Page 43360
1 Le mercredi 13 novembre 2013
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 23.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Je m'excuse
7 pour le retard. Et compte tenu de ce retard, nous pourrions siéger jusqu"à
8 3 heures, si les parties en présence et le Greffier sont d'accord.
9 Veuillez continuer, Monsieur Karadzic, je vous prie.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellences. Bonjour, à tous et
11 à toutes.
12 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
13 [Le témoin répond par l'interprète]
14 Interrogatoire principal par M. Karadzic : [Suite]
15 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président de l'Assemblée.
16 R. Bonjour.
17 Q. Pouvez-vous nous dire à qui le gouvernement et, ou plutôt, avant le
18 gouvernement, le conseil des ministres avait été subordonné dans notre
19 système ? De jure et de facto ?
20 R. Le gouvernement et avant cela le conseil des ministres, avaient été
21 subordonnés à l'assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, par la
22 suite à l'assemblée populaire de la Republika Srpska.
23 Q. Merci. Je vais vous donner lecture de ce qui est dit au paragraphe 92
24 [comme interprété] du mémoire préalable au procès :
25 "Le gouvernement et le conseil de ministres avant cela, était subordonné à
26 Karadzic et Krajisnik et était encore l'un des mécanismes pour ce qui est
27 de la mise en œuvre de leur politique de division ethnique."
28 Que seriez-vous nous dire à ce sujet ?
Page 43361
1 R. Je ne puis dire que c'est tout à fait erroné et je ne sais pas à partir
2 de quoi on avait pu tirer une conclusion de ce genre.
3 Q. Merci.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Vous avez dit 52 du mémoire
5 préalable ?
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] 92.
7 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
8 M. KARADZIC : [interprétation]
9 Q. Maintenant que nous sommes en train de parler de cette assemblée,
10 Monsieur le Président de cette assemblée, comment a-t-on pris les décisions
11 ? Quel était le processus suivi ? Comment ce processus se déroulait-il ?
12 Etait-ce chose aisée ? Y avait-il eu des difficultés ? Et comment se fait-
13 il que très souvent les décisions se trouvaient être unanimes ?
14 R. La procédure de prise de décision au niveau de l'assemblée c'était
15 habituel comme dans les autres parlements. A l'ordre du jour on mettait, on
16 prévoyait des documents, ces documents étaient distribués très souvent aux
17 députés, de même ce n'était pas inhabituel que de voir les documents
18 distribués lors de la session même.
19 Parce que très souvent on distribuait les documents juste avant l'arrivée
20 des députés. Et il n'était pas rare non plus de voir des documents
21 distribués à l'occasion de la session elle-même. Il y a eu des cas de
22 figure, où on n'a pas réussi à préparer la documentation nécessaire en
23 raison de la situation de guerre, et les députés en prenaient connaissance
24 à l'occasion de la session même, mais c'était quand même assez rare.
25 Les débats se tenaient, et tous les députés avaient la liberté d'exprimer
26 leur opinion, de faire formuler les propositions, ou proposer des
27 modifications au texte des documents proposés. Ce que je puis dire aussi,
28 et vous allez le voir qu'au niveau de la documentation des différentes
Page 43362
1 pièces présentées ici, de façon très autonome, il y avait réflexion ou
2 influence d'exercée pour ce qui est de la prise des décisions. Je vais dire
3 encore un point important, très souvent ou presque toujours, avant la
4 session il y avait une session du club des députés, et là, tous les députés
5 faisaient partie du club, y compris les députés indépendants, les députés
6 du SDS, et du Mouvement du Renouveau serbe. A l'occasion de ces discussions
7 et débats il y avait des échanges très véhéments mais aussi très productifs
8 qui permettaient d'aboutir à des solutions.
9 Et très souvent, les propositions avancées - excusez-moi - se trouvaient
10 être rectifiées, corrigées, modifiées, mais en raison de cette situation de
11 guerre et des tensions en présence, moi, en ma qualité de président, et la
12 politique aidant nous n'avons pas voulu écourter le temps pour
13 l'harmonisation des positions parce qu'il était important d'aboutir à une
14 solution et non pas de trancher et d'adopter une décision. Ce qui fait que
15 les discussions qui avaient cours au fil de ces sessions ça donnait une
16 image de l'ambiance qui y régnait. La conclusion pouvait peut-être paraître
17 tout à fait différente.
18 Ce dont je tenais compte et c'était aussi ma mission au parlement de la
19 Bosnie-Herzégovine. Par la suite, je me suis efforcé de faire pareil à
20 l'assemblée de la Republika Srpska. C'est de faire en sorte que chaque
21 intervenant au débat, les députés, les membres du gouvernement, les membres
22 de la présidence, puissent participer de façon active, apporter leur
23 contribution. Et je me suis surtout efforcé de faire en sorte qu'il n'y ait
24 pas de mise en minorité systématique. Parce que en raison de la situation
25 qui -- telle qu'elle s'était présentée en Bosnie-Herzégovine où nous avons
26 été de façon brutale mis en minorité, il y a eu une forte résistance de la
27 part des députés à cette façon de procéder. Et je me suis efforcé de faire
28 en sorte que les débats débouchent sur des solutions.
Page 43363
1 Je n'ai pas entravé les interventions des députés. J'ai prêté
2 attention à la nécessité d'éviter les extrémismes pour ne le pas avoir des
3 solutions qui seraient contraires à la législation ou qui seraient
4 "détrimentaires" à notre politique pour aboutir sur des conclusions
5 négatives. Alors, donc, la politique était celle d'arriver à des
6 conclusions qui seraient au service de la mise en œuvre de notre politique.
7 De même, ça devait être au service de la nécessité de ne pas enfreindre la
8 constitution et la législation, parce que ce type de décisions serait
9 préjudiciable à plusieurs titres.
10 Je dois dire que nos députés qui étaient les intervenants principaux
11 dans les débats ont influé de façon prédominante, certes, mais les
12 personnes qui avaient des propositions diamétralement opposées ou
13 radicalement négatives finissaient par tomber d'accord avec l'opinion de la
14 majorité. Et c'est la raison pour laquelle l'image que donnait notre
15 parlement a fait que nous étions presque absolument d'accord lorsque nous
16 avions abouti à une harmonisation des positions.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] En page 3, lignes 7, 8, on n'a pas consigné une
18 affirmation faite par le président Krajisnik qui est celle de dire que
19 l'assemblée visait à trouver des solutions plutôt qu'à prendre -- qu'à
20 faire prendre des décisions par mise en minorité systématique des autres.
21 Et j'aimerais que ceci se -- fasse l'objet d'un prononcé de la part -- d'un
22 prononcé d'opinion de la part du témoin. Vous pouvez réécouter.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux prendre la parole, Monsieur
24 le Président ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous confirmez ceci, Monsieur
26 Krajisnik ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Notre politique était celle-
28 ci et justement, c'est moi qui étais chargé de sa mise en œuvre au
Page 43364
1 parlement. Il s'agissait d'aboutir à des positions harmonisées plutôt que
2 de prendre des décisions par mise en minorité de quelqu'un. Donc, si il y
3 avait une majorité contre, on rejetait une décision plutôt que de
4 l'adopter. Donc, nous nous sommes efforcés d'harmoniser les positions et
5 c'est ce qui a fait pendant toute la durée de la guerre que notre assemblée
6 a, au final, été stable, caractérisée par de la cohésion.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Merci. Quelles sont les parties qui ont exercé leur influence sur les
9 activités du parlement ou de l'assemblée et dans quelle mesure cela s'est-
10 il fait ?
11 R. La majorité des députés étaient des députés du SDS. Mais il y avait
12 aussi des députés du mouvement serbe -- du mouvement du renouveau serbe. Il
13 y avait les ex-réformistes; c'étaient les réformistes qui étaient connus au
14 niveau de l'ex-Yougoslavie. C'était le parti de Ante Markovic. Et il y
15 avait les députés qui avaient repris la politique et l'idéologie des
16 communistes et du système antérieurement en place. C'étaient les membres du
17 Parti socialiste. Et ce que je puis affirmer, je crois que chaque député
18 pourra le confirmer, la totalité de ces députés pouvait, sur un pied
19 d'égalité, influer sur les décisions à prendre. Et je n'ai jamais permis
20 qu'une majorité constituée par les députés du Parti démocratique serbe
21 impose sa volonté s'il y avait des raisons justifiées de faire en sorte que
22 les autres députés, ceux des autres partis, puissent formuler des positions
23 différentes. Le traitement de tout un chacun était un traitement sur pied
24 d'égalité. Tous pouvaient, de façon égale, influer sur les décisions à
25 prendre. C'était des -- les propositions, la teneur, la qualité des
26 propositions qui l'emportaient et non pas le nombre des députés que les uns
27 pouvaient avoir contre les autres. Donc, on mettait au final au vote et on
28 votait souvent par acclamation. Mais pour arriver à ce type de décision, il
Page 43365
1 fallait déployer pas mal d'activité pour que personne ne se sente offensé
2 ou disqualifié de façon injuste.
3 Q. Que sous-entendait ce travail obstiné pour ce qui est des propositions
4 formulées ?
5 R. Vous avez eu une façon de vous exprimer, Monsieur le Président, qui a
6 fait qu'on vous a gardé en mémoire. Au bout de débats assidus, il
7 s'agissait de faire travailler notre matière grise. Je ne sais pas comment
8 les interprètes vont interpréter ceci. Le terme en serbe est "mozganje"
9 [phon].
10 L'INTERPRÈTE : En français, cela se traduit par "faire fonctionner sa
11 matière grise".
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Alors, quand il y a une proposition, il
13 s'agissait de se pencher sur la teneur de celle-ci pour aboutir à une bonne
14 solution. Et la qualité du débat au parlement, à l'assemblée, c'était le
15 fait d'avoir par la suite -- de ne plus savoir qui avant avancé telle
16 proposition plutôt qu'une autre, mais la décision, si elle était bonne,
17 c'était le produit du travail de tous les intervenants dans l'assemblée. Et
18 tout un chacun a fini par comprendre et considérer que cette proposition
19 émanait de lui-même, alors que la proposition, en fait, venait d'une source
20 ou de -- avait l'une origine et non pas plusieurs origines.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Combien de temps duraient nos sessions de l'assemblée ?
23 R. Eh bien, la meilleure façon de le dire que c'est -- que c'était sans
24 fin. Pourquoi ? Eh bien, ça durait le temps qu'il fallait pour arriver à
25 une solution qualitativement bonne. Parce qu'il n'y avait pas que moi en ma
26 qualité de président de l'assemblée qui souhaitait arriver à une bonne
27 solution. La grande majorité souhaitait aussi faire en sorte que nous
28 n'allions pas dans la mauvaise direction. Parce que quand une proposition
Page 43366
1 venait et qu'on voyait que quelqu'un insistait sur des solutions extrêmes,
2 les autres députés reprenaient la parole pour formuler des arguments en
3 faveur du maintien sur la bonne route, afin de ne pas quitter la politique
4 positive et afin aussi de ne pas aboutir à quelque chose qui nous
5 reviendrait dans la figure comme un boomerang. Alors, tout ceci s'est fait
6 en raison de notre politique, mais aussi en raison d'une attention
7 vigilante des adversaires de tous ceux qui suivaient attentivement pour
8 mettre toute chose sous un -- sous un verre grossissant, afin d'en voir les
9 défauts. Et on peut voir ceci d'après les sténogrammes. Certaines sessions
10 ont duré assez peu de temps. On parcourait plusieurs points à l'ordre du
11 jour de façon assez rapide, mais c'étaient des points de l'ordre du jour
12 qui étaient routiniers. Quand quelqu'un avait préparé une documentation où
13 il s'agissait d'adopter des décisions de façon formelle, ça, ça se faisait
14 d'affilée, mais c'était rare. Les questions les plus importantes, les
15 solutions liées à la crise, au sort de la paix ou de la guerre, ça, ce sont
16 des choses qui ont duré et des débats qui ont duré très longtemps pour
17 donner lieu aux meilleures des solutions possibles.
18 Q. Merci. Ligne 12, page 5, vous avez dit qu'au final on avait ou on
19 oubliait ou en venait à oublier qui est-ce qui avait avancé une
20 proposition. Qu'entendez-vous par là ? Comment en arriviez-vous à faire en
21 sorte que l'on oublie ou l'on perde de vue qui avait été l'initiateur d'une
22 solution ?
23 R. J'ai essayé d'étoffer mon propos et d'expliquer. Si une proposition
24 nous est communiquée, on fait un projet de résolution, et à l'ordre du
25 jour, il y a par exemple un planning déterminé ou une chose importante,
26 alors il s'agit de voir comment se pencher sur le projet en question. Ce
27 sont des éléments particuliers ou des points particuliers de l'ordre du
28 jour, alors si quelqu'un a proposé les modalités de mise en forme de
Page 43367
1 présentation des solutions qu'il convient d'adopter, alors un débat assez
2 long avait lieu, et on avançait des propositions positives qui à l'origine
3 ne s'y trouvaient pas. Et, au final, on donnait, on avait un projet
4 meilleur que celui qui avait été avancé au départ, et on avait perdu de vue
5 qui est-ce qui était intervenu en la faveur de telle solution, mais qui se
6 trouvait être meilleure que la proposition du départ, et, ceux qui
7 l'avaient proposée, l'adoptaient comme sienne. Donc ces interventions
8 positives où tout le monde tombait donc au final, qui ont fait que très
9 souvent on finissait par oublier qui est-ce qui était intervenu de façon
10 aussi intelligente, tout le monde le considérait comme un avis étant le
11 sien, et chaque participant ou intervenant ayant proposé la chose au départ
12 faisait siennes les modifications suggérées entre-temps.
13 Q. Merci. Je voudrais vous faire part de ce qui se trouve au paragraphe 81
14 du mémoire préalable au procès. On y dit :
15 "L'assemblée était en fait une instance du parti, et plusieurs exerçaient
16 sa fonction législative conformément à la politique telle que tracée par le
17 Parti démocratique serbe dont les titulaires étaient bien entendu Krajisnik
18 et Karadzic. On peut le voir d'après les nombreuses conclusions, décisions
19 et lois adoptées à l'unanimité sans débat aucun."
20 Que diriez-vous de cette façon de caractériser les travaux de notre
21 assemblée nationale ?
22 R. Je me trouvais être tout à fait fier si cela était vrai en ce qui me
23 concerne. Pourquoi ? Parce que la proposition aurait été bonne, parce que
24 toutes les conclusions se seraient trouvées conformes à la constitution et
25 à la législation, et aucune conclusion ou décision ne se retrouverait
26 contraire à la constitution ou dirigée contre l'un des groupes ethniques en
27 présence, mais cela ne s'est pas passé de la sorte. Il est vrai de dire que
28 la direction complète avait toujours cherché à intervenir pour que les
Page 43368
1 propositions allant aux extrêmes soient atténuées. Il y en a eu aussi qui
2 n'étaient pas mal intentionnés, mais il y avait des gens qui ressentaient
3 le besoin de dire des choses qui n'étaient pas très sages sur un plan
4 politique, et pas productives non plus, mais la composition toute entière
5 du parlement comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a quelques minutes de
6 cela à peine, tous ces députés, représentants des différents partis
7 étaient, avaient un traitement sur un pied d'égalité, il n'y avait pas
8 prédominance du Parti démocratique serbe dans le sens qui est celui que
9 vous venez de nous lire, peut-être qu'ils expliquaient quelque peu
10 davantage. Il y a eu des élections pluripartites, et il y a eu trois
11 mouvements qui l'ont emportées, il y a eu une espèce d'homogénéisation
12 politique. Dans l'un des partis, il y avait pratiquement toute la totalité
13 des Musulmans ou la quasi-totalité des Musulmans. Dans l'autre, la totalité
14 ou quasi-totalité des Croates. Et dans le troisième, la quasi-totalité des
15 Serbes. Ça n'a pas été des membres du parti. Ils avaient, on avait soutenu
16 de façon plébiscitaire les politiques en question qui étaient représentées
17 par, par exemple, le Parti démocratique serbe au sommet. Mais ce que je
18 peux vous affirmer, c'est que la politique qui a été promue par le Parti
19 démocratique serbe c'était une politique qui sortait de la tête de la
20 totalité du peuple serbe. On a pu le voir au plébiscite. On a pu le voir
21 aussi lorsqu'on s'est entretenu avec chaque individu. 90 % de ces
22 individus-là n'étaient pas des membres d'un parti quel qu'il soit. Ils
23 étaient des sympathisants. Ils ont apporté leur soutien à cette politique.
24 S'il n'y avait pas eu de soutien de ce type, ni l'assemblée, ni la
25 présidence, ni le gouvernement n'aurait été à même de mettre cela en œuvre,
26 et cela ne se serait pas soldé par le fait d'avoir cette politique comme
27 étant formellement la politique d'un seul parti. Ce n'est pas vrai, ce
28 n'était pas la politique du Parti démocratique serbe seul, c'était la
Page 43369
1 politique de la totalité des députés et de la totalité du peuple serbe
2 pendant la guerre.
3 Q. Merci. Dans quelle mesure l'assemblée avait-elle été une instance
4 centralisée, et dans quelle mesure pouvait-elle exercer son influence sur
5 le terrain, c'est-à-dire sur les différentes municipalités, les autorités
6 municipales sur le terrain ?
7 R. Dans mon témoignage d'hier, j'ai dit que ces municipalités en
8 particulier en 1992, et par la suite, c'étaient des états à part, en fait
9 de piètre de voie de communication, et de la situation matérielle au final.
10 Parce que le peu de bien qu'il y avait, le peu de bien matériel ça se
11 trouvait au niveau des municipalités. C'est les municipalités qui
12 finançaient l'armée, qui avaient financé les activités et la défense. Ce
13 qui fait que l'assemblée du peuple serbe, c'est-à-dire l'assemblée
14 nationale, c'était un endroit où l'on conduisait la politique au sommet
15 pour ce qui est des négociations, pour ce qui est de la détermination des
16 plannings, mais cette assemblée n'a pas pu influer sur les décisions prises
17 par quelle qu'autorité que ce soit à des niveaux municipaux.
18 Moi, en ma qualité de président de l'assemblée, ni le président de la
19 présidence non plus, ne pouvait influer sur le maire, le président de
20 l'assemblée municipale, X ou Y, ils étaient autonomes pour ce qui est de la
21 prise de décision, ils le faisaient de façon autonome. Personne d'entre
22 nous n'avait le droit d'influer. Le gouvernement dans un petit segment
23 d'après la constitution pouvait exercer son influence vis-à-vis des
24 municipalités, mais ça ne s'est pas pratiquement fait parce que nous étions
25 en état de guerre et bien que d'après la constitution il y a eu des
26 compétences sur certaines petites parties des municipalités.
27 Les municipalités, d'après la constitution, c'était autonome, c'était
28 complètement séparé et distinct de toute autorité qui c'aura été celle de
Page 43370
1 l'assemblée du peuple serbe.
2 Q. Merci. Je vais vous donner lecture de ce qui y figure au paragraphe 53
3 du mémoire préalable au procès. Il y est dit que :
4 "L'assemblée était un forum important et centralisé pour la communication
5 de la politique et des instructions afin de les propager et les diffuser
6 jusqu'aux instances sur le terrain. A l'occasion des sessions de
7 l'assemblée ou sessions des clubs de députés, Karadzic donnait des
8 instructions aux députés du point de vue des séparations sur des bases
9 ethniques pour que personne ne puisse vivre avec les Musulmans, et il y
10 avait donc des instructions de données aux municipalités, et que l'objectif
11 final des Serbes de Bosnie était une réunification avec les Serbes de
12 Serbie".
13 Est-ce que cette formulation pour ce qui est de la position
14 constitutionnelle et de l'intervention de l'assemblée, et de moi-même et de
15 mes compétences à moi, et de mes possibilités de donner des instructions
16 aux députés, est-ce que tout ceci se trouve être exact ?
17 R. Madame, Messieurs les Juges, vous pouvez voir dans tous les
18 documents et tous les sténogrammes, tout ceci, je me souviens d'aucune
19 instruction qui aurait ou décision qui aurait eu force d'obligation pour ce
20 qui est des assemblées municipales. Il se peut qu'il y ait eu des
21 proclamations mais ce que l'assemblée promulguait c'étaient des lois. Et
22 comme dans tout parlement, ces lois c'était quelque chose de mis en vigueur
23 pour la totalité de la république. Mais pour ce qui est du plan politique
24 ou du niveau politique, s'agissant de la formulation qu'on vient de nous
25 lire, à savoir que l'assemblée devait donner des instructions de commission
26 de crimes ou de séparation des groupes ethniques, je vous assure que, dans
27 nos sténogrammes, il n'y a aucune décision de ce type.
28 S'agissant du deuxième volet de votre question, pour ce qui est de savoir
Page 43371
1 si le président, par le biais du club des députés et par le biais de
2 l'assemblée, donnait des instructions du point de vue de la séparation
3 ethnique des populations, ça c'est une chose qu'il est aisé de déterminer
4 le principe de la séparation ethnique était mentionné non pas dans un
5 système -- dans un sens négatif mais pour créer des unités constitutives.
6 Parce que les fondements du plan Cutileiro parlaient d'une séparation
7 ethnique, c'est-à-dire, là, il y avait une majorité absolue ou simple. Il
8 s'agissait de créer des unités constitutives mais ça ne signifiait pas que
9 ces territoires-là devaient être nettoyés ou purifiés pour qu'il n'y ait
10 pas là d'autre ressortissant ou d'autre groupe -- ressortissant d'autres
11 groupes ethniques. C'était composite, c'était mixte. Et bien entendu dans
12 chacune de ces unités constitutives il y aurait un peuple majoritaire et
13 deux peuples minoritaires il y en aurait un qui aurait donc la majorité
14 absolue et c'était là le préalable à la création d'unités constitutives.
15 Mais pour ce qui est de ces instructions, vous pouvez voir comment cela
16 s'est fait à la session du 27 mars 1992.
17 Et quelles sont les instructions qui émanaient de la part du président, M.
18 Karadzic ? Où il a été dit clairement quelles sont les suggestions qu'il
19 formulait à l'égard des députés pour ce qu'il convenait de faire sur le
20 terrain. Il était clair qu'il y avait une grande crainte de formulée, une
21 grande appréhension formulée par les députés. On était en situation de
22 guerre. Nous avions apporté notre soutien à l'armée populaire yougoslave
23 qui était censée défendre ceux qui étaient attaqués. Nous ne voulions pas
24 attaquer. Nous voulions nous défendre pour éviter notre sort de la Deuxième
25 Guerre mondiale. Donc pour faire en sorte que les députés n'aient plus
26 peur, le président Karadzic a dit clairement que la guerre ne convenait à
27 personne. Et ça ne nous convenait pas plus qu'à quelqu'un d'autre. Moi, ou
28 qu'aux autres d'ailleurs. Parce que les conférences ont visé
Page 43372
1 l'établissement de la paix. On voulait préserver nos territoires. Nous ne
2 voulions pas nous emparer du territoire d'autrui. Donc si l'on restait dans
3 une unité constitutive à nous les autres devaient être des citoyens sur un
4 pied d'égalité.
5 Tout cela est consigné dans nos procès-verbaux. Et ce sont des choses
6 qui m'ont été proclamées au tout début de la guerre. Et tous ceux qui
7 disent le contraire peuvent s'assurer de ce qu'un homme, un président a
8 formulé comme instructions qui ne sont pas ce qui sont des choses
9 interdites, mais au contraire, des objectifs visant à préserver la paix
10 parce que nous étions assurés qu'il n'y aurait pas de guerre.
11 Q. Merci. Est-ce que l'assemblée a prescrit le serment à prêter par les
12 soldats et qu'est-ce qu'à un moment donné il y a eu un amendement du texte
13 de la loi, et si oui, pourquoi ? Vous en souvenez-vous ?
14 R. Eh bien, voyez-vous ces choses-là restent graver dans ma mémoire
15 pendant longtemps. Le serment et l'accueil, les discussions ont duré
16 longtemps, nous avons eu des réunions avec différents représentants de
17 l'armée. Comment puis-je vous le dire ? Ils souhaitaient conserver les
18 pratiques qui étaient celles de l'air communiste.
19 Donc ce qui a été accepté, eh bien, c'était comme un plébiscite, si vous
20 voulez, il fallait qu'il y ait de la place pour les membres d'autres
21 groupes ethniques et je crois que ce serment a été corrigé par la suite, et
22 donc cette espace a été accordée à ces peuples, et donc il s'agissait de
23 dire qu'il n'y avait pas seulement les membres du peuple serbe qui
24 pouvaient être membres de l'armée de la Republika Srpska. Mais que d'autres
25 membres d'autres groupes ethniques, et d'autres peuples pouvaient en faire
26 partie aussi.
27 Et donc c'était dû à la chose suivante : Nous disposions d'information il y
28 a eu certaines unités, elles étaient pas très nombreuses, certes, mais
Page 43373
1 certaines unités comprenaient des membres d'autres groupes ethniques et
2 faisaient partie de la Republika Srpska donc nous ne souhaitions pas que
3 ces personnes se sentent mal à l'aise, par conséquent nous avons estimé que
4 ce serment devait être modifié de façon à ce que des membres d'une autre
5 communauté ethnique puissent l'accepter aussi. Alors, moi, je peux vous
6 dire ce qui était particulièrement important. A la télévision, nous avons
7 vu ce que faisait l'autre partie, la partie adverse. Ils disaient qu'ils
8 avaient tous les Bosniens, tous les habitants d'Herzégovine, les habitants
9 de toutes les communautés et que leur accueil ou leur -- était purement
10 islamique, ce qui n'était pas très agréable pour le peuple serbe. Donc pour
11 que nous ayons un serment qui corresponde à quelque chose, et parce que le
12 temps était difficile nous souhaitions que ce soit acceptable pour les
13 membres des autres communautés ethniques.
14 Q. Merci.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que l'on peut montrer au témoin le
16 numéro 65 ter 17498, s'il vous plaît.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Ceci a-t-il été adopté par la présidence en se fondant sur une certaine
19 autorité et ceci a-t-il été confirmé par l'assemblée ? Pouvez-vous lire
20 ceci à voix haute le deuxième paragraphe, s'il vous plaît ?
21 R. "Je déclare solennellement sur la vie et d'honorer de défendre la
22 souveraineté, le territoire, l'indépendance et l'ordre constitutionnel de
23 la mère patrie, de la République serbe de Bosnie-Herzégovine et de servir
24 fidèlement les intérêts de ces peuples. Que Dieu me vienne en aide pour
25 cela."
26 Q. Alors au lieu ce n'était pas moi mais c'était le Pr Plavsic qui a signé
27 cela, et l'assemblée a confirmé ceci au moment où vous avez pris -- où nous
28 avons pris notre décision ? Nous devions confirmer cela, n'est-ce pas ?
Page 43374
1 R. Oui. Alors chaque décision devait être confirmée par l'assemblée.
2 Voyez-vous, le secrétaire de l'assemblée vérifiait cela, certifiait cela et
3 il fallait avoir une copie certifiée conforme à l'original. Vous trouverez
4 ceci également dans le journal officiel qui était publié, parce que sans
5 cela le texte n'aurait pas été validé.
6 Je dois attirer votre attention sur quelque chose. La date est très
7 importante, c'est celle du 25 juin. C'était juste avant la journée du saint
8 patron qui est Saint-Vitus dans la Republika Srpska. Je m'en souviens nous
9 avons eu un débat que j'ai évoqué il y a quelques instants, à savoir nous
10 nous sommes mis d'accord sur le fait que nos soldats, les représentants de
11 l'armée. Nous nous sommes mis d'accord avec cela --
12 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : Avec nos soldats, les
13 représentants de l'armée.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Il fallait qu'ils aient une marge de manœuvre
15 pour que ce serment soit acceptable pour les membres des autres communautés
16 ethniques.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, au compte rendu d'audience, ceci n'a pas
20 été consigné correctement. Mais la traduction est exacte. On parle de
21 peuples au pluriel; il ne s'agit d'un peuple dans le sens d'un peuple, mais
22 le sens des peuples, au pluriel. Page 12. Pouvons-nous corriger le compte
23 rendu. On le constate très clairement dans le document. Peut-on verser au
24 dossier ce document, s'il vous plaît ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
26 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce D4004, Madame, Monsieur les
27 Juges.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
Page 43375
1 M. KARADZIC : [interprétation]
2 Q. A plusieurs endroits de l'acte d'accusation, il est stipulé ceci
3 constitue le fondement même de l'acte d'accusation, il est stipulé que moi
4 et mes collaborateurs, nous souhaitions avoir une Republika Srpska
5 ethniquement pure, à savoir une entité serbe. Pourriez-vous nous dire ce
6 que cela signifie en temps de guerre dans la terminologie que nous
7 utilisons ? Que veut dire "nettoyer" et dans quel sens ?
8 R. Alors, pour pouvoir vous expliquer cela, je vais devoir revenir un
9 petit peu en arrière, la période qui a précédé cela. Lorsque nous avons
10 parlé avec M. Cutileiro et les trois partis et nous avons déclaré à ce
11 moment-là qu'il fallait qu'il y ait une majorité absolue ou relative,
12 autrement dit dans une entité constitutive, autrement dit, un nombre
13 maximum d'une communauté ethnique et ensuite, le deuxième peuple et le
14 troisième peuple. Je me souviens de cette conversation que nous avons eue
15 avec M. Izetbegovic qui disait "S'il vous plaît, il devrait -- vous devriez
16 être le moins nombreux possible dans notre secteur et nous devrions être
17 les moins nombreux dans votre secteur." Qu'est-ce que cela voulait dire,
18 comment puis-je vous le dire ? Alors, il faudrait avoir une délimitation
19 qui soit la plus parfaite possible, que des membres d'un peuple dans la
20 mesure du possible, devraient se retrouver dans cette unité ethnique.
21 Alors, lorsqu'on parle d'un secteur ou d'une région et qu'on dit qu'elle
22 est serbe, croate ou musulmane, en réalité, dans cette région-là, dans
23 cette partie-là de la Bosnie-Herzégovine, la majorité ou la majorité
24 absolue est celle de cette communauté ethnique-là en particulier.
25 Et dans les pourparlers qui ont suivi, nous avons commencé à utiliser
26 ce terme-là pour insister là-dessus et pour dire que c'était pur, un
27 territoire purement croate, un territoire purement musulman et un
28 territoire purement serbe. Cela n'a jamais signifié que, dans une région
Page 43376
1 donnée, la population est mixte, dans une grande ou une petite mesure et
2 que cette région devait être nettoyée pour que n'y réside plus qu'un seul
3 peuple, autrement dit le peuple qui appartenait à cette unité constitutive,
4 ou plutôt, le peuple à qui appartenait cette unité constitutive. Alors,
5 comment puis-je vous le dire ? Alors, ces territoires purs, alors, cela
6 était censé insister simplement sur l'appartenance de cette région et de
7 l'association à une communauté ethnique. Peut-être que quelqu'un souhaitait
8 qu'une partie du territoire appartienne à une autre unité constitutive.
9 Par exemple, je vais vous donner un exemple. Grahovo, Glamoc, Drvar,
10 il s'agit là de territoires qui sont purement serbes. Et à Drvar, la
11 population était à 95 % serbe et -- 90 %; à Grahovac, 70 %; Glamoc, 80 %.
12 Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y avait pas d'autres personnes qui
13 habitaient là. Cela indiquait simplement qu'ils avaient la majorité absolue
14 dans ces villes-là. Il serait peut-être préférable de dire que les
15 territoires purs étaient les territoires où il y avait une majorité
16 absolue.
17 Et avant la guerre, personne ne prenait une réinstallation de la
18 population, personne ne parlait du fait qu'un peuple devait être chassé par
19 la force. Alors, ce qui se passe pendant une guerre, eh bien, relève de la
20 guerre. Et dans certaines régions ou lorsqu'il y avait un pourcentage donné
21 d'un ou de l'autre peuple, eh bien, il y avait un pourcentage d'un peuple
22 donné parce qu'il y avait ces déplacements de population. Mais avant la
23 guerre, la politique consistait à dire et tous les plans qui étaient prévus
24 à l'époque consistaient à dire que la situation devait rester inchangée et
25 que personne ne devait être déplacé. Et ces régions qui appartenaient à des
26 unités en particulier devaient appartenir à l'unité en question, mais qu'il
27 y aurait des minorités nationales qui vivraient sur ce territoire-là
28 également. Donc, tous les termes qui étaient employés étaient des termes
Page 43377
1 qui correspondaient à qui nous étions, à chaque nation, chaque peuple ainsi
2 -- insiste sur quelque chose de façon à pouvoir se protéger de l'autre
3 peuple qui tente de s'en emparer.
4 Q. Et lors de ce processus, au moment ou tout ceci a été mis en place, où
5 les territoires ont été divisés et qu'il y avait donc des territoires
6 contestés -- non contestés, comment établissez-vous un lien avec tout ceci
7 ?
8 R. Alors, Messieurs les Juges, vous pouvez voir, en fait, il y a une carte
9 qui figure dans le livre de M. Owen. Je crois que c'est la meilleure façon
10 de comprendre la situation à l'égard de ces territoires contestés et non
11 contestés. Alors, de quoi s'agit-il ? Quels étaient ces territoires ? Au
12 début, chaque communauté nationale fournissait sa propre carte et sur cette
13 carte étaient représentés les revendications territoriales des uns et des
14 autres. Et ensuite, lorsque ces cartes ont été superposées, nous étions en
15 mesure de comprendre quels étaient les territoires qui n'étaient pas
16 contestés, à savoir les territoires sur lesquels une communauté nationale
17 reconnaissait que tout ce qui n'était pas sur sa carte appartenait aux deux
18 autres communautés nationales.
19 Et de cette manière-là et en raison de cela, nous avions ces
20 territoires contestés et non contestés. Pour ce qui est des pourcentages,
21 nous nous sommes mis d'accord sur 80 % des territoires qui n'étaient pas
22 contestés et 20 % de ces territoires, voire peut-être moins, étaient
23 contestés. C'est -- cela était dû à la composition ethnique de ces
24 territoires et d'autres raisons également. Il y avait une communauté
25 nationale, par exemple, qui revendiquait le territoire et une autre
26 communauté nationale -- ou deux autres communautés nationales
27 revendiquaient le même territoire.
28 Q. Merci. Et s'agissant des allégations au sujet du nettoyage ethnique, au
Page 43378
1 paragraphe 105 du mémoire préalable au procès, il est allégué que les
2 cellules de Crise avaient demandé que l'armée rassemble ou capture autant
3 de prisonniers que possible et que de cette manière-là, ils avaient ordonné
4 le déplacement des civils, ils avaient organisé des convois pour faciliter
5 l'expulsion de la population mis à disposition des autocars, l'escorte de
6 la police, ont contrôlé les centres de détention, et cetera et ont fourni
7 un appui à cela. L'armée a-t-elle rempli de telles tâches, a-t-elle répondu
8 à de telles demandes ? En règle générale, les cellules de Crise font-elles
9 cela et envoient-elles de demandes à l'armée et l'armée répond-elle à
10 toutes ces demandes ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pour être précis, s'il vous plaît, nous
12 -- je -- souhaitons que vous téléchargiez cet extrait du mémoire préalable
13 au procès. Où au paragraphe 105 ? Alors, les cellules de Crise qui
14 ordonnent à l'armée, et cetera.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au paragraphe 105, à moins qu'il n'y ait eu des
16 changements, on dit : "Tout de suite après avoir établi le contrôle des
17 municipalités et ensuite au point suivant, il surveillait le déplacement
18 des non-Serbes et -- chose qui était effectuée par la défense territoriale,
19 la police et l'armée. Les cellules de Crises ont demandé à l'armée, et
20 cetera. Note en bas de page 241, et qu'il s'agissait de rassembler les
21 prisonniers ou de capturer les prisonniers.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Dans le texte principal, il est
23 dit --
24 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète, à la ligne -- à la page 16, ligne 7,
25 que l'armée devait rassembler ou capturer autant de Musulmans que possible.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Dans le texte principal, la
27 cellule de Crise a parle de la mise en œuvre de certaines mesures. Au
28 premier point, on parle de la surveillance et des demandes envoyées à
Page 43379
1 l'armée. Veuillez poursuivre.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Vous souvenez-vous de la question, Monsieur le président ?
4 R. Oui, tout à fait. Alors, les cellules de Crise -- je dois être plus
5 précis. Alors, jusqu'au moment où l'armée a été créée, c'était à la mi-
6 juin, et plus tôt, lorsque la guerre a éclaté, des personnes armées étaient
7 restées sur le terrain. Il n'y avait pas d'armée. Les gens se défendaient à
8 leur manière. Et les cellules de Crise existaient déjà à ce moment-là, au
9 début en tout cas. Et jusqu'à ce que les gouvernements interviennent pour
10 démanteler les cellules de Crise, il s'agissait alors de créer des
11 autorités reconnues par la loi.
12 Les cellules de Crise n'avaient pas le temps de mener à bien ces activités,
13 parce que ceci n'a duré que pendant un très court laps de temps. Et cela ne
14 faisait pas partie de l'autorité dont ils étaient investis. L'armée
15 n'existait pas à l'époque. Je crois qu'en guise de conclusion, sauf le
16 respect que j'ai pour le bureau du Procureur, ceci est erroné parce qu'il
17 était impossible de mettre en œuvre quelque chose comme ceci. L'armée
18 n'existait pas et les cellules de Crise n'existaient pas en même temps.
19 Cela relevait du domaine des cellules de Crise, mais l'armée n'était pas
20 censée leur obéir. Les cellules de Crise n'existaient pas au moment où
21 l'armée existait. Il n'y a pas eu de tels mouvements de population.
22 Q. Merci. Est-ce que nous avons endossé certaines responsabilités et
23 obligations, et si oui, quelles étaient nos obligations vis-à-vis du
24 déplacement de la population civile de secteurs ou de régions où la guerre
25 faisait rage ?
26 R. Il existe des documents à cet effet, et je sais plus précisément que le
27 CICR a signé un accord avec les trois parties dans le but suivant : si dans
28 certaines régions la situation devenait difficile et que certaines couches
Page 43380
1 de la population devenaient vulnérables, dans ce cas, la population, si
2 elle le souhaitait, devait pouvoir quitter la région, avec l'idée, bien
3 sûr, que la population pourrait revenir une fois écartée la situation qui
4 était devenue dangereuse. Je parle surtout des peuples qui étaient en
5 minorité. Et donc, il y a eu ces accords signés : en vos noms, je crois que
6 c'était le ministre du MUP d'alors, M. Kalinic, qui a signé le document; du
7 côté musulman, c'était M. Trnka ou M. Kurjak; et M. Coric qui représentait
8 la partie croate. Et donc, en vertu de ces accords, nous avions
9 l'obligation de nous conformer aux desiderata d'une partie de la population
10 qui, si elle considérait qu'elle était vulnérable, devait pouvoir quitter
11 le territoire. Et sous l'égide de la communauté internationale et de
12 l'accord signé avec les représentants de la communauté internationale, nous
13 avons pris nos responsabilités, nous avons dit qu'à la fin de la guerre,
14 dans une telle situation - peut-être qu'il le serait possible pendant la
15 guerre - mais que lorsque tout le danger était écarté, que chacun serait en
16 droit de rentrer chez lui.
17 Q. Merci. Alors, est-ce une erreur que vous avez commise ou est-ce une
18 erreur au niveau du compte rendu d'audience ? M. Kalinic, il était ministre
19 de quoi ?
20 R. M. Kalinic était ministre de la Santé et de la Protection sociale, si
21 je me souviens bien de son titre.
22 Q. Merci. Vous avez pensé à l'accord qui est daté du 22 mai ou des accords
23 qui ont suivi ?
24 R. Alors, je me souviens de toutes ces activités assez bien, et dès le
25 mois d'avril. Lors de la première visite de M. Cutileiro, on nous avait
26 annoncé que nous allions signer un tel accord. C'était à Ilidza. Et après
27 cela, il y a eu un accord à Genève, me semble-t-il, qui a été signé par M.
28 Kalinic. Ceci a été suivi par un autre accord ou deux accords qui
Page 43381
1 complémentaient le premier, dès le mois de septembre, voire peut-être même
2 plus tôt, et des documents existent à cet effet, documents dont dispose ce
3 Tribunal. Et M. Samaruga et d'autres hauts représentants officiels du CICR
4 ont fait des déclarations, ont parlé des dispositions et ont cité des
5 extraits de l'accord que nous avions accepté et que M. Kalinic avait signé.
6 Q. Merci.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que nous pourrions maintenant montrer au
8 témoin le 1D49012, s'il vous plaît.
9 M. KARADZIC : [interprétation]
10 Q. Veuillez, je vous prie, regarder - nous avons la traduction également -
11 sauver des vies en Bosnie-Herzégovine, Genève, le 3 octobre 1992, une
12 déclaration qui émane de Cornelius Samaruga, et il s'agit d'organiser
13 l'aide humanitaire. Au point 2 : Faciliter le transfert des civils les plus
14 vulnérables et ceux qui souhaitent être réunis avec leurs familles et leur
15 permettre d'atteindre des zones de sécurité. Et ensuite, on parle des
16 prisonniers, et cetera, et on lance un appel ici à M. Izetbegovic, M. Boban
17 et moi-même aux fins de faciliter tout cela. Quel était notre point de vue
18 à l'égard de tout cela ? Pardonnez-moi, le deuxième point précise :
19 Faciliter le transfert de ceux qui souhaitent être réunis avec leurs
20 familles et leur permettre d'atteindre des zones de sécurité, leur
21 permettre de s'installer dans des zones plus sûres et leur permettre
22 d'aller dans d'autres pays jusqu'à ce qu'ils puissent rentrer chez eux.
23 Quelle était notre position ? Est-ce que nous avons accepté cela ?
24 R. Cette disposition concerne justement ce que je viens d'aborder il y a
25 quelques instants. Nous avions pour obligation de nous occuper de ces
26 catégories de la population civile qui étaient vulnérables et de ceux qui
27 souhaitaient partir en raison de la guerre. Et il s'agit d'une disposition
28 qui est citée ici. Alors, notre point de vue était le suivant : nous
Page 43382
1 estimions que chaque homme devait avoir le droit de se déplacer librement,
2 bien sûr, à condition que chacun puisse rentrer chez soi. Personne ne
3 pouvait partir à moins d'en exprimer le souhait, et personne n'avait le
4 droit de chasser qui que ce soit. Bien sûr, si quelqu'un avait recours à la
5 force pour chasser quelqu'un, il s'agissait alors du cas où un individu
6 violait notre politique et les dispositions de l'accord par le biais duquel
7 nous avons accepté cette obligation, à savoir l'accord que nous avions
8 accepté.
9 Q. Merci.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce document peut-il être versé au dossier ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quel est ce document, Monsieur Karadzic
12 ?
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit de la déclaration de Cornelius
14 Samaruga faite à Genève le 3 octobre 1992 à l'occasion de nos pourparlers.
15 Je ne sais pas très bien d'où cela vient, mais ce document comporte un
16 numéro ERN, donc nous pouvons établir la provenance de ce document.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Où voyez-vous un numéro
18 ERN ? Mais je vais demander à M. Tieger. Avez-vous des objections ?
19 M. TIEGER : [interprétation] Oui, dans la mesure où cela semble être un
20 extrait -- des extraits qui ont été compilés dans un but donné. Et d'après
21 ce que je vois, il ne s'agit pas de la déclaration en tant que telle. Il
22 s'agit de certains passages -- semble représenter certains passages qui ne
23 présentent pas l'intégralité du document pour que je puisse l'examiner et
24 pour que les Juges de la Chambre puissent l'examiner. Je n'ai aucune raison
25 de croire, donc, qu'il y ait des inexactitudes dans ces passages-là du
26 document, mais de l'extraire et de le compiler de la sorte, à mon sens, est
27 quelque chose de différent puisqu'on le présente comme s'il s'agit de
28 l'intégralité de la déclaration qui a été faite.
Page 43383
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le B/C/S semble être estampillé document
2 original. Alors, je ne sais pas pourquoi les pages 3 et 4 apparaissent
3 comme cela. J'ai vu une note en anglais qui précisait que l'anglais était
4 le document d'origine puisque la déclaration émane de la Croix-Rouge, et il
5 y a des divergences entre la version B/C/S et la version qui a été annotée,
6 si j'ai lu correctement. Alors, il s'agit d'une pièce qui vient de quelle
7 affaire ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne le sais vraiment pas. Nous l'avons
9 trouvée dans IDS. Peut-être que nous pourrions rétrécir un petit peu pour
10 le numéro ERN. En tout cas, la version en serbe.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons lui attribuer une cote
12 provisoire en attendant de connaître des parties l'origine du document.
13 M. TIEGER : [interprétation] D'après ce que je vois, il y a des éléments
14 manuscrits en haut dans la version serbe, et il doit s'agir d'un document
15 qui a été versé par la Défense dans une autre affaire.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Telle était ma question. Nous
17 allons attribuer une cote provisoire à ce document pour l'instant.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce MFI D4005, Madame,
19 Messieurs les Juges.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] La version anglaise comporte un numéro en bas à
21 droite, c'est un numéro d'identification, et je crois que c'est le numéro
22 ERN, mais cela ne fait rien.
23 Est-ce que nous pouvons maintenant afficher le 1D49011, s'il vous plaît.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Ceci est un document qui est daté de la même année, mais nous sommes
26 deux mois plus tard, à la date du 4 décembre. Jean de Courten, directeur
27 des opérations. Veuillez regarder ce document, s'il vous plaît. Vous en
28 souvenez-vous ? Pouvez-vous simplement vérifier la teneur de ce document.
Page 43384
1 R. Si vous me le permettez, et je crois que le document précédent ainsi
2 que ce document proviennent de mon procès, il s'agit du D227. Et c'est un
3 document utilisé lors de mon appel. Je connais bien ces deux documents. Je
4 ne peux pas vous l'affirmer, alors je ne sais pas s'il s'agit de mon
5 numéro, mais je sais que ces deux documents ont été utilisés lors de mon
6 procès et ont été versés au dossier, me semble-t-il. Je peux lire ici, par
7 exemple, que compte tenu de la gravité de la situation, le CICR a dû
8 déployer plus de 150 délégués en ex-Yougoslavie, la plupart d'entre eux
9 travaillent en Bosnie-Herzégovine et s'évertuent à améliorer la conformité
10 au droit international humanitaire par les parties au conflit. Apporter de
11 l'aide à quelque 500 000 personnes déplacées et quelque 40 000 personnes
12 dans le besoin qui sont hébergées dans les hôpitaux et dans d'autres
13 institutions sur 80 % du territoire de la république qui est maintenant
14 accessible aux délégués du CICR, protéger la population civile, et cetera.
15 Ceci indique qu'en réalité, il s'agit de la mise en œuvre des accords qui
16 avaient été signés en Bosnie-Herzégovine. C'est en tout cas ainsi que je
17 l'interprète.
18 Q. Je vous remercie.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut admettre ce document au
20 dossier ?
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger.
22 M. TIEGER : [interprétation] J'ai les mêmes observations que précédemment -
23 -
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons accorder une cote
25 provisoire, il s'agira du document D4006 MFI, jusqu'à ce que la provenance
26 du document ne soit confirmée.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Alors, l'on voit ici dans ce document que des convois ont été organisés
Page 43385
1 avec une escorte policière. Le ministre Kalinic a signé des accords que
2 vous avez mentionnés. Est-ce que c'était juste seulement dans ces
3 documents-là que figure une contrainte pour nous, une obligation, nous
4 obligeant à assurer les transports escortés par la police ?
5 R. Ecoutez, je ne peux pas vous dire exactement comment cela a été formulé
6 dans l'accord, mais je sais que c'était uniquement sur une base de
7 volontariat et de manière organisée qu'on a déplacé la population à partir
8 du moment où les gens étaient partants. Il ne s'agit pas d'un nettoyage
9 ethnique. Il s'agit de protéger les structures vulnérables de la
10 population. Ç'aurait été du nettoyage ethnique si cela avait été imposé, si
11 cela c'était passé sous la contrainte, donc, qu'on délocalise une
12 population, qu'on la chasse d'un territoire. Mais ce n'était pas le cas.
13 Q. Je vous remercie.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, au paragraphe 72, il est
15 dit que jusqu'à la constitution d'une présidence, il n'y avait pas de
16 fonction de président, mais que rien n'a changé à partir du moment où il a
17 été désigné par rapport aux véritables structures du pouvoir --
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez reprendre, s'il
19 vous plaît. N'oubliez pas, s'il vous plaît, que les interprètes n'ont pas
20 le mémoire préalable au procès sous les yeux.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit du paragraphe 72 du mémoire préalable
22 au procès. Dans le texte, il est affirmé que Karadzic et Krajisnik ont
23 conservé des positions dominantes au niveau du processus décisionnel et au
24 niveau de la constitution des organes de pouvoir, les mêmes compétences
25 qu'ils avaient avant la constitution de la présidence et après que le
26 président ne soit nommé.
27 M. KARADZIC : [interprétation]
28 Q. Dites-nous, est-ce que j'avais la position du numéro un au niveau des
Page 43386
1 organes décisionnaires et d'autorité de la Republika Srpska ?
2 R. Ecoutez, pour ce qui me concerne, on a l'impression que quelqu'un est
3 en train de donner une évaluation pour se faire décorer. Si jamais j'avais
4 eu ce pouvoir suprême, non, aucun individu, aucun groupe n'a disposé d'un
5 tel pouvoir. C'étaient des organes collectifs de prise de décision, une
6 réflexion collective. Les décisions issues de longs débats ont été
7 traduites dans les faits. Je ne conteste pas que peut-être vu de
8 l'extérieur du commun des mortels, on aurait pu avoir cette image-là. Parce
9 que notre peuple aime bien hisser un individu sur un piédestal suprême, il
10 a besoin de fétiche. Mais ces pouvoirs qui sont décrits ici n'étaient même
11 pas dévolus à des rois dans le passé, encore moins aujourd'hui, à un moment
12 où tout chacun qui avait un fusil ou qui avait libéré un territoire pouvait
13 s'emparer d'un aspect du pouvoir. Donc je pense que cela ne correspond pas
14 à la réalité. C'est de la fiction, voilà. On m'a reproché d'avoir eu entre
15 les mains un pouvoir très considérable et d'avoir été en mesure de faire
16 beaucoup, mais ce n'est pas la réalité.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez. Monsieur Krajisnik, au début
18 de votre réponse, vous avez dit, "Pour ce qui me concerne". Et à la fin,
19 vous confirmez que vous avez effectivement été fonctionnaire d'Etat. Que
20 diriez-vous au sujet de M. Karadzic ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais vous relayer mon sentiment et ce
22 qui me paraît être le plus directement intéressant, puisque j'avais -- j'ai
23 un lien très proche avec M. Karadzic. Et vous voyez, ici, j'ai dit que même
24 les rois de par le passé n'avaient des pouvoirs comme vous attribuez
25 maintenant à nos -- à M. Karadzic et à moi-même. C'est une manière
26 d'accorder -- de créer des fétiches. Notre peuple aime bien se doter de
27 dirigeants suprêmes dotés de pouvoirs illimités, tout comme le pouvoir qui
28 revenait à des souverains de par le passé. Donc, j'ai dit que ce sont des
Page 43387
1 cons erronées et qu'on amplifie et exagère l'importance de M. Karadzic.
2 Donc, encore une fois, ce qui est dit dans ce paragraphe est erroné. M.
3 Karadzic n'était pas doté de ce pouvoir qui est décrit ici et je pense que
4 c'est une vision qui n'est pas réaliste et qui a été partagée par beaucoup
5 dans la population. C'est loin de la réalité des pouvoirs qui nous ont été
6 dévolus à M. Karadzic et aussi à moi-même.
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ligne 24, page 23, je pense que la traduction
8 n'est pas la bonne. Lorsque l'on lit "As far as I'm concerned", "Pour ce
9 qui me concerne", je pense que le témoin a dit pour ce qui me concerne,
10 c'aurait été comme si on m'avait décoré, si on m'avait conféré un tel
11 pouvoir.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux
13 expliquer ma pensée ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez simplement
15 confirmer si ce qui vient d'être dit est exact ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit -- peut-être que ça n'a pas été bien
17 précisé. J'ai dit que cette présentation de mon importance reviendrait à me
18 proposer pour être décoré. Donc, en ventant mes mérites et mon travail.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'en ai plus pour longtemps. On va terminer.
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Monsieur le Président, vous avez brièvement mentionné M. Holbrooke.
22 Vous avez dit qu'il y a des choses qui ont été consignées dont on a gardé
23 la trace et d'autres, non. Alors, j'aimerais savoir quelle est la partie
24 qui est restée au niveau d'accord verbal, sans être couché par écrit.
25 R. Ce n'est -- cette obligation acceptée par M. Holbrooke comme quoi le
26 Tribunal de La Haye et l'acte d'accusation contre M. Karadzic, ce n'est
27 oublié s'il acceptait de se retirer de la vie publique. Donc, c'était ça
28 qui n'a pas été consigné. Ce qui a été consigné, c'était que vous aviez
Page 43388
1 abandonné tout poste et toute fonction sur la scène politique.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage du document D05921 et en
3 attendant, j'aimerais vérifier si ce document est protégé ou non. Merci.
4 Pas de protection. On vient de m'en informer. Nous n'avons qu'une version
5 anglaise de ce document.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Monsieur le Président, connaissez-vous le nom de cet ambassadeur,
8 Menzies, et vous-même, Krajisnik, avez-vous rencontré le 22 juillet 2006
9 ces ambassadeurs ? Est-ce que vous pouvez vous reporter au résumé, s'il
10 vous plaît ?
11 R. Est-ce que vous pourriez m'aider ? De quel pays s'agit-il ? Je ne
12 retrouve pas là ce nom sur le champ. Est-ce que vous pourriez m'aider ?
13 Q. Les Etats-Unis d'Amérique.
14 R. J'ai vu l'ambassadeur de l'époque. Je sais qu'il est parti très
15 rapidement. Et il me semble que c'était l'homme qui occupait le poste de
16 secrétaire à ce moment-là qui allait devenir l'ambassadeur par la suite.
17 Donc, j'ai -- je suis un petit peu -- pas tout à fait sûr.
18 Q. Au point 3(C) :
19 "Ambassadeur DCM et Poloff ont rencontré le président de l'assemblée de la
20 Republika Srpska, Momcilo Krajisnik et GORS", page suivante, s'il vous
21 plaît, "et le ministre Aleksa Buha à Pale le 22 juillet. L'ambassadeur a
22 informé Krajisnik et Buha qu'il avait eu l'occasion de parler à Holbrooke
23 le 21 juillet et que Holbrooke a fait rapport à Washington. Ces accords
24 écrits et oraux obtenus avec des représentants du GORS à Belgrade."
25 D'après vous, cette partie orale de l'accord, à quoi correspond-elle ?
26 R. Je me souviens d'avoir parlé à ce moment-là avec l'ambassadeur des
27 Etats-Unis d'Amérique. Et si je puis interpréter ce texte alors que je sais
28 que cette partie orale de l'accord est effectivement ce que je viens de
Page 43389
1 mentionner. Donc, dans cette partie orale qui n'a pas été couché par écrit
2 dans l'accord, il est dit que le Tribunal de La Haye appartiendrait au
3 passé, pour ce qui est de M. Karadzic et c'est ce qui a été confirmé par M.
4 Holbrooke et c'est ce que tous les participants à cette réunion peuvent
5 confirmer.
6 Q. Je vous remercie. Est-ce que vous avez eu le sentiment, pendant cette
7 rencontre avec l'ambassadeur Holbrooke, qu'il ait été convaincu -- que
8 j'étais effectivement responsable et coupable et que si tel avait été le
9 cas, il aurait passé ce type d'accord s'il avait été convaincu que je
10 m'étais livré coupable d'un tel crime ou de tels actes.
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Contentez-vous de lui demander
12 ce qui en est du sentiment de M. Holbrooke. Et comment pourrait-il savoir,
13 d'ailleurs ?
14 M. TIEGER : [aucune interprétation]
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il vous plaît, reformulez votre
16 question.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Pourriez-vous nous dire pour quelles raisons ont-ils formulé leurs
20 demandes que je me retire de la vie politique. Et ont-ils fait part de
21 leurs convictions selon laquelle je me serais rendu coupable d'un crime ou
22 délit ?
23 R. Voici mon sentiment : M. Holbrooke a estimé qu'il était très important
24 dans la poursuite des efforts de paix et de la mise en œuvre de l'accord
25 que M. Karadzic soit écarté de cette mise en œuvre. Et il pensait que si on
26 enlevait l'acte d'accusation, eh bien, M. Karadzic allait se retirer et que
27 par la suite, on allait plus facilement ou facilement mettre en œuvre
28 l'accord. Donc, cet accord avait pour objectif que l'on facilite la mise en
Page 43390
1 œuvre de l'accord de Dayton, d'après lui. Certes, il a bien fait comprendre
2 qu'il ne voulait pas s'aventurer dans la problématique consistante à savoir
3 si cet acte d'accusation comportait ceci ou cela. C'était plutôt quelle
4 était la finalité de cet acte d'accusation. Donc si on l'enlevait, on
5 allait beaucoup plus facilement traduire dans les faits l'accord de Dayton
6 si on écartait donc cet homme, s'il n'y participait pas.
7 Donc j'avais l'impression, ce n'est pas qu'il pensait que -- ou
8 plutôt, s'il avait pensé que M. Karadzic était coupable. Il n'aurait pas
9 demandé qu'on enlève, qu'on annule cet acte d'accusation. Il n'aurait pas
10 demandé cela. Il ne l'aurait pas demandé s'il avait pensé que l'acte
11 d'accusation était fondé.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que ce document soit admis au
13 dossier.
14 [Le conseil de la Défense et l'accusé se concertent]
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excusez-moi, est-ce qu'on peut afficher la
16 dernière page.
17 M. KARADZIC : [interprétation]
18 Q. J'ai omis de donner lecture de quelque chose. Page 4 :
19 "Buha a joué le rôle du bon, autant que possible. En privé et à part avec
20 l'ambassadeur après la réunion, Buha a expliqué la proposition alléguée de
21 Holbrooke afin que le Tribunal de La Haye disparaisse entre guillemets,
22 après les élections de septembre."
23 Alors comment est-ce que cela cadre avec ce que vous avez appris ?
24 R. Oui, cela est exact, parce que M. Buha a demandé à M. Holbrooke à la
25 fin, alors dites-nous quelle est la conclusion ? Et, l'autre lui a répondu,
26 le Tribunal de La Haye appartient au passé pour M. Karadzic. La seule chose
27 qui est importante c'est qu'il quitte la vie publique. La seule chose qui
28 est importante c'est qu'il respecte cet accord.
Page 43391
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, je vous
2 remercie. Et, je demande le versement au dossier de ce document.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] J'ai GORS, à quoi cette abréviation
4 correspond-elle ?
5 M. ROBINSON : [interprétation] Gouvernement de la Republika Srpska.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait, s'il vous
7 plaît, jeter un coup d'œil sur la première page ? A paragraphe 2(C), nous
8 voyons quelques lignes vierges avec mention confidentielle. Est-ce que cela
9 veut dire que ces lignes ont été expurgées ?
10 M. ROBINSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Ce document nous
11 a été fourni dans son intégralité. Vous verrez que les noms se suivent, que
12 c'est une phrase logique avant et après le mot "confidentiel". Donc je
13 pense que c'est simplement de cette manière-là que le document a été
14 imprimé, mais nous avons une version intégrale ici. Il nous a été
15 communiqué en lien avec la requête portant sur l'accord Holbrooke de 2009.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Objection, Monsieur Tieger ?
17 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas d'objection, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le document sera versé au dossier.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document D4007.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience, et par
21 la suite nous entendrons la comparution d'un autre témoin.
22 M. ROBINSON : [interprétation] Tout à fait. C'est M. Puhalic qui viendra
23 déposer.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et, le contre-interrogatoire de M.
25 Krajisnik commencera probablement mercredi de la semaine prochaine ?
26 M. ROBINSON : [interprétation] Je pense que ce sera mardi de la semaine
27 prochaine.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mardi, très bien.
Page 43392
1 L'avez-vous compris, Monsieur Krajisnik ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais est-ce que je
3 peux ajouter une seule phrase ? Je tiens à vous remercier de m'avoir donné
4 la possibilité d'entrer en possession des documents issus de ce procès, ce
5 qui me permettra dans le cadre de la révision de mon propre procès. C'est
6 tout.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons suspendre l'audience
8 pendant 30 minutes, nous reprendrons à 11 h 16.
9 [Le témoin quitte la barre]
10 --- L'audience est suspendue à 10 heures 46.
11 --- L'audience est reprise à 11 heures 22.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous ai dit que nous
13 allions parler de l'entretien de M. Kovacic [comme interprété] après la
14 déposition au principal de M. Krajisnik, mais nous allons parler de cela
15 demain à la première heure.
16 M. TIEGER : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il y a un point que je voudrais soulever
18 à huis clos. Et je vais demander que l'on passe à huis clos.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos.
20 [Audience à huis clos]
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 43393
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Pages 43393-43394 expurgées. Audience à huis clos.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 43395
1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Le témoin est présent. Je
4 vais demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 LE TÉMOIN : SLAVKO PUHALIC [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Puhalic.
10 Avant de commencer votre déposition, Monsieur Puhalic, je dois attirer
11 votre attention sur un article qui existe ici, il s'agit de l'article 90(E)
12 du Règlement de procédure et de preuve de ce Tribunal. En vertu de cet
13 article, vous pouvez refuser à répondre à toute question posée par M.
14 Karadzic, le Procureur ou même par les Juges si vous pensez qu'en répondant
15 à cette question vous pourriez vous incriminer dans le sens pénal du terme.
16 Dans ce contexte, "incriminer" veut dire dire quelque chose qui pourrait
17 être équivalent à un aveu de culpabilité ou aveu d'un acte susceptible
18 d'être poursuivi au pénal. Et si vous pensez qu'en répondant à une question
19 vous pourriez vous incriminer et si vous refusez de répondre à ladite
20 question, eh bien, je dois vous dire que les Juges du Tribunal peuvent vous
21 forcer à répondre à la question. Mais dans ce cas, le Tribunal va faire en
22 sorte que la déposition obtenue de la sorte ne sera utilisée dans aucune
23 affaire vous concernant pour rien d'autre mis à part le faux témoignage.
24 Est-ce que vous m'avez compris ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.
27 Vous pouvez commencer, Monsieur Karadzic.
28 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
Page 43396
1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Puhalic.
2 R. Bonjour.
3 Q. Je vais vous demander de respecter un temps de pause entre mes
4 questions et vos réponses et je vais vous demander aussi de parler plus
5 lentement que d'habitude, car j'ai l'habitude moi aussi de parler
6 rapidement, et tout cela pour que nos propos soient enregistrés au compte
7 rendu d'audience.
8 Est-ce que vous avez fourni une déclaration à l'équipe de la Défense ?
9 R. Oui.
10 Q. Merci.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre dans le
12 système de prétoire électronique le document 1D9280.
13 M. KARADZIC : [interprétation]
14 Q. Est-ce que vous voyez votre déclaration sur l'écran ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous l'avez lue, est-ce que vous l'avez signée ?
17 R. Oui.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pourriez-vous montrer la dernière page au
19 témoin pour qu'il puisse identifier sa signature.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est bien ma signature.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Cette déclaration, est-ce qu'elle reflète fidèlement ce que vous avez
23 dit à l'équipe de la Défense ?
24 R. Oui.
25 Q. Aujourd'hui, si je vous posais les mêmes questions que les questions
26 qui vous ont été déjà posées, est-ce que vos réponses seraient, au fond,
27 les mêmes ?
28 R. Oui.
Page 43397
1 Q. Merci.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que cette déclaration soit versée au
3 dossier en vertu de l'article 92 ter.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous versez aussi les pièces
5 connexes ?
6 M. ROBINSON : [interprétation] L'enregistrement vidéo qui a été mentionné à
7 la fin de la déclaration est versé en tant que pièce connexe.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cette vidéo est téléchargée
9 dans le système de prétoire électronique ?
10 M. ROBINSON : [interprétation] Oui. Et je pense que nous avons fourni aussi
11 bien aux Juges de la Chambre qu'aux parties un CD-ROM contenant la vidéo.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Nous avons
14 une objection quant au versement à ce stade, car il n'y a pas de base
15 d'étayée quant à la provenance et la façon dont cet enregistrement a été
16 fait.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons tout d'abord traiter de la
18 déclaration en vertu de l'article 92 ter.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pas d'objection.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, cette déclaration va être versée
21 au dossier.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D4008.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que M. Karadzic pourrait
24 aborder cet enregistrement vidéo de vive voix, et de cette façon nous
25 allons procéder le plus vite. Et nous allons entendre aussi Mme Sutherland
26 à ce moment-là.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais vous donner lecture du résumé de la
28 déclaration de Slavko Puhalic en anglais, et ensuite nous allons parler de
Page 43398
1 la vidéo.
2 Slavko Puhalic était membre de la 343e Brigade motorisée de Prijedor
3 jusqu'en avril 1992. C'était une brigade de la JNA. On lui a demandé de
4 rejoindre le commandant Slobodan Kuruzovic, le directeur du camp de
5 Trnopolje, en tant que soldat chargé de la logistique qui participait
6 surtout dans l'approvisionnement de la nourriture.
7 Slavko Puhalic considère que l'objectif primaire du camp de Trnopolje
8 était d'accueillir les civils non serbes venus de la zone où il y avait les
9 opérations de combat, retenus à cet endroit pour leur propre sécurité et la
10 sécurité de leurs familles. La Croix-Rouge a garanti l'arrivée des civils,
11 et ils ont été enregistrés. Les civils avaient le droit de quitter le camp
12 en toute liberté. Certains civils sont partis à l'étranger après avoir reçu
13 la documentation pertinente de la Croix-Rouge.
14 La sécurité dans le camp était organisée par les tours de garde dont
15 l'objectif primaire était d'empêcher l'entrée des personnes non autorisées
16 dans le camp. Slavko Puhalic était conscient du fait que le commandant
17 Kuruzovic avait demandé à toutes les personnes présentes dans le camp de
18 respecter le droit humanitaire international. Le commandant Kuruzovic a mis
19 en garde ses subordonnés en leur demandant de mener à bien leurs missions
20 de la meilleure façon possible, mais il ne pouvait pas être au courant de
21 tout ce qui se passait dans le camp. Slavko Puhalic considère que les
22 capacités d'accueil du camp étaient limitées, qu'il n'y avait pas
23 suffisamment de place. Il y avait une cuisine improvisée qui ne pouvait
24 préparer qu'un nombre limité de repas. Il y avait un dispensaire dans le
25 camp dans le cas où l'aide médicale était nécessaire.
26 D'après ce que Slavko Puhalic sait, les civils sont venus surtout
27 pour demander la protection, la sécurité, et sont restés jusqu'à ce que les
28 conditions se soient réunies pour qu'ils puissent quitter le territoire. Il
Page 43399
1 a lui-même aidé un certain nombre de personnes pour aller à Prijedor en
2 toute sécurité.
3 Il n'a pas entendu dire que des hauts responsables de Prijedor aient donné
4 l'ordre pour un nettoyage ethnique, et il n'y avait pas de mention que
5 Prijedor devait être une ville uniquement serbe.
6 Slavko Puhalic se souvient d'une visite de journalistes étrangers qui
7 avaient le droit de tourner à l'intérieur et à l'extérieur des camps et de
8 parler avec qui ils voulaient parler. On n'a pas préparé l'arrivée des
9 journalistes, et la clôture qui existait autour du camp n'a pas été
10 modifiée depuis la clôture originale qui avait été placée à cet endroit
11 avant la guerre.
12 C'était donc le résumé concernant ce témoin --
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de poser des questions au sujet de
14 l'enregistrement vidéo, je voudrais poser une question au témoin. A la fin
15 du paragraphe 8, le témoin a dit que le commandant Kuruzovic ne pouvait pas
16 être au courant de tout, et je voulais demander au témoin ce qu'il voulait
17 dire par là. Qu'est-ce que vous vouliez dire par là, Monsieur le Témoin,
18 quand vous avez dit que le commandant Kuruzovic ne pouvait pas être au
19 courant de tout, et pourquoi dites-vous cela ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Croyez-moi, d'après ce que j'ai pu voir, il
21 n'était pas présent tous les jours sur place. Ceux qui ont été présents,
22 qui assuraient la garde, souvent, ne l'informaient pas de tout. Ils ne
23 l'informaient pas de tout ce qui se passait au jour le jour dans le camp.
24 Et dans ce sens, il ne pouvait pas être au courant de tout ce qui se
25 passait dans le camp.
26 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Merci.
27 Vous pouvez continuer, Monsieur Karadzic.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
Page 43400
1 Je vais demander de voir l'enregistrement vidéo, 1D4808.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Monsieur Puhalic, de temps en temps je vais arrêter l'enregistrement et
4 je vais vous poser des questions. Tout d'abord, pourriez-vous nous dire ce
5 que l'on voit ici ?
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'immeuble - je ne sais pas comment vous
8 dire - l'immeuble qui était à Trnopolje. C'est un foyer culturel, quelque
9 chose dans ce sens.
10 M. KARADZIC : [interprétation]
11 Q. Merci. Et pourriez-vous nous dire ce que l'on voit devant cette clôture
12 ? Qui sont ces gens que l'on voit ici ?
13 R. Ce sont les gens qui étaient présents dans le camp. Ils sont arrivés
14 dans le camp suite aux combats à Prijedor et aux alentours de Prijedor.
15 Donc ce sont des gens qui sont venus dans le camp.
16 Q. Est-ce qu'ici on ne voit que des civils, ou bien est-ce qu'il y a aussi
17 des combattants parmi eux, d'après ce que vous
18 saviez ?
19 R. D'après ce que je savais, c'étaient des civils, mais j'avais aussi
20 quelques amis parmi eux qui étaient du côté de l'ABiH.
21 Q. Merci. Est-il possible d'entendre aussi le son pour entendre la
22 déclaration ? On va les entendre une par une. Est-ce que là nous avons donc
23 la visite des journalistes ?
24 R. Ecoutez, je ne suis pas sûr que ce soit exactement cette visite dont je
25 parlais. Ou bien, est-ce qu'il s'agit d'une autre visite ? Parce qu'on ne
26 voit pas la date de cet enregistrement.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que vous
28 souhaitez qu'on entende le son ?
Page 43401
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Apparemment il y a un problème technique
3 avec le son.
4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien. On va continuer en attendant de
5 résoudre le problème. Donc on va analyser uniquement les images. Je vais
6 demander à voir 1 minute 35.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et si vous souhaitez que l'on entende
8 l'interprétation, vous devriez peut-être distribuer le compte rendu aux
9 interprètes. Voilà, je vois vous faites un signe affirmatif. Vous pouvez
10 poursuivre.
11 [Diffusion de la cassette vidéo]
12 M. KARADZIC : [interprétation]
13 Q. Est-ce que vous entendez ? Qui sont ces gens qui parlent avec le
14 journaliste ?
15 R. Ce sont les gens qui étaient dans le camp.
16 Q. Et ils se trouvent où par rapport aux barbelés ?
17 R. Ils sont à l'extérieur, enfin, l'extérieur des barbelés. Ici, donc,
18 vous avez la clôture.
19 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce dessin.
20 R. Ici, vous avez une boutique où on vendait les outils agricoles, à côté
21 il y avait un dépôt sans doute, et elle était clôturée avec des barbelés et
22 avec du fil de fer. Donc le camp, le centre, n'était pas entouré de
23 barbelés mais d'une clôture en métal assez basse qui donc entourait le
24 foyer et l'école. Mais je ne sais pas s'il y avait une autre clôture entre
25 l'école et les maisons. Mais il n'y avait pas de barbelé, c'était ouvert.
26 Un pré, un terrain de jeux, il n'y avait rien de particulier, rien à
27 signaler autour de ce terrain.
28 Q. Merci.
Page 43402
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, est-ce que ce dessin,
2 est-ce qu'il fait partie de la vidéo ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, justement pour donner une explication
4 visuelle de ce qu'il en voit, et je vais poser la question.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. On va s'occuper de la vidéo
6 plus tard. Allez-y.
7 M. KARADZIC : [interprétation]
8 Q. Monsieur Puhalic, sur l'enregistrement nous avons pu voir qu'entre la
9 caméra et les gens que l'on a filmés on voit un fil de fer barbelé. Quel
10 est ce barbelé ? Où se trouvent les journalistes ? Où se trouvent les
11 journalistes ?
12 R. Les journalistes sont à l'intérieur et les gens sont à l'extérieur.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Faites un arrêt sur image.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on voit clairement. Les journalistes sont
15 à l'intérieur donc là vous voyez cette boutique qui était entourée de
16 barbelé. Donc les journalistes sont à l'intérieur de ce qui est entouré de
17 barbelé et les gens sont à l'extérieur.
18 M. KARADZIC : [interprétation]
19 Q. Merci. Et qu'est-ce qu'on voit c'est une brouette ?
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter la réponse ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une brouette pour transporter du bois,
22 et cetera.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Est-ce que, et ce, en attendant le son de la bande audio, vous avez
26 mentionné une protection médicale. De quoi avait-elle l'air ?
27 R. Ecoutez, je ne sais comment vous dire, au début, il y avait là un
28 médecin, peut-être même deux, je me souviens pas exactement. Je sais qu'il
Page 43403
1 y en avait un pour sûr. Deux ou trois infirmières étaient là aussi. D'un
2 autre côté aussi, il était venu un médecin, et un infirmier. Ils venaient
3 tous les jours. Ils étaient présents lorsque l'on organisait ce tout ceci.
4 Lorsque la Croix-Rouge est venue, et l'armée aussi, ça c'était organisé, et
5 un médecin venait, peut-être même tous les jours pour soigner les gens et
6 essayer de les aider au tant que faire se pouvait.
7 Q. Et les gens qui étaient là comment se sentaient-ils du point de vue de
8 la sécurité, c'est-à-dire à l'intérieur du camp, par rapport à d'autres
9 endroits qui étaient extérieurs au camp ?
10 R. Eh bien, là, ils avaient la possibilité dans la mesure de ce que le
11 commandant Kuruzovic avait pu fournir ce qui était nécessaire, ils se
12 sentaient plus en liberté là, qu'à l'extérieur du camp ou ailleurs.
13 Q. Quand vous avez parlé de médecins, pouvez-vous nous dire de quelle
14 appartenance ethnique étaient ces médecins qui fournissaient une prestation
15 de service ?
16 R. Je crois qu'il y en avait qui étaient musulmans et d'autres qui étaient
17 serbes.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Est-ce qu'on peut maintenant essayer
19 avec le son. Mais de toute façon il y a une traduction en sous-titre et
20 donc on pourra suivre. Passez nous, je vous prie, la vidéo.
21 [Diffusion de la cassette vidéo]
22 L'INTERPRÈTE : La cabine française précise qu'elle n'entend rien du
23 tout.
24 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
25 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
26 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Aux fins de résoudre les difficultés
28 techniques, il nous faut d'après ce qu'on m'a dit lever l'audience pendant
Page 43404
1 dix minutes. Nous allons faire une pause de dix minutes.
2 --- L'audience est suspendue à 11 heures 57.
3 --- L'audience est reprise à 12 heures 08.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Continuons, s'il vous plaît,
5 Monsieur Karadzic.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'aimerais qu'on nous passe maintenant
7 de 16 secondes à 40 secondes, 0016 à 0040.
8 [Diffusion de la cassette vidéo]
9 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "J'ai dû venir ici et il n'y avait pas de
10 combats, et je n'ai rien à combattre -- je n'ai pas pourquoi combattre. Je
11 suis venu avec des petits enfants, des touts petits. On a descendu le champ
12 là-bas. Personne ne nous a poursuivis. Personne n'a levé pas même un doigt
13 contre nous."
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Il y a deux pages, mais les
15 interprètes ont fait savoir qu'ils n'arrivaient pas à trouver le passage.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais -- la traduction est sous-titrée, on la
17 voit.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Mais on nous a fait savoir qu'il y
19 avait un document de 15 pages.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est peut-être la traduction du film entier.
21 Ici c'est du 0016 à 0045. Mais sur la transcription, ils peuvent retrouver
22 le minutage.
23 L'INTERPRÈTE : La cabine française indique qu'il n'y a pas de numérotation
24 pour ce qui est du minutage. Il y a des lignes qui sont numérotées. Mais il
25 est difficile de retrouver l'extrait en question.
26 Le Juge Kwon fait savoir aux interprètes que les transcriptions
27 seront distribuées.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors pourquoi ne discuterions pas
Page 43405
1 entre-temps de l'origine de ce document ? Est-ce que c'est une version qui
2 a été publié par vos soins, Monsieur Karadzic ?
3 Monsieur Robinson ?
4 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci est un
5 extrait provenant d'un film assez long qui est intitulé "Le Jugement rendu"
6 et ça a été diffusé à la radiotélévision serbe. Nous avons prélevé des
7 portions qui sont pertinentes pour ce qui est du témoignage de ce témoin.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, mais puisqu'il s'agit d'un extrait
9 d'un programme de télévision -- d'un programme de la télévision serbe, on
10 voit utilisées des images diffusées par Penny Marshall dans d'autres médias
11 ?
12 M. ROBINSON : [interprétation] C'est exact.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce film, vous pouvez le voir en entier sur
14 YouTube.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci n'a guère d'importance.
16 Madame Sutherland.
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, d'après ce
18 que j'ai pu comprendre, il y a eu des informations de rajoutées avec les
19 images de ITN.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Les informations ont été rajoutées
21 par des médias serbes.
22 M. ROBINSON : [interprétation] C'est la RTV serbe, radiotélévision de
23 Serbie.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, ça n'a pas été rajouté par la
25 Défense ?
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] En effet. Mais c'est ce qui est -- ce
27 qu'il convient de préciser pour ce qui est du commentaire et du diagramme.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et quelle est la raison pour laquelle
Page 43406
1 vous faites objection au versement au dossier, Madame Sutherland ?
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, jusqu'à présent,
3 le témoin n'a été à même que d'identifier certains bâtiments et certaines
4 structures à l'intérieur du camp. Il n'a pas commenté, on ne peut pas
5 commenter jusqu'à présent les commentaires que l'on a pu entendre et quand
6 bien même, cela n'aurait aucune valeur probante d'après moi.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il a confirmé l'emplacement de cette
8 clôture en fil. Il a dit à quel endroit était l'équipe de télévision et à
9 quel endroit se trouvaient des réfugiés.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que
11 c'est ce qu'il a fait.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons.
13 [Diffusion de la cassette vidéo]
14 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] Les interprètes précisent que c'est
15 pratiquement inaudible.
16 "Je suis venu avec mes -- des enfants, des tous petits. On est descendus
17 par les champs. Personne ne nous a poursuivis, personne n'a pas même levé
18 le doigt contre nous."
19 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
20 M. KARADZIC : [interprétation]
21 Q. Alors comment ceci coïncide-t-il avec ce que vous en savez pour ce qui
22 est de la nature de ce camp ?
23 R. Il a dit la vérité.
24 Q. Merci.
25 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on nous montre maintenant le
26 fragment 050 à 059, s'il vous plaît.
27 [Diffusion de la cassette vidéo]
28 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Depuis le tout premier jour, on est là. Les
Page 43407
1 gens sont venus de leur plein gré, parce qu'il y avait des pénuries de
2 vivres."
3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
4 M. KARADZIC : [interprétation]
5 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quel a été le rôle joué par cette
6 femme ? Et dites-nous aussi si elle dit la vérité d'après ce que vous en
7 savez ? Est-ce que ce qu'elle dit est exact, est vrai ?
8 R. Je n'arrive pas à me souvenir de qui il s'agit. C'est probablement la
9 dame qui travaillait pour la Croix-Rouge. Je ne me souviens pas de son nom,
10 mais je pense qu'elle dit la vérité.
11 Q. Merci.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on eut maintenant aller ou commencer
13 à 131, s'il vous plaît ?
14 [Diffusion de la cassette vidéo]
15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Est-ce que vous êtes en sécurité ?"
16 La personne dit : "Je pense que c'est -- nous sommes en sécurité, mais
17 c'est dur."
18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
19 M. KARADZIC : [interprétation]
20 Q. Est-ce que vous avez entendu l'interprétation de ce que a dit ce Mehmed
21 ?
22 R. Oui, j'ai entendu deux ou trois mots ?
23 Q. De quelle façon ceci coïncide-t-il avec ce que vous avez appris au
24 sujet de ce camp ?
25 R. Il a dit la vérité. C'était -- ils étaient en sécurité, mais c'était
26 dur. Il n'y avait pas assez de vivres. Il y avait beaucoup de trop de
27 personnes et il fallait les nourrir tous. Les conditions étaient précaires.
28 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez à même d'apprendre
Page 43408
1 comment ce camp a été présenté par les médias, lorsque -- enfin, suite à
2 cette visite ? Comment a-t-on présenté ceci au niveau des médias ? Est-ce
3 que vous avez pu l'apprendre ?
4 R. Je n'ai pas vu grand-chose, mais j'ai ouïe dire de la part de mes amis
5 que cela a diffusé une image très vilaine. Ça a été diffusé pour indiquer
6 que ce n'était pas un campement, mais un camp et que ces personnes étaient
7 exposées à de mauvais traitements et étaient traités de tous les noms.
8 Q. Merci. Je vous prie maintenant de vous pencher sur ces images-ci. On
9 voit le Mehmed qui a pris la parole tout à l'heure et on voit un homme
10 maigre. D'après vous, est-ce que cet homme a maigri pendant qu'il était au
11 camp ?
12 R. Je ne sais pas au juste si il a maigri dans le camp ou avant d'être
13 venu dans ce camp. Je ne pense pas qu'il ait pu maigrir autant en si peu de
14 temps pour avoir un aspect tel qu'on le voit ici.
15 Q. Merci.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande un versement au dossier des
17 séquences de vidéo que nous avons déjà visionnées.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Maintenant, nous allons entendre
19 votre opinion, Madame Sutherland.
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous n'avons
21 pas d'objection pour ce qui est du versement au dossier de ces fragments,
22 mais l'enregistrement audio et les commentaires des gens qui ont tourné
23 avec les -- les commentaires des gens qui ont tourné le film --
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je pense que la Défense sera d'accord.
25 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous le sommes.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera versé au dossier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction D4009, Madame,
Page 43409
1 Monsieur les Juges.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions pour le moment,
3 Excellences.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
5 Monsieur Puhalic, comme vous venez de -- enfin, comme vous le savez
6 certainement, exception faite des questions posées au sujet de
7 l'enregistrement vidéo, votre témoignage au principal dans cette affaire se
8 trouve être versé au dossier par écrit, sous forme de déclaration. Et vous
9 allez à présent être contre-interrogé par le représentant du bureau du
10 Procureur. Le comprenez-vous ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland, nous -- vous -- nous
13 pouvons continuer. Nous allons travailler jusqu'à 1 heure moins le quart et
14 puis, nous allons faire une pause déjeuner. D'accord ? Oui.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] En effet.
16 Contre-interrogatoire par Mme Sutherland :
17 Q. [interprétation] Monsieur Puhalic, la déclaration que vous avez signée
18 lundi et qui vient d'être versée au dossier, quand avez-vous élaboré une
19 première version de ladite déclaration ?
20 R. Une première version, un premier jet, je vais peut-être vous mentir,
21 mais je crois que ça s'est fait peut-être en janvier 2013.
22 Q. Et qui a recueilli cette déclaration de votre part ?
23 R. J'ai fait ma déclaration auprès des gens de la Défense. Il s'appelait -
24 - c'était un certain M. Todic.
25 Q. Est-ce que vous connaissez son prénom ?
26 R. Je n'arrive pas en m'en souvenir.
27 Q. Est-ce que ces questions qui vous ont été posées ont été fournies à
28 l'avance ou est-ce que vous vous êtes entretenu et on a pris des notes au
Page 43410
1 fur et à mesure ?
2 R. Oui. On s'est entretenu, lui et moi, et au fil de notre entretien, il
3 consignait mes réponses.
4 Q. Je suis quelque peu très perplexe pour ce qui est de la façon dont les
5 choses se passaient lorsque vous êtes arrivé au camp. Au paragraphe 3 de la
6 déclaration, vous dites : "Une fois que le camp a été créé." Ensuite, dans
7 ce même paragraphe, vous dites : "Au début, une fois que le camp a été
8 créé." Alors, quand ceci s'est-il passé ? Au début, une fois que le camp a
9 déjà été créé, ou lorsqu'il s'est écoulé un certain temps après sa création
10 ?
11 R. Eh bien, c'était peut-être un, deux, trois jours après. Il s'est passé
12 beaucoup de temps depuis l'époque. Je n'arrive pas à m'en souvenir. M.
13 Kuruzovic a dit qu'il y avait des problèmes et qu'il ne pouvait pas se
14 débrouiller mais qu'il avait besoin d'aide, et il a obtenu de la part de
15 l'armée -- mais comme on était voisins et amis, il m'a demandé de le suivre
16 là-bas pour l'aider là-bas, parce qu'il arrivait beaucoup de gens à bord de
17 camions, de tracteurs, à bord de voitures privées dans ce camp. Et il m'a
18 demandé de l'aider, il fallait des vivres, plein de choses, et il fallait
19 l'aider.
20 Q. Monsieur Puhalic, excusez-moi, vous avez déjà répondu à ma question,
21 puis vous êtes passé au sujet de la nourriture. Je vous ai interrompu,
22 parce que j'ai une requête, à savoir de répondre le plus brièvement
23 possible à mes questions.
24 R. Bien.
25 Q. Au paragraphe 5 de votre déclaration, vous dites que vous n'aviez
26 aucune connaissance au sujet des ordres donnés pour ce qui est de la
27 création de ce camp et vous ne saviez pas de qui cela venait puisque vous
28 étiez simple soldat. C'est bien cela ? Vous n'en aviez pas connaissance ?
Page 43411
1 R. Oui, c'est vrai.
2 Q. Vous avez dit qu'il y avait eu un certain nombre d'excès au début et
3 que c'était le fait de personnes qui avaient fait intrusion dans le camp,
4 mais ce n'est pas vrai ? Il y a eu des individus qui ont été tués en juin
5 et juillet, n'est-ce pas, et ça a été le fait du personnel du camp tout
6 autant que les soldats qui y venaient ?
7 R. Je ne serais pas d'accord avec cette constatation-là.
8 Q. Mais qu'en est-il de ce grand nombre de la famille Foric qui ont tous
9 été tués ? Et encore un homme et son fils, Zoran, qui auraient été tués en
10 juillet ? Et Sulejman Kekic aurait été tué par un gardien en juillet. Un
11 certain Talic aurait succombé à des passages à tabac. Des soldats sont
12 venus en juillet et ont pris 11 hommes vers un champ de maïs pour les
13 exécuter. Est-ce que vous n'êtes pas au courant de ces événements au camp ?
14 R. J'ai déclaré ce que je savais s'être passé pour ce qui est des gens qui
15 se trouvaient dans le camp, et c'est eux qui m'ont raconté. C'est là que
16 j'ai inscrit dans ma déclaration ce que je savais. Je ne peux pas parler de
17 choses que j'ignore --
18 Q. Monsieur Puhalic, vous n'avez donc pas eu à connaître de ces quatre cas
19 de figure où des gens ont été tués au camp; c'est bien cela ?
20 R. Je ne me souviens pas de toutes les personnes qui étaient là. Pour
21 d'autres personnes, je ne connaissais pas leurs noms. J'ai dit que j'étais
22 au courant de deux ou trois cas de figure où il y aurait eu mort d'homme.
23 Et je l'ai mentionné au début, j'ai dit qu'il y avait eu un certain nombre
24 d'excès, de passages à tabac. Mais M. Kuruzovic a été mis au courant de
25 tout ceci. A-t-il pris des mesures ou pas ? J'imagine qu'il est allé à la
26 police et a demandé à l'armée de protéger ces gens. Mais toujours est-il
27 qu'il y a eu quelqu'un d'affecté pour les soins médicaux, on en a pris soin
28 du point de vue médical.
Page 43412
1 Q. Vous nous dites donc qu'au fil des six mois d'existence de ce camp,
2 vous avez appris que deux ou trois personnes en l'espace de ces six mois
3 ont perdu la vie; c'est bien cela ? Ça peut recevoir une réponse par oui ou
4 par non.
5 R. Oui.
6 Q. Il y a eu en juin et juillet des viols aussi. Une femme a
7 systématiquement été violée par le directeur du camp pendant tout le mois
8 de juillet. Puis, au mois d'août, plusieurs jeunes femmes ont été sorties
9 la nuit de là-bas pour être violées ou pour faire l'objet de maltraitance
10 sexuelle. Là, vous nous avez dit que vous avez eu à connaître de certains
11 cas de viol; c'est bien cela ?
12 R. Oui.
13 Q. Et des passages à tabac d'individus, c'est une chose qui se produisait
14 de façon récurrente. Un certain Jakupovic a été tabassé et il a été traité
15 dans le dispensaire. Il a eu des blessures à l'œil et au corps, et il a eu
16 des coupures aux poignets parce qu'il avait été attaché. Et un autre
17 prisonnier avait été passé à tabac et est mort suite à ces passages à
18 tabac.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous montrer, je
20 vous prie, la pièce 65 ter P03986.
21 Q. Monsieur Puhalic, il s'agit d'une photo de ce M. Jakupovic. Est-ce que
22 vous reconnaissez -- est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu des blessures
23 de ce type subies par les détenus au camp de Trnopolje ?
24 R. Je n'arrive pas à m'en souvenir, mais je précise que je suis resté là-
25 bas jusqu'au 11 juin. Après cela, je suis parti pour soin dans une station
26 thermale, et j'y suis resté jusqu'au 17 juillet. Et je suis retourné pour
27 dix ou 15 jours à Trnopolje, puis j'ai regagné les rangs de mon unité. Ce
28 qui fait que je ne peux pas tout savoir. Ce que je sais, je l'ai consigné
Page 43413
1 dans ma déclaration, et ça, je le maintiens.
2 Q. Alors, aux fins de bien comprendre votre témoignage, vous êtes venu
3 dans le camp deux ou trois jours après son ouverture, vers la fin du mois
4 de mai. Vous y avez passé quelque deux semaines, jusqu'au 11 juin, puis
5 vous avez été présent encore du 17 juillet jusqu'au 27 juillet à peu près.
6 Est-ce que c'est bien ce que vous êtes en train de nous dire, sont-ce là
7 les deux seules périodes de temps que vous avez passées au camp ?
8 R. Oui, à peu près. Peut-être suis-je resté jusqu'au 15, mais je ne me
9 souviens pas de la date exacte à laquelle je suis rentré dans mon unité.
10 Q. Donc vous n'avez pas estimé que ceci était pertinent que de placer dans
11 vos déclarations l'information disant que vous n'avez passé au camp de
12 Trnopolje que 24 jours au fil des six mois en question ?
13 R. Je ne sais pas. Personne ne m'a posé la question.
14 Q. Bon. D'après votre témoignage qui a été versé au dossier ici, vous êtes
15 un soldat ordinaire qui s'occupait d'acheminer des vivres vers le camp. On
16 en parlera plus tard, des vivres. Mais quelques mots à votre sujet. Parmi
17 tous ceux qui sont intervenus au camp de Trnopolje en 1992, vous êtes le
18 seul, n'est-ce pas, qui s'appelle Slavko ?
19 R. Peut-être il y avait d'autres personnes qui s'appelaient Slavko. Je
20 n'étais pas le seul à porter ce prénom.
21 Q. Je suis en train de parler de personnes qui étaient gardiens dans le
22 camp, qui assuraient la sécurité du camp.
23 R. Alors, je n'étais pas gardien.
24 Q. Vous êtes le seul Slavko dont la profession était celui de boucher,
25 n'est-ce pas ?
26 R. Cela se peut. Je ne sais pas quelle était la profession des autres
27 personnes, mais il est vrai que je m'appelle Slavko et que je suis boucher
28 de profession.
Page 43414
1 Q. Vous souvenez-vous d'un certain Vasif Gutic, qui était un étudiant en
2 médecine de Kozarac qui a été détenu à Trnopolje et qui était à
3 l'infirmerie ?
4 R. Je ne me souviens pas de ce nom-là. Je ne sais pas qui est cette
5 personne. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis ce moment-là.
6 Q. Il a témoigné dans l'affaire Tadic en 1996 et il s'est souvenu de vous.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De qui s'agit-il ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Il s'agit de Vasic Gutic.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez marquer une pause.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Veuillez
11 afficher le numéro 65 ter 25630, s'il vous plaît.
12 Q. A la page du compte rendu d'audience 4 709, M. Gutic a dit que Slavko
13 Puhalic avait un bureau dans l'ancien bureau du bâtiment de la communauté
14 locale "où Slavko emmenait des détenus pour qu'ils y soient interrogés, et
15 une fois interrogés, certains d'entre eux ont été frappés."
16 Vous avez emmené des prisonniers pour être interrogés, n'est-ce pas ?
17 R. Il y avait des amis avec lesquels je parlais, tout comme je parle
18 aujourd'hui. Cela se peut, je ne sais pas. Ce n'était pas un bureau.
19 C'était une petite pièce. Et même en bas où se trouvait le "dom", où
20 j'étais assis, il y avait un Albanais, un monsieur, Izet Beri [phon], nous
21 étions assis ensemble et nous avons parlé. Peut-être que quelque chose
22 s'est passé après moi, mais il n'y a pas eu de passages à tabac.
23 Q. Avez-vous participé aux passages à tabac de l'une quelconque des
24 personnes qui se trouvaient au camp de Trnopolje ?
25 R. Non.
26 Q. Avez-vous assisté aux passages à tabac ?
27 R. Je ne m'en souviens pas vraiment. C'était il y a longtemps. Je ne m'en
28 souviens pas.
Page 43415
1 Q. Connaissez-vous un homme qui répond au nom d'Adem Dzihic, qui était
2 originaire de Kozarac et qui a également été détenu à Trnopolje ?
3 R. Non.
4 Q. Il a fait une déclaration qu'il a remise aux autorités de Bosnie.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Numéro 65 ter 25607, s'il vous plaît.
6 Q. Il s'agit de la déclaration qu'il a donnée en septembre 1994. Et à la
7 page 3, il a dit que :
8 "Le commandant de la police qui gardait et interrogeait les prisonniers du
9 camp était Slavko Puhalic, qui autrefois était propriétaire de sa boucherie
10 à Prijedor."
11 C'est vous, n'est-ce pas ?
12 R. Je n'avais pas de boucherie. Je travaillais en tant que boucher dans
13 une société qui était étatisée.
14 Q. Vous avez travaillé dans une boucherie à Prijedor, n'est-ce pas ?
15 R. Oui.
16 Q. Je vous remercie. J'en ai terminé avec ce document. Mladen Mitrovic et
17 Goran Nisevic [phon] étaient des gardiens du camp, n'est-ce pas ?
18 R. Sans doute. Je ne me souviens plus du nom des gardiens.
19 Q. Au paragraphe 25 de votre déclaration, concernant le fait jugé 1 237,
20 vous avez dit qu'au début il y avait des cas de maltraitance. Vous avez dit
21 qu'il y avait quelques cas dont vous aviez connaissance et dont le
22 commandant Kuruzovic a été informé. Connaissez-vous Mustafa Nuhanovic, qui
23 était originaire de Trnopolje et qui a été détenu dans le camp ?
24 R. Non.
25 Q. Eh bien, lui, il vous connaît.
26 R. Je ne m'en souviens pas.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Numéro 65 ter 25604.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'agit-il du paragraphe 25 de sa
Page 43416
1 déclaration ?
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, c'est un des paragraphes qui ont été
3 ajoutés. A la page 9 de la version anglaise.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne dispose peut-être que de
5 l'ancienne version.
6 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
7 Q. Mustafa Nuhanovic a également témoigné dans l'affaire Tadic le 7 août
8 1996, et en bas de la page 4 841, on lui a demandé s'il avait jamais été
9 frappé dans le camp de Trnopolje. Il a répondu, Oui, à plusieurs reprises.
10 Y a-t-il eu des moments qui étaient particulièrement graves ? Réponse :
11 Oui, deux fois. A deux reprises, c'était assez violent. Et où cela s'est-il
12 passé ? En haut de la page 4 842, A côté du bâtiment ou du centre que l'on
13 appelait le laboratoire. Qui vous y a emmené ? Réponse : Mladen Mitrovic.
14 Et ensuite, on lui a demandé, Quand on vous a emmené -- à la ligne 23 de
15 cette même page, Lorsqu'on vous a emmené dans le laboratoire pour y être
16 frappé, avez-vous reconnu l'une quelconque des personnes qui participaient
17 à ces passages à tabac ? Oui, un certain Slavko de Prijedor, un capitaine,
18 tel était son grade, je peux parler de l'insigne, il avait trois étoiles,
19 c'était un capitaine, et il m'a interrogé. Je ne sais pas. C'était un
20 boucher à Prijedor. Je crois que son nom de famille était Pahovski ou
21 quelque chose comme ça.
22 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que nous pourrions regarder la
23 page du compte rendu d'audience 4 844, s'il vous plaît.
24 Q. Et on lui a posé la question lors du premier passage à tabac avec quel
25 objet on l'a frappé. Et il a répondu à la ligne 10, Ils m'ont frappé avec
26 tout ce qu'ils avaient sous la main, que ce soit des battes de baseball,
27 des câbles, des bottes, les mains et même avec une chaise. Est-ce que leurs
28 coups étaient portés à certains endroits du corps, et si oui -- et il a
Page 43417
1 répondu, A l'endroit du cœur et des reins, sinon sur tout le corps. Ils
2 m'ont frappé partout, y compris à la tête. Et les blessures qu'il a subies,
3 à la ligne 19, La première fois, c'était au niveau des veines de ma jambe
4 qui a été coupée. Une fracture à la tête. Et ensuite, des fractures ici, 5
5 à 6 centimètres, et j'avais beaucoup de blessures.
6 A la page 4 845, on lui a demandé s'agissant du deuxième passage à tabac,
7 Et ça, qui est-ce que c'était ? On vous a emmené pour être passé à tabac
8 une deuxième fois. C'est le même homme, en quelque sorte, que ce Mladen,
9 mais il y en avait d'autres également en compagnie de Cigo qui était là. Et
10 il a dit que le nom de famille de Cigo était Nisevic, Goran Nisevic.
11 A la page 4 846. Vous avez perdu connaissance lors d'un de ces passages à
12 tabac. Il a dit "Oui. Ils m'ont frappé. Il m'a frappé, mais je ne me
13 souviens pas combien de temps cela a duré. Cela a semblé comme une -- me
14 semblait comme une éternité. Pour finir, il y a quelqu'un qui m'a traîné
15 par les pieds, qui m'a placé à côté du mur et un autre est venu pour me
16 frapper avec ses mains, avec ses pieds, donc. De telle sorte que j'ai --
17 j'avais -- je me sentais vomir. Et j'ai vomi. Ensuite, brusquement, je
18 souhaitais à nouveau vomir et je ne le pouvais pas. Il y avait un liquide
19 jaune qui est sorti de ma bouche et c'était tellement amer que je n'ai
20 jamais rien goûté de la sorte dans ma vie. Et ensuite, j'ai dû perdre
21 connaissance. On lui a demandé "Vous a-t-on jamais dit pourquoi vous avez
22 été frappé à plusieurs reprises, pourquoi vous ont-ils frappés ?" Ils vous
23 demandaient des fusils et de l'argent et de l'or.
24 Et Mustafa se souvient d'avoir participé à ces passages à ces
25 passages à tabac dans le camp. Vous souvenez-vous avoir été présent ou
26 participé à un quelconque de ces événements ?
27 R. D'abord, je vous ai dit que j'étais un simple soldat et je n'avais pas
28 de grade. Peut-être qu'il y avait un autre Slavko, un capitaine. Je ne m'en
Page 43418
1 souviens pas. Je ne connais pas cette personne. Je n'ai pas participé à ces
2 passages à tabac. Je ne me souviens pas de ce Mitrovic et je ne me souviens
3 pas -- et qu'est-ce que vous avez dit, quel était son nom ? Cigo ? Je ne
4 m'en souviens pas, ces personnes. Je n'ai pas participé à cela, non.
5 Q. Et vous exerciez une certaine autorité dans le camp. Vous pouviez
6 arrêter les détenus -- vous pouvez empêcher les détenus d'être maltraités
7 si vous l'aviez souhaité, n'est-ce pas ?
8 R. Je n'avais aucune autorité. J'ai essayé d'aider les personnes autant
9 que faire se peut.
10 Q. En réalité, vous avez enlevé de l'argent -- pris de l'argent aux
11 détenus, à condition de -- d'arrêter ces choses néfastes qui se
12 produisaient, comme les passages à tabac par les gardiens, n'est-ce pas ?
13 R. Non, non.
14 Q. Vous connaissez une personne qui répond au nom de Rifet Zenkic ? Il
15 avait environ 14 ans de plus que vous. Vous étiez un de ses voisins, un
16 voisin de la fille de sa sœur. Vous avez -- lui avez pris de l'argent en
17 échange de l'arrêt des passages à tabac par Skrbic, par le -- en échange de
18 l'arrêt des passages à tabac par son fils, Skrbic, n'est-ce pas ? Et
19 pourquoi riez-vous de la sorte, Monsieur Puhalic ?
20 R. Je ne m'en souviens vraiment pas, je suis vraiment désolé. Mais il y a
21 les choses -- je ne le comprends pas. Il ment.
22 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Alors, numéro 65 ter 25606, s'il vous
23 plaît.
24 Q. Une déclaration recueillie de M. Zenkic au mois d'août ou septembre
25 1994, donc un ou deux ans après l'événement en question, page 11 de la
26 déclaration. Il parle de son fil qui est interrogé à cinq reprises par une
27 personne qui s'appelle Skrbic et le -- la sixième fois, je cite, maintenant
28 le deuxième paragraphe dans sa totalité, à commencer par "Mon fils a
Page 43419
1 interrogé -- a été interrogé cinq fois."
2 "La sixième fois, je suis allé voir Slavko et j'ai plaidé auprès de lui
3 pour qu'il épargne mon fils."
4 Pardonnez-moi. Il vous identifie déjà à la page 8.
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Page 8, s'il vous plaît.
6 L'ACCUSÉ : [interprétation] A qui a été donnée cette déclaration, je vous
7 prie ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] La déclaration a été remises aux
9 représentants du bureau du Procureur. Première page, ici, les coordonnées.
10 Page 8, s'il vous plaît.
11 Q. [inaudible] de -- d'être interrogé et le -- un lieutenant de la police
12 militaire qui portait un uniforme de camouflage avec deux étoiles devait
13 l'interroger. Cela précisait que c'était un lieutenant et en fait, le --
14 celui qui m'a interrogé était -- s'appelait Slavko Puhalic. Page 11.
15 Ensuite, il a dit "J'ai vu Slavko. Je me suis rendu auprès de Slavko et
16 j'ai plaidé auprès de lui pour qu'il suave mon fils, parce que j'ai vu
17 qu'ils allaient tuer mon fils. Je l'ai vu plus tard."
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes.
19 Q. "Et il s'était entretenu avec Skrbic et mon fils avait une chaîne en
20 or. Cela signifie qu'il fallait le payer avec la chaîne en or. Et j'ai dit
21 à Slavko que d'autres avaient déjà pris la chaîne et que j'avais 150 marks
22 allemands sur moi. Il a pris l'argent et par la suite, il est venu me voir
23 et il a dit qu'il s'était entretenu avec Skrbic et que cela n'allait plus
24 se reproduire."
25 Vous souvenez-vous de cela ?
26 R. Je me souviens peut-être d'y être allé. Je crois que le nom de son fils
27 était Adjin [phon], si je ne me trompe pas. Ai-je raison ?
28 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais le confirmer après la pause de
Page 43420
1 déjeuner, Madame, Monsieur les Juges. Pensez-vous que c'est un -- il
2 convient de faire la pause, maintenant ?
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit. Oui, nous allons avoir une pause
4 pendant 45 minutes et nous reprendrons à 13 heures 38.
5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 48.
6 --- L'audience est reprise à 13 heures 40.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Sutherland.
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
9 Q. Le fils de M. Zenkic est en réalité, vous avez dit, Ajdin, A-J-D-E-N, à
10 la page 7 de sa déclaration. Donc, vous vous souvenez, n'est-ce pas, avoir
11 pris l'argent de Réfugiés [phon] Zenkic -- Rifet Zenkic pour que son fils
12 ne soit plus frappé par M. Skrbic, n'est-ce pas ?
13 R. Non. Je me souviens de cette famille.
14 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète : Le témoin peut-il s'approcher du
15 microphone, s'il vous plaît ?
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Puhalic, veuillez vous
17 rapprocher du microphone, s'il vous plaît.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné que vous avez dit que c'était une
19 famille de voisins, maintenant, je me souviens de cette famille. Ils
20 avaient insisté pour que j'aide cet homme à Zengic [comme interprété]. Je
21 crois que vous avez dit que c'était son nom. Et je suis allé. C'était peut-
22 être à 800 mètres, voire un kilomètre à l'extérieur du camp. J'ai trouvé
23 cette famille à cet endroit et je lui ai dit d'aller dans le camp, que
24 c'était le lieu le plus sûr. C'était l'alternative la plus sûr, chose qu'il
25 n'a pas acceptée. Donc, je suis retourné dans le camp et je n'avais aucune
26 idée de ce qui est arrivé par la suite. Je n'avais aucune idée s'agissant
27 de cet argent dont vous parlez. J'ai essayé d'aider cette personne. Cette
28 personne ne l'a pas accepté. Alors, ce qu'il s'est passé après,
Page 43421
1 honnêtement, je ne peux pas vous le dire.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au compte rendu d'audience, s'il vous plaît --
3 L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine anglaise : Il y a trois
4 microphones qui sont actuellement ouverts.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 9, le témoin a dit "non" et ensuite,
6 "Je me souviens de cette famille".
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
9 Q. Vous connaissez un certain Bosko Lakic qui est gardien de camp, n'est-
10 ce pas ?
11 R. Non, je ne m'en souviens pas. Je n'avais aucun contact avec les gardes.
12 Cela ne relevait pas de mon travail. C'était -- cela revenait à M.
13 Kuruzovic.
14 Q. Vous êtes allé dans certains endroits du camp où les femmes étaient
15 hébergées, y compris dans un abri en bois, n'est-ce pas ?
16 R. Je ne sais pas de quoi vous parlez. Les femmes étaient autour du camp,
17 à l'intérieur du camp, dans des tentes, dans des camions, dans des
18 voitures, là où il était -- on pouvait se reposer, dormir. Les femmes
19 étaient partout avec leurs enfants et les hommes -- tous ceux qui étaient
20 là.
21 Q. Y avait-il un endroit -- un abri en bois où les femmes dormaient ? Vous
22 y êtes allé avec une lampe torche et vous avez appelé les femmes pour
23 qu'elles sortent en pleine nuit ?
24 R. Non, jamais.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à huis
26 clos partiel, s'il vous plaît ?
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes actuellement à huis clos
Page 43422
1 partiel, Madame, Messieurs les Juges.
2 [Audience à huis clos partiel]
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 43423
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 [Audience publique]
28 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
Page 43424
1 Q. Voici ce qu'a dit Slobodan Kuruzovic, commandant du corps, à propos des
2 allégations de viol lorsqu'il a été interrogé :
3 "Peut-être que ce n'est pas quelque chose qui est agréable à dire, mais les
4 Musulmans plus âgés qui étaient à l'intérieur faisaient des plaisanteries à
5 ce sujet, parce que nous sommes ce genre de peuple-là. La femme plus âgée a
6 dit qu'elle s'était bien amusée. Ça n'est pas agréable à dire, mais ce que
7 j'ai entendu dire quelques -- deux jours plus tard."
8 Et ensuite, il poursuit en disant :
9 "Eh bien, c'est ainsi que les choses se sont passées. Il y a eu -- je crois
10 que personne n'a été blessé physiquement. C'était juste des fanfaronnades."
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Est-ce que
12 nous avons ce document ?
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Cela se
14 trouve -- oh, pardonnez-moi. Page du compte rendu d'audience 14829. Deux
15 pages plus loin.
16 M. ROBINSON : [interprétation] En réalité, il s'agit d'une déposition dans
17 l'affaire Stakic; il ne s'agit pas d'un entretien.
18 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, je vous remercie. Vous avez raison.
19 En fait, déposition dans l'affaire Stakic datée du 31 mars 2003. Alors ce
20 que je vous ai lu est un extrait et qui correspond aux lignes 12 à 16 et
21 ensuite, l'une -- des lignes 20 à 22.
22 Q. Et il fait référence à l'entretien qu'il a eu l'année précédente. Et M.
23 Malik [phon] lui a demandé, "Vous voulez dire la personne qui a été violée
24 trouvait que c'était très agréable ?" Et vous avez répondu en disant "Oui,
25 à savoir si elle a été violée, je ne sais pas. Je n'en sais rien. De toute
26 façon, il n'y a pas eu d'examen. Je ne suis pas interrogé du fait que ces
27 femmes aient été déflorées.
28 Q. Monsieur Puhalic, ceci résume, n'est-ce pas, la manière dont le
Page 43425
1 commandant de camp abordait la question des allégations de viol et
2 d'agression sexuelle dans son camp, n'est-ce pas ?
3 R. Alors en ce qui concerne cette femme qui a dit cela, il s'agissait de
4 viol. Je ne me souviens pas de la date exacte.
5 Q. Je vais vous arrêter là. Le passage que je vous ai lu à huis clos
6 partiel, je ne souhaite pas que vous répétiez le nom de la personne en
7 question parce que nous étions à huis clos partiel. Les allégations qui
8 sont abordées ici avec M. Kuruzovic, les allégations de viol concernant un
9 certain nombre de femmes qui se sont plaint du fait qu'on les avait fait
10 sortir du camp pour être violées. Donc il s'agit de deux situations
11 différentes. Alors là où je veux en venir c'est la chose suivante, ceci
12 résume, n'est-ce pas, les positions du commandant du camp vis-à-vis des
13 allégations de viol et d'agression sexuelle dans le camp de Trnopolje,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Non. Je souhaite vous l'expliquer. Alors, ce cas, M. Kuruzovic a dit
16 exactement à cette personne, c'était la personne qui a été violée, en même
17 temps que cinq, six voire sept autres femmes. Lorsque je suis arrivé à
18 Trnopolje le matin, le commandant n'y était pas. Lorsque je suis entré dans
19 le camp, une femme est venue jusqu'à moi et elle a dit que son enfant avait
20 été violé. Cela m'a vraiment bouleversé, en tant que personne, j'ai tout de
21 suite demandé où se trouvait cette personne. Elle a répondu, en disant
22 c'est ma fille. Et la jeune fille a dit entre autres choses qu'elle n'y
23 était pas toute seule, qu'il y avait une autre personne qui était là. Je
24 lui ai demandé si elle savait qui était cette autre personne, et elle a
25 répondu, je ne m'en souviens pas, je ne me souviens pas du nom. Quoi qu'il
26 en soit, j'ai retrouvé ces six ou sept femmes, et entre autres choses,
27 enfin par rapport à ce qu'a dit le commandant Kuruzovic, alors quelqu'un a
28 dit, une femme a dit, et peut-être que c'était en guise de plaisanterie, je
Page 43426
1 ne sais pas, mais elle a dit cela au sujet de cet homme, et c'est la raison
2 pour laquelle je me souviens de cela. Et, lorsque le commandant est arrivé,
3 je lui en ai informé de façon à ce que des activités puissent être
4 organisées. Le médecin est venu également. J'ai trouvé ces personnes
5 quelque part à l'extérieur du camp, il y avait trois ou quatre femmes qui
6 étaient à l'extérieur du camp, et je crois qu'il y en avait trois qui
7 étaient dans le camp, qui venaient du camp. Il y avait cette jeune fille,
8 et ces deux femmes donc le médecin a --
9 Q. Monsieur Puhalic, ces femmes ont été emmenées à l'hôpital, en fait,
10 elles ont été examinées à l'hôpital. Vous avez dit que les responsables de
11 ces viols ont été arrêtés. Quels sont leurs noms ?
12 R. Je n'arrive pas à retrouver là le nom de ce gars, car j'ai participé à
13 l'arrestation. Et, la police, et en fait, ces femmes m'ont dit où cela se
14 trouve à Kozarac. Et, j'y suis allé avec la police militaire, avec la
15 police civile, tant que j'ai compromis ma propre sécurité, ma vie, je suis
16 allé pour que ce gars soit arrêté, lui et plusieurs autres qui ont pris
17 part. Et, cette jeune femme, cette fille --
18 Q. Je vais vous interrompre là, Monsieur Puhalic. Cette personne ou ces
19 individus n'ont jamais fait l'objet de poursuite, n'est-ce pas, pour ce
20 viol au camp de Trnopolje ?
21 R. Ça, je ne sais pas. Je vous dis que cet individu qui a pris part, mais
22 c'est pas lui qui a commis le viol. Donc puisqu'il y avait cette jeune
23 fille, en fait, elles étaient deux sœurs. Elle m'a dit que précisément ce
24 gars que nous avons arrêté avait une bague au doigt, et que c'est lui qui a
25 aidé qu'elle ne soit pas violée. On l'a interpellé, on l'a amené au
26 commandement, il y est resté, je ne sais pas deux ou trois heures, je ne
27 sais pas si c'était pour être interrogé. Mais pendant que j'étais encore au
28 commandement, ces gars qui l'auraient fait, ce groupe-là a appelé le
Page 43427
1 commandement et ils ont dit, je cite : Qu'ils allaient attaquer Prijedor si
2 ce gars n'était pas relâché. Donc j'ai quitté cet endroit, je suis revenu
3 au camp, excusez-moi, je vais juste terminer. Donc je suis revenu au camp,
4 et le lendemain matin, ce groupe est arrivé avec deux chars, ils sont
5 arrivés au camp, et moi, d'après les bruits que j'ai entendus, j'ai compris
6 quelque chose était en train de se passer, j'ai réussi à écarter de la
7 route les soldats. Je les ai placés derrière les maisons. Et, pour ce qui
8 est de la population civile, j'ai réussi à faire qu'ils se mettent à l'abri
9 à l'école, et à l'intérieur. Et, ils sont arrivés, ils m'ont désarmé. Je me
10 suis retrouvé seul au milieu de la route devant, et je ne sais pas comment
11 j'y suis parvenu, en l'absence du commandant. Il y avait juste un Albanais,
12 Izet Beri, qui était là à l'intérieur de ce bâtiment puisque j'ai vu qu'ils
13 étaient plutôt ivres, voilà. Je lui ai demandé une bouteille, je ne sais
14 pas si c'était du raki ou autre alcool, et il m'a donné ça. C'est ce que je
15 leur ai remis, et j'ai réussi à les convaincre qu'il n'y ait pas de coup de
16 feu de tiré. Je ne sais pas comment ni quoi, mais enfin c'est comme ça que
17 ça s'est terminé.
18 Q. Et en fait ce qui s'est passé c'est qu'ils n'ont jamais connu de
19 poursuite pour avoir commis ces viols au camp de Trnopolje; exact ?
20 R. Ecoutez, ça, je ne sais pas. Comme je vous disais, je ne suis pas bien
21 placé pour en juger. Qui a fait quoi, et est-ce qu'on a déployé des
22 mesures, je n'ai pas eu le temps de vérifier tout ça. Moi, je n'étais que
23 simple soldat, je vous l'ai dit.
24 Q. Il n'y a pas eu d'enquête non plus d'amorcée au sujet des meurtres ou
25 des passages à tabac qui ont eu lieu au camp. Cela est exact, n'est-ce pas,
26 pour autant que vous le sachiez, il n'y a jamais eu d'enquête de menée ?
27 R. Pour autant que je le sache, non. Ça concernait surtout le commandant
28 Kuruzovic.
Page 43428
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Microphone pour l'Accusation.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
3 Q. Au paragraphe 11, vous avez dit et brièvement : Qu'il y avait une
4 infirmerie au camp, et que des soins médicaux y étaient donnés. Vous avez
5 dit qu'un ou deux médecins y ont travaillé ainsi que deux ou trois
6 infirmières, et vous avez dit qu'un médecin d'appartenance ethnique serbe y
7 a travaillé.
8 C'est ce que vous avez dit aujourd'hui dans votre déposition. Mais vous
9 savez très bien qu'il y avait une clinique de fortune avec du matériel
10 médical qui n'était pas approprié par rapport aux milliers de détenus qui
11 étaient au camp de Trnopolje ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Une intervention sur le compte rendu d'audience
13 avant la réponse. Ligne 16, les interprètes n'ont pas entendu que le témoin
14 a dit que c'était le commandant Kuruzovic qui s'était surtout occupé de
15 cela.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez
17 répondre à la question, s'il vous plaît.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il n'y avait pas de conditions
19 appropriées.
20 Q. Vous avez également dit au paragraphe 21 de votre déclaration préalable
21 par rapport aux faits jugés 1230 que Trnopolje n'a jamais été entièrement
22 entouré de soldats, qu'il n'y avait pas de nids de mitrailleuses ou de
23 fusils qui auraient été pointés dans la direction du camp. Cela est
24 complètement inexact, n'est-ce pas ?
25 R. Non. Par rapport à ce que j'en sais.
26 L'INTERPRÈTE : Les interprètes signalent qu'ils n'ont pas bien entendu la
27 réponse du témoin.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous
Page 43429
1 pouvez répéter votre dernière réponse ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je le sache, non.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
4 Q. Mis à part les témoins qui sont venus déposer en l'espèce qui ont dit
5 qu'il y a eu des postes de garde autour du camp et en particulier, j'attire
6 l'attention des Juges et de M. Karadzic sur la pièce P03880. Nous avons
7 aussi un témoin indépendant qui est venu déposer. Il s'est rendu au camp,
8 fin août, début septembre, et voilà ce qu'il a dit :
9 "Il semblait que cela se trouvait sur -- à l'emplacement d'une ancienne
10 école."
11 Je suis en train de lire la déposition de Charles McLeod, P00712.
12 "Donc, il semblerait que c'était l'emplacement d'ex-école. Le camp
13 est -- avait des deux côtés une route et au point où se rencontraient les
14 deux routes, il y avait une mitrailleuse qui, en fait, pouvait couvrir cet
15 espace des deux routes qui couvrait aussi l'espace qui s'étendait au loin
16 le long de ces routes. Le camp était appelé Centre de rassemblement
17 ouvert."
18 Et nous avons également eu Dr Mrdjanic [phon] qui a déposé pièce
19 P03808, que des postes de garde se trouvaient autour de Trnopolje, partout
20 autour. Page du compte rendu d'audience 7732. Puis 7753, qu'il y avait un
21 nid de mitrailleuses sur ce poste de contrôle qu'il nous a montré sur une
22 carte.
23 Q. Donc, il est tout à fait inexact de dire ce que vous êtes en train de
24 dire qu'il n'y avait pas de poste de garde autour du camp et pas de nid de
25 mitrailleuses, n'est-ce pas ?
26 R. Ecoutez, je n'arrive pas à m'en souvenir. Il est possible qu'un soldat
27 ait posé son fusil à côté de l'endroit où il montait la garde et que le
28 fusil se soit retrouvé là. Mais pendant que je passais là, je n'ai pas vu
Page 43430
1 de mitrailleuses ni de fusils pointés sur des civils. Ça, je n'ai pas
2 remarqué cela pendant que j'y étais.
3 Q. Au paragraphe 19, par rapport au fait jugé 1225, vous dites que
4 personne n'a été amené de contrainte au camp de Trnopolje. Hors, les moyens
5 de preuve en l'espèce montrent que l'écrasante majorité des personnes qui
6 ont été amenées au camp de Trnopolje n'y sont pas venues de leur plein gré,
7 qu'en fait, on les a rassemblées et amenées à bord d'autocars et à pied. Et
8 vous savez cela. Vous le saviez également à l'époque, n'est-ce pas ?
9 R. Ecoutez, je n'ai jamais été présent pendant que qui que ce soit était
10 amené par autocar. Je sais que c'est à bord de tracteurs ou de voitures ou
11 de camions que les gens sont venus là. Comment dire, il y a eu beaucoup de
12 voitures et de tracteurs --
13 L'INTERPRÈTE : Interrompu par l'Accusation.
14 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
15 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Ils sont arrivés à bord d'autocars,
16 c'était organisé, on les a rassemblée, on les a amenés de Kozarac, de
17 Jazkici [phon], on les a amenés de Trnopolje, de Brdo, fil juillet, après
18 le nettoyage. Donc, des témoins sont venus déposer ici qu'on a rassemblé
19 ces gens et qu'on les amenés au camp contre leur volonté.
20 Alors, ce que vous nous dites, vous, c'est que vous n'avez vu aucun
21 de ces autocars ces -- pendant ces 24, 25 ou 26 jours que vous avez passés
22 au camp ?
23 R. Vous venez de nous [inaudible] juin ou juillet, hors je vous ai dit que
24 c'était à partir du 10 au 11 juillet que j'étais absent, jusqu'au 17 ou 18
25 -- ou plutôt, 10 au 11 juin se corrige l'interprète, donc je n'étais pas
26 présent lorsque cela s'est produit. Et je vous dis ce que j'ai vu. Je ne
27 sais pas, peut-être qu'au tout début, quand il y a eu l'attaque sur
28 Prijedor, alors est-ce que peut-être à ce moment-là, il y a eu quelques
Page 43431
1 personnes ou des individus, je ne sais pas, je ne m'en souviens pas, qui
2 auraient été emmenés. Mais Kozarac, écoutez, les gens sont venus à pied
3 parce qu'à ce moment-là, il y a eu des combats. Personne n'avait le temps
4 de s'occuper de prendre en charge des gens pendant que les balles
5 pleuvaient ou les obus, que -- personne n'a pu s'occuper de mettre des gens
6 à bord des autobus, des autocars. On allait -- on essayait de sauver sa
7 tête, c'est tout.
8 Q. Monsieur le Témoin, d'après les moyens de preuve, on les mettait à bord
9 des autocars. On les amenait également à pied et on les faisait escorter
10 par des soldats. Alors, maintenant, d'après votre déposition, après les
11 premiers jours, la sécurité du camp a été améliorée pour protéger les
12 civils, c'est bien ça ?
13 R. Oui.
14 Q. Mais cela n'est pas exact. En fait, ce qui s'est passé, est qu'on a
15 augmenté les mesures de sécurité, parce qu'on avait peur que les gens ne se
16 sauvent du camp. C'est bien ça la véritable raison, n'est-ce pas ?
17 R. Ah, non, ça je ne m'en souviens pas. Peut-être qu'il y avait des gens
18 qui sont partis ou des gens qui ont réussi à s'évader, mais ça, je ne peux
19 pas vous le dire, parce que, moi, j'étais pas responsable de surveiller ça.
20 Je vous ai dit ça que j'étais plus dans le sens de m'occuper des vivres, de
21 la nourriture, comme je vous l'ai déjà dit. Cela, je ne peux pas vous en
22 parler. Il faut surtout voir ça avec Kuruzovic. Lui, il est le mieux placé
23 --
24 Q. Il serait -- le mieux serait que je -- excusez-moi. L'interprète n'a
25 pas entendu la fin. J'ai réagi trop rapidement. Excusez-moi. Vous n'aviez
26 pas terminé votre réponse. Les interprètes n'ont pas entendu la fin de
27 votre réponse. Le mieux pour moi serait quoi ?
28 R. Le mieux placé pour connaître cela, c'était le commandant Kuruzovic. Le
Page 43432
1 commandant, comment dirais-je, c'était son grade de commandant, Kuruzovic.
2 Il était le mieux informé de tout cela, tout ce qui se passait.
3 Q. Eh bien, vous avez dit que le camp de Trnopolje était en -- l'endroit
4 où les gens pouvaient se rendre ou que personne n'a été placé en détention.
5 Il n'y avait pas de gardes. Mais en fait, ce n'est pas comme ça que les
6 choses se sont passées, pas du tout. Ce qui s'est passé, c'est qu'au
7 départ, il a été d'abord créé et ensuite, on a augmenté le nombre de gardes
8 parce qu'on avait peur d'une évasion.
9 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et je vais maintenant demander
10 l'affichage du 1D5886 de la liste 65 ter.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien --
12 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est la date du 31 mai. C'est une
13 conversation interceptée croate et qui nous dit :
14 "Il existe un camp de rassemblement pour la population non-serbe du village
15 de Trnopolje au stade. L'ennemi a peur d'une évasion, donc un ordre a été
16 donné pour que les mesures de sécurité soient augmentées, si nécessaire
17 triplées."
18 Q. Si c'est un camp qui est complètement ouvert ou tout un chacun est
19 libre de circuler, comme vous le dites, alors pourquoi est-ce qu'ils ont
20 peur que les gens ne s'évadent et pourquoi est-ce qu'ils triplent les
21 mesures de sécurité à cause de cette peur ?
22 R. Ecoutez, là encore, je ne sais pas.
23 Q. Il s'agit de personnes qui étaient détenues au camp.
24 R. Ecoutez, je ne vous ai pas compris.
25 Q. Je suis en train de dire qu'il s'agit d'une évasion possible de ce camp
26 où ils sont placés en détention par les autorités serbes. C'est ça ma
27 position. S'ils n'avaient pas été détenus, ils n'auraient pas besoin de
28 vouloir s'évader. Ecoutez, vous avez dit au paragraphe 7 de votre
Page 43433
1 déclaration préalable, que les gens pouvaient circuler, qu'ils pouvaient
2 aller chercher des vivres, mais qu'il fallait qu'ils laissent leurs
3 papiers. Et vous avez répété ça au paragraphe 9 légèrement différemment.
4 Vous avez dit qu'ils étaient libres de quitter le camp librement après
5 avoir annoncé leur départ aux gardes et après avoir laissé leurs papiers
6 d'identité. Donc aux fins ils étaient libres de partir de ce secteur,
7 n'est-ce pas ? Parce que si leurs papiers -- si leurs pièces d'identité
8 étaient détenus par les autorités du camp, alors ils pouvaient se rendre
9 nulle part ?
10 R. Non, tout simplement je sais pas. Je sais pas si c'est le commandant
11 Kuruzovic qui a dit ça qu'il fallait faire de la sorte. Mais vous aviez des
12 gens qui sont partis également sans pièce d'identité, qui allaient chez eux
13 pour rapporter, je sais pas, une couverture pour mieux dormir ou un peu de
14 nourriture. Il y a eu des gens qui sont rentrés chez eux pour se changer,
15 prendre un bain. Enfin pour des mesures d'hygiène personnelle. Ça c'est ce
16 qui se produisait. Quant à l'évasion, alors ça je n'ai pas été informé de
17 quoi que ce soit de la sorte. Peut-être qu'une certaine partie, voire même
18 -- enfin il m'est arrivé dans une voiture de trouver un pistolet même de 9
19 millimètres. C'est un homme musulman qui l'avait, et il y a eu peut-être
20 d'autres pièces d'armement. Ça je ne peux pas dire. Ecoutez, il y a des
21 choses qui se sont produites de ce type, des choses à l'intérieur du camp
22 aussi. Excusez-moi, je voudrais terminer. Donc alors pourquoi est-ce qu'on
23 avait l'armée là sur place, une présence armée ? Ecoutez, c'était déjà la
24 guerre à Bihac, à Cazin, les personnes déplacées arrivaient. On se dit
25 qu'il allait pouvoir y avoir des actes de vengeance.
26 Q. Monsieur, vous n'êtes pas en train de répondre à ma question.
27 R. Mais si, mais si, mais justement je suis en train de le faire. L'armée
28 était là justement, parce que si on avait des réfugiés qui arrivaient de
Page 43434
1 Bihac et qui étaient de nationalité serbe, pour qu'il n'y ait pas d'acte de
2 vengeance. C'est pour ça qu'il y avait l'armée pour protéger cette
3 population, pour qu'il n'y ait pas d'irruption. Vous savez, il y avait pas
4 mal de civils qui se sont mis en uniforme et qui venaient là sur place, il
5 fallait protéger la population à cause de ça, vu cela. Et puis vous aviez
6 aussi des gens qui se rendaient chez eux pour revenir.
7 Q. Je vais vous interrompre, Monsieur Puhalic. Ma question est la suivante
8 : Les gens n'étaient pas libres de partir parce que leurs pièces d'identité
9 étaient -- ils devaient remettre leurs pièces d'identité aux autorités du
10 camp. C'était pas un camp libre, on pouvait circuler librement, entrer et
11 sortir. En fait, vous avez placé en détention les gens et vous gardiez
12 leurs pièces d'identité pour qu'ils ne puissent pas partir justement pour
13 qu'ils ne puissent pas se rendre ailleurs lorsqu'ils sortaient pour aller
14 chercher de la nourriture.
15 R. Ecoutez, ça je ne le sais pas. Je ne sais pas pourquoi. Il y avait ce
16 risque -- enfin -- ou plutôt, cette probabilité que les gens -- peut-être
17 c'était pour qu'ils rentrent, pour qu'on en garde une trace. Pourquoi est-
18 ce qu'on sortirait ? Comment est-ce que je peux tout vous expliquer ? Où
19 est-ce qu'un Musulman pouvait se rendre, en fait ?
20 Q. Savez-vous, Monsieur, que les autorités politiques et militaires des
21 Serbes de Bosnie considéraient que Trnopolje était un centre de détention
22 dans leur correspondance. Je signale la pièce D1872. Il parle d'un camp de
23 prisonniers de guerre lorsqu'il parle de la fermeture de ce camp de
24 Trnopolje. Et aussi dans un autre document militaire P03721. Ils parlent
25 d'une décision de la présidence de la Republika Srpska. Par cette décision,
26 il s'agit de garantir l'amnistie contre poursuite au pénal lorsqu'il est
27 question de prisonniers de guerre de Manjaca et de Trnopolje, de ces
28 prisons-là. Donc il s'agissait pas d'un camp ouvert comme vous voulez nous
Page 43435
1 le faire croire, n'est-ce pas ?
2 R. Je ne suis pas d'accord avec vous.
3 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais que l'on nous affiche la
4 pièce 1D09763 de la liste 65 ter.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faudrait peut-être préciser avec le témoin à
6 quoi correspond la réponse négative qu'il a donnée. Il a dit, Non. La
7 question était trop complexe pour que l'on puisse comprendre à quoi
8 correspond son non.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Mais je voudrais justement répondre.
10 C'était un centre qui était à caractère ouvert.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] D'accord.
12 Q. Si c'était un centre à caractère ouvert --
13 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Alors je voudrais qu'on nous affiche le
14 document 1D09763 sans le diffuser à l'extérieur du prétoire. Page 42, s'il
15 vous plaît.
16 Q. Il s'agit du registre du protocole de l'hôpital de Prijedor. Et nous
17 avons une entrée, une mention pour Salih Softici, le 17 juin 1992. C'est
18 un prisonnier de Trnopolje, d'après la mention.
19 Alors pourquoi est-ce qu'il est qualifié comme prisonnier de Trnopolje si
20 Trnopolje était un camp à caractère ouvert, comme vous l'affirmez ?
21 R. Je me pose [inaudible 03, cela figure que c'est un prisonnier. Je ne
22 vois pas où c'est écrit.
23 Q. C'est la deuxième mention à partir du bas de la page. Le numéro 3349 --
24 excusez-moi, page 62. Est-ce que vous le voyez à présent ?
25 R. Je vois. Oui.
26 Q. Alors pourquoi est-ce qu'il est présenté comme prisonnier de Trnopolje
27 si il n'y a pas de détenu à Trnopolje ?
28 R. Ecoutez, je sais pas. Il faudra demander cela à celui qui a renseigné
Page 43436
1 cette motion. Moi, je peux pas vous en parler.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que
3 cette page soit versée au dossier.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître Robinson.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions accorder une
7 cote provisoire plutôt ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, jusqu'à ce
9 que la traduction anglaise soit prête. Et aussi pour des raisons de
10 confidentialité on pourrait peut-être expurger tous les noms que je n'ai
11 pas mentionnés, je veux dire tous les noms mis à part celui que j'ai
12 mentionné.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, tout à fait.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce --
15 L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent note de la cabine.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez redonner la cote
17 ?
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI P6501.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier,
20 je vous présente mes excuses.
21 Je voudrais également demander une cote provisoire pour la conversation
22 interceptée, s'il vous plaît.
23 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons admettre ce document.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le document P6502 MFI.
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
27 Q. Au paragraphe 10 de votre déclaration préalable, vous dites que vous
28 avez aidé plusieurs personnes à avoir un sauf-conduit, et vous avez
Page 43437
1 également aidé à ce que Kuruzovic donne son approbation; une approbation
2 pourquoi, pourquoi faire ?
3 R. Comment dirais-je, c'était une espèce de laissez-passer pour les gens
4 qui étaient dans le camp pour qu'ils puissent passer; comment dirais-je,
5 par un poste qui était tenu par la police, pour qu'ils puissent être
6 escortés jusqu'à la ville, jusqu'à leurs proches d'où ils allaient pouvoir
7 repartir ailleurs, être transportés, ou qu'en sais-je, ils allaient pouvoir
8 s'installer ailleurs.
9 Q. Et, pour quelle raison ne souhaitez-vous pas citer le nom de ces
10 personnes pour lesquelles vous êtes intervenu pour qu'elles obtiennent un
11 laissez-passer ?
12 R. Mais ce n'est pas un problème, hein. Comment, je ne peux pas retrouver
13 tous les noms, tous les prénoms. Il y avait la famille Izet Beri de
14 Kozarac, du côté des Albanais. Ensuite des gens de Prijedor, des Albanais
15 également. Piste, puis M. Idriz Hosic, qui avait été membre de la sélection
16 Yougoslavie de football de par le passé. Familles croates de Rajkovic.
17 Enfin je ne peux pas vous énumérer tous ces noms, et d'ailleurs je n'arrive
18 pas à les retrouver tous, mais il y a eu pas mal de personnes. Et, il y a
19 eu peut-être une centaine, voir plus de personnes pour que j'ai aidé ces
20 gens à ce qu'ils trouvent un moyen de partir en passant par la Croatie,
21 enfin je ne sais pas comment ils ont procédé, par où ils sont passés, ça,
22 je ne le sais pas. Mais je sais que --
23 Q. --
24 R. Mais je sais que encore aujourd'hui, parmi ces gens, il y en a qui se
25 rendent à Prijedor, et en passant par Prijedor, ils viennent me dire
26 bonjour d'une certaine manière, ils me sont reconnaissants, et ils me le
27 montrent donc pour ce que j'ai fait pour eux.
28 Q. Nous allons parler de leur transport que vous avez assuré dans un
Page 43438
1 instant. Mais à partir du moment où les autorités avaient pris une décision
2 sur ce qu'il fallait faire, comment il fallait procéder avec les détenus.
3 On a organisé des convois, et c'était régulier, n'est-ce pas ?
4 R. Je ne sais pas exactement. J'étais présent lors d'un convoi, je ne sais
5 trop comment et pourquoi, mais il y avait des autocars, il y avait des gens
6 à bord de ces autocars, et on les a emmenés soit en direction de Travnik ou
7 de Turbe. Je ne sais pas exactement, c'est le commandant Kuruzovic qui s'en
8 occupait, moi, non.
9 Q. Mais quand est-ce que ceci s'est passé et combien de personnes y avait-
10 il dans ce convoi ?
11 R. Je ne sais pas vous le dire exactement. C'était, je ne sais à quelle
12 date, mais c'est ce que j'ai vu. J'ai vu des gens qui s'en allaient. Je
13 crois qu'ils partaient pour Travnik, mais je n'en suis pas certain.
14 Q. On va essayer de le déterminer. Etait-ce avant votre départ vers les
15 thermes 3 : 52 ou après ?
16 R. Je ne voudrais pas vous mentir, je n'en suis pas sûr. Je ne m'en
17 souviens pas.
18 Q. Alors vous avez été soigné dans une station thermale, et c'était donc
19 le 17 juillet. Etait-ce peu après votre retour ?
20 R. Mais je ne m'en souviens vraiment pas.
21 Q. Et, en tant qu'agent de la logistique auprès de M. Kuruzovic, c'est ce
22 que vous nous avez indiqué avoir été, étiez-vous censé coordonner ces
23 convois ou faire quoi que ce soit, et si oui, quoi ?
24 R. Non, je n'avais rien à voir avec.
25 Q. Dans votre déclaration, vous indiquez qu'il n'y a eu aucune espèce de
26 préparatif avant l'arrivée des journalistes des médias étrangers, c'est-à-
27 dire avant la visite du 5 août. Et, vous dites qu'une fois parti, on n'a ni
28 placé, ni enlevé la clôture en fil de fer, mais on a constaté que vous
Page 43439
1 n'étiez pas au camp, puisque vous êtes revenu le 17 juillet. Et, si vous y
2 avez passé dix à 15 jours par la suite, comme vous nous l'avez dit, ça veut
3 dire que vous étiez peut-être resté jusqu'à la fin juillet ou peut-être
4 jusqu'au 1er août, n'est-ce pas ?
5 R. Je ne sais pas au juste. Toujours est-il qu'il y avait une équipe de
6 journalistes qui était venue. Quand, je ne m'en souviens pas.
7 Q. Arrêtez-vous, je vous prie. La vidéo que nous avons visionnée ce matin,
8 on y a vu une journaliste anglaise en t-shirt rose, Penny Marshall. Est-ce
9 que vous étiez là-bas lorsque cette visite de journaliste s'est faite le 5
10 août ?
11 R. Je ne sais pas, je n'y étais pas, moi. Je ne suis pas trop sûr. Il y
12 avait une autre équipe de Genève ou des gens de la Croix-Rouge, ce genre de
13 chose. Je pense que c'était une autre équipe.
14 Q. Monsieur Puhalic, je suppose que c'est là une chose dont vous vous
15 souviendriez, parce que c'était la première fois qu'un journaliste quel
16 qu'il soit s'est déplacé pour voir le camp. Est-ce que vous étiez au camp
17 lorsque le premier journaliste s'est rendu là-bas ?
18 R. Si c'est ça les vues de la première fois, oui, je m'y trouvais.
19 Q. Bon. Et, vous venez de nous dire qu'il n'y avait pas eu de fil de fer
20 de posé ni avant ni après leur départ. Mais, nous avons des éléments de
21 preuve qui montrent qu'il y avait eu des fils de placés avant qu'ils ne
22 viennent, et que ça a été enlevé suite à la première visite, et avant la
23 deuxième des visites, avant que l'équipe ITN ne revienne. Je vais vous
24 montrer deux clips vidéo très brefs.
25 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et à ce titre, j'aimerais qu'on nous
26 diffuse la pièce P03785. Il s'agit d'une vidéo où l'on peut voir la
27 première visite, et on passera le fragment allant de 19 : 50 à 20 : 06.
28 [Diffusion de la cassette vidéo]
Page 43440
1 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
2 Q. Est-ce que vous voyez la clôture ?
3 R. Oui.
4 Q. Donc ça avait été placé là lorsque les gens de Keraterm ont été
5 transférés là ?
6 R. Ça, je ne le sais pas, je n'y étais pas.
7 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Bon. Qu'on nous montre maintenant, je
8 vous prie, le 40168G de la liste 65 ter. C'est un autre clip vidéo.
9 [Diffusion de la cassette vidéo]
10 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
11 "On voit arriver des vivres, les queues sont longues, et il y a des
12 instances serbes qui fournissent abri et assistance. Et, cette clôture a
13 été enlevée, parce qu'elle avait choqué le monde. Et, tout ceci a été fait
14 avant l'arrivée de la Croix-Rouge et des journalistes. Et, ces conditions
15 avaient été améliorées, mais la Croix-Rouge n'a pas eu la possibilité de
16 visiter d'autres camps et on supervise de près nos visites."
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
18 Q. Alors est-ce que ceci rafraîchit votre mémoire ? Est-ce que vous vous
19 souvenez de l'enlèvement de cette clôture ?
20 R. Non.
21 Q. Alors ce rapport dit que les gens de la Croix-Rouge internationale
22 n'avaient pas eu l'autorisation d'accéder au camp.
23 Ils ne sont pas entrés avant le 10 août 1992, n'est-ce pas ? Et c'est là
24 que l'on a consigné les détenus de façon appropriée.
25 R. Ça, je ne peux pas vous le confirmer. Je ne le sais pas.
26 Q. Vous avez dit --
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] En fait, je voudrais demander d'abord un
28 versement au dossier de ce clip.
Page 43441
1 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection tant que le commentaire
2 n'est pas inclus.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je ne vous ai pas bien compris,
4 Monsieur Robinson.
5 M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, étant donné que cette personne
6 n'était pas présente à ce moment-là, ça fait partie des situations où on a
7 fait passer nous aussi un clip. Ça veut dire que l'Accusation avait demandé
8 à ce que le commentaire du journaliste ne soit pas versé au dossier. Nous
9 avons la même situation.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président --
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Navré, mais dans le cas du vidéoclip de
12 la Défense, il y a eu un commentaire de versé au dossier avec une précision
13 faite en précisant que les médias serbes avaient fait ce commentaire.
14 M. ROBINSON : [interprétation] Eh bien, j'ai peut-être mal compris, mais
15 j'ai cru comprendre que c'était sans ce commentaire et j'avais dit que
16 j'étais d'accord --
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être n'ai-je pas bien compris moi
18 non plus. Madame Sutherland.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, j'étais sur la même longueur
20 d'onde que M. Robinson. Je pensais que le commentaire fait par ces gens --
21 ou plutôt, les gens avec qui on a eu des entretiens, c'était versé au
22 dossier, mais pas le commentaire fait par les auteurs du documentaire.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, il n'y avait que moi à ne pas
24 avoir compris. Donc vous n'avez pas d'objection pour ce qui est d'un
25 versement au dossier sans audio ?
26 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est cela, Monsieur le Juge.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P6503, Madame, Messieurs
Page 43442
1 les Juges.
2 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
3 Q. Donc ce n'est qu'après cette première visite des journalistes étrangers
4 que Kuruzovic a placé une inscription disant centre de rassemblement
5 ouvert, et c'était en anglais et en serbo-croate au centre de la Croix-
6 Rouge en face du camp, juste de l'autre côté de la rue, n'est-ce pas ?
7 R. Non, je ne le sais pas --
8 Q. Bon. Alors, vous ne le savez pas parce que début août -- non, excusez-
9 moi. Vous nous avez dit que vous avez été au camp le 5 août. Alors, quand
10 est-ce que, suite à cette journée, vous avez été rejoindre les rangs de
11 votre unité ? Parce que vous nous avez mentionné plus tôt dans le courant
12 de cette matinée que vous étiez revenu au camp le 17 juillet, que vous y
13 avez passé dix à 15 jours, et puis que vous avez regagné les rangs de votre
14 unité. On a déterminé que vous étiez en fait resté au moins jusqu'au 5
15 août, date à laquelle cette équipe de télévision ITN était arrivée. Alors,
16 combien de journées êtes-vous resté encore au camp après le départ de
17 l'équipe de télévision ?
18 R. Je vous dis que je ne sais pas si c'était cette équipe-là de télévision
19 ou une autre. Je ne peux pas vous l'affirmer avec certitude, cela. Ce que
20 vous me demandez maintenant, je vais répondre que je ne sais pas exactement
21 quand est-ce que je suis retourné. Mais cet enregistrement vidéo et le fil,
22 je ne l'avais pas vu, donc je ne peux pas en parler.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux vous aider ? En page 50,
24 ligne 9, le témoin a dit que jusqu'à cette époque-là, il se trouvait
25 probablement là-bas. Je ne vais pas donner de date pour ne pas souffler
26 quoi que ce soit au témoin.
27 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic. C'est
28 exactement le point auquel je veux en arriver. Le témoin nous a dit qu'il
Page 43443
1 est rentré au camp le 17 juillet. Il a dit qu'il était resté là-bas dix ou
2 15 jours, et d'après mes calculs, ça se situe vers le 1er août, puis il a
3 dit avoir rejoint les rangs de son unité. Or, il a tout à l'heure indiqué
4 dans son témoignage qu'il était présent lorsqu'un groupe de gens des médias
5 était venu au camp.
6 Q. Par conséquent, Monsieur Puhalic, ce que j'essaie de vous dire pour
7 vous aider à vous rappeler si cela avait été une première visite au camp,
8 vous nous avez dit que vous avez été présent au camp à l'occasion de cette
9 première visite. Cela signifie que vous étiez encore au camp le 5 août. Et
10 à ce titre, je pose ma question : combien de temps êtes-vous encore resté
11 au camp après cette visite ? Trois jours, trois semaines ? Parce que le
12 camp n'a pas été fermé jusqu'à la fin octobre -- novembre ?
13 R. Non. Je vous redis que je ne sais pas de quelle équipe de télévision il
14 s'agissait. Je sais qu'une dame de Genève était venue et elle a interviewé
15 des gens. On a probablement pu me voir sur certaines images. Elle s'est
16 entretenue à l'intérieur avec des civils, avec le personnel et autres. Et
17 était-ce après -- mais pour autant que je m'en souvienne, je crois que
18 c'était avant le mois d'août, ou peut-être était-ce encore le mois de
19 juillet. Mais je vous dis, je ne m'en souviens pas. Et dans ce contexte,
20 combien de temps suis-je resté par la suite, deux ou trois jours encore, à
21 Trnopolje, parce qu'on m'avait dit que je devais regagner les rangs de mon
22 unité. Ça, je ne m'en souviens plus.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que mon
24 temps est près de s'écouler. Et étant donné les trois pages
25 complémentaires, voire les trois [comme interprété] paragraphes
26 complémentaires de cette déclaration, j'avais l'intention de demander plus
27 de temps. J'ai réussi à couvrir un certain nombre de sujets, mais il en
28 reste encore deux que j'aimerais parcourir avec le témoin, si vous me le
Page 43444
1 permettez.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] De combien de temps pensez-vous encore
3 avoir besoin ?
4 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je crois pouvoir le faire en dix à 15
5 minutes. Mais comme vous le savez, je ne suis pas des meilleurs pour ce qui
6 est des estimations de temps.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez donc, Madame Sutherland.
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
9 Q. Monsieur Puhalic, au paragraphe 13, vous nous avez dit que bon nombre
10 de personnes voulaient quitter la municipalité de Prijedor en raison de la
11 guerre, pour sauver leurs vies, et probablement la plupart de ces gens-là
12 n'avaient pas souhaité faire la guerre. Mais vous serez d'accord avec moi
13 pour dire que compte tenu de tout ce qui s'est passé là-bas et de tout ce
14 qui est arrivé aux biens des non-Serbes et aux membres de leurs familles,
15 vous serez d'accord avec moi pour dire qu'ils avaient peur pour leurs vies
16 ?
17 R. Bien sûr que oui. Nous aussi, nous avions peur pour nos vies, nous, les
18 gens de la ville. Moi, j'avais peur pour ma vie, la vie de ma famille et de
19 mes enfants, vous l'avez bien dit --
20 Q. Est-ce qu'un grand nombre d'entre eux --
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. Vous pouvez continuer.
23 R. J'ai voulu mentionner justement ce monsieur qui a fait l'objet d'une
24 question tout à l'heure. Vous avez posé des questions au sujet de son fils,
25 Ajdin. Donc, ce monsieur --
26 Q. Monsieur Puhalic, je suis passée à un autre sujet par rapport à M.
27 Zenkic et sa famille. Vous avez répondu à ma question. Vous m'avez dit
28 qu'ils avaient peur pour leurs vies et que vous aussi, vous aviez peur pour
Page 43445
1 votre propre vie.
2 R. [aucune interprétation]
3 Q. Mais vous savez qu'un grand nombre d'entre eux n'avaient pas de maison
4 pour y retourner, parce que la plupart des maisons étaient brûlées ou
5 détruites et l'ambiance était si oppressante que la plupart des gens
6 n'avaient d'autre choix que de partir. Etes-vous d'accord avec moi ?
7 R. C'est vrai qu'ils n'avaient pas où revenir.
8 Q. Vers la fin du mois de septembre, début du mois d'octobre, à peu près 1
9 500 personnes ont quitté le camp de Trnopolje à bord des autocars en
10 direction de Karlovac, en Croatie. Vous souvenez-vous de cela ?
11 R. Non.
12 Q. Savez-vous qu'il restait encore à peu près 3 000 personnes à Trnopolje
13 au mois d'octobre et au mois de novembre ?
14 R. Non.
15 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais demander le document 65 ter
16 25609. Ici, nous avons un rapport de la Croix-Rouge serbe du 30 septembre
17 1992 pour la période entre le 5 mai et le 30 septembre 1992.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-il possible de voir à nouveau le
19 système de prétoire électronique sur l'écran ?
20 Mme SUTHERLAND : [interprétation] C'est la page 9 qui m'intéresse.
21 Q. On peut lire, c'est au milieu de la page en anglais, 23 000 personnes
22 ont été hébergées dans le centre de réception de Trnopolje, nous en avons
23 envoyées 1 561 dans le centre de réception de Karlovac avec l'aide de la
24 Croix-Rouge internationale. Le 29 septembre 1992, un convoi a été envoyé à
25 Karlovac en présence des observateurs européens. Le problème de Trnopolje
26 devient de plus en plus compliqué avec le début de l'automne de sorte que
27 tous ceux qui sont restés sans foyer arrivent en grands nombres. A présent,
28 il y a plus de
Page 43446
1 3 000 personnes là-bas. Et ensuite, un peu plus bas, on peut lire : il y a
2 une grande pression exercée pour que les citoyens de nationalité musulmane
3 ou croate quittent la Région autonome de Krajina. Donc cela nous montre
4 comment les choses se sont déroulées, n'est-ce pas ?
5 R. Je suis dans une certaine mesure d'accord avec vous, et dans une
6 certaine mesure, non.
7 Q. Vous êtes d'accord avec quoi ?
8 R. Je suis d'accord pour dire qu'il y avait des familles qui n'avaient pas
9 où retourner et qui ont demandé à partir pour leur propre sécurité. Et je
10 ne suis pas d'accord pour dire que la population musulmane qui habitait
11 dans les maisons dans la ville, il y en avait qui partaient, quittaient
12 leurs maisons parce qu'il n'y avait pas de travail. Donc ils partaient.
13 Q. Etes-vous d'accord pour dire qu'il y a eu à peu près 23 000 personnes
14 qui sont passées par le centre de réception ? Est-ce que cela correspond
15 aux chiffres dont vous vous rappelez ?
16 R. Non, je ne saurais pas répondre à la question, pas avec exactitude.
17 Q. Par rapport à la logistique concernant la nourriture, vous saviez à peu
18 près quel était le nombre de personnes dans le camp ? En tout cas,
19 pourriez-vous nous dire il y avait combien de personnes dans le camp à la
20 fois, à peu près ?
21 R. Pendant que j'y étais, entre 2 et 3 000 personnes à la fois.
22 Q. Et vous êtes d'accord, parce qu'on en a parlé tout à l'heure, qu'il y a
23 eu des pressions d'exercées sur les citoyens musulmans et croates pour
24 qu'ils quittent la région ?
25 R. Je ne sais pas. Je ne dirais pas vraiment des pressions. Mais il est
26 vrai que ceux qui ne pouvaient pas survivre, l'hiver s'approchait, et il
27 fallait continuer à vivre.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Là, il s'agit d'une question qu'il ne faudrait
Page 43447
1 pas poser dans les questions supplémentaires. Il s'agit là d'une
2 interprétation de fait quand on dit qu'on a exercé des pressions sur les
3 citoyens. Je voudrais qu'on explique exactement de quoi il s'agit. Qui a
4 exercé des pressions ?
5 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais passer à autre chose.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais on n'en a pas parlé dans les
7 questions précédentes ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va continuer.
10 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais demander que ce document soit
11 versé au dossier.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Robinson.
13 M. ROBINSON : [interprétation] Pas d'objection.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser ce document au
15 dossier.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] La pièce P6504.
17 Mme SUTHERLAND : [interprétation]
18 Q. Le camp de Trnopolje a fait l'objet d'une inspection de la Mission de
19 l'OSCE vers la fin du mois d'août ou bien début du mois de septembre 1992.
20 Un rapporteur, John Thompson, du Royaume-Uni, était à la tête de la mission
21 et il a fait un rapport, et je vais vous le lire. C'est un rapport qui a
22 été fait entre le 29 août et le 4 septembre 1992.
23 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je vais demander à cet effet que l'on
24 examine le document 65 ter 05616C, s'il vous plaît.
25 La page 25 du rapport, s'il vous plaît, et je pense que là nous avons
26 une page de garde et ensuite nous avons les pages. Et les pages qui
27 m'intéressent, ce sont les pages 25 et 26.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] J'ai l'impression que nous ne l'avons pas
Page 43448
1 parmi les pièces dans le système du prétoire électronique.
2 M. ROBINSON : [interprétation] Mais nous avons, en revanche, le document
3 05616 sans lettres qui accompagnent le document.
4 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, parce qu'ici nous avons juste un
5 extrait de ce document.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-il possible de voir ce document-là,
7 alors, 5616 ?
8 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, effectivement, on pourrait faire
9 cela et examiner justement la page 25 de ce document. C'est bien la page --
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, oui, sur la page 25.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Donc il faut que l'on lise 25 en bas de
12 la page ? Est-il possible de voir la page suivante, voilà, c'est bien cela,
13 mémorandum concernant Trnopolje.
14 Q. Donc ici, au niveau du deuxième paragraphe, on peut voir, enfin, de la
15 deuxième phrase dit, donc c'est la conclusion à laquelle ils sont arrivés :
16 Après avoir visité Trnopolje, ces gens partent terrorisés, et la mission de
17 l'OSCE pensait qu'ils ont de bonnes raisons pour avoir peur.
18 Et ensuite la dernière phrase : Quelle que ce soit leurs espoirs
19 longs [inaudible], personne ne souhaite à présent de revenir dans leur
20 foyer dans la Bosnie occidentale, car l'administration du cru ne veut pas
21 ou ne souhaite pas, ou ne peut pas garantir leur sécurité.
22 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
23 R. Ecoutez, je ne vois absolument pas de quoi il s'agit. Qui doit
24 retourner en Bosnie occidentale ?
25 Q. C'est un rapport qui a été fait par la mission, par une équipe de
26 l'OSCE. Et, au deuxième paragraphe, vous pouvez lire qu'un grand nombre de
27 détenus dans le centre, dont un grand nombre sont Musulmans, presque tous,
28 se trouvent donc dans le camp, et sont au nombre de 2 000. Et donc ils
Page 43449
1 disent que ces gens sont terrifiés, et qu'ils ont de bonnes raisons pour
2 avoir peur. Et, je dis que ce document correspond par rapport à ce que nous
3 avons établi tout à l'heure, à savoir, vous, vous étiez d'accord avec moi
4 pour dire que la population non-serbe vivait dans la peur. Parce qu'ils
5 n'avaient pas de choix, ils n'avaient pas de choix à cause de l'ambiance
6 qui régnait à l'époque dans la région, que d'avoir peur. Et, cette ambiance
7 était créée par quelqu'un. C'est exact, n'est-ce pas ?
8 R. Croyez-moi que si j'avais le choix, je serai parti quelque part
9 moi aussi pour survivre. Je me serai abrité quelque part, et sans doute
10 qu'ils ont fait exactement la même chose.
11 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions,
12 Monsieur le Président.
13 Je voudrais tout de même demander le versement de ce document.
14 M. ROBINSON : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, vu
15 qu'il s'agit de la période du 29 août, à l'époque, le témoin n'était pas
16 présent, et il n'était pas en mesure de confirmer ce qui est écrit dans le
17 document non plus.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.
19 Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Moi,
20 je lui ai demandé si cela correspondait à la situation telle qu'elle
21 prévalait à l'époque, au moment où il était à Trnopolje.
22 Q. Donc Monsieur Puhalic, quand vous étiez dans le camp de [inaudible], et
23 tout à l'heure vous étiez d'accord avec moi pour dire que la population
24 non-serbe vivait dans la peur, car il y avait une ambiance de coercition,
25 vous n'avez pas de maison où aller. Et, ce document correspond à ce que
26 nous avons dit, n'est-ce pas, et je dois dire que vous n'avez pas vraiment
27 répondu à la question que je vous ai posée. Parce que vous avez dit que
28 vous, vous serez parti quelque part si vous aviez le choix de partir pour
Page 43450
1 survivre justement, et c'est ce qu'ils ont dit, ce qu'ils ont fait eux
2 aussi, n'est-ce pas, c'est exact, ils ont fait cela ?
3 R. Eh bien, si j'avais où aller, je serai parti moi aussi dans les
4 circonstances, telles qu'elles étaient. Parce que nous, nous avions peur
5 nous aussi, c'était la guerre.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser au dossier la page de
8 garde de cette page-là, la page 25.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] P6505.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va continuer demain. Vous êtes
11 d'accord Monsieur Karadzic ?
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je suis d'accord, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Puhalic, nous allons poursuivre
14 nos travaux demain matin. Je voudrais vous demander de ne parler avec qui
15 que ce soit de votre déposition.
16 Oui, Monsieur Tieger.
17 M. TIEGER : [interprétation] Très rapidement, Monsieur le Président. Les
18 Juges de la Chambre nous ont demandé de télécharger une nouvelle traduction
19 pour la pièce P6455. Vous nous avez demandé de le faire au plus tard
20 aujourd'hui, eh bien, c'est chose faite à présent.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La séance est levée.
22 --- L'audience est levée à 14 heures 58 et reprendra le jeudi, 14 novembre
23 2013, à 9 heures 00.
24
25
26
27
28