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1 Le mardi 10 avril 2012
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. Avant que nous ne
7 commencions l'audience d'aujourd'hui, la Chambre aimerait traiter d'un
8 certain nombre de questions. D'abord, la Chambre va rendre une décision
9 orale au sujet de la demande présentée par "l'Accusation au sujet de
10 l'utilisation du temps en l'espèce", demande déposée le 4 avril 2012.
11 Ça, c'était un bruit bien connu.
12 Dans sa demande, l'Accusation prie le Greffe de fournir une segmentation du
13 temps utilisé pour l'audition de chaque témoin entendu entre le 1er et le
14 29 mars 2012, et demande à être autorisé à déposer une requête pour
15 contester le temps utilisé pour ces auditions dans un délai de sept jours à
16 partir de la réception de la segmentation de ces calculs horaires. La
17 Chambre fait droit à ces deux requêtes et ordonne, par conséquent,
18 au Greffe de fournir les statistiques horaires relatives au mois de mars
19 à l'Accusation dans les plus brefs délais. Elle ordonne également à
20 l'Accusation de déposer sa contestation dans un délai de sept jours à
21 partir de la réception de ces statistiques.
22 Ensuite, le 23 mars 2012, l'accusé a déposé sa "requête en vue de
23 modification des mesures de protection relatives au Témoin KDZ071", en
24 demandant la suppression des mesures de protection accordées au Témoin
25 KDZ071 dans l'affaire Krstic.
26 Le 28 mars 2012, l'Accusation a déposé sa réponse à cette requête en
27 s'opposant à la requête et en renvoyant à la conversation tenue avec le
28 témoin le 27 mars 2012, conversation qui a eu lieu entre le témoin et un
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1 enquêteur de l'Accusation et au cours de laquelle le témoin a déclaré avoir
2 besoin de la continuation de ses mesures de protection car il s'apprêtait à
3 retourner dans la région de Srebrenica et ne se sentait pas en sécurité.
4 La Chambre fait remarquer tout d'abord qu'aucune Chambre n'est actuellement
5 saisie de l'affaire Krstic, au sens où l'entend l'article 75(J) du
6 Règlement, et qu'aucun des Juges qui a fait droit aux premières mesures de
7 protection accordées au témoin dans l'affaire Krstic n'est encore au
8 Tribunal. Le 5 avril 2012, la Chambre a été informée par la Section chargée
9 de la protection des Victimes et des Témoins, en application de l'article
10 75(J) du Règlement, que le témoin ne consent pas à la suppression de ses
11 mesures de protection.
12 La Chambre rappelle également qu'aux termes de l'article 75(J) du
13 Règlement, il lui est possible d'ordonner la suppression des mesures de
14 protection en l'absence du consentement du témoin dans des circonstances
15 exceptionnelles, et "sur la base d'éléments impérieux montrant qu'il y
16 aurait déni de justice si cette suppression n'était pas accordée."
17 La Chambre a examiné avec soin la requête et son annexe et considère que
18 les circonstances exceptionnelles qui permettraient de supprimer les
19 mesures de protection en l'absence du consentement du témoin n'ont pas été
20 démontrées. La Chambre, par conséquent, rejette la requête de l'accusé. En
21 conséquence, le Témoin KDZ071 témoignera avec mesures de protection, c'est-
22 à-dire octroi d'un pseudonyme et déformation de ses traits à l'écran.
23 La Chambre a pris note de la déclaration du témoin selon laquelle il
24 n'avait prononcé aucune déclaration publique depuis son retour dans la
25 région de Srebrenica. Toutefois, la Chambre tient à rappeler au témoin que
26 toute déclaration publique qu'il pourrait prononcer rendrait inefficace les
27 mesures de protection qui lui ont été accordées et la Chambre le met donc
28 en garde contre toute déclaration de sa part.
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1 Ceci étant dit, nous revenons à l'audience dans son déroulement normal, et
2 je demanderais que le témoin prononce la déclaration solennelle.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 LE TÉMOIN : AMOR MASOVIC [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur. Toutes nos excuses pour
8 le léger désagrément du retard dans le début de votre audition. Vous pouvez
9 maintenant vous asseoir le plus confortablement possible.
10 Madame Sutherland, c'est à vous.
11 Votre micro, Madame Sutherland.
12 Interrogatoire principal par Mme Sutherland :
13 Q. [interprétation] Monsieur Masovic, veuillez décliner vos nom et prénom
14 pour consignation au compte rendu d'audience.
15 R. Amor Masovic.
16 Q. Vous avez déjà témoigné devant ce Tribunal dans quatre procès, et vous
17 avez fourni des déclarations devant des représentants du bureau du
18 Procureur, n'est-ce pas ?
19 R. C'est cela.
20 Q. Récemment, une déclaration a été recueillie de vous qui constitue une
21 déclaration consolidée établie sur la base de vos témoignages et de vos
22 déclarations précédentes. Vous avez également apporté des éclaircissements
23 et quelques commentaires complémentaires par rapport à un certain nombre de
24 documents, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, c'est cela.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter
27 90326.
28 Q. Monsieur Masovic, vous voyez cette déclaration apparaître à l'écran
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1 devant vous. Est-ce que c'est bien votre signature qui figure au bas de la
2 page ?
3 R. Oui, c'est ma signature.
4 Q. Et ce document est bien la déclaration consolidée qui a récemment été
5 recueillie de votre part, n'est-ce pas ?
6 R. C'est cela.
7 Q. Avant de signer cette déclaration, vous avez avec l'aide d'un
8 interprète relu ce document. Confirmez-vous que cette déclaration
9 correspond à ce que vous savez et à ce que vous estimez ?
10 R. Je confirme que c'est bien ma déclaration et qu'elle est exacte.
11 Q. Si aujourd'hui on vous interrogeait sur les questions qui sont évoquées
12 dans cette déclaration, est-ce que sur le fond vous fourniriez à la Chambre
13 les mêmes renseignements qu'à l'époque ?
14 R. Oui, c'est cela.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
16 versement au dossier sous pli scellé de la déclaration consolidée du
17 témoin, et j'indique qu'une version publique de ce document sera rendu
18 disponible en l'absence de l'annexe B.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Maître Robinson ?
20 M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre admet les deux versions de ce
22 document. Peut-on avoir des numéros de pièces à conviction.
23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,
24 Messieurs les Juges, la version publique de ce document devient la pièce
25 P4850, et la version confidentielle devient la pièce P4851, à conserver
26 sous pli scellé.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais maintenant, si la Chambre
28 l'accepte, donner lecture rapidement d'un résumé de la déposition du
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1 témoin.
2 Le témoin est membre du conseil de direction de l'Institut des personnes
3 portées disparues en Bosnie-Herzégovine. Les responsabilités de cet
4 institut comprennent l'établissement de listes des personnes portées
5 disparues ou qui ont été retrouvées par le processus d'exhumation et
6 d'identification. L'institut, qui a commencé à fonctionner en janvier 2008,
7 a assumé les responsabilités de la recherche de personnes portées disparues
8 qui étaient en vie en Bosnie-Herzégovine avant cette époque.
9 Pendant la période 1992-1995, la témoin était membre, chef en exercice et
10 chef adjoint, de la Commission de l'Etat de Bosnie-Herzégovine chargée de
11 l'échange des prisonniers de guerre, des personnes capturées et des
12 cadavres de personnes tuées, ainsi que de l'enregistrement des personnes
13 tuées, blessées et portées disparues sur le territoire de la République de
14 Bosnie-Herzégovine.
15 En 1996, la Commission d'Etat est devenue la Commission d'Etat chargée de
16 retrouver les personnes portées disparues. Le témoin a été nommé président
17 de cette commission. A partir de juillet 1997, il a également été nommé
18 président et co-président d'une commission fédérale chargée de retrouver
19 les personnes portées disparues, qui englobe la Commission d'Etat et une
20 commission créée par les autorités croates de Bosnie.
21 Les éléments de preuve apportés par le témoin concernent le travail de ces
22 institutions, leurs mandats, les méthodes qu'elles utilisent et leurs
23 découvertes. Le témoin apporte des détails au sujet de ses fonctions et
24 responsabilités au sein de ces institutions, et en particulier au sujet de
25 sa participation dans le processus d'exhumation, d'autopsie et
26 d'identification des victimes exhumées dans des fosses communes, des
27 charniers et des tombes individuelles un peu partout en Bosnie-Herzégovine.
28 Le témoin a examiné et commenté plusieurs documents relatifs aux échanges
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1 auxquels il a été procédé pendant la guerre et un certain nombre de
2 documents relatifs aux exhumations, autopsies et identifications menées en
3 Bosnie-Herzégovine.
4 Le témoin a établi un rapport relatif aux corps exhumés et identifiés liés
5 aux incidents dont la liste figure dans les annexes A et B à l'acte
6 d'accusation en l'espèce à partir des registres de l'Institut chargé de la
7 recherche des personnes disparues.
8 Ceci met un point final à la lecture du résumé de la déposition du témoin.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
11 Q. Monsieur Masovic, j'ai quelques questions à vous poser. Dans votre
12 déclaration consolidée, vous parlez du processus d'exhumation, d'autopsies
13 et d'identification de victimes, et vous dites que l'institut tenait des
14 listes des corps exhumés et identifiés ainsi que des personnes portées
15 disparues.
16 En octobre 2009, est-ce que vous avez fourni au bureau du Procureur de ce
17 Tribunal la liste des corps exhumés et identifiés établie sur la base des
18 registres de l'institut du MPI relatifs aux noms qui figurent dans les
19 annexes A et B à l'acte d'accusation ?
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. Est-ce que ce rapport comporte deux tableaux, le premier dans lequel on
22 trouve des données numériques relatives au nombre de personnes exhumées et
23 identifiées ou portées disparues dans plusieurs municipalités, et le
24 deuxième tableau comportant des données relatives aux victimes qui ont été
25 exhumées et identifiées dans des tombes individuelles ?
26 R. Oui, c'est exact.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du document 65 ter
28 numéro 23691.
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1 Q. Est-ce que ce document est bien le document que vous avez fourni en
2 octobre 2009 au bureau du Procureur ?
3 R. Oui.
4 Q. Et en annexe à ce rapport, est-ce que nous trouvons les deux tableaux
5 dont il vient d'être fait mention, tableau 1 et tableau 2 ?
6 R. Exact.
7 Q. Ce rapport présente-t-il les méthodes utilisées et cite-t-il un certain
8 nombre de chiffres qui correspondaient à la réalité au moment où il a été
9 établi ?
10 R. Oui, c'est exact.
11 Q. Et est-ce que le bureau du Procureur vous a récemment demandé de mettre
12 à jour les renseignements qui figurent dans ces deux tableaux ?
13 R. C'est exact. J'ai été prié de mettre à jour les chiffres datant de
14 2009.
15 Q. J'aimerais d'abord que nous parlions du deuxième tableau.
16 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et à cette fin, je demande l'affichage du
17 document 65 ter numéro 23691B.
18 Q. A gauche de l'écran, nous voyons un document -- j'aimerais que l'on
19 voie la date en en-tête du document à l'écran. Est-ce que c'est bien la
20 liste mise à jour ?
21 R. Oui, c'est la liste qui a été mise à jour le 5 avril 2012.
22 Q. Et sur la droite de l'écran, on voit une traduction anglaise de la
23 rangée qui constitue l'en-tête de ce document, l'intitulé du document, et
24 on voit également une traduction de la légende que nous allons d'ailleurs
25 passer en revue maintenant, car j'aimerais que vous nous expliquiez les
26 couleurs qui figurent dans ce document.
27 Dernière page du document à l'écran, je vous prie.
28 R. Eh bien, pour l'essentiel, cette légende concerne deux catégories de
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1 personnes dont les corps ont été exhumés, ce qui a permis de les
2 identifier. Dans le premier groupe, on trouve les corps dont les noms ont
3 été donnés par le bureau du Procureur. Ce sont les noms qui figurent en
4 rouge et en bleu dans ce tableau. La différence entre les personnes dont
5 les noms sont accompagnés de mentions en rouge et celles dont les noms sont
6 accompagnés de mentions en bleu réside dans le processus de mise à jour.
7 Les personnes dont les noms figurent en rouge sont celles qui ont été
8 identifiées à l'époque où le premier rapport, c'est-à-dire celui de 2009, a
9 été rédigé, et les noms accompagnés de mentions en bleu sont les noms des
10 personnes qui ont été identifiées dans la période ultérieure, c'est-à-dire
11 dans la période ultérieure à 2009 et se terminant au moment de la rédaction
12 du nouveau rapport en avril 2012.
13 La deuxième partie de la légende, celle qui est rédigée en noir, concerne
14 les corps qui ont été exhumés et identifiés mais correspondant à des
15 personnes dont les noms ne figurent pas sur les listes des victimes qui
16 m'ont été fournies par le bureau du Procureur. Toutefois, ce sont des corps
17 que nous avons retrouvés dans les mêmes fosses communes où se trouvaient
18 les corps des personnes dont les noms m'ont été fournis par le bureau du
19 Procureur, donc dans les mêmes fosses que celles où on a retrouvé les corps
20 dont les noms sont accompagnés de mentions rédigées en bleu et en rouge. Et
21 ces personnes voient leur nom introduit dans le rapport en liaison avec
22 l'endroit où leur corps a été retrouvé, exhumé et identifié, c'est-à-dire
23 en fonction des mêmes fosses communes que celles où on a retrouvé les corps
24 des personnes dont les noms m'avaient été donnés par le bureau du Procureur
25 pour commencer. La différence entre les personnes dont les noms sont
26 accompagnés de mentions en noir et les personnes dont les noms sont
27 accompagnés d'une mention en noir assorti d'une étoile ou d'une astérisque
28 bleue réside dans les circonstances de la mise à jour. Encore une fois, ces
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1 listes ont été mises à jour. Donc, lorsque le nom est uniquement écrit en
2 noir, il s'agit de corps qui ont été identifiés au moment de la rédaction
3 du premier rapport en 2009, et lorsque les noms figurent en noir accompagné
4 d'une astérisque bleue, il s'agit de personnes dont les corps ont été
5 identifiés dans la période ultérieure à 2009, se terminant en avril 2012.
6 Q. Voyons la dernière page de ce document. Nous voyons le nom de cinq
7 victimes liées à Foca. J'aimerais qu'on fasse un agrandissement pour que
8 nous voyions toute la page. Nous voyons quatre noms en rouge fournis par le
9 bureau du Procureur et un nom en noir --
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pourrions peut-être supprimer la
11 traduction anglaise pour le moment sur l'écran et faire un agrandissement
12 sur le B/C/S. Voilà.
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur Masovic, nous voyons six noms en rouge et un nom en noir, des
15 personnes dont les corps ont été exhumés dans une seule et même fosse
16 commune, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, c'est exact. Ces cinq corps ont été exhumés le 17 décembre 2008 à
18 Cehotina, qui est une localité dans laquelle se trouvait une fosse commune,
19 dans la municipalité de Foca, et le nom de quatre personnes dont les corps
20 ont été retrouvés dans cette fosse commune figuraient sur la liste qui m'a
21 été donnée par le bureau du Procureur; alors que celui de la cinquième
22 personne, Kemal Isanovic, figure en noir dans ce tableau car il ne figurait
23 pas sur la liste des victimes qui m'a été fournie par le bureau du
24 Procureur. Il correspond donc aux critères que je viens d'évoquer il y a un
25 instant puisqu'il a été retrouvé dans la même fosse commune.
26 Q. Voyons maintenant si nous pourrions voir ce qui est écrit dans la
27 colonne "Date de la disparition" et lieu où la personne a été vue pour la
28 dernière fois. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre comment ces
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1 colonnes ont été créées.
2 R. Eh bien, les données qui étaient utilisées par les diverses commissions
3 chargées des personnes disparues, qu'il s'agisse de la Commission chargée
4 de l'échange des prisonniers de guerre ou de la Commission chargée des
5 personnes disparues, ne sont pas toujours identiques. Les sources de
6 renseignement les plus fréquentes relatives aux personnes portées disparues
7 sont la date à laquelle ces personnes ont disparu, le lieu de leur
8 disparition et le lieu où résident les familles de ces personnes, mais ce
9 ne sont pas des sources nécessaires. Lorsque des membres d'une armée ou
10 d'une force de police, et cetera, sont portés disparus, ce sont quelquefois
11 les commandements de ces hommes ou les services habilités à parler de ces
12 hommes, comme par exemple leurs supérieurs hiérarchiques ou même des
13 combattants qui combattaient aux côtés de ces hommes, qui ont été témoins
14 de leur disparition.
15 Alors, si vous regardez les dates qui sont contenues dans ce rapport comme
16 étant les dates de la disparition, très souvent ce n'est pas la date réelle
17 du décès de la personne portée disparue. C'est simplement une date qui a
18 été obtenue à partir d'une source d'information. Par exemple, dans certains
19 cas, un membre de la famille survivant à la guerre a été témoin du moment
20 où un parent proche a été emmené hors de son appartement ou de sa maison,
21 ou en tout cas emmené dans la rue simplement, et c'est le dernier jour où
22 la personne en question a été vue vivante. Donc le membre de sa famille
23 rend compte du jour où s'est produite cette disparition. Mais dans de
24 nombreux cas, les personnes portées disparues ont été emmenées loin de
25 leurs domiciles, dans des camps, des prisons, par exemple, et dans des cas
26 de ce genre, il y a d'autres prisonniers qui ont pu voir ces personnes
27 après la date présumée de leur disparition, en tout cas après la date où
28 ces personnes ont été emmenées hors de leur appartement ou de leur maison.
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1 Donc les prisonniers, par exemple, qui les voient ensuite témoignent en
2 citant une autre date que celle qui a été citée par le membre de la famille
3 s'agissant de la date à laquelle la personne a été portée disparue, et ces
4 prisonniers évoquent d'autres circonstances.
5 Donc ma conclusion c'est que la date et le lieu de disparition de la
6 personne n'indiquent pas nécessairement la réalité du moment où la personne
7 a disparu. Il s'agit plutôt d'une date perçue par un membre de la famille
8 ou même par plusieurs membres de la famille qui peuvent citer des dates
9 différentes selon le moment où elles ont appris la disparition de leur
10 proche.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, vous avez parlé de la
12 colonne "Date de disparition" et date à laquelle la personne a été vue pour
13 la dernière fois, mais je ne trouve pas ces colonnes dans la traduction
14 anglaise. Pouvez-vous nous dire où elles se trouvent ?
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Voyons d'un peu plus près…
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Supprimons la version B/C/S à l'écran.
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ce sont les colonnes 6 et 7, Monsieur le
18 Président.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Peut-on voir maintenant la version
20 en B/C/S.
21 Ah oui. Voilà, j'ai trouvé ces colonnes. Merci beaucoup, Madame
22 Sutherland.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
24 Q. Donc, Monsieur Masovic, si j'ai bien compris, à partir du moment où
25 vous avez des dates qui diffèrent, donc vous avez d'une part la date qui
26 vous a été fournie par les proches puis ensuite la date où la personne
27 aurait été revue à un autre endroit, eh bien, lorsque vous aviez ce cas de
28 figure, vous inscriviez la date ultérieure, vous la consigniez comme étant
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1 la date de disparition ?
2 R. Non, pas nécessairement. On vérifiait la fiabilité de la source qui
3 nous fournissait l'information. Donc on appréciait avant tout la fiabilité
4 de la source, et c'est sur cela que l'on se basait lorsqu'on consignait la
5 date.
6 Et je dois dire que notre commission, qui allait devenir donc
7 l'institut, considérait que la date de la disparition ou voire même les
8 circonstances de la disparition étaient des données qui, finalement,
9 n'avaient pas une très grande importance. Parce qu'il ne nous revenait pas
10 de savoir comment quelqu'un a disparu, qui en assume la responsabilité non
11 plus. Ce que nous devions faire, c'était retrouver les restes.
12 Malheureusement, dans la plupart des cas, c'étaient les restes des
13 personnes donc portées disparues -- enfin, qui n'étaient plus en vie, et
14 donc d'identifier la personne portée disparue et de remettre ses restes à
15 ses proches. Donc c'était, avant tout, cela notre mission, et non pas
16 d'identifier de la manière la plus précise qu'il soit la date, le lieu et
17 les circonstances de la disparition.
18 Ce sont d'autres instances qui s'en chargent, que ce soit au niveau
19 de l'entité, de la Fédération ou de l'Etat. Ce sont les bureaux de
20 procureurs qui s'en chargent.
21 Q. Très bien.
22 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que nous pouvons examiner la page
23 11, s'il vous plaît, de ce document dans le prétoire électronique.
24 Q. Monsieur Masovic, une page s'affiche maintenant qui concerne Laniste 1,
25 cette fosse commune ou ce charnier. Il s'agit des victimes de Biljani.
26 Donc, est-ce que vous pourriez nous dire si la même méthodologie s'applique
27 pour ce qui est des noms écrits en rouge et en noir, la même que vous avez
28 décrite précédemment ?
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1 R. Juste une petite correction pour la traduction. On avait mal consigné
2 le nom de la localité.
3 Oui. C'est exact. Donc, nous avons les noms des victimes qui ont été
4 fournis par le bureau du Procureur qui figurent en rouge et en noir, ceux
5 qui ont été retrouvés dans le même charnier mais qui ne figuraient pas sur
6 la liste du bureau du Procureur. C'est en fait une fosse naturelle qui a
7 environ une vingtaine de mètres de profondeur, qui se trouve à proximité de
8 Kljuc, donc le site s'appelle Laniste. C'était dans une seule fosse que
9 l'on a retrouvé les corps de toutes ces victimes et on a appelé ce charnier
10 Laniste 1.
11 Q. Monsieur Masovic, je voudrais que l'on examine la première page du
12 document que l'on parle de Bijeljina.
13 Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la Chambre où est la
14 différence entre Bijeljina et le reste de votre tableau ? Nous avons quatre
15 noms ici en rouge. Ce sont des fosses individuelles à un endroit, puis nous
16 avons d'autres noms en noir qui, apparemment, proviendraient de fosses
17 individuelles de nouveau, mais d'un autre endroit. Alors, pourquoi est-ce
18 que vous avez écrit ces noms en noir ?
19 R. Les noms de ces personnes ont été consignés en noir parce que leurs
20 noms ne figurent pas sur la liste qui m'a été fournie par le bureau du
21 Procureur, la liste qui comporte 48 noms de victimes. Et sur ces 48, seules
22 les premières quatre personnes dans la liste qui figurent ici en rouge
23 proviennent de la liste du Procureur. Tous les autres n'y sont pas. Et ils
24 sont inscrits sur la liste de Bijeljina parce qu'il s'agit de personnes
25 qui, pendant de longues années, ont été portées disparues, portées
26 disparues dans la région de Bijeljina. Pour certaines d'entre eux, pendant
27 la deuxième moitié du mois d'avril, et pour d'autres jusqu'au mois de
28 septembre ou la fin de l'année 1992, à l'exception de la famille Isic qui
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1 compte six membres. Sauf qu'ici on n'en voit que cinq, parce que le sixième
2 n'a toujours pas été retrouvé. Donc, les cinq membres de la famille Isic
3 portés disparus en 1993 dans le secteur de Bijeljina, donc ils ont tous été
4 retrouvés en République de Serbie, à l'exception de l'une d'entre elles qui
5 a été retrouvée dans le même charnier où ont été retrouvés les quatre
6 autres, la famille Komsic. Donc, M. Crhahic Makmed [phon] a été retrouvé
7 dans Tombac Mahala [phon] de Bijeljina, dans ce charnier-là, puis les
8 autres en République de Serbie.
9 Il est certain qu'après avoir été abattus, ils ont été jetés dans la
10 rivière Drina. La Drina a transporté leurs corps jusqu'à la Sava et la Sava
11 a continué de transporter leurs corps en République de Serbie, et c'est là
12 que les autorités locales les ont sortis de l'eau et les ont ensevelis dans
13 différents cimetières municipaux - Sremska Mitrovica, Sabac, Belgrade - et
14 c'est là qu'on les a ensevelis, inhumés à titre anonyme jusqu'à ce qu'ils
15 puissent être identifiés grâce à l'ADN.
16 Douze individus dont les noms figurent en noir ont été enregistrés
17 comme disparus au début ou jusqu'à la deuxième moitié du mois d'avril 1992.
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais verser au dossier le rapport.
19 Il s'agit du document 65 ter 23690. Le tableau mis à jour porte la cote
20 23691B.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et le rapport initial, normalement, il
22 porte le numéro 23691.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, tout à fait. Excusez-moi.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.
25 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous n'allons
26 pas opposer d'objection au versement du 23691B, mais nous allons nous
27 opposer au versement du 23690, puisqu'il ne s'agit pas ici d'un témoin
28 expert. Toutes les informations qui figurent dans son rapport figurent déjà
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1 ou devaient normalement figurer dans sa déclaration consolidée, en
2 application de la pratique apposée par la Chambre.
3 Deuxièmement, nous avons reçu une liste mise à jour de l'autre
4 tableau qui est contenu dans le rapport et je pense qu'il faudrait verser
5 la liste, mais non pas le texte même du rapport.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me dire plus
7 précisément pour quelle raison ce rapport précédent devrait être exclu
8 alors qu'il fait déjà partie de la mise à jour ?
9 M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous pensons que seuls les tableaux
10 devraient être versés au dossier, et les tableaux qui constituent une mise
11 à jour du tableau qui était déjà représenté dans 23691, mais le texte lui-
12 même, nous ne pensons pas qu'il faille le verser au dossier, puisque le
13 témoin n'est pas un témoin expert. C'est un témoin de faits, et vous avez
14 bien précisé que toutes les informations fournies par les témoins qui sont
15 des témoins factuels devraient être regroupées dans une seule déclaration
16 consolidée et que seule cette déclaration doit être versée au dossier.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous estimez que dans le corps du
18 texte du document 23691, nous avons, en fait, ce qui correspondrait à un
19 rapport d'expert.
20 M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, je pense qu'il ne faille pas le
21 verser au dossier, puisque ce n'est pas par le truchement d'un témoin
22 factuel que l'on peut le verser au dossier. Ce n'est pas un témoin expert.
23 Donc, quelles que soient les informations que l'Accusation souhaite verser
24 au dossier, en plus du témoignage verbal, oral, normalement doivent figurer
25 dans la déclaration consolidée.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Comme vous le savez parfaitement, c'est
28 un témoin factuel, mais qui a une certaine expertise. Peut-être qu'il ne
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1 s'agisse pas d'un témoin expert, mais c'est un témoin factuel qui a une
2 certaine expertise.
3 Donc, tout simplement, ce que nous trouvons dans le corps du texte,
4 ce sont les critères qu'il a appliqués pour rassembler et consigner les
5 informations qui figurent aux tableaux 1 et 2. Il précise sa méthodologie.
6 Il en parle aussi dans sa déclaration consolidée, mais nous estimons que
7 cela serait utile d'avoir également cette partie-là du texte qui précise
8 comment les chiffres ont été rentrés.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux seront versés au dossier
11 puisque la Défense ne s'oppose pas au versement du tableau et le texte qui
12 a été fourni par le témoin est utile aux Juges de la Chambre pour
13 comprendre la méthodologie qu'il a suivie en constituant ces tableaux. Nous
14 allons rejeter votre objection et nous allons attribuer les cotes aux deux
15 versions.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous avons donc deux cotes : la cote
17 P4852 et P4853.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons les verser au dossier sans
19 protection.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Le tableau 2, non.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les deux.
22 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, les deux peuvent être versés au
23 dossier sans protection.
24 Q. Monsieur Masovic, alors, parlons de votre tableau, le tableau 1. On
25 vous a demandé de le mettre à jour également, n'est-ce pas ?
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche le
27 document 65 ter 23691A, s'il vous plaît.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Le tableau numéro 1, là
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1 aussi, les données ont été mises à jour, les données qui concernent les
2 personnes portées disparues et dont les restes ont été retrouvés dans
3 plusieurs municipalités de Bosnie-Herzégovine.
4 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
5 Q. Et quelle est la différence entre le tableau mis à jour et la version
6 initiale de 2009 du tableau ?
7 R. Notamment, il y a une différence qui se situe sur le point suivant : en
8 2012, on ne fait plus figurer deux municipalités; Visegrad et Kotor Varos.
9 Je suppose que ces municipalités ne figurent pas dans l'acte d'accusation.
10 Puis pour le reste des municipalités, il y a eu des modifications sur
11 plusieurs plans. On a mis à jour le nombre de personnes retrouvées et
12 identifiées, parce qu'entre 2009 et 2012, on a retrouvé et/ou identifié des
13 individus. Il y a même des gens dont les restes ont été retrouvés avant
14 2009, mais qui n'ont pu être identifiés qu'après 2009.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Montrez-nous la page 2, s'il vous plaît,
16 puis la dernière.
17 Je demande le versement du tableau 1 mis à jour, s'il vous plaît, Monsieur
18 le Président.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, mis à part la question
20 que vous avez soulevée, j'ai omis de vous demander si vous acceptiez la
21 partie qui a été traduite en anglais, c'est-à-dire est-ce que la portion
22 qui a été traduite vous satisfait ?
23 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous l'acceptons, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Est-ce que nous pouvons avoir
26 la cote pour ce tableau.
27 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P4854.
28 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Masovic, alors voyons maintenant ce qui en est de la liste des
2 victimes. Est-ce que le bureau du Procureur vous a récemment demandé de
3 réexaminer cette liste corrigée ?
4 R. Est-ce que cela va s'afficher à l'écran ?
5 Q. Tout simplement, je vous ai demandé si vous aviez été invité récemment
6 à revoir la version corrigée de la liste des victimes ? Est-ce que le
7 bureau du Procureur vous a demandé de faire cela ?
8 R. Oui.
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande l'affichage du 65 ter 23690
10 [comme interprété] à l'écran, s'il vous plaît.
11 Q. Avant d'en parler, par rapport au tableau A, qui a été mis à jour,
12 c'est à partir du 5 avril 2012 que les informations étaient disponibles;
13 c'est bien cela ?
14 R. Je ne vous comprends pas.
15 Q. Le tableau 1 que nous venons d'examiner, qui comporte les chiffres,
16 donc la date de la mise à jour est celle du 5 avril 2012; c'est bien cela ?
17 R. Oui. C'est la date de la mise à jour de ce tableau.
18 Q. Est-ce que nous avons ici une liste des victimes mise à jour, liste que
19 vous avez fournie au bureau du Procureur ?
20 R. Oui. C'est la liste mise à jour qui comporte les noms de victimes, et
21 d'ailleurs, c'est ce qui figure dans le titre de ce tableau.
22 Q. Et là, nous avons également la date du 5 avril 2012 comme date de la
23 mise à jour; est-ce exact ?
24 R. Oui, c'est exact.
25 Q. Donc, à gauche de l'écran, nous avons en bleu des titres. Est-ce que
26 vous pouvez nous dire à quoi cela correspond, cette partie qui se situe à
27 gauche ?
28 R. Ici, nous avons la liste des victimes --
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1 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande que l'on ne l'affiche pas à
2 l'extérieur du prétoire, excusez-moi. Monsieur le Président, ce qui a été
3 vu ne pose pas problème.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Mais à partir de maintenant, je
6 demanderais que l'on ne diffuse plus à l'extérieur du prétoire.
7 Q. Monsieur Masovic, est-ce que vous pouvez nous expliquer ?
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant. Passons à huis clos
9 partiel un instant.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 [Audience publique]
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
27 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer rapidement, Monsieur Masovic, ce
28 qui se situe à gauche.
Page 27227
1 R. J'ai une seule liste sur la totalité de l'écran. C'est la liste du
2 bureau du Procureur qui m'a été fournie. Donc maintenant, à gauche, j'ai la
3 liste des victimes alléguées qui m'a été fournie par le bureau du Procureur
4 pour que je puisse l'étudier et commenter.
5 Puis à droite de l'écran, vous pouvez voir mes commentaires qui
6 concernent chacune des victimes dont les noms figurent à gauche, ou plutôt,
7 du côté que nous appelons liste de victimes du Procureur.
8 Q. Et ce que vous avez ajouté est surligné en gris, sur la droite, les
9 colonnes à droite.
10 Donc, est-ce que vous pouvez juste expliquer à l'attention des Juges
11 quelles sont les différentes catégories qui sont représentées ici. Montrez-
12 nous la dernière page. Nous avons là une légende. Mais expliquez-nous, s'il
13 vous plaît, la signification des différentes couleurs.
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Dernière page, s'il vous plaît.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc il faut dire surtout qu'il s'agit des
16 personnes dont les noms figurent sur la liste de victimes établie par le
17 bureau du Procureur. Lorsque j'ai formulé des commentaires, alors en jaune
18 pâle j'ai indiqué tous les noms des victimes qui ont été identifiées à ce
19 jour. En vert clair, nous avons toutes les victimes dont les restes n'ont
20 toujours pas été retrouvés ou ont éventuellement été retrouvés sans avoir
21 pu être identifiés. Donc, pour l'instant, elles sont toujours enregistrées
22 comme portées disparues, "still missing". En ocre, ou marron, nous avons
23 les personnes dont les noms figurent sur la liste du bureau du Procureur
24 qui formellement sont toujours considérées comme portées disparues, mais ce
25 sont les personnes que, à titre préliminaire, nous avons pu identifier sur
26 la base de l'ADN. Donc il est très probable, je dirais à 99,95 %, il est
27 sûr que dans la suite de l'identification qui se passera avec leurs
28 proches, ces victimes-là également seront transvasées dans la catégorie du
Page 27228
1 jaune clair, donc des victimes qui ont été définitivement identifiées.
2 Et puis, nous avons une dernière catégorie qui n'a pas été coloriée, qui
3 est sur fond blanc, donc nous avons là les prétendues victimes ou les
4 victimes représentées sur la liste du bureau du Procureur qui n'ont pas du
5 tout été déclarées disparues auprès de l'Institut chargé des personnes
6 disparues de Bosnie-Herzégovine, ou bien les informations que nous avons
7 reçues sont erronées, ou bien il s'agit d'informations incomplètes qui ne
8 me permettent pas d'établir le statut de ces individus. Par exemple, c'est
9 le cas qui se présente lorsque nous n'avons que le nom de famille d'une
10 victime, sans prénom, sans nom de père, donc dans des situations où l'on
11 sait parfaitement qu'en Bosnie-Herzégovine il y a plusieurs dizaines
12 parfois, voire même plusieurs centaines, de membres d'une même famille
13 élargie. Donc, si je n'ai qu'un nom de famille et si je n'ai aucune donnée
14 supplémentaire me permettant de préciser cela, il m'est impossible de
15 savoir de quelle victime il s'agit, donc de quel membre d'une famille
16 donnée. Donc cette colonne n'est pas renseignée. Il n'y a pas de
17 commentaire de notre part par rapport au statut actualisé de ces individus-
18 là.
19 Q. Monsieur Masovic, ce que l'on lit dans le compte rendu d'audience,
20 c'est que vous avez estimé qu'il y avait une possibilité de l'ordre de 95 %
21 que les identifications préliminaires --
22 R. Non, non. J'ai dit 99,95 %.
23 Q. Je vous remercie.
24 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande --
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Là encore, nous avons une erreur.
26 Ce n'est pas bien transcrit. J'ai bien dit 99,95 %. Voilà, c'est bien.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande le versement de la liste des
28 victimes, Monsieur le Président.
Page 27229
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une version expurgée sera versée au
2 dossier.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Nous aurons cette version-ci sous
4 pli scellé et puis nous aurons une version expurgée.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous verserons les deux au dossier.
6 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je donne les cotes. Le 65 ter 23690A se
7 verra attribuer la cote P4855, sous pli scellé, et la version expurgée
8 deviendra la pièce P4856.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
11 Q. Monsieur Masovic, brièvement, abordons un autre sujet. Dans le cadre de
12 vos activités à l'institut, est-ce qu'il vous est arrivé que des individus
13 se présentent et que, sans fondement, ils demandent de bénéficier de droits
14 qui sont relatifs à ceux qui ont combattu, et quelles sont les raisons qui
15 auraient poussé des gens à le faire, si cela s'est produit ?
16 R. Il est difficile de vous répondre à cette question, puisqu'à l'institut
17 nous ne tenons pas ce type de registres.
18 Dans mon rapport, j'ai évoqué des tentatives, mais cela n'a rien à voir
19 avec des registres militaires. Enfin, je suppose que cela a à voir avec des
20 tentatives de réaliser des bénéfices financiers pour certains membres de
21 certaines familles.
22 Là, ça fait 20 ans que je travaille là-dessus, sur la question de personnes
23 portées disparues. Il nous est arrivé seulement dans trois cas où nous
24 avons pu constater que des familles ont essayé de faire enregistrer comme
25 disparus leurs membres pour pouvoir bénéficier financièrement de cela alors
26 qu'il n'y avait pas de personnes disparues dans leurs familles. Donc,
27 depuis le mois d'août de la première année où j'ai commencé à travailler
28 là-dessus jusqu'à maintenant, avril 2012, il y a eu trois tentatives de ce
Page 27230
1 type.
2 Mais pour vous répondre complètement, je peux vous dire qu'effectivement,
3 ce n'est pas dans le cadre de mes activités à l'institut, mais dans le
4 cadre de tout ce que l'on peut apprendre par les médias, la presse
5 électronique ou autre, j'ai pu remarquer qu'il y a eu, semble-t-il, un
6 nombre qui n'est pas si petit que cela de cas où des individus ont cherché
7 à se faire reconnaître un statut alors qu'ils ne réunissaient pas les
8 conditions leur permettant de bénéficier de ce statut-là. Donc je pense que
9 ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont fait enregistrer les membres de leurs
10 familles qui ont perdu la vie, qui ont été tués sans avoir combattu, en les
11 déclarant comme tels, et, en fait, ils ont pu bénéficier d'un statut qui
12 normalement ne leur revenait pas d'après la législation de Bosnie-
13 Herzégovine. Je pense qu'il y a une révision de cela dans la Fédération de
14 Bosnie-Herzégovine, et cela est en cours depuis plusieurs mois. On essaie
15 de savoir exactement ce qui s'est passé, qui a effectivement combattu avec
16 tels membres des forces armées, que ce soit de la police, de la Défense
17 territoriale ou de l'armée, et qui ne l'a pas été. Parce que,
18 effectivement, vu la crise économique qui secoue la Bosnie-Herzégovine, et
19 pas seulement la Bosnie-Herzégovine, cela a probablement incité à revoir la
20 liste de ceux qui bénéficient de ces droits alors qu'ils ne devraient pas
21 en bénéficier.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir maintenant pour
23 un détail relatif au compte rendu d'audience ? Je ne pourrai pas le faire
24 au moment du contre-interrogatoire.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Mais n'oubliez pas d'attendre
26 lorsque vous prenez la parole. Cette fois-ci, vous avez parlé en même temps
27 que le témoin.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense qu'en page 22 du compte rendu
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1 d'audience, lignes 11, 12 et 13, le témoin a parlé d'un nombre qui n'était
2 pas petit s'agissant du nombre de cas de ce genre, alors qu'au compte rendu
3 en anglais nous voyons les mots "quite a few cases".
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il en est pris bonne note.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
6 Q. Monsieur Masovic, ceci est-il exact ?
7 R. Je ne vois pas où cela se trouve au compte rendu d'audience. Moi, j'ai
8 dit deux choses. S'agissant d'une situation particulière, j'ai dit qu'il
9 n'y avait eu que trois tentatives de déclaration de personne portée
10 disparue, alors que personne n'avait disparu. Ça, c'est une de mes
11 remarques. Et la deuxième concerne le moment où je parlais des
12 responsabilités de l'Institut chargé des personnes portées disparues, où
13 j'ai dit que j'avais lu dans la presse ou appris par les médias
14 informatiques ou entendu dire qu'une révision était en cours et qu'il y
15 avait un nombre qui n'était pas petit de cas dans lesquels certaines
16 personnes avaient obtenu des compassions financières ou certains avantages
17 financiers auxquels elles n'avaient pas effectivement droit. Pour être plus
18 précis, certaines personnes se sont vu accorder le statut de membres de
19 l'armée ou des forces de police, alors qu'elles n'ont effectivement jamais
20 été membres d'une quelconque armée ou d'une quelconque force de police. Il
21 y a aussi des personnes qui se sont vu accorder le statut de personnes
22 handicapées et qui, en raison de cela, ont reçu une compensation
23 financière, alors qu'en réalité ces personnes n'étaient pas handicapées, ou
24 en tout cas pas handicapées à un point suffisant pour obtenir et avoir
25 droit à l'obtention d'une compensation financière.
26 Q. Je vous remercie, Monsieur Masovic.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au
28 témoin, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde, Madame Sutherland. Est-ce
2 que nous allons parler des pièces à conviction associées ?
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Ah oui, les pièces associées.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Maître Robinson ?
5 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons des
6 objections par rapport à un certain nombre de pièces associées, qui
7 comportent les rapports d'autopsie, et notre objection porte sur le fait
8 que nous ne pensons pas que ces rapports puissent être versés au dossier
9 par le truchement de ce témoin.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner le
11 numéro de ces pièces.
12 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, premier numéro, je vous prie.
14 M. ROBINSON : [interprétation] 13081, 12601, 13106. Et 12918, nous faisons
15 objection à ce document car il ne fait pas partie intégrante de la
16 déclaration du témoin.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. 12601. Est-ce qu'il s'agit
18 d'une pièce à conviction associée ?
19 M. ROBINSON : [interprétation] Je crois que j'ai dit 12062.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah, 12062. Et le dernier numéro…
21 M. ROBINSON : [interprétation] Il y a aussi les pièces 13064, 13024, 13061,
22 13093 et 04786. Et puis, il y a également un certain nombre de documents
23 qui ne s'accompagnent pas de traduction anglaise, donc nous n'avons pas pu
24 vérifier avec précision si ces documents comportaient des rapports
25 d'autopsie --
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Je reviendrai sur les
27 documents qui ne s'accompagnent pas de traduction anglaise plus tard, mais
28 parlons d'abord de la première catégorie.
Page 27233
1 M. ROBINSON : [interprétation] D'accord. Eh bien, s'agissant de cette
2 catégorie de documents, je pense que nous nous sommes trouvés dans la même
3 situation lors de l'audition de Dean Manning, lorsque l'Accusation a essayé
4 d'intégrer à ces pièces à conviction les conclusions d'autres experts qui
5 n'ont pas témoigné ou en tout cas n'ont pas fourni des rapports d'experts
6 annoncés à l'avance à la Défense, de sorte que le même problème se pose et
7 devrait donner lieu au même résultat, à savoir que ces pièces qui
8 concernent les rapports d'autopsie réalisés par des experts ne devraient
9 pas être versés au dossier. Je vous remercie.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que je n'ai pas eu le temps de
11 passer en revue chacun de ces documents un par un. Je remarque que, par
12 exemple, pour le numéro 4786, le dernier document dont vous avez parlé, il
13 est accompagné d'une traduction anglaise. Pourriez-vous, à titre d'exemple,
14 nous dire pourquoi certaines parties de ce document ne doivent pas être
15 versées au dossier.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on peut télécharger ce
18 document.
19 M. ROBINSON : [interprétation] Commençons par la page 5, car nous faisons
20 objection au versement des pages 5 à 21 de ce document.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc c'est l'examen réalisé par un
22 légiste et l'examen post mortem des cadavres.
23 M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact. Pour chacun de ces cadavres,
24 l'expert donne son avis quant à la cause du décès, et nous pensons que ceci
25 aurait dû être une partie intégrante de la déposition du témoin expert mais
26 ne peut pas être versé au dossier par le truchement du témoin qui se trouve
27 ici aujourd'hui. Le témoin a été présent à quelques reprises. Il a vu
28 certains cadavres, il a vu certains restes humains et a donné son avis au
Page 27234
1 sujet de ce qu'on trouve dans la partie "commentaires" qui figure en annexe
2 au document. Mais s'agissant de rapports d'autopsie en bonne et due forme
3 et des résultats de ces rapports, nous ne pensons pas qu'ils devraient être
4 versés au dossier.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera M. Tieger
7 --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais entendre une personne. Avec
9 un microphone ouvert.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation] M. Tieger va s'occuper de cette question.
11 Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien, Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Bonjour, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges.
15 Il s'agit d'une analogie qui est trompeuse et erronée aussi bien du point
16 de vue de la jurisprudence citée pendant la présentation des arguments
17 relatifs aux documents Manning qu'eu égard aux documents en tant que tels
18 dès lors que nous abordons cette question. Je m'explique, comme je l'ai
19 déjà fait précédemment.
20 Tout d'abord, pendant l'argumentation relative aux documents Manning, Me
21 Robinson s'est appuyé sur deux éléments, la décision relative au résumé
22 présenté par l'enquêteur Barney Kelly dans l'affaire Milosevic en mai 2002,
23 qui a finalement été tranchée par la Chambre d'appel en septembre 2002, et
24 il s'est appuyé également sur la loi spéciale, lex specialis, liée à
25 l'article 94 bis du Règlement.
26 S'agissant de la décision Kelly, elle repose sur le fait que les résumés
27 ont été établis par un salarié du bureau du Procureur. Ce qui n'est pas le
28 cas ici. En fait, contrairement à l'affirmation de Me Robinson, la Chambre
Page 27235
1 de première instance dans l'affaire Milosevic et la Chambre d'appel,
2 lorsqu'elles ont rendu leur décision précise et explicite, ont approuvé les
3 résumés et les écritures des documents présentés par le truchement d'autres
4 témoins dès lors qu'ils n'étaient pas établis par des salariés du bureau du
5 Procureur, et elles ont cité précisément la déposition de Fred Abrahams,
6 qui a intégré d'autres déclarations préalables ainsi qu'un rapport de
7 l'OSCE et un autre document par extension à sa propre audition. Par
8 analogie à cela, ceci signifie que les documents dont nous parlons en ce
9 moment devraient être admis en tant que pièces à conviction.
10 Enfin, la décision rendue dans l'affaire Milosevic s'appuyait sur les
11 conclusions de la Chambre de première instance selon lesquelles ceci
12 n'avait qu'une valeur probante faible ou nulle eu égard aux documents dont
13 la demande de versement était faite. Or, nous sommes actuellement dans une
14 situation exactement contraire à celle que je viens d'évoquer. En ce
15 moment, la Chambre de première instance, celle devant laquelle je parle en
16 ce moment, dans sa décision du 21 février 2012, a explicitement stipulé que
17 ces documents avaient une valeur probante et étaient pertinents, mais elle
18 a simplement demandé que leur versement se fasse par le truchement d'un
19 témoin.
20 Deuxièmement, s'agissant de l'article 94 bis du Règlement, Me Robinson
21 essaie d'étendre sa portée au-delà de la pratique et de la jurisprudence de
22 ce Tribunal et au-delà, en fait, des dispositions explicites de cet article
23 94 bis, qui n'est pas une disposition recouvrant tous les documents qui
24 présentent une composante lex specialis mais qui concernent précisément la
25 déposition d'un témoin expert, c'est le titre de l'article 94 bis, qui
26 concerne donc les déclarations ou rapports d'un témoin expert qui sont
27 cités par une partie ou une autre.
28 L'intention n'a jamais été de couvrir l'ensemble des documents qui
Page 27236
1 pourraient être produits pendant la durée d'une discussion relative à des
2 questions pertinentes. Donc les dispositions adoptées sont tout à fait
3 précises. Il n'a jamais été la pratique de cette institution de faire de
4 rapports d'autopsie ou d'exhumation le cœur des dispositions de l'article
5 94 bis, et j'ai déjà parlé de ce qui se passait dans d'autres affaires.
6 Cela n'a jamais été le cas. Les rapports d'exhumation et d'autopsie ont été
7 soumis de diverses manières, mais jamais dans le cadre de l'article 94 bis
8 du Règlement. Ce n'est pas la pratique en l'espèce. Nous avons des rapports
9 d'autopsie et d'exhumation qui sont soumis par des témoins qui n'ont pas
10 eux-mêmes procédé à ces autopsies et exhumations et cela ne se fait pas
11 dans le cadre de l'article 94 bis.
12 La Défense sait que parce qu'elle a versé au dossier deux rapports
13 d'autopsie par des témoins différents, et pas dans le cadre de l'article 94
14 bis, elle est donc au courant. Nous savons que ce que je viens de dire est
15 exact, parce que la Chambre de première instance elle-même a rendu une
16 décision le 21 février 2012, où elle a passé en revue le versement dont je
17 viens de parler qui concernait un document avec valeur probante et
18 pertinent, mais qui devait être versé par le truchement d'un témoin sans
19 qu'aucune mention n'ai été faite, encore une fois, je le répète, à
20 l'article 94 bis, qui confirme la pratique de ce Tribunal et, en l'espèce,
21 le fait que de tels rapports ne relèvent pas de l'article 94 bis.
22 Enfin, s'agissant de l'analogie avec la déposition Manning, la
23 décision de la Chambre de première instance prise ici concerne des rapports
24 que le bureau du Procureur a demandé à certains experts de produire. Ceci
25 est complètement différent de la situation dans laquelle nous sommes en ce
26 moment, car ces rapports n'ont pas été demandés par le bureau du Procureur,
27 mais ont été produits pendant une discussion par des agences extérieures.
28 Donc finalement, Monsieur le Président, le bureau du Procureur a fait
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1 exactement ce que la Chambre de première instance a demandé le 21 février,
2 c'est-à-dire demander le versement au dossier de ces documents qui
3 correspondent à la jurisprudence de ce Tribunal, mais vont un peu plus loin
4 que la décision de la Chambre de première instance, et je dirais que le
5 témoin qui a participé à une grande partie du processus global et par les
6 mains desquelles sont passées pas mal de ces documents est le témoin
7 parfait pour que le versement se fasse et qu'un poids convenable soit
8 accordé à ces documents.
9 Je pourrais parler pendant très longtemps de la politique et de la
10 pratique qui sous-tendent l'admissibilité des documents dans cette
11 institution, mais étant donné que la question remonte à très loin, je ne
12 pense pas qu'il soit indispensable que la Chambre de première instance voit
13 tous les documents concernés dont le versement a déjà été demandé.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous rappeler :
15 dans la décision du 21 février, est-ce qu'elle ne concernait pas le rapport
16 d'exhumation et pas les rapports d'autopsie faits par le légiste afin de
17 déterminer la cause de la mort, n'est-ce pas ?
18 M. TIEGER : [interprétation] Non, c'est vrai, Monsieur le Président, mais
19 j'ai cité ces rapports également parce que je parlais du principe global
20 concernant le fait que ces documents n'avaient pas leur place dans une
21 quelconque application de l'article 94 bis. Je pense que mon argument
22 appuie cette proposition. J'ai donc cité cette catégorie de rapports pour
23 indiquer que l'Accusation avait agi comme la Chambre le lui avait demandé
24 et je continue à faire remarquer que les rapports d'autopsie ont été versés
25 au dossier en l'espèce par des témoins, c'est-à-dire autrement que par le
26 biais de l'article 94 bis et y compris par des témoins qui n'avaient pas
27 procédé aux autopsies. Donc, c'est un fondement de la pratique de ce
28 Tribunal et j'ai passé en revue également d'autres renseignements
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1 disponibles qui montrent qu'une pratique cohérente a été appliquée par ce
2 Tribunal pour les raisons que je viens de décrire.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une raison supplémentaire pour laquelle
4 la Chambre a refusé d'admettre le rapport d'exhumation de façon
5 automatique, c'était le désir de la Chambre de donner à l'accusé la
6 possibilité de contre-interroger le témoin sur le contenu du document.
7 Donc, comment est-ce que nous pouvons arriver à un compromis, Monsieur
8 Tieger ?
9 M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas un compromis sur la décision,
10 Monsieur le Président, à mon avis. D'abord, la déclaration stipulait que le
11 document devait être versé au dossier par le biais d'un témoin qui pouvait
12 commenter ce document -- je vais retrouver le libellé exact, si vous le
13 souhaitez, mais en tout cas, un témoin qui pouvait parler de ces documents
14 et répondre à des questions qui lui seraient posées par rapport à ces
15 documents. Le témoin qui est ici est tout à fait en mesure de remplir ces
16 obligations.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Phrase suivante. Ceci devrait également
18 donner la possibilité à l'accusé de contre-interroger le témoin pour tester
19 sa déposition.
20 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Le témoin qui est ici peut parler des
21 circonstances qui ont donné lieu à ces examens, il peut parler de la nature
22 du processus qui a été mis en œuvre, de la cohérence de ce processus par
23 rapport à d'autres renseignements disponibles, des personnes qui ont été
24 chargées de procéder à ces actions.
25 Le fait principal -- enfin, nous avons, je le répète, déjà admis des
26 rapports d'autopsie, ce qui correspond tout à fait à ce que font la majeure
27 partie des juridictions contradictoires dans lesquelles des personnes
28 viennent dire oui ou non. Donc, oui, c'est un rapport d'autopsie qui a été
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1 établi dans telle et telle circonstance. Cela fait partie de la déposition
2 du témoin et le témoin que vous avez ici peut témoigner des circonstances
3 dans lesquelles ces rapports ont été établis. Il peut apporter des éléments
4 de contexte à la Chambre qui comprendra mieux comment les choses se sont
5 passées, comment les professionnels sont intervenus dans le cadre d'un
6 effort qui n'a rien à voir avec ce qui a été demandé par le bureau du
7 Procureur ou avec les rapports Manning ou les rapports Kelly.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'attendais la fin de l'interprétation
9 française.
10 Monsieur Masovic, la Chambre, en général, ne demande pas à un témoin
11 d'intervenir quand un débat est en cours, donc je vous prierais d'attendre
12 quelques instants.
13 Maître Robinson.
14 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, pour répondre
15 rapidement. Je crois que la Chambre a mis le doigt sur le problème
16 principal, à savoir que le Dr Karadzic va contre-interroger le témoin sur
17 les causes des décès au cas où ces rapports devaient être admis en tant que
18 pièces à conviction par le truchement de ce témoin. C'est la base de votre
19 décision, s'agissant des documents liés à Dean Manning pour lesquels
20 l'Accusation n'a pas demandé de réexamen, et je pense que ceci devrait être
21 à la base de vote décision aujourd'hui.
22 La dernière fois que j'ai entendu M. Tieger s'appuyer sur la pratique de
23 cette institution, c'est lorsqu'il a essayé de justifier l'absence de
24 communication des documents relevant de l'article 68 du Règlement avant le
25 début de ce procès. Vous avez décidé que cette pratique était erronée, et
26 il devrait être également erroné d'autoriser l'Accusation à profiter d'une
27 déposition d'expert sans appliquer la procédure prévue au titre de
28 l'article 94 bis du Règlement, qui stipule que la Défense doit être
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1 informée à l'avance et que l'accusé doit obtenir les documents à l'avance
2 pour pouvoir être d'accord ou contester l'expertise de l'expert et que
3 l'accusé doit se voir donner la possibilité, lorsqu'il n'est pas d'accord,
4 de contre-interroger les témoins experts. Donc, nous pensons que c'est le
5 processus qui devrait être respecté. Si l'Accusation souhaite s'appuyer sur
6 un témoin expert en dehors de ce prétoire, la procédure que je viens
7 d'indiquer aurait dû être respectée et la Défense aurait dû avoir la
8 possibilité de la contester. Je vous remercie.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, pourriez-vous confirmer que la
10 Défense est préoccupée dans cette partie du débat par les causes de décès.
11 M. ROBINSON : [interprétation] Exactement.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation] Je ne reste pas assis pendant que Me Robinson
14 affirme que j'essaie d'imposer une absence de respect pour les règles
15 fixées par cette institution. L'article 94 bis ne prévoit pas et n'a pas
16 pour but d'englober l'ensemble des documents dont Me Robinson essaie
17 d'obtenir le versement direct au dossier. Cet article ne concerne pas tous
18 ces documents à première vue, il n'a pas concerné l'ensemble de ces
19 documents pendant les débats qui se sont déroulés jusqu'à présent, comme le
20 montre le fait que la Défense a demandé le versement au dossier des
21 documents relevant de cette catégorie, elle aussi, comme, par exemple, des
22 pièces D48 et D2043 par le biais de deux témoins différents.
23 J'ai déjà évoqué les autres aspects du système contradictoire, parce
24 qu'il serait anormal à ce stade, ou en tout cas, bizarre, alors que la
25 présente institution a adopté une politique relative à l'admissibilité des
26 documents qui est tout à fait clairement établie et qui suit la chronologie
27 des événements et l'ampleur des éléments de preuve après qu'ils aient pu
28 être contestés, il serait anormal ou bizarre de voir apparaître une
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1 nouvelle pratique plus restrictive que celle qui est appliquée par les
2 juridictions qui pratiquent le système contradictoire et qui permettent
3 l'admission de tels documents lorsqu'ils sont fournis pendant les débats.
4 Donc, pour nombre de raisons, ce n'est pas le bureau du Procureur qui
5 essaie de travailler au mépris des Règles de l'institution, mais Me
6 Robinson a un réflexe consistant à essayer d'étendre une règle au-delà de
7 sa portée réelle et de ce qu'elle a l'intention de faire.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. La Chambre va suspendre ses
9 délibérations. Nous reprendrons nos débats à 11 heures, sans doute, mais
10 Monsieur Tieger, Maître Robinson, Monsieur Karadzic, étant donné que j'ai
11 des questions urgentes à traiter, je serai absent le reste de cette
12 semaine, la Chambre siègera donc en application de l'article 15 bis.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 23.
14 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.
15 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] La Chambre a examiné les arguments
16 présentés par les parties par rapport à l'admission des rapports
17 d'autopsie, et elle se rappelle qui a présidé à sa décision du 21 février
18 2012, qui consistait à donner à l'accusé la possibilité de contre-
19 interroger un témoin capable de répondre aux questions eu égard aux parties
20 des rapports d'exhumation qu'il conteste. L'accusé a indiqué aujourd'hui
21 qu'il contestait les causes de décès citées dans ces rapports. La Chambre,
22 par conséquent, estime qu'il n'est pas approprié d'admettre ces parties des
23 rapports d'autopsie qui traitent des causes de décès, mais ne voit aucune
24 raison à refuser l'admission du reste de ces documents. Par conséquent, la
25 Chambre ordonne à l'Accusation de fournir des versions expurgées des
26 documents 65 ter 4786, 12602, 12918, 13024, 13061, 13064, 13081, 13093, et
27 13106, et la Chambre accepte la version au dossier de ces versions
28 expurgées.
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1 La Chambre a fait remarquer également qu'un certain nombre de traductions
2 anglaises sont toujours manquantes. Pour les documents qui ne sont pas
3 accompagnés de traduction en anglais et qui ont été fournis, la Chambre les
4 enregistrera aux fins d'identification en attente de réception des
5 traductions en anglais. La Chambre admet également le reste des pièces à
6 conviction associées au dossier et demande au Greffe d'attribuer à ces
7 documents les numéros de pièces à conviction qui s'imposent en temps utile.
8 Merci.
9 D'autres questions à traiter du côté de l'Accusation en rapport avec ce
10 témoin ?
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Non, Monsieur le Juge.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur le Témoin, c'est maintenant
13 la Défense qui a la possibilité de vous contre-interroger sur les questions
14 qui l'intéresse.
15 Docteur Karadzic, vous avez la parole.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour Excellences. Bonjour à tous. Je
17 présente mes vœux de bonnes Pâques à tous ceux qui fêtent les fêtes de
18 Pâques.
19 Contre-interrogatoire par M. Karadzic :
20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Masovic.
21 R. Bonjour.
22 Q. J'aimerais maintenant que nous précisions un certain nombre de
23 préoccupations qui sont les miennes par rapport à votre attitude vis-à-vis
24 des Serbes et vis-à-vis de moi, de façon à que ce que votre témoignage
25 s'établisse dans la lumière qui convient.
26 Est-ce que vous convenez que la partie serbe en Bosnie-Herzégovine était
27 très mécontente de votre attitude vis-à-vis des victimes serbes ?
28 R. Pour répondre à votre question, il faudrait que je sache exactement de
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1 que vous entendez par "partie serbe". Au sein de l'institution qui
2 m'emploie, il existe aussi quelque chose que l'on pourrait appeler "partie
3 serbe" d'après votre logique, et je suis en mesure de dire que j'ai une
4 parfaite collaboration avec mes collègues d'appartenance ethnique serbe au
5 sein de l'Institut chargé des personnes portées disparues, et lorsque je
6 parle de l'institut, je parle du conseil de cet institut, des membres
7 serbes de ce conseil, de l'ensemble des directeurs, du conseil de
8 surveillance et du conseil de consultants.
9 Il est vrai que certains membres des organisations non gouvernementales ont
10 contesté depuis quelque temps, depuis un temps assez long, peut-être, ont
11 donc contesté la légitimité qui était la mienne mais également la
12 légitimité des membres serbes de l'Institut chargé des personnes disparues,
13 en soulignant leur mécontentement vis-à-vis du fait que certaines personnes
14 d'appartenance ethnique serbe n'ont pas été retrouvées ou identifiées
15 encore.
16 Q. Merci. Conviendrez-vous que s'agissant de la partie serbe, je veux dire
17 des familles de personnes tuées, portées disparues, ou toujours manquantes
18 d'appartenance ethnique serbe, eh bien, ces familles s'intéressent
19 particulièrement aux résultats de votre travail et du travail de votre
20 institut ?
21 R. Je dirais qu'il existe deux associations de familles serbes de
22 personnes tuées. L'une de ces associations a son siège à Banja Luka, et
23 l'autre relève de la catégorie que vous venez de décrire. La deuxième
24 association regroupe également des membres de familles de personnes portées
25 disparues et a son siège à Sarajevo et appuie totalement le travail de
26 l'institut que je représente.
27 Q. Je vous remercie. S'agissant de l'association qui a son siège dans la
28 partie est de Sarajevo, est-ce qu'elle appuie votre travail et votre
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1 attitude vis-à-vis des victimes serbe de Sarajevo également ?
2 R. Eh bien, je suis parvenu à la conclusion que les membres de cette
3 association n'appuyaient pas le travail de l'Institut chargé des personnes
4 portées disparues et elle n'appuyait pas non plus mon travail personnel. Il
5 y a parfois des expressions de mécontentement qui transparaissent par la
6 voie des médias, mais de façon générale, l'association dirigée par M. Milan
7 Mandic appuie le travail de l'institut et le travail que nous faisons au
8 sein du conseil de cette institut ou au sein de cette institut de façon
9 plus générale.
10 Q. Je vous remercie.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D5515 grâce
12 au prétoire électronique.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Connaissez-vous cette plaine au pénal qui a été présentée contre vous
15 par le président de l'association des familles de combattants capturés ou
16 portés disparus et des civils portés disparus ? Est-ce que vous avez déjà
17 eu ce rapport sous les yeux avant la date d'aujourd'hui ?
18 R. Non, jamais.
19 Q. Eh bien, je vous prierais d'en prendre connaissance pour savoir
20 exactement de quoi ce rapport vous accuse. Il est indiqué que vous auriez
21 dissimulé dix cadavres de soldats d'appartenance ethnique serbe, de telle
22 façon qu'il est devenu impossible de les retrouver. Voyez le détail de ce
23 qui figure dans ce document, je vous prie, il est question d'une réunion
24 qui s'est déroulée à Doboj le 26 mai 1997. Il y est question d'un certain
25 nombre de personnes qui ont participé à cette réunion, en particulier de
26 Sheila Barry [phon], représentante de l'OSCE à Banja Luka, et il est
27 indiqué également que vous avez retrouvé 38 cadavres, qu'il vous en
28 manquait encore 15, et qu'après cela, vous avez réussi à retrouver les
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1 cadavres recherchés d'appartenance ethnique musulmane de Bosnie, mais que
2 vous n'avez jamais retrouvé dix cadavres de soldats serbes et que vous
3 n'avez jamais plus fourni le moindre renseignement à leur sujet.
4 Est-ce que ceci est exact ? Est-ce que les personnes dont les noms figurent
5 dans ce document ont participé à cette réunion ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je présente toutes mes excuses aux personnes
7 qui sont dans ce prétoire pour le fait que nous ne sommes pas encore
8 parvenus à assurer la traduction de ce document, mais le témoin lit
9 parfaitement bien les textes rédigés en caractères cyrilliques.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, je vois qu'il est question de
11 l'"hôpital de Kosevo" au compte rendu d'audience en anglais au regard du
12 numéro 21. Je crois que vous n'en avez pas parlé alors que cela figure au
13 compte rendu d'audience.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. Quelle page ?
16 R. Page 21.
17 Q. C'est la ligne 21, n'est-ce pas ?
18 R. Dans la colonne de gauche, les numéros qui figurent dans la colonne de
19 gauche, je ne sais pas s'ils représentent les numéros de page. Ce qui
20 figure au compte rendu me semble totalement hors contexte.
21 Q. Non, non. Ce n'est pas l'hôpital de Kosevo. Je parlais des familles de
22 personnes portées disparues ou tuées ou capturées, ainsi que des civils
23 portés disparus de la Republika Srpska.
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous demande un instant.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je pense qu'il s'agit simplement d'une
26 correction qui sera à apporter à la version définitive du compte rendu
27 d'audience en anglais plus tard. Les mots "hôpital de Kosevo" ne doivent
28 pas figurer au compte rendu d'audience en anglais.
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1 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vous remercie.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je crois que c'était dans la réponse du
3 témoin, mais ce n'était pas dans ma question.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Alors, est-ce que cette réunion a bien eu lieu le 26 mai 1997 à Doboj ?
6 R. Je ne peux pas confirmer la date exacte, mais je me rappelle cette
7 réunion et je me rappelle qu'elle a eu lieu à Doboj. Je me rappelle
8 également quels ont été les thèmes discutés pendant cette réunion. Quant
9 aux allégations que l'on trouve dans cette plainte au pénal, elles sont
10 totalement infondées pour une raison très simple qui est la suivante : mes
11 collègues au sein de ce qui s'appelait à l'époque le Bureau chargé de
12 retrouver les personnes portées disparues, avant la création de l'Institut
13 chargé des personnes portées disparues qui a eu lieu en 2002, appliquait
14 malheureusement une logique qui, à mon avis, n'était pas la bonne, à savoir
15 que ces collègues estimaient que les cadavres des personnes portées
16 disparues pendant la guerre avaient dû faire l'objet d'un échange.
17 Autrement dit, qu'il y avait obligation de fournir un certain nombre de
18 cadavres à une autre entité afin de recevoir en retour un certain nombre de
19 cadavres de cette entité.
20 Au sein de la Commission d'Etat chargée de retrouver les personnes portées
21 disparues, nous n'avons jamais accepté cette logique. Nous estimions que
22 les cadavres de toutes les personnes qui étaient retrouvées alors que ces
23 personnes étaient considérées comme portées disparues, quel que ce soit le
24 statut de cette personne, qu'il s'agisse de soldats ou de civils, devaient
25 être remis à leurs familles. Et c'est la pratique que nous avons mise en
26 œuvre en 1996, comme nous le faisons encore aujourd'hui au sein de
27 l'Institut chargé des personnes portées disparues.
28 Donc, si nous parlons de l'association mentionnée il y a un instant, il est
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1 possible que cette plainte au pénal ait un rapport avec cette association.
2 Je ne connais pas les détails, mais en tout cas il est possible que cette
3 plainte au pénal ait un rapport avec ce que nous avons dit il y a quelques
4 instants. Je ne me rappelle plus quand exactement, mais il y a un moment où
5 j'ai fait une déclaration à l'agence d'Etat chargée des enquêtes et de la
6 protection, et je suppose que cette plainte au pénal a un rapport avec ma
7 déclaration de l'époque, même si je ne l'avais pas vue jusqu'à aujourd'hui.
8 Mais j'ai dit très clairement ce qui est indiqué ici, à savoir que les
9 cadavres des personnes qui ont été tuées ne pouvaient pas faire l'objet de
10 quelconques petits calculs ou petits arrangements.
11 Q. Mais, Monsieur Masovic, cette plainte au pénal ne porte pas sur
12 l'échange de cadavres mais bien sur le fait qu'il y a eu dissimulation de
13 dix cadavres de soldats serbes, qui auraient été cachés d'après ce
14 document. Autrement dit, vous êtes accusé - c'est ce qui est écrit dans ce
15 document - d'avoir saboté les efforts de la partie serbe pour localiser un
16 certain nombre de personnes portées disparues.
17 Regardez le bas de la page ainsi que la page suivante, vous verrez qu'il y
18 ait indiqué que dix soldats serbes, même si la partie adversaire demandait
19 à obtenir leurs cadavres depuis pas mal de temps -- et puis, un peu plus
20 loin dans le texte, vous voyez qu'il est question de Banja Luka, le 18
21 février, immeuble de l'assemblée, et que quelqu'un a dit : "Poursuivez-moi
22 dans ce cas-là." Est-ce que c'est vous qui avez dit cela ? Est-ce que vous
23 avez dit : "Poursuivez-moi devant la justice" ?
24 R. Eh bien, si nous revenons à l'origine de cette plainte au pénal, vous
25 verrez que j'avais raison, parce qu'il est indiqué ici qu'il aurait existé
26 un plan d'échange de cadavres des Musulmans de Bosnie contre dix cadavres
27 de soldats serbes au sujet duquel la Commission d'Etat était censée
28 posséder des renseignements, à savoir où se trouvaient ces cadavres ou en
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1 tout cas où ils avaient été enterrés. Donc j'ai confirmé qu'une tentative
2 d'organisation d'un échange de cadavres avait eu lieu.
3 Comme je l'ai dit, pendant la guerre nous n'avions pas d'autres
4 possibilités que d'agir de cette façon, c'est-à-dire de pratiquer des
5 échanges de cadavres, qu'il s'agisse de cadavres de civils ou de cadavres
6 de soldats. Mais après la signature des accords de Dayton, cette pratique a
7 été totalement interrompue de notre côté, et les instruments internationaux
8 que l'on trouve dans les accords de Dayton donnent obligation à toutes les
9 parties d'apporter leur concours à la partie qui représente leur ancien
10 adversaire pour retrouver les restes des soldats et des civils qui les
11 concernent.
12 Au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine, nous avons adopté
13 cette attitude en 1996, et nous la conservons aujourd'hui.
14 Q. Merci. Lorsque vous parliez de la Commission d'Etat qui aurait
15 disposé de renseignements au sujet de ces cadavres, est-ce que vous parliez
16 de la commission dirigée par vous ? C'est bien cela, n'est-ce pas ? Vous ne
17 parlez pas de la Commission centrale de la Republika Srpska mais de la
18 Commission d'Etat qui était dirigée par vous, en disant que la commission
19 disposait de renseignements au sujet de ces cadavres ?
20 R. Non. C'est le contraire. La Commission d'Etat, si elle avait eu
21 des données, elle les aurait mises à la disposition, comme elle a toujours
22 fait vis-à-vis des collègues de Banja Luka qui travaillaient pour le Bureau
23 chargé de rechercher les personnes portées disparues.
24 Q. Mais, Monsieur Masovic, cette plainte au pénal ne concerne pas un
25 échange de 38 contre dix corps; elle affirme que vous devriez avoir la même
26 attitude vis-à-vis des victimes serbes et que vous devriez leur fournir des
27 informations sur dix soldats serbes portés disparus sur le territoire
28 musulman. Donc le reproche ne concerne pas l'échange, mais il concerne
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1 l'attitude qui est la vôtre vis-à-vis des victimes serbes, parce que vous
2 auriez un parti pris très fort et qui porte préjudice apparemment parce que
3 vous cherchez à montrer que les Serbes n'ont pas été des victimes alors que
4 ça a été le cas des Musulmans.
5 Alors, comment réagissez-vous à cela ?
6 R. Donc, si notre attitude avait véritablement été telle, vous avez
7 parfaitement raison. Elle aurait porté préjudice. Mais encore une fois, je
8 vous dis qu'elle n'a jamais été telle depuis la signature des accords de
9 Dayton jusqu'à aujourd'hui. Et je suis d'accord avec vous sur un fait, tout
10 un chacun qui se comporterait porterait préjudice à l'autre partie, aux
11 victimes, et serait discriminatoire vis-à-vis des victimes. Et ce serait
12 complètement contraire à notre législation, ce serait contraire à l'accord
13 international que le Conseil des ministres, donc le gouvernement de Bosnie-
14 Herzégovine, a signé avec la Commission internationale chargée des
15 personnes portées disparues. Donc moi, en tant que chef de la Commission
16 d'Etat chargée des personnes disparues, ensuite au sein de la commission
17 fédérale et puis, pour les six dernières années, en tant que membre du
18 collège des directeurs, écoutez, nous n'avons pas eu cette attitude-là,
19 contrairement à ce qui est affirmé dans cette plainte au pénal.
20 Permettez-moi de citer ne serait-ce qu'un exemple. Il y a quelques années,
21 il y a eu l'exhumation des victimes serbes en Herzégovine orientale. Il
22 s'agissait d'une fosse, d'une crevasse naturelle de 100 mètres de
23 profondeur, et nous savions qu'une famille de quatre membres, la famille
24 Vukovic, serbe, normalement devait se trouver là, ou leurs restes. Un
25 groupe d'alpinistes spécialistes est descendu à une profondeur de 60
26 mètres, a retrouvé des morceaux de squelettes à un plateau. J'y suis
27 descendu moi-même, à cette profondeur, et j'ai pu voir que ce plateau ne
28 constitue pas le fond de la fosse, qu'elle continue en profondeur et que de
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1 temps à autre, d'après ce qu'on pouvait voir, d'après l'état des pierres,
2 des roches, que l'eau donc descendait au-delà de cet endroit. Donc j'ai
3 demandé, moi, à ce groupe d'alpinistes de descendre au-delà, donc à une
4 profondeur de 100 mètres, et je les ai suivis, et c'est là que nous avons
5 trouvé la majeure partie des restes de squelettes des membres de la famille
6 Vukovic. C'est pour la première fois que j'en parle aujourd'hui
7 publiquement.
8 Si vous suivez la presse de Bosnie-Herzégovine, les médias informatiques,
9 vous ne trouverez pas cette déclaration là-bas. C'est la première fois que
10 je l'exprime aujourd'hui dans ce prétoire tout simplement parce que
11 j'éprouve le besoin, face à des gens qui s'expriment comme on le voit dans
12 cette plainte au pénal, eh bien, j'ai envie de montrer qu'ils devraient
13 avoir honte de se comporter ainsi parce que, contrairement à leurs
14 affirmations, je suis précisément quelqu'un qui cherche à n'avoir aucune
15 discrimination dans ce processus de la recherche de toutes les personnes
16 portées disparues, quelle que soit leur appartenance ethnique ou autre
17 différence liée à leur statut.
18 M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Monsieur Masovic, le Dr Karadzic vous a
19 posé une question précédemment. Il se peut que vous ayez omis d'y répondre,
20 ou vous n'avez pas bien compris. Donc le 18 février, au bâtiment de
21 l'assemblée, est-ce que vous avez dit : "Mais portez plainte contre moi" ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ma déclaration que j'ai donnée à l'agence
23 de l'Etat chargée des enquêtes et la protection, et je pense que c'était
24 suite à cette plainte, j'ai dit que je ne me souvenais pas de cet
25 événement. Très franchement, aujourd'hui je ne pourrais pas vous confirmer
26 si à un moment donné, parce qu'on arrêtait pas de répéter ce type
27 d'accusation venant toujours d'un même groupe de personnes très politisées,
28 est-ce qu'à un moment donné je l'ai dit ou je ne l'ai pas dit. Je n'exclus
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1 pas que cela ait été dit par moi lors de cette réunion à Banja Luka. Est-ce
2 que j'ai été éventuellement agacé, énervé, et est-ce que j'ai dit cela,
3 vraiment je ne m'en souviens pas, mais je dois vous dire que ce n'est pas
4 ma façon de procéder. Mais j'admets, j'accepte la possibilité
5 qu'éventuellement cela se soit passé ainsi, comme cela est dit dans ce
6 texte.
7 M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez la parole.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence, d'avoir précisé cela.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur Masovic, cette déclaration que vous avez donnée à la
11 Commission de l'Etat, à qui l'avez-vous donnée cette
12 déclaration ? Est-ce que nous l'avons cette déclaration que vous venez de
13 mentionner ?
14 R. Moi, je ne l'ai pas. Elle ne m'a jamais été remise.
15 Q. Merci. Nous allons demander cela au bureau du Procureur ou à l'agence
16 en question, à l'agence à laquelle vous avez donné cette déclaration.
17 Merci.
18 Alors, est-il exact, Monsieur Masovic, que dans vos déclarations, dans vos
19 commentaires, dans vos documents, lorsque vous parliez de la partie serbe,
20 est-ce qu'il est vrai de dire que vous les appeliez les Serbes rebelles ?
21 R. Je ne pense pas que ce soit exactement le terme que j'ai utilisé
22 pendant la guerre, et conformément aux conventions de Genève, puisque mon
23 gouvernement a estimé que la République de Bosnie-Herzégovine a été victime
24 d'agressions menées par la République de Serbie et par le Monténégro, donc
25 conformément aux conventions de Genève, la partie ennemie, effectivement,
26 je l'ai appelée comme ça, j'ai parlé de renégats ou de rebelles. Ce sont
27 les termes que j'ai utilisés, plutôt que des les appeler ceux qui se sont
28 soulevés ou des "rebelles".
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1 Q. Est-ce qu'il y a une différence juridique quant à la position de
2 l'une des parties belligérantes, de l'une des forces belligérantes, par
3 rapport aux forces renégates ? Vous êtes juriste; c'est bien ça ?
4 R. Je ne suis pas tout à fait -- oui, oui, vous avez raison, je suis
5 juriste, je suis avocat, mais je ne suis pas sûr de vous avoir bien
6 compris. Vous voulez parler des membres des forces renégates, et comment je
7 les ai appelés ? Est-ce que vous voulez dire, par rapport à eux ? Bien sûr
8 que sur le plan juridique, il y a une différence, c'est clair. Mais tout
9 comme les forces régulières sont protégées par les conventions de Genève,
10 de même les membres des forces renégates sont protégés par les protocoles
11 apportés aux conventions de Genève.
12 Q. Mais vous saviez bien que s'il s'agissait de forces renégates, alors,
13 comme vous l'avez dit, c'étaient des citoyens de Bosnie-Herzégovine, et
14 rien que le simple fait de participer au combat pouvait être considéré
15 comme un crime et faire l'objet de poursuites; c'est bien ce que vous avez
16 dit ?
17 R. Je ne suis pas sûr de comprendre votre question. Indépendamment de leur
18 appartenance ethnique, les citoyens de Bosnie-Herzégovine qui ont commis
19 des crimes tels que possession d'armes sans permis, refus de se faire
20 mobiliser, aide apportée à l'ennemi, tuer un prisonnier de guerre, crimes
21 de guerre à l'encontre des blessés, des prisonniers, des négociateurs, donc
22 de ceux qui font partie, qui participent aux négociations, tout cela était
23 traité par les instances compétences de Bosnie-Herzégovine. Et là, le
24 gouvernement de Sarajevo ne faisait aucune différence entre les différents
25 individus selon leur appartenance ethnique, qu'ils soient Serbes, Croates,
26 Musulmans ou autre. Ils ont fait l'objet des mêmes poursuites engagées par
27 les instances compétentes.
28 Q. Etaient-ce des prisonniers de guerre ou étaient-ce des criminels qui
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1 pouvaient faire l'objet de poursuites du simple fait qu'ils aient été
2 membres de l'armée de la Republika Srpska lorsque c'étaient eux qui étaient
3 faits prisonniers ?
4 R. Ecoutez, cela dépasse le cadre de mon mandat et du mon domaine
5 d'intérêt. Il faudrait que vous vous intéressiez à cela auprès des
6 instances compétentes, ceux qui ont arrêté, qui ont mis en accusation et
7 qui ont condamné de telles personnes. Sur quelles bases ont-ils été
8 arrêtés, mis en accusation et éventuellement condamnés, véritablement je ne
9 suis pas celui qui peut vous parler de leur statut. Je ne sais pas quel
10 était leur statut.
11 Q. Merci. Mais dans votre déclaration du 30 mai 2003 et du 2 juin 2003,
12 paragraphe 22, vous dites que les membres des forces armées ennemies qui
13 étaient placés en détention dans les prisons entre les mains du
14 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, qu'ils étaient eux aussi des citoyens
15 de Bosnie-Herzégovine et qu'au terme du droit international, ils n'étaient
16 pas traités comme prisonniers de guerre et on pouvait engager des
17 poursuites au pénal contre eux conformément à la législation nationale.
18 Est-ce que c'est là une des conséquences de cette approche qui
19 consistait à appeler la partie serbe la partie renégate ?
20 R. Ecoutez, vous avez deux groupes de personnes qui se sont trouvés en
21 prison. D'un côté, ceux qui relevaient de la catégorie des prisonniers de
22 guerre. Ceux qu'on appelait prisonniers de guerre, ils ont été faits
23 prisonniers pendant les combats en tant que membres de l'armée ennemie.
24 Pour autant que je le sache, un certain nombre d'entre eux ont été
25 mis en accusation en s'appuyant sur l'article 119, alinéa 1 du Code pénal
26 de la République de Bosnie-Herzégovine, si je ne me trompe pas, en tant que
27 membres de l'armée ennemie. Je ne sais pas si parmi eux il y en a qui ont
28 été condamnés, mais j'ai vu des documents pendant la guerre qui m'ont
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1 permis de comprendre qu'effectivement ils ont été mis en accusation en
2 application de cet article.
3 D'autre part, vous avez une autre catégorie de personnes qui se sont
4 trouvées en prison qui étaient de fait les gens qui n'ont pas été faits
5 prisonniers en combat, mais ils ont été mis en accusation pour un certain
6 nombre de crimes ou délits liés au conflit, liés à la guerre. Donc, c'est
7 ceux que je viens de nommer, donc ceux qui ont été mis en accusation pour
8 avoir aidé l'ennemi, pour détention ou port d'armes ou d'engins explosifs
9 sans permis, pour ne pas avoir répondu à la mobilisation. Donc, je vous
10 parle tout le temps de ces deux catégories au sens le plus large qui soit.
11 Donc de prisonniers de guerre, d'un côté, et, d'autre part -- donc de
12 combattants d'un côté qui ont été faits prisonniers sur les champs de
13 bataille, et, d'autre part, de ceux qui n'étaient pas en uniforme, qui
14 n'ont pas été faits prisonniers aux champs de bataille, mais qui ont été
15 arrêtés ailleurs et ils ont été privés de liberté aux relations avec le
16 conflit, avec la guerre.
17 Q. Donc, ce que vous dites ici dans cette déclaration de 2003, cette
18 déclaration, il faudrait la modifier, parce qu'il n'est pas exact alors que
19 les membres des forces armées ennemies en prison, qu'ils n'avaient pas le
20 statut de prisonniers de guerre. Vous avez dit qu'ils n'avaient pas ce
21 statut-là et qu'ils pouvaient être poursuivis en application de la
22 législation nationale.
23 R. Ecoutez, je vous dis encore une fois quelle est mon opinion. A ce
24 moment-là, je ne suis ni un représentant du procureur militaire ni du
25 tribunal militaire. Je ne peux pas vous dire ce qu'ils ont fait, comment
26 ils se sont comportés. Mais c'est uniquement en fonction des documents que
27 j'ai vus que je m'exprime, je vous affirme qu'un certain nombre de
28 personnes ont été mises en accusation en application de l'article 119, qui
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1 parle de la participation dans les rangs de l'armée ennemie. Alors, est-ce
2 qu'ils ont droit au statut de prisonniers de guerre en fonction de ça,
3 comme, par exemple, un membre de l'armée serbe qui se -- de la République
4 de Serbie qui se retrouve en Bosnie-Herzégovine pour lequel il ne fait
5 aucun doute qu'il est prisonnier de guerre sur la base des conventions de
6 Genève, ou bien il n'a pas le droit à ce statut parce qu'il est citoyen de
7 la République de Bosnie-Herzégovine, ça, vraiment, je ne le sais pas.
8 Q. Merci. Mais vous êtes juriste, alors est-ce que vous avez pu constater
9 si les conventions de Genève concernent également les conflits internes,
10 s'appliquent aux conflits internes ?
11 R. Oui. Mais au sens du traitement qui est réservé aux membres des unités
12 armées ennemies. Ceux qui ne sont pas des ressortissants étrangers
13 bénéficient également de la même protection que ceux qui sont membres des
14 forces ennemies ou, disons, de l'armée de l'agresseur, de l'armée qui vient
15 d'un autre Etat. Je pense que les protocoles additionnels apportés aux
16 conventions de Genève accordent quasiment le même statut aux membres des
17 armées qui participent aux conflits internes, donc conflits qui ne
18 débordent pas la frontière d'un certain territoire.
19 Q. Mais vous avez certainement entendu parler du premier procès qui s'est
20 déroulé devant ce Tribunal, procès qui a été intenté à Dusko Tadic. Est-ce
21 que vous avez pu remarquer à cette occasion qu'on a constaté que ce conflit
22 avait également un caractère international et qu'il fallait donc appliquer
23 l'article 4 des conventions -- de la 3e convention de Genève ?
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois que Mme Sutherland souhaite s'exprimer.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, Madame Sutherland.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Objection à ces questions posées à ce
27 témoin.
28 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, Docteur Karadzic, il s'agit du
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1 droit international coutumier, là, et la Chambre se penchera là-dessus le
2 moment voulu. Quant à savoir si le témoin comprend ces choses-là ou ne les
3 comprend pas - il semblerait qu'il comprend un certain nombre de
4 connotations - je pense que vous êtes en train de perdre votre temps, que
5 cela ne nous est pas vraiment utile.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous verrez que cela a une certaine
7 signification, vous verrez que ce témoin ne s'est pas comporté de la même
8 façon vis-à-vis de la partie serbe et la partie serbe en a été mécontente.
9 Donc, est-ce que c'est parce qu'il a des animosités personnelles, ou parce
10 qu'il se fonde sur le point de vue qui consiste à dire que les rebelles
11 serbes sont des hors-la-loi, ça, il convient de l'établir, mais je vais
12 changer de sujet maintenant.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Masovic, les Serbes de Bosnie-Herzégovine, étaient-ils tenus
15 de rejoindre les rangs de l'ABiH ?
16 R. Je ne sais pas comment je pourrais vous répondre à cette question. Je
17 n'étais pas un employé du ministère de la Défense qui était tenu de
18 procéder à la mobilisation dans une situation de guerre.
19 Q. Mais dans la déclaration --
20 R. J'estime -- j'estime que si une armée, c'est-à-dire un Etat, a lancé
21 une attaque contre un autre Etat souverain, je pense que tous ceux qui sont
22 tenus par la loi de se faire mobiliser, je pense qu'ils doivent accepter
23 cette mobilisation. Je parle là d'une question de principe et pas de la
24 Bosnie-Herzégovine très concrètement. Donc, si l'Etat est attaqué, tous
25 ceux qui ont l'obligation de se laisser enrôler dans les forces armées
26 doivent accepter la mobilisation, parce que d'après les lois nationales,
27 s'ils ne le font pas, ils ont commis l'infraction de non-réponse à la
28 mobilisation. A partir du début de la guerre en Bosnie-Herzégovine, c'est
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1 la législation de Bosnie-Herzégovine qui s'est appliquée. Donc le Code
2 pénal de Bosnie-Herzégovine a été promulgué, et d'ailleurs, elle s'est
3 dotée d'un certain nombre de dispositions au pénal qu'elle a hérité de
4 l'ex-République socialiste de Bosnie-Herzégovine.
5 Q. Dans votre déclaration de 2003, paragraphe 22, vous dites également
6 qu'on a arrêté les gens pour port d'armes, pour avoir rejoint l'armée
7 ennemie, pour soulèvement armé ou aussi parce qu'ils ont refusé de se
8 laisser mobiliser.
9 Alors, est-ce que vous avez pu constater que les Musulmans de
10 Republika Srpska ont été tenus de se laisser mobiliser ? Est-ce que vous
11 voulez dire qu'ils n'avaient pas l'obligation de le faire, qu'ils étaient
12 libres de choisir ?
13 R. Ecoutez, là vraiment, je ne sais pas. Je ne sais pas comment vous
14 répondre. Pendant toute la guerre, je suis resté à Sarajevo. Ce qui s'est
15 passé ailleurs sur le territoire, qui n'était pas contrôlé par le
16 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, ça, j'y connais les événements
17 uniquement par rapport à mes activités qui ont été celles de la guerre.
18 Donc, j'ai été membre, puis vice-président de la Commission d'Etat chargée
19 de l'échange des prisonniers de guerre et des personnes privées de liberté.
20 Donc, mon domaine d'activité, c'étaient les prisonniers de guerre, les
21 personnes privées de liberté, les corps des morts, les registres des
22 décédés, des blessés et des portés disparus. C'était ça le mandat de la
23 commission dont j'ai fait partie pendant la guerre. Alors maintenant, est-
24 ce qu'il y a eu des gens qui ont été mobilisés sur le territoire de la
25 Republika Srpska ou République serbe, comme elle se fait appeler au début
26 de la guerre, ou non, est-ce qu'ils étaient tenus de se laisser mobiliser,
27 ça, vraiment, je n'en sais rien.
28 Q. Merci. Mais est-ce que vous avez remarqué qu'à un moment donné les
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1 Nations Unies nous ont traités comme une partie placée sur un pied
2 d'égalité avec les autres pendant les négociations, donc comme partie
3 belligérante à partir du moment où le conflit a déjà éclaté ? Est-ce que la
4 partie serbe de Bosnie-Herzégovine a changé de statut aux yeux des Nations
5 Unies, comme vous, vous avez modifié votre attitude, votre qualification de
6 cette partie-là ?
7 R. Ecoutez, je n'ai jamais fait partie de ces négociateurs, je n'ai jamais
8 participé aux négociations avec les Nations Unies. D'ailleurs, jusqu'au 21
9 août 1992, j'étais avocat, j'avais mon propre cabinet, donc c'est peut-être
10 cette période-là que vous avez à l'esprit lorsque vous dites avant la
11 guerre. Puis après, une fois que la guerre a éclaté, vraiment, je ne le
12 sais pas comment les Nations Unies ou qui que ce soit d'autres ont traité,
13 comme vous les appelez, les parties belligérantes.
14 Q. Bon. Encore une question avant de changer de sujet. Le gouvernement de
15 Bosnie-Herzégovine, ou vous, personnellement, est-ce que vous avez
16 officiellement décidé de traiter les Serbes de renégats ? Est-ce que le
17 gouvernement vous a instruit d'employer cette terminologie ou ça a été
18 votre choix personnel ?
19 R. Vraiment, je ne sais pas quelle a été l'attitude adoptée par le
20 gouvernement de Sarajevo par rapport au terme qui sera appliquée à la
21 partie ennemie, mais en me fondant sur les conventions de Genève et les
22 Protocoles additionnels, j'ai estimé, comme il ne s'agit pas d'ennemi
23 externe mais comme il s'agit d'ennemi issu de Bosnie-Herzégovine qui s'est
24 trouvé en conflit avec son propre gouvernement, et c'est justement ça la
25 situation factuelle au moment où je suis devenu membre de la Commission
26 d'Etat chargée des prisonniers de guerre, donc, c'est comme ça que j'allais
27 les appeler, les soldats ennemis, donc renégats. C'était ça mon attitude en
28 tant qu'employé de cette Commission d'Etat. Peut-être que d'autres membres
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1 du gouvernement ou le gouvernement lui-même ont choisi un autre terme pour
2 les membres de l'armée ennemie.
3 Q. D'accord. Alors, voyons maintenant ce qui figure dans votre déclaration
4 consolidée. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, prendre un exemplaire
5 de la déclaration.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Procureur devrait pouvoir vous remettre un
7 exemplaire, parce que je vais citer plusieurs paragraphes de votre
8 déclaration. On pourrait la remettre en serbe.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Donc, paragraphe 7, s'il vous plaît, il est question ici des
11 compétences de la Commission d'Etat puis les trois sous-commissions. Est-ce
12 que du coté serbe il y a eu une instance équivalente ?
13 R. Eh bien, oui. Je peux dire qu'il existait quelque chose de semblable.
14 Je ne suis pas sûr qu'au sein de la Commission centrale, parce que c'est
15 ainsi que s'appelait la Commission serbe chargée des échanges de
16 prisonniers de guerre, donc je ne suis pas sûr que cette Commission
17 centrale avait une structure absolument identique. Je ne sais pas si elle
18 se divisait en trois sous-commissions; une chargée des échanges, l'autre
19 des registres des tués et blessés, et la troisième, des registres des
20 personnes portées disparues. Donc, ça, je ne sais pas si la structure était
21 absolument identique, mais sur le principe, je sais avec certitude que
22 cette commission avait pour responsabilité de s'occuper des échanges de
23 prisonniers de guerre, des personnes arrêtées et de ceux qui avaient été
24 tués également.
25 Quant au mandat de cette commission relatif à la conservation de registres
26 relatifs aux personnes tuées et portées disparues ou blessées, je ne sais
27 pas. Cela n'était pas le sujet de nos discussions, des discussions que nous
28 avons eues pendant la guerre.
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1 Q. Merci. Au sous-paragraphe 8, vous dites que la présidence a accordé une
2 amnistie à certains prisonniers. Conviendrez-vous que du côté serbe il y
3 avait la même attitude, une attitude selon laquelle la présidence devait
4 accorder une amnistie avant de procéder à un échange ? L'amnistie devait
5 être accordée aux personnes qui étaient poursuivies. Est-ce que vous avez
6 vu des documents rédigés de ma main dans lesquels il est indiqué que des
7 hommes ont été échangés parce que j'ai mis fin aux poursuites qui les
8 concernaient ?
9 R. Tout d'abord, il serait bon d'interpréter le paragraphe 8 de la façon
10 suivante : j'ai dit que dans chacun des cas individuels, mais je n'ai pas
11 parlé de tous les cas. Il y a une énorme différence entre ces deux notions.
12 Donc, pour chacun des cas individuels, si les individus concernés étaient
13 des personnes poursuivies en justice qui avaient été mises en accusation,
14 ou pour certaines, y compris déclarées coupables de certains crimes, dans
15 de tels cas, il était fondamental de recevoir un document du chef de l'Etat
16 de Bosnie-Herzégovine, donc de la présidence. C'était nécessaire, il
17 fallait un document dans lequel il aurait été indiqué que les poursuites
18 étaient interrompues -- ou plutôt, qu'une amnistie était accordée à ces
19 personnes dès lors qu'elles avaient déjà été déclarées coupables. La
20 présidence a fait cela pour que les échanges de prisonniers puissent avoir
21 lieu.
22 Dans aucun des documents que j'ai reçus de la présidence -- enfin, je n'ai
23 pas montré tous ces documents à mon collègue Dragan, mais j'ai coopéré avec
24 lui pendant la période de la guerre, et c'est celui avec lequel j'ai le
25 plus collaboré pendant la guerre. Et je n'ai jamais eu l'occasion de voir
26 l'un quelconque des documents qui auraient été signés de votre main, pas
27 seulement un document relatif à une amnistie, mais quelque autre document,
28 parce que ce n'était tout simplement pas un domaine d'intérêt pour nous.
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1 Pour nous, ce qui était important, c'était d'assurer que certaines
2 conditions existent de façon à ce qu'un individu puisse être relâché de
3 prison et remis à la partie ennemie.
4 Q. Je vous remercie. Mais vous avez dit quelque part, en dépit de cela -
5 je peux retrouver ce passage - qu'à votre avis, Karadzic prenait parfois
6 des décisions. Est-ce que vous auriez eu connaissance d'une décision prise
7 par moi qui ne concernait pas l'octroi d'une amnistie dans le respect de la
8 loi ?
9 R. Je ne me rappelle pas vraiment. Dans ma déclaration, j'ai évoqué le nom
10 d'une personne qui a fait référence à vous, donc qui a utilisé votre nom,
11 en disant qu'elle-même et vous étiez en bons termes. Cette personne n'avait
12 aucun rôle officiel à jouer au sein de la Commission centrale serbe chargée
13 des échanges, mais parfois elle assistait aux négociations qui se menaient
14 dans une zone neutre - comment cela s'appelle déjà ? - ah oui, à l'aéroport
15 de Karimanic [phon] pendant la guerre. Le nom de cette personne c'est
16 Stjepan Lazarevic. Cet homme disait souvent que vous étiez en bons termes
17 avec lui, et c'est sur cette base qu'un certain nombre de Musulmans de
18 Bosnie ont été relâchés, qu'il pouvait organiser un transport à leur
19 intention, et j'ai donc acquis le sentiment qu'il exerçait une certaine
20 influence au sein de cette organisme. Et d'ailleurs, dans certains cas, mes
21 collègues de la commission centrale ne pouvaient pas faire certaines
22 choses, et M. Lazarevic arrivait et il faisait ces choses-là. Je répète que
23 je ne sais pas comment cela se passait, mais il disait qu'il était en bons
24 termes avec vous.
25 Q. Merci. Lorsqu'il a dit qu'il était en bons termes avec moi, est-ce que
26 cela l'a aidé à être accepté en tant que collaborateur ? Est-ce que cela
27 présentait un avantage pour lui ? Est-ce que cela pouvait éventuellement
28 être une preuve de fiabilité de sa part ?
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1 R. Eh bien, il ne faisait pas partie de la structure officielle de la
2 Commission chargée des échanges, mais malgré tout il se présentait en
3 compagnie de membres de cette commission et se présentait comme quelqu'un
4 faisant partie de l'autre côté s'agissant des négociations, et moi j'ai
5 tenu compte de sa présence. Je considérais aussi qu'il faisait partie de
6 l'équipe des négociations parce que je voyais que des gens qui
7 travaillaient officiellement au sein de la Commission centrale chargée des
8 échanges le respectaient et acceptaient sa présence. Il y avait d'autres
9 personnes qui ont assisté à ces négociations, moins fréquemment que M.
10 Lazarevic cela dit. Quelquefois, c'étaient des gens qui s'intéressaient à
11 un problème qui les concernait ou qui souhaitaient en tout cas avoir des
12 contacts personnels avec moi ou d'autres membres de la commission pour
13 régler leurs problèmes personnels, établir un contact avec les membres des
14 familles, ou peut-être les contacter parce que les membres de leurs
15 familles étaient en prison pour certains crimes peut-être, et donc ces
16 personnes assistaient aux réunions pour obtenir la libération des membres
17 de leurs familles.
18 Q. Je vous remercie. Au paragraphe 8, vous dites que vous étiez
19 présent à la présidence au moment où les échanges de tous contre tous ont
20 été discutés, et vous avez dit que lors d'une de ces réunions, les détenus
21 serbes de Tarcin ont été évoqués. Est-ce qu'il s'agit bien du silo de
22 Tarcin ?
23 R. Oui, c'est exact. L'un des points à l'ordre du jour de cette réunion à
24 laquelle j'ai assistée, je le répète, concernait l'amnistie en vue
25 d'échange, donc l'amnistie à accorder à certaines personnes qui se
26 trouvaient en prison. Et dans ce cadre, il a également été fait mention du
27 statut dont jouissaient les Serbes emprisonnés dans cet endroit qu'on
28 appelait populairement le silo et dans la prison de Tarcin. Donc ce sujet a
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1 été discuté. Le statut des prisonniers a été discuté.
2 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous vous rappelez que durant cette
3 réunion de la présidence, le président Izetbegovic a déclaré que dans ces
4 lieux se trouvaient des civils qui étaient maintenus en détention alors
5 qu'ils n'avaient rien commis de répréhensible ? Est-ce que vous vous
6 rappelez cela et les conclusions de cette réunion ?
7 R. Je crois qu'il faudrait vérifier le compte rendu officiel
8 de cette réunion. Moi, je n'assistais aux réunions de la présidence que
9 lorsqu'à l'ordre du jour de ces réunions figurait un sujet sur lequel je
10 faisais rapport. Par exemple, si la présidence avait inscrit dix points à
11 son ordre du jour et qu'il y avait un de ces points qui portait sur
12 l'octroi d'une amnistie, au point 7, eh bien, je n'étais pas présent
13 pendant la discussion de tous les points de l'ordre du jour précédant le
14 point 7. Je n'arrivais que pour le point 7. Je ne me rappelle pas quel
15 était le numéro du point concerné, mais en tout cas, de mémoire, je dirais
16 que j'ai assisté à la réunion de la présidence dès que le point qui me
17 concernait a été annoncé et qu'ensuite je quittais la réunion de la
18 présidence.
19 Donc, sans voir le procès-verbal de la réunion, je ne me rappelle pas
20 exactement quelles sont les conclusions qui ont été adoptées sur ce point.
21 Je ne me rappelle pas quels ont été les autres sujets discutés, mais je me
22 rappelle qu'une discussion a porté sur le statut des Serbes maintenus en
23 détention dans le silo de Tarcin.
24 Q. Merci.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document 1D5509.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Et je vous pose la question suivante : est-ce que vous vous rappelez à
28 quel moment les personnes détenues dans le silo de Tarcin ont été remises
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1 en liberté ?
2 R. Ah, voilà le document qui s'affiche. Eh bien, les libérations se sont
3 faites progressivement dans cette prison de Tarcin. Elles ont commencé en
4 1992 et se sont poursuivies jusqu'à la période qui a suivi la signature des
5 accords de Dayton, comme on les appelle. Dans l'accord de Dayton, il y a
6 certaines dispositions qui concernent la libération des prisonniers de
7 guerre et les inquiétudes suscitées par les personnes portées disparues. Et
8 selon ces dispositions, toutes les parties se trouvent dans l'obligation
9 d'agir dans un délai de 90 jours à partir de la signature de l'accord et
10 que, donc, dans ce délai tous les prisonniers de guerre devaient être
11 relâchés. Si je me souviens bien, et je pense que je me souviens bien, le
12 dernier groupe de prisonniers relâché de la prison de Tarcin l'a été le 26
13 ou 27 janvier, ou peut-être même les libérations se sont-elles déroulées
14 pendant ces deux journées, des 26 et 27 janvier 1996. Donc, bien avant
15 l'expiration du délai de 90 jours stipulé dans l'accord de Dayton. C'est ce
16 qu'avaient décidé les signataires de l'accord de paix de Dayton.
17 Q. Très bien. Merci. Savez-vous qu'une grande majorité des prisonniers du
18 silo de Tarcin ont passé toute la guerre en captitivé dans le silo ?
19 Le document qui est ici n'est pas pertinent à cet égard. Il concerne
20 Gorazde.
21 Est-ce que vous êtes au courant du fait que ces personnes ont été
22 maintenues en détention pendant toute la guerre dans le silo de Tarcin ?
23 R. Eh bien, je ne sais pas ce que vous entendez par les termes "pendant
24 toute la guerre". Moi, j'ai parlé de la période qui commence en 1992, et
25 j'ai dit que les prisonniers ou les détenus enfermés au silo ont commencé à
26 être échangés, en partie grâce aux efforts des autorités locales qui ont
27 donc organisé certains échanges et en partie également grâce aux efforts
28 déployés par la Commission chargée des échanges de prisonniers de guerre.
Page 27265
1 Mais je crois qu'après la signature de l'accord de Dayton, 100 % de ces
2 détenus avaient été relâchés. Et si je ne me trompe pas, le nombre maximum
3 de détenus enfermés dans le silo s'est élevé à 300 personnes.
4 Donc, si votre question concerne le fait de savoir si la grande
5 majorité des prisonniers a été maintenue dans le silo pendant toute la
6 période de la guerre, je répondrais non à cette question, si nous tenons
7 compte des chiffres. Mais oui, certains prisonniers, une centaine je crois,
8 se trouvaient encore dans cette prison à la fin de la guerre, c'est-à-dire
9 au moment de la signature des accords de paix de Dayton, et ont donc passé
10 toute la période en question dans le silo en tant que prisonniers.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demanderais l'enregistrement
12 aux fins d'identification de cette plainte au pénal. Je veux parler du
13 document 1D5515.
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je ne vois aucune difficulté par
15 rapport à votre demande, Docteur Karadzic.
16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il s'agira
17 de la pièce D226. Je vous remercie.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande à présent l'affichage du document
19 1D5506.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. J'aimerais vous montrer, Monsieur, grâce à deux documents, la façon
22 dont la partie serbe réglait la question des échanges -- ou, plus
23 particulièrement, la question de l'octroi d'une amnistie.
24 Conviendrez-vous avec moi que le document que nous voyons ici est un
25 document qui accorde l'amnistie à un certain nombre de personnes mises en
26 accusation par rapport à des poursuites judiciaires éventuelles, futures ?
27 Nous voyons donc que ces personnes qui ont déjà été condamnées sont
28 désormais exonérées de la suite de leur peine. Il est indiqué que des
Page 27266
1 individus d'appartenance ethnique croate ne seront plus poursuivis en
2 justice. Il est indiqué qu'une amnistie leur est accordée de façon à ce
3 qu'ils puissent être échangés contre des prisonniers de l'armée de la
4 Republika Srpska.
5 Donc, est-ce que ceci illustre bien le genre de procédure qui était
6 appliquée par la présidence de Bosnie-Herzégovine ?
7 R. Il m'est réellement très difficile sur la base d'un seul document de
8 tirer quelque conclusion que ce soit. La seule conclusion que je puisse
9 tirer, c'est que toutes les personnes relâchées dont il est fait mention
10 dans ce document sont du même groupe ethnique. Ici, il s'agit de personnes
11 appartenant au groupe ethnique croate, et cela concerne des personnes qui
12 ont été relâchées d'un côté et des personnes qui ont été relâchées d'un
13 autre côté.
14 Q. Non, non. Ce sont des personnes qui sont toutes du même côté, mais pour
15 certaines de ces personnes, elles n'auront plus à purger leur peine pour ce
16 qui reste de cette peine, et pour un autre groupe, il s'agit de personnes
17 contre lesquelles les poursuites engagées en justice seront arrêtées. Les
18 deux premières personnes dont il est question dans ce document ont déjà été
19 condamnées, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est ce qui est indiqué dans le document. Ces individus ont déjà
21 été condamnés. Ce sont des individus appartenant au groupe ethnique croate,
22 et il apparaît qu'il y a aussi des personnes qui sont poursuivies en
23 justice mais qui n'ont pas encore été condamnées d'appartenance ethnique
24 croate également.
25 Q. Merci. Est-ce que vous êtes au courant du fait que ces Croates qui ont
26 été échangés -- enfin, est-ce que vous connaissiez leur existence ? Parce
27 qu'en mai 1995, vous et le HVO n'étiez pas ennemis. Vous aviez créé une
28 fédération. Est-ce que vous auriez dû être au courant ?
Page 27267
1 R. Jusqu'au moment où le conflit a éclaté entre l'ABiH et le HVO en
2 octobre 1992, avec une escalade de ces affrontements en 1993, et jusqu'au
3 moment où la Commission d'Etat a fonctionné, nous étions au courant des
4 échanges qui étaient réalisés de façon générale. Et même si c'est le HVO
5 qui organisait les échanges, nous étions au courant. Une fois que le
6 conflit a éclaté entre l'ABiH et le HVO, le HVO est devenu notre ennemi. Et
7 nous n'avons plus été informés des échanges réalisés entre le HVO et la
8 partie serbe. Le HVO et les Serbes traitaient de ces questions sur une base
9 bilatérale, sans nous en informer.
10 Mais quant au fait de savoir si j'aurais dû être informé de
11 l'existence de documents comme celui-ci, j'ai déjà répondu, je crois, à
12 cette question. Quand mes collègues venaient négocier au nom des deux
13 autres partis ennemis, je n'avais pas nécessité de leur montrer des
14 documents relatifs à des amnisties ou à des libérations s'agissant de
15 personnes qui se présentaient physiquement, sur place. Elles ne
16 manifestaient pas d'intérêt pour les questions techniques. Notre intérêt
17 n'avait rien à voir avec l'octroi d'une amnistie officiellement. Et c'était
18 la même chose pour la partie adverse, elle ne s'intéressait pas
19 particulièrement au fait de savoir si les détenus qui allaient être
20 relâchés par l'ennemi avaient été amnistiés par l'ennemi au préalable. Moi,
21 ça ne m'intéressait pas de savoir qu'untel ou untel avait été poursuivi en
22 justice. Cela ne présentait aucun intérêt particulier pour nous.
23 Notre bureau, c'est-à-dire la Commission d'Etat, dès lors que nous
24 avions pris en charge d'anciens détenus, des prisonniers, sur la ligne de
25 front ou dans une zone neutre, nous voulions avoir de leur bouche une
26 déclaration relative aux conditions de détention qu'ils avaient vécues. Ce
27 qui nous intéressait, c'était de connaître de leur bouche certains détails
28 relatifs à la situation de ceux qui se trouvaient toujours dans la prison
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1 ou le camp d'où ils étaient sortis. Nous voulions savoir si les prisonniers
2 qui se trouvaient toujours là-bas étaient maltraités. Nous souhaitions
3 savoir quel était leur statut. Nous souhaitions savoir s'ils pensaient
4 pouvoir être échangés immédiatement au moment de l'organisation d'un nouvel
5 échange. Ensuite, ces personnes allaient voir la police et apportaient un
6 certain nombre de détails complémentaires au sujet de ce qu'elles
7 connaissaient sur le territoire d'où elles venaient, dans les zones où
8 elles avaient passé un certain temps, et elles parlaient des conditions de
9 leur emprisonnement dans la prison ou le camp d'où elles venaient. Elles
10 apportaient des renseignements susceptibles d'alimenter des allégations de
11 violation du droit international, par exemple.
12 Q. Bien, bien. Cela suffira. Nous n'avons pas suffisamment de temps. Je ne
13 vous ai pas demandé si vous connaissiez ce document, mais si vous saviez
14 que des personnes avaient été échangées.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyons le document 1D5507, et nous en aurons
16 ensuite terminé de l'examen des documents. Je crois que vous connaîtrez
17 peut-être ce document.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Monsieur Masovic, je ne vous interroge pas au sujet du contenu du
20 document. Je vous demande de nous dire si vous saviez que ces personnes
21 avaient été échangées. Est-ce que vous êtes d'accord sur le fait que les
22 personnes mentionnées dans ce document étaient en train de purger une peine
23 et que pour être échangées, elles devaient au préalable être amnistiées et
24 que tous ces Musulmans, comme vous l'avez sans doute remarqué, ont été
25 échangés, n'est-ce pas ?
26 R. Malheureusement, je reconnais leurs noms. Je sais qu'il s'agit d'un
27 groupe de civils de Banja Luka qui travaillait pour une organisation
28 humanitaire musulmane en distribuant des vivres et d'autres produits de
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1 première nécessité aux Musulmans de Banja Luka, et d'ailleurs, c'est la
2 raison pour laquelle ces personnes ont été arrêtées. Je vous dis cela sur
3 la base de ce que je sais personnellement, parce que j'ai parlé à certaines
4 de ces personnes. Par exemple, à Mme Suhreta Djuzel. C'est le dernier nom
5 qui figure sur la liste. Cette femme m'a confirmé tout ce que je viens de
6 vous dire.
7 Je vois ce document ici pour la première fois, mais je peux vous dire qu'il
8 montre que ces personnes ont été mises en accusation et condamnées. Et il
9 est écrit dans ce document signé par vous qu'elles allaient être échangées
10 contre des combattants de l'armée de la Republika Srpska, mais, comme je
11 l'ai déjà dit, il s'agit d'un groupe de civils qui travaillaient pour une
12 organisation humanitaire de Banja Luka.
13 Q. Est-ce que vous savez ce que faisait effectivement cette organisation
14 humanitaire ? Est-ce que vous savez qu'un tribunal a prononcé un jugement
15 au sujet de leur activité ?
16 R. Je vous ai dit ce que m'a dit cette Mme Suhreta Stujic [phon]. Je pense
17 que j'ai aussi parlé à l'homme dont le nom figure ici, donc le prénom est
18 Smail. Je reconnais un autre nom, celui de Smajlovic. Je pense que c'est
19 l'homme qui a réussi à obtenir un avantage matériel en raison du fait qu'il
20 avait été privé de liberté dans des conditions illégales, Zijahudin
21 Smajlovic.
22 Q. Après la guerre, n'est-ce pas ?
23 R. Après la guerre, il a porté plainte pour arrestation contraire aux
24 dispositions de la loi et a obtenu des dommages et intérêts en raison des
25 conditions illégales de son arrestation.
26 J'ai quelques réserves à ce sujet, parce qu'il y a certaines choses
27 que j'ai apprises par les médias, mais j'ai lu avec Osman Gojacic. J'ai
28 parlé avec Mme Suhreta Djuzel, numéro 6 de cette liste. J'ai parlé avec
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1 Smail Djuzel. Je crois que Suhreta et Smail Djuzel sont un couple. J'ai
2 parlé avec ces personnes après leur libération. Et par la suite, après la
3 fin de la guerre, j'ai reparlé à ces personnes plusieurs fois. M. Gojacic
4 était, pendant un moment, à la tête du conseil chargé des prisonniers de
5 guerre.
6 Q. Après la pause, nous vous montrerons d'autres documents relatifs aux
7 prisonniers de guerre.
8 Mais pour le moment, j'aimerais appeler votre attention sur le
9 paragraphe 10 et vous demander s'il y avait souvent des échanges organisés
10 en privé, s'il arrivait souvent que des échanges soient réalisés sans votre
11 intervention et sans votre participation ? Et je vous prierais de répondre
12 le plus brièvement possible, car je ne sais pas exactement de combien de
13 temps je dispose encore.
14 R. Vous voyez que s'agissant des situations dont j'ai connaissance, j'en
15 ai connaissance. Malheureusement, je n'ai pas du tout été chargé des
16 échanges privés. Je dois vous dire que je n'avais pas d'information sur le
17 fait que les individus s'étaient organisés pour obtenir des échanges
18 privés, c'est-à-dire un échange d'argent ou échange d'hommes. Il ne
19 s'agissait pas de 50 personnes qui faisaient l'objet d'échanges, mais la
20 plupart du temps, c'était une, deux ou trois personnes, de membres de la
21 famille de certaines personnes, par le truchement des canaux privés, qui
22 avaient trouvés quelqu'un de l'autre côté, moyennant un échange de sommes
23 d'argent, ou peut-être un homme contre un autre. C'est ce qui arrivait.
24 Mais ce nombre est vraiment infime par rapport au chiffre de personnes
25 échangées pendant la guerre. Donc, je ne peux pas répondre à votre
26 question, à savoir de combien d'échanges de ce type il y avait exactement.
27 Dans un très grand nombre de cas, il ne s'agissait pas réellement de
28 détenus parce que les personnes, sans être membres d'une organisation, ne
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1 pouvaient pas procéder à des échanges. La plupart du temps, il s'agissait
2 donc de personnes qui étaient impliquées et qui étaient, en fait,
3 réellement des personnes qui étaient détenues.
4 Q. [aucune interprétation]
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander, Excellence, votre
6 permission de montrer, en fait, un document. Je voudrais juste demander que
7 les documents soient versés au dossier. C'est un document qui parle de
8 l'amnistie.
9 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, le problème
10 survient de nouveau s'agissant de documents qui n'ont pas fait l'objet
11 d'une traduction. Encore une fois, je dois vous avertir que les documents
12 qui ne sont pas traduits n'allaient pas faire l'objet d'examens, et donc
13 c'est un problème.
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Par rapport au premier document, tout ce
15 que le témoin a dit c'est qu'il pouvait tirer une conclusion, à savoir
16 qu'il s'agissait de personnes appartenant au même groupe ethnique. C'est
17 tout ce qu'il pouvait, en fait, tirer comme conclusion de ce document.
18 Donc, il ne peut réellement rien nous dire de plus. Et ensuite,
19 l'Accusation aimerait également avoir la provenance de ces documents, s'il
20 vous plaît.
21 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous devez nous
22 fournir une provenance. Le document serait seulement admis purement sur la
23 base de la réponse qu'a donnée le témoin, mais il fera objet d'une
24 traduction également, et lorsque le document sera traduit, à ce moment-là
25 le document fera l'objet d'éléments de preuve et du dossier. Mais pour
26 l'instant, ces documents peuvent effectivement recevoir une cote
27 d'identification et être versés au dossier à ces fins.
28 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,
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1 Messieurs les Juges, le document 65 ter 1D5506 recevra la cote D2227, versé
2 au dossier aux fins d'identification; et 65 ter 1D5507 sera versé au
3 dossier sous la cote D2228. Pour le compte rendu d'audience, je voudrais
4 simplement ajouter que la page 56, ligne 1, devrait se lire comme suit :
5 D2226. Je vous remercie.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Excellence, il s'agit de
7 documents authentiques que j'ai signés moi-même et qui portent un numéro de
8 protocole et il y a un tampon du président. Ces documents sont maintenant
9 recueillis par des amis qui viennent me rendre visite et/ou qui me
10 l'envoient car l'archive est maintenant disparue.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur, j'aimerais vous demander la chose suivante : est-ce que ce
13 que vous dites, à savoir que les Serbes ont très souvent tué des effectifs
14 ou des personnes militaires capturées -- excusez-moi.
15 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, un instant, s'il
16 vous plaît. Oui, Madame Sutherland.
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il y a quelques instants M. Karadzic a
18 parlé du fait qu'il a des amis qui étaient en mesure de retrouver ces
19 documents parce que l'archive n'existe plus. Ceci nous cause un certain
20 nombre d'inquiétudes.
21 M. KARADZIC : [interprétation] J'ai dit "collected", "recueillis", non pas
22 "corrected", "corrigés".
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et ensuite, est-ce que M. Karadzic aurait
24 l'obligeance de bien vouloir nous dire qui sont ses amis qui ont recueillis
25 ces documents ?
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les exigences sont les mêmes. Donc, tout
27 comme l'Accusation doit nous fournir une source, vous devez le faire aussi.
28 Monsieur Karadzic.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Voilà encore une chose qui m'intéresse. Comment êtes-vous parvenu à la
4 conclusion que les Serbes tuaient souvent des militaires, et c'est ce que
5 j'ai lu au paragraphe 11. Ceci m'inquiète. Car vous en avez parlé il y a
6 quelques instants. Vous nous avez dit que vous pouviez parler de certains
7 éléments, alors qu'en réalité, vous parlez d'autres choses. Voilà une
8 déclaration qui est très vaste. La Défense conteste cette déclaration et
9 vous demande de nous affirmer et confirmer si c'est bel et bien quelque
10 chose que vous avez pu établir vous-même, et de quelle façon ceci a-t-il
11 été fait, si c'est le cas ?
12 R. Dans ce paragraphe, on parle des raisons pour lesquelles l'ABiH ou
13 l'ABiH avait créé un département spécial pour les prisonniers de guerre, et
14 ils l'ont fait parce qu'ils étaient mécontents avec le fait qu'un très
15 grand nombre de personnes qui avaient fait l'objet d'échanges
16 d'appartenance ethnique bosnienne ou croate n'étaient pas des membres de
17 l'ABiH, mais il s'agissait bel et bien de civils. L'ABiH estimait que
18 s'agissant d'échanges, il faudrait inclure les membres de l'armée en
19 majorité, et c'est pourquoi ils ont procédé à la création de départements
20 spécifiques au sein du Corps de l'ABiH. Et ici, on peut lire qu'au début
21 ils avaient organisé des échanges sans la participation de la Commission
22 d'Etat dont j'étais membre.
23 Vous me demandez sur la base de quoi je suis parvenu à la conclusion
24 qu'il y avait un petit nombre de membres de l'armée, je vais vous donner
25 les raisons pour ceci. Il y avait un tout petit nombre de soldats de l'ABiH
26 qui ont témoigné sur la façon dont leurs collègues ont été faits
27 prisonniers lors des activités de combat à Igman et à Treskavica. Et par la
28 suite, nous avions reçu leurs cadavres lors des échanges, et donc, ils
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1 n'étaient plus revenus vivant. Voilà. Et j'aimerais, si vous le souhaitez,
2 vous donner d'autres exemples concrets, où l'on peut voir que les membres
3 de l'ABiH participaient rarement au processus de personnes vivantes, mais
4 très souvent, il s'agissait d'échanges de cadavres, de personnes donc
5 décédées.
6 Q. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez pu vérifier, ou est-ce que
7 c'est une phrase que vous avez simplement dite, comme cela, sans réellement
8 réfléchir à ce que vous avez dit ?
9 R. Je viens de répondre à votre question. Sur la base de faits qui nous
10 ont démontré que la majorité des corps échangés au cours ce cette période
11 de guerre étaient des membres de l'ABiH, et que les membres de l'armée
12 étaient moindres que les cadavres échangés, et c'est ceci qui m'a fait
13 comprendre qu'ils n'avaient pas survécus, les membres de l'ABiH n'avaient
14 pas survécus à l'emprisonnement.
15 Q. Bien. Mais dites-nous, combien y avait-il de membres de l'ABiH que les
16 Serbes tenaient prisonniers en 1992 ? Souvenez-vous de Manjaca, souvenez-
17 vous de Batkovici, de ces deux prisons, combien de combattants de l'ABiH
18 avaient été faits prisonniers par l'armée serbe ?
19 R. A la suite de témoignages de prisonniers échangés s'agissant des deux
20 prisons dont vous parlez étaient majoritairement des civils, et parmi eux,
21 il y avait un très petit nombre de membres de l'ABiH et de la Défense
22 territoriale, membres qui auraient éventuellement été faits prisonniers
23 lors d'activités de combat. La majeure partie des prisonniers dans les
24 camps, dans les prisons, plus spécifiquement pour ce qui est de l'année
25 1992 étaient des civils bosniens, croates, roms, et de personnes d'autres
26 nationalités, ou appartenant à d'autres groupes ethniques, y compris des
27 membres de l'armée serbe qui n'avaient pas montré leur allégeance envers
28 l'armée serbe.
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1 Q. Et vous dites ceci, Monsieur Masovic, sur la base de ce que les gens
2 vous ont relaté ?
3 R. Sur la base de ce que leurs membres de famille nous ont déclaré lors
4 des formulaires qu'ils ont faits pour essayer d'avoir le rapatriement de
5 ces corps, et à la suite des personnes qui avaient survécu à ces camps.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Karadzic, nous allons maintenant
7 prendre une pause, et nous reprendrons à 13 heures 30.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, j'aimerais vous demander ceci. Il
9 s'agit d'un témoin très important et j'aurais besoin d'un peu plus de
10 temps. L'Accusation a passé plus d'une heure, et j'espère que vous
11 m'accorderez un volet d'audience demain, après la déposition par
12 vidéoconférence.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous nous pencherons sur cette demande
14 après avoir vu à quel point votre contre-interrogatoire sera concis et
15 pertinent.
16 Nous reprendrons à 13 heures 30.
17 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 30.
18 --- L'audience est reprise à 13 heures 32.
19 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, nous nous sommes
20 penchés sur l'organigramme des comparutions des témoins et il sera
21 extrêmement difficile de rallonger le témoignage de ce témoin au-delà de ce
22 jour-ci, exception faite peut-être d'une toute petite période de temps
23 qu'on pourrait ajouter à l'audience d'aujourd'hui avec la compréhension de
24 la totalité du personnel. Et je vous encourage à être aussi concis que
25 possible.
26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous pouvons
27 passer brièvement à huis clos partiel.
28 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Certainement.
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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
2 Madame, Messieurs les Juges.
3 [Audience à huis clos partiel]
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2 [Audience publique]
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Alors je vais m'efforcer pour ma part de faire en sorte que les
6 questions soient posées de façon à ce que vous puissiez répondre le plus
7 possible par un oui ou par un non, en ayant la possibilité de vous étendre
8 si nécessaire.
9 Alors nous sommes bien d'accord pour dire que M. Izetbegovic était de façon
10 indubitable le leader des Musulmans, pour le moins qu'on puisse dire, en
11 Bosnie-Herzégovine ?
12 R. M. Izetbegovic était membre de la présidence de la République de
13 Bosnie-Herzégovine, et plus tard il est devenu membre de la présidence de
14 Bosnie-Herzégovine.
15 Q. Moi, je vais être franc avec vous. Ma question cible ceci : est-ce que
16 vous croyez que suite à plusieurs mobilisations générales de proclamées, il
17 n'y a pas eu de répondants du côté des conscrits ?
18 R. Je ne sais pas répondre à votre question. Je répète que jusqu'au 21
19 août 1992, moi j'étais encore avocat. Je n'ai pas fait partie des
20 structures du pouvoir en place, ce qui fait que je ne sais pas quand est-ce
21 qu'on a procédé à des mobilisations, je ne sais pas non plus combien de
22 personnes ont répondu présent lors des appels à la mobilisation.
23 Q. Merci. Saviez-vous qu'au moins pendant la première année, jusqu'à 80 %
24 des combattants musulmans, c'est-à-dire des combattants de l'ABiH,
25 s'étaient battus vêtus de vêtements civils ? C'est un renseignement qui est
26 prélevé au niveau de ce qu'a dit le commandement de cette même armée.
27 R. Je n'en sais vraiment rien. Ça n'a pas fait l'objet d'une manifestation
28 d'intérêt de ma part. Je n'en sais donc strictement rien.
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1 Q. Merci. Est-il exact de dire que le HVO vous avait fait savoir que tous
2 les Musulmans aptes au combat, dans ces circonstances de mobilisation
3 générale, étaient considérés comme étant des conscrits militaires et que
4 c'est ainsi que l'armée croate s'était comportée, je veux dire le HVO ?
5 R. Eh bien, soit je n'ai eu aucun contact avec le HVO, soit ces contacts
6 ont été extrêmement limités. Lorsque j'ai eu des contacts avec le service
7 des échanges du HVO, que j'ai contacté pendant toute la période de la
8 guerre, je ne me souviens pas que quiconque m'aurait fait savoir cela de
9 quelque façon que ce soit. La vérité c'est que M. Pusic, qui se trouve ici,
10 il fait l'objet d'un procès, ce Berislav Pusic m'a dit une ou deux fois que
11 lui en personne estimait que la totalité des Bosniens, ou, comme le disait
12 lui-même, les Musulmans, allant de 16 à 70 ans, que lui personnellement les
13 considéraient comme étant des soldats faisant partie des rangs de l'armée
14 ennemie.
15 Q. Merci. Donc il a considéré cela en sa qualité de président de la
16 Commission chargée des échanges au niveau du HVO, n'est-ce
17 pas ?
18 R. De là à savoir s'il l'a dit dans ce rôle-là ou était-ce une opinion
19 privée qu'il avait exprimée, je ne le sais pas -- vraiment pas, mais c'est
20 de cette façon-là que probablement il souhaitait justifier le fait que dans
21 les camps du HVO il y avait eu un nombre énorme de civils qui n'avaient
22 rien eu à voir avec les activités de combat. J'imagine que c'est de la
23 sorte qu'il voulait justifier le fait d'avoir gardé en détention des civils
24 qui n'étaient pas impliqués dans des activités de combat.
25 Q. Merci. Vous en avez témoigné dans l'affaire Prlic et consorts, et vous
26 avez dit la chose aussi dans une déclaration faite en 2004, à savoir que le
27 HVO, ou la commission du HVO, avait fixé des conditions pour ce qui est des
28 échanges de un pour un. Et pour le gouvernement de Sarajevo, ça toujours
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1 été un problème parce que les Serbes de Bosnie et les Croates de Bosnie,
2 dans ces camps, avaient gardé des civils.
3 Combien, de votre avis, il y avait eu de résidents musulmans, par
4 exemple, à Kljuc ? Ou, pour vous aider, pour répondre par oui ou non, est-
5 ce que vous êtes d'accord pour dire que dans la municipalité de Kljuc il
6 résidait un peu plus de 18 000 Musulmans ?
7 R. Je ne le sais vraiment pas. Je ne sais pas vous dire combien de
8 Bosniens ou, comme vous dites, de Musulmans dans cette municipalité de
9 Kljuc.
10 Q. Etes-vous d'accord pour dire qu'à Manjaca, on avait transféré un
11 millier de Musulmans depuis Kljuc ?
12 R. Je ne le sais vraiment pas non plus.
13 Q. Merci. Mais si dans vos déclarations vous dites que les Serbes avaient
14 gardé des civils, est-ce que vous avez fait la distinction, pourquoi
15 n'avoir pas mis en détention le total des
16 18 000 mais seulement le millier en question ? Quel avait été le critère,
17 donc, pour arrêter et mettre en captivité un tel nombre de Musulmans sur un
18 tel autre total de Musulmans au niveau de Kljuc ?
19 R. Je vous rappelle que ce sont des chiffres que vous avez avancés vous-
20 même. Je n'ai pas confirmé vos chiffres. Je ne peux pas, donc, commenté.
21 Vous avez dit qu'il y avait 18 000 Musulmans à Kljuc et vous avez dit qu'il
22 y en a eu un millier de transférés à Manjaca. Moi, je n'en sais rien. Je
23 n'ose pas commenter des choses que j'ignore.
24 Q. Est-ce qu'à compter du mois d'août vous avez étudié le nombre de
25 Musulmans qu'on avait fait prisonniers ?
26 R. Je me suis penché sur des noms et des prénoms d'individus qui se
27 trouvaient dans des campements ou des prisons de l'ennemi. Mon objectif
28 était de faire en sorte que le maximum de ces personnes soit libéré. Il
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1 m'importait peu de savoir si c'était un homme, une femme, un civil, un
2 militaire, un homme ou un enfant. Le fait est que dans les camps serbes il
3 y avait surtout des Bosniens, et c'est la raison pour laquelle ces Bosniens
4 ont fait l'objet des échanges pour l'essentiel. Le fait est aussi que
5 pendant la guerre, je me suis penché sur M. Vladimir Srebrov, qui n'est pas
6 un Bosnien, qui est un Serbe ou Monténégrin. Je ne sais pas comment il se
7 déclarait. Il se trouvait dans la prison de Kula et il a fait l'objet d'un
8 intérêt de ma part pour ce qui est d'un processus d'échange, et nous avons
9 fini par réussir à l'échanger au terme d'une longue période de détention
10 qu'il a passée dans la prison de Kula.
11 Q. Merci. Vous l'avez déjà mentionné dans vos déclarations, en effet, et
12 vous avez dit qu'une partie de ces gens était arrêtés parce qu'ils
13 m'avaient demandé pour négocier un cessez-le-feu. Mais si je vous dis qu'il
14 avait été arrêté parce qu'il était venu sur les lignes de front pour
15 convaincre les Serbes d'Ilidza de quitter la ligne de front avant l'attaque
16 des Musulmans, est-ce que ceci diffère de ce que vous avez pu apprendre
17 vous-même ?
18 R. M. Srebrov était un voisin à moi dans Sarajevo. Je l'ai indiqué dans ma
19 déclaration, d'ailleurs. Alors, ce que j'ai dit à ce sujet pour dire qu'il
20 était allé discuter, négocier avec vous, c'est un renseignement que j'ai
21 tiré depuis les propos qu'il a tenus au niveau des médias.
22 Q. Merci. Mais saviez-vous que M. Srebrov est le seul membre du SDS que
23 nous avons expulsé du parti, et nous l'avons expulsé parce qu'il avait
24 menacé de faire en sorte que Mlada Bosna, à la tête de laquelle il se
25 trouvait, deviendrait une espèce de fer de lance en Bosnie ? Et il a résidé
26 donc chez vous, il a commencé à servir à servir votre cause ?
27 R. Ecoutez, je ne sais rien de tout cela. Je ne savais pas qu'il était
28 membre du SDS, comme vous venez de le dire. Je ne suis pas au courant de
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1 tout ce que vous venez de nous dire.
2 Q. Merci. Vous avez mentionné de façon assez générale le fait que les
3 Serbes avaient abattu des prisonniers de guerre ou des prisonniers tout
4 court dans les prisons, et, entre autres, vous mentionnez Manjaca. Alors,
5 d'après ce que vous avez appris, combien de prisonniers a-t-on abattus à
6 Manjaca ?
7 R. Je n'ai pas le chiffre exact. Des prisonniers à Manjaca ont été abattus
8 dans le camp eux-mêmes. Il y a eu des témoignages de personnes qui sont
9 sorties de là à ce sujet. Il y a des personnes qu'on a emmenées, qu'on a
10 sorties du camp pour les tuer à une distance plus ou moins grande de
11 Manjaca. Il y a le témoignage à ce sujet, et je crois que ça a été
12 déterminé et établi dans certains procès. Mais je ne sais pas vous donner
13 de chiffres précis pour ce qui est du chiffre de ces personnes ou ces
14 victimes qui ont été tuées sur la route de Manjaca ou sur la route de
15 Manjaca vers une autre destination. Je n'ai pas ces renseignements-là.
16 Un certain nombre d'entre eux, et je ne sais pas vous donner de
17 chiffre exact, mais je peux quand même affirmer qu'il y a un nombre
18 important de ces personnes qu'on considère comme disparues de nos jours
19 encore. D'après les déclarations des familles ou des co-détenus, on a su
20 que c'étaient des gens qu'on avait vus à Manjaca pour la dernière fois. Il
21 s'est passé 20 ans désormais depuis, et on ne sait toujours pas ce qui
22 s'est passé avec ces gens. Ils sont très probablement morts, parce que
23 s'ils étaient vivants, ils auraient rejoint leurs familles. Ils sont donc
24 probablement morts, mais on n'a pas retrouvé leurs dépouilles.
25 Q. Monsieur Masovic, saviez-vous que Manjaca était tout le temps sous le
26 contrôle de la Croix-Rouge internationale ? Au moins une fois et très
27 souvent deux fois par semaine, ils venaient les voir, et ils ont tous été
28 relâchés pour partir vers des pays tiers début décembre 1992. Le saviez-
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1 vous ? Ils ont été relâchés le 8 décembre. Et c'est la raison pour laquelle
2 vous n'avez pas de dépouilles de retrouvées pour ce qui est de ces gens.
3 R. Je crains fort que votre constatation ne corresponde pas aux faits. Je
4 sais pour sûr que d'après les informations du CICR auxquelles vous faites
5 référence, quelque 500 détenus, lors de leur détention réelle ou prétendue
6 détention dans ce camp, ont été transférés à vers Batkovici. J'ai
7 personnellement participé à des négociations relatives à la libération de
8 ces 500 prisonniers, qui étaient pour l'essentiel des Bosniens, des Croates
9 et un certain nombre de Roms qui étaient âgés de 18 à 65 ans. Et parmi eux,
10 entre autres, il y avait eu un groupe d'une centaine de détenus originaires
11 de Grapska, non loin de Doboj, dont le cheminement en temps de guerre
12 allait de la prison de Doboj, puis Manjaca, puis Batkovici, puis Kula,
13 Sarajevo, puis la prison de Rudo, puis Kula à Sarajevo, et ils ont en fin
14 de compte été échangés, si je ne m'abuse, en 1994. Je sais aussi que 11
15 d'entre eux au moins, pendant leur séjour à Kula, ont été abattus.
16 Q. Pouvez-vous communiquer aux Juges de la Chambre, si vous ne voulez pas
17 le faire pour ce qui est de la Défense ou de l'Accusation, une liste de
18 gens que vous êtes en train de chercher alors que c'étaient des gens qui
19 s'étaient trouvés à Manjaca ?
20 R. Cela est tout à fait possible. J'émets une réserve, cependant, et c'est
21 une chose que j'ai soulignée au début de mon témoignage lorsque j'ai
22 répondu aux questions du Procureur. Pour indiquer que les chiffres ou les
23 renseignements disant quand et à quel moment telle personne a séjourné à
24 tel endroit, ça ce sont des renseignements qui nous ont été communiqués par
25 les familles de ces gens-là. Or, si c'est fiable -- c'est les
26 renseignements dont il s'agit. Donc c'est les familles qui nous ont aidés à
27 déterminer la date de la disparition. Que ce soient des dates exactes ou
28 pas, je ne sais pas. Mais c'est les dates qui ont été utilisées par nous
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1 pour ce qui est du moment et du lieu de séjour, et pour l'essentiel, on
2 indique le camp de Manjaca.
3 Q. Merci. Moi, je vais vous avancer la cause que je défends, la thèse qui
4 est la mienne. Il y avait à Manjaca 4 004 prisonniers. Il y a eu cinq morts
5 naturels et deux morts suite à des violences. Il y a eu donc deux décès
6 suite à des violences. Je vous dirais aussi que Manjaca et Batkovici
7 étaient sous surveillance permanente de la Croix-Rouge. Et vers Batkovici,
8 on a transféré les gens qui étaient censés être jugés. Tous les autres ont
9 été relâchés pour partir vers des pays tiers.
10 Le saviez-vous et savez-vous où sont ces gens-là qui ont quitté le
11 pays pour aller vers des pays tiers ?
12 Alors pour les autres participants, je rappelle que le Témoin KDZ163
13 a témoigné ici même de cinq décès au total, et il était censé le savoir.
14 C'était un témoin de l'Accusation, je le précise.
15 R. En période de guerre, la Commission d'Etat s'était intéressée à ceux
16 qui étaient encore à Manjaca et non pas ceux qui ont été libérés pour
17 partir vers des pays tiers. Parce que ceux-là n'ont pas été enregistrés,
18 leur libération ne s'est pas faite par le biais de la Commission d'Etat,
19 comme vous le dites, s'ils ont été envoyés là-bas.
20 Dernièrement, nous opérons des recherches pour ce qui est des gens
21 qui n'ont pas survécu à la guerre, qui n'ont pas donc survécu à leur
22 détention au camp, que l'on considère encore disparus.
23 Q. Est-ce que vous remettez en question ce que j'affirme, à savoir que de
24 façon unilatérale, sans qu'il y ait demande de réciprocité, j'ai demandé à
25 ce que soient relâchées quelque 4 000 personnes de Manjaca afin de leur
26 permettre de partir vers des pays tiers ?
27 R. Je ne sais pas vous répondre. A mes yeux, ce qui est assez surprenant,
28 surprenant c'est un fait dont je n'ai pas eu connaissance pendant la
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1 guerre, à savoir qu'à un moment donné à Manjaca il y avait eu jusqu'à 4 000
2 personnes. C'est la première fois que je l'apprends de votre bouche
3 aujourd'hui. Je n'ai jamais disposé de renseignements disant qu'au camp de
4 Manjaca, à un moment donné, il y a eu jusqu'à 4 000 personnes de détenues.
5 Donc je ne sais rien vous dire au sujet de ce que vous avancez pour ce qui
6 est de la libération de ces personnes.
7 Q. Monsieur Masovic, je n'ai peut-être pas été précis. En quelques mois,
8 en l'espace de quelques mois, il est passé par Manjaca 4 004 détenus. Cinq
9 sont morts, deux morts sont des morts violents, suite à des coups. On avait
10 poursuivi ces gens pour des meurtres. Mais saviez-vous qu'au mois de
11 décembre j'ai fait relâcher tous ceux qui étaient à Manjaca, et c'est la
12 Croix-Rouge qui s'est chargée de les faire emmener vers des pays tiers. Le
13 saviez-vous, cela ?
14 R. Eh bien, à cette époque-là, ceux que j'avais en charge c'étaient les
15 gens qui n'avaient pas quitté Manjaca. C'étaient des gens qui n'ont pas été
16 libérés. C'étaient des personnes détenues. Ce qui m'intéressait, moi,
17 c'étaient les 500 personnes à Manjaca pour lesquelles le Comité
18 international de la Croix-Rouge nous avait dit qu'elles n'avaient pas été
19 libérées, mais qu'on les avait transférées vers le camp de Batkovici. Et je
20 crois que c'est le CICR qui a exprimé auprès des autorités serbes une
21 espèce de protestation, si mes souvenirs sont bons, parce que ça s'est
22 passé quand même longtemps, une protestation en raison du transfert de ces
23 quelque 500 personnes depuis un camp vers un autre camp, qui est celui de
24 Batkovici.
25 Je ne nie pas ce genre de fait. Je ne suis pas au courant de ces choses-là.
26 Je ne peux pas me prononcer pour dire que vous avez, oui ou non, promulguer
27 une telle décision relative à la libération d'un tel nombre de personnes.
28 Je n'en sais rien.
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1 Q. Merci. Monsieur, ils n'étaient pas 500. Ils étaient bien moins que
2 cela. Ça s'est fait avec le CICR. Il y a eu des listes de personnes
3 enregistrées à Manjaca. C'est des gens qui sont arrivés à Batkovici. Alors,
4 saviez-vous que c'étaient des gens qui étaient constamment sur la liste de
5 la Croix-Rouge ?
6 R. Je répète que je savais qu'il y a eu des gens de transférés à Manjaca
7 pour la raison simple : parce qu'ultérieurement j'ai personnellement
8 participé à des négociations avec la commission serbe pour faire libérer
9 ces 500 personnes. Et si je m'en souviens bien, il y avait une centaine de
10 personnes originaires de Doboj. Ils étaient les plus nombreux. Puis il y en
11 avait de Jajce aussi, et d'autres villes encore de la Bosnie-Herzégovine.
12 C'est en personne que j'ai participé aux négociations pour prendre part à
13 leur libération. Il y a une partie de ces gens qui étaient libérés à
14 Sarajevo, parce qu'après Batkovici, ils s'étaient trouvés au KPD de Kula, à
15 Sarajevo. Alors je ne peux pas commenter les propos pour ce qui est de dire
16 si oui ou non ils avaient été enregistrés par le CICR, parce que des
17 informations qui sont confidentielles, le CICR ne communique pas aux
18 différentes parties ce genre d'information.
19 Q. Merci. Puisque vous vous êtes occupé des personnes portées disparues
20 après la guerre, est-ce que vous avez des informations sur les personnes
21 qui se trouveraient dans des pays tiers s'agissant des citoyens de la
22 Bosnie-Herzégovine et des Musulmans, et est-ce que vous avez vérifié si
23 parmi ces personnes se trouvent les personnes portées disparues qui se
24 trouvent sur vos listes et qui sont en réalité vivantes quelque part dans
25 le monde ?
26 R. Non. Nous ne savons pas qu'ils se trouvent dans les pays tiers, à
27 l'étranger, s'agissant des citoyens de la Bosnie-Herzégovine,
28 indépendamment de leur groupe ethnique, mais nous avons des contacts, par
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1 contre, avec les familles des personnes portées disparues. Nous avons des
2 contacts avec le Comité international des personnes portées disparues, le
3 CICR, la Croix-Rouge de Bosnie-Herzégovine également. Et ces derniers ont
4 été également leur liste portant sur les personnes portées disparues, et
5 nous avons accepté ces listes au sein de l'Institut pour personnes portées
6 disparues, et vous verrez que nous créé une base de données unique qui
7 regroupe toutes ces données concernant les personnes portées disparues en
8 Bosnie-Herzégovine.
9 Je peux répondre de façon supplémentaire à votre question, étant
10 donné que vous dites qu'il existe des personnes qui sont encore en vie et
11 qui se trouvent sur ces listes, oui, effectivement je peux vous confirmer
12 ces allégations. Il existe jusqu'à maintenant, nous avons découvert plus de
13 236 personnes de toute nationalité confondue, et qui, à une époque donnée,
14 et surtout au début de l'été ou du printemps de 1992, avaient été portées
15 disparues comme étant des personnes portées disparues et qui n'avaient
16 jamais fait l'objet d'une information. Au contraire de leurs familles, ces
17 derniers sont retournés dans leurs familles, et les membres de leurs
18 familles ont en fait manqué, oublié simplement d'informer du fait que ces
19 personnes sont retournées.
20 Q. Alors est-ce que cette liste de personnes vivantes est conclue, est-ce
21 que vous êtes arrivé à une conclusion définitive qu'il n'existait plus de
22 personnes vivantes se trouvant sur vos listes ? Avez-vous fermé le dossier
23 ?
24 R. Non, je ne peux pas vous le dire avec une certitude absolue. Je ne peux
25 pas vous dire qu'ils n'existent pas quelque part dans le monde une personne
26 qui soit en vie et qui se trouve sur une liste d'une personne portée
27 disparue. Je crois que vous savez tout comme tout le monde qu'une petite
28 fille a été découverte il n'y a pas très longtemps à l'âge de deux ans.
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1 Elle a fait l'objet d'une adoption par une famille serbe. Elle était
2 originaire de Bosnie-Herzégovine. Cet enfant ignorait son origine et ne
3 connaissait pas ses parents, et ce n'est que lorsqu'elle est devenue adulte
4 elle a appris ses origines. Et pendant toute cette période, elle a été
5 portée disparue. Lorsqu'elle a appris quelle était sa réelle identité, elle
6 est retournée en Bosnie-Herzégovine. Son nom est Becirevic Senada, alors
7 qu'en Serbie, elle portait un autre nom, c'est-à-dire Becirevic Mila,
8 c'est-à-dire elle portait le nom de famille des parents adoptifs.
9 Je le répète, je ne peux pas vous confirmer que demain ou que dans un
10 an un cas similaire allait se reproduire, ou qu'une autre personne pourrait
11 être retrouvée qui soit encore en vie et dont le nom figure encore sur des
12 listes de personnes portées disparues.
13 Q. Merci. Est-ce que vous savez s'il y a eu également d'adultes qui, par
14 exemple, ont passé l'ensemble de toute cette période de la guerre à Novi
15 Sad, et lorsqu'ils sont retournés, ils ont trouvé leurs noms sur ces listes
16 ? Ou bien, par exemple, le troisième fils d'un homme de Bratunac qui avait
17 été porté disparu, alors que son père recevait des sommes d'argent pour la
18 disparition de son fils. Est-ce que vous aviez connaissance des cas
19 semblables ? Les deux étaient adultes et ces deux personnes vivaient en
20 Serbie et ils vivaient des vies complètement normales. Ils s'étaient
21 mariés, et cetera, et cetera.
22 R. Dans ma déclaration, j'ai dit avoir connaissance de trois tentatives de
23 personnes qui avaient tenté faussement de se faire porter disparues. Il y
24 avait un homme, effectivement, qui était marié avec une femme de
25 nationalité serbe, qui a passé la guerre à Novi Sad, alors que son père
26 l'avait fait porté disparu avec deux autres fils qui étaient réellement des
27 personnes portées disparues, mais ce dernier n'était jamais porté disparu
28 en réalité, et nous croyons que son père savait très bien qu'il était
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1 encore en vie, qu'il vivait en Serbie, en Vojvodine, mais pour des raisons
2 sans doute personnelles, il avait lui aussi fait porter son fils disparu.
3 Donc, c'est une des trois tentatives de fausses déclarations.
4 Q. Très bien. Merci. Quels sont les avantages que ce dernier aurait pu
5 tirer de cette fausse déclaration ?
6 R. Avant 2004, il n'aurait pu avoir aucun avantage, il n'aurait pu tirer
7 aucun profit de ce fait, mais en 2004, lorsque la loi a été adoptée sur les
8 personnes portées disparues en Bosnie-Herzégovine, et qui prévoyait
9 certains droits pour les membres de famille de telles personnes, comme, par
10 exemple, les soins de santé gratuits, l'école gratuite des enfants de ces
11 personnes et le droit de savoir ce qui est arrivé à leurs parents, cette
12 loi prévoit même des sommes financières. Il est effectivement vrai que ces
13 sommes étaient très petites et il aurait fallu créer un fonds pour les
14 personnes portées disparues.
15 Mais malheureusement, mon pays, mon Etat a fait l'objet de critiques
16 par les Nations Unies, ou, plutôt, du groupe de travail pour les personnes
17 portées disparues des Nations Unies parce que cette disposition selon
18 laquelle on pouvait offrir des sommes d'argent, compensations aux familles
19 des personnes portées disparues, cela n'a jamais été réalisé. Donc,
20 malheureusement, en Bosnie-Herzégovine, pour toutes les personnes portées
21 disparues, les membres de leurs familles n'ont jamais pu obtenir un seul
22 euro de la Bosnie-Herzégovine, même si la loi sur les personnes portées
23 disparues prévoit un tel droit pour les membres de familles des personnes
24 portées disparues.
25 Q. Merci. Est-ce que vous détenez vous-même, ou est-ce que la Bosnie-
26 Herzégovine possède des listes de personnes de réfugiées s'étant rendues
27 dans des pays tiers, et est-ce que vous avez comparé ces listes pour voir
28 si ces individus se trouvaient sur vos listes, et si parmi ces personnes il
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1 y avait encore des personnes qui sont en vie ?
2 R. Je ne sais pas si l'Etat détient ce type de listes. L'institut pour les
3 personnes disparues ne dispose pas de ce type de listes. Pour nous, il ne
4 s'agit pas de quelque chose de très important, car nos contacts se font
5 principalement avec les familles des personnes qui essaient de chercher les
6 membres de famille qui sont portés disparus. Donc, nous, nous établissons
7 des contacts avec ces gens, et en Bosnie-Herzégovine il y a plus de 90 000
8 personnes qui ont fait don de leur sang afin de pouvoir établir, par le
9 truchement des méthodes de l'ADN, pour voir si on a pu identifier des
10 personnes trouvées ou des corps de personnes trouvées soit dans des fosses
11 communes ou ailleurs pour voir si les membres de leur famille ont été
12 retrouvés. Et nous détenons des informations provenant de la Croix-Rouge
13 internationale, des données pour que de 22 000 citoyens de Bosnie-
14 Herzégovine dont les familles se trouvent en Bosnie-Herzégovine et partout
15 dans le monde, mais dans tous les pays où le CICR existe, et le CICR
16 fonctionne dans presque tous les pays du monde, et à ce moment-là, nous,
17 membres de l'institut, nous sommes en contact direct avec les familles des
18 personnes qui cherchent les membres de leurs familles qui sont portées
19 disparues.
20 Q. Je vais vous poser une question plus concentrée, plus succincte.
21 Vous avez constaté, n'est-ce pas, qu'un très grand nombre de
22 personnes avait changé dans leur déclaration concernant des personnes
23 disparues ou tuées, et ici on parle plus de personnes -- de soldats morts,
24 et d'après vous, vous nous avez dit que ce nombre de soldats morts sur le
25 champ de bataille était exagéré par rapport au nombre de civils, n'est-ce
26 pas ?
27 R. Les personnes qui faisaient des déclarations sur les personnes portées
28 disparues ne changeaient par leurs déclarations. Lors d'une première
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1 déclaration, ils parlaient de leurs êtres chers comme étant soit des civils
2 ou des membres de l'armée. Mais je dois vous dire que nous, en tant
3 qu'institut, nous ne tenons pas compte du fait qu'il s'agisse de civils ou
4 de soldats. Ceci ne fait pas l'objet de nos préoccupations. Pour nous,
5 c'est la même chose. Ce sont des personnes portées disparues, ce sont des
6 citoyens de l'Etat de Bosnie-Herzégovine. Notre mandat est de les
7 retrouver, de les identifier et de remettre leurs corps à leurs familles.
8 Je crois qu'il est possible que certaines familles aient pu changer,
9 modifier certains faits. C'est peut-être possible. Nous ne pouvons pas le
10 dire. Nous n'avons pas de base de données tenant compte des membres de
11 l'armée ou de civils. Notre tâche n'était pas d'établir qui sont les civils
12 et qui sont les armées, quelles sont les personnes portées disparues et
13 comment elles sont portées disparues, dans le cadre d'activités de combat
14 ou dans le cadre d'autres activités. Ceci ne nous intéresse pas. Nous
15 voulons simplement retrouver leurs dépouilles. Vous avez raison de dire
16 qu'effectivement il y a sans doute eu des cas qui auraient déclaré le
17 mauvais statut, c'est-à-dire de dire que leurs êtres chers étaient des
18 civils alors qu'ils étaient soldats ou le contraire.
19 Mais effectivement, j'ai été en contact avec des gens qui m'avaient
20 eux-mêmes dit qu'ils avaient déclaré que leurs êtres chers disparus étaient
21 des civils, parce qu'ils pensaient qu'ils auraient plus de chances de les
22 retrouver, plutôt que de dire qu'ils étaient des membres de l'armée. Mais
23 comme je vous le dis, je ne peux pas vous affirmer s'il s'agit de dizaines
24 de personnes, de centaines de personnes et de déclarations de ce type. Ceci
25 n'a pas du tout fait l'objet de notre champ d'activités.
26 Q. Très bien. Alors, à ce moment-là, je vais laisser de côté toute une
27 série de questions, car je crois que dans votre déclaration vous avez
28 beaucoup parlé de civils. Donc, suis-je en droit de conclure que ceci n'est
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1 pas la partie principale de votre déclaration, à savoir s'il s'agissait de
2 civils ou de soldats, et donc, nous pouvons nous concentrer plutôt sur le
3 nombre de personnes portées disparues et sur le nombre de cadavres exhumés.
4 R. Si vous le souhaitez, je peux répéter ce que j'ai dit tout à l'heure.
5 Pour nous qui cherchons de retrouver le sort des personnes portées
6 disparues, le fait que ces derniers aient pu être des civils ou des soldats
7 n'est pas une question qui nous intéresse du tout.
8 Q. Très bien. Alors dites-nous, s'il vous plaît, à quel moment les
9 autorités en Bosnie-Herzégovine, y compris la commission - qui est une
10 Commission d'Etat, n'est-ce pas ? - ont-elles reçu les premiers faits sur
11 les personnes qui avaient trouvé la mort à Srebrenica en juillet 1995 ?
12 R. Je crois que c'était environ 15 jours après le mois de juillet 1995,
13 lorsque les civils -- ou plutôt, lorsqu'une partie des civils, les femmes
14 et les enfants, avaient quitté pour se rendre à Tuzla. Et je crois que
15 c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à déclarer les membres masculins
16 de leurs familles qui sont restés derrière à Srebrenica. Donc les premières
17 informations sur le nombre de personnes portées disparues à Srebrenica,
18 principalement en juillet 1995, datent des premières arrivées de personnes
19 qui avaient été chassées de Srebrenica et qui s'étaient rendues à Tuzla.
20 Ces derniers avaient, pour la première fois, demandé des informations selon
21 lesquelles soit leurs fils, leurs pères, leurs grands-pères n'avaient pas
22 passé à Tuzla, et étaient préoccupés et inquiets de leur sort.
23 Q. Bien. Dites-nous maintenant très brièvement, d'après vous, combien de
24 personnes ont-elles péri à Srebrenica ?
25 R. A Potocari, il existe un monument sur lequel on peut lire
26 8 372 noms de personnes qui auraient trouvé la mort à la suite des
27 événements de Srebrenica, et plus tard il s'agissait d'événements à Zepa.
28 Dans mon institut, on détient des informations sur 8 262 personnes dont la
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1 mort est directement liée aux événements de Srebrenica du mois de juillet.
2 Et d'après l'accord international signé avec le gouvernement de la Bosnie-
3 Herzégovine et la Commission internationale pour les personnes portées
4 disparues, à la suite de l'exhumation de toutes les victimes, à la suite de
5 ces informations, on peut arriver au chiffre de 8 000, et ce sont des
6 exhumations qui ont été vérifiées à la suite de l'ADN grâce au sang qui
7 avait été donné par les membres de leurs familles. L'ICMP a recueilli près
8 de 20 000 échantillons de sang des membres de famille des victimes de
9 Srebrenica. On parle de 22 000 échantillons. Les 22 000 échantillons de
10 sang portent sur, en tout, 8 700 personnes portées disparues en juillet. Je
11 crois que le chiffre exact est 7 787 personnes portées disparues.
12 Toutefois, auprès de l'ICMP aujourd'hui on peut retrouver plus de 160
13 rapports d'ADN qui ne correspondent pas, qui ne se recoupent pas et qui ne
14 correspondent pas avec aucun des échantillons de 22 000 gouttes de sang qui
15 ont été données. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il existe
16 des familles à Srebrenica qui n'ont, soit, pas fait don de leur sang, qui
17 n'ont pas fourni un échantillon, ou qu'il n'existe plus de membre de
18 famille vivant pouvant donner un échantillon de sang. Donc il pouvait
19 s'agir, soit du meurtre de l'ensemble d'une famille qui a eu lieu à la
20 suite des événements de Srebrenica, ou que simplement il n'y a plus de
21 membres vivants de la famille.
22 Alors, si l'on prend le chiffre de 7 787 et que vous ajoutez 166, je
23 crois, à ce chiffre, 166 corps exhumés des fosses communes où l'on a trouvé
24 des victimes de Srebrenica mais qui ne sont pas recoupés, qui ne
25 correspondent pas aux échantillons, vous arrivez à un chiffre de 8 000
26 environ. D'après l'ICMP, le chiffre qu'ils avancent est de 8 100 au cours
27 de cette période. Mais je crois, je suis persuadé que c'est environ 8 262
28 personnes, et c'est le nombre de personnes que nous comptons au sein de
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1 l'institut pour personnes portées disparues.
2 Q. Merci. Combien, d'après vous, y avait-il des citoyens à Srebrenica en
3 juillet 1995 avant les événements ?
4 R. Je ne le sais pas et je ne peux pas vous donner de chiffre exact. Je
5 peux seulement vous donner des chiffres dont j'ai entendu parler. Je ne
6 sais pas si c'est pertinent pour cette affaire en l'espèce. L'on parlait du
7 chiffre de 30 à 40 000 citoyens. Il pouvait s'agir d'un très grand nombre
8 de municipalités, des personnes qui auraient pu quitter leur municipalité
9 avant qu'elles ne soient enfermées et tuées. Elles auraient peut-être
10 déménagées à Srebrenica pour y vivre pendant la période de la guerre.
11 Je voudrais, s'il vous plaît --
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Pourriez-vous répéter, je vous
13 prie, ce que vous avez dit, Monsieur le Témoin ? Il n'y a pas eu
14 d'interprétation en langue anglaise. Le micro n'était pas allumé.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas. Je ne crois pas qu'il soit
16 correct que j'en témoigne comme témoin. Je n'ai pas de chiffres absolument
17 exacts. Mais dans les médias, on avançait le chiffre de 30 à 40 000
18 personnes qui vivaient à Srebrenica en juillet 1995. Il pouvait s'agir soit
19 de citoyens qui y habitaient avant la guerre ou ils sont peut-être venus à
20 Srebrenica en 1992 provenant d'environ 15 autres municipalités, telles
21 Bratunac, Zvornik, Vlasenica, Rogatica et d'autres municipalités également
22 qui, en 1992, étaient habitées par des Bosniens, ou peut-être à la suite de
23 personnes chassées de leurs municipalités.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Merci.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Alors essayons, s'il vous plaît, de nous concentrer pour répondre
27 de façon plus succincte que possible. Est-ce que ceci veut dire que l'ICMP
28 pouvait affirmer l'identité, grâce à leurs échantillons, de 7 800 personnes
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1 ?
2 R. Non. L'ICMP a pu faire correspondre les échantillons au nombre
3 d'environ 6 600 correspondances, mais il y a 160 corps pour lesquels il n'y
4 a pas de recoupement. Et donc, on peut parler de 166 individus sans nom ni
5 prénom car leur profil ADN ne correspond pas a aucun échantillon. J'ai
6 parlé de l'ICMP parce que ces derniers ont pu obtenir des échantillons de
7 sang provenant des familles.
8 Q. Je vous remercie. Je vous interromps. C'est très intéressant, mais nous
9 n'avons pas suffisamment de temps pour cela. Est-il exact de dire que vous
10 avez trouvé qu'au moins 500 personnes avaient été enterrées à Potocari,
11 alors que ces derniers n'étaient pas du tout impliqués dans les événements
12 de Srebrenica en 1995 ? J'ai parlé de 500 personnes. Oui, oui, j'ai bien
13 voulu dire 500 personnes, effectivement.
14 R. Non, ceci n'est pas exact, et personne n'a jamais fait ce type
15 d'affirmation. Personne de crédible n'aurait pu avancer de genre de
16 chiffre, 500 personnes enterrées à Potocari et qui n'auraient rien à voir
17 avec les activités de Srebrenica en 1995.
18 Q. Est-il exact de dire que soit vous ou un de vos collègues -- qu'il y
19 avait encore plusieurs centaines de personnes qui étaient encore en vie,
20 mais que les membres de leur corps qui avaient été amputés pouvaient
21 confirmer l'identité grâce à l'ADN ?
22 R. C'est ma déclaration à moi, mais ceci n'a rien à voir avec Srebrenica.
23 Il s'agissait plutôt d'un cimetière de là. Mes collègues avaient essayé de
24 chercher des personnes portées disparues de Banja Luka, et donc ils ont
25 procédé à l'exhumation d'enfants et de bébés mort-nés ou d'amputation. Et
26 je crois qu'ils ont fait par erreur une exhumation de parties de corps
27 amputées et des bébés mort-nés qui avaient été enterrés dans ce cimetière.
28 Donc ceci a été fait par erreur. Et dans le contexte de ma déclaration, je
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1 dis qu'il faut effectivement changer cette erreur, car ces mort-nés et ces
2 parties de corps amputés se trouvent dans des sacs à la morgue de Sarajevo,
3 et ce, depuis des années.
4 Q. Merci, merci. Nous n'avons plus de temps. Je vous demanderais donc de
5 donner des réponses très courtes, s'il vous plaît.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on affiche la pièce
7 1D5516. Excusez-moi, je n'ai pas pu faire traduire ce document. Je ne
8 croyais pas que le témoin allait confirmer ces faits. Donc je ne demande
9 pas le versement au dossier de ce document.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Alors, voyez-vous ici :
12 "Amor Masovic, directeur de l'Institut des personnes portées
13 disparues, a également confirmé qu'au centre mémorial on pouvait trouver
14 également des victimes qui étaient apparentées avec les personnes qui sont
15 déjà enterrées et pour lesquelles on a pu identifier des victimes des
16 crimes de Srebrenica. Nous sommes venus en aide aux mères et aux membres de
17 la famille qui, pour des raisons sentimentales, avaient demandé, s'agissant
18 de leurs fils morts en 1992 ou 1993, de pouvoir enterrer à côté des
19 personnes qui avaient été tuées dans le cadre du génocide de Srebrenica,"
20 dit Masovic. "Il affirme qu'eu égard à de telles pratiques, ils ont très
21 rapidement manqué de lieu pour enterrer les cadavres."
22 Est-ce que vous avez effectivement fait cette déclaration ?
23 R. C'est exact. Au cimetière de Potocari, outre des victimes du mois de
24 juillet 1995 à Srebrenica, il y a également des membres de leurs familles,
25 des pères, des frères - et je crois que le chiffre est d'environ 70
26 personnes - qui ont été enterrés au cimetière sur la base de leur parenté,
27 et ce, grâce à une fondation qui avait été créée en Bosnie-Herzégovine. Il
28 était permis que, par exemple, deux frères, un frère qui est mort en 1995
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1 et un autre mort en 1992, soient enterrés côte à côte au cimetière.
2 Mais ce qui est très important de dire, c'est qu'effectivement les
3 victimes de 1992 ne comptent pas parmi les victimes du mois de juillet
4 1995. Ces victimes n'appartiennent pas à ce groupe-là. Lorsque je vous ai
5 avancé les chiffres tout à l'heure, à savoir 8 262 et 8 372 personnes,
6 lorsque j'ai avancé ces chiffres-là tout à l'heure, je vous ai parlé des
7 personnes qui étaient des victimes qui ont péri à la suite des activités du
8 mois de juillet 1995. Mais je n'ai pas tenu compte des morts de 1992, 1993
9 ou 1994.
10 Je dois vous dire que sur la base d'une parenté, il est tout à fait
11 possible d'enterrer des centaines ou des milliers de parents des victimes
12 de juillet 1995, et on a dû finalement arrêter ce type de pratique car il
13 n'y avait pas suffisamment de place pour enterrer toutes les personnes
14 mortes en juillet 1995. Et alors, on a dit : Les personnes qui y sont
15 enterrées, resteront sur place, mais à l'avenir on ne pourra plus enterrer
16 les membres de familles indépendamment du fait qu'il s'agisse de pères, de
17 frères, de grands-pères ou de petits-fils. Ces personnes ne pourront plus
18 être enterrées à Potocari. Ma déclaration, donc, est tout à fait exacte.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer à présent le
20 1D05024, s'il vous plaît.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. En attendant que cela soit affiché, Monsieur Masovic, est-ce que vous
23 savez nous dire combien de personnes il y a eu à périr dans la région entre
24 1992 et 1995 ?
25 R. Les gens qui ont péri dans cette région, et j'imagine que vous parlez
26 de Srebrenica ici, l'enclave, alors c'est des gens qui en majorité, pour la
27 plupart des cas donc, ont été enterrés, et ça n'a pas fait l'objet de
28 l'intérêt porté par la Commission d'Etat. Et de nos jours, ça ne fait pas
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1 l'objet de l'institut nouvellement créé. Donc ils n'ont pas le statut de
2 personnes disparues. De là à savoir combien de gens il y a eu à périr dans
3 Srebrenica, autour de Srebrenica ou dans d'autres municipalités de Bosnie-
4 Herzégovine, je ne les ai pas, ces renseignements. Ça ne fait pas partie de
5 notre mandat. Parce que ce ne sont pas des disparus, donc je n'ai pas eu à
6 m'intéresser ni de leur destinée, ni de leur nombre.
7 Q. Merci. Est-ce que vous affirmez que lorsqu'un Serbe est tué sur le
8 territoire serbe ou un Serbe tué sur le territoire musulman, on le restitue
9 à la famille ou est-ce qu'il est enterré par la partie adverse et on
10 considère que c'est quelqu'un qui a été tué ? Il est dans les registres de
11 l'ABiH ou il est enregistré en tant que tel par la VRS, mais c'est
12 quelqu'un qui a, nonobstant ce fait, été enterré par quelqu'un d'autre,
13 c'est-à-dire par la partie adverse ?
14 R. Je ne sais pas ce que vous voulez dire par là, "enterré par la partie
15 adverse". S'il est mort sur un territoire qui est le sien, entre
16 guillemets, il est enterré par sa famille, et cette famille ne le déclare
17 pas comme étant disparu. Si cet homme a été tué sur le territoire de
18 l'ennemi, alors la famille déclare cette personne comme étant disparue,
19 parce qu'elle ne sait pas ce qui est advenu de lui. Elle ne sait pas si
20 l'individu est vivant, ou s'il est mort, ou s'il est en détention. Et on
21 déclare donc qu'il s'agit là de quelqu'un de disparu. C'est le principe en
22 tant que tel.
23 Il se peut que certaines familles aient appris que l'un des leurs a
24 été tué sur le territoire de l'ennemi, mais ils n'ont pas déclaré la
25 disparition parce que, par le biais de certains autres contacts avec des
26 individus de la partie adverse, ils ont fini par apprendre qu'un membre de
27 leur famille a été tué ou est décédé et a été enterré à tel endroit, donc
28 il n'y a pas eu nécessité de déclarer cet individu comme étant quelqu'un de
Page 27299
1 disparu.
2 Q. Merci. Saviez-vous que les Serbes, après la libération ou la prise,
3 comme vous le préférez, de Podrinje, ont trouvé en 1993 une cinquantaine de
4 fosses communes où il y avait entre cinq et 50 cadavres, des gens que les
5 Musulmans avaient enterrés pendant qu'ils avaient contrôlé le territoire en
6 question ? Vous le savez ou vous ne le savez pas ?
7 R. J'attends le compte rendu. Mais je ne sais pas. C'est la première fois
8 que j'entends de votre bouche fournir ce type de renseignement.
9 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais ce
11 document qui est sur l'écran, je ne sais pas si c'est la pièce dont on a
12 parlé puisque c'est un document qui n'était pas sur la liste des documents
13 pour le contre-interrogatoire, et nous n'avons pas de traduction.
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous aider ?
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'attendais à ce que M. Masovic me confirme
16 les chiffres, mais je n'avais pas l'intention de demander un versement
17 quelconque, mais là je me trouve contraint à le montrer. Et je voudrais
18 qu'on nous montre la page 6. Je vous demande un peu de compréhension, parce
19 que je fais preuve de compréhension moi-même.
20 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais ce n'est pas une réponse à la
21 question qui vient d'être posée. Docteur Karadzic, ce n'est pas une réponse
22 à la question qui a été posée par Mme Sutherland.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'avais pas pensé à mettre cela sur la
24 liste, parce que j'avais considéré que le témoin serait à même de me
25 confirmer les chiffres. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas annoncé
26 l'utilisation de ce document. Pour ne pas surcharger la liste des
27 documents, étant donné que je m'attendais à ce que le renseignement me soit
28 confirmé par le témoin.
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1 Alors je voudrais demander au témoin de confirmer -- relevez, s'il
2 vous plaît, un peu la page. Voilà. Alors, Monsieur, est-il exact de dire
3 que le président Izetbegovic confirme ici que sans la Brigade de Zepa, il y
4 avait là-bas quelque 4 500 soldats, qu'il y a eu un passage en revue de la
5 division et qu'il y en a eu de 3 500 de rassemblés ? Un peu plus bas,
6 Silajdzic dit : Voilà de quoi il s'agit. Tout d'abord, à Srebrenica, ils
7 ont fourni un chiffre pour la FORPRONU. Mais l'autre chiffre, il n'y a que
8 nous qui le connaissions. Le président dit : 42 000 pour la FORPRONU, 35
9 000 pour de bon, pour parler réel. Donc, réellement, il y avait à
10 Srebrenica 35 000 personnes.
11 Montrez-nous la page suivante, s'il vous plaît. Nous sommes au 11 août. Il
12 s'est passé un mois depuis la chute de Srebrenica.
13 Alors, voyez un peu combien ils sont à être sortis vers Tuzla, 31
14 000, 31 000, et un millier est parti -- enfin, ils ont dit 670, mais ils
15 savent que c'est un millier qui sont partis en Serbie. Donc on parle de 32
16 000. Il manque 3 à 4 000. Et voilà ce que le président dit un peu plus bas
17 : Le nombre des personnes tuées se situe probablement vers 3 000 personnes.
18 C'est le chiffre qui est mentionné dès les premières journées là-bas. En
19 effet, nous avons intercepté un entretien de Chetnik qui dit au téléphone
20 de façon claire, et c'est authentique, il dit : C'était un massacre hier.
21 C'était une véritable boucherie. Alors eux, ils disent : Combien, 300 ? Et
22 l'autre lui répond : Ajoute un zéro. Et cetera, et cetera.
23 Alors on peut nous montrer la -- non, excusez-moi. Je parle -- c'est
24 Silajdzic qui dit : Moi, je parle d'un chiffre total, et je crains fort que
25 ce chiffre ne montre à 5 000. Pendant qu'on était à Kalesija, j'ai appris
26 qu'il y avait eu un massacre. Et il n'en est pas question. Ça ne fait pas
27 l'ombre d'un doute, vous savez, que les fosses communes, ça peut être
28 découvert par des vues prises depuis les satellites.
Page 27301
1 Puis, il parle de Karadzic, et il dit : Si on se dispute avec tout le
2 monde, on n'aura aucune chance, donc nous sommes en train de faire des
3 tactiques. Et ces chiffres disent qu'il y a probablement
4 3 000 qui ont péri, et 2 000, on peut espérer qu'ils sont encore dans des
5 camps. D'autres sont encore en train d'essayer d'opérer des percées.
6 D'autres sont partis vers Zepa. Ils sont donc quelque 3 000 à avoir péri.
7 C'est, d'après les rapports des Chetniks, le chiffre le plus probable.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Alors, Monsieur Masovic, la présidence du pays, un mois après la chute
10 de Srebrenica, sait qu'il y a 31 -- 31 000 personnes d'arrivées à Tuzla,
11 que 670 étaient passées par Zepa et que quelque
12 2 000 encore étaient en train d'errer dans les forêts, et ça aussi, on a
13 des éléments de preuve qui montrent qu'il y a eu longtemps encore des
14 groupes à déambuler. Alors, comment pouvez-vous parlez d'un chiffre de 7 à
15 8 000 personnes qui auraient péri au mois de juillet ?
16 R. Ce que vous affirmez que la présidence avait su, c'est une chose que
17 moi je n'ai pas sue. Moi, je sais que sur 450 sites liés à juillet 1995, on
18 a retrouvé au moins 6 800 cadavres complets ou incomplets. C'est des
19 victimes de Srebrenica qui ont été déclarés par leurs familles comme
20 telles. Et jusqu'à présent, les familles ont déclaré 8 262 victimes de
21 Srebrenica et Zepa. C'est ce que je sais aujourd'hui, 15 ou 16 années après
22 juillet 1995, parce que ce sont des données exactes. Ça vient directement
23 des fosses communes. Hélas, la plupart de ces fosses communes sont des
24 fosses secondaires.
25 Et je dois dire quelque chose d'assez stupéfiant : un homme de
26 Srebrenica a été retrouvé dans quatre fosses communes différentes. Sa tête
27 et ses mains ont été retrouvées dans Zeleni Jadar 4. Sa jambe ou sa cuisse
28 droite a été retrouvée à Glogova 01, son tibia droit a été retrouvé à
Page 27302
1 Bljeceva 03, et sa jambe gauche complète - fémur, tibia et fibula [phon] -
2 a été retrouvée à la fosse commune Budak 02. Ces quatre fosses se trouvent
3 sur le territoire de deux municipalités différentes, sur le territoire de
4 Srebrenica et de Bratunac.
5 Q. Merci.
6 R. Et ce qui est pire encore, le corps de cette victime n'a pas encore été
7 complété.
8 Q. Merci. Mais veuillez répondre par des oui ou des non. Est-ce que vous
9 saviez qu'avant le mois de juillet 1995, la 28e Division avait eu quelque 2
10 000 victimes, quelque 2 000 morts au combat ? Est-ce que vous le saviez ou
11 pas ?
12 R. Non. Ça n'a pas fait l'objet de ce qui m'intéressait. Ni à l'époque, ni
13 aujourd'hui.
14 Q. Merci. Si je vous dis que la plupart, la grande majorité de ces
15 combattants musulmans ont été tués sur le territoire serbe et enterrés sur
16 le territoire serbe, est-ce que c'est là quelque chose que vous considérez
17 comme étant tout à fait compréhensible ?
18 R. Mais je ne sais pas ce que vous considérez être le territoire serbe.
19 Q. Le territoire qui était sous contrôle serbe.
20 R. Ah, ça c'est autre chose. Ils ont été tués dans les villes et les
21 villages où ils résidaient, j'imagine. Ils ont malheureusement été enterrés
22 à l'extérieur de leur lieu de résidence, dans des fosses primaires, puis
23 déplacés vers des fosses secondaires ou tertiaires.
24 Q. Monsieur, moi, je vous parle de la 28e Division qui sortait de la zone
25 protégée pour faire des incursions dans des zones serbes et qui a perdu
26 quelque 2 000 hommes. Il n'y en a pas un seul à avoir été tué sur des
27 territoires contrôlés par les Musulmans mais sur des territoires contrôlés
28 par les Serbes. Est-ce que vous savez, oui ou non, où ces soldats ont été
Page 27303
1 enterrés ?
2 R. De quelle période vous parlez ici, la totalité de la durée de la guerre
3 ou juillet 1995 ?
4 Q. La durée de la guerre en entier, et en particulier à partir de 1993
5 lorsqu'il y a eu proclamation d'une zone protégée. C'est des gens qui ont
6 été tués à l'extérieur de l'enclave, et non pas à l'intérieur de l'enclave.
7 Et une fois tués, où ont-ils donc été enterrés ?
8 R. Mais ça ne peut tout simplement pas être la vérité. Parce que ça
9 signifierait que leurs familles n'auraient pas voulu déclarer leur
10 disparition à la Commission de l'Etat. Alors, si c'est sur ces
11 2 000 -- enfin, je ne dis pas personne, mais là vous dites 2 000. Mais il
12 n'y a pas eu centaine ou plusieurs dizaines de personnes qui auraient été
13 tuées sur les territoires contrôlés par les Serbes, comme vous le dites,
14 qui n'auraient pas fait l'objet d'une déclaration. Parce que s'ils ont
15 véritablement été tués sur des territoires contrôlés par les Serbes, il eut
16 été logique que leur commandement, si ce n'est pas leurs familles, déclare
17 à la Commission d'Etat de Sarajevo leur disparition. Mais ça ne s'est pas
18 passé, donc ce renseignement ne peut en aucun cas être vrai. Ça
19 signifierait que les familles ne voulaient pas déclarer la disparition de
20 leurs maris, de leurs pères, de leurs fils, frères, et cetera. C'est
21 impossible. En Bosnie-Herzégovine, ça ne s'est jamais produit.
22 Q. Monsieur, si l'armée a consigné ses pertes au quotidien, pourquoi
23 voulez-vous qu'elle le déclare ? L'armée savait qu'il y a eu des morts.
24 Pourquoi voulez-vous qu'elle déclare, vous les déclare alors qu'elle savait
25 pertinemment bien que ces hommes étaient tués dans des opérations ?
26 Pourquoi voulez-vous qu'ils vous les
27 déclarent ?
28 R. Mais oui, bien sûr qu'ils sont censés les déclarer. Parce que le nom de
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1 la commission dans laquelle je travaille, c'est la Commission d'Etat des
2 prisonniers de guerre, des personnes détenues, et chargée des corps des
3 personnes tuées et du registre des personnes mortes et disparues. Donc,
4 nous, notre mission était de récupérer les restes, les dépouilles, de tous
5 les membres de l'armée ou de tous les civils, et cetera. Le fait que
6 l'armée ait eu à connaître le nombre de personnes tuées, ça ne met pas un
7 terme à la mission de la commission, si cela est exact. Mais moi, j'affirme
8 que cela ne peut pas être exact parce que cela signifierait que les
9 familles auraient été désintéressées par le sort de leurs proches, et c'est
10 impossible.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je voudrais demander le versement au
13 dossier de cette transcription des échanges entre les membres de la
14 présidence, en attendant une traduction de ce document.
15 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.
16 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin a dit
17 qu'il ne savait pas ce qui se passait au sein de la présidence, et M.
18 Karadzic a donné lecture des parties pertinentes de toute manière.
19 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, de mon avis, Monsieur Karadzic,
20 c'est les parties pertinentes du document. Ce sont les seules parties que
21 nous allons prendre en considération. Vous avez posé des questions qui sont
22 consignées. Les choses sont identifiables, donc il n'est point nécessaire
23 de demander un versement du reste.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Puis-je maintenant demander l'affichage
25 de la pièce 1D5518, s'il vous plaît.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Avez-vous été présent à cette session ? Parce que tout à l'heure
28 vous nous avez dit que vous n'étiez pas présent à cette session où on a
Page 27305
1 déterminé le fait qu'à Tarcin c'est des civils qui sont détenus, qui ne
2 devraient pas être là-bas. Le compte rendu dit que vous aviez été présent à
3 cette réunion.
4 R. J'ai été présent à la session de la présidence qui avait trait à un
5 certain point de l'ordre du jour. Je n'étais pas présent à la totalité de
6 la réunion de la présidence. Ils avaient une dizaine de points à l'ordre du
7 jour, et il y en avait un qui me concernait ou qui nécessitait ma présence
8 pour que je sois un rapporteur éventuellement. Donc je vous confirme que
9 j'ai été présent à la session de la présidence lorsqu'il a été question du
10 statut des prisonniers dans la prison de silo à Tarcin.
11 Q. Merci. Alors pouvez-vous, je vous prie, me dire qu'on a ici la
12 présentation tabellaire des exhumations pour la région de Srebrenica pour
13 dix municipalités où il y a eu exhumations entre 1995 et 2006 ? Alors
14 pouvez-vous nous montrer la dernière page, s'il vous plaît. Regardez ici :
15 fosse commune, fosse individuelle et charnier. Alors, charnier, fosse
16 commune et tombe individuelle. Est-ce que vous aviez eu à connaître cette
17 présentation tabellaire ?
18 Pendant toute la durée de la guerre, Monsieur Masovic, il a été
19 exhumé un total de 8 831 corps, et vous pouvez voir les dates des décès. Et
20 ça, vous le voyez sur un territoire de dix municipalités, toute la région
21 de la vallée de la Drina, de Podrinje, pendant trois années et demie de
22 guerre, donc 30 et quelques mois, montre qu'il a été exhumé à partir de
23 tombes individuelles 1 313, et de charniers, 7 503 personnes.
24 Qu'allez-vous me dire maintenant ?
25 R. Ce document se rapporte - si c'est bien exact ce que dit le titre -
26 entre 1995 et 2006. Il n'y a pas les renseignements liés aux six ou sept
27 dernières années. Je ne sais pas qui a fourni ces chiffres. Il se peut que
28 ce soit l'institut qui les ait fournis, puisqu'il est question de 2006.
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1 Probablement est-ce la Commission fédérale chargées des personnes
2 disparues. Mais je ne vois pas partant du titre de quoi il s'agit. Est-ce
3 qu'il s'agit ici d'une liste de charniers ? Du nombre de victimes ? De quoi
4 s'agit-il, en fait ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on relève la page pour que l'on
6 en voie la partie inférieure.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je vois le bas de la page. Voilà. On voit
8 que c'est des données émanant de la Commission fédérale, comme je l'ai
9 supposé, Commission fédérale chargée des personnes disparues. La date est
10 celle du mois de mai 2007.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Merci. En somme, à l'époque, on avait affirmé que rien qu'à Srebrenica,
13 en juillet 1995, il y a eu 8 000 Musulmans avoir péri. Or, vous voyez qu'on
14 savait pertinemment bien que dans toute la région, dans la région au total
15 pendant la durée totale de la guerre -- et je vous demande de redescendre
16 la page pour qu'on puisse voir les dates des décès. Baissez un peu, s'il
17 vous plaît, le texte. Oui. Ici, il n'y a pas les dates, mais je vais vous
18 montrer un autre document où il y a les dates des décès.
19 Alors, est-ce que vous ne pensez pas qu'ici il s'agit de dix
20 municipalités d'une région au total ? Il y a Zvornik, Vlasenica, Bratunac,
21 Srebrenica. Je ne sais pas si vous avez compté Milici comme étant une
22 municipalité à part. Mais au total, ces municipalités sont au nombre de
23 dix.
24 R. Si ce n'est pas une difficulté, j'aimerais qu'on me ramène la première
25 page pour voir un peu ce que cette liste nous montre. Est-ce que ça se
26 rapporte seulement aux victimes de Srebrenica en juillet 1995 ou à autre
27 chose ?
28 Q. Ça se rapporte aux victimes pendant toute la durée de la guerre. Je
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1 vais vous montrer un autre document pour vous l'illustrer. Ça, c'est ce
2 qu'on a exhumé à l'époque.
3 Alors, quand y a-t-il eu des enterrements à Tombak Mahala ? C'est des
4 gens de Bijeljina, n'est-ce pas ? On est en train de parler fin mars, 31
5 mars 1992, et le 2 avril; c'est bien cela ?
6 R. Je ne sais pas quand est-ce que les enterrements ont eu lieu, mais les
7 disparitions à Bijeljina commencent le 1er avril 1992. Je le suppose, on ne
8 le voit pas dans le tableau, mais je suppose que les victimes qu'on dit
9 avoir été exhumées à Tombak Mahala c'est des gens qui probablement, en 1992
10 ou 1993, ont été enterrés là.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander le versement au dossier de ce
13 document pour passer à un autre document.
14 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne suis pas sûre de
16 ce que le témoin a dit en réalité au sujet de ce document.
17 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Eh bien, il a été fait référence à
18 certaines parties de ce document, et je crois que les Juges de la Chambre
19 devraient disposer de ceci pour placer la transcription ou compte rendu
20 dans le contexte. Je crois que ça devrait être versé au dossier à cette
21 fin.
22 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P2229, Madame,
23 Messieurs les Juges.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Est-ce que vous maintenez le fait -- ou l'affirmation qui est celle de
27 dire que tout ce qui a été exhumé de ces fosses indique la possibilité de
28 déterminer aussi la façon dont sont décédées les personnes exhumées de ces
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1 charniers ou de ces tombes individuelles ?
2 R. Moi, je ne suis pas un témoin oculaire. Partant du fait qu'ils ont pour
3 l'essentiel été enterrés en majeure partie dans des charniers, et l'énorme
4 majorité ou la majorité tout court avaient été déplacés vers des fosses
5 tertiaires ou secondaires, on peut, je pense, tirer des conclusions liés à
6 des exécutions illicites. Parce que pourquoi enterrerait-on des gens dans
7 des charniers ? Pourquoi entrerait-on avec des bulldozers dans ces
8 charniers pour déchiqueter des corps et transporter à bord de camions des
9 parties de cadavres vers quatre sites différents et pour les ré-enterrer
10 dans des fosses secondaires ? S'il n'y a pas eu d'exécutions contraires à
11 la légalité, quelle pourrait être la réponse pour dire quelles sont les
12 raisons pour lesquelles quelqu'un aurait fait cela si la chose avait été
13 légale ?
14 Q. Donc c'est votre thèse, c'est cette logique ou cette analogie-là que
15 vous promenez comme raison principale ?
16 R. Vous savez qu'il y a des survivants, des témoins qui ont témoigné
17 d'exécutions massives, qui ont été présents lors des enterrements de
18 certaines victimes. Vous le savez partant des autres procès. J'ai suivi les
19 choses. Il y a des gens initiés qui avaient parlé d'exécutions de centaines
20 ou de milliers de personnes à Kravica, à Branjevo, Pilica, et cetera. Puis,
21 il y a des prises de vue faites par des satellites qui montrent les sites
22 d'enterrement. Et c'est une petite quantité d'éléments de preuve dont je
23 suis au courant qui indiquent que c'est de façon illicite que l'on a
24 exécuté des gens pour les placer dans ces fosses communes.
25 Q. Merci.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous montrer maintenant, s'il
27 vous plaît, la pièce 1D5517.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
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1 Q. Penchez-vous, s'il vous plaît, sur ceci. Il y a des discordances pour
2 ce qui est des dates de disparition entre la liste présentée par
3 l'Accusation en 2005 et la liste Srebrenica et les renseignements fournis
4 par l'ABiH. Alors, êtes-vous au courant de ces discordances ? Les gens de
5 l'armée ont pris des renseignements qui étaient ceux de l'ABiH où la date
6 était, par exemple, le 10 janvier 1994, et puis ensuite ça a été corrigé --
7 par exemple, pour le cinquième sur la liste.
8 On ne va pas rediffuser ceci vers l'extérieur. Peut-être faut-il
9 garder ceci à l'intérieur du prétoire.
10 Alors il a été consigné qu'il y a eu correction. On dit 12 juillet
11 1995. Buljim, c'est le site, et on parle de Glogova 2 où l'individu en
12 question aurait été retrouvé. Puis, les autres, les deux ou quatre ou cinq
13 suivants ne sont pas contestés. On dit qu'il a péri le 26 avril 1992. Puis,
14 le 26 avril 1992, puis le 4 janvier 1994, retrouvé à Kozluk. Puis, on va un
15 peu plus loin. Le sixième est contesté puis rectifié, et puis viennent les
16 autres noms.
17 Alors voyez un peu combien de rectificatifs il y a eu. Je ne vais pas
18 en donner lecture.
19 Je ne sais pas si c'est un document versé au dossier sous pli scellé.
20 Alors vous voyez qu'un sur cinq se trouve être rectifié. Vers le bas
21 de la page, il y en a même un peu plus. Alors l'armée dispose de
22 renseignements disant que le 15 mai, vers le milieu, 15 mai 1992, décès,
23 enterré à Cancari puis retrouvé -- non, retrouvé à Cancari.
24 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que M. Karadzic est très confus.
25 M. KARADZIC : [interprétation]
26 Q. Penchez-vous vers le bas de page qui dit : L'armée dit qu'il est mort
27 le 22 avril 1992, puis on l'a corrigé pour le 12 juillet 1995.
28 Comment, en 1994, l'armée pouvait-elle prévoir que cet homme allait
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1 mourir en 1995 ? Et c'est des gens qu'on a retrouvés dans des fosses
2 communes, n'est-ce pas ?
3 R. Moi, ce document, c'est la première fois de ma vie que je le vois. Je
4 ne suis pas en mesure de commenter. Je ne l'ai pas rédigé et je ne l'ai pas
5 vu.
6 Mais je vais vous dire autre chose. A Srebrenica, il y a huit
7 personnes qui ont le même nom et prénom, et ils sont tous des disparus. Il
8 y a deux cas de figure en Bosnie-Herzégovine de ce genre. Huit hommes
9 portant les mêmes nom et prénom, et ils sont tous disparus. Il y a quatre
10 homme qui portent -- enfin, quatre cas de figure où il y a le même prénom
11 avec sept personnes d'impliquées. Huit cas de figure où il y a six
12 personnes ayant les mêmes nom et prénom. Six cas de figure où les mêmes
13 noms et prénom sont portés par cinq individus. Donc il y a 779 cas de
14 figure où le nom et le prénom sont les mêmes pour deux personnes et les
15 deux sont disparues. Ce que je veux dire par là, c'est pour faire des
16 comparaisons, il faut que vous ayez des renseignements complets au sujet de
17 chacune de ces victimes pour savoir s'il s'agit de deux personnes
18 différentes ou s'il s'agit de la même personne.
19 Q. S'agissant de données comme le nom du père, la date de naissance, ces
20 données vous aident-elles ?
21 R. Oui.
22 Q. Vous voyez ici la date de naissance. Vous voyez les informations sur la
23 page suivante.
24 S'il vous plaît, veuillez nous afficher la page suivante.
25 Alors vous voyez, ici les choses ne sont pas corrigées, et nous nous posons
26 la question sur la base de laquelle ce qui a été corrigé y a été corrigé.
27 Vous voyez ici le nom du père et la date de naissance. Il s'agit de quatre
28 points qui ne peuvent pas se recouper pour plus de deux personnes, n'est-ce
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1 pas ? Ce sont des données qui ne peuvent correspondre qu'à une seule
2 personne. Voyez-vous, ici nous avons des endroits d'enterrement découverts
3 par l'ICMP. Est-ce que vous doutez du fait que ces personnes aient été
4 trouvées dans des fosses communes ou est-ce que vous acceptez que l'ICMP
5 ait retrouvé dans des fosses communes des corps de personnes ayant trouvé
6 la mort même avant ces dates ? Et est-ce que vous affirmez que ceci n'est
7 pas du tout contesté ? Liplje, Bljeceva, Cancari 1, 2, 3 et 5, Vlasenica,
8 Zeleni Jadar. Dans toutes ces tombes, on peut constater qu'on a trouvé des
9 corps de personnes qui ont trouvé la mort bien avant ces dates. Est-ce que
10 ceci est possible, d'après vous, d'après vos connaissances ? Laissons de
11 côté vos opinions. Les opinions, ces comme des boutons sur une chemise.
12 R. Je peux répéter quelque chose.
13 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez posé au
14 moins six questions dans cette question. C'était en fait plutôt une
15 déclaration qui est la vôtre. Alors qu'il vous reste environ encore 15
16 minutes, quelle est l'information essentielle que vous voulez tirer de ce
17 témoin dans ces questions ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, je veux que le témoin nous
19 dise s'il est possible que s'agissant de ces 260 et quelques personnes pour
20 lesquelles on n'a pas trouvé de recoupement, est-il possible que ces
21 personnes aient pu être enterrées dans des fosses communes, alors que l'on
22 voit que ces personnes avaient trouvé la mort avant, et ceci a été par la
23 suite corrigé même si l'armée détient des informations sur le fait que ces
24 personnes avaient trouvé la mort bien avant ? Est-ce qu'il est tout à fait
25 possible que l'on ait pu enterrer dans ces fosses communes des personnes
26 qui avaient été mortes au cours des périodes précédentes ? Et d'ailleurs,
27 nous avons cette liste pour mieux le confirmer. Le témoin était quelqu'un
28 qui a participé au groupe d'experts qui a pris part aux exhumations et qui
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1 a fait partie du groupe d'experts.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je répète, je ne peux pas faire de
3 commentaire sur un document que je n'avais jamais vu avant ceci. Je n'ai
4 pas non plus participé à la rédaction de ce document. D'ailleurs, dans ce
5 document, vous n'avez pas suffisamment d'éléments vous permettant de tirer
6 quelque conclusion que ce soit, et ce, sur la base de ce que je vous ai dit
7 un peu plus tôt. Vous avez, par exemple, huit personnes pour lesquelles
8 vous avez, par exemple, le même nom du père. J'ai des données de ce type
9 même dans ma chambre d'hôtel. Donc vous avez des personnes qui sont nées à
10 la même date. Ils n'ont peut-être pas la même date mais la même année de
11 naissance, et leurs pères portent le même nom. Alors il y a des cas où vous
12 avez quatre éléments importants qui correspondent.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Ecoutez, prenez, par exemple, Omerovic au point 15, Tahir, fils de
15 Zahir. Où est-ce que vous l'enregistrez ? Où est-il mort et de quelle façon
16 d'après vous ? Il a été trouvé à Hodzici sur la route 5. Où est-il mort ?
17 De quelle façon est-il mort ?
18 R. La tombe Hodzici 5 est la tombe sur laquelle -- c'est le Tribunal de La
19 Haye qui a travaillé sur son exhumation. Donc ce n'est pas notre institut.
20 Ce n'est personne d'autre que les enquêteurs du Tribunal de La Haye. Toutes
21 les personnes ayant été identifiées dans la fosse Hodzici 5 sont des
22 personnes qui ont été portées disparues de Srebrenica en juillet 1995. Mais
23 il existe également un cas, et je vais vous donner cet exemple : on a
24 trouvé dans une même tombe des victimes ayant trouvé la mort en 1992 et
25 d'autres personnes ayant trouvé la mort en 1995. Vous pouvez le voir dans
26 mon tableau numéro 2, qui est versé au dossier -- qui figure au dossier
27 dans cette affaire. Donc, s'agissant des tombes qui ont été exhumées et qui
28 contenaient des corps de combattants bosniens en 1992, plus tard on a
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1 apporté des cadavres de 1995 dans la même tombe. Mais nous avons très
2 clairement séparé les deux. Vous le verrez dans mon tableau numéro 2, nous
3 avons très clairement identifié qui étaient des victimes de Bljeceva de
4 1992 et qui a été tué en 1995. Nous n'avons donc pas parlé des victimes de
5 1992 comme étant des victimes de 1995. Il est tout à fait clair de voir à
6 cet endroit-là en quelle année les personnes ont-elles péri. Et vous verrez
7 que s'agissant de 120 personnes qui sont des victimes de Srebrenica, elles
8 sont identifiées comme étant dans le tombeau de Bljeceva. Vous avez 120
9 personnes de 1994 et vous avez 30 victimes de 1992.
10 Q. Très bien. Alors dites-nous quelles sont vos connaissances s'agissant
11 du ratissage du terrain ? Est-ce que l'on enterre les cadavres que l'on y
12 retrouve de façon individuelle ou bien tous ces cadavres sont-ils placés
13 dans une même fosse, dans une fosse
14 commune ?
15 R. Je n'ai absolument aucune expérience s'agissant du ratissage du
16 terrain. Pendant la guerre, il était impossible de se rendre sur le terrain
17 ennemi pour procéder au ratissage du terrain. Je ne sais pas, ceci doit
18 sûrement dépendre d'une série de circonstances. Le facteur temporel est
19 très important, le terrain est important également, et également le fait de
20 savoir qui sont les victimes. Donc il y a une série d'éléments qui font en
21 sorte que le ratissage du terrain peut sûrement être bien différent dans
22 chaque cas. Je n'ai aucune expérience du ratissage du terrain.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demanderais le versement au
24 dossier de cette liste. Il s'agit de cinq pages.
25 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Madame Sutherland.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas de
27 raison pour m'opposer au versement au dossier de cette liste. Le témoin a
28 déclaré -- ou plutôt, a parlé du document parce que M. Karadzic lui a
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1 montré certaines entrées, mais il a dit qu'il n'en est pas l'auteur. Il ne
2 peut pas parler sur la teneur du document non plus --
3 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Justement, j'étais de cette même
4 opinion. En fait, il y a un nombre d'informations limitées que le témoin a
5 pu nous donner, et donc tout figure au compte rendu d'audience.
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Justement, c'était ma réaction
7 initiale. Donc oui, je suis d'accord avec vous, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Bien. Donc j'aurais peut-être dû
9 vous demander avant, Madame Sutherland, est-ce que vous avez des questions
10 supplémentaires à poser au témoin ?
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Très brièvement, une ou deux questions.
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Très bien. Merci.
13 Docteur Karadzic, de nouveau, je vais vous dire que les éléments les
14 plus essentiels sont contenus dans le compte rendu d'audience, donc il
15 n'est pas nécessaire de faire verser au dossier cette liste. Et alors que
16 j'y réfléchis, le dernier document qui a été versé au dossier et à qui on a
17 donné la cote ID5518 aurait dû, en fait, être versée au dossier aux fins
18 d'identification car ce document ne comporte pas de traduction. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Excellences, dans cette déclaration,
20 j'ai 118 paragraphes. Le témoin a bien voulu nous donner la réponse selon
21 laquelle il nous a dit que certaines déclarations n'ont pas fait l'objet de
22 ses préoccupations. Mais j'aimerais, voilà, vous demander si vous
23 permettriez que M. Masovic reste encore un volet d'audience demain, car
24 nous allons sans doute pouvoir terminer avec l'audition du Témoin 084 très
25 rapidement. Il s'agit de documents volumineux. Et je vous demanderais de
26 bien vouloir m'accorder cette demande.
27 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Mais j'ai cru comprendre que le
28 témoin doit partir tôt demain matin. Il a un billet d'avion. Il doit
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1 quitter La Haye à 9 heures du matin, donc je ne crois pas que nous allons
2 pouvoir terminer l'autre témoin avant lui, et je ne vois vraiment pas
3 comment ceci pourrait être organisé.
4 Docteur Karadzic, nous avons fait de notre mieux pour vous venir en aide à
5 la lumière des circonstances.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie. Je demanderais maintenant que
7 l'on se concentre ensemble sur la pièce 1D5520.
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Monsieur Masovic, combien de Serbes sont-ils disparus à Sarajevo ? Vous
10 nous avez dit que les Serbes ne déclaraient pas la disparition de leurs
11 êtres chers, ni avant la guerre, ni après la guerre -- mais après la
12 guerre, oui, à quelques reprises; est-ce que c'est bien ce que vous avez
13 déclaré ?
14 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Certaines familles serbes
15 déclaraient la disparition de leurs êtres chers à la Commission d'Etat pour
16 les personnes portées disparues, mais je suis d'accord avec vous pour dire
17 que la plupart des personnes de nationalité serbe avaient déclaré leurs
18 êtres chers pendant la guerre, et c'étaient aux collègues chargés de la
19 Commission centrale pour l'échange des prisonniers de guerre. D'après les
20 informations que je détiens grâce à mon travail dans d'autres commissions
21 et aujourd'hui grâce à mon travail dans l'Institut pour les personnes
22 portées disparues, ce chiffre, et je vais donner le chiffre total, donc les
23 personnes de nationalité serbe de la municipalité de Sarajevo, comportant
24 15 municipalités - Hadzic [phon] et Trnovo, Stari Grad, Centar et Novo
25 Sarajevo - ces personnes qu'on -- il s'agit de 150 à 100 --
26 L'INTERPRÈTE : -- inaudible.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] -- 350 à 380. Il ne s'agit pas de nombre total
28 de Serbes qui ont péri. Les raisons principales pour leur mort, c'est le
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1 pilonnage à la ville de Sarajevo. Il existe également des cas dans lesquels
2 les ressortissants serbes sont tués dans la ville de Sarajevo, n'étant pas
3 victimes ni de pilonnage ni de tirs embusqués.
4 Nous connaissons les cas de la famille Ristovic, où six membres de
5 leur famille ont été tués à Sarajevo. Leurs noms ne figurent pas sur la
6 liste des personnes portées disparues, car leurs corps ont été remis à
7 leurs familles et ces derniers sont enterrés au cimetière de Lav. Mais nous
8 pouvons dire que le nombre de Serbes tués à Sarajevo est supérieur à ce
9 chiffre de 350 à 380, parmi ceux qui ont été déclarés comme personnes
10 portées disparues. Donc, ce chiffre peut -- selon certaines organisations
11 non gouvernementales, le chiffre total d'environ 450 personnes, s'agissant
12 des personnes qui ont été tuées pour lesquelles les personnes vivant à
13 Sarajevo, pourraient être responsables, y compris les membres de certaines
14 formations militaires. Et vous savez qu'on a également eu des procès
15 intentés à l'encontre de certaines personnes qui étaient disponibles et qui
16 sont responsables de la mort de la famille Ristovic et d'autres --
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Merci, merci. Si on avait du temps, ce serait une bonne chose que de
19 vous entendre, mais là, je voudrais qu'on vous montre la page suivante.
20 Moi, ce que je voudrais, Monsieur Masovic, c'est vous montrer des listes
21 caduques de Serbes qui sont disparus ou tués pour la partie de Sarajevo qui
22 était placée sous le contrôle de l'ABiH, c'est-à-dire des Musulmans, et
23 cette liste-là nous dit qu'il y a plus de 3 200 personnes. Et les listes
24 les plus récentes avec noms, prénoms, lieux, renseignements forts précis
25 nous disent plus de 5 500 Serbes tués dans Sarajevo sous l'autorité
26 musulmane. Alors, est-ce que vous avez sur vos listes les gens que vous
27 voyez ici ?
28 Des pages comme celle-ci, il y en a 180. Vous pouvez demander à ce
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1 que ce soit feuilleté pour que vous puissiez voir le reste.
2 Alors ici, on dit restaurant Amerikanac, juillet 1992, siège du
3 commandement d'une formation paramilitaire. Troisième, disparu à Sarajevo
4 le 1er juillet 1992. Quatrième, emmenée de chez elle, de Civljane. Avec nom,
5 prénom, le nom du père, l'année de naissance. Par exemple, celle-là était
6 née en 1905, cette vielle femme. On l'a emmenée, on l'est sortie de son
7 appartement.
8 Alors, qu'allez-vous dire, Monsieur Masovic, lorsque ici il sera
9 prouvé que plus de 5 500 Serbes ont été tués dans cette petite partie de
10 Sarajevo placée sous le contrôle musulman ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on vous montre la page 2, puis
12 la page 3, pour que vous puissiez vous en faire une idée.
13 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Karadzic, autorisez donc le
14 témoin à répondre avant que de passer à autre chose.
15 Monsieur Masovic, dites-nous d'abord si vous avez de par le passé déjà vu
16 ce document et est-ce que vous avez des connaissances au sujet de sa teneur
17 ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je vois ce document
19 aujourd'hui. Je n'ai aucune connaissance afférente à ce document. On ne
20 voit pas qui en est l'auteur. Si je devais m'aventurer à analyser tout
21 ceci, je vous dirais que j'en connais assez long. Je pourrais parcourir le
22 document entier pour commenter éventuellement, mais je n'en vois pas la
23 nécessité, parce que c'est quelque chose que je vois pour la première fois.
24 Les noms que je suis en train de lire, et qu'on est en train de me montrer,
25 ne me disent rien.
26 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, vous avez obtenu
27 une réponse. Il n'y aucune raison de parcourir ce document avec ce témoin.
28 Bien entendu, pas en ce moment-ci. Il serait préférable, une fois que le
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1 moment soit venu, de demander son versement au dossier sans passer par le
2 biais d'un témoin.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Masovic, vous avez parlé d'échange de civils et vous avez dit
6 que ce n'est que plus tard que vous aviez accepté de procéder à des
7 échanges de civils. Vous nous avez dit que les Serbes vous avaient proposé
8 d'échanger des civils musulmans contre des civils serbes; est-ce bien exact
9 ?
10 R. Eh bien, il faut que nous fassions une distinction. Il y a deux groupes
11 de civils : des civils qui n'étaient pas en prison et des civils qui se
12 trouvaient dans des prisons. Quand on parle de façon générale de civils, il
13 faut bien faire une distinction. Il y en avait qui étaient dans des prisons
14 et d'autres pas. Ce à quoi se rapportait mon rapport, c'était les deux,
15 c'est-à-dire une tentative de faire en sorte que les gens qui ne sont pas
16 détenus fassent partie d'un processus d'échange de population. C'est un
17 processus de nettoyage ethnique des territoires.
18 Q. Bon. Merci. Est-il exact de dire que sur le pont de l'unité de la
19 fraternité il y a eu des échanges non seulement de prisonniers de guerre,
20 mais que des gens suivant des listes établies par les familles de l'autre
21 côté avaient traversé la ligne de confrontation pour aller de l'autre côté,
22 rien que dans la ville de Sarajevo.
23 R. Si ça s'est produit, c'était absolument hors du mandat qui est le
24 nôtre. La commission d'Etat n'y a pas participé, si tant est que ça s'est
25 bien produit.
26 Q. Très bien. Merci.
27 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, Docteur Karadzic,
28 ceci doit être votre dernière question, parce que indépendamment de tout le
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1 reste, il faut que nous levions l'audience du fait de notre personnel. Il
2 faut assurer quelques minutes pour les questions complémentaires.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Il faudra qu'on fasse revenir ce témoin
4 une autre fois, alors.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. Est-ce que les Serbes se seraient fâchés si vous aviez lâché ou laissé
7 partir les 3 000 Serbes de Sarajevo, demandé par Bulajic, sans demander en
8 échange des Musulmans ? Est-ce que vous auriez accepté de relâcher des
9 Serbes si les Serbes de l'autre côté ne relâchaient pas ou ne laissaient
10 pas passer des Musulmans ?
11 R. Vous avez vu dans mon rapport que j'ai absolument refusé toute idée de
12 m'entretenir avec M. Bulajic au sujet d'un nettoyage ethnique.
13 Q. Non, non, attendez. Ma question, moi, je parle -- vous parlez
14 d'échange. Moi, je vous parle de la demande qui consiste à relâcher des
15 gens. Il vous a donné une liste de Serbes qui avaient exprimé le souhaite
16 de quitter Sarajevo. Alors, est-ce que vous pensez que les Serbes ne les
17 auraient pas laissé entrer de l'autre côté si -- quand bien même il n'y
18 aurait pas eu échange ?
19 R. Mais ça, c'est véritablement une question hypothétique. Comment voulez-
20 vous que je sache ce que les uns ou les autres auraient pensé ? Moi, je ne
21 voulais pas participer à des activités aussi peu honorables, c'est-à-dire
22 faire en sorte que les gens quittent leurs maisons ou leurs appartements,
23 et ce, indépendamment du fait de savoir s'ils le souhaitaient ou pas, sans
24 entrer dans le détail de ce qu'ils voulaient. Moi, j'ai reconnu un nom et
25 prénom et sur la liste des 3 000. Ce n'est pas moi qui l'ai reconnu. C'est
26 un collègue à moi, un avocat, Slavko Asceric, qui, à ce moment-là, était
27 chef de la commission des échanges et ministre adjoint de la police de la
28 République de Bosnie-Herzégovine. Quand il a vu son propre nom et le nom de
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1 son épouse, pour voir, donc, que la partie adverse, la partie serbe, le
2 réclamait, le demandait à ce qu'il sorte de Sarajevo, il a ri. Il m'a
3 montré du doigt son propre nom et le nom de sa femme, et moi, après cela,
4 j'ai tout simplement rendu la liste à M. Bulajic, et je lui ai dit :
5 Monsieur Bulajic, je n'ai pas besoin de l'annuaire téléphonique des Serbes
6 à Sarajevo.
7 M. LE JUGE MORRISON : [aucune interprétation]
8 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, je crois qu'il a
10 répondu à sa façon, et restons en là.
11 Madame Sutherland, vous avez la parole.
12 Nouvel interrogatoire par Mme Sutherland :
13 Q. [interprétation] Monsieur Masovic, au fil des quelques dernières
14 réponses aux questions posées par M. Karadzic, vous avez dit que dans votre
15 rapport il est fait référence à des échanges de civils, et vous avez
16 mentionné un nettoyage ethnique à cet effet. Alors en le disant, est-ce que
17 vous faites référence à votre déclaration consolidée ? Dans le rapport,
18 vous avez eu à l'esprit, donc, cette déclaration consolidée où il est
19 question des échanges sous pression des Serbes de Bosnie pour procéder à
20 des échanges de civils, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Un peu plus tôt dans la journée d'aujourd'hui, M. Karadzic, et je me
23 réfère à la page 75 du compte rendu --
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Nous avons au plus deux minutes à
25 notre disposition avant la fin de la bande d'enregistrement.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Q. Il a dit qu'il a su quel était le nombre de personnes relâchées de
28 Manjaca pour aller vers des pays tiers, et vous nous avez dit que, en page
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1 76, ça a fait l'objet de protestations du CICR auprès des autorités serbes,
2 et je crois que vous allez vous en souvenir.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il fait référence au 65 ter 13031, que je
4 voudrais qu'on nous montre sur nos écrans, s'il vous plaît.
5 Q. Non, c'est le 11031. Je me suis trompée de référence. Il s'agit d'une
6 communication à l'intention des médias numéro 92, 16 décembre 1992, émanant
7 du CICR. Et voyez au paragraphe 2 qu'on laisse entendre qu'il est question
8 de relâcher des prisonniers de Manjaca alors que le CICR avait demandé des
9 informations portant sur 529 détenus transférés de Manjaca, sans qu'il y
10 ait connaissance de ce qui s'était passé. Est-ce que c'est à cela que vous
11 faites référence ?
12 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Je vois que le témoin hoche de la
13 tête, pour les besoins du compte rendu.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est en effet la protestation du CICR
15 pour le fait d'avoir dissimulé 529. Moi, je dis 500.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas une protestation, c'est une
17 demande.
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais je
19 n'ai pas le temps de montrer le P03727, qui est une note officielle pour ce
20 qui est du camp Batkovic.
21 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, mais le témoin ne peut pas
22 parler de cela.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, on parle de la date du 13 décembre.
24 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Oui, mais nous n'avons plus le
25 temps.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser.
27 M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Monsieur Masovic, merci beaucoup
28 d'être venu au Tribunal. Votre témoignage vient de prendre fin, et je vous
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1 souhaite et nous vous souhaitons un bon voyage retour chez vous.
2 Nous allons lever l'audience, et nous allons nous retrouver ici demain
3 matin à 8 heures.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les Juges.
5 --- L'audience est levée à 15 heures 28 et reprendra le mercredi 11 avril
6 2012, à 8 heures 00.
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