Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 11 avril 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Peut-on demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai

  9   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : KOSTA CAVOSKI [Assermenté]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Professeur Cavoski. Veuillez vous

 13   asseoir, s'il vous plaît.

 14   Oui, Monsieur Karadzic, allez-y.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

 16   Messieurs les Juges. Bonjour à tous.

 17   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Professeur Cavoski.

 19   R.  Bonjour.

 20   Q.  Pour les besoins du compte rendu d'audience, pourriez-vous décliner

 21   votre identité, s'il vous plaît.

 22   R.  Oui. Je m'appelle Kosta Cavoski. Je suis né à Banatsko Novo Selo le 26

 23   octobre 1941. Le nom de mon père est Savo et le nom de ma mère est Vera.

 24   Q.  Merci. J'attends l'interprétation, et je voudrais également vous

 25   demander de vous concentrer sur l'écran, et quand vous verrez que la

 26   traduction est terminée, vous pourrez continuer. Je ne vais pas vous

 27   demander de parler de vos travaux, parce que cela prendrait énormément de

 28   temps. J'aimerais commencer par les derniers éléments de votre parcours.


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  1   Mis à part le fait que vous êtes membre de l'Académie serbe des arts et des

  2   sciences, pourriez-vous nous dire quel est votre parcours ?

  3   R.  J'ai obtenu mon diplôme de la faculté de droit de Belgrade en 1964.

  4   Pendant un certain temps, j'ai participé à des activités politiques en tant

  5   qu'étudiant et j'étais membre d'une organisation de jeunes. J'ai été

  6   également vice-président international de l'association des étudiants de

  7   Yougoslavie. Et puis, j'ai ensuite décider de travailler dans le domaine de

  8   la recherche et j'ai donc réalisé ma maîtrise, et ma thèse était intitulée

  9   : Le rôle de la Cour suprême américaine dans la création du fédéralisme

 10   américain. Ce qui m'a permis d'être qualifié d'historien connaissant bien

 11   l'histoire constitutionnelle américaine. J'ai été professeur associé à la

 12   faculté et j'ai obtenu mon doctorat sur le thème de la liberté, la

 13   démocratie et les possibilités de la liberté et de la démocratie. J'ai été,

 14   donc, professeur associé jusqu'en 1971. Et ensuite, j'ai été renvoyé parce

 15   que j'avais été condamné pour ce que j'appellerais le délit d'opinion en

 16   raison de mes travaux dans le magazine "Glediste". C'est donc la raison

 17   pour laquelle j'ai été renvoyé de l'université. Pendant deux ans, j'ai été

 18   sans emploi. J'ai travaillé dans le domaine de la traduction, entre autres,

 19   et j'ai traduit deux traités sur le gouvernement par John Locke. Je me suis

 20   également intéressé à Firmer [phon], un écrivain anglais du XVIe siècle,

 21   qui a parlé du rôle divin des rois. Et en 1978, j'ai travaillé à l'institut

 22   pour le droit et la gestion, et ensuite j'ai travaillé à l'institut de

 23   philosophie.

 24   Le 1er janvier 1991, j'ai été employé en tant que professeur à plein

 25   temps à la faculté de droit de Belgrade, où j'ai pris ma retraite et donc

 26   terminé ma carrière en tant que professeur possédant une chaire à l'âge de

 27   68 ans. Je suis maintenant à la retraite. Et en 2003, je suis devenu membre

 28   de l'Académie serbe des arts et des sciences. Voilà donc en bref mon


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  1   parcours. Si nécessaire, je peux, bien sûr, apporter des précisions.

  2   Q.  Merci, Monsieur le Professeur. Même si votre CV est très long, je

  3   voudrais vous parler de certains des éléments les plus importants qui ont

  4   été publiés dans votre profession. Pourriez-vous nous parler des domaines

  5   spécialisés sur lesquels vous vous êtes concentré durant votre carrière ?

  6   R.  Parce que j'avais des problèmes lorsque j'ai déposé dans l'affaire

  7   contre Stanislav Galic, j'ai juste résumé -- en fait, j'ai demandé à

  8   l'Académie des arts et des sciences d'établir sa propre biographie. Donc

  9   tous les recueils et les publications sont publiés, pas uniquement par

 10   titre, mais également avec un bref résumé, de façon à ce que vous puissiez

 11   voir quels sont les contenus --

 12   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Nous n'avons pas la bibliographie du

 13   témoin.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Ensuite -- j'étais plus jeune, bien sûr, et

 15   maintenant que je suis plus âgé, en fait, je travaille de plus en plus dans

 16   le domaine de la publication. Donc j'ai publié 37 livres, et ceux dont je

 17   peux parler, ce sont notamment celui qui est intitulé "La possibilité de la

 18   liberté et de la démocratie" et puis le livre qui s'appelle

 19   "Constitutionnalité et fédéralisme, supervision des tribunaux en matière de

 20   constitutionnalité dans les Etats anglo-saxons," et je parle plus

 21   particulièrement des Etats-Unis, du Canada et de l'Australie. Nous parlons

 22   donc des aspects de l'encadrement judiciaire et de l'encadrement de la

 23   magistrature. Par exemple, après la chute de Milosevic, il était président

 24   de la République de Yougoslavie, ensuite il est devenu président et puis

 25   premier ministre, donc je parle de cette personne --

 26   L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce qui est assez inhabituel pour les avocats,

 28   j'ai également étudié Aeschylus, qui est un écrivain grec de la Grèce


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  1   antique. J'ai également traduit la trilogie d'Oresteia. Et j'ai également

  2   étudié la philosophie politique et juridique. J'ai une étude de John Locke,

  3   qui est un des grands libéraux du XVIIe siècle en Angleterre. Et puis, j'ai

  4   un monographe [phon] qui, je crois, est un original et qui est une étude de

  5   Machiavel.

  6   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de cabine anglaise : Il y a beaucoup

  7   d'interférence.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parlez peut-être un peu trop

  9   rapidement pour les interprètes.

 10   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes de cabine française : Nous n'avons,

 11   pour une raison inconnue, aucun document en ce moment en cabine française

 12   concernant ce témoin.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous parliez de Machiavel.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Après Machiavel, j'ai publié un nombre

 15   important de livres ou de publications, et grâce à cela j'ai pu faire la

 16   synthèse de toutes mes recherches, de toutes mes études, et j'ai pu publier

 17   ceci sous forme d'annale. J'étais très intéressé par les conditions

 18   juridiques et politiques de l'ex-Yougoslavie, notamment avant la

 19   disparition de cet Etat, c'est-à-dire la situation en Croatie, en Bosnie-

 20   Herzégovine, en Republika Srpska, au Monténégro, en Serbie, et cetera, et

 21   cetera. Donc j'étais un des meilleurs analystes, et comme le Procureur l'a

 22   mentionné dans l'affaire Galic, il a dit que j'avais également rédigé des

 23   analyses d'expert sur les activités du Tribunal pénal international pour

 24   l'ex-Yougoslavie de La Haye. Deux de ces études ont été également publiées

 25   en langue anglaise. Il y a également eu le procès du général Djordje

 26   Djukic, qui est mort avant que son procès n'arrive à son terme. Et puis le

 27   deuxième, c'est le procès du président Radovan Karadzic à l'époque où il

 28   n'y avait que deux actes d'accusation qui ont ensuite été modifiés. Ceci a


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  1   été publié à deux reprises en anglais. La deuxième édition comprend

  2   également des documents annexes. Je pense que ceci suffit, et je pourrais

  3   parler encore plus si vous le souhaitez.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Merci, Professeur Cavoski. Et je vous remercie d'avoir ralenti le

  6   débit, parce que ceci a pu être consigné au compte rendu d'audience. Comme

  7   vous l'avez dit vous-même, vous savez ce qui m'est reproché ici. Et dans le

  8   troisième et dernier acte d'accusation, parmi les faits qui me sont

  9   reprochés, on avance que j'ai participé à une entreprise criminelle commune

 10   poussée, et ensuite à trois autres entreprises criminelles communes.

 11   L'objectif principal de ces entreprises criminelles était en fait le

 12   retrait durable des Musulmans et des Croates des territoires qui étaient

 13   revendiqués par les Serbes en Bosnie-Herzégovine, et l'acte d'accusation ne

 14   mentionne pas, bien sûr, ou n'avance pas que j'ai commis moi-même ces

 15   crimes, mais ma responsabilité est au titre de l'article 7(1) du Statut de

 16   ce Tribunal pour avoir participé à ces entreprises criminelles communes.

 17   Ces allégations sont principalement basées sur des rapports de deux experts

 18   de l'Accusation : Robert Donia et Patrick Treanor. Par conséquent, nous

 19   vous avons demandé d'étudier ces rapports et de rendre votre propre rapport

 20   afin de déterminer si ces rapports sont exacts et si ce qui figure dans

 21   leurs rapports est exact.

 22   J'aimerais donc, maintenant, vous demander -- donc, nous avons votre

 23   rapport. En fait, c'est une version synthétique de votre rapport.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 25   Une seconde.

 26   M. TIEGER : [interprétation] De par le passé, j'ai une objection à

 27   des commentaires sans propos de l'accusé. Je considère que ceci pouvait

 28   faire partie des commentaires, même si c'était peut-être maladroit et assez


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  1   long. Mais par exemple, quand il a mentionné ces allégations sont

  2   principalement basées sur des rapports, ce n'est pas à l'accusé de se

  3   livrer à ce type de commentaire, et, de plus, ceci n'est évidemment pas

  4   correct.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] De toute façon, c'est également de

  6   nature directrice, n'est-ce pas.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait. C'est exact.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous nous suivez, Monsieur

  9   Karadzic ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui, je comprends bien. Mais je ne

 11   souhaite pas -- enfin, ce que je voulais expliquer, c'est ce que nous

 12   avions chargé le Pr Cavoski de faire.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas à M. Karadzic de dire ce que M.

 14   Cavoski devait faire. Il doit poser des questions au témoin, et ceci de

 15   façon non directrice de façon à savoir quelle est la position du témoin.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quel est le problème si l'accusé

 17   demande au témoin ce qu'il a été chargé de faire ?

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai aucun problème. C'est simplement que

 19   M. Karadzic s'excusait de ce qui s'était passé avant de dire en fait ce

 20   qu'il voulait dire et ce qu'on lui demandait de dire. Ça a été le problème

 21   pendant toute sa prise de parole, et c'est le Dr Karadzic qui veut parler à

 22   la place du témoin.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense maintenant que M. Karadzic a

 24   compris.

 25   Monsieur Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, à la ligne 9 de la page

 27   7, c'est exactement ce que je souhaitais demander.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Professeur Cavoski, pourriez-vous nous dire ce que la Défense vous a

  2   demandé de faire ?

  3   R.  On m'a demandé de me pencher attentivement et d'étudier les rapports

  4   des deux experts : l'un rédigé par le Dr Robert Donia, et l'autre par le Dr

  5   Patrick Treanor. J'ai fait ceci, comme ceci est habituel dans les études de

  6   ce type, j'ai essayé de mettre toute la lumière sur des erreurs

  7   importantes, sur des incohérences, sur des omissions de faits importants et

  8   sur des éléments périodiques qui pourraient être qualifiés de vices dans le

  9   rapport et qui pourraient être considérés comme étant de mauvaise foi, qui

 10   sont apparus donc dans ces rapports. Et par conséquent, j'ai essayé de

 11   remettre en question leur crédibilité et la véracité de ces rapports. C'est

 12   donc ce qui figure dans mon rapport. Il s'agit d'un rapport analytique, je

 13   l'ai mentionné. J'ai essayé d'attirer l'attention sur les omissions, que

 14   les rapports ne pouvaient pas être acceptés tels quels dans leur totalité.

 15   Je pourrais citer certains exemples d'erreurs.

 16   A la page 6, il est mentionné citation de Robert Donia, où il dit -- c'est

 17   la page 52 qui a des erreurs évidentes. Au point 1, à la page 52, il est

 18   mentionné en anglais :

 19   "Les officiers du MUP de nationalité serbe étaient habillés en uniforme

 20   bleu…", et cetera.

 21   Donc, on peut voir qu'il est avancé que les officiers de police serbes

 22   portaient des uniformes différents des autres. Et sur cette base-là, sur la

 23   base du fait qu'ils portaient des uniformes bleus, il en tire la conclusion

 24   qu'il s'agissait d'officiers de police serbes.

 25   Je suis d'un âge suffisamment avancé et j'ai une mémoire encore

 26   suffisamment bonne pour me souvenir que tous les policiers de l'ex-

 27   Yougoslavie, de Jesenica à Djevdjelija, utilisaient ces uniformes bleus.

 28   Par conséquent, un uniforme bleu n'est pas une marque caractérisant un


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  1   policier serbe, mais tout policier.

  2   A la page 7, il est écrit -- page 79, on fait mention d'un certain

  3   Rizo Selmanagic. Ensuite, on dit que c'était un vétéran serbe de la

  4   Deuxième Guerre mondiale.

  5   Donc, pour Rizo Selmanagic, on dit que c'était un vétéran serbe de la

  6   Deuxième Guerre mondiale. Nous qui habitons sur le territoire de l'ex-

  7   Yougoslavie, nous savons très bien ce que veulent dire ces noms. Par

  8   exemple, quand on voit les noms des gens, on sait exactement quelle est

  9   votre appartenance ethnique. Pour moi, par exemple, j'ai un prénom serbe,

 10   mais pas un nom serbe. Il en va de même pour Rizo Selmanagic. Il ne pouvait

 11   être autre chose que musulman. Evidemment, vous aviez des Musulmans qui,

 12   parfois, se disaient serbes. Alija Izetbegovic, au moment du premier

 13   recensement de la population, s'est déclaré comme appartenant à la nation

 14   serbe, en fait ayant l'appartenance ethnique serbe, vu qu'au début, il ne

 15   pouvait se déclarer que comme serbe, croate ou ne pas donner d'appartenance

 16   ethnique. A l'époque, il ne pouvait pas se déclarer musulman.

 17   Q.  Je vais vous demander de vous concentrer sur un point précis.

 18   Pouvez-vous nous dire, dans ces rapports, comment a-t-on décrit la période

 19   avant la guerre en Bosnie-Herzégovine, la période de la crise yougoslave ?

 20   Pourriez-vous nous dire de quelle façon tout cela a été décrit - parce que

 21   nous avons votre rapport et j'espère que ce rapport va être versé au

 22   dossier - et pourriez-vous nous dire s'ils ont compris comment les choses

 23   se sont déroulées ?

 24   R.  Président Karadzic, veuillez m'interrompre à l'avenir, à chaque fois

 25   que vous pensez que je rentre trop en détail. Ce n'est sans doute pas

 26   nécessaire dans le cadre de cette expertise. Moi, je considère que les deux

 27   experts, le Dr Donia, qui a bien plus d'erreurs, et Patrick Treanor, où il

 28   n'y a eu que, d'après moi, trois erreurs matériels, d'après mon opinion,


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  1   ils ont tous les deux décrits d'une façon peu adéquate la situation qui

  2   prévalait dans l'ex-Yougoslavie avant son démantèlement. Une question

  3   constitutionnelle s'est posée à l'époque : peut-on démanteler la

  4   Yougoslavie ou non; et si on le faisait, est-ce que ceci serait un acte

  5   constitutionnel ou non. Les deux auteurs n'ont pas traité de cette question

  6   importante, et ils ont énuméré les actes des sécessionnistes avec beaucoup

  7   de sympathie à leur égard. Tout d'abord, les Slovènes, ensuite les Croates,

  8   et après même, les Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Moi, je peux comprendre

  9   que quelqu'un pense qu'il fallait casser la Yougoslavie. Cependant, il

 10   fallait vérifier ça dans le contexte constitutionnel. Ceci était-il une

 11   possibilité légale au niveau de la constitution, ou non. Les deux auteurs

 12   ne traitent pas de cela. Donia, parce qu'il a dit lui-même qu'il n'a jamais

 13   traité du droit constitutionnel, alors lui-même, il a cité une décision de

 14   la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine qui conteste la légitimité

 15   d'une institution serbe, le Conseil national. Alors que l'autre expert,

 16   Patrick Treanor, n'a pas traité de cette question.

 17   Et c'est un grand défaut dans ces deux rapports. Car il aurait été prouvé

 18   qu'il n'y avait pas de base légale pour démanteler la Yougoslavie. Ensuite,

 19   leurs évaluations de l'armée populaire yougoslave sont tout à fait

 20   erronées. L'armée populaire yougoslave était censée, en vertu de la

 21   constitution de protéger et défendre l'intégrité territoriale de l'ex-

 22   Yougoslavie. Le fait qu'il ne l'ait pas fait, eh bien, cela relevait d'un

 23   vrai problème, d'un manquement à son obligation du côté de la JNA, et

 24   l'histoire va la juger pour cela. Mais la JNA devait le faire. Alors que

 25   Donia et Treanor, quand il s'agit du rôle de la JNA, très souvent, disent

 26   que cette JNA ne défendait que les intérêts serbes, et non pas les intérêts

 27   de tous les peuples qui constituaient la Yougoslavie à l'époque.

 28   Pendant très longtemps, six unités, donc les deux provinces, la Serbie, le


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  1   Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine voulaient garder la

  2   Yougoslavie. Les seuls qui voulaient en sortir étaient la Slovénie et la

  3   Croatie. Ces deux auteurs n'ont pas remarqué cela. Ensuite, la cour

  4   constitutionnelle yougoslave avait pris des dizaines et des dizaines de

  5   décisions contestant la constitutionnalité des différentes lois

  6   constitutionnelles passées par la Slovénie et la Croatie, et puis d'autres

  7   lois et réglementations. Aucune de ces décisions ne figure dans ce rapport,

  8   même si l'on cite une décision prise par la cour constitutionnelle de

  9   Bosnie-Herzégovine. D'après moi, c'étaient des faiblesses, de grosses

 10   faiblesses au niveau de ce rapport. Et ce que je pourrais expliquer, si le

 11   président Karadzic me posait la question, de quelle façon ils ont évalué la

 12   situation qui prévalait en Bosnie-Herzégovine vers de l'année 1991 et au

 13   début de l'année 1992, avant que ne se démantèle justement cette Bosnie-

 14   Herzégovine dans le cadre d'une ex-Yougoslavie déjà démantelée.

 15   Q.  Merci, Professeur. Je vais vous poser cette question, en effet. Mais je

 16   vais vous demander auparavant de dire aux Juges quelle a été véritablement

 17   la situation en Yougoslavie avant que n'éclate la guerre en Bosnie-

 18   Herzégovine, et de mettre cela en exergue par rapport à la présentation des

 19   faits dans ces deux rapports.

 20   R.  Vu que moi je suis un historien sérieux, eh bien, je peux affirmer en

 21   toute responsabilité, que la vérité vraie va être connue d'ici une

 22   trentaine d'années, pas avant, quand on va communiquer toutes les archives

 23   diplomatiques et des renseignements des Etats-Unis d'Amérique, de la

 24   Grande-Bretagne, Allemagne, et cetera. Ce que vous pouvez dire sur la base

 25   des documents que nous possédons à présent, eh bien, vous pouvez dire que

 26   pendant assez longtemps, les Etats-Unis d'Amérique mais aussi les pays les

 27   plus importants de l'Europe voulaient que la Yougoslavie se préserve dans

 28   ses frontières, telle qu'elle était. Et ensuite, tout d'un coup, à cause de


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  1   l'influence allemande, il y a eu un virement et ils en sont arrivés à la

  2   conclusion qu'il fallait casser, démanteler la Yougoslavie créée au moment

  3   du traité de Versailles dont les frontières avaient été définies par les

  4   accords du Trianon et autres accords conclus entre pays voisins. A partir

  5   de ce moment-là, les forces serbes ont commencé à soutenir la scission de

  6   la Slovénie et de la Croatie, mais ensuite aussi de Bosnie-Herzégovine.

  7   Et vu les circonstances, il était absolument nécessaire de préserver la

  8   Yougoslavie de l'époque, mais aussi par la suite la Bosnie-Herzégovine.

  9   Moi, j'ai suivi l'actualité parce qu'à part de mes activités

 10   professionnelles, je me suis toujours intéressé à la vie politique et,

 11   d'ailleurs, j'ai fait pas mal d'articles, j'ai écrit pas mal d'articles à

 12   ce sujet. Vous allez pouvoir le retrouver dans ma bibliographie.

 13   Et donc, les Serbes de Bosnie-Herzégovine, d'après mon opinion,

 14   poursuivaient trois politiques différentes. Vous en aviez une qui était une

 15   politique de premier rang, ensuite une politique du deuxième, et du

 16   troisième rang. La première politique, celle que j'appelle la politique de

 17   premier rang, visait à préserver toute la Bosnie-Herzégovine et la

 18   Yougoslavie. Donc, il fallait préserver la Bosnie-Herzégovine dans le cadre

 19   de la Yougoslavie, telle qu'elle existait à l'époque. Au moment où l'on a

 20   évalué que ceci n'allait pas pouvoir se faire, les Serbes de Bosnie-

 21   Herzégovine qui, à l'époque, avait à leur tête le Parti démocratique serbe,

 22   ont tenté de préserver la Bosnie-Herzégovine dans le cadre d'une

 23   Yougoslavie Tronquée, pour ainsi dire.

 24   Et là, il y a eu un accord qui a été extrêmement important, et qui a eu de

 25   conséquences assez lourdes, Adil Zulfikarpasic avait passé cet accord avec

 26   Slobodan Milosevic, et cet accord a précédé le plan de Cutileiro. Moi, je

 27   le connaissais personnellement ce Adil Zulfikarpasic. Je le fréquentais à

 28   partir de 1986 à mon retour d'Amérique. C'était un homme très raisonnable,


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  1   et il en est arrivé à la conclusion que les Musulmans vivaient côte à côte

  2   avec les Serbes dans 103 municipalités de Bosnie-Herzégovine, et qu'il y

  3   avait bien moins de municipalités où vivaient avec les Croates, et que

  4   donc, le plus important pour les Musulmans étaient de garder l'amitié avec

  5   les Serbes. Il le disait publiquement, mais c'est vrai qu'Alija Izetbegovic

  6   oralement l'a autorisé à se rendre à Belgrade et à passer cet accord. Et

  7   d'après cet accord, la Bosnie devait rester soit au sein de la Yougoslavie,

  8   ou bien ou sein de cette Yougoslavie Tronquée. Cet accord a été passé,

  9   signé, communiqué dans le public, mais malheureusement Alija Izetbegovic

 10   l'a renié par la suite.

 11   Q.  Pourriez-vous nous dire si vous savez comment moi j'ai réagi et quels

 12   ont été les accords que j'ai passé avec Adil Zulfikarpasic et avec

 13   Filipovic, et si les Serbes ont cédé leurs positions dans un certain sens

 14   pour préserver cette Bosnie à l'intérieur de la Yougoslavie ?

 15   R.  Président Karadzic, bien sûr que je ne me souviens pas de tout, mais je

 16   pense que le Parti démocratique serbe était prêt à abandonner son idée de

 17   régionalisation de Bosnie-Herzégovine à condition que le plan soit adopté.

 18   Donc, aussi bien Muhamed Filipovic que Zulfikarpasic se sont séparés de la

 19   SDA, ils ont créé à l'époque leur propre parti bosnien et ont négocié au

 20   nom de ce parti. C'est surtout Adil Zulfikarpasic qui a fait cela. Donc, le

 21   Parti démocratique serbe a fait une grosse concession aux Musulmans

 22   justement dans l'espoir de préserver la Bosnie-Herzégovine et de préserver

 23   ce qui est encore plus important, la paix en Bosnie-Herzégovine. Parce que

 24   dans nos terres des Balkans, chaque problème interethnique mène

 25   inévitablement vers des guerres fratricides, voire guerres civiles. Donc,

 26   le Parti démocratique serbe, à l'époque, a fait des concessions, oui.

 27   Q.  Vous pouvez poursuivre.

 28   R.  La deuxième grosse possibilité qu'on avait pour préserver la guerre en


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  1   Bosnie-Herzégovine, c'était le plan Cutileiro. Là, c'était l'initiative de

  2   l'Union européenne et des corps diplomatiques de ces pays. Lui, c'était un

  3   diplomate portugais. A plusieurs reprises, les représentants des trois

  4   peuples de Bosnie-Herzégovine se sont rencontrés, à savoir le Dr Radovan

  5   Karadzic, Mate Boban et Alija Izetbegovic. Ce plan était pratiquement

  6   défini. On avait accepté les principes et signé les principes de ce plan.

  7   Il s'agissait de principes constitutionnels qui sous-entendaient la

  8   création de trois unités constitutionnelles. Aujourd'hui, on parle des

  9   "entités". Mais vous savez, cela fait partie de mes intérêts

 10   professionnels, car là, il s'agirait donc des trois unités

 11   constitutionnelles ou confédérales faisant partie d'une fédération de

 12   Bosnie.

 13   Au début, il n'était même pas prévu que ces municipalités soient reliées du

 14   point de vue territorial. Mais on a prévu au départ que les municipalités

 15   avec une majorité musulmane allaient être rattachées à l'entité musulmane,

 16   et ainsi de suite. Cependant, il y a eu un certain nombre de municipalités

 17   qui posaient problème, et là, on avait prévu que l'Union européenne

 18   intervienne en guise d'arbitre. Il n'y en a pas eu beaucoup, et le problème

 19   a été pratiquement résolu et ce plan a été pratiquement finalisé quand un

 20   événement inattendu s'est produit. Warren Zimmermann, l'ambassadeur

 21   américain de Belgrade, s'est rendu à Sarajevo en parlant avec Alija

 22   Izetbegovic, et celui-ci s'est plaint en disant qu'il était obligé de

 23   signer cet accord avec les représentants des Serbes et des Croates, et que

 24   lui, il ne pensait pas que c'était un plan vraiment favorable aux

 25   Musulmans, et sur ce, Zimmermann lui a dit - ce qu'on trouve dans les

 26   médias : Mais pourquoi seriez-vous obligé de signer ce plan ? Et donc, il

 27   en a tiré la conclusion que les Etats-Unis d'Amérique n'insistaient pas que

 28   les Musulmans de Bosnie signent ce plan. Et à ce moment, Alija Izetbegovic


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  1   a, en dernière minute, retiré la signature, le paraphe, sur l'accord.

  2   Et quand j'ai témoigné dans l'affaire Galic, le Procureur m'a donné

  3   lecture d'un entretien avec Warren Zimmermann, car lui, il dit que les

  4   choses ne se sont pas produites comme cela. Mais vous savez, la vérité

  5   vraie, on la découvrira d'ici 25, 30 ans, quand on va communiquer et rendre

  6   publique les archives diplomatiques, et là, on verra comment les choses se

  7   sont produites vraiment. Nous, nous étions convaincus - et d'ailleurs,

  8   Izetbegovic lui-même en a parlé, il en a parlé à de nombreuses personnes -

  9   qu'il s'agissait d'un entretien entre lui et Warren Zimmermann. Comme vous

 10   le savez, ce retrait de dernière minute et sans crier gare de sa signature

 11   apposée pratiquement déjà sur l'accord était ce qu'on appelle casus belli.

 12   Izetbegovic le savait très bien, car il a dit en 1993 qu'il savait qu'il

 13   fallait qu'il fasse un choix, un choix entre la paix et la souveraineté de

 14   Bosnie-Herzégovine. Il a choisi la souveraineté, et ceci a mené à la guerre

 15   civile.

 16   Pourtant, le Tribunal s'intéresse plus aux conséquences et les

 17   historiens s'intéressent plus à la responsabilité. Moi, en tant que

 18   quelqu'un qui s'occupe de l'histoire, je dois dire que la responsabilité

 19   pour la guerre incombe à ceux et à celui qui ont refusé s'accepter,

 20   d'adopter le plan Cutileiro, qui, d'après moi et d'après beaucoup d'autres

 21   personnes, était juste.

 22   Q.  Merci. Est-ce qu'on peut éclaircir. A la page 16, ligne l0, vous avez

 23   dit le tribunal. Est-ce que vous avez pensé à ce tribunal-là, le Tribunal

 24   pénal de La Haye, ou au tribunal en général ? Dans le compte rendu, page

 25   16, ligne 10.

 26   R.  Je pensais à ce Tribunal pénal international.

 27   Q.  Concernant les conditions imposées par le plan Cutileiro et l'accord de

 28   Lisbonne, nous avons contesté le droit de la Bosnie-Herzégovine à être


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  1   indépendante.

  2   R.  J'ai déjà dit qu'il s'agissait de la solution qui était la moins

  3   acceptable pour les Serbes, mais quand même acceptable. J'ai déjà dit que

  4   la variante la plus favorable aux Serbes était la préservation de la

  5   Yougoslavie. Ensuite, la deuxième option était ce qui s'est passé avec Adil

  6   Zulfikarpasic et ce qu'il proposait, à savoir que la Bosnie-Herzégovine

  7   reste dans le cadre de la Yougoslavie tronquée, et la Republika Srpska

  8   devait être dans le cadre de la Serbie. Et la troisième option que les

  9   Serbes ont accepté à contrecœur était de voir la Bosnie-Herzégovine

 10   indépendante et lorsque les Serbes se séparent des Serbes de la Serbie pour

 11   vivre dans deux Etats indépendants. Mais afin de préserver la paix, pour

 12   que la Bosnie soit tranquille, comme les Serbes disent, nous avons accepté

 13   que la Bosnie-Herzégovine soit une fédération ou une confédération de trois

 14   entités nationales étatiques.

 15   Q.  Professeur Cavoski, est-ce que le modèle proposé par l'Union européenne

 16   par le biais de l'ambassadeur Cutileiro était quelque chose de nouveau et

 17   est-ce que vous avez remarqué d'autres exemples similaires du même système

 18   en Europe, du système interne d'Etats indépendants européens ?

 19   R.  Je m'occupe de cette question du fédéralisme, et le fédéralisme a été

 20   pendant longtemps le sujet principal, puisque la Yougoslavie était un Etat

 21   fédéral, une fédération. L'exemple de la Belgique, qui a adopté en 1835 la

 22   première constitution - ou c'était plutôt en 1833, je n'en suis pas tout à

 23   fait certain - et notre première constitution de 1835 de Sretenovo [phon],

 24   la première constitution serbe a été rédigée d'après cette constitution.

 25   Mais aujourd'hui, la Belgique est une fédération qui n'est pas très solide,

 26   mais les Flamands ne voulaient pas avoir cette fédération. La ville de

 27   Bruxelles, qui se trouve sur le territoire flamand, est la seule ville à

 28   majorité wallonne qui tient la Belgique en tant que fédération. L'Europe,


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  1   par exemple, ne soutient pas la séparation de l'Ecosse de l'Angleterre, ou

  2   plutôt de la Grande-Bretagne. On a fait comprendre aux Ecossais que s'ils

  3   font sécession - et je pense que c'était en 1701 qu'ils se sont réunis avec

  4   la Grande-Bretagne, que l'Ecosse devrait attendre plusieurs années pour se

  5   voir en tant qu'un état indépendant à des réunions européennes. Cela n'a

  6   pas été dit pour le pays de Galles. Cela ne concerne le pays basque ni la

  7   Catalogne, non plus. Ce sont deux entités qui ont des langues distinctes;

  8   la langue basque se distingue de toutes les autres langues européennes. Et

  9   le catalan et l'espagnol appartiennent à un autre groupe de langues.

 10   L'Europe ne soutient pas cela, ne soutient pas la désunification [phon].

 11   L'Italie non plus, il y a une idée selon laquelle la province qui comprend

 12   Milan, Venise, au-dessus de Rome, voudrait être une province séparée. La

 13   Sardaigne pourrait être séparée de l'Italie, ainsi que la Sicile, puisqu'en

 14   Sardaigne, il y a un dialecte distinct, qui est en fait le Catalan qui est

 15   parlé. Pour ce qui est de la Sicile, la situation est très complexe, parce

 16   qu'avant c'était la Magna Graecia, la grande Grèce. Et pendant longtemps en

 17   Sicile et dans l'Italie du sud, on parlait le grec pendant la domination

 18   romaine. Après quoi, les Arabes y ont régné pendant plusieurs siècles. La

 19   population est très mixte et a une mentalité distincte. Donc, les raisons

 20   de sécession, de séparation existent là-bas.

 21   Et lorsque l'Italie a été vaincue, les Siciliens ont demandé que soit on

 22   adhère aux Etats-Unis d'Amérique en tant que 49e Etat des Etats-Unis

 23   d'Amérique. La Transylvanie pourrait poser problème également, où il y a

 24   beaucoup plus de Hongrois qu'il y en a en Serbie sur un territoire

 25   homogène, sur un territoire où depuis des siècles ils vivaient. Il n'y a

 26   pas beaucoup de Hongrois non plus dans le sud de la Slovaquie qui pourrait

 27   également demander de faire sécession de la Slovaquie. Donc, cette question

 28   n'est pas du tout aussi simple que cela a l'air en Europe, puisque je pense


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  1   que l'Europe - et je pense à l'Union européenne - l'Union européenne n'a

  2   jamais soutenu de sécessions hormis sur le territoire de la Yougoslavie.

  3   Q.  Merci Professeur. Puisque vous avez pu remarquer que ces unités

  4   constitutives ne devaient pas avoir une continuité d'existence, dans quelle

  5   mesure cela ressemble au modèle suisse où il y a beaucoup de cantons

  6   organisés sur la base linguistique qui ne sont pas reliés du point de vue

  7   territorial entre eux ?

  8   R.  La Suisse est une fédération très unie, et c'est la seule fédération

  9   dans le monde entier qui n'a pas été construite selon le modèle américain -

 10   tous les scientifiques qui s'occupent du fédéralisme le disent - toutes les

 11   autres fédérations ont été construites sur le modèle américain, ainsi que

 12   l'Union soviétique. Au début, il n'y avait que trois cantons qui étaient

 13   unis, et au fur et à mesure le nombre de cantons augmentait. Et ce qui a

 14   déterminé définitivement de destin de la Suisse était Zonder Buhrig [phon]

 15   de 1837. Il s'agissait d'une guerre entre les Protestants et les

 16   Catholiques, les cantons catholiques et les cantons protestants et le

 17   canton de Bern, qui était très puissant, a rapporté la victoire sur les

 18   Catholiques pour préserver l'unité de la Suisse. Et à ce moment-là, la

 19   Suisse a été divisée en cantons, mais il a été permis que les cantons

 20   soient divisés en subdivisions, et c'est comme ça que le canton de Jura a

 21   été créé, qui s'est séparé, puisque la population du Jura appartenait à une

 22   autre religion. Les Suisses vivent en paix, n'est-ce pas.

 23   Et leur principe est comme suit : mis à part les cantons qui ont également

 24   les codes pénaux -- seulement le code civil et uni pour toute la Suisse.

 25   Ils ont en fait trois ou même quatre groupes ethniques : d'abord les

 26   Allemands qui sont majoritairement des Protestants, ce qui est très

 27   important, n'est-ce pas; ensuite, les Français qui sont également

 28   Protestants; les Italiens; il y a un petit groupe qui est composé de


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  1   plusieurs milliers de personnes qui parlent une langue qui est originaire

  2   de Vulgata [phon], du latin vulgaire, en fait. Mais ils ont le droit à

  3   utiliser la langue officielle dans le cadre de l'assemblée. Il y a quatre

  4   identités nationales.

  5   Q.  Merci. Revenons au plan de Cutiliero et aux accords de Lisbonne. Est-ce

  6   que vous avez remarqué dans ces accords que les Serbes ont acceptés et

  7   qu'ils ont appliqués fidèlement, il y avait des bases ou des fondements

  8   pour pouvoir procéder au transfert, à l'échange de la population pour les

  9   persécutions ethniques, ce qui figure dans l'acte d'accusation dressé

 10   contre moi ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.

 12   Oui, Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] "Est-ce que vous avez remarqué ou est-ce que

 14   cela peut être trouvé dans l'accord accepté par les Serbes et que les

 15   Serbes ont appliqué fidèlement…", encore une fois, je soulève l'objection

 16   puisque l'accusé témoigne, à savoir il fournit les informations au témoin

 17   qui, soi-disant, dépose en fournissant des commentaires. C'est comme cela

 18   que l'information est donnée par l'accusé au témoin.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez compris cela,

 20   Monsieur Karadzic ?

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela figure dans son rapport. Il a dit dans le

 22   rapport que les Serbes ont appliqué ces accords à la lettre, et cette

 23   Chambre sait que nous n'avons jamais renoncé à --

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A la lumière de la réponse précédente de

 27   ce témoin, la Chambre ne voit pas de difficulté pour permettre que cette

 28   question soit posée. Continuez.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  2   M. KARADZIC : [interprétation]

  3   Q.  Vous vous souvenez de la question ? Est-ce que dans cet accord il y

  4   avait des fondements qui auraient permis ou qui auraient même ordonné à ce

  5   que les crimes soient commis, des persécutions, le génocide, même le

  6   transfert de la population ? Et est-ce que vous saviez quelles étaient ma

  7   position et la position serbe concernant l'échange de la population, pour

  8   ne pas dire par rapport à la destruction de la population, des persécutions

  9   de la population, la radication de la population, comme on dit ?

 10   R.  Président Karadzic, il n'est pas nécessaire que vous me disiez ce qui

 11   figure dans cet accord, parce que je le connais. J'ai suivi avec attention

 12   l'évolution des événements en Bosnie-Herzégovine, quotidiennement je lisais

 13   la presse et collectais des articles, et de temps en temps, je publiais des

 14   ouvrages là-dessus. Et je me souviens qu'à une occasion, ou peut-être à

 15   plusieurs occasions, j'ai écrit sur le plan de Cutileiro, cela figure dans

 16   ma bibliographie. Alors, pour ce qui est de ce plan, il n'a pas été prévu

 17   que la population soit déplacée ou transférée, et encore moins quelque

 18   chose de pire. Il a été supposé que la population qui vivait dans leur

 19   ville resterait dans leur ville, et que la majorité serbe vivrait dans

 20   l'entité serbe; la majorité musulmane dans l'entité musulmane; la majorité

 21   croate dans l'entité croate. Et comme je l'ai déjà dit, la question

 22   concernant les municipalités contestables devait être résolue, la question

 23   des municipalités où seulement un peuple était majoritaire, était en

 24   majorité relative et non pas absolue.

 25   C'était le problème lorsqu'on a déterminé des frontières de la

 26   Banovina de Croatie en Bosnie-Herzégovine en 1939, vous connaissez cela

 27   très bien. Donc, il n'a pas été prévu que le transfert de la population

 28   soit fait, encore moins des règlements de compte utilisant la force ou le


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  1   génocide. Cela n'a pas été mentionné du tout. Je suis étonné d'entendre

  2   qu'on aurait pu dire que cela était prévu dans cet accord. Il s'agissait

  3   d'un accord normal, habituel, qui prévoyait la fédéralisation de la Bosnie-

  4   Herzégovine, un système fédéral de la Bosnie-Herzégovine.

  5   Q.  Merci. Qu'est-ce que vous diriez concernant l'aspect de l'accord

  6   par rapport aux élections en Bosnie-Herzégovine, quelle était la variante

  7   du système électoral en Bosnie-Herzégovine et le fait qu'Ilija Izetbegovic

  8   a accepté l'accord ?

  9   R.  C'est une question politique, président Karadzic. C'est une question,

 10   ce qui s'est passé et ce qui a été écrit, et une autre question est de

 11   savoir quelle était la pertinence politique de cet accord. D'après moi, la

 12   pertinence politique de l'accord en question a été déterminée par les

 13   responsables d'un peuple. C'est dans ce cas-là, vous-même. Vous avez fait

 14   cela. Vous avez rendu des décisions que vous considérez comme étant dans

 15   l'intérêt des Serbes. Et si vous me demandez mon opinion personnelle, je

 16   peux vous dire que j'estimais qu'il fallait utiliser la JNA, l'armée

 17   populaire yougoslave - c'était mon opinion personnelle, pas la vôtre - moi,

 18   je considérais que l'Etat devait être défendu et que c'était le devoir de

 19   l'armée de le faire, qu'il fallait procéder à la mobilisation, et cetera.

 20   Mais c'était mon point de vue personnel d'alors et d'aujourd'hui,

 21   d'ailleurs, ce qui n'est pas du tout pertinent pour cette Chambre et pour

 22   ce Tribunal.

 23   Donc, d'après mon évaluation, Alija Izetbegovic aurait dû être

 24   conscient du fait que s'il refuse l'accord de Cutileiro, cela mènerait à la

 25   guerre. Et cette conséquence tragique, il l'avait acceptée par avance en

 26   refusant le plan de Cutileiro, et c'est pour cela qu'il s'est rendu à

 27   plusieurs reprises en Libye, en Turquie, il a vexé les Turcs à cette

 28   occasion-là puisqu'il n'a pas voulu rendre honneur au mausolée de Kemal


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  1   Ataturk, et cetera. Mais il a eu le soutien de la Turquie. Il s'attendait à

  2   ce que l'Iran le soutienne aussi. Je ne peux pas savoir dans quelle mesure

  3   il a été soutenu par l'Iran, mais Alija Izetbegovic a décidé de mener la

  4   guerre et il doit assumer la responsabilité historique devant le tribunal

  5   de l'histoire.

  6   Q.  Merci. Pourriez-vous dire à la Chambre en une phrase pourquoi

  7   Izetbegovic a refusé de rendre honneur à Kemal Ataturk devant son mausolée

  8   ?

  9   R.  Je connaissais personnellement Alija Izetbegovic. Son fils venait chez

 10   moi pendant que j'habitais sur la rue Maksim Gorki. Il est venu pour que

 11   l'on parle de la publication d'un ouvrage, mais nous nous connaissions

 12   depuis le temps où il était condamné à Belgrade. Et il est venu dans ma

 13   maison à Belgrade. Il était Musulman croyant. Il considérait que quitter la

 14   religion n'était pas une bonne chose, et Kemal Ataturk était pour une

 15   Turquie séculaire. Il a annulé le califat, et d'une certaine façon, il a

 16   sapé le pouvoir des Hodza, des Imams, des prêtres musulmans. Puisqu'il

 17   condamnait le fait que Kemal Ataturk était pour un Etat séculaire, Alija

 18   Izetbegovic, en tant que croyant musulman, ne voulait pas lui rendre

 19   honneur.

 20   Q.  Merci. Pouvez-vous nous dire comment la préservation de la paix, la

 21   tentative de préserver la paix, et le fait que le plan de Cutileiro et

 22   l'accord de Lisbonne ont été acceptés, dans quel sens cela caractérise ces

 23   deux rapports que vous avez examinés et qui ont été soumis au Tribunal en

 24   tant que pièce à conviction ?

 25   R.  J'étudie l'histoire, et récemment, je me suis penché sur l'Antiquité,

 26   les historiens de l'Antiquité, Xénophon, Tacite, Platon, Suetonius, Live

 27   [phon], et ceux que j'ai cités, d'ailleurs. Ce qui est très important

 28   lorsque l'on parle de l'histoire et des historiens, ce n'est pas uniquement


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  1   important qu'ils se réfèrent aux faits de ce qui s'est passé, des

  2   événements, mais ce qui est important, c'est que dans cette mer de faits,

  3   de découvrir ceux qui sont les plus importants pour pouvoir expliquer les

  4   causes de certains événements.

  5   Voyez-vous, Robert Donia, qui est un historien et professeur, ce

  6   n'est pas ainsi qu'il a procédé. Il lui a fallu vouloir trouver les faits

  7   cruciaux qui ont abouti à l'éclatement de la guerre, non seulement en ex-

  8   Yougoslavie mais en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire qu'il décrétait que la

  9   sécession des gouvernements croate et slovène - ça, c'est la cause de la

 10   guerre en ex-Yougoslavie - ainsi que la tentative de mettre en place une

 11   Bosnie-Herzégovine souveraine et indépendante qui serait à majorité

 12   musulmane sur les ruines de l'ex-Yougoslavie. En ensuite, vous pourriez

 13   donc arriver au rejet de l'accord historique entre Zulfikarpasic et

 14   Milosevic, et ensuite rejeter le plan Cutileiro.

 15   Comment est-ce que Robert Donia ne s'est jamais posé la question quel

 16   casus belli se trouvait sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. C'était une

 17   question importante. Tous ceux qui étudient réellement l'histoire auraient

 18   dû aborder la question.

 19   Q.  Merci. Professeur, pourriez-vous nous dire s'il y a des obligations

 20   juridiques internationales ou des documents qui nous amèneraient, nous

 21   contraindraient à accepter une sécession unilatérale violente non

 22   constitutionnelle et non acceptée en Bosnie-Herzégovine et d'accepter le

 23   gouvernement de la population musulmane minoritaire par rapport à la

 24   population majoritaire et chrétienne ?

 25   R.  Eh bien, j'ai traité du fédéralisme et de sécession, ainsi que du droit

 26   international viable, et des modifications depuis 20 ans se sont déroulées.

 27   Elles sont cruciales. L'ancien Secrétaire général des Nations Unies a

 28   déclaré qu'il n'y avait pas de questions d'éclatement d'un membre des


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  1   Nations Unies, donc c'était absolument hors de question, la possibilité n'a

  2   pas été permise pour qu'un membre des Nations Unies soit morcelé de

  3   l'extérieur ou de l'intérieur à titre d'Etat. Donc le droit à la sécession

  4   et à l'indépendance a été appliqué exclusivement aux anciennes populations

  5   coloniales et à leur libération de toute domination des pouvoirs européens

  6   et coloniaux. Il n'y a pas de fédération dans le monde, sauf l'ex-Union

  7   soviétique, qui aura permis cette sécession. Aux Etats-Unis, il y a eu deux

  8   grands écrivains controversés qui ont prévu cette possibilité, Taylor et

  9   Calhoun [phon], et qui se sont penchés sur cette possibilité. Ceci n'a pas

 10   été réglé du point de vue juridique, cette question a été réglée par la

 11   défaite des états du sud en 1865. Et après cela, les tribunaux des Etats-

 12   Unis - j'ai cité, d'ailleurs cette affaire, Texas contre White, qui a rendu

 13   l'opinion que l'Union américaine était indestructible, consistant d'Etats

 14   membres indestructibles. Aucune tentative n'aura réussi pour la sécession.

 15   Q.  Puis-je vous demander, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps :

 16   est-ce que vous êtes en mesure de nous dire --

 17   R.  Oui, très bien.

 18   Q.  Nous allons ménager des pauses, et nous allons parler plus lentement.

 19   Pourriez-vous nous dire comment les accords serbes de maintenir la paix et

 20   de protéger l'unité de la Bosnie-Herzégovine ont été empêchés dans ces

 21   rapports d'experts qui ont été remis à ce Tribunal, ainsi que la

 22   conservation de la Yougoslavie ?

 23   R.  Pour vous dire la vérité, Président, et ça n'a pas été traité, ça n'a

 24   pas été présenté. Il n'y a pas eu, semble-t-il, nécessité de déclarer que

 25   les Serbes en Bosnie-Herzégovine, sous la direction du Parti démocrate

 26   serbe, étaient prêts à concéder, à donner des concessions très importantes,

 27   d'abandonner le cadre constitutionnel de l'ex-Yougoslavie, d'abandonner les

 28   liens territoriaux et nationaux avec les Serbes en Serbie, tout simplement


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  1   pour maintenir la paix. Donc, ce n'est pas abordé de quelle que façon que

  2   ce soit dans ces rapports, où que ce soit. Lorsque c'est nécessaire - et je

  3   le cite à plusieurs égards à plusieurs endroits - il y a eu une tentative

  4   malveillante de le démontrer que l'armée populaire yougoslave aura agi

  5   exclusivement dans les intérêts des Serbes, ce que je pense est absolument

  6   erroné, erroné et mal présenté.

  7   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire comment ces rapports ont présenté la

  8   succession des événements et la conduite serbe après que le conflit ait

  9   éclaté, et comment les mesures de l'auto-organisation et l'autoprotection

 10   ou la conduite des parties serbes, comment ont-ils été présentés dans ces

 11   rapports, c'est-à-dire la présentation des états-majors et toutes autres

 12   mesures des Serbes dans ces circonstances, sont une situation tout à fait

 13   nouvelle qui se sont présentés ?

 14   R.  Très bien. J'aimerais parler de quelque chose qui est souvent cité,

 15   c'est-à-dire l'état-major de crise ou plutôt la cellule de Crise. Le terme

 16   "kriza", c'est-à-dire "crise", qui en ancien grec veut dire le moment de

 17   prise de décision. Cela a beaucoup servi dans les années 1980 en

 18   Yougoslavie, car le socialisme était en crise, le parti au pouvoir était en

 19   crise, il y avait les soi-disant chrysologues qui traitaient de cette

 20   question. L'ancienne Yougoslavie ainsi que l'ex-Bosnie-Herzégovine

 21   possédaient des lois pour la défense de toutes les populations et de

 22   l'autoprotection sociale, et ces lois prévoyaient des mesures précises en

 23   cas de danger de conflits, de soulèvements internes, ou encore d'une

 24   attaque venant de l'extérieur. La création des cellules de Crise à cet

 25   égard était une mesure légitime et juridiquement viable, qui a été prise en

 26   cas de scénario catastrophe et qui deviendrait réalité. Donc lorsqu'on voit

 27   la possibilité d'un conflit qui éclaterait, eh bien, il faut à ce moment-là

 28   prendre des mesures de précaution. Donc, ces cellules de Crise étaient des


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  1   mesures préparatoires au cas où le pire se révélait réel.

  2   J'aimerais vous rappeler à tout un chacun et parler de deux grands

  3   philosophes politiques - Hobbes et John Locke - qui avaient le concept d'un

  4   état naturel, d'une situation -- un état naturel, c'est-à-dire l'état qui

  5   précède la création d'un état ou se situe à la suite de l'effondrement d'un

  6   état. Donc, c'est également un état naturel de guerre civile, tout comme un

  7   état naturel qui pourrait être la présentation des affaires internationales

  8   réelles en cas de conflits et de désaccords. Donc, quelqu'un estime qu'un

  9   état va s'effondrer et que le gouvernement en place ne serait pas en mesure

 10   de protéger ses propres citoyens, ne serait en mesure de protéger leur

 11   sûreté, leur sécurité, leurs biens, eh bien, l'on prévoit la possibilité de

 12   prendre des mesures alors de précaution pour l'auto-organisation, et ce, au

 13   cas où cette situation effectivement deviendrait réalité, c'est-à-dire

 14   quasi-état naturel, et ceci, c'est dans la théorie de Hobbes.

 15   Donc, le côté serbe et le côté croate également, on pourrait dire

 16   ainsi, les deux côtés ont établi des cellules de Crise qui, dans la

 17   République socialiste de la Bosnie-Herzégovine qui était principal, et ce,

 18   sous la direction des sept dirigeants de la présidence, Ejub Ganic, qui a

 19   été élu d'obédience yougoslave, alors qu'il était d'appartenance ethnique

 20   musulmane. Il était à la tête de la cellule de Crise. Il a essayé en

 21   quelque sorte de contourner les pouvoirs des autres représentants serbes :

 22   le Pr Plavsic et Pr Koljevic. Donc, ça c'était la raison pour laquelle la

 23   cellule de Crise par la suite a été éliminée. Les Croates ont également mis

 24   en place des cellules de Crise, les Musulmans également, et bien entendu,

 25   les Serbes ont suivi. Et à mon sens, c'était seulement dans le droit-fil

 26   des lois viables de la Défense populaire et de l'autoprotection civile,

 27   mais c'était une mesure de protection en cas de scénario catastrophe qui,

 28   en fait, ce scénario catastrophe s'est bel et bien réalisé.


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  1   Q.  Merci. Dans ce processus et dans ce cas le Parti démocrate serbe et les

  2   Serbes en Bosnie ont été vilipendés pour avoir dressé un projet, des

  3   instructions en cas de situation hors de l'ordinaire que l'on connaît sous

  4   les termes abrégés des variantes A et B parce que ces options sont

  5   présentés dans le document. Je ne vais me pencher sur ceux qui ont rédigé

  6   ce projet, mais j'aimerais vous poser la question suivante. C'était là la

  7   question. Connaissez-vous ce document et êtes-vous en mesure de nous dire

  8   si ce document est la cause de la crise et que la crise émane de ce

  9   document ? Est-il juridiquement viable en termes des lois de l'époque en

 10   vigueur en Yougoslavie ?

 11   R.  Le document en soi ne saurait être la cause de quoi que ce soit sans

 12   que ceux qui en soient responsable aient agi dans le droit-fil de ce qui

 13   avait été déclaré dans ce document. J'ai eu effectivement ces instructions

 14   entre les mains. J'ai étudié ces deux variantes A et B soigneusement, et

 15   j'estime que c'était dans le droit-fil des lois en vigueur viables à

 16   l'époque de la Défense populaire et de l'autoprotection sociale. La

 17   variante A prévoyait la création de cellules de Crise dans les

 18   municipalités où les Serbes étaient majoritaires, et le maire viendrait de

 19   la majorité démographique, c'est-à-dire les Serbes. La variante B, en

 20   revanche, serait pour les municipalités où les Serbes seraient en minorité

 21   pour organiser une cellule de Crise spéciale qui recouvrirait les

 22   établissements humains et les villages où les Serbes étaient en majorité,

 23   et dans celles où ils étaient en minorité, au cas où la sécurité et les

 24   biens étaient gravement en danger. C'était là une mesure - comment vous le

 25   dire ? - de type de précaution en prévision de tout ce qui pourrait

 26   éventuellement se dérouler, ce qui n'aurait pas nécessairement dû se

 27   dérouler, mais malheureusement si le plan Cutileiro avait été accepté, cela

 28   aurait pu être évité. Mais ces instructions concernant les activités des


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  1   cellules de Crise n'auraient pas été mises en œuvre, point à la ligne, dans

  2   ce cas-là.

  3   Toutefois, à mon sens, ceux qui ont rédigé ce projet de plan étaient très

  4   prescients pour la bonne raison qu'ils ont vu que les populations devraient

  5   être préparées au cas où, malheureusement, les situations se seraient

  6   révélées vraies, qui se sont révélées vrai, en fait. Donc, à mon sens,

  7   c'était là, encore une fois, une mesure de précaution, aussi bien viable du

  8   point de vue juridique que justifiable et, ce faisant, ce plan n'aurait pu

  9   être la cause de quoi que ce soit, ni certainement de la guerre non plus.

 10   Q.  Merci. Vous êtes-vous penché sur la proposition serbe de la création de

 11   municipalités sur la base d'appartenance ethnique lorsque les conditions

 12   étaient présentes ? Et avez-vous été informé de la proposition qu'en cas de

 13   conflits et d'éclatement de conflits, lorsque les Musulmans et les Croates

 14   étaient en mesure de créer leurs propres municipalités, ils devraient y

 15   procéder, avoir leur propre police, leur propre administration ?

 16   R.  Oui, bien sûr, je l'ai relevé dans cette proposition, c'était

 17   d'ailleurs très rationnel. Si vous suiviez, vous n'êtes pas juriste, vous

 18   êtes neuropsychiatre, mais si vous aviez suivi les lois sur l'organisation

 19   en Bosnie-Herzégovine sur la création des municipalités, ont été modifiées,

 20   et les municipalités d'ailleurs avaient tendance à se développer en taille,

 21   donc les municipalités serbes qui étaient principalement rurales se

 22   joindraient à une ville avec une majorité musulmane, donc l'on perdrait le

 23   nombre de municipalités où les Serbes étaient en majorité. Peut-être que la

 24   chose est vraie également pour les municipalités croates. Car pour des

 25   raisons historiques, vous venez du Monténégro, moi de la Serbie, mais les

 26   Musulmans vivaient dans des villes. En général, rares étaient ceux qui

 27   vivaient dans des villages. Sinon, c'était le long de la Drina. Il n'y en

 28   avait presque pas le long de la Sava. Donc, de grands pans de territoires


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  1   étaient soit serbes, et jusqu'à un certain degré croates, donc ce qui fait

  2   que l'organisation des municipalités était alors inéquitable, car ils

  3   rentraient dans des territoires serbes de grande taille, et des villages

  4   serbes et des villes se joignaient à des villes où les Musulmans étaient en

  5   majorité. Donc, la séparation des municipalités serbes et celle des

  6   municipalités musulmanes et croates permettaient à de petites municipalités

  7   où les populations étaient plus satisfaites et pourraient gérer leurs

  8   affaires de façon plus aisée. Je suis né à Banatsko Novo Selo, à Banat, où

  9   il y avait 7 000 habitants entre les deux guerres. Deux tiers des

 10   populations étaient différentes, et donc une population de plus de 100 000

 11   habitants. De la même façon, les municipalités étaient formées en Bosnie

 12   pour que les Serbes et les Croates aient la possibilité de vivre dans des

 13   municipalités où ils étaient en majorité.

 14   Q.  Merci. Tout à l'heure, vous avez parlé d'une décision --

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Si vous voulez bien parler

 16   plus lentement, Monsieur Karadzic et Monsieur le Témoin.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Nous avons peu de temps.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Vous avez parlé d'une décision du tribunal constitutionnel qui a été

 20   contestée par le Conseil serbe. Comment la situation se présente-t-elle

 21   aujourd'hui en Serbie quant à l'existence de groupes ethniques distincts ?

 22   R.  La Serbie souhaite rentrer dans l'Union européenne, mais selon moi,

 23   elle n'y arrivera jamais. L'Union européenne exige l'adoption ou la

 24   reconnaissance des droits de toutes les minorités ethniques. Ce faisant,

 25   nous avons une discrimination inverse que l'on appelle "positive action",

 26   l'action positive, l'égalité des chances.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je ne suis pas sûr

 28   que ce soit pertinent. Passez à autre chose.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Je voulais poser une question, à savoir si la loi le prévoyait ?

  3   R.  Oui, oui. Le conseil des minorités hongroises, des Roms également, et

  4   qui décident de leur propre cursus d'instruction pour qu'ils aient leur

  5   propre histoire, langue maternelle, et également qu'ils puissent intervenir

  6   dans les conseils et aient leurs propres médias qui projettent des

  7   émissions dans leurs propres langues, langues minoritaires.

  8   Q.  Quand on parle de l'état naturel des choses, en latin on dirait "status

  9   naturalis", est-ce que vous avez pu observer l'auto-organisation du peuple

 10   serbe, surtout pendant la première année de la guerre ? Est-ce que vous

 11   pouvez nous dire sur quelle base se sont-ils organisés ? Est-ce qu'ils

 12   avaient d'autres possibilités ? Est-ce que vous pouvez nous dire aussi

 13   comment ce comportement du peuple serbe a été décrit dans ces deux rapports

 14   ?

 15   R.  Je dirais que les Serbes étaient un peu naïfs, car les Musulmans et les

 16   Croates étaient bien réfléchis, en revanche, mais il est clair que les

 17   Musulmans et les Croates avaient créé leurs propres unités militaires bien

 18   avant que les Serbes ne le fassent. Et vu que la création de ces forces

 19   n'était pas créée en fonction de la loi, je dirais qu'il s'agissait là des

 20   unités paramilitaires. Alors que ces deux auteurs qualifient les unités

 21   militaires croates comme des unités paramilitaires, alors que quand ils

 22   parlent des unités musulmanes, ils parlent de l'ABiH, et je ne pense pas

 23   que ceci soit juste. Les Serbes se sont appuyés sur l'armée populaire

 24   yougoslave, mais à partir du moment où il n'y avait plus suffisamment de

 25   recrues à cause de la guerre en Croatie, vu que tout le monde devait

 26   normalement répondre aux appels à la mobilisation, mais les Croates et les

 27   Musulmans s'y refusaient, de sorte qu'il n'y avait que les Serbes, encore,

 28   qui sont restés dans l'armée populaire yougoslave.


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  1   Ce n'est qu'au moment où Milosevic a accepté le plan Vance Owen - et

  2   je pense que là il a fait une grosse erreur, c'était le plan pour le Serbes

  3   en Croatie - eh bien, selon ce plan, la République serbe de la Krajina,

  4   comme elle était appelée à l'époque, dans cette Krajina, l'armée populaire

  5   yougoslave était supposée se retirer de cette partie-là de Bosnie-

  6   Herzégovine, et ce n'est que là que l'on a créé l'armée de la Republika

  7   Srpska. Et vous le saviez mieux que moi, les Serbes n'ont jamais permis les

  8   activités illégales de la part de paramilitaires, ils ont jamais permis aux

  9   criminels de faire partie de ces unités. Il s'agissait d'une unité qui

 10   était soumise à une discipline stricte. Elle était bien organisée depuis le

 11   début et il s'agissait donc d'une armée qui répondait à tous les critères

 12   de la loi internationale quand il s'agit d'une guerre civile.

 13   Q.  Quand on parle des Lois de la défense populaire et de l'autoprotection

 14   de la population, et quand il s'agit de protéger cet état naturel des

 15   choses, peut-on dire que les Serbes ont fait des choix qui faisaient le

 16   moins mal, pour ainsi dire ? Quelles options avaient-ils pour continuer à

 17   exister dans cette ère ?

 18   R.  Là, vous avez posé une question très difficile, il s'agit de la

 19   question de l'efficacité de la constitution et des lois. La question qui se

 20   pose, c'est de savoir s'il faut avoir une confiance absolue en la

 21   constitution, aux lois en vigueur, même si elles ne sont pas efficaces, ou

 22   bien s'il fallait essayer de faire autre chose. Je vais faire une

 23   digression, j'espère qu'elle va vous intéresser. Il s'agissait d'une

 24   polémique entre Thomas Hobbes et Sir Edward Coke, qui a eu lieu dans le

 25   XVIIe siècle. Sir Edward Coke était pour le règne de la loi, "Rule of Law",

 26   alors que Thomas Hobbes était parfaitement étonné, choqué même qu'on puisse

 27   en parler, et voici ce qu'il lui a dit : Mais qui a jamais entendu parler

 28   de cela ? Comment voulez-vous que les papiers et l'encre règnent sans les


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  1   épées tenues par les hommes ? Car si vous n'avez pas la force militaire

  2   adéquate, la meilleure des constitutions ne saurait être respectée et les

  3   gens, le peuple doit le savoir.

  4   C'est exactement ce qui s'est passé en Bosnie-Herzégovine. Nous, nous

  5   faisions confiance à la constitution, alors que les autres ont été bien

  6   prévoyants, ils se sont organisés bien à l'avance. Heureusement, les

  7   Serbes, au dernier moment, sont revenus à la raison et ont créé les

  8   cellules de Crise. Il s'agissait donc des soldats nés sur le territoire de

  9   Bosnie-Herzégovine, appartenant au groupe ethnique serbe, qui ont rejoint

 10   l'armée de la Republika Srpska.

 11   Q.  Est-ce que les Serbes, d'après vous, avaient le droit de s'auto-

 12   organiser et de supposer, donc, aux actes unilatéraux et violents des

 13   forces armées musulmanes, ou bien les Serbes étaient-ils obligés d'accepter

 14   le fait accompli et d'accepter cette situation qui leur avait été imposé

 15   par la force ?

 16   R.  D'un côté vous avez la question de la légalité, et puis de l'autre

 17   côté, vous avez la question de l'utilité. Vous avez des lâches qui vont

 18   accepter tout pour sauver leur vie. Moi, en tant qu'homme, je rejette

 19   résolument cette position-là. Moi, je pense que constituer une espèce de

 20   Bosnie-Herzégovine contrairement à la constitution de l'époque, eh bien

 21   cela, d'après moi, constituait un acte anticonstitutionnel. Et vous ne

 22   pouvez pas découler des droits à partir de cet acte non constitutionnel.

 23   Vous avez la règle ex juriajus non retenue. Donc, vous ne pouvez pas faire

 24   valoir un droit à partir du non-respect de la loi. Donc, à partir du moment

 25   où vous avez basé votre état sur un acte non constitutionnel, vous ne

 26   pouvez pas tirer des droits à partir de cet acte. Vous ne pouvez pas les

 27   imposer aux autres non plus. Et puis aussi, il faut ajouter que les Serbes

 28   avaient le droit moral de s'auto-organiser et de s'opposer à cet acte non


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  1   constitutionnel.

  2   Q.  Pourriez-vous nous dire ce que vous avez appris pendant que vous étiez

  3   à la tête de ce comité international luttant pour établir la vérité au

  4   sujet de Radovan Karadzic ?

  5   R.  Alors que vous étiez encore en fuite, et moi, à vrai dire, je pensais

  6   que vous étiez à l'étranger, cela aurait été la meilleure chose pour vous,

  7   mais malheureusement vous n'étiez pas à l'étranger. Eh bien, nous avons

  8   créé ce comité chargé d'établir la vérité sur le Dr Radovan Karadzic, il y

  9   avait d'autres académiciens, Rajko Petrov Nogo ou Gojko Djogo qui étaient

 10   vos amis personnels. Les membres de ce comité pensaient que le président du

 11   comité devait devenir quelqu'un qui n'était pas votre ami personnel, et ils

 12   m'ont proposé d'accepter de présider cet organe. Et comme je suis un homme

 13   courageux et que je n'ai jamais fui devant mes responsabilités, j'ai

 14   accepté cela, même si c'était une tâche difficile. Alors, des académiciens

 15   comme Vasilije Krestic, par exemple, notre historien le plus connu, ou le

 16   Pr Admadzic faisaient partie de ce comité. Le Pr Admadzic, c'est aussi un

 17   académicien qui était professeur pendant très longtemps à Sarajevo. Puis,

 18   vous aviez d'autres personnalités, comme Elena Guskova. Alors, nous avons

 19   fait des efforts pour comparaître en public, dans les médias, pour

 20   expliquer la vérité, pour prêcher la vérité vous concernant. Et puis, nous

 21   avons aussi publié des publications. Moi, j'ai été le rédacteur en chef et

 22   aussi celui qui a publié votre œuvre politique en six volumes; en serbe et

 23   en anglais, de sorte que c'est disponible pour tout le monde. Je suis sûr

 24   que vous avez cela dans les archives du Tribunal de La Haye, et dans ces

 25   volumes, on peut voir quels sont les actes que vous avez signés, quels ont

 26   été vos propos tenus dans le public, tout ce que vous avez fait pendant

 27   cette période, avant de disparaître de la scène politique.

 28   Q.  Merci. Est-ce que dans ce travail, vous avez pu aussi recueillir des


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  1   déclarations qui concernaient cet acte d'accusation me concernant ?

  2   R.  Eh bien, il y a eu de bonnes initiatives pour faire quelque chose comme

  3   cela. Par exemple, le vice-président Radulovic a fait deux déclarations

  4   puissantes, qui ont demandé que l'on retire l'acte d'accusation vous

  5   concernant. Et des hommes très puissants ont signé cette déclaration, par

  6   exemple, le patriarche serbe Pavle, l'a signé lui-même. C'est une grande

  7   personnalité, et c'est un acte public, un document public qui a été

  8   parfaitement disponible pour les médias, pour le public, et tous ceux qui

  9   souhaitait le voir. Pour nous, c'était très important d'avoir cette

 10   déclaration signée par des gens très respectables, et cela a montré dans

 11   quelle mesure il était important de retirer ces actes d'accusation, car les

 12   gens très importants ont insisté pour que ceci soit fait. Malheureusement,

 13   cela ne s'est pas produit, et aujourd'hui on est ici dans ce procès.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, si nous avons suffisamment de temps,

 15   je vais demander que l'on montre ce document dans le système du prétoire

 16   électronique. Mais sinon, on peut prendre la pause.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. On va prendre la pause d'une

 18   demi-heure et reprendre nos travaux à 11 heures.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

 21   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] On commence cette audience sans témoin

 23   vu que je voudrais traiter d'un point à huis clos partiel. Je vais demander

 24   que l'on passer à huis clos partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

 


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant, les Juges ont ordonné le 5

  8   avril 2013 que le rapport de Kosta Cavoski soit expurgé conformément à la

  9   décision des Juges. Nous avons bien pris note du fait que les parties

 10   pertinentes du rapport ont été expurgées, les notes de bas de page qui se

 11   réfèrent à ces paragraphes sont restées intactes. Donc, nous demandons à la

 12   Défense de procéder aux expurgations au niveau des notes de bas de page

 13   conformément à la décision des Juges.

 14   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, on va le faire.

 15   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 16   M. ROBINSON : [interprétation] Et d'ailleurs, j'ai conseillé à M.

 17   Karadzic, et il s'agit là d'une question de procédure, de montrer le

 18   rapport au témoin pour que celui-ci l'identifie, de sorte que l'on puisse

 19   le verser au dossier. Mais si cela n'est pas nécessaire, je vais demander

 20   d'emblée que ce rapport soit versé au dossier. Il s'agit donc de la pièce

 21   1D6911, tel qu'expurgé conformément à la décision.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Qu'il s'agisse d'une

 23   formalité ou non, je pense qu'il vaudrait mieux que M. Karadzic le fasse.

 24   Mais vous pouvez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre dans le

 26   système du prétoire électronique la pièce 1D7731.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] N'est-ce pas la pièce 1D6911 ?

 28   M. ROBINSON : [interprétation] Il s'agit de la pièce D7731, c'est une des


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  1   déclarations dont a parlé le témoin.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est quelque chose qui est écrit en deux

  4   langues. Est-il possible de voir donc une seule image.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit, là ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] La deuxième page, plutôt, parce que la première

  8   est une page de couleur.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une déclaration que nous avons signée.

 10   On demande que l'on retire l'acte d'accusation vous concernant. Et d'après

 11   ce que je peux voir, même si j'ai le texte en anglais, on énumère des

 12   raisons à l'appui de cette demande qui sont répertoriées par paragraphes.

 13   Un grand nombre de notables l'ont signée. Bon, cela, on ne le voit qu'à la

 14   fin. Ici, on ne voit pas la dernière page, mais si vous nous montrez la

 15   dernière page, vous allez voir qui sont les signataires de cette

 16   déclaration. Je pourrais par exemple vous donner lecture des noms des

 17   signataires.

 18   M. KARADZIC : [interprétation]

 19   Q.  Peut-on feuilleter.

 20   R.  Voilà. Le professeur Smilja Avramov, académicien; Ivan Maksimovic;

 21   Pavle Iviv; Dejan Medakovic; Niksa Stipcevic, ce sont tous des

 22   académiciens; et puis, tout à fait à la fin, on voit le Pr Kosta Cavoski. A

 23   l'époque, je n'étais pas encore membre de l'académie. Apparemment, on a

 24   respecté l'ordre alphabétique, même si nous, nous utilisons asbuka, qui est

 25   l'alphabet en cyrillique. Mais c'est quelque chose qui a été écrit en

 26   latin. Donc, la moitié des gens, des signataires, sont des académiciens.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles sont les positions, quelle est l'œuvre

 28   de ces gens ? Par exemple, M. Avramov ?


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  1   R.  Pour commencer, je voudrais m'exclure, parce que je ne voudrais pas

  2   faire des louanges sur mon compte, mais en ce qui concerne les autres

  3   personnes, ce sont les gens les plus notables à Belgrade. Smilja Avramov,

  4   c'est un expert du droit international, le plus connu en Serbie; Ivan

  5   Maksimovic, c'est un économiste; l'académicien Pavle Ilic, c'est un expert

  6   en dialecte. Il étudie la langue serbe et ses dialectes; Dejan Medakovic

  7   était le président de l'Académie des sciences et des arts, et c'est un

  8   expert de l'histoire de l'art, surtout les fresques; ensuite, vous avez

  9   Stipcevic, c'est un expert de la langue italienne; Vasilije Krestic, c'est

 10   notre historien le plus connu; ensuite, Miodrag Jovicic, un ami à moi, un

 11   professeur de droit constitutionnel; ensuite, Mihailo Markovic, le plus

 12   grand philosophe serbe, connu dans le monde entier, une dizaine de livres

 13   ont été publiés en anglais, et c'était le seul philosophe qui avait cette

 14   renommée internationale, et il pouvait donner des cours partout dans le

 15   monde.

 16   Q.  Quelle a été leur position à l'époque où régnait le système communiste

 17   unipartite ?

 18   R.  Nous étions pratiquement tous très critiques vis-à-vis de Slobodan

 19   Milosevic à partir de son arrivée au pouvoir en 1987 quand il a renversé

 20   Ivan Stambolic et quand il est resté le seul au pouvoir, pratiquement, et

 21   justement parce qu'il ne voulait pas démocratiser la Serbie de l'époque,

 22   nous étions presque tous - pas tous, mais presque tous - dans l'opposition.

 23   Certains des signataires pensaient qu'il allait être à même de résoudre la

 24   question serbe. Smilja Avramov a collaboré avec lui, mais dès qu'il a

 25   compris que la politique qu'il menait n'était pas la bonne, elle a

 26   abandonné. Aussi, vous avez l'académicien Ljubomir Tadic, c'est le père de

 27   Borislav Tadic, qui avait été le président de la république, eh bien lui,

 28   avec moi, il a créé le Parti démocratique. C'était le premier parti


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  1   d'opposition en Serbie et en Yougoslavie. Nous avons créé ce parti au mois

  2   de novembre 1989. Ljubomir Tadic.

  3   Q.  Merci. Et avant Slobodan Milosevic dans le régime de l'époque,

  4   pourriez-vous nous dire quelle a été la position occupée par ces gens par

  5   rapport au régime communiste ?

  6   R.  Dès 1968 et à partir de cette date-là, nous avons eu des manifestations

  7   d'étudiants et l'opposition était constituée, mais ce n'était pas vraiment

  8   une opposition réelle, parce que ce n'était pas permis. Nous étions des

  9   dissidents, c'était typique de ce qui se passait en Europe de l'est à

 10   l'époque. Et donc, il y avait ces personnes telles que Mihailo Markovic. Il

 11   avait donc été renvoyé de la faculté de philosophie. Il a ensuite été

 12   employé dans un institut. Il n'était plus en hauteur de sainteté au sein du

 13   régime, mais c'étaient des experts éminents et très connus à l'étranger.

 14   Q.  Merci.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut verser cette déclaration au

 16   dossier ?

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous acceptons le versement de ce

 20   document.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] D3378.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant afficher le document

 23   1D7732.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Nous avons 24 signataires ici, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui, 24.

 27   Q.  Juin 1996. Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit dans ce document ?

 28   R.  Il s'agit d'une deuxième déclaration exigeant l'annulation des


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  1   poursuites par le TPIY contre Radovan Karadzic. Encore une fois, c'est

  2   publié en quatre langues. C'est similaire à la table des matières du

  3   document précédent. Je me demande si les signataires sont différents.

  4   Q.  Est-ce que l'on pourrait passer ce document en revue en une seule

  5   langue ?

  6   R.  Oui, tout à fait. On peut le faire en anglais. Mais maintenant,

  7   apparemment, ça n'apparaît qu'en serbe et la Chambre de première instance

  8   ne peut pas…

  9   Q.  Peut-on passer en revue ce document en version serbe pour voir les

 10   signatures ?

 11   R.  Oui, on peut voir les signatures, mais c'est la version anglaise qui

 12   serait intéressante pour les membres de cette Chambre de première instance.

 13   Vous voyez, il y a 60 signatures, donc le nombre est plus important.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on garder la version anglaise à l'écran et

 15   ne plus avoir la version serbe à l'écran.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] En plus de ceux qui avaient signé la

 17   précédente déclaration, on peut voir ici beaucoup plus de nouveaux noms,

 18   qui sont des personnes bien connues et respectées à l'époque. Enfin, ça,

 19   c'était à l'époque, parce que malheureusement, beaucoup de personnes sont

 20   décédées. Par exemple, vous avez Enriko Josif, qui est un compositeur et

 21   qui est membre de l'Académie serbe des arts et des sciences. Il est Juif.

 22   Il y a Slavko Gavrilovic. Dragoslav Mihailovic, qui est également membre de

 23   l'Académie des arts et des sciences, est un écrivain. Il y a Vaziljeff

 24   [phon] également, qui a parlé de Goli Otok, parce qu'il a été incarcéré

 25   pendant pas mal d'années.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Et tout en haut ?

 28   R.  Tout en haut, vous avez le patriarche de l'Eglise orthodoxe serbe,


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  1   Pavle. Vous voyez, il signait toujours avec son nom et avec une croix qui

  2   est typique des hauts dignitaires de l'Eglise. C'est ce que j'ai dit

  3   précédemment, c'est-à-dire que le patriarche Pavle a signé cette

  4   déclaration.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser cette

  6   déclaration au dossier ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D3379

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourrait-on maintenant afficher le document

 10   1D6911, s'il vous plaît.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Pourriez-vous nous dire de quoi il s'agit ici ?

 13   R.  C'est le rapport que j'ai rédigé pour votre procès : "Analyse critique

 14   des travaux de Robert Donia et de Patrick Treanor, sécession au sein de

 15   l'ex-Yougoslavie de la Bosnie-Herzégovine." C'est un rapport que j'ai donc

 16   préparé en vue de votre procès.

 17   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire comment ces deux experts ont compris et

 18   ont présenté les droits légitimes du peuple serbe ou des autorités serbes;

 19   en d'autres termes, comment ont-ils traité les Musulmans et les Croates et

 20   comment ils ont traité également les Serbes d'un point de vue de la

 21   légitimité ?

 22   R.  Je vais essayer d'être bref, parce qu'il faudra laisser du temps au

 23   Procureur pour le contre-interrogatoire. En ce qui concerne les dirigeants

 24   serbes, y compris le président, ils utilisent les termes "nationalistes" ou

 25   "délégués nationalistes" ou "positions nationalistes". En langue anglaise,

 26   ce sont des termes péjoratifs. Lorsqu'ils parlent de Musulmans, ils

 27   n'utilisent jamais ces termes, ils parlent en fait de militants,

 28   "activists" en anglais, des militants musulmans, et pour les Croates, les


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  1   termes de "nationalistes" ne sont utilisés que lorsque les Croates

  2   négocient avec les Serbes sur ce qu'on appelle la division de la Bosnie.

  3   Ici, je parle tout d'abord et avant tout des pourparlers que vous, en tant

  4   que président de la RS, avez eus avec Mate Boban à Grac, et ensuite il est

  5   devenu le président d'Herceg-Bosna. Lorsque Mate Boban négociait avec les

  6   Serbes sans les Musulmans, il était qualifié de nationaliste. Cependant,

  7   lorsque les Croates négociaient avec les Musulmans sans les Serbes, dans ce

  8   cas-là, il s'agissait d'une négociation légitime et ces termes péjoratifs

  9   n'étaient pas utilisés. Et à l'ultime période de la guerre, sous

 10   l'influence des USA, Alija Izetbegovic, Franjo Tudjman, ainsi qu'un

 11   représentant des Croates de Bosnie se sont réunis pour forger ce qu'on a

 12   appelé la Fédération de Bosnie-Herzégovine, et c'est une entité sans les

 13   Serbes dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine. Il a été décidé que cette

 14   fédération ferait partie d'une confédération avec la Croatie. C'était un

 15   projet qui allait au-delà des frontières de la Bosnie-Herzégovine. Ceci

 16   n'était pas un problème pour les deux susmentionnés, mais plutôt quelque

 17   chose de normal. Je pense que ceci pourrait être considéré comme une

 18   attitude méprisante.

 19   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire comment, en vertu des conditions qui

 20   existaient au moment de l'éclatement du pays en trois entités souveraines -

 21   - est-ce que c'était approprié d'utiliser le terme de "gouvernement" pour

 22   certains et pas pour d'autres, alors que nous, par exemple, nous étions

 23   appelés les Bosno-Serbes ou les Serbes de Bosnie ? Est-ce qu'ils avaient un

 24   droit à la souveraineté ? Est-ce que nous, nous avions un droit à la

 25   souveraineté ?

 26   R.  Lorsque la présidence de la Yougoslavie est passée de huit à quatre

 27   membres, tous les acteurs internationaux ont refusé de coopérer avec celle-

 28   ci. Cependant, lorsqu'il y a eu une présidence de Bosnie qui était composée


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15   versions anglaise et française

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  1   de sept membres et les Serbes ont quitté, suivi par les Croates, et au

  2   total il n'y avait plus que quatre membres, et donc Abdic a refusé de

  3   participer à ces réunions dans la Krajina de Cazin, la conséquence a été

  4   qu'ils ont été renvoyés de la présidence par une décision non légitime.

  5   Cependant, Robert Donia et Patrick Treanor ont qualifié cette instance qui

  6   en découlait comme étant la présidence de Bosnie-Herzégovine, même si leur

  7   mandat d'un an était arrivé à expiration. Donc, en vertu de la constitution

  8   de la Bosnie-Herzégovine, quelqu'un d'autre aurait dû prendre la place du

  9   président de la présidence. Cependant, le président n'a pas changé

 10   jusqu'aux accords de Dayton et aux négociations de Paris.

 11   Q.  Merci. Je suis accusé ici de nettoyage ethnique et d'avoir œuvré au

 12   retrait permanent des Musulmans et des Croates des territoires que nous

 13   considérions comme étant pleinement les nôtres. Est-ce que vous avez vu des

 14   éléments de preuve ou des éléments tout court qui signifieraient que les

 15   Serbes avaient refusé que les réfugiés reviennent une fois que la paix

 16   avait été rétablie ?

 17   R.  Je n'ai rien vu de ce genre lorsque j'ai étudié le document. Je n'ai vu

 18   aucune déclaration écrite ni aucune déclaration orale laissant penser que

 19   quelqu'un dans les cercles dirigeants de la RS avait mentionné quoi que ce

 20   soit de ce genre. Bien au contraire, il a toujours été entendu que les

 21   réfugiés pouvaient revenir et, de toute façon, ça a finalement été partie

 22   intégrante des accords de Dayton. Après la guerre, j'ai donné des cours à

 23   la faculté de droit de Sarajevo est, et j'étais personnellement à même de

 24   voir qu'il y avait des personnes, effectivement, qui rentraient.

 25   Q.  Merci. Etant donné que vous étiez au courant que nous avions donné du

 26   terrain, que nous avions fait des concessions, que nous avions accepté

 27   différents plans, est-ce que vous avez vu des éléments qui laissaient

 28   penser que les Serbes avaient des plans qui ne pouvaient pas être mis en


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  1   œuvre, mis à part en faisant l'usage de la force et en commettant des

  2   crimes ?

  3   R.  Je n'ai pas d'éléments de ce genre à présenter. Je pense

  4   personnellement qu'une grande partie des activités de combat a été menée en

  5   situation de légitime défense et pour garantir sa propre identité.

  6   Lorsqu'une guerre est menée, elle se fait avec un objectif, et l'objectif

  7   était de garantir l'ethnicité serbe et de garantir également ou de

  8   préserver la vie ainsi que de garantir la sécurité des différents biens qui

  9   nous appartenaient.

 10   Q.  Est-ce qu'il y a une présentation neutre de tout cela dans ces rapports

 11   ?

 12   R.  Certainement pas. Prenons l'exemple, par exemple, de Sarajevo. En

 13   parlant des victimes musulmanes, on mentionne souvent des chiffres.

 14   Cependant, lorsque les victimes serbes à Sarajevo sont abordées, aucun

 15   chiffre n'est mentionné. Il est mentionné qu'il y avait environ 150, alors

 16   qu'il y a eu peut-être jusqu'à 3 000 personnes. Et les auteurs de ces faits

 17   ne sont jamais mentionnés devant les tribunaux de la Fédération de Bosnie-

 18   Herzégovine ou ici devant ce Tribunal. Les personnes responsables ne sont

 19   pas mentionnées. Cependant, lorsqu'il s'agit des Serbes, on donne toujours

 20   des noms, et ceci s'applique également à des échanges de tirs d'artillerie,

 21   et cetera.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais verser ce rapport d'expert. Et nous

 23   réviserons les notes en bas de page associées aux paragraphes qui ont été

 24   biffés, et j'aimerais donc que l'on verse le reste du document.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 26   M. TIEGER : [interprétation] A condition que les expurgations idoines

 27   soient réalisées, je n'ai pas d'objection.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.


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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] D3380.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions au professeur

  3   Cavoski. Je vais attendre le contre-interrogatoire.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai juste une question pour précision.

  5   Ce rapport inclut également le CV du Dr Cavoski, n'est-ce pas ?

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, c'est la dernière page du rapport,

  7   Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  9   Allez-y, Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à tous.

 11   Contre-interrogatoire par M. Tieger :

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Avant de rentrer dans les

 13   détails de votre rapport, je voudrais revenir à certaines questions que M.

 14   Karadzic vous a posées dans le cadre de son interrogatoire principal. Tout

 15   d'abord, en ce qui concerne la question qui a été soulevée durant la

 16   dernière partie de l'interrogatoire principal en ce qui concerne la mise en

 17   œuvre de plans qui nécessitait l'usage de la force, je vais vous poser la

 18   question suivante : est-ce que vous avez jamais vu des preuves ou des

 19   éléments, Professeur, qui laissaient penser que les forces bosno-serbes ou

 20   les dirigeants bosno-serbes essaient d'obtenir des territoires pour, par

 21   exemple, des raisons stratégiques, des territoires sur lesquels les

 22   Musulmans étaient majoritaires ?

 23   R.  Personnellement, je n'ai vu aucun élément de ce genre, mais si j'ai

 24   voyagé en Bosnie-Herzégovine durant la guerre --

 25   Q.  Je vois que vous répondez en tant qu'observation personnelle. Je

 26   voulais également vous demander si, compte tenu des documents que vous

 27   aviez examinés pour le besoin de votre rapport ou pour d'autres raisons,

 28   vous étiez en mesure également de répondre plus en détail à ma question.


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  1   R.  Je vais commencer par répondre à votre deuxième question. Je me suis

  2   principalement axé sur l'analyse de ces deux rapports, et je n'ai pas

  3   analysé d'autres documents que j'avais faits dans le cadre de mes travaux

  4   antérieurs. Je me suis fixé la mission, ici, de critiquer ou de faire une

  5   analyse critique de ces deux rapports, point par point, en prenant tout

  6   particulièrement comme approche l'aspect de la constitutionnalité. Je n'ai

  7   pas abordé les autres questions parce que ce n'était pas ma mission.

  8   Q.  Merci. Ceci pourrait être une indication de ce que je vais avoir comme

  9   réponse à ma question suivante ou à mes questions suivantes. Mais je vais

 10   donc poser une question de suivi pour commencer, que M. Karadzic vous a

 11   posé également en ce qui concerne les attitudes vis-à-vis des transferts de

 12   population. Est-ce que vous savez qui a rencontré le Pr Koljevic vers le 8

 13   janvier 1992 ou le 8 janvier 1992 ?

 14   R.  Ce que j'ai compris dans ce rapport concernant cette réunion, il a

 15   rencontré Tudjman ou ses hommes à Zagreb. Je pense que Donia ou Treanor

 16   cite des extraits de procès-verbal de cette réunion. Nikola Koljevic en

 17   tant que vice-président de la Republika Srpska s'est rendu à Zagreb à cette

 18   réunion.

 19   Q.  Et savez-vous de quoi ils ont discuté lors de cette réunion ?

 20   R.  Entre autres, les questions liées au territoire ont été abordées, les

 21   Croates, par exemple, qui vivaient dans la Posavina, et ainsi des relations

 22   avec les Musulmans. C'est ce qui est écrit dans ces deux rapports, dans les

 23   rapports de ces deux experts.

 24   Q.  Bien. Cela veut dire que vous avez appris cela dans ces rapports, et si

 25   j'ai bien compris, vous ne vous souvenez pas que dans le compte rendu de

 26   cette réunion, il figure qu'il y a eu discussion sur le transfert de la

 27   population, et que l'objectif était l'homogénéité nationale ?

 28   R.  C'était l'une des questions qui a été soulevée, mais cette question


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  1   concernait la relation entre les Serbes et les Croates. Donc, je dois dire

  2   - et vous le savez probablement, comme moi-même - lorsque les frontières

  3   sont déterminées, il est permis de coopter. Moi, je suis né dans le Banat,

  4   qui appartenait à l'Austro-Hongrie lorsque la frontière a été établie entre

  5   la Roumanie et la Yougoslavie d'époque, il y a eu la cooptation, et les

  6   Serbes qui sont restés sur le territoire roumain pouvaient se déplacer de

  7   l'autre côté. La même chose s'appliquait sur ce cas-là.

  8   Q.  Bien. Permettez-moi de vous expliquer les règles que nous devons

  9   respecter tous les deux. Je ne veux pas vous interrompre au moment où vous

 10   répondez à ma question. En même temps, je dois tenir compte du temps qui

 11   m'a été accordé, et l'utilisation efficace de ce temps dans le prétoire.

 12   Donc, si je vois que vous répondez à ma question et vous répondez d'une

 13   façon plus large que demandée, je vais vous interrompre.

 14   Savez-vous quelles questions ont été débattues à la réunion à Doboj le 13

 15   février 1992 entre les membres de la direction des Serbes de Bosnie, y

 16   compris M. Karadzic ?

 17   R.  Je ne le sais pas.

 18   Q.  Bien. Nous le savons, puisque nous disposons des moyens déposition

 19   preuve concernant cette réunion. C'est P3474, mais puisque vous ne savez

 20   pas, je ne vais plus y insister.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que M. Tieger pourrait dire que la

 22   Défense a contesté l'authenticité de ce document, de cette pièce. La

 23   Défense la considère comme étant falsifiée. Il s'agit des rapports de

 24   Brdjanin concernant ce qui aurait été dit lors de cette réunion. Il serait

 25   correct de dire cela à la Chambre et au témoin, à savoir que cela a été

 26   contesté par la Défense.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, c'est

 28   absurde, dans le contexte des interventions dans le prétoire, je n'ai pas


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  1   posé de questions là-dessus au témoin, puisqu'il a dit qu'il n'en savait

  2   rien. Nous pourrions en discuter longuement, mais il s'agit d'un

  3   commentaire qui n'est pas nécessaire de la part de l'accusé.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre n'a pas suivi cet échange de

  5   point de vue. Continuez.

  6   M. TIEGER : [interprétation]

  7   Q.  Lors de l'interrogatoire principal, vous avez beaucoup parlé du plan

  8   Cutileiro. Et j'ai remarqué en page 29 de votre rapport, que vous avez

  9   mentionné le plan Cutileiro et - comme dans d'autres parties de votre

 10   rapport - vous avez critiqué le Pr Donia pour soi-disant ne pas avoir

 11   fourni tous les faits concernant le plan Cutileiro, que vous avez considéré

 12   comme des éléments qui auraient dû être pris en compte. En particulier en

 13   page 95, et page 96 de son rapport : "Les responsables des Serbes de Bosnie

 14   et le siège de Sarajevo", vous avez dit que les trois parties se sont mis

 15   d'accord pour respecter les principes du plan Cutileiro comme étant la base

 16   pour continuer les négociations, mais les parties en question n'ont signé

 17   aucun accord. Et, entre autres, vous l'avez critiqué puisque le plan de

 18   Cutileiro n'a pas été signé mais seulement les paraphes y ont été apposés.

 19   C'est la première phrase au début de votre critique à l'intention du Pr

 20   Donia. Là, je pense de votre critique de cette partie de son rapport.

 21   Vous avez également déposé dans l'affaire Galic, et lors de cette

 22   déposition, vous avez également témoigné du plan Cutileiro. C'était en

 23   2003. A l'époque, vous avez dit que le plan Cutileiro a été signé, n'est-ce

 24   pas ?

 25   R.  Il y avait des paraphes qui ont été apposés sur le plan Cutileiro.

 26   Q.  Je vais vous lire ce que vous avez dit dans l'affaire Galic, c'est en

 27   page du compte rendu 19 133, le document 65 ter 24943. Vous avez commencé à

 28   parler de divers plans, mais quand l'Union européenne a engagé le diplomate


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  1   portugais Jose Cutileiro pour mener les négociations avec les trois

  2   parties, Alija Izetbegovic a même participé à ces négociations, il a signé

  3   le plan également. La question qui vous a été posée était comme suit :

  4   "Je serais reconnaissant si vous pourriez me dire brièvement ce qui s'est

  5   passé après la signature de l'accord."

  6   Votre réponse commence par :

  7   "Lorsque le plan a été signé…"

  8   Cela veut dire, Monsieur, qu'à l'époque vous avez dit que ce plan avait été

  9   signé, c'était votre position en tant que témoin expert et vous êtes arrivé

 10   à cette conclusion après avoir examiné attentivement tous les documents,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Je dois dire que je suis quelque peu surpris, puisque vous avez

 13   présenté mon rapport dans l'affaire Galic, ici, et vous avez contesté mon

 14   droit pour analyser le rapport de Robert Donia dans d'autres affaires.

 15   Donc, cela a été retiré, malheureusement, je n'ai pas ce rapport sur moi à

 16   présent pour pouvoir l'examiner. Je vous crois sur parole par rapport à ce

 17   que vous avez lu. Concernant la signature, la déclaration portant sur les

 18   principes constitutionnels a été effectivement signée, mais le plan ne

 19   pouvait pas être signé parce qu'il n'a pas été complété. Le plan général

 20   exhaustif aurait dû être signé sur, non seulement les principes

 21   constitutionnels, mais la division de la Bosnie-Herzégovine sur les

 22   municipalités musulmanes, croates, et serbes. Dans ce rapport, il est dit

 23   explicitement qu'il y avait des questions à contester. Et le Procureur,

 24   lors de ma déposition dans cette affaire, m'a dit que pour certaines

 25   municipalités, j'ai dit qu'il s'agissait de municipalités majoritairement

 26   serbes, et il m'a donné des informations du recensement de la population de

 27   1993 et 1994 pour me dire que dans ces municipalités n'étaient pas en

 28   majorité. En tant que juriste, je sais très bien que cet accord ne pouvait


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  1   être signé qu'après avoir complété concernant les questions de la

  2   démarcation et de détermination des frontières. Le fait est que les

  3   principes constitutionnels ont été signés, cette partie de l'accord qui

  4   prévoyait comment allait être constitué les trois entités en Bosnie-

  5   Herzégovine.

  6   Concernant la distinction entre apposer des paraphes et des signatures,

  7   j'aimerais vous rappeler que l'accord de Dayton a été paraphé à Dayton et

  8   signé à Paris, il s'agissait du même document.

  9   Q.  Est-ce que vous savez ce que le Dr Karadzic a dit concernant les

 10   principes de l'accord du 18 mars à l'époque ? Est-ce que vous avez vu ce

 11   qu'il avait dit, par exemple, devant l'assemblée des Serbes de Bosnie pour

 12   ce qui est de ce document ?

 13   R.  Je ne me souviens pas de tous les détails concernant ses propos et

 14   cités dans cet accord. Je pense que cet accord, même s'il s'agissait d'un

 15   accord que les Serbes acceptait à contrecoeur, que les Serbes l'ont quand

 16   même accepté afin de préserver la paix. Mais pour vous dire quels étaient

 17   les propos exacts du Dr Karadzic, je ne peux pas vous dire puisque je ne me

 18   souviens pas. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis.

 19   Q.  Alors, permettez-moi de vous citer ce qu'il a dit. C'est le document

 20   D90, page 5 :

 21   "Le document a été accepté pour servir de base à des négociations à suivre.

 22   Le document n'a pas été signé. Nous n'aurions jamais signé quelque chose

 23   dont nous ne sommes pas d'accord."

 24   Et ensuite en page 43 en anglais et en page 62 en serbe, il est dit :

 25   "Ce que nous avons ici représente un processus…"

 26   Ensuite, le Dr Karadzic continue :

 27   "Nous sommes entrés dans ce processus avec nos objectifs stratégiques, et

 28   nous les réalisons pas à pas. Nous n'aurions jamais signé ce papier en tant


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  1   que document, jamais, jamais, jamais, mais à ce stade, il serait insensé de

  2   ne pas l'accepter."

  3   Ensuite, en page 46 en anglais et en page 66 et en page 67 en serbe, il est

  4   dit :

  5   "Vous pouvez être sûrs que rien ne sera signé jusqu'à ce que nous

  6   réaliserions nos objectifs, et vous connaissez tous nos plans

  7   stratégiques…"

  8   Je vais revenir là-dessus dans quelques instants. Ce sont les propos

  9   prononcés par le Dr Karadzic à l'époque. Votre critique adressée au Dr

 10   Donia, puisqu'il a dit que l'accord a été passé le 18 mars, et le document

 11   n'a pas été signé, est quelque chose qu'il a dit et qui correspondait à ce

 12   que le Dr Karadzic a dit devant l'assemblée des Serbes de Bosnie à

 13   l'époque, n'est-ce pas ? C'est quelque chose que vous avez omis ?

 14   R.  Non, dans la presse de Belgrade, on a pu lire que cet accord a été

 15   passé et qu'il ne restait que de procéder à la division des municipalités

 16   concernant ces trois entités. C'est tout ce que j'ai appris là-dessus à

 17   l'époque. Jamais je n'ai tenu entre mes mains, comme vous, un papier

 18   portant une signature ou pas. Tout ce que j'ai vu était ce qui a été publié

 19   dans la presse.

 20   Q.  Merci pour cela. Mais vous critiquez le Dr Donia, puisqu'il n'a pas

 21   présenté tous les faits, d'après la pratique qui était appliquée

 22   habituellement, en disant le plan de Cutileiro n'a pas été signé, mais

 23   seulement paraphé. Dr Donia a dit que cela n'a pas été signé. Le Dr

 24   Karadzic a même souligné le fait que l'accord n'a pas été signé. Je ne vois

 25   pas comment aujourd'hui vous pouvez accuser le Dr Donia d'avoir dissimulé

 26   des faits critiques.

 27    R.  Ce que j'ai dit a en fait une portée beaucoup plus large. Il n'a pas

 28   voulu de l'importance de ces négociations et de la paix en Bosnie. Il n'a


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  1   pas parlé des concessions, grandes concessions faites par les Serbes.

  2   C'était l'essentiel de la critique par rapport au Dr Donia.

  3   Q.  Bien. Le Dr Karadzic, à partir du début de sa carrière politique,

  4   disait que si la Bosnie obtenait la souveraineté et l'indépendance, cela

  5   allait être quelque chose que le SDS et les responsables des Serbes de

  6   Bosnie n'allaient pas accepter, et que la guerre allait éclater ?

  7   R.  J'ai dit que puisqu'il y avait trois degrés concernant les concessions

  8   des Serbes. D'abord, les Serbes demandaient que la Yougoslavie soit

  9   préservée. En tant que juriste, vous savez très bien que cette demande

 10   était tout à fait légitime, la demande de préserver l'Etat qui existait

 11   déjà.

 12   Q.  Professeur, excusez-moi, il faut que je vous interrompre. Je sais que

 13   vous avez déjà parlé des concessions, des degrés de ces concessions, du

 14   texte du plan Cutileiro. Permettez-moi de présenter ça d'une façon un peu

 15   différente. Savez-vous que l'accusé, le Dr Karadzic, bien avant la

 16   reconnaissance de la souveraineté et de l'indépendance par la communauté

 17   internationale, ou beaucoup de temps avant le plan Cutileiro, disait que

 18   lui-même, ainsi que les responsables des Serbes de Bosnie, n'allaient

 19   accepter rien concernant la souveraineté et l'indépendance de la Bosnie,

 20   rien de ce qui aurait pu séparer les Serbes de la Bosnie des Serbes à

 21   l'extérieur de la Bosnie, les diviser par une frontière, que les Serbes

 22   étaient forts et que les Serbes allaient prévenir que cela se produise et

 23   que la guerre allait éclater. Est-ce que vous saviez qu'il disait cela en

 24   1990 ?

 25   R.  C'est moi qui je disais cela en 1990, mais la situation était

 26   différente. Est-ce que qui que ce soit en 1990 s'attendait à ce que les

 27   puissances mondiales, les Etats-Unis d'Amérique, l'Union européenne, et

 28   cetera, allaient admettre les concessions ? Ils étaient tous pour


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  1   l'intégrité et la préservation de la Yougoslavie, et dans de telles

  2   circonstances, non seulement M. Karadzic, mais moi-même disions que la

  3   Yougoslavie ne devait pas être démantelée, démembrée. Il fallait s'opposer

  4   à cela par la force et d'une façon légitime, à savoir par l'utilisation de

  5   la JNA. Donc, à ce moment-là, en 1990, c'était quelque chose qui était tout

  6   à fait normal. En 1990, nous ne savions toujours pas que les événements

  7   allaient prendre ce cours. Il y avait des réunions des présidents des

  8   provinces et des républiques, vous le savez très bien. En 1990, c'était en

  9   1990.

 10   Q.  Merci, Professeur. Il aurait été suffisant de dire, oui, je l'ai

 11   entendu dire cela. Mais vous avez également exprimé votre point de vue.

 12   Concernant le plan Cutileiro, aujourd'hui durant votre déposition et dans

 13   votre rapport également, vous avez dit qu'il y a eu peu de choses qui

 14   restaient à être faites après la conclusion de l'accord sur les principes,

 15   à savoir qu'il ne fallait qu'avoir des négociations eu égard aux

 16   délimitations du territoire. Vous avez dit, si je me souviens bien de votre

 17   rapport, que vous avez considéré que les Serbes de Bosnie n'étaient pas

 18   intéressés à avoir des territoires continus et que la question des

 19   frontières devait être résolue par l'entité des Serbes de Bosnie en

 20   s'appuyant sur les négociations portant à la population aux critères tenant

 21   compte de la population majoritaire dans différentes régions.

 22   Savez-vous que l'accusé, à l'époque, disait que les Serbes de Bosnie

 23   avaient certains objectifs stratégiques, que parmi ces objectifs

 24   stratégiques figuraient l'établissement des liens avec la Serbie, que le Dr

 25   Karadzic ainsi que les responsables des Serbes de Bosnie voulaient que

 26   l'entité des Serbes de Bosnie soit la plus étendue possible, et concernant

 27   l'étendue de l'entité des Serbes de Bosnie, que cela dépendait finalement

 28   des conditions établies sur le terrain par les dirigeants des Serbes de


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  1   Bosnie ? Est-ce que vous savez s'il avait dit cela à l'époque, à savoir que

  2   la délimitation du territoire allait se faire en comprenant d'autres

  3   choses, à savoir les conditions qui prévalaient à l'époque et qui allaient

  4   être créées par les responsables sur le terrain ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous pourriez dire au témoin

  6   exactement de quelle période vous parlez; avant la guerre, ou cela a-t-il

  7   été déclaré lors d'une assemblée ? Je vous prie de donner un contexte au

  8   témoin.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense bien que M. Tieger a dit "à

 10   l'époque".

 11   M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait. Comme si un doute existait, mais

 12   je parle bien effectivement de l'époque des négociations du plan Cutileiro;

 13   février, mars 1992.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En ce qui concerne les objectifs

 15   stratégiques et les liens à établir, il est vrai que les trois bords en

 16   avaient l'intention, non seulement les Serbes, mais les Croates également,

 17   qui pensaient donc établir des relations avec la Croatie; et bien sûr, les

 18   Musulmans, qui souhaitaient que ce soit aussi dense que faire se peut, donc

 19   leur problème était que la Krajina de Cazin était séparée et donc coupée

 20   par des municipalités peuplées soit de Croates, soit de majorités serbes.

 21   Alors, les trois bords en ont tenu compte, et je dois vous dire,

 22   puisque j'observe depuis longtemps la politique et les populations, il faut

 23   faire un distinguo entre ceux qui s'asseyent et négocient avec Alija

 24   Izetbegovic et Mate Boban quant à cette division. Et, entre autres choses,

 25   c'est que chacun d'entre eux se lève et s'adresse à sa propre assemblée

 26   nationale. Je me souviens très bien que M. Karadzic, le président de la

 27   Republika Srpska, a prononcé un discours devant l'assemblée de la Republika

 28   Srpska et a demandé un appui pour le plan Vance Owen, et l'assemblée l'a


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  1   rejeté. Je sais pourquoi il a procédé ainsi, parce qu'il a été contraint à

  2   signer sous condition cet accord en Grèce, et ce, sous des pressions

  3   internationales, principalement de Slobodan Milosevic. Ce que fait un homme

  4   politique est important, non seulement ce qu'il dit. Il y a un roman de

  5   Mesa Selimovic qui affirme qu'un homme ne vaut que ce qu'il ne fait et ce

  6   qu'il prononce, ses propos. Donc, l'action doit suivre ses propos.

  7   M. TIEGER : [interprétation]

  8   Q.  Donc, vous ne considérez pas que lorsqu'un homme politique se tourne

  9   vers ses partisans et déclare : La seule question qui reste, c'est la

 10   quantité et ce qui va se passer selon la volonté politique et notre droit à

 11   l'autodétermination et l'organisation. Cela se produira selon les

 12   conditions actuelles qu'il convient que vous créiez, et ceci n'est pas un

 13   acte. Ce sont uniquement des propos qui peuvent être méconnus. En qualité

 14   d'expert, vous n'accorderiez aucune attention à la chose. C'est bien ce que

 15   vous me dites ?

 16   R.  Non. Lorsque l'on parle de la politique, de la force de la volonté, la

 17   volonté est très importante, certes, il doit être éveillée, et c'est là

 18   l'objectif d'un discours, et vous verrez que d'ailleurs, sempiternellement,

 19   il y a une différence mineure entre ce qui a été dit et ce qui sera fait.

 20   J'ai déclaré par rapport au plan Vance Owen, quand M. Karadzic a prôné son

 21   acceptation provisoire, mais que l'assemblée l'a rejeté à une grande

 22   majorité, il y a une dichotomie entre ce qu'il a dit et ce qu'il aura fait.

 23   Je pense également que si vous observez soigneusement et surveillez les

 24   discours de Milosevic, vous verrez qu'il a promis beaucoup et qu'il n'a pas

 25   réussi à tout réaliser. En ce qui concerne M. Karadzic, à mon sens, il

 26   était beaucoup plus uniforme dans ce sens, mais c'est vrai, il s'est

 27   adressé à sa propre population à l'assemblée nationale, il a tenté de

 28   l'encourager, de donner un certain élan, et ce, par des discours


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  1   politiques, mais quant à ce qui se passait dans la division des

  2   municipalités, et parfois si l'on ne peut trouver une solution pour

  3   certaines municipalités qui sont contestées, eh bien, l'on aura tendance à

  4   accepter l'arbitrage de la Communauté européenne, et je crois que c'était

  5   là une façon tout à fait honnête et honorable, d'ailleurs, de régler la

  6   situation, et ce, à l'époque.

  7   Q.  Donc, si j'ai bien compris, vous connaissiez ou vous ne connaissiez pas

  8   le discours de M. Karadzic s'adressant à l'assemblée bosno-serbe, disant au

  9   président des municipalités et aux représentants délégués qui venaient des

 10   différentes municipalités, que la quantité de l'entité dépendrait des

 11   conditions qui leur incombait de créer ? Oui ou non; le saviez-vous ou pas

 12   ?

 13   R.  Non. En ce qui concerne cet élément, certes, je le savais puisque j'ai

 14   rédigé, j'ai modifié et corrigé ses discours aux fins de publication. Et

 15   donc, je les ai revus en anglais et en serbe, je les ai lus à plusieurs

 16   reprises, mais je n'escomptais pas que vous débattriez de ces éléments.

 17   Donc, je ne suis pas prêt. J'aurais apporté avec moi, sinon le rapport que

 18   j'ai préparé pour le procès du général Galic. Vous m'avez demandé, à titre

 19   de Procureur, que ces extraits soient expurgés de mon rapport et qui ont

 20   trait à d'autres procès.

 21   Q.  Ce sont des documents dans votre rapport. Passons à la page 41 de votre

 22   rapport.

 23   R.  Oui, tout à fait. Allons-y.

 24   Q.  Eh bien, à la page 41, vous vous appesantissez sur ce que vous affirmez

 25   était une affirmation malveillante ou plutôt l'intention malveillante du

 26   terme "commandant" dans un débat. On y voit ici :

 27   "M. Donia a, de façon malveillante, inséré le terme 'commandant' dans cette

 28   phrase"


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  1   Et la phrase est la suivante :

  2   "Les dirigeants du SDS locaux ont reçu l'ordre de créer une assemblée du

  3   peuple serbe et une cellules de Crise du peuple serbe." --

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, voyons quelle est le numéro

  5   de la page, tout d'abord.

  6   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la page 41.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit de cette page-là ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Désolé.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne crois pas que le B/C/S et

 10   l'anglais concorde.

 11   M. TIEGER : [interprétation]

 12   Q.  Professeur, il s'agit de votre rapport, on y aborde à la page 20, la

 13   direction bosno-serbe par le Dr Donia et le siège de Sarajevo. C'est ce

 14   rapport-là.

 15   R.  Quarante deux, oui, effectivement.

 16   Q.  Merci. Il s'agit de la page 41 en anglais.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement, nous l'avons

 18   trouvée.

 19   M. TIEGER : [interprétation]

 20   Q.  Et donc, la phrase en question, c'est :

 21   "Les dirigeants locaux du SDS ont reçu l'ordre de créer une 'assemblée du

 22   peuple serbe' et une 'cellule de Crise du peuple serbe', qui devaient être

 23   dirigé par un 'commandant'."

 24   Et vous y affirmez, comme vous le faites en divers endroits dans votre

 25   rapport, que c'était là une action malveillante de M. Donia que d'insérer

 26   le terme de "commandant" dans cette phrase. Est-ce que nous pourrions

 27   convenir, Professeur, que le contexte de la phrase dans le rapport de M.

 28   Donia est l'exégèse de la variante A et B, c'est d'ailleurs ce document,


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  1   des instructions du 19 décembre 1991 ?

  2   R.  Tout d'abord, vous n'avez pas dit ce qui était important, c'est que le

  3   terme "commandant" n'existe pas en serbe. A la note de bas de page J, à la

  4   page 106, on y voit simplement la cellule de Crise du peuple serbe est

  5   convoquée à une assemblée du peuple serbe. Il a inséré ce terme

  6   "commandant" alors qu'il cite ce qui ne se trouve pas dans le texte serbe

  7   qu'il cite à la note de bas de page J. Je connais le serbe, et Robert Donia

  8   connaît le serbe également, il le parle. Donc, ce n'est pas une erreur.

  9   Cela a été fait à dessein. Il a inséré un terme qui n'existe pas dans la

 10   version serbe. C'est là mon objection.

 11   Q.  Voyez-vous, Professeur ? Il s'agit d'instructions des organisations et

 12   des activités du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine dans des situations

 13   d'urgence en date du 19 décembre 1991, connu également sous les noms

 14   variante A et B, et d'ailleurs vous avez d'ores et déjà témoigné que vous

 15   l'avez lu, et ce, soigneusement. Il s'agit de la pièce P03470.

 16   Ce qu'on y lit à la page 3 en anglais, c'est donc option A, première étape,

 17   est la chose suivante :

 18   "Le président de l'assemblée municipale ou le président du Conseil exécutif

 19   municipal sera le commandant de la cellule de Crise. Le commandant --"

 20   R.  Oui.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous voulez bien, nous allons

 22   télécharger ce document pour que le témoin puisse suivre.

 23   Quel est le numéro de la page, Monsieur Tieger ?

 24   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de la page 3 dans les deux versions,

 25   je crois.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Vers le haut de la page, Professeur.


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  "Le président de l'assemblée municipale ou le président du Conseil

  3   exécutif municipal sera le commandant de la cellule de Crise.

  4   "Le commandant de la cellule de Crise à titre de coordinateur des relations

  5   avec les directions municipales du SDA…"

  6   Et ensuite, on y décrit les différents aspects des préparatifs. A cet

  7   instar, pour l'option B, les municipalités donc, à la page 5, on y voit,

  8   encore une fois je pense en anglais et dans les deux versions :

  9   "Le président de" -- non.

 10   Pour vous, Professeur, il s'agira des pages 6 et 7. Et donc y continue à la

 11   page suivante.

 12   "Le président du conseil municipal du SDS sera le commandant et le

 13   commandant de la cellule de Crise.

 14   "Le commandant nomme les membres de la cellule de Crise à titre de

 15   coordinateur pour la coordination avec les directions municipales du SDA et

 16   du HDZ…"

 17   Et ensuite, on détaille les convocations, la proclamation de l'assemblée du

 18   peuple serbe, les préparatifs pour la reprise par les états-majors, et

 19   cetera, et cetera. Donc, en fait, le document que vous affirmiez il y a une

 20   heure avoir lu soigneusement contient de nombreuses références parlant de

 21   commandant, et les références de M. Donia à ce terme commandant ne peuvent

 22   être -- l'insertion de ce terme est malveillante. Cela reflète bel et bien

 23   ce que le document déclare, n'est-ce pas ?

 24   R.  J'ai bien peur que vous ayez mal interprété la chose. Quand j'ai dit

 25   qu'il s'agissait d'une insertion malveillante, c'est pour la bonne raison

 26   qu'à la note bas de page en page 106, ce terme n'est pas cité. Donc il

 27   renvoie à la note de bas de page à titre de source en anglais, et il ajoute

 28   que ce sera dirigé par un commandant. Donc cette note de bas de page ne


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  1   contient pas ce terme, et c'est la raison pour laquelle j'ai affirmé que

  2   son insertion dans le texte anglais serait malveillante. Je concède que le

  3   terme apparaît, par ailleurs, dans le document. M. Donia aurait pu parler

  4   du document d'origine et aurait pu le citer plutôt que de dire à la note de

  5   bas de page J que la cellule de Crise du peuple serbe a convoqué une

  6   assemblée du peuple serbe.

  7   Q.  Donc c'est le type d'élément de preuve que vous apportez aux Juges de

  8   cette Chambre ? Même si les membres locaux du SDS ont reçu l'ordre par ce

  9   document de créer une assemblée du peuple serbe et une cellule de Crise du

 10   peuple serbe, qui, en fait, il est bien déclaré, serait sous la direction

 11   d'un commandant, vous essayez d'indiquer dans le rapport que cette

 12   affirmation, encore une fois, dans le rapport est malveillante parce que ce

 13   terme n'apparaît pas dans une note de bas de page, alors qu'il apparaît à

 14   maintes reprises dans le document ? C'est la nature de votre rapport; c'est

 15   cela ?

 16   R.  Non. J'ai été très analytique et j'ai essayé de démontrer qu'il n'a pas

 17   suivi le texte serbe et qu'il a inséré des termes dans le texte anglais qui

 18   ne s'y trouvaient pas dans le texte serbe. Ce n'est pas acceptable pour qui

 19   que ce soit, tout particulièrement pour un historien, qui doit être

 20   prudent. Lorsqu'il traduit vers l'anglais, il lui faut traduire avec

 21   précision ce qui se trouve dans l'original serbe. Ce n'est pas ce qu'il a

 22   fait, et ceci n'est pas acceptable.

 23   Q.  Vous parlez de questions très importantes. Vous parlez d'un document

 24   extrêmement important. Avez-vous dit où que ce soit, quand vous avez remis

 25   ce rapport aux Juges de la Chambre, qu'il y avait une erreur ou une

 26   omission dans une note de bas de page, mais que cette affirmation est

 27   exacte, que le document prévoit exactement ce qui y est relaté, et que,

 28   donc, si à votre sens le terme "commandant" ou "kommandant" était ajouté à


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  1   cette phrase pour représenter la cellule de Crise à titre d'état-major

  2   militaire, que c'en était bien un parce que le document lui-même l'affirme

  3   ? Est-ce que vous vous êtes soucié de le dire aux Juges de la Chambre ?

  4   R.  Quand il s'agit d'un QG militaire, on sait bien de quoi il s'agit. Le

  5   QG militaire commande exclusivement les unités militaires. Mais quand vous

  6   avez un QG qui s'occupe des questions civiles, de la protection de la

  7   population, l'approvisionnement en nourriture, équipement, ou bien la

  8   protection sanitaire, dans ce cas il ne s'agit pas d'un QG purement

  9   militaire.

 10   Q.  Non, non, Professeur. J'utilise vos propres termes. Vous dites que ce

 11   terme a été inséré dans ce document parce que le Dr Donia a voulu d'une

 12   façon malveillante que les Juges, qui reçoivent son rapport, considèrent

 13   qu'il s'agit là d'un QG militaire, parce qu'un QG militaire dispose d'un

 14   commandant, alors que là on voit que dans votre document, vous-même, vous

 15   utilisez ce terme, le terme de "commandant", et à plusieurs reprises. Donc

 16   j'étais juste en train de citer vos propres mots; autrement dit, cela nous

 17   amène à la conclusion que cette cellule de Crise avait un aspect de QG

 18   militaire. C'est ce que vous dites ?

 19   R.  Dans une certaine mesure, la cellule de Crise avait un aspect de QG

 20   militaire, puisque les hostilités étaient toujours en cours. Mais je dois

 21   vous dire que quand on cite une source, et quand on est historien, eh bien,

 22   vous ne pouvez pas citer des sources si elles ne sont pas absolument

 23   fiables, car cela met en doute la crédibilité de ce scientifique. Et c'est

 24   ce que Donia a fait à plusieurs reprises, même souvent, je dirais. Par

 25   exemple, dans la partie du texte que vous avez enlevée, "Sarajevo, la

 26   biographie d'une ville." Là, vous allez voir que d'autres partis politiques

 27   à vocation nationale avaient créé leurs propres cellules de Crise. C'est

 28   sur cette page-là que l'on voit cette information, la page 20, où il est


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  1   dit que la forme que revêtait cet organe le plus souvent, c'était la

  2   cellule de Crise. Donia le dit dans son livre, "Sarajevo, la biographie

  3   d'une ville," et vous avez demandé que j'enlève cela de mon rapport.

  4   Heureusement, dans la version que j'ai ici, ceci figure toujours. Et donc,

  5   là, il parle des cellules de Crise créées par d'autres partis politiques,

  6   mais là il se garde bien de parler des commandants.

  7   Q.  Je vais vous proposer un certain nombre de choses : tout d'abord,

  8   utiliser ce qui est dans le pire des cas une erreur dactylographique mais

  9   qui est, en réalité, tout simplement une fusion des deux références et dire

 10   que ceci témoigne de la malveillance de la personne qui le fait ou de sa

 11   partialité, c'est parfaitement inacceptable. Et puis, autre chose : ici, on

 12   parle de la variante A et B, les documents, dont vous avez parlé aux Juges

 13   de la Chambre et de ce que vous dites ou ne dites pas au sujet de ces

 14   documents.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant. Je vais tout de

 16   même revenir sur une question de référence évoquée par l'expert. Est-ce que

 17   vous êtes d'accord maintenant pour dire que la cellule de Crise devait

 18   avoir un commandant à sa tête ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Normalement, c'était le président de la

 20   municipalité qui était président de la cellule de Crise. Ce n'était pas un

 21   officier militaire. Ce n'est même pas quelqu'un qui est passé par une

 22   formation de militaire. Donc c'est le mot qui a été utilisé, et cela ne

 23   correspond pas au protocole militaire. Et en ce qui concerne ce que vous

 24   venez de dire --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant --

 26   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maintenant, on parle de cette partie-là

 28   du rapport.


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  1   Et je vais demander que cette partie-là du rapport du Dr Donia soit

  2   montrée sur l'écran. Il s'agit de la pièce P973.

  3   "Les dirigeants du SDS au niveau local sont demandés de créer une

  4   'assemblée du peuple serbe' et une 'cellule de Crise du peuple serbe', à la

  5   tête de laquelle se trouvera un 'commandant'."

  6   Et puis, maintenant, quand on regarde la note de bas de page 49, quand je

  7   regarde ce qui est écrit là-dedans, je n'arrive pas à faire le lien entre

  8   cela et ce que vous dites dans votre rapport. Pourriez-vous nous expliquer

  9   cela.

 10   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais il faut voir la note de bas de page

 12   49, qui est sous la note 48.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Regardez bien. Sous le numéro 49, on voit la

 14   lettre J. Donc, là, nous avons deux notes de bas de page. Il y en a une qui

 15   est la note 49, et l'autre, 49 J.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Alors, nous allons voir la

 17   page suivante ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas à la page suivante.

 19   C'est à la page 106 dans le texte que j'avais, moi.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-il possible de voir la page 109 dans

 21   le système de prétoire électronique.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] J. Veuillez regarder cela. Regardez ce qui est

 23   écrit sous J en serbe. Vous n'avez pas de "commandant" ici, ce n'est pas

 24   mentionné du tout. Je vais vous donner lecture du petit J, note de bas de

 25   page :

 26   "'La cellule de Crise du peuple serbe convoquait et proclamait une

 27   assemblée du peuple serbe.'"

 28   C'est le texte original. On ne fait pas mention de "commandant".


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr de vous avoir suivi.

  2   Mais je vous laisse poursuivre, si vous le voulez, Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Pour me rendre utile aux Juges de la Chambre.

  4   Q.  Même si les références concrètes par rapport aux différents endroits

  5   dans le rapport où l'on mentionne cela, y compris les mentions du

  6   commandant, sont reflétées dans la note de bas de page 49, vous avez eu

  7   accès à cela ainsi qu'au document tout entier, n'est-ce pas ?

  8   R.  Moi, j'ai examiné la note de bas de page d'origine, qui est la

  9   véritable référence, c'est la note de bas de page J. Ensuite, je ne dis pas

 10   que ce qui est dit dans l'autre document ne s'y trouve pas, mais la note

 11   d'origine ne permet pas l'utilisation du terme "commandant". Et puis, de

 12   toute façon, ce n'est pas acceptable dans un rapport scientifique. C'est

 13   peut-être une faute de frappe, rien d'autre, mais j'ai voulu ajouté autre

 14   chose. Dans le rapport de Patrick Treanor, on ne voit pas de telles fautes,

 15   fautes de frappe ou autres. Ces erreurs sont tout à fait insignifiantes,

 16   même s'il y en a quelques-unes. Malheureusement, dans le rapport de Robert

 17   Donia, il y en a beaucoup plus.

 18   Q.  Très bien. Eh bien, on va examiner une autre accusation que vous avez

 19   proférée à l'encontre du Dr Donia portant sur sa malveillance, comme vous

 20   dites. C'est la page 16. Car, là, on a omis ou enlevé la négation "non"

 21   dans le contexte de quelque chose qu'aurait dit M. Krajisnik au mois de

 22   novembre 1991.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Page 16, vous voulez dire ?

 24   M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est la page 16 dans l'exemplaire

 25   papier.

 26   Q.  Professeur, vous l'avez trouvé dans votre rapport --

 27   R.  Oui. Oui, oui. Chez moi, cela se trouve à la page 15. Ici, on lit la

 28   page 7. Donc on voit :


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  1   "La deuxième session du 21 novembre 1991, Krajisnik," deux points.

  2   Q.  Bien. Et c'est quelque chose que l'on trouve dans le rapport qui

  3   contient les extraits thématiques des sessions de travail de l'assemblée de

  4   la Republika Srpska, n'est-ce pas ? Professeur, vous saviez, n'est-ce pas,

  5   que ce rapport devait être communiqué aux Juges de la Chambre pour qu'ils

  6   l'examinent, et que les Juges de la Chambre allaient l'examiner en langue

  7   anglaise, n'est-ce pas ? Vous le savez cela, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Donc j'imagine que vous êtes allé voir ce qui se trouve dans la pièce

 10   originale qui devait être communiquée aux Juges pour voir si on y trouve

 11   des éléments de malveillance visant à induire les Juges en erreur pour

 12   qu'ils interprètent à tort ce que Krajisnik a dit ?

 13   R.  Moi, j'ai reçu un texte avec des citations en serbe, et vu que je sais

 14   que Donia parle très bien la langue serbe et que c'est lui-même qui a

 15   sélectionné les extraits et ensuite les a incorporés dans son rapport, j'ai

 16   bien remarqué qu'il a oublié la négation. Et c'est très significatif ici vu

 17   qu'il apparaît sur la base de ce qui est écrit ici que Krajisnik était

 18   favorable aux solutions qui allaient nuire aux autres peuples de Bosnie-

 19   Herzégovine, alors qu'avec la négation on ne serait pas arrivés à cette

 20   conclusion.

 21   Q.  Mais avant d'accuser le Pr Donia de cette malveillance, je me demande

 22   si vous êtes allé vérifier ce qui est écrit vraiment dans le texte en

 23   anglais, le texte qui allait être communiqué aux Juges. Est-ce que vous

 24   vous êtes donné la peine de vérifier cela avant de parler de malveillance

 25   et de proférer ces accusations ?

 26   R.  Non. Moi, j'avais mon rapport en serbe et je me suis dit que ce texte

 27   allait être plus authentique. Maintenant, on ne va pas débattre de la

 28   question de comment ce texte a été traduit en anglais, et surtout des


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  1   erreurs de traduction qui auraient pu se produire. Mais en tout cas, pour

  2   moi, l'original c'était le texte en langue serbe.

  3   Q.  Dans le texte, on peut lire -- donc, dans le texte original, il est

  4   écrit que les solutions proposées devraient être basées sur la constitution

  5   et les lois reflétant les intérêts du peuple serbe, mais pas au détriment

  6   des autres peuples. Pas au détriment, c'est ce qui est écrit dans

  7   l'original, dans le texte qui est arrivé jusqu'aux Juges. Est-ce que vous

  8   êtes d'accord pour dire maintenant qu'il n'y a pas de malveillance, ou est-

  9   ce que vous préférez toujours parler de malveillance et garder vos

 10   accusations ?

 11   R.  Tout ce que je dis, c'est que si Donia avait traduit le texte en

 12   anglais, mais je ne pense pas que c'est le cas; mais en tout cas, on ne

 13   peut pas exclure la possibilité que le traducteur est arrivé à la

 14   conclusion que cela ne faisait aucun sens et que Krajisnik dise quelque

 15   chose comme cela et que c'est à cause de cela qu'on a ajouté cette négation

 16   non. Mais si Donia le voulait, il n'aurait pas fait l'erreur en citant le

 17   texte en serbe.

 18   Q.  Mais quand on regarde ce que Krajisnik dit, les choses deviennent

 19   parfaitement claires. Regardez la suite. Il dit dans la suite de ce texte :

 20   "Le principe de base est celui de ne pas imposer la volonté…," et cetera.

 21   "Il faut respecter la volonté légitime…," et cetera.

 22   Donc, qu'est-ce que vous essayez de faire ? Vous essayez d'insinuer que le

 23   Dr Donia a omis par pure malveillance le mot "non" dans la première partie

 24   de cet extrait, puis après il a été suffisamment bête pour garder toute la

 25   négation qu'il fallait garder dans le reste du passage qui rendait évident

 26   ce que voulait dire Krajisnik ? C'est comme cela que vous interprétez cela

 27   ?

 28   R.  Si le Pr Donia n'avait fait que ces trois fautes-là, ces trois erreurs,


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  1   comme c'était le cas de Patrick Treanor, parce que j'ai dit à plusieurs

  2   reprises que les erreurs ou les fautes de Patrick Treanor sont

  3   insignifiantes, mais lui, il les a répétées à plusieurs fois. Il en a fait

  4   plein d'erreurs. C'est quelque chose qui est fait de façon systématique.

  5   Malheureusement, beaucoup de portions de mon rapport étaient expurgées,

  6   parce que dans ces portions je mentionne le livre "Sarajevo, une biographie

  7   de la ville", et qui n'a pas été versé au dossier. Donc, vu la fréquence de

  8   ces erreurs, j'en suis arrivé à la conclusion que c'était un acte de

  9   malveillance.

 10   Q.  Mais vous avez aussi dit que M. Treanor faisait exprès pour passer sous

 11   silence certains faits importants, essentiels, n'est-ce pas ? On va

 12   regarder la page 78 de votre rapport. Donc ici, c'est la section intitulée

 13   :

 14   "Le fait d'éviter les faits pertinents…"

 15   Et c'est la partie dans laquelle vous parlez du peuple constitutif et des

 16   nations fondatrices de l'Etat.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous identifier le numéro de la

 18   page en B/C/S ?

 19   M. TIEGER : [interprétation] C'est un peu difficile de le retrouver.

 20   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 21   M. TIEGER : [interprétation] Mais il s'agit des notes de bas de page 42,

 22   43, 44.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. En comparant les notes de bas de

 24   page, cela nous rendrait la tâche plus difficile.

 25   J'ai l'impression que c'est à la page suivante, mais je n'en suis pas sûr.

 26   Vous pourrez poursuivre, Monsieur Tieger.

 27   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Donc ici, vous critiquez au fond un paragraphe du rapport du Dr


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  1   Treanor, où vous dites :

  2   "La constitution a laissé tomber la référence dans la constitution croate

  3   aux Serbes comme étant un peuple constitutif de la république, bien que

  4   cette constitution garantissait l'égalité nationale dans l'article 3…"

  5   Et là, vous citez cela en guise d'exemple pour alléguer qu'il passe sous

  6   silence un fait essentiel, parce qu'il aurait dû utiliser ce terme "nation

  7   fondatrice de l'Etat". Par rapport à cela, les allégations que vous

  8   soulevez par rapport à cette question :

  9   "Réponse : On y parle tout d'abord de l'amendement numéro 60 qui a

 10   été introduit, et qui n'a rien changé quant à la constitution, la nature

 11   constitutive des peuples de Bosnie-Herzégovine, et ceci posait problèmes

 12   aux Croates, aux Serbes et aux Musulmans. Tout d'abord, la constitution

 13   était respectée, mais ensuite l'on respectait la constitution de moins en

 14   moins. De sorte que le côté musulman, au sein des autorités communes, a

 15   essayé d'obtenir l'indépendance, et l'un des peuples constitutifs étaient

 16   contre cette indépendance. Et là, il s'agissait du peuple serbe".

 17   Donc, on parle beaucoup de ces peuples constitutifs, et cetera, Professeur,

 18   mais de quelle façon cela omet les faits essentiels, s'il vous plaît,

 19   dites-le-nous ?

 20   R.  [aucune interprétation]

 21   Q.  Je vais vous donner la possibilité d'expliquer les nuances, si

 22   nécessaire, mais je veux que vous répondiez à ma question. Est-ce que le

 23   passage que j'ai lu est un autre exemple qui signifie que l'on passe sous

 24   silence à ces faits essentiels, parce que cela utilise à plusieurs reprises

 25   l'expression "peuples constitutifs" plutôt que "nation fondatrice de

 26   l'Etat" ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait --

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je pense qu'il faut qu'il s'arrête. Il est


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  1   évident de ce qu'il fait. Je pense que l'on devrait pratiquer une

  2   remontrance à ce sujet.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas nécessaire, ce n'est

  4   pas nécessaire.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous donner la référence ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est pas

  7   nécessaire que l'on m'aide. Je vous dis simplement que le terme

  8   "constitutif" a une signification très précise en langue serbo-croate. Ceci

  9   signifie, en fait, constitutif d'un Etat. En anglais, le terme

 10   "constitutif" veut dire partie intégrante, intégrante de quelque chose,

 11   rien de plus. Par conséquent, comme Patrick Treanor le sait pertinemment,

 12   puisqu'il parle très bien la langue serbe, il sait ce que signifie le

 13   concept constitutif dans notre terminologie constitutionnel, et il devait

 14   donc s'assurer que ce soit bien formulé en langue anglaise. Parce que

 15   lorsqu'on le dit ainsi, les Serbes sont un des peuples constitutifs, en

 16   langue serbe cela signifie qu'il s'agit d'un des peuples qui fait partie

 17   intégrante. Et en fait, en plus, il y a une différence de sens lorsqu'on

 18   dit que les Serbes en plus des Croates constituent une "nation fondatrice

 19   d'un Etat".

 20   M. TIEGER : [interprétation]

 21   Q.  Mais dans tout le passage, on utilise le terme "constitutif" plutôt que

 22   le terme "nation fondatrice de l'Etat", n'est-ce pas ?

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai demandé la référence.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est la Croatie, il s'agissait

 25   d'une grande importance en raison du fait que les Croates niaient ceci vis-

 26   à-vis des Serbes.

 27   M. TIEGER : [interprétation]

 28   Q.  Non, non, si vous ne pouvez pas répondre à la question --


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  1   R.  [aucune interprétation]

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le

  5   Président, je pense que ce n'est pas juste que M. Tieger arrête le témoin

  6   dans sa lancée, et je pense qu'il serait peut-être bon de faire la pause

  7   déjeuner de façon à ce que M. Tieger se calme, parce que je pense que nous

  8   devons tous nous traiter comme des professionnels ici, et ça ne se produit

  9   pas à l'heure actuelle.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de faire la pause déjeuner,

 11   entendons ce que le témoin a à dire, mais il est logique de donner la

 12   référence quand vous citez quelque chose, Monsieur Tieger.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Je vais le faire, Monsieur le Président, mais

 14   je vais expliquer pourquoi je pose cette question. Si on prétend que je

 15   suis --

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que c'est, en fait, le bon

 19   moment pour faire la pause déjeuner.

 20   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais, en fait, continuer --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons continuer après la pause

 22   déjeuner.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Très bien.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous reprendrons à 13 heures 17.

 25   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 35.

 26   --- L'audience est reprise à 13 heures 19.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on peut continuer, Monsieur

 28   Tieger ?


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  1   M. TIEGER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Professeur, avant la pause, nous discutions tranquillement de la page

  3   78 de votre rapport, et je vous ai posé une question concernant une

  4   citation qui faisait références répétées aux peuples constitutifs. Je ne

  5   sais pas si vous avez réfléchi à ma question pendant la pause. Ma question

  6   était de savoir si ces références répétées aux peuples constitutifs, sans

  7   utiliser l'expression de "nations fondatrices", représentaient un autre

  8   exemple du fait que certains faits essentiels étaient passés sous silence ?

  9   R.  Je vais répondre très tranquillement à cette question qui est la vôtre.

 10   La question est de savoir dans quel contexte ceci est mentionné ? Il parle

 11   ici de la Croatie, et les Croates ont, en fait, adopté une autre

 12   constitution, et ils ont, en fait, enlevé la disposition selon laquelle les

 13   Serbes étaient une nation fondatrice de l'Etat, étant donné qu'ils ont

 14   enlevé cette disposition des anciennes constitutions qui mentionnaient que

 15   la Croatie était un Etat composé de peuples croates et serbes. Plus ou

 16   moins. Et dans ce contexte, c'était très important parce que les Serbes

 17   correspondaient à 12,5 % de la population en Croatie avant la guerre. Il

 18   était donc très important de conserver leur statut de nation fondatrice

 19   d'un Etat. Lorsque vous faites savoir à quelqu'un que ce n'est pas

 20   tellement important, dans ce cas-là, ça devient suffisant pour garantir

 21   l'égalité des nations. Mais en vertu de l'article 3, je peux vous dire que

 22   ce n'est pas suffisant parce que l'égalité des nations signifie simplement

 23   l'égalité des citoyens si l'on compare à d'autres nations. Et lorsqu'on

 24   parle de fondations d'un Etat, on a à l'esprit une égalité par rapport à un

 25   élément collectif.

 26   Oui, allez-y.

 27   Q.  Je vois que je n'aurais pas de réponse par un oui ou par un non. Je

 28   vais en rester là. Simplement, je voudrais faire remarquer dans la réponse,


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  1   également dans la réponse à une question de l'accusé, que le passage que

  2   j'ai cité, et je soumettrai ceci aux Juges de la Cour, c'est aux pages 19

  3   110 et 19 111 dans votre déposition dans l'affaire Galic, il s'agit d'une

  4   réponse à une question qu'on vous avait posée, et durant cette réponse,

  5   vous avez répété à plusieurs reprises le terme "peuples constitutifs", et

  6   non "nation fondatrice d'un Etat". Je suppose que vous vous souvenez de

  7   votre déposition ? Peut-être que vous pouvez le confirmer.

  8   R.  Oui. Je vais vous expliquer quelles sont les principales différences.

  9   Q.  Si vous pensez qu'il y a une différence entre les deux et que l'accusé

 10   veut entrer dans les différences entre les deux, très bien. Mais vous avez

 11   mentionné que vous considérez qu'il y avait une différence entre le concept

 12   de peuples constitutifs et de nation fondatrice d'un Etat.

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que le témoin a le droit

 14   d'expliquer cela.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous pouvons demander au témoin de

 16   confirmer si c'est ce qu'il a dit.

 17   M. TIEGER : [interprétation] Nous avons passé dix minutes sans que cela

 18   fasse la différence.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Dans le contexte de Bosnie-Herzégovine,

 20   où aucun peuple n'a pas été considéré comme un peuple constitutif --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Docteur Cavoski, est-ce que vous vous

 22   souvenez de la question ? Est-ce que vous confirmez avoir déposé de la

 23   manière citée par M. Tieger dans l'affaire Galic ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] En langue serbe, j'ai utilisé le terme

 25   "konstitutivni narod", c'est-à-dire peuple constitutif. Maintenant, la

 26   manière dont ceci a été interprété en anglais, ce n'était pas moi parce que

 27   je ne suis ni un interprète ni un traducteur, et je ne traduis pas mes

 28   propres textes.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends maintenant votre réponse.

  2   Veuillez continuer, Monsieur Tieger.

  3   M. TIEGER : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur le Professeur, à la page 13, et pour faciliter tout cela --

  5   R.  [aucune interprétation]

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et j'ai une question à l'attention des

  8   interprètes. Est-ce que l'on peut télécharger la version en B/C/S ? Si l'on

  9   traduit le terme anglais "peuple constitutif" ou "nation constitutif", est-

 10   ce qu'on utilise les mêmes termes ou est-ce qu'on a un terme différent ?

 11   L'INTERPRÈTE : Réponse de la cabine anglaise : Tout cela dépend. Il y a une

 12   expression qui est "konstitutivni narod", qui est, en fait, l'expression la

 13   plus proche "de peuple constitutif."

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais en rester là. Nous pourrons

 15   reprendre cela si nécessaire, mais passons à autre chose.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous me le permettez, vous pourriez demander

 17   aux interprètes comment on interprète le terme "drzavotvorni."

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez parler de cela dans vos

 19   questions supplémentaires.

 20   Continuons.

 21   M. TIEGER : [interprétation]

 22   Q.  Professeur, il s'agit d'une référence à l'extrait suivant du rapport du

 23   Dr Donia du 28 mars, l'assemblée de la République de Serbie. Ceci,

 24   brièvement après votre première référence aux origines de la Republika

 25   Srpska. La page 5 de ce rapport. Je vois que vous avez ceci. Et là, vous

 26   critiquez le Dr Donia, qui utilise des sources non fiables et ensuite, à la

 27   fin de cette critique de ce qu'a fait Dr Donia, qui pensait que la citation

 28   d'un publiciste était vraie ou véridique, vous mentionnez un publiciste qui


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  1   est cité au début de ce passage par le Dr Donia et il est mentionné un

  2   certain Cohen. Il s'agirait probablement du Pr Leonard J. Cohen qui parle

  3   "Un serpent au sein des Serbes." Est-ce que vous connaissez la carrière de

  4   M. Cohen et ce qu'il a publié ?

  5   R.  Je ne connais pas la carrière de ce monsieur très bien, mais c'est un

  6   nom de famille assez commun. Ça se prononce Cohen. C'est un nom juif. J'ai

  7   un collègue, un ami qui porte le même nom.

  8   Q.  Vous ne contestez pas que le Pr Cohen est co-fondateur de l'école pour

  9   les études internationales de l'Université Simon Fraser ? Il est professeur

 10   émérite depuis 2009 et il a publié de nombreux écrits, y compris deux

 11   livres qui ont reçu une bonne critique.

 12   R.  Bien sûr, je ne conteste pas cela, mais est-ce que cela ne semble pas

 13   habituel que quelqu'un qui établit un rapport sur les circonstances du

 14   territoire de l'ex-Yougoslavie étudie tous les documents constitutionnels,

 15   si ce n'est tous les instruments normatifs ? Par conséquent, c'était

 16   simplement logique que le Pr Donia, qui maîtrise bien la langue serbe - je

 17   ne sais pas ce qu'il en est de ce M. Cohen - il semblait logique que le Dr

 18   Donia ait étudié les amendements de la constitution et puisse tirer les

 19   conclusions sur la base de cette étude, comme moi je l'ai fait.

 20   Q.  A la page 19 de votre rapport, et là, c'est la section 3 de votre

 21   rapport, où l'on peut lire : Dissimuler ou de ne pas révéler des faits

 22   importants, et c'est une partie qui fait référence à la page 9 du rapport

 23   du Dr Donia qui parle donc des "dirigeants bosno-serbes et du siège de

 24   Sarajevo." Ceci aborde une partie du rapport du Dr Donia et il est

 25   mentionné que :

 26   "Ces municipalités avaient un pourcentage assez élevé de Yougoslaves : 16,4

 27   % à Centar, 15,9 % à Novo Sarajevo et 11,4 % à Novi Grad."

 28   Et en fait, il fournit une explication en disant que les raisons pour


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  1   lesquelles, soi-disant, les personnes ne se seraient pas déclarées

  2   Yougoslaves et ce que vous avancez, à savoir que les Serbes étaient des

  3   Yougoslaves et qu'aucun Croate ou aucun Slovène ne se serait recensé comme

  4   étant un Yougoslave. A cet égard, je souhaiterais vous poser une question.

  5   J'aimerais savoir : est-ce qu'il est vrai que comme durant la guerre en

  6   1994, si l'on revient à cette période, durant cette période, est-il vrai

  7   que les Musulmans avaient tendance à considérer les Yougoslaves comme des

  8   Musulmans, que les Croates considéraient les Yougoslaves comme des Croates,

  9   et vous avez mentionné que les Serbes considéraient les Yougoslaves comme

 10   étant des Serbes ? Est-ce que ceci est un reflet exact de la situation ?

 11   R.  Je ne vous ai pas complètement compris. Est-ce que vous voulez dire que

 12   j'ai dit que les Musulmans étaient des Musulmans, les Croates étaient des

 13   Croates, et que les Serbes se déclaraient Yougoslaves ? C'est ce que vous

 14   voulez dire ?

 15   Q.  Tout d'abord, j'ai attiré votre attention sur cette partie de votre

 16   rapport que j'aborde et votre position à ce sujet a été abordée. De manière

 17   plus générale, je vous ai demandé si vous pensiez qu'il était exact

 18   d'avancer que les Musulmans avaient tendance à considérer les Yougoslaves

 19   comme des Musulmans, que les Croates considéraient les Yougoslaves comme

 20   étant des Croates, et vous avez déjà mentionné que d'après vous, vous

 21   considérez les Serbes, ou, plutôt les Yougoslaves, comme étant des Serbes.

 22   R.  Malheureusement, votre question n'est pas bien rédigée. Lorsqu'on parle

 23   de citoyenneté, tous les citoyens de Yougoslavie étaient des Yougoslaves,

 24   parce qu'ils étaient citoyens yougoslaves --

 25   Q.  J'espère qu'il était clair d'après le contexte que ce n'était pas une

 26   question de nationalité, mais c'est de la manière dont les personnes se

 27   considéraient. Vous avez mentionné ceci dans votre rapport, à savoir que

 28   les personnes qui se déclaraient Yougoslaves étaient des Serbes, et moi je


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  1   vous demande si en fait les Musulmans n'avaient pas tendance à également se

  2   considérer comme Yougoslaves et les Croates avaient tendance à penser

  3   qu'ils étaient également des Croates.

  4   R.  Ejup Ganic, un Musulman, s'est déclaré yougoslave pour gagner les

  5   élections à la présidence, et ensuite il s'est avéré comme étant un

  6   participant ordinaire mais également un participant très actif dans tout ce

  7   qui s'est passé durant la guerre. C'était le membre de la cellule de Crise.

  8   C'est lui qui a été soupçonné d'avoir donné l'ordre d'une attaque contre un

  9   convoi de la JNA --

 10   Q.  Je ne pense pas que ceci puisse être décrit comme une tentative de

 11   répondre à ma question plutôt qu'une tentative de reprendre quelque chose

 12   que vous avez déjà abordé à plusieurs reprises dans votre rapport. Si vous

 13   ne pouvez pas répondre à ma question, ce n'est pas un problème; si vous le

 14   pouvez, faites-le. Je vous ai déjà posé la question deux fois, je pense

 15   qu'elle est suffisamment claire.

 16   R.  Vous ne connaissez pas vraiment la situation dans l'ex-Yougoslavie. Je

 17   peux vous dire, par exemple, que les Slovènes ont toujours été des Slovènes

 18   --

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous prie de m'excuser de vous

 20   interrompre, mais le fait que M. Tieger le sache ou pas, vous pouvez

 21   répondre oui ou non à cette question, et vous pouvez expliquer. Veuillez

 22   vous concentrer sur les questions et essayer d'y répondre.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Selon moi, les Yougoslaves étaient en plus

 24   grande partie des Serbes et il y avait également des personnes de mariages

 25   mixtes qui se déclaraient également Yougoslaves. C'est ma réponse.

 26   M. TIEGER : [interprétation]

 27   Q.  Ce n'est pas vraiment une réponse à ma question, je vous ai demandé si

 28   dans l'esprit des Musulmans, les Musulmans n'étaient pas des Yougoslaves,


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  1   et que dans l'esprit des Croates, les Croates n'étaient pas des Yougoslaves

  2   également. C'était ma question. Si vous ne pouvez pas répondre à cette

  3   question, très bien --

  4   R.  Pour être honnête, je ne sais pas, mais je suis presque certain que les

  5   Croates et les Musulmans savaient que ceux qui se déclaraient Yougoslaves

  6   étaient quasiment sans exception des Serbes. Ils le savaient, parce que je

  7   connais la situation là-bas, contrairement à vous.

  8   Q.  Je vous posais cette question parce que nous avons reçu des éléments de

  9   preuve, à savoir que c'est exactement ce que le Dr Karadzic a dit en 1994

 10   aux membres de l'assemblée bosno-serbe. Et on trouve ceci à la pièce P1385,

 11   page 114 dans la version anglaise, et pour la page en B/C/S, c'est la page

 12   84 à 85. Je vais passer à un autre sujet, quelque chose que vous avez

 13   abordé durant votre interrogatoire principal. C'était une explication

 14   concernant votre rôle dans l'établissement d'un comité pour établir la

 15   vérité sur le Dr Karadzic. J'aimerais qu'on affiche le document de la liste

 16   65 ter 24933. Cet article de "Glas Javnosti" porte sur la création à la mi-

 17   novembre 2001 du comité international pour la vérité sur Radovan Karadzic

 18   et qui décrit les membres, et cetera. On parle ici du même comité que vous

 19   avez abordé dans votre interrogatoire principal, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et il y a différentes descriptions de la mission ou de l'objectif de ce

 22   comité et des positions des différents participants de ce comité concernant

 23   le Dr Karadzic. Et on vous cite ici alors que vous expliquez que le Dr

 24   Karadzic est le chantre de la liberté serbe, le créateur de la Republika

 25   Srpska et le grand chevalier qui ne se rendra pas. Ceci reflète bien votre

 26   position à l'époque concernant le Dr Karadzic, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, probablement. Je ne me souviens pas des détails, mais je pense que

 28   c'est probablement ce que j'ai dit.


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  1   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais verser ce document au dossier,

  2   Monsieur le Président.

  3   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'accord.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] P6289.

  6   M. TIEGER : [interprétation]

  7   Q.  En plus de vos activités pour le compte du comité pour la vérité sur

  8   Radovan Karadzic, vous avez également officié en tant que membre de

  9   l'équipe de la Défense en tant que bénévole, c'est-à-dire que vous n'avez

 10   pas été payé pour cela, n'est-ce pas ?

 11   R.  C'est exact.

 12   M. TIEGER : [interprétation] Et j'aimerais que l'on affiche le document de

 13   la liste 65 ter 40614A.

 14   Q.  Il s'agit d'une vidéo -- une transcription, en fait, d'une émission

 15   télévisée de la chaîne Kopernikus. On peut bien sûr visionner la vidéo,

 16   mais nous avons également la transcription qui nous a été fournie. Et on

 17   peut voir dans une partie de cette transcription que vous confirmez avoir

 18   travaillé au sein de l'équipe de la Défense. Et c'est la partie de la vidéo

 19   qui à l'horodateur -- va de 48.46 à 49.53. Et je suis tout à fait disposé à

 20   faire visionner cette vidéo si c'est nécessaire et si cela est plus facile.

 21   R.  Non, non, je vois tout ce qui est nécessaire. Pas de problème.

 22   Q.  Très bien. Je ne vais pas passer à autre chose, parce que je voudrais

 23   vous poser une autre question sur quelque chose d'autre que vous avez dit

 24   durant votre déposition. Vous avez parlé de ce que vous appelez les

 25   analyses des activités du Tribunal. Et dans cette même émission télévisée,

 26   vous avez parlé de certains aspects des activités de ce Tribunal, et

 27   notamment vous avez parlé de ce que touchaient les avocats de la Défense et

 28   vous avez parlé de ce que cela signifiait selon vous, quels étaient les


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  1   objectifs et les effets, et vous l'avez fait tout particulièrement dans le

  2   contexte de l'avocat Vujin.

  3   M. ROBINSON : [interprétation] J'ai une objection au niveau de la

  4   pertinence.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas nécessaire.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Il faut se garder à l'esprit que l'accusé a

  8   posé des questions concernant l'analyse de ce témoin et des publications de

  9   ce témoin concernant le Tribunal, probablement pour essayer de renforcer sa

 10   crédibilité. Et je pense que la moindre des choses, c'est que je puisse

 11   revenir sur ce que ce monsieur a dit.

 12   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que l'on

 13   mélange certaines choses, ici. Tout d'abord, le fait qu'il travaillait

 14   gratuitement pour l'équipe de la Défense, ceci est pertinent. Mais pour ce

 15   qui est de ses plaintes concernant les paiements à la Défense, aux équipes

 16   de la Défense, cela ne semble pas du tout pertinent et n'a pas vraiment

 17   quoi que ce soit à voir avec la crédibilité ni avec les aspects mentionnés

 18   dans l'acte d'accusation, et c'est le propos de mon objection.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, allez-y.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Je crois que ceci devrait être clair, à savoir

 21   que ce qui est avancé ici est inexact. Ou en fait, ceci est inexact dans la

 22   mesure que c'est tout à fait pertinent au titre de la déposition de ce

 23   témoin, notamment parce que je ne suis pas surpris que Me Robinson essaie

 24   d'éviter que l'on se penche plus avant sur la question, mais c'est tout à

 25   fait pertinent.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez

 27   de répondre. Au moment où ces déclarations ont été faites, le président

 28   avait en fait eu des échanges à quatre reprises avec le Greffe sur le


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  1   financement de l'équipe de la Défense, donc il y a beaucoup d'éléments qui

  2   sont abordés ici. Le président a en fait jugé que nous n'avions pas eu

  3   suffisamment de financement à quatre reprises, donc je ne vois pas comment

  4   ceci peut avoir des conséquences sur la crédibilité ou si ceci peut être

  5   pertinent. Il s'agit de questions marginales qui, jusqu'à présent, nous ne

  6   pensions pas devaient être nécessairement abordées dans le procès, à moins

  7   que ce soit nous qui les abordions.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Ce n'est pas lié au financement de cette

  9   équipe de la Défense, c'est peut-être la nature du malentendu.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'accord avec M. Tieger.

 12   Nous allons permettre à M. Tieger de poser sa question.

 13   M. TIEGER : [interprétation]

 14   Q.  Professeur, par rapport à cette question, vous avez dit - c'est la

 15   troisième page dans le prétoire électronique dans cette pièce à conviction

 16   - vous avez expliqué qu'il s'agissait de l'emploi d'une expression, d'un

 17   dicton, c'est-à-dire : qui vous donne de l'argent, c'est lui qui vous

 18   respectez. Il y avait des juristes, des avocats, qui ont enfreint ces

 19   limites. M. Vujin, par exemple, a été cruellement puni pour avoir fait cela

 20   puisqu'il voulait poser des questions concernant ces démarches, et vous

 21   avez utilisé cela comme étant un exemple pour corroborer votre position que

 22   les avocats ne peuvent pas travailler de façon correcte devant ce Tribunal.

 23   Votre position était comme suit : les avocats sont payés, sont rémunérés,

 24   de façon à ce qu'on puisse les contrôler dans leur travail, et qui que ce

 25   soit qui aurait enfreint ces limites avait été cruellement puni.

 26   M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Je ne

 27   comprends pas comment cela pourrait être pertinent et concernait la

 28   crédibilité du témoin. Si quelqu'un est critique pour ce qui est de cette


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  1   institution, ou si le jury aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne entend

  2   quelque chose qui concerne leur crédibilité, je ne pense pas que cela soit

  3   pertinent pour votre évaluation de la fiabilité et de la pertinence de la

  4   déposition du Pr Cavoski.

  5   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je serais bref. Je n'ai

  6   pas eu l'intention de parler ici de beaucoup de critiques de ce témoin sur

  7   le compte de ce Tribunal, et à mon avis, ça n'a aucun sens. Ici, il s'agit

  8   de la présentation erronée des faits. M. Vujin a été condamné puisqu'il a

  9   fait faux témoignage, puisqu'il a manipulé les témoins, au détriment de son

 10   propre client. C'est pour cela que je dis que lorsque le Pr Cavoski fait

 11   cela, il présente de façon erronée les faits de façon publique, ayant une

 12   fin concrète, et cela influe sur la crédibilité du témoin.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson, la Chambre ne voit

 15   aucune raison pour laquelle elle devrait changer sa position.

 16   Vous souvenez-vous de la question, Monsieur Cavoski, ou devrai-je

 17   demander à M. Tieger de la répéter ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens de la question de M.

 19   Tieger. Ce n'est pas la première fois que mon point de critique envers ce

 20   Tribunal est remis en cause. J'ai fait publier deux ouvrages là-dessus. M.

 21   le Procureur peut avoir accès à ces deux ouvrages concernant de l'équipe de

 22   la Défense devant ce Tribunal. A partir du début du procès, j'ai considéré

 23   qu'il n'y avait pas de l'égalité des armes concernant les moyens qui sont à

 24   la disposition de la Défense et de l'Accusation.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, Monsieur Cavoski, cela n'a

 26   rien à voir avec la critique générale sur le compte de ce Tribunal. Je vais

 27   demander à M. Tieger de vous poser une question concrète.

 28   [Le conseil de l'Accusation se concerte]


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  1   M. TIEGER : [interprétation]

  2   Q.  Excusez-moi. D'abord, j'aimerais d'abord qu'on confirme que c'est ce

  3   que vous avez dit par rapport à la pratique, n'est-ce pas ? C'est ce que

  4   vous avez dit. Cela reflète exactement vos propos.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Entendons la réponse

  6   du témoin. Attendez à ce que l'interprétation soit finie.

  7   Continuez.

  8   M. TIEGER : [interprétation]

  9   Q.  Et il est vrai, n'est-ce pas, Professeur Cavoski, que M. Vujin a été

 10   sanctionné, et ce n'était pas parce qu'il a outrepassé les limites, étant

 11   donné qu'il était agressif au nom de son client, mais parce qu'il a fait un

 12   faux témoignage. Il a manipulé les témoins, et c'était contre l'intérêt de

 13   son client. Dans d'autres termes, il a été condamné pour outrage au

 14   Tribunal. C'est pour cela qu'il a été sanctionné. C'est le contraire de ce

 15   que vous avez dit dans cet entretien à la TV Kopernikus.

 16   R.  Je serais clair dans ma réponse. J'ai dit cela en s'appuyant sur ce que

 17   M. Vujin m'a dit, puisque j'ai coopéré avec lui lorsqu'il fallait

 18   participer à la Défense de Stanislav Galic. Ce que j'ai dit se base sur sa

 19   déclaration. Je n'ai jamais vu cette décision du Tribunal, mais je sais

 20   très bien quel était le destin de Dusko Tadic, qui était policier de

 21   réserve insignifiant. Son procès était le premier procès devant ce

 22   Tribunal, et cela a eu une incidence sur d'autres avocats. Je le sais,

 23   puisque j'ai parlé avec beaucoup d'entre eux, et c'était quelque chose que

 24   j'ai appris dans le bureau de l'avocat Vujin. Donc, il ne pouvait être pas

 25   le premier avocat dans l'affaire Stanislav Galic, mais c'était sa collègue

 26   Filipovic qui était l'avocat principal. Mais lui, il préparait les

 27   dossiers, les documents, et cetera. Il m'engageait pour écrire ce rapport.

 28   Voilà ce que j'ai pu observer. Il m'a donné un texte d'à peu près 300


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  1   pages, et il s'agissait du rapport de James Gow, historien, qui  à l'époque

  2   était comme Donia. Mais par rapport à d'autres historiens, il a parlé des

  3   événements historiques à partir du règne du tsar Dusan et de la bataille au

  4   Kosovo. Sur la base de son rapport, le Tribunal a voulu que cela soit

  5   considéré comme étant chose déjà jugée et que j'examine cela pour l'affaire

  6   Galic. J'ai écrit une critique générale pour dire que non seulement il ne

  7   connaissait pas l'histoire, mais il était malveillant. J'ai dit que je

  8   n'étais pas compétent pour toutes les périodes de l'histoire. J'ai engagé

  9   Rados Ljusic, professeur éminent de l'histoire nationale à la faculté de

 10   philosophie, et Mirjana Stefanovski, ma collègue, qui enseigne l'histoire

 11   du droit. Ils m'ont aidé à écrire le rapport. Je lui ai demandé

 12   d'introduire le rapport en anglais et de soumettre le rapport au Tribunal.

 13   Lorsque je lui ai demandé ce qu'il avait envoyé au Tribunal, j'ai appris

 14   qu'il ne s'agissait pas de la traduction de ce que j'avais écrit.

 15   Q.  Oui, Professeur. Oui, Professeur --

 16   R.  Il ne devait pas envoyer cela plus tard. J'ai fait publier cela comme

 17   étant un ouvrage en serbe : "Le jugement de l'histoire à La Haye", et cet

 18   ouvrage est arrivé au Tribunal. Plus jamais à l'avenir cet historien n'a

 19   été engagé, James Gow, après cette critique qui était la mienne.

 20   Q.  Je vais laisser à la Chambre de rendre une décision là-dessus.

 21   J'aimerais vous poser des questions concernant vos activités au sein du

 22   comité --

 23   M. TIEGER : [interprétation] Et j'aimerais que le dernier document soit

 24   versé au dossier, Monsieur le Président, qui porte le numéro 65 ter 40614A.

 25   M. ROBINSON : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection pour ce qui est

 26   du versement des pages 1 et 3, puisque ces pages ont été montrées au

 27   témoin.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Très bien.


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Vous ne voulez pas que

  2   l'enregistrement vidéo soit versé au dossier ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'aimerais que cela soit versé au

  4   dossier.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections à ce versement

  6   ?

  7   M. ROBINSON : [interprétation] Les parties qui n'ont pas été montrées au

  8   témoin ne devraient pas être versées au dossier. Selon notre pratique, il

  9   faut verser au dossier seulement les parties montrées, et on lui a demandé

 10   uniquement de commenter les pages 1 et 3, et nous considérons que seulement

 11   ces pages devraient être versées au dossier. Mais si M. Tieger présente

 12   deux autres vidéos, nous serions d'accord que cela soit versé au dossier

 13   après que le témoin ait eu la possibilité de les commenter.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Dans ce cas-là, les pages 1 et 3 seront

 15   versées au dossier.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Je ne suis pas certain que cela a été le cas

 17   quand il s'agissait des documents aussi courts. Il s'agit de quatre pages.

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser au dossier deux pages

 19   en question.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que P6290.

 21   M. TIEGER : [interprétation]

 22   Q.  J'aimerais vous poser d'autres questions concernant vos activités au

 23   sein de ce comité ou de ce conseil, et si je vous ai bien compris, vous

 24   avez dit que vous avez rassemblé le document qui avait été signé, les

 25   ordonnances, les entretiens, et cetera. Vous avez rassemblé ces documents

 26   et vous avez reproduit de divers autres documents. Eu égard au

 27   rassemblement de ces documents, étiez-vous en contact avec M. Karadzic pour

 28   le faire ?


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  1   R.  Je ne me souviens pas exactement, mais je pense qu'en fin de l'année

  2   1996 et au début de l'année 1997, M. Radovan Karadzic a disparu et on ne

  3   pouvait avoir aucun contact avec lui. Mais moi, j'étais en contact avec son

  4   frère et avec la fille de son frère. De son frère, Luka Karadzic, qui vit à

  5   Belgrade, je recevais ces documents. Ensuite, sa fille, Radmila, une fille

  6   gentille, a saisi ces documents dans l'ordinateur. Je recevais des textes

  7   imprimés, et je les révisais et relus. Je donnais certains textes aux

  8   traducteurs pour qu'ils les traduisent en anglais. Et j'ai essayé moi-même,

  9   dans la mesure de mes connaissances de l'anglais, que les traductions en

 10   anglais soient correctes et compréhensibles. Tant de ces textes ont été

 11   principalement obtenus de Luka Karadzic.

 12   Q.  J'aimerais vous montrer un autre document et vous poser une question

 13   par rapport à ce document.

 14   M. TIEGER : [interprétation] C'est le document 65 ter 24910A.

 15   Q.  C'est la lettre du 1er octobre 2001, la lettre que le Dr Karadzic a

 16   envoyée à Miroslav Toholj, et cette lettre figure dans le livre de Toholj :

 17   "Correspondance avec Radovan Karadzic", et cela a été publié après

 18   l'arrestation de M. Karadzic. Il s'agit des lettres de 1996 à 2004. Peut-on

 19   afficher la page 2 dans la version en anglais, et la page 2 également dans

 20   la version en serbe. Le Dr Karadzic écrit :

 21   "Je suis content de voir que les documents pour le site Web s'accumulent.

 22   Le nombre de pages agrandit. J'ai également écrit à Kosta pour lui exprimer

 23   ma gratitude d'avoir accepté le travail au sein du comité et pour ses

 24   commentaires. Je crois qu'il peut examiner d'autres documents pour les

 25   commenter également".

 26   Page 3 en anglais, et je crois que c'est toujours en page 3 dans la version

 27   en serbe, il y a une autre référence :

 28   "Je crois que Kosta et Jovan Herceg Novi et toi-même, vous allez évaluer


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  1   cela de façon correcte, et peut-être les rassembler de façon différente,

  2   puisque Ljiljana a fait cela selon un ordre chronologique…"

  3   En page suivante en version en anglais, et en page suivante dans la version

  4   en serbe, on peut lire comme suit, il s'agit d'imprimer des poèmes pour

  5   enfants :

  6   "Peut-être qu'il y aura la place pour des poèmes que j'ai appelés,

  7   'pensée chrétienne' que je reçois souvent de Kosta".

  8   Votre nom est mentionné dans cette partie, n'est-ce pas, Monsieur ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Peut-on maintenant revenir à la page 2, dans la version en anglais.

 11   C'est la même page, la page 2, dans la version en serbe. Nous pouvons y

 12   lire la description des documents joints qui sont mentionnés dans des

 13   références précédentes. On voit ici, je cite :

 14   "Je t'envoie des disques que Ljiljana a rassemblés. Sur les disques que je

 15   t'envois, j'ai fait disparaître tout ce que je pensais qui ne devait pas y

 16   figurer, mais peut-être qu'il y aurait besoin d'autres expurgations. Je

 17   crois que tu vas examiner tous les rapports et en décider toi-même".

 18   Ensuite, ça continue quelques lignes plus loin, après la référence

 19   d'entretiens et de discours. Il dit :

 20   "Bien sûr, je n'ai pas mentionné nos déshonneurs, mais je pense que

 21   certains de ces déshonneurs sont sur un niveau acceptable et devaient être

 22   publiés. Je me gardais en particulier de ne pas compromettre qui que ce

 23   soit ou de ne pas laisser penser qu'on jette des pièces sur Slobodan et sur

 24   son premier ministre".

 25   Ensuite, il fait référence à des lettres ouvertes envoyées à lui, et

 26   cetera, que cela a été publié, qu'il n'y a rien à dissimuler, et ensuite

 27   continue à parler des références que j'avais déjà mentionnées, à savoir que

 28   vous et Kosta, vous allez évaluer cela de façon appropriée et les assembler


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  1   différemment. Cela reflète le rôle du Dr Karadzic concernant ces documents

  2   qui ont été fournis pour publier des documents qui étaient censés

  3   acceptables, et pour éliminer tous les documents qu'il considérait comme

  4   des documents qui ne devaient pas être publiés, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je dois dire que je n'ai absolument aucune idée de ce que était le rôle

  6   de Miroslav Toholj dans tout cela. J'ai reçu les documents, comme je l'ai

  7   dit, principalement de la part de Luka Karadzic, et avec Radmila, la fille

  8   de Radovan Karadzic, j'ai donc fait des révisions. Il y a eu quelques amis

  9   de M. Karadzic qui sont d'excellents auteurs ou écrivains et qui

 10   connaissent fort bien la langue, qui m'ont aidé à faire des corrections,

 11   car mes connaissances ne sont pas sans faille dans le domaine des langues.

 12   Donc ils m'ont aidé pour faire de mon mieux. M. Karadzic ne m'a pas donné

 13   ces documents. Je ne sais pas comment ils me sont pas arrivés. J'ai des

 14   photocopies des documents avec des en-têtes et des signatures appropriées,

 15   et j'ai saisi ces documents dans six volumes de collection de ses actes

 16   politiques. On a des photocopies. Je n'ai reçu aucune disquette. Ce que je

 17   sais, qui se trouvait sur disquette, ce que j'ai vu par la suite, c'est à

 18   l'exposition des livres, c'était le livre qui a été par la suite transcrit

 19   par Toholj. Je sais qu'il s'agissait de lettres de la période où il était

 20   fugitif caché. J'ai reçu certaines de ces lettres, mais c'était il y a

 21   tellement longtemps, tant de temps s'est écoulé depuis lors que lorsque

 22   j'ai remis les lettres à sa fille pour qu'elle les lui remette par quelque

 23   moyen, j'ai reçu les réponses un an plus tard. Ce n'était donc plus

 24   pertinent après qu'un laps de temps aussi long se soit écoulé. Il ne se

 25   servait pas d'ordinateur pour sa rédaction, puisque ceci aurait pu être

 26   intercepté, donc il rédigeait des lettres rarement. Il envoyait des lettres

 27   à Smilja Avramov. Je sais que de temps à autre, il envoyait des lettres. Et

 28   peut-être qu'il était en contact avec d'autres. Tout ce que je sais, c'est


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  1   que j'ai reçu un certain nombre de lettres sans lui -- mais avec Luka

  2   Karadzic et avec la fille de Radovan Karadzic, j'ai synthétisé ces

  3   documents, je les ai donnés pour traduction, et ensuite je me suis chargé

  4   de la révision des six volumes de documents.

  5   Q.  Votre déposition, Professeur -- ni M. Toholj, ni qui que ce soit

  6   d'autre associé au bureau de publication ou en contact avec M. Karadzic

  7   dans cette affaire n'ont transmis un encouragement pour passer en revue ces

  8   documents de façon appropriée comme cela avait déjà été fait ?

  9   R.  Non, non, absolument pas. Je peux l'affirmer. J'ai été celui qui a été

 10   chargé de la révision, ce qui serait publié ou pas. Je sais comment

 11   travaillent les historiens. Il faut soit écarter tout ou le mettre. Mais

 12   tout doit être publié. Je n'ai pas pris part à la sélection des documents.

 13   Q.  Très bien.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je verse ce document, Monsieur le Président.

 15   M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous recevons ce document.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il reçoit la cote P6291.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que le

 19   temps qui m'était imparti vient de s'écouler et je remercie les Juges de la

 20   Chambre de leur patience si j'ai dépassé ce laps de temps. Cela conclut

 21   donc mon contre-interrogatoire.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

 23   Monsieur Karadzic, avez-vous des questions supplémentaires ?

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je ne crois pas que

 25   j'en ai beaucoup. Je crois que nous allons parachever la déposition du

 26   témoin aujourd'hui.

 27   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 28   Q.  [interprétation] Commençons par les choses les plus récentes,


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  1   Professeur. Lorsque vous avez eu la possibilité de m'envoyer un livre ou un

  2   magazine, comment le faisiez-vous ? A qui le remettiez-vous ?

  3   R.  Je le remettais à Pale, Sarajevo orientale. Votre épouse et votre fille

  4   y habitent dans deux appartements séparés, donc j'ai fait de mon mieux pour

  5   autant que je le pouvais - peut-être pas tous les mois mais assez

  6   fréquemment - pour rédiger quelque chose et vous envoyer le magazine nommé

  7   "Pensée chrétienne." Moi-même, j'y publiais des articles, donc je pensais

  8   que ça serait intéressant pour vous. Plusieurs fois avec de longs différés,

  9   vous me renvoyiez quelque chose en me disant qu'il n'était pas facile de

 10   procéder ainsi. Mais c'est arrivé très rarement, deux ou trois fois au

 11   plus.

 12   Q.  Etait-il possible que j'envoie quelque chose et que vous ne l'ayez pas

 13   reçu ?

 14   R.  Oui, bien sûr, c'est possible. Mais je l'ignore. Je ne saurais dire si

 15   ça a été le cas ou pas.

 16   Q.  Lorsque l'on parle des Yougoslaves, êtes-vous en mesure de nous dire

 17   quand, selon vous et selon vos connaissances, l'effondrement et le

 18   démantèlement de la Yougoslavie a commencé ?

 19   R.  Puisque j'ai également étudié le droit constitutionnel et je me suis un

 20   peu préoccupé de l'histoire, la raison principale de la fédéralisation de

 21   l'état a commencé en 1983 lors de la session d'Avnoj, puis en 1946. La

 22   plupart des historiens ont la même opinion que la mienne, avec lesquels je

 23   me suis entretenu, mais quand c'est devenu réellement grave, c'était

 24   l'élection multipartite, qui n'était pas au niveau fédéral mais au niveau

 25   des républiques. La direction en Slovénie, qui était communiste à l'époque,

 26   et en Croatie, a empêché l'adoption d'une loi électorale fédérale qui

 27   garantirait des élections multipartite. La loi n'a jamais été adoptée, ce

 28   qui fait que les élections multipartites ne se sont jamais tenues. Elles se


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  1   sont tenues pour la première fois, je crois, en Slovénie, puis en Croatie

  2   ou peut-être l'inverse, et puis bien plus tard en Serbie et en Bosnie-

  3   Herzégovine. Sauf que pour la Serbie, partout ailleurs, les partis ont

  4   remporté des victoires. C'était les partis qui avaient une orientation

  5   nettement nationaliste, ou comme M. Treanor le dirait, ils avaient une

  6   orientation nationaliste. Les organes fédéraux n'étaient pas formés, le

  7   mandat de l'assemblée nationale était venu à expiration même s'il avait été

  8   prolongé par deux fois. C'était donc un mandat de six ans. Le gouvernement

  9   qui avait un Croate à titre de premier ministre, son mandat également était

 10   venu à expiration, donc la seule chose qui restait c'était la présidence,

 11   qui se composait d'hommes politiques des républiques, et bien sûr, c'était

 12   là la voie de la destruction, ce qui a été, je crois, fait de façon

 13   délibérée.

 14   Q.  Merci. Les élections se sont tenues en 1990, c'est exact ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire, au vu de ce qui vient de précéder, quelle

 17   était l'attitude quant à l'appartenance yougoslave lors du recensement de

 18   1991 ? Etait-ce prisé que d'être Yougoslave pour les Croates et les autres

 19   ?

 20   R.  Je dois dire, je ne sais pas, je ne connais pas ces données, car c'est

 21   quelque chose que je n'ai pas étudié, mais j'ai bien peur que lorsque l'on

 22   parle des Croates, il ne leur est même pas venu à l'esprit de se déclarer

 23   comme étant Yougoslave, parce que ça n'a pas été le cas jusque-là, et les

 24   Musulmans non plus, d'ailleurs. Mais je n'ai pas les données.

 25   Malheureusement, ce n'est que les Serbes, mais ceci exigerait un certain

 26   temps et peut-être que ce serait fatiguant pour les tribunaux que

 27   d'expliquer la chose. Ils se sont déclarés comme étant des Yougoslaves, car

 28   avec la création de la Yougoslavie, qui a été créée en 1980 avec la Serbie


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  1   qui s'était introduite dans cette nouvelle Yougoslavie, c'était une

  2   identité constitutive d'Etat. Il était facile pour eux d'écarter leur

  3   appartenance serbe pour reprendre l'appartenance yougoslave pour créer une

  4   identité nationale d'Etat.

  5   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire dans quelle mesure est-ce que M. Donia

  6   et M. Treanor ont englobé les grandes régions yougoslaves dans leurs

  7   rapports en terme de territoire et de temps ? Jusqu'où sont-ils remontés

  8   dans le passé ?

  9   R.   Je ne saurais le dire au pied levé. Je n'ai pas le rapport devant les

 10   yeux, mais ils ne sont pas allés très loin. Ce qui les intéressait, c'était

 11   1989, 1990, parfois il y avait digression pour aller remonter un peu plus

 12   haut, mais ce n'était pas la règle. La plupart du temps, ils sont partis de

 13   1989 et l'étude principale commence à partir de 1990, lorsque les partis

 14   politiques de l'opposition ont commencé à se constituer.

 15   Q.  Merci. Et dans leurs rapports dans cette affaire, est-ce que la Croatie

 16   et la Slovénie -- ont-elles été étudiées ? Avez-vous eu la possibilité

 17   d'analyser leurs observations dans cette partie du rapport ?

 18   R.  Pour autant que je me souvienne, la Slovénie était mentionnée de façon

 19   superficielle ici et là et il n'y avait pas de débat plus avancé en la

 20   matière. Ils ont sans doute estimé que ce n'était pas pertinent. A mon

 21   sens, lorsque quelqu'un se présente à titre d'historien, l'on ne peut

 22   suivre que les sujets qui sont mentionnés dans l'acte d'accusation. Il faut

 23   étudier le contexte qui est plus large et permettre à l'Accusation

 24   d'interpréter les choses de façon plus large, mais ils ont préféré s'en

 25   tenir à l'acte d'accusation et ils ont présenté des données qui viendraient

 26   circonstancier l'acte d'accusation, ce qui est non pas le fait des

 27   historiens, mais bien des enquêteurs.

 28   Je dois dire à l'Accusation que Patrick Treanor, même s'il n'est pas


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  1   historien, a été beaucoup plus scrupuleux que Robert Donia ne l'a été.

  2   Q.  Merci. Et pourriez-vous nous dire si les événements en Slovénie qui ont

  3   porté sur la question de l'Etat de Yougoslavie ont eu une incidence sur les

  4   autres en Yougoslavie ?

  5   R.  Bien sûr. Tout a commencé par la Slovénie. Lorsque les Slovènes ont

  6   déclaré des amendements à leur constitution et ont commencé à parler de

  7   souveraineté --

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je ne crois pas que ceci émane du contre-

 10   interrogatoire, ou tout du moins je ne vois pas en quoi cela émanerait ou

 11   découlerait de mon contre-interrogatoire, car mes questions étaient

 12   relativement précises.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je peux répondre. M. Tieger a parlé des

 14   relations en Croatie et il a parlé de la position du Pr Cavoski et des deux

 15   experts en ce qui concerne les événements en Croatie, donc je jette les

 16   fondements, ici, de la question de la nation-état. Et si vous me donnez

 17   quelques temps, je pourrai développer cette série de questions et peut-être

 18   verrez vous alors quelle est la relation.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je fais un suivi --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons vous autoriser à

 22   poser la question, mais si vous voulez bien ne pas procéder de façon

 23   directive.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous avez commencé à expliquer la différence quant aux positions ou aux

 27   qualifications des Serbes, des Serbes en Croatie et des Serbes en Bosnie-

 28   Herzégovine. Avant cela, pourriez-vous nous dire ce que "constituent" veut


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  1   dire en anglais, ou une circonscription ? Est-ce que cela aborde

  2   suffisamment les droits collectifs ?

  3   R.  Le terme "konstituanta" existe en serbe. C'est une assemblée qui

  4   constitue un pays où la constitution est adoptée, "konstituanta." C'est

  5   pour cela qu'on utilise un terme étranger, "constituency", pour parler de

  6   la constitution d'un Etat. Il vaudrait mieux utiliser le terme serbe.

  7   Quelle est la différence entre les Serbes en Croatie et en Bosnie-

  8   Herzégovine ? La Bosnie et l'Herzégovine, ça n'était pas contesté qu'il y

  9   ait bien trois populations. Les Musulmans ne peuvent contester cela aux

 10   Serbes ni vice versa et les Croates, pareil, mais le problème, c'est que

 11   les Serbes en Croatie, ils étaient 12,5 % et donc les Croates voulaient et

 12   ont réussi à les repousser à une minorité ethnique et c'est pour cela qu'il

 13   est important que Patrick Treanor indique qu'on leur a enlevé leur qualité

 14   constituante et donc le statut collectif par rapport aux Croates en tant

 15   que collectivité. Parce qu'auparavant, la Croatie était un pays et les

 16   Croates et les Serbes existaient également. Après cela, selon la

 17   constitution, tout commun Etat des peuples croates et des Serbes, qui

 18   étaient une minorité ethnique, à l'instar des Hongrois et d'autres, qui

 19   étaient très rares.

 20   Q.  Merci. Pourriez-vous nous dire, en prenant l'exemple des Serbes de

 21   Bosnie, s'ils étaient une population constituante, à savoir si cette

 22   qualité continuerait à exister s'ils étaient mis en minorité sur les

 23   questions ayant trait au pays, même moins des deux tiers ?

 24   R.  Lorsque les populations -- constituantes, une décision prise l'est par

 25   accord et ne peut être adoptée sur la base d'une simple majorité, et c'est

 26   très important, parce que ce principe est appliqué dans une fédération. Si,

 27   par exemple, conformément à la constitution de 1974, c'était non seulement

 28   une question de frontières qui était absolument essentielle, mais c'était


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  1   également une question d'adoption de législations spécifiques qui reposait

  2   sur l'accord de toutes les républiques et des provinces autonomes à titre

  3   d'unités constitutives. Une majorité de huit était exigée, et nous avons

  4   une expression en serbe - je ne sais pas si cela se traduit en anglais - où

  5   l'on a distribué des majorités simples. Lorsqu'il y a eu vote à

  6   l'assemblée, ceci a été réparti ou distribué, divisé en conciliabules

  7   nationaux. Vous aviez les Croates, les Serbes, les Slovènes et dans chaque

  8   conciliabule, vous aviez donc une simple majorité et également une simple

  9   majorité générale, et donc l'égalité de tous les peuples était garantie. Il

 10   n'y avait pas de mise en minorité. Ce que les Musulmans et les Croates ont

 11   tenté de faire, c'était de mettre en minorité des Serbes et c'est ce qui a

 12   été fait lors du référendum. Malheureusement, ceci s'est retourné contre

 13   les Croates, car Tudjman en a abusé afin d'arriver à l'indépendance de la

 14   Croatie, et pour cela, il lui a fallu accepter l'indépendance de la Bosnie-

 15   Herzégovine, mais selon les conditions musulmanes et il a forcé les Croates

 16   à s'unir aux Musulmans, et donc la qualité constitutive a été contestée. Et

 17   lorsque les Serbes ont été mis en minorité, il s'est trouvé que ceci,

 18   encore une fois, s'est retourné contre les Croates jusqu'à aujourd'hui. Je

 19   l'affirme ici et vous le savez sans doute, que lorsqu'un Croate est élu qui

 20   est membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine -- savez-vous quels

 21   étaient les votes grâce auxquels il a été élu dans les dernières élections

 22   ? Les voix musulmanes. Il a été élu sur la base des voix musulmanes. Et

 23   ceci est une décision de la cour de Strasbourg qui exige que d'autres

 24   doivent également être candidats --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Professeur, si vous voulez bien être un

 26   petit peu plus simple en répondant à votre question. Je crois que vous avez

 27   répondu.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer.


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  1   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Merci. Ralentissez. J'écoute

  2   les interprètes qui font un travail extraordinaire, mais vous parlez en

  3   galopant et il est très difficile de suivre.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Lorsqu'un Serbe pose une question à un autre

  5   Serbe, la langue peut être éventuellement problématique. Je remercie d'ores

  6   et déjà les interprètes. Nous allons essayer de ralentir.

  7   M. KARADZIC : [interprétation]

  8   Q.  A la page 55, mon collègue M. Tieger vous a déclaré que les Serbes ont

  9   exigé d'être reliés à la Serbie. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre

 10   si nous avons demandé quoi que ce soit de nouveau ou si c'est quelque chose

 11   dont nous disposions d'ores et déjà, et est-ce que nous avions le droit

 12   d'avoir cette relation qui existait d'ores et déjà ?

 13   R.  C'est une erreur tout à fait logique. Je vais demander à présenter aux

 14   Juges de la Chambre mes excuses, parce que vous savez, je parle

 15   naturellement rapidement et c'est difficile de renoncer à cette habitude,

 16   et puis aussi, je suis professeur donc je suis habitué à me lancer dans des

 17   harangues assez longues et je vous présente mes excuses pour cela.

 18   Les Serbes sont ceux qui ont créé la Yougoslavie en 1918. Pourquoi ? Pour

 19   que tous les Serbes puissent rester ensemble. Et il y avait très peu de

 20   celles qui sont restées dans les pays voisins. Il s'agissait d'une création

 21   qui visait à garder tous les Serbes sous un même toit. Les Serbes ont même

 22   accepté au moment de la fédéralisation de la Yougoslavie en 1943 et 1946 de

 23   se retrouver distribués au sein de différentes unités fédérales, mais à

 24   l'intérieur d'une même fédération. Et puis tout d'un coup, quelqu'un dit :

 25   Mais écoutez, ce n'est pas important. Laissez chaque peuple avoir son

 26   propre Etat. Alors que cela laissait les Serbes dans plusieurs Etats. Et

 27   d'après eux, c'était le problème des Serbes. Donc, les Croates ont ce

 28   problème aussi parce qu'il y en a un petit peu en Bosnie-Herzégovine; les


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  1   Musulmans parce qu'il y en a un petit peu à Raska, mais les Slovènes n'ont

  2   aucun problème. Mais les Serbes avaient un gros problème, parce que mis à

  3   part en Slovénie ils étaient présents dans toutes les autres entités

  4   fédérales sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Donc, quand on dit les

  5   Serbes voulaient se relier à la Serbie, mais ils ont été reliés à la

  6   Serbie, seulement quelqu'un a voulu les séparer par la force de la Serbie

  7   d'une façon anticonstitutionnelle et illégale.

  8   Q.  Merci. A la page 49, on a parlé du plan de Cutileiro. Est-ce que ce

  9   plan a été signé ou non, est-ce qu'il a été paraphé ? Donc, il s'agit des

 10   accords de Lisbonne. Vous avez dit que vous, vous avez compris les choses

 11   de façon que du point de vue constitutionnel c'était chose faite,

 12   pratiquement finalisée; est-ce exact ?

 13   R.  Oui.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on voit la pièce D00302.

 15   Peut-on agrandir cette page en serbe. Et puis vous pouvez aussi peut-être

 16   examiner le texte en anglais sur vos ordinateurs.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Donc là, vous avez une page du journal "Politika" consacrée justement -

 19   - et tout en haut, on peut lire : "L'accord des dirigeants du HDZ, du SDA

 20   et du SDS de Bosnie-Herzégovine."

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Faites descendre un peu la page. Il ne faut pas

 22   la remonter, il faut la faire descendre.

 23   M. KARADZIC : [interprétation]

 24   Q.  Professeur, est-ce qu'ici on peut lire : "L'accord entre les dirigeants

 25   du SDS, SDA et le HDZ de Bosnie-Herzégovine ?"

 26   R.  Mais justement j'étais en train de vous dire que je dispose de toutes

 27   ces coupures de presse, et je me suis servi de cette coupure de presse pour

 28   faire mes rapports dans l'affaire Galic, et puis pour écrire mes articles.


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  1   Q.  Est-ce que la question des principes constitutionnels était élaborée

  2   dans ce document ? Ou bien, fallait-il encore travailler là-dessus ?

  3   R.  D'après ce texte, je suis arrivé à la conclusion que les principes

  4   constitutionnels ont fait l'objet d'un accord, que les paraphes ont été

  5   apposés et que la seule question qu'il restait à résoudre, c'était la

  6   question territoriale.

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous maintenant agrandir la partie

  9   surlignée du texte.

 10   M. KARADZIC : [interprétation]

 11   Q.  Là, vous avez la déclaration d'un haut fonctionnaire du SDA, d'un

 12   député à l'assemblée, Irfan Ajanovic, qui dit que les Musulmans sont

 13   contents, ils sont même le plus contents de tous parce qu'ils allaient

 14   représenter 82 % dans leur unité constitutionnelle. Est-ce que cela voulait

 15   dire qu'il allait y avoir des minorités dans chaque unité constitutionnelle

 16   ?

 17   R.  Justement, je l'ai cité, celui-ci, cet auteur Ajanovic. Je l'ai fait à

 18   plusieurs reprises, peut-être même dans le rapport d'expert que je fais

 19   pour Galic. Et cela montre bien que les Musulmans ont tiré la plus belle

 20   part du gâteau. Ensuite, les Serbes et ensuite les Croates, parce que les

 21   Croates ne pouvaient pas disposer d'un territoire en continu, parce qu'il y

 22   en avait parmi eux qui habitaient en Bosnie en Posavina. Donc ils étaient

 23   contents, les Musulmans, et Irfan Ajanovic était le porte-parole. Il était

 24   autorisé à faire des déclarations au nom du parti. Lui, et personne

 25   d'autre.

 26   Q.  [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Docteur Karadzic, moi je parle pour

 28   moi-même, mais j'ai vraiment du mal à voir de quelle façon ceci m'aide pour


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  1   prendre des décisions concernant les points cruciaux dans l'acte

  2   d'accusation. Peut-être que mes collègues ne sont pas du même avis, mais je

  3   crains fort que j'aie raison.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, on est dans le cadre d'un

  5   contre-interrogatoire. Je réponds au contre-interrogatoire, et la page 49,

  6   M. Tieger avait contesté que ce plan a été accepté, paraphé, signé. Et le

  7   Pr Cavoski a cité un article de journal, mais je pense que ceci est très

  8   important pour votre jugement. Car si on sait que nous allions faire une

  9   minorité, et nous avions accepté cet accord, comment peut-on insinuer que

 10   l'on avait planifié les expulsions, le meurtre et le génocide ? Je vais

 11   faire référence à cela dans mes plaidoiries, mais pour l'instant je

 12   voudrais voir quel est le point de vue du Pr Cavoski. Est-ce quelque chose

 13   qui avait été prévu ?

 14   M. LE JUGE MORRISON : [interprétation] Tout d'abord, il a écrit un rapport

 15   bien détaillé et s'il s'agissait de facteurs qu'il fallait prendre en

 16   compte, ils auraient dû se trouver dans son rapport. Ensuite, je pense, et

 17   je pense que c'est encore plus important, un élément encore plus important,

 18   il s'agit là de points qu'il convient d'évoquer dans votre plaidoirie.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Et puis de plus, ce n'est pas de cela qu'il

 21   s'agissait dans le contre-interrogatoire. Il interprète mal mes propos.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 23   J'ai voulu tout simplement dire qu'Ajanovic avait dit lui-même que

 24   les Serbes, si jamais, s'ils refusaient ces plans, ils allaient être

 25   vraiment stupides et on allait clairement voir qui était opposé à l'Union

 26   européenne; cependant, c'est Ajanovic et son parti qui ont rejeté le projet

 27   une semaine plus tard, comme l'a indiqué à juste titre le Pr Cavoski, mais

 28   je veux parler d'autre chose.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Donc à la page 47, on vous a posé des questions sur la légitimité des

  3   transferts de la population. Vous avez parlé des différentes options. Est-

  4   ce que vous pouvez nous dire de quelle façon on a réorganisé les pays

  5   scandinaves en 1905 ?

  6   R.  La Norvège s'est séparée de la Suède en 1905. La langue norvégienne

  7   n'est pas la même langue que la langue suédoise. La Suède était un grand

  8   pouvoir tout comme le Danemark. Aujourd'hui c'est un facteur culturel, rien

  9   d'autre malheureusement. Les citoyens donc avaient le droit de choisir le

 10   pays dans lequel ils allaient vivre et la citoyenneté qu'ils allaient

 11   avoir, et tout cela s'est fait dans la paix, sans aucun problème majeur.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  A la page 46 ou 47, l'on vous a demandé si vous saviez que le Pr

 14   Koljevic s'est rendu chez le président Tudjman. Savez-vous à quel moment le

 15   Pr Koljevic y est allé, s'il y est allé en tant que vice-président de la

 16   Republika Srpska, ou bien en tant que membre de la présidence de Bosnie-

 17   Herzégovine ?

 18   R.  En ce qui concerne son statut, il n'a jamais cessé de faire partie de

 19   la présidence de Bosnie-Herzégovine. Cette position, il n'aurait pu la

 20   perdre qu'à l'occasion des élections qui n'ont pas eu lieu. De sorte que je

 21   pense que tous les membres de la présidence d'origine le sont restés et

 22   Biljana Plavsic a été remplacée, contrairement à la constitution,

 23   professeur Koljevic aussi. Cela étant dit, je ne sais pas à quel moment il

 24   est devenu le vice-président de la Republika Srpska. C'est au moment où

 25   l'on a modifié la constitution de la Republika Srpska, et c'est à ce

 26   moment-là qu'on a introduit donc le poste du président et des deux vice-

 27   présidents. Et c'est vrai que le droit constitutionnel est mon domaine de

 28   prédilection, mais je ne me souviens pas de ce détail.


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  1   Q.  Si je vous disais que Franjo Boras était avec lui, qu'il

  2   l'accompagnait, il s'agissait donc du membre croate de la présidence de

  3   Bosnie-Herzégovine, est-ce que cela vous aide à rafraîchir votre mémoire ?

  4   R.  Et bien, cela veut dire que cette visite s'est déroulée au moment où

  5   ils étaient tous membres de la présidence.

  6   Q.  Et à la page 46, on vous a demandé si vous saviez que nous avions

  7   demandé à avoir certains territoires où les Musulmans représentaient la

  8   majorité de la population. Et je vais vous poser la même question que j'ai

  9   posée au professeur Donia. Quand vous vous lancez dans les négociations,

 10   est-ce que l'on commence en proposant le prix le plus élevé pour céder ou

 11   bien est-ce qu'on fait l'inverse ?

 12   R.  Ecoutez, je n'ai jamais participé aux négociations internationales ou

 13   étatiques, mais je sais qu'il existe donc une stratégie de négociation et

 14   il est essentiel que l'autre partie n'est pas au courant de votre

 15   stratégie. Donc vous demandez toujours plus pour essayer d'obtenir ce qui

 16   est satisfaisant tout en ne descendant pas au-dessous d'un minimum. De

 17   sorte que tous les négociateurs au début des négociations demandent

 18   davantage, bien davantage, et ensuite ils se confrontent les uns les autres

 19   avec les incohérences de leurs demandes pour arriver à une solution

 20   raisonnable qui va quand même comprendre certains facteurs importants, à

 21   savoir au moins une certaine continuité dans le territoire, un partage

 22   équitable des minerais et des richesses naturelles et, ce qui est très

 23   important en Bosnie-Herzégovine, le partage de l'énergie électrique fait de

 24   façon équitable.

 25   Q.  Est-ce que vous savez si nous avons à aucun moment demandé à avoir le

 26   contrôle de certains territoires et si nous avions dit à l'époque que nous

 27   allions les conquérir par la force, ou bien est-ce que nous avons toujours

 28   prôné la solution de négociation ?


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  1   R.  Ecoutez, je n'ai jamais remarqué cela. Moi, j'ai toujours suivi la

  2   presse. J'étais très intéressé par cela, et je n'ai jamais vu un tel

  3   élément d'information.

  4   Q.  Et puis la troisième question, est-ce que vous pensiez que pour obtenir

  5   la paix nous étions même prêts à céder des parties importantes de notre

  6   territoire, des parties de territoire que nous contrôlions ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Et bien, je pense que les Juges savent très

  9   bien quelle est la nature de mon objection.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux reformuler.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Est-ce que vous saviez quelle a été notre attitude en ce qui concerne

 13   les questions territoriales depuis le début de la guerre ?

 14   R.  Depuis le début de la guerre, il été indiqué que les parties serbes

 15   étaient prêts à faire des concessions territoriales, donc à concéder nos

 16   terres aux Musulmans avant tout, mais aussi aux Croates dans une certaine

 17   mesure. Cela se sous-entendait, et c'est devenu clair au moment où l'armée

 18   de la Republika Srpska tenait 70 % du territoire de Bosnie-Herzégovine,

 19   alors que lors des accords de Dayton, seulement 40 % des territoires lui a

 20   été donné, avec une ruse, un tour qu'on lui a joué avec les cartes, de

 21   sorte qu'on lui a piqué encore de 200 mètres carré de territoire. Mais bon,

 22   on va parler de cela une autre fois.

 23   Q.  En ce qui concerne Sarajevo, la ville même de Sarajevo, est-ce que là

 24   nous nous sommes comportés comme des militaires victorieux ou bien est-ce

 25   que nous avons cédé certains territoires précieux de la ville ? Mais je

 26   vais reformuler ma question. Quelle est la situation à Sarajevo ?

 27   M. TIEGER : [interprétation] Et bien, il s'agit d'une objection multiple.

 28   Il dirige le témoin, il pose des questions qui dépassent la portée des


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  1   questions posées au moment du contre-interrogatoire. Et il continue, il

  2   persiste et signe dans ce comportement.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous me dire, Monsieur

  4   Karadzic, de quelle façon cela découle du contre-interrogatoire ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] A la page 46, on a dit au professeur Cavoski

  6   qu'il ne savait peut-être pas que moi j'ai demandé à avoir beaucoup de

  7   territoires, même le contrôle sur les territoires qui étaient habités par

  8   la population musulmane à majorité. Donc j'ai voulu vérifier avec lui ce

  9   qu'il sait sur le contrôle du territoire. C'est M. Tieger qui a commencé en

 10   posant cette question en premier.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quel rapport avec Sarajevo ?

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et bien, c'est justement à Sarajevo que nous

 13   avons cédé un certain nombre de municipalités dont nous avions le contrôle

 14   du point de vue militaire. Et M. Cavoski était un professeur à Sarajevo, et

 15   donc c'est un exemple. Je cite cela en guise d'exemple pour montrer comment

 16   nous avons cédé nos territoires.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez passer à un autre sujet.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'en ai fini de mes questions.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Je vous remercie, Professeur, d'avoir fait votre rapport d'expert.

 21   R.  Je vous remercie à vous aussi.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] A moins que mes collègues n'aient des

 23   questions pour vous, avec ceci se termine votre déposition, Professeur

 24   Cavoski. Je vous remercie d'être venu déposer à La Haye et vous pouvez

 25   disposer à présent.

 26   [Le témoin se retire]

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vu l'heure, nous n'allons pas convoquer

 28   le témoin suivant, mais il y a un point que je souhaite soulever. Les Juges


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  1   de la Chambre évoque les deux requêtes de l'accusé de verser des documents

  2   qui ont reçu la cote aux fins d'identification et qui ont été déposés le 25

  3   mars et le 2 avril 2013, et l'Accusation a déposé sa réplique les 5 et 10

  4   avril respectivement. Avant que de donner notre décision en la matière, les

  5   Juges de la Chambre relèvent qu'il y a des problèmes quant à deux des

  6   pièces versées dans ces requêtes. La Chambre note tout d'abord que ces

  7   questions ont déjà été soulevées au prétoire lorsque le document a été

  8   versé pour la première fois, l'original B/C/S qui a été téléchargé au

  9   prétoire électronique avec une cote MFI D2800, il contient des pages qui ne

 10   semblent pas correspondre au même document.

 11   De plus, la traduction anglaise téléchargée au prétoire électronique pour

 12   la pièce ayant reçu la cote aux fins d'identification MFI 2800 ne

 13   correspond pas à l'original et, d'ailleurs, semble être une traduction de

 14   la pièce D2801.

 15   Et enfin, les Juges de la Chambre relèvent que pour la pièce ayant reçu la

 16   cote MFI D3061, la traduction anglaise téléchargée au prétoire électronique

 17   n'est que de deux pages, alors que l'original est de huit pages, et les

 18   Juges de la Chambre ont donc décidé d'en accepter le versement dans son

 19   intégralité. Les Juges de la Chambre demande à la Défense de télécharger

 20   les documents originaux et les traductions idoines, et ce, pour les pièces

 21   suscitées, et ce d'ici mercredi, 17 avril 2013.

 22   A moins qu'il n'y ait d'autres questions, l'audience est levée. Lundi nous

 23   reprenons par M. Galic ?

 24   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Lundi.

 26   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Lundi.

 27   --- L'audience est levée à 14 heures 45 et reprendra le lundi, 15 avril

 28   2013, à 9 heures 00.