Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 28 juin 2012

  2   [Jugement Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 11 heures 00.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous. J'aimerais que le

  7   greffier d'audience nous cite le numéro de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-95-

  9   5/18-T, le Procureur contre Radovan Karadzic.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 11   Pourrais-je savoir qui représente les parties. A commencer par

 12   l'Accusation, Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs et

 14   Madame les Juges. M. Tieger, Hildegard Uertz-Retzlaff -- nous représentons

 15   l'Accusation.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 17   Et pour la Défense, s'il vous plaît.

 18   L'ACCUSE : [interprétation] M. Karadzic, accusé, et Peter Robinson.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous n'avons pas eu d'interprétation en

 20   anglais. Est-ce que vous pouvez répéter, s'il vous plaît.

 21   L'ACCUSE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Messieurs

 22   les Juges. Je suis présent ici avec mon conseiller juridique, Me Robinson,

 23   et j'ai également un attaché conseiller juridique.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Et quant au conseil d'appoint.

 25   M. HARVEY : [interprétation] Oui. Richard Harvey, avec mon assistante.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Harvey.

 27   Je ne suis pas sûr que vous entendiez la traduction française. Vous

 28   n'entendez rien ? Vous entendez ? Non.


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  1   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous m'entendez ? Oui.

  3   La Chambre de première instance a convoqué cette audience pour rendre

  4   sa décision relative à la demande orale d'acquittement de l'accusé en

  5   application de l'article 98 bis du Règlement de procédure et de preuve du

  6   Tribunal. Le 11 juin 2012, l'accusé a déposé une demande d'acquittement

  7   pour chacun des 11 chefs d'accusation de l'acte d'accusation. L'Accusation

  8   a répondu à la demande le 13 juin 2012, en s'y opposant.

  9   La Chambre de première instance va commencer par exposer la norme

 10   juridique applicable. En vertu de l'article 98 bis tel qu'amendé en 2004, à

 11   la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de première

 12   instance doit, par décision orale et après avoir entendu les arguments

 13   oraux des parties, prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour

 14   lequel il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de justifier une

 15   condamnation.

 16   Comme ceci est énoncé dans de nombreuses décisions en application de

 17   l'article 98 bis, y compris dans les procès de Mrksic et consorts, Popovic

 18   et consorts, et Milutinovic et consorts, le critère appliqué est celui de

 19   savoir si les éléments de preuve sur la base desquels, si tant est qu'ils

 20   soient acceptés, un juge de fait raisonnable pourrait être convaincu au-

 21   delà de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé impliqué dans

 22   le chef d'accusation en question. Le critère utilisé n'est pas celui de

 23   savoir si une Chambre de première instance prononcerait une condamnation

 24   au-delà de tout doute raisonnable, mais plutôt si elle pourrait le faire.

 25   Par conséquent, en l'absence d'élément de preuve étayant un chef

 26   d'accusation ou lorsque les seuls éléments de preuve pertinents sont

 27   tellement invraisemblables qu'ils ne pourraient pas justifier une

 28   condamnation même lorsqu'on leur accorde la valeur maximale au profit de


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  1   l'Accusation, un acquittement sera prononcé au titre de ce chef

  2   d'accusation. A ce stade, le rôle de la Chambre de première instance n'est

  3   pas d'évaluer la crédibilité des témoins, ni les forces, ni les faiblesses

  4   des éléments de preuve contraires. De plus, en décidant qu'il existe des

  5   éléments de preuve suffisants pour justifier une condamnation au titre d'un

  6   chef d'accusation donné, une Chambre de première instance ne sera pas

  7   nécessairement amenée à prononcer une condamnation à l'issue du procès.

  8   La Chambre de première instance a également remarqué que lorsque des

  9   éléments de preuve seront mentionnés ultérieurement et étayeront ses

 10   conclusions, le fait que ceci ait été envisagé aux fins de cette décision

 11   ne saurait indiqué de manière immuable que la Chambre de première instance

 12   acceptera en tout ou en partie ces éléments de preuve. De la même manière,

 13   le fait que certains éléments de preuve ne sont pas mentionnés dans cette

 14   décision 98 bis ne signifie pas que la Chambre ne les accepterait pas et ne

 15   s'en servirait pas pour étayer son jugement.

 16   Le Règlement ne stipule pas non plus que la Chambre de première

 17   instance soit convaincue qu'il y ait des éléments de preuve qui étayent

 18   chacun des éléments individuels constituant un chef d'accusation

 19   spécifique. Par exemple, pour les crimes de persécution en vertu du chef

 20   d'accusation numéro 3, il est suffisant que des éléments de preuve existent

 21   sur une ou plusieurs formes de persécution telles qu'avancées. Il est

 22   également suffisant qu'il y ait des éléments de preuve qui pourraient donc

 23   étayer une condamnation sur la base d'un des modes de responsabilité

 24   imputés dans l'acte d'accusation. Même si l'accusé a contesté la totalité

 25   des modes de responsabilité, cette décision va s'axer sur l'évaluation de

 26   la responsabilité de l'accusé au titre de chacun des 11 chefs d'accusation

 27   pour la commission en vertu de l'article 7 [comme interprété] du Statut du

 28   Tribunal par le biais de sa participation à quatre entreprises criminelles


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  1   communes, tel qu'allégué dans l'acte d'accusation. C'est seulement s'il n'y

  2   avait pas d'élément de preuve en vertu de ce mode de responsabilité que les

  3   Juges de cette Chambre de première instance se tourneraient vers d'autres

  4   modes stipulés dans les articles 7(1) et 7(3) du Statut.

  5   Les Juges de cette Chambre souhaiteraient commencer par deux notes

  6   liminaires. Tout d'abord, en ce qui concerne le grief présenté par l'accusé

  7   en ce qui concerne l'utilisation très vaste du concept de "forces bosno-

  8   serbes", les Juges de cette Chambre souhaiteraient citer à nouveau le

  9   paragraphe 32 de la décision sur deux demandes faisant état des manquements

 10   dans la forme de l'acte d'accusation qui ont été produits par la Chambre de

 11   mise en état dans ce procès le 12 mai 2009, dans laquelle il a été décidé

 12   qu'il n'y avait en fait pas de manquement dans cet acte d'accusation. La

 13   Chambre de première instance note également que par le biais de cette

 14   décision, elle utilisera le terme de "forces bosno-serbes" ou de "forces

 15   serbes de Bosnie", tel que défini par l'Accusation dans le paragraphe 14(b)

 16   de l'acte d'accusation. Deuxièmement, la Chambre fait remarquer que pour

 17   les besoins de cette décision, elle utilisera le terme de "municipalités",

 18   tel que défini dans le paragraphe 48 de l'acte d'accusation par

 19   l'Accusation.

 20   La Chambre de première instance va tout d'abord présenter sa décision en ce

 21   qui concerne l'aspect des otages de ce procès avant de passer à l'aspect

 22   concernant Sarajevo, puis à Srebrenica, et enfin, en concluant, nous

 23   parlerons du chapitre des municipalités.

 24   Les Juges de la Chambre voudraient donc commencer par les griefs présentés

 25   par l'accusé en ce qui concerne l'aspect des otages de ce procès.

 26   En ce qui concerne les griefs présentés par l'accusé, celui-ci avance que

 27   le personnel des Nations Unies détenu était des combattants qui

 28   participaient aux hostilités, et que l'article 3 du Statut comprend les


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  1   protections qui sont garanties par l'article 3 commun des conventions de

  2   Genève de 1949 et que, par conséquent, ne protège que les personnes qui ne

  3   prenaient pas activement part aux hostilités. En ce qui concerne son

  4   élément moral, il avance également qu'il considère qu'au moment de leur

  5   détention, le personnel des Nations Unies qui était détenu l'était en tant

  6   que prisonniers de guerre. L'Accusation a répondu en déclarant que le

  7   statut du personnel des Nations Unies n'a pas lieu d'être envisagé étant

  8   donné que l'article 3 protège les personnes qui ne participent pas

  9   directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont

 10   déposé les armes et les personnes qui ont été mises "hors de combat" par

 11   leur détention. L'Accusation répond également en disant que toute

 12   déclaration prononcée par l'accusé stipulant que le personnel des Nations

 13   Unies détenu était considéré comme des prisonniers de guerre est contredit

 14   par des éléments de preuve qui font état du fait qu'il avait l'intention de

 15   gagner un avantage ou d'obtenir des concessions en tant que conséquence

 16   directe de leur détention.

 17   La Chambre de première instance ne va pas déterminer à ce stade ce qui

 18   constitue un élément juridique constitutif du crime de prise d'otages en

 19   vertu du Statut. Cependant, les Juges de la Chambre rappellent que la

 20   Chambre d'appel en l'espèce, dans sa décision en appel relative à la

 21   décision de la Chambre de première instance sur l'exception préjudicielle

 22   aux fins de supprimer le chef 11 de l'acte d'accusation qui a été publiée

 23   le 9 juillet 2009, a confirmé que l'article 3 commun interdit la prise

 24   d'otages de toute personne qui ne participe pas activement aux hostilités,

 25   y compris les personnes qui ont été placées hors de combat par le fait de

 26   leur détention. Par conséquent, il est suffisant de faire remarquer que

 27   même si le personnel des Nations Unies était des combattants immédiatement

 28   avant leur détention, le fait qu'ils aient été rendus hors de combat par le


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  1   fait de leur détention, ils étaient donc habilités à bénéficier des

  2   protections minimums garanties par l'article 3 commun. Les Juges de la

  3   Chambre ont entendu les dépositions de Patrick Rechner, Joseph Gelissen et

  4   Marcus Helgers, qui étaient des membres du personnel des Nations Unies en

  5   1995 détenus par les forces bosno-serbes et qui avaient été cantonnés dans

  6   des zones d'importance militaire pour l'armée de la Republika Srpska, que

  7   l'on connaît également sous l'appellation de VRS. Ils étaient menacés de

  8   mort à moins que l'OTAN mette fin à ses frappes aériennes contre les cibles

  9   militaires bosno-serbes. Les Juges de la Chambre ont également entendu dans

 10   les dépositions de MM. Rechner, Helgers et Rupert Smith que ces menaces

 11   avaient été transmises tant au personnel des Nations Unies détenu

 12   directement qu'à l'attention de M. Smith et du QG de la Force de protection

 13   des Nations Unies, que l'on connaît également sous l'abréviation française

 14   de FORPRONU.

 15   Par conséquent, la Chambre considère que les éléments de preuve sur la base

 16   desquels, si tant est qu'ils étaient acceptés, un juge de fait raisonnable

 17   pourrait être satisfait au-delà de tout doute raisonnable que le crime de

 18   prise d'otages constitue une violation des lois et des coutumes de la

 19   guerre en vertu de l'article 3 du Statut, et plus particulièrement au titre

 20   de l'article 3 commun, que donc ces crimes ont été commis par les forces

 21   bosno-serbes entre mai et juin 1995.

 22   Nous passons maintenant à la responsabilité de l'accusé au titre du chef 11

 23   de l'acte d'accusation. Les Juges de la Chambre ont entendu une déposition

 24   de M. Smith et ont accepté le versement de pièces au dossier telles que

 25   P2137, P2149, P5013 et P2268, qui montrent dans chacun des cas que suite

 26   aux frappes aériennes de l'OTAN, les dirigeants politiques bosno-serbes et

 27   la VRS ont mis en place un plan visant à détenir le personnel des Nations

 28   Unies et à les cantonner dans des sites d'une importance militaire


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  1   importante pour la VRS. L'objectif de ce plan était de s'assurer que l'OTAN

  2   ne puisse plus poursuivre ses frappes aériennes, tel que ceci a été

  3   mentionné, à savoir que ceci aurait constitué des menaces pour le personnel

  4   détenu. Il y a des éléments de preuve également qui montrent que les

  5   membres de l'équipe de dirigeants politiques bosno-serbes ainsi que des

  6   membres des dirigeants militaires ont participé à ce plan, y compris

  7   l'accusé et M. Ratko Mladic.

  8   Par conséquent, la Chambre considère qu'il y a des éléments de preuve sur

  9   la base desquels, si tant est qu'ils soient acceptés, un juge de fait

 10   raisonnable pourrait au-delà de tout doute raisonnable considérer qu'il y

 11   avait une entreprise criminelle commune, à savoir un objectif commun qui

 12   était de prendre les otages au sein des membres du personnel des Nations

 13   Unies afin de forcer l'OTAN à éviter de continuer ses frappes aériennes

 14   contre les cibles militaires bosno-serbes, et l'accusé a participé à cela.

 15   En ce qui concerne la contribution précise de l'accusé en la matière, les

 16   Juges de la Chambre ont entendu des dépositions que compte tenu de son rôle

 17   en tant que commandant Suprême de la VRS et président de la Republika

 18   Srpska, il avait approuvé des ordres provenant de la VRS visant à détenir

 19   le personnel des Nations Unies. Il s'agit des pièces P2137 et P5026. Les

 20   Juges de cette Chambre ont également entendu lors de la déposition de M.

 21   Smith qu'avant que le personnel des Nations Unies soit détenu, l'accusé lui

 22   avait dit que si l'OTAN menait des frappes aériennes contre les Bosno-

 23   Serbes, ceux-ci traiteraient les Nations Unies comme leur ennemi et

 24   lanceraient des attaques ou essaieraient de mettre en détention le

 25   personnel des Nations Unies. Ceci est confirmé par les pièces P2264 et

 26   P2265. Les éléments de preuve présentés à la Chambre de première instance

 27   montrent également que l'accusé partageait cette intention visant à prendre

 28   en otage le personnel des Nations Unies. Par exemple, on peut le voir dans


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  1   la pièce P2137, où l'accusé a approuvé un ordre en date du 26 mai 1995

  2   enjoignant la VRS de cantonner le personnel des Nations Unies dans des

  3   sites qui pourraient constituer des cibles pour les frappes aériennes de

  4   l'OTAN. Le 29 mai 1995, l'accusé, dans une conversation téléphonique qui

  5   avait pour interlocuteur notamment Krajisnik, a mentionné que parmi ses

  6   exigences pour la libération du personnel des Nations Unies, l'OTAN devait

  7   mettre fin à ses frappes aériennes. Il s'agit de la pièce P5626. Plus tard,

  8   le 15 juin 1995, lors de la 51e Séance de l'assemblée de la Republika

  9   Srpska, l'accusé a déclaré que les Bosno-Serbes avaient relâché la plupart

 10   des membres du personnel des Nations Unies mis à part 15 personnes qui

 11   étaient toujours détenues afin de s'assurer que les armes de la VRS restent

 12   à Sarajevo, et il a ajouté, et je le cite : "Nous avons même quelque peu

 13   bénéficié de cette crise." Il s'agit de la pièce P1410.

 14   Par conséquent, les Juges de la Chambre sont convaincus qu'il existe des

 15   éléments de preuve sur la base desquels, si tant est qu'ils soient

 16   acceptés, un juge de fait pourrait décider qu'au-delà de tout doute

 17   raisonnable l'accusé a participé volontairement à une entreprise criminelle

 18   commune dont l'objectif commun était de prendre des otages au sein des

 19   membres du personnel des Nations Unies afin d'empêcher l'OTAN de continuer

 20   à mener des frappes aériennes contre des cibles militaires bosno-serbes.

 21   Des éléments de preuve ont été également présentés aux Juges de la Chambre

 22   qui laissent penser qu'il partageait cette intention avec les autres

 23   membres de cette entreprise criminelle commune afin de mener à bien cet

 24   objectif.

 25   Les Juges de la Chambre vont maintenant parler des griefs de l'accusé en ce

 26   qui concerne la partie du procès concernant Sarajevo.

 27   En ce qui concerne les chefs d'accusation numéro 5 et 6, l'accusé avance

 28   qu'il n'y a aucun élément de preuve de son intention délictuelle en ce qui


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  1   concerne le fait qu'il aurait planifié, aidé, encouragé, inciter à

  2   commettre ou commis des meurtres. Etant donné que l'accusé avance

  3   également, dans le cadre de griefs qu'il avance au titre des chefs 9 et 10,

  4   qu'il n'y a aucun élément de preuve qui laisse penser que des incidents de

  5   bombardement ou de tirs embusqués avaient été commis de la part des Serbes,

  6   la Chambre, par conséquent, considère qu'elle devra également couvrir

  7   l'élément matériel des meurtres qui auraient été commis à Sarajevo.

  8   L'Accusation a répondu que les éléments de preuve montrent que les civils à

  9   Sarajevo faisaient fréquemment l'objet d'attaques de la part des Bosno-

 10   Serbes.

 11   Les Juges de la Chambre vont tout d'abord aborder la question de savoir

 12   s'il existe des éléments de preuve faisant état du fait que des meurtres

 13   ont été commis par les forces bosno-serbes à Sarajevo. La Chambre de

 14   première instance a reçu des éléments de preuve importants en ce qui

 15   concerne les meurtres qui ont été commis à Sarajevo, ainsi que le fait que

 16   ces meurtres ont été commis par des forces bosno-serbes. Par exemple, Bakir

 17   Nakas, Fatima Zaimovic et Dragan Miokovic ont déposé de manière générale du

 18   fait qu'un nombre important de personnes avait été tué à Sarajevo suite aux

 19   campagnes de bombardement et de tirs embusqués dans la ville. De plus, il y

 20   a également des témoignages et des preuves documentaires qui sont liés à un

 21   certain nombre d'incidents de bombardement et de tirs embusqués décrits en

 22   annexe qui se sont soldés par des morts et qui ont été commis par les

 23   forces bosno-serbes apparemment. Par exemple, dans l'incident G6, où un

 24   nombre d'enfants ont été tués suite à un bombardement alors qu'ils jouaient

 25   au football à Dobrinja, les Juges de la Chambre ont reçu pas uniquement les

 26   preuves par le biais de témoignages, mais également des preuves

 27   documentaires sur l'ensemble de rapports d'enquête préparés par le

 28   ministère des Affaires internes de Bosnie-Herzégovine, appelé également le


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  1   MUP de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que les rapports émanant de la

  2   FORPRONU, qui laissent tous penser que les forces bosno-serbes étaient les

  3   auteurs de ces incidents. Et la Chambre en veut pour preuve les pièces

  4   P1443 et P1698.

  5   Par conséquent, les Juges de cette Chambre considèrent qu'il y a des

  6   éléments de preuve sur la base desquels, si tant est qu'ils soient

  7   acceptés, un juge de fait raisonnable pourrait considérer que des crimes

  8   contre l'humanité ont été commis conformément à l'article 5 du Statut et

  9   que ceci constitue une violation des lois et coutumes de la guerre en vertu

 10   de l'article 3 du Statut, et plus particulièrement de l'article 3 commun,

 11   et que ces crimes ont été commis par les forces bosno-serbes à Sarajevo.

 12   En ce qui concerne les chefs d'accusation 9 et 10, l'accusé avance qu'il

 13   n'existe aucun élément de preuve pour étayer l'existence d'un siège de

 14   Sarajevo, mais qu'en fait les Bosno-Serbes ont mené une politique militaire

 15   visant en fait à procéder à ce qu'on appelle un "endiguement" du 1er Corps

 16   de l'armée de Bosnie-Herzégovine, que l'on appelle également l'ABiH. Il

 17   avance également qu'il n'y a aucun élément de preuve d'une campagne de

 18   terreur à Sarajevo ni d'incident de bombardement ou de tirs embusqués qui

 19   émanerait de la partie serbe ou le fait également que les Serbes auraient

 20   tiré aveuglement. Enfin, il avance qu'il n'y aucun élément de preuve

 21   consistant à dire que Sarajevo était une zone civile ou qu'elle a fait

 22   l'objet de la cible d'action militaire non justifiée. En réponse,

 23   l'Accusation mentionne la déposition de nombreux témoins qui ont déposé et

 24   qui ont confirmé qu'il existait une campagne de bombardements et de tirs

 25   embusqués menée par les forces bosno-serbes et avait pour objectif de créer

 26   la terreur au sein de la population civile, que les tirs étaient dirigés

 27   contre Sarajevo sans distinction, et que ceci était dirigé principalement à

 28   l'intention de la population civile.


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  1   Les Juges de la Chambre notent qu'un certain nombre de témoins ont déposé

  2   en disant que la ville de Sarajevo était, en fait, encerclée ou assiégée

  3   par les forces bosno-serbes et qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une

  4   procédure d'endiguement militaire. Les Juges de la Chambre ont entendu les

  5   dépositions de Colm Doyle, Jeremy Bowen et de Richard Mole, et ont

  6   également reçu comme pièce à conviction le document D235. Ces témoins, en

  7   plus de la déposition d'Antony Banbury, Pyers Tucker, David Harland et

  8   Herbert Okun, ont également déposé que lorsque la ville était assiégée,

  9   elle faisait également l'objet de tirs embusqués et de bombardements par

 10   les forces bosno-serbes, qu'il s'agissait de tirs sans distinction et

 11   disproportionnés avec comme intention de terroriser la population civile, y

 12   compris les femmes et les enfants. D'ailleurs, de nombreux témoins ont

 13   utilisé le terme de "terreur" durant leur déposition. Les Juges de la

 14   Chambre ont également reçu des dépositions, telles que celle d'Ekrem

 15   Suljevic, Milomir Soja et Harry Konings, ainsi que des preuves

 16   documentaires telles que les pièces P1201 et P1310, qui faisaient état de

 17   l'utilisation par les forces bosno-serbes de bombes aériennes modifiées

 18   très destructrices et peu précises.

 19   Par conséquent, les Juges de la Chambre considèrent qu'il existe des

 20   éléments de preuve sur la base desquels, si tant est qu'ils soient

 21   acceptés, un juge de fait raisonnable pourrait considérer au-delà de tout

 22   doute raisonnable que des crimes infligeant la terreur et des attaques

 23   illicites avaient été commis par les forces bosno-serbes à Sarajevo

 24   conformément à l'article 3 du Statut.

 25   La Chambre, maintenant, voudrait passer à la responsabilité de l'accusé au

 26   titre des chefs 5, 6, 9 et 10, pour Sarajevo. Il avance qu'aucune campagne

 27   de terreur n'avait été menée contre Sarajevo et qu'il n'avait aucune

 28   intention délictueuse de commettre des meurtres, et que ceci est également


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  1   lié à ce qu'on allègue en ce qui concerne sa responsabilité. En plus des

  2   griefs qu'il présente, il avance également qu'il n'y avait aucun motif de

  3   la part des Serbes de terroriser la population de Sarajevo étant donné que

  4   les Serbes n'avaient pas l'intention de gagner du terrain à Sarajevo ou

  5   dans ses environs. L'Accusation répond en disant que ce que l'accusé avance

  6   est contredit directement par le poids des éléments de preuve.

  7   Tout d'abord, les Juges de la Chambre ont entendu des dépositions

  8   d'un certain nombre de témoins, y compris Harland, KDZ088 et Okun, que les

  9   instances militaires et politiques bosno-serbes, y compris l'accusé, M.

 10   Krajisnik, Mme Biljana Plavsic, M. Nikola Koljevic, M. Mladic et M.

 11   Stanislav Galic, étaient de manière générale unies lorsqu'il s'agissait

 12   d'adopter une position pour Sarajevo. Par exemple, Okun dans sa déposition

 13   a confirmé qu'un des objectifs serbes était de diviser Sarajevo en deux

 14   parties, une partie serbe et une partie musulmane, et que ceci a constitué

 15   un refrain permanent durant les négociations de paix avec les dirigeants

 16   bosno-serbes.

 17   Deuxièmement, les Juges de la Chambre voudraient rappeler les

 18   éléments de preuve qui ont été mentionnés précédemment brièvement en ce qui

 19   concerne les campagnes de tirs embusqués et de bombardements de Sarajevo

 20   tels que cités au chef d'accusation numéro 9. De plus, en ce qui concerne

 21   ce que conteste l'accusé, à savoir que les Bosno-Serbes n'avaient aucune

 22   raison de terroriser la ville, les Juges de la Chambre ont entendu de la

 23   bouche d'un certain nombre de témoins, tels que Doyle, Mole, Michael Rose

 24   et Harland, des dépositions qui contredisent ce qu'avance l'accusé. Par

 25   exemple, Harland a confirmé dans sa déposition que la stratégie globale des

 26   dirigeants bosno-serbes, et plus particulièrement celle de l'accusé, était

 27   de moduler le niveau de souffrance à Sarajevo en fonction des objectifs

 28   politiques à atteindre et d'augmenter le degré de souffrance pour forcer


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  1   les bosno-musulmans d'accepter des accords de paix et d'accepter les termes

  2   fixés par les Serbes, ou de réduire les menaces d'intervention militaire

  3   intérieure [comme interprété].

  4   Par conséquent, les Juges de la Chambre considèrent qu'il existe des

  5   éléments de preuve qui, s'ils étaient acceptés, signifient qu'un juge de

  6   fait raisonnable pourrait être satisfait au-delà de tout doute raisonnable

  7   qu'entre avril 1992 et novembre 1995, il existait une entreprise criminelle

  8   commune visant à mettre sur pied et à mener une campagne de tirs embusqués

  9   et de bombardements contre la population civile de Sarajevo. Il y a

 10   également des éléments de preuve qui, s'ils étaient acceptés,

 11   signifieraient qu'un juge de fait raisonnable pourrait être satisfait au-

 12   delà de tout doute raisonnable que l'objectif de cette entreprise

 13   criminelle commune impliquait la commission de crimes et d'attaques

 14   illégales contres les civils, ainsi que des meurtres.

 15   En ce qui concerne sa propre contribution aux événements de Sarajevo,

 16   l'accusé avance qu'il n'existe aucun élément de preuve laissant penser

 17   qu'il n'aurait eu rien d'autre qu'une attitude positive à la livraison

 18   d'aide humanitaire dans la ville. Il mentionne également les difficultés

 19   d'un contrôle d'une armée populaire composée de soldats qui étaient des

 20   habitants de Sarajevo ou d'anciens résidents de Sarajevo. L'Accusation

 21   répond que ce qui est avancé par l'accusé est contredit directement par le

 22   poids des éléments de preuve et que, au contraire, le fait même qu'il y ait

 23   une campagne contre la ville montre que l'accusé avait un contrôle global

 24   des campagnes de bombardements, de tirs embusqués et de toutes les mesures

 25   qui visaient à semer la terreur dans la ville.

 26   Les Juges de la Chambre ont entendu énormément de dépositions en ce

 27   qui concerne le fait que l'accusé était à la fois président de la Republika

 28   Srpska et commandant Suprême de la VRS, tel que ceci est mentionné dans la


Page 28744

  1   pièce P3036, ce qui lui donnait une autorité tant de jure que de facto sur

  2   ces forces, y compris au niveau du Corps de Sarajevo-Romanija, que l'on

  3   connaît également sous l'appellation SRK, et qui s'assurait de sa présence

  4   dans diverses négociations concernant Sarajevo.

  5   Les Juges de la Chambre ont également entendu énormément d'éléments

  6   de preuve en ce qui concerne la participation de l'accusé aux événements de

  7   Sarajevo tels qu'avancés dans les paragraphes 14 et 19 de l'acte

  8   d'accusation. Par exemple, la Chambre de première instance a entendu dans

  9   des dépositions que durant son discours lors de la 16e Séance de

 10   l'assemblée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine du 12 mai 1992,

 11   l'accusé a expliqué lorsqu'il parlait de Sarajevo, que "la bataille à

 12   Sarajevo et pour Sarajevo, d'un point de vue stratégique et tactique,

 13   constituait une importance décisive parce qu'elle ne permettrait pas la

 14   constitution de ce qui serait même une illusion d'un Etat," et il a

 15   mentionné également que, et je recite l'accusé, que "Alija n'a pas d'Etat,

 16   alors que nous, nous avons une partie de Sarajevo." L'accusé a également

 17   mentionné que "les combats à Sarajevo permettaient de s'assurer qu'il n'y

 18   ait pas de combats dans des zones plus éloignées où l'on pourrait avoir des

 19   conflits avec les Musulmans." Il a également fait remarquer que, comme

 20   l'attendaient les Bosno-Serbes, et je le cite, "s'il y a guerre, elle

 21   commencera par Sarajevo et elle finira à Sarajevo." Il s'agit de citations

 22   qui sont tirées de la pièce P956.

 23   M. Harland a également dans sa déposition déclaré que conformément à la

 24   stratégie des dirigeants serbes visant à terroriser la ville à des fins

 25   politiques, l'accusé lui a dit que ce ne serait pas utile d'un point de vue

 26   politique de forcer la ville à se rendre étant donné que ceci déclencherait

 27   une réponse militaire de l'Occident. La Chambre note également la

 28   déposition du Témoin KDZ088.


Page 28745

  1   En ce qui concerne le grief présenté par l'accusé, à savoir qu'il

  2   était difficile de contrôler une armée populaire de soldats qui était

  3   composée principalement d'habitants de Sarajevo, les Juges de la Chambre

  4   ont entendu des dépositions faisant état du fait que l'accusé avait un

  5   contrôle absolu de jure et de facto sur la VRS. Les Juges de la Chambre en

  6   veulent pour preuve la pièce à décharge D325 ainsi que les dépositions de

  7   MM. John Wilson, Harland et Rose. De plus, M. Okun a également confirmé

  8   dans sa déposition que l'accusé lui avait dit en septembre 1992 que la VRS

  9   disposait d'un commandement unifié et qu'il avait le plein pouvoir sur ce

 10   commandement unifié, y compris sur 95 % des unités irrégulières.

 11   Les Juges de la Chambre ont également entendu dans les dépositions de

 12   MM. Okun, Wilson et Harland que l'accusé justifiait les activités des

 13   Bosno-Serbes à Sarajevo en déclarant qu'elles étaient menées en légitime

 14   défense ou après des provocations de la part des Bosno-Musulmans. M.

 15   Harland a également rajouté que durant certaines réunions, l'accusé

 16   présentait des informations concernant des incidents de bombardements

 17   spécifiques ou de tirs embusqués, mais disait qu'il n'y avait aucun

 18   problème ou disait qu'en fait il se pencherait sur la question ou qu'il

 19   avait déjà donné des ordres pour mettre fin aux tirs. D'après M. Harland,

 20   ces promesses faites par l'accusé n'avaient peu d'effet en pratique.

 21   Contrairement à ce qu'avance l'accusé, la Chambre de première

 22   instance a également entendu dans les dépositions de MM. Harland, Smith et

 23   Rose que l'accusé dirigeait et/ou autorisait la restriction de l'aide

 24   humanitaire à Sarajevo. M. Harland a confirmé dans sa déposition que

 25   l'accusé utilisait ces leviers de pression sur Sarajevo, comme, par

 26   exemple, le contrôle sur l'approvisionnement humanitaire, et que souvent il

 27   interdisait l'approvisionnement dans la ville lorsqu'il n'y avait aucune

 28   menace d'intervention de l'OTAN. M. Harland a également confirmé dans sa


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  1   déposition que le 26 juillet 1994, l'accusé avait décidé de fermer deux des

  2   itinéraires bleus qui étaient utilisés pour fournir de l'aide humanitaire

  3   et que, le 8 avril 1995, il avait décidé de fermer complètement les portes

  4   de Sarajevo en mettant fin au pont aérien pour Sarajevo.

  5   Par conséquent, les Juges de la Chambre de première instance

  6   considèrent qu'il existe des éléments de preuve sur la base desquels, s'ils

  7   étaient acceptés, un juge de fait raisonnable pourrait être satisfait au-

  8   delà de tout doute raisonnable que l'accusé a participé de manière

  9   volontaire à l'entreprise criminelle commune liée à Sarajevo tant par ses

 10   actions que par ses omissions et qu'il partageait l'intention des autres

 11   membres de cette entreprise criminelle commune visant à mener à bien son

 12   objectif, à savoir de mettre en place et de mener une campagne de

 13   bombardements et de tirs embusqués contre la population de Sarajevo avec

 14   comme intention d'y semer la terreur. Il existe également des éléments de

 15   preuve qui suggèrent qu'il avait également la même intention que les autres

 16   membres de l'entreprise criminelle commune visant à commettre les crimes de

 17   meurtre, de terreur et des attaques illégales contre les civils.

 18   A présent, la Chambre abordera les griefs formulés par l'accusé qui

 19   sont relatifs à la partie Srebrenica de ce procès.

 20   Au titre des chefs 4, 5 et 6 relatifs à Srebrenica, l'accusé avance

 21   qu'il n'est pas avéré que des civils ont été tués, et il formule une série

 22   de contestations relatives aux meurtres spécifiques. L'Accusation répond en

 23   citant des éléments de preuve en réfutation.

 24   La Chambre dispose de nombreux éléments de preuve indiquant qu'un

 25   nombre considérable de Musulmans de Bosnie non armés ont été tués à

 26   Srebrenica par les forces bosno-serbes pendant la période couverte par

 27   l'acte d'accusation. En exemple, la Chambre renvoie au témoignage de KDZ039

 28   et KDZ064 par rapport à Orahovac; témoignage de KDZ066 par rapport à la


Page 28747

  1   vallée de la Cerska; KDZ084 par rapport à Sandici; ainsi qu'à Ahmo Hasic et

  2   Drazen Erdemovic par rapport à la ferme de Branjevo. En outre, la Chambre a

  3   entendu les témoignages de KDZ063 et KDZ071 par rapport aux meurtres du 13

  4   juillet 1995 de centaines de Musulmans de Bosnie dans un entrepôt de

  5   Kravica, ce qui contredit le grief formulé par l'accusé sur les raisons

  6   pour lesquelles s'est produit l'incident de Kravica. En outre, la Chambre a

  7   entendu la déposition du KDZ065 par rapport aux meurtres du 13 juillet 1995

  8   de Musulmans de Bosnie sur le bord de la rivière Jadar, ce qui contredit le

  9   grief formulé par l'accusé comme quoi il n'existe pas de preuve démontrant

 10   qu'il y a eu des meurtres avant les meurtres de Kravica. La Chambre a

 11   également entendu les témoignages de Johannes Rutten et Paul Groenewegen

 12   relatifs aux meurtres de Potocari qui se sont produits les 12 et 13 juillet

 13   1995, ou à peu près à ces dates-là, ce qui est contraire à ce qu'avance

 14   l'accusé, à savoir qu'il n'y a pas eu de meurtres qui se seraient produits

 15   là où la présence militaire ou policière était plus importante, tel qu'à

 16   Potocari.

 17   La Chambre dispose également de nombreux éléments de preuve relatifs

 18   à la présence des forces bosno-serbes dans la zone de Srebrenica ayant pris

 19   part à des crimes allégués contre des Musulmans de Bosnie. En exemple, la

 20   Chambre a entendu la déposition de KDZ064, KDZ084, Dragan Jovic, Srecko

 21   Acimovic, Mevludin Oric et Erdemovic, témoignant de la présence, entre

 22   autres, d'officiers de sécurité faisant partie de différentes unités de la

 23   VRS et membres du MUP de la RS, du 10e Détachement de Sabotage, ainsi que

 24   des 2e et 4e Bataillons de la Brigade de Zvornik, donc présence aux

 25   différents sites d'exécution.

 26   En conséquence, la Chambre est convaincue qu'elle est en présence de moyens

 27   de preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable

 28   pourrait être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l'assassinat


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  1   qualifié de crime contre l'humanité au titre de l'article 5(A) du Statut et

  2   en tant que violation des droits et coutumes de la guerre, à savoir

  3   meurtres, au titre de l'article 3 du Statut, et plus précisément de

  4   l'article commun 3, ainsi qu'un acte d'extermination au titre de l'article

  5   5(b) du Statut ont été commis par les forces serbes de Bosnie dans la zone

  6   de Srebrenica en 1995.

  7   A présent, la Chambre abordera les griefs formulés par l'accusé relatifs

  8   aux chefs 7 et 8, dans la mesure où ils concernent Srebrenica. L'accusé

  9   avance qu'il n'y avait pas d'expulsion planifiée, mais que le 11 juillet

 10   1995 les Musulmans de Bosnie de Srebrenica souhaitaient être évacués et

 11   qu'ils ont fait part de cette demande à Mladic et aux Nations Unies. A

 12   l'opposé, l'Accusation affirme le contraire, à savoir qu'il existait une

 13   intention claire de la part de l'accusé et de la VRS de déplacer par la

 14   force la population et que des conditions atroces leur ont été imposées

 15   dans cet enclave et qu'elles avaient pour objectif de rendre leur vie

 16   insupportable dans les mois qui ont précédé l'attaque, ce qui a contribué

 17   au fait que la population n'avait plus d'autre choix si ce n'est de quitter

 18   l'enclave.

 19   La Chambre fait observer qu'elle ne se prononcera pas à ce stade sur ce qui

 20   constitue une frontière de facto ou de jure relativement à l'expulsion.

 21   La Chambre a entendu le témoignage de Joseph Kingori, Rutten et Robert

 22   Franken disant qu'au moment où il y a eu la chute de l'enclave de

 23   Srebrenica, où elle est tombée entre les mains des forces bosno-serbes, la

 24   population musulmane de Bosnie n'avait pas d'autre choix si ce n'est de

 25   quitter Srebrenica et de se rendre à Potocari. Kingori et Christine

 26   Schmidtz, tous les deux, ont témoigné au sujet de l'extrême gravité de la

 27   situation humanitaire dans laquelle se sont trouvés les réfugiés de

 28   Potocari, environ 20 000 d'eux, et ce, dû au fait qu'il n'y avait ni


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  1   vivres, ni fournitures médicales. La Chambre a également entendu le

  2   témoignage de différents témoins, y compris KDZ070, KDZ186, et Rutten sur

  3   le déplacement forcé de milliers de Musulmans de Bosnie, à savoir femmes,

  4   enfants et personnes âgées de Potocari en juillet 1995, lorsque les soldats

  5   de la VRS leur ont ordonné d'embarquer à bord des autocars.

  6   La Chambre a également entendu le témoignage de Kingori et de Mile

  7   Janjic disant que le déplacement forcé de la population de Srebrenica avait

  8   été planifié par la VRS. Nous avons également la déposition et des éléments

  9   de preuve documentaires tels que le témoignage de Kingori, ainsi que la

 10   pièce P1385, faisant penser que l'objectif des Serbes de Bosnie, de leur

 11   direction, dans l'organisation de déplacements forcés était de chasser à

 12   jamais les Musulmans de Bosnie de Srebrenica. L'intention des forces bosno-

 13   serbes de déplacer par la force les Musulmans de Bosnie de Srebrenica se

 14   retrouve dans l'organisation de la transportation des réfugiés de Potocari

 15   et la nature systématique par laquelle les femmes, les enfants et certains

 16   hommes âgés ont été séparés des hommes valides et emmenés vers le

 17   territoire entre les mains des Musulmans de Bosnie, comme cela a été dit,

 18   par exemple, dans le témoignage de KDZ070, celui de Hasic, Groenewegen, et

 19   Evert Albert Rave, et se retrouve également dans les pièce P4935 et P4464.

 20   En plus, d'autres éléments de preuve viennent étayer l'intention de

 21   déplacer par la force les populations. En exemple, pièce P4075, un rapport

 22   de la Brigade de Bratunac du 4 juillet 1995 fixant l'objectif pour la

 23   population civile de Srebrenica, et je cite que : "il fallait rendre leur

 24   vie insupportable et leur séjour temporaire dans l'enclave devait devenir

 25   impossible, de telle sorte qu'ils soient obligés de partir en masse aussi

 26   rapidement que possible, en se rendant compte qu'ils ne pouvaient pas

 27   survivre là-bas."

 28   En conséquence, la Chambre est convaincue qu'elle est en présence de moyens


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  1   de preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable

  2   pourrait être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que les crimes

  3   d'expulsion et de transfert forcé, actes inhumains qualifiés de crimes

  4   contre l'humanité et sanctionnés par les articles 5(d) et 5(i) du Statut

  5   ont été commis par les forces bosno-serbes de Srebrenica en juillet 1995.

  6   L'accusé n'invoque pas de griefs spécifiques relativement au chef 3 par

  7   rapport à Srebrenica, même si certains arguments qu'il a avancés par

  8   rapport aux meurtres et par rapport au déplacement forcé de la population

  9   de Srebrenica pourrait également être considérés comme constituant des

 10   griefs au titre du chef 3. Les éléments de preuve dont dispose la Chambre

 11   par rapport aux meurtres, par rapport au déplacement forcé de Srebrenica de

 12   1995, comme cela a déjà été dit, indiquent que les événements se sont

 13   produits dans le cadre de la campagne de persécution. Ce mode de

 14   comportement peut être déduit des éléments de preuve sur le nombre de

 15   victimes parmi les Musulmans de Bosnie qui ont été tués à Srebrenica, comme

 16   nous l'avons entendu, entre autres, dans les témoignages d'Ewa Tabeau et de

 17   Thomas Parsons, ainsi que lorsqu'on voit le nombre de victimes qui ont été

 18   transférées sur le territoire entre les mains des Musulmans de Bosnie et la

 19   manière organisée de laquelle ce déplacement forcé s'est produit en peu de

 20   temps. Qui plus est, comme cela a déjà été dit, la Chambre a entendu des

 21   éléments de preuve montrant que les Musulmans de Bosnie de Srebrenica ont

 22   été tués sur la base de leur appartenance ethnique et religieuse, ce qui

 23   montre que les meurtres ont été commis dans l'intention persécutoire

 24   requise, et ce, de la part des forces bosno-serbes. De manière similaire,

 25   par rapport à l'intention spécifique requise pour le déplacement forcé des

 26   personnes de Potocari, pour que cela constitue un acte de persécution, la

 27   Chambre dispose d'éléments de preuve démontrant que les Musulmans de Bosnie

 28   ont fait l'objet de déplacement forcé sur la base de leur appartenance


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  1   ethnique et religieuse. Par conséquent, les auteurs ont agi dans

  2   l'intention spécifique requise de discriminer pour des motifs politiques,

  3   raciaux ou religieux.

  4   En conséquent, la Chambre de première instance est convaincue qu'elle se

  5   trouve en présence de moyens de preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un

  6   juge de fait raisonnable pourrait être convaincu au-delà de tout doute

  7   raisonnable que des actes de persécutions qualifiés de crime contre

  8   l'humanité au titre de l'article 5(h) du Statut ont été commis à Srebrenica

  9   en juillet et août 1995 par les forces bosno-serbes contre les Musulmans de

 10   Bosnie dans l'intention de les discriminer spécifiquement sur la base de

 11   leur appartenance raciale, religieuse ou politique.

 12   La Chambre abordera à présent les griefs formulés par l'accusé relatifs au

 13   chef 2, génocide de Srebrenica. En plus des griefs formulés par l'accusé

 14   quant aux meurtres per se, ce qui a déjà été traité précédemment, l'accusé

 15   avance qu'aucun élément de preuve ne démontre l'existence de l'intention de

 16   la part des auteurs de détruire les Musulmans de Bosnie à Srebrenica.

 17   Comme cela a déjà été dit sous les chefs 4, 5 et 6, des éléments de preuve

 18   ont été reçus par cette Chambre de première instance que les Musulmans de

 19   Bosnie valides de Srebrenica ont fait l'objet de meurtres à une grande

 20   échelle. Cela montre que la partie du groupe pris pour cible, et ce, au

 21   titre de la signification de l'article 4 du Statut, était en effet ce

 22   groupe de Musulmans de Bosnie de Srebrenica en tant que partie du "groupe

 23   national ethnique et/ou religieux de Musulmans de Bosnie en tant que tel"

 24   comme cela est invoqué au paragraphe 41 de l'acte d'accusation. En

 25   conséquence, la Chambre constate qu'elle se trouve en présence de moyens de

 26   preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable

 27   pourrait être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que les Musulmans

 28   de Bosnie de Srebrenica ont été la cible de destruction.


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  1   S'agissant maintenant du grief formulé par l'accusé faisant état de

  2   l'absence de l'intention génocidaire pour ce qui est des auteurs physiques

  3   des meurtres de Srebrenica, la Chambre fait observer que l'intention

  4   spécifique de la part de ces auteurs, dans sa nature, ne peut généralement

  5   pas être établie de façon directe mais se trouve déduite de différents

  6   facteurs, y compris le contexte général de l'affaire, l'échelle des

  7   atrocités commises, la répétition d'actes de destruction discriminatoire,

  8   ou l'existence d'un plan ou d'une politique de commettre le crime allégué.

  9   A cet égard, la Chambre renvoie aux arrêts dans les affaires Jelisic et

 10   Krstic. Premièrement, la Chambre a reçu des éléments de preuve sur les

 11   faits recensés à l'annexe B qui, dans leur ensemble, permettent de penser

 12   que les meurtres ont été organisés à une grande échelle et, qui plus est,

 13   des éléments de preuve considérables ont été reçus par la Chambre sur la

 14   présence de différentes unités de la VRS et du MUP à Srebrenica, comme cela

 15   a été dit sous les chefs 4, 5, et 6, la Chambre dispose également

 16   d'éléments de preuve, y compris du témoignage de Milenko Katanic, sur

 17   l'aide fournie par les autorités locales dans le cadre de l'ensevelissement

 18   des corps après les exécutions en masse. En conséquence, la Chambre dispose

 19   d'éléments de preuve sur le nombre de victimes tuées, et compte tenu du

 20   fait que seuls les Musulmans de Bosnie, hommes et garçons, ont été pris

 21   pour cible dans le cadre de ces exécutions sommaires et que les forces

 22   bosno-serbes ont essayé de tuer tous les Musulmans de Bosnie valides de

 23   Srebrenica, la Chambre constate que cela permet de constater l'existence

 24   d'une échelle, une nature systématique des crimes qui ont été commis, ainsi

 25   que le fait qu'un groupe a été systématiquement pris pour cible.

 26   En conséquence, la Chambre de première instance est convaincue qu'elle est

 27   en présence de moyens de preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un juge

 28   de fait raisonnable pourrait être convaincu au-delà de tout doute


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  1   raisonnable du génocide au titre de l'article 4 de ce Statut, que ce

  2   génocide a été commis par les forces bosno-serbes de Srebrenica.

  3   La Chambre abordera à présent la responsabilité de l'accusé toujours par

  4   rapport à Srebrenica au titre des chefs 2 à 8, y compris le chef 8. La

  5   Chambre avance que les activités de combat de Srebrenica avait un objectif

  6   militaire légitime, que la question de l'entrée de la VRS à Srebrenica est

  7   devenue pertinente que dans la nuit du 10 juillet 1995, et que la VRS n'est

  8   entrée dans Srebrenica qu'à partir du moment où la ville avait été

  9   abandonnée par la 28e Division de l'ABiH ainsi que par la population

 10   civile. A l'opposé, l'Accusation affirme que l'opération de prise de

 11   Srebrenica a constitué l'apogée des efforts déployés par l'accusé afin de

 12   nettoyer ethniquement la Bosnie orientale et s'appuie sur les éléments de

 13   preuve démontrant les contacts qui ont été établis entre la VRS et les

 14   civils de Srebrenica le 11 juillet 1995.

 15   Premièrement, la Chambre a entendu les témoignages disant que dès 1992, et

 16   ce, jusqu'au 11 juillet 1995, la direction des Serbes de Bosnie a mis en

 17   œuvre une politique qui a eu pour résultat l'expulsion à une grande échelle

 18   de la population non-serbe des territoires de Bosnie-Herzégovine

 19   revendiqués par les Bosno-Serbes, et plus précisément le fait de chasser à

 20   jamais la population musulmane de Bosnie de Srebrenica. Cette politique a

 21   été articulée pour la première fois par l'accusé en mai 1992 par le biais

 22   de ces six objections stratégiques et à partir du moment où a été créée la

 23   VRS et à partir de la nomination de Mladic en tant que commandant de

 24   l'état-major de la VRS, elle a été mise en œuvre par le biais d'éléments de

 25   toute une série de directives opérationnelles qui sont suivies, et par le

 26   fait que l'ordre par le Corps de la Drina a été donné, l'ordre de Krivaja

 27   95 le 2 juillet 1995, l'apogée a été l'attaque sur l'enclave de Srebrenica

 28   qui a eu lieu quelques jours plus tard. Les éléments documentaires qui ont


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  1   été présentés à la Chambre, à savoir les pièces P781, P838, P961, P976,

  2   P2246, ainsi que la pièce P4481. D'autres éléments de preuve, en outre,

  3   permettent de penser que l'accusé a approuvé l'opération de Srebrenica, ce

  4   qui se trouve illustré par ses propres déclarations lors des 52e et 54e

  5   Séances de l'assemblée de la RS en août et en octobre 1995, ainsi que

  6   pendant un entretien qui a été diffusé à la télévision. A l'appui, les

  7   pièces P1412, P1415, ainsi que la pièce P4555.

  8   La Chambre a entendu, en outre, des éléments de preuve indiquant qu'au

  9   moment de la chute de l'enclave de Srebrenica, la direction des Serbes de

 10   Bosnie a mis en œuvre une politique visant à éliminer la population

 11   musulmane de Bosnie de Srebrenica. Il existe des éléments de preuve qui

 12   démontrent qu'une lourde offensive de la VRS a été menée, documents à

 13   l'appui P4143 et P4147, que cela a entraîné la chute de la ville de

 14   Srebrenica le 11 juillet 1995. Des enregistrements vidéo qui datent de ce

 15   moment-là nous montrent qu'à partir du moment où Srebrenica était prise,

 16   Mladic, Zivanovic, Radislav Krstic, Vujadin Popovic, Vinko Pandurevic et

 17   d'autres membres des forces bosno-serbes ont avancé vers Potocari, où

 18   s'étaient enfuis en partie les civils, et ensuite vers Bratunac. A l'appui

 19   la pièce P4201. La Chambre renvoie également vers la pièce P2992. Et

 20   contrairement à l'argument avancé par l'accusé comme quoi la VRS est entrée

 21   dans la ville de Srebrenica qu'à partir du moment où celle-ci avait été

 22   abandonnée par la population civile et par la 28e Division de l'ABiH, la

 23   Chambre a entendu le témoignage d'Erdemovic, un membre du 10e Détachement

 24   de Sabotage de la VRS, comme quoi son unité est entrée en contact avec la

 25   population musulmane de Bosnie, y compris avec certaines personnes âgées et

 26   certains hommes valides au moment de la reddition au centre de Srebrenica

 27   le 11 juillet 1995.

 28   La Chambre a entendu le témoignage de Kingori et s'appuie également sur la


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  1   pièce P4935, ainsi que sur l'enregistrement vidéo qui a été versé au

  2   dossier de l'espèce sous la cote P4201 sur les réunions qui ont été tenues

  3   à l'hôtel Fontana de Bratunac les 11 et 12 juillet 1995, avec les

  4   représentants du Bataillon néerlandais, avec Mladic, avec d'autres membres

  5   des forces bosno-serbes. Ces éléments de preuve montrent que pendant ces

  6   réunions Mladic a dit aux représentants musulmans de Bosnie, "vous pouvez

  7   soit tous partir, soit tous rester, soit tous mourir." Et Mladic leur a

  8   dit, a dit aux représentants musulmans de Bosnie de faire venir des gens

  9   qui pourraient obtenir la reddition des armes et faire sauver leur peuple

 10   de destruction. Les éléments de preuve, qui ont été reçus par la Chambre et

 11   qui ont été évoqués au titre des chefs 2 à 8, montrent que la séparation

 12   des femmes, des enfants, et de certaines personnes âgées, donc parmi les

 13   Musulmans de Bosnie, a eu lieu par rapport aux hommes valides, et que cela

 14   a été fait par la VRS. Les femmes, et les enfants, et les personnes âgées

 15   parmi les Musulmans de Bosnie ont fait l'objet de déplacement forcé, tandis

 16   que les hommes valides ont été emmenés à différents endroits et exécutés.

 17   Les éléments précédemment cités par rapport aux chefs 2 à 8, y compris,

 18   nous montrent également la manière organisée et systématique de laquelle a

 19   agi la VRS afin de mettre en œuvre cette politique visant à éliminer les

 20   Musulmans de Bosnie de Srebrenica.

 21   En conséquence, la Chambre de première instance est convaincue qu'elle se

 22   trouve en présence de moyens de preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un

 23   juge de fait raisonnable pourrait être convaincu au-delà de tout doute

 24   raisonnable qu'une entreprise criminelle commune a existé, composée de

 25   membres de la VRS, du MUP, et de la direction de Serbes de Bosnie, y

 26   compris l'accusé, dont l'objectif était d'éliminer les Musulmans de Bosnie

 27   de Srebrenica.

 28   S'agissant maintenant de sa propre contribution aux événements de


Page 28756

  1   Srebrenica, l'accusé avance qu'il n'est pas avéré qu'il ait planifié,

  2   incité à commettre, ordonner ou encourager le génocide de Srebrenica, et de

  3   plus qu'il n'existe pas d'élément de preuve démontrant qui a pris la

  4   décision de commettre le génocide et les meurtres de manière générale.

  5   L'accusé ajoute qu'il ne pouvait pas et qu'il n'avait pas de connaissance

  6   sur ce qui était en train de se produire sur le terrain, qu'il s'agisse de

  7   meurtres ou de déplacement forcé de Srebrenica. L'Accusation répond que, au

  8   contraire, l'accusé était de manière constante tenu au courant par la VRS,

  9   par le MUP, et par les autorités civiles de l'évolution de la situation sur

 10   le terrain et qu'il savait, qu'il était au courant des déplacements forcés

 11   et des meurtres pendant qu'ils se produisaient.

 12   Comme cela a déjà été dit, la Chambre dispose de nombreux d'éléments de

 13   preuve, y compris du témoignage de Milovanovic et de Skrbic, et de la pièce

 14   P3036, qui témoigne du rôle joué par l'accusé en tant que président de la

 15   RS et en tant que commandant Suprême de la VRS, ce qui lui a conféré de

 16   larges attributions de jure et de facto sur ces forces, y compris sur

 17   l'ensemble des unités de la VRS déployées à Srebrenica. Cela se trouve

 18   confirmé dans les déclarations faites par l'accusé lui-même pendant la 39e

 19   Séance de l'assemblée de la RS, où il dit : "C'est moi qui signe, c'est moi

 20   qui décide, et j'assumerai la responsabilité pour chacune des décisions."

 21   Pièce P1388.

 22   La Chambre a également entendu de nombreux éléments de preuve sur la

 23   participation de l'accusé aux événements de Srebrenica, tels que visés aux

 24   paragraphes 14 à 24 de l'acte d'accusation. Contrairement au grief qu'il

 25   formule en disant qu'il ne savait pas et qu'il ne pouvait pas savoir ce qui

 26   se produisait sur le terrain pendant l'opération de Srebrenica, la Chambre

 27   a entendu des éléments de preuve sur la manière dont les communications se

 28   faisaient dans l'hiérarchie et la chaîne de commandement de la VRS, la


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  1   police et le service de Sûreté de l'Etat, ainsi qu'entre les différents

  2   échelons au sein de cette hiérarchie. La Chambre rappelle à cet effet,

  3   entre autres, le témoignage de Christian Nielsen et cite à l'appui les

  4   pièces P2984, P2996, P4450, P4932, ainsi que la pièce D2099.

  5   De manière générale, s'agissant des informations parvenant de la VRS, des

  6   éléments documentaires montrent que des rapports quotidiens étaient envoyés

  7   à l'accusé de la part de l'état-major principal, au moins du 12 au 14

  8   juillet 1995. A l'appui, pièce P3054, P4457, ainsi que pièce P4464. En

  9   outre, la Chambre a entendu les témoignages de Slavica Ristic, de Tomislav

 10   Premovic et de Robert Djurdjevic faisant état des contacts directs qu'avait

 11   l'accusé avec Mladic les 13 et 14 juillet 1995 relativement à l'opération

 12   de Srebrenica. Les éléments de preuve montrent également que l'accusé

 13   recevait des éléments d'information de la part du MUP, comme le montrent

 14   les réunions entre l'accusé et Tomo Kovac qui ont eu lieu les 13, 14, 15 et

 15   18 juillet 1995, ainsi que par le fait que Kovac recevait des rapports

 16   émanant du renseignement du terrain. La Chambre renvoie aux pièces P2242,

 17   P2987, P4932, P4933, ainsi qu'à la pièce P5137. La Chambre a également

 18   entendu le témoignage de Katanic disant que Miroslav Deronjic était en

 19   contact par téléphone quasiment tous les jours avec l'accusé pendant

 20   l'opération Srebrenica, ce qui se trouve confirmé par leur conversation en

 21   date du 13 juillet 1995 où Deronjic faisait rapport à l'accusé sur environ

 22   2 000 Musulmans de Bosnie de Potocari qui ont été transférés et placés en

 23   détention à Bratunac. Il s'agit de la pièce P4618. L'accusé a également

 24   rencontré Deronjic le 14 juillet 1995, comme cela se trouve montré dans les

 25   pièces P2242 et P4382, et comme cela était dit dans le témoignage de

 26   Djurdjevic.

 27   Par rapport au grief formulé par l'accusé portant sur les connaissances

 28   qu'il avait des meurtres de Srebrenica, la Chambre a entendu des


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  1   témoignages, y compris le témoignage de KDZ122, disant que des membres de

  2   la chaîne de commandement de la VRS étaient au courant de l'existence

  3   d'ordres de tuer les Musulmans de Bosnie de Srebrenica. La Chambre a

  4   également entendu le témoignage de Katanic sur une réunion qui s'est tenue

  5   entre Deronjic et l'accusé où Deronjic aurait fait rapport à l'accusé sur

  6   des meurtres commis à Kravica le 13 juillet 1995.

  7   Quant à l'argument qu'avance l'accusé disant qu'il n'est pas avéré

  8   qu'il était au courant ou qu'il aurait contribué à l'expulsion de

  9   Srebrenica, la Chambre renvoie aux éléments de preuve sur la planification

 10   du déplacement forcé de la population de Srebrenica par le biais de la

 11   chaîne de commandement dont il a déjà été question lorsqu'il est question

 12   du déplacement de 10 000 Musulmans de Bosnie de Potocari vers Kladanj. Et

 13   la Chambre s'appuie sur les pièces P166, P3054, P4388, ainsi que P4464.

 14   La Chambre a également entendu des témoignages sur les encouragements

 15   donnés par l'accusé à la VRS concernant l'opération Srebrenica. Plus

 16   précisément, la Chambre a reçu des éléments de preuve documentaires, tels

 17   que pièce P1412, P4501, P4555, ainsi que la pièce P5121, et a entendu

 18   également le témoignage de Skrbic, celui de Djurdjevic et de Premovic

 19   relativement à la promotion de Krstic le 13 juillet 1995, promotion au

 20   poste de commandant du Corps de la Drina, immédiatement après la chute de

 21   Srebrenica, ce qui a constitué un résultat direct de sa participation

 22   directe à la planification de la prise de contrôle de l'enclave de

 23   Srebrenica.

 24   Comme on a vu plus haut, la Chambre a entendu des éléments de preuve

 25   montrant que des actes de génocide se sont produits dans l'enclave de

 26   Srebrenica en été 1995 et qu'ils ont été commis avec l'intention spécifique

 27   requise de génocide. A la lumière de l'ensemble des éléments de preuve

 28   présentés, la Chambre estime que l'intention génocidaire de l'accusé peut


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  1   être déduite des éléments de preuve présentés sur la nature systématique et

  2   sur l'envergure des crimes commis à Srebrenica, ainsi que sur la base des

  3   éléments de preuve concernant la prise pour cible du groupe de Musulmans de

  4   Bosnie ainsi que sur la base des actes et des omissions de l'accusé

  5   relatifs aux événements qui se sont produits à cet endroit en 1995, comme

  6   cela a déjà été dit.

  7   En conséquence, la Chambre de première instance estime qu'elle est en

  8   présence de moyens de preuve en vue desquels, s'ils sont admis, un juge de

  9   fait raisonnable pourrait être convaincu au-delà de tout doute raisonnable

 10   que c'est de manière volontaire que l'accusé a pris part à l'entreprise

 11   criminelle commune dont l'objectif commun a été d'éliminer les Musulmans de

 12   Bosnie de Srebrenica, et ce, par le biais de la commission de crimes

 13   qualifiés au paragraphe 20 de l'acte d'accusation de l'espèce. Les éléments

 14   de preuve reçus indiquent également que l'accusé a participé avec

 15   l'intention des autres membres de l'entreprise criminelle commune, y

 16   compris l'intention spécifique de commettre le génocide ainsi que

 17   l'intention spécifique de discriminer les Musulmans de Bosnie de

 18   Srebrenica, et ce, aux motifs de leur appartenance raciale, religieuse ou

 19   politique.

 20   Avant d'aborder la question des municipalités, compte tenu de l'heure, nous

 21   ferons une pause de 15 minutes.

 22   --- L'audience est suspendue à 12 heures 06.

 23   --- L'audience est reprise à 12 heures 23.

 24    M. LE JUGE KWON : [interprétation] A présent, la Chambre abordera le volet

 25   relatif aux municipalités de ce procès.

 26   Au titre du chef 3, l'accusé avance qu'il n'est pas avéré que les

 27   événements se sont produits dans les municipalités conformément au mode

 28   établi de comportement. L'Accusation ne répond pas directement à celui-là,


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  1   mais se réfère en tant qu'un exemple à la destruction active de quasiment

  2   tous les sites religieux appartenant aux Musulmans de Bosnie et aux Croates

  3   de Bosnie dans les municipalités. La Chambre a reçu des éléments de preuve

  4   nombreux sur les actes qui se sont produits dans le cadre de la campagne de

  5   persécutions par le biais de meurtres, d'expulsions et de destruction de

  6   symboles culturels et religieux dans les différentes municipalités commises

  7   par les forces bosno-serbes contre la population musulmane et croate de

  8   Bosnie. A titre d'exemple, dans la vallée de la Drina et dans la zone de

  9   Prijedor, Harland a dit : "Parfois, on se trouvait devant des centaines et

 10   des centaines de maisons qu'on a fait sauter, qui ont été incendiées ou

 11   détruites, et puis il y aurait une maison intacte au milieu de cela, avec

 12   un petit jardin ou quelque chose autour ou devant la maison, et puis il y

 13   avait une inscription disant 'maison serbe', 'Srpska Kuca', indiquant donc

 14   qu'un nombre très important de non-Serbes avaient été chassés de manière

 15   violente." A l'appui, le témoignage de KDZ240.

 16   L'accusé avance également qu'il n'est pas avéré que le transfert

 17   forcé ou des actes d'expulsion aient été commis dans le cadre de

 18   persécutions dans les municipalités. Toutefois, la Chambre a entendu des

 19   éléments de preuve nombreux montrant qu'un très grand nombre de Musulmans

 20   de Bosnie et/ou de Croates de Bosnie de ces municipalités ont été déplacés

 21   par la force, intentionnellement, soit à l'intérieur, soit au-delà de la

 22   frontière de jure ou de facto, et ce, par des forces bosno-serbes. La

 23   Chambre se réfère au témoignage d'Asim Egrlic, à celui de KDZ011 et à celui

 24   de KDZ605.

 25   Qui plus est, l'accusé avance qu'il n'est pas avéré que des personnes

 26   ont été placées en détention sur la base de leur appartenance ethnique et

 27   avance, à l'opposé, qu'ils ont été détenus pour des besoins d'enquête. Il

 28   avance également qu'il n'est pas avéré qu'il y ait eu des travaux forcés


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  1   auxquels on aurait soumis des gens dans les municipalités et parle plutôt

  2   de travail volontaire. Toutefois, la Chambre fait observer qu'elle a reçu

  3   des témoignages sur des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie, y

  4   compris des femmes et des enfants, qui ont été placés en détention dans ces

  5   municipalités, très précisément sur la base de leur appartenance ethnique

  6   et non pas seulement pour des besoins d'enquête. La Chambre cite à l'appui

  7   le témoignage de KDZ051, KDZ239 et KDZ240. La Chambre a également entendu

  8   des témoignages d'un grand nombre de témoins, y compris le témoignage de

  9   KDZ024, KDZ051 ainsi que KDZ610, sur des situations où il y a eu placement

 10   en détention des Musulmans et des Croates de Bosnie, et tous ont été forcés

 11   à travailler par les forces serbes de Bosnie, y compris à creuser des

 12   tombes ou des tranchées, dans ces différents centres de détention.

 13   En conséquence, la Chambre est convaincue qu'elle se trouve en

 14   présence de moyens de preuve au vu desquels, s'ils sont admis, un juge de

 15   fait raisonnable pourrait être convaincu au-delà de tout doute raisonnable

 16   que pendant la période couverte par l'acte d'accusation, dans les

 17   municipalités, les Musulmans et les Croates de Bosnie ont été placés en

 18   détention précisément sur la base de leur appartenance ethnique, que les

 19   Croates de Bosnie et/ou les Musulmans de Bosnie ont été forcés à travailler

 20   par les forces serbes de Bosnie et que les Croates ou les Musulmans de

 21   Bosnie ont été déplacés par la force, soit au sein, soit au-delà de la

 22   frontière de jure ou de fait dans l'intention spécifique de les discriminer

 23   pour des motifs politiques, raciaux ou religieux.

 24   En plus des éléments de preuve qui ont été déjà évoqués, la Chambre dispose

 25   de nombreux éléments de preuve à l'appui du chef d'accusation 3 dans les

 26   municipalités tel que visé à l'acte d'accusation. Il s'agit de la

 27   déposition, entre autres, de KDZ024  par rapport à Kljuc; de KDZ048

 28   relativement à Prijedor; de KDZ239 par rapport à Foca; de KDZ610 eu égard à


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  1   Zvornik; de Hajrudin Karic par rapport à Pale; de KDZ240 relativement à

  2   Bosanska Novi; et de KDZ605 par rapport à Bratunac.

  3   En conséquence, la Chambre constate qu'au vu des éléments de preuve, s'ils

  4   sont admis, un juge de fait raisonnable peut être convaincu au-delà de tout

  5   doute raisonnable que des persécutions en tant que crime contre l'humanité

  6   en vertu de l'article 5(h) du Statut ont été commises par les forces bosno-

  7   serbes contre les Musulmans de Bosnie et/ou les Croates de Bosnie.

  8   Eu égard aux chefs 4, 5, et 6, l'accusé ne conteste rien de particulier eu

  9   égard aux municipalités. La Chambre a reçu des éléments de preuve qui

 10   portent à croire que les Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie ont

 11   été tués par les forces bosno-serbes dans les municipalités, et ce, à

 12   grande échelle dans les centres de détention, y compris suite à un

 13   traitement inhumain et cruel, et des meurtres qui se sont produits pendant

 14   et après la prise de contrôle alléguée de ces municipalités. Ceci comprend

 15   la déposition de Musan Talovic concernant Bratunac; Munira Selmanovic

 16   concernant Sokolac; Ahmet Zulic concernant Sanski Most; Eset Muracevic

 17   concernant Vogosca; KDZ041 concernant Novi Grad; et KDZ048 concernant

 18   Prijedor. La Chambre a également reçu et admis au dossier des dossiers

 19   d'exhumation, ainsi que des rapports de la police scientifique et des

 20   rapports d'autopsie qui fournissent des éléments de preuve indiquant que

 21   des Musulmans de Bosnie et des Croates et de Bosnie ont été tués dans les

 22   municipalités, y compris Rogatica, Sokolac et Zvornik. La Chambre cite à

 23   titre d'exemple P3276, P3297, P4106 et P4903.

 24   Après avoir examiné les éléments de preuve présentés par l'Accusation, la

 25   Chambre constate qu'au vu des éléments de preuve, s'ils sont admis, un juge

 26   de fait raisonnable peut être convaincu au-delà de tout doute raisonnable

 27   que l'assassinat en tant que crime contre l'humanité en vertu de l'article

 28   5(a) du Statut et en tant que violation des lois et coutumes de la guerre


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  1   en vertu de l'article 3 du Statut, et plus particulièrement de l'article

  2   commun numéro 3, et l'extermination en tant que crime contre l'humanité en

  3   vertu de l'article 5(b) du Statut ont été commis par les forces bosno-

  4   serbes dans les municipalités en question.

  5   Eu égard aux chefs 7 et 8, l'accusé généralement fait valoir qu'il n'existe

  6   aucun élément de preuve portant sur le transfert forcé ou l'expulsion

  7   desdites municipalités. La Chambre a entendu des éléments de preuve qui

  8   portent à croire qu'un nombre important de Musulmans de Bosnie et/ou de

  9   Croates de Bosnie de ces municipalités ont été déplacés, et ce,

 10   intentionnellement par la force soit à l'intérieur ou au-delà de la

 11   frontière de jure ou de fait des forces bosno-serbes. Ceci comprend les

 12   dépositions de KDZ605, Mehmed Music, KDZ024, KDZ026 et Selmanovic. La

 13   Chambre a également admis au dossier le rapport Tabeau, qui dans sa

 14   déposition a parlé des réfugiés et des personnes déplacées ainsi que des

 15   modifications dans la composition ethnique desdites municipalités. Confer

 16   P4994.

 17   Après avoir examiné les éléments de preuve présentés par l'Accusation, la

 18   Chambre, par conséquent, constate qu'il existe des éléments de preuve que,

 19   s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable peut être convaincu au-delà

 20   de tout doute raisonnable que l'expulsion en tant que crime contre

 21   l'humanité et sanctionné en vertu de l'article 5(d) ainsi que d'actes

 22   inhumains et du transfert forcé en tant que crime contre l'humanité

 23   sanctionné en vertu de l'article 5(i) du Statut ont été commis par les

 24   forces bosno-serbes dans lesdites municipalités.

 25   Eu égard au chef 1, l'accusé fait valoir qu'il n'y a pas d'éléments de

 26   preuve à partir desquels la Chambre pourrait conclure qu'il y a eu

 27   intention de détruire les Musulmans de Bosnie ou les Croates de Bosnie. Il

 28   fait valoir de surcroît que le déplacement ne peut être assimilé à la


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  1   destruction et que le type d'échanges de prisonniers va à l'encontre du

  2   génocide étant donné que des milliers de Musulmans de Bosnie ont été

  3   échangés et relâchés en 1992. L'accusé fait valoir que l'objectif des

  4   dirigeants bosno-serbes qui consistait à créer un Etat serbe plus grand

  5   n'entraînait pas forcément la destruction de la population non-serbe. A

  6   l'appui de ces arguments, l'accusé fait référence, entre autres, au

  7   jugement de 2007 de la CIJ dans l'affaire la Bosnie-Herzégovine contre la

  8   Serbie-et-Monténégro et plusieurs jugements de ce Tribunal où il a été

  9   conclu que le génocide dans les municipalités n'a pas pu être prouvé. Il

 10   fait référence également au D2250, un tableau préparé par le témoin à

 11   charge Mme Tabeau illustrant le nombre total de Musulmans de Bosnie morts

 12   ou portés disparus des sept municipalités où le génocide est censé avoir

 13   été commis comme il est allégué.

 14   L'Accusation répond que le fait de vouloir créer un Etat serbe avait peut-

 15   être des mobiles autres que celui de commettre le génocide et que ceci

 16   n'est pas pertinent. L'Accusation fait valoir que ce qui est pertinent,

 17   c'est de savoir si oui ou non il y a eu dolus specialis. A cet égard,

 18   l'Accusation répond en citant les déclarations de l'accusé, à savoir qu'il

 19   partageait l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie et/ou les

 20   groupes de Croates de Bosnie en partie et qu'il a encouragé la destruction

 21   de ce groupe protégé par les organes placés sous son autorité et son

 22   contrôle. Il illustre de surcroît des exemples d'incidents dans Zvornik et

 23   Prijedor qui, d'après l'Accusation, montrent son intention génocidaire.

 24   Pour finir, l'Accusation ajoute qu'il n'existe pas de condition minimum

 25   numérique pour prouver le génocide et que le déplacement en lui-même peut

 26   contribuer à la destruction ou peut constituer une preuve de l'intention

 27   génocidaire.

 28   Dès le départ, la Chambre note que le jugement de la CIJ et la


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  1   jurisprudence du Tribunal qui est citée par l'accusé, ainsi que les

  2   conclusions qui s'y trouvent eu égard au génocide allégué dans les

  3   municipalités de Bosnie-Herzégovine, sont aucunement contraignantes pour la

  4   Chambre, y compris pour les besoins de l'article 98 bis et de la décision

  5   qu'elle doit rendre en la matière. De même, alors que l'Accusation observe

  6   à juste titre qu'aucune Chambre de ce Tribunal citée par l'accusé n'a

  7   prononcé un acquittement au stade de la présentation des arguments dans le

  8   cadre de l'article 98 bis, ceci n'empêche pas cette Chambre de parvenir à

  9   cette conclusion au vu d'un examen des éléments de preuve qui lui ont été

 10   présentés. Si la Chambre est convaincue au vu de l'ensemble des éléments

 11   présentés par l'Accusation en retenant le critère le plus élevé qu'il

 12   n'existe pas d'élément de preuve sur lequel elle peut condamner l'accusé de

 13   génocide au chef 1, dans ce cas la Chambre doit prononcer un acquittement

 14   au chef 1 à ce stade.

 15   Pour les besoins du chef 1, l'Accusation allègue dans l'acte

 16   d'accusation que dans certaines municipalités, la campagne alléguée de

 17   persécutions entre le 31 mars et le 31 décembre 1992 "ont connues une

 18   escalade et ont compris le comportement qui se traduisait par une intention

 19   de détruire en partie les groupes nationaux, ethniques et/ou religieux de

 20   Musulmans de Bosnie ou de Croates de Bosnie en tant que tels." La Chambre

 21   rappelle que les actes génocidaires allégués et reprochés dans l'acte

 22   d'accusation au chef 1 comprennent : (1) l'assassinat de membres du groupe

 23   protégé; (2) le fait de porter des atteintes graves à l'intégrité physique

 24   ou morale des membres du groupe protégé; et (3) la détention dans des

 25   conditions de vie calculées pour infliger la destruction physique du groupe

 26   protégé.

 27   La Chambre a examiné des éléments de preuve portant sur les

 28   municipalités, y compris la déposition de Talovic de Bratunac; Sead Hodzic


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  1   de Vlasenica; KDZ610 de Zvornik; KDZ239 de Foca; KDZ075 de Kljuc; et KDZ048

  2   ainsi qu'Ivo Atlija de Prijedor. Ces éléments-là, ainsi que d'autres

  3   éléments de preuve, indiquent qu'un nombre important de Musulmans de Bosnie

  4   et/ou de Croates de Bosnie ont été tués par les forces bosno-serbes dans

  5   les municipalités pendant et après la prise de contrôle alléguée et lorsque

  6   ces dernières personnes étaient en détention. Comme il a été dit plus tôt,

  7   ces éléments de preuve peuvent étayer une conclusion, à savoir que des

  8   Musulmans de Bosnie et/ou des Croates de Bosnie ont été tués à grande

  9   échelle avec l'intention de tuer avec une intention persécutoire eu égard

 10   aux chefs 3 à 6 de l'acte d'accusation. La Chambre note que lorsqu'il

 11   s'agit de décider si oui ou non il existe des éléments de preuve permettant

 12   de condamner l'accusé pour génocide, ceci ne signifie pas qu'il faut

 13   fournir une estimation numérique du nombre de personnes tuées, et il n'y a

 14   pas de seuil numérique à cet égard. Cependant, au vu des éléments reçus par

 15   la Chambre concernant les municipalités, même si on retient le critère le

 16   plus élevé, ceci ne permet pas d'atteindre le niveau à partir duquel un

 17   juge de fait raisonnable peut déduire qu'une partie significative du groupe

 18   de Musulmans de Bosnie ou de Croates de Bosnie, ou qu'un nombre substantiel

 19   des membres de ce groupe auraient été pris pour cible pour être détruits au

 20   point d'avoir un impact sur l'existence des Musulmans de Bosnie et/ou des

 21   Croates de Bosnie en tant que tel.

 22   Comme cela a été dit plus tôt, la Chambre rappelle que l'actus reus

 23   requis pour génocide peut se traduire également par (1) le fait de porter

 24   des atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale du groupe; ou (2) en

 25   infligeant délibérément au groupe des conditions de vie calculées pour

 26   infliger sa destruction physique en tout ou partie.

 27   La Chambre rappelle que les atteintes physiques doivent aller au-delà

 28   d'un état malheureux provisoire, d'une gêne ou d'une humiliation et doivent


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  1   entraîner une incapacité pour cette personne ou ces personnes à mener une

  2   vie normale et constructive à long terme, mais ceci ne doit pas être

  3   permanent et irrémédiable.

  4   La Chambre a reçu des éléments de preuve de la part de différents

  5   témoins, y compris KDZ239 de Foca; KDZ050 et KDZ048 de Prijedor; KDZ605 de

  6   Bratunac; KDZ603 de Vlasenica; Jusuf Avdispahic de Zvornik; KDZ490 de

  7   Sanski Most, qui indiquent que les forces bosno-serbes ont porté des

  8   atteintes graves à l'intégrité physique et mentale d'un nombre important de

  9   Musulmans de Bosnie et de Croates de Bosnie pendant leur détention dans de

 10   multiples centres de détention. Cependant, pour étayer une condamnation

 11   pour génocide, les atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale

 12   infligées aux membres du groupe doivent être de nature si grave qu'elles

 13   constituent une menace de la destruction de ce groupe en tout ou partie. A

 14   cet égard, la Chambre n'a pas entendu d'élément de preuve, même si elle

 15   retient le critère le plus élevé, qui permettrait d'étayer une conclusion

 16   que ferait un juge de fait raisonnable que les atteintes ont atteint un

 17   niveau ou ont eu tendance à contribuer à la destruction des Musulmans de

 18   Bosnie et des Croates de Bosnie en tout ou partie ou que ces atteintes à

 19   l'intégrité physique avaient été commises avec l'intention de détruire ces

 20   groupes.

 21   La jurisprudence du Tribunal établit que le transfert forcé ne constitue

 22   pas en tant que tel un acte génocidaire, mais lorsque les circonstances

 23   sont telles qu'elles entraînent la mort de tout ou partie de la population

 24   déplacée, cela peut être considéré comme un crime sous-jacent qui porte des

 25   atteintes graves à l'intégrité physique ou mentale des personnes en

 26   question. Confer l'arrêt de la Chambre dans Krstic et le jugement de la

 27   Chambre de première instance dans Popovic et al. Les éléments entendus par

 28   la Chambre indiquent que compte tenu des circonstances dans lesquelles les


Page 28768

  1   Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie dans les municipalités ont été

  2   transférés par la force et déplacés, elles se sont produites dans des

  3   conditions de grande privation et de souffrance et que certaines de ces

  4   personnes déplacées ont peut-être été grièvement atteintes au plan physique

  5   ou mental au cours de cela. Cependant, la Chambre n'a pas entendu d'élément

  6   de preuve qui permet d'atteindre ce seuil qui permettrait de justifier la

  7   conclusion suivante, à savoir que les personnes qui ont été transférées par

  8   la force dans ces municipalités se sont produites dans des circonstances

  9   telles que ceci a occasionné la mort de tout ou partie de la population

 10   déplacée pour les besoins de l'actus reus pour génocide au terme de

 11   l'article 4(b) du Statut.

 12   Les dépositions des témoins cités plus haut illustrent également les

 13   conditions de détention, à savoir les traitements cruels et inhumains, la

 14   torture, les sévices physiques et psychologiques, le viol et la violence

 15   sexuelle, des conditions de vie inhumaines, le travail forcé, l'incapacité

 16   à fournir un logement convenable, un abri, de la nourriture, de l'eau, des

 17   soins médicaux ou des conditions d'hygiène, à propos desquelles la Chambre

 18   a déjà constaté qu'il existait suffisamment d'éléments de preuve pour les

 19   besoins du chef 3. Cependant, lorsqu'il s'agit de décider si oui ou non les

 20   conditions de vie imposées au groupe pris pour cible ont été calculées pour

 21   infliger sa destruction physique, la Chambre doit se concentrer sur le

 22   caractère objectif de ces conditions qui ont conduit à la destruction

 23   physique de ce groupe en partie et doit évaluer des facteurs comme la

 24   nature des conditions imposées, la durée où ceci a été infligé, le temps

 25   pendant lequel ces personnes ont été soumises à cela et les

 26   caractéristiques du groupe pris pour cible comme, par exemple, leur

 27   vulnérabilité. En examinant les éléments de preuve relatifs au chef 1 pour

 28   les besoins de la présente décision, la Chambre s'est effectivement


Page 28769

  1   concentrée sur et a évalué ces facteurs-là. En outre, en faisant cela, la

  2   Chambre a également rappelé que l'accusation qui consiste à infliger

  3   délibérément sur un groupe des conditions de vie calculées pour infliger la

  4   destruction physique en tout ou partie de ce groupe n'exige pas la preuve

  5   que le résultat ait effectivement été atteint. Après avoir terminé cet

  6   examen et analyse, la Chambre est parvenue à la conclusion que, pour les

  7   besoins du chef 1, au vu des éléments de preuve qui ont été présentés, même

  8   si le critère le plus élevé est retenu, il ne permet pas d'étayer la

  9   conclusion que les conditions de détention dans les centres de détention en

 10   annexe avaient atteint un niveau qui permettrait de déduire, que les

 11   Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie ont été détenus dans des

 12   conditions de vie calculées pour infliger leur destruction physique.

 13   Comme il a été précisé plus tôt, la Chambre note en l'absence de preuve

 14   directe que les auteurs physiques des crimes allégués qui auraient été

 15   commis dans les municipalités ont commis ces crimes avec une intention

 16   génocidaire. La Chambre peut déduire l'intention spécifique d'un certain

 17   nombre de facteurs et de circonstances, y compris le contexte général de

 18   l'affaire, les moyens à disposition des auteurs, les circonstances

 19   entourant ces événements, la commission d'autres actes répréhensibles

 20   systématiquement dirigés contre le même groupe, l'échelle numérique des

 21   atrocités commises, les actes discriminatoires et destructifs à répétition,

 22   les propos péjoratifs qui prenaient pour cible le groupe protégé ou

 23   l'existence d'un plan ou d'une politique en vue de commettre le crime sous-

 24   jacent. Comme il a été dit plus tôt, la Chambre a entendu des éléments de

 25   preuve d'actes répréhensibles systématiquement dirigés contre les Musulmans

 26   et Bosnie et/ou les Croates de Bosnie dans les municipalités et des actes

 27   discriminatoires et des propositions péjoratifs à répétition. Cependant, la

 28   nature, l'échelle et le contexte de ces actes répréhensibles, que ce soit


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  1   dans toutes les municipalités couvertes par l'acte d'accusation ou les sept

  2   municipalités dans lesquelles le génocide est plus particulièrement

  3   allégué, ne parviennent pas au niveau à partir duquel un juge de fait

  4   raisonnable pourrait en déduire qu'ils ont été commis avec une intention

  5   génocidaire.

  6   Pour finir, après avoir examiné l'ensemble des éléments de preuve que la

  7   Chambre a reçus eu égard aux meurtres, aux atteintes graves à l'intégrité

  8   physique et mentale, au déplacement forcé de, et aux conditions de vie

  9   infligées aux Musulmans de Bosnie et/ou aux Croates de Bosnie dans des

 10   centres de détention dans les municipalités, la Chambre constate qu'il n'y

 11   a aucun élément de preuve indiquant que ces actes ont atteint le niveau à

 12   partir duquel un juge de fait raisonnable pourrait en déduire que ces actes

 13   avaient été commis avec l'intention de détruire en tout ou partie les

 14   Musulmans de Bosnie et/ou les Croates de Bosnie en tant que tel.

 15   Comme il a été dit plus tôt, l'Accusation dans sa réponse à l'accusé

 16   cite également des éléments de preuve, des déclarations et des discours

 17   prononcés par lui ainsi que d'autres membres des dirigeants bosno-serbes

 18   qui, d'après l'Accusation, concernent des propos en guise d'avertissement

 19   de la disparition, de l'élimination, de l'anéantissement ou de l'extinction

 20   des Musulmans de Bosnie dans le cas où la guerre éclaterait. La Chambre

 21   s'est penchée sur ces exemples ainsi que sur les autres éléments de preuve

 22   présentés concernant l'accusé à la lumière de l'échelle et du contexte

 23   selon lesquels les crimes allégués ont été commis dans les municipalités en

 24   1992, ainsi que l'impossibilité d'en déduire une intention génocidaire à

 25   partir d'autres facteurs. Suite à cet examen, la Chambre constate que

 26   nonobstant les déclarations de l'accusé, il n'y a aucun élément de preuve

 27   sur lequel, s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable pourrait

 28   constater que les actes de meurtre, d'atteinte grave à l'intégrité physique


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  1   et mentale, et les conditions de vie infligées aux Musulmans de Bosnie

  2   et/ou aux Croates de Bosnie ont été commis avec le dolus specialis requis

  3   pour génocide.

  4   Après avoir examiné les éléments de preuve versés en l'espèce eu

  5   égard au chef 1, la Chambre constate qu'il n'y a aucun élément de preuve,

  6   même en retenant le critère le plus élevé, capable d'étayer une

  7   condamnation pour génocide dans les municipalités tel que reproché en vertu

  8   de l'article 4(3) du Statut.

  9   Pour ce qui est de sa responsabilité dans les municipalités, l'accusé

 10   fait valoir qu'il n'y a aucun élément de preuve indiquant que les

 11   dirigeants bosno-serbes avaient l'intention de déplacer de façon permanente

 12   les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie des territoires en Bosnie-

 13   Herzégovine cités dans l'acte d'accusation. Il fait valoir également qu'il

 14   n'y a aucun élément de preuve qu'il y ait eu une prise de pouvoir dans ces

 15   municipalités ou que des incidents se soient produits à l'initiative des

 16   Serbes ou qu'il y ait eu une attitude systématique à l'égard des minorités

 17   dans la Republika Srpska dont le résultat serait les crimes reprochés dans

 18   l'acte d'accusation. Finalement, pour ce qui est des centres de détention

 19   dans les municipalités, il fait valoir qu'il était difficile en tant que

 20   président d'influer sur les événements et sur ce qui se passait sur le

 21   terrain parce qu'il n'y avait ni communication ni accès à ceux-ci.

 22   L'Accusation, entre autres, répond en disant qu'il existe des éléments de

 23   preuve pour indiquer que l'accusé recherchait un Etat ethniquement propre

 24   et une redistribution de la population, et que ceci devait se produire sur

 25   une vaste étendue du territoire. L'Accusation fait valoir également que

 26   l'accusé recevait des éléments d'information sur les mauvais traitements

 27   dans les centres de détention et qu'il a entrepris de prendre ses distances

 28   par rapport à ceci.


Page 28772

  1   Tout d'abord, la Chambre note qu'il existe des éléments de preuve que

  2   pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation, des membres des

  3   dirigeants bosno-serbes se réunissaient souvent, coordonnaient et

  4   échangeaient des informations ainsi que des idées. La Chambre a admis au

  5   dossier les comptes rendus de centaines de réunions régulières auxquelles

  6   assistaient les dirigeants bosno-serbes entre 1991 et 1995, et quelquefois

  7   en présence de dirigeants régionaux, de membres de l'état-major de la VRS,

  8   au cours desquelles les participants évoquaient des questions de stratégie

  9   et de politique et où souvent endossaient les mêmes objectifs et

 10   partageaient le même langage. La Chambre cite également des centaines de

 11   conversations interceptées qui ont été versées au dossier ainsi que la

 12   déposition de Wilson. Deuxièmement, contrairement à ce que l'accusé

 13   affirme, il existe des éléments de preuve d'une prise de pouvoir planifiée

 14   dans les municipalités qui cherchaient à établir des institutions bosno-

 15   serbes distinctes et à créer un Etat homogène bosno-serbe que les Bosno-

 16   Serbes préparaient activement. La Chambre cite en référence P960, P2548,

 17   P2552, P2581 et P3337. La Chambre a reçu d'abondants éléments de preuve

 18   pour indiquer que pendant toute la durée du conflit, l'objectif d'un

 19   territoire ethniquement homogène a été réitéré par les dirigeants bosno-

 20   serbes. La Chambre cite à titre d'exemple le P1385, P2556, D86 et D90. Pour

 21   finir, la Chambre a entendu des éléments de preuve qui indiquent que dans

 22   toutes les municipalités la politique des dirigeants bosno-serbes a

 23   entraîné ce que Harland décrit comme étant une expulsion violente à grande

 24   échelle de la population non-serbe.

 25   En conséquence, il existe des éléments de preuve à propos desquels,

 26   s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable peut être convaincu au-delà

 27   de tout doute raisonnable que pendant la période pertinente couverte par

 28   l'acte d'accusation, il existait une entreprise criminelle commune


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  1   composée, entre autres, de membres des dirigeants bosno-serbes, y compris

  2   l'accusé, et dont le but était de déplacer de façon permanente les

  3   Musulmans de Bosnie et/ou les Croates de Bosnie de territoires revendiqués

  4   par les Bosno-Serbes en Bosnie-Herzégovine.

  5   En ce qui concerne sa responsabilité dans les municipalités, le volet des

  6   municipalités en l'espèce, l'accusé n'a pas contesté ceci, particulièrement

  7   étant donné qu'il conteste l'existence même d'une entreprise criminelle

  8   commune. Tout d'abord, il existe des éléments de preuve, tel que reproché

  9   au paragraphe 14 de l'acte d'accusation, que l'accusé, en qualité de

 10   président du SDS et plus tard président de la Republika Srpska, a formulé

 11   et assuré la promotion du développement et de la mise en œuvre par le SDS

 12   des politiques gouvernementales des Bosno-Serbes avec l'intention de

 13   promouvoir l'objectif de l'entreprise criminelle commune. La Chambre cite

 14   en particulier les éléments de preuve eu égard à la promulgation des six

 15   objectifs stratégiques ainsi que leur mise en œuvre sur le terrain par le

 16   biais d'un certain nombre de directives de la VRS à l'intention des

 17   opérations militaires. Confer P161, P976, P3036, et sD325.

 18   La Chambre a également reçu des éléments de preuve indiquant que

 19   l'accusé a disséminé et encouragé la dissémination de propagande en

 20   direction des Serbes de Bosnie avec pour intention de semer la peur et la

 21   haine contre les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie. La Chambre a

 22   reçu des éléments de preuve indiquant qu'au sein des unités de l'état-

 23   major, ceci a accentué le message, car les Bosno-Serbes indiquaient être

 24   menacés par l'agression et le génocide, et a donné pour instruction aux

 25   unités la chose suivante : "Prenez soin de réaliser les effets souhaités de

 26   l'information et de la propagande." La Chambre se réfère, à titre

 27   d'exemple, au P962, D270, et D325. Okun a témoigné et a dit que lors des

 28   négociations avec les représentants internationaux, l'accusé "n'a jamais


Page 28774

  1   nié les ambitions d'une république distincte en Bosnie, ni que ses forces

  2   avaient procédé au 'nettoyage ethnique' ou qu'il y ait eu des opérations

  3   militaires contre les autres nationalités en Bosnie. A l'inverse, il a

  4   tenté de justifier ces actes d'un peuple qu'il prétendait représenter," en

  5   disant que "le peuple serbe devait être protégé de l'agressivité des

  6   Musulmans ou des Turcs."

  7   Il existe également des éléments de preuve pour dire que l'accusé a

  8   donné des ordres et encouragé les organes politiques bosno-serbes et les

  9   forces bosno-serbes pour qu'ils commettent des actes à l'appui ou pour

 10   réaliser l'objectif de l'entreprise criminelle commune. La Chambre cite que

 11   l'accusé a encouragé des dirigeants municipaux à mener des actions afin de

 12   créer un territoire homogène. Confer pièce P3405 et D92.

 13   Contrairement aux arguments avancés par l'accusé par rapport à son

 14   manque d'influence ou d'information à propos des événements sur le terrain,

 15   la Chambre a reçu des éléments de preuve pour indiquer que l'accusé a

 16   manqué, tout en ayant l'obligation de le faire, à son devoir de prendre des

 17   mesures adéquates pour s'assurer que les organes politiques et que les

 18   forces bosno-serbes devaient agir pour protéger les Musulmans de Bosnie et

 19   les Croates de Bosnie qui habitaient dans des régions placées sous leur

 20   contrôle. Par exemple, nous disposons d'éléments de preuve qui indiquent

 21   que dès 1992, il y avait un système de transmission qui fonctionnait entre

 22   le commandant Suprême et les échelons subalternes, et par conséquent, il

 23   existait un système par lequel l'accusé était informé sur une base

 24   régulière et de façon détaillée de la situation sur le terrain. La Chambre

 25   cite le D325 à cet effet. Ce qui est pertinent eu égard à la connaissance

 26   de l'accusé sur l'existence de centres de détention à Prijedor, la Chambre

 27   cite la déposition de Wilson et de Edward Vulliamy. Vulliamy a dit dans sa

 28   déposition que l'accusé lui avait dit qu'il pouvait donner l'ordre de faire


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  1   fermer le centre de détention d'Omarska en l'espace de deux jours et qu'il

  2   savait que les prisonniers d'Omarska manquaient de nourriture. La Chambre a

  3   également entendu des éléments de preuve indiquant que Milorad Davidovic a

  4   assisté à une réunion en présence de l'accusé et de Mladic au cours de

  5   laquelle l'accusé a assuré Davidovic que des mesures pour empêcher le

  6   pillage avaient déjà été prises et que d'autres tentatives pour empêcher le

  7   pillage seraient prises, mais a ordonné qu'aucun Serbe ne soit arrêté pour

  8   éviter tout conflit entre les Serbes. L'accusé a dit : "que cela était très

  9   important pour les Serbes de ne pas se battre entre eux comme cela avait

 10   été le cas dans d'autres conflits, tels que la Deuxième Guerre mondiale,

 11   même si cela se fait aux dépends d'une non-sanction des auteurs des

 12   crimes."

 13   En conséquence, la Chambre est convaincue qu'il existe des éléments de

 14   preuve à partir desquels, s'ils sont admis, un juge de fait raisonnable

 15   peut être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que pendant la

 16   période pertinente de l'acte d'accusation, par ses actes et omissions,

 17   l'accusé a participé volontairement à une entreprise criminelle commune

 18   composée, entre autres, de membres des dirigeants bosno-serbes, dont le but

 19   était de déplacer de façon permanente les Musulmans de Bosnie et les

 20   Croates de Bosnie des territoires revendiqués par les Bosno-Serbes en

 21   Bosnie-Herzégovine, qu'il partageait l'intention des autres membres de

 22   cette entreprise criminelle commune en vue de réaliser cet objectif par la

 23   commission des crimes de persécution, d'extermination, d'assassinat,

 24   d'expulsion, et de transfert forcé sous la forme d'actes inhumains, et

 25   qu'il y a contribué par ses actes et ses omissions.

 26   Par ces motifs, la Chambre fait en partie droit à la requête de l'accusé en

 27   vertu de l'article 98 bis du Règlement et prononce l'acquittement du chef 1

 28   de l'acte d'accusation et rejette le reste de la requête.


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  1   Telle était notre décision. Je souhaite maintenant, à huis clos partiel,

  2   aborder une ou deux questions.

  3   La Chambre peut-elle passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

  4   [Audience à huis clos partiel]

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

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 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20   [Audience publique]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience est levée jusqu'au 3

 22   septembre 2012, date à laquelle nous tiendrons une Conférence de mise en

 23   état.

 24   --- L'audience est levée à 13 heures 07 et reprendra le lundi 3 septembre

 25   2012.

 26  

 27  

 28