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1 Le jeudi 13 juin 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous.
7 Bonjour, Monsieur Harvey.
8 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
9 Madame, Messieurs les Juges. J'aimerais vous présenter Nina Pileva [comme
10 interprété], qui est derrière le pilier, elle de Skopje en Macédoine, et
11 cela fait six mois qu'elle fait partie de mon équipe. Elle est étudiante à
12 l'Université d'Amsterdam et est une linguiste très accomplie, qui nous
13 apporte son concours en matière de traduction.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
15 Madame McKenna, veuillez poursuivre.
16 Mme McKENNA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 LE TÉMOIN : JOVAN IVANOVIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 Contre-interrogatoire par Mme McKenna : [Suite]
20 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Ivanovic.
21 R. Bonjour.
22 Q. Dans le paragraphe 25 de votre déclaration, vous déclarez :
23 "Je puis affirmer avec un degré élevé de certitude que dans cette période
24 de chaos, les dirigeants serbes de la région n'avaient pratiquement aucun
25 contact avec les dirigeants de Pale."
26 Mais, dans votre déposition dans l'affaire Grujic, vous avez déclaré que
27 vous n'étiez pas certain des voies de circulation routière existant entre
28 Zvornik et Pale entre les mois d'avril et juillet de cette année-là.
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1 Maintenez-vous votre déposition de l'époque aujourd'hui, à savoir que vous
2 n'étiez pas sûr de la nature des routes qui étaient ouvertes dans cette
3 période ?
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Observation.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi ? Oui, Monsieur Karadzic,
6 vous avez des objections ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. En effet, ce qui a été dit à Belgrade est
8 exactement la même chose que ce que témoin a dit ici, à savoir qu'il n'a
9 pas dit : "Je ne suis pas sûr de savoir s'il existait des routes ouvertes",
10 mais il a dit : "Je ne suis pas sûr qu'il y en ait eu. Alors, il y a léger
11 glissement de sens dans ce qui vient d'être dit ici. Je ne suis pas sûr que
12 vous me suiviez, peut-être pourrions-nous voir la déclaration du témoin à
13 Belgrade.
14 Mme McKENNA : [interprétation] Certainement. Je demande l'affichage du
15 document 65 ter numéro 25093.
16 Q. Il s'agit, Monsieur Ivanovic, de la transcription écrite de votre
17 déposition à Belgrade.
18 Mme McKENNA : [interprétation] La page qui m'intéresse, c'est la page 37 de
19 la version anglaise, correspondant à la page 26 de la version en B/C/S.
20 Q. Monsieur Ivanovic, le passage qui nous intéresse est en bas de page de
21 la version anglaise. Le juge qui préside la chambre vous pose la question
22 suivante :
23 "Etait-il possible que l'on puisse emprunter une route pour aller à Pale
24 avant l'arrivée à Karisik ?"
25 Et vous répondez :
26 "Eh bien, je ne sais pas. Dans les premiers jours, les gens étaient
27 concentrés sur leur sort personnel."
28 Et un peu plus loin, vous ajoutez :
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1 "Non, pas pendant les premiers jours durant les mois de mai et de juin", et
2 maintenant je pense qu'il faut passer à la page suivante, où vous dites :
3 "C'étaient les tous premiers jours. Je ne sais pas quelles routes étaient
4 disponibles. Je ne sais pas. Je ne suis pas tout à fait sûr."
5 Et un peu plus loin, vous ajoutez :
6 "Je ne sais pas. Je ne sais pas quelles voies de communication il y avait."
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions voir la version
8 serbe, de la page en serbe, je vous prie, à l'écran.
9 Mme McKENNA : [interprétation] Je crois qu'il s'agit de la page 26 dans la
10 version serbe.
11 Q. Monsieur Ivanovic, est-ce que vous avez eu la possibilité de relire
12 votre déposition précédente ?
13 R. Oui.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je prierais que l'on affiche à l'écran la page
15 pertinente dans la version serbe.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ivanovic, est-ce que vous avez
17 réussi à lire la partie pertinente du compte rendu d'audience dans votre
18 langue ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui, non. Mais il m'est arrivé d'en
20 prendre connaissance par le passé. Cela étant, je ne sais pas quelle est
21 exactement la question qui m'est posée.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'aimerais que la partie du texte
23 pertinent soit montrée au témoin. Je ne peux pas vous aider en la matière,
24 Monsieur Karadzic.
25 Mme McKENNA : [interprétation] M. Karadzic pourrait peut-être nous dire où
26 se trouve la partie du texte pertinent. Je crois que c'est en page 26.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cela ne figure pas dans cette page. Il faudrait
28 peut-être tourner les pages. Moi, je n'ai aucun moyen de tourner les pages
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1 à l'écran, ou alors j'aurais besoin d'un exemplaire papier. Peut-être
2 pourrait-on en imprimer quelques pages. Peut-être, pourrait-on revenir à la
3 page précédente. Je crois que c'est peut-être à la page 25. Oui, oui, c'est
4 là, en haut de la page. C'est une réponse à une question qui est sans doute
5 à la page précédente. Donc, vous pouvez lire à partir du haut de la page.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
7 Madame McKenna, pourriez-vous reposer votre question.
8 Mme McKENNA : [interprétation] Certainement.
9 Q. Monsieur Ivanovic, si vous avez eu l'occasion de relire votre
10 déposition, j'aimerais vous demander si vous maintenez la déposition que
11 vous avez faite dans l'affaire Grujic, à savoir que vous ne savez pas quel
12 genre de voies de circulation il y avait entre Zvornik et Pale entre les
13 mois d'avril et juillet 1992 ?
14 R. Oui, je peux confirmer aujourd'hui que je ne sais pas exactement
15 quelles étaient toutes les routes existantes, mais je dirais que circuler
16 était particulièrement difficile dans cette période car il y avait des
17 problèmes de sécurité, et pendant les premiers mois, je ne suis jamais allé
18 à Pale à cause de cela.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher la page précédente à l'écran,
20 la page 24 ?
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous pouvez aborder
22 ces questions dans vos questions supplémentaires.
23 Poursuivons.
24 Mme McKENNA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Hier, après avoir indiqué que vous aviez été frappé, vous vous êtes
26 écarté des responsabilités municipales, de l'armée, et des paramilitaires.
27 Ceci figure en page 39 868 du compte rendu d'audience. Donc, Monsieur
28 Ivanovic, vous n'êtes pas réellement en mesure d'attester des
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1 communications existantes ou des contacts que les dirigeants serbes locaux
2 avaient avec les dirigeants de Pale après que la guerre a éclaté, n'est-ce
3 pas ?
4 R. Je n'ai pas tout à fait bien entendu la fin de la bouche de
5 l'interprète, mais je comprends votre question. Ah, oui, oui. Eh bien,
6 voyez-vous, il est exact --
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, dans ce cas, je vais demander à
8 Mme McKenna de répéter sa question, et en particulier la dernière partie de
9 sa question.
10 Mme McKENNA : [interprétation]
11 Q. Monsieur Ivanovic, convenez-vous que vous n'êtes pas en capacité de
12 témoigner des contacts que les dirigeants serbes locaux avaient avec les
13 dirigeants de Pale à partir du moment où la guerre a éclaté ?
14 R. Oui, je peux l'affirmer dans ma déposition, car je n'étais pas
15 directement au gouvernement. J'avais des responsabilités commerciales, mais
16 ce n'étaient pas des responsabilités d'une nature absolument identique à
17 celles qui incombent aux responsables du gouvernement.
18 Q. Merci.
19 Mme McKENNA : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
20 Juges, je remarque que je m'approche de la fin du temps qui m'est imparti,
21 et j'aimerais vous demander, si vous le voulez bien, de m'accorder
22 éventuellement 15 minutes supplémentaires. Je comprends qu'il s'agit d'un
23 temps supplémentaire, mais j'aimerais tout de même aborder avec le témoin
24 un certain nombre d'autres sujets qui sont pertinents.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vous pouvez poursuivre, Madame
27 McKenna.
28 Mme McKENNA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Q. Dans le paragraphe 28 de votre déclaration, Monsieur, vous dites que
2 c'est uniquement après l'arrestation des paramilitaires à la fin du mois de
3 juillet qu'un grand nombre de crimes commis par ces paramilitaires ont été
4 découverts. Alors, j'aimerais évoquer la connaissance que vous pouviez
5 avoir éventuellement des crimes commis. Vous avez parlé de cela dans vos
6 déclarations précédentes, ainsi que lorsque vous avez témoigné dans
7 l'affaire Grujic. Encore une fois, j'aimerais que vous vous concentriez sur
8 les questions que je vous pose, et je vous demanderais d'y répondre
9 succinctement, par oui ou par non, chaque fois que c'est possible. Tous ces
10 sujets ont déjà fait l'objet de vos dépositions ou de déclarations faites
11 par vous par le passé.
12 Alors, d'abord j'aimerais que nous parlions de l'école technique Karakaj.
13 Monsieur Ivanovic, vous saviez qu'à l'époque il y avait des personnes
14 détenues dans les locaux de cette école de Karakaj, n'est-ce pas ?
15 R. Dans quelle période ? Vous avez dit "à cette époque-là", mais je ne
16 sais pas de quelle époque vous parlez.
17 Q. Vous saviez qu'entre les mois d'avril et de juillet 1992, donc avant
18 l'arrestation des paramilitaires, vous saviez qu'il y avait des personnes
19 qui étaient détenues dans le centre technique de Karakaj, n'est-ce pas ?
20 R. J'en avais vaguement entendu parler, autrement dit, il ne s'agissait de
21 rien de concret, ce n'était rien de sûr. C'était simplement des bruits que
22 j'avais entendu transmettre par des gens qui travaillaient à l'usine.
23 Q. Vous avez entendu dire ou vous saviez que parmi les détenus se
24 trouvaient des hommes de Djulici, pour certains, anciens salariés de votre
25 entreprise, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Et vous avez entendu parler des meurtres qui ont eu lieu au centre
28 technique de Karakaj deux ou trois jours après que ces meurtres ont été
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1 commis, n'est-ce pas ?
2 R. Je n'en suis pas sûr. J'en ai entendu parler, mais combien de jours
3 après, je n'en suis pas sûr.
4 Q. Mais vous admettez que vous en avez entendu parler dans les quelques
5 jours qui ont suivi ?
6 R. Je ne sais pas, vraiment.
7 Mme McKENNA : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche une nouvelle
8 fois à l'écran la déposition de M. Ivanovic dans l'affaire Grujic, et cette
9 fois-ci, c'est la page 23 de la version anglaise correspondant à la page 16
10 et à la page 17 de la version en B/C/S qui m'intéresse.
11 Q. Monsieur Ivanovic, en rapport avec les villageois de Djulici, vous avez
12 dit :
13 "Il est bien connu que des hommes ont été amenés à l'école, au centre
14 supérieur de Karakaj, alors que les femmes et les enfants sont allés à
15 Tuzla, je suppose."
16 On vous pose la question suivante :
17 "Quand est-ce que vous avez entendu parler de cela, après combien de jours
18 en avez-vous entendu parler ?"
19 Et vous répondez :
20 "Eh bien, je ne sais pas exactement, mais c'était dans cette période. Est-
21 ce que c'étaient deux ou trois jours après les événements, je ne sais pas."
22 On vous demande à quel moment ces personnes ont été tuées et à quel moment
23 vous en avez entendu parler, et vous dites :
24 "Exact."
25 Et un peu plus loin, vous ajoutez :
26 "Il s'agissait simplement de bruits qui circulaient dans les rues. Les gens
27 ne parlaient que de ça."
28 Donc, vous admettez, comme vous l'avez dit précédemment dans votre
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1 déposition, que peu après que les meurtres ont été commis, vous en avez
2 entendu parler ?
3 R. Oui, oui. Les questions qu'on me posait à cette époque-là correspondent
4 assez bien à celles que vous me posez aujourd'hui. J'ai dit que je ne
5 savais pas si j'en avais entendu parler, un, deux, ou trois jours après,
6 mais c'était à peu près cela, et les réponses que je fournis aujourd'hui
7 sont les mêmes que celles que j'ai fournies à l'époque. Je ne sais pas
8 combien de jours après j'en ai entendu parler, si c'étaient deux, trois ou
9 cinq jours après, mais en tout cas, c'était très peu de temps après les
10 événements.
11 Q. Je vous remercie. Et les gens disaient que 700 à 800 hommes avaient été
12 détenus dans ce centre technique et y avaient été tués. Est-ce que ce n'est
13 pas cela qui se disait à l'époque ?
14 R. Non, personne ne parlait de chiffres. Personne ne parlait de 700 à 800
15 personnes. C'est seulement plus tard que nous avons appris par les médias
16 qu'un certain nombre de personnes étaient concernées, et c'est dans ces
17 conditions que j'ai eu connaissance d'un chiffre. Personne ne savait
18 combien de personnes avaient été tuées à cette époque-là, il ne s'agissait
19 que de propos rapportés. Je n'avais véritablement aucune information en
20 bonne et due forme à ce sujet. Je ne me suis jamais rendu aux abords de
21 l'école. Je restais à l'écart de tous ces crimes. J'en avais peur. Ce
22 n'était pas normal pour les gens. C'étaient des événements tout à fait
23 anormaux. Je ne sais pas comment vous expliquer cela. J'ai déjà dit : "Dieu
24 me garde que vous vous retrouviez dans de telles circonstances, parce que
25 c'est seulement dans ces cas-là qu'on peut réellement comprendre. C'était
26 une guerre et les choses étaient loin d'être normales. Les choses étaient
27 incontrôlées. C'est notamment le cas dans une guerre de religion ou une
28 guerre ethnique comme celle dont nous parlons.
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1 Q. Merci, Monsieur Ivanovic. Encore une fois, je vous demanderais de vous
2 concentrer précisément sur les questions que je vous pose et de nous dire
3 simplement ce que vous saviez ou avez entendu dire à cette époque-là.
4 Parlons de la maison de la culture de Celopek. Encore une fois, vous avez
5 entendu dire à l'époque qu'il y avait des personnes détenues dans la maison
6 de la culture de Celopek, n'est-ce pas ?
7 R. Oui.
8 Q. Et vous avez entendu dire que ces détenus venaient de Divici et de
9 Djulici, ainsi que de Zvornik, n'est-ce pas ?
10 R. Je ne suis pas sûr que je savais qu'ils venaient de Djulici, parce que
11 je pense que les bruits qui circulaient étaient que les gens originaires de
12 Djulici étaient détenus à Karakaj, alors qu'à Celopek, c'étaient des gens
13 de Divici. C'est ce que j'ai en mémoire au jour d'aujourd'hui. Je ne me
14 rappelle pas exactement ce que j'ai pu dire à ce sujet par le passé. Il est
15 possible qu'il y soit trouvé des gens de Djulici, mais je ne me rappelle
16 pas exactement, je ne sais pas. Je sais qu'il y avait des gens dans cette
17 maison de la culture. Il m'arrivait de passer près de la maison de la
18 culture. Il y avait devant la maison de la culture des gardes, mais je n'ai
19 jamais vu de détenus. Ils étaient à l'intérieur. Mais quand je passais
20 devant, dans un sens et dans l'autre, je voyais les gardes.
21 Q. Mais vous avez entendu dire à l'époque que les détenus étaient
22 maltraités et que certains étaient tués dans cet endroit, n'est-ce pas ?
23 R. Oui. J'ai entendu des histoires de ce genre. On parlait de personnes de
24 mauvaise réputation qui se trouvaient à l'intérieur et qui frappaient les
25 gens, qui les soumettaient à diverses formes d'exactions. Je ne sais pas.
26 Il est possible que des personnes aient été tuées, mais je n'ai rien
27 entendu de précis. Les gens parlaient simplement.
28 Q. Et les gens parlaient du fait que des meurtres avaient été commis à
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1 l'abattoir de Gero, n'est-ce pas ?
2 R. J'en ai entendu parler plus tard. Mais croyez-moi, au jour
3 d'aujourd'hui encore, je ne sais pas ce qu'était cet abattoir. C'est un
4 endroit que je ne connais pas. Mais plus tard, beaucoup de temps plus tard,
5 j'ai entendu parler d'un abattoir, oui. Un abattoir dans lequel, pendant la
6 Seconde Guerre mondiale, un grand nombre de Serbes avaient été tués, et
7 donc il s'agissait d'une certaine façon d'une vengeance. Je ne sais pas
8 grand-chose au sujet de cet abattoir, mais j'ai dit plus tard avoir entendu
9 dire que des meurtres y avaient été commis, sans connaître le moindre
10 détail à ce sujet.
11 Q. D'accord. J'aimerais que nous passions maintenant à ce que vous saviez
12 des événements survenus en juillet 1995. Au paragraphe 31 de votre
13 déclaration, vous parlez des combats qui se déroulaient dans la
14 municipalité de Zvornik, et vous dites avoir entendu dire qu'un grand
15 nombre de soldats musulmans étaient morts au cours des combats. Alors, dans
16 votre entretien avec les représentants du bureau du Procureur le 13 octobre
17 2000, qui a été enregistré grâce à des moyens audio, vous fournissez des
18 détails complémentaires au sujet de ce que vous avez entendu dire à
19 l'époque par rapport au fait que des Musulmans auraient été tués dans votre
20 secteur. Je vais donc vous demander de confirmer certains détails.
21 Il est exact, n'est-ce pas, que vous avez entendu des rumeurs au
22 sujet d'autobus à bord desquels se trouvaient des personnes qui ont
23 traversé les villages de votre secteur ? Ces personnes à l'intérieur des
24 autobus avaient les mains derrière la nuque et ont été amenés dans les
25 écoles de Rocevic et de Pilica, n'est-ce pas ?
26 R. Oui, j'ai entendu des rumeurs. Parfois, j'ai même vu certains de ces
27 autobus qui se dirigeaient vers Batkovici. Certaines personnes disaient
28 qu'il y avait dans la municipalité de Bijeljina, un endroit que je n'ai
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1 jamais vu, et ils disaient qu'on y amenait des détenus. Je ne sais pas d'où
2 venaient ces détenus. Quant aux écoles et aux rapports des écoles avec les
3 détenus, eh bien, les gens disaient que des Musulmans étaient amenés dans
4 ces villages et qu'il y avait eu des meurtres. Oui, il y avait des
5 histoires qui circulaient. J'ai entendu certaines de ces histoires. J'ai
6 entendu des gens dire qu'on amenait des personnes dans ces écoles et qu'on
7 retrouvait des corps.
8 Q. Par exemple, dans des gravières, à Kozluk et à l'école de Pilica, même,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Je ne suis pas sûr de ce qui s'est passé à l'école de Pilica. D'après
11 ce que j'ai entendu, les gens n'étaient pas tués là, mais emmenés à la
12 maison de la culture, comme on l'appelait, mais ce n'était pas vraiment une
13 maison de la culture. C'était plutôt une coopérative, comme les communistes
14 en construisaient, des coopératives agricoles et on y mettait une école. Je
15 ne me rappelle pas exactement de l'endroit dont vous parlez.
16 Q. Je vais vous donner lecture d'un passage d'une de vos dépositions
17 précédentes pour vous rafraîchir la mémoire.
18 Mme McKENNA : [interprétation] Pour les parties présentes dans la salle,
19 j'indique qu'il s'agit du document 65 ter numéro 25214, page 13.
20 Q. Vous dites :
21 "J'ai passé deux mois très difficiles. J'ai entendu des histoires terribles
22 qui concernaient des meurtres. Ces histoires circulaient à l'époque. Il
23 était question de meurtres commis à l'école de Pilica, de certaines
24 personnes dont les corps avaient été jetés dans des puits longeant la
25 rivière Drina. Voilà ce dont j'ai entendu parler. L'enfouissement,
26 l'ensevelissement des cadavres était gardé secret, parce que c'était devenu
27 un centre d'intérêt pour diverses organisations internationales."
28 Est-ce que ceci vous rafraîchit la mémoire quant aux bruits dont vous nous
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1 avez entendu parler au sujet de meurtres commis dans l'école de Pilica ?
2 R. Oui, oui, à l'époque, je pensais que c'était dans l'école, mais ce
3 n'était pas vraiment le cas. C'était en fait dans le bâtiment de la
4 coopérative. C'est ce que j'ai appris plus tard. Mais enfin, ça ne fait pas
5 une grande différence, parce qu'il n'y a qu'un kilomètre ou deux entre les
6 deux bâtiments. Donc, cela ne s'est pas véritablement passé dans l'école,
7 mais -- enfin, pendant un certain temps, ils ont été dans l'école, et
8 ensuite on les a déplacés vers la coopérative, parce que l'école était sans
9 doute trop petite, je suppose.
10 Q. Convenez-vous que les meurtres qui ont été commis dans votre région,
11 c'est-à-dire dans votre village et aux alentours, à Kozluk et à Pilica
12 étaient connus par tous à l'époque ?
13 R. Mon village n'est pas Kozluk. C'est un autre village. Mais enfin, ça
14 n'a pas d'importance. Vous dites que ces meurtres étaient connus par le
15 public. Eh bien, à l'époque, rien n'était connu par le public. Mais les
16 gens qui habitaient près de ces écoles, près de ces bâtiments étaient au
17 courant et ils parlaient. Chez les Serbes, voyez-vous, on ne peut jamais
18 garder un secret, parce que les Serbes parlent aux uns et aux autres. La
19 population, le peuple, parle et les choses se savent toujours.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu d'audience.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 23 du compte rendu, il y a une erreur de
23 transcription. Dans la question, il est question de connaissance par le
24 public, au compte rendu d'audience, il est indiqué que le témoin aurait
25 répondu "Je ne sais pas". Or, il n'a pas dit je ne sais pas, il a dit que
26 ces faits n'étaient pas connus par le public.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je répète encore maintenant, ils
28 n'étaient pas connus par le public.
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1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A la fin de votre réponse,
2 Monsieur Ivanovic, voici ce que vous dites :
3 "Vous ne pouvez rien cacher du peuple serbe. Les Serbes parlent de tout
4 genre de choses, des choses dont ils sont supposés, les choses dont ils ne
5 sont pas supposés parler. Et au bout de quelques années, il est sûr que
6 vous arrivez à apprendre la vérité en parlant avec le peuple serbe."
7 Je ne comprends pas exactement de quoi vous parlez. Pouvez-vous nous
8 expliquer ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, ces deux Serbes, ces disputes, vous
10 pouvez être sûrs qu'ils vont raconter des histoires l'un au sujet de
11 l'autre. Hier, le Procureur m'a demandé ce que j'ai dit au sujet de Brano
12 Grujic, au moment où on a parlé des les journaux, sur "Sky News", et
13 cetera. Et comme à l'époque, on n'était pas en bons termes, alors j'ai
14 essayé de me venger un peu, comment dire. Et donc, j'ai dit, bon, je
15 présente mes excuses à Brano Grujic, parce que je ne le savais pas
16 vraiment, je ne l'ai pas entendu, je ne l'avais pas lu.
17 Et vous m'avez posé la question au sujet de Srebrenica, vous savez, là-bas,
18 il y a une histoire qui circule au sujet de Srebrenica, qu'un certain
19 nombre de personnes qui s'est rendu a été enfermé dans ces installations.
20 Et un grand nombre de personnes ont continué à poursuivre leur chemin vers
21 le territoire musulman. Et là, il y a eu des combats, beaucoup de Musulmans
22 se sont fait tuer, mais beaucoup de Serbes aussi. La plupart des jeunes
23 hommes de mon village se sont fait tuer ce jour-là, justement, à ce moment-
24 là. En un jour, il y a eu trois enterrements.
25 Et moi, ce que j'ai entendu dire, c'est que s'ils s'étaient tous
26 rendus d'un coup, personne n'aurait été tué. Mais comme ce jour-là beaucoup
27 de Serbes se sont fait tuer, il y a eu des actes de vengeance, ces jeunes
28 hommes ont voulu se venger. Et le peuple serbe aime la liberté, ils n'ont
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1 jamais fait des choses comme ça dans leur histoire. Et nous, la population
2 du cru serbe de la région de Srebrenica et toute la population de la
3 Republika Srpska voudraient que l'on détermine exactement qui a été
4 l'auteur de ces meurtres.
5 Parce que peut-être que j'ai été trop rapide, mais le peuple serbe
6 est un peuple qui aime la liberté, et il n'a jamais commis de crimes dans
7 l'histoire. Et c'est pour cela qu'il nous importe que l'on fasse la lumière
8 sur ces crimes qui ont été commis après la chute de Srebrenica.
9 Et puis, je voudrais ajouter quelque chose, parce que je suis un
10 Serbe, et en tant que Serbe, je voudrais vous demander, Messieurs les
11 Juges, de faire la lumière aussi sur les meurtres des civils serbes à
12 Sarajevo, parce que le même nombre de Serbes a été tué à Sarajevo, des
13 civils serbes, que le nombre de civils musulmans tués à Srebrenica. Et
14 jamais personne n'a essayé de voir ce qui s'est passé vraiment là-bas.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas sûr de vous suivre,
16 Monsieur Ivanovic. Donc vous dites : "Si deux Serbes se disputent, ils vont
17 essayer de mentir l'un au sujet de l'autre."
18 Quand on parle de Srebrenica, pourriez-vous nous dire ce qui est vrai, ce
19 qui est faux, Monsieur Ivanovic ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais, peut-être que vous ne m'avez pas très
21 bien compris. Moi, je n'ai pas dit qu'il y a eu vraiment des mensonges, je
22 n'ai pas parlé de mensonges, parce que moi tout ce que j'ai dit, bon, je ne
23 l'ai pas vu à chaque fois, je l'ai entendu dire plutôt. Mais si ce que j'ai
24 entendu dire, et je n'ai pas dit que des choses dont j'ai entendu dire, et
25 si c'est important de savoir ce que l'on parle là-bas, ce qu'on dit là-bas,
26 si c'est important pour établir la réalité, eh bien, je vous dis que ce que
27 l'on dit là-bas, c'est que la plupart des gens ne sont pas rendus, et c'est
28 pour cela qu'ils se sont fait tuer au cours des combats. Mais après, des
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1 Serbes se sont fait tuer, et ceux qui ont perdu leurs proches, ils se sont
2 vengées contre les personnes emprisonnées.
3 Je sais que ce n'est pas acceptable, mais cela s'est produit. Qui a
4 fait cela et pourquoi, eh bien, à nouveau, je ne peux que vous parler de
5 deuxième main. Mais je suis sûr que le président Karadzic ne l'a jamais
6 fait, j'en suis sûr à 100 % et à 101 %. Bon, 101 %, ça n'existe pas, je
7 suis quand même un technicien. Donc, à 100 %, je suis sûr qu'il n'a pas
8 pris part à cela. On sait dans quelle mesure il a fait des efforts. On sait
9 comment il a agi. Mais il serait bien pour nous tous, pas seulement pour M.
10 Karadzic, pour nous tous dans la Republika Srpska de voir qui exactement a
11 donné l'ordre pour tout cela. Parce que, vous savez, là-bas on parle même
12 de complots internationaux. Alors, je ne sais pas où est la vérité. Mais
13 j'ai vu des émissions, j'ai vu des documentaires produits à l'Ouest, où on
14 parle justement des facteurs internationaux.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y, Madame McKenna.
16 Mme McKENNA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Ivanovic.
18 Mme McKENNA : [interprétation] Eh bien, je voudrais aborder un point très
19 bref, mais à huis clos.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Est-ce qu'on peut passer à
21 huis clos partiel.
22 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,
24 Madame McKenna.
25 Mme McKENNA : [interprétation] Merci.
26 Q. Monsieur Ivanovic, donc dans votre déclaration, la déclaration que vous
27 avez fournie à la Défense, le récit des événements est un peu différent du
28 récit des événements dans vos déclarations précédentes, celles que vous
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1 avez fournies au bureau du Procureur. Donc, après avoir parlé avec le
2 bureau du Procureur, il y a eu des rumeurs à Zvornik --
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais quelle est la raison pour le huis
4 clos partiel ?
5 Mme McKENNA : [interprétation] Eh bien, vous allez le comprendre, Monsieur
6 le Président, avec tout le respect.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, continuez.
8 Mme McKENNA : [interprétation]
9 Q. Donc, après que vous avez eu votre entretien avec le bureau du
10 Procureur, il y a eu des rumeurs à Zvornik indiquant que vous avez parlé
11 avec le bureau du Procureur et que vous leur avez dit des informations au
12 sujet de gens que vous n'étiez pas censé donner; est-ce exact ?
13 R. Non, c'est absolument faux.
14 Mme McKENNA : [interprétation] Je vais demander que l'on voit la pièce 65
15 ter 25117.
16 Q. Monsieur Ivanovic, il s'agit là de votre déclaration du mois de mars
17 2002.
18 Mme McKENNA : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est la page 11 en
19 anglais, et la page 16 en B/C/S.
20 Q. Donc dans le dernier paragraphe de votre déclaration, vous dites :
21 "Pour l'instant, je ne suis pas prêt à déposer à cause de ma famille et à
22 cause des problèmes liés à la sécurité, mais le bureau du Procureur peut
23 utiliser ma déclaration en tant que moyen de preuve. J'ai parlé avec les
24 enquêteurs du bureau du Procureur l'année dernière, et ensuite il y a eu
25 des rumeurs dans la ville indiquant que j'avais dit des choses aux
26 enquêteurs que j'aurais pas dû donner au sujet de certaines personnes."
27 Pourriez-vous confirmer pourquoi vous avez dit cela ? Parce que là, vous
28 voyez que vous avez paraphé cette page ?
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1 R. Je vais vous dire pourquoi j'ai dit cela, parce que j'étais en conflit
2 avec certains policiers à côté de la Drina, c'était la mafia, pas de la
3 police. Je ne le savais pas à l'époque. Je le sais au jour d'aujourd'hui.
4 Et j'avais peur de ces gens-là. Et c'est dans ce contexte-là que je l'ai
5 dit. Ce n'est pas ce que vous pensez, ce n'est pas ce que vous insinuez.
6 Q. Monsieur Ivanovic, moi, je vous ai dit qu'il est dans votre intérêt de
7 déposer publiquement aujourd'hui en donnant la version des événements qui
8 est favorable à M. Karadzic.
9 R. Oui, je vous comprends, je comprends cela. Je ne vois pas pourquoi vous
10 me posez la question.
11 Q. Je vous demande si cela serait plus facile pour vous si on voyait là-
12 bas en train de déposer en public de façon favorable pour la Défense de M.
13 Karadzic ?
14 R. Mais non, absolument pas. Moi, j'ai toujours parlé publiquement. Je
15 n'ai jamais demandé à être protégé. Je n'ai jamais eu peur de ce que j'ai
16 dit. Mais il est arrivé que les enquêteurs me posent des questions pendant
17 cinq, six heures. Vous savez, ils sont vraiment ennuyants, ils vous posent
18 des questions, vous ne connaissez pas la réponse. J'ai dit cinq fois je ne
19 sais pas, et puis la sixième fois, vu que je ne suis pas un juriste de
20 formation, eh bien, j'ai dit quelque chose que j'aurais pas dû dire, et là,
21 ils étaient même pas corrects, ces enquêteurs, parce que souvent je n'étais
22 même pas capable de lire ces déclarations, et moi je ne supporte pas cela,
23 je n'ai jamais pu faire cela. Donc, qu'est-ce que je fais, je signe la
24 déclaration sans la relire parce que j'en ai marre. Moi, je n'aime pas les
25 juristes, moi je suis un type pratique, efficace. Je n'aime pas les
26 juristes. Je n'ai rien à cacher, je n'ai pas besoin d'être protégé. Vous
27 n'avez besoin d'aucun paravent, vous n'avez pas besoin de baisser les
28 stores pour moi.
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1 Q. Merci, Monsieur Ivanovic.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais je ne suis pas. Pourquoi nous
3 avions besoin d'être à huis clos. Parce que cette déclaration a été faite
4 en public ?
5 Mme McKENNA : [interprétation] C'était vraiment par prudence, par excès de
6 prudence pour assurer la sécurité du témoin en réalité.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ivanovic, vous n'avez pas
8 besoin -- cela ne vous pose pas problème que l'on dise en public ce que
9 vous -- que vous répétiez en public ce que vous venez de dire au bureau du
10 Procureur, que ceci soit communiqué au public, que ceci ne reste pas
11 confidentiel ? Autrement dit, est-ce que cela vous pose problème que vos
12 derniers propos soient rendus publics, les réponses que vous avez données à
13 Mme McKenna ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien sûr qu'il faut que le public ait
15 accès à tout ce que j'ai dit, aujourd'hui comme hier.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va repasser en audience publique.
17 [Audience publique]
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
19 Mme McKENNA : [interprétation]
20 Q. Merci, Monsieur Ivanovic. Je n'ai pas d'autres questions.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame McKenna.
22 Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez des questions supplémentaires ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui. Bonjour, Monsieur le Président,
24 Madame, Messieurs les Juges.
25 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
26 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Ivanovic.
27 R. [aucune interprétation]
28 Q. Je vais vous demander de respecter un temps de pause entre mes
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1 questions et vos réponses. Et puis, je vais commencer par les dernières
2 questions que l'on vous a posées.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et je vais demander que l'on montrer la pièce
4 P6403 et qu'on montre cette pièce dans le système de prétoire électronique.
5 Page 16 -- ou plutôt, page 17.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. On vous a posé la question, Monsieur Ivanovic --
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est là. Page 17 -- 16 et 17. Attendez un
9 instant.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Donc, voilà, on dit à peu près 800 [comme interprété] personnes, mais
12 passez à la page suivante. On vous a demandé si c'était quelque chose qui
13 était accessible pour le public --
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais attendez que l'on ait la version
15 anglaise du document.
16 Pouvez-vous nous donner le numéro de la page en anglais ?
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, je suis désolé. Mais Mme McKenna avait
18 déjà montré cela. En serbe, c'est la page 16 et ensuite, suivi de la page
19 17; 24 en anglais. C'est la page 24. Voilà, c'est bien cela. Donc, la page
20 suivante dans les deux langues, s'il vous plaît.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Monsieur Ivanovic, veuillez nous donner lecture de la deuxième réponse
23 en partant d'en haut.
24 R. "Eh bien, je vais vous dire, ces choses n'ont pas été faites par -- on
25 n'a pas fait de la pub autour de cela, on n'a pas fait cela publiquement.
26 Tout cela a été fait en secret. Personne n'était au courant de ça."
27 Q. Merci.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Je voudrais confirmer à
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1 nouveau que le compte rendu d'audience qui est la partie de l'audience
2 enregistrée à huis clos partiel tout à l'heure devrait être rendu public.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges ce que veux dire EPP ?
6 R. EPP, cela veut dire la pub, programmes publicitaires. Autrement dit --
7 donc, ces choses-là ne se faisaient pas dans le public, à la lumière du
8 jour. On ne s'en vantait pas. On n'exploitait pas cela. Donc, ensuite, j'ai
9 ajouté : Je suppose que tout cela était fait en secret, que personne ne
10 savait où ces choses se sont produites et comment, mis à part les auteurs,
11 évidemment. Parce que c'est une opération secrète, comment dire.
12 Q. Merci. Est-ce que au jour d'aujourd'hui, vous pensez que c'est exact,
13 que c'est vrai ce que vous avez dit ?
14 R. Oui.
15 Q. Merci. Maintenant, je vais demander à voir la page 24. On vous a
16 demandé si vous saviez qu'il n'y avait pas de communication, ou bien on
17 vous a demandé si vous saviez s'il y a eu des communications, si elles
18 étaient possibles, les communications. Et vu que du point de vue
19 linguistique, ce n'est pas très clair, je vous propose d'examiner la page
20 24 en serbe.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, la page 24 en serbe. En bas de la page.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Le Président de la Chambre vous demande qui était le commandant de ces
24 policiers, de ces cadres. C'est en bas. A Zvornik, donc.
25 R. [aucune interprétation]
26 Q. Page 37 en anglais. Donc, ils demandent qui était le chef, le
27 commandant de ces policiers. Et vous dites c'est possible que c'est
28 Pantelic, et cetera. Et le Président demande :
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1 "Et lui, qui était son commandant ? Est-ce qu'il y avait quelqu'un au-
2 dessus ?"
3 Et vous dites :
4 "Croyez-moi, je ne le sais pas, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas
5 d'autres en direction plus loin, vers Pale, et cetera."
6 Et donc, le Président dit :
7 "Il y en n'avait pas ?"
8 Et là, vous répondez :
9 "Oui. Je pense que ceux-ci n'existaient pas. Je ne sais pas à quel moment
10 la police de Karisik est venue à Zvornik. Mais au moment où la police est
11 arrivée à Zvornik, eh bien, il y a eu un certain ordre tout d'un coup
12 d'installé dans nos villes…"
13 Mme McKENNA : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, parce que
14 je ne vois pas de quelle façon la question de savoir qui était le
15 commandant de la police à Zvornik découle de mon contre-interrogatoire.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, ici, M. Ivanovic répond pour dire
18 qu'il ne savait pas qu'il y avait une communication avec Pale, un lien avec
19 Pale, qu'il ne savait même pas si cela existait à l'époque. Il s'agit là
20 des subtilités linguistiques. Et on en a parlé dans le contre-
21 interrogatoire. On a même cité cette page, la page 24.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela n'a rien à voir avec vous, Monsieur
24 le Témoin. Pourriez-vous me dire de quelle façon la question que vous posez
25 est liée à la question de communication ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, au moment du contre-interrogatoire, on
27 lui a présenté cette page. On a insinué que M. Ivanovic a dit qu'il ne
28 savait pas s'il y avait un lien ou non. Et moi, je dis que là, il s'agit
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1 d'une subtilité linguistique. Il a dit : "Je ne sais pas si elle existe,
2 s'il existait. Je pense que non, mais je me trompe peut-être."
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais donc, la question était qui était
4 le commandant de ce policier. Et c'est la question que vous avez posée.
5 Alors, comment cette question est liée au contre-interrogatoire ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, regardez la question qui
7 a été posée par le Président de la Chambre, est-ce qu'il y avait quelqu'un
8 au-dessus de ces commandants du cru. Donc, est-ce qu'il y avait un lien
9 avec le centre. Est-ce qu'il y avait une communication avec le centre.
10 Voici, le Président qui pose la question :
11 "Est-ce qu'il y avait quelqu'un au-dessus de lui ?"
12 Et M. Ivanovic dit :
13 "Non, je pense qu'il n'y avait personne."
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va retrouver cet endroit exact dans
15 le texte.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le dernier tiers du texte. Enfin, à
17 partir de la moitié, on peut dire. "Et qui était le commandant de lui, qui
18 était son commandant ? Est-ce qu'il y avait qui que ce soit au-dessus de
19 lui ?"
20 Le Témoin Ivanovic :
21 "Je ne sais pas. Croyez-moi, il n'y avait personne. Peut-être que je me
22 trompe. Mais à l'époque, il n'y avait personne." Mais la traduction
23 anglaise n'est pas bonne, et elle est complètement fausse.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais pourriez-vous me dire de quelle
25 façon cette question s'enchaîne sur la question portant sur les
26 communications, la question de communication ? Où est-ce qu'on parle --
27 Madame McKenna, vous avez parlé quand de cette question-là ?
28 Mme McKENNA : [interprétation] C'est vraiment tout en bas. M. Ivanovic, on
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1 lui a posé la question :
2 "Etait-il possible, y avait-il des routes pour se rendre à Pale avant
3 l'arrivée de Karisik ?"
4 Et ensuite, on parle de cela.
5 Et vu que je suis debout, eh bien, j'ai une objection. Parce que je pense
6 que M. Karadzic guide le témoin en lui lisant les portions de ses
7 dépositions précédentes.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, passez à la question
10 suivante, nous sommes d'accord.
11 M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être qu'il y a un problème. Et c'est
12 difficile quand on ne parle pas la langue, parce que M. Karadzic essaie de
13 nous transmettre un message --
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais cela ne me dérange pas de discuter
15 des problèmes linguistiques.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Mais le problème, c'est qu'il y a eu un
17 problème avec "communication" ou bien "commandement". Parce que dans le
18 contexte on parle des communications avec Pale, mais là, il y a eu vraiment
19 un problème linguistique.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait le faire en
21 l'absence du témoin.
22 M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que la meilleure façon, ce serait
23 de demander à M. Karadzic de lui poser encore une question. Mais bon, de
24 l'autre côté, si vous le laissez expliquer, peut-être qu'il va pouvoir le
25 faire.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Ivanovic, veuillez quitter le
27 prétoire un instant.
28 [Le témoin quitte la barre]
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1 L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez, s'il vous plaît.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moi, je ne parle que de la traduction, du
4 problème de traduction.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voilà, Monsieur Karadzic, maintenant
6 vous pouvez nous expliquer de quoi il s'agit, quel est le lien entre cela.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, Mme McKenna a cité cette
8 page pour prouver qu'à un moment donné dans une autre déclaration, M.
9 Ivanovic s'est exprimé différemment quant à l'existence des communications
10 entre Zvornik et Pale. Mais la traduction est complètement fausse en
11 anglais. Il n'a pas dit "il y avait personne", il a dit : "Il n'y avait
12 pas", parlant de la communication.
13 Et cela fait suite à la question du Président, qui a demandé qui était au-
14 dessus d'eux ? Il se trouve à Pale.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où a-t-il dit "il n'y avait personne" ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà. Le Président de la Chambre demande :
17 "Est-ce qu'il y avait quelqu'un au-dessus de lui ?"
18 Et la réponse suivante :
19 "Elle n'existait pas." Il ne dit pas "il n'y avait personne", il dit "il
20 n'y en avait pas", "il n'y en avait pas". Je pense peut-être que je me
21 trompe, mais à l'époque, cela n'existait pas, pas plus loin vers Pale.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Voici ce qu'on lit ici :
23 "Qui était son commandant ? Est-ce qu'il y avait quelqu'un au-dessus de lui
24 ?
25 "Je ne pense pas. Mais il n'y avait personne. A l'époque, il n'y en avait
26 pas."
27 Mais quel est le rapport avec la question de communication, parce que Mme
28 McKenna a parlé justement de cela ?
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce que c'est lui qui aurait été le chef de
2 la police locale, il se serait trouvé à Pale. Il n'a pas dit "qu'il n'y
3 avait personne." Il a dit qu'il n'y avait pas de communication. Il n'a pas
4 parlé de la communication, mais il a dit "elle n'existait pas" en utilisant
5 le féminin. Donc, il est évident qu'il parlait de la communication, parce
6 que ce quelqu'un au-dessus, il aurait dû se trouver à Pale.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne comprends pas. Qu'est-ce que vous
8 dites ? Vous dites qu'il n'a pas dit "qu'il y avait personne" ? Que voulez-
9 vous dire par là ? Il a dit, on peut lire ici : "Il n'y avait personne",
10 alors que vous, vous dites que ce n'est pas ce qu'il a dit.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce qu'en serbe on dit "elle n'existait pas",
12 autrement dit, quelque chose au féminin n'existait pas, alors que la
13 traduction en anglais est "il n'y avait personne au-dessus d'eux", et ce
14 n'est pas exact, ce n'est pas ce qui est dit en serbe. Il est clair ici
15 qu'on fait référence à Pale, parce que dans sa réponse suivante il dit :
16 "Je pense qu'elle n'existait pas."
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quelle était la question pour obtenir
18 cette réponse ? Quelle a été la question posée ?
19 La question était "Qui était le commandant ? Y avait-il quelqu'un au-dessus
20 de lui ?"
21 C'était cela la question. Et donc, d'après vous, dans la réponse, on dit :
22 "Elle n'existait pas."
23 Cela veut dire qu'il n'y avait personne qui était son commandant.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, il n'y en avait pas en direction de Pale.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous lire le passage en serbe,
26 lentement. Tout d'abord, où cela se trouve-t-il en B/C/S ?
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le dernier tiers de la page.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous le lire à voix haute.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Président de la Chambre :
2 "Bien. Vous n'êtes pas obligé. Qui était leur commandant ?
3 "Ivanovic : Commandant de qui, de la police ?
4 "Président : Qui étaient le commandant de ces policiers, de ces cadres
5 dirigeants à Zvornik.
6 "Ivanovic : C'est possible que c'était ce Pantelic à l'époque.
7 "Président : Et lui, y avait-il quelqu'un au-dessus de lui ?
8 "Ivanovic : Croyez-moi, je ne le sais pas. Elle n'existait pas, mais
9 semble-t-il. Peut-être que je me trompe, mais là-bas à cette époque, il n'y
10 en avait pas, elle n'existait pas, plus loin en direction de Pale ou…
11 "Président : "N'existait pas ?
12 "Ivanovic : Oui, je pense qu'elle n'existait pas…" et cetera.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends le problème de traduction.
15 Et les Juges de la Chambre estiment qu'on parle peut-être des moyens de
16 communication. Donc, nous allons permettre la question.
17 Faisons entrer le témoin, s'il vous plaît.
18 [Le témoin vient à la barre]
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où reprenons nous ? Répétez-nous la
20 question que vous avez posée au témoin, Monsieur Karadzic, s'il vous plaît.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voulais demander au témoin de nous lire
22 l'avant-dernière réponse et ne nous éclairer, de nous expliquer ce qui
23 n'existait pas vers Pale.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Quel est le sens de cette réponse, Monsieur ?
26 R. Je comprends la question. Alors, pour la réponse, il faut comprendre
27 qu'il n'y avait pas de coordination en temps de chaos où les paramilitaires
28 se livraient à des atrocités, qu'il ne pouvait pas avoir de coordination
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1 avec les dirigeants à Pale. Par dirigeants, j'entends tout d'abord M.
2 Karadzic, M. Krajisnik et ses proches. Il n'y avait pas de communication
3 électronique. Les lignes étaient coupées. Nous avions certains liens avec
4 la Serbie au niveau local, mais l'intégralité de la Bosnie et les routes
5 étaient dans l'état ou elles se trouvaient. Donc, je comprends la question
6 et j'affirme en toute certitude qu'à Zvornik, nous étions face à un Etat
7 dans l'Etat. Tout ce que nous faisions était effectué par la population
8 locale et, malheureusement, ces paramilitaires et ces volontaires, donnez-
9 leur le nom que vous voulez, étaient là pour différentes raisons, pour
10 piller par haine, entre autres.
11 Alors, j'ai parlé de Krajisnik. Les 5 et 6, avant tout cela, il est
12 passé et je lui ai demandé -- parce que nous ne savions pas quoi penser de
13 l'arrivée des hommes d'Arkan, il était très surpris et il n'était pas au
14 courant et il avait disparu de Karakaj tout simplement. Je ne sais pas où
15 il est parti. Voilà ma réponse. Donc, aucune coordination n'aurait pu
16 exister et elle n'existait pas.
17 Q. Merci. Alors et la dernière question du Juge qui présidait la Chambre,
18 est-ce que vous pourriez nous la lire à haute voix ?
19 R. "Est-ce qu'il n'y avait pas de communication ou est-ce qu'elle aurait
20 pu exister ? Est-ce que quelqu'un aurait pu se rendre à Pale avant
21 l'arrivée de Krajisnik ?"
22 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire le nom ?
23 R. C'est Karisik. Karisik. Je suis désolé.
24 Q. Merci. A la page suivante, vous nous dites "Krajisnik". Est-ce que vous
25 entendiez Karisik ?
26 R. Oui, c'était Karisik, de la police serbe.
27 Q. Et comment est-ce que vous interpréteriez cela par une expression
28 idiomatique dans notre langue ? Je ne sais pas, les premiers jours, tout le
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1 monde s'occupait de ses affaires ?
2 R. Je crois que j'ai déjà répondu. Déjà, tout le monde s'occupait de ses
3 affaires. C'était chacun pour soit. Toutes les municipalités -- nous ne
4 parlons pas des autres municipalités, mais pour Zvornik, c'était la
5 population locale qui prenait les décisions de toutes les questions
6 importantes concernant la vie quotidienne, le conflit, l'économie, et tout.
7 Et si l'Etat n'avait pas existé --
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la
9 page précédente en anglais, s'il vous plaît.
10 Veuillez continuer.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Monsieur Karisik -- Monsieur Ivanovic, quand M. Karisik est-il arrivé ?
13 Lorsque vous avez parlé de la période de chaos et de l'ordre qui a été
14 imposé après l'arrivée de Karisik, quand les Guêpes Jaunes ont-elles été
15 arrêtées et quand Karisik a-t-il imposé ses ordres ?
16 R. Si ma mémoire est bonne, c'était à la fin du mois de juillet 1992. Je
17 ne sais pas si je suis tout à fait précis, mais pour autant que je m'en
18 souvienne, c'était à la fin du mois de juillet ou au début du mois d'août
19 1992.
20 Q. Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais quel l'on admette au dossier les
22 pages 17, 24 et 25, si Mme McKenna ne l'a pas déjà fait.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons ajouter ces pages à la
24 pièce.
25 Est-ce que vous pensez qu'il faudrait demander au CLSS de vérifier la
26 traduction ?
27 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, je pense qu'il faudrait faire corriger
28 le document si nécessaire.
Page 39899
1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On me dit que nous avons une version non
3 révisée de la traduction du bureau du Procureur. Donc, je demande par la
4 présente au CLSS de se pencher sur cette traduction.
5 Continuons.
6 Madame McKenna.
7 Mme McKENNA : [interprétation] Oui, j'aimerais éclaircir une chose. Je
8 pense que M. Karadzic a fait référence aux pages en version B/C/S. Est-ce
9 que cela correspond bien aux pages 37 et 38 de la version anglaise ? Je
10 vous pose la question, parce que je voudrais m'assurer que l'intégralité de
11 la partie portant sur la communication doit être versée au dossier.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains ne pas pouvoir vous aider, Madame. M.
13 Sladojevic informera l'Accusation de la pagination en version anglaise.
14 Mme McKENNA : [interprétation] Merci. Et je voudrais ajouter que la page 17
15 ne portait pas sur la discussion en l'espèce.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce dont nous avons parlé se retrouve aux
17 pages 37 et 38 dans le prétoire électronique et sur la version papier
18 également. Et je parle de la version anglaise.
19 Mme McKENNA : [interprétation] Oui, en anglais, Monsieur le Juge. Mais
20 d'après ce que j'ai compris, M. Karadzic a demandé le versement des pages
21 17, 24 et 25 de la version B/C/S. Donc, je voulais m'assurer que nous
22 parlions des mêmes pages.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Page 38 en anglais. La page 38 n'a pas été
24 abordée. A la page 17, nous avons des éléments sur la question que l'on a
25 posée au témoin sur le -- il n'y en avait pas, elle n'existait, pas et nous
26 avons éclairci cela avec M. Ivanovic. Il a confirmé sa réponse. Et aux
27 pages 24 et 25, on parle de la communication qui est décrite -- à la page
28 37 de la version anglaise.
Page 39900
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Mais la page 38 inclut la
2 conversation abordée par Mme McKenna avec le témoin, donc nous allons nous
3 assurer que ces pages soient également intégrées dans la pièce.
4 Continuons.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crains que l'on n'ait pas montré au témoin
6 la page 38.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mme McKenna l'a fait.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais seulement les deux premières lignes de la
9 page.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons, s'il vous plaît.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Hier, Monsieur Ivanovic, on vous a posé des questions sur la Défense
14 territoriale et le paiement effectué. Etant donné que vous étiez le
15 président du gouvernement en temps de paix dans la municipalité conjointe
16 de Zvornik, est-ce que vous pourriez nous dire qui était censé payer la
17 Défense territoriale municipale ?
18 R. Je ne sais pas exactement comment on payait les gens, comment la
19 municipalité de Zvornik effectuait ces paiements. Ce que je sais, en
20 revanche, c'est que différentes sociétés de Zvornik effectuaient des
21 contributions. La société Birac, par exemple, où je travaillais, avait
22 versé de l'argent pour se procurer de l'alimentation, des vêtements, des
23 chaussures. Un salaire était également versé mais ces montants se
24 limitaient vraiment au minimum. Nous n'avions pas suffisamment d'argent
25 pour payer de façon adéquate les salaires ou de vrais salaires des forces
26 armées. Nous défendions les vies et la liberté, et je crois que les gens
27 étaient contents d'avoir des chaussures, des vêtements, et de pouvoir
28 dormir au chaud.
Page 39901
1 Q. Merci. Pour les groupes paramilitaires, est-ce qu'ils sont arrivés en
2 tant que paramilitaires et est-ce qu'ils se sont enregistrés comme étant
3 des volontaires à la Défense territoriale ?
4 R. D'après mes informations, je pense qu'ils sont arrivés comme
5 volontaires parce qu'ils n'auraient pas pu le faire autrement. Je crois
6 qu'ils n'aimaient pas participer à la guerre et ne sont pas devenus les
7 vrais défenseurs de la liberté serbe. Ensuite, ils sont devenus
8 incontrôlables. Ils ont fait ce qu'ils voulaient. Plus personne ne pouvait
9 les contrôler à ce moment-là. C'est ce que j'en sais, mais je n'ai pas de
10 preuve tangible à vous apporter.
11 Q. Merci. Et au sein du gouvernement de Zvornik, est-ce que quelqu'un au
12 sein de ce gouvernement pouvait refuser de leur payer leur solde ?
13 R. Non, je ne pense pas. Je crois que tout se résumait à la force et aux
14 menaces. Je ne sais pas exactement comment les choses fonctionnaient. Je ne
15 sais pas si ces volontaires étaient payés, et s'ils étaient payés, je ne
16 connais pas le montant de leur paye.
17 Q. Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas de force, pas de
18 personne au pouvoir qui pouvait refuser de leur payer leur solde. Est-ce
19 que vous confirmez cette réponse ?
20 R. Oui, je confirme cette réponse. Ils se rendaient dans des usines armés
21 de fusils, par exemple, et même lorsqu'ils se rendaient à la mairie armés,
22 le dernier centime, le dernier mark, le dernier dinar leur était donné. Ce
23 n'était pas un acquittement de solde; c'était plus une prise de ressources.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il manque au compte rendu qu'il ne s'agissait
25 pas de solde payée mais de saisie de biens, de prise de biens.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que l'idée y était, une prise
27 de ressources.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
Page 39902
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. A la page 95 du compte rendu d'hier, on a parlé d'un village musulman
3 où les forces serbes ont pénétré. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que
4 vous entendiez par cela, Monsieur, et si une formation légale avait pénétré
5 dans ce village, si c'était le cas, de quelle unité s'agissait-il ?
6 R. A chaud, je ne peux pas vous dire sur quoi cela portait exactement. Je
7 ne peux rien vous dire de précis pour les forces serbes.
8 Q. Peut-être qu'on parlait de Djulici ou d'un autre village qui avait été
9 abandonné par les civils musulmans. Je voudrais savoir ce que vous
10 entendiez par "forces serbes", vous avez parlé de forces serbes. Est-ce que
11 vous parliez d'une formation sous le commandement de l'Etat ou bien est-ce
12 que vous parliez simplement d'une appartenance ethnique ?
13 R. Il n'y avait pas de formation que l'Etat commandait. Cela n'existait
14 pas à l'époque. Les participants étaient des Serbes des environs de Kladanj
15 et d'Olovo. Un grand nombre de Serbes ont réussi, très difficilement, à
16 percer le cercle des forces musulmanes vu qu'à Djulici, les personnes qui
17 s'y trouvaient pensaient qu'il vaudrait mieux partir et sauver leur vie que
18 laisser d'autres pénétrer dans leur maison. Mais il s'agissait de forces
19 serbes. Il y avait des hommes armés de la région, et grâce aux armes qu'ils
20 ont réussi à faire passer, ils ont sauvé leur vie, sinon on les aurait
21 tués. Donc, ils ont trouvé un logement et la population du village était
22 censée se rendre à Tuzla, et hier nous avons parlé de la question des
23 hommes qui avaient été séparés des hommes et des enfants. Mais je ne
24 voudrais pas revenir sur cette question. C'est ce que je voulais dire par
25 "forces serbes", pour répondre à votre question.
26 Q. Merci. A la page 95, vous avez dit que dans chaque village il y avait
27 des dirigeants militaires. Est-ce que vous pourriez nous dire si
28 conformément à la Loi sur la Défense populaire généralisée et l'autodéfense
Page 39903
1 sociale, s'il était illégal dans les localités, dans les usines, d'avoir
2 nos propres Défenses territoriales --
3 Mme McKENNA : [interprétation] Objection, il s'agit d'une question
4 directrice.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Alors, est-ce que vous pourriez me dire qui avait autorité sur la
9 Défense territoriale d'après la loi ?
10 R. L'un de mes proches était l'un des dirigeants de la Défense populaire
11 généralisée, et il m'a expliqué comment les choses fonctionnaient. Du temps
12 de Tito, lorsque la Yougoslavie était en train de s'effondrer, c'est la
13 population qui s'organisait en cas de catastrophe naturelle ou autre. Mais
14 en l'occurrence, il s'agissait d'une guerre civile, il n'y avait pas
15 d'attaque extérieure. Mais dans ce genre de situation, chaque village
16 organisait sa propre défense. Et personne n'avait du mal à le comprendre à
17 l'époque. Je ne sais pas si ma réponse est claire.
18 Q. Je pense que cela serait plus clair si vous parliez plus lentement,
19 Monsieur.
20 A la page 97 du compte rendu d'hier, vous avez déclaré ou on vous a
21 donné lecture de la chose suivante. Vous avez parlé de certains événements
22 à Sijekovic, Kupres, qui avaient eu une incidence sur l'état d'esprit des
23 personnes dans votre région. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'il
24 s'est passé ?
25 R. Oui. Vers la fin de l'année 1991, juste avant les événements de
26 Zvornik, parce qu'on était à la fin du XXe siècle après tout, les moyens de
27 communication existaient et des tensions exacerbées n'avaient pas encore eu
28 lieu. Donc, à ce moment-là des atrocités étaient commises à Sijekovac, et
Page 39904
1 c'est les forces croates qui ont pénétré et qui ont commis ces crimes. A
2 Kupres également, je ne sais pas quel groupe ethnique était prépondérant
3 dans cette région, mais c'était de nouveau les forces croates qui ont
4 commis des choses terribles. Ils avaient décapité des personnes. Et
5 ailleurs, les forces musulmanes avaient également commis des crimes. On
6 nous a même dit qu'à Sapna, une centaine d'hommes se préparaient armés et,
7 parallèlement, les autorités musulmanes nous disaient que tout allait très
8 bien et qu'il n'y avait pas de problème. Mais évidemment, on donnait ces
9 ordres, quelqu'un donnait ces ordres à des gens. Alors, à savoir si ces
10 ordres venaient des autorités centrales, d'Izetbegovic ou pas, je ne sais
11 pas. Je le suppose.
12 Q. Merci. Est-ce que vous pourriez répéter qui étaient les premières
13 victimes dans les localités dont vous avez parlé, parce que cela ne se
14 retrouve pas au compte rendu.
15 R. Oui. Toutes les victimes étaient serbes. Dans tous les endroits que
16 j'ai cités, les victimes étaient serbes, soit des civils serbes ou des
17 membres de la JNA. C'étaient des enfants. On ne pouvait même pas les
18 appeler des soldats. Ils portaient des uniformes de la JNA qui était
19 l'armée en place à l'époque.
20 Q. Merci. A la page 94, on vous a posé une question sur les liens entre la
21 Défense territoriale et la cellule de Crise. Dans le cadre de l'armement
22 par la cellule de Crise, est-ce que la JNA et la cellule de Crise ont armé
23 des personnes et quels étaient les liens entre la Défense territoriale et
24 la cellule de Crise ? Est-ce que des armes étaient distribuées à des
25 personnes et comment tout cela était réglementé ?
26 R. Alors, pour vous dire la vérité, je ne sais pas vous dire exactement
27 comment les armes ont été amenées. Mais je sais que des armes sont
28 arrivées. Je pense que les Serbes ont reçu des armes, mais d'où venaient-
Page 39905
1 elles exactement ? Je pense que c'était la JNA qui se trouvait en Bosnie
2 qui avait laissé ses armes. La JNA est passée en Serbie, mais il semble que
3 beaucoup d'armes soient restées derrière. Je ne sais pas comment les gens
4 ont obtenu ces armes. Elles étaient distribuées dans des villages. Je n'y
5 ai pas participé, donc je ne peux pas vous dire avec toute certitude
6 comment les choses se sont passées. Je n'ai jamais vraiment posé la
7 question non plus. Et les Musulmans contrôlaient la Défense territoriale à
8 Sarajevo et la police et prenaient des armes des dépôts. Mais, vous savez,
9 il n'y avait pas de problème à obtenir des armes. A chaque fois que
10 quelqu'un a voulu une arme, il l'obtenait, malheureusement.
11 Q. Pourquoi la municipalité serbe de Sarajevo a été créée si tard ? Quand
12 a-t-elle été proclamée et quand a-t-elle été mise en fonction ?
13 R. Elle a été proclamée bien plus tôt, en réaction à l'impossibilité
14 d'actions collectives. Et quand je dis "collectives", je parle du parti
15 SDA, c'est-à-dire les Musulmans de Zvornik. La municipalité a pris ses
16 fonctions lorsque le conflit a commencé, grosso modo. Nous ne voulions pas
17 qu'elle devienne active parce que nous pensions que nous pourrions arriver
18 à un accord, nous pensions que tout se terminerait de façon pacifique. Et
19 nous n'imaginions même pas qu'il y aurait un conflit. C'était une réponse
20 politique, une plateforme politique, car on ne savait pas quoi faire. Et je
21 crois qu'ils ne savaient pas quoi faire non plus. Alors, quand je dis
22 "ils", je parle des autorités de Zvornik, des autorités de l'exécutif à
23 Zvornik. Et probablement que cela ne les intéressait pas. Ils pensaient à
24 la proclamation d'une Bosnie musulmane souveraine et probablement aux
25 préparatifs de l'armement. Mais je suppose qu'ils voulaient se préparer à
26 exercer un contrôle sur nous. Je suppose.
27 Q. Merci. Dans la pièce 6404, à la page 15, on parle de la distribution
28 d'armes et on fait allusion à ces liens entre la Défense territoriale et la
Page 39906
1 cellule de Crise.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est à la page 15. Page 15 de la version
3 serbe.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez répéter la page,
5 Monsieur Karadzic ?
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, si cela va vous
7 prendre plus de cinq ou dix minutes, les Juges de la Chambre aimeraient
8 faire une pause.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Moins de cinq minutes, Messieurs les Juges,
10 Madame le Juge.
11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Nous n'avons pas besoin d'afficher le document.
13 On l'a montré hier.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce parce que nous avons admis
15 uniquement quelques pages ? On nous dit que le document ne contient pas 15
16 pages. Vérifions. Cela fait partie de la déclaration d'octobre 2002, n'est-
17 ce pas ? Est-ce que nous avons un numéro 65 ter pour cela ?
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est le numéro 25117.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, oui. 117 ou 118 ?
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il existe aussi le 25118, mais c'est une
21 déclaration faite à un autre moment.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Alors, s'il s'agit du document
23 25117, il correspond -- il est devenu la pièce à conviction P6402. De
24 quelle déclaration s'agit-il ? De celle de mars ou de celle d'octobre,
25 Monsieur Karadzic, s'il vous plaît ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Celle du 15 mars et du 27 mars 2002.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Dans ce cas-là, il s'agit bien de
28 l'ancien document 65 ter 25117.
Page 39907
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Ivanovic, nous lisons dans ce document que dans cette version
3 du plan, il était question de créer deux municipalités différentes dans le
4 secteur. Etait-il possible, dans la pratique, de séparer les deux
5 communautés ethniques ou d'en expulser une de la municipalité ?
6 R. Pourriez-vous répéter votre question.
7 Mme McKENNA : [interprétation] Je demanderais une référence précise en
8 rapport avec le sujet dont il est question.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que cela viendra, mais quelle
10 est la page ?
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, ce n'est pas quelque chose qui est
12 écrit dans le document. A la page 87 du compte rendu d'audience d'hier, M.
13 Ivanovic a été interrogé au sujet de la municipalité en question, et il a
14 répondu que tout était mis en place pour permettre à cette municipalité de
15 commencer son travail.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Alors, ma question est la suivante : est-ce que cette municipalité
18 aurait commencé son travail si la situation s'était terminée par un
19 règlement pacifique et est-ce que chacune des deux parties aurait, dans ce
20 cas, obtenu sa propre municipalité ?
21 R. Non. Nous aurions continué à vivre en paix les uns avec les autres, à
22 savoir la situation d'aujourd'hui.
23 Q. Est-ce qu'il y a une municipalité musulmane à Zvornik aujourd'hui, quel
24 que soit son nom ?
25 R. Oui.
26 Q. Je n'ai plus de questions, Monsieur Ivanovic.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
28 Monsieur Ivanovic, ceci met un point final à votre déposition, et je tiens,
Page 39908
1 au nom des Juges de cette Chambre, à vous remercier pour être venu à La
2 Haye dans le but de témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.
3 Nous allons tous suspendre nos travaux pour une pause d'une demi-heure.
4 Nous reprendrons nos travaux à 11 heures 05.
5 [Le témoin se retire]
6 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
7 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
8 --- L'audience est reprise à 11 heures 08.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait prononcer
10 la déclaration solennelle.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN : MARINKO VASILIC [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Vasilic.
16 Veuillez vous asseoir confortablement.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant que ne débute votre déposition,
19 Monsieur Vasilic, je me dois de porter à votre connaissance un certain
20 nombre de règles de recueil de preuve que nous appliquons au sein de cette
21 institution, le Tribunal international, en particulier eu égard à l'article
22 90(E) du Règlement de procédure et de preuve. En vertu de cet article, vous
23 pouvez faire objection lorsqu'il vous est demandé de répondre à une
24 question par M. Karadzic ou par un représentant de l'Accusation, ou même
25 par un Juge si vous estimez que votre réponse risque de vous incriminer
26 s'agissant de la commission d'un délit pénal. Dans ce contexte, le mot
27 "incriminer" signifie dire quelque chose qui risque de correspondre à un
28 aveu de culpabilité dans le cadre d'un délit ou d'un crime ou dire quelque
Page 39909
1 chose qui pourrait devenir un élément de preuve démontrant la commission
2 par vous d'un délit ou d'un crime. Toutefois, si vous pensez qu'une réponse
3 risque de vous incriminer et qu'en raison de cela vous refusez de répondre
4 à une question, je me dois également de vous faire savoir que le Tribunal a
5 le pouvoir de vous contraindre à répondre à la question. Mais dans ce cas,
6 le Tribunal veillera à ce que votre déposition obtenue sous contrainte dans
7 des circonstances de ce genre ne soit pas utilisée dans un procès qui
8 risquerait de vous être intenté, hormis le cas où vous auriez fourni un
9 faux témoignage.
10 Vous comprenez ce que je viens de vous dire, Monsieur Vasilic ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
13 Monsieur Karadzic, veuillez procéder.
14 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vasilic.
16 R. Bonjour, Monsieur Karadzic.
17 Q. Je vous prierais de m'avertir si j'omets de respecter une pause entre
18 vos réponses et mes questions car il importe que tout soit consigné
19 correctement au compte rendu d'audience, et pour ma part, je vous demande
20 également de respecter cette pause et de parler relativement lentement.
21 Est-ce que vous avez fait une déclaration devant des représentants de
22 l'équipe de la Défense ?
23 R. Oui.
24 Q. Je vous remercie.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce 1D9610.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Est-ce que vous voyez devant votre écran le texte de votre déclaration
28 ?
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1 R. Oui, mais je demanderais si la chose est possible que le texte soit
2 légèrement agrandi.
3 Q. Merci. Avez-vous relu cette déclaration avant de la signer ?
4 R. Oui.
5 Q. Et l'avez-vous signée ?
6 R. Oui.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on montre au témoin à l'écran
8 la dernière page de façon à ce qu'il puisse authentifier sa signature.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Est-ce bien votre signature qu'on voit à l'écran maintenant, Monsieur ?
11 R. Oui.
12 Q. Merci. Cette déclaration rend-elle compte fidèlement de ce que vous
13 avez dit aux représentants de l'équipe de la Défense ?
14 R. Oui.
15 Q. Si aujourd'hui je vous posais les mêmes questions que celles qui vous
16 ont été posées au moment du recueil de cette déclaration, vos réponses à
17 ces questions seraient-elles identiques ?
18 R. Oui.
19 Q. Merci.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cette
21 déclaration du témoin.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.
23 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un
24 élément de preuve connexe qui ne figure pas sur notre liste 65 ter, parce
25 que nous n'avions pas fini l'audition de ce témoin au moment où nous avons
26 déposé la liste en question, donc nous demandons que ce document soit
27 ajouté à notre liste.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Des objections, Madame Gustafson ?
Page 39911
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
2 Messieurs les Juges. Non, je n'ai pas d'objection.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. La déclaration du témoin ainsi
4 que la pièce connexe sont admises.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, le document
6 1D9610, c'est-à-dire la déclaration du témoin, devient la pièce D3693, et
7 le document 1D7329 devient la pièce D3694.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, veuillez poursuivre.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.
10 Je vais maintenant lire un résumé de la déclaration de M. Marinko
11 Vasilic en anglais.
12 Marinko Vasilic a commencé à travailler pour le MUP de Bosnie-Herzégovine
13 en 1975. Il a exécuté toutes les tâches qui sont celles d'un commandant de
14 la police. Au cours des campagnes politiques qui ont eu lieu avant les
15 premières élections multipartites à Zvornik, on a assisté à une escalade du
16 nationalisme et du chauvinisme dans le cadre des meetings organisés par le
17 SDA. Peu après les élections qui ont porté au pouvoir de nouveaux
18 représentants, de nouvelles nominations ont eu lieu au poste de la sécurité
19 publique de Zvornik. Osman Mustafic a été nommé chef de la SJB et Dragan
20 Spasojevic a été nommé commandant de la SJB de Zvornik. Après que les
21 autorités de Zvornik ont été mises en place en 1991, une séparation est
22 survenue entre le SDA et le SDS. Le SDA défendait clairement une politique
23 d'action dont l'objectif était la séparation de la Bosnie-Herzégovine par
24 rapport à la RSFY, quel qu'en soit le coût, alors que la politique du SDS
25 allait plutôt vers la conservation de l'Etat existant et l'obtention d'une
26 solution pacifique aux problèmes existants.
27 Les dirigeants du SDA de Sarajevo ont exercé des pressions importantes sur
28 les dirigeants musulmans de Zvornik dans le but de créer une Bosnie-
Page 39912
1 Herzégovine intégrée, nonobstant la volonté des Serbes en Bosnie-
2 Herzégovine. En 1991, le commandant second Mehmed Sahbegovic a dit à
3 Marinko Vasilic qu'il était temps que les Musulmans créent leur Etat de
4 Bosnie et que les Serbes y constitueraient une minorité. Le SDA de Zvornik
5 a aggravé les relations ethniques en ignorant les besoins des Serbes de
6 Zvornik, qui sont devenus minoritaires. Ceci a influé sur la dégradation
7 des relations au sein du poste de sécurité publique de Zvornik entre les
8 officiers de police musulmans et les officiers de police serbes. Les
9 Musulmans se sont regroupés dans certains bureaux et les Serbes dans
10 d'autres. Lorsque les Serbes allaient sur le terrain dans le cadre de leur
11 travail opérationnel, ils n'étaient pas les bienvenus dans les villages et
12 les communautés locales où vivaient les Musulmans.
13 Les désaccords politiques chez les représentants locaux de la
14 municipalité de Zvornik ont eu un effet sur l'homme de la rue. Des
15 querelles motivées par des raisons ethniques et des incidents ont été
16 encouragés par les extrémistes islamiques au sein des autorités locales, ce
17 qui a provoqué fréquemment des attaques physiques et des mauvais
18 traitements infligés aux Serbes et aux membres de la JNA en ville par des
19 groupes organisés de Musulmans. Des attaques ont eu lieu contre des soldats
20 et des officiers, qui ont semé la peur parmi les Serbes.
21 Au début de l'année 1991, les officiers commandants musulmans du SJB
22 de Zvornik ont commencé à constituer des postes de police de réserve. Ces
23 postes ont été créés exclusivement dans les villages habités exclusivement
24 par des Musulmans. Les Musulmans ont reçu dans ces villages des armes à
25 canon long. Ces armes arrivaient par des voies illégales en provenance de
26 Sarajevo et de Tuzla. Les Serbes n'étaient pas au courant de ces activités
27 et insistaient pour que des pourparlers soient organisés. Ils étaient à
28 l'origine de diverses déclarations qui faisaient appel au maintien de
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1 bonnes relations de voisinage et de respect mutuel. Ils souhaitaient
2 résoudre les problèmes de façon pacifique. Les Serbes considéraient la JNA
3 comme une force et une institution susceptible d'empêcher une guerre civile
4 en Bosnie-Herzégovine.
5 Durant l'été 1991, le SDS a organisé un meeting pour appuyer la paix
6 à Zvornik. Radovan Karadzic et d'autres dirigeants du SDS ont pris la
7 parole à ce meeting. Tous les orateurs ont parlé de la nécessité de
8 déployer des efforts et de faire preuve d'un maximum de tolérance en
9 condamnant le nationalisme et le séparatisme en vue de parvenir à une
10 solution pacifique par le biais de pourparlers.
11 Les Musulmans se sont emparés à deux reprises du poste de police de
12 Zvornik. Les dirigeants du SDA de Zvornik étaient responsables de cette
13 prise du poste de police et ont érigé des barrages dans les rues de la
14 ville et dans les villages Musulmans. Alors que la situation du point de
15 vue de la sécurité se dégradait jour après jour, la JNA a procédé à la
16 mobilisation pour empêcher un conflit ethnique potentiel à Zvornik. Les
17 Serbes ont réagi à cette mobilisation alors que les Musulmans sur lesquels
18 s'exerçait la pression de leurs dirigeants ont boycotté cette mobilisation
19 en décrivant la JNA comme une armée d'occupation. A l'époque, les Musulmans
20 disposaient déjà d'unités armées.
21 Le 3 avril 1992, des unités paramilitaires musulmanes ont établi plusieurs
22 postes de contrôle et plusieurs barrages un peu partout dans Zvornik. Le 5
23 avril, les extrémistes musulmans ont tué un officier de la JNA, provoquant
24 la panique et la peur parmi les Serbes. Dans les secteurs habités ou les
25 villages habités par des Serbes, des gens ont constitué des gardes
26 villageoises de leur propre initiative dans le but de se protéger. Le 6
27 avril 1992, Zvornik a été encerclée et placée entièrement sous le contrôle
28 des Musulmans. Les Serbes qui ne sont pas partis pendant la nuit ont
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1 commencé à tenter de fuir vers Karakaj individuellement. Des Musulmans
2 armés contrôlaient la ville, ils se sont mis à fouiller les maisons dont
3 les propriétaires étaient des Serbes ainsi que les appartements appartenant
4 à des Serbes, ils ont maltraité les Serbes et les ont roués de coups assez
5 souvent.
6 Les dirigeants serbes de Zvornik ont continué les pourparlers qui avaient
7 déjà commencé et organisé une réunion avec les dirigeants musulmans pour
8 des raisons de sécurité. Jovo Mijatovic et Jovo Ivanovic se sont joints aux
9 équipes qui participaient à ces pourparlers pour représenter les Serbes.
10 Arkan a fait irruption dans une réunion sans y être invité, à Mali Zvornik,
11 en compagnie de ses hommes. Il a qualifié les négociateurs serbes de
12 traîtres en déclarant qu'ils n'avaient pas le droit de vendre à bas prix
13 les territoires serbes. Un soldat a frappé les deux négociateurs serbes.
14 Arkan et son unité ont pris les commandes à ce moment-là et influé sur tout
15 ce qui se passait à Zvornik.
16 A la fin du mois d'avril 1992, Marinko Vasilic a essayé d'organiser le
17 travail de la police dans le but de maintenir la sécurité de la population
18 de Zvornik. Des postes de contrôle ont été érigés et des efforts déployés
19 pour sécuriser les principaux bâtiments de la ville. Il n'y avait ni
20 électricité ni lignes téléphoniques en fonctionnement, de sorte que les
21 communications ont été organisées à partir d'estafettes. Les autorités
22 serbes locales de Zvornik n'avaient aucun pouvoir pour s'opposer à
23 l'anarchie et à l'illégalité provoquée par les unités paramilitaires de
24 Zvornik. Les officiers de police étaient souvent physiquement malmenés et
25 subissaient toutes sortes d'exactions de la part des paramilitaires. Ils
26 ont essayé de partir chaque fois qu'ils le pouvaient. Les dirigeants locaux
27 et les dirigeants de la police sont restés à la merci des forces
28 paramilitaires. Les dirigeants locaux ont essayé d'agir afin de réduire
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1 l'arrogance extrême des paramilitaires dans la mesure du possible.
2 Marinko Vasilic a demandé à ses collègues de Mali Zvornik à plusieurs
3 reprises de lui apporter leur concours contre les groupes paramilitaires et
4 certains individus. Aucune de ses demandes n'a obtenu satisfaction. En
5 juillet 1992, Branko Grujic a informé Radovan Karadzic des problèmes qui se
6 posaient à Zvornik. Karadzic a été surpris de la situation. Il a ordonné
7 aux forces de police d'être envoyées à Zvornik pour arrêter ces groupes.
8 Peu après, Branko Grujic et Marinko Vasilic ont soumis leur démission par
9 crainte pour leurs vies et pour leurs familles. Les 29 et 30 juillet, les
10 forces spéciales du MUP sont arrivées à Zvornik dans le cadre d'une action
11 militaire coordonnée avec les unités de la police militaire et, en ayant
12 recours à des armes, ont arrêté les unités paramilitaires. Toutes les
13 personnes arrêtées ont été traduites en justice devant les tribunaux
14 compétents de la Republika Srpska et de la Serbie.
15 Voilà donc un bref résumé, et pour l'instant, je n'ai pas de questions à
16 poser à M. Vasilic.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. J'attendais la fin de
18 l'interprétation française.
19 Monsieur Vasilic, comme vous avez pu le constater, votre déposition au
20 principal en l'espèce a été entièrement admise en tant que pièce à
21 conviction sous la forme d'une déclaration écrite par conséquent, et vous
22 serez maintenant contre-interrogé par un représentant du bureau du
23 Procureur. Vous comprenez cela ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, bonjour.
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Contre-interrogatoire par Mme Gustafson :
28 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Vasilic.
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1 R. Bonjour.
2 Q. Au paragraphe 2 de votre déclaration, vous parlez des déclarations que
3 vous avez faites devant des représentants du bureau du Procureur par le
4 passé, mais je crois qu'il y a peut-être quelques inexactitudes s'agissant
5 des dates. L'une des déclarations que vous avez faites devant des
6 représentants du bureau du Procureur a été enregistrée, c'est celle que
7 vous avez faite en octobre 2002 à Sarajevo, n'est-ce pas ? Vous avez bien
8 parlé à un représentant du bureau du Procureur avec un enregistrement sur
9 bande en 2002 ?
10 R. C'est exact. J'ai parlé à des représentants de ce Tribunal, mais je ne
11 me rappelle pas en quelle année. Je crois que c'était peu après la création
12 de ce Tribunal, dans les années 1990, il me semble, à Zvornik, au tribunal
13 de Zvornik. Et un petit peu plus tard, à Zvornik dans les locaux du motel
14 Vidikovac.
15 Q. La deuxième déclaration que vous avez faite devant les représentants du
16 bureau du Procureur a été enregistrée et la transcription de cet
17 enregistrement indique clairement que cette déclaration a été faite en
18 octobre 2002. Conviendrez-vous qu'en 2002, c'est-à-dire il y a 11 ans,
19 votre souvenir par rapport aux événements de 1992 était plus vif qu'il ne
20 l'est aujourd'hui ?
21 R. Je ne vais pas contester l'année car beaucoup de temps s'est écoulé
22 depuis, et je sais que j'ai eu un entretien, ou plusieurs entretiens avec
23 les représentants du bureau du Procureur. Mais s'agissant de ce que j'ai
24 dit au cours de ces entretiens, eh bien, j'ai dit ce que j'ai dit. Et peut-
25 être quelqu'un pourrait-il me rappeler ce que j'ai dit à l'époque et me
26 demander ce que je veux dire aujourd'hui. J'ai peut-être des explications à
27 apporter.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Vasilic, pourriez-vous vous
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1 rapprocher des micros pour que les interprètes vous entendent mieux ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
4 Q. Ne vous inquiétez pas de ce que vous avez dit au cours de ces
5 entretiens. Soyez sûr que nous allons revenir sur les propos tenus par vous
6 dans le cadre du présent interrogatoire. Pour l'instant, j'essaie
7 simplement d'établir les fondements. Est-ce que vous conviendrez que le
8 souvenir des événements de 1992 que vous aviez il y a 11 ans était plus vif
9 qu'il ne l'est aujourd'hui ?
10 R. Bien, je suppose que le souvenir que j'avais de certains détails était
11 meilleur à l'époque, mais je ne sais pas de quoi vous parlez exactement. Il
12 est certain qu'à l'époque je me souvenais mieux de ces événements
13 qu'aujourd'hui.
14 Q. D'accord. Dans votre déclaration écrite, vous expliquez qu'à la fin du
15 mois d'avril 1992, après que Dragan Spasojevic a quitté les rangs de la
16 police, vous êtes devenu le chef du poste de sécurité publique de Zvornik.
17 Avant cette date, avant que la guerre n'éclate à Zvornik, vous étiez
18 commandant en second du poste de sécurité publique de Zvornik, n'est-ce pas
19 ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Et puis, dans votre déclaration, vous dites également qu'en avril 1992,
22 vous avez donc pris les commandes du poste de sécurité publique de Zvornik
23 et qu'au début de juin 1992, vous avez remplacé Milos Pantelic à son poste
24 et que vous êtes devenu le chef du poste de sécurité publique ?
25 R. C'est exact aussi, je ne saurais dire si la date est exacte mais enfin,
26 ce n'est pas ça qui a le plus d'importance. Sur le fond, c'est exact.
27 Q. Vous avez démissionné de vos fonctions de chef du poste de sécurité
28 publique et vous avez donc quitté la police à la fin du mois de juillet
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1 1992, n'est-ce pas ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Vous évoquez longuement dans votre déclaration l'armement de la partie
4 musulmane à Zvornik dans le cadre de la préparation de la guerre, et vous
5 opposez ces activités à ce que faisait à ce moment-là la partie serbe. Vous
6 dites que les Serbes "croyaient fermement qu'il n'y aurait pas de guerre et
7 insistaient pour que se poursuivrent les pourparlers et qu'un accord en vue
8 de résoudre pacifiquement les problèmes soit conclu."
9 Donc, votre position consiste à dire que les Serbes de Zvornik ne se sont
10 pas armés, ne se sont pas préparés à la guerre ? Ou est-ce que vous
11 admettez, qu'en réalité, les deux parties se sont armées et se sont
12 préparées à la guerre à Zvornik ?
13 R. Est-ce que les deux parties se sont armées et se sont préparées à la
14 guerre ? C'est une question très délicate. Parce que se préparer à la
15 guerre et faire la guerre, c'est une chose, et s'armer et se défendre en
16 est une autre. Je n'affirme pas que les Serbes ne se sont pas armés. Mais
17 le fait même que les Serbes ont fait confiance à l'armée populaire
18 yougoslave pour qu'elle assure leur sécurité et qu'elle empêche la guerre,
19 ce simple fait indique avec un degré de véracité réel qu'ils se sont armés
20 à un degré moindre que l'autre partie.
21 Par ailleurs, vous avez cette déclaration très surprenante d'Alija
22 Izetbegovic qui a dit qu'il était prêt à sacrifier la paix pour
23 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Cette déclaration par elle-même
24 montre bien qui était favorable à quel objectif. Les Serbes étaient
25 favorables à la survie de la Yougoslavie dans laquelle devait être incluse
26 la Bosnie-Herzégovine, avec ses populations serbes et musulmanes, alors que
27 les dirigeants du SDA --
28 Q. Monsieur --
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1 R. -- alors que les dirigeants du SDA étaient favorables à la sécession de
2 la république. Voilà quelle est ma réponse.
3 Q. Je vous remercie. Je vais vous demander de vous concentrer le plus
4 possible sur les réponses à apporter à mes questions précises, car nous
5 manquons de temps.
6 Dans votre réponse, vous dites : "Je ne dis pas que les Serbes ne se
7 sont pas armés." Vous parlez bien de la partie serbe. En 2002, vous avez
8 dit aux représentants du bureau du Procureur que la partie serbe et la
9 partie musulmane se sont armées et se sont préparées à la guerre. Et je
10 vous renvoie au document 65 ter 25215, pages 46, 47 et 71. C'est bien vrai,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Je ne le nie pas. Les Serbes -- certains serbes se sont procurés d'une
13 façon ou d'une autre des armes. C'est ce que j'ai déjà dit par le passé.
14 Mais on parle ici du peuple dans son intégralité. Il y a des individus, des
15 extrémistes, y compris au sein du peuple serbe, et ils ont montré leurs
16 vrais visages pendant cette dernière guerre.
17 Q. D'accord.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce à
19 conviction P2591.
20 Q. Monsieur Vasilic, en attendant que le document apparaisse à l'écran, je
21 vous demande si vous êtes au courant que durant les mois qui ont précédé
22 l'éclatement du conflit, la municipalité serbe de Zvornik a rendu, a pris
23 une décision, à savoir créer une municipalité serbe constituée par un
24 certain nombre de territoires qui devaient faire partie de cette
25 municipalité serbe. Vous êtes au courant de cette décision, n'est-ce pas ?
26 R. Non. Je n'ai pas été au courant de cette décision. J'ai entendu parler
27 d'un certain nombre de choses qui concernaient une éventuelle division de
28 Zvornik entre les Serbes et les Musulmans, à savoir que les secteurs où les
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1 Serbes étaient majoritaires devraient revenir aux Serbes. Mais s'agissant
2 d'une décision officielle qui aurait été prise, je n'ai pas le souvenir
3 d'en avoir entendu parler.
4 Q. D'accord. Je voudrais vous rappeler ce que vous avez dit en 2002
5 lorsqu'on vous a montré à l'époque le document qui est affiché à ce moment
6 à l'écran. Vous avez dit, après qu'on vous ait demandé :
7 "Vous rappelez-vous cette décision ?"
8 Et cela se trouve en page 44 de ce document, vous avez dit :
9 "Un instant. J'ai entendu parler de cela, mais je ne l'avais pas
10 constaté."
11 C'est ce que vous avez dit aux représentants du bureau du Procureur
12 en 2002. C'est exact, n'est-ce pas ? Vous aviez entendu parler de cette
13 décision ?
14 R. Eh bien, il est possible que j'aie entendu parler de quelque chose. Je
15 ne dirai pas que cela n'a jamais existé, mais je dis -- enfin, ce que je
16 veux dire, c'est que j'ai entendu des représentants politiques qui
17 discutaient d'un règlement pacifique avec finalement une division de la
18 municipalité de Zvornik. Je ne nie pas avoir dit cela par le passé, mais je
19 n'exclue pas non plus la possibilité que j'ai oublié certaines choses
20 entre-temps. Je ne sais pas qui a élaboré cette décision. Je n'ai pas
21 participé à ce travail. Donc, il est possible que j'ai entendu parler de
22 cela et que j'ai oublié entre-temps.
23 Q. J'aimerais que vous vous penchiez sur la liste des territoires énumérés
24 au paragraphe 2 de ce document au milieu de la page en B/C/S et en bas de
25 la page 1 et au haut de la page 2 en anglais. Je vais vous rappeler ce que
26 vous avez dit en 2002 à ce sujet. Voilà la question qui vous a été posée :
27 "Dans la deuxième partie de ce document, les secteurs qui devaient composer
28 la municipalité serbe de Zvornik, à savoir 63 secteurs, sont énumérés.
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1 Pourriez-vous me dire quelles portions de la municipalité constituaient ces
2 63 secteurs ? Vous comprenez ? Est-ce que vous pouvez me dire en relisant
3 les noms de ces secteurs quel est le pourcentage ou la proportion de la
4 municipalité que ces secteurs représentaient ?"
5 Et vous répondez :
6 "D'un point de vue territorial ?"
7 L'enquêteur vous réplique :
8 "Oui."
9 Et vous dites :
10 "Je dirais 80 %."
11 Alors, voilà ce que vous avez dit aux représentants du bureau du Procureur
12 en 2002 s'agissant des territoires dont les noms figurent au paragraphe 2
13 de ce document qui est à l'écran devant vous en ce moment, à savoir que
14 l'ensemble de ces secteurs constituait environ 80 % du territoire de la
15 municipalité de Zvornik. C'est bien cela, n'est-ce pas ?
16 R. Je préférerais ne pas parler de pourcentages parce que je ne suis pas
17 expert en la matière. Mais je sais avec certitude que le territoire de la
18 municipalité de Zvornik, dans son ensemble, revenait aux Serbes en
19 majorité. S'agissant de ce qui revenait territorialement aux Musulmans dans
20 cette municipalité. Et même si le rapport en pourcentage de la population
21 serbe par rapport à la population musulmane était de 60 à 40 % en faveur
22 des Musulmans. Donc, si nous prenons le temps d'examiner le plan de la
23 municipalité de Zvornik à partir de Bijeljina et que l'on tienne compte de
24 l'ensemble de la zone, parce que, voyez-vous, vous pouvez dessiner la carte
25 et vous verrez que la majorité des territoires reviennent aux Serbes, dans
26 le cas où un accord de cette nature était envisagé, un accord de division à
27 70, 60, à peu près. Donc, ne me prenez pas au mot. Je ne suis pas géomètre
28 ou expert en la matière. Je veux dire, c'est une chose de parler des
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1 circonstances de l'époque et c'est une autre chose de discuter précisément
2 quand on est dans la situation en question. Voyez-vous, je suppose que vous
3 comprenez ce que je m'efforce de dire.
4 Q. Pas exactement. Est-ce que vous dites que vous n'avez pas dit la vérité
5 en 2002 quand vous parliez aux représentants du bureau du Procureur ?
6 R. Non, je n'ai pas dit que je n'avais pas dit la vérité, mais je ne
7 savais pas si c'était 80 ou 60 %, parce que, voyez-vous, je n'avais pas le
8 contrôle de tout. Au jour d'aujourd'hui, je ne sais pas quel était le
9 pourcentage exact. Si une division de ce genre devait être réalisée, je ne
10 saurais pas quel pourcentage exact mentionner, ce qui devrait revenir à la
11 partie serbe et ce qui devrait revenir à la partie musulmane. C'est un
12 expert en la matière qui devrait s'occuper de ces questions. Les
13 responsables politiques et les dirigeants, eux, étaient d'accord pour
14 conclure un accord.
15 Q. Eh bien, je vais vous interroger une nouvelle fois au sujet des
16 territoires dont les noms figurent au paragraphe 2 de ce document.
17 Sopotnik, qui figure au point 2, était un village majoritairement musulman
18 selon le recensement de 1991, puisqu'il était habité par 189 Musulmans et
19 68 Serbes, n'est-ce pas ? Donc, majoritairement musulman ?
20 R. Sopotnik, il y a eu deux Sopotnik, un Sopotnik musulman et un Sopotnik
21 serbe. Et lorsque les gens m'ont interrogé à ce sujet, j'ai supposé que la
22 question portait sur la partie serbe de Sopotnik, qui aurait dû revenir aux
23 Serbes. Il ne m'est pas venu à l'esprit un seul instant que des Musulmans
24 auraient pu être intégrés au Sopotnik serbe. Et puis, finalement, n'oubliez
25 pas que je ne suis pas responsable politique. Je n'ai pas été à l'origine
26 de ces pourparlers. Je n'ai pas assisté à ces pourparlers. Je suis un
27 profane qui s'efforçait de répondre à des questions spécialisées.
28 Q. Monsieur Vasilic, on vous demande une nouvelle fois de vous rapprocher
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1 des micros pour que les interprètes vous entendent mieux.
2 R. D'accord.
3 Q. Donji Grbavci était aussi un village majoritairement musulman, n'est-ce
4 pas, peuplé par 856 [comme interprété] Musulmans et 206 Serbes ? Je
5 continue à vous interroger sur l'aspect territorial.
6 R. Qu'est-ce qu'on entend par Donji Grbavci ? Parce qu'il y a des
7 villages, il y a des hameaux, il y a Hrdvici [phon], Vudici, et il y a
8 aussi d'autres villages qui ont des petits hameaux aux alentours, il y a
9 des villages serbes qui sont liés à Vitinice, qui fait partie de Jadarni.
10 J'ai déjà répondu. Ne me prenez pas au mot. Je sais quel était le rapport
11 en pourcentage entre les populations au sein de la municipalité de Zvornik.
12 Il était de 60 % en faveur des Musulmans avec 40 % de Serbes. Et puis, il y
13 avait peut-être 1 ou 2 points de pourcentage correspondant à des
14 populations autres, du point de vue de leur origine ethnique. Mais vous
15 m'interrogez au sujet du pourcentage de population dans des villages
16 déterminés. Je ne peux vraiment pas répondre à ces questions parce qu'il
17 faudrait les examiner plus précisément sur le plan arithmétique pour vous
18 répondre.
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
20 versement au dossier des pages qui renferment les passages que je viens de
21 citer dans mon interrogatoire du témoin. Pages 43 et 44 du document 65 ter
22 numéro 25215.
23 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces pages sont admises au dossier.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Elles deviennent la pièce P6405.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous demandez le versement au dossier
27 de ce document par la suite, j'aimerais voir le passage pertinent.
28 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Certainement.
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1 Q. Monsieur Vasilic, vous êtes également au courant, n'est-ce pas, même si
2 vous n'en parlez pas dans votre déclaration, que la cellule de Crise de
3 Zvornik a déclaré l'état de guerre à Zvornik le 6 avril 1992. C'est autre
4 chose que ce que vous avez dit en 2002 aux représentants du bureau du
5 Procureur ?
6 R. C'est possible, je ne m'en souviens pas. Si mes souvenirs sont exacts,
7 la Republika Srpska n'a jamais -- enfin, je parle de la République du
8 peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, elle ne l'avait pas proclamé pour
9 Zvornik vu qu'une cellule de Crise existait. Et pour moi, il était logique
10 qu'à partir du moment où vous avez une cellule de Crise et à partir du
11 moment où on tire, vous ne pouvez pas dire autre chose que c'est la guerre
12 et que la guerre est proclamée.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir le document 65 ter
14 25215, surtout la page 60.
15 Q. On vous a montré un document et dans ce document, la cellule de Crise a
16 proclamé l'état de guerre à Zvornik. C'est le document P3154. On vous a
17 demandé :
18 "Est-ce que vous vous souvenez de la proclamation de l'état de guerre à
19 Zvornik ?"
20 Et vous avez répondu :
21 "Je ne l'ai pas vu. Je l'ai entendu dire parce que vous connaissez ma
22 position à l'époque."
23 Vous avez dit au bureau du Procureur en 2002 que vous n'avez pas vu cette
24 décision mais que vous avez entendu parler de cela vu la position que vous
25 aviez au sein de la police à l'époque.
26 R. Je ne le nie pas.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Transcript.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au niveau du compte rendu d'audience, ligne 9
2 et plus loin, où le témoin a parlé de l'état de guerre, on n'a pas écrit
3 que la Republika Srpska n'avait pas proclamé l'état de guerre. Avant qu'il
4 ne dise "c'est possible, j'ai dit au sujet de Zvornik", et cetera.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
6 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
7 Q. Quand vous ne niez pas quelque chose, ce n'est pas la même chose que
8 d'accepter quelque chose. Est-ce que vous acceptez que vous avez entendu
9 parler de la proclamation de l'état de guerre à Zvornik à l'époque ?
10 R. Si je l'ai dit à l'époque, c'est sans doute exact. Je ne le nie pas.
11 Mais je ne peux pas vous dire pour chaque mot "je l'ai dit, oui" ou "je ne
12 l'ai pas dit". Cela étant dit, je ne nie pas cela.
13 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Bien. Je vais verser cela aussi, vu la
14 réponse du témoin, même si la réponse reste ambivalente.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bien. Nous allons ajouter cette page
16 aussi.
17 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
19 Q. Monsieur Vasilic, dans votre déclaration au niveau du paragraphe 21,
20 vous avez dit que pendant la période avant l'éclat du conflit à Zvornik,
21 qu'ils ont créé leurs propres gardes de village et que vous saviez que la
22 cellule de Crise avait ordonné la mobilisation générale à Zvornik. Vous
23 étiez au courant de cet ordre, n'est-ce pas ?
24 R. Je ne m'en souviens pas. C'est possible.
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir la page 63 de ce
26 document.
27 Q. Monsieur Vasilic, on vous a montré l'ordre portant mobilisation
28 générale. Il s'agit du document P3381. Vous avez dit ici :
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1 "C'est un ordre concernant la mobilisation généralisée."
2 On vous a demandé :
3 "Monsieur Vasilic, vous souvenez-vous de cet ordre ?"
4 Et vous avez dit :
5 "C'est le même que celui d'avant, j'en ai entendu parler, mais je ne l'ai
6 pas vu."
7 Est-ce que vous acceptez avoir entendu parler de la mobilisation générale à
8 l'époque ?
9 R. Si je l'ai dit à l'époque, c'est que c'est sans doute vrai. Je ne m'en
10 souviens pas mais j'accepte la possibilité de l'avoir dit.
11 Q. Vous parlez des activités d'Arkan et de sa présence à Zvornik au moment
12 où le conflit éclate. Et puis, une chose que vous ne dites pas dans votre
13 déclaration, et c'est quelque chose que vous avez dit avant, c'est que les
14 hommes d'Arkan étaient à Zvornik pendant quatre ou cinq jours, qu'ils
15 étaient dans le bâtiment Alhos à Karakaj, dans le même bâtiment où se
16 trouvaient la cellule de Crise et la police; est-ce exact ?
17 R. Oui, mais permettez-moi la possibilité de vous donner quelques
18 informations complémentaires. Le président Karadzic a lu le résumé de ma
19 déclaration, mais moi, je voudrais vous demander la possibilité d'expliquer
20 certaines informations qui y figurent. Le fait que l'unité d'Arkan était à
21 Alhos avec nous ne veut en aucun cas vouloir dire que nous l'avons
22 accueillie à bras ouverts. Il s'agissait là d'une force brute qui ne posait
23 pas de questions, qui ne nous demandait pas nos points de vue. C'est vrai
24 qu'ils étaient dans les bureaux à côté des nôtres.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le compte rendu.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] On n'a pas écrit que le témoin a dit que
28 c'était une force brute qui ne nous demandait pas notre avis.
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1 Est-ce que vous pouvez ralentir, Monsieur le Témoin, pour que l'on puisse
2 vraiment tout consigner au compte rendu d'audience ? Et rapprochez-vous du
3 micro, s'il vous plaît.
4 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
5 Q. Monsieur Vasilic, à nouveau, on vous demande de vous rapprocher du
6 micro.
7 Au paragraphe 19 de votre déclaration, vous avez dit que le 9 avril 1992,
8 Arkan et ses hommes ont démantelé le blocus de Zvornik. Vous avez dit
9 qu'Arkan et son unité ont pris le commandement. Quand vous avez déposé dans
10 l'affaire Grujic, vous avez dit que c'est la TO de Zvornik qui a libéré la
11 ville avec l'aide des hommes d'Arkan. C'est quelque chose qui se trouve
12 dans le document 65 ter 25217 à la page 108.
13 Monsieur Vasilic, c'est exact, n'est-ce pas ? Car là, il s'agissait d'une
14 opération conjointe qui a été menée pas seulement par Arkan, mais aussi par
15 la TO de Zvornik ?
16 R. Je vais vous répondre, mais écoutez-moi bien. Arkan, avec ses hommes,
17 nous a demandé de mettre à sa disposition un certain nombre d'hommes. Et vu
18 que l'on ne pouvait pas le faire, un ou deux jours avant le début de
19 l'opération, il nous a injuriés et il est parti, et ce jour-là -- enfin, à
20 cette date-là, Arkan est venu avec ses hommes et c'est lui qui a trouvé les
21 hommes qui lui manquaient pour créer son unité en les recrutant à l'aide de
22 Karakaj et Celopek. Et c'est avec ces hommes-là, avec ces éléments-là,
23 qu'il a fait son boulot à Zvornik, mais c'étaient des villageois serbes.
24 C'étaient les mêmes gens que ceux qui avaient monté les gardes villageoises
25 serbes. Et après, quand l'on a organisé la Défense territoriale et l'armée
26 de la Republika Srpska, ces hommes-là ont été intégrés, bien sûr, dans
27 l'armée de la Republika Srpska. Là, je fais référence aux citoyens de
28 Zvornik.
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1 Q. Monsieur, je vous ai posé une question très simple, et je vais vous la
2 reposer parce que vous n'avez pas répondu à la question. Dans l'affaire
3 Grujic, vous avez dit que la ville de Zvornik avait été libérée par la
4 Défense territoriale de Zvornik avec l'aide des hommes d'Arkan.
5 Est-ce que vous avez dit la vérité au moment où vous avez déposé dans
6 cette affaire-là ?
7 R. Je dis toujours la vérité, mais il faut me laisser la possibilité de
8 donner des explications. Quand j'ai témoigné à Belgrade, j'ai expliqué à Me
9 Todorovic la situation telle qu'elle était quand il a essayé de faire
10 valoir qu'une agression a été faite, mais ce n'était pas possible, ce
11 n'était pas possible que 100 ou 200 volontaires de Serbie agressent la
12 ville alors que nous, les Serbes de Zvornik, nous disposions de plusieurs
13 milliers d'hommes et que l'on a par la suite intégrés dans les formations
14 militaires. C'est pour cela que j'essaie de vous expliquer ceci. Il s'agit
15 bien des membres de la Défense territoriale. Seulement, cette Défense
16 territoriale n'avait pas encore été organisée à l'époque, même si je
17 parlais des "membres de la Défense territoriale".
18 Q. Bien.
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander la page 108 en anglais et
20 la page 73 du document 65 ter 25217. Page 73 en B/C/S et 108 en anglais.
21 Q. Voilà, Monsieur Vasilic, c'est quelque chose qui se trouve tout en bas
22 de la page dans les deux langues. On vous a posé la question au sujet de
23 l'opération de la ville de Zvornik et on vous demande :
24 "La ville a été libérée de quoi et par qui ?"
25 Réponse :
26 "Elle été libérée par la Défense territoriale de la ville de Zvornik."
27 Et les Juges vous disent :
28 "Adressez-vous aux Juges."
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1 Et vous répétez :
2 "Avec l'aide, avec l'aide des hommes d'Arkan."
3 C'est ce que vous avez dit dans l'affaire Grujic, et c'est vrai, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Il est vrai qu'Arkan, avec ses hommes, a mené l'opération. Il est vrai
6 que les gens de Karakaj et de la région l'ont aidé. Voilà. C'est comme cela
7 qu'il faut le dire. C'est la vérité.
8 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander le versement de cette
9 page.
10 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons verser au dossier
12 ce document.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P6406.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
15 Q. Monsieur Vasilic, on ne parle de cela à aucun moment dans votre
16 déclaration, mais vous savez, n'est-ce pas, qu'au moment où vous êtes chef
17 de la police, des crimes terrifiants ont été commis contre les Musulmans à
18 Zvornik; vous le saviez, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Maintenant, je vais parler d'un certain nombre d'informations que vous
21 avez données au sujet de ces crimes dans vos déclarations précédentes, et
22 je vais les comparer. Tout d'abord, le massacre de Drinjaca, fin du mois de
23 mai 1992. En 2002, vous avez dit au bureau du Procureur que vous aviez reçu
24 des informations des policiers de réserve à Drinjaca, qu'une unité de la TO
25 placée sous le commandement du lieutenant Martic avait exécuté un groupe de
26 prisonniers musulmans dans la cour de récréation de l'école de Drinjaca. Il
27 s'agit des pages 114, 155 et 119.
28 C'est exact, n'est-ce pas ?
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1 R. Il est vrai que cet incident a eu lieu. Il est vrai qu'un certain
2 lieutenant Matic - vous vous êtes trompé de nom - avait un groupe d'hommes
3 qui est venu avec lui. Ils n'étaient pas de Bosnie-Herzégovine. Ils se sont
4 rendus dans la zone de Drinjaca et ont mené à bien des opérations
5 indépendantes, puis certains habitants de Drinjaca ont pris part à ces
6 opérations mais je ne sais pas qui étaient ces gens. Et tout cela est passé
7 par ce lieutenant Maric [comme interprété]. Moi j'ai posé des questions
8 pour savoir d'où il vient mais on ne savait pas. Et puis, on a dit que cet
9 homme s'est fait tuer dans la région de Vitinica.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce 65 ter
11 25215, page 114.
12 Q. Donc, on vous a posé la question au sujet des meurtres à Drinjaca, on
13 vous a demandé ce que vous pouvez dire à ce sujet, et vous avez dit, et
14 c'est en bas de la page :
15 "Je ne me souviens pas de la personne qui m'a dit cela. Etait-ce Ljubisa,
16 ou quelqu'un d'autre, toujours est-il que nous avons été informés que les
17 hommes avaient été amenés au stade et qu'on les a alignés comme dans
18 l'armée, et à la fin, les membres de la Défense territoriale, lieutenant
19 Martic et son groupe, les ont tués. Je ne sais pas s'il faut le dire mais
20 il y avait des femmes présentes au moment où cela s'est produit. Elles
21 étaient en train de regarder."
22 Et ensuite, à la page 19 [comme interprété], il est écrit :
23 "Vous avez dit que c'étaient les hommes de Maric [comme interprété] qui
24 étaient responsables, comment vous le savez ? "
25 Réponse :
26 "C'est le policier qui travaillait là-bas qui me l'a dit, mais on en
27 parlait aussi dans la ville."
28 Donc, Monsieur Vasilic, le lieutenant Martic, bon, c'est peut-être Matic,
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1 mais vous dites là clairement que c'était le commandant de l'unité de la
2 Défense territoriale. C'est l'information que vous aviez à l'époque, n'est-
3 ce pas ?
4 R. Il était avant tout commandant de sa propre unité, de son groupe
5 d'hommes. Et puis, certaines personnes du cru l'ont rejoint. Je pense que
6 le commandant de la Défense territoriale était un autre homme mais il était
7 originaire de cette région. Je pense qu'il s'appelait Petrovic, mais là je
8 me livre à des conjectures.
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de voir la version en serbe de
10 ce document ? Je voudrais que le témoin puisse voir comment il s'est
11 exprimé en serbe.
12 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Nous n'avons que la version anglaise.
13 Q. Monsieur Vasilic, vous avez aussi dit au bureau du Procureur que vous
14 avez entendu dire que le lieutenant Matic était un officier d'active de la
15 JNA et qu'il était arrivé dans votre région après que la JNA se soit
16 retirée de Croatie et de Slovénie ?
17 R. Mais c'est possible. Vous savez, cela fait vraiment très longtemps. Je
18 sais qu'il n'était pas originaire de Zvornik, je ne l'ai jamais vu. J'ai
19 entendu parler de lui. J'ai entendu dire qu'il s'appelait lieutenant Matic.
20 Je savais même qu'il n'était pas originaire de la Bosnie-Herzégovine. Je ne
21 saurais même pas affirmer qu'il ne faisait pas partie de la JNA.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il n'a pas dit "je ne peux pas nier". Il a dit
23 "je ne peux pas affirmer." "Je ne peux pas affirmer qu'il n'est pas
24 officier de l'armée yougoslave. Je ne veux pas l'affirmer ici."
25 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
26 Q. Je vais vous rappeler ce que vous avez dit en 2002, c'est sur la page
27 précédente, la page 118, vers la fin de la page, on vous pose la question
28 au sujet du lieutenant Matic et son unité, et vous dites :
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1 "Je n'en suis pas sûr mais j'ai entendu dire qu'il était officier d'active
2 de la JNA et qu'il était venu dans la zone après s'être retiré de Slovénie
3 et de Croatie."
4 Et ensuite, on vous pose la question :
5 "A l'époque, quelle était son unité ?"
6 Réponse, la page suivante :
7 "Je pense qu'à l'époque la brigade n'avait pas encore été créée. Je pense
8 qu'à l'époque on avait la Défense territoriale, organisait différentes
9 unités, compagnies, pelotons, et cetera, dans différents endroits, et ils
10 étaient tous subordonnés au commandant de la Défense territoriale."
11 R. Mais c'est vrai, et je l'affirme au jour d'aujourd'hui.
12 Q. Bien. Vous avez aussi dit au bureau du Procureur qu'à l'époque il y
13 avait un poste de police de réserve dans le foyer culturel de Drinjaca et
14 que c'était Ljubisav Petrovic qui était à la tête de cette unité.
15 R. Oui.
16 Q. Et en 2002, les enquêteurs vous ont dit que d'après les informations au
17 sujet de ce massacre, les hommes qui ont été exécutés étaient détenus dans
18 le foyer culturel de Drinjaca avec les femmes et les enfants et que l'on a
19 séparé les hommes pour les tuer dans la cour de récréation. Et vous avez
20 répondu :
21 "Si tel était le cas, la police stationnée dans le foyer culturel de
22 Drinjaca aurait dû être au courant de tous les détails du massacre."
23 Et il est exact, n'est-ce pas, que si le massacre s'est produit à
24 l'extérieur du foyer culturel, les policiers stationnés au foyer auraient
25 dû être au courant de cela ?
26 R. Permettez-moi. On m'a tout d'abord posé la question en disant que tout
27 cela s'est produit dans le foyer culturel. On m'a dit que le poste de
28 police de réserve était installé à l'école, mais ce n'est pas vrai. Ce
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1 n'est pas exact. Le poste de police de réserve ou de milice, comme on
2 l'appelait à l'époque, son siège se trouvait dans le foyer culturel de
3 Drinjaca. Le foyer culturel se trouve à une certaine distance de l'école.
4 Et si les policiers étaient là, s'ils étaient présents, ils pouvaient, si
5 pas le voir, alors l'entendre. Mais vous allez me permettre la possibilité
6 que j'aie dit auparavant que Ljubisa Petrovic avait relaté ces événements
7 et les circonstances. Donc, ceci ne s'est pas produit dans le foyer
8 culturel et pas à proximité du foyer culturel. Est-ce qu'ils l'ont vu, est-
9 ce qu'ils étaient en train de le regarder de quelque part, écoutez, je ne
10 le sais pas. Mais quand il s'agit du poste de police de réserve, vu qu'on
11 en parle, je dois vous dire que chaque commune locale ou communauté de
12 commune locale de la municipalité de Zvornik disposait de son poste de
13 police de réserve qui était commun.
14 Q. Je ne vous pose pas de question au sujet de la structure des postes de
15 police de réserve de Zvornik. Concentrez-vous sur les questions que je vous
16 pose.
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Et je vais vous demander d'examiner la
18 page 120 de ce document.
19 Q. On vous a demandé -- et voici ce que l'enquêteur vous a dit :
20 "L'information que nous poursuivons, c'est que les exécutions étaient --
21 que ces hommes étaient tenus dans le foyer de la culture. Les hommes et les
22 femmes étaient ensemble, et ensuite, on a fait sortir les hommes, on les a
23 exécutés dans le terrain de basket à l'extérieur du foyer culturel, on les
24 a exécutés par groupes de dix à peu près. Est-ce que vous pouvez dire
25 quelque chose à ce sujet ?"
26 Réponse :
27 "Je n'ai pas de détails."
28 Ensuite, vous dites :
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1 "Si tel a été le cas, c'était juste à l'extérieur du foyer culturel, juste
2 à l'extérieur du poste de police de réserve; est-ce exact ?"
3 Et vous répondez :
4 "Ça ne devait pas être bien loin."
5 Ensuite, on vous pose la question :
6 "C'était dans le terrain de basket. Vous savez de quoi je parle ?"
7 Réponse :
8 "Je ne pense pas qu'il y en ait deux. Vous avez donc un terrain de foot
9 devant l'école, et c'est le seul. S'il y avait un terrain de basket
10 ailleurs, je n'en sais rien."
11 Ensuite, l'enquêteur vous demande :
12 "Donc, d'après les informations que nous possédons, ils ont été exécutés
13 là-bas. Dans ce cas, vos policiers devaient être au courant."
14 Et votre réponse :
15 "Sans doute qu'ils étaient là et qu'ils étaient en train de regarder tout
16 depuis le bâtiment. Ils doivent connaître les détails."
17 C'est ce que vous avez dit en 2002, et c'est la vérité, n'est-ce pas ?
18 R. Même si je ne me souviens pas des détails et je ne sais pas si je me
19 suis vraiment exprimé comme cela, mais je ne veux pas dire que les
20 policiers n'étaient pas là. Vous savez, chaque école a une cour de
21 récréation. Elle n'en a pas deux. Vous me comprenez.
22 Est-ce que les policiers étaient là, combien ils étaient, combien il
23 y en avait qui étaient sur le terrain, écoutez, je n'en sais rien. S'ils
24 étaient là, on pouvait le voir.
25 Si mes souvenirs sont exacts --
26 Q. Merci, Monsieur.
27 Vous avez été clair dans votre réponse.
28 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais verser cette page, s'il vous
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1 plaît.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien, nous allons ajouter cette
3 page.
4 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
5 Q. A la page 115 de ce compte rendu, on vous pose des questions sur ce qui
6 s'est passé ensuite, et je vais vous donner lecture de la question et de la
7 réponse. On vous demande :
8 "Que s'est-il passé avec ces personnes qui ont été tuées, est-ce que vous
9 avez enquêté par la suite ?"
10 Et vous avez dit :
11 "On n'a rien fait."
12 Question suivante et vous interrompez et vous ajoutez :
13 "Rien à part des conversations typiques avec des dirigeants à l'état-major
14 et des politiciens. On m'a dit qu'on ne pouvait pas continuer comme cela,
15 qu'on ne pouvait plus gérer les choses comme cela et que la guerre avait
16 cessé, mais que c'était beaucoup plus terrible qu'une guerre
17 traditionnelle, qu'il n'y avait pas eu de réponse, qu'il n'y avait pas eu
18 de questions posées non plus, et que tous les gens normaux étaient très
19 surpris et très déprimés par tout cela."
20 Est-ce exact, Monsieur Vasilic ? Vous avez parlé de ce massacre avec des
21 hauts dirigeants politiques et des dirigeants de l'état-major, mais il n'y
22 a pas eu de réponse et rien n'a été fait, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, j'ai abordé ce sujet avec les hommes qui étaient à l'état-major de
24 la Défense territoriale pour pouvoir constater pourquoi cela s'était passé,
25 ce qu'il s'était passé exactement et comment les choses avaient évolué et
26 qui était responsable. Cependant, le chef de l'état-major avait promis
27 d'enquêter. S'agissant des autres bâtiments où on emmenait des gens,
28 j'insiste, on ne pouvait envoyer de gens sans savoir qui étaient ces
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1 personnes, qui les emmenaient, et pourquoi.
2 Q. Je ne vous parle pas d'autres bâtiments, Monsieur, je vous parle du
3 fait que lors de ce massacre à Drinjaca, vous avez déclaré en 2002, lorsque
4 vous avez parlé de dirigeants politiques et de dirigeants de l'état-major,
5 que vous aviez abordé la question auprès de cette personne et que rien n'a
6 été fait en réponse. Est-ce que cela est vrai ou est-ce que vous avez menti
7 en 2002 ?
8 R. Madame, je n'ai jamais menti. S'il vous plaît, n'utilisez pas ce terme.
9 Je suis en train de vous dire, et je vous le répète, j'ai parlé de ce
10 sujet-là avec le chef de l'état-major de la TO, M. Marko Pavlovic. C'était
11 Marko Pavlovic, à l'époque. Je ne sais pas s'il avait d'autres surnoms ou
12 pas. Je ne sais pas qui il était ni d'où il venait. Il m'a promis
13 d'enquêter à ce sujet et de faire respecter les lois relatives aux forces
14 armées en ex-Yougoslavie. Tous les actes commis par des membres de l'armée
15 ou de la Défense territoriale doivent faire l'objet d'une enquête par les
16 organes compétents de l'unité ou du district. Voilà pourquoi je ne me suis
17 plus occupé de cette affaire.
18 Q. Mais Monsieur Vasilic, vous venez de nous dire que vous n'aviez jamais
19 menti, mais vous venez de dire aussi que M. Pavlovic vous avait promis
20 d'enquêter sur ces événements, mais en 2002, vous avez dit qu'il n'y a pas
21 eu de réponse et que rien n'a été fait. Laquelle de ces deux déclarations
22 est fausse ?
23 R. Je vous répète, Madame, n'utilisez pas, s'il vous plaît, le terme
24 mentir ou mensonge. Je vous avais dit qu'il me l'avait promis. Maintenant,
25 s'il n'a rien fait, il faudrait lui poser la question à lui, je n'étais pas
26 en mesure de le forcer, de forcer M. Pavlovic à le faire ni de l'arrêter
27 pour n'avoir rien fait. Je peux vous parler de mon parcours si vous le
28 désirez et de mes relations avec ces forces qui commettaient des crimes sur
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1 le terrain.
2 Q. Non, je ne vous pose pas de question à cela --
3 R. Parce que personne ne m'écouterait là-dessus.
4 Q. Est-ce que vous affirmez que Marko Pavlovic vous a promis d'enquêter
5 sur ces événements, mais qu'en fait, il n'a rien fait ? Est-ce que c'est ce
6 que vous êtes en train de nous dire, Monsieur ?
7 R. C'est exactement ce que j'essaie de vous dire. Cet homme m'a promis
8 d'ouvrir une enquête pour voir ce qu'il s'était passé, comment cela s'était
9 passé, et pourquoi. Et c'était aux organes de la sécurité d'enquêter sur
10 cette affaire. Maintenant, je ne sais pas s'il y a eu un suivi. Je n'ai pas
11 eu de retour d'information, en tout cas. Et c'est ce que j'ai dit, rien n'a
12 été fait.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 12, le témoin a déclaré que c'était
16 aux organes de la sécurité d'ouvrir une enquête et il a ajouté qu'il y
17 avait un organe de la sécurité, que c'était la Défense territoriale ou M.
18 Pavlovic, que c'était lui, l'organe de la sécurité, et cela n'a pas été
19 consigné au compte rendu.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne sais pas ce que le témoin a
21 véritablement déclaré.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je parle de la ligne 12 de la page 68 --
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il semble que vous ayez ajouté votre
24 explication.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, non. Nous pouvons réécouter les
26 bandes. Il a parlé d'un organe de sécurité, mais il manque un morceau, et
27 il a dit qu'il avait un organe de sécurité.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si vous vous étiez arrêté là, cela
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1 aurait suffi. Vous avez ajouté une explication comme si cette explication
2 sortait de sa bouche.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous avez raison, mais je voulais expliquer le
4 sens de ce qu'il manquait au compte rendu.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous confirmer
6 cela, Monsieur Vasilic ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
9 Continuons, Madame Gustafson.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
11 J'aimerais verser cette page du compte rendu.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons ajouter cette page
13 également.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
15 Q. Monsieur Vasilic, en 2002, vous avez également dit au bureau du
16 Procureur ce que vous saviez des exécutions qui avaient eu lieu dans la
17 région de Djulici, à l'école technique de Karakaj et aux abattoirs. Et vous
18 avez déclaré que vous aviez appris que ces hommes avaient été tués
19 immédiatement après les événements parce que toute la ville en parlait à ce
20 moment-là. C'est exact ?
21 R. Après les événements, non, je n'ai pas entendu dire cela et je n'ai pas
22 pu dire quelque chose de pareil. Je sais comment ces personnes ont été
23 emmenées à l'école technique, si vous parlez des gens de Djulici ou de
24 Bijeli Potok.
25 Q. Ce n'est pas de cela que je vous parle à présent.
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que l'on passe à la page 96 du
27 document, s'il vous plaît.
28 Q. Au bas de la page, on vous pose la question suivante :
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1 "Ces informations que vous avez reçues sur les personnes qui ont été tuées
2 à l'école technique de Karakaj ou de Gero, qui vous les a données ?"
3 Et vous répondez :
4 "C'était la rumeur qui circulait dans la ville."
5 A la page suivante, on vous pose une autre question :
6 "Mais de qui avez-vous reçu ces informations ?"
7 Et vous répondez :
8 "Je ne m'en souviens pas, c'était il y a trop longtemps."
9 Ensuite, on vous demande :
10 "Quand en avez-vous entendu parler ?"
11 Et vous répondez :
12 "On en a parlé pendant environ six mois, et je suppose que j'en ai entendu
13 parler directement après les événements, et plus la ville était libérée
14 plus les gens en parlaient."
15 Donc, Monsieur Vasilic, est-il exact que toute la ville en parlait juste
16 après les événements et que vous en avez entendu parler également juste
17 après les événements ?
18 R. Je pense que j'ai commis une erreur dans mon explication. J'ai dit que
19 j'ai entendu parler de ces actes après avoir quitté la police, c'est-à-dire
20 quelques mois plus tard. En d'autres mots, je n'en ai pas entendu parler
21 directement après les événements, donc un jour ou deux après, ou cinq, mais
22 quelques mois après seulement. C'est à ce moment-là que j'ai entendu parler
23 de Celopek, de l'école technique, après l'arrestation des paramilitaires
24 qui ont été emmenés en prison. C'est comme cela que les choses se sont
25 passées. Pendant environ deux mois, on en parlait dans toute la ville mais
26 on en parlait à voix basse. Les gens n'en parlaient pas ouvertement.
27 Personne n'osait en parler ouvertement, même après l'arrestation de ces
28 personnes.
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1 Q. Monsieur Vasilic, un autre témoin de la Défense a déposé et il a
2 confirmé aux Juges de la Chambre que tout le monde dans la ville en parlait
3 directement après les événements, qu'on parlait de la mort de centaines
4 d'hommes de l'école technique de Karakaj, et il a dit qu'il en a entendu
5 parler quelques jours après, dans les quelques jours qui ont suivi. Alors,
6 vous étiez soit commandant du poste de police ou chef de la police à
7 l'époque où ces meurtres ont eu lieu. Et vous êtes en train de nous dire
8 que vous ne saviez pas que tout le monde en parlait à Zvornik à l'époque,
9 que tout le monde ne parlait que de ce crime horrible ?
10 R. C'est exact --
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on obtenir une référence, s'il vous plaît
12 ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Où y a-t-il une référence à ce que le témoin
15 précédent aurait déclaré et ses propos exacts ?
16 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne l'ai pas sous la main directement
17 mais j'étais dans le prétoire ce matin, il me semble que le témoin
18 précédent a dit cela.
19 Q. Monsieur Vasilic, je ne suis pas certaine que toute votre réponse ait
20 été consignée. Je repose ma question. Est-ce que vous êtes d'accord pour
21 dire qu'en votre qualité de commandant du poste de police ou de chef du
22 poste de police, vous n'étiez pas au courant de ce massacre même si tout le
23 monde en parlait à Zvornik à l'époque ?
24 R. Je vais vous expliquer. Les événements ou le massacre au centre de
25 l'école secondaire de Karakaj ou l'affaire de Celopek, dans ce cadre-là, eh
26 bien, j'ai discuté avec M. Sredo Vukovic à Belgrade, au tribunal spécial,
27 ainsi que M. Petko Panic, et ils ont modifié les déclarations qu'ils
28 avaient données devant ce tribunal et ils ont déclaré qu'ils pensaient que
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1 je savais, ou que Sredo Vukovic avait déclaré que j'avais dit que certaines
2 personnes devraient être transférées vers Celopek à partir de Zvornik --
3 Q. Désolée de vous interrompre mais vous ne répondez pas à ma question. Je
4 vous demande ce que vous saviez et quand vous l'avez appris. Je ne vous
5 demande pas ce que d'autres personnes ont dit sur ce que vous auriez pu
6 dire, ni d'autres procès.
7 R. Bien, je suis en train de vous dire cela pour que vous puissiez
8 retrouver les documents et constater que je n'ai pas menti et que j'ai dit
9 la vérité. Je n'avais pas entendu parler de ces événements. J'en ai entendu
10 parler plusieurs mois plus tard et même à ce moment-là, les gens n'en
11 parlaient pas haut et fort. Les personnes qui savaient que cela avait eu
12 lieu directement après les événements avaient soit été impliquées, soit
13 autre chose s'était passé. Il y avait environ dix groupes de
14 paramilitaires. On n'osait même pas respirer et encore moins faire de
15 commentaire. Je ne sais pas qui aurait eu le courage de le faire; en tout
16 cas, je ne l'aurais pas eu, croyez-moi. Si j'avais su cela, je n'aurais pas
17 gardé le silence. Lorsque j'avais épuisé toutes les possibilités qui
18 s'offraient à moi de faire partir ces paramilitaires, j'ai demandé au
19 président Grujic d'aller voir le président Karadzic et demander de l'aide.
20 Donc, pour répondre à votre question, je n'étais pas au courant.
21 Q. Je vais vous demander encore une fois de vous contenter de répondre à
22 la question.
23 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais verser les pages 100 -- 96 et
24 97 et que l'on les ajoute à la pièce. Et je regarde l'heure, Monsieur le
25 Juge.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, il est temps de faire la pause --
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Compte rendu.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a dit "Nous sommes allés voir le
2 président Karadzic et demander de l'aide" et pas, comme le compte rendu le
3 dit, que "nous devrions aller voir le président Karadzic." Je parle de la
4 ligne 19. "Should go" en anglais.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous confirmer
6 cela, Monsieur Vasilic ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
9 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, et le Dr Karadzic m'avait demandé la
10 référence du compte rendu pour la question que j'avais posée tout à
11 l'heure. Eh bien, je parlais de la page 7 et des lignes 12 à 22.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
13 Monsieur Tieger, est-ce que vous avez quelque chose à dire ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Eh bien, il me semblait que la référence
15 exacte était 17 à 23, et pas 17 à 22, mais bon.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire une pause
17 de 45 minutes, et nous allons reprendre à 12 heures 20 -- 13 heures 20.
18 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 32.
19 --- L'audience est reprise à 13 heures 23.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Madame Gustafson.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur Vasilic, avant la pause, je vous ai posé une question sur ce
23 que vous saviez du massacre des hommes de Djulici et de l'école technique
24 de Karakaj ainsi que de l'abattoir de Gero. Je n'ai plus de questions à
25 vous poser sur ces événements à part celle de vous demander de confirmer
26 votre déclaration faite au bureau du Procureur en 2002, à savoir que rien
27 n'avait été fait pour enquêter sur ces meurtres. Est-ce que vous pourriez
28 le confirmer, Monsieur ?
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1 R. Oui.
2 Q. Au paragraphe 46 de votre déclaration, vous faites référence à des
3 événements à Celopek. Et vous déclarez que les membres de la police de
4 réserve qui assuraient la sécurité n'avaient jamais été informés des
5 événements qui avaient eu lieu là-bas. Et vous nous parlez du centre
6 culturel de Celopek à ce moment-là, où des officiers de la police de
7 réserve gardaient des civils musulmans qui y étaient. Pouvez-vous le
8 confirmer ?
9 R. Oui.
10 Q. Et dans l'affaire Grujic, lors de votre déposition, vous avez dit que
11 ces Musulmans avaient été emmenés au centre culturel de Celopek au moyen
12 d'autocars, sur les ordres soit de l'état-major de la Défense territoriale
13 ou du gouvernement intérimaire et que Miko Miljanovic, un représentant
14 officiel de la police, les accompagnait. Est-ce que cette déclaration est
15 exacte ?
16 R. Oui.
17 Q. Alors, j'aimerais vous poser des questions sur les groupes
18 paramilitaires à Zvornik. Vous les avez décrits comme étant trop puissants
19 pour que la police puisse s'y opposer. Je voudrais plus précisément vous
20 poser des questions sur l'une de ces unités que l'on appelait les hommes de
21 Gogic. En 2002, vous avez déclaré au bureau du Procureur, lorsque l'on vous
22 a posé des questions à ce sujet, que ces hommes avaient apparu lorsque
23 Milos Pantelic était chef de la police, qu'ils portaient des uniformes de
24 la police et qu'ils étaient payés par la municipalité au sein de
25 l'organigramme de la police. Est-ce que vous pouvez le confirmer ?
26 R. Oui, c'est exact, mais j'aimerais expliquer cela plus en détail, si
27 vous me le permettez.
28 Q. Oui, brièvement, si vous pensez que ces explications pourraient nous
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1 éclairer, mais soyez bref, s'il vous plaît.
2 R. Oui, je serai bref. J'aimerais que les Juges de la Chambre sachent d'où
3 venaient ces personnes. Lorsque Milos Pantelic est devenu chef du poste de
4 police, il a amené ces personnes avec lui. Et je lui ai demandé d'où
5 venaient ces personnes. Il m'a répondu que c'étaient ses hommes, qu'ils
6 étaient sous son contrôle. Ensuite, j'ai ajouté qu'au sein d'un seul poste
7 de police, il ne pouvait y avoir deux forces de police différentes.
8 Lorsqu'ils sont arrivés, ils portaient des uniformes de camouflage et il y
9 avait le blason de la police sur leurs épaules. J'ai insisté pour que ces
10 personnes soient révoquées, il m'a répondu que je n'avais rien à voir avec
11 eux, qu'ils étaient sous son contrôle et que c'était lui qui commandait.
12 J'ai essayé de me débarrasser de ces paramilitaires et j'inclus les hommes
13 de Gogic dans ce groupe. Et j'ai demandé aux gens de Mali Zvornik et de
14 Serbie de m'aider parce que la plupart d'entre eux venaient de Serbie,
15 presque tous. Et nous y sommes parvenus, à une reprise, mais ils sont
16 revenus. Maintenant, savoir si c'était la municipalité qui les payait, eh
17 bien, nous étions tous payés par la municipalité parce que c'est comme cela
18 que les choses marchaient à l'époque. Et le chef Pantelic a insisté pour
19 qu'une liste soit dressée reprenant tout le personnel de la police et que
20 ces personnes soient incluses dans cette liste, et c'est comme cela que ces
21 personnes ont été payées.
22 Q. Très bien. Dans votre réponse, vous avez fait référence à plusieurs
23 reprises à Milos Pantelic et vous nous avez dit que les hommes de Gogic
24 étaient ses hommes et qu'ils étaient sous son contrôle, sous son autorité,
25 et qu'en fait, les hommes de Gogic agissaient directement sous la
26 responsabilité et le contrôle du chef de la police à l'époque et que
27 c'était l'une des raisons pour lesquelles il a été difficile de s'opposer à
28 cette unité du chef des forces de police. Comment est-ce que la police
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1 aurait pu s'opposer à cette unité si elle agissait directement sous le
2 contrôle et l'autorité du chef de la police ?
3 R. Je n'ai pas compris la question.
4 Q. Dans votre déclaration, vous dites qu'il était particulièrement
5 difficile pour la police de s'opposer à ces unités paramilitaires. Et
6 s'agissant des hommes de Gogic, l'une des raisons pour lesquelles il était
7 difficile de s'opposer à eux, c'est qu'ils opéraient sous le commandement
8 du chef de la police, n'est-ce pas ?
9 R. C'est moi qui me suis opposé à eux. Les autres ne se sont pas opposés à
10 eux parce qu'ils s'attendaient tous à ce que je le fasse, et c'est normal.
11 Le chef Pantelic a insisté pour dire qu'ils étaient sous son contrôle et
12 qu'ils n'avaient à répondre qu'à lui. Il ne pouvait pas y avoir deux
13 polices. Une police, selon la hiérarchie, est responsable devant lui et
14 devant moi, et une autre n'est responsable que devant lui. Ce n'est pas
15 possible.
16 Q. Et un des sujets de préoccupation que vous aviez par rapport à ce
17 groupe qui vous a poussé à vous plaindre de cela auprès de Pantelic, c'est
18 que les hommes de Gogic, manifestement, se comportaient d'une façon
19 inacceptable. C'est ce que vous avez dit au représentant du bureau du
20 Procureur en 2002, n'est-ce pas, et c'est la vérité ?
21 R. C'est exact.
22 Q. Et vous nourrissiez des craintes quant à la façon dont les hommes de
23 Gogic risquaient de traiter les civils étant donné ce que vous aviez
24 constaté dans leur comportement, n'est-ce pas ? C'est également quelque
25 chose que vous avez dit aux représentants du bureau du Procureur, et c'est
26 vrai, n'est-ce pas ?
27 R. Il est vrai que c'étaient des hommes qui s'enivraient, qui avaient un
28 comportement très peu discipliné. Et très simplement, c'étaient des hommes
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1 qu'il était difficile de contrôler. Ils étaient là mais difficiles à
2 contrôler. Et on pouvait s'attendre à ce qu'ils fassent la même chose, les
3 paramilitaires qui se trouvaient là. Je peux dire aux Juges de la Chambre
4 qu'à ce moment-là, lorsque des groupes de ce genre arrivaient régulièrement
5 sur place, les gens pensaient au début qu'ils venaient pour leur apporter
6 une aide, mais la population s'est très rapidement rendu compte qu'ils
7 n'étaient pas venus pour défendre les intérêts du peuple serbe, mais bien
8 pour défendre leur propre intérêt.
9 Q. D'accord. Dans votre déclaration au paragraphe 36, vous dites que vous
10 avez été laissé à la merci de ces paramilitaires en raison de la mauvaise
11 qualité ou de l'inexistence des moyens de transmission permettant des
12 communications avec les organes compétents de la république. Donc, voici la
13 question que je vous pose : à quel moment avez-vous communiqué pour la
14 première fois aux autorités du MUP de la république les problèmes que vous
15 aviez avec les paramilitaires ?
16 R. Je ne saurais vous préciser une date. Avant tout, je tiens à dire que
17 nous ne disposions d'aucun moyen de communication tel que par exemple des
18 lignes téléphoniques, un télex, ou quoi que ce soit de ce genre. Il a fallu
19 pas mal de temps pour établir des communications radio et d'autres voies de
20 communication. Les représentants du ministère sont bien venus nous voir,
21 mais il me semble que la véritable raison de leur venue, c'était qu'ils
22 souhaitaient regrouper leurs familles pour les emmener en Serbie en
23 sécurité et, qu'au passage, ils nous ont rendu visite rapidement. Je leur
24 ai expliqué qu'il était impossible de travailler là où nous étions dans des
25 conditions de ce genre. Et des promesses ont été faites, ils ont dit qu'ils
26 feraient circuler l'information vers le haut de la hiérarchie de façon à ce
27 que les paramilitaires soient éliminés. Je suis allé à Mali Zvornik pour
28 demander de l'aide à Brano Grujic, comme je l'ai déjà dit, mais sans
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1 succès.
2 Q. Je vais vous interrompre ici, parce que nous nous écartons de la
3 question. J'aimerais vous rappeler ce que vous avez dit dans votre
4 témoignage dans l'affaire Grujic. Vous avez dit aux Juges de la Chambre de
5 première instance :
6 "Des inspecteurs du MUP sont venus à plusieurs reprises à Zvornik en
7 provenance du MUP de Sarajevo durant les mois de mai et juin 1992." Et vous
8 leur avez parlé des problèmes qui étaient les vôtres; c'est vrai, n'est-ce
9 pas ?
10 R. Eh bien, c'est ce que je viens de dire à l'instant. Des représentants
11 du ministère sont bien venus, mais j'ai eu pour ma part l'impression qu'ils
12 étaient venus avec des objectifs qui n'avaient rien à voir avec nous et que
13 c'est au passage qu'ils sont venus nous rendre visite, et que j'ai pu leur
14 expliquer nos problèmes. Plus tard, lorsque les moyens de transmission sont
15 redevenus opérationnels, quand il a été de nouveau possible d'envoyer des
16 documents, je me rappelle un rapport que j'ai rédigé dans lequel j'ai
17 décrit les problèmes que nous avions avec les paramilitaires dans la région
18 de Zvornik, nous avons pratiquement été fait prisonniers au quartier
19 général et nous avons dû nous cacher des paramilitaires dirigés par Zuco.
20 Nous sommes restés détenus pendant cinq heures sous la menace d'un fusil.
21 Je crois que cela devrait vous suffire pour comprendre de quoi je parle.
22 Q. Ceci figure dans votre déclaration écrite. Encore une fois, nous nous
23 écartons de la question que j'ai posée.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je demande l'affichage de la pièce D1436.
25 Q. En attendant l'apparition du texte à l'écran, Monsieur Vasilic, je vous
26 demande si vous vous rappelez une inspection qui a eu lieu au poste de
27 sécurité publique de Zvornik par Dragomir Andan et Danilo Vukovic aux
28 environs du 12 mai ainsi qu'au mois de juin 1992 ?
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1 Vous avez entendu ma question ? Dans le document qui est à l'écran,
2 il est indiqué qu'une inspection a été menée par Dragomir et Danilo
3 Vukovic, deux inspecteurs du MUP du poste de sécurité publique de Zvornik
4 entre le 29 mai et le 12 juin 1992. Est-ce que vous vous rappelez cette
5 inspection ?
6 R. Il y a pas mal d'inspecteurs qui sont venus. Je crois qu'il y avait
7 aussi M. Andan et d'autres, mais je ne me rappelle pas leurs noms. A deux
8 ou trois reprises, ils sont venus à deux ou trois, mais je n'ai aucun
9 souvenir de leurs noms.
10 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la page 5 de
11 la version anglaise, page 4 de la version B/C/S de ce document à l'écran.
12 C'est la partie du rapport où il est question de l'inspection qui a été
13 menée à bien à Zvornik. Et dans la version en B/C/S, c'est le deuxième
14 paragraphe qui m'intéresse particulièrement, donc je vous demande
15 l'agrandissement à l'écran. Il se trouve à la première page de la version
16 anglaise.
17 Q. On lit dans ce paragraphe :
18 "Y compris sur le territoire libéré de Zvornik, le poste de sécurité
19 publique de Zvornik se heurte à de nombreux problèmes liés à la visite et
20 aux activités des formations paramilitaires dans le secteur. En dépit du
21 fait que le gouvernement de la municipalité de Zvornik a pris la décision
22 d'interdire la création d'un centre de formation sous la direction du
23 capitaine Dragan, les autorités militaires ont autorisé ce camp à être créé
24 dans le secteur de Divici. Selon l'état-major supérieur du poste de
25 sécurité publique de Zvornik, ce même homme a usurpé les locaux de l'hôtel
26 Vidikovac, où il a regroupé un certain nombre d'hommes avec des tendances
27 criminelles. En raison de cette décision et de la légalisation de la
28 situation par des hommes à tendance criminelle dans le secteur, le chef du
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1 poste de sécurité publique de Zvornik, mécontent de la décision prise par
2 les autorités militaires, a soumis une demande en vue d'être relevé de ses
3 fonctions."
4 Et au paragraphe 2349, il est indiqué :
5 "Il est nécessaire de signaler que ces hommes ont à plusieurs reprises
6 confisqué des outils, des devises étrangères, ils ont commis des viols, et
7 sont allés jusqu'à assassiner des citoyens musulmans qui étaient prêts à
8 subir un échange."
9 Monsieur Vasilic, dans votre déclaration, vous attribuez les problèmes liés
10 aux paramilitaires à la mauvaise qualité ou à l'inexistence des moyens de
11 transmission avec les organes de la république, mais ce rapport qui vient
12 d'un organe de la république indique que ce n'est pas un problème de
13 transmission. Les autorités de la république étaient manifestement au
14 courant de la situation à Zvornik. Le problème, comme indiqué dans ce
15 rapport, c'est que les autorités militaires de Zvornik protégeaient et
16 appuyaient les paramilitaires. C'est en cela que réside les sujets qui ont
17 provoqué les protestations du poste de sécurité publique de Zvornik, comme
18 indiqué dans ce document, n'est-ce pas ?
19 R. Je ne sais pas si les autorités militaires appuyaient les
20 paramilitaires, je ne pourrais ni le confirmer ni l'infirmer. Mais il est
21 clair que s'agissant de l'hôtel Vidikovac, le capitaine Dragan y est venu
22 de son plein gré, sans avoir obtenu l'accord préalable des autorités
23 militaires de créer un centre de formation à Vidikovac. Il est venu à
24 l'hôtel pour me parler à moi et à M. Grujic et nous avons dit au capitaine
25 Dragan : Très franchement, si vous étiez venu pour vous battre pour le
26 peuple serbe, vous pouvez aller au QG et rencontrer le commandant plutôt
27 que de venir ici demander des ordinateurs, et je ne sais trop quoi d'autre,
28 enfin, toutes sortes de machines. Ça, c'est hors de question. D'ailleurs,
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1 nous n'avons rien à mettre à votre disposition pour un quelconque centre de
2 formation. Si vous souhaitez que ce centre soit créé, il faut vous adresser
3 au plus haut représentant de la république. Je ne vois pas très bien qui
4 aurait pu lui apporter son soutien dans une telle situation. Je sais que
5 d'ailleurs, à un certain moment, le général Mladic s'était opposé à lui,
6 qu'il lui avait donné l'ordre de partir de Zvornik.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Remarque au sujet du compte rendu. Toutes mes
8 excuses. Une remarque.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 12 du compte rendu. Il est écrit, et
11 c'est une erreur, que M. Vasilic lui aurait dit de se rendre à l'état-
12 major, alors que M. Vasilic a dit qu'il lui avait dit "Si tu as besoin de
13 tout cela, adresse-toi à la brigade."
14 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
16 Q. Monsieur Vasilic, vous venez de dire que le capitaine Dragan n'avait
17 pas l'accord des autorités militaires pour créer son centre d'entraînement.
18 Or, ce document qui date de la période des événements, et qui est écrit
19 noir sur blanc, dit exactement le contraire. Il y est écrit que les
20 autorités militaires avaient autorisé le capitaine Dragan à créer son
21 centre d'entraînement à Divic. C'est ce que vous-même et d'autres
22 responsables du poste de sécurité publique de Zvornik avaient déclaré aux
23 inspecteurs du MUP de la république lorsqu'ils sont venus vous rendre
24 visite, n'est-ce pas ?
25 R. Non.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, mais où est-ce qu'il est écrit que
27 Vasilic aurait dit ceci à Andan ?
28 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'était précisément l'objet de ma
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1 question.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je réponds non à votre question.
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
4 Q. Monsieur Vasilic, dans ce rapport, il est également indiqué que :
5 "En raison de cette décision et de la légalisation de la situation
6 créée par des hommes qui avaient des tendances criminelles, le chef du
7 poste de sécurité publique a soumis une demande en vue d'être démis de ses
8 fonctions."
9 Alors, en mai, voire début juin, c'est-à-dire à l'époque de cette
10 inspection, autrement dit à peu près au moment où Milos Pantelic a
11 démissionné de ses fonctions de chef du poste de sécurité publique, vous
12 avez repris les rênes de ce poste, n'est-ce pas ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Et au début du deuxième paragraphe, je lis à votre intention, donc
15 c'est indiqué dans ce rapport que les paramilitaires avaient commis un
16 certain nombre de crimes et qu'ils étaient allés jusqu'à y compris
17 assassiner des citoyens musulmans qui étaient prêts à subir un échange.
18 Donc, il apparaît que vous-même et d'autres responsables du poste de
19 sécurité publique étaient tout à fait au courant du fait que des groupes
20 paramilitaires étaient en train d'assassiner des Musulmans, comme vous
21 l'avez rapporté aux autorités du MUP de la république, à l'époque de cette
22 inspection, c'est-à-dire fin mai, début juin, n'est-ce pas ?
23 R. Ce M. Andan et l'homme qui l'accompagnait, je ne sais pas ce qu'ils ont
24 raconté, mais pour ce qui me concerne, je vous ai dit il y a un instant,
25 lorsqu'on parlait des meurtres commis à Karakaj et à Celopek, ce que j'en
26 pensais. Quant à des meurtres commis en ville, je ne sais pas qui était
27 responsable, je ne sais pas si ce sont les hommes du capitaine Dragan ou
28 les hommes de Zuco ou les hommes des Aigles Blancs. Les cadavres qui ont
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1 été retrouvés en ville, il y en avait qui étaient des cadavres de citoyens
2 serbes, pas seulement de citoyens musulmans. Moi, je suis allé dans les
3 rues pour enquêter sur les lieux en compagnie du juge d'instruction à
4 l'époque.
5 Q. Monsieur Vasilic, que vous ayez su précisément qui étaient les auteurs
6 de ces crimes est clair à la lecture de ce rapport, vous étiez le numéro 1
7 ou le numéro 2 de la police de Zvornik à l'époque. Donc, vous avez
8 nécessairement dû être informé en fonction de ce rapport, informé du fait
9 que les paramilitaires avaient assassiné des citoyens musulmans, n'est-ce
10 pas ?
11 R. En ville, à Zvornik, il n'y avait personne qui aurait pu assassiner des
12 Musulmans ou des Serbes en dehors des paramilitaires. Je vous ai dit cela
13 tout à fait clairement. Quand j'étais aux affaires, j'ai insisté pour que
14 des équipes d'enquêteurs soient créées et que des enquêtes soient menées
15 sur les lieux. Et pour que toutes ces affaires soient résolues le plus
16 rapidement possible.
17 Q. D'accord. Dans votre déclaration, aux paragraphes 40 et 41, vous dites
18 qu'à la mi-juillet 1992, vous-même et Grujic êtes allés ensemble à Pale
19 pour informer la direction de la situation qui préside à Zvornik et pour
20 demander de l'aide. Vous dites que vous n'avez pas parlé personnellement au
21 Dr Karadzic, mais que Grujic vous a rapporté que le président Karadzic
22 s'était montré visiblement surpris par le récit de la situation à Zvornik
23 et avait promis d'envoyer là-bas une force de police.
24 Alors, dans l'affaire Grujic, vous avez témoigné en disant que ce
25 voyage à Pale en compagnie de M. Grujic s'était déroulé en juin 1992 et pas
26 en juillet. Et il est exact, n'est-ce pas, que ce voyage s'est
27 effectivement déroulé en juin ?
28 R. Non, non, je ne suis pas sûr de savoir si c'était en juin ou juillet.
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1 Ce qui importe ici, c'est que nous sommes allés le voir et que cela m'a
2 empêché de dormir pendant longtemps. Nous avons dû attendre tellement
3 longtemps que le sommeil m'a pris avant de rencontrer Radovan Karadzic.
4 Mais finalement, c'est par l'intermédiaire de Brano Grujic qui s'est
5 entretenu avec lui que j'ai appris la réaction de M. Karadzic. Et ne me
6 prenez pas au mot quant à la date, juin ou juillet, je ne sais pas. Mais je
7 vous dis tout cela très franchement, très sincèrement. Je veux dire, je ne
8 suis pas une personne qui ne dit pas ce qu'elle a à dire.
9 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque que
10 nous approchons de la fin du temps qui m'est imparti. Je pense que j'aurai
11 besoin de dix minutes de plus.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crains que vous ayez dépassé le temps
13 qui vous était impartit. Mais veuillez poursuivre.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie.
15 Q. Monsieur Vasilic, vous avez dit que vous n'étiez pas sûr de la date,
16 juin ou juillet. Je vais vous dire pour ma part qu'il n'y aurait pas eu de
17 sens que vous-même et M. Grujic, vous vous rendiez à Pale pour rencontrer
18 le Dr Karadzic à la mi-juillet, parce que le Dr Karadzic est venu à Zvornik
19 en compagnie du général Mladic et a rencontré les autorités de Zvornik, et
20 notamment vous-même et M. Grujic le 30 juin. C'est exact, n'est-ce pas ?
21 R. Je sais qu'il est venu, mais la date, le mois, je n'y ai pas réfléchis,
22 je n'en ai pas le souvenir. Mais je sais que M. Karadzic est venu et que M.
23 Mladic est venu aussi.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce
25 P1478, page 246 de la version anglaise, page 244 de la version en B/C/S.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Pendant que nous attendons l'apparition du
27 texte à l'écran, je me demande s'il ne serait pas une bonne chose que de
28 demander au témoin si la réunion de Pale s'est tenue avant ou après la
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1 visite du Dr Karadzic et du général Mladic. Cela pourrait vous aider à
2 déterminer s'il s'agissait du mois de juin ou juillet, car nous connaissons
3 la date de la réunion avec Mladic et Karadzic.
4 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Eh bien, c'est la raison pour laquelle je
5 dis ce que je dis au témoin, à savoir qu'il ne peut s'agir de juillet,
6 puisque cela n'aurait eu aucun sens étant donné la présence de l'accusé à
7 Zvornik le 30 juin.
8 Q. Monsieur Vasilic, cette réunion s'est bien déroulée le 30 juin, et vous
9 y avez assisté, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Voici donc à l'écran un extrait des carnets du général Mladic, son
12 journal de guerre, où il rend compte des éléments qui ont été discutés à
13 cette réunion. J'aimerais que nous parcourions certains des commentaires
14 qui ont été faits durant cette réunion en votre compagnie.
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Passons à la page 250 en version anglaise,
16 page 248 en version B/C/S.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait vérifier l'identité de la
18 personne dont le nom figure à cet endroit du carnet ? Est-ce que c'est bien
19 le Vasilic qui se trouve ici aujourd'hui ou est-ce que c'est un autre
20 Vasilic, au regard du numéro 16 de la liste ?
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le témoin a confirmé sa présence à cette
22 réunion, et je parlerai de ce nom le moment venu. L'intervention n'est pas
23 bienvenue.
24 Q. Monsieur Vasilic, c'est M. Grujic qui parle à ce niveau du texte. Vous
25 voyez qu'à peu près au milieu de la page, qu'après avoir dit que Marko
26 Pavlovic a beaucoup accompli pour que la brigade soit créée, il déclare :
27 "Outre des accomplissements majeurs, nous avons également vécu des
28 problèmes importants dus à diverses formations, et Dencic a convoqué ces
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1 groupes dont le nom était 'Zuci [comme interprété] et autres', le capitaine
2 Dragan est sorti de nulle part, il est arrivé pour demander la création
3 d'un centre d'entraînement à Divic…"
4 Cette référence à Dencic, c'est une référence à Nikola Dencic, le
5 commandant du Corps de Bosnie orientale, n'est-ce pas ?
6 R. Je ne suis pas sûr de savoir si nous parlons bien de la même réunion
7 ici et si Dencic était présent ou pas à cette réunion. Je ne sais pas. Il
8 est question d'un Vasilic, un commandant de brigade, un certain Vasilic.
9 Dites-moi où la réunion se tenait, si elle se tenait dans les bâtiments de
10 la municipalité, alors c'est celle à laquelle j'ai assisté. Si c'était
11 ailleurs, je n'étais pas présent.
12 Q. Monsieur Vasilic, à l'instant, je vous demande simplement si la
13 référence à Dencic, qui a convoqué certains groupes tels que le groupe de
14 Zuca, est bien une référence à Nikola Dencic, commandant du Corps de Bosnie
15 orientale. Pouvez-vous confirmer cela ?
16 R. Je ne connais pas cet homme, M. Dencic, je ne l'ai jamais rencontré.
17 Q. Vous êtes prié de bien vouloir répéter la dernière partie de votre
18 réponse concernant cet homme.
19 R. Je ne connais pas M. Dencic, et je ne pourrais pas le reconnaître si je
20 le voyais parce que je ne le connais pas.
21 Q. D'accord. M. Grujic ajoute :
22 "Le capitaine Dragan est sorti de nulle part, il est apparu soudain dans le
23 but de créer un centre d'entraînement à Divic…"
24 C'est bien une référence au centre d'entraînement du capitaine Dragan à
25 Divic, n'est-ce pas ?
26 R. Eh bien, je vais vous dire dans ce cas, il ne s'agit pas de la réunion
27 à laquelle j'ai assisté. La réunion à laquelle j'ai assisté, pendant cette
28 réunion, le général Mladic a ordonné que dans un délai de 24 heures le
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1 capitaine Dragan ne soit plus présent dans le secteur.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vérifions --
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
4 Q. Monsieur Vasilic --
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Une seconde. Vérifions la présence ou
6 l'absence du témoin à cette réunion.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est exactement ce que je m'apprêtais à
8 faire. J'aimerais que l'on affiche la page 271 de la version anglaise,
9 correspondant à la page 269 de la version B/C/S.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais savoir s'il s'agit bien de la même
11 réunion car il y a beaucoup de pages entre la page 244 et la page 269.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous y arrivons. Je vois la page 246 en
13 anglais.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Page 271 en anglais, 269 en B/C/S, nous
15 lisons les mots :
16 "Le chef du MUP Marinko Vasilic."
17 Q. Il s'agit bien de vous, n'est-ce pas ?
18 R. C'est exact.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Qu'on lui montre l'endroit où a eu lieu
20 la réunion.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je ne suis pas sûre que le lieu de la
22 réunion soit cité dans le document. Il est question d'une réunion avec les
23 dirigeants de la municipalité de Zvornik à Zvornik, mais ensuite, les notes
24 se poursuivent, il n'y a pas de nouvelle entrée pendant toutes ces pages.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais on ne voit pas son nom --
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, son nom ne figure pas parmi la liste
27 des personnes présentes mais ces notes sont prises en continu, il n'y a pas
28 de nouvelle entrée jusqu'à la page 271, et c'est à ce moment-là que le
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1 témoin parle. Donc, à partir des notes, on peut en conclure que le témoin a
2 été présent même si son nom ne figure pas parmi la liste des personnes
3 présentes.
4 Q. Monsieur Vasilic, pouvez-vous confirmer que vous avez bel et bien
5 assisté à cette réunion avec M. Karadzic, le général Mladic, et les autres
6 membres des dirigeants de Zvornik ?
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on précise la date parce que
8 je n'arrive pas à croire que Mladic ait pu écrire 20 ou 30 pages de notes
9 au cours d'une seule réunion.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, on peut parcourir les pages.
11 Montrez-lui la première page, le 29 septembre --
12 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le 30 juin 1992, il s'agit de la page 246
13 en anglais, 244 en B/C/S.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
16 Q. Monsieur Vasilic, c'est la page qui correspond à la date du 30 juin
17 1992, à Zvornik --
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. En attendant d'avoir la
19 version en B/C/S, pourriez-vous nous donner le numéro de la page, Madame
20 Gustafson ?
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Vous avez la liste des personnes
22 présentes.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et on continue à partir de là.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce que vous voulez que je pose la
25 question maintenant --
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
28 Q. Monsieur Vasilic, vous voyez la liste des personnes présentes. Vous
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1 n'êtes pas énuméré ici mais plus loin, on voit que vous faites un
2 commentaire. Est-ce que vous pouvez confirmer que vous avez été présent à
3 cette réunion qui a eu lieu le 30 juin 1992, à Zvornik, avec le général
4 Mladic ?
5 R. Que voulez-vous que je réponde ? Je peux dire qu'une réunion s'est
6 effectivement tenue dans la municipalité de Zvornik, que le Dr Karadzic a
7 assisté -- donc, général Mladic et le Dr Karadzic étaient présents avec
8 d'autres militaires. On n'a pas du tout parlé de la création d'un centre,
9 d'un centre d'entraînement. C'est le capitaine Dragan qui avait demandé que
10 ceci soit fait. Et le général Mladic avait insisté que le capitaine Dragan
11 le fasse mais moi, j'étais celui qui lui ai transmis le message. Je lui ai
12 dit que s'il fallait qu'il parte dans le bois, qu'il prenne le maquis,
13 qu'il le prenne mais -- qu'il pouvait partir mais que je n'en avais rien à
14 faire.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter la phrase à partir
16 du moment où vous dites : "J'ai présenté les problèmes qui nous
17 concernent…"
18 Et parlez lentement.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord. Je vais répéter ma pensée en entier.
20 Donc, j'ai assisté à la réunion dans l'assemblée municipale de Zvornik. Le
21 président Radovan Karadzic était présent, le chef Ratko Mladic, le chef du
22 QG, aussi, et puis d'autres personnes étaient là que je ne connais pas. Il
23 n'y a pas eu de demande de capitaine Dragan, il n'a pas demandé à créer le
24 centre d'entraînement. Pas là, pas à ce moment-là, mais je sais que le
25 général Ratko Mladic avait insisté pour que le capitaine Dragan quitte
26 Zvornik en l'espace de 24 heures, et c'est exactement ce qui s'est passé.
27 Il a pris de son propre chef l'hôtel Vidikovac à Divic, il y a rassemblé
28 les gens, il les a entraînés en peinturlurant leurs visages, ils portaient
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1 des uniformes, on avait peur en les voyant. On n'était pas vraiment heureux
2 qu'ils soient là.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le capitaine Dragan était-il présent lui
4 aussi ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, parce qu'il a insisté.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer, Madame Gustafson.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
8 Q. Monsieur, il y a eu toute une série de plaintes de différentes
9 personnes, comme M. Grujic et M. Mijatovic, à cause de la présence du
10 capitaine Dragan lors de la réunion ?
11 R. Je ne sais pas si M. Jovo Mijatovic a assisté à cela. Branko Grujic a
12 été bel et bien présent, c'est vrai. Mais nous nous sommes tous plaints à
13 cause de la présence et du comportement de ces hommes.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir la page 270 en
15 anglais, c'est la page 268 en B/C/S.
16 Q. Là, vous avez le Dr Karadzic qui parle, et il dit :
17 "Ce serait vraiment honteux de laisser tomber l'idée du centre. Il serait
18 plus facile d'oublier cet incident. Les hommes du centre ne sont pas comme
19 Zuca et Crni."
20 Tout d'abord, le centre auquel il fait référence est le centre
21 d'entraînement du capitaine Dragan, n'est-ce pas ?
22 R. Je suppose que oui, je pense que oui, mais je ne sais pas ce que
23 disaient M. Karadzic ou M. Mladic. Ils étaient présents à la réunion
24 pendant une demi-heure ou peut-être même plus. Je sais, en revanche, que
25 Mladic a insisté que cette personne parte.
26 Q. Et ensuite, il dit que les hommes au centre d'entraînement ne sont pas
27 comme Zuca et Crni, donc là on voit bien qu'il connaît Zuca et Crni de
28 façon générale. Et vous avez dit que vous et M. Grujic, que vous êtes allés
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1 à Pale au mois de juillet et que là, vous avez fait part de problèmes
2 impliquant les paramilitaires et que Grujic vous a dit que le président
3 Karadzic était clairement surpris par la situation à Zvornik. Eh bien, ceci
4 ne correspond pas aux informations du 30 juin qui indiquant que le Dr
5 Karadzic était à Zvornik le 30 juin et qu'il était au courant de problèmes
6 avec le paramilitaires à Zvornik ?
7 R. Je ne sais pas si M. Karadzic connaissait le capitaine Dragan. Peut-
8 être que oui, peut-être que non. Est-ce qu'il était au courant de Zuca ou
9 bien est-ce qu'on lui en a parlé, cela, je ne le sais pas non plus. Et
10 puis, je ne suis pas au courant de tels commentaires. Toujours est-il que
11 tous les paramilitaires, sans exception, étaient un mal arrivé sur le
12 territoire de la municipalité de Zvornik. Je n'ai pas l'impression que le
13 capitaine Dragan était meilleur que les autres. Ce n'est pas l'impression
14 que j'ai eue. Peut-être qu'en tant qu'homme, peut-être que oui, mais à
15 partir du moment où il s'est peinturé le visage, on a l'impression qu'on
16 est dans le Vietnam, c'est terrifiant à voir, alors imaginez comment ils
17 sont quand ils s'emparent de fusils en plus.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir la page 271 en
19 anglais et la page 269 en B/C/S.
20 Q. Monsieur Vasilic, nous avons vu cela il y a quelques instants. Là, vous
21 parlez, et c'est quelque chose qui a été noté par le général Mladic. Et à
22 cette page, vous parlez de votre personnel et vous dites à quel niveau se
23 trouvent les éléments, et vous dites qu'en ce qui concerne la situation
24 point de vue de sécurité, qu'elle était satisfaisante. Mais vous dites que
25 vous êtes très préoccupé par les surnoms et que vous ne savez pas qui ils
26 étaient et ce qu'ils faisaient.
27 Dans votre déclaration aujourd'hui, vous avez dit que les policiers étaient
28 pratiquement des otages des paramilitaires, vous avez dit que les policiers
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1 fuyaient les paramilitaires, qu'ils craignaient pour leur propre vie et que
2 les paramilitaires avaient le pouvoir absolu dans la ville. Mais ceci ne
3 correspond pas à ce que vous avez dit au moment où le commandant Suprême et
4 le chef de l'état-major principal sont venus dans votre municipalité et où
5 vous leur dites que la situation point de vue sécurité était satisfaisante
6 et que la seule chose qui vous préoccupait au sujet des paramilitaires
7 était la question des surnoms qu'on leur donne parce que vous ne savez pas
8 qui ils sont, vous ne savez pas ce qu'ils font. Vous exagérez, n'est-ce
9 pas, quand vous parlez du pouvoir qu'avaient les paramilitaires à Zvornik à
10 l'époque ?
11 R. Non. Ce n'est pas possible que moi, que j'aie dit que la situation au
12 point de vue de sécurité dans la municipalité était satisfaisante. Non
13 seulement qu'elle n'était pas satisfaisante, il n'y avait pas de sécurité
14 du tout. Vous ne pouviez rien faire comme il faut. Vous ne pouviez pas
15 faire un constat d'accident, ne parlons pas d'autre chose -- ne parlons pas
16 de crimes ou délits tels que vol à main armée, et cetera. Parce que vous
17 aviez un ou deux policiers sur la route et ensuite arrivent 20 hommes
18 armés. Ils s'arrêtaient au milieu de la route et ils faisaient ce qu'ils
19 voulaient et vous deviez attendre. Quand ils voulaient circuler, ils
20 circulaient. On a été arrêtés et maltraités, soumis à des mauvais
21 traitements, passés à tabac. Topola a voulu me tuer, moi ainsi que Branko
22 Grujic. Je ne pouvais même pas assurer ma propre sécurité.
23 Pourquoi voulez-vous que je quitte la police au bout de 20 années de
24 travail ? Je l'ai fait parce que je ne voulais pas qu'un jour qu'on
25 m'accuse de quoi que ce soit. J'ai quitté la police, je n'ai pas quitté
26 seulement mon poste de supérieur hiérarchique au niveau de la police. J'ai
27 quitté la force de la police tout court.
28 Q. Merci, Monsieur Vasilic. Je n'ai plus de questions pour vous.
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1 R. Je vous en prie.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions
4 supplémentaires, Monsieur Karadzic ?
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui Monsieur le Président, et je vais
6 commencer par la dernière chose dont on a parlé.
7 Je vais demander que l'on montre la page 268.
8 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
9 Q. [interprétation] En attendant, Monsieur Vasilic, pouvez-vous nous dire
10 d'où venaient les personnes qui ont pris part à cette formation organisée
11 par le capitaine Dragan ? Etaient-ce les hommes du cru ou bien des hommes
12 venus de l'extérieur ?
13 R. Eh bien, il y avait les deux.
14 Q. Je vais vous demander de regarder ce qui est entouré là, où le
15 capitaine Jokic dit :
16 "Ils viennent participer à la formation sur recommandation des unités avec
17 les documents appropriés."
18 Et après, lisez, s'il vous plaît, les quatre lignes qui suivent, parce que
19 ce sont les lignes que Mme Gustafson vous a lues.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander à voir la page suivante parce
21 qu'on y voit la suite de mes propos. En serbe aussi, je voudrais la voir.
22 M. KARADZIC : [interprétation]
23 Q. Est-ce que vous pouvez poursuivre ? Veuillez le lire à voix haute, s'il
24 vous plaît, ce que j'ai dit avant Djokanovic.
25 R. Je ne comprends pas.
26 Q. Pourriez-vous lire le texte que vous voyez sur l'écran, donc la fin de
27 mes propos ? Et puis après, lisez ce que Djokanovic a dit.
28 R. Mais je ne les vois pas. Ici, c'est en anglais.
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1 Q. Peut-être que vous n'avez pas le bon écran. Sur la gauche, l'écran de
2 gauche. Sur le côté de l'écran, le côté gauche de l'écran, c'est le texte
3 en anglais. Est-ce que vous voyez deux textes parallèles sur votre écran ?
4 R. Oui. La moitié du texte est en serbe, la moitié en anglais, mais tout
5 cela est mélangé.
6 Q. Je vais vous donner lecture de cela. Voici ce que j'ai dit par la suite
7 :
8 "Il faut que nous ayons des formations…"
9 Ce n'est pas comme ça que je m'explique. C'est quelqu'un qui a pris mes
10 notes, parce que là, ce n'est pas bien dit --
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, mais ce n'est pas à
12 vous de déposer.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je voudrais que quelqu'un nous donne
14 lecture de cela. Est-ce qu'on peut aider le témoin à retrouver le texte ?
15 Je voudrais qu'il nous lise la page 160 --
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, mais quand vous dites, "ce n'est
17 pas comme ça que je m'exprime", vous ne pouvez pas le faire. Ça, c'est
18 parfaitement inapproprié. C'est un commentaire.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je ne peux pas accepter qu'on me mette des
20 mots à la bouche alors qu'on ne sait même pas que la personne qui l'a écrit
21 ne s'exprime pas correctement. Je ne m'exprime pas comme cela, ce ne sont
22 pas mes mots.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Donc, voilà, ensuite, c'est écrit, les recrues se trouvent à Bijeljina;
25 est-ce que vous le voyez ?
26 R. Tout cela est mélangé, je n'arrive pas à m'y retrouver --
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pouvez-vous enlever la version anglaise de
28 l'écran ?
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1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. C'est en haut de la page.
3 R. 268 ?
4 Q. Est-ce que vous pouvez nous lire ça ?
5 R. "Il faut qu'on ait des formations.
6 "Les recrues se trouvent à Bijeljina.
7 "Le commissaire Djokanovic, Dragan."
8 Q. Allez-y. Qu'est-ce qu'il a dit, Dragan ?
9 R. "Marko, vous sortez de vos pouvoirs.
10 "On travaille à Divic, l'ordre règne à Divic, on ne vole rien à
11 Divic."
12 Q. Voilà, c'est bon, ça suffit. Donc, il s'adresse à qui, quel est ce
13 Marko ?
14 R. Qu'est-ce que vous me demandez ?
15 Q. Le Dr Dragan Djokanovic s'adresse à quel Marko, quel est ce Marko ?
16 R. Marko Pavlovic, le commandant du QG de la TO.
17 Q. Merci. Etait-il possible d'avoir un camp d'entraînement sans que le
18 capitaine Dragan n'y soit ?
19 R. Nous ne pouvions pas l'organiser là-bas. Il fallait que quelqu'un au
20 niveau du commandement le décide, et ensuite qu'il choisisse les cadres
21 formés, capables de le faire.
22 Q. Est-ce que moi, j'ai voulu que le capitaine Dragan reste, ou bien est-
23 ce que j'ai voulu tout simplement que le camp d'entraînement reste ?
24 R. Si je vous ai bien compris --
25 Mme GUSTAFSON : [aucune interprétation]
26 LE TÉMOIN : [interprétation] -- vous avez dit qu'il fallait garder
27 l'entraînement et peu importe si c'était le capitaine Dragan ou quelqu'un
28 d'autre qui allait s'en occuper. D'après la façon dont j'ai compris les
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1 choses, ce n'était pas important, la personne qui allait s'en occuper.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, effectivement, là, il s'agissait
3 d'une question qui a vraiment guidé le témoin, très directrice.
4 Mais vous pouvez poursuivre.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
6 Je vais demander que l'on montre la pièce D1416.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Est-il possible d'agrandir cela ? Je vais lire le deuxième paragraphe,
9 et je vais vous demander de me dire si cela correspond à la situation telle
10 qu'elle était.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le poste de sécurité publique serbe -- excusez-
12 moi, parce que là, il s'agit de Brcko. Ce n'est pas bien, ça. Non, non, ce
13 n'est pas bien. La page 5, s'il vous plaît. Le troisième paragraphe, page
14 5. Je n'ai pas l'impression que c'est la bonne page. La page 5 de ce
15 document. On vous l'a montrée pendant le contre-interrogatoire. Veuillez
16 nous montrer soit la page qui précède, ou bien la page d'après celle-ci en
17 serbe. Voilà.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Donc, on vous a lu la première phrase. Je vais vous donner lecture de
20 cela, mais suivez-moi, s'il vous plaît.
21 "Aussi a-t-on mentionné le fait que les groupuscules mentionnés avaient
22 menacé d'attaquer les postes de sécurité publique de Zvornik, car les
23 policiers les empêchent à voler et faire les autres activités. Il est
24 nécessaire de mentionner que ces mêmes individus avaient encerclé pendant
25 cinq à six heures sous la menace des armes le bâtiment de la cellule de
26 Crise et les bâtiments du gouvernement. Un des paramilitaires faisant
27 partie de l'unité du capitaine Dragan a menacé le président du gouvernement
28 à bout portant. Il lui a braqué le pistolet sous la gorge."
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1 Est-ce exact ?
2 R. Oui. Ces paramilitaires sont arrivés à bord de véhicules de combat avec
3 des fusils à trois canons et ils ont encerclé le bâtiment et ils ont
4 menacé, c'est vrai, d'attaquer le poste de police parce que justement, les
5 policiers et les autorités locales n'étaient pas contents avec leur
6 comportement et avec leur présence.
7 Q. Merci. Vous avez dit, mais on ne vous pas laissé nous dire tout ce que
8 vous avez vécu. Pourriez-vous nous raconter cela brièvement, parce qu'on
9 vous a interrompu ? Donc, vous, vous représentiez le gouvernement, vous
10 êtes passé par quoi en tant que représentant du gouvernement ?
11 R. Merci beaucoup, Monsieur le président, de me permettre de répondre. De
12 but en blanc, je dois vous dire que nous n'étions pas les autorités, nous
13 n'avions pas le pouvoir. Le pouvoir, c'est quelque chose que l'on tient
14 dans sa main, c'est alors qu'on a le pouvoir, alors que nous, nous n'étions
15 que des détenus, des prisonniers. Nous essayions de trouver refuge pour
16 nous abriter de dangers qui menaçaient ailleurs et nous avons été menacés
17 par nos compatriotes. Nous avons été fait prisonniers, moi-même, Branjo
18 Grujic, Marko Pavlovic, Milos Pantelic, et d'autres ont été fait
19 prisonniers pendant cinq à six heures à l'état-major de la Défense
20 territoriale. Zuca a défoncé la porte et est entré accompagné de cinq ou
21 six de ses hommes, et ils ont pointé leurs fusils sur nos crânes par
22 l'arrière et nous ont demandé qui nous étions, ce que nous faisions, qui
23 nous avait autorisé, ils nous ont accusés de protéger les Musulmans, et
24 cetera, et cetera. Ensuite, les choses ont empiré. Il y avait un barrage
25 routier au centre de la ville. Branjo Grujic et moi-même ainsi que le
26 direction de Glinica avons été mis dehors, menacés d'une arme. Topola, qui
27 fait plus de 2 mètres, a déclaré qu'on lui avait donné pour mission de nous
28 exécuter, qu'il nous emmenait quelque part pour nous exécuter. Les gens se
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1 sont rassemblés. Nous l'avons supplié de nous libérer. Nous lui avons dit :
2 "Faites ce que vous voulez mais laissez-nous partir." Et le lendemain, moi-
3 même et Grujic, le chef du poste et le président de la municipalité -- en
4 fait, moi j'ai démissionné. A partir de ce jour-là, je ne suis plus entré
5 dans le poste de police. Et c'est le genre de gouvernement qu'il y avait.
6 Il y a plus, mais je vais m'arrêter là.
7 Q. Merci. A la page 14 -- non, pardon, à la page 74, ligne 14, je pense,
8 on parle de Miljanovic et ces autocars avaient été utilisés pour
9 transporter des prisonniers. Est-ce que Miljanovic a nié l'existence de ces
10 autocars ?
11 R. Miko Miljanovic était policier et il a escorté les habitants de Divic
12 par autocars pour aller à Celopek. Son intention était de permettre aux
13 gens d'aller plus loin parce qu'à Divic, plus personne ne pouvait garantir
14 leur sécurité.
15 Q. Désolé. C'était mon erreur. Mais est-ce que le directeur de Drinatrans
16 a refusé ce transport par autocars ?
17 R. Je ne vois pas comment il aurait pu le faire. C'était impossible.
18 Q. Merci. S'agissant de l'enquête, l'enquête sur Drinjaca, est-ce que vous
19 pourriez nous dire combien de policiers se trouvaient au poste de police de
20 réserve de Drinjaca et d'où ils venaient et quelles étaient leurs fonctions
21 ?
22 R. Je dirais qu'à Drinjaca, le poste de police de réserve comptait maximum
23 dix personnes. Il y avait un policier d'active et le reste, eh bien,
24 c'étaient des serruriers, des charpentiers, des artisans de villages
25 avoisinants, des gens honnêtes qui n'avaient jamais eu maille à partir avec
26 qui que ce soit et qui n'avaient probablement jamais vu une arme de leur
27 vie.
28 Q. Merci. Est-ce qu'ils auraient pu faire face à Matic et à ses hommes,
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1 lui tenir tête ?
2 R. Je ne pense pas. Même s'ils étaient plus forts. Je crois que moi-même,
3 je n'aurais pas pu leur tenir tête, et il n'y a pas beaucoup de choses qui
4 me fassent peur, croyez-moi. Donc, je ne vois pas comment ces hommes
5 auraient pu leur tenir tête.
6 Q. Merci. Quand le lieutenant Matic a-t-il été tué ?
7 R. Si mes informations sont exactes, je dirais que cela a eu lieu au mois
8 de juin à Vitinice. Je ne peux pas vous l'affirmer avec toute certitude
9 mais c'est ce que je sais.
10 Q. Quelle année ?
11 R. 1992.
12 Q. Est-ce que vous savez quand cela eu lieu ?
13 R. Que voulez-vous dire par cela ?
14 Q. Je parle de Drinjaca.
15 R. Pour Drinjaca, c'était en 1992. Je ne sais plus quand exactement, au
16 mois de mai, début avril. Je crois que c'était à la fin avril, en tout cas
17 autour de cette période-là.
18 Q. A la page 59, on vous a posé une question sur la Défense territoriale
19 et Arkan et on vous a demandé qui avait libéré Zvornik. Est-ce que vous
20 pourriez nous l'expliquer, s'il vous plaît : lorsque les volontaires sont
21 arrivés avant la création de la VRS, à qui ces volontaires faisaient-ils
22 rapport au sein de la municipalité, était-ce la police ou la Défense
23 territoriale ?
24 R. C'était la Défense territoriale. En principe, ils n'avaient rien à voir
25 avec la police.
26 Q. Merci.
27 R. Je peux expliquer les choses et vous dire ce que je sais. Quand ils
28 sont arrivés, séparément ou par petits groupes de deux ou trois personnes,
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1 on les a intégrés dans la Défense territoriale. Mais lorsqu'ils sont
2 devenus plus nombreux, on les a divisés et ils ont créé leurs propres
3 groupes. Et je peux vous affirmer que plus tard ils n'obéissaient même plus
4 au commandant de brigade ni à quiconque. Plus personne ne les contrôlait.
5 Q. Merci. D'après les extraits du carnet de Mladic que vous avez vus, on
6 parle de Zuca et de Crni et de moi-même. Est-ce que vous pourriez me dire
7 quand Brano et vous-même êtes venus me voir, est-ce que c'était au mois de
8 juin ou au mois de juillet ? Et notre arrivée à Zvornik était-elle liée à
9 la situation là-bas ?
10 R. Je ne peux rien vous affirmer, mais je dirais que c'était au mois de
11 juillet. Je n'en suis pas certain. Je pense que c'était en juillet.
12 Q. Est-ce que vous saviez pourquoi nous sommes allés là-bas et pourquoi
13 nous vous avons réunis ? Quelle était la raison de notre arrivée ?
14 R. On ne m'en avait pas informé préalablement, mais je suppose que vous y
15 étiez pour en savoir davantage sur ce qu'il se passait, sur quelle était la
16 situation et pour réunir des informations. Je n'y étais qu'un court
17 instant.
18 Q. Que savez-vous des préparatifs pour l'opération d'arrestation ? Quand
19 ont-ils commencé et quand se sont-ils terminés ?
20 R. A mon départ, lorsque Brano est parti, peut-être deux ou trois jours
21 avant ou après le 29 ou le 30 juillet, j'ai appris, même si je n'étais plus
22 dans la police, que des forces spéciales très fortes étaient venues du MUP
23 de Republika Srpska et qu'en coopération avec la police militaire, ces
24 forces spéciales avaient arrêté, si pas tous mais en tout cas la plupart,
25 je dirais une centaine d'hommes, des membres des forces paramilitaires, et
26 qu'ils ont été emmenés à Bijeljina, en prison. Certains d'entre eux ont été
27 poursuivis auprès de tribunaux de Republika Srpska et d'autres devant les
28 tribunaux de la République de Serbie.
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1 Je sais également que M. Zuco, il y a deux mois, a participé à une émission
2 télévisée qui s'appelle "Happy", et lors de cette émission, il a admis que
3 son frère avait des problèmes psychologiques et qu'à cause de cela, il
4 avait commis des crimes à Celopek. On peut se poser la question de savoir
5 combien de temps ces exécutions auraient duré s'il n'y avait pas eu
6 d'arrestations.
7 Q. A la ligne 15, vous avez dit qu'il avait des problèmes psychologiques
8 et ensuite, vous ajoutez qu'il était sous influence, mais sous l'influence
9 de quoi ?
10 R. En fait, il était drogué et alcoolique et il semble qu'on essayait de
11 le contrôler de cette façon-là.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P6405 ou
13 le document 25215 de la liste 65 ter, page 97.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. On vous l'a montrée aujourd'hui. Je vais vous donner lecture à partir
16 de la ligne 4. Veuillez écouter :
17 "On en a parlé pendant environ six mois, et je suppose que j'en ai entendu
18 parler…"
19 Est-ce que ce texte nous dit que vous étiez sûr ou que vous supposiez ?
20 R. Je n'ai pas compris la question, mais j'ai compris ce que vous avez lu.
21 Q. Je vais juste vous dire les mots qui m'intéressent. Je cite, en anglais
22 :
23 "I guess I heard…"
24 "Je suppose que j'en ai entendu parler…"
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez éviter de poser des questions
26 directrices au témoin.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, en fait, je
28 voulais vérifier grâce à cette page - et ce n'est pas la seule - s'il
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1 savait ou s'il avait deviné qu'on lui en avait parlé. Et à la page 9 --
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, nous pouvons le lire. "I guess I
3 heard about it," c'est ce que le texte nous dit. "Je suppose que j'en ai
4 entendu parler."
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Donc, je vous ai montré la page, et
6 pendant le contre-interrogatoire, l'Accusation a demandé si le témoin était
7 certain.
8 Dernière question, elle porte sur la pièce P2591. P2591. J'aimerais que
9 l'on affiche le point 3, s'il vous plaît, au début du document. On parle là
10 de la création de la municipalité serbe.
11 M. KARADZIC : [interprétation]
12 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner lecture du point III ? Il est très
13 court. Veuillez le lire à voix haute.
14 R. "Décision portant sur la création de la municipalité serbe de Zvornik."
15 Q. Non, c'est le point III que je vous demande de lire.
16 R. "Les communes locales, les endroits habités, les parties des communes
17 locales des villes, conformément à l'article 2 de la présente décision,
18 sont séparés dans le processus d'intégration de la municipalité de
19 Zvornik."
20 Q. Etait-il possible que cela ait été mis en œuvre par la force et inclue
21 une localité musulmane dans la municipalité serbe ?
22 R. J'ai déjà dit à plusieurs reprises que je ne participais pas à la
23 politique, mais d'après ce que j'ai entendu et d'après ce que j'ai appris
24 de mes conversations avec les gens, je peux vous dire que l'intention était
25 de négocier et d'essayer d'arriver à un accord et de résoudre les problèmes
26 de façon pacifique. Si nécessaire, la municipalité pouvait être divisée en
27 partie musulmane et en partie serbe. Je n'ai jamais entendu que la guerre
28 était une option.
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1 Q. Pourquoi est-ce que les Serbes pensaient que Snagovo devrait faire
2 partie de leur municipalité ? Pourquoi un seul Snagovo ? Parce qu'il y a
3 trois endroits qui s'appellent Snagovo.
4 R. Parce que la population de Snagovo est serbe.
5 Q. Et qu'en est-il de Snagovo Donje et Snagovo Gornje ?
6 R. Eh bien, ces endroits-là sont habités par les Musulmans.
7 Q. Merci, Monsieur Vasilic. Je n'ai plus de questions.
8 R. Je vous en prie.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci conclut votre déposition, Monsieur
10 Vasilic. Au nom des Juges de la Chambre, j'aimerais vous remercier d'être
11 venu à La Haye pour déposer, et vous êtes libre de vous en aller.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le week-end sera long. Nous allons
14 reprendre mercredi prochain à 9 heures. L'audience est levée.
15 [Le témoin se retire]
16 --- L'audience est levée à 14 heures 38 et reprendra le mercredi, 19 juin
17 2013, à 9 heures 00.
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