous en tant

  4   qu'observateur n'avez pas vérifié l'état de fonctionnement des armes

  5   remises, alors comment réagirez-vous à cela ? J'ai entre mes mains un

  6   entretien de Naser Oric où il dit :

  7   "Nous n'avons remis que des armes qui ne fonctionnaient pas et nous avons

  8   gardé le reste."

  9   Est-ce qu'ils ont su vous tromper ?

 10   R.  Ce dont je suis certain c'est que les armes ont été remises et que l'on

 11   pouvait les voir en possession de la Compagnie Bravo. Mais aussi, nous

 12   n'avons pas vérifié le fonctionnement de ces armes. Cela ne vient pas de

 13   moi, la déclaration que ces armes ne fonctionnaient pas. Tout ce que je

 14   sais, c'est que cela était sous la supervision des Nations Unies et que ces

 15   armes ont été remises au Bataillon néerlandais pour qu'ils puissent les

 16   prendre en charge et qu'ils s'assurent que personne ne les reprenne.

 17   Bien sûr, vous avez la propagande qui est présente dans toutes les guerres,

 18   c'est quelque chose de très important. Donc on peut tout à fait entendre

 19   affirmer : "Nous avons remis uniquement des armes qui ne fonctionnent pas."

 20   Vous pouvez aussi dire que vous avez la plus grande des armées, la

 21   meilleure armée, et cetera. Mais tout cela ne signifie pas que c'est la

 22   vraie vérité. La situation sur le terrain peut se présenter autrement.

 23   Q.  Mais nous sommes bien d'accord que Naser Oric était le commandant de la

 24   28e Division de Srebrenica, et que c'était le numéro un de l'ABiH à

 25   Srebrenica ?

 26   R.  Comme cela figure quelque part dans ma déclaration, je n'ai jamais eu

 27   l'occasion de rencontrer cet homme, donc Naser Oric, mais la direction

 28   musulmane de l'enclave m'a dit effectivement que c'était -- ou plutôt, j'ai


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  1   été informé du fait qu'il était le numéro un des Musulmans dans l'enclave.

  2   Mais je ne l'ai jamais rencontré. J'ai très peu d'information sur lui.

  3   Q.  Vous avez dit que vous estimiez que la démilitarisation de Srebrenica

  4   avait eu lieu bien avant votre arrivée, vous vouliez dire que c'était en

  5   mai ou en été 1993 d'ailleurs c'est de là que date l'accord portant

  6   démilitarisation ?

  7   R.  Ce n'est pas ce que j'essaie de dire, Madame, Messieurs les Juges.

  8   J'essaie de dire simplement que cela a eu lieu bien avant mon arrivé, mais

  9   je ne peux pas parler de dates, puisque je ne les connais pas.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Colonel, j'aimerais que l'on explore la

 11   connotation de cette déclaration que la démilitarisation avait été terminée

 12   bien avant votre arrivée. Est-ce que cela signifie que les armes avaient

 13   été prises avant votre arrivée et que vous n'avez pas cherché à vérifier

 14   vous-même s'il restait encore d'autres armes à l'intérieur de l'enclave ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la démilitarisation de

 16   l'ensemble de l'ex-Yougoslavie a eu lieu bien avant, et en particulier,

 17   c'était pendant l'accord de paix ou tout de suite après, donc, je pense que

 18   c'était à un moment donné en 1993. Donc, après cet accord -- après s'être

 19   mis d'accord sur le fait que certaines zones devaient être démilitarisées

 20   et protégées par les Nations Unies, c'est à ce moment-là qu'il y a eu

 21   démilitarisation, mais je ne connais pas les dates.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la démilitarisation en soi n'est

 23   pas quelque chose qui doit se passer de manière continue, mais a un lieu à

 24   un moment donné de manière ponctuelle ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la démilitarisation a

 26   eu lieu en une fois. Mais si par la suite on constate que certains sont

 27   encore armés, vous pouvez leur enlever leurs armes, leur prendre leurs

 28   armes. Mais ce n'est pas ça, là, la démilitarisation au fond.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Monsieur Karadzic.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande très brièvement que l'on examine le

  4   document D1967 dans le prétoire électronique. --

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire qu'il s'agit bien d'un

  7   rapport en date du 17 février 1995, sur ce qui a été réceptionné comme

  8   armement au commandement du 8e Groupe opérationnel de Srebrenica ? Il

  9   suffit de voir la quantité de mines, de mortiers portatifs, de mines pour

 10   mortiers portatifs, des balles, et cetera ? Est-ce que, d'après vous, on

 11   pourrait parler de démilitarisation lorsque l'on voit cela ?

 12   R.  Je vois cela et je peux dire que cela ne prouve pas que la

 13   démilitarisation n'a pas eu lieu. On peut parler de réarmement ici mais, en

 14   même temps, vous voyez de quel type d'équipements il s'agit ici ce qui est

 15   donc fourni. Donc des armes de petit calibre, des cigarettes, du sel,

 16   équipements de transmission, de communication, des grenades à main, des

 17   canons. Oui, je vois tout cela. Mais vous voyez les mortiers il y en a

 18   combien ? De 60 millimètres, des obus de mortier de 60 millimètres.

 19   7.9 le calibre des munitions, cela peut sembler beaucoup aux yeux de

 20   quelqu'un qui ne sait pas comment fonctionne une armée, mais ce n'est rien

 21   on ne peut pas véritablement faire la guerre avec cela. C'est quasiment

 22   rien. Si vous comparez cela à ce que nous savons, à ce qui était entre les

 23   mains de l'armée des Serbes de Bosnie, mais ça c'est des brutiers [comme

 24   interprété]. Qu'est-ce que l'on voit ici : deux roquettes -- deux lance-

 25   roquettes, des armes de petit calibre 7.62 millimètres ? Combien, six

 26   mortiers ? Six mortiers mais ça correspond à un peloton, pas même à une

 27   compagnie. Donc on ne pourrait pas établir une comparaison entre cela et ce

 28   qui était entre les mains de l'armée des Serbes de Bosnie. Même si vous


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  1   doublez cela, cela n'est rien par rapport à ce qu'avait l'armée des Serbes

  2   de Bosnie.

  3   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Vous parlez de réarmement lorsque vous

  4   parlez de cela, n'est-ce pas ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que cela ne signifie pas que la

  6   démilitarisation n'avait pas eu lieu. Cela signifie simplement qu'ils ont

  7   demandé que l'on les réapprovisionne en arme.

  8   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

  9   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Mais vous-même est-ce que vous avez été

 11   au courant de cela ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, nous n'étions pas au

 13   courant.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Kingori, sommes-nous bien d'accord sur le fait que cela date

 16   du 17 février et que cela en signifie pas qu'il n'y avait pas déjà des

 17   choses sur place.

 18   Est-ce que vous pouvez afficher la deuxième page à M. Kingori ? On voit

 19   qu'on demande également des mortiers -- ou plutôt, des obus de mortier de

 20   82 millimètres, et aussi des munitions de chars. Donc, si l'on vous disait

 21   qu'ils avaient trois chars dans cette zone démilitarisée, comment

 22   réagiriez-vous ?

 23   R.  Je vous répondrais que nous ne savions pas qu'ils avaient trois chars.

 24   Nous n'étions pas au courant de cela.

 25   Q.  Mais vous voyez bien qu'il demande des obus de 82 millimètres, de 60

 26   millimètres, et des munitions pour chars; c'est bien cela ?

 27   R.  Oui, c'est ce que je vois.

 28   Q.  D'accord.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de 1D04730 à présent,

  2   s'il vous plaît.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Donc nous ne sommes pas d'accord sur le fait que vous étiez au courant

  5   pleinement de l'existence de la 28e Division composée de cinq brigades et

  6   de plusieurs bataillons indépendants déployés à Srebrenica. Est-ce que vous

  7   avez appris cela après notre entretien ? Est-ce que vous avez pu vérifier

  8   que cela est bien exact, et que vous savez maintenant ?

  9   R.  Madame, Messieurs les Juges, je n'étais pas au courant de l'existence

 10   d'une telle brigade d'une telle importance. Je n'étais absolument pas au

 11   courant de cela.

 12   Q.  D'après ce que vous saviez, quels étaient les moyens entre les mains de

 13   l'armée de Bosnie-Herzégovine dans l'enclave, quelle structure était en

 14   place, combien de combattants, combien d'unités ? Je ne parle pas de

 15   brigades; je parle de la 28e Division composée de cinq brigades y compris

 16   une déployée à Zepa, donc, d'après ce que vous saviez et d'après ce qui

 17   vous a permis de tirer des conclusions sur le comportement des uns et des

 18   autres.

 19   Qu'est-ce qui était entre les mains de l'armée de Bosnie-Herzégovine

 20   dans l'enclave ?

 21   R.  Madame, Messieurs les Juges, ce que nous savions sur l'armée de Bosnie-

 22   Herzégovine c'était qu'ils avaient --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous

 24   écoutez la réponse du témoin ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc ils avaient des structures que l'on ne

 26   peut pas qualifier de structures organisées. Nous savions qu'il y avait un

 27   chef d'état-major, Ramiz Becirovic, et nous savions qu'il y avait un chef

 28   militaire, appelé Naser Oric, que nous n'avons jamais rencontré pendant


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  1   notre mission à Srebrenica. Mais sur le type d'organisation, nous n'avions

  2   pas de renseignements sûrs, parce que comment pouvez-vous avoir quelqu'un

  3   qui commande une division, qui est invisible ? Je veux dire la 28e Division

  4   dont on parle toujours aurait pu être en place sur papier mais, en réalité,

  5   comment est-ce qu'on peut avoir une telle division dans une enclave comme

  6   Srebrenica ? Ce n'est pas au sens conventionnel, classique militaire.

  7   J'attire votre attention sur le fait qu'une division, en fait, se compose

  8   de différentes entités, qu'à la base, nous avons, dans une organisation

  9   militaire, un peloton, une section qui se compose de neuf hommes -- de neuf

 10   personnes, et que cela constitue la première unité de base, donc, de

 11   combat, que trois sections constituent un peloton, que trois pelotons

 12   constituent une compagnie, trois compagnies, à leur tour normalement,

 13   constituent une unité. Donc, maintenant, nous parlons d'une unité qui se

 14   composerait d'environ 1 000 personnes. Donc il n'y a pas que l'effectif,

 15   mais vous avez l'armement aussi. Donc une section n'aura que des armes de

 16   petit calibre, et puis à partir du niveau du peloton, vous avez un mortier,

 17   et ensuite cela va croissant jusqu'à l'armement lourd. Mais on ne voyait

 18   pas cela dans l'enclave, cette structure on ne la voyait pas dans

 19   l'enclave, même s'il y a eu un, deux ou trois chars. Mais qu'est-ce que

 20   cela nous permet de penser qu'il y avait, là, une division ? Mais une

 21   division, normalement, elle doit avoir deux bataillons de char, et il n'y

 22   en avait pas, on ne les a pas vus, même si -- et puis si on parle d'une

 23   division toute entière, mais c'est quasiment une armée. Donc on ne peut pas

 24   dans une petite enclave de cette taille-là avoir autant de combattants et

 25   un effectif de cette taille. Deuxièmement, toutes ces armes lourdes,

 26   comment peut-on en disposer sans qu'elles soient visibles, et tout cela sur

 27   un territoire exigu ? Donc c'est quasiment impossible.

 28   Troisièmement, j'attire votre attention sur le fait qu'il faut former,


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  1   entraîner des hommes. Il faudrait qu'il y ait eu une formation, un

  2   entraînement continu sur place, mais ça, on ne l'a pas vu pendant notre

  3   mission à Srebrenica. Cela n'a été relevé nulle part.

  4   Donc ce que j'essaie de dire, c'est que cette division a peut-être

  5   existé sur papier, mais qu'en réalité, il n'y avait rien permettant de

  6   conclure qu'une telle division était en place à Srebrenica, et de fait,

  7   elle n'aurait pas pu exister en tant que division avec l'effectif et

  8   l'armement lourd, cela n'est pas possible, Madame, Messieurs les Juges.

  9   Q.  Monsieur Kingori, je pense qu'il faut faire la part des choses. Alors,

 10   d'abord, vous nous dites que vous ne l'avez pas vu et que vous n'étiez pas

 11   au courant, puis ensuite vous nous dites qu'elle n'existait pas. Alors quel

 12   est votre point de vue précis ? Vous n'étiez pas informé à ce sujet, même

 13   si elle a existé ou vous nous dites qu'elle n'a absolument pas existé.

 14   Laquelle des deux options est la bonne ?

 15   R.  Ecoutez, Monsieur le Président, ma réponse reste la même. Pour ce qui

 16   est d'une division, nous n'avons pas vu de division même si nous savions

 17   qu'il y avait un chef d'état-major de la division, mais, dans la réalité,

 18   il n'y avait pas une telle division.

 19   Deuxièmement, même si elle avait été présente, nous n'avons jamais vu

 20   aucune preuve de l'existence sur le terrain de cette division, en tant que

 21   militaire, vraiment nous n'avions rien vu. Puis, il faut savoir que nous

 22   pouvions constater le type d'arme et de structures qui existaient au sein

 23   de l'armée des Serbes de Bosnie, leurs structures étaient très différentes.

 24   Q.  Est-ce que c'est un point de vue qui était partagé par les cinq autres

 25   observateurs militaires ?

 26   R.  Monsieur le Président, en tant qu'officier militaire supérieur, je sais

 27   que cela correspondait à la situation, et je pense que les autres

 28   observateurs partageaient ce point de vue.


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  1   Q.  Merci. Est-ce que le Bataillon néerlandais était du même avis que le

  2   vôtre ? En d'autres termes, est-ce qu'il partageait votre point de vue ?

  3   R.  Monsieur le Président, je ne suis pas en mesure de parler du point de

  4   vue du Bataillon néerlandais, parce qu'ils avaient leur propre modus

  5   operandi, mais il y a une chose dont je suis absolument sûr; c'est qu'ils

  6   n'ont pas vu une division, une division complète, une division d'infanterie

  7   opérationnelle à l'intérieur de Srebrenica. Cela, ils n'ont pas pu le voir.

  8   Alors il se peut que quelqu'un en ait parlé, qu'il ait eu des propos à ce

  9   sujet, mais je suis absolument sûr et certain qu'ils n'ont pas pu voir une

 10   division d'infanterie à Srebrenica.

 11   Q.  Alors est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qui suit ? Si vous

 12   n'avez pas informé le secrétaire général que Srebrenica était un bastion

 13   militaire de l'armée de Bosnie-Herzégovine, si le Bataillon néerlandais ne

 14   l'a pas fait, si le Bataillon canadien, qui les a précédés, ne l'a pas fait

 15   non plus, qui alors a trompé ou leurré le secrétaire général et l'a conduit

 16   en quelque sorte à informer le Conseil de sécurité que les zones protégées

 17   étaient des bastions de l'armée de Bosnie-Herzégovine ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il n'appartient au témoin de répondre à

 19   cette question.

 20   M. KARADZIC : [interprétation]

 21   Q.  Bien. Regardez le document qui se trouve sur votre écran. Vous voyez

 22   qu'il s'agit de 2 juin 1995, qui correspond à la période où vous vous

 23   trouviez là-bas. Regardez tout ce qui va être distribué, il s'agit d'autant

 24   de ressources militaires, des munitions, vous voyez qu'il y a 5 500

 25   munitions, puis 350 pour un vieux fusil. Vous avez des grenades, puis il

 26  est question de la 281e Brigade, puis la 282e, de la 283e et 284e. Vous avez

 27   également la Brigade de Zepa, qui n'est pas mentionnée, mais vous avez le

 28   280e Bataillon de Montagne. Puis, sur la page précédente, vous voyez qu'il


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  1   est question d'une unité d'état-major et d'une quantité assez

  2   impressionnante de munitions.

  3   Donc comment se fait-il qu'une brigade, qui n'existe pas, utilise

  4   tant de munitions ? Vous voyez qu'il s'agit d'une demande pour le 2 juin

  5   1995, donc, il est évident qu'ils avaient utilisé tout ce qu'ils avaient

  6   auparavant. Comment est-ce que cela correspond à votre rapport, rapport

  7   d'observateur militaire, rapport dans lequel vous dites qu'il n'y avait

  8   absolument rien là-bas ?

  9   R.  Monsieur le Président --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Souhaitez-vous voir le document dans son

 11   ensemble et voir qui en est le rédacteur ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça se trouve à la page suivante.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Voilà, c'est une certification qui prouve l'authenticité de ce document

 16   -- ah, oui, oui, vous avez raison, vous pouvez voir Semsudin Salihovic,

 17   Semso. Alors, dans le document original, il y a un cachet, commandement de

 18   la 28e Division.

 19   R.  Ecoutez, Monsieur le Président -- oui, je peux voir la fin du document.

 20   Peut-être que vous pourriez afficher à nouveau la deuxième page.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, voilà ce que je peux

 23   voir. Oui, je peux voir le type d'armes qui est demandé -- ou plutôt, ils

 24   disent que les armes ont été fournies. Vous pouvez voir des balles, 7.62 et

 25   60 millimètres, vous avez des lance-roquettes. Oui, oui, je vois ce qui est

 26   écrit, et j'aimerais attirer votre attention à ce que j'ai déjà fait

 27   d'ailleurs sur le fait qu'il est dit dans ce document, que ces armes ont

 28   été fournies pour l'ABiH dans l'enclave. Alors, s'il est dit que cela a été


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  1   fourni, je ne vais pas le nier. mais ce que je peux vous dire, c'est que,

  2   moi, je n'étais pas informé de l'existence de ces armes, de cet

  3   approvisionnement en armes, mais si vous voyez de type d'armes qui est

  4   fourni, vous voyez que cela ne nous donne pas grand-chose. L'arme la plus

  5   lourde c'est un lance-roquettes que l'on tient à la main, 60 millimètres,

  6   il y en a deux là. Puis il y en a un autre, cela nous donne un total de

  7   trois.

  8   Si vous regardez toutes les autres armes, 80 % de ces armes, vous voyez que

  9   ce sont des balles pour armes légères, 7.62, 7.9 millimètres, là, ce sont

 10   des armes de petit calibre. Il s'agit véritablement d'armes légères. La

 11   majorité des munitions est destinée à des armes de petit calibre. La seule

 12   arme à calibre moyen est un mortier, un mortier 60 millimètres, donc c'est

 13   la seule qui figure sur cette liste.

 14   Je ne vois pas d'obus d'artillerie, par exemple. Je n'en vois aucun. Donc,

 15   fondamentalement, il ne s'agit pas de munitions destinées à des armes

 16   lourdes. Ce n'est pas destiné à l'artillerie lourde, et d'ailleurs, cela

 17   corrobore ce que j'ai déjà indiqué précédemment. Bien sûr que l'on pouvait

 18   dire qu'il y avait une division à l'intérieur de l'enclave, mais pour ce

 19   qui est de l'appui en armes, il n'existait pas. Il n'y a aucune preuve de

 20   l'existence d'une division d'infanterie au sein de l'enclave. Peut-être

 21   qu'elle existait officiellement sur papier, peut-être qu'il y avait

 22   quelques membres. Peut-être qu'ils s'appelaient ainsi. Mais, vraiment, il

 23   n'y a eu aucune preuve de l'existence de la division.

 24   Puis ce qu'il faut remarquer ici c'est qu'il s'agit d'un

 25   réapprovisionnement, je peux parler de réapprovisionnement parce qu'on leur

 26   dit, Voilà ce que nous vous envoyons, mais qu'est-ce que cela signifie ?

 27   Cela signifie essentiellement qu'ils se trouvaient dans la situation où ils

 28   devaient protéger leur population. Cela aurait pu venir de l'extérieur de


Page 22853

  1   l'enclave. Parce qu'il est indiqué, Voilà ce que nous vous envoyons. Ces

  2   armes, ces munitions ne provenaient pas de l'enclave. Moi, je ne pense pas

  3   qu'elles provenaient de l'intérieur de l'enclave, bon, si c'est ce qui

  4   s'est passé, je vous dirais que je n'étais absolument pas informé de cela,

  5   mais j'aimerais quand même attirer votre attention sur le fait qu'il s'agit

  6   d'un réapprovisionnement, et en plus d'un réapprovisionnement pour des

  7   armes légères, et non pas pour de l'artillerie lourde.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Colonel, est-ce que vous pourriez

  9   développer un peu votre propos ? Vous nous avez dit : "… ils se trouvaient

 10   dans la situation où ils devaient apporter un soutien à leur population."

 11   Qu'entendez-vous par cela, Monsieur ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'entends par cela c'est que la

 13   personne chargée de la logistique qui a signé cela qui s'appelle général de

 14   brigade -- enfin, je ne sais plus très bien, mais j'ai vu son nom dans

 15   l'encadré réservé à la signature, en fait, ce qu'il souhaitait c'était

 16   réarmer les personnes qui se trouvaient à l'intérieur de l'enclave, ce qui,

 17   pour moi, signifie que ces armes, ces munitions, elles ne provenaient pas

 18   de l'intérieur de l'enclave.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 20   Oui --

 21   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Colonel, mais est-ce que cela peut

 22   également signifier qu'ils avaient auparavant eu des armes et des munitions

 23   et qu'ils essayaient d'obtenir un réapprovisionnement de munitions pour ces

 24   armes ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, ce que cela signifie, c'est

 26   que la personne, qui envoie ces munitions, sait ce qui existe à l'intérieur

 27   de l'enclave, ce qui signifie qu'il devait y avoir quelques armes. C'est la

 28   raison pour laquelle dans nos rapports nous pouvions faire état de temps à


Page 22854

  1   autres de tirs d'armes légères, donc ils utilisaient ce qu'ils avaient. Ils

  2   devaient être réapprovisionnés. C'est dans nos rapports -- cela figure dans

  3   nos rapports.

  4   Ce n'est pas qu'il n'y avait pas une seule arme dans toute l'enclave, et je

  5   l'ai déjà dit d'ailleurs précédemment. Mais ils avaient des armes légères.

  6   Il y avait des tirs à Srebrenica. C'était normal. Si vous y passiez une

  7   nuit, deux nuits sans entendre des tirs d'armes légères, vous pensiez qu'il

  8   y avait quelque chose qui clochait un peu. Ce que j'entends par cela, c'est

  9   que la personne qui a essayé d'envoyer ces munitions aux personnes qui se

 10   trouvent à l'intérieur de l'enclave et qui n'ont plus suffisamment de

 11   munitions, et c'est pour cela qu'ils avaient besoin d'être ravitaillés,

 12   réapprovisionnés en munitions, ce que j'entends, c'est que ce

 13   ravitaillement, ce réapprovisionnement ne venait pas de l'intérieur de

 14   l'enclave, il ne pouvait pas venir de l'intérieur de l'enclave. Il venait

 15   de l'extérieur de l'enclave.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Kingori, en fait, cela provient donc de l'état-major de la 28e

 18   Division. Semsudin Salihovic, qui avec l'autorisation du commandant Oric,

 19   qui est absent temporairement, donne l'ordre que ces quatre brigades et ces

 20   bataillons reçoivent du dépôt de nouvelles munitions pour leurs armes. Donc

 21   cela était arrivé en toute illégalité vers leur dépôt et était distribué à

 22   partir de leur dépôt. Est-ce que cela n'indique pas de façon très claire

 23   qu'il y avait quatre brigades qui allaient recevoir ces munitions ? Je vous

 24   remercierais de répondre tout simplement par oui ou par non dans la mesure

 25   du possible, parce que nous n'avons plus beaucoup de temps.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a déjà répondu à cette

 27   question.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien.


Page 22855

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Alors, Monsieur Kingori, est-ce que nous pouvons convenir qu'une zone

  3   démilitarisée, protégée -- que, dans cette zone protégée et démilitarisée,

  4   il ne doit y avoir aucune unité armée, à l'exception de la police, qui

  5   détient des armes légères -- des armes de point ?

  6   R.  Monsieur le Juge, bien sûr que la situation idéale est que, dans une

  7   zone démilitarisée, on ne trouve aucune arme, absolument pas d'arme. Mais

  8   nous avons constaté et nous en avons fait état -- nous avons constaté,

  9   disais-je, que nous pouvions voir certaines personnes armées qui se

 10   déplaçaient dans l'enclave. Nous l'avons vu. Nous l'avons indiqué, dans nos

 11   rapports - et à un moment donné, le Bataillon néerlandais l'a constaté

 12   également - et lors d'une réunion que nous avons eue avec le chef d'état-

 13   major, Ramiz Becirovic, nous leur avons dit qu'il fallait qu'il s'assure

 14   que les gens rendent les armes. Il nous a demandé pourquoi. Nous indiquions

 15   cela, et nous lui avons dit -- nous lui avons demandé : "Pourquoi est-ce

 16   que vous avez encore des soldats qui déplacent avec des armes ?" Parce que

 17   la situation idéale était qu'ils n'étaient pas censés avoir aucune arme

 18   absolument pas.

 19   Mais je l'ai déjà dit et je me vois contraint de le réitérer, bien qu'il

 20   ait eu désarmement, que le désarmement était accompli et effectué, la

 21   démilitarisation avait déjà été faite, mais il y avait encore quelques

 22   personnes - peu de personnes, mais quelques personnes -avec des armes, ce

 23   qui était évident et ce que nous avons fait figurer dans nos rapports. Mais

 24   cela ne signifie pas que toute l'enclave était militarisée, parce que, bien

 25   entendu, cela aurait été -- ou cela aurait correspondu à une situation tout

 26   à fait différente si toute l'enclave avait eu le droit d'être militarisée,

 27   comme elle l'avait été avant le processus de démilitarisation.

 28   Q.  Mais, Monsieur Kingori, est-ce que vous savez que les services de la


Page 22856

  1   Sûreté d'Etat de Bosnie-Herzégovine ont présenté un rapport à partir de

  2   Tuzla le 17 ou le 18 juillet dans lequel ils indiquaient que 10 000

  3   combattants de la 28e Division avaient opéré une percée, une incursion, une

  4   percée armée militaire, dans tout le territoire serbe ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suppose que vous souhaitez obtenir la

  6   référence exacte ?

  7   Mme WEST : [interprétation] Oui.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous vous donnerons la référence exacte après

  9   la pause, Monsieur le Président. Je voulais juste savoir si M. Kingori

 10   était informé que outre les personnes qui avaient été capturées et outre

 11   les morts, il y avait 10 000 combattants qui étaient arrivés à Tuzla bel et

 12   bien en vie.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Vous ne le saviez pas cela ?

 15   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas combien d'hommes sont arrivés à

 16   Tuzla. Je dois vous avouer, en fait, que je ne dispose pas de ce chiffre.

 17   Lorsque vous dites "des hommes," "des combattants," vous savez, il se peut

 18   que ce soit tout simplement des personnes qui avaient des armes et non pas

 19   des soldats. Donc indiquez-nous s'il s'agissait effectivement de soldats ou

 20   est-ce qu'il s'agissait de personnes qui avaient des armes ?

 21   Q.  Quelle distinction faites-vous entre une personne qui porte une arme et

 22   qui l'utilise et un soldat ? Est-ce que ces deux personnes ne tuent pas

 23   l'une et l'autre ?

 24   R.  Monsieur le Président, il se peut que nous ne devions pas nous lancer

 25   dans un débat à ce sujet, mais certes toute personne qui a un fusil peut

 26   tuer, toute personne qui a un fusil peut être dangereuse, mais nous savons

 27   pertinemment qu'il y a une différence quand même entre avoir une arme, la

 28   porter, et l'utiliser.


Page 22857

  1   Q.  Monsieur Kingori, est-ce que vous saviez que ces personnes, que vous

  2   appelez des personnes armées qui n'étaient pas des soldats, avaient tué,

  3   dans les alentours de Srebrenica, plus de 3 000 Serbes et que, jour et

  4   nuit, constamment, ils faisaient des incursions dans le territoire serbe et

  5   tuaient, et que 2 000 d'entre eux ont été tués en plein territoire serbe

  6   avant le mois de juillet 1995 ? Je ne vous parle pas de Srebrenica, je vous

  7   parle du territoire serbe.

  8   R.  Ce que je peux vous dire, ce que je peux vous assurer, en fait,

  9   Monsieur le Président, c'est que, lorsque nous avions des réunions avec

 10   l'armée serbe de Bosnie, des griefs étaient présentés à propos de Musulmans

 11   qui étaient passés par -- qui avaient traversé le territoire serbe à partir

 12   de Zepa ou en allant vers Zepa, et ce, pour ramener des biens. Parfois ils

 13   étaient attaqués, ils pouvaient être blessés. Nous avons également entendu

 14   que certains Musulmans ont attaqué l'armée serbe de Bosnie, mais nous

 15   n'avons jamais entendu que des membres de l'armée serbe de Bosnie, mais

 16   nous n'avons jamais entendu que des membres de l'armée serbe de Bosnie

 17   aient été tués par des Musulmans. Nous n'avons jamais été notifiés ou

 18   informés lors de toutes les réunions que nous avons eues avec l'armée des

 19   Serbes de Bosnie, de soldats de l'armée serbe de Bosnie qui auraient été

 20   tués par des Musulmans. Mais, par ailleurs, les Musulmans nous ont parfois

 21   indiqué que certains Musulmans ou que plusieurs Musulmans avaient été tués

 22   par l'armée serbe de Bosnie. Donc ce que j'entends c'est que nous avions

 23   été informés de Musulmans qui avaient perdu la vie du fait de l'armée serbe

 24   de Bosnie mais pas le contraire. Mais bien entendu, bon, on ne peut pas

 25   exclure qu'il y ait eu un ou deux cas, mais bon cela n'a jamais été

 26   répertorié nulle part.

 27   Q.  Merci. Très bien.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que ce document précédent pourrait être


Page 22858

  1   versé au dossier avant que je ne demande l'affichage d'un autre document ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons donc verser au dossier le

  3   document 1D4730.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1993, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Lors de notre entretien, et un peu plus tôt aujourd'hui, d'ailleurs, me

  8   semble-t-il aussi, vous avez laissé entendre que vous n'étiez absolument

  9   informé de l'existence de différents états-majors d'une infrastructure

 10   militaire à Srebrenica. Donc, si les soldats pouvaient être à la périphérie

 11   de Srebrenica ou dans leurs propres foyers et que vous n'étiez pas en

 12   mesure de les voir, est-ce que vous continuez à affirmer qu'il n'y avait

 13   pas d'état-major militaire à Srebrenica ?

 14   R.  Oui, oui, je continue à l'affirmer.

 15   Q.  Bien.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons demander l'affichage de

 17   la pièce 1D4769 ? En fait, je pense qu'il s'agit du document -- en fait, je

 18   pense que la pièce, que nous venons de verser au dossier, devrait être la

 19   pièce D1994, parce que nous avons déjà eu un document D1993 hier. Je pense

 20   que la cote, qui vient d'être octroyée au document, devrait être la cote

 21   1994, mais il se peut que je me trompe.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Mais regardez plutôt, Monsieur Kingori. Il s'agit d'un document qui

 24   porte la date du 22 février 1995. Secrétariat de la Défense nationale à

 25   Tuzla, donc qui fait partie du ministère de la Défense, et qui répond et

 26   énumère toutes les ressources dont ils disposaient. Vous voyez que c'est à

 27   Lovac, sur Lovac dans la vieille ville de Srebrenica, que se trouvait le

 28   commandement du 8e Groupe opérationnel, qu'ils avaient également un


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  1   territoire de quelque 198 mètres carrés. L'ancien état-major de la Défense

  2   territoriale de Srebrenica est utilisé par le commandement. Vous avez la

  3   superficie totale, et cetera, et cetera. Vous avez donc les différentes

  4   brigades, la 280e Brigade qui se trouve dans une maison familiale qui

  5   appartient à Meho Hrvacic, et il y a également la maison familiale de Hajro

  6   Dautbasic, où se trouve -- ah, non, ça c'est la même brigade, en fait. Puis

  7   ensuite, vous voyez les différentes brigades, la 281e Brigade, la 282e

  8   Brigade, la 283e Brigade --

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page suivante.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  -- la 284e Brigade. Là, ils ont tous les postes de commandement. Ils

 12   ont les unités, ils ont l'état-major, le QG, ils ont un 7e Bataillon de

 13   Montagne à Srebrenica. Il y avait pléthore de soldats et d'infrastructures

 14   militaires et vous nous dites que tel n'était pas le cas. Le Bataillon

 15   néerlandais en est parfaitement informé, alors que les observateurs

 16   militaires ne le sont pas.

 17   R.  Monsieur le Président, je regarde, je consulte cette liste et

 18   j'aimerais en fait vous renvoyer à ce que j'ai déjà dit un peu plus tôt.

 19   Vous ne pouvez pas véritablement avoir une brigade logée dans une maison.

 20   Regardez, une maison qui appartenait à une dame, et dans cette maison, se

 21   trouve cantonner une brigade. Franchement, une brigade, elle est composée

 22   au --

 23   Q.  Non, il ne s'agit de brigade, Monsieur.

 24   R.  Non, non, non, il y a quelque part, dans le texte, le QG d'une brigade

 25   qui se trouve dans une maison, et je vous dirais à titre d'information que

 26   l'on ne peut pas cantonner ou loger une brigade dans un tel lieu. Une

 27   brigade est composée de trois unités d'infanterie, et toute une unité

 28   aurait pu, dans des circonstances normales, occuper ou loger dans


Page 22860

  1   Srebrenica, en fait, parce que Srebrenica c'était un village. Donc ils

  2   auraient pu à la grande rigueur loger une compagnie. Mais lorsque vous

  3   regardez les armes lourdes qui sont utilisées par une brigade, même si vous

  4   regardez tout ce qui est écrit, regardez le numéro 5, maison Podgaj,

  5   utilisée par la 3e LPC, la maison appartient à Ibrahim Ahmetovic [phon], et

  6   cetera, et cetera, mais vous voyez 55 mètres carrés.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il n'est pas dit que la maison

  8   justement était utilisée pour la cantine ? Regardez, c'est le numéro 5. Il

  9   n'est pas indiqué que toute la compagnie y était.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais 55 mètres carrés, même pour une

 11   cantine d'une brigade ou d'une compagnie, même s'il s'agit d'un peloton,

 12   par exemple, vous ne pouvez pas avoir la cantine destinée à un peloton dans

 13   une superficie si restreinte. J'essaie d'attirer votre attention sur le

 14   fait suivant, donc, certes, on peut dire voilà ce dont ils disposaient, pas

 15   de problème. Mais, dans la réalité des faits, ça ne tient pas la route.

 16   Vous ne pouvez pas avoir toute une brigade, toute une division dans un

 17   espace si restreint, dispersée dans des petites maisons; où se trouve le

 18   commandement, où se trouve le contrôle, dans ces toutes petites

 19   maisonnettes ?

 20   Il y a une unité ici, d'autres là-bas, ça ne fonctionne pas, d'où mon

 21   affirmation précédente, cela aurait pu certes exister sur papier, certes

 22   vous pouvez avoir quelques soldats, je ne le réfute pas. Il y avait

 23   quelques soldats qui étaient présents, certes, nous avons même entendu des

 24   tirs d'armes légères, bien sûr. Mais vraiment vous ne pouvez pas avoir

 25   toute une division répartie de la sorte dans une si petite enclave. Cela

 26   n'est pas opérationnel et je pense même d'ailleurs que cela  -- je ne pense

 27   pas plutôt que cela était, que la situation était la même pour l'armée des

 28   Serbes de Bosnie.


Page 22861

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Kingori, en tant qu'observateur militaire, vous étiez

  3   censé déterminer que l'armée ne se trouvait pas cantonner dans une caserne,

  4   que les soldats étaient chez eux ou dans des maisons, et que lorsqu'ils se

  5   trouvaient sur la ligne de défense, alors leur repas était préparé dans la

  6   cuisine. Il n'est pas indiqué dans le document que ces maisons faisaient

  7   office de caserne pour tout un bataillon ou pour toute un brigade. Il

  8   s'agissait tout simplement du QG de l'état-major, des commandants et de

  9   leur état-major. Regardez, par exemple, pour ce qui est de la 282e Brigade,

 10   elle se trouvait dans un hôtel, un hôtel qui s'appelait Domavija, donc ne

 11   jetons pas la confusion ici.

 12   Si vous tirez vos conclusions en pensant qu'il s'agissait d'une armée

 13   de métier qui vivait dans des casernes, alors là c'est tout à fait

 14   différent. Mais, là, nous parlons de soldats qui vivaient dans des maisons,

 15   pas dans des baraques, et qui se relayaient pour aller sur la ligne de

 16   front, pour exécuter différentes opérations, différentes missions. Mais

 17   est-ce que votre devoir ne consistait pas à savoir à quelle armée, face à

 18   quelle armée vous vous trouviez ?

 19   R.  Je sais de quelle armée il s'agissait, je le savais. Je savais

 20   quel était le type de militaire qui se trouvait dans cette zone, et pas

 21   seulement moi, tous les observateurs militaires. Mais il y a une chose qui

 22   est absolument sûre et certaine, il y avait des militaires présents,

 23   certes, mais on ne peut pas indiquer, et je continue à le maintenir, dur

 24   comme fer, que ce n'était pas ce qu'on appelait une armée conventionnelle.

 25   Peu importe où était cantonnée l'armée, alors quoi ils allaient, ils

 26   participaient à des patrouilles, ils revenaient, on faisait manger pour eux

 27   dans une maison. Vous savez, en temps de guerre, il y a des procédures

 28   qu'il faut suivre, il y a des méthodes qui prouvent que l'on a affaire à


Page 22862

  1   une organisation militaire. Et vous l'avez vu même dans d'autres guerres,

  2   prenez la guerre en Afghanistan, la guerre en Iraq, on voit que l'on a

  3   affaire à une organisation militaire. Il y a certaines règles qui doivent

  4   être respectées. Mais lorsque vous regardez ce qui est indiqué dans le

  5   document, regardez la répartition, s'il s'agit d'une organisation

  6   militaire, elle est particulièrement désorganisée.

  7   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

  9   dossier.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser le document au

 11   dossier. Ce sera la cote D1995. A la suite de quoi, nous allons reprendre

 12   donc à 11 h 05 -- document D1994.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous envisageriez de m'accorder un

 14   peu plus de temps, parce que M. Kingori répond de façon très détaillée à

 15   mes questions, ce qui, bien entendu, présente une certaine utilité mais

 16   j'ai encore beaucoup de sujets à aborder.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, concentrez-vous sur les sujets

 18   les plus importants, et allez à l'essentiel.

 19   Nous reprendrons à 11 h 05.

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 36.

 21   --- L'audience est reprise à 11 heures 07.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

 23   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce que nous

 24   pouvons passer à huis clos partiel, s'il vous plaît ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Passons à huis clos partiel

 26   brièvement.

 27   [Audience à huis clos partiel]

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

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  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de nous avoir fourni ces

 12   informations.

 13   Monsieur Karadzic, vous pouvez prendre la parole.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 15   [Le conseil de la Défense se concerte]

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Kingori, saviez-vous quelle était la quantité de nourriture

 18   fournie dans le cadre de l'aide humanitaire à l'ABiH de Srebrenica, donc la

 19   nourriture destinée à la 28e Division ?

 20   R.  Madame, Messieurs les Juges, je n'étais pas au courant de cela du tout.

 21   Q.  Je souhaite qu'on l'examine. Apparemment, c'est un document qui n'a pas

 22   encore été téléchargé, même s'il comporte un numéro 1D.

 23   On vous a déjà interrogé là-dessus, Monsieur Kingori. Donc savez-vous que

 24   la 28e Division qui avait l'intention d'apporter son soutien à l'offensive

 25   de l'ABiH à Sarajevo qui a commencé le 15 juin 1995, qu'elle a déployé une

 26   activité très intense, donc a lancé des offensives pour empêcher l'armée

 27   serbe d'aller aider Sarajevo, donc ses camarades déployés à Sarajevo.

 28   R.  Je ne suis pas au courant de cela.


Page 22864

  1   Q.  S'agissant de ce que vous étiez en mesure de faire, vous avez admis que

  2   vous n'aviez pas du tout accès à un secteur que l'on a appelé le triangle

  3   de Bandera, donc un secteur dans la zone de Srebrenica; exact ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Pendant notre entretien, vous nous avez dit que, lorsque vous essayiez

  6   d'avancer, c'étaient des hommes armés qui vous arrêtaient; est-il vrai que

  7   c'est de la même façon qu'ils arrêtaient les soldats armés membres du

  8   Bataillon néerlandais ?

  9   R.  Oui, je suis au courant de cela, cela a déjà été enregistré et fait

 10   partie des rapports.

 11   Q.  Donc, si les questions de chars, vous ne savez pas -- ou plutôt, vous

 12   admettez qu'ils aient pu avoir trois chars dans le triangle de Bandera à

 13   votre insu; c'est bien cela ?

 14   R.  Oui. Il est tout à fait plausible que je ne l'aie pas su. Mais, en même

 15   temps, ce genre d'information normalement nous parvenait à un moment donné

 16   et nous aurions pu être au courant de la présence des chars. Mais,

 17   effectivement, c'est tout à fait possible que ces chars aient été là sans

 18   qu'on le sache.

 19   Q.  Merci. C'est tout ce que je souhaitais constater, Monsieur Kingori,

 20   donc y avait-il des choses sur lesquelles vous n'avez pas pu rendre compte

 21   tout simplement parce que vous n'étiez pas au courant de leur existence.

 22   Donc c'est tout ce qui m'intéresse là-dessus.

 23   Alors, maintenant j'aimerais savoir si vous savez que les attaques lancées

 24   depuis l'enclave pendant cette deuxième moitié du mois de juin étaient très

 25   intenses, que les Serbes ont essuyé beaucoup de pertes civiles. Par

 26   exemple, le village serbe de Visnjica a été entièrement brûlé et le 26

 27   juin, beaucoup de civils ont été abattus.

 28   R.  Si l'on aborde donc maintenant cette question de l'accès à


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  1   l'information, à savoir qu'il y avait des informations que nous ne savions

  2   pas, il est tout à fait clair que le triangle de Bandera était inaccessible

  3   pour nous, et nous nous sommes plaints à cause de cela. Puis, pour ce qui

  4   est des victimes, des pertes dont vous parlez dans les rangs serbes, il est

  5   possible que je ne sois pas au courant de cela. Donc c'est ce que je peux

  6   vous dire au sujet du village serbe de Visnjica.

  7   Q.  Très bien.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous voir le document 1D04780 ?

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant.

 10   Est-ce que vous avez terminé votre réponse ? Je voyais que vous attendiez

 11   la fin des consultations entre M. Karadzic et son conseil.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, justement, c'est ce que j'attendais. Mais

 13   j'ai terminé de répondre. Nous pouvons poursuivre.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] D'accord.

 16   Est-ce que nous pouvons afficher, s'il vous plaît, le document 1D04780 ?

 17   Normalement, une traduction existe déjà -- ou plutôt, non, apparemment.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Je vais vous présenter le document. C'est un document qui provient du

 20   côté musulman de l'état-major général de l'ABiH, il porte la date du 27

 21   juin, et je vous invite à examiner ce qui est écrit au regard de 9 heures

 22   45 :

 23   "Dans la matinée, pendant la journée du 26 juin 1995, nos forces du secteur

 24   de Srebrenica ont attaqué et incendié le village de Visnjica. Les Chetniks

 25   ont compté des victimes dans la population civile."

 26   Puis à 9 heures 48, le rapport se lit comme suit :

 27   "Les Chetniks disposent d'un certain nombre d'informations sur plusieurs de

 28   nos groupes infiltrés depuis Zepa qui avancent vers Kladanj et ils


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  1   entreprennent toutes les mesures aux fins de combat dans ces conditions-là,

  2   et le premier niveau de préparation au combat à l'attention de toutes les

  3   unités de ce secteur a été décrété."

  4   Donc c'est une guerre virulente très intense qui est en cours. Les

  5   Musulmans attaquent tandis que les Serbes défendent leur territoire, et

  6   tout cela se passe au crépuscule du 26 juin; est-ce que cela est exact,

  7   Monsieur Kingori ?

  8   R.  Je vois -- j'entends ce que vous dites; cela n'a jamais été abordé dans

  9   aucune des réunions que nous avons tenues avec l'armée des Serbes de

 10   Bosnie. Normalement, ils se seraient plaints si cela avait eu lieu, si une

 11   telle situation s'était présentée, donc nous n'étions absolument pas au

 12   courant de cela.

 13   Q.  Merci.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons verser ce document aux

 15   fins d'identification ?

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Kingori, savez-vous que David Harland avait fait rapport sur

 18   ce massacre de civils de Visnjica, que les Nations Unies et d'autres

 19   agences avaient été mises au courant, et qu'elles ont fait des rapports là-

 20   dessus ?

 21   R.  Ce n'est pas une information que nous ayons reçue; ça, j'en suis

 22   certain. Ce qui me préoccupe, c'est pourquoi la partie serbe de Bosnie ne

 23   s'est pas plaint auprès de nous de cela, parce que, normalement, ils nous

 24   parlaient, ils se plaignaient lorsque ce genre de chose se produisait,

 25   disaient que l'ABiH a fait ceci ou cela, et là, il n'y a pas eu ce type de

 26   plainte.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West, est-ce que vous vous

 28   opposeriez à ce que l'on verse ce document ?


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  1   Mme WEST : [interprétation] Non.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous attribuerons une cote MFI.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document D1995, MFI.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce P2284, donc

  5   il s'agit d'une pièce à conviction de l'Accusation. C'est le paragraphe 225

  6   qu'il nous faut. Le paragraphe 225.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Nous avons donc, là, un rapport du secrétaire général; c'est bien cela

  9   ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pouvez agrandir le texte du

 11   paragraphe 225 ?

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Donc je ne vais pas en donner lecture.

 14   On voit que :

 15   "… des Bosniens emmenés par Zulfo Tursunovic ont attaqué le village

 16   serbe de Visnjica, à cinq kilomètres à l'ouest de la limite ouest de

 17   l'enclave de Srebrenica, que tôt le matin, du 26 juin, pendant l'attaque,

 18   plusieurs maisons ont été incendiées, et que soit deux personnes ont été

 19   tuées d'après les sources bosniennes, soit quatre d'après les sources

 20   serbes. A peu près 100 moutons ont été volés et emmenés à Srebrenica, où

 21   ils ont été mangés par la suite."

 22   Donc les Nations Unies sont au courant, vous voyez la suite :

 23   "… l'attaque même si c'est une attaque relativement mineure, en comparaison

 24   des attaques serbes qui l'ont précédée, ont entraîné des condamnations très

 25   fermes du côté serbe. Le porte-parole militaire serbe, Milutinovic a

 26   déclaré que la FORPRONU avait pour mission d'empêcher ce type d'opération,

 27   et que l'attaque en question par conséquent a démontré que les Nations

 28   Unies se rangeaient aux côtés de l'armée musulmane. Le général Mladic a


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  1   déclaré à la FORPRONU, que les attaques bosniennes depuis Srebrenica

  2   violaient brutalement le statut de la zone de sécurité de Srebrenica, et

  3   que par conséquent je proteste vigoureusement et vous met en garde que nous

  4   n'allons pas tolérer ce genre de cas de figure à l'avenir. Mladic a omis de

  5   mentionner que la police avait fait rapport aux Nations Unies …"

  6   Donc, lorsque vous parlez des protestations du côté serbe, est-ce que

  7   l'armée serbe de Bosnie a protesté auprès des observateurs ou auprès de la

  8   FORPRONU ? Et c'est là justement que se pose la question de votre mandat,

  9   en quoi a-t-il consisté ?

 10   R.  Cette protestation aurait pu s'adresser à n'importe quelle des

 11   agences des Nations Unies sur place. En fait, les Serbes de Bosnie auraient

 12   dû se plaindre à nous, mais s'ils se sont plaints auprès de la FORPRONU, à

 13   savoir du Bataillon néerlandais, qui se trouvait sur place, à ce moment-là,

 14   il n'y a pas de mal, à ce moment-là. Simplement nous n'avons pas été

 15   informés de cela, mais il n'y a pas de mal à ce qu'ils se plaignent auprès

 16   de n'importe quelle agence des Nations Unies, à mon avis, et il faut savoir

 17   aussi qu'il y avait à l'inverse des choses dont nous étions au courant, et

 18   dont la FORPRONU n'était pas au courant. Cela se produit inévitablement.

 19   Mme LE JUGE LATTANZI : [interprétation] J'ai du mal à comprendre la

 20   chose suivante : D'après vous, vous n'étiez absolument pas au courant de

 21   cela ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas au courant de cela.

 23   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Mais nous avons ici un rapport établi

 24   par le secrétaire général. Donc il fait état de cette situation. Seriez-

 25   vous en mesure de nous expliquer ce manque de communication entre vous et

 26   le secrétaire général, entre les observateurs et le secrétaire général ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Le système onusien a différents moyens de

 28   faire suivre ou relayer l'information. Donc ils auraient pu s'adresser à


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  1   nous ou passer par nous, à savoir les observateurs militaires, mais

  2   l'information a été disponible aussi à travers la FORPRONU, et puis il y

  3   avait d'autres agences, par exemple, le HCR, ou d'autres qui auraient pu

  4   relayer ce type d'information sans nécessairement s'adresser à nous. Donc

  5   il y avait d'autres moyens de se procurer une information, ils auraient pu

  6   passer par un autre canal.

  7   M. LE JUGE BAIRD : [aucune interprétation]

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur Kingori, mais c'est justement ça qui me préoccupe au sujet de

 11   votre déclaration qui compte plus de 200 paragraphes remplis de toute sorte

 12   de déclarations, voire même de descriptions détaillées, positions adoptées

 13   par l'armée de la Republika Srpska, et cetera, et cetera. Mais tout cela

 14   était établi alors que vous manquiez d'information, et ce, de manière tout

 15   à fait importante. Donc ce que j'affirme c'est que les observateurs

 16   militaires n'étaient pas un destinataire naturel de nos griefs, et

 17   d'ailleurs six hommes non armés n'étaient pas l'instance de la part de

 18   laquelle nous nous attendions à ce qu'elle intervienne. A nos yeux, vous

 19   étiez des observateurs passifs qui informaient les Nations Unies de vos

 20   observations, sans plus. Or, il semblerait que vous, vous avez compris

 21   votre mission de manière complètement différente, et que mais il y a

 22   beaucoup d'informations que vous ne receviez pas ?

 23   R.  Cela n'est absolument pas exact. Premièrement, les observateurs

 24   militaires étaient les yeux et les oreilles des Nations Unies sur le

 25   terrain, et en particulier sur tout ce qui concerne les activités

 26   militaires à l'intérieur de l'enclave. Mais comme je l'ai déjà dit, les

 27   Nations Unies avaient plusieurs moyens de relayer l'information, plusieurs

 28   systèmes en place. Donc, pour certaines informations, il est possible que


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  1   nous les ayons reçues pour les confirmer -- pour les vérifier, mais, sinon,

  2   il y avait effectivement d'autres domaines, d'autres moyens par lesquels

  3   les Nations Unies pouvaient se procurer ou vérifier de telles informations.

  4   Les observateurs militaires avaient un rôle tout à fait distinct et

  5   nous avons agi au mieux de nos capacités compte tenu de la situation. On ne

  6   peut pas dire que le simple fait, que nous soyons six, signifie que nos

  7   capacités étaient réduites. Je veux dire que nous étions une force de

  8   taille tout à fait tout à fait naturelle, normale, donc six observateurs

  9   militaires non armée tout à fait normal pour n'importe lequel secteur.

 10   C'est une composition tout à fait naturelle, et on ne peut pas dire que les

 11   Nations Unies ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Six observateurs

 12   militaires, dont deux pouvaient constituer une patrouille, cela signifie

 13   que nous avions au moins deux patrouilles opérationnelles qui pouvaient

 14   être déployées à n'importe quel moment et, bien sûr, les deux autres

 15   pouvaient être laissés sur place pour expédier les affaires courantes. Donc

 16   avec deux patrouilles évidemment qu'on ne peut pas pénétrer partout, on ne

 17   peut pas se rendre à tout endroit de l'enclave, et ce n'est pas tous les

 18   jours que nous avons déployé des patrouilles. Il y avait des entretiens

 19   avec les parties belligérantes, donc avec l'armée des Serbes de Bosnie,

 20   avec l'ABiH, et puis il y avait des échanges d'information à ces moments-

 21   là. Donc, lors d'une des réunions de ce type-là, l'armée des Serbes de

 22   Bosnie aurait pu soulever cette question, ce qui n'a pas été fait.

 23   Donc on ne peut pas dire qu'il n'y avait pas de communication

 24   simplement parce que le secrétaire général des Nations Unies en parle et

 25   que le général Mladic en a parlé, mais il faut dire que le commandement

 26   local des Serbes de Bosnie auraient dû apporter cela à notre attention,

 27   auraient dû se plaindre de cela et ils ne l'ont pas fait.

 28   Q.  Monsieur Kingori, certes, nous pouvons convenir que vous étiez les yeux


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  1   et les oreilles des Nations Unies. Mais vous estimiez également que vous en

  2   étiez les jambes et les bras également et que vous deviez agir, que cela

  3   faisait partie de votre tâche. Toutefois, l'armée de la Republika Srpska

  4   n'a ni reçu ni envoyé -- ni reçu -- ne vous a pas non plus envoyé ces

  5   protestations. Elles ont été envoyées à quelqu'un d'autre.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, document 1D4786.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  Vous voyez que cela était envoyé régulièrement mais pas à vous. Cela

  9   était adressé et destiné à la FORPRONU. Ce qui me préoccupe c'est le sort à

 10   réserver à vos affirmations que l'on retrouve dans plus de 200 paragraphes,

 11   et vous déclarez qu'on vous refusait de nombreuses informations ou que vous

 12   n'étiez pas censé être au courant ou être informé de cette information du

 13   fait de votre mandat.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'il faudrait -- que la traduction

 15   existe.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Donc, regardez, regardez FORPRONU dans l'enclave de Srebrenica. Lorsque

 18   vous parlez des Nations Unies, je suis d'accord avec vous. Mais, là, vous

 19   parlez en tant qu'observateur militaire, et non pas que Nations Unies. Vous

 20   pouvez voir cette protestation envoyée par le général Zivanovic, le 20 mars

 21   1995, à propos du comportement des formations musulmanes qui ne pouvaient

 22   pas être tolérées. Est-ce que vous étiez informé de cela ? Parce que vous

 23   étiez déjà sur le terrain à ce moment-là.

 24   R.  Monsieur le Président, je commencerai par répondre à la première

 25   question qui m'a été posée pourquoi est-ce que cela était envoyé à la

 26   FORPRONU et je vais répéter qu'ils avaient un mandat légèrement différent

 27   du nôtre, ce que vous savez, ce que j'ai déjà indiqué par le passé, en ce

 28   sens qu'ils étaient armés la FORPRONU et qu'ils pouvaient faire en sorte


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  1   que la paix prévale dans telle ou telle zone, ce qui n'était pas notre cas

  2   puisque nous étions là-bas pour observer. Alors regardez ce qui est dit : "

  3   … nous ne pouvons pas tolérer les formations musulmanes qui quittent de

  4   façon obstinée l'enclave et qui attaquent des zones," et cetera, et cetera,

  5   "ou qui attaquent des zones à l'extérieur des frontières, des limites de

  6   l'enclave," et il dit que quelque chose doit être fait. Mais, en fait, la

  7   FORPRONU, elle disposait des armes pour ce faire. Nous, nous n'avions pas

  8   d'arme et nous n'étions d'ailleurs pas censé faire ceci parce que cela ne

  9   s'inscrivait pas dans notre mandat. Notre mandat consistait à faire état de

 10   ces incidents, à les consigner par écrit lorsqu'ils se passaient et les

 11   envoyaient au QG, aux sièges, plutôt, des Nations Unies en utilisant les

 12   filières tout à fait classiques. Mais manifestement, et évidemment on

 13   n'attendait pas de nous à ce que nous fassions régner la paix.

 14   Q.  Mais une fois de plus à propos de votre mandat, de votre affectation,

 15   comment est-ce que votre tâche était définie, par quel document ? Parce que

 16   là nous voyons que l'armée de Republika Srpska avait de nombreux contacts

 17   avec la FORPRONU leur envoyait des memoranda. Des observateurs certes

 18   étaient les yeux et les oreilles des Nations Unies. Mais n'était pas censé

 19   agir, cela ne faisait pas partie de leur mandat, leur tâche ne consistait

 20   pas à exécuter ou mener à bien des actions. Leur tâche consistait tout

 21   simplement à observer et à établir des rapports. Alors, quelle est la

 22   différence entre ceci et la façon dont, vous, vous avez compris et perçu

 23   votre mandat ?

 24   R.  Ecoutez, Monsieur le Président, j'aurais souhaité que la même question

 25   ait été posée au commandant Nikolic ou au colonel Vukovic, qui étaient

 26   parfaitement informés de nos rôles au sein de l'enclave et qui nous ont

 27   utilisés ou qui ont fait appel à nous pendant tout notre séjour dans

 28   l'enclave qui nous ont fourni des informations sur ce qui se passait -- qui


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  1   nous ont dit ce que devrait faire les Nations Unies et d'ailleurs nous

  2   avons établi des rapports à ce sujet. Et ils nous indiquaient également ce

  3   qu'ils avaient l'intention de faire, et je m'interroge, si les observateurs

  4   n'étaient pas importants dans cette zone, pourquoi est-ce que le colonel

  5   Vukovic alors nous disait ce qu'ils avaient l'intention de faire.

  6   Lorsqu'ils ont eu l'intention, par exemple, de s'emparer de l'enclave, il

  7   nous l'a dit. Pourquoi est-ce que nous leur aurait dit s'il pensait que les

  8   observateurs militaires des Nations Unies n'avaient rien à faire dans cette

  9   zone, n'avaient aucun objectif à respecter ?

 10   Vraiment, cela faisait partie de notre mission et nous l'avons fait

 11   du mieux dans la mesure de nos moyens. Mais lorsqu'il s'agit de questions

 12   armées, la FORPRONU -- bon, peut-être que l'armée des Serbes de Bosnie

 13   pensait que c'était la FORPRONU avec qui ils pouvaient traiter, et c'était

 14   peut-être que -- bon, c'est pour cela qu'ils s'adressaient à eux,

 15   puisqu'ils les considéraient comme les personnes idoines pour ce faire.

 16   Mais cela ne signifie pas pour autant que nous n'avions pas de mandat --

 17   nous avions un mandat qui était très clairement défini, notre mandat, et

 18   nous l'avons exécuté du mieux que nous avons pu le faire.

 19   Q.  Ecoutez, je pense visiblement qu'il y a un malentendu, mais nous allons

 20   laisser cela de côté. Nous allons trouver un document des Nations Unies qui

 21   définissait votre travail, votre fonction là-bas, Monsieur Kingori. Comme

 22   vous nous l'avons dit lors de notre entretien, vous avez rencontré des

 23   officiers de l'armée des Serbes et vous en avez fréquentés certains.

 24   Parfois vous preniez un café ou autre chose d'ailleurs et vous les

 25   rencontriez aux réunions également. Est-ce que quelqu'un a gardé des

 26   procès-verbaux de ces réunions où ils vous informaient de ce qui vous avait

 27   dit ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et est-ce que ce document pourrait être versé


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  1   au dossier, Monsieur le Président ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Document D1996, Monsieur le Président.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons eu des

  5   réunions avec le commandant Nikolic, par exemple, ou avec le colonel

  6   Vukovic également, toutes ces réunions, lors de ces réunions des procès-

  7   verbaux ont été dressés et nous avons envoyé ces procès-verbaux aux sièges

  8   des Nations Unies chaque fois que nous avons eu ce type de réunions.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors qui conservait ces procès-verbaux, qui les dressait et qui les

 11   conservait ?

 12   R.  Je pense avoir répondu. L'observateur qui était présent, il y en avait

 13   un qui se chargeait du procès-verbal, et puis, par la suite, lorsque nous

 14   allions à notre QG, nous les écrivions, nous les peaufinions et nous les

 15   envoyions au QG des observateurs militaires des Nations Unies.

 16   Q.  Merci. Bien entendu, j'ai beaucoup de respect pour vous

 17   personnellement, pour le colonel Vukovic et pour le commandant Nikolic,

 18   mais j'aimerais savoir s'il vous appartenait de parler de ces grands

 19   éléments de stratégie ? Est-ce que vous pouviez prendre des décisions à cet

 20   égard ou est-ce que vous en parliez de façon générale ?

 21   R.  C'est une question qui pourrait peut-être être posée au colonel

 22   Vukovic, parce que c'est lui qui parlait de ces questions. Nous nous

 23   contentions de prendre note de ce qu'il nous disait. Par la suite, nous

 24   l'inscrivions dans un rapport, et d'ailleurs, si je peux me permettre de

 25   vous le dire, cela s'est avéré véridique par la suite.

 26   Q.  Alors, nous allons faire abstraction de tout cela, de ce qui s'est

 27   avéré véridique, et faisons fi des analogies. Mais j'aimerais savoir, vous

 28   trois, votre groupe, vous avez fait référence à trois personnes, voilà ce


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  1   qui m'intéresse maintenant. Qu'est-ce que vous pouviez décider ? Comment

  2   est-ce que vous pouviez parler de grandes questions ? Mais peu importe,

  3   nous leur poserons la question également.

  4   Au paragraphe 20 de votre déclaration consolidée, vous nous dites que les

  5   Musulmans de Srebrenica sont allés à Tuzla afin d'y obtenir des aliments.

  6   Est-ce que vous connaissez la taille du territoire serbe ? Est-ce que vous

  7   savez combien de lignes de défense serbes il fallait franchir à pied, ou à

  8   cheval d'ailleurs, afin finalement d'arriver à Tuzla et d'y obtenir des

  9   aliments ? Est-ce que vous avez une petite idée de la distance qui se

 10   trouve entre Tuzla et Srebrenica ?

 11   R.  Tuzla n'était pas très loin de Srebrenica. Mais, bien entendu, tout

 12   dépend de ce que vous entendez par la "distance" qui les sépare. Alors ce

 13   que je sais, c'est qu'ils avaient l'habitude d'y aller. Il y avait en fait

 14   une méthode organisée pour obtenir des autorisations par le truchement de

 15   l'armée des Serbes de Bosnie. Je l'ai mentionné dans mon rapport

 16   d'ailleurs. Il y avait une opération qui était vraiment de type mafieux.

 17   Ils payaient pour sortir et pour revenir dans l'enclave avec les aliments

 18   et les autres objets qu'ils pouvaient acheter à Tuzla. Lorsqu'ils

 19   revenaient dans l'enclave, ils les vendaient. Alors, bien entendu, parfois

 20   ils n'ont pas payé, donc lorsque cela était le cas, des embuscades étaient

 21   tendues. Cela est également dans nos rapports. Il y a certaines embuscades

 22   qui ont été organisées parce qu'ils n'avaient pas justement respecté leur

 23   partie de la transaction. Mais que ce soit près ou loin d'ailleurs, le fait

 24   est qu'ils avaient l'habitude d'y aller et de ramener dans l'enclave des

 25   aliments, et nous en avons des preuves.

 26   Q.  Oui, je peux tout à fait croire qu'ils ont ramené dans l'enclave des

 27   aliments, mais quelle était la fréquence de ce type d'opération ?

 28   R.  D'ailleurs, je vous dirais entre parenthèses que je dois apporter une


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  1   correction, une correction à propos de Tuzla justement. Parce que ce

  2   n'était pas à Tuzla que je faisais référence, c'était à Zepa. Donc il faut

  3   corriger cela. Je parlais de Zepa et non pas de Tuzla.

  4   Q.  Bien. Donc les 100 moutons qui sont mentionnés dans les documents des

  5   Nations Unies, est-ce qu'on les a fait venir de Zepa, de Tuzla ou de

  6   Visnjica ? Et d'ailleurs, chaque fois qu'ils allaient dans des villages

  7   serbes pour tuer et pour incendier, est-ce qu'ils ramenaient des aliments

  8   de ces villages ? Nous le savions, mais est-ce que vous le saviez ?

  9   R.  Pour ce qui est des 100 moutons, je pense que cette question a été

 10   posée en toute bonne foi, au départ j'ai dit que je n'étais pas au courant.

 11   Donc me demander maintenant -- enfin, bon, peu importe. De toute façon, je

 12   n'étais pas au courant de cela, donc je ne peux pas vous fournir de réponse

 13   à ce sujet.

 14   Q.  Merci. Vous avez évoqué des filières différentes qui ont été employées

 15   pour apporter de la nourriture dans l'enclave. Est-ce que vous savez que

 16   nous leur avons proposé de légaliser des échanges pour mettre fin à tout

 17   trafic au noir, toute contrebande, mais qu'eux n'ont pas accepté cela ?

 18   R.  Vous seriez le mieux placé pour nous en parler. Mais pour ce qui est

 19   des activités mafieuses, la question des gens qui entraient et ressortaient

 20   en apportant des biens, c'est une question qui reste ouverte.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on affiche le document

 22   1D4971. Ne serait-ce qu'au courant du mois de mai 1995, quelle est la

 23   quantité d'aide humanitaire qui a été distribuée à l'armée.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Savez-vous ce qu'il en est de la population rurale autour de Srebrenica

 26   ? Enfin, elle est restée sur place et avait son bétail, produisait de la

 27   nourriture, et ils en avaient au moins un petit peu en excédent. Est-ce que

 28   vous savez qu'ils avaient du bétail ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Voyons ici un rapport. Suljo Hasanovic fait un rapport de Srebrenica à

  3   l'attention de l'ABiH. Il dit :

  4   "Voilà, je vous fournis ici la liste des quantités de nourriture, de moyens

  5   techniques et matériels et de carburant distribués aux unités militaires

  6   sur notre territoire en mai 1995.

  7   "25 900 kilogrammes de farine, 590 kilogrammes de sucre, 1 423 litres

  8   d'huile, 619 kilogrammes de sel, 5 000 kilogrammes de pois secs, 17 020

  9   pièces de charcuterie, lait en poudre, 100 kilogrammes…" A la fin, il dit :

 10   "Nous soulignons que ces quantités ci-dessus mentionnées ont été prélevées

 11   sur l'aide humanitaire arrivée ici en passant par le HCR, et en partie, ces

 12   quantités proviennent du Bataillon néerlandais qui les a fournies."

 13   Donc, Monsieur Kingori, si l'armée de la Republika Srpska demande, Mais à

 14   quoi servent ces quantités très importantes de nourriture à Srebrenica,

 15   puisque nous savons que la population rurale produit de la nourriture, et

 16   puisque nous savons que des quantités très importantes d'aide en nourriture

 17   arrivent, on nous accuse, nous, de restreindre les arrivages de nourriture,

 18   mais tout cela est destiné à cette armée très importante déployée sur

 19   place, cette division qui est nourrie même par le Bataillon néerlandais.

 20   R.  Je ne me sens pas vraiment bien placé pour commenter là-dessus puisque

 21   pour ce qui est des produits alimentaires distribués par les convois de HCR

 22   à l'enclave, bien, c'était fait parce que la population n'avait pas

 23   suffisamment de vivres. Elle dépendait du HCR pour son ravitaillement en

 24   vivres. Pour ce qui est du Bataillon néerlandais, s'ils ont donné de la

 25   nourriture à qui que ce soit à l'extérieur, ça je ne le sais pas. Ils ne

 26   nous ont jamais informés de cela. Il n'y a pas de rapport là-dessus. Je ne

 27   pense pas que cela faisait partie de leur mission de fournir les vivres ou

 28   la nourriture à l'armée musulmane, et puis pour ce qui est du HCR, je ne


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  1   pense pas qu'il y ait eu beaucoup de fourniture de vivres à l'adresse de

  2   l'armée musulmane.

  3   Mais, bien entendu, lorsque vous apportez la nourriture dans une

  4   enclave pour toute la population, évidemment qu'il y a eu des quantités qui

  5   ont fini dans les mains des militaires, que ce soit directement ou

  6   indirectement, soit qu'il y ait eu des gens qui étaient enrôlés, soit que

  7   des civils puissent procurer la nourriture aux soldats. C'est tout à fait

  8   possible que les vivres se soient retrouvés entre les mains des militaires,

  9   mais il n'y a pas eu de manière organisée de le faire par le HCR pour

 10   l'armée musulmane.

 11   Q.  Monsieur Kingori, je n'accuse aucune agence onusienne. Je voudrais

 12   simplement dire qu'on a attaqué l'armée des Serbes de Bosnie d'avoir imposé

 13   des restrictions les mois d'hiver de l'année 1995, en réalité, des mois où

 14   des restrictions ont été imposées par l'armée des Serbes de Bosnie. Mais

 15   regardez ce qui s'est passé en fait. Des tonnes de nourriture vont à

 16   l'ABiH, qui nous attaque, et vous ne saviez pas qu'il ne fallait pas

 17   nourrir l'ABiH. En fait, les restrictions de notre côté étaient justifiées,

 18   donc je ne vous attaque pas. Je veux simplement montrer que ces accusations

 19   qui étaient adressées contre nous étaient fausses et mal fondées.

 20   Ne serait-ce qu'au mois de mai, regardez ces centaines de tonnes de

 21   nourriture qui sont distribuées à l'ABiH. C'est allé à la 28e Division.

 22   Mais il fallait bien qu'il y ait beaucoup de gens pour manger tout cela.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Posez une question à la fois.

 24   Est-ce que vous pouvez répondre à la question ? Est-ce qu'il y avait une

 25   question ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que c'est plutôt une déclaration qui

 27   vient d'être faite, donc je ne vois pas quelle réponse je pourrais

 28   apporter. Je pourrais simplement apporter quelques éléments de plus. Il y


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  1   avait la nourriture qui était distribuée aux soldats. Est-ce que cela veut

  2   dire que tout le monde dans l'enclave était soldat, donc que tout le monde

  3   était nourri ? En fait, dire qu'il y avait un petit peu de nourriture qui

  4   est allée à ces soldats ne signifie pas que l'enclave était remplie de

  5   nourriture. L'enclave était nourrie par le HCR. C'est ce que nous savions.

  6   Et même s'ils ont, eux, pu produire un peu de nourriture, c'était grâce à

  7   l'aide du HCR. Bien sûr que l'enclave n'était pas capable de produire

  8   suffisamment de nourriture pour s'alimenter, à aucun moment cela n'a été

  9   vrai.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Prenez le paragraphe 34 de votre déclaration. J'essaie de poser des

 12   questions générales. Je n'ai pas le temps d'explorer 207 paragraphes. Donc

 13   au paragraphe 34, vous dites que la situation était grave dans l'enclave

 14   pour ce qui est des vivres. Vous parlez de rapports hebdomadaires, et

 15   cetera. Mais entre-temps, au mois de mai, sur l'ensemble des vivres que

 16   l'armée serbe a laissé passer à l'intention de la population, des tonnes et

 17   des tonnes sont distribuées à l'armée qui nous fait la guerre. Donc je vous

 18   demande : Etiez-vous au courant de cela, ou si vous l'aviez su, est-ce que

 19   le paragraphe 34 aurait été formulé différemment ?

 20   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous rédigions nos rapports sur la

 21   situation qui se présentait sur le terrain, et ce, sur la base des

 22   informations que nous avions, et même maintenant, si je me trouvais dans

 23   les mêmes circonstances, je rédigerais le même rapport parce que je suis

 24   certain que l'enclave n'avait pas suffisamment de nourriture. On est allé

 25   dans des villages qui n'avaient pas de nourriture du tout, donc c'est ce

 26   qui se retrouve dans notre rapport. Il y avait le HCR d'autre part qui a

 27   rédigé des rapports identiques demandant d'envoyer davantage de nourriture

 28   dans l'enclave. Donc ce que vous voyez, cette liste, cela ne veut pas dire


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  1   nécessairement qu'il y avait suffisamment de nourriture dans l'enclave.

  2   C'est à l'opposée, il n'y en avait pas suffisamment.

  3   Q.  Mais, Monsieur Kingori, il n'y avait pas suffisamment de nourriture

  4   parce que la population civile a été privée de sa nourriture. On lui a volé

  5   sa nourriture, parce que ces vivres sont allés à l'armée. D'autre part, on

  6   nous attaquait, nous. On nous accusait de restreindre les arrivages

  7   nourriture --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je pense que nous

  9   avons entendu une réponse à cette question, et je vais vous demander de

 10   changer de sujet.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut verser ce document ?

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1997.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D4972, s'il

 15   vous plaît.

 16   Excellences, il me faudrait à peu près le même temps pour chacun des

 17   paragraphes de cette déclaration si on s'attend à ce que je puisse

 18   contester chacune des affirmations.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic --

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si la Chambre ne tirera pas des conclusions à

 21   partir de certaines réponses.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] -- nous n'avons jamais mis fin à votre

 23   contre-interrogatoire dans la mesure où vos questions étaient pertinentes.

 24   Donc, évitez toute répétition dans vos questions. Je pense que vous avez

 25   suffisamment de temps pour aborder tous les points importants.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document n'a pas encore été traduit, mais je

 27   pense que ce ne sera pas contesté, n'est-ce pas, qu'il s'agisse d'un

 28   bulletin de l'ABiH et que cela vienne du service de Sécurité militaire ? Il


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  1   s'agit d'un document qui porte la date du 17 juillet 1995.

  2   Mme WEST : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre. Nous avons une

  3   traduction.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Plaçons-le sur le rétroprojecteur.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je veux que le témoin puisse voir le premier et

  7   le deuxième paragraphes dans la version anglaise.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Confirmez-vous qu'il est dit ici dans ce texte que :

 10   "Jusqu'au 16 juillet, tôt dans la soirée, il y a eu une percée des forces

 11   de la 28e Division vers le territoire libre et qu'environ 10 000 personnes,

 12   membres de cette division, sont arrivées à cette occasion-là et que cette

 13   percée a bénéficié de l'appui de la 24e Division," qui n'était pas déployée

 14   à Srebrenica mais à Tuzla, "qui dans le secteur de Baljkovica, et cetera,

 15   ont lancé une contre-attaque très puissante pour opérer une jonction avec

 16   la 28e Division… "

 17   Voyons quelles sont leurs pertes. Deux cent hommes dans un endroit,

 18   et puis 20 morts du côté des Serbes, et six personnes ont été capturées, et

 19   cetera. Donc est-ce que --

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Tournez la page, s'il

 21   vous plaît.

 22   M. Karadzic a mentionné les deux premiers paragraphes. S'il vous plaît,

 23   dites-nous quand vous aurez terminé de lire ces deux paragraphes.

 24   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Kingori, est-ce clair à vos yeux maintenant que vos

 28   conclusions font défaut en raison de ce manque d'information en


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  1   particulier, à savoir que 10 000 personnes ont réussi à opérer une percée ?

  2   Certaines personnes ont été tuées, d'autres ont réussi à passer. Est-ce que

  3   vous rendez compte maintenant de votre position, à savoir qu'il n'y avait

  4  pas de troupe à cet endroit et que la 28e Division n'existait que sur papier

  5   et que ceci n'est pas exact compte tenu du fait que vous n'avez pas intégré

  6   cette information en particulier ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvons-nous revoir la première page,

  8   s'il vous plaît, Monsieur Kingori ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, y a-t-il un endroit où

 10   le chiffre 10 000 a été inséré ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La première ligne --

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La première ligne : "… environ 10 000 membres

 13   de la 28e Division …"

 14   Monsieur le Président, c'est quelque chose que je ne peux ni confirmer ni

 15   infirmer. Il est clair que 10 000 soldats ne constituent pas un petit

 16   nombre. Mais qui a dit qu'il s'agissait de soldats, qu'il s'agissait de

 17   soldats entraînés, qu'ils opéraient une percée parce qu'ils avaient été

 18   vaincus et qu'il y avait 10 000 soldats armés. C'est la raison pour

 19   laquelle je dis cela -- 10 000 soldats armés ne correspond pas à des

 20   personnes qui portent des armes de poing. 10 000 personnes, cela représente

 21   à peu près un corps. Si ces hommes ne peuvent pas opérer une percée au

 22   niveau de la ligne, cela devient très difficile, si on parle d'hommes

 23   armés. Ils devaient avoir l'appui d'armes. Il ne peut pas simplement s'agir

 24   de soldats parce qu'ils portaient un fusil, non; cela n'est pas le cas,

 25   parce qu'ils disposent d'armes de poing non plus. S'il existe une division,

 26   comme c'est indiqué ici, bien, les 10 000 hommes doivent avoir un appui en

 27   armes. Où se trouve l'artillerie dans ce cas présent ?

 28   Donc pour l'essentiel, ce que j'essaie de vous dire c'est qu'il peut s'agir


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  1   ici de personnes qui portent des fusils, cela est possible. N'importe qui

  2   peut porter un fusil. On peut aussi l'appeler un soldat tout simplement

  3   parce qu'il porte un fusil. Mais il ne s'agit pas ici, dans le cas présent,

  4   d'une force armée parce qu'ils n'ont pas la capacité nécessaire pour

  5   pouvoir être appelée une division armée.

  6   Q.  Monsieur Kingori, c'est bien ce qui m'inquiète, parce que vous ne

  7   cessez de dire que ceci et cela est logique. Néanmoins, nous devons établir

  8   les faits indépendamment de la logique. Donc, vous ne contestez pas le fait

  9   qu'il s'agit ici d'un document musulman qui confirme que 10 000 soldats

 10   sont partis et qu'ils se sont battus tout au long du chemin. Indépendamment

 11   de toute logique, il s'agit d'une armée du peuple. Il ne s'agit pas d'une

 12   armée professionnelle. L'armée serbe et l'armée musulmane étaient des

 13   armées du peuple. Il ne s'agissait pas d'armées professionnelles. Ces

 14   soldats habitaient chez eux avec leurs femmes jusqu'au moment de leur

 15   départ. Est-ce que vous contestez ce document ? Est-ce que vous contestez

 16   le fait qu'il précise que 10 000 hommes, troupes, étaient en mouvement ?

 17   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West.

 19   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je vois ici qu'il y a

 20   plusieurs phrases qui constituent une question, et ensuite, cela se

 21   poursuit, et c'est une très longue déclaration et une petite question est

 22   posée à la fin. Je demande à M. Karadzic simplement de poser une question

 23   au témoin et de ne pas faire de telles déclarations.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La valeur probante du témoin en est

 25   amoindrie, Monsieur Karadzic. Posez simplement votre question et posez-là

 26   d'une façon plus simple. Et posez une question après l'autre.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Kingori, veuillez ne pas nous dire comment les choses se sont


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  1   passées; plutôt, répondez à ma question. Est-ce que vous contestez le fait

  2   que 10 000 soldats sont partis, comme le déclare ce document qui émane du

  3   service secret musulman ?

  4   R.  Monsieur le Président, je ne conteste pas le fait que 10 000 personnes

  5   sont parties et que ces personnes auraient pu porter des armes. Mais pour

  6   ce qui est d'une division organisée, une division en tant que telle,

  7   qu'elle ait pu opérer une percée de cette manière, bien, cela est tout à

  8   fait incompréhensible et je n'y crois pas. Bien évidemment, dans toute

  9   guerre, il y a de la propagande. Il faut montrer que dans toute guerre

 10   votre peuple est nombreux, que vous êtes mieux équipés, que vous êtes plus

 11   nombreux, et c'est ce qui se passait dans toutes les guerres. Il faut

 12   remonter le moral des soldats parce que les soldats sont toujours là. Pour

 13   des raisons évidentes, on ne peut pas avoir une division opérer une percée

 14   avec 10 000 --

 15   Q.  Monsieur Kingori, ce que vous venez de nous soumettre sont des

 16   déductions logiques, et je vous ai posé une question à propos des faits.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons regarder le paragraphe

 18   suivant, s'il vous plaît, qui se lit comme suit, à savoir que certains

 19   officiers de l'armée et les autorités ont évacué leurs familles à

 20  l'étranger SVB -- c'est la phrase qui commence par le SVB du 1er Corps. Est-

 21   ce que nous pouvons faire défiler le texte vers le bas un petit peu, s'il

 22   vous plaît, de façon à ce que vous puissiez voir les préparatifs de

 23   liquidation de civils serbes dans le cas où Zepa tomberait.

 24   "SVB le 1er Corps dispose d'information, à savoir qu'après la chute de

 25   Srebrenica et l'attaque par les Chetniks de Zepa, un groupe qui

 26   prétendument avait été formé et comprenait les citoyens de Zepa dont la

 27   tâche consistait à sélectionner des Serbes qui seraient liquidés dans le

 28   cas où Zepa tomberait."


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  1   N'est-il exact pas exact, Monsieur Kingori, que tout ceci est en train

  2   d'avoir lieu sans que les observateurs militaires des Nations Unies soient

  3   au courant ?

  4   R.  Monsieur le Président, il s'agit d'un rapport portant sur le

  5   renseignement obtenu de vos hommes, et en particulier de l'armée. Et cela a

  6   été établi par l'armée comme l'armée serbe de Bosnie. Ils devaient

  7   recueillir de tels renseignements et l'utiliser, peut-être pas directement,

  8   mais indirectement. Peut-être que leur plan consistait à éliminer ceux

  9   qu'ils souhaitaient éliminer, les hauts gradés de l'armée serbe de Bosnie à

 10   Zepa. Donc le renseignement peut être obtenu de différentes manières. Il y

 11   a différentes manières de recueillir des éléments de renseignement et

 12   l'utiliser, et le renseignement ne nous parvenait pas forcément.

 13   Q.  Alors, il y a une faille particulière dans votre réponse. Il ne s'agit

 14   pas d'un document de l'armée de la Republika Srpska. Il s'agit d'un

 15   document de l'ABiH. Il s'agit d'un document musulman.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la première page

 17   de l'original, s'il vous plaît. Même si chaque page de l'original porte le

 18   cachet de l'armée de Bosnie.

 19   Ce document peut-il être versé au dossier ?

 20   Je souhaite voir l'original. Voyez-vous, on peut lire ici, Armée de Bosnie-

 21   Herzégovine. Ce document fournit les informations sur les personnes qui

 22   sont arrivés à Tuzla. Dans le prétoire électronique, nous pouvons voir le

 23   document en serbe --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il est sur le rétroprojecteur.

 25   Nous allons le verser au dossier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote D1998,

 27   Madame, Messieurs les Juges.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur Kingori, votre département des observateurs militaires des

  2   Nations Unies, secteur nord-est, quel rapport avez-vous fait à Zagreb sur

  3   l'événement en question, à savoir la percée de l'armée de Bosnie, les

  4   pertes en hommes de l'armée de Bosnie, le nombre de personnes qui ont

  5   réussi à passer ? Savez-vous ce qui a été dit dans les rapports ? Il

  6   s'agissait de votre commandement direct à Tuzla, n'est-ce pas ?

  7   R.  Monsieur le Président, nous rédigeons des rapports sur une éventuelle

  8   voie de sortie pour les Musulmans, qui était en direction de Tuzla. C'était

  9   le plus probable, en direction de Tuzla. Nous avons également parlé du fait

 10   qu'ils devaient, pour sortir, se battre, et ils devaient se battre pour

 11   sortir parce que bien évidemment on n'allait pas leur permettre de quitter

 12   la ville en toute sécurité pour se rendre en direction de Tuzla. Voilà, nos

 13   rapports ont porté là-dessus.

 14   Q.  Que des civils obtiendraient un corridor ou la 28e Division ? Avions-

 15   nous l'obligation de permettre à la 28e Division de quitter notre

 16   territoire de façon pacifique alors qu'ils portaient des armes, et ensuite

 17   qu'ils puissent nous attaquer depuis cet endroit ?

 18   R.  Monsieur le Président, c'était très clair dès le départ qu'on

 19   n'accordait à personne une sortie en toute sécurité de l'enclave, parce que

 20   l'armée serbe de Bosnie avait déjà commencé un bombardement lourd de

 21   Srebrenica. Et il était très clair depuis le départ que l'objectif

 22   constituait à nettoyer le secteur des Musulmans comme cela nous avait été

 23   dit par le colonel Vukovic. Donc tout était clair, et tout était conforme

 24   au plan. Il fallait nettoyer l'ensemble de l'enclave des Musulmans, ce qui

 25   a été couronné de succès.

 26   Q.  Monsieur Kingori, les Juges de la Chambre en décideront. Je vous

 27   demande de bien vouloir vous en tenir aux faits, s'il vous plaît. Vos

 28   services, ont-ils fait un rapport là-dessus et ont-ils transmis ce rapport


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  1   à Zagreb, à savoir combien de combattants y avait-il, combien de personnes

  2   ont réussi à sortir et combien de pertes en hommes il y a eu ? Savez-vous

  3   combien de pertes en hommes la 28e Division a subi entre Srebrenica et

  4   Tuzla ?

  5   R.  Non, Monsieur le Président, je ne le sais pas.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir le 1D4 -- 04768,

  7   s'il vous plaît.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  S'agit-il là d'un rapport de votre commandement nord-est de Zagreb, le

 10   QG des observateurs militaires des Nations Unies à Zagreb, 17 juillet 1995;

 11   est-ce exact ?

 12   R.  Oui, je le vois, Monsieur le Président.

 13   Q.  Merci. S'agit-il là de noms que vous connaissez, de personnes qui ont

 14   préparé ce document et qui l'ont transmis au commandant Kouznetsov et M.

 15   Woodhouse ? Connaissez-vous ces noms ?

 16   R.  Oui, je connais Woodhouse.

 17   Q.  Veuillez regardez le document, s'il vous plaît.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Veuillez faire défiler le texte vers le bas, et

 19   lorsque M. Kingori en aura terminé la lecture, nous pouvons passer à la

 20   page suivante. Vers le bas, on peut lire :

 21   "Equipes de Srebrenica qui tiendront des réunions ce soir en présence des

 22   représentants de la partie serbe."

 23   Est-ce que nous pouvons voir la page suivante, s'il vous plaît. Page

 24   suivante, s'il vous plaît. 

 25   [aucune interprétation]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Nous

 27   n'avons pas eu l'interprétation de votre dernière citation. Nous voyons ce

 28   passage. Quelle est votre question ?


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Le 17 juillet, cette réunion a-t-elle eu lieu et y avez-vous assisté ?

  3   R.  Oui, nous avons eu une réunion, tout à fait. Je ne me souviens pas si

  4   j'y ai assisté moi-même ou pas.

  5   Q.  Merci. Voyez-vous le paragraphe suivant où on parle de mortiers

  6   couverts montés sur des camions musulmans. Savez-vous que les troupes

  7   utilisaient des mortiers mobiles à partir desquels ils tiraient pour

  8   pouvoir s'échapper rapidement ?

  9   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas exactement de quoi vous voulez

 10   parler. Parce que s'il s'agit du rapport que j'ai sous les yeux, au

 11   paragraphe 4, du côté de la BiH, cela ne vient pas de l'équipe de

 12   Srebrenica.

 13   Q.  Mais étiez-vous au courant de ce phénomène, à savoir que des mortiers

 14   étaient placés à bord de camions, qu'ils étaient recouverts et qu'ils

 15   tiraient à partir de ces mortiers, et qu'ils se cachaient ensuite ? Saviez-

 16   vous que c'est ainsi qu'ils utilisaient leurs armes pour pouvoir tromper

 17   les Nations Unies ?

 18   R.  Monsieur le Président, tout ce que je sais c'est que lorsqu'on est

 19   coincé, on peut tout faire, c'est possible que cela ait eu lieu. Mais on ne

 20   peut pas tricher longtemps parce que cela est rapidement découvert. Ceci

 21   émane de l'équipe Srebrenik et non pas de l'équipe de Srebrenica.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la page suivante,

 23   s'il vous plaît ?

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Au point D. Nous n'avons pas le temps d'aborder le reste --

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je souhaite que le témoin lise le point

 27   D, D majuscule.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai lu --


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a un autre passage qui se trouve à

  2   la page suivante, à la page 4.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord. Merci.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelle est votre question, Monsieur

  5   Karadzic ?

  6   M. KARADZIC : [interprétation]

  7   Q.  Les affirmations que vous faites dans votre déclaration ne sont-elles

  8   pas incompatibles avec ce que rapporte le commandement des observateurs

  9   militaires des Nations Unies ? Etiez-vous au courant de cela ?

 10   R.  Monsieur le Président, je souhaite savoir de quelles affirmations il

 11   s'agit en particulier.

 12   Q.  Les Nations Unies confirment qu'un nombre important de combattants ont

 13   réussi à quitter le secteur, bon nombre d'entre elles sont mortes en

 14   quittant le secteur, qu'un certain nombre de villages ont été incendiés, et

 15   qu'ils sont arrivés dans la zone de responsabilité du 2e Corps; c'est exact

 16   ? Ce point D, dans son intégralité, est-ce quelque chose qui figure dans

 17   votre rapport ? Est-ce que ceci a une quelconque incidence sur votre

 18   déclaration et est-ce que ceci coïncide avec le rapport des observateurs

 19   militaires ?

 20   Mme WEST : [interprétation] Je souhaite que nous revenions à la première

 21   page, s'il vous plaît, parce que je pense qu'il est important de savoir ce

 22   dont nous parlons.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Il semble s'agir d'un rapport qui

 24   émane des observateurs militaires des Nations Unies, secteur nord-est.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Le QG de l'état-major, était-ce votre commandement ? Est-ce que vous

 27   deviez rendre des comptes à ce QG ? Vous étiez nord-est ?

 28   R.  Oui, tout à fait, Madame, Messieurs les Juges.


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  1   Q.  Donc, sauf votre respect, Monsieur Kingori, je dirais que votre

  2   déclaration ne reflète pas cela et ne coïncide pas avec --

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Que c'est votre question ?

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, c'est ma question.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Pourquoi votre déclaration consolidée est-elle aussi diamétralement

  7   différente des rapports fournis par votre QG ?

  8   R.  Ecoutez, je ne vois pas en quoi ce que j'ai dit s'écarte de ce que dit

  9   ce rapport ici, à savoir le fait que ces personnes soient passées. On voit

 10   dans le rapport que ces personnes sont armées d'armes de poing. Cela ne

 11   signifie pas qu'il s'agisse d'une division armée, quelque chose qui

 12   correspondrait à quelque chose de plus important qu'un groupe ou une

 13   section. Donc nous sommes en présence de personnes armées. Il aurait pu

 14   s'agir de soldats ou de civils simplement armés, et comme je vous l'ai dit

 15   plus tôt, il s'agissait simplement de porter une arme ne signifie pas pour

 16   autant qu'on devient soldat. Cela ne signifie pas qu'il n'y avait que des

 17   membres de l'armée qui passaient de l'autre côté.

 18   Cependant, le fait d'incendier les villages - qui est l'autre question que

 19   vous avez soulevée - au moment où ces personnes sont passées, vous avez

 20   donné les raisons pour lesquelles ces villages ont été incendiés alors

 21   qu'ils passaient de l'autre côté. Cela est différent de l'incendie des

 22   villages que vous avez abordé plus tôt, donc, il n'y a pas du tout

 23   d'incohérence de ma part.

 24   Q.  Vous parlez des escouades et des petits groupes ou de sections, encore

 25   une fois. Savez-vous que, dans le système de l'ex-Yougoslavie, chaque homme

 26   avait fait son service militaire, avait été entraîné, et ensuite, faisait

 27   partie des forces de réserve. Tous ces hommes, donc, avaient été mobilisés

 28   régulièrement et avaient fait des manœuvres militaires à intervalles


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  1   réguliers. C'est ainsi que fonctionnait le système. C'était une armée

  2   populaire. Ceci n'était pas une armée professionnelle. Est-ce que vous avez

  3   tenu compte de cela ?

  4   R.  Monsieur le Président, bien sûr, c'était des informations dont nous

  5   disposions. Nous avions toutes ces informations, mais nous savions

  6   également que certains d'entre eux sont devenus soldats par défaut parce

  7   qu'ils sont devenus armés par défaut, non pas parce qu'ils avaient été

  8   entraînés mais simplement parce qu'ils étaient en âge de se battre, et cela

  9   est arrivé. C'était des hommes bien bâtis, forts, et donc, ils ont

 10   simplement pris un fusil. Cela ne signifie pas simplement qu'ils soient

 11   devenus des soldats simplement parce qu'ils portaient un fusil. Simplement,

 12   c'était des personnes armées qui sont devenues soldats.

 13   Donc, pour l'essentiel, ce que je suis en train de dire aux Juges de

 14   la Chambre, c'est que ces 10 000 hommes qui sont dans une division ou une

 15   brigade ou quel que soit le nom de l'unité que vous souhaitez lui donner,

 16   cela ne va pas forcément ensemble. On ne peut pas avoir 10 000 hommes et

 17   dire qu'il s'agisse dans ce cas d'une division. Il s'agit des hommes, et

 18   les hommes ensemble qui disposent d'un certain équipement. Les armes de

 19   poing ne signifient pas pour autant si quelqu'un fait partie d'une brigade

 20   simplement parce qu'il porte des armes de poing qu'il appartient à une

 21   quelconque armée.

 22   Q.  Très bien. Mais vous ne contestez pas qu'il y ait cinq brigades. Il y

 23   avait la 280e, la 281e, la 282e, la 283e, 284e, et la 285e, ainsi que

 24   d'autres bataillons indépendants, indépendamment du fait que ces dernières

 25   aient été bien équipées ou pas ? Vous ne contestez pas cela ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, passons maintenant sur la

 27   question des effectifs d'une division ou d'une brigade. Je pense que le

 28   témoin est en mesure de répondre à la question.


Page 22892

  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Kingori, je parcours les paragraphes que vous avez rédigés. Le

  3   paragraphe 42 précise qu'il n'y avait pas d'électricité. Savez-vous que la

  4   partie musulmane avait saboté les lignes électriques, et après cette date,

  5   ni les Musulmans ni les Serbes n'avaient d'électricité ?

  6   R.  Nous ne savions pas ce qui était arrivé au système électrique. Nous

  7   savions simplement que cela ne fonctionnait pas, et nous avons supposé que

  8   cela avait été endommagé dans les premières phases de la guerre -- au début

  9   de la guerre.

 10   Q.  Savez-vous comment les zones protégées avaient été établies ? En

 11   premier lieu, sur les ordres que j'avais donnés, l'armée serbe s'est

 12   arrêtée en 1993 à l'entrée de Srebrenica ? Nous avons accepté cela, et que

 13   Srebrenica devienne une zone protégée. Inutile donc qu'une quelconque

 14   organisation militaire ou arme s'y trouve. C'est quelque chose que nous

 15   avons accepté, et nous avons signé l'accord. Lorsque les armes ont été

 16   enlevées pour qu'elles soient placées en lieu sûr, il était inutile que les

 17   armes se trouvent, là, parce que la partie serbe avait accepté de

 18   transformer cette zone en zone protégée.

 19   R.  Monsieur le Président, je sais cela.

 20   Q.  Monsieur Kingori, nous allons parler de cela après la pause. Saviez-

 21   vous que la partie serbe, dans quasiment tous les accords de paix, avait

 22   accepté que Zepa, Srebrenica et ainsi qu'un bon nombre d'autres secteurs

 23   dans la vallée de la Drina, que ces villes deviennent partie constituante

 24   de l'entité musulmane ?

 25   R.  Je savais que Zepa était une zone musulmane, tout comme Srebrenica,

 26   donc, la situation et son évolution n'ont pas été suivies attentivement.

 27   Fallait-il les garder ensembles ou garder séparés -

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être pourriez-vous voir ceci au


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  1   compte rendu, Monsieur Kingori ? Est-ce que, dans votre réponse précédente,

  2   vous avez dit que vous étiez conscient de la chose ou pas ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ça a été bien consigné. J'ai dit que

  4   j'avais eu connaissance de la chose.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   Je vois l'heure, Monsieur Karadzic. Allons-nous faire notre pause d'une

  7   heure et continuer à 13 heures 30.

  8   Aussi, allons-nous verser au dossier ce rapport des observateurs

  9   militaires des Nations Unies situés à Zagreb ? Ce sera la pièce D1999.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le numéro suivant, c'est la pièce 2000.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, en effet.

 12   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 31.

 13   --- L'audience est reprise à 13 heures 33.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, à vous.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Kingori, je me dois de contester, et j'ai à contester des

 18   éléments dans chacun de vos paragraphes, et des fois c'est des paragraphes

 19   entiers. Je ne sais pas si je vais avoir le temps de le faire. Mais je vais

 20   aller plus vite et sauter des choses. Je suis obligé. Alors est-il exact de

 21   dire que vous avez décrit votre départ le 13 juillet pour aller à

 22   Srebrenica même vers l'hôpital à des fins d'évacuation de malades ?

 23   R.  Madame, Messieurs les Juges, je ne comprends pas ce que l'on veut dire

 24   par une description d'un déplacement, je sais que je suis retourné à

 25   Srebrenica pour récupérer ceux qui étaient restés à l'hôpital.

 26   Q.  Merci. Penchez-vous sur votre paragraphe 183, où vous dites pensez

 27   avoir quitté Potocari le 13 juillet, puis vous dites qu'en compagnie avec

 28   une dame de Médecins sans frontières vous êtes allé là-bas pour voir un


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  1   cratère et vous n'avez pas trop eu le temps d'analyser le cratère en

  2   question. Mais au début de la déclaration, vous parlez d'une analyse de

  3   cratère que vous avez effectuée; c'est bien cela ?

  4   Vous en parlez au paragraphe 16, pour dire que vous avez pu placer du

  5   matériel dans le cratère même afin de mesurer le calibre et les autres

  6   éléments. Alors, est-ce que vous pouvez nous expliquer de quel équipement

  7   vous parlez ici ?

  8   R.  Madame, Messieurs les Juges, ici, il y a plusieurs questions de posées.

  9   Je ne sais pas quelle est la meilleure des façons d'y accéder parce qu'il y

 10   a une question qui se rapporte au paragraphe 183, une deuxième qui se

 11   rapporte au paragraphe 16.

 12   Q.  Dites-nous d'abord si vous avez fait une analyse d'un cratère avec du

 13   matériel et de quel matériel s'agit-il ?

 14   R.  Madame, Messieurs les Juges, l'analyse du cratère à effectuer, c'était

 15   effectué avec du matériel qu'on pouvait placer dans le trou même, c'est-à-

 16   dire dans le cratère même créé. Lorsqu'un obus tombe à un certain endroit,

 17   en particulier lorsqu'il s'agit d'un sol dur, si c'est de l'asphalte, du

 18   béton, alors le type de cratère est différent, et on peut ainsi se rendre

 19   compte de quel côté l'obus est arrivé. On voit de quelle façon l'obus a

 20   pénétré le sol, et on peut dire que c'est venu de telle direction parce

 21   qu'il y a une trace laissée par l'obus d'un certain type.

 22   Puis, il y a eu des mètres qu'on utilisait pour mesurer le diamètre, on

 23   mesurait aussi la profondeur, la largeur du cratère. Et partant de là, nous

 24   étions à même de savoir quel type d'arme il a été utilisé. Alors, pour

 25   savoir quel type d'arme on a utilisé, et il faut rajouter la possibilité

 26   d'examiner les fragments d'éclats d'obus, parce que cela permettait aussi

 27   d'authentifier le type d'arme utilisé. Une fois qu'on a recueilli la

 28   totalité de ces éléments, on se penchait sur nos recueils militaires pour


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  1   savoir de quel type d'arme il s'agissait, de quel type de calibre il

  2   s'agissait, et cela nous permettait de savoir la portée de l'arme, parce

  3   que ce manuel indiquait que tel calibre d'arme pouvait avoir telle portée

  4   en kilomètres, 30 kilomètres, 40 kilomètres, ou peu importe. Partant de là,

  5   nous prenions une carte et à partir du point d'impact nous effectuions une

  6   évaluation de la distance approximative du point de tir de l'obus. On avait

  7   donc des coordonnées d'un point ou d'un carré, parce que nous ne pouvions

  8   pas être tout à fait certains et précis pour ce qui est du point exact où

  9   se trouvait la pièce d'artillerie qui a tiré l'obus. C'est ainsi qu'on

 10   procédait.

 11   Q.  Ma question se rapportait seulement au matériel utilisé, parce que je

 12   n'avais pas compris de quel type de matériel vous vous êtes servi,

 13   d'équipement, était-ce donc un mètre tout simplement ou était-ce autre

 14   chose ? Qu'est-ce que vous mettiez au juste dans le cratère ?

 15   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous avions des mètres, des calibreurs et

 16   il y avait un autre type de matériel, mais je n'arrive pas à me souvenir de

 17   son nom. Ça nous donnait d'une façon générale l'axe d'arrivée de l'obus,

 18   c'était donc cela qu'on utilisait. Mais une fois que vous vous procuriez ce

 19   type de renseignement, ça ne vous permettait que de faire une estimation du

 20   point possible à partir duquel l'obus était arrivé, donc il y avait une

 21   origine générale de déterminée. Pour confirmer, vous vous serviez de

 22   patrouilles où vous informiez les Nations Unies, et eux avaient là-bas leur

 23   propre moyen pour ce qui est de situer l'emplacement.

 24   Q.  Bon, merci. Mais si vous arrivez à vous souvenir du type de matériel

 25   dont vous n'avez pas pu vous souvenir tout à l'heure, d'ici à la fin de

 26   votre témoignage, veuillez nous le dire afin que nous puissions retrouver

 27   les caractéristiques de ce matériel. Alors quels sont les obus dont vous

 28   étiez en train de parler ?


Page 22896

  1   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous sommes en train de parler d'obus de

  2   mortier, d'obus d'artillerie, de roquettes et d'obus de char.

  3   Q.  Merci. Combien d'enquêtes, voire d'analyses d'obus de mortier avez-vous

  4   effectuées ?

  5   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous en avons fait beaucoup.

  6   Q.  Qu'avez-vous conclu et de quelle façon ? Comment avez-vous déterminé le

  7   calibre, l'axe et la distance ?

  8   R.  Madame, Messieurs les Juges, je viens à l'instant de le décrire, si

  9   vous souhaitez me voir répéter, je vais le faire.

 10   Q.  Non, non, je vous prie maintenant de nous parler seulement des obus de

 11   mortier.

 12   R.  Pour ce qui est des obus de mortier, c'est la même chose qui est en

 13   vigueur. Nous avons utilisé le même matériel. Il était plutôt facile de

 14   situer l'origine du tir, on faisait la même chose. On avait recours à la

 15   même procédure et, bien sûr, il y a toujours un élément ou une possibilité

 16   d'erreur, parce qu'il se pouvait qu'il y ait eu une charge plus grande ou

 17   plus petite, et c'est de cela que dépendait la portée de l'obus de mortier.

 18   Mais les différences n'étaient pas très grandes, vous pouviez toujours

 19   obtenir des coordonnées d'un carré dans lequel se trouvait l'arme qui a

 20   tiré.

 21   Q.  Le calibre, comment le déterminiez-vous ?

 22   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous avions un EOD, c'est-à-dire du

 23   personnel du Bataillon néerlandais qualifié pour ce qui est de l'aide à

 24   nous fournir. Il suffisait d'apporter là-bas des fragments de projectiles

 25   et de le leur donner, ou alors des fois ils venaient avec nous, et il était

 26   très facile pour eux de déterminer quel était le type d'obus utilisé.

 27   Q.  Je suis surpris, Monsieur Kingori, de vous voir ne pas avoir utilisé la

 28   plus simple des façons de procéder, c'est-à-dire voire l'ailette de


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  1   stabilisation du projectile, et sur elle que l'on trouve toutes les

  2   données, n'est-ce pas ?

  3   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous avons utilisé tout cela, si ce

  4   n'était pas en tout petits fragments. Donc tout ce qui était disponible, y

  5   compris l'aileron de stabilisation. Pour ce qui est du calibre, je viens de

  6   vous indiquer de quelle façon nous avions déterminé ce dernier.

  7   Q.  Alors vous voulez dire aussi que l'ailette se fragmentait parfois

  8   aussi, parce que vous ne pouviez donc pas avec cette ailette déterminer le

  9   calibre, et il fallait procéder autrement.

 10   R.  Madame, Messieurs les Juges, parfois il n'était pas facile de retrouver

 11   l'ailette de stabilisation, elle ne s'y trouvait pas.

 12   Q.  Merci. Mais comment pourrions-nous procéder pour obtenir des

 13   constations faites par vous suite à vos enquêtes ? Est-ce que vous

 14   remettiez des rapports par écrit à ce sujet ?

 15   R.  Oui, Madame, Messieurs les Juges, nous avions coutume de présenter des

 16   rapports par écrit au QG des UNMO.

 17   Q.  Merci. Bien, nous allons demander au bureau du Procureur de nous

 18   procurer cela puisque vous êtes un témoin de l'Accusation.

 19   Vous avez fait une formation d'une semaine pour ce qui est de l'analyse des

 20   cratères, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui, Madame, Messieurs les Juges.

 22   Q.  C'est ce que vous a permis de déterminer le calibre, l'axe et la

 23   distance; c'est bien cela ?

 24   R.  Oui, c'est ce que je viens justement de dire.

 25   Q.  Or, des experts sont venus ici nous raconter qu'on ne pouvait pas

 26   déterminer la distance au niveau d'aucun obus, et plus particulièrement des

 27   obus de mortier. On pouvait déterminer l'axe et éventuellement la portée la

 28   plus courte ou la plus longue, mais les distances et les coordonnées, non.


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  1   Alors, comment faisiez-vous pour les déterminer, vous n'avez pas

  2   dissimuler, éclairez notre lanterne.

  3   R.  Madame, Messieurs les Juges, je viens d'indiquer comment nous avons

  4   procédé. Si nous sommes en train de parler de la façon dont nous pouvions

  5   déterminer la portée, nous nous penchions sur notre manuel et nous

  6   déterminions la portée de l'arme en question. Si c'était dans un éventail

  7   de 2 à 3 kilomètres, ou de 5 kilomètres, on se penchait sur la carte, on

  8   savait où on se trouvait, on connaissait les axes généraux, et nous étions

  9   à même de situer cela sur les cartes, selon les cartes ou plusieurs

 10   kilomètres, et ça nous permettait de déterminer les coordonnées d'un carré,

 11   ce qui permettait de situer l'emplacement de l'arme à partir de laquelle il

 12   y a eu tir d'obus, et on envoyait ces informations aux Nations Unies qui

 13   avaient d'autres informations à ce sujet, puisqu'ils se servaient de

 14   matériel autre, par exemple, de satellite. Mais nous leur fournissions une

 15   idée générale de l'emplacement de l'arme en question.

 16   Q.  Un obus peut arriver d'une distance de 1 à 7 kilomètres. Comment avez-

 17   vous déterminé de quelle distance en kilomètre l'obus en question venait

 18   d'arriver ?

 19   R.  Madame, Messieurs les Juges, je viens de dire que les portées se

 20   trouvaient dans un manuel que nous utilisions. Il y avait des portées des

 21   différentes armes utilisées en ex-Yougoslavie. C'était indiqué dans le

 22   manuel que nous avons utilisé.

 23   Q.  Mais, Monsieur Kingori, la portée, c'est de 1 à 7 kilomètres. Comment

 24   définissiez-vous la distance exacte pour donner des coordonnées ? Par

 25   exemple, vous aviez un éventail de distances pour situer l'arme. Comment

 26   définissiez-vous son emplacement ?

 27   R.  Madame, Messieurs les Juges, je ne comprends ce que l'on veut dire ici,

 28   cet éventail de portées allant de 1 à 7 kilomètres. Nous nous servions des


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  1   portées les plus grandes fournies par le manuel. Vous ne pouvez pas avoir

  2   une portée de 1 à 7. Vous devez forcément savoir que si la portée peut être

  3   de 7 kilomètres, elle peut également être de 1 kilomètre. Ça, c'est d'un.

  4   De deux, ça n'aurait été d'aucune espèce d'utilité pour ceux qui tirent. On

  5   s'est servi des portées les plus longues, et la règle dit que la portée

  6   n'est pas de 1 à 7. Les portées effectives sont celles qui sont indiquées

  7   et que nous avons utilisées. Il en va de même pour les petites armes, comme

  8   par exemple, un fusil. La portée est de 500 à 600 mètres. Alors, ça ne veut

  9   pas dire que vous ne pouvez pas tirer à 50 mètres, mais nous nous servions

 10   des portées les plus longues.

 11   Q.  Merci. Mais quelle est la distance la plus petite à partir de laquelle

 12   on peut tirer un obus de 82 millimètres de mortier, et quelle est la plus

 13   grande des distances possible ? Si vous définissiez l'axe, je veux bien,

 14   mais quelle est la plus grande et la plus petite des portées possibles d'un

 15   mortier pour qu'il crée un cratère de la sorte ? Est-ce qu'on peut tirer de

 16   500 mètres, de 1 000 mètres, et il peut également tirer depuis un point

 17   situé à 7 000 mètres de là, n'est-ce pas ?

 18   R.  Mais, Madame, Messieurs les Juges, on ne s'attend pas de ma part à ce

 19   que je me souvienne de la totalité des détails techniques. Là, je ne m'en

 20   souviens absolument pas.

 21   Q.  Mais pour les obus de mortier, on sait qu'on peut tirer de très près ou

 22   de très loin. Comment définissiez-vous l'éventail de distances ? Comment

 23   pouviez-vous déterminer l'emplacement sur plusieurs kilomètres de distance

 24   de points de tir possibles ? Comment définissiez-vous l'endroit à partir

 25   duquel on avait tiré ?

 26   R.  Madame et Messieurs les Juges, je pense avoir expliqué tout ceci. J'ai

 27   indiqué comment nous nous procurions ces données. J'ai expliqué aussi

 28   comment nous pouvions nous procurer les coordonnées de ce carré et du


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  1   secteur entier à partir duquel nous pensions que le tir provenait. Je ne

  2   comprends vraiment pas pourquoi vous voulez que je réitère une même

  3   réponse, parce que je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit.

  4   Q.  Merci. Mais étaient-ce des obus serbes, ces obus qui atterrissaient sur

  5   Srebrenica ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Alors quels sont les obus de mortier et de quel calibre étaient-ils

  8   pour ce qui est de ceux qui tombaient sur Srebrenica ?

  9   R.  Il y a eu des obus variés. Nous les avons indiqués dans nos rapports.

 10   Certains calibres étaient de 105, 155, il y avait des mortiers de 60

 11   millimètres, et différents autres types d'armes. Nous avons pu analyser les

 12   données et présenter des rapports à cet effet.

 13   Q.  Merci. Mais nous sommes bien d'accord pour dire que les mortiers

 14   existent dans des calibres de 60, de 82 et de 120 millimètres ?

 15   R.  Madame, Messieurs les Juges, il y a tant de types variés. Tous ces

 16   types-là sont indiqués dans les manuels. Quelle que soit l'arme utilisée,

 17   nous nous sommes servi du manuel pour analyser, et nous avons rédigé nos

 18   rapports en conséquence. Ce n'est pas nécessairement la totalité des armes

 19   qui étaient à la disposition de l'armée des Serbes de Bosnie.

 20   Q.  Mais il y a deux armées. L'armée de la Republika Srpska et l'ABiH

 21   avaient les mêmes armes. Avaient-ils d'autres mortiers, exception faite de

 22   ces trois calibres, 60, 82 et 120 millimètres ?

 23   R.  Madame, Messieurs les Juges, ce que nous avons analysé, c'était des

 24   obus à l'arrivée. Il s'agissait d'armes qui avaient été utilisées pour les

 25   obus qui étaient tombés sur ce secteur. Il n'y a pas d'obus sortants. S'il

 26   y avait des obus sortants, c'était des obus tirés par l'ABiH, et c'était

 27   analysé par d'autres personnes, pas par nous. Nous, on n'analysait que ce

 28   qui se trouvait dans l'enclave.


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  1   Q.  Fort bien. Alors vous avez analysé les obus arrivés dans le secteur.

  2   Quelle est la portée la plus grande pour ce qui est d'un mortier de 60

  3   millimètres ?

  4   R.  Madame, Messieurs les Juges, je n'ai pas ce type de renseignement sur

  5   moi.

  6   Q.  Mais à quelle distance du centre de Srebrenica se trouvait la ligne de

  7   démarcation ?

  8   R.  Bien, Madame, Messieurs les Juges, c'est une question fort difficile --

  9   à moins que vous ne posiez une question tout à fait concrète. Parce que

 10   Srebrenica, à partir du pont jaune, il y a un certain nombre de kilomètres

 11   jusque-là, et il y a une autre distance de Srebrenica et le poste

 12   d'observation de l'Echo, parce que c'est à un autre bout de l'enclave. Ce

 13   qui fait que la ligne de démarcation se trouvait à des distances

 14   différentes du centre de Srebrenica.

 15   Q.  Bon. Quelle est la distance la plus petite et la distance la plus

 16   grande entre le centre de cette agglomération et les premières positions

 17   tenues par les Serbes ? Et ça, vous deviez le savoir, quel que soit l'axe.

 18   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous n'avons pas mesuré cela.

 19   Q.  Mais êtes-vous d'accord avec moi pour dire que si un obus de mortier

 20   vous tombe dessus, il fallait que vous puissiez calculer si c'étaient les

 21   Serbes qui avaient tiré sur vous ou si c'était venu du territoire tenu par

 22   les Musulmans ?

 23   R.  Madame, Messieurs les Juges, il y a deux questions dont nous sommes en

 24   train de parler ici. Un obus de mortier de 60 millimètres qui serait venu,

 25   par exemple, depuis l'axe du poste d'observation Echo, ou à peu près, ou à

 26   partir d'un point qui était la ligne de cessez-le-feu sur Srebrenica aurait

 27   tapé Srebrenica, peut-être pas la ville, mais l'enclave. On se déplaçait

 28   pour analyser, pour voir d'où était venu cet obus de 60 millimètres et à


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  1   quelle distance pour ce qui est de ce qui se trouve au-delà de la ligne de

  2   cessez-le-feu. Mais nous ne pouvions pas savoir si les Musulmans étaient en

  3   train de se tirer dessus eux-mêmes. Nous ne pouvions pas imaginer que la

  4   partie musulmane allait ouvrir le feu contre leurs frères musulmans.

  5   Q.  Avez-vous su combien de meurtres il y a eu dans Srebrenica ? Est-ce que

  6   vous saviez qu'à Srebrenica, il y avait une direction composée de bandits,

  7   que les observateurs étrangers et les soldats du Bataillon néerlandais

  8   avaient qualifiée de véritable bande de criminels ? Il y a eu des viols,

  9   des meurtres, de la prostitution, de la contrebande, toutes sortes

 10   d'activités criminelles. Est-ce que vous le saviez, cela ?

 11   Mme WEST : [interprétation] Objection, Madame, Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Il me semble, Monsieur Kingori, que cette semaine de formation en la

 16   matière n'a pas suffi. Je pense que vous serez d'accord avec moi pour le

 17   dire, parce que nous avons entendu ici des experts qui toute leur vie

 18   durant ont fait des analyses de cratères, et aucun de ces experts ne nous a

 19   dit ce que vous nous avez dit ici aujourd'hui.

 20   R.  Madame, Messieurs les Juges, ma formation de sept jours n'était pas une

 21   formation de base. C'était une formation à l'intention d'officiers haut

 22   gradés, pas seulement moi-même, mais d'autres officiers qui avaient une

 23   certaine expérience au niveau de l'armée. Il s'agissait tout simplement de

 24   confirmer et de re-confirmer certains points. Il ne s'agissait pas d'une

 25   formation de base. On nous remettait des estimations, et c'est ce qui

 26   permettait d'évaluer comme il le fallait la zone d'où provenaient les tirs,

 27   et ceci était très utile pour les Nations Unies parce qu'elles ne devaient

 28   pas donc se concentrer sur l'endroit où se trouvait l'armée serbe de


Page 22903

  1   Bosnie. Nous les avons orientés vers des secteurs particuliers. Le lance-

  2   roquettes qui provenait du Pont jaune, nous savions que cela venait de là.

  3   Et même lorsque nous sommes allés à Potocari -- en réalité après la chute

  4   de l'enclave, le lance-roquettes venait de la même direction. Il se peut

  5   qu'en termes de millimètres ou de mètres, nous n'étions pas très précis,

  6   mais en tout cas nous avions l'orientation, la provenance, et c'est ce

  7   qu'on nous avait demandé à ce moment-là. Cela faisait partie de notre

  8   mandat.

  9   Q.  Merci. Donc au moment critique, au mois de juillet, vous étiez deux,

 10   parce que le troisième était déjà à l'hôpital, à informer le Bataillon

 11   néerlandais des tirs provenant du côté serbe ?

 12   R.  Madame, Messieurs les Juges, nous savions ce qui était en train de se

 13   passer. Nous savions d'où venaient ces tirs, et d'après ce que nous savons,

 14   c'était exact.

 15   Q.  Merci. Se peut-il que vous ayez trop confiance en vos guides et

 16   interprètes musulmans qui vous ont fourni des informations erronées ?

 17   R.  Monsieur le Président, ceci serait inexact, car nous disposions de nos

 18   propres -- nous étions intelligents aussi à notre manière, parce que nous

 19   pouvions entendre les obus qui volaient au-dessus de nos têtes, quelle que

 20   ce soit leur provenance, et qui tombaient sur certains secteurs, et la

 21   seule fois où nous nous sommes reposés sur un interprète, c'est lorsque

 22   nous l'avons envoyé à Srebrenica, car nous ne pouvions plus nous y rendre

 23   en sécurité nous-mêmes. C'est la seule fois où nous l'avons envoyé d'abord,

 24   et il a pu nous dire à quel endroit ces obus tombaient. Cela ne signifie

 25   pas pour autant que nous les avons pas entendus nous-mêmes. Nous les avons

 26   entendus toucher le sol. Nous ne pouvions pas avoir l'emplacement précis,

 27   mais l'interprète nous a orientés et pouvait nous dire à quel endroit ces

 28   obus tombaient. Il ne pouvait pas nous mentir à propos de quelque chose que


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  1   nous entendions nous-mêmes.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons brièvement regarder le

  3   P4152. 

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  En attendant son affichage, savez-vous que Médecins sans frontières et

  6   la FORPRONU ont dit dans leurs rapports que les Serbes ne touchaient pas

  7   des bâtiments ou des caractéristiques du terrain, mais qu'ils tiraient de

  8   façon désorganisée pour entraver tout mouvement, des tirs de barrage, pour

  9   entraver la circulation de personnes ? Etiez-vous au courant de cela ?

 10   R.  Monsieur le Président, ce que je sais c'est qui a été consigné dans nos

 11   rapports. C'est ce que je savais. Le pilonnage, en réalité, n'avait pas

 12   pris pour cible certains secteurs et en écartant d'autres secteurs.

 13   Personne ne peut dire que tel ou tel pilonnage n'avait pas pour cible

 14   certains bâtiments. Le fait que ceci n'ait pas touché certains bâtiments ne

 15   signifie pas pour autant que les bâtiments n'aient pas été pris pour

 16   cibles. Ils ont peut-être raté de peu, par chance. "Comme ceci figurait

 17   dans nos rapports, nous avons même été surpris par le nombre de pertes en

 18   vie humaine, qui était fort bas, et même en sachant cela, le bâtiment des

 19   PTT a été pris pour cible, et les tirs ont raté le bâtiment à plusieurs

 20   reprises. L'hôpital également a été pris pour cible, mais les tirs n'ont

 21   pas touché le bâtiment. Si quelqu'un dit que les maisons n'ont pas été

 22   prises sur cible, c'est là quelque chose que je ne peux pas comprendre.

 23   Tout ce que je puis dire c'est que les tirs n'ont pas atteint leur cible,

 24   et c'était par chance, parce que, sinon, la destruction, la souffrance et

 25   le nombre de morts eurent été astronomique.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Sur quoi vous fondez-vous pour dire que

 27   le bâtiment des PTT et l'hôpital ont été pris pour cibles, mais que les

 28   tirs n'ont pas atteint les bâtiments en question ?


Page 22905

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque ces armes ou ces pièces d'artillerie

  2   visent un endroit en particulier, bien, il y a des variations, c'est-à-dire

  3   qu'on vise un point en particulier, mais on peut rater la cible à cause de

  4   l'endroit d'où ces pièces sont tirées. En général, les pièces d'artillerie

  5   sont tirées derrière un endroit, derrière une colline pour que l'ennemi ne

  6   puisse pas les voir. C'est ce qu'on appelle la haute trajectoire. Les obus

  7   vont très haut et ensuite atterrissent quelque part. Si cette arme vise un

  8   bâtiment en particulier, vous savez qu'il va soit passer par-dessus le

  9   bâtiment soit passer à côté ou un autre côté, et on pouvait constater les

 10   corrections, parce que les corrections sont en général faites lorsqu'on

 11   vise un endroit et que l'on n'atteint pas la cible, parce qu'ils avaient

 12   leur propres hommes sur le terrain. Dans ce cas, on change soit la charge

 13   ou la direction. C'est à ce moment-là, vous faites la correction. Alors un

 14   petit peu plus vers la droite, un petit peu plus vers la gauche. Si cela

 15   part vers le haut, dans ce cas, on voit que cela descend un petit peu. Donc

 16   il était très facile de reconnaître un endroit qui avait été pris pour

 17   cible.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous essayez de dire que le char permet de tirer de façon

 21   indirecte ?

 22   R.  Je n'ai pas dit cela.

 23   Q.  Mais vous avez dit, regardez, que le char 84 -- savez-vous qu'à

 24   l'époque, c'était le char le plus puissant, le meilleur char qui soit, qui

 25   pouvait atteindre une cible et tirer dessus sans commettre d'erreur même

 26   lorsque le char traversait un terrain accidenté avec des trous ? Ici, vous

 27   dites que le char 84 était en position. Est-ce que vous essayez de dire

 28   qu'il n'a pas atteint sa cible et que ceci est arrivé par hasard ?


Page 22906

  1   R.  Monsieur le Président, je demande à ce que vous me montriez à quel

  2   endroit j'ai dit qu'un char permettait de tirer de façon indirecte. Je n'ai

  3   jamais dit cela.Ce qui est dit dans mon rapport, c'est qu'un char permet de

  4   tirer de façon indirecte. C'est la raison pour laquelle lorsque nous avons

  5   vu des chars qui se trouvaient à quelque distance du bâtiment des PTT, à

  6   quelque 2 kilomètres, nous avons décidé de partir, car le tir est direct.

  7   Donc, ce que vous dites, et bien, je n'ai rien dit au sujet de ces tirs

  8   indirects.

  9   Q.  Monsieur Kingori, à la date du 10 juillet, vous enregistrez la présence

 10   d'un char, un char qui était un char , à l'époque, qui permettait de tirer

 11   un certain nombre d'engins, et vous avez dit que les Serbes rataient leurs

 12   cibles de façon non délibérée, et vous attribuez des mauvaises intentions

 13   aux Serbes alors que vous avez vu de vos propres yeux le char T-84 qui

 14   permettait de tirer sur sa cible, à savoir n'importe quelle fenêtre, de

 15   façon très précise.

 16   Mme WEST : [interprétation] Pourrions-nous avoir un numéro de paragraphe,

 17   s'il vous plaît ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que le témoin

 19   a dit, dans sa déclaration, que le char a, en réalité, pris pour cibler le

 20   bâtiment ? Je suis au paragraphe 102.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je parle maintenant du document que nous avons

 22   sous les yeux dans le prétoire électronique. C'est un document qui émane de

 23   ces services, la mission des observateurs militaires des Nations Unies, et

 24   note la présence d'un char à la date du 10 juillet. Dans l'intervalle, M.

 25   Kingori a dit que les Serbes utilisaient des pièces d'artillerie lourde et

 26   qu'ils tiraient pour atteindre leurs cibles mais qu'ils rataient leurs

 27   cibles parce qu'ils tiraient depuis une colline, et c'était des tirs

 28   indirects. Cependant, les Serbes disposaient de chars et ils pouvaient le


Page 22907

  1   voir, le char était en mesure de tirer directement et immanquablement, et

  2   je conteste les allégations de M. Kingori et je lui soumets l'idée suivante

  3   : il avait un parti pris contre les Serbes, il attribue de mauvaises

  4   intentions aux Serbes.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, je vous demande de ne pas faire

  6   de déclarations ici. Posez des questions, et posez vos questions l'une

  7   après l'autre.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Voici ma question : vous prétendez que les Serbes rataient leurs cibles

 10   parce qu'ils tiraient derrière une colline et que les tirs étaient

 11   indirects. S'ils souhaitaient vraiment atteindre leurs cibles, pourquoi

 12   dans ce cas n'ont-ils pas utilisé le char T-84, qui aurait atteint

 13   n'importe quelle fenêtre avec une extrême précision ?

 14   R.  Monsieur le Président, je crois que nous confondons deux choses. La

 15   première est le char, et la seconde sont les pièces d'artillerie avec une

 16   haute trajectoire. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, lorsqu'il y a des

 17   armes d'artillerie qui ont une trajectoire très haute, j'ai dit que c'est

 18   dans ce cas-là qu'on constatait qu'ils rataient la cible. Mais par la

 19   suite, nous avons parlé du char, et le char pouvait être vu aisément depuis

 20   un endroit que j'ai déjà précisé. Donc, il s'agit de deux choses bien

 21   distinctes dans deux endroits bien différents.

 22   Q.  Merci. Alors, clarifions quelque chose. Regardez ce document. De qui

 23   avez-vous reçu ces informations ? S'agit-il d'observations que vous avez

 24   faites directement ou avez-vous reçu des rapports de quelque part ?

 25   R.  Ce rapport émane de nous, et si nous disons que cela n'a pas été

 26   confirmé par nous, c'est nous qui l'avons fait confirmer. Cela est vrai et

 27   cela s'est passé ainsi.

 28   Q.  Alors, je vous demande maintenant si l'intention des Serbes était


Page 22908

  1   d'atteindre leurs cibles et qu'ils rataient leurs cibles parce que les tirs

  2   étaient indirects depuis la colline, pourquoi ont-ils poursuivi -- ou ont-

  3   ils continué à tirer le 10 juillet depuis derrière la colline alors qu'ils

  4   auraient pu utiliser le char T-84, qui ne -- et dans ce cas, les cibles

  5   n'auraient pas été ratées ?

  6   R.  Monsieur le Président, je crois que les tacticiens sont ceux qui

  7   devraient répondre à ces questions, les gens, en tout cas, du côté de

  8   l'armée serbe de Bosnie. Tout ce que je sais, c'est qu'ils avaient

  9   quasiment terminé leur mission à la date du 10. Ils avaient déjà aboli

 10   Srebrenica. Ils avaient provoqué suffisamment de dégâts déjà, les gens

 11   commençaient déjà à avoir peur. Donc ils avaient quasiment tout terminé et,

 12   en réalité, l'emploi d'un char ne serait pas essentiel, parce que s'ils

 13   souhaitaient, comme ils l'avaient dit, revendiquer l'enclave, comme ils

 14   l'avaient dit, c'est ce qu'a dit l'armée serbe de Bosnie, ils ne

 15   souhaitaient pas détruire la plupart des bâtiments, parce qu'ils avaient

 16   l'intention de se servir de ces bâtiments par la suite, et peut-être qu'il

 17   s'agissait là tout simplement de raisons tactiques. Il ne s'agissait pas de

 18   tout endommager.

 19   Q.  Monsieur, les intentions sont sujettes à caution. Je vous demande tout

 20   d'abord de vous dire qui vous a informé de ces événements à Srebrenica,

 21   puisque vous n'étiez pas là et vous ne les avez pas vus de vos propres

 22   yeux. Au paragraphe -- bien. Tout d'abord, qui vous a informé, et cetera,

 23   de la deuxième partie du paragraphe ?

 24   R.  Monsieur le Président, ces renseignements auraient pu nous provenir de

 25   notre interprète, mais nous avions également quelqu'un qui était en contact

 26   avec des personnes de MSF à l'hôpital, et nous pouvions nous procurer des

 27   informations depuis ces personnes. Ce qui était important pour nous,

 28   c'était le pilonnage de l'hôpital, et nous comprenions que l'hôpital avait


Page 22909

  1   été pris pour cible et que la cible avait été ratée de quelques mètres.

  2   Cela était incontesté, parce que lorsque je suis allé sur les lieux par la

  3   suite, j'ai confirmé qu'en réalité, l'hôpital avait été touché même -- non

  4   pas l'hôpital mais autour -- la partie autour de l'hôpital avait été

  5   touchée ainsi que la Compagnie Bravo du Bataillon néerlandais.

  6   Q.  Monsieur Kingori, comment pouviez-vous le savoir à quelle distance vous

  7   étiez à Potocari -- quelle distance y a-t-il entre Potocari et l'hôpital ?

  8   R.  C'était loin. Cela n'était pas si près que cela, mais nous avions nos

  9   sources, comme je vous l'ai dit. Je vous en ai déjà parlé. C'était loin,

 10   mais nous pouvions entendre les obus et l'endroit où atterrissaient les

 11   obus était le renseignement que nous n'avions pas, mais je vous ai dit que

 12   nous avions nos sources, et nous avions notre source qui nous fournissait

 13   des informations sur l'endroit où atterrissaient les obus.

 14   Q.  Veuillez regarder le paragraphe 121 de votre déclaration. Votre

 15   interprète a-t-il eu une semaine de formation ou même pas ? Vous n'étiez

 16   que deux. L'hôpital de Srebrenica est loin de l'endroit où vous êtes. Vous

 17   vous procurez vos renseignements d'un Musulman qui est partial. C'est dans

 18   son intérêt de faire porter la faute aux Serbes. Il n'a qu'une semaine de

 19   formation, et vous -- vous prenez qu'il dit pour argent comptant, et que

 20   vous admettez que les Serbes prenaient pour cibler l'hôpital ?

 21   R.  Monsieur le Président, la question de l'interprète, qui a été formée

 22   pendant une semaine, n'a pas lieu d'être. Cet interprète avait beaucoup

 23   d'expériences. Nous avons trouvé sur place les interprètes. Il avait

 24   travaillé à cet endroit depuis deux ans déjà. Donc il s'agit de personnes

 25   très expérimentées et qui peuvent ou sont en mesure d'identifier un obus

 26   entrant et à quel endroit l'obus tombait. Cela était très facile pour eux

 27   de le faire. Ils avaient travaillé comme interprètes. Ils avaient déjà

 28   travaillé avec les observateurs militaires des Nations Unies et leur


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  1   donnaient un certain avantage. Ils savaient ce qu'ils se passaient dans une

  2   zone de guerre. J'ai également dit que tout de suite après je suis parti en

  3   direction de Srebrenica et j'avais remarqué que tout ce qu'on nous avait

  4   dit c'était en réalité produit, et cela est consigné dans mon rapport. J'ai

  5   trouvé et constaté que l'hôpital avait été pris pour cible. J'ai également

  6   trouvé que les zones autour avaient été endommagées. Il y avait des

  7   cratères au niveau de la route. La compagnie du Bataillon néerlandais ou

  8   l'extérieur de la base du Bataillon néerlandais était truffée de cratères,

  9   et vous savez, par des pièces d'artillerie lourde donc, nous avons donc cru

 10   ce qui en réalité s'était produit, et ceci n'avait pas été exagéré du tout.

 11   Alors pour ce qui est de la question de dire qu'il s'agissait d'un

 12   Musulman, je ne pense pas que nous avions des problèmes avec son parcours

 13   en particulier à ce moment-là. Alors, lorsque nous voulions ce qui nous

 14   intéressait, c'était de savoir ce qui se passait à ce moment-là en

 15   particulier. Nous faisions des rapports là-dessus. Bien évidemment, comme

 16   je vous l'ai dit, les Nations Unies avaient leur propre système de

 17   vérification des informations fournies. C'est la raison pour laquelle les

 18   Nations Unies ont même pu se procurer des cibles qui ne nous ont pas été

 19   données et pour utiliser leur puissance aérienne pour pouvoir attaquer les

 20   cibles en question. Je crois que c'est la réponse que je peux donner aux

 21   questions que vous m'avez posées.

 22   L'INTERPRÈTE : Précision de l'interprète, le nom de l'interprète en

 23   question est effectivement "yellow card," "carte jaune."

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Kingori, ces autres sources d'information que vous aviez dans

 26   le secteur de Sarajevo ont permis d'établir plus d'une fois que les

 27   observateurs militaires étaient inutiles et ne présentaient aucun intérêt.

 28   Cet incident s'est produit à 11 heures 26. Vous rédigez votre rapport en


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  1   vous fondant sur des informations provenant d'un homme qui a un parti pris

  2   qui appartient à une des factions belligérantes, et néanmoins vous

  3   consignez ces propos dans votre rapport.

  4   Mme WEST : [interprétation] Ecoutez, Monsieur le Président, la première

  5   phrase de sa question n'est pas une question du tout, et ensuite, ça n'a

  6   rien à voir. Il s'agit de sa déclaration, et ensuite, il a commencé

  7   parvenir à une question mais il ne l'a pas fait, et ceci s'est produit à

  8   plusieurs reprises aujourd'hui. Je demande à l'accusé de poser une simple

  9   question de façon à pouvoir en terminer sur ce sujet.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord.

 11   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, d'après ma propre

 12   appréciation de la situation, vous utilisez un tiers de votre temps

 13   aujourd'hui et un tiers de votre temps a été consacré à des déclarations et

 14   étaient assez contraires aux réclamations qui sont les vôtres, à savoir que

 15   vous n'avez pas suffisamment de temps.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, écoutez, je conteste la manière de

 17   penser et la manière de parvenir à des conclusions de ce témoin qui est

 18   sans fondement. C'est pour aider M. Kingori, parce que je me rends compte

 19   qu'il a commis une erreur et je souhaite qu'il réponde à la question que je

 20   lui pose et non pas à la question que je ne luis pose pas. Mais, bon, je

 21   vais tenter de réduire et de peaufiner mes questions.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Quand ce rapport a-t-il été envoyé ? L'heure indiquée ici est 11 heures

 24   26.

 25   R.  Monsieur le Président, à quelle heure -- quelle est l'heure que vous

 26   lisez sur le document ?

 27   Q.  Ligne 1, en haut du document.

 28   Alors en attendant l'affichage du document; quand cet incident s'est-


Page 22912

  1   il produit ?

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de la version

  3   B/C/S.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Je ne sais pas pourquoi nous avons perdu la version anglaise. Voyez-

  6   vous, ici, on peut lire que l'incident s'est produit à 11 heures. Et votre

  7   rapport indique la date du 11, de 11 heures 26, en vous fondant sur des

  8   informations qui vous a été fournies par l'interprète; c'est exact ?

  9   R.  Monsieur le Président, je n'ai pas seulement parlé de l'interprète,

 10   j'ai parlé d'autres sources également, et 11 heures 26, c'est l'heure

 11   d'envoie ici. Vous êtes en train de m'enlever les mots de la bouche.

 12   Q.  Bien. Alors veuillez regarder le paragraphe 121 de votre déclaration.

 13   Vous dites que vous avez été informé du fait que des pièces d'artillerie de

 14   255 millimètres d'obus d'artillerie ont touché les abords directs de

 15   l'hôpital. Dans ma question précédente, j'ai également fait état des abords

 16   de l'hôpital. Aux fins du compte rendu d'audience, vous avez dit "yellow

 17   card," "carte jaune." Cela veut dire [inaudible], n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   Q.  Merci. Vous êtes-vous rendu à Srebrenica le 10 ou le 13 ?

 20   R.  Je suis allé le 13.

 21   Q.  Donc ce que vous avez dit auparavant, à savoir que vous avez au

 22   préalable vérifier et que vous avez ensuite rédigé votre rapport n'est pas

 23   exact. Vous n'auriez pas pu faire cela à 11 heures 26, le 10, vous étiez à

 24   Srebrenica, le 13 seulement.

 25   R.  Monsieur le Président, j'ai dit que j'ai vérifié ce rapport. J'ai

 26   vérifié l'exactitude de ce rapport lorsque je suis retourné à Srebrenica.

 27   Evidemment, cela ne s'est pas passé le 10. J'ai dit que je suis allé le 13.

 28   Mais est-ce que j'aurais pu y retourner et trouver quelque chose de


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  1   différent, je l'aurais simplement consigné et j'aurais dit que j'avais

  2   trouvé une situation toute autre, et ce qui aurait été envoyé plus tôt

  3   aurait été erroné dans ce cas.

  4   Mais si vous me le permettez, je vais revenir sur la question que

  5   vous avez évoquée, à savoir que nos observateurs militaires étaient

  6   inutiles, et c'est en réalité quelque chose qui ne faut pas dire. Je ne

  7   pense pas que l'ensemble du système onusien nomme des observateurs

  8   militaires qui ne savent pas ce qu'ils font. Ils nomment quelqu'un et des

  9   personnes, ils les envoient quelque part tout en sachant qu'ils sont

 10   inutiles. Je ne pense pas que l'on puisse mettre sur pied un tel système

 11   simplement parce qu'il ne correspond pas à ce que vous souhaitez ou qu'il

 12   ne s'agisse pas de la façon dont vous aimeriez qu'il agisse ne les rend --

 13   pour autant inutiles. C'est la raison pour laquelle les observateurs

 14   militaires sont présents dans toutes les missions des Nations Unies. Toutes

 15   les fois qu'il y a une question militaire, il y a présence d'observations

 16   militaires et ce sont les pays qui envoient des troupes, les pays membres

 17   qui envoient les troupes sur le théâtre des opérations qui envoient

 18   toujours des observateurs militaires sur place.

 19   Q.  Merci. Je n'ai pas dit que vous étiez inutile, Monsieur. C'était les

 20   commandants -- le haut commandement de la FORPRONU qui ont dit que les

 21   observateurs militaires étaient inutiles. C'était juste une réponse à votre

 22   affirmation, à savoir que vous ne commettiez jamais d'erreur.

 23   Veuillez regarder maintenant le paragraphe 183. Vous étiez avec qui à

 24   l'hôpital ?

 25   En réalité, cela se trouve aux paragraphes 185 et 186, où vous parlez

 26   de la manière dont trois femmes malades ont été traitées par trois soldats

 27   serbes. Avec qui étiez-vous ? Etiez-vous seul ?

 28   R.  Monsieur le Président, j'étais avec Christine ou Christina, une femme


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  1   de Médecins sans frontières.

  2   Q.  Y avait-il quelqu'un d'autre encore ?

  3   R.  Bien sûr, il y a eu d'autres gens. Nous avons trouvé des personnes

  4   blessées, des gens qui ont été hospitalisés, et sur la liste, il y avait un

  5   certain nombre de malades que nous y avons trouvés, et il y avait des

  6   soldats de l'armée des Serbes de Bosnie.

  7   Q.  Aux paragraphes 184 et surtout 185 et 186, vous dites du mal des

  8   soldats serbes qui auraient menacé de tuer des femmes âgées et malades, et

  9   vous vous servez d'un euphémisme pour dire qu'ils étaient "quelque peu

 10   hostiles." Alors, est-ce que c'est bien ainsi que cela s'est passé, tel que

 11   vous l'avez décrit ?

 12   R.  Madame, Messieurs les Juges, étant donné que j'y étais, j'ai dit ce que

 13   j'ai vu, j'ai dit ce que j'ai entendu. Peut-être avez-vous été placé dans

 14   une position différente. Je sais que vous ne vous trouviez pas dans ce

 15   secteur concret. Je ne pense pas que ce serait une bonne chose que de vous

 16   voir modifier ce que j'ai vu moi-même et ce que j'ai entendu moi-même. Je

 17   n'ai pas présenté de rapport au sujet de ce que quelqu'un d'autre a vu et

 18   entendu. C'étaient des observations personnelles.

 19   Q.  Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre le 1D4970 sans

 21   pour autant que la pièce soit diffusée vers l'extérieur, puisque c'est une

 22   pièce sous embargo.

 23   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous passer à

 24   huis clos partiel ?

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par ordonnance de la Chambre]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez y aller, Madame West.

 28   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est le document


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  1   dont j'ai déjà parlé auparavant, et quand bien même il ne serait pas

  2   diffusé, je ne peux pas imaginer que nous puissions en débattre sans

  3   révéler le type du document dont il s'agit, donc, je demande à ce que nous

  4   restions à huis clos partiel.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on nous montrer la page 13, s'il vous

  7   plaît ?

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Voyez tous ceux qui sont ici cités, et c'est la dame que vous avez

 10   mentionnée qui présente un rapport. Elle y va avec Franken, quelqu'un de

 11   l'armée des Serbes de Bosnie et avec des UNMO à l'hôpital pour voir ces

 12   blessés.

 13   "Je dois fermer ou terminer mon Télex…" dit-elle.

 14   Alors, je demande aux participants de se pencher sur le document.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que

 16   c'est dans le système du prétoire électronique ou du système Sanction ?

 17   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 18   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE

 19   KWON : [interprétation] Oui, continuez, je vous prie. Merci.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne vais pas en donner lecture. Penchez-vous

 21   sur le texte.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Kingori, vous noircissez à tel point les Serbes que personne

 24   d'autre qui a été là-bas, aux mêmes endroits, n'a jamais rien ni dit ni

 25   écrit de semblable. C'est la raison pour laquelle je conteste la totalité

 26   de votre déposition. Pourquoi cette dame-là n'a-t-elle pas décrit ces

 27   menaces draconiennes de meurtre de femmes âgées, malades ?

 28   R.  Madame, Messieurs les Juges, c'est moi qui ai entendu cela, à qui l'on


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  1   a dit cela. C'est moi qui ai rédigé ceci. Je maintiens cela comme vrai,

  2   pour ce qui est de la déclaration ainsi faite.

  3   Deuxièmement, la question ou le fait de me présenter comme étant contre

  4   l'une ou l'autre des parties en présence ne doit pas être évoquée. Je

  5   n'avais aucune raison de favoriser une partie ou une autre, en ma qualité

  6   d'individu et même en ma qualité de Kenyan. Pour nous, cette région n'avait

  7   aucune importance stratégique. Par conséquent, rien ne saurait me faire

  8   dire des choses qui ne sont pas vraies. Je n'avais aucune raison de le

  9   faire. Le Kenya n'avait aucune espèce d'intérêt stratégique dans cette

 10   partie-là de l'ex-Yougoslavie, ce qui fait que j'ai réellement dit ce que

 11   j'ai entendu. Peut-être d'autres ont-ils entendu autre chose, peut-être

 12   d'autres ont vu les choses autrement, ou peut-être n'ont-ils pas été

 13   présents à l'endroit où ces choses-là ont été dites.

 14   Mais qui plus est, ce n'est pas la première fois qu'on nous a dit que

 15   des membres de l'armée des Serbes de Bosnie avaient tué des Musulmans. Le

 16   colonel Vukovic nous a dit la même chose, et nous l'avons mentionné dans

 17   nos rapports. Il a dit qu'ils allaient nettoyer l'enclave. Par conséquent,

 18   ce n'était pas la première fois.

 19   Q.  Mais pourquoi cette dame, qui n'épargne pas du tout les Serbes, parce

 20   qu'elle dit qu'ils pillent, qu'ils dépossèdent les gens de leurs objets --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, le témoin a répondu à

 22   votre question.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à ce que ces deux pages soient

 24   versées au dossier.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quelles pages vouliez-vous dire ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 13 et page 14 --

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] -- sous pli scellé.


Page 22917

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame West ?

  2   Mme WEST : [interprétation] Non, pas d'objection.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier sous pli

  4   scellé.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D2000, sous pli

  6   scellé.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on retourner en audience publique

  8   maintenant.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet.

 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Au paragraphe 186, vous dites que vous avez physiquement contraint et

 14   que vous-même avez levé des gens, et ainsi de suite, et ainsi de suite.

 15   Alors, est-ce que quelqu'un a décrit tout ceci et est-ce que vous l'avez

 16   repris dans votre rapport journalier ?

 17   R.  Je ne sais pas ce que les autres ont pu écrire dans leurs rapports

 18   journaliers.

 19   Q.  En avez-vous informé qui de droit vous-même ?

 20   R.  Oui, Madame, Messieurs les Juges.

 21   Q.  Est-ce qu'on peut voir votre rapport journalier du 13 juillet, là où

 22   vous avez décrit les mauvais traitements infligés par les Serbes à des

 23   femmes âgées et malades pour les obliger à s'évacuer par la force de cet

 24   hôpital. Qu'on nous montre, je vous prie, ce rapport émanant de vous.

 25   R.  Madame, Messieurs les Juges, si vous êtes à même de retrouver les

 26   rapports de situation, je veux bien. Mais je ne pense pas que l'on puisse

 27   retrouver la totalité des rapports de situation. Ce que je sais, c'est que

 28   nous en avons fait un rapport.


Page 22918

  1   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Nous allons revenir vers ce qui a fait l'objet de votre entretien avec

  4   le commandant Nikolic et le colonel Vukovic. Vous avez dit que c'était --

  5   enfin, des gens que vous avez fréquentés, que vous aviez pris des cafés et

  6   des eaux-de-vie avec eux. Mais que ce qu'eux vous ont raconté, ça se

  7   déroulait à des réunions officielles qui ont fait l'objet de la

  8   consignation de procès-verbaux. Ils vous auraient dit qu'ils voulaient la

  9   Srebrenica toute entière pour les Serbes et que les Musulmans devaient tous

 10   être évacués, voire déménager de là, et cetera, n'est-ce pas ?

 11   R.  Madame, Messieurs les Juges, j'ai dit qu'à l'occasion de l'une des

 12   réunions que nous avons eues avec le colonel Vukovic - et en fait ce

 13   n'était pas la toute première des réunions - il nous a demandé ce que les

 14   Nations Unies pourraient entreprendre si la VRS attaquait l'enclave. C'est

 15   consigné. C'est dans les documents, il a posé cette question.

 16   Q.  Bon. Mais -- il se peut qu'il vous ait posé la question. Mais pourquoi

 17   avez-vous dit qu'il avait déclaré qu'ils allaient libérer toute l'enclave

 18   de ces Musulmans, et que c'était là l'intention des Serbes ? Est-ce que

 19   vous avez rapporté la chose ?

 20   R.  Oui, c'est ce que j'ai mentionné. Si vous vous penchez sur ma réponse

 21   là-bas, je crois y avoir mentionné une des réunions où il l'a dit. Une

 22   autre fois, il a dit qu'ils nettoieraient l'enclave toute entière de ces

 23   Musulmans, et par nettoyage, il était clair qu'ils entendaient les tuer,

 24   qu'ils allaient tous les tuer. Je l'ai mentionné dans mon rapport, et si je

 25   puis ajouter, il a dit que, s'ils voulaient quitter l'enclave, il pourrait

 26   leur assurer un départ de l'enclave en toute sécurité. C'est ce qu'il a

 27   proposé.

 28   Q.  L'avez-vous consigné dans votre rapport journalier ?


Page 22919

  1   R.  Oui, Madame, Messieurs les Juges.

  2   Q.  Pouvez-vous nous le montrer ?

  3   R.  Madame, Messieurs les Juges, je n'ai pas la totalité des rapports de

  4   situation que nous avons rédigés à l'époque. Je ne sais pas où cela

  5   pourrait se trouver.

  6   Q.  Mais, Monsieur Kingori, en votre qualité de militaire, est-ce que vous

  7   faites la distinction des niveaux opérationnels tactiques, opérationnels

  8   stratégiques ? Est-ce que le colonel Vukota [phon], y compris vous, le

  9   commandant Nikolic aussi, est-ce que vous vous trouvez à un niveau qui

 10   serait à même de décider de ce type de chose ?

 11   R.  Madame, Messieurs les Juges, je n'ai pas été à même de prendre des

 12   décisions sur quoi que ce soit. J'étais là-bas pour véhiculer des décisions

 13   prises à des niveaux supérieurs dans notre secteur. De notre côté, c'était

 14   le système des Nations Unies qui allait jusqu'en haut. Du côté de M.

 15   Vukovic, c'était la direction civile du pays, parce que je suis certain du

 16   fait que ce n'était pas la direction militaire qui prenait les décisions,

 17   mais c'était la direction civile. Ce que nous transmettait le commandant

 18   Nikolic et le colonel Vukovic, nous nous attendions à ce que cela soit venu

 19   d'un niveau plus haut placé.

 20   Q.  Mais penchez-vous sur le paragraphe 31. Vous vous trompez, parce que

 21   Vukovic nous dit : "Nous devrions dire …" C'est au conditionnel. Au

 22   paragraphe 31 -- je vous renvois au paragraphe 31.

 23   "Nous devrions -- vous devriez aller dire aux Musulmans de faire leurs

 24   bagages et de quitter Srebrenica."

 25   Mais ce qui est la carence principale de vos déclarations, ce sont vos

 26   conclusions, en comparaison avec l'armée professionnelle --

 27   Mme WEST : [interprétation] Objection --

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


Page 22920

  1   Q.  -- et vous tirez des conclusions qui sont conformes à vos souhaits.

  2   Vous tirez des conclusions pour dire que pour sûr, c'est de cela qu'il

  3   s'agit.

  4   Mme WEST : [interprétation] Objection.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame West.

  6   Mme WEST : [interprétation] Il a posé une question, il n'a pas attendu la

  7   réponse, et il a fait une autre déclaration en disant que : "Le problème de

  8   votre déclaration c'est que vous tirez des conclusions," et il a continué

  9   sur sa lancée --

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   Mme WEST : [interprétation] -- pour donner sa propre déclaration.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ecoutez, si j'avais suffisamment de temps, je

 13   retournerais chaque paragraphe sur tous ses angles, et je demanderais à ce

 14   que tout paragraphe non abordé par moi soit éliminé des pièces versées, à

 15   moins qu'on me donne suffisamment de temps.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Parce qu'ici, au paragraphe 31, il y a un conditionnel qui dit : "We

 18   should tell …" qui dit : "Nous devrions…"

 19   R.  Madame, Messieurs les Juges, ce qui est mentionné au paragraphe 31 est

 20   tout à fait vrai. C'est ce qu'il nous a dit, et il a dit ce qu'il pensait.

 21   Comme je l'ai dit auparavant, nous avons pensé que c'est exactement ce

 22   qu'il pensait parce que c'est exactement ce qui a été fait par l'armée des

 23   Serbes de Bosnie.

 24   Q.  Mais ne savez-vous pas, Monsieur Kingori, que les Nations Unies et la

 25   partie musulmane, dès le 10 juillet, savent qu'il n'y a encore pas de

 26   décision de prise par les Serbes pour ce qui est d'entrer dans Srebrenica ?

 27   Et toutes ces mises sur écoute, toutes les informations relatives au

 28   planning des Serbes le montrent. Les Serbes sont entrés dans Srebrenica


Page 22921

  1   parce que la 28e Division avait quitté Srebrenica.

  2   R.  Madame, Messieurs les Juges, l'objectif du début de la guerre, pour ce

  3   qui est de Srebrenica, était là depuis le début. Il est qualifié par ce qui

  4   a été l'objet des propos cités par moi tenus par le colonel Vukovic, et il

  5   a convoyé un message qui venait du haut. Deuxièmement, l'armée des Serbes

  6   de Bosnie devait entrer dans l'enclave, parce que le fait qu'il y ait eu

  7   des conversations disant qu'ils n'entreraient pas ou qu'ils entreraient, ça

  8   n'a pas été abordé, car tout de suite après qu'ils avaient rendu leur cible

  9   plus aisée, une fois qu'ils ont frappé, ils y sont allés de façon normale,

 10   à l'infanterie. Donc il fallait faire entrer l'infanterie pour nettoyer le

 11   secteur, et c'est exactement ce qu'ils ont fait. Ça a été leur intention

 12   depuis le tout début.

 13   Q.  Comment saviez-vous quelles étaient les intentions de l'armée serbe ?

 14   Comment vous êtes-vous procuré ce type de renseignement ?

 15   R.  Madame, Messieurs les Juges, je vais répéter, ça nous a été convoyé par

 16   le colonel Vukovic, et au départ, ça a été dit par le commandant Nikolic,

 17   et nous nous sommes assurés de la véracité de ces propos puisque c'est

 18   exactement ce qui s'est passé. Je crois que c'est la troisième ou quatrième

 19   fois que je le répète.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas le temps.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, votre temps s'est épuisé.

 23   Combien de temps vous faut-il pour vos questions complémentaires,

 24   Madame West ?

 25   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai besoin que de

 26   cinq minutes.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc cela me donne un peu plus de temps.


Page 22922

  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps pensez-vous avoir

  4   besoin pour terminer votre contre-interrogatoire, Monsieur Karadzic ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour un témoin qui a 200 paragraphes avec des

  6   déclarations faites en toute liberté, de façon générale, si les Juges vont

  7   accepter ou donner du poids à ces déclarations, je demande du temps pour

  8   pouvoir les contester.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais rendez vos questions plus simples

 10   et centrez-vous sur les questions que vous posez. Vous allez avoir une

 11   heure demain matin en sus de la journée d'aujourd'hui.

 12   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je dire quelque

 13   chose ?

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 15   Mme WEST : [interprétation] Demain, nous allons avoir deux témoins du

 16   Bataillon néerlandais qui vont témoigner en néerlandais. Pour demain, nous

 17   avons sollicité des interprètes pour le néerlandais, et si j'ai cru bien

 18   comprendre les choses, leur témoignage risque de durer quatre heures. Nous

 19   avons modifié à plusieurs reprises l'emploi du temps en raison des

 20   interprètes, et je me demande si vous pouvez tenir compte de la chose,

 21   parce qu'il -- que nous allons devoir empiéter sur la session d'après.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, est-ce que vous voulez dire qu'il

 23   n'est pas possible que les officiers ou l'un des officiers du Bataillon

 24   néerlandais témoigne la semaine prochaine.

 25   Mme WEST : [interprétation] Mais rien n'est impossible. Mais il faudrait

 26   demain commencer avec les officiers du Dutchbat parce que nous avons

 27   réorganisé l'emploi du temps, et nous avons des interprètes néerlandais qui

 28   viennent demain pour cela. Je ne sais pas si M. Kingori est à même de


Page 22923

  1   continuer à témoigner après. Alors, si on déborde, est-ce qu'on peut faire

  2   passer son témoignage la semaine prochaine ?

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, il faut tirer les choses au clair

  4   avec M. Kingori. Est-ce que ça vous cause problème, Monsieur, de rester

  5   jusqu'à lundi de la semaine prochaine ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  7   Juges, j'ai des problèmes à la maison. Je n'ai pas fait d'arrangement pour

  8   ce qui est de rester plus longtemps que -- enfin, pendant un peu plus --

  9   une période plus longue que huit jours.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Nous allons tirer les choses au

 11   clair après l'audience d'aujourd'hui en coopération avec le Greffier.

 12   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Je vous renvoie vers le paragraphe 32 de votre déclaration que vous

 16   avez faite. En haut, d'abord, nous avons un conditionnel -- une phrase au

 17   conditionnel, et ensuite, au paragraphe 32, vous prenez ceci comme étant un

 18   document officiel et vous tranchez pour donner des qualificatifs officiels.

 19   Regardez de quoi à l'air ce paragraphe 32.

 20   R.  Madame, Messieurs les Juges, ceci est en fait ce que nous a dit le

 21   colonel Vukovic. On a fait un résumé de ce qu'il a dit, et ce n'était pas

 22   seulement une menace. On a d'abord considéré que ce n'était qu'une menace

 23   et on l'a envoyé la chose à l'intention des Musulmans. Mais ça a été

 24   réactualisé et c'est exactement ce qui nous a dit.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, qu'est-ce que vous

 26   vouliez dire par cette phrase conditionnelle pour ce qui est de cette

 27   déclaration consolidée ?

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Au paragraphe 31, M. Kingori a retenu les


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  1   propos du colonel, parce qu'il est -- le colonel aurait dit : "Nous

  2   devrions dire. Il y a lieu de dire." Alors il y a lieu et nous devrions

  3   c'est du conditionnel. Ça veut dire qu'on devrait donc envisager la

  4   possibilité. C'est comme si vous disiez, J'ai envie de le tuer mais vous ne

  5   le tuez pas. Vous ne tuez personne.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  7   Continuez, je vous prie.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Alors partant de quoi affirmez-vous -- d'abord, dites-nous : est-ce que

 10   vous savez combien de Serbes il y avait eu à résider à Srebrenica avant

 11   1992 ? Là, je crois que vous pouvez répondre par oui ou par non.

 12   R.  Non, je ne le savais pas. Je ne le sais pas.

 13   Q.  Si je vous disais que le tiers de la population et au moins le tiers

 14   des villages était serbe et que mi-mai 1992 il n'y avait rien de tout cela.

 15   Ils ont été, soit, abattus, soit, expulsés; que diriez-vous à ce sujet ?

 16   R.  Rien.

 17   Q.  Est-ce que vous saviez que partout au sein de la Republika Srpska, à

 18   l'époque et aujourd'hui, il y a toujours eu des Musulmans à résider dans

 19   des localités ou agglomérations où la majorité était serbe ?

 20   R.  Madame, Messieurs les Juge, cela est possible.

 21   Q.  Merci. Or vous tirez une conclusion qui est celle de dire que les

 22   Serbes avaient planifié, dit, demandé l'évacuation des Musulmans de

 23   l'enclave. Moi, ce que je vous dis c'est ceci : Tant le gouvernement

 24   musulman de Srebrenica et le gouvernement musulman de Sarajevo et votre

 25   commandement et les Nations Unies et le représentant du secrétaire général

 26   et M. Karremans, vous tous, aviez planifié leur départ à eux. Il n'y a que

 27   la partie serbe qui se taisait et attendait de voir ce que la partie

 28   musulmane allait dire.


Page 22925

  1   R.  Madame, Messieurs les Juges, ce que je sais c'est que les Nations Unies

  2   n'avaient pas eu de planning de cette nature, ce que j'ai dit et ce que

  3   j'ai écrit fait partie de ce que nous a dit le colonel Vukovic, un officier

  4   de la VRS ainsi qu'un commandant répondant au nom de Nikolic également

  5   membre de la VRS. Je ne sais pas ce que je puis ajouter à cela. Ce n'est

  6   pas moi qui l'ai inventé, enfin le colonel Kingori, ce n'est pas venu du

  7   système des Nations Unies. Cela est venu de la bouche d'officiers de la

  8   VRS.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à ce qu'on nous montre la pièce

 10   01883. Il me semble que c'est une référence 65 ter, mais ça a fait l'objet

 11   d'une pièce à conviction qui a été admise il n'y a pas longtemps sous une

 12   référence P.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce P4150, Monsieur le

 14   Président.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la dernière réponse a

 16   consisté à dire que cela venait de la bouche de vos officiers.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Kingori.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Mais quels autres officiers, exception faite, et des noms d'officier

 20   que vous avez déjà mentionnés ?

 21   R.  Madame, Messieurs les Juges, il y a plusieurs autres officiers que nous

 22   avons eu l'occasion de rencontrer. Leurs noms apparaissent quelque part

 23   dans les rapports que nous avons rédigés.

 24   Q.  Dans ce paragraphe à l'occasion de l'interrogatoire principal, il me

 25   semble, qu'en sus de ceci, vous avez mentionné six hauts gradés de la VRS

 26   avoir assisté à cette réunion. Qui sont ces autres six officiers ?

 27   R.  Je n'arrive pas à me souvenir de leurs noms. Mais ces noms sont quelque

 28   chose du style Dricic [phon] ou de ce genre. Je n'arrive pas à me souvenir


Page 22926

  1   des noms. Il y a deux noms d'indiqués déjà.

  2   Q.  Mais vous nous avez dit qu'il n'y avait pas que des membres de l'armée

  3   à vous l'avoir dit. Alors qui, au nom des autorités civiles, gouvernements,

  4   présidence, avaient formulé ce type de planning, chose dont vous avez eu

  5   l'occasion de vous assurer ?

  6   R.  Madame, Messieurs les Juges, ce que j'aie su, à l'époque, c'est qu'il y

  7   avait eu un gouvernement civil en place, qui se trouvait à Sarajevo pour la

  8   totalité de la Bosnie, et cette autorité se trouvait à la tête de l'armée

  9   que nous appelions l'armée des Serbes de Bosnie où il y avait le général

 10   Mladic avait toute une hiérarchie allant du haut vers le bas, vers le

 11   niveau le plus bas, et ce, qui nous avons coopéré c'était le colonel

 12   Vukovic et le commandant Nikolic. Mais la direction civile était déjà en

 13   place, elle existait.

 14   Q.  Vous avez laissé entendre aujourd'hui que vous aviez des preuves, que

 15   non seulement ces deux officiers de grade moyen mais qu'il y avait d'autres

 16   officiers plus hauts gradés et des autorités civiles qui partageaient cette

 17   intention. Avez-vous des preuves à cet effet ? Si vous les avez, dites-nous

 18   lesquelles, sinon, nous allons aller de l'avant.

 19   R.  Madame, Messieurs les Juges, je ne me souviens pas d'avoir dit cela, et

 20   si je l'ai dit, je ne m'en souviens pas. Je crois que ces officiers nous

 21   convoyaient des messages qui leur avaient été communiqués à un niveau plus

 22   élevés de la part d'une direction et que ces intentions étaient véhiculées

 23   vers le niveau de ces interlocuteurs-là, de l'autre côté à nous. On se

 24   procurait des informations de leur part et nous transmettions des

 25   informations dans le sens opposé au travers du système des Nations Unies.

 26   S'il fallait débattre de quoi que ce soit à des niveaux plus élevés, à des

 27   niveaux généraux ou de président, c'est ce qui était fait à leur niveau,

 28   pas au nôtre.


Page 22927

  1   Q.  Mais, attendez, Monsieur Kingori, est-ce que vous avez des preuves, ou

  2   est-ce que vous êtes en train d'émettre des hypothèses, de tirer des

  3   conclusions qui vous semblent logiques; mais avez-vous des preuves ?

  4   R.  Madame, Messieurs les Juges, ceci est une, ce n'est pas une spéculation

  5   ou une hypothèse. Il y a eu une chaîne de commandement pour l'armée des

  6   Serbes de Bosnie.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais --

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous avez des preuves ?

 10   M. LE JUGE KWON : [inaudible]

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais Monsieur le Président, il s'est -- enfin,

 12   il déborde sur des sujets que je n'ai même pas abordés.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais vous ne faites que répéter votre

 14   question sur un sujet qui a déjà fait l'objet d'une réponse de la part du

 15   témoin. De toute manière, il est l'heure de lever l'audience.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de ce

 17   document, Excellence, C'est un document qu'on a déjà vu tout un chacun,

 18   déjà eu l'occasion de voir.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vous ai pas suivi.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puisqu'on a montré ce document, on a montré ce

 21   document disant que les structures musulmanes avaient déjà formulé des

 22   demandes visant à faire évacuer la population de cette région.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais vous n'avez pas posé de

 24   question à ce sujet. Continuez. Quelle est votre question ? J'imagine que

 25   le témoin a déjà lu ce document.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Kingori, nous avons dans ce texte émanant de M. Akashi, qui

 28   dit que, suite à une intervention et initiative du gouvernement musulman,


Page 22928

  1   le 11 au matin, il convenait de s'entretenir avec la partie serbe pour

  2   autoriser l'évacuation des civils de Srebrenica. Avant cela, le 9 juillet,

  3   ça vient -- l'initiative vient des autorités civiles de Srebrenica. On

  4   demande à l'agresseur - c'est nous, les Serbes - la possibilité d'ouvrir un

  5   corridor pour que la population s'en aille vers le territoire libéré le

  6   plus proche. Le 11, Akashi transmet tout cela; étiez-vous au courant de

  7   cela ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que c'est une

  9   question que vous posez au sujet du rapport de M. Akashi ou ce document ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'annonce la présentation du rapport d'Akashi.

 11   On ne peut pas l'aborder aujourd'hui, mais est-ce que M. Kingori était au

 12   courant du fait que l'initiative émanait depuis le 9 juillet, de la part

 13   des autorités musulmanes de Srebrenica, pour ce qui est d'une évacuation de

 14   la population civile ?

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, ça me semble être une question.

 16   Le saviez-vous, Monsieur ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous voulez parler de l'évacuation ?

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'initiative du 9 qui émanait des

 19   autorités musulmanes de Srebrenica, que la population devait être évacuée.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vois ce rapport ici,

 21   et cette demande -- mais ceci ne peut pas être prise isolément, parce que

 22   ces activités, qui se poursuivaient signifier que les Musulmans devaient

 23   quitter Srebrenica, nous étions arrivés à un moment donné où les Musulmans

 24   ont été emmenés jusqu'à Potocari, ils vivaient dans de très mauvaises --

 25   étaient dans de très mauvaises conditions, et donc nous avions également

 26   demandé l'évacuation, même si cette évacuation a fait l'objet d'une lettre

 27   ou d'une demande, je suis sûr -- ou je pense que l'armée serbe de Bosnie

 28   n'était pas au courant à l'époque. Mais, de toute façon, ils sont allés de


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  1   l'avant, ils ont évacué et fait sortir les Musulmans de cet endroit, et

  2   comme nous l'avons déjà vu, et cela figure dans ma déclaration.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Est-ce que le Greffier peut se rapprocher des Juges de la Chambre, s'il

  5   vous plaît ? 

  6   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je viens de m'entretenir pendant

  8   quelques instants avec le représentant du greffe, qui me dit que nous

  9   pouvons poursuivre la déposition de M. Kingori demain matin. Nous allons

 10   lever l'audience pour aujourd'hui, et reprend demain matin à 9 heures.

 11   Mais, avant cela, Madame West.

 12   Mme WEST : [interprétation] Je souhaitais simplement vous avertir du fait

 13   que la dernière fois que les interprètes néerlandais sont venus, c'était au

 14   mois de décembre, et nous avons eu du mal à les avoir pour une journée

 15   supplémentaire. Je ne sais pas si vous envisagez la possibilité de

 16   poursuivre les débats demain.

 17   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On m'a indiqué que ces interprètes

 19   seraient disponibles lundi également.

 20   Simplement une question rapidement, je remercie les membres du

 21   personnel pour leur patience. On m'a indiqué que la Défense a déposé une

 22   requête aux fins d'exclure certains passages de la déposition de M. Tucker,

 23   de sa déposition. Ceci vient d'être déposé aujourd'hui, et je me demande si

 24   nous pouvons avoir votre réponse d'ici demain, s'il vous plaît.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que oui.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 27   L'audience est maintenant levée.

 28   --- L'audience est levée à 15 heures 07 et reprendra le vendredi 13 janvier


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  1   2012, à 9 heures 00.

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