Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 4 décembre 2012

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour. Pouvons-nous faire entrer le

  6   témoin, s'il vous plaît.

  7   [Le témoin vient à la barre]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Maletic.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Madame Edgerton.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.

 12   LE TÉMOIN : DRAGAN MALETIC [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Contre-interrogatoire par Mme Edgerton : [Suite]

 15   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Maletic.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Hier, nous avons conclu l'audience par des photographies, et nous

 18   allons continuer avec trois photographies supplémentaires sur le même

 19   sujet.

 20   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche le document

 21   2421 [comme interprété] de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 22   Et pendant que l'on attend que les photographies s'affichent, Madame,

 23   Messieurs les Juges, je tiens à vous informer que je suis entrée en contact

 24   avec l'enquêteur du bureau du Procureur chargé des questions portant sur

 25   Sarajevo et je pourrai donner davantage d'informations à la Chambre sur la

 26   source de ces photographies.

 27   Q.  Monsieur Maletic, il s'agit d'une vue prise à partir d'un toit à

 28   Lenjinova 6A, prise le 6 août 1996. Est-ce que cela nous montre une zone


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  1   qui se trouve derrière la ligne ennemie ?

  2   R.  Oui.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on demander au témoin si la photo a été

  4   prise de Lenjinova et de quel côté du fleuve cette photo a été prise ?

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que vous pouvez poser cette

  6   question lors de vos questions supplémentaires, Monsieur Karadzic.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Madame Edgerton.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. J'aimerais verser cette photographie

 10   au dossier. Et s'agissant de cette photo, l'enquêteur m'a confirmé qu'elle

 11   avait été prise de Lenjinova 6A en août 1996 par un employé du bureau du

 12   Procureur à ce moment-là.

 13   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Madame Edgerton, pourriez-vous nous

 14   aider sur une question. Vous avez décrit la photographie. Vous avez déclaré

 15   qu'il s'agissait d'une vue prise du toit de Lenjinova 6A et que la

 16   photographie avait été prise au mois d'août, mais est-ce que vous n'êtes

 17   pas en train d'apporter des éléments de preuve ?

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] Monsieur le Juge, à la lumière des

 19   préoccupations de Me Robinson sur la provenance de la photographie, je

 20   voulais vous avertir que le bureau du Procureur et l'enquêteur m'ont

 21   confirmé la source.

 22   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Maître Robinson, j'aimerais vous

 23   entendre à ce sujet.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président et Monsieur le

 25   Juge Baird. Nous n'allons pas remettre en question ce que l'Accusation

 26   présente. Nous savons que l'Accusation présente cette photographie de bonne

 27   foi et sur la base de faits. Mais nous pensons que pour l'endroit où ces

 28   photos ont été prises, tout d'abord, l'Accusation aurait dû le présenter


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  1   lors de sa présentation des moyens, et nous aurions pu apporter une

  2   réplique. Et ça aurait dû être à la Chambre de décider si les règles

  3   avaient été respectées. Mais sur la base de la déposition du témoin, nous

  4   ne voyons aucun fondement pour admettre cet élément de preuve.

  5   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci.

  6   Madame Edgerton, est-ce que vous voulez répondre à cela ?

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais quelques instants --

  8   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Bien sûr.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] -- j'aimerais parler à M. Tieger.

 10   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Effectivement.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je voulais prendre la parole parce que j'ai

 12   discuté avec Me Robinson hier soir après l'audience sur cette question, en

 13   présence de Mme Edgerton, et il semblait remettre en question la provenance

 14   de cette photographie. Nous avons déjà été heurtés à ce problème pendant

 15   l'affaire à plusieurs reprises, s'il y a des questions sur la provenance

 16   d'un document. Et dans plusieurs cas, la nature d'un document empêche ou ne

 17   nécessite pas une enquête. Quelle que soit la nature du document à

 18   nécessiter davantage d'informations, c'est-à-dire que la Défense ou

 19   l'Accusation ont dû retourner voir leurs sources et identifier la

 20   provenance pour satisfaire à la demande de l'autre partie. Nous avons fait

 21   cela de façon informelle, et aucune des deux parties n'a demandé à l'autre

 22   de faire venir un témoin pour attester de la provenance de façon

 23   traditionnelle en ajoutant des éléments de preuve. Ça a été la pratique

 24   dans cette affaire. Donc, lorsque j'ai discuté de cela avec Me Robinson

 25   hier soir, nous nous sommes fondés sur cette pratique. Il a été d'accord et

 26   il nous a dit que nous pourrions suivre cette tradition pour lui assurer de

 27   la provenance de cette photographie, comme cela était le cas depuis le

 28   début de l'affaire, et que le document serait donc versé, que


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  1   l'authenticité n'était plus un problème, contrairement à ce qui avait été

  2   dit.

  3   Donc, voilà pourquoi Mme Edgerton vous a fourni cette information

  4   supplémentaire aujourd'hui. Alors, s'agissant de la question de savoir si

  5   des avocats peuvent donner des éléments en lieu et place d'un témoin, cela

  6   suit une pratique qui a bien été établie pendant cette affaire et cela a

  7   été confirmé hier soir pendant nos discussions.

  8   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Donc, la source n'est plus un problème

  9   ?

 10   M. TIEGER : [interprétation] Non, non, pas du tout. Nous avons confirmé

 11   cela. Et la pratique nous a semblé être suffisante. Me Robinson est invité

 12   à discuter avec notre enquêteur, s'il le désire. Je ne pense pas qu'il

 13   remette cela en question et je ne pense plus qu'il y ait de problème.

 14   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Tieger.

 15   [La Chambre de première instance se concerte]

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous me permettez, j'aimerais apporter un

 17   avertissement avant que vous ne décidiez de cette question. La légende nous

 18   dit "emplacement de tireur isolé", et il n'y a aucun fondement pour cela.

 19   Le témoin n'a pas confirmé cela. Il ne lui a pas posé la question et

 20   l'agrandissement de la photo rend impossible un visionnage clair.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne comprends pas ce que vous dites

 22   par "emplacement de tireur isolé" ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] La légende a été interprétée. Si vous regardez

 24   la légende de cette photo, elle nous dit "emplacement de tireur isolé."

 25   Quel est le fondement pour cela ? S'agit-il d'une description ?

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La légende ou le titre ne font pas

 27   partie des éléments de preuve. Vu les circonstances, en particulier vu que

 28   la provenance de cette photographie n'est plus un problème, nous allons la


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  1   verser au dossier.

  2   Attribuons-lui une cote.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 2421 [comme interprété]

  4   devient la pièce P6021, Madame, Messieurs les Juges.

  5   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci. Et enfin, j'aimerais que l'on

  6   affiche deux photographies supplémentaires l'une après l'autre. Ce sont

  7   deux documents de la liste 65 ter, la première est le document 24135, et la

  8   deuxième, 24134.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il un problème avec le prétoire

 10   électronique ?

 11   Mme EDGERTON : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Maletic, cette photographie a été prise du quinzième étage de

 13   Lenjinova Bolnica [phon] à Grbavica.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la photographie

 15   suivante.

 16   Q.  Et ensuite, je vous poserai ma question. Cette photographie, la 24134

 17   de la liste 65 ter, est prise du même endroit, mais avec un zoom de 200.

 18   Alors, sur ces deux photos, est-ce que vous voyez des zones qui dépassent

 19   la ligne de confrontation telle que vous la connaissiez à l'époque pendant

 20   le conflit ?

 21   R.  Quelle est votre question ?

 22   Q.  Est-ce que ces deux photographies montrent des zones dans le territoire

 23   ennemi, derrière la ligne de confrontation ?

 24   R.  Je ne peux pas vous le confirmer. Vous avez dit qu'il y avait un zoom

 25   important sur l'une des photos. Et je dois ajouter que j'avais déclaré au

 26   paragraphe 25 que des zones civiles pouvaient être ciblées, et que je

 27   sache, cela n'a pas eu lieu. Donc, l'on pouvait cibler des zones civiles de

 28   certains emplacements, mais cela n'a pas eu lieu.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous revenir à la photographie

  2   24135 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  3   Q.  Monsieur Maletic, hier vous nous avez dit que vous aviez grandi à

  4   Sarajevo et que vous connaissiez ces zones. Alors, est-ce que vous voyez

  5   sur cette photo des emplacements qui sont derrière la ligne de

  6   confrontation ?

  7   R.  Je vois ces emplacements, mais l'agrandissement est énorme, donc je ne

  8   peux pas vous dire d'où cela a été pris.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il s'agit des

 10   deux dernières photos que j'aimerais verser au dossier, s'il vous plaît.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons maintenir

 12   notre objection, mais - pour que nous soyons sur la même longueur d'onde -

 13   ces photos peuvent être versées pour mieux comprendre la déposition du

 14   témoin. S'agissant de l'origine de la prise, nous n'avons aucun élément de

 15   preuve à ce sujet, et donc je pense que cela ne fera pas partie des

 16   éléments de preuve versés dans cette affaire. Si l'Accusation veut prouver

 17   d'où ces photos ont été prises, l'Accusation devra convoquer un témoin pour

 18   le prouver.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, nous pensons que votre

 21   commentaire est justifié. Et à la lumière des dernières évolutions, la

 22   Chambre revient sur sa décision d'hier de ne pas verser le document 24643

 23   de la liste 65 ter, et nous allons verser les trois photos ensemble.

 24   Attribuons-leur une cote.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La photographie 24135 reçoit la cote

 26   P6022. La 24134 reçoit la cote 6023. Et la 24643 reçoit la cote P6024,

 27   Madame, Messieurs les Juges.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.


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  1   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

  2   Q.  Monsieur Maletic, dans votre déclaration, vous avez également dit que

  3   votre commandement Suprême vous informait régulièrement des actions qui

  4   étaient interdites parce qu'elles allaient à l'encontre des règles de la

  5   guerre, et je me demandais si votre commandement vous avait averti qu'il

  6   était interdit d'utiliser des prisonniers pour effectuer du travail forcé

  7   dans des conditions dangereuses ?

  8   R.  J'étais au courant de certains de ces éléments, mais pas de tous les

  9   détails. Nous utilisions des prisonniers à certains moments, comme dans des

 10   ateliers, par exemple, mais je ne me souviens pas exactement quand.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P5987.

 12   Q.  Il s'agit d'un document daté du 21 mai 1993 que vous avez rédigé et que

 13   vous avez adressé au commandement du 2e Bataillon pour faire rapport sur le

 14   fait que des prisonniers musulmans s'étaient échappés et avaient été

 15   emmenés de Kula pour travailler sur la ligne de front. Est-ce que vous

 16   voyez le document à l'écran, Monsieur ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ce document nous dit que des prisonniers travaillaient sous la garde de

 19   Zeljko Mitrovic, et vous avez confirmé hier qu'il était chargé de

 20   l'escadron du travail au 2e Bataillon, et lorsque l'on s'est rendu compte

 21   qu'ils s'étaient échappés, Mitrovic et les deux soldats qui

 22   l'accompagnaient ont ouvert le feu sur les prisonniers. Seriez-vous

 23   d'accord avec moi pour dire, Monsieur Maletic, que cela va à l'encontre des

 24   règles de la guerre ?

 25   R.  Eh bien, je dois dire une chose sur cette remarque. Le document nous

 26   dit que cela a eu lieu pendant la nuit, parce que cet emplacement était

 27   exposé aux tirs en permanence. Donc, nous avons essayé de protéger ces

 28   prisonniers. Il était impossible d'effectuer ce travail pendant la journée,


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  1   ou je pense que cette note a été rédigée de façon adéquate.

  2   Q.  Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que tirer sur des prisonniers

  3   de guerre est contraire aux règles de la guerre ?

  4   R.  On ne leur aurait pas tiré dessus s'ils ne s'étaient pas enfuis en

  5   courant. Ils ont tiré pour la forme après un certain temps. Vous le voyez

  6   dans la déclaration. Ils sont venus pour m'informer de cela, et ils n'ont

  7   tiré que pour la forme.

  8   Q.  Alors, je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que veut dire "tirer

  9   pour la forme", mais revenons à ma question. Seriez-vous d'accord avec moi

 10   pour dire que tirer sur des prisonniers de guerre est contraire aux règles

 11   de la guerre ?

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge. Il semble que

 13   cette question soit ambiguë. Je crois qu'il faudrait plutôt demander si

 14   tirer sur des prisonniers de guerre qui s'enfuient est contraire aux règles

 15   de la guerre.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne vois pas de grande différence.

 17   Seriez-vous d'accord pour dire que tirer sur des prisonniers de

 18   guerre est contraire aux règles de la guerre ? C'était la question.

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, mais le document indique que les

 20   prisonniers s'enfuyaient, c'est tout à fait différent. A mon humble avis,

 21   peut-être que j'ai tort, mais si l'on tire sur des personnes qui

 22   s'enfuient, pour moi c'est permissible, même sur des civils.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 24   Madame Edgerton, veuillez continuer.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation]

 26   Q.  Très bien. Nous pouvons continuer, en fait. Mais toujours sur le même

 27   sujet. Est-ce que le commandement Suprême, lorsqu'il vous a averti des

 28   actions interdites en ajoutant qu'elles étaient contraires aux règles de la


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  1   guerre, vous a averti d'expulsions forcées également ?

  2   R.  Des expulsions naturelles ? Des expulsions forcées de la population ?

  3   Qu'est-ce que vous avez dit ? Je n'ai pas compris.

  4   Q.  Lorsque le commandement Suprême vous a averti que des actions étaient

  5   interdites parce qu'elles allaient à l'encontre des règles de la guerre,

  6   est-ce que ce commandement vous a dit que les expulsions forcées étaient

  7   interdites ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'entendez-vous par "commandement

  9   Suprême", Madame Edgerton ?

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je reprenais la formulation de la

 11   déclaration du témoin, Madame, Messieurs les Juges. Je vais vous donner le

 12   paragraphe dans un instant, le temps que je le retrouve.

 13   Quelques instants, s'il vous plaît. J'ai plusieurs copies de la déclaration

 14   du témoin et je dois m'y retrouver.

 15   Je m'excuse, Madame, Messieurs les Juges. C'est moi qui ai fait une erreur.

 16   J'ai retrouvé les mots utilisés par le témoin au paragraphe 18, et le

 17   témoin a en réalité dit "notre commandement supérieur nous informait

 18   régulièrement", et cetera. Je m'excuse, c'est moi qui ai cité à tort.

 19   Q.  Revenons à la question, Monsieur le Témoin. Est-ce que votre

 20   commandement supérieur vous a dit que ces expulsions forcées se trouvaient

 21   être interdites ?

 22   R.  Oui.

 23   Mme EDGERTON : [interprétation] Pouvons-nous, je vous prie, nous pencher

 24   sur la pièce P1266.

 25   Q.  Il s'agit d'un document daté du 30 septembre 1992, et il devrait être

 26   disponible dans votre langue aussi. Voilà. Merci. Alors, je disais que

 27   c'était daté du 30 septembre 1992. En version B/C/S, la page qu'il nous

 28   faut est la page 2, ligne 9. Il est présenté un rapport relatif à


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  1   l'expulsion de 300 civils musulmans de Grbavica ce jour-là. Donc, en dépit

  2   du fait d'avoir été mis en garde à l'égard de l'interdiction de ces

  3   expulsions, Monsieur Maletic, en fait on peut dire que expulsions il y a

  4   eu, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Est-ce que vous contestez, Monsieur Maletic, l'exactitude de ce rapport

  7   ?

  8   R.  Il n'est pas apparent ici qu'il y ait eu expulsion.

  9   Q.  Dans le document, il est dit de façon concrète, Monsieur Maletic, que

 10   l'auteur du document a pu confirmer qu'environ 300 civils musulmans ont été

 11   expulsés par des Serbes ce jour-là du secteur de Grbavica, 150 d'entre eux

 12   se sont rassemblés à l'hôtel Bristol, alors que les autres sont allés au

 13   bâtiment de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine à à peu près un kilomètre

 14   vers l'est en partant de l'hôtel. Alors, le fait qu'ils aient été expulsés

 15   n'apparaît-il pas de façon évidente à la lecture de ce document, Monsieur

 16   Maletic ?

 17   R.  C'est probablement pas de leur propre gré qu'ils ont voulu passer de

 18   l'autre côté.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on lire au témoin le fait qu'il avait

 20   appris cela par le biais d'un officier de liaison bosnien et que la source

 21   de l'information, c'est un officier de liaison bosnien ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas lu ce document. Est-ce qu'il

 23   apparaît cette chose dans le texte, Madame Edgerton ?

 24   Mme EDGERTON : [interprétation] La phrase s'énonce ainsi - je serais

 25   contente de répéter.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 27   Mme EDGERTON : [interprétation] "Par le biais d'un officier de liaison

 28   bosnien, l'auteur a pu confirmer que ce jour-là il y a eu expulsion de


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  1   quelque 300 civils musulmans du secteur Grbavica, dont 150 se sont

  2   rassemblés à l'hôtel Bristol, et les autres se sont rassemblés au bâtiment

  3   de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine qui se trouve à peu près un kilomètre

  4   à l'est de l'hôtel."

  5   Est-ce que je peux aller de l'avant, s'il vous plaît ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation]

  8   Q.  Alors, vous nous avez dit, Monsieur Maletic, à l'instant, qu'ils

  9   avaient souhaité partir de Grbavica, et ce, de leur plein gré. Alors est-ce

 10   que, peut-être, dans ce contexte-là, est-ce qu'on pourrait voir quelles

 11   étaient les conditions de vie telles qu'elles se présentaient à Grbavica.

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Et je voudrais que nous nous penchions sur

 13   la pièce P1474.

 14   Q.  Il s'agit d'un cahier de notes du général Ratko Mladic, où pour la date

 15   du 25 mars 1993 -- excusez-moi. Il est précisé qu'il a eu une réunion avec

 16   le premier ministre Radomir -- non, avec le ministre Radomir Lukic et,

 17   entre autres, il a été question de la situation à Grbavica.

 18   Mme EDGERTON : [interprétation] A cet effet, je voudrais qu'on nous montre

 19   la page 157 du compte rendu anglais et la page 159 de la version en B/C/S,

 20   c'est-à-dire de l'original.

 21   Q.  En version anglaise, nous pouvoir voir où est-ce que ce toute situation

 22   commence. Et dans les deux versions, il convient de passer à la page

 23   suivante. Ici, le général Mladic consigne ceci :

 24   "Certains soldats ont violé même des femmes serbes à Grbavica. Et Lukic --

 25   enfin, certains de ceux-là ont été sortis de Sarajevo par Lukic. Il n'a pas

 26   voulu donner de noms."

 27   Alors, est-ce que ceci reflète bien les conditions de vie telles qu'elles

 28   se présentaient à Grbavica ? Grbavica, c'était tenu par la VRS, n'est-ce


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  1   pas, Monsieur Maletic ?

  2   R.  Oui, la VRS avait tenu Grbavica, mais je ne vois pas, partant d'ici, ce

  3   que l'on voulait dire ici. Il y avait une police civile qui était chargée

  4   de tout ce qui se passait à l'intérieur; nous n'avons pas eu à connaître de

  5   ce qui se passait là-bas.

  6   Q.  Mais quand votre commandement supérieur vous a dit quelles sont les

  7   choses qui sont interdites; est-ce qu'on vous a indiqué que les violences

  8   sexuelles étaient interdites aussi ?

  9   R.  Oui, mais personne n'a jamais commis de chose pareille, donc je n'ai

 10   pas été mis au courant de cas de figure de ce type.

 11   Q.  En dépit de ces mises en garde, le général Mladic semble avoir été

 12   informé du fait que la chose se produisait encore.

 13   R.  Oui, et votre question, c'est quoi ?

 14   Q.  En dépit des mises en garde, ceci se produisait encore; vous êtes

 15   d'accord ?

 16   R.  Non, je ne suis pas d'accord.

 17   Q.  Donc, vous affirmez que le général Mladic avait été informé à tort ?

 18   R.  Moi, je peux affirmer des choses qui concernent ma partie du

 19   territoire, la partie de Grbavica que j'avais en charge. Sur ce secteur, il

 20   y avait plusieurs bataillons. Il y avait un bataillon de blindés en

 21   profondeur du territoire, et ainsi de suite. Je ne pouvais pas savoir pour

 22   ce qui est de la totalité des soldats et de ce qu'ils faisaient. Mais pour

 23   autant que je le sache, moi, ça, ça ne s'est pas produit. Il n'y a pas une

 24   once -- pas seulement des viols de femmes serbes, mais des viols du tout.

 25   Pas de viols du tout. Ou alors, du moins, moi, je n'ai pas eu l'occasion de

 26   l'apprendre.

 27   Q.  Vous étiez commandant adjoint chargé de la sécurité et du renseignement

 28   au sein du bataillon, n'est-ce pas ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et vous n'avez obtenu aucune information à ce sujet ? Vous ne saviez

  3   rien du tout au sujet de ces accusations disant que même des femmes serbes

  4   ont été violées à Grbavica ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Merci. Lorsque votre commandement supérieur vous a informé des types

  7   d'activités interdites, est-ce qu'on vous a aussi indiqué que le pillage se

  8   trouvait être interdit aussi ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Mais quand même, ces pillages et crimes à Grbavica, semblent-il, se

 11   produisaient de façon répétitive, Monsieur Maletic. N'est-ce pas le cas ?

 12   R.  Est-ce que vous considérez que c'est un crime que de voir un Serbe

 13   sorti de Sarajevo et s'installer dans un appartement qui était vide ou

 14   qu'il avait transporté un lit et quelque chose et qu'il s'était installé

 15   quelque part; vous considérez que c'est un crime de guerre, cela ?

 16   Mme EDGERTON : [interprétation] Penchons-nous donc sur la pièce P1482.

 17   C'est une autre copie de pages du carnet de notes du général Mladic. Il

 18   s'agit de la page 79 en version anglaise et page 77 de la version en B/C/S

 19   au prétoire électronique.

 20   Q.  Il y est fait référence à une réunion du commandement suprême datée du

 21   21 janvier 1993. Et là, le ministre de la Défense, qui se trouvait être le

 22   général Kovacevic à l'époque, parle de crimes et de pillages se produisant

 23   à Grbavica. Et à ce sujet, il dit au général Dragomir Milosevic que l'on ne

 24   s'en occupe pas de bonne façon à Grbavica, parce qu'il n'a pas empêché les

 25   crimes et les pillages de se produire.

 26   Alors, ceci ne reflète-t-il pas, Monsieur Maletic, le fait qu'il y a eu des

 27   pillages et des crimes de commis à Grbavica et que ça n'a pas été empêché

 28   par le commandement militaire ?


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  1   R.  Voyez-vous, une chose, la profondeur du territoire de Grbavica était

  2   sécurisée par une police civile. Cette police civile était chargée de tout

  3   ce qui se passait en profondeur du territoire.

  4   Q.  Mais, en fait, vous n'avez pas répondu à ma question. Monsieur Maletic,

  5   cette question était celle-ci : les notes du cahier du carnet du général

  6   Mladic ne reflètent-elles pas qu'il y a eu à Grbavica des pillages et des

  7   crimes qui n'ont pas été empêchés par le commandement militaire ?

  8   R.  Pour ce qui concerne l'armée, les pillages étaient interdits. Je vous

  9   ai dit ce qui se passait. Il y a eu des soldats qui se sont installés dans

 10   les appartements, et ce genre de chose. Pour ce qui est des vols, nous

 11   étions sur les lignes de front. Nous ne savions pas ce qui se passait en

 12   profondeur.

 13   Q.  Merci. Nous allons aller de l'avant.

 14   Mme EDGERTON : [interprétation] Si vous le permettez, Madame, Messieurs les

 15   Juges, je n'ai plus que deux volets, qui risquent d'être plutôt brefs,

 16   avant que d'en terminer avec mon contre-interrogatoire.

 17   Q.  Monsieur Maletic, pour ce qui est de revenir vers votre témoignage

 18   portant sur les tireurs embusqués et le commandement du bataillon - vous

 19   avez été commandant adjoint chargé de la sécurité du renseignement - vous

 20   nous affirmez que vous n'aviez pas connaissance des types de missions

 21   confiées aux snipers et de quelle façon ces missions ont été effectuées.

 22   Alors, Monsieur Maletic, la Chambre a pu entendre des témoignages indiquant

 23   que la FORPRONU avait su utiliser des troupes de reconnaissance

 24   spécialisées en matière de surveillance pour ce qui est donc de prendre

 25   connaissance des positions de tireurs embusqués. Ça a été pris en photo,

 26   ils nous ont indiqué les secteurs potentiels, et je me réfère notamment au

 27   témoignage du général Fraser, compte rendu 8 016 à 8 017. Et les Juges de

 28   la Chambre ont également entendu dire que la FORPRONU savait fort bien où


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  1   se trouvaient ces positions de tireurs embusqués, et ce, pour faire en

  2   sorte que leurs tireurs d'élite ripostent à ces tirs de tireurs embusqués

  3   pour protéger la population civile. Nous avons entendu dire en page du

  4   compte rendu 13 197 le fait que les résidents civils de Grbavica savaient

  5   qu'il y avait non seulement des tireurs embusqués, mais ils connaissaient

  6   leurs noms, où ils se trouvaient et à partir de quels endroits ils

  7   opéraient.

  8   Alors, Monsieur Maletic, hier vous nous avez fourni un témoignage pour dire

  9   que bien que vous ayez été présent aux réunions de briefing au commandement

 10   du bataillon, et que vous avez été non seulement là-bas en votre qualité de

 11   commandant d'une compagnie mais aussi de commandant adjoint chargé de la

 12   sécurité du renseignement, et vous avez admis en page 80 du compte rendu

 13   d'hier que vous receviez des informations générales au sujet de la

 14   situation du point de vue de la sécurité, je me demande comment vous pouvez

 15   continuer à affirmer que les civils de Grbavica et la FORPRONU étaient

 16   mieux informés des noms des tireurs embusqués au sein du 2e Bataillon que

 17   vous-même ?

 18   R.  J'ai dit que je ne me souvenais pas de ces noms, et je vous le répète.

 19   Q.  Dans votre déclaration, vous avez également indiqué qu'à titre

 20   personnel vous estimiez positif l'existence d'une liberté de déplacement.

 21   Et je vais me référer à un autre document que vous avez rédigé, le 65 ter

 22   24156, qui est daté du 16 mai 1993. Et nous allons attendre un peu pour que

 23   ce soit affiché sur nos écrans. C'est adressé à la totalité des unités du

 24   2e Bataillon, et on leur dit qu'il faut exercer un contrôle complet et

 25   vérifier les identités de personnes dans leurs secteurs de responsabilité

 26   pour savoir quelles sont les raisons de la présence de ces individus. Parce

 27   que s'il s'agissait de personnes qui n'avaient pas de laissez-passer et

 28   qu'il n'y avait aucune raison pour elles d'être là, il fallait les arrêter


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  1   immédiatement pour les acheminer vers le commandement du bataillon. Et

  2   s'ils essayaient de s'évader, il faudrait les arrêter, et si cela ne se

  3   trouverait pas être possible, les abattre.

  4   Alors, j'aimerais qu'on descende un peu vers le bas de la page en version

  5   anglaise. Je me réfère au paragraphe 2 de ce document, et c'est, je crois,

  6   la page suivante de la version anglaise qu'il faut nous montrer. Au

  7   paragraphe 2 de ce document, il est dit que vous avez obtenu des

  8   informations de la part de l'Eglise catholique romaine -- l'Eglise

  9   catholique croate pour préciser que c'est l'Eglise catholique croate qui

 10   avait engagé des journalistes étrangers pour leur fournir une documentation

 11   en images pour ce qui est des sites religieux détruits sur le secteur placé

 12   sous le contrôle musulman dans les territoires de la Republika Srpska, et

 13   vous avez dit :

 14   "Pour empêcher ce type d'activités, il est nécessaire d'empêcher l'accès

 15   des journalistes étrangers dans vos zones de responsabilité respectives, à

 16   moins qu'ils n'aient été annoncés par avance et escortés par un commandant

 17   habilité à le faire au niveau du commandement du bataillon."

 18   Alors, si ce type de personnes se sont trouvées dans le secteur sans

 19   autorisation, leurs pièces d'identité et matériel devraient être

 20   confisqués, et le commandement du bataillon devrait être contacté pour

 21   instruction. Alors, ma question pour vous : est-ce que ce document reflète

 22   l'appui personnel que vous avez apporté à cette liberté de déplacement ?

 23   R.  Si nous parlons de ce document, dans des circonstances de guerre -- et

 24   on peut admettre une chose, il y a eu des évasions, il y a eu des

 25   événements de ce genre. Donc, si des activités de ce type se produisent,

 26   c'est une chose tout à fait autorisée à être entreprise en situation de

 27   guerre.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les interprètes n'ont pas pu vous


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  1   entendre parce que vous avez parlé trop vite. Pouvez-vous répéter.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Si tant est que cela s'est produit, ça peut

  3   être autorisé dans des circonstances de guerre. Etant donné qu'il n'y a pas

  4   eu d'évasion, il n'y a pas eu d'exécutions, ce type de citation se trouve

  5   être dénué d'importance. Alors, si on avait répondu à ce type de

  6   conditions, on peut admettre que les précautions de ce type sont

  7   permissibles en situation de guerre, et ce que j'entends en particulier,

  8   c'est la première ligne de front.

  9   Mme EDGERTON : [interprétation] Puis-je demander à ce que cette pièce soit

 10   admise en tant que pièce à conviction de l'Accusation.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 24156 recevra la cote

 15   P6025, Madame, Messieurs les Juges.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je n'ai pas remarqué que votre temps

 17   s'était écoulé depuis un bon moment déjà, mais j'espère que vous allez

 18   terminer bientôt.

 19   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui. Je pense que le reste de mon

 20   interrogatoire dépendra des réponses apportées par le témoin, mais je

 21   n'envisage pas l'éventualité de dépasser mon temps de plus de dix minutes.

 22   Je m'en remets aux Juges.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer, Madame Edgerton.

 25   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 26   S'agissant du même sujet, j'aimerais qu'on se penche sur un autre

 27   document, qui porte la référence 65 ter 24155.

 28   Q.  Il s'agit d'un document que vous avez rédigé le 6 mars 1993, Monsieur.


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  1   Vous nous avez indiqué ici que trois journalistes étrangers sur le

  2   territoire de la Republika Srpska étaient là et que l'on donnait l'ordre à

  3   la 4e Compagnie de renforcer des mesures de contrôle dans leur zone de

  4   responsabilité, et s'ils tombaient sur ces journalistes, de les priver de

  5   leur liberté et de les acheminer vers le commandement du bataillon,

  6   indépendamment des documents qui autoriseraient ces personnes à intervenir

  7   et à travailler sur le territoire de la Republika Srpska. Est-ce que ce

  8   document indique ou reflète votre soutien personnel à la liberté de

  9   déplacement, tel que vous l'avez indiqué dans votre déclaration ?

 10   R.  Non. Ça se rapporte à des individus, cela. Rien qu'à des individus.

 11   Q.  Donc, bien que vous ayez indiqué, Monsieur Maletic, avoir apporté un

 12   soutien personnel à cette liberté de déplacement, est-ce que vous nous

 13   dites dans votre témoignage que ce soutien personnel apporté à cette

 14   liberté de déplacement ne se rapportait pas à des individus, des civils,

 15   tel que cela nous est montré dans ce document ?

 16   R.  Voyez-vous, une chose, on voit ici exactement, ceux-là ont fait preuve

 17   d'un manque d'objectivité et d'une haine vis-à-vis des Serbes par leurs

 18   articles, par leurs photographies, films, et ils ont porté des détriments

 19   incommensurables s'agissant du peuple serbe au niveau international. C'est

 20   ce type d'individus que j'avais à l'esprit.

 21   Q.  Et vous étiez déterminé pour dire que ces journalistes qui, à votre

 22   avis, manquaient de tolérance, que vous avez donc décidé que ce type de

 23   journalistes devraient être dépossédés de leur liberté de déplacement ?

 24   R.  Mais moi, je ne peux pas laisser venir l'ennemi sur les premières

 25   lignes de front pour filmer nos positions.

 26   Q.  Monsieur Maletic, Tony Ashby, un photographe de l'Australie

 27   occidentale; puis Dick Verkijk, un journaliste des Pays-Bas; et Maxe

 28   Tharton, un journaliste de l'Australie, qu'est-ce qui fait de ces gens-là


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  1   des ennemis à vos yeux ?

  2   R.  Partant des informations obtenues de la part du commandement, d'après

  3   les activités déployées jusque-là, on voit dans cette déclaration de quoi

  4   il en retourne exactement. Donc, ces journalistes pouvaient se déplacer,

  5   mais il ne fallait pas qu'ils viennent dans la zone de responsabilité de la

  6   compagnie. Il ne fallait pas qu'il leur soit rendu possible d'arriver

  7   jusqu'aux premières lignes de front, photographier nos positions, et que le

  8   lendemain on soit exposés à des tirs d'artillerie.

  9   Q.  Merci.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je vais demander à ce que ceci soit versé

 11   au dossier comme une pièce de l'Accusation, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 24155 recevra la référence

 14   P6026, Madame, Messieurs les Juges.

 15   Mme EDGERTON : [interprétation] Merci.

 16   Q.  Ma dernière question pour vous, Monsieur. Vous avez évoqué dans votre

 17   déclaration un dénommé Veselin Vlahovic et un certain Zoran Vitkovic dans

 18   le secteur de Grbavica, et vous avez dit que vous ne saviez pas qu'il y

 19   avait eu tout un éventail de problèmes générés par ces unités

 20   paramilitaires. Alors, Monsieur Maletic, le colonel Milosevic [comme

 21   interprété], parce qu'à l'époque il était colonel, a informé le général

 22   Mladic à la date du 16 juin 1992 - et la référence en question, c'est la

 23   pièce P1478, pages 172, 173 en version anglaise, à savoir pages 170 et 171

 24   en version B/C/S - donc ce colonel Milosevic a dit au général Mladic que

 25   Zoran Vitkovic se trouvait être à la tête des hommes qui étaient en train

 26   de piller.

 27   C'est ce même Zoran Vitkovic que vous avez évoqué dans votre

 28   déclaration, n'est-ce pas, Monsieur Maletic ?


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  1   R.  Oui. J'ai parlé de Zoran Vitkovic, en effet, et j'ai dit que j'étais

  2   militaire à l'époque, je n'en sais que peu - et je pense avoir indiqué ceci

  3   dans ma déclaration - un groupe sous le commandement de Zoran Vitkovic

  4   était installé dans le bâtiment de Diktafon Buje [phon]. Ils ne sont pas

  5   allés sur la ligne de front. Ils sont allés aider sur certaines parties de

  6   la ligne de front, là où les combattants serbes avaient besoin d'aide, là

  7   où l'ennemi attaquait. Lors d'une attaque de cette nature des forces

  8   musulmanes, il y a eu mort de Zoran Vitkovic --

  9   Q.  Monsieur Maletic, vous avez répondu à ma question dans les deux

 10   premiers mots que vous avez prononcés. Vous avez dit "oui". Je voudrais

 11   aller de l'avant. Les Juges de la Chambre ont déjà entendu des éléments de

 12   témoignage de la part de Ratomir Neskovic, qui avait été président de la

 13   cellule de Crise de crise de Novo Sarajevo à l'époque, au sujet de cet

 14   autre homme que vous mentionnez, Veselin Vlahovic, alias Batko, et je vous

 15   renvoie vers la page du compte rendu T14345 à 346. Le Dr Karadzic a fait

 16   référence à ce M. Neskovic et il a évoqué le témoignage de Neskovic dans

 17   l'affaire Krajisnik au sujet de Batkovic. Et ce M. Neskovic a dit ce qu'il

 18   avait déjà évoqué dans l'affaire Krajisnik. On lui a demandé : 

 19   "Est-ce qu'il est sous-entendu le fait que les cibles primaires de ces

 20   attaques étaient les Musulmans et les Croates ?"

 21   Et il a dit :

 22   "Dans une certaine mesure, oui, mais les cibles principales de ces attaques

 23   avaient toujours à voir avec l'argent et le pillage, bien entendu, en

 24   particulier pour ce qui est des Musulmans et des Croates, essentiellement

 25   les Musulmans."

 26   Donc, Monsieur Maletic, le président de cette cellule de Crise de Novo

 27   Sarajevo était au courant de tout un éventail de crimes dans lesquels était

 28   impliqué ce dénommé Batko. Et le colonel Milosevic et le général Mladic le


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  1   savaient aussi. Donc, comment pouvez-vous, vous qui avez grandi à Sarajevo,

  2   qui étiez chef d'une compagnie sur la ligne de front à Sarajevo et

  3   commandant adjoint chargé du renseignement et de la sécurité au sein de

  4   votre bataillon, comment pouvez-vous dire que vous n'aviez pas eu vent de

  5   tout cet éventail de crimes que ces individus avaient commis ?

  6   R.  Cet homme a disparu de la région avant que je ne rejoigne le

  7   commandement en tant que commandant de compagnie et commandant adjoint

  8   chargé des questions de renseignement et de sécurité.

  9   Q.  Je vous remercie.

 10   Mme EDGERTON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser,

 11   Madame, Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 13   Monsieur Karadzic.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellences. Bonjour à toutes

 15   les personnes dans le prétoire.

 16   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Maletic.

 18   R.  Bonjour à vous.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrions-nous afficher, s'il vous plaît, le

 20   P998 dans le prétoire électronique.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Et en attendant son affichage, au paragraphe 18 de votre déclaration,

 23   vous avez dit que les commandants supérieurs vous ont informés de toute

 24   interdiction d'agir, et Mme Edgerton vous a posé une question à ce sujet.

 25   Je vous demander de bien vouloir regarder le document. Je souhaite voir la

 26   dernière page du document, si possible. En anglais, l'avant-dernière page,

 27   s'il vous plaît.

 28   Voyez-vous à qui ceci a été envoyé, et votre unité a-t-elle également reçu


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  1   ces instructions concernant les actions à venir ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Je vais donc lire le dernier paragraphe qui est le paragraphe 6 :

  4   "Il est strictement interdit de maltraiter la population civile et la

  5   population non armée et il faut traiter les prisonniers en application des

  6   conventions de Genève."

  7   Est-ce que vous avez reçu ceci ? Est-ce que c'est ce que vous aviez reçu et

  8   avez-vous appliqué ces consignes ?

  9   R.  Nous avons reçu ces instructions et nous les avons respectées.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant revenir à la

 12   page P6025. P6025. Ce document a été versé au dossier aujourd'hui. Je

 13   souhaite que nous regardions le premier paragraphe que mon éminente consœur

 14   a omis de lire.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Je vais vous demander de lire ce paragraphe à voix haute, s'il vous

 17   plaît.

 18   R.  "Nous avons reçu des renseignements provenant de différentes sources

 19   indiquant que des groupes de forces américaines spéciales (membres des soi-

 20   disant 'Bérets verts', des hommes chargés de la reconnaissance des cibles

 21   et des routes) ont déjà été intégrés dans le territoire de l'ancienne BiH.

 22   Dans le cas où il y aurait une intervention militaire étrangère, ils sont

 23   censés remplir des tâches telles que orienter l'armée de l'air, assurer la

 24   sécurité des zones où les aéronefs atterriraient, rassembler des éléments

 25   d'information sur les effectifs des unités serbes, identifier et

 26   sélectionner les cibles pour les frappes aériennes, et d'autres tâches

 27   particulières."

 28   Q.  Merci. Donc, l'interdiction citée au paragraphe 1 est censée faire


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  1   référence à -- pardonnez-moi, point 4 -- pardonnez-moi. En fait, il s'agit

  2   du dernier paragraphe "dont le but est de découvrir", et cetera. Alors ceci

  3   faisait référence à quoi ?

  4   R.  Les forces spéciales américaines, et c'est la raison pour laquelle j'ai

  5   donné cet ordre, ou plutôt, que j'ai fourni cet élément d'information.

  6   Q.  Donc, les membres des groupes susmentionnés ?

  7   R.  Oui. On parle de groupes de forces spéciales américaines qui ont été

  8   intégrées.

  9   Q.  Est-ce que vous pouvez lire ceci à voix haute, s'il vous plaît, "dans

 10   le cas où il n'y aurait pas…" et cetera.

 11   R.  Je ne trouve pas l'endroit en question.

 12   Q.  Le dernier paragraphe du point 1.

 13   R.  "Dans le but de déceler…"

 14   Q.  Oui, c'est cela. C'est la phrase d'après.

 15   R.  C'est parti, maintenant.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez lire lentement, encore une

 17   fois, s'il vous plaît.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] "A moins qu'il n'y ait des raisons concrètes

 19   et des justifications particulières, veuillez arrêter immédiatement et

 20   apporter au commandant du bataillon ces personnes qui tentent de s'enfuir,

 21   les empêcher de le faire, et si cela n'est pas possible, les liquider."

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Merci. Comment avez-vous traité les Serbes qui se sont déplacés le long

 24   des lignes sans autorisation ? Avez-vous appliqué des mesures contre ces

 25   hommes-là aussi ?

 26   R.  Bien entendu. Aucun accès non autorisé n'était permis sur les lignes de

 27   front.

 28   Q.  Merci. Au paragraphe 3 du point 3.


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  1   "Si nous rencontrons de telles personnes dans les zones de combat…", et

  2   cetera.

  3   Quel est l'élément-clé ici ? Comment traitez-vous ces personnes, et

  4   qu'est-ce qui vous motive pour ce faire ? En d'autres termes, qu'est-il

  5   arrivé aux personnes qui avaient accès à ces lignes ?

  6   R.  Eh bien, si les personnes avaient accès, elles pouvaient continuer à

  7   filmer et accomplir leur travail de journaliste.

  8   Q.  Merci. On vous a posé une question sur cette soi-disant expulsion. Et

  9   lorsque vous étiez là, y a-t-il eu des échanges organisés par des

 10   commissions conformément à certaines listes; et si oui, à quel endroit et

 11   sur quels ponts ce genre de chose s'est-il produit ?

 12   Mme EDGERTON : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, nous

 13   pourrions peut-être demander au Dr Karadzic de reformuler sa question, car

 14   il s'agit là d'une question fort directrice, ou alors, c'était une ligne

 15   tellement directrice, une question tellement directrice que ce n'est même

 16   plus la peine de la reformuler.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi. Veuillez m'en excusez, s'il vous

 19   plaît. J'ai la fâcheuse habitude que j'ai depuis la présentation des moyens

 20   à charge de l'Accusation. J'ai du mal à m'en défaire.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Monsieur Maletic, qu'est-il arrivé aux personnes qui souhaitaient

 23   passer d'un côté à l'autre ? Comment cela était-il réglementé ?

 24   R.  J'ai dit ici que pendant certains moments les routes bleues, les

 25   itinéraires bleus étaient ouverts. Et donc, les personnes pouvaient

 26   librement passer les ponts dans les deux sens.

 27   Q.  Quelqu'un pouvait-il passer à sa guise ou ceci était-il réglementé ?

 28   R.  Avec l'accord préalable qui avait été conclu avec les parties


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  1   belligérantes et pour autant qu'il y ait une trêve, un cessez-le-feu, oui.

  2   Q.  Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous maintenant afficher le P6019, s'il

  4   vous plaît.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que représente le bâtiment vert de l'autre

  7   côté de la rue, si vous le reconnaissez ?

  8   R.  Peut-être qu'il s'agit du bâtiment qui se trouve à côté de la faculté

  9   du génie.

 10   Q.  Il est indiqué que cette photographie a été prise du 6e étage ou du

 11   toit de la rue Lenjinova. Aviez-vous des tireurs isolés qui étaient

 12   positionnés au 6e étage -- ou 13e étage de ce bâtiment sur la rue Lenjinova

 13   ?

 14   R.  Alors, il s'agissait là de la ligne de front et les combattants étaient

 15   dans des abris.

 16   Q.  Merci.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher le 6020,

 18   s'il vous plaît.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Comme pour la question précédente, pouvez-vous répondre par oui ou par

 21   non ? Aviez-vous des tireurs embusqués positionnés à cette hauteur-là ?

 22   R.  Je n'avais pas de tireurs isolés dans mon unité. Pour ce qui est de

 23   cette photographie-ci, cette photographie a été prise après la guerre,

 24   c'est ce qu'on nous a dit, donc, ceci n'est pas exact. Peut-être qu'il y

 25   avait un arbre à cet endroit-là. Et autre chose, il est extrêmement

 26   difficile de comprendre, la circulation de voitures était autorisée du côté

 27   musulman lorsqu'ils ont lancé des opérations de combat, exposant ainsi les

 28   véhicules et des civils en les mettant en danger. Donc, il y avait un


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  1   véritable danger et on pouvait être touché par des balles qui se perdaient.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Monsieur

  3   Maletic, qu'est-ce que vous entendez lorsque vous avez dit que vous

  4   "n'aviez pas de tireurs isolés dans votre unité" ? Qu'est-ce que vous

  5   entendiez par là, vous n'y avez pas de tireurs isolés sur ces positions-là

  6   ou vous n'avez pas de tireurs isolés du tout dans votre unité ?

  7    L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin peut-il, s'il vous plaît, recevoir

  8   l'interprétation suivante : les tireurs isolés sont des -- ou des tireurs

  9   embusqués ou des tireurs d'élite ou des tireurs embusqués -- je souhaite

 10   que le témoin reçoive une interprétation correcte an langue serbe.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez préciser, s'il vous plaît,

 12   qu'est-ce que vous entendez lorsque vous avez dit : "Je ne disposais pas de

 13   tireurs d'élite dans mon unité" ?

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a dit "snajperisti" et cela était

 15   interprété comme "tireur d'élite".

 16   L'INTERPRÈTE : Un tireur d'élite et un tireur embusqué, eh bien, c'est une

 17   seule et même chose.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je vais poser la question à M.

 19   Maletic.

 20   Est-ce que vous avez compris la question ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Lorsque j'étais commandant de la

 22   compagnie en 1992, ou pendant une partie de l'année, dans notre compagnie

 23   nous n'avions pas de tireurs embusqués. Notre ligne de défense se trouvait

 24   au pied des immeubles. Nous avions des fusils automatiques et semi-

 25   automatiques, et des mitrailleuses, et cetera.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel était la date du document sur la

 27   liste des noms que nous avons vue hier, Madame Edgerton ?

 28   Mme EDGERTON : [interprétation] La liste ne porte pas de date, Madame,


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  1   Messieurs les Juges. Et il comprend le nom d'un certain Aco Petkovic [comme

  2   interprété] qui, d'après les dires du témoin, a remplacé le commandant de

  3   bataillon précédent à une date précise que je ne trouve pas sur le moment.

  4   Donc, on peut raisonnablement conclure que la liste ne date pas de 1992.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Veuillez poursuivre.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Sauf tout le respect que je dois aux interprètes, je dois vous poser la

 10   question suivante : "strelac" et "snajperisti", s'agit-il de deux termes

 11   identiques ?

 12   L'INTERPRÈTE : En serbe il y a une différence.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Je vous pose la question, Monsieur Miletic. Un tireur d'élite vous a

 15   été interprété comme "strelac" Y a-t-il des termes qui correspondent à

 16   "strelac" et "snajperisti" au niveau du registre militaire ? Y a-t-il une

 17   différence entre les deux ?

 18   R.  "Snajperisti" est un tireur embusqué. Peut-être que l'autre terme

 19   s'appliquait à un soldat qui portait un fusil automatique. C'est ce qu'on

 20   appelle "strelac".

 21   Q.  Merci.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant regarder le

 23   6022.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Aviez-vous des positions sur le 15e étage de la rue Lenjinova ou sur le

 26   toit ? Avez-vous des positions à cet endroit-là ?

 27   R.  Nos positions se trouvaient au pied des bâtiments à cet endroit-là, et

 28   nous avions des tranchées ou des casemates fortifiés.


Page 30887

  1   Q.  Question tout à fait hypothétique. En tant que soldat, pourriez-vous

  2   nous dire quelle serait la trajectoire d'un projectile qui traverserait un

  3   tram ? Quelle serait la trajectoire ? Quels seraient le point d'entrée et

  4   le point de sortie ?

  5   R.  A quoi cela ressemblerait --

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  7   Mme EDGERTON : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, je dois

  8   dire que ceci ne découle pas du contre-interrogatoire.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous avez montré cette photographie et

 10   il pose la question en se fondant sur cette photographie.

 11   Mme EDGERTON : [interprétation] Oui, j'entends bien ce que vous dites et

 12   votre décision.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Si on devait tirer depuis cette hauteur, depuis le 15e étage ou depuis

 17   le toit de cette tour sur les rails du tram, quelle serait la hauteur du

 18   point d'entrée et du point de sortie ? Y aurait-il une différence ?

 19   R.  Il y aurait une différence extrêmement importante. Le point d'entrée --

 20   la partie inférieure traverserait le tram en deçà.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous afficher le 2126, et je vais

 22   demander à l'huissier de bien vouloir remettre le stylet au témoin, s'il

 23   vous plaît.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Maletic, reconnaissez-vous ceci ? D'où cette photographie a-t-

 26   elle été prise, depuis quelle position ?

 27   R.  Je ne peux pas me retrouver sur cette photographie.

 28   Q.  Voyez-vous Metaljka là-bas dans le fond ?


Page 30888

  1   R.  Oui, je le vois.

  2   Q.  Pouvez-vous indiquer l'endroit où se trouve la faculté de philosophie,

  3   ainsi que le musée ?

  4   R.  Le musée national, le Menanski [phon], le musée Menanski.

  5   Q.  Oui.

  6   R.  Comment dois-je l'indiquer ? Y apposer un cercle ?

  7   Q.  Veuillez apposer le chiffre à un endroit où se trouve le musée.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Et le bâtiment qui se trouve dans la cour, ceci fait-il partie du musée

 10   également ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Merci. Veuillez indiquer à quel endroit se trouve la faculté de

 13   philosophie.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Merci. Alors, maintenant, est-ce que vous pouvez voir le lit du fleuve

 16   de ce côté-là, du côté serbe ? Pouvez-vous indiquer à quel endroit se

 17   trouvaient vos positions à l'aide d'un tracé rouge ?

 18   R.  [Le témoin s'exécute]

 19   Q.  Merci. Aviez-vous des positions en haut des bâtiments là-bas ? Par

 20   exemple, au 7e étage de Metaljka, aviez-vous une position à cet endroit-là

 21   ?

 22   R.  Non, non. Ce qui est indiqué à Metaljka 1 et 2 sont des positions que

 23   nous n'utilisions que la nuit parce que nous ne pouvions pas nous approcher

 24   de ces endroits-là pendant la nuit [comme interprété]. Donc, nous les

 25   utilisions surtout la nuit, et toutes les positions se trouvaient à des

 26   niveaux inférieurs du bâtiment.

 27   Q.  Merci. Alors veuillez nous dire ceci, ces positions qui se trouvaient à

 28   des niveaux inférieurs -- en réalité, où se trouvaient ces positions ?


Page 30889

  1   Pouvez-vous utiliser le stylet vert ou une autre couleur pour nous indiquer

  2   où se trouvaient leurs positions face à vous ? Le surligneur vert. En vert,

  3   ce serait très visible. Le bleu, c'est bien aussi.

  4   R.  [Le témoin s'exécute]

  5   Q.  Etaient-ils à côté de la rivière ou un peu plus loin ?

  6   R.  Ils étaient dans ces bâtiments à des niveaux inférieurs, et dans

  7   certains secteurs nous pouvions constater qu'ils étaient juste à côté de la

  8   rivière et sous ce bloc de béton, là. Donc, cela se trouve à des niveaux

  9   inférieurs par rapport aux bâtiments, si vous voulez.

 10   Q.  Merci. Y avait-il quelque chose au niveau de ces bâtiments, au niveau

 11   du musée, y avait-il des installations militaires ? Ces bâtiments étaient-

 12   ils utilisés ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Donc, vos positions étaient des positions qui étaient dans un abri, et

 15   est-ce que vous pouviez voir au-delà de leurs lignes ? Est-ce que vous

 16   aviez une bonne ligne de mire ? C'est quelque chose dont vous parlez dans

 17   votre déclaration. Est-ce que c'est cela que vous entendiez lorsque vous

 18   avez dit que depuis vos positions vous ne pouviez pas les voir ?

 19   R.  Oui, c'est ce que j'ai essayé d'expliquer, qu'on ne pouvait pas voir le

 20   territoire en profondeur depuis cet endroit-là.

 21   Q.  Merci. Etes-vous d'accord pour dire qu'en face de la faculté, il y a un

 22   S, ou plutôt, il s'agit d'une ligne où passe le tram et il passe de l'autre

 23   côté de la rue à cet endroit-là. Donc, on ne voit que le début --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous posez des

 25   questions directrices.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi.

 27   Q.  Est-ce que vous connaissez l'endroit où il y a un virage et le tram

 28   doit ralentir à cet endroit-là ?


Page 30890

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Et vos soldats attendaient-ils pour tirer sur le tram à ce moment-là ?

  3   R.  Non. C'était toujours interdit de tirer sur des civils et sur des

  4   cibles civiles.

  5   Q.  Merci. Veuillez nous dire si vous voyez ce bâtiment rouge dans le fond,

  6   est-ce que vous pourriez nous dire qui conservait quoi sous leur contrôle

  7   dans le bâtiment Metaljka ? Et veuillez nous l'indiquer sur cette

  8   photographie.

  9   R.  Là, ce n'était pas la ligne de mon bataillon. Je peux dire simplement

 10   que dans ce bâtiment rouge -- eh bien, c'était en partie des positions

 11   serbes et des positions musulmanes qui se trouvaient dans ce bâtiment. Cela

 12   ne faisait pas partie de la zone de responsabilité de mon bataillon. J'en

 13   ai simplement entendu parler.

 14   Q.  Veuillez entourer d'un cercle ce bâtiment qui a été divisé entre les

 15   deux armées.

 16   R.  Pardonnez-moi, mais je crois qu'il s'agit de ce bâtiment-là.

 17   Q.  Merci. Et le long des tranchées -- en réalité, veuillez apposer le

 18   chiffre 4 à côté de ce bâtiment, et veuillez indiquer l'endroit où se

 19   trouvaient les tranchées en y apposant le chiffre 3.

 20   R.  Un 3 ? Nos tranchées, d'accord ?

 21   Q.  Oui.

 22   R.  [Le témoin s'exécute]

 23   Q.  Vous pouvez également apposer le chiffre 4 à côté de ce bâtiment rouge.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, la Chambre doit lever

 25   l'audience à 10 heures 30 précises. Si vous avez besoin de davantage de

 26   temps, nous pouvons faire la pause maintenant.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, non, Excellences. Je pourrais terminer

 28   maintenant, mais je souhaite demander à M. Maletic d'apposer une date sur


Page 30891

  1   ce document et d'y apposer sa signature également.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera la prochaine pièce à conviction

  3   de la Défense.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document portera la cote D2525,

  5   Madame, Messieurs les Juges.

  6   Mme EDGERTON : [interprétation] Serait-il sage de verser au dossier la

  7   photographie sous-jacente sans annotation ?

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, cela ne pose pas de problème.

  9   Ce document recevra la cote D2526.

 10   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Juste une observation, Docteur

 11   Karadzic. Si vous demandez à quelqu'un d'être d'accord avec la proposition

 12   que vous lui soumettez, il s'agit toujours là d'une question directrice.

 13   C'est ce que vous avez tendance à faire. Et c'est quelque chose que l'on

 14   assène à des étudiants en droit, car on leur dit que c'est justement

 15   quelque chose qu'ils ne doivent jamais faire. Il est vrai que lorsque vous

 16   posez une question, vous posez toujours un préambule : quoi, quand, qui,

 17   où. Eh bien, cela ne permet pas toujours d'exclure une question directrice;

 18   au contraire, cela le favorise.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence. Vous avez tout à fait

 20   raison. Je sais que c'est une de mes habitudes, si vous voulez.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous terminé vos questions

 22   supplémentaires ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellences. Merci.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Maletic. Ceci met un

 25   terme à votre déposition. Nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

 26   Nous allons lever l'audience tous ensemble et reprendre à 11 heures.

 27   [Le témoin se retire]

 28   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.


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  1   --- L'audience est reprise à 11 heures 03.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre va rendre sa décision orale

  3   sur trois points. Tout d'abord, la Chambre va rendre une décision orale sur

  4   la requête de l'accusé de modifier la liste des témoins déposée

  5   publiquement avec des annexes confidentielles le 22 novembre 2012. Dans la

  6   requête, l'accusé demande que la Chambre lui permette de modifier sa liste

  7   de témoins en application de l'article 73 ter (D) du Règlement en ajoutant

  8   un témoin. L'accusé avertit la Chambre qu'il n'a pas l'intention de

  9   convoquer les 26 témoins supplémentaires qui apparaissaient sur la liste de

 10   témoins auparavant. De plus, l'accusé a informé la Chambre que le témoin

 11   qu'il veut ajouter bénéficie des conditions de l'article 70 du Règlement

 12   dans une affaire préalable et il attache donc le fondement factuel pour sa

 13   requête ainsi que la déclaration proposée du témoin en annexes A et B de la

 14   requête, annexes confidentielles.

 15   Le 23 novembre 2012, l'Accusation a déposé sa réponse en déclarant qu'elle

 16   ne s'opposait pas à la requête de l'accusé.

 17   Après avoir analysé les informations reprises dans l'annexe A de la requête

 18   et la déclaration proposée dans l'annexe B pour le témoin que l'accusé

 19   désire ajouter à sa liste, et eu égard au fait que l'Accusation ne s'oppose

 20   pas à cet ajout, la Chambre estime qu'il y a de bonnes raisons pour

 21   permettre à l'accusé d'ajouter ce témoin à sa liste et fait droit à la

 22   requête de l'accusé à cet égard. S'agissant des conditions de l'article 70

 23   du Règlement en place pour ce témoin qui a déposé dans une affaire

 24   précédente, la Chambre rappelle à l'accusé qu'il a l'obligation de faire

 25   une demande conformément à l'article 70 du Règlement à la Chambre pour les

 26   témoins qu'il désire convoquer. La Chambre remarque de plus qu'il n'y a pas

 27   de "mesures de protection existantes sous l'article 70 du Règlement" qui

 28   soient ininterrompues d'une affaire à l'autre, et la Chambre doit décider


Page 30893

  1   de ces questions au cas par cas. En conséquence, la Chambre donne

  2   instruction à l'accusé de déposer une demande conformément à l'article 70

  3   du Règlement pour ce témoin en y annexant toutes les correspondances

  4   pertinentes avec l'Etat demandant l'application des conditions de l'article

  5   70 du Règlement bien à l'avance de la déposition prévue du témoin.

  6   En conséquence, la Chambre fait droit à la requête et permet à l'accusé

  7   d'ajouter le témoin repris dans l'annexe A confidentielle de la requête de

  8   sa liste 65 ter.

  9   La Chambre va à présent délivrer sa décision sur la demande de

 10   l'Accusation, rendue oralement le 28 novembre 2012, selon laquelle l'accusé

 11   doit fournir à l'Accusation les déclarations de témoins en instance pour

 12   tous les témoins qu'il désire convoquer pendant la présentation de ses

 13   moyens. Pour les délais, l'Accusation demande à l'accusé de divulguer ces

 14   informations pour la fin du mois de décembre pour les témoins qui vont

 15   déposer sur les composantes municipalités et otages dans l'affaire, et pour

 16   la fin du mois de janvier pour les témoins déposant sur Srebrenica.

 17   En outre, l'Accusation avance que l'accusé n'a pas répondu aux exigences de

 18   l'article 65 ter [comme interprété] du Règlement de procédure et de preuve

 19   du Tribunal, car sa liste de témoins ne contient pas des résumés factuels

 20   appropriés des dépositions des témoins. Vu que l'Accusation n'a pas non

 21   plus reçu de déclarations de témoins pour plusieurs témoins, elle est

 22   incapable de mener des enquêtes sur ces témoins, ni d'identifier dans

 23   quelle mesure ils se contredisent.

 24   L'Accusation avance également que, telle que la Chambre l'avait exigé

 25   pendant la Conférence préalable au procès, elle a essayé de trouver une

 26   solution avec la Défense sans faire participer la Chambre. Cependant,

 27   l'équipe de la Défense a fait remarquer que des informations

 28   supplémentaires sur les éléments de preuve déposés par les témoins ne


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  1   seraient pas disponibles vu que la Défense ne dispose pas du temps ni des

  2   ressources nécessaires. A cet égard, l'Accusation fait remarquer que

  3   l'accusé a été prévenu par la Chambre en ce que sa liste de témoins est

  4   démesurée et inclut un grand nombre de témoins qui vont fournir des

  5   informations inutiles, marginales, ou répétitives manifestement qui, à leur

  6   tour, vont alourdir la charge,  les contraintes temporelles et de

  7   ressources auxquelles doit faire face la Défense.

  8   L'Accusation explique enfin que lorsqu'elle demande des déclarations de

  9   témoins plutôt que des résumés factuels conformément à l'article 65 ter,

 10   elle essaie d'alléger la charge de travail de la Défense vu que les résumés

 11   ne peuvent être fournis qu'après la rédaction des déclarations.

 12   En réponse, l'accusé avance qu'il s'oppose à la demande étant donné qu'il

 13   est impossible pour la Défense de répondre et de respecter les délais

 14   demandés sans davantage de temps ni de ressources. Le conseiller juridique

 15   de l'accusé, Me Robinson, ajoute que l'équipe de la Défense a fait tout son

 16   possible pour fournir un maximum d'information à l'Accusation pour les

 17   témoins à décharge, et ce, compris la communication d'environ 160

 18   déclarations de témoins jusqu'à présent. Il répète, cependant, que la

 19   Défense ne dispose pas des ressources pour entendre toutes les déclarations

 20   de témoins pour le mois de décembre et le mois de janvier. S'agissant des

 21   résumés plus détaillés des éléments de preuve, Me Robinson avance qu'il

 22   s'agit de conjectures vu que la Défense n'a pas davantage d'information sur

 23   ces témoins qui n'ont pas encore été en récolement. En conséquence, Me

 24   Robinson conclut qu'il vaudrait mieux pour l'Accusation et la Défense de

 25   continuer à collaborer comme cela a été le cas jusqu'à présent. Dans des

 26   cas où l'Accusation est désavantagée par une introduction tardive de la

 27   notification, la Chambre peut reporter la déposition des témoins concernés.

 28   La Chambre a analysé les résumés de l'article 65 ter du Règlement fournis


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  1   par l'accusé et est d'accord avec l'Accusation sur le fait qu'un grand

  2   nombre de ces résumés ne sont pas soumis dans un délai de notification

  3   nécessaire pour les éléments de preuve déposés par les témoins. Par

  4   exemple, pour beaucoup de témoins, les résumés sont très généraux et

  5   fournissent très peu d'information, à part la composante pour laquelle les

  6   témoins déposent de façon pertinente. De plus, beaucoup de ces déclarations

  7   sont stéréotypées et les mêmes résumés sont fournis à plusieurs reprises.

  8   Il y a très peu de différences ou pas de différences du tout d'un témoin à

  9   l'autre. En outre, tel que Me Robinson l'a récemment fait avancer, la liste

 10   n'inclut pas non plus les témoins dont les éléments de preuve ont été admis

 11   ou devraient être admis conformément aux articles 92 bis et 92 quater du

 12   Règlement, malgré le fait que l'article 65 ter (G) du Règlement dispose

 13   clairement que ces témoins devraient être inclus aussi. En conséquence, la

 14   Chambre estime que la liste de témoins de l'accusé en l'état ne respecte

 15   pas l'article 65 ter (G) du Règlement.

 16   La Chambre entend que l'accusé et son équipe travaillent d'arrache-pied

 17   pour obtenir les déclarations de témoins de tous les témoins de la liste de

 18   témoins révisée de l'accusé du 11 septembre 2012. Cependant, la Chambre

 19   remarque également que cette liste contient 583 témoins qui devraient

 20   déposer conformément à l'article 92 ter du Règlement, à l'exception de

 21   l'accusé lui-même, et la Défense possède seulement 160 déclarations de

 22   témoins pour le moment. Il s'ensuit donc qu'environ 420 témoins n'ont pas

 23   encore été interrogés par la Défense à ce stade-ci. Il est également clair,

 24   et cela ressort des arguments présentés devant la Chambre, qu'un grand

 25   nombre de ces témoins n'ont jamais été contactés par la Défense et ne

 26   savent probablement même pas qu'ils se retrouvent sur la liste des témoins

 27   de l'accusé. Cette situation est extrêmement insatisfaisante à ce stade-ci

 28   du procès et ne favorise pas l'efficacité de ce dernier.


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  1   La Chambre rappelle qu'elle a déjà prévenu l'accusé lors de la

  2   Conférence de mise en état du 3 septembre 2012 que la première mouture de

  3   sa liste de témoin qui contenait 579 témoins était inquiétante vu que,

  4   entre autres, elle incluait un grand nombre de témoins dont les éléments de

  5   preuve étaient totalement ou en grande partie non pertinents pour les chefs

  6   d'accusation repris dans l'acte d'accusation ainsi que le fait que les

  7   témoins se répétaient de façon inutile. La Chambre a même donné des

  8   exemples particuliers de ces témoins et a ordonné à l'accusé de revoir sa

  9   liste de témoins en gardant à l'esprit ces préoccupations. Lorsque l'accusé

 10   a enfin déposé une liste de témoins révisée le 11 septembre 2012, il n'a

 11   retiré que dix témoins de cette liste et a inclus un grand nombre de

 12   témoins de moralité. En conséquence, le nombre total de témoins repris sur

 13   la liste 65 ter s'élève à 583 en ce moment. Depuis lors, plusieurs témoins

 14   ont été retirés par la Défense car ils ont refusé de venir déposer, et

 15   l'accusé a retiré une vingtaine de témoins supplémentaires, tel qu'indiqué

 16   dans ma décision orale préalable.

 17   La Chambre est d'accord avec l'Accusation lorsqu'elle dit que le

 18   problème de l'accusé s'agissant de la communication de résumés factuels

 19   appropriés pour sa liste de témoins découle de son incapacité à revoir ce

 20   qui est, en l'occurrence, une liste de témoins excessive et irréaliste. La

 21   Chambre s'inquiète également, car il semble que la liste de témoins de

 22   l'Accusation ait été compilée sans que l'accusé et l'équipe de la Défense

 23   ne sachent ce que les témoins vont en fait dire lors de leur déposition.

 24   Non seulement cela n'est pas juste vis-à-vis de l'Accusation, mais cela va

 25   également à l'encontre de l'esprit du Règlement et fait que la Chambre

 26   remet en question la capacité de l'accusé de bien se représenter et

 27   d'organiser sa défense. Comme l'Accusation doit le savoir, la Chambre doit

 28   garantir un procès équitable à la fois pour lui et l'Accusation. La Chambre


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  1   est également obligée de s'assurer que le procès soit rapide, ce qui veut

  2   dire que l'accusé ne peut pas convoquer un grand nombre de témoins

  3   inutiles, en particulier si leurs dépositions ne sont pas pertinentes ou

  4   seulement légèrement pertinentes pour les chefs repris dans l'acte

  5   d'accusation ou s'ils se répètent inutilement.

  6   Pour toutes ces raisons, la Chambre est arrivée à la conclusion

  7   suivante : la Chambre fait en partie droit à la demande de l'Accusation. La

  8   Chambre ordonne donc à l'accusé de fournir à l'Accusation les résumés

  9   appropriés conformément à l'article 65 ter du Règlement pour tous les

 10   témoins qu'il désire convoquer. Il devra le faire pour la fin du mois de

 11   janvier 2013 pour les témoins qui déposeront pour les composantes

 12   municipalités et otages de l'affaire, et pour la fin du mois de février

 13   2013 pour la composante Srebrenica du procès. Vu les indications de la

 14   Chambre sur la conduite de ce procès en date du 8 octobre 2009, elle ne va

 15   pas ordonner à l'accusé de fournir des déclarations de témoins à

 16   l'Accusation pour ces dates-là, mais plutôt elle laisse la porte ouverte

 17   aux parties quant aux modalités si cela s'avère plus pratique.

 18   Alors que l'accusé et Me Robinson ont avancé que la communication des

 19   résumés dans les délais demandés par l'Accusation serait impossible, la

 20   Chambre rappelle son point de vue selon lequel la liste de témoins des

 21   accusés, même dans la forme révisée actuelle, n'est pas réaliste et

 22   déraisonnable pour toutes les raisons évoquées pendant la Conférence de

 23   mise en état du 3 septembre. En conséquence, la Chambre ordonne à l'accusé

 24   de réviser davantage sa liste de témoins pour le vendredi 14 décembre 2012

 25   et, ce faisant, d'essayer véritablement d'inclure uniquement les témoins

 26   qui devront déposer et apporter des éléments de preuve pertinents pour les

 27   chefs repris dans l'acte d'accusation et qui ne se répètent pas

 28   inutilement. De plus, afin de respecter l'article 65 ter (G) du Règlement,


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  1   l'accusé inclura tous les témoins de l'article 92 bis et 92 quater du

  2   Règlement dont les éléments de preuve avaient été demandés à être versés

  3   avant le 27 août 2012 et dont l'admission a été octroyée par la Chambre,

  4   ainsi que les éléments de preuve de Krnojelac conformément à l'article 92

  5   quater et qui sont en cours d'étude pour admission par la Chambre. Une fois

  6   que la liste sera révisée tel que demandé, fournir les résumés pour janvier

  7   et février sera moins lourd.

  8   La Chambre fait remarquer enfin que si, suite à la communication de

  9   la liste de témoins révisée, elle n'est pas convaincue que l'accusé ait

 10   véritablement tenté de se concentrer seulement sur les témoins pertinents,

 11   elle envisagera d'imposer, au titre de l'article 73 ter (C) du Règlement,

 12   une limite sur le nombre de témoins qu'il pourrait convoquer.

 13   Enfin, la Chambre rappelle que la requête de l'accusé pour

 14   éclaircissement sur la décision des entretiens des témoins de la Défense

 15   datée du 26 novembre 2012 est toujours en suspens. Vu les questions qui y

 16   sont soulevées, et en particulier le nombre de témoins que l'Accusation

 17   désire interroger liés à la liste de témoins de l'accusé, la Chambre

 18   reportera sa décision sur cette requête jusqu'au dépôt de la liste de

 19   témoins révisée par l'accusé et jusqu'à ce que l'Accusation soit capable de

 20   revoir la liste de témoins qu'elle désire interviewer.

 21   A cet égard, l'Accusation devra, pour le 21 décembre 2012, informer

 22   la Chambre et lui dire si le nombre de témoins qu'elle désire interroger a

 23   changé, et si cela est le cas, elle devra prévenir l'accusé et la Section

 24   d'Aide aux Victimes et aux Témoins de la nouvelle liste de ces témoins. La

 25   Chambre rendra donc sa décision sur la requête de l'accusé pour des

 26   éclaircissements sur la décision des témoins de la Défense et leurs

 27   entretiens.

 28   Enfin, la Chambre va rendre une décision orale sur la requête de


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  1   l'Accusation d'exclure les éléments de preuve en partie pour le Témoin

  2   Milan Pejic déposée le 30 novembre 2012, où l'Accusation demande une

  3   exclusion partielle des éléments de preuve de Milan Pejic au motif que

  4   certaines parties ne sont pas pertinentes aux chefs d'accusation repris

  5   dans l'acte d'accusation et la responsabilité de l'accusé.

  6   L'accusé a déposé sa réponse le 3 décembre 2012 et s'est opposé à la

  7   requête au motif que les documents sont pertinents en l'espèce.

  8   La Chambre rappelle à l'accusé, une fois de plus, qu'elle n'admettra

  9   pas des éléments tu quoque sous couvert de pertinence dans cette affaire.

 10   En conséquence, la Chambre ordonne que le troisième sous-paragraphe du

 11   paragraphe 24 soit exclu de la déclaration du témoin ainsi que le

 12   paragraphe 27 et les quatre documents auxquels on fait référence au

 13   deuxième sous-paragraphe du paragraphe 24. De plus, même si la Chambre

 14   considère que le reste de la déclaration du témoin reste en partie

 15   pertinente pour les chefs d'accusation, elle estime que le paragraphe 17

 16   est difficile à comprendre et devrait être expliqué de vive voix par le

 17   témoin.

 18   La Chambre fait donc droit en partie à la requête, exclut le troisième

 19   sous-paragraphe du paragraphe 24 ainsi que le paragraphe 27 et les quatre

 20   documents mentionnés dans le deuxième sous-paragraphe du paragraphe 24, et

 21   permet à l'accusé de verser le reste de la déclaration de Milan Pejic

 22   conformément à l'article 92 ter du Règlement. Elle ordonne que l'accusé

 23   demande des explications supplémentaires sur les éléments de preuve repris

 24   au paragraphe 17 directement au témoin lors de sa déposition. Enfin, la

 25   Chambre ordonne que l'Accusation dispose de 30 minutes pour son contre-

 26   interrogatoire.

 27   A moins qu'il n'y ait d'autres questions, nous pouvons faire entrer le

 28   témoin suivant.


Page 30900

  1   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A la ligne 8 de la page 7, il faudrait

  3   remplacer la cote 24643 de la liste 65 ter par 23643. Que cela soit

  4   consigné au compte rendu. Merci.

  5   Bonjour, Monsieur.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous invite à prononcer la

  8   déclaration solennelle.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je dois lire cette phrase ?

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement de dire la vérité,

 12   toute la vérité et rien que la vérité.

 13   LE TÉMOIN : BLASKO RASEVIC [Assermenté]

 14   [Le témoin répond par l'interprète]

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Rasevic.

 16   Veuillez prendre place et vous mettre à l'aise.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellence.

 20   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 21   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Rasevic.

 22   R.  Bonjour, Monsieur le Président.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander à ce qu'au prétoire

 24   électronique on nous montre le 1D6800, s'il vous plaît.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Rasevic, est-ce que, s'agissant de l'équipe de la Défense,

 27   vous avez fait une déclaration et est-ce que c'est ce que vous voyez sur

 28   l'écran qui est devant vous ?


Page 30901

  1   R.  Oui, c'est bien le cas. J'ai fait une déclaration, Monsieur le

  2   Président.

  3   Q.  Est-ce que vous l'avez lue et signée ?

  4   R.  Oui, je l'ai relue et signée.

  5   Q.  Merci. Moi, j'attends l'interprétation, et je vous demande de patienter

  6   un peu vous aussi en attendant l'interprétation.

  7   Alors, est-ce que cette déclaration comporte de façon exacte ce que vous

  8   avez déclaré ?

  9   R.  Tout est tout à fait exact dans cette déclaration. Je n'ai rien inventé

 10   du tout dans celle-ci.

 11   Q.  Merci. Non, je voulais dire, est-ce que c'est bien consigné de façon

 12   analogue et conforme à ce que vous avez dit ?

 13   R.  Oui. A deux endroits, j'ai remarqué, seulement, qu'il y a une erreur de

 14   lettres dans des noms. Laissez-moi retrouver ça. Il s'agissait de Dragas

 15   Vojo, mais il fallait mettre un B plutôt qu'un V, Dragas Bojo.

 16   Q.  Merci. Est-ce que vous avez cette déclaration en version papier sous

 17   les yeux ?

 18   R.  Je n'ai rien sur moi. Je n'ai que le texte sur l'écran.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, est-ce que je peux faire remettre

 20   au témoin une déclaration en langue serbe ?

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas dit "en B/C/S". J'ai dit "en langue

 24   serbe". Le B/C/S, ça n'existe pas.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Mis à part les erreurs de frappe, la substance c'est bien ce que vous

 27   avez dit ?

 28   R.  Oui, oui, tout à fait.


Page 30902

  1   Q.  Si aujourd'hui dans ce prétoire je venais à vous poser les mêmes

  2   questions, est-ce que les réponses, en substance, que vous apporteriez

  3   seraient les mêmes ?

  4   R.  Ce seraient absolument les mêmes. C'est peut-être dans l'ordre des mots

  5   que j'aurais peut-être fait des différences, mais le reste est tout à fait

  6   le même.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement au

  9   dossier de cette déclaration avec un document connexe qui est une pièce 92

 10   ter.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Y a-t-il des objections de la part de

 12   l'Accusation ?

 13   Mme IODICE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Cette déclaration sera versée au

 15   dossier, tout comme le document qui y est joint, à savoir le 1D15006.

 16   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce document 1D6800 deviendra la pièce à

 17   conviction D2527, Madame, Messieurs les Juges. Et le 1D15006 deviendra le

 18   D2528.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je voudrais donner lecture du résumé de

 22   la déclaration de M. Blasko Rasevic en version anglaise.

 23   Blasko Rasevic a vécu à Sarajevo. Il était chauffeur d'autocar à la

 24   GSP, qui est l'entreprise des transports publics à Sarajevo.

 25   A un moment donné en hiver 1991-1992 et par la suite, ses collègues

 26   et lui ont constaté qu'il y avait un groupe d'hommes armés de fusils

 27   automatiques et vêtus d'uniformes de camouflage qu'ils n'avaient pas vu

 28   jusque-là. Les uniformes étaient ni ceux de la police, ni ceux de la JNA,


Page 30903

  1   et eux, ils portaient aussi des bérets verts. Ces groupes étaient les

  2   Bérets verts de la Ligue patriotique, créés par les leaders du SDA. Lui et

  3   ses collègues, ainsi que ceux qui avaient travaillé sur d'autres lignes de

  4   transport en commun, ont été arrêtés par ces groupes et ils ont été

  5   fouillés, tant eux que les passagers à bord des autocars. Les fouilles ont

  6   été conduites de façon arrogante, et notamment avec une manifestation

  7   d'hostilités franche et ouverte à l'égard des Serbes. Les rumeurs ont couru

  8   puis ont été confirmées que les membres de ces formations étaient des

  9   Musulmans issus de cercles criminels.

 10   En fin janvier et début février 1992, des groupes de paramilitaires armés

 11   ont commencé à se déplacer librement et ouvertement pendant la journée. Les

 12   Serbes ont décidé en mars 1992 de monter des barrages routiers dans les

 13   secteurs de la ville où ils avaient constitué une majorité aux fins de se

 14   protéger eux-mêmes et protéger leurs familles. En même temps, les Musulmans

 15   ont construit des barrages routiers dans les secteurs où ils avaient, eux,

 16   constitué la majorité. Ces barrages routiers ont été mis en place jusqu'au

 17   3 mars 1992, lorsque les trois peuples en présence ont abouti à un accord

 18   politique pour constituer des patrouilles mixtes qui sont devenues

 19   opérationnels jusqu'à avril, jusqu'au moment où les Musulmans ont, de façon

 20   perfide, tué un agent de police serbe, M. Pero Petrovic. Blasko Rasevic

 21   déclare sous pleine et entière responsabilité que les Serbes ont été

 22   trompés par les Musulmans lorsqu'ils ont accepté ces patrouilles conjointes

 23   et la levée des barrages routiers construits à l'origine. Ces patrouilles

 24   ont été actives, mais les groupes armés, les Bérets verts et de la Ligue

 25   patriotique, ont continué à opérer en plus des patrouilles, et ce,

 26   notamment et exclusivement la nuit. Par conséquent, ces barrages routiers

 27   ont été enlevés mais les hommes armés sont restés là et ont exercé un

 28   contrôle en douce.


Page 30904

  1   Les Serbes ont levé leurs barrages routiers et ont pris part à ces

  2   patrouilles conjointes, et les forces musulmanes ont saisi cette

  3   opportunité, avec l'appui du ministère de l'Intérieur, pour placer des

  4   postes de contrôle dans les parties de la ville qui avaient été

  5   précédemment sous contrôle serbe.

  6   Le 4 avril 1992, il y a eu des membres des Bérets verts qui ont

  7   procédé à des interpellations et qui ont procédé à des fouilles. Et, ayant

  8   des appréhensions pour sa vie, il a décidé de ne plus aller travailler

  9   jusqu'à ce qu'il y ait une normalisation de la situation. Ce même jour, les

 10   Musulmans se sont mis à contrôler la partie de la ville où il habitait et

 11   ils ont fui vers Mrkovici.

 12   A Mrkovici, la police s'est mise ouvertement du côté des Musulmans et la

 13   JNA n'a plus exercé d'autorité du tout. Les voisins se sont réunis au

 14   niveau de l'école du village et ont décidé de s'auto-organiser pour leur

 15   protection. Ils ont constitué deux pelotons composés de civils volontaires

 16   et de dix policiers de la réserve originaires de Mrkovici et de la

 17   communauté locale. Et il a été à la tête de l'un de ces pelotons.

 18   Le 5 avril 1992, un groupe de réfugiés serbes du secteur de la vallée

 19   Pionirska et des villages environnants s'enfuit vers Mrkovici pour y

 20   trouver abri. Ils ont réussi à fournir abri et nourriture pour certaines de

 21   ces personnes parce qu'ils étaient fort nombreux, et comme ils ont été très

 22   nombreux, on en a envoyé certains vers le plateau de Romanija.

 23   Et à l'aube, deux pelotons ont pris position à Velika-Tvrdjava-Spicaste-

 24   Stijene. Ils ont tenu cette ligne avec succès jusqu'à la fin de la guerre.

 25   Lorsque la VRS a été créée le 12 mai 1992, ces pelotons sont devenus partie

 26   intégrante de la 2e Brigade motorisée de la Romanija.

 27   Et depuis leurs positions, ils ont pu voir les positions de tir

 28   d'artillerie des Musulmans dans des installations civiles. Son unité a


Page 30905

  1   souvent été ciblée par des mortiers qui étaient sur des plateformes

  2   mobiles. Les forces musulmanes ont de façon répétée lancé des attaques

  3   d'artillerie indiscriminées en endommageant bon nombre de maisons

  4   familiales et en blessant et tuant bon nombre de civils.

  5   Pendant toute la guerre, son unité n'a réalisé et conduit que des missions

  6   défensives et n'a jamais reçu un ordre d'attaquer. Ni lui ni les membres de

  7   son unité n'ont de façon autonome ou sous des ordres de commandement

  8   supérieur eu l'intention de causer des dégâts civils ou de terroriser les

  9   civils sur le territoire placé sous contrôle musulman ou exercer une

 10   influence psychologique à cet effet. Ils n'ont jamais obtenu des ordres

 11   verbalement donnés ou de façon écrite à cet effet. Les effectifs musulmans

 12   ont enfreint les accords de trêve et en ont profité pour rapprocher leurs

 13   positions. Ils ont menti auprès des médias en disant que les Serbes les

 14   avaient attaqués dans telle ou telle zone. Blasko Rasevic et son unité ont

 15   considéré que ceci était une indication leur indiquant que les forces

 16   musulmanes allaient lancer des attaques contre eux.

 17   Cinquante pourcent des pertes de son unité ont été infligées par des tirs

 18   de tireurs embusqués. L'unité qui se trouvait en face d'eux était la 105e

 19   Brigade de Montagne et une autre brigade musulmane, dont il ne se souvient

 20   pas du nom. Le 8 juin 1992, les unités musulmanes ont lancé une attaque à

 21   grande échelle et ils ont réussi à repousser celle-ci avec succès. Les

 22   corps des soldats musulmans sont restés sur le terrain de bataille et

 23   Blasko Rasevic les a fait ramasser et enterrer ou échanger, ce qui montre

 24   qu'il s'est conformé pleinement à la loi internationale régissant la

 25   guerre, et ils n'ont fait agir qu'en se défendant de ceux qui les avaient

 26   attaqués.

 27   Le 29 janvier 1993, les forces musulmanes ont lancé une forte attaque et

 28   ont provisoirement pris le contrôle de Mala Tvrdjava. Le jour d'après, son


Page 30906

  1   unité a investi des efforts sans précédent pour reprendre le contrôle de

  2   Mala Tvrdjava. Ils ont eu cinq morts et 22 soldats blessés.

  3   Son unité avait de très bonnes relations avec les autorités civiles. Du

  4   fait de la situation difficile et de la pauvreté, son unité a organisé une

  5   soupe populaire dans le village et fournir des repas à la totalité de la

  6   population locale ainsi qu'à l'intention de la population des villages

  7   environnants.

  8   M. Rasevic n'a jamais ouvert le feu en direction de civils à Sedrenik.

  9   Après l'incident qui s'est produit en février 1994 à Markale, il est tout à

 10   fait convaincu que son unité et les forces serbes n'ont pas été à l'origine

 11   de l'incident, et en particulier pas les forces qui se trouvaient à

 12   Mrkovici parce que certaines personnes auraient forcément dû l'apprendre et

 13   une telle information aurait certainement été véhiculée au sein des unités.

 14   Ce serait le résumé.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.   Monsieur Rasevic, je voudrais vous demander de nous dire à combien de

 17   reprises vous avez été exposé à des attaques et à des offensives lancées

 18   contre les positions qui étaient les vôtres ?

 19   R.  Pendant l'année 1992, ça a été très fréquent, les attaques ont été

 20   fréquentes. En plus de ceci, le 8 juin, le 26 octobre aussi, nous avons été

 21   exposés non pas à une offensive mais à une attaque où nous avons perdu deux

 22   ou trois soldats. Puis, il y a eu une attaque à Noël, le 7 janvier 1993. Un

 23   groupe de sabotage de leur côté, ils ont été à plusieurs - nous en avons

 24   retrouvé par la suite six devant le petit fortin - ils ont essayé de mettre

 25   des explosifs pour faire sauter ce site. Et nos combattants ont été

 26   vigilants et ils les ont repérés en temps utile et ils ont été éliminés. Il

 27   est arrivé la même chose, disons, le 30 juin 1992. Il y a eu une grande

 28   attaque de lancée depuis Poljine et Hresa.


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  1   Enfin, c'était incessant. Ils se sont notamment attaqués à mon secteur. Ils

  2   ont considéré que c'était important, parce que c'était une cote en

  3   surélévation et s'ils avaient réussi à prendre cette cote, ils auraient pu

  4   couper la voie de communication entre Vogosca et Hresa, ce qui fait qu'ils

  5   auraient encerclé la totalité de nos municipalités, Ilijas, Vogosca,

  6   Ilidza, Rajlovac, Hadzici, et cetera. Mais voilà, nous nous sommes battus

  7   de façon acharnée et nous ne les avons jamais laissé passer là.

  8   Q.  Merci.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais qu'on nous montre le P842 au

 10   prétoire électronique. C'est une carte. Et je demanderais au témoin de nous

 11   montrer ce qui aurait pu être coupé et dans quel secteur.

 12   Je demanderais à M. l'Huissier d'aider le témoin avec le stylet

 13   électronique. Est-ce que vous pouvez zoomer un peu plus, s'il vous plaît.

 14   Encore un peu, encore un peu. Nous n'avons pas besoin du gros plan.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Alors, Monsieur, est-ce que vous voyez l'emplacement de la vieille

 17   ville, Mrkovici et Grdonj ?

 18   R.  Laissez-moi me pencher un peu de plus près.

 19   Q.  Avant que d'annoter, est-ce que vous voulez que ce soit zoomé davantage

 20   encore ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il vous plaît, veuillez zoomer un peu plus.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous voyez l'emplacement de la 105e Brigade face à vous ?

 24   R.  Oui, oui. Je vois, je vois l'emplacement de la 105e.

 25   Q.  Est-ce que vous voyez l'inscription "Mrkovici" ?

 26   Q.  Mais Mrkovici, je ne vois pas trop bien.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, je vais demander à ce qu'on zoome encore.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.


Page 30908

  1   Mme IODICE : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges, si je puis faire

  2   remarquer que nous n'avons pas reçu notification à l'avance de

  3   l'utilisation de cette pièce à conviction pour ce qui est du témoin ici

  4   présent.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Nous

  7   nous excusons de la chose. Ça a été une idée que M. Karadzic a eu après

  8   avoir rencontrer le témoin, et nous aurions dû communiquer la chose dès ce

  9   matin, une fois que nous avons eu vent de l'idée.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous pouvoir voir Mrkovici ?

 13   R.  Je n'arrive pas --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne vois pas.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un peu que notre huissier vous

 17   aide.

 18   Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez besoin de zoomer davantage encore ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander au témoin de regarder à un

 20   centimètre en dessous de la ligne. Et une fois qu'il se sera débrouillé, je

 21   vais demander à ce qu'il nous annote.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu Biosko, mais Mrkovici devrait se

 23   trouver à côté. Je n'arrive pas à le situer.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Tout à fait en haut de la carte.

 26   R.  Oui, certes, on voit Vogosca -- ah voilà, Mrkovici, en haut, ça se

 27   voit.

 28   Q.  Merci.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant réduire un peu

  2   l'échelle, et je vais demander au témoin de se servir du stylet. On peut

  3   laisser tel quel maintenant.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que je pourrais vous demander maintenant de nous montrer où est-

  6   ce que l'on aurait pu couper le territoire serbe. Et j'aimerais à cet

  7   endroit que vous tiriez une ligne avec le stylet électronique pour

  8   l'annoter.

  9   R.  Ce serait -- ça se trouverait par ici. Et ils avaient souhaité faire

 10   une jonction ici. Et de fait, tout ceci resterait dans un encerclement.

 11   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez mettre une date et parapher ?

 12   R.  Ici ?

 13   Q.  Non, vers le bas de la carte.

 14   R.  On est bien le 4 aujourd'hui, non ?

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce que je peux demander le versement

 16   au dossier.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce deviendra la pièce à

 19   conviction D2529, Madame, Monsieur les Juges.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Juste une question encore, Monsieur Rasevic. Est-ce que vous avez eu

 23   l'occasion de voir des civils musulmans à proximité de vos lignes en train

 24   d'accomplir des travaux ?

 25   R.  Oui, Monsieur le Président, très souvent, même, dirais-je. Et mes

 26   combattants, depuis leurs positions, on les mettait en garde peur leur

 27   indiquer que quand la visibilité était bonne, alors qu'ils étaient en train

 28   de ramasser le foin, par exemple, donc ils les mettaient en garde pour


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  1   éviter qu'un malheur n'arrive. Parce qu'il se pouvait qu'on leur tire

  2   dessus ou qu'un obus atterrisse là, par accident. Ils étaient devant nos

  3   lignes, devant Spicaste Stijene. Il y avait des Musulmans du cru. C'étaient

  4   des gens qui habitaient là et on les connaissait, pour l'essentiel.

  5   Q.  Merci. Le témoin a parlé d'un obus qui se serait perdu.

  6   Alors, mis à part des Musulmans du cru, y en avait-il d'autres ?

  7   R.  Oui. Ces gens du cru, puisque les tranchées étaient à, disons, 50

  8   mètres ou 20 mètres les unes des autres, cela dépendait des endroits et ils

  9   s'interpellaient, ils bavardaient entre eux et les Musulmans du cru

 10   mettaient en garde nos combattants pour leur dire que le lendemain ou le

 11   surlendemain, il y en aurait d'autres qui viendrait sur la ligne de

 12   confrontation, parce qu'ils procédaient par relève. Ils faisaient un jour

 13   ou deux, ou 24 heures selon les cas, et on leur faisait savoir qu'il

 14   fallait faire attention parce que les autres qui viendraient allaient

 15   mettre à profit tout manque de vigilance pour tirer au fusil à lunette ou

 16   pour tirer de façon générale sur nos lignes.

 17   Q.  Merci. Est-ce qu'en sus d'avoir coupé les foins, est-ce qu'il y a eu

 18   d'autres travaux réalisés par ces civils face à vos positions ? Par

 19   exemple, est-ce qu'ils ont coupé le bois ?

 20   R.  Oui. Au-dessus de Sedrenik, après la guerre précédente, on avait planté

 21   une forêt de conifères et les gens coupaient le bois, les conifères, pour

 22   se réchauffer. Et moi, je n'ai pas connaissance du fait qu'il y ait eu, par

 23   exemple, des tirs en direction de ces personnes qui coupaient le bois ou le

 24   transportaient à bord des véhicules.

 25   Q.  Merci, Monsieur Rasevic. Je n'ai plus, pour le moment, de questions à

 26   vous poser.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Rasevic, comme vous l'avez

 28   remarqué, votre témoignage à l'interrogatoire principal est en majeure


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  1   partie versé au dossier par écrit plutôt que de vous entendre de façon

  2   orale. Alors, vous serez à présent contre-interrogé par le représentant du

  3   bureau du Procureur.

  4   Madame Iodice, à vous.

  5   Mme IODICE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Contre-interrogatoire par Mme Iodice :

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Rasevic.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Monsieur Rasevic, dans le paragraphe 20 de votre déclaration, on vous a

 10   indiqué que la compagnie de Mrkovici faisait partie de la 2e Brigade

 11   motorisée de Romanija. Votre commandant de brigade était Miroslav

 12   Krajisnik, n'est-ce pas ?

 13   R.  Non, Madame le Procureur. Miroslav Krajisnik était le commandant de la

 14   Brigade légère de Kosevo. Et nous, dès que nous avons eu une mise en place

 15   d'une armée de la Republika Srpska, ma compagnie à moi est tombée sous

 16   l'autorité de la 2e Brigade de la Romanija.

 17   Q.  Et qui était votre commandant, vous en souvenez-vous ?

 18   R.  Oui. Notre premier commandant, le commandant de cette 2e Brigade

 19   motorisée de Romanija, c'était le lieutenant-colonel Radislav Krstic.

 20   C'était le grade qu'il avait à l'époque.

 21   Q.  Est-ce que vous faisiez partie de ce Corps de Sarajevo-Romanija, alors

 22   ?

 23   R.  Oui, par la suite certainement, au bout d'un certain temps. Il s'est

 24   peut-être passé deux ou trois mois, je n'en suis pas trop sûr. Nous sommes

 25   tombés sous la coupe de la 1ère Brigade de Romanija, et elle faisait partie

 26   par la suite du Corps de Sarajevo-Romanija, en fait.

 27   Q.  Et à ce moment-là, votre commandant était Vlado Lizdek, n'est-ce pas ?

 28   R.  Avant Vlado Lizdek, qui était colonel, le commandant de la 1ère Brigade


Page 30912

  1   de Romanija c'était un colonel, il s'appelait Dragomir Milosevic.

  2   Q.  Merci.

  3   R.  Je vous en prie.

  4   Q.  Est-ce que vous étiez membre du SDS avant et pendant la guerre ?

  5   R.  J'ai été membre du SDS suite à la création du SDS en 1990. J'en étais

  6   membre, mais je n'ai pas occupé de fonctions, aucune fonction. J'étais

  7   membre, oui, et je ne suis pas membre de nos jours, mais je suis un

  8   sympathisant du SDS.

  9   Q.  Merci. En votre qualité de membre et de sympathisant, vous avez été mis

 10   au courant des objectifs poursuivis par le parti et de sa politique, n'est-

 11   ce pas ?

 12   R.  Eh bien, pour autant que me le permettait le temps, notamment en ces

 13   circonstances de guerre, parce que quand il y a eu la guerre on n'a plus eu

 14   le temps de faire quoi que ce soit, mais je n'ai jamais vaqué à des

 15   activités politiques de façon particulière. Nous étions tous -- enfin, les

 16   gens dans le milieu où j'évoluais, nous étions plutôt préoccupés. Nous

 17   avions condamné Alija, et les Musulmans aussi avaient condamné Alija et le

 18   HDZ. J'avais appuyé la direction du SDS et je pensais qu'on pouvait se

 19   mettre d'accord afin que les choses se fassent comme il se devait.

 20   Q.  Merci. Vous avez entendu parler des six objectifs stratégiques du

 21   peuple serbe, n'est-ce pas ?

 22   R.  Je ne pourrais pas dire que j'avais compris tout ceci. Je n'avais pas à

 23   l'époque cherché à connaître tout ceci. Je ne suis pas du tout sûr de

 24   pouvoir vous les énumérer.

 25   Q.  Vous n'avez pas entendu dire qu'un des objectifs consistait à diviser

 26   Sarajevo ?

 27   R.  En réalité, le Parti démocratique serbe -- ou, en réalité, les

 28   représentants des Serbes, et pas seulement du SDS, à l'époque, avaient


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  1   proposé une division cantonale en Bosnie-Herzégovine en quelque sorte.

  2   Alors, pour ce qui est de la division de Sarajevo, une fois que tout

  3   s'était effondré et que le conflit avait éclaté, cette option-là a commencé

  4   à voir le jour, à savoir de diviser Sarajevo.

  5   Q.  Merci. Alors, il est vrai que la politique ne vous intéressait pas

  6   beaucoup, mais vous avez néanmoins été nommé membre de la Commission de

  7   guerre dans la municipalité serbe du centre de Sarajevo, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je ne me souviens pas de cela. Je n'ai jamais reçu de tels documents.

  9   Il se peut que quelqu'un quelque part ait couché ceci par écrit, mais

 10   honnêtement, je ne sais rien à ce sujet.

 11   Q.  Je vais tenter de vous rafraîchir la mémoire.

 12   Mme IODICE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le numéro 65

 13   ter 24245 dans le prétoire électronique, s'il vous plaît.

 14   Q.  Donc il s'agit d'un ordre présidentiel ici, qui est daté du 21 juillet

 15   1992 et qui est signé par l'accusé, le Dr Radovan Karadzic. Vous avez été

 16   nommé membre - il y en avait cinq - de la Commission de guerre de la

 17   municipalité serbe du centre de Sarajevo. Ceci vous permet-il de vous en

 18   souvenir ?

 19   R.  Ceci ne me parle pas du tout. A cette époque-là, j'étais beaucoup trop

 20   occupé avec des opérations de combat -- et je connais tous ces noms. Cela,

 21   je ne peux pas le nier. Mais ceci ne me dit rien.

 22   Q.  Ce que dit ce document, c'est que la nomination des membres de la

 23   Commission de guerre a été confirmée et que l'un des membres est Blasko

 24   Rasevic, au numéro 4. Vous étiez un de ces membres, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, je le vois sur cette feuille de papier. Il est vrai que je le

 26   vois, mais je vous dis que je n'ai jamais reçu ce document, et je n'ai

 27   aucune idée, vraiment aucune idée.

 28   Mme IODICE : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce


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  1   document, s'il vous plaît, Madame, Messieurs les Juges.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 24245 reçoit la cote P2527

  5   [sic], Madame, Messieurs les Juges.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pardonnez-moi.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce P6027, Madame, Messieurs les

  8   Juges.

  9   Mme IODICE : [interprétation]

 10   Q.  Nous allons maintenant passer à un autre sujet, et je souhaite aborder

 11   avec vous votre rôle en qualité du commandant de la Compagnie de Mrkovici.

 12   Au paragraphe 29 de votre déclaration, vous dites que vous avez occupé ce

 13   poste entre le 31 janvier 1993 et le mois de septembre 1994 ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Et les commandants de compagnie --

 16   L'INTERPRÈTE : Les orateurs se chevauchent.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, après qu'il ait été tué -- mon

 18   commandant était Bojo Dragas. Il a été tué le 30 janvier 1993, au moment où

 19   nous avons repris Mala Tvrdjava. J'étais son adjoint à l'époque, et je suis

 20   donc automatiquement devenu le chef de la compagnie. Ceci a duré -- eh

 21   bien, je ne me souviens pas exactement, parce qu'à un moment donné j'en

 22   avais assez. J'ai été remplacé par Sasa Maksimovic. Il n'est pas resté à ce

 23   poste-là longtemps, un mois ou deux, et je suis revenu pour assumer la

 24   position de commandant de la compagnie.

 25   Mme IODICE : [interprétation]

 26   Q.  Et c'était Sinisa Maksimovic, et non pas Sasa Maksimovic, n'est-ce pas

 27   ?

 28   R.  C'est exact. Vous avez raison.


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  1   Q.  Merci. M. Maksimovic est venu témoigner ici et il a dit qu'il était le

  2   commandant de la compagnie à partir du 27 juillet 1994. Donc, il est exact

  3   de dire que vous avez sans doute quitté le commandement à la fin du mois de

  4   juillet 1994 plutôt qu'au mois de septembre ?

  5   R.  Eh bien, je ne peux pas vous donner la date exacte, mais je crois que

  6   c'était le 4 septembre 1994 le moment où je suis parti, et je pense qu'il

  7   était à ce poste-là jusqu'au 27 juillet. Il a occupé ce poste pendant un ou

  8   deux mois seulement. Il n'est pas resté là longtemps. Il était très jeune,

  9   il sortait de l'école. Lorsque Spicaste Stijene est tombée à une occasion,

 10   il s'est retiré de ce poste et c'est moi qui ai dirigé la compagnie

 11   jusqu'au début du mois de septembre 1994.

 12   Q.  Merci. Au paragraphe 23 --

 13   R.  Je vous en prie.

 14   Q.  Au paragraphe 23 de votre déclaration, vous avez parlé du fait que vous

 15   avez été pris pour cible par des mortiers placés sur des véhicules avec des

 16   remorques et qui se cachaient derrière les bâtiments, les écoles, les

 17   jardins d'enfants, les hôpitaux, et qui tiraient depuis ces positions.

 18   Mme IODICE : [interprétation] En anglais, est-ce que nous pouvons passer à

 19   la page suivante, s'il vous plaît.

 20   Q.  Donc, ces mortiers que vous abordez étaient cachés à l'intérieur

 21   d'installations civiles, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, c'est exact.

 23   Q.  Vous ne pouviez pas les voir étant donné qu'ils étaient cachés; c'est

 24   ça ?

 25   R.  En réalité, nous pouvions les voir au moment où ils nous tiraient

 26   dessus depuis ces véhicules, depuis l'arrière de ces véhicules. Après avoir

 27   tiré, ils s'enfuyaient et se mettaient à l'abri. Et pour ce qui est des

 28   mortiers, dans la cour de l'école Nemanja Vlatkovic, qui était une école


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  1   pour enfants handicapés -- à ce moment-là, ils avaient déjà vidé l'école.

  2   Et ensuite, ils tiraient tous les jours depuis l'hôpital de Kosevo. Ceux

  3   qui travaillaient à l'hôpital de Kosevo m'ont dit par la suite qu'ils

  4   venaient à cet endroit-là également à bord de camions, et c'est là que se

  5   trouvaient les mortiers. Ils tiraient et ils s'enfuyaient après. Kosevo

  6   pouvait être vu de partout.

  7   Q.  Vous avez anticipé sur ma question suivante. Vous avez dit qu'ils

  8   pouvaient tirer et quitter les lieux très rapidement. Et donc, si vous

  9   souhaitiez riposter à ces tirs, il fallait riposter tout de suite et tirer

 10   immédiatement, parce que sinon ils se déplaçaient et étaient à un autre

 11   endroit, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, exactement. Et dans de tels cas, lorsque nous savions qu'ils

 13   tiraient depuis ces positions-là, nous ne ripostions même pas. Nous ne

 14   souhaitions pas ouvrir le feu de façon aléatoire. Et pour ce qui est de

 15   leurs positions, là où ils étaient déployés, nous entrions en contact avec

 16   notre commandement supérieur pour savoir ce qui se passait, et là ils

 17   prenaient des décisions pour dire s'il fallait que nous ripostions ou pas.

 18   Q.  Autrement dit, si vous aviez tiré après qu'ils soient partis, cela

 19   n'aurait eu aucun effet, parce qu'à ce moment-là les mortiers étaient

 20   partis ?

 21   R.  C'est ce que je vous dis. Pour ce qui est des mortiers qui étaient

 22   montés sur les châssis ou les remorques des véhicules, nous ne pouvions pas

 23   tirer dessus parce qu'ils tiraient un ou deux ou trois obus et partaient

 24   ensuite. Il eut été inutile de faire cela, et nous ne tirions pas dessus.

 25   Alors, pour ce qui est des moments où nous les avons pris à partie, où nous

 26   avons découvert qu'ils avaient tiré depuis d'autres positions, dans ces

 27   cas-là nous avons riposté. Nous utilisions ce que nous avions, car la pièce

 28   la plus importante dont nous disposions était un Browning, et nous ne


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  1   pouvions les toucher qu'avec ce type d'arme. Et c'est comme ça que nous

  2   tentions de les contraindre à fuir.

  3   Q.  Votre unité ne disposait-elle pas également de mortiers ?

  4   R.  Non. Ma compagnie ne disposait que de mortiers de 60 millimètres, les

  5   petits, et nous avions deux pièces de 84 millimètres par la suite. C'est

  6   tout ce que nous avions.

  7   Q.  Alors, je vais maintenant passer au sujet suivant. Vous êtes d'accord

  8   pour dire que depuis vos positions vous aviez une très bonne visibilité sur

  9   l'ensemble de la ville, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Et est-ce que vous dites dans votre déposition que le SRK n'a jamais

 12   tiré depuis Spicaste Stijene ?

 13   R.  A ma connaissance, jamais. Alors, à savoir si cela est arrivé en mon

 14   absence - et je crois qu'il y a très peu de chance que cela se soit produit

 15   parce que j'étais sur les lignes en permanence - à ma connaissance, non.

 16   Q.  Merci.

 17   Mme IODICE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant afficher

 18   dans le prétoire électronique la pièce P1619, s'il vous plaît.

 19   Q.  Il s'agit là d'un rapport qui est daté du 5 mars 1995. Et si nous

 20   regardons la page 3 de l'anglais et du B/C/S, nous pouvons voir au point 8

 21   [comme interprété] alinéas (ii) et (iii), que ce jour-là deux civils ont

 22   été blessés par des tirs venant de Spicaste Stijene. Donc, si nous

 23   retournons maintenant à la première page en anglais et en B/C/S, au point

 24   3(b), nous pouvons lire qu'après cet événement le Bataillon égyptien a

 25   riposté et tiré sur les positions de Spicaste Stijene et a reçu un appel du

 26   commandant Radova [comme interprété] en déclarant que "'si le véhicule

 27   blindé du Bataillon égyptien dans la zone où ils s'entraînent contre des

 28   civils ne se déplace pas dans un délai de 30 minutes, on va lui tirer


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  1   dessus'. Très peu de temps après cet appel téléphonique, le commandant du

  2   secteur est arrivé à l'endroit où se trouvait le véhicule blindé transport

  3   de troupes…"

  4   Passons maintenant au numéro 65 ter 23943. Passons maintenant à la page 6,

  5   s'il vous plaît. Cela devrait être la page suivante, je pense.

  6   Mme IODICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Madame et

  7   Messieurs les Juges.

  8   Monsieur le Président, pardonnez-moi. Je me suis mal exprimée. Le numéro 65

  9   ter devrait être le 23935. Pardonnez-moi encore une nouvelle fois. Le

 10   numéro est le 29935.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pardonnez-moi, mais le numéro 29935

 12   n'existe pas dans le prétoire électronique.

 13   Mme IODICE : [interprétation] Donc je vais mettre ça de côté, Madame,

 14   Messieurs les Juges.

 15   Q.  Monsieur Rasevic --

 16   R.  Oui.

 17   Mme IODICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Madame,

 18   Messieurs les Juges.

 19   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 20   Mme IODICE : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, pardonnez-moi.

 21   Le numéro exact est le 23935. Est-ce que nous pouvons passer à la page 6,

 22   s'il vous plaît. Oui.

 23   Q.  Monsieur Rasevic, ce document est daté le 22 août 1995, et si nous

 24   regardons le bas de la page, en bas on peut lire -- je vais vous lire cette

 25   partie-là puisqu'il n'y a pas de traduction.

 26   "A 221425B, un obus de mortier et une roquette de lance-roquettes ont été

 27   tirés par les soldats de l'armée serbe de Bosnie du nord-est de Sedrenik en

 28   direction du centre-ville."


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  1   Donc, est-ce que vous pouvez maintenant convenir que les soldats serbes de

  2   Bosnie dans votre secteur tiraient sur Sedrenik et sur des cibles civiles

  3   et sur la ville, ou en direction de la ville ?

  4   R.  Je ne suis pas d'accord. Nous n'avons jamais tiré sur des cibles

  5   civiles. Pour ce qui est de ce cas-ci, je n'étais plus à Mrkovici, j'étais

  6   parti. Ce qui veut dire que je ne peux pas faire de commentaires sur ce

  7   texte. Mais j'affirme que mon unité n'a jamais, et vraiment jamais, tiré

  8   sur la population civile, à l'exception des endroits où nous avons pu

  9   observer des nids de mitrailleuses ou la présence de mortiers, ou je veux

 10   dire ces navires lanceurs à partir desquels ils nous prenaient pour cible.

 11   Mais jamais, jamais, je n'ai pas connaissance que ceci ne se soit jamais

 12   produit.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pouvons demander une précision,

 14   s'il vous plaît. A quel endroit est-il écrit que des civils ont été pris

 15   pour cible, qu'on a tiré sur eux ? Qu'est-ce que cela signifie "nord-est de

 16   Sedrenik" ?

 17   Mme IODICE : [interprétation] Le premier document a identifié deux victimes

 18   civiles, le P1619 de la page 3. Ce document identifie des tirs depuis le

 19   nord-est de Sedrenik, et je peux poser la question au témoin.

 20   Q.  Le nord-est de Sedrenik correspond à peu près à l'endroit où vous

 21   étiez, n'est-ce pas ?

 22   R.  On ne peut pas vraiment le dire comme ça. Nous étions au nord de

 23   Sedrenik. Je veux dire, Sedrenik se trouve -- est une localité qui est plus

 24   importante que Spicasta Stijene au nord de Sedrenik, et au nord-est c'est

 25   là qu'il y avait cette autre colline, et c'est là que se trouvaient leurs

 26   forces, en face de nous. L'attitude est la même, comme Spicaste Stijene.

 27   Donc, voilà. Disons, qu'il doit s'agir d'une question de 50 à 100 mètres.

 28   C'est ça la différence. Et ensuite, il y a Sedam Suma, qui est la forêt de


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  1   Podrukov Do [phon], et d'autres endroits qu'ils contrôlaient. C'était

  2   l'autre partie qui contrôlait cela, et cela se trouvait au nord-est.

  3   Q.  Monsieur Rasevic, ce document identifie la partie qui a tiré en

  4   direction du centre-ville, et dit depuis l'armée serbe de Bosnie, qui est

  5   le sigle qui correspond à l'armée serbe de Bosnie. Les tires ne provenaient

  6   pas des positions musulmanes; les tirs provenaient de la partie bosno-

  7   serbe.

  8   R.  Eh bien, ceci concerne ces deux civils qui ont été tués à Sedrenik,

  9   c'est ça ?

 10   Q.  Non, maintenant, je parle de ce document que vous avez sous les yeux et

 11   qui dit qu'un obus de mortier a été tiré depuis la partie bosno-serbe en

 12   direction du centre-ville.

 13   R.  Oui, oui, je vois. Donc, donc, à ce moment-là je n'étais plus à

 14   Mrkovici. Je n'étais plus commandant de compagnie à cet endroit-là. J'étais

 15   parti. Je regarde la date ici. J'étais parti, j'ai quitté cet endroit, donc

 16   je ne peux ni affirmer ni confirmer cela, parce que je n'étais pas là.

 17   Q.  Et vous ne pouvez pas exclure la possibilité qu'il y a eu des tirs

 18   provenant des positions du SRK à Spicaste Stijene; c'est exact ?

 19   R.  Sur le fondement de ce document, je ne le peux pas. Je n'y étais pas et

 20   je ne peux pas parler de choses que je n'ai pas vues moi-même.

 21   Q.  Merci.

 22   Mme IODICE : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges, je demande le

 23   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

 24   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 23935 reçoit la cote P6628

 27   [comme interprété], Madame, Monsieur les Juges.

 28   Mme IODICE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Madame, Monsieur


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  1   les Juges.

  2   [Le conseil l'Accusation se concerte]

  3   Mme IODICE : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges, je n'ai pas

  4   d'autres questions à poser à ce témoin. Je vous remercie.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avez-vous des

  7   questions supplémentaires ?

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Quelques brèves questions, Excellence. Je

  9   demande à ce qu'on affiche à nouveau le même document. Nous pouvons

 10   terminer avant la pause.

 11   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 12   Q.  [interprétation] Monsieur Rasevic, je vais maintenant vous lire la

 13   phrase suivante. Je vais la lire en anglais, de façon à ce que se soit

 14   mieux traduit que moi-même.

 15   "A 22, entre 1400B et 1545B, [comme interprété], 30 obus de mortier sont

 16   tombés sur Stari Grad…"

 17   R.  Grdonj était tenue par les forces musulmanes pendant toute la durée de

 18   la guerre.

 19   Q.  Merci. Et quelle était la population majoritaire à Stari Grad ?

 20   R.  A Stari Grad, la population était majoritairement musulmane.

 21   Q.  Et quelle force contrôlait Stari Grad passé sous leur contrôle ?

 22   R.  Stari Grad était sur le contrôle des forces musulmanes.

 23   Q.  Merci. Vous avez dit que les lignes se trouvaient à une cinquantaine de

 24   mètres de là. Qu'est-ce qui -- type de proximité faudrait-il pour permettre

 25   d'établir d'où provenait le tir, serbe ou musulmans, s'ils n'étaient qu'à

 26   50 mètres de l'un de l'autre.

 27   R.  Je viens de citer l'exemple de Spicaste Stijene il y a quelques

 28   instants et Podlugav Brijeg [phon], je ne sais pas comment s'appelle


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  1   vraiment. Nous l'appelions ainsi. C'était tout à fait le cas, parce que

  2   l'altitude est la même. Et en direction du nord ou en direction du nord-

  3   est, ce sont les mêmes endroits. Donc, il était difficile d'établir à cet

  4   endroit-là d'où, par exemple, provenait un tir d'un tireur isolé pour

  5   autant qu'il y en ait eu.

  6   Q.  Merci.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je n'ai pas, d'autres questions à

  8   poser.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Et je vous remercie, Monsieur Rasevic.

 11   R.  Je vous en prie.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas, ceci met un terme à votre

 13   déposition, Monsieur Rasevic. Au nom des Juges de la Chambre de première

 14   instance, je souhaite vous remercier d'être venu témoigner à La Haye. Vous

 15   pouvez maintenant partir.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Excellences. Je

 17   souhaite également vous remercier de l'équité dont vous avez fait preuve.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lever l'audience tous

 19   ensemble et faire une pause d'une demi-heure. Je souhaitais simplement vous

 20   dire avant que nous ne commencions aujourd'hui, étant donné qu'il y a une

 21   audience qui est prévue à 15 heures dans ce prétoire, nous devons lever

 22   l'audience à 14 heures 30. Nous allons donc avoir une plus courte pause

 23   aujourd'hui.

 24   Et nous reprendrons à 13 heures.

 25   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 26   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 27   --- L'audience est reprise à 13 heures 02.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin peut-il prononcer la


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  1   déclaration solennelle, s'il vous plaît.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement de dire la vérité,

  3   toute la vérité et rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN : ZDRAVKO CVORO [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir et vous

  7   mettre à l'aise.

  8   Pour ce volet d'audience, nous siégeons conformément à l'article 15 bis du

  9   Règlement, la Juge Lattanzi a dû être excusée pour des raisons officielles.

 10   Monsieur Karadzic, vous avez la parole.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Cvoro.

 14   R.  Bonjour, Monsieur le Président.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous afficher le document 1D6801.

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Cvoro, avez-vous fait une déclaration à l'équipe de la Défense

 18   ?

 19   R.  Oui. Nous voyons la déclaration.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous vous rapprocher du micro,

 21   s'il vous plaît, pour que les interprètes vous entendent.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 24   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Est-ce que vous avez lu et signé la déclaration ?

 28   R.  Oui, je l'ai lue et je l'ai signée.


Page 30924

  1   Q.  Merci. Je vais ménager une pause pour que les interprètes puissent nous

  2   suivre et je vous demanderais de faire de même. Lorsque nous nous exprimons

  3   en serbe, ils nous interprètent.

  4   Est-ce que cette déclaration reflète exactement ce que vous avez dit ?

  5   R.  Oui. Oui, tout ce que j'ai dit se retrouve dans cette déclaration.

  6   Q.  Si je devais vous poser les mêmes questions aujourd'hui, est-ce que vos

  7   réponses, en substance, seraient les mêmes ?

  8   R.  J'espère qu'elles seraient les mêmes. Peut-être que je ne répèterais

  9   pas tout dans le même ordre, mais en gros, ce serait la même, oui.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, j'aimerais verser au dossier cette

 12   liasse de documents, donc la déclaration et huit autres documents qui n'ont

 13   pas encore été versés.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, s'agissant des deux

 15   documents auxquels vous faites référence au paragraphe 18 [comme

 16   interprété], c'est-à-dire le 1D800 et l'autre qui porte une cote ERN, eh

 17   bien, je ne sais pas s'ils ont été soit mis à jour ou traduits en anglais.

 18   Pour pouvoir verser ces deux documents au dossier, vous devez présenter ces

 19   documents en face-à-face au témoin.

 20   Est-ce que vous avez une objection, Monsieur Tieger ?

 21   M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Je ferais remarquer que

 22   ce qui est sous la cote 1D00841 et qui devrait porter une cote de la

 23   Défense a déjà été versé sous la cote P00737.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   Bien, nous allons d'abord donner une cote à la déclaration du témoin

 26   conformément à l'article 92 ter du Règlement.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D6801 devient la pièce

 28   D2530, Messieurs les Juges.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et pour les autres documents, les six

  2   documents, il s'agit de pièces associées, et la cote sera donnée en temps

  3   voulu par le Greffe à ces documents.

  4   Veuillez continuer, Monsieur Karadzic.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'aimerais donner lecture du résumé de

  6   la déclaration de M. Zdravko Cvoro. Je vais donner lecture en anglais.

  7   Zdravko Cvoro était le président de la cellule de Crise de la municipalité

  8   de Pale. Du 1er janvier 1992 au 31 août 1992, il a été président du Comité

  9   exécutif de la municipalité de Pale. Il n'a jamais été membre du SDS.

 10   Au début de la guerre, la population qui vivait à Pale se composait

 11   de Serbes pour la majorité, et un grand nombre de réfugiés serbes sont

 12   partis de Sarajevo pour se rendre à Pale. La municipalité éprouvait des

 13   problèmes à fournir un logement à ces réfugiés ainsi que de l'aide

 14   humanitaire, et toutes les mesures ont été prises pour leur fournir un

 15   logement et des conditions de vie de base.

 16   Pendant la guerre, plusieurs événements ont donné lieu à des craintes

 17   de représailles et d'insécurité parmi la population musulmane à Pale étant

 18   donné que des crimes étaient commis par leurs compatriotes. Notamment, des

 19   policiers du SJB de Pale qui ont été tués et blessés, le massacre de

 20   soldats de la JNA et de soldats de la VRS qui transportaient des aliments

 21   et d'autres sources d'approvisionnement, et le meurtre et l'expulsion d'un

 22   grand nombre de Serbes. En conséquence, on a collectivement demandé et

 23   aussi individuellement demandé de passer de Pale à Sarajevo.

 24   Zdravko Cvoro et le président de la municipalité de Pale se sont

 25   rendus personnellement dans des quartiers habités par des Musulmans pour

 26   les convaincre de rester et les assurer du fait qu'en leur qualité de

 27   représentants officiels de la municipalité, ils garantiraient leur

 28   sécurité. La municipalité de Pale a confirmé qu'elle allait garantir aux


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  1   Musulmans leurs droits de jouir des droits civiques et aux conditions de

  2   vie normale. Malgré cela, un grand nombre de demandes ont été faites pour

  3   pouvoir déménager. Elles ont été reçues lors d'une réunion le 18 juin 1992,

  4   et l'assemblée municipale de Pale a décidé en la matière et a reconnu le

  5   droit constitutionnel de circuler librement et de résider librement.

  6   Il n'y a pas eu d'expulsion forcée de citoyens d'origine ethnique

  7   musulmane et croate à Pale. Ceux qui sont partis l'ont fait de leur propre

  8   gré et de leur propre volonté. Beaucoup sont partis dans des convois

  9   organisés et ont pris leurs effets personnels. D'autres ont passé des

 10   accords avec des voisins serbes pour que ces derniers gardent leurs

 11   propriétés. Les résidents qui ne désiraient pas partir ont continué à

 12   cohabiter avec les Serbes. Il n'y a pas eu de destruction de propriétés

 13   non-serbes dans cette zone, à l'exception de la ligne de démarcation et le

 14   long de celle-ci et à l'exception de là où il y avait des activités de

 15   combat.

 16   Le Comité exécutif de la municipalité de Pale a rédigé un document exigeant

 17   au SJB, au poste de police, d'assurer la protection des biens des non-

 18   Serbes jusqu'à ce que la commission municipale autorisée prenne le relais,

 19   ainsi que la création d'une commission pour les réfugiés et l'aide

 20   humanitaire. Après la guerre, les biens immeubles ont été rendus à leurs

 21   propriétaires, et plusieurs Musulmans sont rentrés chez eux. La cellule de

 22   Crise de Pale a été mise en place pour les cas où les autorités régulières

 23   ne pouvaient pas se rencontrer. La cellule de Crise se composait de plus ou

 24   moins les mêmes personnes qui participaient aux organes réguliers. La

 25   différence résidait dans leur méthode de travail, dans le sens où les

 26   autorités régulières avaient normalement jusqu'à 15 jours pour prendre des

 27   décisions, alors que la cellule de Crise devait répondre à des situations

 28   d'urgence, par exemple, dans un délai d'une heure. D'après les instructions


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  1   de la présidence de la RSFY, les républiques avaient l'obligation de

  2   dégager des plans d'urgence, et les gestionnaires de ces plans étaient les

  3   membres de la cellule de Crise. En cas de catastrophe naturelle ou d'autres

  4   situations d'urgence, la cellule de Crise se réunissait, et les membres les

  5   plus haut placés de la municipalité la constituaient.

  6   D'après la Loi sur la Défense territoriale de l'époque, les ressources

  7   privées nécessaires au fonctionnement des autorités pouvaient être

  8   utilisées. La situation était critique en termes de connexions

  9   téléphoniques à Pale. Elles manquaient cruellement. En conséquence, les

 10   Serbes et les Musulmans ont eu leurs lignes coupées pour cette raison. De

 11   plus, l'armée a coupé les lignes téléphoniques d'autres autorités

 12   gouvernementales, y compris le ministère de la Justice.

 13   Pendant la guerre, la municipalité musulmane de Pale a été créée, qui

 14   comprenait Renovica, Praca et d'autres villages musulmans. Si la VRS

 15   voulait prendre la municipalité musulmane de Pale, elle aurait pu le faire

 16   facilement, mais elle ne l'a pas fait parce que la population musulmane

 17   était en majorité là-bas. La communauté musulmane de Pale existe encore

 18   aujourd'hui et elle est basée à Praca.

 19   A Pale, au centre, une église catholique se trouvait qui a été préservée

 20   jusqu'à aujourd'hui, alors qu'il n'y a jamais eu de mosquée à Pale.

 21   Ceci conclut la lecture du résumé. Vu la décision que vous avez prise,

 22   j'aimerais que l'on affiche le document 1D800 dans le prétoire

 23   électronique, s'il vous plaît, le document que je suis censé montrer en

 24   face-à-face au témoin.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Cvoro, j'aimerais vous inviter à regarder ce document et à

 27   nous dire à quoi fait référence ce rapport, ce rapport SRNA. Voulez-vous

 28   que je vous en donne lecture ou pouvez-vous le lire vous-même ?


Page 30928

  1   R.  D'après ce que je vois, ce document porte sur la destruction de

  2   certaines lignes qui étaient connectées à Pale.

  3   Q.  Quelle est la date du rapport ?

  4   R.  Le 28 avril 1992.

  5   Q.  Très bien. Que nous dit le deuxième paragraphe ? Pouvez-vous nous le

  6   lire, s'il vous plaît ?

  7   R.  "Quatre tirs de tireurs isolés ont détruit la mini liaison sur le

  8   bâtiment du télégraphe et du téléphone dans la rue Vojvoda Putnika numéro

  9   100. Au moment où le téléphone a été détruit, les lignes ne fonctionnent

 10   qu'autour de 30 % de leur capacité."

 11   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire où se trouve cette rue Vojvoda Putnika ?

 12   R.  Elle est à Sarajevo dans la rue qui longe la caserne, l'ancienne

 13   caserne du maréchal Tito, et elle va vers le quartier de Malta.

 14   Q.  Quelle a été l'incidence de cette coupure de lignes téléphoniques à

 15   Pale ?

 16   R.  Eh bien, nous avions des problèmes avec les lignes téléphoniques. Pale

 17   était une petite municipalité qui avait de petites capacités téléphoniques.

 18   Et comme ces liaisons étaient détruites, la situation a empiré, et je parle

 19   évidemment de la communication téléphonique.

 20   Q.  Merci. Comment avez-vous résolu ce problème, vu que les organes d'état

 21   avaient leur siège là-bas, qu'il y avait la télévision, et cetera, comment

 22   avez-vous résolu les problèmes ?

 23   R.  Eh bien, lorsque les organes républicains sont allés à Pale, il y a eu

 24   de gros problèmes. Tout d'abord, ils étaient censés recevoir un logement,

 25   des lignes téléphoniques et d'autre lignes. En plus des organes

 26   républicains, l'agence de presse SRNA News est arrivée et a demandé des

 27   locaux et des lignes téléphoniques pour pouvoir fonctionner. Nous étions

 28   couverts par Sarajevo. Toutes les informations qui nous parvenaient nous


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  1   parvenaient au bon vouloir de Sarajevo. Ensuite, le directeur Todor Dutina,

  2   qui a été nommé à ce moment-là, est venu me voir et m'a demandé de faire de

  3   mon mieux pour pouvoir mettre sur pied cette agence de presse SRNA. Je lui

  4   ai demandé : "Qu'est-ce que vous avez Todor ?" Il m'a répondu : "Je n'ai

  5   rien." Je lui ai demandé : "Alors, que voulez-vous ? De quoi avez-vous

  6   besoin ?" Il m'a répondu : "J'ai besoin d'un bureau, d'un téléphone et

  7   d'une machine à écrire."

  8   J'étais président du comité exécutif et dans mes propres ressources, j'ai

  9   puisé un téléphone, un fax que j'ai donné à M. Dutina, ainsi qu'une machine

 10   à écrire. Ensuite, l'agence de presse SRNA a été créée. Beaucoup de Serbes

 11   sont venus à Pale. Entre autres, des personnes qui connaissaient cette

 12   filière. Ils ont rapidement créé l'agence de presse SRNA. La même chose

 13   s'est passée pour la télévision. Beaucoup de gens ont demandé des lignes

 14   téléphoniques, des numéros de téléphone. A Pale, nous n'avions que des

 15   soins de santé de base qui étaient fournis. Tout se trouvait au centre de

 16   santé et les malades et les blessés ont commencé à arriver. Un hôpital de

 17   guerre de réserve est arrivé à Pale. Il s'est établi dans l'hôtel Koran.

 18   Donc, un hôpital militaire a été créé là-bas. Beaucoup de numéros

 19   téléphoniques étaient nécessaires pour faire fonctionner cet hôpital.

 20   Je sais également que pour le gouvernement, la présidence et l'assemblée,

 21   nous avons mobilisé presque tous les numéros téléphoniques qui étaient

 22   indispensables dans le secteur des entreprises et dans les services

 23   sociaux. Non seulement il n'y avait pas suffisamment de lignes

 24   téléphoniques, nous n'avions pas suffisamment de combinés non plus. De la

 25   municipalité de Famos, nous avons obtenu tous les combinés téléphoniques et

 26   nous avons commencé à les utiliser.

 27   Q.  Merci.

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvons-nous verser au dossier ce document ?


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui attribuer une cote

  2   provisoire.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document reçoit la cote D2531,

  4   Messieurs les Juges.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  6   Pouvons-nous voir brièvement le document 1D2730, il a une cote ERN dans la

  7   déclaration.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Vu qu'il n'y a pas de traduction disponible, Monsieur Cvoro, je vais

 10   traiter de ce document très brièvement, je vais vous parler de la question

 11   des communications. A la quatrième ligne à partir du haut, Slobodan Aviljas

 12   se présente. Il appelle la cellule de Crise et il dit qu'il est le ministre

 13   de la Justice, Slobodan Aviljas. Est-ce que vous le connaissiez, est-ce

 14   qu'il travaillait au ministère de la Justice ?

 15   R.  Je le connais personnellement et, en fait, nous avons fait notre

 16   service militaire ensemble.

 17   Q.  Merci. Plus loin il nous dit, à son interlocuteur, A côté Kutlaca :

 18   "Je suis à l'hôpital. Quelqu'un a coupé la ligne téléphonique. Nous

 19   dormons."

 20   Ensuite, Kutlaca ajoute :

 21   "C'est le commandant qui a donné l'ordre de déconnecter les lignes. Vous

 22   devez soumettre une demande par écrit afin d'être reconnectée."

 23   Comment cela est-il arrivé ? Est-ce que cela correspond à ce que vous nous

 24   avez dit, que vous aviez rencontré des problèmes et que vous aviez même

 25   déconnecté la ligne téléphonique du ministère de la Justice ?

 26   R.  Ceci confirme ce que j'ai dit, et nous avons déconnecté les lignes

 27   téléphoniques de plusieurs institutions.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre, mais je


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  1   pense que cela ne correspond pas à ce que l'accusé a reçu comme indication

  2   tout à l'heure concernant ses questions directrices. Je pense qu'il invite

  3   là, le témoin, qu'il montre des documents au témoin qu'on ne peut même pas

  4   lire dans leur intégralité, et qu'ensuite il dirige le témoin sur une voie

  5   qu'il voudrait suivre. Vu les circonstances, je n'ai pas apporté

  6   d'objection à l'utilisation du document, mais je pense que l'on doit faire

  7   preuve de certaines précautions.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez suivi le propos,

  9   Monsieur Karadzic ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, oui. Pas de problème. J'aimerais

 11   répondre. Un instant.

 12   [Le conseil de la Défense se concerte]

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien. Je peux reformuler, mais il n'en reste

 14   pas moins que l'Accusation donne lecture de certaines parties de documents

 15   au témoin, et je dois prendre sur mon temps pour poser des questions

 16   supplémentaires. Mais bien sûr, je vais reformuler.

 17   Q.  D'après votre expérience, est-ce que cela correspond à ce que vous avez

 18   vécu ?

 19   R.  Est-ce que je dois dire quelque chose ? Vous me posez la question à

 20   moi, Monsieur le Président ?

 21   Q.  Oui, si la Chambre de première instance me le permet, je vous demande

 22   si cela correspond à votre expérience, à savoir les lignes téléphoniques

 23   insuffisantes ?

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vu la pratique de la

 25   Chambre de première instance sur l'admission de conversations interceptées,

 26   je ne pense pas qu'il soit pertinent de poser cette question au témoin.

 27   Pourquoi ne demandez-vous pas directement au témoin quelle était la

 28   situation des lignes téléphoniques plutôt que de vous fonder sur cette


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  1   conversation interceptée. Nous avons du mal à suivre cette série de

  2   questions sans l'interprétation.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis désolé. Je vais reformuler, alors.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-il exact --

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  7   [Le conseil de la Défense se concerte]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avant que vous ne

  9   repreniez la parole, si vous commencez votre question en demandant est-il

 10   exact que, eh bien, c'est une question directrice.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis désolé. Tout ce que vous avez dit est

 12   juste. Bien.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  A qui avez-vous refusé des lignes téléphoniques pour les besoins des

 15   organes étatiques et quelle a été la raison pour laquelle vous l'avez fait

 16   ?

 17   R.  Eh bien, la Loi fédérale sur la défense disposait comme suit : en cas

 18   de guerre ou de menace imminente de guerre, toutes les ressources peuvent

 19   être mobilisées, toutes les ressources qui pourront être utilisées pour

 20   défendre le pays, ou plutôt, le territoire en question. Ce qui veut dire

 21   qu'outre les ressources dont l'armée disposait, outre les ressources des

 22   entreprises, des ressources personnelles pouvaient même être mobilisées

 23   pour défendre l'Etat ou le territoire. D'après cette loi, même en temps de

 24   paix, lorsque des exercices militaires étaient menés, on pouvait le faire,

 25   et il n'y avait pas que les conscrits qui étaient mobilisés. Les ressources

 26   étaient également mobilisées, telles que des véhicules, des scooters, des

 27   bateaux à moteur et d'autres ressources nécessaires pour les exercices

 28   militaires.


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  1   En temps de guerre, la situation est même encore plus draconienne. Donc,

  2   nous ne pouvions pas fonctionner. C'est dans cette situation que nous

  3   étions. Nous ne pouvions pas répondre à tous nos besoins, donc nous avions

  4   déconnecté et coupé les lignes téléphoniques des Serbes également. En ma

  5   qualité de président du Conseil exécutif, je n'avais pas de téléphone non

  6   plus; j'ai dû donner mon téléphone pour que d'autres organes puissent

  7   fonctionner, les Serbes, des entreprises, certains Musulmans qui avaient

  8   reçu cet ordre. En fait, je peux vous dire que je n'ai même pas signé cet

  9   ordre, mais j'essaie de vous expliquer quelles étaient les raisons qui

 10   sous-tendent tout cela. Et l'on reprend tout ceci dans le document qui

 11   porte mon nom et mon prénom.

 12   Q.  Si vous n'acceptez pas cette conversation interceptée, je précise que

 13   le ministère, lui aussi, était resté sans ligne téléphonique. Alors, si

 14   cela n'est pas agréé, je n'ai plus de questions à poser.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.

 16   Monsieur Cvoro, comme vous avez probablement dû le remarquer, votre

 17   témoignage au principal a été versé au dossier essentiellement sous forme

 18   écrite plutôt que sous forme de témoignage oral. Alors, vous serez

 19   maintenant contre-interrogé par le représentant du bureau du Procureur.

 20   Monsieur Tieger, à vous.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Contre-interrogatoire par M. Tieger :

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Témoin. Je voudrais tout d'abord que nous

 24   parlions de cet aspect-ci de votre déclaration qui se rapporte aux

 25   paragraphes suivants. Alors, ce que je voudrais évoquer c'est la partie de

 26   votre déclaration où on affirme que les Musulmans étaient peu sûrs de leur

 27   sécurité parce qu'ils avaient redouté des représailles du fait de ce que

 28   leurs "compatriotes" avaient fait. C'est ce qui figure au paragraphe 4. Et


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  1   ils ont donc demandé à s'en aller, bien que les représentants officiels des

  2   autorités serbes avaient essayé de les convaincre de rester. Ça se dit aux

  3   paragraphes 5 et 6. Puis, on dit qu'ils sont partis de leur plein gré,

  4   paragraphe 6, sous forme de convois organisés, avec leurs effets personnels

  5   et leurs pièces d'identité, et ils ont protégé leurs biens restants sous

  6   forme d'accords établis avec les voisins serbes ou arrangements autres, tel

  7   qu'énoncé aux paragraphes 7 à 8. Alors, je voudrais que nous nous penchions

  8   sur cette affirmation qui dit que les Musulmans sont partis de leur plein

  9   gré et de façon volontaire.

 10   Cette Chambre a entendu, Monsieur Cvoro, entre autres, bon nombre de

 11   témoignages disant que les policiers parmi les Serbes de Bosnie à Pale

 12   avaient menacé, exercé des pressions à l'égard des Musulmans pour qu'ils

 13   s'en aillent, et ça peut être retrouvé au paragraphe [comme interprété]

 14   0733, paragraphes 23 à 27, 33, 34, 39 et 49. Alors, Monsieur Cvoro, en

 15   fait, c'était ça l'élément de la réalité à laquelle les Musulmans devaient

 16   faire face, chose qui a fait de leur départ non pas quelque chose qui

 17   aurait été le fruit de leur volonté ou de leur bon vouloir, n'est-ce pas ?

 18   R.  Monsieur le Procureur, la police ne relevait pas des compétences

 19   d'autorités locales. Je n'avais aucune espèce d'autorité à exercer à

 20   l'égard de la police. La police était organisée suivant une verticale avant

 21   la guerre, et même de nos jours c'est le cas. Tout ce que je pouvais,

 22   c'était influer sur les policiers en envoyant des requêtes, en envoyant des

 23   recommandations. Mais je ne pouvais pas procéder autrement et influer de

 24   façon différente sur ce que la police faisait.

 25   Q.  On en parlera plus en avant dans quelques instants, Monsieur Cvoro.

 26   Mais pour le moment, ce que je voudrais tout simplement faire confirmer,

 27   c'est une chose que vous avez implicitement faite, à savoir que la police à

 28   Pale, et là je parle de la police des Serbes de Bosnie, a déployé des


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  1   efforts pour contraindre les Musulmans à s'en aller ?

  2   R.  Moi, je ne suis pas au courant de ce genre de chose. Ce que nous avons

  3   fait, c'est que nous avons communiqué le document D28 - au paragraphe 5 -

  4   par écrit, et on voit que la municipalité de Pale, en répondant à une

  5   requête présentée par écrit de la part des citoyens musulmans de la

  6   municipalité, ça s'est fait en début avril. Et on indique là qu'il n'y

  7   avait aucune raison pour ce qui est de leur départ --

  8   Q.  Non, non, Monsieur Cvoro. Excusez-moi. Je sais qu'il y a ces autres

  9   documents et je vois que vous essayez de dévier notre attention vers autre

 10   chose. Moi, ce qui m'intéresse maintenant, c'est les agissements de la

 11   police. Vous êtes en train de nous dire que vous n'étiez pas au courant,

 12   mais le fait est, Monsieur Cvoro, et c'est ce que vous nous avez dit, qu'en

 13   1992, la police avait été impliquée dans ce type de conduite. J'attire

 14   votre attention sur le document D00031, qui parle d'une réunion de

 15   l'assemblée municipale de Pale à la date du 18 juin 1992. Et avant que de

 16   passer à cela, je voudrais vous montrer, à vous ainsi qu'aux Juges de la

 17   Chambre, comment la réunion en est venue à se tenir. Et je demande à ce que

 18   nous nous penchions sur le D0030, document daté du 12 juin 1992.

 19   R.  C'est quel document, ce document ?

 20   Q.  Ça va apparaître sur votre écran dans un instant.

 21   R.  C'est le président de l'assemblée municipale. Il l'a envoyé au

 22   secrétaire du SDA de Pale. Moi, j'étais président du Conseil exécutif, de

 23   l'autorité exécutive --

 24   Q.  Monsieur Cvoro, mais attendez ma question, s'il vous plaît. Excusez-

 25   moi, je ne voulais pas élever la voix, mais j'essaie de terminer au plus

 26   vite, et c'est la seule façon pour moi de vous interrompre l'espace d'un

 27   instant.

 28   Je voudrais que vous nous confirmiez que ce document est en fait un message


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  1   envoyé par le président de l'assemblée municipale, M. Starcevic, qui

  2   demande auprès du secrétaire du SDS de Pale de convoquer d'urgence une

  3   réunion du comité principal du SDS de Pale afin que le parti puisse prendre

  4   une position de nature générale portant sur les départs de la population

  5   non-serbe de Pale. Et il fait remarquer qu'au cas où le comité principal du

  6   SDS ne se réunirait pas au plus tôt, il fera se tenir une session de

  7   l'assemblée municipalité de Pale pour le 18 juin 1992.

  8   Et comme vous le savez, ça s'est produit le 12 juin. M. Starcevic

  9   avait insisté pour que la réunion se tienne même avant.

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   Q.  Bon. Et, en fait, lorsqu'il s'agit du lien ou de l'interaction qui

 12   existait entre la municipalité et le parti, je voudrais que nous nous

 13   penchions sur la pièce 65 ter 24210. Et dans un instant, nous allons nous

 14   référer à cette réunion qui s'est tenue le 18 juin. Il s'agit d'un document

 15   daté du 26 mai 1992. On y voit votre signature. Il s'agit d'une requête

 16   pour l'allocation de ressources --

 17   R.  Oui, c'est adressé au gouvernement de la Republika Srpska.

 18   Q.  Et si on se penche sur la page suivante en version anglaise, on y

 19   énonce certaines dépenses engagées par la municipalité. Et nous pouvons

 20   voir -- ce qu'il nous faut, c'est la page suivante en version anglaise,

 21   s'il vous plaît. Relevez un peu pour que les Juges puissent voir.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La version B/C/S aussi, s'il vous plaît.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Certes. Peut-être pourrions-nous tourner la

 24   page pour la version anglaise aussi, s'il vous plaît.

 25   Q.  Alors, nous pouvons voir au haut de la page en version anglaise qu'il y

 26   a paiement à l'égard du Parti démocrate serbe de Pale, 100 000 dinars.

 27   Puis, je demande à ce qu'on tourne la page suivante en version anglaise. On

 28   voit au milieu de la page qu'il y a financement du Parti démocratique serbe


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  1   à Pale qui se trouve être énoncé en fonction des besoins. Alors, c'est un

  2   document, Monsieur, qui reflète le soutien financier apporté par la

  3   municipalité à l'intention du SDS de Pale, n'est-ce pas ?

  4   R.  Monsieur le Président, dans le budget ordinaire, il y a toujours des

  5   ressources de prévues pour le financement des partis. Par conséquent, ceci

  6   n'a rien de contraire à la loi, parce que le parti du SDS était un parti

  7   qui avait exercé un pouvoir absolu à Pale. Les personnes qui étaient à

  8   occuper des fonctions ont été nommées à ces fonctions par le parti. Ceci,

  9   donc, ne constitue qu'une demande de financement d'une partie des frais

 10   engagés liés au mois de mai. Nous étions arrivés à une situation, et on

 11   voit ici quelles sont les ressources engagées, quels sont les besoins en

 12   question, et on voit des divergences. C'est évident qu'il y avait des

 13   nécessités pour ce qui était de financer le parti aussi avec une petite

 14   partie desdites ressources.

 15   Q.  Oui, ça me semble adéquat, Monsieur Cvoro.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander le versement au dossier de ce

 17   document, Monsieur le Président.

 18   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Certes.

 20   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 24210 deviendrait la pièce

 21   à conviction P6029, Messieurs les Juges.

 22   M. TIEGER : [interprétation]

 23   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur cette réunion du 19

 24   juin, et je vous renvoie vers le document D00031. Alors, il semblerait

 25   qu'il y a deux questions à l'ordre du jour, Monsieur Cvoro, c'est reflété

 26   en page 2 de la version anglaise. Le premier point est un rapport relatif à

 27   la situation du point de vue de la sécurité, et on voit que le rapport est

 28   présenté par le lieutenant-colonel Krstic. Et le deuxième point à l'ordre


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  1   du jour se rapporte à un document que nous avons évoqué un peu plus tôt, à

  2   savoir la demande de M. Starcevic de faire prendre position à l'assemblée

  3   pour ce qui est des non-Serbes qui quittent le territoire de la

  4   municipalité de Pale.

  5   Alors, je vous renvoie vers le point 2 qui se trouve au tout début de la

  6   page 4 de la version anglaise, et il me semble que c'est la même page pour

  7   ce qui est de la version en B/C/S. Nous pouvons voir que l'on y énonce des

  8   points de vue différents pour ce qui est des personnes présentes. Les

  9   points de vue varient entre l'opinion qui est celle d'affirmer que le

 10   gouvernement doit d'abord prendre une décision et la municipalité devrait

 11   la suivre, et d'autres opinions disent qu'il faudrait procéder à des

 12   échanges pour gérer les transferts, à les faire effectuer par la FORPRONU,

 13   et cetera. Alors, moi, ce que je voudrais que nous abordions, c'est ce qui

 14   figure en bas de page de la version anglaise et qui se rapporte à ce que

 15   disent le président de la municipalité et le président du Conseil exécutif.

 16   Et le président du Conseil exécutif, c'est vous, Monsieur Cvoro, n'est-ce

 17   pas ?

 18   R.  Oui, tout à fait.

 19   Q.  Alors là, vous et le président de l'assemblée, vous faites des

 20   observations concernant les activités déployées par le poste de sécurité

 21   publique, c'est-à-dire la police, parce qu'elle aurait participé à des

 22   tentatives d'organisation de départ ou de déménagement de Musulmans à

 23   l'extérieur. Et ça s'est fait, donc, avant une décision politique qui

 24   aurait contourné les structures officielles au pouvoir.

 25   Alors, Monsieur Cvoro, ça reflète ce qui s'est passé en 1992, et le fait

 26   est que vous avez été au courant des activités déployées par la police pour

 27   ce qui est du départ des Musulmans de Pale ?

 28   R.  Nous n'étions pas satisfaits des activités déployées par la police sur


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  1   le terrain et nous avions envoyé une demande, c'est-à-dire des

  2   protestations, pour que ce type de comportement erroné soit rectifié, qu'on

  3   y remédie. Je ne peux pas dire, moi, ce que la police a fait. Je n'ai pas

  4   d'information générale au sujet des activités dans lesquelles cette police

  5   a été impliquée.

  6   Q.  Pour ce qui est de la question des départs des Musulmans, je vous

  7   renvoie vers le point 2 à l'ordre du jour de la réunion, et ça a été

  8   demandé par M. Starcevic, ça n'a pas constitué matière à préoccupation qui

  9   se trouverait être un cas isolé afférent à Pale seulement. Le fait des

 10   déplacements de Musulmans avait été un sujet abordé par les représentants

 11   officiels de la RS dans d'autres lieux au sein de la RS, n'est-ce pas ?

 12   R.  Je ne peux pas le savoir. Je sais que vous parlez de Pale et je puis

 13   vous dire qu'il n'y a pas eu d'expulsion forcée de Musulmans de Pale. Nous

 14   avons fait tout ce qui était en notre pouvoir en nous déplaçant vers le

 15   terrain. J'y suis allé moi-même à deux ou trois reprises vers des

 16   agglomérations habitées par les Musulmans pour essayer de les convaincre et

 17   de leur dire qu'il leur était garanti --

 18   Q.  Monsieur Cvoro, excusez-moi, c'est ce qui est dit dans votre

 19   déclaration. Moi, j'essaie de mettre à profit le temps qui m'a été imparti

 20   de la façon la plus efficace possible. Ma question était celle de savoir si

 21   cette question des départs des Musulmans était tout simplement une chose

 22   qui s'était produite à Pale uniquement ou est-ce que c'était le cas dans

 23   d'autres parties de la RS ? Et à cet effet, je voudrais qu'on nous montre

 24   la pièce 65 ter 00580.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, en attendant que cela

 26   ne s'affiche, je crois que de façon générale le témoin devrait avoir la

 27   possibilité de compléter ses réponses, parce que s'il y a un manque de

 28   temps, ce n'est vraiment pas une excuse ou un prétexte suffisant pour être


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  1   grossier à l'égard du témoin.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Il me vient à l'esprit

  3   maintenant la façon dont on peut traduire certaines choses en B/C/S. Quand

  4   vous dites "moving out" en anglais, c'est un verbe transitif et il y a

  5   aussi un verbe intransitif. Est-ce qu'il y a une différence ?

  6   M. TIEGER : [interprétation] Je comprends le point évoqué par les Juges de

  7   la Chambre, mais je me réfère en entier aux traductions qui nous sont

  8   fournies. Et pour ce qui est de l'utilisation des termes utilisés en langue

  9   anglaise, je crois que je vais me servir des traductions qui nous ont été

 10   fournies.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 12   Mais gardons cela à l'esprit, et continuons.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant de la

 14   question qui est évoquée par M. Robinson, c'est vraiment une question de

 15   temps pour des raisons variées, et je me ferais un plaisir de les présenter

 16   aux Juges de la Chambre. Mais si je suis en train d'interrompre le témoin,

 17   ça reflète exactement le peu de temps que j'ai, compte tenu de la semaine

 18   que nous avons devant nous et le fait que nous avons bon nombre de témoins

 19   à entendre. Alors, je serais content d'être moins vigilent pour ce qui est

 20   d'écourter les réponses des témoins si je puis avoir des garanties pour ce

 21   qui est de ne pas avoir des limitations d'imposées en matière de temps,

 22   parce que j'essaie de me concentrer sur des éléments qui sont pertinents,

 23   et c'est clairement ce que j'essaie de faire.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, laissons cette question-là de

 25   côté. Je vous demande de reposer votre question.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Certainement.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Parce que moi, j'ai eu l'impression que

 28   le témoin n'avait pas compris de façon appropriée la question qui a été


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  1   posée, et ce, notamment en raison d'un problème d'interprétation.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Bon. C'est bon.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y une fois de plus.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Je vais le faire.

  5   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque nous avons évoqué le sujet à l'instant, au

  6   sujet de la requête de M. Starcevic pour ce qui est des positions à faire

  7   adopter par le comité principal du SDS à Pale pour ce qui est des départs

  8   des Musulmans. Alors, on s'est penché sur l'ordre du jour de cette

  9   assemblée municipale qui s'est tenue le 18 juin, et le point à l'ordre du

 10   jour où il est dit : Prise de position par l'assemblée au sujet des départs

 11   des non-Serbes du territoire. Et à ce sujet, j'ai posé une question qui se

 12   ramène à entendre que la question des départs des Musulmans n'est pas une

 13   question qui a été évoquée à Pale uniquement, mais que c'est aussi une

 14   question qui a été abordée à d'autres endroits au sein de la Republika

 15   Srpska. Or, vous avez dit que vous ne le saviez pas, si je vous ai bien

 16   compris.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Alors, le problème c'est que je suis en train

 18   de paraphraser. Si M. Robinson estime qu'il y a un problème à cela, je peux

 19   donner lecture de ce qui est dit mot à mot. Mais j'essaie d'expliquer au

 20   témoin ce dont il a été question.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, rendez la question plus simple.

 22   Quelle est la question que vous posez, Monsieur Tieger ?

 23   M. TIEGER : [interprétation] Je vais répéter verbatim ce que j'ai dit avant

 24   que M. Robinson présente son objection.

 25   Q.  Ma question était celle de savoir si le sujet des déplacements ou des

 26   départs des Musulmans était une question qui a été mise sur le tapis rien

 27   qu'à Pale ou est-ce que c'est une question qui a été abordée dans d'autres

 28   parties de la Republika Srpska.


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  1   R.  Pour ce qui est des autres parties de la Republika Srpska, je ne sais

  2   pas vous le dire. J'étais président du pouvoir exécutif de la municipalité.

  3   L'initiative liée à ces départs a été prise par les Musulmans, à titre

  4   individuel et à titre collectif. Ils venaient me voir aussi, et ils

  5   venaient aussi voir M. Starcevic. Alors, en quoi y a-t-il un problème pour

  6   que de voir si Starcevic a entamé une action pour que l'autorité suprême de

  7   la municipalité se penche sur la question ?

  8   Q.  Je vais interrompre une fois de plus.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense qu'il a répondu à votre

 10   question.

 11   Veuillez continuer.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Oui, il a répondu à la question et il a

 13   continué à répéter les différentes parties de sa déclaration.

 14   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demande à ce que vous vous penchiez sur

 15   cette pièce à conviction. Il s'agit d'un article d'une publication

 16   intitulée "Javnost" et ça se réfère au gouvernement de la Région autonome

 17   serbe de Birac. Et, pour être concret, au deuxième paragraphe, il est fait

 18   état d'une décision prise au sujet du "déplacement en toute sécurité des

 19   Musulmans de ce secteur." Alors, on laisse entendre aux municipalités

 20   voisines musulmanes et croates qu'il sera procédé à l'organisation de ceci

 21   dans les sept jours qui viennent. Et la raison pour laquelle le

 22   gouvernement a pris cette décision résulte des crimes commis par les

 23   extrémistes musulmans à l'égard de la population serbe dans le secteur.

 24   Alors, Monsieur Cvoro, ceci est, n'est-ce pas -- et je parle, soit dit en

 25   passant, de la date du 6 juin. Alors, ceci est, disais-je, le reflet du

 26   même débat auquel vous avez fait allusion et qui était en cours dans

 27   d'autres parties de la Republika Srpska à peu près dans la même période ?

 28   R.  Votre question n'a rien à voir avec ce texte. C'est la première fois


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  1   que je vois ce texte et c'est la première fois qu'on me le présente. Je

  2   vous affirme en toute responsabilité et en toute connaissance de cause que

  3   je n'ai pas eu à être mis au courant. Ça ne fait pas partie de mes

  4   compétences ni de mes attributions. Moi, je me suis occupé du problème des

  5   Musulmans à Pale, et rien d'autre. C'était là ma mission et c'était là

  6   l'objectif que j'ai poursuivi, et je pense avoir fait mon travail comme il

  7   se devait.

  8   Q.  Fort bien. Je vais aller de l'avant --

  9   M. TIEGER : [interprétation] Mais je demanderais le versement au dossier de

 10   ce document, Monsieur le Président.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Ceci est

 12   un exemple classique de ce qui ne peut pas être versé au dossier parce

 13   qu'il n'y a pas de contradiction directe entre ce qui figure au document et

 14   ce que le témoin a dit. Ça n'a pas été rédigé par lui ou par quiconque

 15   qu'il aurait eu à connaître et cela ne relève pas de son domaine

 16   d'intervention. Donc, on ne peut pas s'attendre à ce que lui sache quoi que

 17   ce soit à ce sujet.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Toutefois, le témoin n'a-t-il pas dit

 19   qu'il n'avait pas connaissance du fait que ce type de chose se produisait

 20   dans d'autres régions ?

 21   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, mais ça ne contredit pas ce qu'il a

 22   dit. Si des choses similaires se produisaient dans d'autres régions, c'est

 23   une chose. Mais si lui n'avait pas eu à connaître de tout ceci, ceci ne

 24   jette pas une lumière à l'opposé de ce qu'il a dit. Donc, s'il y a quelque

 25   chose que l'on pourrait s'attendre à ce qu'il sache, à savoir, par exemple,

 26   ce qui se passait dans sa municipalité, au sein de son instance ou de son

 27   organe, oui, ce serait justifié que de le verser au dossier. Mais c'est un

 28   document de nature générale, et ça n'a rien à voir avec ses fonctions et


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  1   ses missions, donc ce n'est pas, de notre avis, recevable.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, vous voulez

  4   répondre à ceci ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je souhaite, bien entendu, répondre. Ceci

  6   est tout à fait inexact et c'est une interprétation tout à fait restrictive

  7   de la procédure de contestation de la crédibilité du témoin. Parce que si

  8   on peut remettre en doute la crédibilité du témoin -- et je crois que nous

  9   avons été plus détendus pour ce qui est des objections à formuler devant le

 10   témoin -- je voudrais vérifier si le témoin parle l'anglais, et si ce n'est

 11   pas le cas, je voudrais qu'il enlève ses écouteurs pendant ce débat.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Alors, il est certainement possible de

 15   remettre en question la crédibilité du témoin par des éléments de preuve

 16   directs pour ce qui est des activités dont il a parlé et où des activités

 17   dans lesquelles il a été impliqué se trouveraient être contredites par des

 18   documents. Mais la réalité des choses, c'est que ce témoin n'a pas -- étant

 19   donné qu'il a dit que ce qui s'était passé à Pale, selon lui, était

 20   spontané, fait de plein gré de la part des gens et que ça n'avait rien à

 21   voir avec la politique de la direction politique. Mais mis à part le fait

 22   qu'il était physiquement très proche de la direction à Pale, il nous fait

 23   dire qu'il y a un fondement tout à fait réaliste pour ce qui est de la

 24   remise en question de la crédibilité du témoin, parce qu'il affirme ne rien

 25   à voir su au sujet de ce qui se passait ailleurs. Et ceci est en

 26   contradiction avec la proposition générale par la Défense qui a fait venir

 27   ce témoin pour montrer le cas d'une municipalité tout à fait isolée qui

 28   n'avait rien à voir avec la politique générale qui avait été mise en place.


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  1   Nous avons le droit de remettre en question les éléments de preuve fournis

  2   et nous avons le droit de démontrer que ça a été quelque chose qui se

  3   passait tout au large du territoire de la Republika Srpska. Et je serais

  4   tout à fait heureux de montrer au témoin le 65 ter 15087 qui montre

  5   clairement que "Javnost" est un journal du parti, que c'était là l'organe

  6   du parti. Et c'est une information complémentaire que le parti avait voulu

  7   faire diffuser.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux prendre la parole,

  9   Excellence ?

 10   Je vais répondre en anglais. Ce témoin n'a pas été convié ici pour

 11   des fins poursuivies comme M. Tieger semble l'affirmer. Il est convoqué ici

 12   pour réfuter des éléments de preuve présentés par l'Accusation au sujet de

 13   cette municipalité et qui figurent à l'acte d'accusation. Ceci est un

 14   représentant du pouvoir exécutif de la municipalité, c'est quelqu'un qui a

 15   assumé ses responsabilités et qui a exercé son autorité de façon

 16   responsable. Il n'était pas membre du SDS, lui. Je ne vois donc aucune

 17   raison pour ce qui est de le promener tout au large de la Republika Srpska.

 18   Nous sommes en train de parler d'une municipalité concrète.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre estime que ce document est

 22   pertinent pour ce qui est de la crédibilité du témoin et acceptera son

 23   versement.

 24   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 00580 recevra la cote

 25   P6030, Messieurs les Juges.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Cvoro, de votre

 27   coopération.

 28   Veuillez continuer.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Alors, nous allons continuer pour ce qui est des questions qui ont été

  3   évoquées aux différents paragraphes de votre déclaration que j'ai

  4   mentionnés au tout début. Et je vais présenter aux Juges de la Chambre des

  5   éléments de preuve concernant un autre élément qui a fait que les Musulmans

  6   de Pale ont conclu qu'ils n'avaient pas de choix autre que de s'en aller,

  7   et c'est le fait de voir arriver à Pale des civils musulmans grièvement

  8   tabassés qui ont été expulsés de Bratunac en mai 1992, et ça a été l'une

  9   des façons qui a fait comprendre aux Musulmans de Pale ce qui les

 10   attendrait au cas où ils ne s'en iraient pas "de leur plein gré."

 11   Alors, je voudrais que nous nous penchions dans quelques instants sur

 12   une vidéo, qui est la pièce P3206.

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   M. TIEGER : [interprétation]

 15   Q.  Monsieur Cvoro, reconnaissez-vous ces hommes qui ont été frappés parmi

 16   le groupe de Musulmans qui ont traversé Pale à la mi-mai 1992 ?

 17   R.  Monsieur le Procureur, je ne sais rien au sujet de qui a fait venir ces

 18   Musulmans à Pale, par quel moyen et qui les a envoyés ailleurs. Je sais que

 19   nous avons réagi rapidement. Nous avons réuni la cellule de Crise et nous

 20   sommes allés rencontrer quelqu'un des autorités pour leur dire que de

 21   telles choses ne devraient pas se produire à Pale et que ces Musulmans

 22   doivent être relâchés, ou plutôt, être autorisés à rejoindre leurs

 23   compatriotes. Grâce au président et au premier ministre, ceci a été fait

 24   rapidement. Et en ce qui me concerne, je n'ai pas participé à cela du tout.

 25   Je n'étais pas au courant. J'ai été réveillé en pleine nuit par la police,

 26   qui m'a dit : "Nous avons de nombreux Musulmans que l'on a fait venir à

 27   Pale, c'est quelqu'un qui les a fait venir, et ensuite la personne est

 28   partie." Savez-vous ce que ça veut dire que de les faire venir et de les


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  1   laisser dans cette situation-là ? Nous ne pouvions pas faire autre chose

  2   que de les loger et de leur fournir les produits de première nécessité et

  3   leur demander de se rendre à l'endroit d'où ils venaient. Et ceci a été

  4   fait rapidement.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, Monsieur

  6   le Président, cette vidéo a été montrée du point 00:53 à 001:39.5 au

  7   compteur.

  8   Q.  La cellule de Crise était dirigée par le gouvernement lorsqu'il s'est

  9   agi du transport de ces prisonniers qui devaient quitter Pale pour

 10   rejoindre le territoire musulman, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne sais pas qui était en charge de cela, mais ce que je sais, en

 12   revanche, c'est que la sécurité a été fournie par la police ainsi que

 13   d'autres unités. Ils ont quitté Pale en sécurité. Il y avait également un

 14   problème pour assurer la sécurité des moyens de transport, sur comment les

 15   loger, comment les déplacer en toute sécurité. Nous avons trouvé des

 16   camions à bord desquels ils pouvaient être placés, de façon à ce qu'ils ne

 17   donnent lieu à aucun problème et pour que des Serbes ne commettent pas des

 18   actes stupides. D'après ce que je sais, ils sont arrivés à bon port. Ils se

 19   sont présentés et sont arrivés sains et saufs.

 20   Q.  La Chambre de première instance, Monsieur Cvoro, a entendu des éléments

 21   de preuve et d'autres raisons qui permettent d'expliquer pourquoi les

 22   Musulmans ont quitté Pale, parce qu'ils n'avaient pas vraiment le choix.

 23   Ils n'avaient pas d'autre choix que de partir en raison de la présence

 24   tristement célèbre des paramilitaires non seulement dans la municipalité,

 25   mais en réalité, "ils étaient hébergés à l'hôtel Panorama". Pièce P0733,

 26   paragraphes 39 à 40. Et ça, Monsieur Cvoro, faisait partie de la réalité

 27   des choses à Pale, n'est-ce pas, le fait que des membres des unités

 28   paramilitaires tristement célèbres avaient été hébergés à l'hôtel Panorama


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  1   ?

  2   R.  Je n'étais pas en contact avec de telles forces. A l'hôtel Panorama, il

  3   y avait des réfugiés de Croatie. Ils avaient été hébergés à l'hôtel

  4   Panorama. En 1994, nous avons également recueilli un nombre important de

  5   réfugiés venant de Croatie qui y sont restés jusqu'à la fin du moi de mai.

  6   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète de la cabine anglaise : 1991.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Et par la suite, nous n'avons pas pu les

  8   héberger plus longtemps et nous les avons envoyés en Serbie. Je ne sais pas

  9   s'il y avait des formations paramilitaires ou des forces armées qui étaient

 10   là à l'époque. Je n'ai pas rencontré de telles personnes, et je suis tout à

 11   fait désolé, mais je ne peux pas vous aider sur ce point-là.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Alors, regardons le P01107 rapidement, un

 13   document qui est daté du 11 août 1992. Alors, passons, s'il vous plaît, à

 14   la page suivante de l'anglais. Page suivante, s'il vous plaît. Pardon.

 15   Q.  Comme vous pouvez le constater en haut :

 16   "Tout en inspectant le poste de sécurité publique de Pale, un groupe

 17   'd'Arkanovci' sont toujours à l'hôtel 'Panorama'. Et le chef Koroman

 18   présente cela comme un problème résolu parce qu'il s'attend à ce que leur

 19   commandant, dans un ou deux jours, trouvera une solution à ce problème-là."

 20   Comme vous le voyez, Monsieur Cvoro, il s'agit ici de l'illustration

 21   de la présence d'hommes paramilitaires hébergés à l'hôtel Panorama en 1992,

 22   n'est-ce pas ? Je crois que vous avez vu la page de garde de ce document.

 23   R.  Encore une fois, je vous ai dit qu'au mois d'août, nous avions

 24   notre conseil exécutif. J'étais la personne la plus importante au niveau de

 25   la branche exécutive. Je n'avais aucune compétence pour ce qui est de la

 26   police. L'armée et la police s'occupaient de leurs propres affaires, et je

 27   ne me mêlais pas de ça. C'est tout ce que je sais.

 28   Q.  Encore une fois, la Chambre de première instance a entendu des éléments


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  1   de preuve. Encore une fois, il y a certains passages de votre déclaration

  2   qui indiquent que les Musulmans sont partis de leur plein gré. Ils ont

  3   entendu des éléments indiquant qu'une des raisons pour laquelle les

  4   Musulmans à Pale estimaient ne pas avoir du libre arbitre sur la question

  5   de partir ou pas, parce que Nikola Koljevic, qui était un des membres de la

  6   présidence collective à l'époque et qui ensuite a occupé le rôle de vice-

  7   président, les a encouragés à partir, en substance, pour leur dire que leur

  8   présence était indésirable, et que, par conséquent, ils ne devaient pas

  9   rester. Pièce P0733, paragraphe 38.

 10   Je remarque que c'est quelque chose que vous n'avez pas fait figurer dans

 11   votre déclaration. Est-ce que vous laissez entendre que vous avez

 12   connaissance des positions prises par M. Koljevic eu égard au transfert de

 13   la population ?

 14   R.  Monsieur le Procureur, je ne suis pas au courant de cela et je ne sais

 15   pas comment j'aurais pu contrôler M. Koljevic d'une manière ou d'une autre.

 16   Q.  Merci, Monsieur. Donc, je vais avancer, et à l'intention de la Chambre

 17   de première instance, je vais vous demander de vous reporter entre autres

 18   aux pièces P0986 et P00794.

 19   M. ROBINSON : [hors micro]

 20   M. TIEGER : [interprétation] Oui, oui, je comprends tout à fait. Il s'agit

 21   d'un argument que je présente, je comprends, mais ceci a été fait par le

 22   passé pour éviter de confronter le témoin. J'accepte.

 23   Q.  Monsieur Cvoro, paragraphe 15 de votre déclaration, vous dites qu'il y

 24   a des gens qui sont venus vérifier les accords portant sur les biens des

 25   uns et des autres, à savoir la protection desdits biens. Et vous insistez

 26   au paragraphe 15 que ceci s'appliquait à la fois aux Serbes et aux non-

 27   Serbes, et d'après ce que j'ai compris, il s'agit là d'un effort de votre

 28   part pour montrer que les gens partaient et avaient un intérêt à partir, et


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  1   ce, en toute indépendance. Donc, certains sont venus dans la municipalité

  2   simplement pour s'assurer que les accords avaient été respectés. Est-ce que

  3   c'est ce dont il s'agit, en somme ?

  4   R.  Eh bien, voici comment se sont présentées les choses. Pale était une

  5   petite communauté. Les Musulmans et les Serbes se connaissaient bien. De

  6   nombreux Musulmans et de nombreux Serbes qui habitaient à Sarajevo avaient

  7   leurs propres maisons et appartements et en était propriétaire. Lorsque les

  8   Serbes sont arrivés à Pale, ils avaient des connaissances et des amis de

  9   longue date avec lesquels ils étaient restés en contact. Et les gens

 10   essayaient de protéger leurs biens. Et les Serbes qui étaient déjà partis

 11   et les Musulmans qui étaient censés partir se sont rassemblés. Ils sont

 12   venus dans la municipalité pour que de telles dispositions soient rendues

 13   légales. Nous n'avons pas accepté cela, parce qu'il n'y avait aucun

 14   fondement légal à cela, compte tenu du fait que nous étions en guerre.

 15   Q.  Monsieur Cvoro, le fait est que des non-Serbes qui souhaitaient partir

 16   n'ont pas été autorisés à le faire avant que ne soit établie une liste de

 17   leurs biens et que ces biens soient repris par la municipalité; n'est-ce

 18   pas là la réalité des choses, c'est la raison pour laquelle les gens sont

 19   venus ?

 20   R.  Non.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Alors, regardons maintenant le P00738, s'il

 22   vous plaît.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 24   M. TIEGER : [interprétation]

 25   Q.  Le P738 est un document qui est daté du 6 juillet 1992, et porte votre

 26   signature ainsi que la signature du commandant de l'état-major de la

 27   protection civile, M. Blagojevic. Et il prévoit que le poste de police de

 28   Pale prenne des mesures immédiates aux fins de protéger les biens des


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  1   habitants non-Serbes qui ont quitté le territoire jusqu'à ce que ces biens

  2   soient repris par la commission municipale habilitée à le faire. Et prévoit

  3   au deuxième chapitre que :

  4   "Les individus ou familles d'appartenance ethnique non-serbe qui

  5   souhaitent quitter le territoire de la municipalité de Pale ne soient pas

  6   autorisés à le faire avant qu'une liste de leurs biens ne soient établie et

  7   que leurs biens soient repris conformément au règlement en vigueur…"

  8   Donc, contrairement à ce que vous laissez entendre au paragraphe 15

  9   de votre déclaration, Monsieur Cvoro, ce document vise la population non-

 10   serbe et les contraint à traiter avec les représentants officiels de la

 11   municipalité pour s'assurer qu'une liste de leurs biens soit bien établie

 12   et que cette liste soit fournie à ces représentants officiels, n'est-ce pas

 13   ?

 14   R.  Eh bien, voyez-vous, nous avons informé le poste de police parce qu'il

 15   fallait garantir certaines parties du territoire où se trouvaient les

 16   habitants non-serbes, compte tenu du fait que nous avions déjà reçu des

 17   demandes de départ. Nous avons organisé des commissions municipales qui

 18   devaient donc être responsables de ces biens laissés par les Musulmans. Le

 19   poste de police n'est intervenu que pour assurer la sécurité des personnes

 20   qui travaillaient sur le terrain. Les commissions en question ont établi

 21   des listes des biens et établi des inventaires des biens laissés par les

 22   Musulmans. Egalement au point 2, de nombreux Musulmans, et ceci a posé

 23   problème - je ne peux pas parler au nom des Croates parce qu'ils ne sont

 24   pas partis, ils sont restés à Pale - mais de nombreuses personnes sont

 25   parties sans qu'il y ait transfert de titres ou des biens. Et le problème

 26   qui se posait, c'est qu'il y avait des gens qui tentaient de piller ces

 27   biens. C'est la raison pour laquelle nous en avons informé le poste de

 28   police, de façon à garantir les biens. Le commandant de l'état-major de la


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  1   protection civile avait pour tâche de protéger les biens et de protéger à

  2   la fois les biens meubles et les immeubles.

  3   Q.  Lorsque vous parlez de protéger les biens, et lorsque vous parlez dans

  4   votre déclaration aux paragraphes 6 ou 7 ou 15 du fait qu'il fallait

  5   protéger ces biens, eh bien, cette protection-là n'était pas destinée aux

  6   Musulmans qui avaient renoncé à leurs biens pour pouvoir quitter la

  7   municipalité, mais il s'agissait de les protéger pour que finalement ces

  8   biens atterrissent entre les mains des fonds de la Republika Srpska en

  9   termes de réserves de biens ? Donc, c'est là qu'étaient destinés ces biens

 10   là, oui ou non ? Je vais vous montrer un ou deux documents par rapport à

 11   cela.

 12   R.  Alors, c'est vrai que les biens étaient protégés, la propriété est

 13   protégée mais pas à 100 %. Il y avait eu des pillages. Nous avons essayé

 14   dans la mesure du possible de protéger tous les biens, qu'il s'agisse de

 15   biens meubles ou de biens immobiliers. Le problème le plus difficile, il

 16   doit certainement s'agir de biens meubles, ont été placés au même endroit,

 17   entreposés, au commandement de la garnison et dans les locaux de certaines

 18   institutions. Nous étions responsables de tout cela, -- responsables de

 19   tout cela était l'état-major de la protection civile. Nous n'étions pas

 20   très satisfaits du travail de ces commissions et, plus tard, nous avons

 21   créé des commissions d'audit parce qu'il y a eu des abus. Et ensuite, les

 22   commissions d'audit étaient responsables d'une estimation de la situation

 23   réelle sur le terrain et comment ces abus ont été commis.

 24   Q.  Monsieur Cvoro, nous avons encore un document qui est daté du 6

 25   juillet, et regardons le préambule, qui prévoit que :

 26   "En vertu de l'article 86 du statut de la municipalité de Pale," je

 27   suppose, en fait, que le président du comité ou du conseil exécutif ainsi

 28   que d'autres autorités ou personnes d'autorité habilitées, "et instructions


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  1   du gouvernement de la République serbe de Bosnie-Herzégovine régissant la

  2   distribution du butin de guerre…"

  3   Donc, le document et les conclusions que l'on trouve dans ce document,

  4   notamment le fait que les non-Serbes souhaitaient partir mais n'étaient pas

  5   autorisés à le faire avant qu'une liste de leurs biens ne soit établie

  6   conformément à la réglementation du gouvernement sur les butins de guerre,

  7   n'est-ce pas ?

  8   R.  Je n'appellerais pas ça un butin de guerre. De toute façon, nous

  9   souhaitions protéger ces biens-là parce que nous ne souhaitions pas que ces

 10   biens tombent entre les mains de personnes qui ne devaient pas recevoir ces

 11   biens. Donc, si nous avions établi une liste adéquate, nous pourrions mieux

 12   comprendre la situation sur le terrain. C'est la raison pour laquelle nous

 13   avons créé de telles commissions qui avaient pour tâche d'établir des

 14   listes adéquates.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour ce qui est des droits, pour les personnes

 16   qui n'en avaient pas besoin, c'étaient ceux qui n'avaient pas ce type de

 17   droits.

 18   M. TIEGER : [interprétation]

 19   Q.  Ecoutez, que ce soit bien clair, nous allons voir ce que dit le

 20   document. Ce document parle des instructions du gouvernement sur la

 21   réglementation de la distribution du butin de guerre. Regardons rapidement

 22   deux documents. L'un d'entre eux a déjà été versé au dossier. C'est le

 23   P05502.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pardonnez-moi, je souhaitais simplement dire

 25   que les mots prononcés à la ligne 21 n'ont pas été consignés correctement.

 26   Le témoin a dit que les biens ont été protégés de façon à ce que ces biens

 27   ne tombent pas entre les mains de ceux qui n'avaient pas le droit d'en

 28   jouir, et non pas à "ceux qui n'en avaient pas besoin."


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

  2   M. TIEGER : [interprétation]

  3   Q.  Alors, nous sommes maintenant à la date du 13 juillet, les instructions

  4   sur la mise en œuvre du décret eu égard au butin de guerre. Et en

  5   particulier, je vais vous demander de reporter votre attention à la

  6   première ligne, au point 1, qui fait état du fait que ceci est réglementé

  7   de façon très détaillée, les moyens de la mise en œuvre précisés dans un

  8   décret antérieur, au numéro 8 du journal officiel 892, numéro 8 du journal

  9   officiel, 8/92, numéro 65 ter 17747, qui correspond au numéro 8 du journal

 10   officiel de 1992. La dernière page est en serbe. Ceci est daté du 2 juin

 11   1992 et prévoit, entre autres choses, à l'article 2 qu'une commission

 12   municipale va être créée pour pouvoir recueillir ces objets de valeur, une

 13   commission les conservera jusqu'à ce qu'ils puissent être remis au trésor

 14   ou à la banque nationale de la République serbe de la BiH, ou à l'article 5

 15   qui prévoit qu'une commission municipale s'occupera des biens meubles et

 16   autres actifs en attendant qu'ils ne soient remis aux réserves d'urgence ou

 17   transférés aux réserves d'urgence de la république.

 18   Donc, il s'agit d'un document qui concerne les butins de guerre et qui

 19   réglemente la façon dont ce butin de guerre doit être réparti au préambule

 20   P738, document daté du 6 juillet, n'est-ce pas ? C'est ce qu'indique ce

 21   document.

 22   R.  Il s'agit d'un décret du gouvernement qui était contraignant pour tous

 23   les organes ou autorités relevant du pouvoir exécutif. Je crois que rien ne

 24   peut être contesté à cet égard.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Je demande le versement de ce document,

 26   Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce document sera admis.

 28   Mme LA GREFFIÈRE : [hors micro]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pièce 6031.

  2   M. TIEGER : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Cvoro, la commission qui est citée à la pièce 6031 que nous

  4   venons de voir, à savoir la commission qui est censée s'occuper des biens

  5   meubles et des actifs en attendant que ceux-ci soient affectés aux réserves

  6   d'urgence de la république, se trouve illustrée dans le document D00034.

  7   Donc, ceci est un document daté du 14 juillet qui porte votre signature,

  8   Cvoro, et fait état du fait que -- en tout cas au niveau de la conclusion,

  9   indique que la commission centrale et les sous-commissions responsables de

 10   l'établissement d'une liste des biens meubles et immeubles des citoyens

 11   non-serbes n'ont pas terminé leur travail et il y a eu des problèmes en

 12   conséquence.

 13   Donc, ce document, Monsieur Cvoro, fait état d'une commission qui a été

 14   prévue par un décret gouvernemental que nous avons regardé il y a quelques

 15   instants.

 16   R.  Ce qui est très important ici, c'est la commission qui a été créée par

 17   le Conseil exécutif, à savoir la commission précédente. Nous n'étions pas

 18   très satisfaits du travail effectué par cette commission-là, et il est

 19   indiqué dans ce document que compte tenu du fait que la commission centrale

 20   et les sous-commissions responsables de l'établissement d'une liste des

 21   biens meubles et immeubles des citoyens non-serbes qui ont quitté la

 22   municipalité de Pale n'ont pas complètement terminé leurs travaux, et comme

 23   je l'ai expliqué il y a un moment, nous avons créé une commission d'audit

 24   séparée pour vérifier le travail des commissions précédentes et voir ce qui

 25   avait été fait par ces commissions de façon à pouvoir obtenir les résultats

 26   appropriés, les véritables résultats ou conclusions. Le problème qui se

 27   posait, c'est que nous étions dans les zones rurales où vivaient des

 28   Musulmans, donc il y avait beaucoup de bétail qui avait été abandonné, et


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  1   les travaux se sont concentrés là-dessus. Il y a eu beaucoup d'abus de

  2   biens, et nous n'étions pas satisfaits de la manière dont cette partie-là

  3   du travail avait été effectuée.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque --

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous allons lever l'audience

  6   pour aujourd'hui ?

  7   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons poursuivre demain.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous aurez dix minutes demain.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, dix minutes ne me

 12   suffiront pas tout à fait demain. C'est quelque chose que j'ai précisé, et

 13   je peux vous informer demain des différents facteurs qui font que c'est

 14   important que les Juges de la Chambre reçoivent ces éléments d'information.

 15   Je ne pense pas avoir besoin de beaucoup de temps, mais certainement plus

 16   que dix minutes.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, demain à 9 heures.

 20   Monsieur Cvoro, nous allons lever l'audience pour aujourd'hui et reprendre

 21   demain. Mais dans l'intervalle, vous n'êtes censé vous entretenir avec

 22   personne de votre déposition. Est-ce que vous comprenez cela ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'audience est levée.

 25   --- L'audience est levée à 14 heures 29 et reprendra le mercredi, 5

 26   décembre 2012, à 9 heures 00.

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