Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 9 décembre 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Monsieur Bojinovic, je tiens à vous rappeler que la déclaration solennelle

  8   prononcée par vous vendredi dernier est toujours en vigueur.

  9   Est-ce que nous pouvons poursuivre, Monsieur Karadzic ?

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Excellences.

 11   M. ROBINSON : [interprétation] Est-ce que je peux me permettre de réagir.

 12   Je vois que Mme la Juge Lattanzi est absente.

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie de nous rappeler cela.

 14   Nous allons tenir l'audience d'aujourd'hui en application de l'article 15

 15   bis. La Juge Lattanzi est absente, ayant dû s'absenter pour des raisons

 16   personnelles urgentes.

 17   Monsieur Karadzic.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Bonjour, Excellences. Bonjour à tous.

 19   LE TÉMOIN : MILOS BOJINOVIC [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Interrogatoire principal par M. Karadzic : [Suite]

 22   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 23   R.  Bonjour.

 24   Q.  Ecoutez, aujourd'hui encore, notre système marche au ralenti, donc il

 25   nous faudra parler lentement, s'il vous plaît.

 26   Est-ce que vous avez eu l'occasion d'écouter de nouveau votre témoignage

 27   dans l'affaire Brdjanin ?

 28   R.  Oui, j'ai tout entendu. J'ai réécouté l'ensemble.


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  1   Q.  Je vous remercie. Est-ce que votre témoignage serait identique

  2   aujourd'hui si on vous posait les mêmes questions ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Merci.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellences, je demande que ce compte rendu

  6   d'audience soit versé au dossier en application de l'article 92 ter.

  7   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter le

  9   numéro.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] La version publique, 1D9730A. Et la version

 11   expurgée, 1D9730.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et il y a quelques pièces afférentes ?

 13   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, nous en avons trois. Deux de ces trois

 14   pièces ne se trouvaient pas sur notre liste 65 ter, mais en fait, cette

 15   notification a été déposée avant la dernière mise à jour de la liste 65

 16   ter. Donc les trois se trouvent sur la liste.

 17   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Est-ce qu'il ne faudrait pas que le

 18   numéro de la version expurgée soit 9730 ?

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais c'est le compte rendu

 20   d'audience qui est erroné.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, sur ces pièces, la Chambre estime

 22   que deux d'entre elles, les pièces 1D9731 et 1D9732, ne constituent pas une

 23   partie inséparable et indispensable du compte rendu d'audience, si des

 24   commentaires suffisants ne sont pas formulés au sujet de ces pièces ou si

 25   le contexte n'a pas été précisé le témoin. En conséquence, nous accepterons

 26   d'admettre une seule pièce afférente à moins qu'il y ait une objection de

 27   la part de l'Accusation.

 28   Madame Sutherland.


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  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je n'ai pas

  2   d'objection.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons attribuer les cotes à

  4   présent.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 1D09730A de la liste 65 ter

  6   reçoit pour cote D4176. Le document 1D09730 de la liste 65 ter reçoit pour

  7   cote D4177. Et la pièce afférente 1D03514 reçoit pour cote D4178.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Et la pièce D4176 sera versée sous pli

  9   scellé.

 10   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

 11   voudrais juste réagir par rapport à la pièce afférente D4178. Il s'agit

 12   d'un exemplaire qui est de très mauvaise qualité. Nous en avons une

 13   meilleure version, à savoir le document 05473 de la liste 65 ter. Peut-être

 14   que la Défense pourrait remplacer l'une par l'autre.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. A partir du moment où la

 16   Défense nous aura confirmé cela, nous procéderons à son remplacement.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Peut-être que le Juge Baird l'a déjà

 20   constaté, la pièce sous pli scellé a la cote D4177.

 21   M. LE JUGE BAIRD : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Quoi qu'il en soit, c'est la partie

 23   confidentielle qui sera placée sous pli scellé.

 24   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me propose de donner lecture en anglais d'un

 26   résumé bref du témoignage du Pr Milos Bojinovic.

 27   Milos Bojinovic était le chef de l'agence chargée des mouvements de

 28   population et de l'échange de biens de la Région autonome de Krajina,


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  1   autrement dit, de l'agence. Il a commencé à travailler à Banja Luka pour

  2   cette agence à la date du 1er juillet 1992.

  3   L'agence a joué un rôle humanitaire pour la population de la RAK. Elle a

  4   été créée afin d'apporter une aide à toute personne dans le besoin ou toute

  5   personne dont la vie était en danger. Cette agence s'est concentrée dans

  6   son activité sur deux tâches : avant tout, aider les gens à échanger leurs

  7   adresser et faciliter les déplacements. Et l'appartenance ethnique n'avait

  8   aucune importance aux yeux de l'agence.

  9   Plusieurs services étaient proposés par l'agence, mais elle n'a pu fournir

 10   que des services de transport et liés au transport et déplacement en

 11   fonction des circonstances dictées par la guerre. Les convois d'autocars

 12   organisés par l'agence se déplaçaient de Banja Luka vers Gradiska et

 13   Vlasic, et ce, plusieurs fois par mois. Des autocars quittaient Banja Luka

 14   deux ou trois fois par mois. Généralement, c'étaient des convois qui

 15   étaient composés de deux ou trois autocars.

 16   Même si la population demandait que les transports par autocar soient

 17   assurés vers Zagreb et Travnik, l'agence n'a pas pu assurer un service de

 18   transport complet jusqu'à ces deux villes.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 20   Est-ce que nous pouvons consulter la greffière d'audience.

 21   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les individus qui quittaient Banja Luka

 24   devaient présenter un document démontrant qu'ils avaient déclaré leur

 25   départ de leur lieu de résidence avant de pouvoir bénéficier du transport à

 26   bord d'un autocar de l'agence. Les passagers pouvaient obtenir un document

 27   par le truchement du ministère des Affaires intérieures, la police, dans

 28   leur municipalité. Les individus étaient placés sur une liste de personnes


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  1   prévues pour le départ après avoir présenté ce document à l'agence.

  2   Quand l'agence a revu et finalisé sa liste, les individus dont les noms

  3   figuraient sur la liste pouvaient acheter des billets. Et l'agence louait

  4   des autocars puisqu'elle ne possédait pas à son propre parc d'autocars. Les

  5   prix des billets n'étaient pas négociables; ils étaient fixés au niveau

  6   local. L'ensemble des prix de billets pour des lignes d'autocars dans la

  7   région étaient fixés et étaient identiques. Les employés de l'agence,

  8   Bandic et Segrt, évaluaient les considérations relatives à la sécurité et

  9   décidaient si le convoi avait besoin de se faire escorter par la police.

 10   Les employés présentaient leurs rapports à l'agence où ils décrivaient les

 11   activités militaires le long le l'itinéraire et voyaient si le voyage

 12   pourrait se passer en toute sécurité. Si les employés de l'agence

 13   découvraient une activité militaire le long de l'itinéraire qui était

 14   prévu, alors les convois n'avaient pas l'autorisation de partir. Egalement,

 15   les autocars pouvaient partir à partir du moment où il n'y avait aucune

 16   activité militaire le long de l'itinéraire prévu. L'agence demandait que la

 17   police assure la protection des convois à chaque fois que ses employés

 18   avaient déterminé qu'il y avait un risque sur le plan sécuritaire, en

 19   particulier le long de la ligne de séparation entre les deux armées.

 20   Toutefois, les employés de l'agence escortaient les convois parce que les

 21   voyageurs étaient à bord, indépendamment de savoir si une escorte de la

 22   police était nécessaire ou fournie. Il n'a jamais remarqué que des employés

 23   de l'agence ou de la police aient instigué des mauvais traitements aux

 24   passagers. Le témoin n'a jamais été témoin de situation où on aurait

 25   procédé à extorsion de biens ou d'argent de la part des passagers.

 26   M. Bojinovic s'est déplacé dans ces convois d'autocars par deux reprises,

 27   vers Vlasic et vers Gradiska. Il a accompagné le convoi pour Gradiska pour

 28   deux raisons : premièrement, il voulait comprendre comme vivaient cela les


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  1   passagers; et deuxièmement, il s'est senti obligé d'escorter ses amis

  2   musulmans à la frontière.

  3   M. Bojinovic, pour Gradiska, s'est déplacé au moment où le convoi n'était

  4   pas escorté par la police et il semblait comparable aux convois qu'il avait

  5   vus partir précédemment. Il a remarqué des passagers de différentes

  6   appartenances ethniques à bord de l'autocar, des Musulmans, des Croates,

  7   des Slovènes et des Serbes. Les hommes en uniforme n'ont pas arrêté

  8   l'autocar. M. Bojinovic n'a jamais vu qu'il y a eu des mauvais traitements

  9   infligés aux passagers.

 10   Le deuxième convoi que M. Bojinovic a accompagné est parti pour Vlasic. Le

 11   convoi s'est composé d'un seul autocar avec plusieurs passagers de mariages

 12   mixtes serbes, croates, musulmans. En dépit des conditions sur les routes

 13   de montagne, M. Bojinovic n'a rien remarqué d'étrange et/ou d'inhabituel

 14   pendant son déplacement pour Vlasic. La police et les employés de l'agence

 15   ont escorté l'autocar, et M. Bojinovic n'a pas remarqué de mauvais

 16   traitements de passagers ou une activité illégale.

 17   L'agence a fermé ses portes en décembre 1992. La commission chargée

 18   des réfugiés a continué de fournir les services qui avaient précédemment

 19   été assurés par l'agence. M. Bojinovic n'a jamais entendu de commentaires

 20   négatifs vis-à-vis de la population non serbe pendant qu'il était chef de

 21   l'agence. De manière analogue, il n'a jamais entendu d'hommes politiques

 22   serbes proposer des mesures restrictives à l'égard des non-Serbes et il n'a

 23   jamais entendu que des Serbes aient cherché à nettoyer la zone.

 24   M. Bojinovic n'a jamais entendu de la part d'individus alléguer que

 25   l'agence aurait extorqué de l'argent de la part des non-Serbes. Si

 26   quelqu'un faisait ce type d'allégations, elles étaient contraires à la

 27   vérité. La population partait du fait de la guerre, la zone n'était pas

 28   sûre, et ce n'était pas dû au nettoyage ethnique.


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  1   Tel a été le bref résumé. A présent, je n'ai pas de questions pour le

  2   Pr Bojinovic.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Bojinovic, vous avez

  4   remarqué que votre témoignage dans le cadre de l'interrogatoire principal a

  5   été versé au dossier sous forme de votre témoignage précédemment donné dans

  6   une autre affaire. A présent, nous allons procéder au contre-interrogatoire

  7   par un représentant du bureau du Procureur. Est-ce que vous comprenez cela

  8   ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Madame Sutherland, vous avez la parole.

 12   Contre-interrogatoire par Mme Sutherland :

 13   Q.  [interprétation] Monsieur, vous affirmez dans le cadre de votre

 14   témoignage que vous n'avez pas occupé de poste officiel au sein du SDS;

 15   exact ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Et que, dans tous les cas, vous n'étiez pas membre du conseil principal

 18   ?

 19   R.  C'est vrai.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que je peux avoir l'affichage du

 21   document 1D26027, s'il vous plaît, de la liste 65 ter.

 22   Q.  Nous avons ici un document qui a été téléchargé dans le système par la

 23   Défense avec une liste des membres du conseil principal, de nombreux noms,

 24   y compris celui de M. Karadzic. Bozidar Vucurevic, Mladen Nedic, Stanisic,

 25   et nous voyons également votre nom au point 3. Donc ce document nous montre

 26   que vous n'étiez pas simplement un candidat au poste au sein du conseil

 27   principal ?

 28   R.  Oui.


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  1   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande que ce document soit versé au

  2   dossier.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  4   M. ROBINSON : [aucune interprétation] 

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez simplement faire

  6   confirmer par le témoin qu'il était membre.

  7   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, justement, j'allais faire cela.

  8   Q.  Monsieur Bojinovic, ce document montre que vous étiez plus qu'un simple

  9   candidat, que vous étiez en fait membre du conseil principal du SDS, n'est-

 10   ce pas ? Vous ne l'étiez pas ?

 11   R.  Oui. Ce n'est pas exact. J'étais simplement candidat pour occuper un

 12   poste au sein du conseil principal, candidat, mais je ne suis pas devenu

 13   pour autant membre du conseil principal. Donc cela n'est pas exact. Et on

 14   voit cela au numéro 3, on voit mon nom, on voit que je suis candidat. Vous

 15   voyez bien ça.

 16   Q.  Monsieur Bojinovic, vous nous dites que vous étiez simplement candidat,

 17   que c'est tout, c'est ce que vous avez dit lorsque vous avez déposé dans

 18   l'affaire Brdjanin.

 19   R.  Oui, c'est ça.

 20   Q.  Mais dans ce document, on voit votre nom en tant que membre du conseil

 21   principal, et non pas de candidat au conseil principal ?

 22   R.  Ecoutez, sur la base de ce document, je ne peux pas vous l'expliquer.

 23   Mais si j'avais été membre du conseil principal, j'aurais été présent aux

 24   différentes réunions de ce conseil pendant toute cette année-là, mais ce

 25   n'était pas le cas. Ici, vous avez une liste de candidats qui

 26   potentiellement deviendraient membres du conseil principal. Ce n'est pas

 27   une liste officielle de membres. Si cela avait été un document officiel, il

 28   porterait le cachet du parti, et ce n'est pas le cas ici. Donc je pense que


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  1   tout est clair.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux aider ? Peut-être que ce

  3   serait utile si Mme Sutherland expliquait de quand date ce document, de

  4   quelle période.

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je ne pense pas que ce soit nécessaire.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuons.

  7   Nous allons admettre ce document au dossier.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la cote P6558.

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez également dit dans votre déposition --

 11   R.  Est-ce que je peux réagir ? Je voudrais réagir. Ce qui est

 12   particulièrement important ici, c'est la date de ce document, la date. La

 13   date, cela peut être aussi une date antérieure --

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Bojinovic, vous nous avez dit

 15   que c'était simplement une liste de candidats. Est-ce que vous voulez

 16   ajouter quelque chose à votre réponse ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, oui. Cette liste de candidats, elle

 18   aurait pu être dressée avant la création du parti, et il faut savoir que

 19   c'est le 12 juillet 1990 que le parti a été créé officiellement. Jusqu'à

 20   cette date --

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Si cela s'avérait nécessaire, M.

 22   Karadzic vous posera davantage de questions là-dessus.

 23   Continuons, Madame Sutherland.

 24   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] O.K.

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, vous avez également dit dans votre déposition que vous

 28   n'étiez pas actif sur le plan politique dans la municipalité de Glamoc;


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  1   exact ? N'est-ce pas ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Vous n'étiez pas actif dans la vie politique ?

  4   R.  C'est vrai.

  5   Q.  Vous avez dit que Milan Babic a été le premier président du SDS de

  6   Glamoc ?

  7   R.  Non. Non, je ne connais pas ce nom de Milan Babic. Le nom de famille

  8   existe, Babic. Et après mon départ de Glamoc, je ne sais pas qui a été

  9   président du conseil municipal du SDS. Mais avant mon départ, il n'y a pas

 10   eu de président. Les gens se réunissaient, et on n'a pas particulièrement

 11   procédé à l'élection d'un président.

 12   Q.  Monsieur Bojinovic, en page 22 824 du compte rendu d'audience, on vous

 13   a demandé qui était le premier président du SDS de Glamoc, et vous avez dit

 14   :

 15   "Jusqu'à la création du SDS, il n'y a pas eu de président. Après la

 16   création du SDS en 1990, je pense que c'était Milorad Babic. C'était ça son

 17   nom de famille, mais je ne suis pas sûr de son prénom."

 18   Alors, c'est ce que vous avez dit lors de votre déposition précédente,

 19   n'est-ce pas ?

 20   R.  C'est possible. C'est possible. Il s'est passé beaucoup de temps, vous

 21   savez, mais je ne suis pas au courant de cela. Je ne comprends pas.

 22   Q.  Mais, Monsieur Bojinovic, le premier président du SDS qui a été nommé,

 23   c'était vous-même, n'est-ce pas ?

 24   R.  Mais comment est-ce que j'aurais pu l'être, puisque le SDS n'a pas été

 25   créé ? Certes, les gens me respectaient.

 26   Q.  Mais à partir du moment où le SDS a été créé, vous êtes devenu son

 27   premier président ?

 28   R.  Non, non, non --


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  1   L'INTERPRÈTE : Les voix se chevauchent.

  2   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Est-ce que je peux avoir l'affichage du

  3   document 25749 de la liste 65 ter.

  4   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

  5   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je suis désolée d'avoir parlé en même

  6   temps.

  7   Q.  Nous avons ici un document qui émane de l'audition de Radoslav

  8   Simidzija, du 11 et 12 juin 1995. Connaissez-vous cette personne qui vivait

  9   à Glamoc depuis 1976 ?

 10   R.  Non.

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Page 11 de la traduction anglaise et page

 12   6 en B/C/S, s'il vous plaît.

 13   Q.  Nous voyons que M. Simidzija affirme que Milos Bojinovic a été le

 14   premier président du SDS de Glamoc. Et il dit qu'actuellement, à savoir en

 15   1995, c'est Babic de S. Selo. Est-ce que vous maintenez que vous n'étiez

 16   pas le premier président du SDS ?

 17   R.  Oui.

 18   Mme SUTHERLAND : [aucune interprétation]

 19   M. ROBINSON : [interprétation] Objection.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Excusez-moi.

 21   Q.  Vous avez continué votre participation au sein du SDS lorsque vous êtes

 22   passé à Banja Luka en juillet 1992 --

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Quelle est

 24   la question à laquelle le témoin a dit "oui" ?

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, oui, je vais préciser cela, Monsieur

 26   le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   [Le conseil de l'Accusation se concerte]


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  1   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Bojinovic, êtes-vous d'accord

  2   que c'était vous qui étiez le président du SDS à Glamoc au début ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois m'expliquer. En fait, le poste de

  4   président du SDS n'existait pas avant la création du SDS. Il y avait

  5   quelqu'un qui présidait une réunion, là où on parle du SDS. C'était

  6   quelqu'un qui présidait la réunion. Un président, en revanche, doit être

  7   élu et il faut une lettre de nomination qui doit être délivrée portant le

  8   cachet du parti. Je n'ai jamais reçu cela et je n'ai jamais été président.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que vous avez

 10   présidé une réunion, un rassemblement ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas toutes les réunions. Au tout début, oui.

 12   Plus tard, les réunions étaient présidées par la personne qui était

 13   choisie, qui était élue pour ce faire. Une réunion dure environ une heure

 14   et puis le président est choisi. Je n'ai pas toujours été le président. Je

 15   ne l'ai été que lorsque les personnes m'ont choisi.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc vous êtes d'accord pour dire que

 17   vous avez présidé certaines réunions, certaines réunions du SDS ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, c'est exact.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 20   Continuons.

 21   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 22   Q.  Vous avez continué à participer au SDS lorsque vous avez déménagé à

 23   Banja Luka en juillet 1992 ?

 24   R.  Je ne comprends pas très bien votre question. Qu'est-ce que vous

 25   entendez par "vous avez continué à participer" ? J'étais membre du SDS,

 26   mais je ne tenais pas de position, je n'étais pas haut placé au sein du

 27   SDS. Donc vous devriez éclaircir ce que vous entendez par "participer".

 28   Q.  Dans l'affaire Brdjanin, dans votre déposition, vous avez dit que vous


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  1   étiez membre du SDS pendant toute la période, du début à la fin ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Vous connaissiez Nenad Stevandic à Banja Luka ?

  4   R.  Non, non, non. Je ne connais Stevandic que maintenant. Je ne le

  5   connaissais pas à l'époque. Ce n'est que lorsqu'il est devenu député du SDS

  6   que je l'ai connu. A l'époque, je ne savais même pas qu'il existait.

  7   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je demande de passer à huis clos partiel,

  8   Monsieur le Juge.

  9   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 10   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 11   Messieurs les Juges.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 25   [Audience publique]

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur, l'agence à laquelle vous avez été nommé était un organe de la

 28   Région autonome de Krajina ?


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  1   R.  Oui, oui. Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelque chose.

  2   C'est l'assemblée de la RAK qui avait créé l'agence. Je crois qu'il y avait

  3   un gouvernement derrière cela. Quelqu'un avait compétence sur l'agence,

  4   l'assemblée ou le gouvernement; mais quoi qu'il en soit, elle dépendait de

  5   la RAK.

  6   Q.  Au cours du deuxième semestre de 1992, le travail de l'agence se

  7   concentrait presque exclusivement sur l'envoi -- l'organisation des

  8   déplacements de la population en dehors de la Republika Srpska, n'est-ce

  9   pas ?

 10   R.  Pas seulement cela, non. Les déplacements n'étaient que la dernière

 11   étape. Nous avons déjà eu l'occasion d'entendre cela, mais il fallait

 12   suivre une procédure pour que la population s'inscrive au sein de l'agence,

 13   il fallait consigner son adresse, et puis ensuite mettre en contact ces

 14   personnes-là avec des personnes qui n'étaient pas d'appartenance ethnique

 15   serbe et pouvoir arriver à un accord. Moi, j'ai parlé de cela déjà dans ma

 16   déposition dans l'affaire Brdjanin. Donc l'agence mettait en contact, par

 17   exemple, des Musulmans et des Croates ou des Serbes et des Slovènes qui

 18   venaient à l'agence, qui laissaient leur adresse et qui disaient : Voilà,

 19   moi, j'ai un appartement ou une maison à Banja Luka, j'aimerais l'échanger

 20   pour la même chose à Zagreb, à Sarajevo, à Zenica, par exemple. Et puis,

 21   les Serbes me contactaient, les Serbes qui se trouvaient dans ces régions-

 22   là et avaient fui ces régions-là, laissaient également leur adresse, et

 23   nous coordonnions les choses et nous organisions ces échanges. C'était là

 24   le type d'aide que l'agence fournissait.

 25   Q.  Dans l'affaire Brdjanin, on vous a montré un document qui reprenait

 26   cinq services que l'agence était censée offrir. Et à propos de, du moins,

 27   quatre de ces services, vous avez déclaré que vous ne fournissiez pas ce

 28   genre de service. Mais qu'en fait, la seule chose que vous faisiez c'était


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  1   d'organiser les transports en autocar et que vous fournissiez les adresses

  2   aux personnes intéressées, les adresses d'autres personnes, pour qu'elles

  3   entrent en contact avec ces autres personnes. Je parle là de la page 22 886

  4   du compte rendu dans cette affaire-là. C'est bien cela ?

  5   R.  Oui, oui.

  6   Q.  Vous avez dit que seul un à deux convois quittaient la région par mois.

  7   Mais un témoin dans l'affaire Brdjanin, et je parle là de la page 18 005 du

  8   compte rendu, a déclaré que deux ou trois autocars prenaient la route par

  9   jour et qu'il a vu de ses yeux ces autocars entrer et sortir de la

 10   municipalité. Il a dit qu'il a vu des foules énormes qui s'étaient amassées

 11   à côté du centre des travailleurs et que c'était là que l'embarquement se

 12   faisait et qu'il y avait toujours énormément de gens, une multitude de

 13   personnes qui faisaient la queue là-bas.

 14   J'aimerais savoir si cette déclaration-là représente la réalité de la

 15   situation ?

 16   R.  Vous voulez que j'apporte un commentaire ?

 17   Q.  Oui. En fait, je voudrais que vous répondiez à ma question. C'était

 18   bien la réalité ?

 19   R.  Ah, je comprends. Oui, oui, oui.

 20   Q.  Merci.

 21   R.  Non, en fait, ce n'est pas cela, la réalité. La personne qui a dit

 22   qu'il y avait une multitude de personnes n'a rien compris à tout cela. Vous

 23   savez ce que cela veut dire, une multitude de personnes ? Une multitude de

 24   personnes, ça veut dire des corps alignés qui ne bougent pas, donc on ne

 25   pouvait pas avoir une multitude de personnes là-bas. Maintenant, s'agissant

 26   des queues, c'était impossible, il n'y avait pas la place pour que les gens

 27   fassent la queue. Les gens se rendaient normalement à nos bureaux --

 28   Q.  Mais vous avez reçu 500 demandes par jour ?


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  1   R.  Non, c'est impossible. D'où viendraient ces 500 demandes ? Il aurait

  2   été impossible d'organiser un convoi personnel. Cela dépendait de la

  3   sécurité, de la situation sur le terrain. Vous savez, une guerre était en

  4   cours. On ne peut pas acheminer des gens dans des zones de guerre. Peut-

  5   être que cela a eu lieu une fois, deux fois ou trois fois par mois, trois

  6   fois par mois maximum, et ça fait moins d'une fois par semaine. Et il n'y

  7   avait qu'un seul bus à disposition en permanence, au maximum deux ou trois,

  8   mais c'était rare.

  9   Q.  [aucune interprétation]

 10   R.  Je pense qu'il n'y a eu cinq ou six autocars qu'une seule fois.

 11   Et si vous me le permettez, je voudrais revenir sur une autre question que

 12   vous m'avez posée --

 13   Q.  C'est moi qui pose les questions et vous y répondez dans la mesure du

 14   possible.

 15   R.  Très bien.

 16   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Messieurs les Juges, s'agissant des 500

 17   demandes par jour, je faisais référence à la pièce P03857.

 18   Q.  Vous avez dit, Monsieur, que les gens payaient le prix du billet pour

 19   pouvoir partir et que ce prix était réglementé au niveau local, et vous

 20   avez dit que le prix du billet était le même que pour toutes les autres

 21   lignes d'autocar régulières. Mais il n'y avait pas d'autres lignes

 22   d'autocar régulières, parce que les sociétés Putnik et Atlas avaient été

 23   fermées par la cellule de Crise de la RAK ?

 24   R.  Je ne sais pas s'il y a eu fermeture de ces lignes. C'est possible que

 25   dans la région de Krajina le transport était disponible. Mais le prix du

 26   billet était fixé par certaines réglementations --

 27   Q.  Qui a fixé le prix du billet ?

 28   R.  Ça n'a été dit par personne. Il a eu une réglementation prévue par la


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  1   Gazette officielle, et notre secrétariat suivait de très près leur

  2   application. Ce n'était pas mon oncle ou la tante de X, Y qui venait et qui

  3   disait : M. Bojinovic, vous devez faire comme ça. Il y a une Gazette

  4   officielle, il y a des régulations, le secrétariat de l'agence qui suit les

  5   choses et qui se comporte en concordance avec ce qui est prévu.

  6   Q.  Vous nous avez dit à l'instant que ce n'était pas un montant

  7   exorbitant; c'est bien ce que vous dites ?

  8   R.  C'est une question que vous me posez ?

  9   Q.  Oui.

 10   R.  Je ne comprends pas la notion prix exorbitant, petit prix ou moyen. Il

 11   y a un prix standardisé dont on ne saurait s'écarter par excès, ni en

 12   dessous, ni au-dessus. Par exemple, le prix d'un billet entre Banja Luka et

 13   Gradiska, c'était connu. Et pour aller de Banja Luka en passant par

 14   Gradiska jusqu'à la frontière croate, c'était un peu plus cher, c'est tout.

 15   Mais les prix étaient normaux pour la situation, la situation donnée et

 16   pour les itinéraires qui pouvaient être plus longs ou plus courts.

 17   Q.  Des gens ont été interviewés par une commission chargée des mauvais

 18   traitements infligés aux gens, il s'appelait Mazowiecki, et ont dit que les

 19   gens étaient censés payer 300 marks allemands par personne à l'intention de

 20   l'agence pour quitter les lieux et partir vers un territoire musulman.

 21   R.  Vous m'avez posé une question ? Je crois que vous faites des

 22   commentaires et vous me demandez d'attendre une question.

 23   Q.  Mais saviez-vous que les gens payaient 300 marks allemands pour quitter

 24   les lieux via votre agence, n'est-ce pas ?

 25   R.  Ce n'est pas exact, non. Ça, c'est des personnes  malintentionnées qui

 26   ont raconté ceci à Mazowiecki ou à qui que ce soit d'autre.

 27   Mme SUTHERLAND : [interprétation] J'aimerais qu'on nous affiche la pièce 65

 28   ter 11511, s'il vous plaît. J'aimerais qu'on passe à la page 3 en milieu de


Page 44714

  1   page, paragraphe 8.

  2   Q.  C'est ce que nous a dit ce rapporteur spécial, disant que les autorités

  3   locales ont organisé leur déplacement, et que plus de 14 000 personnes

  4   déplacées étaient censées être accueillies à Travnik, et on dit que :

  5   "… certains ont payé une taxe de 300 marks allemands par personne pour se

  6   déplacer vers des territoires contrôlés par les Musulmans. On les a

  7   conduits en direction des lignes de front, mais ont dû quitter l'autocar à

  8   quelques kilomètres avant cette zone de front et ils devaient traverser

  9   cette zone de combat au mieux qu'ils le pouvaient. Et ils ont été battus,

 10   volés, soumis à de différentes formes de mauvais traitements, violés ou

 11   même abattus."

 12   Alors, vous dites que ces gens ont menti auprès du rapporteur spécial ?

 13   R.  Vous me posez une question complexe. Vous êtes en train de lire un

 14   document. Quelles personnes, quel rapporteur, qui a dit 

 15   ceci ? Je crois que vous êtes en train de simplifier. Vous parlez de 19

 16   000, de 14 000 personnes, de 300 marks par personne. Veuillez me poser

 17   question par question, je vous prie.

 18   Q.  Monsieur Bojinovic, ces chiffres nous disent -- le document indique

 19   qu'à Travnik il y avait une population de 19 000 personnes, et qu'il

 20   s'agissait pour Travnik d'accueillir plus de 14 000 personnes déplacées.

 21   Bon nombre de ces personnes qui ont été interviewées par le rapporteur

 22   spécial lui ont dit que les autorités locales et l'agence chargée de

 23   l'immigration à Banja Luka ont organisé leur déplacement et que certaines

 24   personnes ont dû payer une taxe de 300 deutsche marks par personne pour

 25   quitter en direction du territoire contrôlé par les Musulmans. Alors,

 26   maintenant, vous savez que des personnes étaient en train de payer de forts

 27   montants en argent pour quitter le territoire par le biais de votre agence,

 28   n'est-ce pas ?


Page 44715

  1   R.  Je vais vous répondre en fonction des chiffres. Combien de personnes il

  2   y avait à habiter Travnik, je ne le sais pas. Combien Travnik envisageait

  3   d'accueillir de personnes en tant que réfugiés, je l'ignore. Jamais

  4   personne ne me l'a dit. Est-ce que les gens ont payés 300 deutsche marks

  5   par personne à l'agence, ce n'est pas vrai. A qui l'ont-ils dit, je ne sais

  6   pas. Quand, je ne le sais pas. Dans quel objectif l'ont-ils dit, je ne le

  7   sais pas, mais ils n'ont pas été honnêtes quand ils ont dit.

  8   Il est facile de raconter des histoires quand on quitte le territoire de

  9   Banja Luka et on va ailleurs. On peut raconter des tas de choses, mais ce

 10   n'est pas vrai, ce n'est pas exact, ce n'est pas honnête. Je fais un

 11   démenti. Et jamais personne n'a payé 300 marks, ce n'était pas nécessaire.

 12   Saviez-vous ce que c'était que 300 marks allemands à l'époque ? D'où

 13   voulez-vous que de pauvres gens sortent tout cet argent ? Allons donc.

 14   Q.  Monsieur Bojinovic, il est hors de doute que ces gens ont quitté à bord

 15   d'autocars et que c'était essentiellement des Musulmans. C'est ce que vous

 16   nous avez dit dans l'affaire Brdjanin.?

 17   R.  J'ai dit que c'était pour l'essentiel des Musulmans. Mais il y avait

 18   aussi des Croates, il y avait des Serbes, il y avait des gens dans des

 19   couples mixtes. Je ne sais pas pourquoi les gens voulaient partir. Mais

 20   moi, mon travail consistait à permettre aux gens un départ normal.

 21   Q.  En page de compte rendu d'audience 22 889, lorsqu'on vous a demandé qui

 22   pour l'essentiel s'en allait -- qui était la majorité des gens qui s'en

 23   allaient de Banja Luka, vous avez dit que :

 24   "En majeure partie, c'étaient des Musulmans."

 25   Et en page 22 899, vous avez dit :

 26   "Ce n'était pas seulement des gens originaires de Banja Luka, il n'est pas

 27   vrai de dire que les gens ont quitté Banja Luka en masse. On était

 28   contactés par des gens de Banja Luka, mais aussi par des gens originaires


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  1   de sites environnants où des conflits faisaient rage."

  2   R.  Ça, oui, c'est exact.

  3   Q.  Et quand on vous a demandé qui est-ce qui s'en va, en page du compte

  4   rendu 22 806, vous avez dit que :

  5   "Il y avait eu des gens issus de couples mixtes çà et là. Il y avait

  6   des couples mixtes entre Croates, Serbes et Musulmans. Enfin, tous ceux qui

  7   ne se sentaient plus en sécurité demandaient à partir pour Travnik."

  8   R.  Mais non, pas à Travnik. Il n'y a eu qu'un voyage organisé par autocar

  9   en direction de Travnik, parce qu'aller à Travnik c'était peu sûr. Pourquoi

 10   ? Entre les Croates et les Musulmans, la guerre faisait rage.

 11   Q.  Monsieur Bojinovic --

 12   R.  Oui.

 13   Q.  -- c'est ce que vous avez dit dans votre témoignage en page 22 806. Si

 14   vous le souhaitez, nous pouvons vous l'afficher sur votre écran.

 15   R.  Répétez, je vous prie.

 16   Q.  On vous a demandé de quel groupe ethnique faisaient partie les gens qui

 17   partaient à bord des autocars, et vous avez dit :

 18   "Excusez-moi, il y a eu des gens issus de couples mixtes çà et là, des

 19   couples mixtes entre Serbes, Croates et Musulmans. Tous ceux qui avaient

 20   donc estimé qu'il était plus sûr pour eux d'aller à Travnik."

 21   R.  Non, ça n'a pas été à Travnik. C'était pour quitter le territoire de la

 22   RAK et Banja Luka, mais ce n'était pas pour Travnik. Je vous l'ai répété.

 23   Tous ceux qui se sentaient menacés, l'agence était à leur disposition, mais

 24   il n'y a eu qu'un seul autocar à partir pour Travnik. Nous ne permettions

 25   pas aux gens d'aller dans les zones de conflit. C'était dangereux. C'était

 26   dangereux pour ceux qui conduisaient les autocars et pour les gens qui

 27   étaient à bord de ces autocars. Nous n'étions pas inhumains au point

 28   d'envoyer les gens se faire tuer. Il y a la famille d'un collègue à moi qui


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  1   insistait pour partir en direction de Travnik, et moi, je ne les ai pas

  2   laissés partir --

  3   Q.  Monsieur Bojinovic --

  4   R.  -- ils ont dû attendre un mois, plus ou moins.

  5   Q.  Monsieur Bojinovic, je n'ai qu'un temps limité à ma disposition.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous venez de vous référer au temps

  7   imparti. Je crois que vous avez dépassé le temps qu'il vous a été imparti.

  8   De combien de temps pensez-vous avoir besoin encore ?

  9   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président. Je

 10   n'étais pas consciente du fait d'avoir dépassé le temps imparti. Je pense

 11   avoir besoin d'une quinzaine de minutes encore. Et je crois que je pourrais

 12   en toute sécurité en terminer d'ici là.

 13   [La Chambre de première instance se concerte]

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez, Madame Sutherland.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Monsieur Bojinovic, indépendamment des chiffres de personnes impliquées

 17   et du rôle officiel que vous avez eu dans la Région autonome de la Krajina,

 18   vous avez affirmé que vous n'aviez aucune idée des raisons pour lesquelles

 19   les gens s'en allaient; c'est bien cela ?

 20   R.  Ce n'est pas exact. Je n'ai pas affirmé ne pas savoir pourquoi ils

 21   partaient. Je sais parfaitement bien pourquoi ils s'en allaient. Je l'ai

 22   expliqué, cela. Ils s'en allaient parce qu'ils n'étaient pas sûrs. Ils ne

 23   se sentaient pas en sécurité. Les Serbes, les Croates, les Musulmans, les

 24   Slovènes aussi s'en allaient. Pourquoi ils s'en allaient ? Chaque fois

 25   qu'il y a une guerre, il y a des éléments clandestins qui ont échappé à

 26   tout contrôle, et pour échapper à ces espèces de personnes non contrôlées,

 27   ils voulaient s'en aller, et il fallait que quelqu'un s'en occupe. Il y

 28   avait à Glamoc des Serbes qui s'entretuaient entre eux. Alors, vous l'avez


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  1   mentionné au début --

  2   Q.  Monsieur Bojinovic, nous sommes en train de parler de personnes qui

  3   quittaient Banja Luka. On vous a demandé ce qui s'est passé à Banja Luka

  4   pendant que vous étiez à la tête de l'agence et pour quelle raison les

  5   Musulmans se sentaient-ils très peu en sécurité. Et vous avez dit :

  6   "Je ne sais pas. A Banja Luka, c'était paisible."

  7   Page de compte rendu d'audience 22 898, ligne 23, à page 

  8   22 990, ligne 3.

  9   Certains des témoignages que nous avons déjà eu l'occasion d'entendre dans

 10   cette affaire, dans ce procès - entre autres, le témoignage de M. Andjelko

 11   Grahovac - nous ont fait savoir qu'il y avait des centaines de commerces

 12   qui appartenaient à des non-Serbes à avoir été plastiqués la nuit à Banja

 13   Luka. Et il était conscient du fait que des milliers de Musulmans et

 14   Croates ont été chassés de leurs appartements, parfois parce qu'on voulait

 15   les intimider et ils s'en allaient, parfois on cambriolait ces appartements

 16   et on les jetait à la porte. Les rapporteurs internationaux ont dit qu'il y

 17   avait eu des explosions, qu'on pouvait entendre des tirs de l'arme

 18   automatique pendant 24 heures par jour.

 19   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et pour les Juges de la Chambre et pour

 20   l'accusé, je précise qu'il s'agit de la pièce P02939.

 21   Q.  Donc vous n'avez rien entendu du tout de ce qui se passait à Banja Luka

 22   ?

 23   R.  Ce que M. Andjelko Grahovac a déclaré, c'est sa déclaration --

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   R.  Moi, je n'ai pas vu ce type de choses.

 26   Q.  Monsieur Bojinovic, je vous demande si vous avez ouï dire qu'il y a eu

 27   les incidents que je viens de vous énumérer. Est-ce que vous avez, oui ou

 28   non, vu et entendu dire ce genre de choses ?


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  1   R.  Je n'ai pas vu ce genre de choses. Ce qu'on pouvait apprendre, c'est

  2   que les gens étaient bouleversés, ils quittaient leurs entreprises. C'est

  3   ce qu'on pouvait entendre. Avoir vu et s'être assuré de la chose, non, je

  4   n'ai pas vu des entreprises ou commerces plastiqués. Parce que Banja Luka,

  5   à ce rythme-là, aurait été rasée. Banja Luka était intacte. Il n'y a pas eu

  6   ce type de choses. Et je suis à Banja Luka depuis les années 1990. Je n'ai

  7   pas vu cela. Et j'ai des collègues qui travaillaient avec moi, c'étaient

  8   des Musulmans et des Croates. Si besoin est, je peux vous donner leurs

  9   noms. Ce n'est pas vrai. Je ne sais pas quel type de construction vous êtes

 10   en train de monter ici. Les gens s'en allaient pour des questions de

 11   sécurité, oui, mais pas tous.

 12   Q.  [aucune interprétation]

 13   R.  Oui. Vous vouliez poser une question.

 14   Q.  Nous avons entendu des éléments de preuve dans cette affaire disant que

 15   les non-Serbes ont perdu leurs emplois, qu'ils ont été marginalisés, qu'ils

 16   ont été malmenés, qu'ils redoutaient des persécutions.

 17   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Et tout ceci se trouve à la pièce P03857,

 18   je le précise à l'intention des Juges de la Chambre et de l'accusé.

 19   Q.  La Chambre a entendu des témoignages disant que les leaders de la RAK

 20   ont publiquement dénigré les Musulmans et demandé à ce qu'ils soient

 21   expulsés. Est-ce que vous affirmez vraiment ne pas avoir été au courant de

 22   tout ceci ?

 23   R.  Je n'ai pas été présent où on l'aurait cherché des chicanes, où l'on

 24   aurait expulsé quelqu'un de l'entreprise ou d'ailleurs. Je l'affirme en

 25   pleine connaissance de cause, dans le lycée où je suis allé travailler

 26   après l'agence, il y est resté des Croates et des Musulmans à travailler,

 27   et de nos jours encore ils sont là-bas. Si vous voulez les noms, je vais

 28   vous donner les noms. Il y en a même qui étaient directeurs pendant deux


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  1   mandats. Alors, ce que vous êtes en train de me raconter, non, je ne l'ai

  2   pas vu. Je n'ai pas l'intention de mentir, je ne l'ai pas vu.

  3   Q.  Dans certaines déclarations présentées devant ces Juges de cette

  4   Chambre, il est dit que M. Kupresanin a ouï dire de la bouche de Serbes le

  5   fait que Brdjanin aurait déclaré qu'à Banja Luka on pouvait garder

  6   seulement un millier de Musulmans. M. Grahovac a parlé de pourcentage de

  7   Musulmans et de Croates au sujet desquels Brdjanin aurait dit qu'on les

  8   autoriserait à rester dans la Krajina de Bosnie et le reste devrait s'en

  9   aller. M. Erceg a parlé aussi de déclarations fréquentes de la part du

 10   président de la cellule de Crise de la Région autonome de la Krajina, et

 11   c'étaient des déclarations publiques où, en termes très vilains, il a été

 12   indiqué que les Musulmans devaient s'en aller. Et c'est Brdjanin qui aurait

 13   fait ce type de déclarations.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux demander à ce que l'on

 15   montre au témoin les déclarations de ces témoins et de les montrer

 16   littéralement, parce que là on prend des éléments de témoignage par-ci,

 17   par-là, et c'est destiné à créer une impression erronée des choses.

 18   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Messieurs les Juges, je n'étais pas en

 19   train de paraphraser des éléments de témoignage. Je peux donner lecture de

 20   ce que M. Grahovac et M. Erceg ont dit au compte rendu.

 21   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je ne suis pas trop sûr de la meilleure

 22   façon de procéder au juste. Peut-être serait-il préférable, pour ce qui est

 23   de ce témoin, d'aborder ces questions-là au point par point. Ou, alors,

 24   présentez votre façon de voir.

 25   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit ici de

 26   témoins dont j'ai donné les noms à l'instant. Ils ont parlé de cet aspect

 27   au terme duquel Brdjanin avait affirmé que ces gens devaient s'en aller et

 28   que seul un petit pourcentage aurait l'autorisation de rester.


Page 44721

  1   Q.  Monsieur Bojinovic, vous êtes en train de nous dire dans votre

  2   témoignage que vous n'aviez pas connaissance ni conscience du fait que M.

  3   Brdjanin aurait indiqué que seul un tout petit nombre -- pourcentage ne

  4   pourrait rester là ? C'est ce que vous affirmez, vous n'avez pas eu à

  5   connaître de cela ?

  6   R.  Je n'ai pas entendu cet homme en parler. Des personnes m'ont transmis

  7   des propos dans ce sens. Mais moi, je ne l'ai pas entendu de sa bouche, je

  8   n'ai pas été présent lorsqu'il a tenu des propos de ce type. Mais ce qu'il

  9   a raconté, ça le regarde, lui.

 10   Q.  Lorsqu'on vous a demandé pourquoi les Musulmans ne se sentaient pas en

 11   sécurité, et vous avez répondu à ce moment-là "Je ne le sais pas", est-ce

 12   que vous n'avez pas pensé que cela pouvait être l'une des raisons pour

 13   lesquelles ces gens s'en allaient de chez eux, quittaient leurs postes et

 14   quittaient la vie qu'ils s'étaient construite jusque-là ?

 15   R.  Cela se peut. Je sais que bon nombre de Musulmans et Croates sont

 16   restés. Tout dépend de la perception des choses par un individu et de ses

 17   émotions au moment donné. Je ne suis pas tout à fait compétent pour ce qui

 18   est de vous fournir une réponse précise.

 19   Q.  Penchons-nous sur un exemple.

 20   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Pièce 65 ter 25743, s'il vous plaît.

 21   Q.  Monsieur, ceci est un article qui a été publié au journal "The

 22   Guardian" le 29 septembre 1992. C'est un article rédigé par Ian Traynor. Et

 23   si vous vous penchez sur le paragraphe 5, vous pourrez voir que le Dr Vukic

 24   a dit -- c'est un obstétricien, et il a dit qu'aucune femme musulmane ou

 25   croate ne sera autorisée à donner naissance à son hôpital. Et il cite

 26   Radoslav Brdjanin qui aurait annoncé que : "A Banja Luka, il n'y avait de

 27   la place que pour 1 000 Musulmans et que les 29 000 autres devraient s'en

 28   aller 'd'une façon ou d'une autre.'"


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  1   Alors, "d'une façon ou d'une autre," ça a été mis entre guillemets.

  2   Vous résidiez à Banja Luka à l'époque, nous sommes en train de parler de

  3   septembre 1992, et vous n'avez pas eu à connaître de ce type de menaces

  4   prononcées par le Dr Vukic et M. Brdjanin en public, tel que rapporté par

  5   la presse britannique ?

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais demander un éclaircissement. Est-ce

  7   que dans la traduction j'ai bien entendu les choses, à savoir que Brdjanin

  8   aurait dit cela, aurait dit une chose véhiculée vers le journaliste par ce

  9   dénommé Vukic ? Or, ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées. Qui

 10   est-ce qui a cité Brdjanin ici ?

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez tirer la chose au clair

 12   lorsque vous aurez posé vos questions supplémentaires.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Mais ça, ça fait partie de la question, ça

 14   ne fait pas partie de la réponse.

 15   Mme SUTHERLAND : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur Bojinovic, cet article dit que M. Vukic aurait dit en

 17   septembre 1992 que les femmes musulmanes ou croates n'auraient pas

 18   l'autorisation d'accoucher dans son hôpital. Et dans un deuxième article,

 19   Radoslav Brdjanin, qui était à la tête d'un comité de guerre régional,

 20   avait fait savoir que : "A Banja Luka, il n'y avait de la place que pour 1

 21   000 Musulmans et que les 29 000 autres devaient s'en aller 'd'une façon ou

 22   d'une autre.'"

 23   Alors, moi, je vous ai demandé : vous résidiez à Banja Luka à l'époque,

 24   nous parlons de septembre 1992, et vous n'avez pas entendu proférer ce type

 25   de déclarations publiques faites par le Dr Vukic et M. Brdjanin ? Les avez-

 26   vous entendus en parler ou pas ?

 27   R.  Non. Si tant est que quelque chose dans ce genre aurait été dit par le

 28   Dr Vukic, c'est une très vilaine chose. Il a prêté un serment d'Hippocrate.


Page 44723

  1   Et si c'est ainsi qu'il s'est prononcé, je ne suis pas d'accord avec ce

  2   type de propos. Ce n'est absolument pas ce qu'il convient de faire. Mais

  3   là, j'ai compris que Vukic aurait dit à Brdjanin ou Brdjanin à Vukic, ça,

  4   je n'ai pas compris.

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  Mais en ma qualité -- oui ?

  7   Q.  Ce n'est pas ce que j'ai dit, Monsieur Bojinovic. J'ai dit --

  8   R.  Mais c'est ce qu'on m'a interprété…

  9   Q.  Ecoutez, penchons-nous sur le paragraphe 8. Il y est dit :

 10   "Il y a dix jours de cela, 105 personnes ont payé 100 marks allemands au

 11   chef de l'agence pour la phase finale de leur transfert, après avoir

 12   restitué leurs biens à Banja Luka, et ils sont montés après à bord

 13   d'autocars en direction de la frontière croate."

 14   Alors, ça, c'est le chiffre qui aurait été payé à votre agence, 100 marks

 15   allemands par personne. Est-ce que vous niez encore le fait que les gens

 16   ont eu à payer entre 100 à 300 deutsche marks, je parle des gens qui sont

 17   passés par le biais de votre agence ?

 18   R.  Les gens n'ont pas été obligés à payer entre 100 et 300 marks. Ils ont

 19   payé un billet tel que prescrit. Parce que nous, en tant qu'agence, on

 20   aurait été soumis à des sanctions par les autorités. Nous ne pouvions pas

 21   travailler comme cela. C'étaient de gros chiffres. Personne n'avait ces

 22   montants-là. Les gens pauvres n'avaient pas cet argent. Moi, j'ai donné à

 23   des gens pauvres, des Musulmans de Glamoc, je leur ai donné de l'argent, et

 24   ils m'ont proposé de l'argent. J'ai dit : Non, je vous donne un peu

 25   d'argent, vous en avez plus besoin que moi. Moi, pour moi, je suis avec les

 26   gens de mon groupe ethnique et je vais m'en tirer plus aisément.

 27   Q.  Monsieur Bojinovic, je tiens à vous montrer deux parties encore de cet

 28   article. J'évoque la page 2, paragraphe 2. Et nous pouvons voir ici que ce


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  1   qui est dit c'est que :

  2   "Des assistants humanitaires étrangers en ville étaient frappés par les

  3   degrés de haine, violence et de mauvais traitements infligés à des

  4   personnes tous les jours."

  5   Alors, on parle de Musulmans ici, c'est eux qui sont exposés à la haine,

  6   violence et mauvais traitements. Vous ne l'aviez pas vu pendant que vous

  7   résidiez à Banja Luka ?

  8   R.  Je ne sais pas qui est-ce qui pouvait voir cela dans la rue. Comment

  9   pouvez-vous voir d'après la tête de quelqu'un s'il est Serbe, Croate, Juif

 10   ou quoi que ce soit d'autre ? Comment voulez-vous que sur les visages des

 11   gens on voie la haine à l'égard d'autrui ? Cette question est complètement

 12   dénuée de sens. Je ne peux pas vous répondre.

 13   Q.  Pour finir, avant-dernier paragraphe en page 2, la partie qui commence

 14   par :

 15   "Radovan Karadzic, le leader des Serbes de Bosnie, qui est venu ici

 16   vendredi passé aux fins d'essayer de convaincre Cyrus Vance et Lord Owen,

 17   aurait dit au 'Guardian' ce même jour que 'Banja Luka était une ville

 18   tranquille.' La nuit d'avant, des unités spéciales des Serbes ont scellé le

 19   district de Hiseta et ordonné aux résidents de quitter leurs maisons, en

 20   aboyant des ordres par des porte-voix. Les Musulmans locaux avaient pensé

 21   qu'on les emmenait à Manjaca ou Trnopolje. Or, c'était une fausse alerte -

 22   c'était juste encore un exercice d'intimidation."

 23   Donc, une fois de plus, c'est une chose que vous n'aviez pas eu à connaître

 24   au sujet de ce qui se passait dans votre ville, où les Musulmans ont été

 25   intimidés et chassés de leurs maisons, n'est-ce 

 26   pas ?

 27   R.  Quelle est votre question ? Est-ce que j'étais au courant…

 28   Q.  Est-ce que c'était là aussi quelque chose dont vous n'étiez pas au


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  1   courant, à savoir que les gens étaient intimidés, que leurs maisons étaient

  2   perquisitionnées et qu'ils en étaient expulsés ?

  3   R.  Je n'ai pas vu cela. Non, non, jamais. Je n'ai rien observé de tel.

  4   Quand cela s'est passé, comment, je ne sais pas. Moi, j'avais mon travail à

  5   moi. Je suis un homme qui a une famille, j'en tiens compte, et je faisais

  6   en sorte d'aider les gens qui s'adressaient à moi. Maintenant, est-ce qu'il

  7   y avait des formations paramilitaires ou des excès de commis, je ne l'ai

  8   pas vu. A Banja Luka, je vous le dis, je n'ai pas pu, évidemment, me

  9   trouver à tous les endroits en même temps, là où peut-être des excès

 10   étaient commis. Alors, vous me demandez "est-ce que j'étais au courant".

 11   Est-ce que j'étais au courant, évidemment.

 12   Q.  Monsieur Bojinovic, est-ce que vous ne pensez pas que c'est malhonnête

 13   de votre part de dire que vous n'étiez pas au courant de l'existence de

 14   milliers de non-Serbes qui s'adressaient à votre agence pour pouvoir

 15   quitter Banja Luka alors que tout ceci se passait à Banja Luka et que vous

 16   viviez là-bas ?

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

 18   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 19   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin n'a pas dit qu'il ne savait pas

 21   pourquoi. Il a dit qu'il savait très bien pourquoi.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il a été expliqué que les gens partaient parce

 23   qu'ils ne se sentaient pas assez sûrs, mais il n'y avait pas que des

 24   Musulmans. Les Musulmans étaient la majorité. Cependant, il y avait aussi

 25   un petit nombre de Croates et de Musulmans. Il y avait également des

 26   Slovènes. Il y avait des mariages mixtes. Et on insiste sur le fait qu'il y

 27   aurait eu à Banja Luka une persécution généralisée de Musulmans. Mais je

 28   n'ai pas remarqué ça, moi.


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  1   Moi, j'ai continué à travailler au lycée avec des Croates et des

  2   Musulmans. Il y a une Croate qui avait été directrice pendant huit ans. Une

  3   secrétaire -- en fait, actuellement, nous avons déjà la deuxième secrétaire

  4   à ce poste, qui est Musulmane. Alors, de quoi parle-t-on ? C'est un lycée

  5   public, une institution publique, où ils travaillent tous sans rencontrer

  6   la moindre la difficulté. J'ai devant moi une liste de personnes auxquelles

  7   on peut s'adresser en fin de compte pour vérifier si c'est exact ou non.

  8   Des personnes qui sont restées à travailler au lycée. Des amis personnels

  9   musulmans qui étaient les miens et auxquels je suis venu en aide. Alors, si

 10   je dois vous présenter ceci, et si vous souhaitez consulter ces personnes,

 11   vous pouvez très facilement le faire. Mais donner maintenant cette image

 12   selon laquelle on se serait en fait acharnés de cette façon sur les

 13   Musulmans de façon généralisée, non, c'est faux.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 15   document.

 16   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître.

 17   M. ROBINSON : [interprétation] L'essentiel en a été lu à haute voix, mais

 18   j'aimerais qu'on se pose la question des informations qui figurent dans cet

 19   article et de la façon dont elles ne sont attribuées à absolument personne,

 20   notamment les noms qui figurent dans l'article. D'où cela vient ? Alors,

 21   quand vous vous pencherez sur le poids à y accorder, j'aimerais que ceci

 22   soit pris en compte.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je me demandais pourquoi, en fait, ce

 24   document était présenté pour versement par le truchement de ce témoin. Est-

 25   ce que vous estimez que cela contredit les propos du témoin ?

 26   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, je n'ai pas examiné l'ensemble de

 28   sa déposition, mais est-ce que nous trouvons ici une contradiction avec sa


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  1   déposition ou bien -- en fait, le témoin s'est-il contredit lui-même ou

  2   bien y a-t-il une contradiction avec le contenu de l'article ?

  3   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Je lui ai demandé s'il était au courant

  4   de ces événements. Il a dit qu'il vivait à l'époque à Banja Luka, à

  5   l'époque où ces événements se produisaient. Et je crois que si vous

  6   souhaitez -- excusez-moi, je crois que M. Tieger souhaite dire quelque

  7   chose.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, non. Attendez, je vais consulter

  9   mes collègues.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose, Monsieur

 12   le Président ?

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.

 14   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Lorsque Me Robinson a évoqué le poids à

 15   attribuer à ce document, en fait, il a fondamentalement reconnu que ceci

 16   était aux fins de récusation du témoin.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Eh bien, je crois que compte tenu de ce

 18   qui a déjà été consigné dans les pages les plus récentes, les plus fraîches

 19   du compte rendu d'audience, il n'est pas nécessaire de verser ce document

 20   aux fins de récusation. Nous ne le ferons pas.

 21   Et vous avez terminé, je crois ?

 22   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Oui. Et je vous remercie, Messieurs les

 23   Juges.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, de combien de temps

 25   avez-vous besoin pour vos questions 

 26   supplémentaires ?

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Une dizaine de minutes, je crois.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons vérifier auprès de la régie


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  1   si nous avons encore suffisamment de place sur la bande pour poursuivre. Si

  2   c'est le cas, nous vous laisserons poursuivre.

  3   Il apparaît que nous n'avons plus que 11 minutes. Etes-vous sûr que vous

  4   pouvez en terminer dans cet intervalle ? Faute de quoi nous allons faire

  5   une pause de dix minutes avant de vous laisser poursuivre, puis de refaire

  6   une pause de 20 minutes qui permettra aux préparatifs pour le témoin

  7   suivant d'avoir lieu.

  8   M. ROBINSON : [aucune interprétation]

  9   L'INTERPRÈTE : Les voix des orateurs se chevauchent.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons donc faire une

 11   pause. Et nous reprendrons à 11 heures moins dix.

 12   --- L'audience est suspendue à 10 heures 39.

 13   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, allez-y.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 16   Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :

 17   Q.  [interprétation] Monsieur Bojinovic, je vais vous prier de bien vouloir

 18   énumérer certains des noms de Croates et de Musulmans que vous avez

 19   proposés à l'Accusation, les noms des personnes qui sont restées sans

 20   interruption à Banja Luka.

 21   R.  Je vais vous donner les noms de mes collègues professeurs au lycée de

 22   Banja Luka, un établissement qui a sa propre tradition depuis plus de 100

 23   ans. Bera Azijada, qui était secrétaire du lycée. Ensuite, il y a Pucar

 24   Majda, une Musulmane qui est l'actuelle secrétaire du lycée. Le Pr Begic,

 25   et il était venu travailler au lycée pour y enseigner la physique. Ensuite,

 26   Jasna Maric, une Musulmane, autre professeur. Puis, Amira Zmiric,

 27   professeur d'allemand. Et actuellement, elle est assistante à la faculté à

 28   l'université. Alors, est-ce qu'il y en a d'autres, oui. En ville, il y a


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  1   des gens que je fréquentais, mais là, comme ça, de tête, je ne peux pas

  2   vous donner davantage de noms.

  3   Q.  Croyez-vous que Vukic et Brdjanin aient dit ce qui a été évoqué en le

  4   présentant comme une position officielle ? Est-ce que Radic et d'autres

  5   auraient accepté ceci comme une position 

  6   officielle ?

  7   R.  Non, Radic, c'était quelqu'un de vraiment irréprochable. Il n'aurait

  8   certainement pas accepté une telle position. Il est possible que Brdjanin

  9   et Vukic, dans des circonstances particulières, aient déclaré quelque chose

 10   de cette nature-là. C'est possible, mais je ne l'ai pas entendu.

 11   Q.  Merci.

 12   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Est-ce que dans la

 13   ligne 11, il ne conviendrait pas de lire "Mais il est possible", "But it is

 14   possible", et non pas "policy" au lieu de "possible" en anglais.

 15   Mais poursuivons.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui. Il est possible qu'ils en aient parlé

 17   ainsi, et non pas "c'est une politique".

 18   Merci, Monsieur le Président.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Alors, est-il arrivé que les autorités locales -- en fait, est-ce que

 21   ces choses qu'on impute à Vukic et Brdjanin se sont bien déroulées comme

 22   elles ont été décrites ? Est-ce que les autorités locales les ont mises en

 23   œuvre ?

 24   R.  Non, non, non. Banja Luka était une cité calme pendant que Radic était

 25   en fonction et je crois qu'on peut l'en féliciter.

 26   Q.  Merci. Alors, vous avez pu entendre dire que dans ce rapport il est dit

 27   que Travnik avait 19 000 habitants et qu'il a dû accueillir 14 000 réfugiés

 28   en plus de cela. Alors, je voudrais que vous nous lisiez à combien se monte


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  1   la population de Travnik d'après le recensement de 1991.

  2   L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on l'agrandir, s'il vous plaît. Merci.

  3   M. KARADZIC : [interprétation]

  4   Q.  Professeur, veuillez nous dire quelle est la population totale de

  5   Travnik et combien il y a de Croates, de Musulmans, de Yougoslaves et

  6   d'autres ?

  7   R.  Mais il faut d'abord que je trouve Travnik.

  8   Q.  C'est la première ligne.

  9   R.  Ah oui. Donc la population totale est de 70 000, dont 

 10   26 000 Croates, 31 000 Musulmans, 7 751 Serbes et 3 680 Yougoslaves, et

 11   puis ensuite --

 12   L'INTERPRÈTE : Je ne vois pas la -- est-ce que c'est 55 ou…

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Et les autres, c'est combien ? C'est 1 093, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Donc cette autre donnée, cette autre information n'est pas exacte,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  En effet.

 19   Q.  Je vous remercie.

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document dont on

 21   attend toujours la traduction. Mais, en fait, ce n'est pas vraiment

 22   nécessaire parce qu'on attend simplement la conversation en alphabet latin.

 23   Tout le reste se passe de commentaire.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'où ceci vient-il, Monsieur Karadzic ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Ceci vient d'une publication officielle - en

 26   version serbe, certes - du recensement de 1991. Et vous pouvez vérifier

 27   également dans la version croate que nous avons souvent eu l'occasion de

 28   l'examiner. Il s'agissait d'un recensement fait par la République de


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  1   Croatie, ce qu'elle n'aurait pas dû faire et elle n'avait pas le droit de

  2   faire.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Sutherland.

  4   Mme SUTHERLAND : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas

  5   d'objection.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons verser le document sous cote

  7   provisoire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document reçoit la cote D4179, cote

  9   provisoire.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Professeur Bojinovic, l'acte d'accusation nous reproche d'avoir chassé

 13   des populations, chassé les gens; or, nous pouvons voir que les gens

 14   devaient patienter et ils devaient obtenir un certificat, ils devaient

 15   payer pour leur titre de transport, ils devaient attendre d'être placés sur

 16   une liste. Donc, comment peut-on réconcilier ces deux versions ? Est-ce que

 17   ce sont eux qui ont demandé l'autorisation de partir ou les avons-nous

 18   chassés ?

 19   R.  Non, nous n'avons forcé personne à partir. Les personnes qui

 20   considéraient qu'elles devaient partir venaient nous voir. Ce n'était pas

 21   nous qui les contactions, mais dans l'autre sens. Et ils avaient développé

 22   une confiance dans notre agence parce que ceux qui étaient partis leur

 23   avaient fait savoir qu'ils étaient en sécurité et qu'ils avaient pu

 24   voyager.

 25   Q.  Avez-vous eu le moindre retour d'information de la part des gens que

 26   vous avez aidés à voyager ?

 27   R.  Oui, beaucoup, notamment de la part de Musulmans, de mes concitoyens de

 28   la même ville. Ils s'adressaient à moi de Paris, de Suède. Et lorsque je


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  1   vais à Glamoc, tout à fait normalement, parce que j'y ai un appartement, je

  2   retrouve certains d'entre eux, et nous partageons tous le même point de

  3   vue. Nous sommes très heureux d'avoir laissé tous ces événements de la

  4   guerre derrière nous, d'être toujours en vie et de pouvoir toujours nous

  5   retrouver.

  6   Q.  Merci. On vous a cité des déclarations de certains témoins quant à la

  7   distribution d'armes parmi les Serbes. Alors, est-ce que les Serbes avaient

  8   répondu à l'appel à mobilisation ou avaient-ils leurs propres formations

  9   paramilitaires ? Et je parle de Glamoc.

 10   R.  En ce qui concerne Glamoc, je ne sais rien de la distribution d'armes

 11   qui aurait pu se faire autrement que par les canaux officiels. Les soldats

 12   de la Brigade de Glamoc ont été mobilisés lorsque cela était nécessaire.

 13   Ils ont reçu leurs armes dans ce cadre. Quant à des formations

 14   paramilitaires ou à des distributions d'armes spéciales, c'est quelque

 15   chose dont je ne suis pas au courant.

 16   Q.  [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Monsieur Karadzic, votre

 18   dernière question était particulièrement directrice. Veuillez poursuivre.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, pourriez-vous nous dire si l'on comptait sur vous, puisqu'on

 21   vous présente comme ayant été le membre de différents conseils, et

 22   pourriez-vous nous dire quand ont eu lieu les premières élections pour le

 23   conseil principal ? Est-ce qu'on vous avait sélectionné ou présélectionné

 24   pour en devenir membre, d'ailleurs ?

 25   R.  Eh bien, la population de Glamoc s'attendait à ce que je m'engage en

 26   politique. Cependant, ils savaient que je n'étais pas quelqu'un de

 27   carriériste et je n'ai jamais accepté les postes qui m'ont été proposés. Je

 28   dois dire que certains postes excellents et très haut placés m'ont été


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  1   proposés.

  2   Q.  Quand ont eu lieu les élections pour le conseil principal ?

  3   R.  Je crois que c'était après la mise en place du SDS à Sarajevo le 12

  4   juin. C'est alors que les membres ont été élus, et on ne m'a pas retenu.

  5   Q.  Alors, comment appelions-nous les groupes de personnes qui avaient

  6   apporté leur concours à la mise en place du parti ? Vous venez de le dire,

  7   je crois.

  8   R.  Eh bien, les groupes de personnes --

  9   Q.  Vous avez parlé de groupes d'initiative ?

 10   R.  En fait, c'était tout au début. Les conseils ou les groupes

 11   d'initiative, c'était au début d'initiative, lorsque quelqu'un, par

 12   exemple, avertissait de l'existence d'un danger et disait qu'il fallait

 13   agir et qu'on ne pouvait pas se contenter d'observer la façon dont le chaos

 14   s'installait.

 15   Q.  Merci. Est-ce que vous avez fait partie de telles structures, de tels

 16   conseils d'initiative ?

 17   R.  Oui, oui, oui. Parce que pour moi il était tout à fait clair que les

 18   événements étaient en train d'échapper à tout contrôle sur le territoire de

 19   la Bosnie-Herzégovine, que des problèmes allaient apparaître et qu'il

 20   fallait apaiser la population, pas seulement les Serbes, le peuple auquel

 21   j'appartenais, mais également les Croates et les Musulmans. Moi, je leur

 22   disais au lycée d'avoir confiance et de tout faire pour que les événements

 23   de la Seconde Guerre mondiale ne se reproduisent pas.

 24   Q.  Très rapidement, est-ce que vous auriez pu être candidat à la

 25   présidence en tant que membre d'un conseil d'initiative ou de direction ?

 26   R.  Vous savez comment les gens pensent, ils vous imaginent comme un

 27   président dès que vous avez un poste quelconque, alors que moi je n'ai

 28   jamais été fonctionnaire de ce niveau.


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  1   Q.  Professeur Bojinovic, je vous remercie.

  2   R.  Merci.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Ceci met un terme à votre

  4   déposition, Monsieur Bojinovic. Au nom de la Chambre, je souhaite vous

  5   remercier d'être venu à La Haye pour témoigner. Vous êtes libre maintenant

  6   de repartir.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, je voudrais vous

  8   remercier pour votre invitation, votre confiance et votre patience, et je

  9   vous prie de bien vouloir m'excuser si je n'ai pas à tout moment respecté

 10   les règles qui sont les vôtres, parce que ce n'est pas mon domaine. Mon

 11   domaine, c'est la poésie, la littérature, l'écriture. Le droit, les

 12   tribunaux, c'est quelque chose qui n'est pas du tout de mon domaine. Donc,

 13   encore une fois, je vous remercie. Et je vous souhaite plein succès dans

 14   votre travail, ainsi qu'une bonne santé.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Nous allons donc refaire une

 16   pause.

 17   Et nous reprendrons à 11 heures 33.

 18   --- L'audience est suspendue à 11 heures 12.

 19   [Le témoin se retire]

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   --- L'audience est reprise à 11 heures 36.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Maître.

 23   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Nous

 24   souhaitons vous présenter Goran Petronijevic, qui est le coordinateur de

 25   notre équipe à Belgrade. Il est présent lors de ce volet d'audience avec

 26   nous. Nous allons utiliser certains enregistrements vidéo dans le cadre de

 27   cette déposition, et moi je n'ai pas l'habitude de manipuler ce type de

 28   documents, alors que lui, il l'a. Donc je me demandais si vous accepteriez


Page 44736

  1   qu'il y ait une personne supplémentaire dans la salle d'audience pour nous

  2   assister, avec notre commis à l'affaire, M. Stevanovic.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous des objections, Madame Pack ?

  4   Mme PACK : [interprétation] Non, aucune observation particulière.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  6   Alors, nous invitons maintenant le témoin à prononcer la déclaration

  7   solennelle.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   C'est la dixième fois pour moi.

 11   LE TÉMOIN : KW12 [Assermenté]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avez-vous dit quelque chose, Monsieur le

 14   Témoin, après avoir prononcé le texte de la déclaration solennelle ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je disais que

 16   pendant ces 20 ans il y a eu tous ces mensonges qui ont circulé ici, et

 17   pendant tous ces 20 ans vous n'avez pas fait appel à moi, alors que les

 18   mères de Sarajevo et les autres -- enfin, on m'a demandé de déposer à

 19   Sarajevo. Mais ce n'est pas --

 20   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il y a une erreur dans le compte rendu de

 22   l'audience. Le témoin a dit que les mères de Sarajevo l'avaient empêché de

 23   venir déposer ici et les autorités de Sarajevo l'ont empêché de déposer.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Confirmez-vous avoir déclaré ceci,

 25   Monsieur le Témoin ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et je le maintiens.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je présume que vous comprenez les

 28   mesures de protection dont vous bénéficiez dans le cadre de votre


Page 44737

  1   déposition. Ceci signifie que l'on ne se réfèrera à vous que sous le

  2   pseudonyme de KW-12, on ne mentionnera pas votre véritable nom. De plus,

  3   votre image filmée ne sera pas diffusée au-delà de cette salle d'audience.

  4   A chaque fois que nous aborderons votre identité, nous passerons à huis

  5   clos partiel afin que les personnes extérieures à cette salle d'audience ne

  6   puissent pas avoir accès à ces éléments. Est-ce que vous comprenez ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, à chaque fois que vous

  9   souhaiteriez aborder des détails qui seraient susceptibles de divulguer

 10   votre identité, nous vous prions de nous le signaler afin que nous

 11   puissions passer à huis clos partiel. Est-ce que vous comprenez de quoi il

 12   s'agit ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur le Témoin.

 15   Monsieur Karadzic, à vous.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   Interrogatoire principal par M. Karadzic :

 18   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

 19   R.  Bonjour, Monsieur le Président.

 20   Q.  Je veux simplement vous prier de bien faire attention à faire des

 21   pauses un peu plus longues entre mes questions et vos réponses.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, je voudrais demander l'affichage, sans

 23   diffusion à l'extérieur, du document 1D09534.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Je voudrais que vous nous confirmiez que c'est bien votre nom qui

 26   apparaît sous ce pseudonyme ?

 27   R.  Oui, c'est moi.

 28   Q.  Merci.


Page 44738

  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de ce document au

  2   dossier sous pli scellé.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Soit.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document est versé sous pli scellé

  5   sous la cote D4180, Messieurs les Juges.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les interprètes souhaitaient nous suggérer

  7   quelque chose et je les prie de bien vouloir réitérer leur proposition.

  8   L'INTERPRÈTE : Note de la cabine anglaise : Les interprètes souhaitaient

  9   simplement proposer ou demander au témoin de ne pas commencer à fournir sa

 10   réponse tant que M. Karadzic continue de parler.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

 12   comprenez bien ? Il faut ménager des pauses entre chaque question posée par

 13   M. Karadzic et votre réponse afin de permettre aux interprètes de finir de

 14   traduire vos propos. Est-ce que vous comprenez ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, entendu.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous dire si vous

 19   avez été membre de l'ABiH ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous avez répondu assez rapidement, mais la réponse était brève, donc

 22   les interprètes y sont arrivés. Est-ce que vous pourriez nous exposer de la

 23   façon la plus claire possible les faits reflétant l'évolution de la guerre

 24   pendant que vous étiez présent sur le terrain du début du mois d'avril

 25   jusqu'au 28 mai 1992. Donc, au mois d'avril, y a-t-il eu des affrontements;

 26   et si oui, entre qui et qui ?

 27   R.  Oui, il y a eu des affrontements entre des unités paramilitaires, les

 28   hommes Arkan, les Arkanovci, et face à eux, les Naserovci, donc l'armée de


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  1   Naser Oric; et il y a eu deux villages qui ont été attaqués.

  2   Q.  Merci. Quelle a été l'issue de ces affrontements entre eux, que s'est-

  3   il passé ? Y a-t-il eu des pertes, des dégâts ? En fait, qu'est-ce qui se

  4   passait entre eux à cette période-là ?

  5   R.  Il y avait une situation d'embuscade à Potocari, là où étaient les

  6   hommes d'Arkan, c'est connu de tous, puis il y a eu le nettoyage de

  7   Cumavici, le village. Et puis, il y avait une embuscade également à Osmace,

  8   c'est à Zeleni Jadar. Et c'était sur la route menant au village de Osmace.

  9   Q.  Merci. Et qui vivait dans ces deux villages, nous n'avons pas saisi le

 10   premier nom ?

 11   R.  Gniona. C'était surtout des Serbes.

 12   Q.  Je vous remercie. Et qui a tendu ces deux embuscades à Zeleni Jadar et

 13   à Potocari ?

 14   R.  A Potocari, ça a été Naser Oric et Hakija Meholjic et Mujo Mandzo.

 15   Comment pourrais-je vous le dire ? Avant cela - et je vais vous dire ça en

 16   bref - donc il y a eu cette embuscade et on l'a tendue à Potocari pour tuer

 17   des hommes à Arkan. Ça, c'est Naser Oric, Mujo Mandzo, Hakija Meholjic.

 18   C'étaient eux les principaux qui ont rassemblé ces 25 à 30 hommes qui ont

 19   tendu cette embuscade à Potocari. Et puis, à Zeleni Jadar, il y a eu une

 20   autre embuscade, c'était du côté de ce magasin de Sinan. Alors, ça,

 21   c'étaient les hommes du commandant Skraljivode. Lui, à ce moment-là,

 22   c'était le premier commandant. Comment il s'appelait, lui ? Un instant.

 23   Akif. Voilà. C'est lui qui a tendu cette embuscade-là face à cette colonne

 24   de militaires qui arrivaient de Brdo Jezero, ils étaient en route pour

 25   Srebrenica. Donc ils ont capturé quelques militaires, il y en a qu'ils ont

 26   égorgés --

 27   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la fin de la phrase.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Et Akif s'appelait-il Ustic, ce nom de famille ?

  2   R.  Monsieur le Président, je ne sais pas. Je ne connais pas son véritable

  3   nom de famille. Justement, il s'est passé tant d'années, et puis je suis

  4   revenu dans cette même région. Je sais uniquement où se trouve sa maison

  5   d'Ahmetovci [phon]. Je sais où il vivait dans le village, mais je ne

  6   connaissais pas très bien son nom de famille. Je pense que c'est ça, mais

  7   bon, on ne va pas corriger. Je pense que c'était ça.

  8   Q.  Je vous remercie. Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont

  9   militaires qui avaient tendu l'embuscade à cet endroit ?

 10   R.  Au début de la guerre, l'armée c'était la JNA. Ils avaient ces

 11   uniformes gris-vert olive.

 12   Q.  Je vous remercie. Est-ce qu'il s'est passé quelque chose après l'entrée

 13   dans Bratunac, le 2 ou le 3 mai, quelque chose qui concerne la JNA ? Est-ce

 14   qu'il y a eu un événement ?

 15   R.  A l'entrée de Bratunac ?

 16   Q.  A Hranca. Si vous n'étiez pas à proximité, peu importe.

 17   R.  Si, si, il y a eu des coups de feu près de Hranca et de Glogova. C'est

 18   peut-être à 2 ou 2,5 ou 3 kilomètres de Bratunac. En fait, pour vous donner

 19   les détails de Hranca, ça, je ne peux pas vous le dire. Effectivement, je

 20   n'étais pas là. Après 1992 -- en fait, plutôt, c'était en 1993 qu'on s'est

 21   retrouvé là-bas.

 22   Q.  Je vous remercie. Et que s'est-il passé ? Est-ce que c'était quelque

 23   chose de dramatique que le 8 mai; et si oui, j'aimerais savoir ce qui s'est

 24   passé et quelle influence ça a eue sur la situation dans votre région ?

 25   R.  Le 8 mai -- c'est bien 1992 qu'on est; c'est ça ? Alors, comment

 26   pourrais-je dire ? Ça nous a touchés pas mal, nous les habitants de

 27   Bratunac. On a tué, si mes souvenirs sont bons, Goran Zekic. Il était

 28   membre d'une forme de présidence, je pense, à Sarajevo. Je ne sais pas de


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  1   quel parti il s'agissait. C'était un parti.

  2   Q.  Et où travaillait-il ?

  3   R.  Je ne sais pas ce qu'il faisait, Monsieur le Président. Je ne sais pas

  4   quelle était sa profession. Professeur, homme politique. Je ne sais pas

  5   exactement quelles étaient ses fonctions. Je sais seulement qu'il était

  6   membre de la présidence. Il était à Sarajevo.

  7   Q.  Je vous remercie. Dites-nous : par la suite, qu'est-ce qui s'est passé

  8   ? La police serbe, qu'est-ce qu'elle a demandé ? Est-ce que vous pouvez

  9   nous énumérer brièvement les événements, comment ils se sont enchaînés ?

 10   Mme PACK : [interprétation] Objection.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 12   Mme PACK : [interprétation] C'est une question directrice. Je voudrais

 13   simplement que l'on agisse avec précaution avec ce témoin et que M.

 14   Karadzic évite de poser des questions directrices.

 15   M. LE JUGE KWON : [interprétation] "Que s'est-il passé par la suite ?" Est-

 16   ce que c'est ça, une question directrice ?

 17   Mme PACK : [interprétation] Non. "Quelles ont été les demandes de la police

 18   serbe ?" C'est par rapport à cette question-là que je réagis.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 20   Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui s'est passé par la suite ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à moi que vous posez la question ?

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vais demander à M. Karadzic de

 23   reformuler sa question.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 25   M. KARADZIC : [interprétation]

 26   Q.  En fait, vous nous avez dit qu'il y a eu des tensions, mais est-ce que

 27   vous pouvez nous dire comment les événements se sont déroulés après le 8

 28   mai ? Que s'est-il passé ? Vous-même, est-ce que vous avez participé à ces


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  1   événements ?

  2   R.  Donc c'est la date du 10 mai, c'est la date où on nous a rassemblés à

  3   Bratunac. Donc, quand est-ce que je commence ? Quelle est la chronologie ?

  4   Le 10 mai, donc, on a tué ce gars à Potocari. Moi, j'arrive à Bratunac. Le

  5   9 mai, la situation est calme à Bratunac. Puis, le 10 mai, les voisins --

  6   donc on est bien 1992. C'est de ça que je cause. Donc, à 12 heures, ils

  7   nous ont attaqués. Tous les Musulmans ont été sortis de chez eux. On a été

  8   mis au stade de Bratunac.

  9   Q.  Je vous remercie. Oui, on y reviendra aux événements du stade. Mais

 10   dites-nous, est-ce que vous connaissiez bien ce qui a précédé cet événement

 11   du 8 mai ? Donc les trois villages et les deux embuscades.

 12   R.  A Cumavici et à Vilovo [phon], donc, il y a eu ces égorgements. Ça, je

 13   l'ai vu quand j'allais au village de Rulovci [phon]. J'avais là-haut --

 14   comment dirais-je ? C'était ma première femme. Je suis allé là pour la

 15   mener elle et ses parents à Bratunac, parce qu'on ne tirait pas encore sur

 16   nous. On tirait déjà sur Srebrenica. Ils n'ont pas laissé que je passe

 17   jusqu'à Rulovci. Et puis, c'est là qu'on a appris qu'à Cumavici les Serbes

 18   ont été encerclés par Oric. Il a demandé qu'ils rendent leurs armes et il a

 19   dit qu'ils allaient être en sécurité. Et par la suite, donc, il a tué un

 20   certain nombre de personnes qu'il a pu attraper. Il y a eu des policiers.

 21   Amir, je le connaissais bien. Mais un autre à Lehovici, donc, ils ont

 22   capturé un policier et ils l'ont tourné à la broche, comme on le ferait

 23   d'un cochon --

 24   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président --

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Pack.

 26   Mme PACK : [interprétation] Je vois que ce témoin s'apprête à déposer au

 27   sujet des crimes qui auraient été commis par l'ABiH contre les Serbes. Nous

 28   avons là une deuxième réponse allait dans ce sens-là, donc, qui semble


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  1   s'engager dans cette direction-là, nous raconter ce type d'événements, et

  2   je voulais simplement mettre en garde Dr Karadzic. J'estime que les moyens

  3   de preuve portant sur les crimes commis contre les Serbes ne sont pas

  4   pertinents ici.

  5   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Robinson.

  6   M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que ce

  7   serait tout à fait contraire à tout ce qui s'est produit dans Krstic,

  8   Popovic et Blagojevic et Tolimir, dans tous ces procès où il a été question

  9   des événements de Srebrenica. Il s'agit de conflits qui se sont produits

 10   dans cette zone, y compris les attaques contre les civils serbes, et cela a

 11   constitué partie intégrante des moyens de preuve dans ces affaires et a

 12   permis de comprendre ce qui produit en 1995 ainsi qu'en 1993. Donc il me

 13   semble que c'est différent de dire qu'il s'agit simplement de crimes commis

 14   contre les Serbes portant sur d'autres aspects de notre affaire.

 15   Mme PACK : [interprétation] Est-ce que je peux faire une observation ? Nous

 16   parlons ici de 1992 --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.

 18   [La Chambre de première instance se concerte]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre sont d'accord

 20   avec l'argument de Me Robinson, à savoir son observation que le contexte

 21   est pertinent en l'espèce. Toutefois, je tiens à souligner que la Chambre

 22   ne souhaite pas entendre des éléments de preuve qui correspondent au tu

 23   quoque -- donc nous ne souhaitons pas recevoir ce type d'éléments de

 24   preuve.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Absolument, Excellences. La seule chose qui

 26   m'intéresse, c'est de connaître la chronologie des événements qui ont

 27   entraîné d'autres événements.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Monsieur le Témoin, dans le compte rendu d'audience, on ne comprend pas

  2   très bien où on a placé ces têtes qui avaient été coupées, et qu'en est-il

  3   de ce policier qu'on a tourné à la broche ?

  4   R.  Les têtes, c'était à Zeleni Jadar, en contrebas d'Osmace. C'était près

  5   de ce magasin de Sinan. Et ça a été sur des piquets. On les a exposés en

  6   les enfonçant sur des piquets. Alors, les policiers, c'était à Cumavici et

  7   Gniona, ce sont deux localités qui, en fait, se jouxtent. Cumavici, c'est

  8   un peu en haut, et Gniona, c'est un petit peu en contrebas, dans la vallée,

  9   et on peut voir le coucher de soleil là. Et donc, ce policier, c'est Amir

 10   qui le connaissait et qui lui a dit : Il est temps de payer cette

 11   contravention qu'il aurait dû payer avant. Je ne sais pas si ce policier

 12   l'avait arrêté précédemment et lui a demandé de payer cette contravention.

 13   Mais tout ce que je sais, c'est que ce policier a été effectivement tourné

 14   en la broche. Et personne ne pourrait me forcer à dire le contraire, ni le

 15   Tribunal, ni le peuple, ni personne. Je sais que ça a eu lieu.

 16   Q.  On n'a pas parlé de "la broche" dans le compte rendu d'audience, mais

 17   on finira par s'y retrouver.

 18   Donc ça s'est passé après qu'ils aient rendu leurs armes; 

 19   exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Alors, aidez-nous sur un point, s'il vous plaît : Glogova. Est-ce que

 22   Glogova a fait l'objet d'une demande de reddition d'armes et quels sont les

 23   éléments qui concernent Glogova avant --

 24   Mme PACK : [interprétation] Question directrice.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Fort bien. Fort bien.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Alors, vous venez de dire que le 10, on vous a emmené au stade. Ne


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  1   dites pas de qui il s'agit, mais j'aimerais savoir si parmi les membres de

  2   votre famille il y en a eu d'autres qui ont été emmenés au stade ou est-ce

  3   qu'il y a des membres de votre famille qui sont restés au village ?

  4   R.  Ma mère --

  5   Q.  Non, ne dites pas qui. Dites si oui ou non --

  6   R.  Ma mère et mon fils âgé de quatre ans -- et moi et mon père, nous avons

  7   été emmenés au stade.

  8   Q.  Je vous remercie. Est-ce qu'on vous a arrêté à ce stade et qui vous a

  9   arrêté, si cela s'est passé ?

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15   s'il vous plaît, et ce qui a eu lieu, parce que cela pourrait permettre --

 16   M. KARADZIC : [interprétation]

 17   Q.  Et où est-ce qu'on vous a emmené à ce moment-là ?

 18   R.  On m'a emmené du stade à l'école élémentaire Vuk Karadzic.

 19   Q.  Je vous remercie. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, quel

 20   a été le traitement qui vous a été réservé là et qui était sur place ? Qui

 21   a agi face à vous ? Vous étiez combien à être arrêtés, à être emmenés à

 22   l'école ? Qui a fait quoi à partir de ce moment-là ? Quel a été le

 23   traitement qui vous a été réservé ?

 24   R.  Quand je suis arrivé à l'école avec mon père, il y avait dans une

 25   salle quelqu'un qui s'appelait Bane, puis l'autre il s'appelait le

 26   Macédonien. Et c'est là que j'ai retrouvé quelques personnes sur place à

 27   l'entrée de l'école, à gauche, ils gisaient par terre, au sol. Donc on nous

 28   a dit, à moi et à mon père, de nous allonger de même, et tout ça jusqu'au


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  1   crépuscule. Et puis, à ce moment-là, un groupe encore plus important de

  2   personnes ont été emmenées, et puis les voisins, les Serbes, c'étaient des

  3   gens qu'on connaissait. On avait vécu avec eux. Parfois, on avait là des

  4   connaissances, des gens avec qui on était en bons termes ou pas. Et puis, à

  5   ce moment-là, le 10 au soir, ils ont commencé à nous frapper, à tuer des

  6   gens en pêle-mêle. Ils ont dit à Bane d'y aller. Je ne peux pas vous donner

  7   de chiffres, mais environ une vingtaine de personnes ont subi ça en ma

  8   présence. A ce moment-là, ce qu'on nous a dit, c'était que c'étaient des

  9   hommes à Seselj. Les Aigles blancs.

 10   Q.  Des Aigles blancs, voilà. Maintenant, ça a été consigné au compte

 11   rendu d'audience. Et vous avez dit qu'on a, en fait, cherché à régler leurs

 12   comptes aux gens par rapport à ce qu'ils avaient eu dans le passé entre

 13   eux; ça s'est bien passé ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous remercie. Et comment s'est terminée cette arrestation, et aussi

 16   ce soupçon comme quoi vous auriez tiré des coups de feu, et cetera ?

 17   R.  En fait, c'était le 12 -- donc je vais vous expliquer maintenant. Il

 18   faut que vous écoutiez, tous. Donc on nous a emmenés au stade le 10, le 10

 19   dans l'après-midi, parce que ça a commencé à 12 heures. Donc, du stade, je

 20   suis arrivé dans cette salle vers 15 heures, 16 heures. Puis, le soir, on

 21   était allongés là. Et - comment dirais-je ? - on a commencé à appeler les

 22   gens, ils se sont mis à appeler telle ou telle personne. En fait, ce n'est

 23   pas le voisin qui nous frappait. C'était Bane et le Macédonien qui le

 24   faisaient, qui frappaient, qui tuaient.

 25   Je sais jusqu'au 12 mai 1992, c'est là que j'y suis resté, deux jours, deux

 26   nuits. Alors, à ce moment-là, c'est ce Bube qui est venu me voir, il est

 27   venu à la porte, et il a dit : Ecoute, mon voisin, mon pote, on pourra se

 28   retrouver, on va se payer un café, une bière, un jour, tu es en vie. Donc,


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  1   à ce moment-là, on était environ 450 à partir, dont ils allaient faire une

  2   sélection. Environ 450 personnes allaient être échangées. On est partis à

  3   Pale à ce moment-là.

  4   Q.  Merci. Ligne 5, on dit : Voisin Joska. Il s'appelait Bube ou comment il

  5   s'appelle ?

  6   R.  Bube Ristanovic.

  7   Q.  Je vous remercie. Et d'après ce que vous avez compris, on vous

  8   soupçonnait plus à ce moment-là ou on vous a pardonné ?

  9   R.  J'ai compris qu'on m'a pardonné, parce que peut-être qu'il avait du

 10   remords parce qu'il a appris par la suite que je n'avais pas tiré et que je

 11   n'avais pas blessé son frère.

 12   Q.  Je vous remercie. Et votre père, est-ce que lui aussi il a fait partie

 13   de ce groupe qui allait être transporté à Pale ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je vous remercie. Et votre traitement, il a été comment à Pale ? Est-ce

 16   que vous aviez accès aux vivres, à l'eau et aux soins médicaux ?

 17   R.  Alors, pour ce qui est de Pale et de notre arrivée à Pale, je ne peux

 18   rien vous dire de mal. Je ne peux dire que de bonnes choses. Je remercie

 19   tous ces policiers et cet hôpital. Si ces gens-là ne s'étaient pas

 20   précipités pour s'occuper de moi, je serais décédé.

 21   Q.  Vous êtes arrivé en très mauvais état ?

 22   R.  Oui, en très mauvais état. J'étais complètement coupé de partout.

 23   Personne à Bratunac n'a voulu me panser jusqu'à ce que je n'arrive là. 

 24   Q.  Et là, est-ce qu'on vous a procuré des soins médicaux ?

 25   R.  Oui. Le médecin, l'hôpital, tous. Personne ne peut me dire qu'on a été

 26   battus à Pale. On a été mieux gardés, plus en sécurité qu'à Bratunac.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pourriez continuer,

 28   Monsieur le Témoin ? Vous êtes en état de continuer ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vais bien, mais

  2   vous n'arrivez pas à comprendre. Ce moment, aujourd'hui, le jour

  3   anniversaire de ce moment-là. Et j'ai des problèmes de santé. Ces

  4   questions-là, ce sont des questions - comment dirais-je ? - ce sont des

  5   moments-clés, et je ne sais pas, c'est crucial. Je ne sais pas comment je

  6   pourrais vous le décrire. Mais bon, je vais pouvoir me tenir. J'ai supporté

  7   des choses pires que ça.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ecoutez, si vous avez besoin qu'on fasse

  9   une pause, on peut faire une pause à tout moment.

 10   Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 12   M. KARADZIC : [interprétation]

 13   Q.  Est-ce que c'est à cause de ces souvenirs que vous avez des larmes, que

 14   vous pleurez, que vous êtes si perturbé ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Vous êtes resté pendant combien de temps à Pale --

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ce sera peut-être une bonne chose de

 18   faire une interruption.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas. Je n'y arrive pas.

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous ferons une pause de 45

 21   minutes. Nous reprendrons à 12 heures 55.

 22   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 09.

 23   --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous en prie, poursuivez, Monsieur

 25   Karadzic.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 27   M. KARADZIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur le Témoin, je vais essayer d'abréger sur ces sujets


Page 44749

  1   douloureux. A quel moment est-ce que vous avez été échangé, où est-ce que

  2   cela a eu lieu et où est-ce que vous êtes parti ?

  3   R.  Le 13 mai 1992, on m'a emmené de Pale à Cekrcici, c'est un village.

  4   C'est là qu'on allait nous échanger. Et de là, on est parti pour Visoko.

  5   Q.  Je vous remercie.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande l'affichage de 4115 [comme

  7   interprété]. Et je demande que l'on passe à huis clos partiel pour un

  8   instant, brièvement, s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 10   [Audience à huis clos partiel]

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 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

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 13  Pages 44750-44752 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7   [Audience publique]

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  9   M. KARADZIC : [interprétation]

 10   Q.  Pourriez-vous à présent brièvement nous décrire ce qu'il vous est

 11   arrivé avant votre retour à Srebrenica, où étiez-vous et comment êtes-vous

 12   au bout du compte retourné à Srebrenica ?

 13   R.  Depuis Visoko, là où j'ai passé ma convalescence, des commandants de la

 14   Défense territoriale m'ont proposé de rejoindre les unités de la Défense

 15   territoriale à Visoko. On nous a proposé ça, à moi et à d'autres personnes

 16   de Bratunac. Certaines personnes sont restées, mais une majorité d'entre

 17   nous a décidé d'aller à Tuzla. Avec l'aide de l'armée croate - on les

 18   appelait les forces HOS à ce moment-là - elle était venue de Kakanj, nous

 19   avons été échangés, mais ce n'est pas Sarajevo qui nous avait échangés,

 20   c'étaient les Croates qui nous ont échangés contre des Serbes. Et de Visoko

 21   puis Kakanj, nous sommes arrivés à Tuzla. Nous avons passé le mont Ozren et

 22   nous sommes arrivés à Banovici. De Banovici, on nous a envoyés et répartis

 23   dans plusieurs écoles. Par exemple, moi, mon père et plusieurs autres

 24   personnes sommes allés à l'école à Djurdjevik.

 25   Entre-temps, un camp de réfugiés a été établi à Djurdjevik. La 16e

 26   Brigade orientale musulmane était arrivée de Croatie sous le commandement

 27   de Nurif Rizvanovic. Elle est arrivée à l'hôtel à Zivinice. Et j'ai appris

 28   de la bouche d'autres gens du cru de Bratunac et d'autres personnes que je


Page 44754

  1   connaissais qu'ils étaient à l'hôtel Zlaca. Puis, moi, je suis allé de

  2   l'école à Djurdjevik jusqu'à Zlaca à pied avec un jeune garçon qui

  3   s'appelait Civis, et là j'ai fait rapport à la 16e Brigade orientale

  4   musulmane.

  5   Q.  Merci. Et qu'en est-il de cette brigade, où est-elle

  6    allée ? Quand êtes-vous arrivé chez vous ?

  7   R.  La première fois que j'ai été confronté à des armes et la première

  8   attaque qui a été menée a eu lieu dans le village de Stevici, près d'Ozren.

  9   Un relais a été détruit en 1992, il était tenu par les Serbes. Et cette

 10   première nuit, on nous avait dit que nous partirions nous entraîner pour

 11   nous habituer aux tirs et à d'autres activités. Nous avons passé une

 12   semaine là-bas.

 13   Et lorsque nous sommes revenus à l'hôtel à Zlaca, Nurif Rizvanovic a

 14   demandé à 20 d'entre nous de nous rendre à Tinja. Et dans ma déclaration,

 15   je l'ai dit - mais je vais vous le répéter - Tinja était aux mains de la

 16   JNA. Je ne portais pas d'uniforme de camouflage, mais l'uniforme régulier

 17   gris olivâtre de l'armée de l'ex-Yougoslavie, l'armée de Tito. Donc une

 18   opération a eu lieu là-bas. Nous avons repoussé les troupes. Nous avons

 19   détruit deux camions sur la route qui menait de Tinja à Srebrenik ou

 20   quelque chose du genre. Sur ce pont, nous avons détruit deux camions

 21   militaires. Nous avons également pris plusieurs prisonniers serbes. Deux

 22   Serbes ont été mis dans un autocar, et ces Serbes ont été roués de coups

 23   pendant toute la durée du trajet jusqu'à l'hôtel Zlaca.

 24   J'ai oublié de dire une chose. La 16e Brigade orientale musulmane

 25   était une unité dans laquelle on avait incorporé des personnes qui avaient

 26   survécu à l'enfer, par exemple, moi à Bratunac. Donc il s'agissait de

 27   membres spéciaux qui avaient été les hommes de Seselj et qui avaient fait

 28   partie des Aigles blancs et qui avaient tué des gens déjà auparavant. La


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  1   16e Brigade musulmane était sous le commandant de Taran. C'était le

  2   commandant à Bratunac. On nous a 

  3   dit : Si vous voulez être mieux traités dans l'unité, comme c'est le cas de

  4   cinq pelotons, chacun comptant environ 20 hommes, on les appelait les

  5   Kondors, vous pouvez rejoindre ces groupes-là, mais seulement après avoir

  6   suivi une instruction, et ce n'est qu'à ce moment-là que vous pourrez

  7   rejoindre l'un de ces pelotons. Vous deviez terminer une mission, notamment

  8   égorger un Serbe, pour pouvoir rejoindre ces unités. Voilà ce que vous

  9   devez faire avant d'intégrer l'unité.

 10   Q.  Merci. Est-ce que vous pourriez nous dire si nous parlons de deux

 11   formations paramilitaires ou si nous parlons des Aigles blancs qui, pour

 12   vous, étaient les hommes de Seselj ?

 13   R.  Alors, Monsieur le Président, à l'époque, à Bratunac, d'après les

 14   rumeurs, il s'agissait des Aigles blancs et c'étaient les hommes de Seselj.

 15   Je ne sais pas s'il y avait d'autres informations qui circulaient à ce

 16   propos. Je ne suis pas très au courant. Mais d'après les rumeurs, les

 17   hommes d'Arkan étaient là-bas aussi, ainsi que les Aigles blancs. Mais

 18   lorsque les gens ont été tués et roués de coups dans le gymnase à Bratunac,

 19   c'étaient les Aigles blancs qui y ont participé, c'est-à-dire les hommes de

 20   Seselj.

 21   Q.  Merci. Les deux camions que vous avez détruits avaient-ils des troupes

 22   à leur bord ? Y avait-il eu des pertes ?

 23   R.  Oui. Il y avait des troupes à l'arrière des camions, mais ces camions

 24   ont été frappés par des RPG, c'est-à-dire des grands lance-roquettes qui

 25   avaient été amenés de Croatie.

 26   Q.  Merci beaucoup. Qu'est-il arrivé ensuite ? Combien de gens ont proposé

 27   de rejoindre les Kondors et quelle était la taille de cette unité et dans

 28   quelle mesure était-elle indépendante ?


Page 44756

  1   R.  [aucune interprétation]

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Pack.

  3   Mme PACK : [interprétation] Je pense que nous glissons vers une question

  4   directrice. M. Karadzic devrait faire attention.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne sais pas.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Continuez.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Très bien.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Donc il y avait 200 hommes ?

 10   R.  Monsieur le Président, il y avait 200 hommes. C'étaient des Kondors,

 11   ils portaient des uniformes noirs. Et puis, dans la 16e Brigade musulmane,

 12   il y avait un groupe de plus de 200 hommes connus sous le nom de Sarenca

 13   [phon]. Ils portaient des uniformes de camouflage spéciaux, des bérets

 14   verts et des kalachnikovs.

 15   Q.  Merci. Quand êtes-vous arrivé là-bas et où exactement ?

 16   R.  On parle toujours du moment où nous sommes revenus de 

 17   Tinja ?

 18   Q.  Non. J'aimerais savoir quand vous êtes rentré chez vous ?

 19   R.  Moi, je me suis rendu à un endroit qui s'appelait Miljanovci, sur la

 20   route le long de Zvornik à Tuzla. Nous avons passé deux jours là-bas. On

 21   nous a dit que nous devions attaquer une colline qui s'appelait Vis, qui se

 22   trouve à gauche de Miljanovci en entrant depuis Zvornik. On nous a

 23   également dit que l'on nous aiderait, que des unités de Tuzla nous

 24   aideraient. On les appelait les Dragons de Bosnie. Ils allaient nous aider

 25   à l'aide de chars et de mortiers, et nous étions censés lancer une attaque

 26   d'infanterie pour prendre Vis. Lorsque nous avons attaqué Vis, on n'a pas

 27   été aidés, il n'y avait pas de chars, il n'y avait pas de mortiers, donc

 28   nous avons dû nous retirer. Pendant ce retrait, nous avons passé la nuit à


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  1   Miljanovci, et de là nous avons continué notre route vers Hajvazi. Nous

  2   étions censés attaquer Hajvazi, tuer la population serbe là-bas, la

  3   totalité de cette population, pour libérer le couloir qui allait entre

  4   Tuzla, Kalesija, Miljanovci et Hajvazi, pour libérer le passage Zvornik-

  5   Kamenica, tenu par les autres à ce moment-là.

  6   Q.  A Hajvazi, qu'est-il arrivé ?

  7   R.  A Hajvazi, la première nuit, un de nos soldats de la 16e Brigade

  8   musulmane a été tué. Il tenait un journal et il consignait qui avait tué

  9   qui, qui avait égorgé qui. Il a été tué cette nuit-là, pas par les Serbes,

 10   mais par quelqu'un d'autre, je ne sais pas qui. Ensuite, nous, nous avons

 11   continué notre route le matin. Nous avons commencé à nous déployer à l'aube

 12   et nous sommes allés vers (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé) entre 1998 et 1999 -

 21   d'après des informations disant que j'ai été tué.

 22   L'ACCUSÉ : [interprétation] Aux lignes 5 à 10, je demande une expurgation.

 23   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous avez réussi à prendre Hajvazi ?

 26   R.  Nous avons ramassé nos morts, et puis nous sommes retournés à un

 27   village près de Kalesija. Je ne sais plus comment il s'appelle. Nous les

 28   avons enterrés là-bas, et puis nous sommes retournés à Zvornicka. On tuait


Page 44758

  1   des gens là-bas, et nous, nous avons capturé des Serbes. Taran et son frère

  2   Kobra ont tué ces Serbes. J'ai dû les traîner dans les hautes herbes pour

  3   les enterrer. Je ne voulais pas creuser de trou, donc je les ai traînés là-

  4   bas, à 10 ou 15 mètres de distance. J'ai demandé à certaines personnes

  5   d'aller dans ce secteur pour les retrouver, mais je ne crois pas que qui

  6   que ce soit s'y soit rendu pour récupérer les corps, mais nous n'avions pas

  7   eu l'approbation de nous rendre là-bas.

  8   Q.  Combien de Serbes ont été tués ? Est-ce qu'ils ont été tués au combat

  9   ou est-ce qu'ils ont été arrêtés ?

 10   R.  Monsieur le Président, ils étaient sur une charrette. Il y en avait

 11   cinq ou six. L'un d'entre eux avait un fusil semi-automatique. Taran

 12   Osmanovic et son frère Kobra les ont arrêtés. Ils leur ont sauté dessus.

 13   Nous devions obéir aux règles, et ils ont tué ces cinq hommes. Un groupe de

 14   personnes est arrivé, il y avait des femmes dedans, et ils nous ont dit

 15   qu'ils venaient de Srebrenica, que c'étaient des Musulmans. Il y avait dans

 16   ce groupe des hommes, des femmes. Taran ou quelqu'un d'autre a demandé de

 17   les tuer, a dit qu'il ne fallait pas raconter ce qui allait se passer et ne

 18   pas raconter ce que l'on avait fait des cinq autres hommes. Donc nous avons

 19   fait cela, et là encore, j'ai dû traîner ces corps avec d'autres compagnons

 20   qui étaient avec moi. Nous avons dû traîner ces corps. Nous étions censés

 21   les enterrer dans des trous, mais je n'ai jamais voulu enterrer ces

 22   personnes-là. On m'a crié dessus, on m'a demandé pourquoi je ne voulais pas

 23   le faire. Mais je ne pouvais pas, je n'y arrivais pas. J'ai demandé même au

 24   Tribunal international de nous permettre de nous rendre à Hajvazi, à cet

 25   emplacement, et ce, pour savoir ce qui s'était passé là-bas, parce que la

 26   Fédération ne nous a jamais permis de nous rendre là-bas.

 27   Q.  Merci. Est-ce que c'étaient vraiment des Musulmans, ces civils ?

 28   R.  Monsieur le Président, ils disaient qu'ils venaient de Srebrenica et


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  1   qu'ils étaient Musulmans, mais tout ce qu'ils avaient sur eux, c'étaient

  2   des choses futiles. Il n'y avait pas de photographies, pas de passeports,

  3   pas de cartes d'identité, pas d'éléments de preuve, en fait. Ce n'est pas

  4   comme si une femme m'avait montré sa carte d'identité et m'avait dit : Je

  5   m'appelle Ajsa. Certains d'entre eux portaient des pantalons turcs et

  6   d'autres vêtements typiquement musulmans. Mais quoi qu'il en soit, Taran

  7   les aurait quand même tués pour qu'ils ne racontent pas ce qu'il était

  8   arrivé à ces cinq hommes qui ont été tués auparavant.

  9   Q.  Combien y avait-il de civils ?

 10   R.  C'était le premier groupe. Est-ce que vous parlez du premier groupe à

 11   Hajvazi ? Il y avait deux femmes et trois hommes.

 12   Q.  Quel était le véritable nom de ce Taran ?

 13   R.  Adil Osmanovic.

 14   Q.  Merci. Où s'est rendue votre unité après cela ?

 15   R.  Nous sommes retournés de là-bas à Miljanovci, et ensuite nous avons

 16   reçu des ordres de nous rendre à Neza -- à Nezuh, plutôt.  A Nezuh, nous

 17   avons passé quelques jours là-bas en attendant un guide, on le surnommait

 18   Ninja. Et après deux jours environ, il nous a emmenés à Konjevic Polje.

 19   Q.  Que s'est-il passé à Konjevic Polje ? Qui avez-vous rencontré là-bas ?

 20   Qui avez-vous rejoint là-bas, si c'est le cas ? Qui était le meneur à ce

 21   moment-là dans votre groupe, dans la 16e Brigade ?

 22   R.  Lorsque la 16e Brigade orientale musulmane est arrivée de Nezuk avec ce

 23   Ninja, cela ne faisait pas longtemps que nous étions là sous le nom de la

 24   16e Brigade orientale musulmane. Naser et Zulfo Tursun sont arrivés,

 25   accompagnés d'Amir, et ils ont organisé une réunion à Konjevic Polje dans

 26   l'école. Rizvanovic a pris une enveloppe jaune et l'a remise à Naser.

 27   Lorsque Naser a vu que la lettre disait que Rizvanovic était censé être le

 28   commandant jusqu'à Bijeljina, parce que c'était le commandant en chef du


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  1   secteur, Naser n'était pas d'accord, et Zulfo Tursun n'était pas d'accord

  2   non plus, donc ils avaient prévu une autre réunion qui aurait lieu à

  3   Srebrenica. Deux jours plus tard, un ordre est arrivé disant que nous

  4   devions nous rendre à Srebrenica pour cette réunion-là, et elle devait

  5   avoir lieu à l'hôtel Domavija. Ils ne sont pas arrivés à un accord. Il a

  6   été décidé que nous, la 16e Brigade orientale musulmane, sous le

  7   commandement de Nurif Rizvanovic, aurions comme secteur le secteur de

  8   Konjevic Polje et que le reste serait sous le contrôle de Naser. Et

  9   l'accord qui a été passé à la réunion était le suivant : il devait y avoir

 10   une entraide.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Monsieur, est-ce que vous

 12   comprenez l'anglais ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Très, très peu. Très, très peu.

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez remettre vos écouteurs,

 21   Monsieur.

 22   Monsieur Karadzic, la Chambre souhaitait savoir où est-ce que nous nous

 23   dirigeons. Il est un peu difficile de suivre ce témoignage. Pouvez-vous

 24   nous aider ?

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer, Excellences. Ce que je voulais

 26   montrer aux Juges de la Chambre, c'était l'ambiance au niveau des civils et

 27   des militaires pour ce qui est de Zvornik à Zepa, puis ensuite on va passer

 28   à 1993-1995, montrer un peu qui sont les gens qui commandaient là-bas, ce


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  1   qui se passait. On parcourra tout cela assez brièvement, qui tuait qui, et

  2   on va passer à la crise de 1993 et à la crise de 1995.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez continuer.

  4   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, juste un point. Il

  5   serait peut-être nécessaire d'expurger les lignes 11 à 12 de la page 70.

  6   C'est une question dont la Défense va s'occuper.

  7   M. ROBINSON : [interprétation] J'allais suggérer la même chose.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon, on en a pris bonne note.

  9   Veuillez continuer.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. J'aimerais aussi que l'on expurge

 11   l'information fournie par M. Robinson de même, l'information qu'il a

 12   communiquée au sujet de l'endroit où il a résidé à un moment donné.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Je voudrais passer court et passer outre un certain nombre de points,

 15   et on va passer au plus vite vers les événements de 1993. Alors, qu'est-il

 16   advenu de votre unité et qu'est-il advenu de Nurif Rizvanovic ?

 17   R.  Eh bien, très brièvement, ce qui s'est passé lorsqu'on est arrivé à

 18   Konjevic Polje après cette réunion ?

 19   Q.  Merci. Sans détails. Juste les événements. Il s'est passé ceci et cela.

 20   Et comment s'est terminé ce désaccord entre Naser Oric et Nurif Rizvanovic

 21   ?

 22   R.  Ceux avec qui on était venus avaient convenus que nous devions attaquer

 23   le village de Siljkovici. Et nous, 16e Brigade des Musulmans, on devait

 24   être aidés par Naser et Zulfo Tursun et les autres commandants qui se

 25   trouvaient là-bas. On a attaqué Siljkovici, mais eux ne nous ont pas aidés.

 26   Ce qui fait que dans une première tentative, nous avons perdu -- comment

 27   dirais-je ? On a perdu toute considération parmi la population. Naser nous

 28   a poignardés dans le dos, vous voyez : Qu'est-ce que c'est que ces soldats


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  1   ? Ils n'ont pas pu aller prendre Siljkovici, ils ne sont pas arrivés à

  2   Kravica. C'est la première fois qu'il nous a poignardés.

  3   Et puis, deuxième fois, quand on a convenu pour Srebrenica de faire en

  4   sorte que la 16e Brigade musulmane de Montagne prenne toute la population

  5   de Srebrenica, tous ceux qui étaient aptes au combat, et il n'y avait pas

  6   assez de vivres, alors il fallait les escorter jusqu'à Tuzla. Et on avait

  7   convenu de le faire. Le commandant Nurif et autres avaient convenu de nous

  8   aider. Et on avait arrêté l'arrivée à Konjevic Polje pour escorter cette

  9   population jusqu'à Tuzla. Nous avons accepté.

 10   Et quand la population s'est rassemblée, lorsque nous avons quitté Konjevic

 11   Polje, en passant par Cerska, et on est passé par Drinjaca, Redzici,

 12   Bajrici, et quand on est arrivé à Crni Vrh, on avait des Motorola, on avait

 13   un émetteur-récepteur qui nous appartenait à nous, la 16e Brigade de

 14   Montagne, et Naser nous a fait un deuxième coup. Il a dit aux Serbes qu'il

 15   envoyait 2- ou 3 000 Moudjahidines pour que nous nous emparerions de

 16   Zvornik. Et il est venu un avion qui a commencé à nous bombarder avec des

 17   espèces de tonneaux avec un produit incendiaire. Bon, ils pensaient que

 18   nous étions des Moudjahidines et que nous voulions attaquer Zvornik. Il y a

 19   eu beaucoup de morts là. Une partie de la colonne qui est passée par là, et

 20   il y avait le premier commandant de Konjevic Polje qui s'appelait Sabic

 21   Velid, et avec lui, une partie de la population est partie. Le reste --

 22   bon, on avait eu beaucoup de combats sur la route de Crni Vrh et Zvornicka

 23   Kamenica Donja [phon]. Et on s'est battus dans des conditions très

 24   difficiles, parce qu'on arrivait de Siljkovici, puis Crni Vrh, et on a

 25   réussi à s'en sortir. Mais nous avons perdu là aussi --

 26   Q.  Je vais vous interrompre. Parlez un peu plus lentement parce qu'on

 27   n'arrive pas à tout consigner. Pouvez-vous nous dire combien de pertes vous

 28   avez eues et qu'est-il advenu de ces corps ?


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  1   R.  Je vais vous dire, Monsieur Karadzic, on a eu des pertes dans notre

  2   unité et on les a enterrées à Zvornicka Kamenica. On a eu des pertes, mais

  3   je ne sais pas vous dire combien de morts on a eus. Mais il y en avait

  4   beaucoup. Il y avait aussi des civils qui ont été tués. Et ces gens-là sont

  5   restés éparpillés dans les forêts.

  6   Q.  Mais est-ce que quelqu'un les a enterrés, d'après ce que vous en savez

  7   ?

  8   R.  Je n'en sais rien. Pour la population, je ne sais pas. Mais il y avait

  9   beaucoup de gens. Et on est arrivés à Konjevic Polje alors. Par la suite,

 10   suite à la chute de Srebrenica, quelques jours plus tard, il y a eu une

 11   attaque d'Ilino Brdo et d'Urbice [phon] Cerska. Et nous, la 16e Brigade de

 12   Musulmans, nous avions convenu de nous défendre à Ilino Brdo, et on a été

 13   exposés à une attaque. Nurif Rizanovic portait un pull blanc et un pantalon

 14   de camouflage. Et des gens de Cerani [phon] commençaient à périr dans ces

 15   tranchées. Puis, on voyait, par exemple, un tireur embusqué tuer mon frère

 16   et ne pas pouvoir toucher Nurif Rizvanovic alors qu'il portait un pull

 17   blanc et que tout le monde voyait. Et donc, il y a eu de la propagande. On

 18   a dit que Nurif Rizvanovic avait trahi Cerska, il va vendre les autres, il

 19   n'a pas de combattants, les Chetniks ne veulent pas le tuer, ni lui, ni ses

 20   soldats.

 21   Et nous autres, on avait eu deux cousins germains et ils étaient de

 22   Bijeljina, on les appelait les gens du groupe diesel. Il y en a un qui a

 23   été tué. Si vous voulez, je vous donnerai les noms. Il y a des jeunes gens

 24   de Bratunac qui ont été tués. Et sept jours après avoir été attaqués à

 25   Ilino Brdo et lorsqu'on a résisté, après cette attaque, Zulfo Tursun et

 26   Naser Oric arrivent à Konjevic Polje. Naser Oric va à Cerska et l'autre

 27   reste avec ses gens. Ils l'arrêtent, ils disent que c'est un traite et ils

 28   ont dit que nous étions venus là pour abattre notre propre population parce


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  1   qu'on était payés pour.

  2   Q.  On parle trop vite ici. Alors, on l'a arrêté et il a été emmené à

  3   Srebrenica; c'est bien ça ?

  4   R.  Nurif Rizvanovic, lorsqu'il a été arrêté, il a passé quelque sept jours

  5   à Konjevic Polje, là où il y a l'entrepôt qui est actuellement une station

  6   d'essence. C'est un centre agricole maintenant. Et on a promis de le juger,

  7   de lui organiser un procès à Srebrenica. Et alors, Zulfo Tursun et deux

  8   autres, celui qui était chauffeur d'engin agricole si on passait par là,

  9   ils sont arrivés à Konjevic Polje et ils sont arrivés jusqu'à Sandici, et

 10   il a été liquidé à cet endroit. De nos jours encore, l'on ne sait pas où

 11   est-ce que ses restes se trouvent.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez brièvement nous dire ce qu'il est arrivé avec

 13   votre unité suite à la mort de Nurif Rizvanovic ?

 14   R.  Quelques jours après, on nous a proposé de rejoindre telle unité,

 15   d'aller à Srebrenica. Certaines personnes de la 16e Brigade musulmane sont

 16   parties à différentes destinations. Et moi, j'ai personnellement rejoint le

 17   Bataillon indépendant de Glogova.

 18   Q.  Merci. Combien de pertes avez-vous eues là-bas et qui est-ce qui a

 19   enterré ces gens ?

 20   R.  On parle de Cerani ici. C'étaient des gens de Cerska. Ils avaient un

 21   peloton d'ouvriers et ils avaient récupéré les morts et les blessés. Je ne

 22   sais pas vous dire où est-ce qu'on les a emportés.

 23   Q.  Et combien de pertes vous avez eues ?

 24   R.  Dans la 16e Musulmane, on a eu 15 à 20 morts.

 25   Q.  Merci. Pouvez-vous brièvement --

 26   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 28   Mme PACK : [interprétation] Monsieur le Président, ça fait un moment déjà


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  1   que cela dure. Et, véritablement, j'ai du mal à comprendre la pertinence de

  2   ce témoignage, en particulier la totalité du détail. J'ai du mal à

  3   comprendre la pertinence.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est la raison pour laquelle j'ai posé

  5   la question tout à l'heure. Et c'est la façon dont vous utilisez votre

  6   temps qu'il vous appartient de déterminer, mais il n'est point approprié de

  7   parler d'autant de détails, bien que le contexte puisse avoir de la

  8   pertinence dans ce procès.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Excellences. Ce témoin a attendu dix ans

 10   pour raconter la vérité à quelqu'un. J'ai du mal et des regrets à lui

 11   demander d'écourter. Mais je vais lui demander maintenant de nous expliquer

 12   --

 13   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ça, c'est un commentaire inapproprié,

 14   mais continuez.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je voulais qu'il nous dise ce qu'il a dit

 16   lorsqu'il a prêté serment.

 17   M. KARADZIC : [interprétation]

 18   Q.  Alors, que tenait votre bataillon entre-temps et pourquoi avez-vous

 19   cessé de tenir vos postes pour aller ailleurs et où ailleurs ?

 20   R.  A l'époque, on était déployés à Konjevic Polje suivant les lignes. Je

 21   suis passé au Bataillon indépendant de Glogova et je tenais une ligne au

 22   village de Burnice, et la colline s'appelait Previla. Et on a reçu des

 23   ordres d'Ejub Golic, de Srebrenica, qui disait de se rassembler, tous ceux

 24   qui faisaient partie du Bataillon indépendant de Glogova, et d'aller

 25   attaquer Glogova pour récupérer cet endroit.

 26   Q.  Merci. Est-ce que vous l'avez récupéré; et si oui, jusqu'à quand

 27   l'avez-vous défendu ?

 28   R.  Oui, on a récupéré Glogova. On l'a gardé jusqu'à 1993, jusqu'à la


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  1   moitié du mois d'avril à peu près.

  2   Q.  Merci. Ça va mieux quand vous abrégez. Alors, où est-ce que vous êtes

  3   passé et pourquoi, par la suite ?

  4   R.  Je suis passé à Srebrenica. Naser est venu cinq ou six fois à Glogova.

  5   Nous ne voulions pas quitter Glogova, parce que nous avions 150 morts là, à

  6   Glogova, et nous ne voulions pas quitter Glogova. Naser est venu cinq ou

  7   six fois pour nous demander de quitter Glogova, et il a dit qu'il y aurait

  8   de l'aide humanitaire qui serait fournie et que l'on aurait des privilèges

  9   à Srebrenica. Et il est vrai que, de nos jours encore, on affirme que les

 10   gens de Glogova étaient les meilleurs des combattants.

 11   Q.  Merci. Et où vous trouviez-vous à l'occasion de la contre-offensive

 12   serbe sur Srebrenica et est-ce que vous vous trouviez à Srebrenica lorsque

 13   le général Morillon y était en visite ? Est-ce que vous avez pu suivre de

 14   près sa visite ?

 15   R.  En 1993, lorsque l'offensive serbe a été lancée sur Srebrenica, de

 16   Kragljivode jusqu'à la colline Tablje [phon], je suis passé par là, et

 17   jusqu'au moment où on nous a fait savoir que la FORPRONU allait venir.

 18   Lorsque la FORPRONU est venue, je suis descendu dans Srebrenica. Nous

 19   étions dans un commandement, nous étions en face du tribunal, nous qui

 20   étions originaires de Glogova. Et j'étais près de Naser Oric lorsque

 21   Morillon est arrivé et lorsqu'il a tenu un discours.

 22   Q.  Est-ce qu'on vous voit sur l'enregistrement où Morillon tient son

 23   discours ?

 24   R.  Oui. J'ai suivi un procès où l'on a montré ici à La Haye Morillon

 25   lorsqu'il se trouvait à Srebrenica. Je ne sais plus quel procès c'était. Et

 26   quand j'étais à la prison, j'ai vu un enregistrement vidéo qui a été montré

 27   -- je ne sais plus dans quel procès, ici aussi. Ce qui fait que depuis

 28   lors, j'ai écrit au Tribunal pénal international de La Haye que j'étais


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  1   vivant, que je n'étais pas mort, et que c'était moi qui me trouvais sur la

  2   vidéo.

  3   Q.  Merci. J'espère que le bureau du Procureur nous fournira cette lettre

  4   envoyée par vous.

  5   Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous trouver à proximité de Naser

  6   Oric lorsque vous êtes passé à Srebrenica ?

  7   R.  Oui. A plusieurs reprises, oui. Et je me suis même entretenu avec lui à

  8   deux reprises.

  9   Q.  Merci.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais qu'on montre au témoin, sans

 11   diffuser vers l'extérieur, le 1D9584, s'il vous plaît. Et je voudrais vous

 12   demander de permettre au témoin de se servir d'un stylet électronique.

 13   Alors, ce n'est pas rediffusé.

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Est-ce que vous pouvez marquer d'une flèche l'emplacement de votre

 16   personne et nous indiquer Oric.

 17   R.  Oric. Alors, vous prenez la photo de tout à l'heure, rasez cet homme et

 18   comparez les photos.

 19   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez mettre un numéro 1 au niveau d'Oric et un

 20   numéro 2 au niveau de votre tête. Et dites-nous où ça se trouve.

 21   R.  [Le témoin s'exécute]. Naser Oric, et moi, numéro 2.

 22   Ça, c'est quand on est entrés au centre de Kravica. Et le grand

 23   bâtiment que l'on voit à gauche, c'était un magasin, un commerce. Avant la

 24   guerre, je veux dire. Ça, c'est le centre de Kravica, mais ça n'existe

 25   plus. On a construit un monument à cet endroit-là.

 26   Q.  Quelle date était-ce, ceci ?

 27   R.  Tout ceci, ça se passe le 7 janvier 1993. C'était après midi.

 28   Q.  Merci. J'aimerais qu'en bas de la page, vous mettiez un KW12 et la


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  1   date.

  2   R.  [Le témoin s'exécute]

  3   Q.  W, oui. Voilà, c'est bon.

  4   R.  Vous voulez la date d'aujourd'hui ?

  5   Q.  Oui. Je crois qu'on est le 9, si je ne me trompe pas.

  6   R.  [Le témoin s'exécute]

  7   Q.  Merci.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que ce soit versé au dossier sous

  9   pli scellé.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

 11   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D4181, sous pli

 12   scellé, Messieurs les Juges.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 14   Je voudrais maintenant qu'on nous montre le 1D9585.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux dire quelque chose encore

 16   au sujet de cette photo ? Parce qu'ici, il y a un homme que je connais.

 17   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut remettre la photo, avec

 18   l'autorisation des Juges de la Chambre, pour l'explication que le témoin a

 19   souhaité ajouter. Sans diffuser vers l'extérieur une fois de plus, bien

 20   entendu.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais dire : cet homme-ci -- oui,

 22   est-ce qu'on peut faire marcher ce stylet.

 23   L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, le stylet n'est pas mis en marche.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai besoin de cet homme pour une fosse

 25   commune à Kragljivode.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Il saurait où se trouve cette fosse à Kragljivode ?

 28   R.  Oui, vous trouverez cela dans la déclaration lorsqu'on l'aura,


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  1   aujourd'hui ou demain, c'est quand il y a eu cette attaque de Kragljivode,

  2   et on a enterré là des Serbes et des Russes. Et cette fosse n'a pas encore

  3   été retrouvée.

  4   Q.  On l'a déplacée ?

  5   R.  On a été sur le terrain et ça a disparu. Il y avait là une fosse à côté

  6   d'une fosse. Cet homme, c'est lui qui était l'homme numéro un pour les

  7   fosses communes. C'est lui qui est l'homme numéro un, et j'ai eu des

  8   problèmes avec lui lorsque je suis venu dans ma ville, dans ma ville

  9   natale, en 2010.

 10   Q.  Merci.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut avoir un huis clos partiel

 12   pour entendre le nom de cet individu.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas son nom. Je sais seulement

 14   qu'il est originaire de Goljavci [phon].

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Alors, tant pis.

 16   Est-ce qu'on peut ajouter ceci à la photo de tout à l'heure.

 17   Je voulais maintenant que vous nous affichiez le 1D9585, s'il vous

 18   plaît. Sans diffusion, une fois de plus.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce qu'on vous voit sur cette photo ? On voit Naser. Est-ce

 21   que vous pouvez mettre un cercle autour de votre tête.

 22   R.  A vrai dire, j'ai du mal à reconnaître tellement la photo n'est pas

 23   claire.

 24   Q.  Vous ne pouvez pas vous reconnaître ?

 25   R.  Je ne me reconnais pas, parce que là c'est flou, le visage est flou.

 26   Q.  Bon, tant pis. On pourra se servir de l'autre. Mais merci.

 27   Alors, je voudrais maintenant vous demander de nous indiquer brièvement

 28   combien d'opérations ont été lancées par Naser contre des villages serbes


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  1   entre la proclamation de la zone protégée et l'année 1995, juillet 1995 ?

  2   R.  Il y a eu des opérations en 1994 quand on est allés aider Gorazde. On a

  3   ramassé des soldats à Srebrenica et on est allés attaquer là-bas des Serbes

  4   de dos. Et comment expliquer aux Juges et à vous autres ? Il y avait eu une

  5   zone démilitarisée, et personne ne nous tirait dessus, personne nous

  6   attaquait. Alors ça a été décidé, on est allés là-haut, et là aussi, j'ai

  7   un témoin qui se trouve actuellement au KP DOM -- à la maison de

  8   redressement de Foca. Et on avait fait connaissance là-bas à l'occasion de

  9   cette opération.

 10   Q.  Je crois que vous aviez dit "démilitarisation", non pas

 11   "démobilisation" ?

 12   R.  Oui, c'est ce qui avait marqué sur les panneaux d'indication, on a

 13   parlé de zones démilitarisées.

 14   Q.  Merci. Est-ce que dans les autres villages il y avait des sorties vers

 15   des villages serbes depuis la zone protégée ?

 16   R.  Il y a eu cette opération-là puis il y a été question de plastiquer une

 17   centrale électrique. Il fallait remplir d'explosifs un camion-citerne, et à

 18   Zvornicka Kamenica on a organisé une embuscade, on a tué des policiers et

 19   des soldats à cet endroit-là.

 20   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez maintenant nous dire quel a été le

 21   cheminement de votre unité et de vous-même depuis le 11 juillet au soir,

 22   puis une première nuit, un première journée, une deuxième nuit, une

 23   deuxième journée, quand avez-vous commencé à vous retirer ? Est-ce que vous

 24   avez commencé à vous replier en tant qu'unité ? Est-ce que vous pouvez nous

 25   dire comment ça s'est passé, qui l'a décidé et par où vous êtes allés ?

 26   R.  Je vais vous le dire brièvement, le 10 juillet 1995, sous le

 27   commandement d'Ejub Golic, qui a été tué, qui est décédé donc, et en

 28   compagnie de Zulfo Tursun, il y a eu une dispute au sujet de l'argent.


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  1   L'argent n'est pas arrivé à temps, ça ne nous a pas été distribué, au

  2   bataillon de montagne. Et nous avons quitté les lignes de front. On est

  3   allés vers Srebrenica. On est arrivés à notre commandement de Srebrenica.

  4   On a mis le feu à nos papiers d'identité et on est allés jusqu'à la base de

  5   la FORPRONU. Le gardien qui se trouvait là-bas, il y avait une guérite

  6   assez grande, qui faisait quelque trois mètres de haut, il y avait un

  7   gardien et il y en avait un autre portail, ils nous ont pas laissés entrer.

  8   Et un Hollandais a été tué et l'autre a été blessé. Donc, nous sommes

  9   entrés. Nous avons récupéré nos armes qui nous ont été confisquées en 1993,

 10   lorsque la FORPRONU est arrivée, lorsqu'il y a eu d'abord les Canadiens et

 11   puis ensuite il y a eu les Hollandais. On a récupéré nos armes. On les a

 12   posées sur un camion et on est arrivés à bord d'un camion sur l'hauteur

 13   d'un village qui va du cimetière de Kazani jusqu'au village de Fojari. Je

 14   ne sais pas trop comment ça s'appelle, tous ces villages dans le secteur.

 15   On a transporté ces armes vers Cumavici, et c'est là qu'on était censés

 16   s'aligner. Tous les nôtres dans l'unité qui n'avaient pas de fusil ont reçu

 17   des fusils. Et la population qui se trouvait là-bas, qui voulait aller en

 18   compagnie du bataillon de Glogova, est partie de là. On est descendus vers

 19   Lehovici. De Lehovici, on est arrivés à Susnjari, et de Susnjari à Buljim.

 20   Q.  Merci. Est-ce qu'il y a eu un alignement de troupes là-bas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Bien. Est-ce que vous savez nous dire qui est-ce qui a décidé de faire

 23   en sorte que toute la 28e Division se dirige vers Tuzla ?

 24   R.  Cette nuit-là --

 25   Mme PACK : [interprétation] Je ne pense pas qu'il y ait eu des éléments de

 26   preuve à cet effet de présentés. Et la question est tout à fait directrice.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais reformuler.

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Comment se fait-il que toute la 28e Division quitte Srebrenica, parte

  2   de Srebrenica ?

  3   R.  Nous, le bataillon autonome de Glogova, sous le commandement d'Ejub

  4   Golic, on a quitté la ligne de front. Entre Zeleni Jadar, le mont Tabla et

  5   jusqu'à une colline dont je ne connais pas le nom, on était payés pour

  6   défendre cela. Il y avait de l'argent qui arrivait de Sarajevo. A bord de

  7   l'hélicoptère qui est tombé, il y avait 100 marks pour chacun des

  8   combattants à être distribués. Ça a été pris par un imam, cet argent, et

  9   ils sont allés en Serbie. On les a capturés. Nous n'avons pas reçu cet

 10   argent et nous avons quitté la ligne. Personne ne voulait défendre

 11   Srebrenica pour rien, alors que d'autres s'enrichissaient sur notre dos.

 12   Q.  Merci. Est-ce que vous savez nous dire pour les autres ? Est-ce que

 13   toutes les brigades de la 28e Division ont essayé une percée ?

 14   R.  Lorsquenous avons quitté la ligne et lorsque nous sommes descendus de

 15   ce mont Tabla en direction de Srebrenica, la population des maisons

 16   environnantes nous a suivis en direction de Srebrenica. Et là-bas, toute la

 17   population, Potocari, FORPRONU en passant par Susnjari à Buljim, ce qui

 18   fait que nous nous sommes tous rassemblés à Susnjari, avec le commandement,

 19   c'est là qu'il y a eu le poste de rassemblement. Et la population est allée

 20   vers Buljim et Tuzla, parce qu'on a dit à tous d'aller vers Tuzla.

 21   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous avez passé la

 22   première nuit. Est-ce que vous pouvez brièvement nous dire dans le détail

 23   ce qui s'est passé lorsque vous avez commencé à opérer cette percée ?

 24   R.  La première nuit lorsqu'on s'est dirigés là-bas, à côté de moi il y

 25   avait Ejub Golic, on l'appelait, il y avait un autre gars qu'on appelait

 26   Rambo, et il y avait un cousin à Ejub Golic, et un certain Kezo, qui était

 27   commandant de la 2e Compagnie du 2e Bataillon. Et nous étions les derniers à

 28   nous diriger de Buljim vers Tuzla. La colonne était déjà passée devant


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  1   nous. Lorsque nous sommes descendus dans un ruisseau, depuis Buljim,

  2   lorsque nous sommes descendus, nous avons descendus la pente, c'est un

  3   chêne qui était tombé sur la route, pas un bouleau, un chêne, ce chêne

  4   avait des traces au couteau ou à la hache, et on avait mis autour -- vous

  5   savez, ce cordon, le cordon qu'on met autour pour brûler. On a brûlé le

  6   tronc avec ça, et le tronc d'arbre est tombé devant nous à 5 mètres.

  7   Lorsque c'est tombé, les Serbes nous ont tirés dessus depuis Sandici. Et

  8   ils avaient des Praga, des blindés de transport. Et à gauche, en allant de

  9   Srebrenica, on a eu des combats à livrer tout de suite et on est montés en

 10   direction d'une colline. Il y avait une colline à droite, et il y avait en

 11   contrebas Kravica et Sandici, et à gauche une autre colline. On a monté

 12   cette colline-là. Vous pouvez voir depuis là le mont Rogac. Nous avons tenu

 13   cette colline cette nuit-là parce que l'armée serbe était en contrebas. Il

 14   y a un pré, une route. Et lorsqu'ils ont vu qu'on était montés et que nous

 15   pouvions les surplomber, ils ne pouvaient pas monter et se battre contre

 16   nous parce qu'il y avait une clairière. On a pu voir donc -- enfin, je ne

 17   peux pas donner de chiffres, mais je crois qu'il doit y avoir eu une

 18   centaine de cadavres entre Buljim et les parties en contrebas. Qu'est-ce

 19   que je veux dire par là aux Juges, là, à Buljim, il n'y avait pas tant de

 20   victimes qu'à Burnice, à l'entrée même de Burnice, le village de Burnice.

 21   Q.  C'était la même nuit --

 22   R.  Non, c'était le lendemain.

 23   Q.  Aidez-nous encore un peu. Cette centaine de cadavres que vous avez vus,

 24   est-ce que vous les avez enterrés ou est-ce que vous les avez emportés ou

 25   vous les avez laissés ?

 26   R.  Personne n'y a touché. Il y avait des sacs à dos, il y avait des

 27   fusils, des munitions, il y avait des marks. Il y en avait même qui -- j'ai

 28   ouï dire à quelqu'un j'avais trouvé 100 000 deutsche marks et je m'en suis


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  1   servi pour faire du papier cigarette.

  2   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter ce que

  3   vous avez dit suite à ce montant de 100 000 deutsche marks, que vous avez

  4   évoqués tout à l'heure ? Et veuillez ralentir, je vous prie.

  5   M. KARADZIC : [interprétation]

  6   Q.  Qu'avez-vous fait de ces 100 00 marks allemands ?

  7   R.  Eh bien, ils sont partis en fumée. Je les ai fumés sous forme de tabac.

  8   Q.  En fait, ce n'est pas eux que vous avez brûlés, mais vous avez utilisé

  9   ces billets de banque comme du papier cigarette, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, oui, oui. C'était mon papier à cigarette.

 11   Q.  Et pendant la journée du 11, est-ce qu'il y avait eu des combats ?

 12   R.  Monsieur le Président, nous n'avons eu aucun combat jusqu'à ce que nous

 13   arrivions à la route vers Konjevic Polje.

 14   Q.  Et donc, la mission --

 15   R.  Et il y a une embuscade à l'entrée de Burnice.

 16   Q.  Vous avez rencontré une embuscade ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Décrivez aux Juges ce qui s'est passé.

 19   R.  Oui. Lorsque ces gens ont été tués, nous sommes passés par là, nous

 20   sommes passés là où il y avait les cadavres. Il y avait là deux montagnes,

 21   deux monts, et il y avait un bâtiment qui avait été construit là. Une femme

 22   avait été tuée, un homme également, qui avaient une ferme avicole. Il y a

 23   eu de nombreuses personnes tuées. Là, il y avait une embuscade également.

 24   Q.  Qui avait tiré ?

 25    R.  Eh bien, la deuxième nuit, lorsque nous sommes arrivés à Kaldrmica et

 26   au village, quand nous sommes arrivés près de la fosse, la brigade de Zulfo

 27   Tursun s'est déployée pour passer par la gauche. Nous, nous étions censés

 28   aller tout droit. Et les autres empruntaient un autre chemin. Donc, les uns


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  1   allaient vers Nova Kasaba, Zulfo Tursun. Nous, de Glogova, nous allions sur

  2   le chemin de Kaldrmica- Konjevic Polje, passant par Milici. Et le troisième

  3   groupe devait partir du café Taran, jusqu'au pont, et attaquer là. On nous

  4   avait informés que les Serbes étaient postés en embuscade sous le pont et

  5   qu'ils nous attendaient.

  6   Q.  Combien y a-t-il eu de victimes cette deuxième nuit ? Est-ce que vous

  7   les avez emportées avec vous ou les avez-vous enterrées ?

  8   R.  Il y a eu des victimes sur le pont, à Kaldrmica, sur la route, mais

  9   c'étaient des hommes qui tiraient du café Taran et de Konjevic Polje, qui

 10   tiraient des hauteurs de ce mont au-dessus de Kasaba et dont j'ai oublié le

 11   nom, il y a une montagne juste au-dessus. Mais il n'y avait pas beaucoup de

 12   corps là-bas lorsque nous sommes passés, lorsque nous avons fait une

 13   percée, parce que moi j'allais vers le mont Tumac. Et ça, c'est du côté

 14   droit.

 15   Q.  Merci. Alors, à côté des cadavres de qui êtes-vous passé et quand ces

 16   personnes ont-elles été tuées par rapport à ce que vous nous avez expliqué

 17   ?

 18   R.  C'étaient des cadavres de Musulmans sur ce pont -- excusez-moi, juste

 19   un instant. Les cadavres à Burnice, dans l'embuscade, c'étaient des

 20   cadavres de Musulmans que nous avons dû enjamber.

 21   Q.  Combien y en avait-il ?

 22   R.  Je ne peux pas vous donner le chiffre exact mais, ma foi, il y en avait

 23   beaucoup. Il y en avait beaucoup. Moi, tout ce que je peux vous dire, à

 24   partir de mon départ de Srebrenica et de Buljim, puis la percée des lignes

 25   et l'arrivée à Crni Vrh, l'arrivée près de Nezuk, puis le retour, je peux

 26   simplement vous confirmer que j'ai vu entre 1 500 -- 1 700 et 2 000

 27   cadavres, à peu près.

 28   Q.  Merci. Où avez-vous passé, dans ce cas, la troisième nuit ?


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  1   R.  Donc, quand je suis parti pour Udrc, nous y sommes arrivés, puis nous y

  2   sommes revenus, en fait, sur le chemin du retour, nous ne pouvions pas

  3   passer. Donc, on est repartis, et c'était vers le 13 au matin. Moi je me

  4   suis caché dans une tombe en béton, et lorsque moi j'en suis sorti le

  5   matin, il y avait un soldat serbe qui a tout simplement jeté à terre son

  6   fusil de peur, en me voyant sortir, tellement il avait peur. Il y a en un

  7   autre qui m'a mis en joue, et qu'est-ce que je peux vous dire ? Là,

  8   personne ne m'a battu. Nous sommes partis. Je suis allé à Kravica. Ils

  9   étaient 24 à marcher devant moi, moi j'étais le 25e --

 10   Q.  Nous allons y venir. Mais dites-nous simplement s'il y a eu des pertes

 11   à cause de tirs croisés amis, des tirs qui venaient des Musulmans, lorsque

 12   vous vous êtes séparés ?

 13   R.  Eh bien, il y a eu des meurtres, Monsieur Karadzic, et vous tous dans

 14   la salle d'audience, vous le savez, il y avait plusieurs groupes, trois,

 15   quatre, cinq, des gens qui étaient plus lents, et il y a des gens qui se

 16   sont fait tuer sur place parce qu'ils n'avaient pas leur livret militaire,

 17   parce qu'ils n'avaient aucun document sur eux. Des choses comme ça se

 18   produisaient.

 19   Q.  Pourquoi ?

 20   R.  Eh bien, on n'avait plus confiance en personne, on ne croyait plus

 21   personne au monde, ni même à son propre peuple. A soi-même, on ne faisait

 22   plus confiance.

 23   Q.  Est-ce qu'il y a eu des tirs pendant la nuit et des gens ont-ils été

 24   tués ?

 25   R.  Oui, tous les soirs, chaque soir -- mais il suffisait que quelqu'un

 26   commence à crier : des Chetniks, des Chetniks, et puis on se mettait à

 27   tirer.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, sur toutes ces


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  1   questions directrices, nous serons amenés à réduire la valeur probante à

  2   attribuer aux réponses du témoin.

  3   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  4   M. KARADZIC : [interprétation]

  5   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir quelqu'un en train de se

  6   rendre, et à qui ? Et à quel endroit ?

  7   R.  Devant l'entrée de Sandici, certains avaient été faits prisonniers. Le

  8   frère Huso, de ce Rizvanovic qui avait été tué, était arrivé en chemise

  9   blanche, il en appelait à la population pour qu'elle se rende. Il disait

 10   que personne ne subirait quoi que ce soit, qu'on ne leur ferait rien s'ils

 11   se rendaient. Mais je ne sais pas où étaient ces gens et qui l'a tué.

 12   Q.  Est-ce que vous les avez vus après la reddition ?

 13   R.  Eh bien, je suis passé par les villages, notamment à Kamenica, après

 14   cela, et personne ne savait qu'il y avait aussi Pobudjka Kamenica. On ne

 15   parlait que de Zvornicka Kamenica. Pour aller jusque-là, il fallait à pied

 16   marcher pendant au moins 10 à 12 kilomètres, et on pouvait voir

 17   l'emplacement sur la montagne à Sandici où les gens se sont rendus.

 18   Q.  Lorsque vous avez vu les gens qui étaient à Sandici, combien y en

 19   avait-il, d'après vous ?

 20   R.  D'après moi, à Sandici, je ne peux pas vous le dire, mais peut-être

 21   qu'il y avait quelque chose comme 300 ou 250 personnes.

 22   Q.  Quand on vous a fait passer près de Sandici, vous étiez déjà

 23   prisonnier, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, une précision. Il y a

 26   quelques minutes, vous avez dit que, par exemple, si qui que ce soit dans

 27   le groupe n'avait pas son livret militaire, il se faisait tuer sur place

 28   s'il n'avait donc pas son livret militaire, ses papiers d'identité. Est-ce


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  1   que vous vous rappelez avoir dit cela ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je m'en souviens et je le maintiens.

  3   Parce que, Monsieur le Juge, si moi je ne vous connais pas et je vous

  4   demande de vous arrêter, je vous dis de vous arrêter et puis je vous

  5   demande d'où vous venez, et vous répondez en donnant un nom de Musulman.

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'avant cela vous n'avez pas dit

  7   que vous aviez tous emporté vos documents d'identité ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Au sein du Bataillon indépendant de montagne,

  9   nous avons brûlé tous nos documents pour que si jamais les Serbes arrivent,

 10   ils ne puissent pas retrouver nos noms et prénoms, ni savoir combien il y

 11   avait de combattants, parce que nous ne savions pas combien de combattants

 12   il y avait. Nous ne les connaissions pas. Nous connaissions tous nos noms,

 13   qui avaient déjà été envoyés à Tuzla. Donc, nous avons brûlé au

 14   commandement, ainsi que les ordres. Nous ne voulions rien laisser pour les

 15   Serbes, pour Ratko Mladic. Nous ne voulions pas qu'ils sachent ce que nous

 16   avions fait. Si vous étiez membre d'une unité, vous devriez avoir votre

 17   livret militaire. C'était un livret de couleur bleue, avec votre nom, votre

 18   photographie, et avec le lys blanc sur la couverture. Et si vous n'aviez

 19   pas ça, moi je vous tuais, si je ne le voyais pas. Je me suis retrouvé dans

 20   une position quasiment d'esclave parce que -- et maintenant, j'en sais plus

 21   que je n'étais censé savoir.

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, vous devez faire des

 23   pauses.

 24   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. C'est plutôt au témoin qu'on fait ce genre

 25   de rappel.

 26   M. KARADZIC : [interprétation]

 27   Q.  Donc vous n'avez pas brûlé vos documents d'identité militaire ?

 28   R.  Non, nous n'avons pas brûlé nos livrets militaires. Nous avons brûlé


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  1   les ordres et les autres documents. Par exemple, il y avait un document

  2   disant que Husic Huso était allé quelque part et s'était fait tuer. Il y

  3   avait également des cartes où on expliquait dans quelle direction il

  4   fallait aller, ce qu'il fallait attaquer, ce qu'il fallait prendre, et

  5   cetera. C'est ça que nous avons brûlé. Mais les livrets militaires, ça,

  6   chaque soldat avait le sien.

  7   Q.  Merci. Et qu'est-ce qu'on supposait si quelqu'un était sans document

  8   d'identité ? Pourquoi fallait-il le tuer ?

  9   R.  Eh bien, voilà, Monsieur le Président. Vous aussi bien que l'ensemble

 10   du Tribunal --

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Est-ce que vous pourriez

 12   répéter votre réponse ? Recommencez du début.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour les documents qui ont été brûlés ?

 14   M. KARADZIC : [interprétation]

 15   Q.  Non, non, non. Pourquoi ils s'exposaient à être tués ou sur quelle base

 16   ils se faisaient tuer ? On supposait qu'ils étaient qui ?

 17   R.  Eh bien, vous supposiez immédiatement -- voilà, par exemple, moi, j'ai

 18   eu plusieurs cas, y compris des cas dans lesquels j'ai dû agir. Par

 19   exemple, le premier s'il ne connaissait pas ses prières, tu le tuais. S'il

 20   n'était pas circoncis, tu le tuais. Puis après, on découvrait qu'il était

 21   quand même un Musulman.

 22   Q.  Vous voulez dire qu'il n'était pas circoncis; c'est ça ?

 23   R.  Oui. Et dans ces occasions, tu ne peux pas de présenter en disant je

 24   suis Huso Husic d'Osmace. Il faut un document qui prouve ça. D'autres qui

 25   disaient qu'ils étaient de Srebrenica, et cetera. Non, on ne tenait plus du

 26   tout compte de tout ça.

 27   Q.  Merci. En ligne 13, vous avez donné les noms de prières musulmanes et

 28   ici, on a traduit comme si il s'agissait d'un "code" qu'il ne connaîtrait


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  1   pas. Qu'est-ce que la Bismillah, si vous pouvez nous expliquer ça pour les

  2   interprètes et les Juges ?

  3   R.  C'est une "sura" -- comment dire ? La Bismillah, c'est une "sura" que

  4   chaque enfant musulman sait par cœur déjà peut-être dans sa troisième ou

  5   quatrième année.

  6   Q.  Merci. Et lorsqu'on vous a fait venir, 25 d'entre vous, à Kravica, est-

  7   ce que vous pourriez nous dire aussi brièvement mais aussi précisément que

  8   possible ce qui s'est passé ?

  9   R.  Lorsque nous sommes entrés à Kravica, j'ai vu du côté gauche -- en

 10   fait, il y avait deux entrées. Du côté gauche, il y avait des gens assis.

 11   Et nous sommes partis du côté droit de l'entrée. A ce moment-là, un homme

 12   de Kravica qui me connaissait et qui connaissait ma mère, qui travaillait

 13   là, m'a demandé --

 14   Q.  Ne dites pas son nom.

 15   R.  Non, non, je ne le dirai pas.

 16   Mme PACK : [interprétation] Objection.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Et il m'a emmené dans un bureau.

 18   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 19   Mme PACK : [interprétation] Je ne peux tout simplement pas me lever assez

 20   rapidement et je pense également à l'interprétation. Il y a eu une question

 21   directrice, parce qu'on parle de "25 personnes emmenées à Kravica," mais il

 22   n'y a rien au sujet de ces 25 personnes, par ailleurs. Donc je répète

 23   simplement que ces questions sont directrices au sujet de Kravica pendant

 24   toute la partie la plus récente de la déposition.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'où viennent ces 25 personnes ?

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, si ça n'a pas été consigné, c'est un

 27   autre problème. Le témoin parle assez vite et moi aussi. Le témoin a dit

 28   que "Ils étaient 24 devant moi, et moi, j'étais le 25e," et qu'à pied, ils


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  1   sont arrivés en dix à 15 minutes à Kravica. C'est ce qui a été dit.

  2   M. ROBINSON : [interprétation] C'est en page 86, lignes 20 à 21.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître.

  4   Je vous demande de faire des pauses. Il est pratiquement impossible de vous

  5   suivre à une telle vitesse pour les interprètes.

  6   Veuillez poursuivre.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Alors, vous dites qu'un ami vous a reconnu. Essayez de nous expliquer

 10   avec précision chacun des événements, l'un après l'autre, depuis votre

 11   arrivée.

 12   R.  Il m'a dit d'aller dans une pièce. Quand j'ai ouvert cette pièce et que

 13   je suis entré, c'était une petite pièce. Et il y avait une autre pièce, une

 14   seconde, de petite taille. Et là, j'ai seulement entendu de brèves rafales.

 15   Et moi, dans l'instant, immédiatement, j'ai sauté par la fenêtre et j'ai

 16   disparu. Je me suis enfui.

 17   Q.  D'après vous, combien de personnes ont été tuées ? Et dans la pièce de

 18   gauche, combien y en avait-il qui étaient arrivées avant vous ?

 19   R.  Au minimum, d'après moi, dans la première pièces, il y avait environ 80

 20   personnes quand j'y suis arrivé. Parce qu'on ne pouvait pas faire entrer

 21   100 ni 200 personnes dans cette pièce. Mais oui, c'était deux petites

 22   pièces avec une cloison entre les deux.

 23   Est-ce qu'on peut me donner un peu d'eau ?

 24   Q.  Excusez-moi.

 25   En dehors de ce que vous avez entendu, est-ce que vous avez pu voir quoi

 26   que ce soit ?

 27   R.  Non, je n'ai rien pu voir. Si quelqu'un a été tué de mon groupe, je

 28   n'ai rien pu voir. Je sais simplement qu'il y a eu une vidéo que j'ai


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  1   regardée, qu'on a montré à la télévision aussi. Et c'est surtout la

  2   télévision de Sarajevo et "Dnevni Avaz" qui ont diffusé ça, qui ont écrit à

  3   ce sujet. C'étaient des gens qui étaient allongés --

  4   Mme PACK : [interprétation] Messieurs les Juges, est-ce que le témoin

  5   s'apprête à déposer sur ce qu'il a vu à la télévision ? Là, vraiment, je

  6   suis perdue, je ne vois pas comment ceci peut venir en aide aux Juges de la

  7   Chambre.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien.

  9   Veuillez reformuler ou passer à autre chose. Probablement vous vouliez

 10   demander quelque chose de particulier.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais reformuler.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que je connaissais --

 14   M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] -- j'ai reconnu des gens qui étaient sur cet

 16   enregistrement vidéo à la télévision. C'étaient des gens de mon groupe.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez.

 18   L'ACCUSÉ : [hors micro]

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous demande d'attendre et d'éviter

 20   le chevauchement de vos voix. Allez-y maintenant.

 21   M. KARADZIC : [interprétation]

 22   Q.  Et après que vous ayez entendu ces coups de feu, est-ce que vous avez

 23   appris a posteriori ce qu'étaient devenus vos collègues qui avaient été

 24   emmenés là-bas en même temps que vous et comment l'avez-vous appris ?

 25   R.  J'ai appris ce que j'ai essayé de vous expliquer à l'instant. Quand je

 26   me suis enfui, j'en ai retrouvé un qui s'appelait Enver. Il affirmait qu'il

 27   s'était enfui de Kravica, parce que six autres hommes avec lui avaient été

 28   condamnés à 40 ans de prison pour crimes de guerre. Et lorsque j'ai parlé


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  1   de cette affaire au procureur à Sarajevo et que j'ai fait une déclaration,

  2   et je peux donner le nom de la personne à qui j'ai fait cette déclaration -

  3   -

  4   Q.  Nous allons y venir.

  5   R.  Et lorsque j'ai fait cette déclaration, il ne m'a même pas demandé de

  6   venir déposer. Il m'a menacé et m'a dit que je ne devais pas parler du tout

  7   de tout ça.

  8   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La question était la suivante : "Après

  9   que vous ayez entendu ces coups de feu, est-ce que vous avez appris plus

 10   tard ce qu'il était advenu de vos collègues 

 11   qui avaient été emmenés là-bas en même temps que vous; et si oui, comment

 12   ?"

 13   Alors, avons-nous entendu la réponse à cette question ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de le dire. J'ai appris de l'un des

 15   hommes sur place que tous avaient été tués. Mais ça -- enfin, mon Dieu, je

 16   l'ai appris en 2008, 2009, parce qu'avant ça -- à partir de 1997, puis

 17   1998, et aujourd'hui encore, j'ai regardé à la télévision de Bosnie-

 18   Herzégovine. C'est surtout sur cette télévision-là qu'on voit diffusé et

 19   débattu ce sujet, et ils parlent de 1 500 à 2 000 personnes tuées. Et dans

 20   l'affaire dont je parlais, je peux vous dire de quelle affaire il s'agit --

 21   Q.  Oui.

 22   R.  L'affaire Skelanci, ces hommes qui ont été tués pour les meurtres à

 23   Kravica. Ils n'y étaient pas lorsqu'on tirait là-bas.

 24   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous répéter ce que vous venez de

 25   dire. Et veuillez parler lentement.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, écoutez-moi et comprenez-

 27   moi, il y a un groupe au bureau du procureur --

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Probablement vous n'avez pas


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  1   compris. Malheureusement, je ne comprends pas votre langue. J'entends

  2   l'interprétation qui en est faite. Si vous parlez à une telle vitesse,

  3   c'est impossible pour les interprètes de faire leur travail. Donc, s'il

  4   vous plaît, parlez lentement. Les interprètes n'ont pas entendu la fin de

  5   votre réponse. Pouvez-vous la répéter, s'il vous plaît.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] A partir de ce que vous disiez sur Skelanci, le

  7   groupe des Skelanci, veuillez reprendre.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'il y a eu le procès de six jeunes

  9   hommes de Skelani qui étaient accusés d'avoir participé au meurtre de 1 500

 10   à 2 000 Musulmans à Kravica, moi, à ce moment-là, j'étais dans une vie

 11   complètement différente, dans une situation où les hommes politiques de la

 12   Fédération, et non pas de la Republika Srpska, m'avaient envoyé là-bas. Et

 13   j'ai vu dans les journaux et à la télévision ce qui se passait. Tout de

 14   suite le lendemain, je me suis levé et j'ai écrit au bureau du procureur de

 15   Sarajevo pour que l'un de leurs employés vienne me rendre visite pour que

 16   je puisse faire une déclaration au sujet de ces hommes.

 17   Lorsque j'ai fait cette déclaration et que j'ai commencé à décrire ces

 18   événements, comme je parle aujourd'hui encore de tous ces événements après

 19   autant de temps, l'un de ces procureurs m'a emmené pour que je puisse aller

 20   aux toilettes et il m'a dit de ne plus parler de Naser Oric et des autres

 21   alors que c'est à leur sujet que je devais déposer. Alors, à Kravica, en

 22   fait, lorsque je me suis enfui, je suis tombé sur un de ces hommes et il

 23   m'a dit qu'il avait été blessé en dessous du genou. C'est de ce jeune

 24   homme-là que je veux parler, parce que c'est sur lui que je suis tombé

 25   lorsque je me suis enfui. C'était lui le témoin principal dans ce procès.

 26   Et moi, on m'avait promis que des gens allaient venir me chercher,

 27   mais personne n'est arrivé. Et lorsqu'ils sont arrivés et que je leur ai

 28   donné les papiers, qu'ils ont pu voir tout ce que j'avais fait pour eux,


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  1   que j'avais été là en leur nom et qu'ils s'étaient presque entretués, eh

  2   bien, je me suis fait menacer soi-disant pour ce que j'avais voulu leur

  3   faire.

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez vous interrompre.

  5   [La Chambre de première instance se concerte]

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Les Juges de la Chambre ont du mal à

  7   suivre cette déposition, cette partie du témoignage -- Monsieur Karadzic,

  8   est-ce que vous pourriez scinder cela en plusieurs questions pour que le

  9   témoin puisse nous relater son histoire.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais essayer de faire cela.

 11   M. KARADZIC : [interprétation]

 12   Q.  Donc vous vous êtes enfui -- essayons de procéder ainsi. Vous vous êtes

 13   enfui de ce bureau, dans la coopérative. Est-ce que vous pouvez nous dire

 14   en deux mots ce qui s'est passé par la suite ?

 15   R.  Je suis parti dans les bois, j'ai erré dans les bois. J'y suis resté

 16   pendant dix mois et 15 jours avant d'être arrêté. A partir du 13 mai, je

 17   suis resté dans la forêt à me cacher. Donc, tout le monde comprend que

 18   j'étais sous MTCK, comme ils le disent, sous leur protection. Mais, en

 19   fait, ce sont les miens qui m'ont vendu. Ce sont les miens qui m'ont envoyé

 20   en prison.

 21   Q.  [aucune interprétation]

 22   M. LE JUGE KWON : [interprétation] S'il vous plaît, ménagez une pause.

 23   Reposez votre question, s'il vous plaît.

 24   M. KARADZIC : [interprétation]

 25   Q.  Vous venez de dire que vous vous êtes caché pendant dix mois dans les

 26   bois. Etiez-vous seul ou faisiez-vous partie d'un groupe ? Et était-ce le

 27   seul groupe pendant ces dix mois ?

 28   R.  Ce groupe que j'ai rencontré, c'était un groupe de Zvornicka Kamenica.


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  1   C'est avec ce groupe que je suis revenu à Lehovici, à Srebrenica. Ce groupe

  2   est resté sur place, tandis que moi je suis reparti avec d'autres pour

  3   Zepa. Et c'est là que j'ai trouvé six autres personnes.

  4   Q.  A quel moment est-ce qu'on vous a arrêté de nouveau ?

  5   R.  Le 30 mai 1996.

  6   Q.  Je vous remercie. Et quelles sont les informations qu'ils avaient sur

  7   vous et comment se sont-ils procuré ces informations ?

  8   R.  Est-ce que je peux dire où j'ai été amené ? A Zvornik, à la police. La

  9   police m'a amené là, on m'a interrogé, et ils voulaient me reprocher que

 10   j'aie tué quatre Serbes.

 11   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la suite.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] -- sur le groupe précédent, sur le groupe qui

 13   a été arrêté en mai, avant cela. Et donc, tout m'a été reproché à moi.

 14   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Alors, pour que ce soit clair, arrêtés

 15   par qui, Monsieur le Témoin ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] La police de la Republika Srpska.

 17   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 19   M. KARADZIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce qu'on vous a jugé; et si oui, où et que s'est-il passé ?

 21   R.  C'est sur la base de leurs déclarations j'ai été jugé. Il n'y avait pas

 22   de preuve. Et cela fait tant d'années, depuis 1996, qu'on n'a pas trouvé de

 23   corps ni de fusil. Sauf que les autres ont tué quatre Serbes et ils me

 24   l'ont imputé à moi. Il y a un avis de recherche pour eux. Il y en a qui

 25   sont en Suisse. En 1998, 1999, le Tribunal international en a envoyé

 26   quelques-uns en Suisse. Il y en a un qui s'est fait condamner à 20 ans,

 27   c'est un bûcheron de Zepa, pour avoir tué ces quatre Serbes. Donc c'était

 28   un jeu politique dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine. On nous a


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  1   présentés comme étant des héros et on a présenté ces gens-là comme n'ayant

  2   pas fait ça. En fait, je suis à 100 % sûr qu'ils ont fait cela, mais on ne

  3   les arrête pas. Et le SDA ne veut pas qu'ils soient arrêtés.

  4   Q.  Et vous avez dit les mères de Srebrenica et le SDA ?

  5   R.  Oui, Sulejman et les mères de Srebrenica, et elles sont capables

  6   d'inventer n'importe quoi. Elles savaient d'autre part très bien, qui se

  7   trouvait là. Le SDA, Sulejman Tihic, Bakira, Izetbegovic et les mères de

  8   Srebrenica, ce sont eux surtout qui les protègent et cherchent à prouver

  9   qu'ils sont innocents. Ils ne peuvent pas savoir mieux que moi, moi qui ai

 10   souffert tout ça. Et c'est pourquoi je suis gênant pour tout le monde,

 11   gênant pour les Musulmans et pour la Republika Srpska. Parce que les Serbes

 12   savent ce qui s'est passé d'un côté, et puis les Musulmans savent ce qui

 13   s'est passé d'autre part. Et puis, les uns comme les autres tirent la

 14   couverture sur eux. Donc, tout cela, c'est des jeux politiques.

 15   Q.  A quel moment et de quelle manière vous avez pu sortir de prison serbe

 16   ?

 17   R.  Il y a eu un échange le 20 -- attendez, je ne suis pas sûr, le 22 mai

 18   ou le 24 mai 1997. Donc un échange pour un capitaine qui, lui, était à

 19   Tuzla, à Sarajevo, c'est là qu'on l'a arrêté. Donc ils se sont mis

 20   d'accord. Moi et trois autres gars, nous avons été échangés. Et on a décidé

 21   de relâcher ce capitaine pour qu'il puisse purger sa peine en Republika

 22   Srpska; et moi, j'allais purger ma peine à Tuzla, sur le territoire de la

 23   Fédération.

 24   Q.  Pendant que vous étiez en prison en Republika Srpska ou sur le

 25   territoire de la Fédération, est-ce que vous étiez prêt à raconter votre

 26   vérité ?

 27   R.  Dès 1996, j'ai cherché le contact avec le directeur de la prison et

 28   j'ai écrit à tout le monde pour qu'on me donne cette possibilité d'aller


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  1   témoigner devant le Tribunal international. C'est là qu'on disait qu'on

  2   allait créer ce Tribunal de La Haye. Donc, dès 1996, j'ai écrit au chef de

  3   la police qui était à Bijeljina. Je voulais qu'on vienne me chercher.

  4   Q.  Et par la suite, est-ce que vous avez essayé de contacter quelqu'un du

  5   bureau du Procureur qui pourrait vous entendre ?

  6   R.  Après l'an 2008, 2009 uniquement.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] 1D5587, s'il vous plaît, dans le prétoire

  8   électronique. Est-ce qu'on peut le montrer au témoin sans diffuser cela à

  9   l'extérieur.

 10   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, je voudrais qu'on

 11   termine à 14 heures 40.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. KARADZIC : [interprétation]

 14   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire à qui vous avez rédigé cette lettre,

 15   à qui l'avez-vous adressée ?

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] On n'a toujours pas la traduction, hélas. Ou

 17   peut-être que le Procureur a une traduction, puisque c'est un document qui

 18   vient du Procureur.

 19   Mme PACK : [interprétation] Oui, je pense qu'on l'a. Il n'y a que quelques

 20   heures qu'on nous a informés du fait qu'on allait se servir de cette

 21   lettre, je dois dire. Donc je vais vérifier, si je puis, ce qu'il en est.

 22   M. KARADZIC : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire : vous informez le bureau du procureur

 24   de Bosnie-Herzégovine, vous les informez du fait que vous êtes en

 25   possession de certains éléments d'information ?

 26   R.  Oui.

 27   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je voudrais que l'on nous montre la suite du

 28   texte sur cette feuille.


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  1   M. KARADZIC : [interprétation]

  2   Q.  Est-ce que vous étiez prêt également à parler de la souffrance et des

  3   victimes dans les rangs des civils de part et d'autre ou juste d'un côté ?

  4   R.  Voilà. Monsieur Karadzic, et je parle à toutes les personnes présentes,

  5   voilà, c'est la lettre que j'ai envoyée à ce moment-là et c'est le

  6   procureur qui est venu me voir à Foca et c'est là qu'il m'a menacé.

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

  8   Mme PACK : [interprétation] Nous pourrions afficher ce document avec le

  9   numéro 65 ter de l'Accusation, 25496. Nous avons une traduction de ce

 10   texte.

 11   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Très bien. Nous allons télécharger cela

 12   dans le système.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me propose de donner lecture en attendant la

 14   traduction.

 15   M. KARADZIC : [interprétation]

 16   Q.  Donc la dernière partie -- voilà, je donne lecture :

 17   "Messieurs, avec tous mes respects, je connais aussi les dates

 18   exactes ainsi que les auteurs de crimes graves qui ont été commis contre la

 19   population civile innocente sur le territoire des municipalités de

 20   Srebrenica, Kravica, Sase, Loznicka Rijeka et Skelani."

 21   Qui vivait à Kravica, Sase, Loznicka Rijeka et à Skelani, dites-nous ?

 22   R.  A Kravica, c'étaient surtout les Serbes. Et à Skelani, il y avait les

 23   Serbes en bas -- comment expliquer ça ? Je connais Skelani puis les

 24   villages alentour, donc, jusqu'à Jezero Brdo, et c'est là que commencent

 25   les villages musulmans.

 26   Q.  Loznicka Rijeka ?

 27   R.  Pour autant que je sache, c'étaient des Serbes.

 28   Q.  Je vous remercie. Votre unité, est-ce qu'elle a pris part à l'attaque


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  1   sur Fakovici, sur ce village-là, et qui vivait là-bas dans ce village ?

  2   R.  Oui, à Fakovici et à Istomoca [phon], il y avait le Bataillon autonome

  3   de Montagne.

  4   Q.  Et quelle a été la réaction face à votre souhait d'élucider cela,

  5   comment a réagi le procureur de Bosnie-Herzégovine ?

  6   R.  Je m'adresse maintenant à M. Karadzic, au Procureur et à MM. les Juges.

  7   Quand j'ai envoyé cette lettre, on est venu me voir de la Fédération. Un

  8   procureur est venu, en fait, deux procureurs et une femme, et ils ont

  9   enregistré ce que j'ai raconté. Et puis, quand il a fallu, comme je viens

 10   de le dire, quand il a fallu que je vienne témoigner à Sarajevo, là on m'a

 11   adressé des messages de menaces de la part d'un homme à Naser qui a envoyé

 12   un message là où je me trouvais, il a envoyé un message par le truchement

 13   d'un autre homme. Et j'ai un témoin qui peut témoigner, et s'il le faut, je

 14   peux donner son nom, et cet homme m'a dit comment ça s'est passé quand nous

 15   avons eu l'occasion de nous parler.

 16   Q.  Attendez un instant. Juste pour préciser ça, qui était ce procureur qui

 17   est venu vous voir à Foca et qui vous a menacé ?

 18   R.  Est-ce que je dois donner le nom ? Bajro Kulovac.

 19   Q.  Et par la suite, Bajro Kulovac, quelle a été sa carrière ?

 20   R.  Après, ce procureur, il a été à SIPA. Et en 2010, je sais que je me

 21   suis retrouvé chez lui -- mais maintenant, on a parlé de 2008. Et puis, en

 22   2010, quand j'ai eu de nouveau l'occasion de le croiser avec Naser Oric et

 23   Izetbegovic, le président de la présidence, l'avocat Alagic, il y avait

 24   tout ça, c'est les principaux hommes de la Fédération. Ce Kulovac m'a

 25   soumis à de mauvais traitements en présence de Damir Alagic. Il m'a brisé

 26   les os. Il m'a menacé. Il m'a forcé à signer un document comme quoi je n'ai

 27   jamais été à Srebrenica.

 28   Q.  Quand vous dites que vous vous êtes retrouvé entre ses mains, qu'est-ce


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  1   que ça signifie ?

  2   R.  Alagic, c'était ce juriste de Sarajevo, il m'a amené à SIPA, au bureau

  3   de Bajro Kulovac, et puis ils m'ont présenté des documents disant que je

  4   n'étais pas à Srebrenica et comme quoi je ne savais rien sur Srebrenica.

  5   Puis, j'ai demandé à Bajro Kulovac : Mais pourquoi est-ce que vous avez

  6   envoyé ces innocents en prison; ils n'étaient pas coupables ? Il a dit :

  7   J'ai des balles, j'ai les corps, j'ai les os. Et puis, j'ai dit : Mais

  8   n'importe qui aurait pu les trouver dans les bois. Et puis, il m'a giflé si

  9   fort que je suis tombé de la chaise. Et puis, en présence d'Alagic, j'ai

 10   été emmené dans le bureau du chef de SIPA pour un entretien. Je ne sais pas

 11   si vous êtes au courant, il m'a demandé si c'était par la force que j'ai

 12   donné cette déclaration ou si c'était de mon plein gré, et quand j'ai dit

 13   "De mon plein gré", Damir Alagic m'a dit : Arrêtez, c'est bon. Il ne

 14   voulait pas parler avec ce Serbe qui était le chef de SIPA. Il a voulu que

 15   ce soit un Musulman qui nous parle.

 16   Q.  Attendez. Ici, il est écrit qu'on vous a forcé à dire que vous n'avez

 17   pas connu de souffrance à Srebrenica, mais en fait, vous deviez signer que

 18   vous ne vous êtes jamais trouvé à Srebrenica ?

 19   R.  Oui, il fallait que je signe un papier comme quoi je ne me suis jamais

 20   trouvé à Srebrenica.

 21   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vois l'heure, Excellences. Je respecte votre

 22   consigne.

 23   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je voudrais simplement dire, Amor Masovic

 24   -- pourquoi, donc, est-ce qu'on m'a forcé a dire ça ? Il m'a dit en

 25   présence de mon père que j'aurais mieux fait de garder le silence parce que

 26   je figurais sur la liste des morts, et donc ils n'auraient rien pu dire

 27   contre moi si j'avais toujours été porté disparu.

 28   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons admettre cette lettre sous


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  1   pli scellé.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cote D4182.

  3   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons continuer demain, Monsieur

  4   le Témoin, à 9 heures.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux réagir par rapport au compte

  6   rendu d'audience ?

  7   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.

  8   M. KARADZIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que vous avez dit qu'Amor Masovic vous a dit que vous auriez

 10   mieux fait de laisser -- qu'on vous considère mort ou de vous faire passer

 11   pour mort ?

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas compris la fin de la réponse du témoin.

 15   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande qu'on expurge la dernière phrase.

 16   Heureusement que le nom du père n'a pas été consigné. Et est-ce qu'on peut

 17   expurger aussi l'enregistrement pour que ça ne soit pas diffusé à

 18   l'extérieur.

 19   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.

 20   Monsieur le Témoin, je souhaite vous informer que vous n'avez pas le droit

 21   de discuter de votre déposition avec qui que ce soit. Est-ce que vous me

 22   comprenez ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Par exemple, discuter avec les gens que je

 24   connais ? Non, non, non, je ne leur en ai pas parlé.

 25   M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet, vous n'avez pas le droit. Vous

 26   pouvez parler, avoir des conversations, mais vous n'avez pas le droit de

 27   parler de votre déposition. Est-ce que vous me comprenez ?

 28   M. KARADZIC : [interprétation]


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  1   Q.  Une fois que vous aurez terminé de déposer, vous aurez le droit de le

  2   faire.

  3   R.  [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre aura rendu une ordonnance

  5   dans l'intervalle au sujet de la requête déposée le 6 décembre 2013 par

  6   l'accusé portant sur la présence de M. John Ostojic, conseil de M. Beara,

  7   pendant la déposition de ce dernier. Il est fait droit à cette requête.

  8   La Chambre s'est, en outre, penchée sur ce que l'accusé a suggéré et qui a

  9   été oralement accepté par l'Accusation le 6 décembre concernant Beara et

 10   Tolimir, compte tenu des incertitudes qui entourent leur déposition, et

 11   donc la possibilité de reporter leur contre-interrogatoire jusqu'à la

 12   rentrée du mois de janvier. La Chambre considère que l'Accusation devrait

 13   être prête à contre-interroger MM. Beara et Tolimir, qui ont été mis en

 14   accusation respectivement en 2002 et 2005. Cependant, compte tenu des

 15   circonstances exceptionnelles et du calendrier également réaménagé, la

 16   Chambre est disposée à faire preuve de souplesse. Par conséquent, elle fait

 17   droit à la requête en question, et la Chambre relève que l'effet des

 18   injonctions à comparaître qui avaient été délivrées contre Beara et Tolimir

 19   continuera de s'appliquer jusqu'à la fin de leur déposition.

 20   Et, pour finir, la Chambre rend également une décision orale relative

 21   à la requête de l'accusé demandant à avoir accès aux bandes audio du procès

 22   Kvocka, requête déposée le 9 décembre 2013, où l'accusé demandait à avoir

 23   accès aux enregistrements audio en B/C/S de la déposition de Pero Rendic

 24   dans l'affaire Kvocka, et ceci, aux fins de la préparation de la procédure

 25   de certification sous le régime de l'article 92 ter. L'Accusation a fait

 26   savoir à la Chambre par courrier électronique le 9 décembre 2013 qu'elle ne

 27   souhaitait pas répondre à la requête en question. Il y est, par conséquent,

 28   fait droit. Et la Chambre donne pour instruction au Greffe, par conséquent,


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  1   de donner accès à l'accusé aux enregistrements audio en B/C/S de la

  2   déposition de Pero Rendic dans l'affaire Kvocka correspondant à la date du

  3   5 février 2001.

  4   L'audience est levée.

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais qu'en est-il des mesures de protection ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Cela attendra.

  7   --- L'audience est levée à 14 heures 45 et reprendra le mardi, 10 décembre

  8   2013, à 9 heures 00.

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