Page 45794
1 Le mercredi 22 janvier 2014
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
7 Bonjour, Monsieur Beara.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Harvey, oui.
10 M. HARVEY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
11 Messieurs les Juges.
12 Permettez-moi de vous présenter Maria Naumceska, qui est originaire de
13 Macédoine et qui, depuis novembre de l'année passée, fait partie de notre
14 équipe.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
16 Je dirais pour les besoins du compte rendu d'audience qu'il est constaté
17 que le conseil de M. Beara, M. Ostojic, se trouve être présent dans le
18 prétoire. Bonjour à vous, Monsieur Ostojic.
19 M. OSTOJIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, vous allez à présent
21 être contre-interrogé par la représentante du bureau du Procureur. Je tiens
22 à vous rappeler que vous avez prêté serment et ce serment est toujours en
23 vigueur.
24 Maître Ostojic, j'imagine que la Chambre ne se doit pas de répéter la
25 teneur de l'article 90(E) à l'intention du témoin.
26 M. OSTOJIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Je ne
27 pense pas que cela soit le cas, mais de temps en temps, il se peut que M.
28 Beara se réfère à cet article, selon les questions qui seront posées.
Page 45795
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Maître Ostojic.
2 Bonjour, Madame Pack.
3 Mme PACK : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez commencer.
5 Mme PACK : [interprétation] Merci.
6 LE TÉMOIN : LJUBISA BEARA [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 Contre-interrogatoire par Mme Pack :
9 Q. [interprétation] Monsieur Beara, vous avez été condamné à vie,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Ce n'est pas définitif comme jugement.
12 Q. Ce Tribunal vous a trouvé et déterminé au-delà de tout doute
13 raisonnable coupable de persécution, meurtre et traitement cruel et
14 inhumain, et que vous êtes coupable de meurtre, d'extermination et de
15 génocide; est-ce exact ?
16 R. C'est ce que le Tribunal a déterminé.
17 Q. Bon nombre de vos associés ayant fait partie de l'administration de la
18 sécurité de la VRS ont été condamnés. Votre supérieur hiérarchique, le
19 général Tolimir, a également été condamné à un autre procès. En avez-vous
20 conscience ?
21 R. Oui, oui. Tout ceci est bien su.
22 Q. L'officier chargé de la sécurité subordonné à vous faisant partie du
23 Corps de la Drina, M. Popovic, a également été condamné de génocide ?
24 R. C'est cela. Vous le savez, bien entendu.
25 Q. Je tiendrais à vous rappeler une question et une réponse que vous avez
26 fournie lors de votre témoignage au principal.
27 Mme PACK : [interprétation] Je me propose de donner lecture de la question
28 en audience publique, Monsieur le Président, mais je vais devoir lire la
Page 45796
1 réponse à huis clos partiel, aussi vous demanderais-je de me suivre.
2 Alors, en réponse à la question qui vous a été posée, et c'était celle de
3 savoir si vous étiez auteur d'un document de la VRS qui indiquerait que les
4 prisonniers de Srebrenica se devaient d'être exécutés ?
5 Alors, la réponse que vous avez fournie va être lue en audience à huis clos
6 partiel.
7 Mme PACK : [interprétation] Je vais demander un huis clos partiel.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
9 Mme PACK : [interprétation]
10 Q. Vous avez répondu --
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes en audience à huis clos
12 partiel.
13 [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]
14 Mme PACK : [interprétation] Merci.
15 Q. "Je n'ai jamais été l'auteur d'un ordre de ce type, pas plus que je
16 n'aie vu un ordre de cette nature sous forme écrite. Il est également vrai
17 que jamais personne, oralement, ne m'a donné un tel ordre, et je n'ai
18 jamais ouï dire de la part de quiconque que j'aurais donné un ordre de
19 cette nature à quelqu'un d'autre."
20 Donc, vous n'avez ni reçu ni entendu prononcer des ordres relatifs à
21 l'exécution des prisonniers de Srebrenica. Ce n'est pas une réponse tout à
22 fait sincère, n'est-ce pas, Monsieur Beara ?
23 R. C'est une réponse conforme à la vérité. Vous devez forcément le savoir.
24 Q. Vous souvenez-vous de ce que la Chambre a dit à votre
25 sujet ? Et je vais donner lecture.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Est-ce
27 que nous pouvons retourner en audience publique.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je voudrais entendre d'abord -- enfin,
Page 45797
1 vous n'êtes pas en train de demander à ce que soit levée la confidentialité
2 de la question et de la réponse précédentes ?
3 M. ROBINSON : [interprétation] Non, mais je pense que la question peut être
4 posée en public.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je le pense aussi. Madame Pack.
6 Mme PACK : [interprétation] Il n'y a pas de raison pour laquelle la
7 question ne pourrait pas être posée en audience publique, Monsieur le
8 Président.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Retournons donc en audience
10 publique.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique.
12 [Audience publique]
13 Mme PACK : [interprétation]
14 Q. Vous souvenez-vous de ce que la Chambre de première instance a dit dans
15 votre procès à votre sujet ? Et je vais citer une partie de votre jugement,
16 paragraphe 2 165. Il est dit :
17 "En sa qualité de chef de la sécurité à l'état-major principal de la VRS,
18 sous l'autorité du général Mladic, il a donné des directives et des ordres
19 aux troupes subordonnées qui ont mis en œuvre le plan de meurtre. Cela a
20 constitué un abus de sa position d'officier supérieur au sein de la VRS
21 pour ce qui est de l'utilisation des ressources mises à sa disposition à
22 des fins d'orchestration de crimes."
23 Vous souvenez-vous de cette constatation faite par les Juges de la Chambre
24 de première instance dans votre procès à vous ?
25 R. Bien entendu que je ne me souviens pas. Qui est-ce qui va se souvenir
26 de tout cela ? Ça s'est passé il y a deux ans ou plus. Ce dont je me
27 souviens, c'est que l'on a montré un télégramme du chef du centre des
28 services de sécurité publique, M. Vasic Dragomir, où lui dit que le MUP a
Page 45798
1 repris des tâches de la part de l'armée, qu'ils ont encerclé et liquidé 8
2 000 Musulmans. Et après, on dit que c'était moi et pas Vasic. C'est cela --
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant.
4 Est-ce que vous pouvez répéter la partie où vous avez fait référence aux 8
5 000 prisonniers ? Les interprètes ne vous ont pas bien entendu.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux répéter.
7 Ce télégramme émane de Dragomir Vasic, chef du centre des services de
8 sécurité publique de Zvornik.
9 Mme PACK : [interprétation]
10 Q. Mais qu'est-ce que vous avez dans ce classeur ?
11 R. [aucune interprétation]
12 Q. [aucune interprétation]
13 R. Mais ce n'est pas un pistolet. Ce sont des papiers.
14 Q. Est-ce que vous pouvez les reprendre, je vous prie ?
15 R. Pourquoi ?
16 M. OSTOJIC : [interprétation] Excusez-moi, mais je voudrais faire
17 objection. Avec tout le respect que je dois à l'Accusation, l'Accusation
18 n'a pas le droit de donner instruction au témoin concernant ce qu'il peut
19 ou ne peut pas faire. On peut demander aux Juges de la Chambre de lui
20 demander de ne pas référer à telle chose ou à telle autre. Les Juges de la
21 Chambre sont censés mettre en garde le témoin. Et ce n'est pas au Procureur
22 de mettre en garde le témoin, notamment parce que ce témoin-ci comparait
23 sous ordre de comparution émanant de la Chambre.
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, je crois qu'il serait tout à fait
25 correct de la part du témoin de demander une autorisation de la part des
26 Juges de la Chambre avant de consulter ces documents.
27 M. OSTOJIC : [interprétation] Mais compte tenu des circonstances, on lui a
28 demandé de répéter et il a essayé de rafraîchir sa mémoire, parce que ce
Page 45799
1 document fait référence à ce qu'il avait vu comme ordres. Et il voudrait
2 répondre pleinement à la question qui a été posée.
3 Donc, je fais objection aux instructions fournies par le bureau du
4 Procureur au témoin.
5 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, je serais reconnaissant
6 d'essayer de répondre à la question en vous référant à votre mémoire et, si
7 nécessaire, de demander la permission aux Juges de la Chambre de consulter
8 un document pour rafraîchir cette mémoire.
9 Est-ce que vous m'avez compris ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vous ai bien compris. Je m'excuse et
11 je vous comprends parfaitement bien.
12 Je vous ai dit qu'il y avait ce télégramme qui se trouve dans le dossier,
13 ce télégramme de Dragomir Vasic, chef du centre des services de Sécurité de
14 Zvornik, où il informe suivant la verticale jusqu'au ministre de
15 l'Intérieur du fait que l'on avait engagé les effectifs de la VRS dans une
16 opération sur l'axe de Zepa, et il a précisé que les forces du MUP ont pris
17 en charge la totalité des prisonniers. Ils ont été encerclés et liquidés,
18 ces 8 000 Musulmans. C'est ce que je voulais dire. Et ce document a été
19 présenté lors du procès et, par la suite, d'une façon plutôt étrange, il a
20 disparu. Donc il me semble que -- oui ? Vous vouliez dire quelque chose ?
21 Mme PACK : [interprétation]
22 Q. Je ne vous ai pas parlé de ce document.
23 R. Mais c'est ce que vous m'aviez posé comme question.
24 Q. Je tiens à vous rappeler la chose suivante, et je vais vous poser une
25 fois de plus une question relative au jugement qui a été rendu à votre
26 égard. Au paragraphe 1 318, on dit que :
27 "Les faits que les Juges de la Chambre ont considérés comme étant
28 déterminants dans cette décision relative à la volonté de Beara et de son
Page 45800
1 intention de réaliser une opération d'exécution de grande envergure qui
2 s'est réalisée conformément à ses connaissances et instructions et sous sa
3 supervision, avec participation dans toutes les composantes dans
4 l'opération des exécutions, qui ont démontré l'intention de tuer le plus
5 possible de gens. Il s'agit donc d'une contribution vitale à la réalisation
6 de cette opération, et ceci prouve l'intention de sa part de participer à
7 ces exécutions. Ce qui a contribué à la destruction de groupes et a
8 démontré son intention génocidaire. Par conséquent, les Juges de la Chambre
9 de première instance considèrent au-delà de tout doute raisonnable que
10 Beara a participé à une entreprise criminelle commune de meurtre dans
11 l'intention de commettre un génocide. Par conséquent, il est jugé coupable
12 de génocide."
13 Est-ce que vous acceptez cette constatation ?
14 R. Je ne l'accepte pas du tout. C'est ainsi que les choses ont été
15 rédigées, oui, mais ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées à
16 l'époque.
17 Nous avons présenté des éléments de preuve à cet effet. Je vous dis une
18 fois de plus que, cependant, tout ce que nous avons présenté à ce sujet a
19 disparu. Pourquoi cela a disparu, je ne le sais pas.
20 Q. [aucune interprétation]
21 L'INTERPRÈTE : Les interprètes font savoir que l'Accusation est en train de
22 lire des paragraphes d'un jugement dont le texte n'a pas été distribué au
23 témoin [sic].
24 Mme PACK : [interprétation] Nous pouvons peut-être demander à ce que nous
25 soit affiché le 65 ter 2583 [comme interprété]. Il s'agit du paragraphe
26 [comme interprété] 532, page 535. Je vais faire référence à une autre
27 partie.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais alors, donnez-en lecture lentement.
Page 45801
1 Mme PACK : [interprétation] Oui, je vais le faire. Merci, Monsieur le
2 Président.
3 Q. Les Juges de la Chambre de première instance ont conclu, au paragraphe
4 1 068, ceci :
5 "Il est constaté qu'une forte participation du secteur chargé de la
6 sécurité était évidente pendant toutes les opérations d'exécution. Beara,
7 comme on l'a précisé, se trouvait au centre de ces opérations au côté de
8 Popovic et a été responsable de la planification et mise en œuvre des
9 éléments logistiques et de la location et du personnel."
10 Donc, on a dit que vous aviez mis en œuvre ce plan d'exécution pour
11 le réaliser. Donc, aux côtés de Beara, Popovic et Nikolic, il y a eu mis en
12 œuvre de ce plan d'exécution.
13 Ceci constitue une définition précise de votre rôle à Srebrenica,
14 n'est-ce pas ?
15 R. Non. Je ne sais vraiment pas ce que vous êtes en train de me
16 demander, est-ce que vous voulez que je vous confirme que c'est moi qui ai
17 organisé des exécutions ?
18 Q. Dans votre procès, est-ce que dans le mémoire en clôture vous avez nié
19 la connaissance que vous avez eue des crimes commis lors de la chute de
20 Srebrenica, vous maintenez cette position ?
21 R. Bien entendu.
22 Je demanderais aux Juges de la Chambre de m'autoriser à sortir un
23 document d'ici qui se trouve être lié aux allégations que vient de faire
24 l'Accusation.
25 Mme PACK : [interprétation] Moi, je demanderais à ce que le témoin ne fasse
26 que répondre à mes questions.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais la question était celle de savoir
28 si vous niiez les informations relatives aux crimes commis, comme vous
Page 45802
1 l'avez indiqué au mémoire en clôture lors de votre procès à vous. Je crois
2 que vous pouvez répondre à cette question sans avoir à faire référence à un
3 document.
4 Mme PACK : [interprétation] En effet, Monsieur le Président, c'est ce qu'il
5 a fait.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, je ne pouvais rien savoir parce
7 que je n'étais même pas sur le terrain. Cependant, d'autres personnes ont
8 été présentes, et ceci est présenté dans des conversations interceptées
9 factuelles. On voit s'entretenir Pavle et Vuk à ce sujet, ce Pavle, de
10 notre côté, qui a toujours affirmé de façon persistante que moi et mes
11 hommes étions des organisateurs des exécutions et qu'il n'avait aucune idée
12 de tout ceci, et indique que le commandant d'une unité musulmane de
13 Srebrenica qui est venue dans le dos de la Brigade de Zvornik. Eh bien, lui
14 s'adresse à Vuk : Si vous ne me restituez pas mes prisonniers, je vous
15 exécuterai dans la forêt, j'en tuerai 100 pour un seul, et si vous n'avez
16 pas compris les choses, allez à Orahovac et rendez-vous.
17 L'INTERPRÈTE : Mme Pack est priée par les interprètes de ne pas crier dans
18 son micro. L'interprète n'a pas entendu à présent les propos du témoin.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que j'ai appris pendant le procès.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Madame Pack.
21 Mme PACK : [interprétation]
22 Q. Je ne vous ai pas demandé de nous analyser les éléments de preuve
23 présentés dans votre procès.
24 R. Je ne fais pas d'analyse.
25 Q. Attendez, s'il vous plaît. Vous avez présenté un argument d'alibi dans
26 votre procès. Vous avez dit que vous étiez à Belgrade entre le 13 et le 14.
27 Est-ce que c'est une chose que vous maintenez encore ?
28 R. Bien sûr. Oui, c'est ce que j'ai dit, j'ai dit que j'avais été à
Page 45803
1 Belgrade.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, les interprètes vous
3 demandent de vous rapprocher de votre micro.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vais le faire.
5 Mme PACK : [interprétation]
6 Q. Est-ce que vous niez le fait que des milliers d'hommes -- et nous
7 n'avons pas à être tout à fait concrets au sujet des chiffres. Des milliers
8 d'hommes ont été systématiquement exécutés à la suite de la chute de
9 Srebrenica. C'est ce que les Juges de la Chambre de première instance ont
10 constaté.
11 R. Mais comment voulez-vous que je nie les choses terribles qui se sont
12 produites dans cette guerre civile, dans cette guerre de religion. C'est
13 une malédiction, cela, ce n'est pas une guerre, et c'est une chose terrible
14 qui s'est produite. C'est horrifiant. Mais d'une certaine façon inconnue de
15 moi, tout ceci a été reproché à trois hommes faisant partie des services de
16 sécurité de la VRS. Cela est reproché à des gens qui n'avaient pas les
17 attributions nécessaires et qui n'avaient pas de subordonnés qui étaient
18 des criminels, meurtriers, des gens prêts à tout.
19 Q. Les Juges de la Chambre de première instance ont constaté que vous avez
20 été omniprésent dans le secteur de Zvornik lorsqu'il y a eu ces exécutions
21 en masse. Est-ce que vous rejetez cette constatation-là aussi ?
22 R. Bien entendu. C'est encore une chose étrange, inexplicable. Je ne sais
23 pas comment la qualifier d'ailleurs.
24 Les témoins de l'Accusation qui ont été amenés ici pour dire que j'avais
25 été présent, ou les documents qui ont été présentés aux Juges de la Chambre
26 et qui ont été versés au dossier de ce procès, sont de nature à me faire
27 dire qu'il est vraiment difficile de croire, de croire que nous étions tous
28 un peu toqués, parce qu'à chaque fois ces témoins ont dit que j'étais tout
Page 45804
1 seul, debout sur ces lieux d'exécution à regarder autour, dans le lointain,
2 pensif, ou alors ils m'ont vu monter une côte, et on a dit : C'est lui, ce
3 Beara. Mais vous avez omis de faire venir la personne qui a dit, oui, c'est
4 ce Beara. Vous avez fait venir un homme qui a dit m'avoir reconnu de dos.
5 Il m'a reconnu soi-disant parce que quelqu'un à côté de lui lui avait
6 affirmé que cet homme, c'était Beara. Ça, c'est l'une des parties des
7 prétendus témoins. L'infirmière qui a été là-bas, qui a distribué des
8 pansements pour qu'on puisse ligoter les gens qui ont été conduits aux
9 exécutions a aussi affirmé m'avoir vu au lieu d'exécution. Elle l'a dit de
10 façon à ce que l'enquêteur lui a pratiquement mis mon nom dans la bouche.
11 Elle a dit qu'elle avait vu un lieutenant-colonel, puis elle a dit que
12 c'était un colonel, puis c'était un homme comme ceci, puis un homme comme
13 cela, et l'enquêteur l'a pris aux mots, et lui a demandé : Est-ce que ça
14 pouvait être Beara ? Et elle a dit : Peut-être bien que oui. Parce que je
15 crois avoir vu ce Beara au Corps de la Drina à l'époque où moi je faisais
16 partie du Corps de la Drina.
17 Et c'est l'un des cas de figure. Il y en a eu d'autres.
18 Q. Merci.
19 Mme PACK : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Madame Pack.
21 Monsieur Karadzic, est-ce que vous avez des questions supplémentaires à
22 poser ?
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Excellence. Merci.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ceci met un terme à votre témoignage,
26 Monsieur Beara. La Chambre tient à vous remercier d'avoir témoigné ici.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais dire quelque chose, si vous me le
28 permettez.
Page 45805
1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Beara, qu'est-ce que vous
3 voulez dire ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voulais dire ceci : lorsqu'on était vers la
5 fin de notre procès, vous avez fait partie de l'équipe des Juges, et
6 certaines personnes ont pris la parole --
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Beara, vous avez été interrogé
8 par l'accusé et vous avez été contre-interrogé par l'Accusation, et je
9 crois qu'on devrait s'arrêter là. Je croyais que vous alliez dire quelque
10 chose d'autre. Mais je vous suis reconnaissant et je vous remercie. Je
11 remercie également M. Ostojic de sa coopération et de son aide.
12 M. OSTOJIC : [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez disposer, Monsieur Beara.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux m'en aller ?
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Beara. Oui.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant est
17 prévu pour un peu plus tard. Peut-être pourrions-nous faire une pause. On
18 lui a dit de venir avant 10 heures. On est un peu en avance sur notre
19 horaire. Peut-être pourrions-nous maintenant faire une petite pause en
20 attendant qu'il arrive.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous voulez que nous fassions
22 une pause d'une demi-heure, et nous pourrions reprendre à 10 heures, suite
23 à quoi nous allons avoir une pause plus courte par la suite.
24 L'audience est levée.
25 [Le témoin se retire]
26 --- La pause est prise à 9 heures 23.
27 --- La pause est terminée à 10 heures 03.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Maître Ostojic, la Chambre vous a
Page 45806
1 demandé de revenir dans le prétoire car je voulais aborder un sujet en
2 votre présence. Il s'agit d'une requête de Me Robinson, à savoir de lever
3 la confidentialité d'une partie des éléments de preuve de la déposition que
4 le témoin a donnée à huis clos partiel.
5 Voilà. Donc, j'aimerais entendre M. Tieger.
6 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de
7 votre introduction. Voilà, ma réponse porte sur la question que vous allez
8 poser à Me Ostojic car nous avons eu un entretien pendant la pause. En
9 fait, je suis d'avis que cette question pourrait être résolue un peu plus
10 tard dans la procédure pour des raisons différentes, mais dans ces
11 circonstances, étant donné l'état d'avancement de la procédure et
12 s'agissant de la déposition du témoin, et surtout le fait que je sais
13 maintenant que M. Beara et Me Ostojic n'ont pas d'objection, je voulais
14 néanmoins demander à Me Ostojic ce qu'il en pense. Mais je ne pouvais pas
15 donner de réponse à la Chambre sans vous informer de la discussion que nous
16 avons eue pendant la pause.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
18 Maître Ostojic, je vous écoute. Vous avez la parole.
19 M. OSTOJIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 Effectivement, nous avons consulté M. Beara et nous n'avons pas d'objection
21 pour que vous souleviez la confidentialité que vous avez soulevée…
22 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
23 M. OSTOJIC : [interprétation] Puis-je vous demander de quitter le prétoire
24 ?
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, vous pouvez disposer.
26 M. OSTOJIC : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez faire entrer le témoin, s'il
28 vous plaît.
Page 45807
1 [Le témoin vient à la barre]
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Mandic.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de continuer, à la lumière des
5 requêtes présentées par les parties et à la lumière de la réponse donnée
6 par le conseil de M. Beara, nous levons la confidentialité de la déposition
7 de M. Beara donnée à huis clos partiel, ainsi que la partie audio de la
8 procédure. Et, bien évidemment, ceci inclut la partie du témoignage
9 d'aujourd'hui qui a eu lieu à huis clos partiel, donc je parle des parties
10 audio et vidéo de la procédure d'aujourd'hui.
11 Alors, bonjour, Monsieur Karadzic. Vous pouvez continuer.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bonjour, Excellences. Bonjour à tous et à
13 toutes.
14 LE TÉMOIN : BOSKO MANDIC [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic : [Suite]
17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.
18 R. Bonjour, Monsieur le président.
19 Q. Je vous demanderais de ne pas parler trop rapidement et de ménager des
20 pauses entre les questions et les réponses.
21 Voilà. L'on vous a demandé si les communications avec Pale étaient
22 meilleures que ce que vous n'aviez dit, c'est-à-dire que c'est ce que l'on
23 semblait avancer hier. Et il y a eu également une décision relative à la
24 mobilisation. J'aimerais savoir combien de documents de Pale avez-vous
25 examinés au sein de la cellule de Crise ? Et il s'agit, bien évidemment,
26 des documents émanant de Pale.
27 R. S'agissant de ce document, et d'ailleurs j'ai oublié car plusieurs
28 années se sont écoulées depuis. Mais je ne me souvenais pas des contacts.
Page 45808
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 45809
1 Je ne me souviens pas du document. J'ai dit hier qu'il n'y avait pas de
2 contacts. Je crois que nous nous penchions surtout sur nos connaissances
3 personnelles. C'est-à-dire, nous utilisions nos connaissances personnelles
4 plutôt que de suivre des instructions qui ne sont jamais arrivées de Pale.
5 Q. Je vous remercie. Dans la première phrase de mon journal :
6 "Concernant le 31 mai et les combats," j'ai écrit, "les premiers 45
7 jours sans contact avec nous."
8 Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, de quelle manière est-ce que ceci
9 cadre avec votre expérience ?
10 R. Oui, c'était exact. Voilà. Si c'est ce que l'on y voit ici, c'est sans
11 doute ce qui est arrivé.
12 Q. Très bien.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande que l'on montre au témoin le
14 document D435, s'il vous plaît.
15 M. KARADZIC : [interprétation]
16 Q. Voici le procès-verbal d'une réunion de notre gouvernement du 18 juin
17 1992.
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais demander que l'on montre la dernière
19 page, s'il vous plaît. Et c'est l'avant-dernière page en anglais, je vous
20 prie.
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Vous avez dit que Krajina était sous blocus. Je vous demanderais de
23 bien vouloir me dire ceci. Vous voyez que l'on demande de l'armée un
24 hélicoptère que le gouvernement pouvait utiliser pour effectuer des
25 contacts avec la municipalité. Ensuite, on demande de mettre fin au blocus
26 de la Bosanska Krajina, et ensuite on dit de prendre toutes les mesures
27 nécessaires, y compris des mesures militaires, pour débloquer la Bosanska
28 Krajina afin de pouvoir approvisionner cette localité avec de la nourriture
Page 45810
1 et d'autres denrées.
2 Donc, j'aimerais savoir si vous pourriez nous dire, s'il vous plaît, est-ce
3 que le gouvernement avait une base pour prendre ce type de position
4 concernant ces développements dans la Krajina ?
5 R. Nous étions dans une situation très particulière. D'une part, nous
6 étions fermés pour ce qui est des contacts avec la Serbie. Et d'autre part,
7 la Cazinska Krajina a fait l'objet d'une attaque parce qu'ils estimaient
8 que cela faisait partie du territoire musulman.
9 Ensuite, la situation était très difficile parce qu'il n'y avait pas
10 de denrées essentielles. Et on ressentait également une pénurie en matière
11 de médicaments. Je ne vais pas répéter ici un incident qui s'est déroulé
12 avec 12 bébés.
13 Mais grâce -- ou, plutôt, en raison de ce que certaines personnes ont
14 fait, les choses se sont déroulées comme elles se sont déroulées, et la
15 Croix-Rouge internationale a pu donner des médicaments. Et ensuite, on a
16 ouvert le corridor également pour que le peuple serbe puisse survivre.
17 Q. Très bien. Mais dites-nous, s'il vous plaît, si la cellule de Crise ou
18 d'autres autorités à Prijedor disposaient de moyens, mais qu'elles ne
19 souhaitaient pas partager ces biens et ces moyens expressément,
20 intentionnellement, s'agissant de l'énergie, des médicaments, de la
21 nourriture, et cetera --
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Avant de répondre à votre question.
23 Oui, Madame Gustafson.
24 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le témoin nous a dit très clairement qu'il
25 ne s'est pas beaucoup occupé des installations de détention. Donc, le fait
26 de lui poser des questions quant à la privation de détenus en matière de
27 nourriture, et ainsi de suite, c'est une question à laquelle, je crois, le
28 témoin ne peut pas nous répondre, car le témoin nous a dit qu'il n'avait
Page 45811
1 aucune connaissance de ces questions.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic.
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] En fait, je retire cette question concernant
4 les détenus. Mais je parle de l'ensemble de la population.
5 M. KARADZIC : [interprétation]
6 Q. J'aimerais donc savoir si la cellule de Crise a fait de son mieux pour
7 faire ce qu'elle pouvait, ou bien est-ce que la cellule de Crise a
8 intentionnellement coupé l'approvisionnement en vivres et autres à la
9 population ?
10 R. La cellule de Crise n'a jamais essayé intentionnellement de couper les
11 vivres à la population. La cellule de Crise distribuait la nourriture à
12 tous, indépendamment de leur appartenance ethnique.
13 Et étant donné que j'ai occupé le poste de commandant de la cellule
14 de Crise, avec la Croix-Rouge qui travaillait avec moi, en fait, chaque
15 fois qu'il était nécessaire de distribuer de la farine, du lait, des
16 produits laitiers, du pain, nous envoyions ces denrées à la population.
17 Nous distribuions ces denrées à la population, parce qu'il y avait un
18 centre de rassemblement, par exemple, le centre de rassemblement de
19 Trnopolje, et il y avait des personnes qui n'avaient pas de nourriture chez
20 elles. Et donc, ces denrées pouvaient être trouvées à cet endroit-là,
21 indépendamment de leur appartenance ethnique.
22 Q. Je vous remercie.
23 Hier, vous avez mentionné des villages avoisinants, mais vous n'avez
24 pas eu l'occasion de terminer votre phrase. Vous avez dit qu'il y avait un
25 village qui était très bien armé, c'était un village musulman et il était
26 voisin au vôtre. Comment s'appelait ce village ?
27 R. Hambarine, Carakovo, Zecovi. C'est en fait des villages qui se sont
28 trouvés à côté du village de Tukovo [phon] où je vivais.
Page 45812
1 Q. Très bien. Merci. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si
2 d'autres villages musulmans, les villages musulmans qui avaient remis les
3 armes, ont-ils fait l'objet d'attaques, ont-ils ont eu des victimes, tout
4 comme Trnopolje, comme Suha ? Ou peut-être pouvez-vous nous rappeler le nom
5 de villages où il n'y a pas eu de combats ?
6 R. Eh bien, par exemple, le village de Cela. Il n'y avait bas du
7 tout d'activités de combat à cet endroit-là; les gens étaient loyaux. Ils
8 avaient remis leurs armes. Et je crois même que les gens du village avaient
9 demandé aux extrémistes de partir. Ils ne voulaient pas avoir de contact
10 avec eux. Il y avait Muslimanska Gomjanica. Mais également dans le village
11 de Tukovi. Il n'y avait pas de problème. Et même, à ce jour, ces personnes
12 sont de retour dans leurs demeures. Parce que, bon, pendant une certaine
13 période, ils étaient partis à l'extérieur, et ensuite ils sont revenus.
14 Q. Muslimanska Gomjenica n'est pas entré au compte rendu d'audience.
15 R. Oui, Muslimanska Gomjenica.
16 Q. Muslimanska Gomjanica ?
17 R. Gomjenica ou Gomjanica. En fait, nous, nous l'appelons Gomjenica.
18 Q. Le village de Cela, pourriez-vous nous dire à quelle distance se
19 trouve-t-il de votre village, et quelle est la composition de ce village ?
20 Combien y a-t-il d'habitants ?
21 R. Tout comme Carakovo ou comme Hambarine, donc il s'agissait des villages
22 qui étaient tout proche, mais c'étaient des villages densément peuplés.
23 Cela, par exemple, est un village de la taille de Hambarine. Donc,
24 densément peuplé.
25 Q. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, de quoi est-ce que cela
26 dépendait s'il y aurait des combats dans un village ? Est-ce que ça
27 dépendait, par exemple, de leur propre volonté ou était-ce autre chose ?
28 R. C'était la volonté de la population qui y vivait. Donc, je parle de la
Page 45813
1 population musulmane. Si cette population souhaitait avoir une vie sans
2 guerre, sans combat, elle restait là, sans problème. Mais ceux qui
3 partaient, il y avait des Musulmans qui partaient, ils laissaient leurs
4 maisons aux personnes qui étaient restées sur place pour s'occuper de leurs
5 maisons. Et moi, je n'ai pas pu m'occuper de la maison de personne parce
6 que j'étais très occupé. Je ne pouvais pas au même temps être au travail et
7 m'occuper de la maison de quelqu'un, mais il y avait ceux qui ne
8 travaillaient pas, qui étaient des voisins et qui avaient décidé de
9 protéger ou de s'occuper des maisons des personnes qui étaient parties.
10 Q. Je vous remercie, Monsieur Mandic.
11 R. [aucune interprétation]
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Madame Gustafson.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais vous demander la permission de
15 contre-interroger le témoin sur un point qui porte sur les villages
16 musulmans. Le témoin a répondu quant aux villages musulmans où il n'y avait
17 pas de problème, comme par exemple le village de Cela. J'aimerais demander
18 votre permission de présenter au témoin un document à ce sujet, s'il vous
19 plaît.
20 [La Chambre de première instance se concerte]
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Gustafson,
22 je vous en donne la permission.
23 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie. Pourrait-on afficher le
24 document P3852, s'il vous plaît.
25 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Gustafson :
26 Q. [interprétation] Monsieur Mandic, comme vous pouvez voir, il s'agit
27 d'une évaluation relative à la sécurité pour la municipalité de Prijedor,
28 effectuée par le SMB de Banja Luka le 23 octobre 1992.
Page 45814
1 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais demander que l'on prenne la
2 page suivante, s'il vous plaît.
3 Q. Au deuxième paragraphe, l'on fait référence à une division nationale
4 qui a vu son apogée dans le conflit armé entre le peuple serbe, qui a pris
5 le pouvoir, et les Musulmans et les Croates, les extrémistes musulmans et
6 les Croates.
7 Un peu plus bas on voit : Des dizaines de villages ont été complètement
8 détruits et sont restés inhabités. Et ensuite, on voit : Ou partiellement
9 détruits. On voit une longue liste de villages dont le village de Cela.
10 C'est bien le village pour lequel vous avez dit il y a quelques instants
11 qu'il s'agissait d'un village sans problème et que les personnes y vivent
12 encore à ce jour, les mêmes habitants y sont encore ?
13 R. Puis-je expliquer ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, faites.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment des événements en juin, mai 1992, je
16 parlais de cette période-là, ces personnes plus tard, comme je l'ai dit,
17 ont demandé de partir, et ces personnes sont effectivement parties.
18 Certains habitants ont vendu leurs maisons et les biens qui étaient à
19 l'intérieur de leurs maisons, alors que d'autres qui sont partis ont
20 demandé à leurs voisins de s'occuper de leurs maisons, et par la suite ils
21 sont revenus vivre dans le village de Cela. Il faudrait que quelqu'un
22 s'occupe de la situation maintenant, il faudrait quelqu'un enquête sur le
23 tout, parce que vous savez, c'est arrivé comme cela, comme je vous l'ai
24 dit.
25 Mais lorsqu'une maison est abandonnée, c'est très difficile de s'en
26 occuper. Il y avait des personnes sur des tracteurs qui portaient des
27 fusils et qui démantelaient des portes, des fenêtres d'une municipalité à
28 l'autre. Donc, il y avait des gens qui venaient d'une autre municipalité et
Page 45815
1 qui démantelaient des portes et des fenêtres d'une maison, par exemple.
2 C'était très difficile d'empêcher le pillage des maisons lorsque les
3 maisons étaient abandonnées. C'est pour cela que la cellule de Crise avait
4 proclamé ces biens comme étant des biens abandonnés pour que l'on puisse,
5 en fait, s'occuper, c'est-à-dire la cellule de Crise a proclamé ces biens
6 comme étant des biens publics, et de cette manière, il était possible de
7 conserver les biens publics, de s'en occuper.
8 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
9 Q. Mais il est donc vrai que le village de Cela a été partiellement
10 détruit, comme le dit ce document, n'est-ce pas ?
11 R. En partie détruit, oui, je parle d'installations, de maisons, de
12 bâtiments, mais je ne parle pas d'attaque subie dans le cadre d'opération
13 de combat. C'est simplement par le pillage et par la population. C'est
14 ainsi que l'on entend le mot partiellement détruit ici.
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions.
16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je simplement poser une question
18 supplémentaire afin d'attirer votre attention sur un tout petit point qui
19 se trouve dans le troisième paragraphe.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Il s'agit du troisième paragraphe de ce
21 document, vous voulez dire ?
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Le document est déjà affiché à l'écran, de
23 toute façon, et on y lit : "Avec le départ de ces personnes, des pillages
24 ont eu lieu dans les maisons qui étaient restées abandonnées. L'on
25 ressentait et on ressent encore l'incapacité des autorités officielles de
26 résoudre cette question."
27 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Karadzic :
28 Q. [interprétation] Est-ce que cela cadre avec votre vécu, Monsieur
Page 45816
1 Mandic, et est-ce que l'autorité a effectivement essayé de s'occuper de
2 cette question ?
3 R. Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir posé cette question,
4 car cette question est une réponse, en fait, à la question posée par Mme le
5 Procureur. Oui, effectivement, la situation était telle où moi, je devais,
6 en fait, surveiller mon voisin.
7 L'INTERPRÈTE : Les interprètes de la cabine anglaise n'ont pas très bien
8 compris ce que le témoin a dit dans sa dernière réponse.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous répéter votre dernière
10 phrase.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Les temps étaient difficiles. Je ne pouvais
12 pas surveiller mon voisin. Je n'osais pas regarder ce que faisait mon
13 voisin. Je ne pouvais pas soulever d'objection quant à son comportement,
14 parce qu'il y aurait eu mésentente entre moi et mon voisin, et donc les
15 choses auraient empiré. Donc s'agissant des organes de la police civile, de
16 la police militaire, de la cellule de Crise, nous avons réellement essayé
17 de protéger ces bâtiments dans la mesure où cela a été possible. Mais je
18 dois vous dire qu'un très grand nombre de conscrits devaient partir sur le
19 terrain, sur le champ de bataille, et même si certaines personnes avaient
20 demandé que l'on s'occupe de leurs maisons, leurs maisons étaient néanmoins
21 détruites.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.
23 Questions de la Cour :
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, Monsieur Mandic, est-ce que vous
25 êtes en train de nous dire que la destruction partielle du village de Cela
26 était due aux travaux de construction qui ont eu lieu après le départ des
27 personnes ?
28 R. Oui, en fait, c'est la population qui était restée derrière, c'était la
Page 45817
1 dévastation de la population qui est restée. Donc, ce n'était pas des
2 opérations de combat, ce n'était pas des chars qui ont détruit ces
3 bâtiments, mais c'est la population elle-même qui détruisait les biens, les
4 maisons, pour donc défaire les portes, les fenêtres et prendre tout ce
5 qu'ils voulaient pour aller les apporter et construire leurs propres
6 maisons.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais ce dernier paragraphe dans lequel
8 on mentionne Cela, on peut y lire ceci, je cite :
9 "Cette dévastation, cette destruction a eu lieu au début d'un exode de
10 masse de Croates et de Musulmans."
11 Est-ce que cela cadre avec vos souvenirs, Monsieur Mandic ?
12 R. Les départs ont commencé même avant cela. Les départs ont commencé déjà
13 à Prijedor en février, mars et avril. Donc les femmes et les personnes
14 âgées prenaient des autocars pour partir. Chacun se débrouillait comme il
15 pouvait, alors que les extrémistes étaient restés à Prijedor. Il est bien
16 évident que si une personne était partie dans la forêt, leur maison ou sa
17 maison était restée vide, et l'on ne pouvait absolument pas protéger cette
18 maison.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie.
20 Cela met fin à votre déposition, Monsieur Mandic. Au nom de la Chambre,
21 nous aimerions vous remercier d'être venu à La Haye pour déposer et vous
22 pouvez maintenant disposer.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
24 [Le témoin se retire]
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le prochain témoin, M. Sipovac, n'est-ce
26 pas ?
27 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
Page 45818
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour, Monsieur Sipovac.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, faire la
4 déclaration solennelle.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
7 LE TÉMOIN : CEDO SIPOVAC [Assermenté]
8 [Le témoin répond par l'interprète]
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir et vous
10 mettre à l'aise.
11 Monsieur Karadzic, vous pouvez poursuivre.
12 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
13 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Sipovac.
14 R. Bonjour, Monsieur le Président.
15 Q. Je vais vous demander de respecter un temps de pause entre nos propos
16 et puis de ne pas parler trop vite. Nous venons d'Herzégovine, nous parlons
17 vite, mais après nous posons des problèmes aux interprètes.
18 Est-ce que vous avez donné une déclaration préalable à mon équipe de la
19 Défense ?
20 R. Oui, Monsieur le président.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin le
22 document 1D9663.
23 M. KARADZIC : [interprétation]
24 Q. Est-ce que vous voyez sur l'écran sur la gauche cette déclaration ?
25 R. Oui, j'en vois une partie. Voilà, voilà, je vois trois paragraphes.
26 Q. Est-ce que vous l'avez lue, est-ce que vous l'avez signée ?
27 R. Oui. Mais là, vous voyez, il y a un terme formé : "Le VTO". Non,
28 ils ne l'ont pas formé, ils ont tout simplement
Page 45819
1 "rempli leur rang," donc la décision de le former datait de plus tôt, en
2 1990, peut-être.
3 Donc, il s'agit de la ligne 3, paragraphe 3, où il est écrit :
4 "Ils ont été formés," non, à l'époque on remplissait leur rang.
5 Q. Donc, le VTO a été créé plus tôt, et ensuite, pendant la période
6 donnée, on a rempli les rangs du VTO ?
7 R. Oui.
8 Q. Donc est-ce qu'il faudrait corriger comme cela :
9 "VTO qui avait été créé auparavant a été fourni un élément pendant cette
10 période en personnel" ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que le reste de la déclaration correspond à la vérité ?
13 R. Eh bien, il y a une faute de frappe sur la page 2. Ce n'est pas "le
14 poste militaire 3673", mais --
15 Q. [aucune interprétation]
16 R. Je vais répéter. Donc, à la deuxième page, je regarde la version papier
17 que j'ai sous les yeux, troisième ligne. "VP", vous avez donc "VP 3670", et
18 après "VP 7362".
19 Q. Est-ce que le reste de la déclaration correspond à la vérité ?
20 R. Oui, sauf le paragraphe 10. Ce n'est pas l'année "1992" mais "1991." Je
21 ne me souviens pas de la date, mais il s'agit de l'année "1991", et pas
22 "1992".
23 Q. C'est la page 4 en serbe ?
24 R. Oui, page 4, point 10.
25 Q. Donc voilà, il faut remplacer "1992" par "1991" ?
26 R. Oui. Pour le reste, je pense que c'est correct.
27 Q. Très bien.
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Eh bien, je vais demander qu'on vous montre
Page 45820
1 aussi la dernière page pour la signature.
2 M. KARADZIC : [interprétation]
3 Q. Est-ce bien votre signature ?
4 R. Oui.
5 Q. Si aujourd'hui je vous posais les mêmes questions que les questions qui
6 vous ont été posées par mon équipe de la Défense, est-ce que vous
7 répondriez de la même façon, au fond ?
8 R. Oui, au fond, oui, je ne changerais rien. Bon, je peux éventuellement
9 apporter de précision, si le besoin se présente.
10 Q. Très bien.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais demander que cette déclaration soit
12 versée au dossier en vertu de l'article 92 ter.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des objections du
14 côté du Procureur ?
15 Mme PELIC : [interprétation] Non, pas d'objection. Mais je voudrais dire
16 que certaines questions ont été posées de façon à guider le témoin, et puis
17 aussi on demande au témoin de tirer des conclusions sur les points de
18 droit. Je vais vous citer un exemple. Les questions 6, 12, 13 et 14 sont
19 des questions qui guident le témoin. Et puis, aussi, on demande au témoin
20 de tirer des conclusions juridiques, et là il s'agit d'établir le poids à
21 accorder à la réponse donnée.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Excusez-moi, Madame Pelic.
23 Nous allons le verser, donc.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est versé au dossier --
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur
26 Karadzic.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci. Je vais vous donner lecture de la
28 déclaration de M. Cedo Sipovac en anglais.
Page 45821
1 Cedo Sipovac travaillait dans le secrétariat de la Défense populaire à
2 Prijedor.
3 Cedo Sipovac a remarqué en 1991 que la situation politique en RSFY
4 devenait de plus en plus compliquée. Il a remarqué aussi que l'on ne
5 respectait entièrement la constitution et les ordres de la présidence de la
6 RSFY. Ceci a été mis à la lumière surtout au moment où les instructions
7 sont arrivées du secrétariat de la Défense nationale de la République de
8 Bosnie-Herzégovine qui a interdit la mobilisation des unités de guerre.
9 Cependant, dans le même document, il y avait des instructions indiquant aux
10 gens comment procéder la mobilisation.
11 D'après les connaissances de Sipovac à l'époque, toutes les
12 nominations, tous les remplacements au sein de la JNA étaient effectués en
13 accord avec la réglementation en vigueur à l'époque, et il n'y a pas eu de
14 remplacement planifié du personnel. Il a pris note du fait que les gens de
15 tous groupes ethniques, de toutes appartenances ethniques, ont répondu à
16 l'appel à la mobilisation en 1991. Cedo Sipovac n'est pas d'accord avec ce
17 qu'ont dit les témoins, à savoir que les Musulmans ont reçu des armes de
18 moins bonne qualité alors que les Serbes ont reçu des armes automatiques.
19 Cedo Sipovac se rappelle qu'à un moment donné en 1992, un groupe
20 s'est réuni devant le bâtiment du secrétariat de la Défense nationale de
21 Prijedor, et ce rassemblement était organisé par la Ligue patriotique. Ils
22 voulaient s'emparer de la documentation du secrétariat pour éviter que l'on
23 mobilise les recrues.
24 Ensuite, le 30 mai 1992, il était au courant du fait que les
25 Musulmans ont attaqué les zones urbanisées de Prijedor et que plusieurs
26 membres de la police et de l'armée ont été blessés.
27 Cedo Sipovac n'était pas au courant que les cellules de Crise ou
28 toute autorité civile ou de police de la municipalité servaient pour
Page 45822
1 perpétrer le génocide, la persécution, extermination, meurtre, déportation
2 et des actes inhumains concernant la population musulmane et croate de ce
3 territoire que réclamaient les Serbes.
4 Cedo Sipovac ne savait pas qu'il y avait des camps dans la zone de
5 Prijedor. Il savait qu'il y avait deux centres d'enquête à Omarska et à
6 Keraterm. Il savait qu'il y avait un centre de rassemblement à Trnopolje où
7 les gens se sont rendus de leur propre gré et ils y sont restés jusqu'au
8 moment où ils ont quitté Prijedor parce qu'ils ne se sentaient pas en
9 sécurité ailleurs.
10 Avec ceci se termine ma lecture de la déposition préalable, du
11 résumé, et je n'ai pas d'autres questions pour M. Sipovac.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
13 Monsieur Sipovac, comme vous avez pu le remarquer, votre déposition en
14 l'espèce au principal a été versée au dossier par écrit, par le biais de
15 votre déclaration écrite, et ceci remplace votre déposition orale. A
16 présent, c'est le représentant du bureau du Procureur qui va vous
17 interroger.
18 Est-ce que vous m'avez compris ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Mais vous savez, M. Karadzic, en donnant
20 lecture de ce texte, a à nouveau parlé de l'année 1992. Non, il ne s'agit
21 pas de l'année 1992; il s'agit de l'année 1991. Je m'excuse de vous
22 corriger, mais je dis cela pour que le compte rendu soit exact.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Je vous remercie de cette
24 précision.
25 Monsieur Sipovac, je voudrais vous dire aussi qu'à tout moment où vous ne
26 vous sentez pas à l'aise, faites-le savoir et on va vous accorder une
27 pause.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci de votre compréhension.
Page 45823
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 45824
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez continuer, Madame Pelic.
2 Mme PELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 Contre-interrogatoire par Mme Pelic :
4 Q. [interprétation] Tout d'abord, je voudrais parler des différents rôles
5 que vous avez eus et je voudrais tirer cela au clair.
6 D'après le paragraphe 2 de votre déclaration, entre le mois de
7 septembre 1994 [comme interprété] et le mois d'octobre 1991, vous avez
8 travaillé au secrétariat de la Défense nationale à Prijedor en tant
9 qu'employé chargé de la protection des civils; est-ce exact ?
10 R. Excusez-moi, la traduction ne vient que de commencer. Est-ce que vous
11 me posez une question ? Parce que je n'ai pas entendu le début de la
12 question. Pouvez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ? Excusez-
13 moi.
14 Donc, je n'ai pas entendu la traduction. Pourriez-vous me répéter la
15 question, s'il vous plaît ?
16 Q. Pas de problème. Je vais répéter.
17 Tout simplement, je voudrais savoir exactement quelles ont été vos
18 fonctions. Parce que d'après le paragraphe 2 de votre déclaration, entre le
19 mois de septembre 1984 et le mois d'octobre 1991, vous étiez employé au
20 niveau du secrétariat de Défense nationale de Prijedor, vous étiez donc
21 chargé de la protection civile, employé dans ce service en tant que
22 fonctionnaire ?
23 R. Oui.
24 Q. Et dans votre déclaration, vous avez répété à plusieurs reprises que
25 vous étiez officier chargé du recrutement et de la mobilisation des recrues
26 dans le cadre d'un organe militaire connu comme VTO.
27 Donc, vous n'étiez pas un simple employé. Vous étiez aussi le chef de
28 l'organe territorial militaire chargé de la mobilisation au niveau de la
Page 45825
1 garnison de Prijedor; est-ce exact ?
2 R. Non. J'ai été adjoint du commandant plus tard. Mais à l'époque, je
3 n'étais jamais chef de la VTO. C'était Mile Stojanovic qui était commandant
4 de la section. Moi, j'étais référendaire pour la mobilisation à partir de
5 septembre 1991, et mon supérieur hiérarchique direct était le capitaine
6 Micic. Et je suis resté à ce poste au sein de VTO jusqu'en août 1992, si
7 vous faites référence au VTO.
8 Q. Vous connaissez Slavko Budimir, qui, à partir de la prise de pouvoir à
9 Prijedor à la date du 30 avril 1992, était secrétaire du secrétariat
10 municipal pour la Défense nationale, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, je le connais. Je connais Slavko.
12 Mme PELIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher à présent le
13 document de la liste 65 ter qui porte le numéro 25872.
14 Est-ce qu'on peut afficher la page 12 859 du compte rendu, lignes 17 et 18.
15 La page du compte rendu 12 859.
16 Q. Il s'agit du compte rendu de la déposition de Slavko Budimir dans
17 l'affaire le Procureur contre Stakic, et lorsqu'on lui a posé la question
18 concernant votre rôle, il a dit que vous étiez chef du VTO, chargé de la
19 mobilisation dans la garnison de Prijedor. C'est vrai, n'est-ce pas ?
20 R. Je ne vois pas --
21 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant. Le témoin,
23 probablement, ne comprend pas la langue anglaise, et il vaut mieux que vous
24 disiez au témoin de quoi il s'agit.
25 Oui, Maître Robinson.
26 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, nous soulevons une
27 objection pour ce qui est de la présentation de ce compte rendu de la
28 déposition de M. Budimir, puisque nous avons déposé une requête concernant
Page 45826
1 une injonction à comparaître pour M. Budimir le 22 janvier 2013. Et dans la
2 décision concernant cela, la Chambre de première instance a rejeté cette
3 requête. Et nous pensons qu'il n'est pas correct que l'Accusation soit en
4 mesure d'utiliser cette partie de la déposition de M. Budimir sans que la
5 Défense n'ait le droit de le faire venir ici.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pouvez-vous développer votre
7 raisonnement pourquoi cela ne serait pas juste pour vous ?
8 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, puisque nous avons
9 demandé que M. Budimir vienne ici pour déposer. Et s'il était venu ici,
10 nous aurions eu donc l'occasion de lui poser des questions concernant sa
11 position. Mais maintenant, si vous permettez à l'Accusation d'utiliser sa
12 déposition sans avoir permis à la Défense d'avoir l'occasion de citer ce
13 témoin, pour ce qui est de ce point qui n'est pas important, nous croyons
14 que l'Accusation ne devrait être en mesure d'utiliser cette déposition.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends votre objection. Mais pour
16 ce qui est de ce compte rendu il est question seulement de la position du
17 témoin à l'époque.
18 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, mais elle a présenté le compte rendu de
19 la déposition, qui n'est pas à la disposition de la Chambre.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends cela.
21 M. ROBINSON : [interprétation] Sa déposition n'est pas à la disposition de
22 la Chambre. Nous avons essayé de le faire venir ici et cette requête a été
23 rejetée. C'est ce que je voulais dire.
24 Cette question a été soulevée également par rapport à M. Tomasevic
25 [phon] [comme interprété], le juge militaire, et vous avez rejeté notre
26 requête pour ce qui est de l'injonction à comparaître pour ce témoin et
27 vous avez permis à l'Accusation de procéder. Et j'ai voulu soulever encore
28 une fois cette objection puisque le témoin n'était pas à la disposition de
Page 45827
1 la Défense puisque la Chambre a rejeté la requête concernant l'injonction à
2 comparaître, et l'Accusation ne devrait pas être en mesure de poser des
3 questions concernant les événements auxquels ce témoin était impliqué.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je comprends ce que vous venez de dire.
5 Est-ce que vous voudriez dire quelque chose, Madame Pelic ?
6 Oui, Monsieur Tieger.
7 M. TIEGER : [interprétation] D'abord, puisque Me Robinson sait qu'il y a eu
8 une décision par rapport à une question, il veut tout simplement maintenir
9 cette objection, ce qui n'est pas vraiment nécessaire. Il ne devrait pas
10 demander que cette question soit soulevée à moins que la Chambre ne lui
11 demande cela.
12 Deuxièmement, par rapport à ce que la Chambre a dit dans la décision, c'est
13 tout à fait correct. Et nous allons entendre ce que le témoin va nous dire.
14 Peut-être qu'il va nous dire que c'est tout à fait juste, ou bien nous
15 allons apprendre qu'il y avait d'autres informations -- et la Chambre a le
16 droit de faire cela ou de prévenir le témoin de déposer contrairement aux
17 informations qui avaient été présentées devant le Tribunal auparavant, à
18 l'insu de la Chambre de première instance.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est d'accord avec la remarque
21 de M. Tieger. Le Procureur peut présenter ce compte rendu au témoin.
22 Madame Pelic, vous pouvez poursuivre.
23 Mme PELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur Sipovac, Slavko Budimir a déposé dans l'affaire le Procureur
25 contre Stakic, et je vais citer ce qu'il a dit à cette occasion-là.
26 Lorsqu'on lui a posé la question concernant votre rôle, M. Budimir a dit :
27 "Il était chef de l'organe territorial militaire pour la mobilisation dans
28 la garnison de Prijedor."
Page 45828
1 Est-ce vrai ?
2 R. Non. Tout à l'heure, dans ma réponse précédente, j'ai dit que je
3 n'étais pas chef de l'organe territorial militaire à Prijedor. Son chef
4 était le commandant Milivoj Stojanovic et son adjoint pour la mobilisation
5 était, je pense, le capitaine Jovan Micic. C'était il y a très longtemps,
6 et moi j'étais en charge des activités liées à la mobilisation au sein de
7 l'organe territorial militaire de Prijedor, et j'ajouterais que cela
8 couvrait la région de Prijedor, de Sanski Most, de Bosanska Dubica et de
9 Novi Grad. C'étaient les municipalités couvertes par cet organe territorial
10 militaire de Prijedor. Il n'est pas nécessaire que je réitère cela puisque
11 j'ai prononcé la déclaration solennelle pour dire la vérité. Je ne sais pas
12 pourquoi M. Budimir a dit cela. Je ne m'attendais pas à ce que cette
13 question me soit posée, puisque j'aurais pu apporter des documents qui
14 attestent de ma nomination. Si vous le voulez, je peux vous faire parvenir
15 ces documents.
16 Q. Très bien. Dans la déclaration, à la question numéro 9, vous avez dit
17 que vous participiez à la réunion du Conseil de Défense nationale de la
18 municipalité de Prijedor le 15 mai 1992, et lors de cette réunion vous avez
19 fait rapport portant sur la mobilisation, n'est-ce pas ?
20 R. Je ne suis pas certain de la date, que cela ait été le 15, puisque lors
21 des entretiens avec les équipes de Défense, mon nom a été mentionné. Mais
22 je ne suis pas sûr. J'ai été peut-être présent seulement lors des réunions
23 où des rapports portant sur la mobilisation ont été présentés, parce que le
24 chef m'a délégué ce pouvoir. Puisque lors des réunions du Conseil de la
25 Défense nationale, les questions liées à la mobilisation ont été également
26 discutées, puisque c'était d'actualité à l'époque.
27 Mme PELIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher la pièce
28 P30529 [comme interprété].
Page 45829
1 Est-ce que maintenant je peux procéder à une correction au niveau du compte
2 rendu : c'est P03529.
3 Q. Monsieur, c'est le compte rendu de la quatrième réunion du
4 Conseil pour la Défense nationale de l'assemblée municipale de Prijedor,
5 qui a eu lieu le 15 mai 1992. J'ai parlé de cela tout à l'heure. Si vous
6 regardez la liste des personnes présentes à la réunion, vous allez voir que
7 parmi ces noms figure votre nom, n'est-ce pas ? Répondez par un oui ou par
8 un non, s'il vous plaît.
9 R. Sipovac Cedo, oui, je vois mon nom qui figure sur cette liste.
10 Q. Et si vous regardez l'ordre du jour, au point 2, vous allez voir "la
11 mobilisation sur le territoire de la municipalité."
12 Mme PELIC : [interprétation] Passons à la deuxième page en anglais, et pour
13 ce qui est de la version en B/C/S, nous restons à la page numéro 1. C'est
14 le dernier paragraphe dans la version en B/C/S.
15 Q. Monsieur le Témoin, votre nom est mentionné ici, parmi les noms des
16 personnes qui ont pris part à la discussion relative à la mobilisation de
17 la municipalité de Prijedor, n'est-ce pas ?
18 R. Je n'ai pas compris cela. Ici, on voit "conclusions". En dessous de
19 l'ordre du jour, il a été proposé que d'autres membres de l'état-major
20 soient nommés, ensuite le statut des forces déployées. A la discussion ont
21 participé Zeljaja [phon], Sipovac Cedo, donc l'exécution de la
22 mobilisation.
23 Oui, oui, mon nom y figure.
24 Q. Le dernier paragraphe, Monsieur le Témoin.
25 R. Oui, oui, je l'ai vu. C'est à la troisième ligne. Je suis d'accord avec
26 vous, mon nom y figure.
27 Q. Il s'agit, en fait, de la réunion dont on a déjà parlé du 15 mai, et
28 lors de laquelle vous avez fait rapport sur la mobilisation, n'est-ce pas ?
Page 45830
1 Répondez par un oui ou par un non.
2 R. Probablement que oui. Puisque c'était mon rôle, j'avais été en charge
3 de suivre l'exécution de la mobilisation.
4 Q. Et cette mobilisation qui a eu lieu en mai 1992 dans la municipalité de
5 Prijedor a été menée conformément à la décision de l'assemblée de la Région
6 autonome de Bosanska Krajina, n'est-ce pas ?
7 R. Je n'ai pas reçu l'interprétation. Je ne peux pas comprendre la langue
8 anglaise.
9 Q. Est-ce que vous avez reçu l'interprétation maintenant ?
10 R. Oui, j'ai reçu l'interprétation. La mobilisation n'a pas été organisée
11 selon l'ordre de la Région autonome de Krajina. La mobilisation était un
12 processus permanent à partir de l'année 1991, jusqu'au moment où il fallait
13 compléter les unités de guerre. Pendant 1992, également. Cela n'a pas été
14 exécuté selon cet ordre, et je ne connais pas cet ordre. L'ordre portant
15 sur la mobilisation a été donné le 21 mai, portant sur la mobilisation
16 générale. Et en tant qu'employé qui était en charge de suivre l'exécution
17 de la mobilisation, j'étais en charge de faire rapport là-dessus, puisqu'il
18 s'agissait d'un processus permanent de la mobilisation, mais je n'étais pas
19 au courant de cet ordre qui aurait été donné par la Région autonome de
20 Krajina, de Bosanska Krajina. Je n'étais pas au courant de cet ordre.
21 Mme PELIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut maintenant afficher la pièce
22 P03535, s'il vous plaît.
23 Q. Monsieur le Témoin, il s'agit du compte rendu de la deuxième séance du
24 Conseil pour la Défense nationale de l'assemblée municipale de Prijedor qui
25 a eu lieu le 5 mai 1992.
26 S'il vous plaît, regardez la conclusion numéro 2. Cela se trouve à la page
27 numéro 1 dans les deux versions, en anglais et en B/C/S.
28 Et dans cette conclusion, il est dit, je cite : --
Page 45831
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on voit son nom ici parmi les
2 personnes présentes ?
3 Mme PELIC : [interprétation] Non, il n'était pas présent à cette réunion.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Allez-y.
5 Mme PELIC : [interprétation]
6 Q. Je vais citer la conclusion numéro 2. Je cite :
7 "La mobilisation ordonnée conformément à la décision de la Région autonome
8 de Bosanska Krajina par rapport à la situation actuelle sur le territoire
9 de la municipalité doit être exécutée conformément aux conditions d'un plan
10 spécial et par rapport aux documents émanant du secrétariat municipal pour
11 la Défense nationale."
12 En fait, cela nous montre que la mobilisation a été exécutée sur la base de
13 la décision rendue par l'assemblée de la Région autonome de Bosanska
14 Krajina, n'est-ce pas ?
15 R. Vous me posez une question qui est constatée ici dans ce document. Mais
16 moi, je n'ai pas procédé à la mobilisation. Je n'ai pas participé à la
17 mobilisation. Je n'ai pas reçu cet ordre ni du chef ni de qui que ce soit
18 d'autre. C'est le point de vue du conseil qui s'est penché sur la
19 mobilisation, c'était son droit. Mais c'est la constatation qui est la
20 vôtre et qui également figure dans ce document. Je ne peux pas vous donner
21 de commentaire là-dessus puisque je n'en sais rien. Je n'ai pas participé à
22 ce processus. Je vous ai dit quand j'ai reçu l'ordre portant sur la
23 mobilisation, c'était le 21 mai 1992, et c'était par rapport à la
24 mobilisation générale, et cet ordre, je l'ai reçu par le biais du
25 commandement, par le biais du commandant supérieur.
26 Q. Mais le 15 mai 1992, vous étiez à la réunion, à la quatrième réunion de
27 ce conseil, et vous avez fait rapport portant sur la mobilisation. Vous
28 venez de confirmer cela, c'est vrai, n'est-ce pas ?
Page 45832
1 R. Madame le Procureur, j'ai confirmé cela. Excusez-moi, il faut que je
2 répète cela. J'ai confirmé que la mobilisation était un processus continu,
3 permanent, à partir du moment où il fallait procéder à la mobilisation, et
4 dure jusqu'au moment où il y a le besoin pour compléter les unités de
5 guerre, à savoir de 1991, durant l'année 1992, et 1993 et 1994, et cetera.
6 Moi, j'ai dit, j'ai parlé des informations dont je disposais concernant la
7 situation sur le terrain, je maintiens cela. Mais ce n'était pas pour ce
8 qui est de cette décision, mais pour ce qui est des ordres que j'ai reçus
9 concernant mes tâches et non pas conformément à cette décision. Puisque
10 vous insistez à ce que je commente cette décision, et je ne peux pas faire
11 cela puisque mon supérieur hiérarchique ne m'a pas présenté des choses
12 ainsi.
13 Q. Je vais passer à un autre sujet que j'aimerais aborder avec vous.
14 Dans votre déclaration, aux questions 5 et 6, vous avez dit que vous
15 ne disposez pas de faits disant que qui que ce soit aurait œuvré sur le
16 remplacement des officiers musulmans par les officiers serbes, y compris le
17 colonel Muharem Efendic, qui a été remplacé par le colonel Radisic,
18 officier serbe. Regardons quelques exemples. Le jour où il y a eu la prise
19 des pouvoirs à Prijedor, à savoir le 30 avril 1992, le secrétaire du
20 secrétariat pour la Défense nationale, Medunjanin, a été remplacé par
21 Slavko Budimir, n'est-ce pas ?
22 R. D'après ce que vous venez de dire, oui; les documents dont je
23 dispose, selon les documents dont je dispose et les informations que j'ai
24 reçues, mais cela n'a rien à voir avec ma fonction, puisque moi j'ai été
25 membre des forces armées de la JNA et rien que ça.
26 Q. Merci.
27 R. Mon micro a été éteint. Donc, cela n'a rien à voir avec cette partie
28 des forces armées et avec l'armée. Il s'agissait du secrétariat de la
Page 45833
1 Défense nationale, qui relevait de la compétence des autorités civiles, et
2 ici, la question a été posée s'il y a eu des remplacements au sein de
3 l'armée. J'ai dit que non, et au moment où j'ai été nommé chef du l'organe
4 chargé de la mobilisation, cela n'a jamais été le cas. Contraire. Les
5 choses se sont passées différemment. Il y a des cas tout à fait opposés à
6 ce cas-là.
7 Q. Monsieur, Becir Medunjanin était Musulman, n'est-ce pas ?
8 R. Je n'aime pas parler de l'appartenance ethnique de qui que ce soit,
9 mais j'admets qu'il était Musulman, puisque vous l'avez constaté.
10 Je connais Becir Medunjanin en personne et c'est pour ça que je vous dis
11 cela. Je le connaissais.
12 Q. En fait, Slavko Budimir était Serbe.
13 R. Je ne sais pas. Vous me dites il l'était. Il l'est probablement au jour
14 d'aujourd'hui. Peut-être qu'il a changé d'appartenance ethnique. Mais je
15 vous dis que je n'aime pas m'exprimer sur l'appartenance ethnique de qui
16 que ce soit sans avoir consulté au préalable la personne en question.
17 Q. Pour ce qui est de Vahid Ceric, lui également il a été remplacé au
18 poste de commandant de Conseil exécutif de l'organe pour les affaires
19 personnelles et c'était le Conseil exécutif de la municipalité serbe de
20 Prijedor qui a rendu sa décision portant sur son remplacement le 5 mai
21 1992, n'est-ce pas ?
22 R. Madame, votre question était par rapport à l'armée, et je vous dis
23 qu'il n'y a pas eu de telles choses dans l'armée, dans les unités de
24 guerre. Vous me demandez maintenant si cela concernait les structures
25 civiles. Si vous parlez du Conseil exécutif, c'était dans le cadre de sa
26 compétence, mais ce n'était pas dans le cadre de la compétence de la JNA ou
27 de l'armée. Mais puisque je n'ai pas participé à ce processus, je ne peux
28 pas en parler. Si les choses se sont passées ainsi - probablement que
Page 45834
1 c'était le cas - il y a des documents là-dessus, mais cela n'avait rien à
2 voir avec mes activités, avec l'armée et les unités armées. C'étaient les
3 autorités civiles qui s'occupaient de cela, et cela relevait de la
4 compétence des autorités civiles. Je ne sais pas pourquoi ils ont fait
5 cela.
6 Mme PELIC : [interprétation] Je vais demander la pièce P03554.
7 Q. Ici, il s'agit de la décision du Comité exécutif de la municipalité de
8 Prijedor, signée par le président du Comité exécutif, le Dr Milan
9 Kovacevic. La date est celle du 5 mai 1992.
10 Dans le point 1 de la décision, on dit que Ceric est démis de son poste.
11 Au niveau du deuxième paragraphe, on dit que le commandant Radmilo Zeljaja
12 sera responsable de la mise en œuvre de cette décision.
13 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai une objection. La question a été posée et
14 le témoin a répondu à la question. Il n'est pas au courant des événements
15 dans le secteur civil du pouvoir.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Peut-être que ce document va rafraîchir
17 sa mémoire.
18 Mme PELIC : [interprétation] Et je n'ai pas posé la question.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre. Je ne permets
20 pas votre objection.
21 Mme PELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Donc, Monsieur, le commandant Radmilo Zeljaja, qui était responsable de
23 la mise en œuvre de cette décision que nous sommes en train de regarder,
24 faisait partie de la 43e Brigade motorisée; est-ce exact ?
25 R. Oui. C'est ce que dit la décision. Je ne suis pas un juriste, mais je
26 m'y connais suffisamment pour voir que ce travail ne relevait pas de la
27 compétence de Zeljaja. Il n'avait rien à faire avec cela. Je ne sais pas
28 pourquoi cela était écrit, car moi, je m'occupais des ressources humaines.
Page 45835
1 Je m'y connais un peu et c'est tout simplement pas possible, ce qui est
2 écrit là.
3 Moi, je ne suis pas un juriste, je le répète, mais là, vous voyez que
4 vous avez deux organes complètement opposés qui n'ont rien à voir ensemble.
5 Donc, vous avez la présidence du Comité exécutif. C'est un organe civil qui
6 a traité les autorités de la TO, car les structures civiles nommaient les
7 officiers et les employés dans les QG de la TO, alors que Zeljaja, et que
8 d'ailleurs plus tard est mon commandant, il faisait partie de l'armée.
9 Donc, ce n'est pas quelque chose qui ait pu se produire à l'époque. Peut-
10 être plus tard. Vous ne pouvez pas nommer quelqu'un qui travaille dans
11 l'armée pour qu'il s'occupe des affaires civiles. Cette nomination relevait
12 de la compétence des autorités civiles. Par exemple, Vahid Ceric
13 travaillait dans la TO, dans les QG de la TO, alors que Zeljaja travaillait
14 dans l'armée.
15 Q. Les interprètes vous demandent de ralentir.
16 R. Excusez-moi. Je peux répéter, si vous le voulez.
17 Q. Il n'est pas besoin de répéter.
18 Donc, contrairement à ce que vous dites, là, vous avez encore un
19 remplacement qui est fait à cause de l'appartenance ethnique, n'est-ce pas
20 ?
21 R. Eh bien, je le répète pour la troisième fois, me semble-t-il. Je ne
22 souhaite pas faire des commentaires à ce sujet, car vous ne pouvez pas vous
23 prononcer sur l'appartenance ethnique de quelqu'un. Vous pouvez vous lancer
24 dans des conjectures sur la base des noms, mais moi, je ne souhaite pas le
25 faire. Et dans l'armée où j'ai travaillé, il n'y a pas eu de tels exemples.
26 Et moi, je peux vous citer des exemples contraires. Donc, moi, je ne
27 souhaite pas faire des commentaires. Je ne souhaite pas parler de
28 l'appartenance ethnique. Je ne veux pas parler de cela. Moi, je ne peux pas
Page 45836
1 reconnaître ce que vous dites, car le document ne démontre pas que cette
2 personne est démise de ses fonctions sur des bases ethniques.
3 Ceric Vahid, qu'est-ce qu'on sait à son sujet ? A son sujet, ce n'est pas
4 quelque chose qui est clairement dit. Je ne vois pas d'éléments qui
5 corroboreraient votre thèse qu'il s'agit là d'un remplacement fondé sur
6 l'appartenance ethnique et sur les bases ethniques.
7 Q. Vahid Ceric est un Musulman; non ?
8 R. Madame, vous persistez. Vous voulez me convaincre, vous voulez me
9 forcer à dire quelque chose que je ne peux pas dire. Moi, je peux
10 comprendre qu'à en juger de son nom, de son prénom, vous dites que c'est un
11 Musulman, mais le document ne le dit pas. Moi, je le connaissais, j'ai
12 travaillé avec lui; mais moi, je ne veux pas accepter votre position, à
13 savoir qu'il a été démis de ses fonctions parce qu'il s'appelait Vahid. De
14 toute façon, moi, je ne savais pas s'il était Musulman. Car je n'ai jamais
15 vu de document testifiant [phon] de son appartenance ethnique musulmane. Si
16 vous me posez encore une question semblable, eh bien, je vais vous donner
17 mes raisons personnelles pour lesquelles je pense que ce que vous dites ne
18 correspond pas à la vérité.
19 Q. Monsieur, je voudrais aborder le dernier sujet.
20 Dans votre déclaration, dans les pages 6 à 8, vous avez dit que vous
21 n'aviez pas de connaissance de crimes qui se sont produits dans la
22 municipalité de Prijedor, d'après l'acte d'accusation en l'espèce. Vous
23 avez aussi dit que si telle avait été la politique des autorités civiles ou
24 de police au niveau local ou municipal, les structures de défense auraient
25 été au courant de cela.
26 Les Juges ont reçu un grand nombre de moyens de preuve témoignant des
27 crimes commis dans la municipalité de Prijedor. Nous venons de parler de la
28 destitution de votre collègue, Beco [comme interprété] Medunjanin. Les
Page 45837
1 Juges ont entendu une déposition témoignant qu'il a été torturé et tué dans
2 le camp d'Omarska.
3 Mme PELIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce confidentielle P00707,
4 et les numéros du compte rendu d'audience
5 2 728, 2 730 et 2 738.
6 Q. Monsieur, vous êtes au courant du sort réservé au chef de
7 l'organisation pour laquelle vous travailliez ?
8 R. Ecoutez, je viens de l'apprendre de votre bouche.
9 C'est un homme qui a toujours été très correct avec moi. C'était comme ça.
10 Et je suis désolé que tel ait été son sort, si tel a été son sort. J'en
11 suis vraiment désolé. Je n'étais pas au courant de cela. Parfois quand
12 j'entendais le nom de famille Medunjanin, j'étais bien content d'entendre
13 ce nom de famille parce que je me suis dit que je devrais peut-être
14 contacter ce jeune homme qui était un footballeur, le Medunjanin dont on
15 parlait à la télé, pour voir si ce n'était pas son fils parce que j'avais
16 envie d'entrer en contact avec lui. Vous savez, il était chef du
17 secrétariat au moment où je suis parti, et il m'a dit que si jamais j'avais
18 des problèmes là où je partais -- eh bien, il m'a proposé de me garder la
19 place pour que je puisse retrouver la place que j'étais en train de
20 quitter. Et je suis vraiment désolé d'apprendre la terrible nouvelle que
21 vous m'annoncez.
22 Q. Monsieur, les Juges de la Chambre ont aussi entendu dire que l'épouse
23 de M. Medunjanin, Sadeta Medunjanin, avait été emmenée du camp d'Omarska,
24 et par la suite ses restes ont été exhumés d'une fosse commune.
25 Mme PELIC : [interprétation] Pour les Juges de la Chambre, je dis que c'est
26 quelque chose qui se trouve dans les pièces à conviction P30538 [comme
27 interprété], pages 28 à 29; pièce P04855, page 23; et la pièce P04853, page
28 15.
Page 45838
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 45839
1 Q. Monsieur, vous êtes tout à fait au courant de cela, n'est-ce pas ?
2 R. Je ne vois pas quel est ce document. Je vois que vous mentionnez un
3 document en anglais. Je ne vois pas quels sont ces documents. Je ne vois
4 pas de quoi il s'agit. Ce qui concerne son épouse, écoutez, je n'étais
5 absolument pas au courant de cela. Je suis désolé. Si elle a disparu comme
6 cela, je suis vraiment désolé, et pas seulement pour elle. J'aurais été
7 désolé pour n'importe qui.
8 Mais bon, le document que vous venez de mentionner, je ne l'ai pas vu. Je
9 vous ai juste entendue dire que les restes de son épouse ont été exhumés.
10 Ecoutez, moi, je n'ai vu aucun document. Montrez-moi les documents.
11 Q. Monsieur, j'ai tout simplement cité les pièces à conviction qui en
12 témoignent, les pièces à conviction en l'espèce, et je n'avais pas
13 l'intention de vous les montrer.
14 Je vous ai tout simplement demandé si vous saviez que Sadeta Medunjanin
15 avait été emmenée du camp d'Omarska et que par la suite ses restes ont été
16 exhumés ? Vous le saviez, n'est-ce pas ?
17 R. Je n'ai pas compris la question. Parce que vous avez dit que cela s'est
18 produit. Donc, je ne vous ai pas compris la première fois. Donc, voilà.
19 Maintenant, vous dites que c'est un fait établi. Eh bien, je n'étais pas au
20 courant de cela avant, croyez-moi.
21 Q. Vous avez parlé aussi de ce que les structures de la défense savaient
22 au sujet des crimes qui se sont produits dans la municipalité de Prijedor.
23 Mme PELIC : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce P03662.
24 Q. Monsieur, ici, il s'agit d'un rapport de combat régulier du 1er Corps
25 de la Krajina adressé à l'état-major principal de la République serbe de
26 Bosnie-Herzégovine. La date est le 31 mai 1992.
27 Mme PELIC : [interprétation] Je vous renvoie vers la page 2 de la version
28 en anglais et page 3 en version B/C/S.
Page 45840
1 Q. Je vous prie de vous pencher sur le dernier paragraphe en version
2 B/C/S. Dans la version en anglais, il s'agit du paragraphe du milieu.
3 D'après ce document, le commandement du 1er Corps de la Krajina dit que :
4 "Suite aux actions de Kozarac, Kljuc et Sanski Most, certains conscrits
5 militaires du groupe ethnique musulman ont demandé à quitter l'unité, ils
6 se sont dits mécontents des grosses destructions survenues dans leurs
7 localités respectives."
8 Alors, Monsieur, comme il apparaît clairement d'après ce document, les
9 structures de la défense ont bel et bien été mises au courant de grosses
10 destructions dans Kozarac, n'est-ce pas ?
11 R. Laissez-moi lire, s'il vous plaît.
12 Alors, vous avez parlé de 7 et 8 ?
13 Q. Non, j'ai fait référence aux pages 6 à 8 de votre déclaration. Et la
14 question se rapportait aux 11, 12, 13, 14 et 15. Le tout en corrélation
15 avec "les événements mentionnés à l'acte d'accusation."
16 R. En effet. Dans ce que vous me montrez dans ce rapport du 1er Corps de la
17 Krajina, je crois qu'il aurait été erroné de ne pas rédiger un rapport de
18 ce type. C'est un rapport relatif à la situation sur le terrain. La
19 situation n'était pas normale, mais il est normal que le rapport soit
20 présenté de cette façon-là vis-à-vis du commandement supérieur --
21 Q. Non, non, Monsieur, ça n'a pas été ma question.
22 R. Alors, vous m'avez dit de répondre au sujet du moral des troupes, et
23 vous avez posé un certain nombre de questions qui se rapportent au système
24 d'information. On parle du moral des troupes et on évoque les combattants
25 appartenant à des groupes ethniques différents --
26 Q. Non, je vous interromps. Je vais répéter plutôt ma question.
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Je pense qu'il en était
28 arrivé à commencer à répondre à la question que vous avez posée.
Page 45841
1 Continuez, je vous prie. Mais, Monsieur, faites en sorte que vos
2 réponses soient plus simples.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je me suis efforcé d'être simple, mais
4 j'ai demandé à ce que l'on fasse référence aux points évoqués dans ma
5 déclaration. On a parlé des cellules de Crise de la municipalité, un moyen
6 de mettre de côté les ressortissants des autres groupes ethniques, et ce
7 que j'ai eu à connaître de ce type de façon de procéder. Alors, j'ai
8 répondu --
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Vous êtes en train de parler trop vite.
10 Les interprètes n'arrivent pas à vous suivre.
11 Je vais demander à Mme Pelic de vous répéter la question, et veuillez
12 répondre.
13 Mme PELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
15 Mme PELIC : [interprétation]
16 Q. Ma question, Monsieur le Témoin, était simple. Je vous demande donc de
17 bien vouloir y répondre de façon simple.
18 Ce rapport de combat du 1er Corps de la Krajina montre que les
19 structures de la défense ont bel et bien été mises au courant des grosses
20 destructions survenues à Kozarac; est-ce bien vrai ?
21 R. Le rapport nous le montre, oui. C'est ce que dit le rapport, mais la
22 question a été formulée de façon autre. Il n'y a pas eu d'activités
23 planifiées pour ce qui est du système de la défense à cet effet. Pour ce
24 qui est de ce rapport --
25 Q. Merci.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis -- en fait, j'ai une objection. Le
27 rapport dit ce que pensent de ces destructions les soldats de l'armée de la
28 Republika Srpska qui sont membres du groupe ethnique musulman. Il faut être
Page 45842
1 précis, il s'agit là d'une opinion des combattants musulmans.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, je ne vois aucun fondement pour ce
3 qui est de cette objection.
4 Veuillez continuer, Madame Pelic.
5 Mme PELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
6 Q. Penchons-nous sur un autre exemple de ce que les structures de la
7 défense avaient su.
8 Mme PELIC : [interprétation] Je vous prie de nous faire afficher le D02040.
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] A quoi pensez-vous lorsque vous faites
10 référence aux "structures de la défense" ?
11 Mme PELIC : [interprétation] Je suis en train d'utiliser le terme utilisé
12 par le témoin dans sa déclaration fournie auprès des représentants de la
13 Défense.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ah oui. Merci.
15 Veuillez continuer, s'il vous plaît.
16 Mme PELIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Q. Monsieur, ceci est un rapport extraordinaire de la 22e Brigade
18 d'infanterie légère envoyé au commandement du 1er Corps de la Krajina,
19 département du renseignement et de la sécurité. C'est daté du 21 août 1992,
20 et le signataire est le lieutenant-colonel Bosko --
21 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas bien saisi le nom.
22 Mme PELIC : [interprétation]
23 Q. -- la date est, comme je l'ai dit, le 21 août 1992. Il s'agit d'un
24 convoi qui va de Travnik en passant par Prijedor, et il y a eu
25 l'intervention de la police de Sanski Most.
26 Alors, il apparaît clairement partant de ce document que les
27 structures de la défense savaient que les membres de la police ont
28 participé au massacre de Koricanske Stijene ? Je vous prie de répondre par
Page 45843
1 un oui ou par un non. Merci.
2 R. Ils ont envoyé un télégramme parce qu'ils avaient appris que quelque
3 chose s'était passé sur le terrain.
4 Mais si vous me le permettez, Madame, Messieurs les Juges, parce
5 qu'il y a une autre question qui a été posée en enfilade.
6 Les questions qui m'ont été posées à moi pour ce qui est des
7 questions 12, 13 et 14, je dirais que j'ai estimé qu'il n'y avait pas eu de
8 planning du point de vue des structures de la défense qui sous-entendait
9 telle chose, et je le maintiens.
10 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur, je ne pense pas que Mme Pelic
11 vous ait posé des questions au sujet d'un planning. La question était celle
12 de savoir s'il apparaissait clairement de ce document le fait que les
13 structures de la défense, c'est le terme que vous avez utilisé dans votre
14 déclaration à vous, avaient su que la police avaient participé au massacre
15 de Koricanske Stijene.
16 Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas lisible ici, mais si c'est la
18 teneur du télégramme, c'est donc ce qu'on avait appris au sujet de ce qui
19 s'était passé sur le terrain.
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon. Continuons.
21 Mme PELIC : [interprétation]
22 Q. Et ce témoin de la Défense, Slobodan Avlijas, a témoigné, pages 35 187
23 à 35 188, pour dire que la Republika Srpska dans son ensemble avait appris
24 que ce massacre avait été commis par les membres de la SJB de Prijedor.
25 Donc, tout le monde a été courant du massacre de Koricanske Stijene ?
26 R. Ce massacre de Koricanske Stijene, c'est un fait. Je ne sais pas quand
27 est-ce que les uns ou les autres en ont eu vent. Je vais vous dire que ce
28 n'est que par la suite, au bout de je ne sais combien de temps, que je l'ai
Page 45844
1 appris. C'est un fait.
2 Je parle de l'information. Je n'ai pas parlé d'une participation de
3 ma part, quelle qu'elle soit.
4 Q. Monsieur, contrairement à votre déclaration fournie à la Défense,
5 Milomir Stakic lui-même a témoigné en tant que témoin de la Défense, page
6 de compte rendu d'audience 45 269, et il a dit que :
7 "Le fait est que les crimes ont été commis. Et le fait est qu'ils ont
8 été expulsés de leurs maisons et obligés de quitter le secteur."
9 Alors, M. Stakic a également été d'accord pour dire que "bon nombre
10 d'entre eux étaient partis de peur, et cetera."
11 Alors, les crimes que M. Stakic et M. Avlijas évoquent, c'est des
12 crimes dont a eu à connaître le commandement du 1er Corps de la Krajina, et
13 tout ceci a été su par vos collègues, et d'après ce que vous dites dans la
14 déclaration faite auprès des représentants de la Défense, vous n'en avez
15 pas eu vent ?
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Pelic, est-ce que
18 le témoin a nié qu'il y ait eu perpétration de quelque crime que ce soit ?
19 Mme PELIC : [interprétation] Oui, en page 8 de la déclaration du témoin de
20 la Défense.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Paragraphe.
22 Mme PELIC : [interprétation] Paragraphe numéro 15, qui parle des incidents.
23 Et le témoin y affirme qu'il n'a pas eu à savoir qu'il y a eu des meurtres
24 de commis ou d'allégués dans la municipalité de Prijedor --
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant. Où est-ce que cela se trouve
26 ?
27 Mme PELIC : [interprétation] Les trois derniers paragraphes de la
28 déclaration pour la Défense.
Page 45845
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est au paragraphe 15 ?
2 Mme PELIC : [interprétation] Il s'agit des "événements mentionnés à l'acte
3 d'accusation." Avenant A.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bon.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mon objection était celle de dire : en quoi
6 ceci - ligne 24, page 49 - est en contradiction -- comment ces documents se
7 trouvent-ils être en contradiction avec sa déclaration.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez demandé au témoin
9 s'il avait eu vent du massacre de Koricanske Stijene ?
10 Mme PELIC : [interprétation] Si je puis répondre ?
11 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
12 Mme PELIC : [interprétation] Le massacre de Koricanske Stijene est englobé
13 et inclus dans l'acte d'accusation.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Moi, je vous ai demandé si vous aviez
15 posé cette question au témoin.
16 Mme PELIC : [interprétation] La Défense a établi un lien pour ce qui est
17 des meurtres et des lieux d'emprisonnement.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, mais est-ce que vous lui avez
19 demandé si le témoin avait eu vent de ce massacre à l'époque ?
20 Mme PELIC : [interprétation] Mais je peux le faire maintenant.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En effet, je crois que vous devrez poser
22 cette question.
23 Mme PELIC : [interprétation] Oui, merci.
24 Q. Monsieur le Témoin, est-ce qu'en 1992 vous avez eu vent du massacre de
25 Koricanske Stijene ?
26 R. Je n'arrive pas à me souvenir quant à ce que je l'ai appris; 1992,
27 1993, peut-être même 1994. Je ne sais pas vraiment pas. Mais je n'ai
28 absolument pas fait partie du système qui m'aurait permis de l'apprendre un
Page 45846
1 peu avant les autres. Alors, pour ce qui est de le savoir, quand est-ce que
2 ça s'est passé, à l'époque, non, je n'ai pas eu à le savoir. Le fait est
3 que ça s'est produit.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur -- Monsieur Sipovac, maintenant
5 vous savez que ça s'est passé.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai appris non pas maintenant, je
7 l'ai appris plus tard, mais je ne sais pas quand je l'ai appris.
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Mais qu'avez-vous voulu dire lorsque
9 vous avez affirmé "n'avoir eu aucune connaissance ou information au sujet
10 des meurtres" ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] La question qui m'a été posée pour ce qui est
12 de savoir si j'avais eu des informations, donc j'ai sous-entendu qu'au
13 moment où ça s'est passé je le savais; non, je ne le savais pas. Je n'avais
14 aucune raison de l'apprendre, et je n'évite en aucune façon de répondre,
15 oui, je l'ai su. Je n'ai pas de raison de répondre de cette sorte.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, non, le compte rendu n'est pas assez bon,
17 ne reprend pas fidèlement les propos.
18 Le témoin avait considéré que la question sous-entendait le fait d'avoir eu
19 vent de la chose à l'époque où ça s'est passé. On ne parle pas maintenant
20 de Koricanske Stijene, ça se trouve à 150 ou 200 kilomètres de là.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, cette partie-là n'est pas du tout
22 appropriée comme intervention.
23 Est-ce que vous avez des questions, Madame Pelic ?
24 Mme PELIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Merci.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions
26 supplémentaires, Monsieur Karadzic ?
27 M. KARADZIC : [interprétation] Oui, Excellence, à vous de décider quand
28 est-ce que nous devons faire la pause, et quand est-ce que nous devons
Page 45847
1 reprendre.
2 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que l'heure est venue de faire
3 une pause, mais une pause brève, une pause de 15 minutes, et ensuite nous
4 allons avoir une pause déjeuner comme d'habitude.
5 --- L'audience est suspendue à 11 heures 40.
6 --- L'audience est reprise à 11 heures 58.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, Monsieur Karadzic, allez-y.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 Nouvel interrogatoire par M. Karadzic :
10 Q. [interprétation] Monsieur Sipovac, on vous a posé des questions au
11 sujet de vos fonctions. Alors, est-ce que vous pouvez nous dire combien de
12 secteurs il y avait au niveau du VTO ?
13 R. Il y avait huit, neuf, ou dix employés. Il faudrait que je récapitule
14 les noms. Mais on était à peu près tant que cela.
15 Q. Et vous étiez chargé de quel secteur ?
16 R. J'étais chargé de la mobilisation.
17 Q. Et les autres étaient chargés d'autre chose ?
18 R. Les autres étaient chargés de recrutement, parce que cet organe chargé
19 de l'armée au niveau territorial était chargé du recrutement et aussi de
20 toutes les tâches liées à la mobilisation.
21 Q. Il faudrait parler plus lentement.
22 Si M. Budimir a dit que vous avez été chargé de la mobilisation, quelle
23 qu'ait été l'interprétation consignée, est-ce qu'il s'est trompé lorsqu'il
24 a dit que vous étiez chargé de la mobilisation ?
25 R. Moi, j'étais référendaire chargé de la mobilisation. Le chef de ce
26 département ou secteur était M. Mileta [phon] --
27 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter votre
28 réponse, parler plus lentement, s'il vous plaît.
Page 45848
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi.
2 J'étais référendaire chargé de la mobilisation. Le capitaine Micic était le
3 chef adjoint chargé de la mobilisation. Dans le secteur où j'ai travaillé,
4 dans ce secteur chargé de la mobilisation, il y avait encore trois ou
5 quatre référendaires qui y travaillaient à mes côtés.
6 M. KARADZIC : [interprétation]
7 Q. Merci. Dans ma question, lignes 2, 3, 4, on n'a pas consigné si M.
8 Budimir a dit que vous étiez chargé de la mobilisation, quel que soit le
9 titre qu'on vous ait attribué, chef, ou directeur, ou peu importe. Est-il
10 exact de dire que vous n'étiez chargé que de la mobilisation ?
11 R. Oui. Je n'étais pas directeur. Si j'ai bien compris la question, on m'a
12 demandé si j'étais à la tête de cette instance chargée de l'armée au niveau
13 territorial. J'ai été un simple un référendaire dans cette instance-là.
14 Q. Merci. Qui était donc Becir Medunjanin avant la guerre ?
15 R. Avant la guerre, puisque je l'ai connu, je pense qu'il était directeur
16 de l'école à Kozarac. Il était professeur de mathématiques et de physique.
17 Et suite aux élections pluripartites, il est devenu secrétaire du
18 secrétariat à la Défense nationale dans Prijedor.
19 Q. Merci. Pouvez-vous, je vous prie, nous dire ceci : il a été question
20 ici de mobilisation en tant que processus permanent et on a parlé d'une
21 proclamation relative à la mobilisation. Est-ce que vous pouvez dire aux
22 Juges de la Chambre si c'est la même chose; et si ce n'est pas la même
23 chose, où est la différence ?
24 R. Eh bien, la mobilisation, de par son envergure, peut être partielle ou
25 totale. De par la façon dont c'est proclamé ça peut être public. Et ça peut
26 être secret, c'est-à-dire remise de convocations ou d'appels sous les
27 drapeaux à titre individuel. Alors, la chose dont -- on a présenté les
28 choses je veux dire que la mobilisation était partielle, différentes unités
Page 45849
1 de guerre ont formulé des demandes pour ce qui est des mobilisations. Et ça
2 a duré depuis la proclamation de cette mobilisation jusqu'à ce qu'on ait
3 complété les effectifs dans les différentes unités de guerre.
4 Le 21 mai, il y a eu une mobilisation publique parce que tous les
5 conscrits, tous ceux qui étaient aptes à combattre étaient tenus de se
6 présenter à l'instance compétente aux lieux de résidence pour être recensés
7 comme conscrits pour qu'ils aient une affectation en temps de guerre, et
8 afin d'être envoyés, selon les besoins, dans des unités de guerre ou dans
9 des missions autres conformément au planning afférent.
10 Q. Merci. Qu'est-ce qui faisait donc de ces missions M. Medunjanin ? Mais,
11 avant cela, dites-nous si vous saviez qui était Muhamed Cehajic et quelles
12 ont été ses fonctions ? Et je me dois aussi de vous demander quelle était
13 son appartenance ethnique d'après son nom et prénom.
14 R. Muhamed Cehajic était professeur au lycée. Après les élections
15 pluripartites, il est devenu directeur au niveau de la municipalité de
16 Prijedor.
17 Q. Merci. Enes Kursumovic, l'avez-vous connu ?
18 R. Non. Ce nom ne me dit rien du tout. Je n'arrive pas à m'en rappeler. Je
19 ne sais pas.
20 Q. Et Fikret Kadiric et Sakib Besic ?
21 R. Fikret Kadiric, lui, je pense qu'il travaillait dans la police, au
22 poste de police de Prijedor. Et Sakib Besic, lui, faisait partie du QG de
23 la TO. Il était commandant ou chef. Et juste avant cela, il a été mis à la
24 retraite ou il était peut-être encore d'active. Je ne le sais plus.
25 Q. Merci. Je me dois de vous demander ceci. Est-ce que ces noms vous
26 semblent être des noms de Musulmans ?
27 R. Oui, pour ce qui est des noms et prénoms il est assez mal aisé de se
28 prononcer au sujet de leur appartenance ethnique d'après le nom et prénom.
Page 45850
1 Au niveau des registres militaires, on voit que les conscrits se prononcent
2 pour ce qui est de leur appartenance ethnique pour une première fois qu'ils
3 sont recensés. Mais je l'ai déjà mentionné cela, chaque peuple a une
4 culture, une tradition, et les coutumes. Et si la coutume dans le monde
5 orthodoxe est, par exemple, d'avoir un prénom Krsto, dans un monde musulman
6 on a un prénom qui est répandu, c'est Muhamed, mais on peut donc imaginer
7 que c'est bien le cas, d'après ces noms.
8 Q. Merci. Alors, quelles étaient les missions ou les tâches d'un
9 secrétaire chargé de la Défense nationale, fonction qui avait été attribuée
10 à M. Becir Medunjanin, qui a fait l'objet d'une question d'ailleurs ?
11 R. La mission d'un secrétaire est celle de gérer les activités dans une
12 instance, de faire réaliser les mesures et activités qui font partie des
13 attributions du secrétariat à la Défense nationale à l'époque. Entre
14 autres, il avait pour mission, en sus des recrutements, de procéder à des
15 planifications, et il avait pour obligation le recrutement des effectifs
16 nécessaires aux unités de guerre, aux unités de la Défense territoriale, de
17 la protection civile, d'observation et de mise en alerte, enfin, tout ce
18 qui était de cette nature-là, pour autant que je puisse m'en souvenir.
19 Q. Merci. Est-ce que sa mission consistait aussi à l'obligation
20 constitutionnelle et légale de contribuer à la défense du pays ?
21 R. Etant donné qu'il était le responsable d'un organe, il avait pour
22 mission de réaliser à part entière les obligations qui étaient conformes à
23 la loi et à la constitution. C'était une obligation qui était la sienne de
24 veiller et de contrôler la mise en œuvre des plans et des programmes
25 relevant de ce domaine.
26 Q. Merci. Et quelle était donc cette organisation militaire légitime qu'il
27 était censé desservir au niveau de la municipalité ?
28 R. Ce qui était légitime, c'était toutes les unités militaires, et nous
Page 45851
1 sommes en train de parler de 1991 jusqu'à mai/juin 1992. Il s'agissait des
2 unités de combat, des unités de la Défense territoriale, des unités des
3 observateurs et des informants, des unités de la protection civile, les
4 unités composées d'effectifs sous obligation de travail. Donc, il
5 s'agissait de compléter les unités de guerre et les effectifs de la Défense
6 territoriale.
7 Q. Mais de quelle armée parlez-vous ?
8 R. C'était encore la JNA.
9 Q. Merci.
10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on montrer maintenant au témoin la pièce
11 1D1650. Et, en attendant, je dirais qu'on vous avait demandé -- j'ai dit
12 16050.
13 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent que M. Karadzic a parlé très vite.
14 M. KARADZIC : [interprétation]
15 Q. D'après ce que vous en savez, est-ce que l'attitude vis-à-vis de
16 certaines personnes était définie par rapport à leur appartenance
17 religieuse ou ethnique ?
18 R. Vous parlez de la JNA ou quoi ?
19 Q. Je parle des autorités où vous avez eu accès.
20 R. Je peux dire, absolument, à titre d'exemple qu'il y a eu des supérieurs
21 qui étaient affectés à la 43e Brigade motorisée de Prijedor, et d'après ce
22 que j'en sais, ils ont été affectés à d'autres unités. Mais pour ce qui est
23 de la 43e, j'en suis sûr, et je dirais que ça ne s'est pas fait ainsi. En
24 1991 et 1992, ceux qui ont répondu à l'appel sous les drapeaux lorsqu'il y
25 a eu mobilisation, pour ce qui est du commandement de la brigade, et je
26 vais m'excuser de cette approche au problème, mais j'avais eu des cartes
27 sous les yeux, et je dirais qu'il y avait des Croates, des Musulmans et
28 autres ressortissants. Je ne veux offenser personne, mais j'avais les
Page 45852
1 fichiers où les gens s'étaient prononcés du point de vue de leur
2 appartenance ethnique.
3 Le chef du système PVO, de la défense antiaérienne, c'était un
4 Croate. L'agent opérationnel qui dressait des cartes géographiques de
5 travail et qui établissait des plannings, d'après les registres, c'était un
6 Musulman. Un deuxième agent opérationnel qui était chargé du moral des
7 troupes, c'était un Croate. Au sein du commandement de la brigade, il y
8 avait des officiers et assistants qui étaient issus de couples mixtes. Ça,
9 je vous l'affirme en toute certitude. Pour ce qui est des effectifs des
10 unités en 1991, d'après les registres officiels, il y avait eu des Croates
11 et des Musulmans. En 1992, et la chose est vérifiable dans les registres,
12 il y avait de plus en plus de gens qui venaient dans la 43e Brigade de
13 Prijedor et qui étaient ressortissants de ces groupes ethniques. On peut le
14 vérifier.
15 Q. Merci. J'attire votre attention à l'avenant relatif à cette
16 plainte au pénal où l'on dit que ce sont là des noms des individus qui ont
17 organisé une insurrection armée sur le territoire de Prijedor et qui ont
18 organisé des meurtres de soldats à Hambarine. Au numéro 2, on voit Becir
19 Medunjanin. Est-ce que c'est le même Becir Medunjanin que tout à l'heure ou
20 est-ce qu'il y en a plusieurs ? Secrétaire au secrétariat de la Défense
21 nationale de l'assemblée municipale de Prijedor.
22 R. Ici, on voit son nom. Je ne sais pas vraiment pas s'il a pris
23 part à tout ceci ou pas. Je suis quelque peu surpris, pris de court, pour
24 ce qui est d'apprendre qu'il avait fait partie de ces activités-là. Mais
25 bon, si c'est indiqué là, ça doit être un fait.
26 Q. Merci.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je demander un versement au dossier
28 de ce document, je vous prie.
Page 45853
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 45854
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce qu'on sait de quoi s'agit-il dans
2 ce document ? C'est un avenant à quoi ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il s'agit d'un dépôt de plainte au pénal suite
4 à meurtre de soldats à Hambarine. Il s'agit d'un dépôt de plainte au pénal.
5 Et l'avenant comporte les noms des responsables de ce crime.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Donc, vous êtes en train de demander le
7 versement au dossier de cette page, la page 1 de ce document ?
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je crois qu'il serait utile, Excellence, de
9 disposer du document entier, parce que cet événement se trouve être très
10 important et il a souvent été évoqué au cours du procès.
11 Et ça peut montrer s'il y a eu un fondement pour ce qui est de leur mise
12 aux arrêts; était-ce leur appartenance religieuse qui a motivé
13 l'arrestation ou était-ce la participation au meurtre.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Ces noms ne découlent pas du contre-
15 interrogatoire.
16 Est-ce que vous avez une objection pour ce qui est du versement au
17 dossier de la page 1 de ce document, Madame Pelic ?
18 Mme PELIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin n'a pas
19 témoigné de quoi que ce soit au sujet de ce document, exception faite de la
20 confirmation de ce qui se trouve déjà être consigné dans le compte rendu
21 tel que lu par M. Karadzic.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous allons recevoir la page 1 de ce
24 document. Cette page sera versée au dossier.
25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Sous la cote D4231, Monsieur le
26 Président, Madame, Messieurs les Juges.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
28 M. KARADZIC : [interprétation]
Page 45855
1 Q. Monsieur Sipovac, l'on vous a montré les comptes rendus d'audience
2 émanant de la réunion du Conseil exécutif de la municipalité. Pouvez-vous
3 nous dire, je vous prie, de quel type d'organe s'agit-il; est-ce que c'est
4 bien nous qui l'avions fermé au début de la guerre; et quelle est la base
5 juridique en vertu de laquelle cet organe a été créé ?
6 R. Le Conseil chargé de la Défense nationale est un organe émanant de
7 l'assemblée, il a été créé par les membres du conseil. Les membres du
8 conseil sont des personnes qui étaient composées du président de
9 l'assemblée, le président du Comité exécutif, les secrétaires de
10 secrétariats. Et le secrétaire de ce conseil, au même temps, était
11 également le secrétaire de l'organe chargé de la Défense nationale. Sa
12 responsabilité consistait à se pencher sur la politique relative à la
13 sécurité de la municipalité, et conformément à la situation et des
14 documents qui ont été adoptés, il donne des instructions et des lignes
15 directrices à diverses agences municipales.
16 Q. Très bien. Merci. Vous nous avez parlé du secrétariat chargé de la
17 Défense nationale et vous nous avez parlé de qui était M. Medunjanin, mais
18 il y avait également le VTO. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la
19 Chambre à quel organe appartient le secrétariat de la Défense et à qui
20 appartient le VTO où vous travailliez ?
21 R. Si vous pensez à la façon dont le tout était organisé, moi, j'étais
22 dans le département du SDA. Le secrétariat appartenait au SDA.
23 Q. Non, ce n'est pas ce que je vous demande.
24 R. Non. Le secrétariat était placé sous les autorités civiles, alors que
25 le VTO était placé sous la composante de la JNA, Conseil fédéral de la
26 Défense nationale. Donc, il s'agissait du secrétariat.
27 Q. Dernier sujet. On vous a montré un rapport du lieutenant-colonel Peulic
28 concernant ce qui s'est passé à Koricanske Stijene. J'aimerais savoir si
Page 45856
1 parmi les personnes qui avaient reçu ce rapport, si vous faisiez partie de
2 ces personnes ?
3 R. Non, cela ne faisait pas partie de mes responsabilités, donc je n'ai
4 pas reçu ce rapport.
5 Q. Très bien. Est-ce que vous avez pu conclure ce qu'a fait avec ces
6 connaissances-là, ces informations, M. Peulic ? Est-ce qu'il les a cachées,
7 dissimulées, ou bien les a-t-il envoyées au commandement supérieur ?
8 R. Pour vous dire la vérité, lorsque le document m'a été montré, je l'ai
9 lu. C'était peut-être une copie. Mais de toute façon, j'ai cru comprendre
10 qu'il s'agissait d'un rapport sur les événements qui se sont déroulés sur
11 le terrain. Donc, je ne sais pas que le document avait été envoyé, mais --
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Attendez un instant, s'il vous plaît.
13 Vous avez parlé beaucoup trop rapidement, et ce, même sans faire une petite
14 pause.
15 Monsieur, je vous demanderais de bien vouloir répéter votre réponse,
16 et ce, de manière très lente, s'il vous plaît.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque Mme le Procureur m'a posé une question
18 relative à ce document que vous m'avez montré, relative au télégramme signé
19 par M. Peulic, à ce moment-là j'ai mentionné que je ne voyais pas très
20 clairement de quoi il s'agissait, mais j'ai cru comprendre qu'il s'agissait
21 d'un rapport qui porte sur la situation sur le terrain dans le secteur de
22 Koricanske Stijene. Ou, pour être plus précis, ce télégramme portait sur le
23 crime qui y a été commis.
24 M. KARADZIC : [interprétation]
25 Q. Mais ma question était de savoir ce que l'on était censé de faire. Est-
26 ce que c'était de dissimuler ou bien est-ce que c'était d'informer ?
27 R. Non, c'était une information, c'est tout à fait normal dans la
28 hiérarchie militaire, et ce, dans toutes les structures. Il est tout à fait
Page 45857
1 normal que l'on informe les organes supérieurs. C'était une obligation
2 d'informer les supérieurs des événements, et ce, surtout lorsque quelque
3 chose était en train de se passer dans la zone de responsabilité de la
4 personne et si cette personne avait des connaissances sur ce qui s'était
5 passé.
6 Q. Je vous remercie, Monsieur Sipovac. Je n'ai plus d'autres questions.
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie. Cela met fin à votre
8 déposition, Monsieur Sipovac. Je vous remercie d'être venu à La Haye pour
9 déposer. Et vous êtes maintenant libre de quitter la salle d'audience.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Etant donné le temps, devrait-on prendre
13 une pause pour le déjeuner maintenant ? Nous allons donc reprendre de notre
14 déjeuner après la pause et reprendrons à 13 heures 05.
15 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 21.
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 --- L'audience est reprise à 13 heures 06.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je demanderais que le témoin prononce la
19 déclaration solennelle.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
21 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
22 LE TÉMOIN : MILADIN NEDIC [Assermenté]
23 [Le témoin répond par l'interprète]
24 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Nedic.
25 Veuillez vous asseoir et mettez-vous à l'aise.
26 Oui, Monsieur Karadzic, vous pouvez commencer.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
28 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
Page 45858
1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Nedic.
2 R. Bonjour, Monsieur le président. Vous êtes notre président et vous serez
3 notre président à jamais.
4 Q. Je vous remercie. Je vous demanderais de bien vouloir ralentir votre
5 débit et de ne pas oublier de ménager une pause entre mes questions et vos
6 réponses afin d'éviter tout problème concernant l'interprétation. Etes-vous
7 d'accord avec moi ?
8 R. Oui, tout à fait.
9 Q. Je vous remercie.
10 Dites-nous, s'il vous plaît, si vous avez fait une déclaration auprès
11 de membres de l'équipe de Défense qui me représente ?
12 R. Oui, tout à fait, j'ai fait une déclaration que j'ai signée.
13 Q. Très bien.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que l'on montre au témoin dans
15 le prétoire électronique le document 1D9664, s'il vous plaît.
16 M. KARADZIC : [interprétation]
17 Q. Voyez-vous à l'écran à gauche la version en serbe de votre déclaration
18 ?
19 R. Oui, je la vois.
20 Q. Très bien. Merci. Dites-nous si vous avez lu cette déclaration et si
21 vous l'avez signée ?
22 R. Oui, je l'ai signée et je l'ai lue.
23 Q. Très bien. Merci.
24 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais que l'on montre la dernière page
25 afin que M. Nedic puisse identifier sa signature.
26 M. KARADZIC : [interprétation]
27 Q. Monsieur, dites-nous si c'est bien votre signature qui s'y trouve ?
28 R. Oui, tout à fait, c'est ma signature.
Page 45859
1 Q. Très bien. Merci. Dites-nous, s'il vous plaît, si cette déclaration
2 reprend fidèlement vos propos tels que déclarés aux membres de l'équipe de
3 Défense, ou bien souhaiteriez-vous apporter des modifications ou corriger
4 quelque chose ?
5 R. Non, il n'y a rien à corriger.
6 Q. Je vous remercie. Si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions,
7 est-ce que vos réponses, dans le fond, seraient les mêmes, tout comme elles
8 figurent dans cette déclaration ?
9 R. Je crois que je ne les changerais pas.
10 Q. Merci.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais que cette déclaration soit
12 versée au dossier en vertu de l'article 92 ter.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame Gustafson, avez-vous des
14 objections ?
15 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Versé au dossier.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document sera versé au dossier sous la
18 cote D4332 [comme interprété].
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Karadzic.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais maintenant lire en langue anglaise un
21 résumé très bref de la déclaration de M. Miladin Nedic.
22 Miladin Nedic était un ingénieur des mines et il était l'un des fondateurs
23 du SDS en BiH. Après l'élection multipartite de 1990, il a été élu en
24 qualité de représentant du SDS à l'assemblée de la BiH et membre du conseil
25 principal du SDS.
26 Plus tard, M. Nedic a été élu en qualité de représentant dans la 1ère
27 assemblée de la Republika Srpska, et il a continué à être un membre du
28 Parlement. Il a pris part aux travaux du parti à Ozren à partir du moment
Page 45860
1 où le parti a été établi le 28 juillet 1990.
2 Lors de la session de l'assemblée de la Republika Srpska du 24 au 26
3 juillet 1992, M. Nedic a prononcé un discours utilisé par le Procureur dans
4 l'affaire contre le Dr Radovan Karadzic en tant qu'élément de preuve
5 prouvant que les Serbes avaient planifié de commettre un génocide contre
6 les Musulmans. Le contenu de ce message a été changé. M. Nedic a appelé
7 pour une solution pacifique de la crise en BiH sans l'interférence d'autres
8 personnes de l'extérieur de la Yougoslavie qui pourraient pousser les
9 personnes en BiH les unes contre les autres. Il n'a jamais prôné
10 l'exécution des Musulmans.
11 La prochaine fois que M. Nedic s'est adressé à l'assemblée, il a
12 déclaré clairement qu'il ne souhaitait pas une guerre qui pourrait mettre
13 certaines personnes en esclavage et transformer d'autres en oppresseurs. Il
14 a demandé que l'on se comporte de manière correcte envers les soldats
15 conformément aux codes militaires et il a demandé que l'on se comporte de
16 manière juste dans le cadre de la guerre. Les personnes d'Ozren sont
17 restées unies, ce qui les a aidées à survivre puisqu'il n'y a pas eu
18 d'hécatombe et de conflits entre eux.
19 M. Nedic a connu le Dr Karadzic tout au long de l'année 1990 à 1995
20 et a pris part lors de plusieurs réunions lors desquelles il était présent.
21 Le Dr Karadzic n'a jamais fait aucune indication quelle qu'elle soit qu'il
22 favorisait la destruction de Musulmans de Bosnie en tout et en partie.
23 C'était la lecture du résumé de la déclaration de la déclaration de
24 M. Nedic. Et je n'ai plus d'autres questions pour M. Nedic.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nedic, comme vous l'avez
26 remarqué, votre interrogatoire principal dans cette affaire-ci a été admis
27 par écrit, c'est-à-dire que votre déclaration écrite sera versée au dossier
28 au lieu de votre témoignage.
Page 45861
1 Et c'est maintenant les membres du bureau du Procureur qui vous
2 poseront un certain nombre de questions.
3 Oui, Madame Gustafson.
4 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 Je demanderais que l'on affiche la pièce D92, s'il vous plaît.
6 Contre-interrogatoire par Mme Gustafson :
7 Q. [interprétation] Et bonjour, Monsieur Nedic.
8 R. [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Nedic, pourriez-vous vous
10 rapprocher du microphone afin que les interprètes puissent mieux vous
11 entendre.
12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le témoin a répondu "bonjour", mais ses propos
13 n'ont pas été captés par le micro.
14 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'aimerais que l'on prenne la page 40 en
15 anglais et la page 39 en B/C/S.
16 Q. Monsieur Nedic, commençons par lire ensemble votre allocution que vous
17 avez prononcée lors de la 17e Session.
18 Vers le début de l'allocution, vous dites :
19 "Ce qui est en train de se passer en Bosnie-Herzégovine aujourd'hui a été
20 commencé il y a 700 à 800 ans dans un des centres du pouvoir du monde, et
21 ce qui se passe aujourd'hui n'est rien de nouveau."
22 A la page suivante en langue anglaise, vous dites :
23 "Je suis contre le fait de résoudre la situation en Bosnie à la hâte. Nous
24 devons admettre que les Musulmans nous ont été présentés et mis sur terre
25 pour que nous soyons leurs bourreaux."
26 Donc, dans votre déclaration, vous avez dit que des facteurs externes,
27 comme les Etats puissants européens, ne voulaient pas qu'un Etat islamique
28 soit créé en Europe, n'est-ce pas ? Parce que vous semblez dire dans votre
Page 45862
1 discours que ce sont des facteurs à l'extérieur de la Yougoslavie qui ont
2 souhaité que les Serbes fassent la guerre contre les Musulmans ?
3 R. Vous savez, ce qui s'est passé en Bosnie n'a rien de nouveau. Il
4 s'agissait d'une guerre religieuse, une guerre fondée sur les bases
5 religieuses et nationales. Il a des centaines d'années de cela que les
6 religions et les lignes ethniques ont commencé à exister, et ce n'est pas
7 notre faute à nous qu'il y ait eu de telles différences.
8 J'ai seulement souhaité que les peuples en Bosnie se mettent d'accord
9 sur certains points. Nous ne voulions pas que quelqu'un de l'extérieur
10 fasse en sorte que nous soyons en guerre. Nous ne savions pas qui étaient
11 ces puissances extérieures, mais il est tout à fait certain qu'elles
12 existent car il n'y a rien de nouveau là. Le fait de planifier une
13 mésentente auprès d'un peuple s'est déjà fait dans le cadre de la Première
14 Guerre mondiale, dans le cadre de la Deuxième Guerre mondiale, et lors de
15 cette guerre-ci, donc je n'ai pas voulu que quelqu'un s'immisce dans nos
16 affaires en Bosnie. J'ai toujours prôné une solution entre nous et les
17 Musulmans. Il y a eu un accord entre nous et Alija Izetbegovic, et nous
18 étions ravis de cette entente, cet accord de nous séparer et de vivre
19 ensemble les uns aux côtés des autres. Mais Alija a nié le tout, et c'est
20 pour cela que le pire est arrivé.
21 Q. Monsieur Nedic, j'aimerais maintenant vous demander de bien vouloir
22 écouter attentivement les questions que je vous pose. Car dans la réponse
23 que vous avez apportée, vous ne répondez pas en réalité à ma question.
24 Donc, ma question est la suivante : dans votre déclaration, vous avez dit,
25 et ce, dans ce discours que vous avez prononcé, que des facteurs à
26 l'extérieur de la Yougoslavie ont imposé des facteurs pour que les Serbes
27 se battent contre un Etat islamique en Europe. C'est ce que vous avez
28 déclaré, n'est-ce pas ?
Page 45863
1 J'aimerais savoir si c'était cela vous avez dit, et est-ce que vous êtes
2 d'accord ou pas avec votre affirmation ?
3 R. Quelqu'un a sans doute souhaité qu'il n'y ait pas d'Etat islamique dans
4 les Balkans. Et dans le cadre de cette guerre, personne n'a voulu aider
5 l'Etat islamique. C'était peut-être l'Orient, mais je ne sais pas si
6 quelqu'un des pays occidentaux a prêté main-forte à l'Etat islamique.
7 Nous, nous ne combattions pas contre les Musulmans ou les Croates. Nous ne
8 faisions que nous défendre. Cette guerre, nous ne l'avions pas, nous,
9 planifiée. Pendant toute cette guerre, nous avions confiance en l'armée et
10 nous avons coopéré avec elle jusqu'au dernier jour. Et ces centres de
11 puissance qui se trouvaient à l'extérieur étaient là. Mais je dois vous
12 dire que les bombardements ont été faits par des aéronefs étrangers, non
13 pas par des aéronefs islamiques.
14 Q. J'aimerais vous demander, Monsieur Nedic, de bien vouloir vous
15 concentrer sur la question que je vous pose --
16 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Pourquoi ne pas demander au témoin de
17 prendre lecture du paragraphe 5 de sa déclaration. Il est peut-être
18 perplexe quant à ce que vous êtes en train de lui dire.
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
20 Q. Monsieur Nedic, dans votre déclaration, vous avez dit --
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
22 Monsieur Nedic, est-ce que vous avez votre déclaration ?
23 On ferait peut-être mieux de télécharger dans le prétoire électronique et
24 d'afficher à l'écran la déclaration du témoin, qui est la pièce D4232,
25 paragraphe 5.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Excellence, nous pouvons remettre une copie
27 papier au témoin, si vous le souhaitez.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui, on pourrait faire cela,
Page 45864
1 effectivement.
2 Pourriez-vous, je vous prie, donner lecture à haute voix du paragraphe
3 numéro 5 de votre déclaration, Monsieur Nedic ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] "L'objectif de mon message est de trouver une
5 solution pour éviter la guerre, de sorte à ne pas permettre aux personnes à
6 l'extérieur de la Yougoslavie de s'immiscer dans nos affaires et de nous
7 mettre les uns contre les autres. J'ai simplement essayé de dire que ces
8 facteurs externes ont essayé d'utiliser les Serbes pour lutter contre les
9 Musulmans. Je n'avais que de bonnes intentions dans ce sens-là, et je ne
10 comprends absolument pas combien et pourquoi quelqu'un peu mal interprété
11 mon discours. Je n'ai jamais prôné le meurtre de Musulmans."
12 Je ne sais pas ce que vous ne comprenez pas de ce discours. Qu'est-ce qui
13 n'est pas clair ?
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Le
15 Procureur va maintenant vous poser une question.
16 Continuez, je vous prie, Madame Gustafson.
17 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
18 Q. Monsieur Nedic, vous avez dit que c'était votre avis que des facteurs
19 externes ont souhaité que les Serbes luttent contre les Musulmans.
20 Pourquoi ces facteurs externes auraient-ils souhaité que les Serbes luttent
21 contre les Musulmans ?
22 R. Mais personne ne voulait un Etat islamique dans les Balkans. Je ne sais
23 pas qui l'aurait souhaité. C'est peut-être les Musulmans qui l'auraient
24 souhaité. Mais pas tous, car la plupart des Musulmans étaient ceux qui
25 avaient souhaité vivre avec leurs voisins dans cette région.
26 Moi, je n'ai pas de problème avec mon peuple. J'ai eu des divergences
27 d'opinions avec les hommes politiques.
28 Q. Très bien. Maintenant nous avons compris.
Page 45865
1 Dans ce discours prononcé lors de la 17e Session, vous dites :
2 "Nous sommes un peuple déterminé à être les bourreaux car nous allons, de
3 cette manière-là, faire une faveur à quelqu'un."
4 Mais cela semble suggérer que les Serbes, ce faisant, en éliminant les
5 Musulmans, allaient rendre un service aux facteurs externes afin qu'il n'y
6 ait pas d'Etat musulman ou islamique dans les Balkans ?
7 R. Indépendamment du peuple qui aurait disparu en Bosnie, ça aurait
8 avantagé un tiers parti. Parce que chaque fois que deux personnes se
9 disputent, il y a toujours une tierce partie qui vient et qui profite de
10 cela. C'est la règle dans la vie.
11 Moi, j'ai demandé que nous, on se mette d'accord avec les Musulmans et les
12 Croates et que nous déterminions de quelle manière nous pourrions vivre
13 ensemble. J'ai d'ailleurs même comparé la Bosnie avec la Suisse, car la
14 Bosnie a les mêmes montagnes que la Suisse, peut-être même de plus belles
15 montagnes que la Suisse, et il nous a simplement fallu nous mettre d'accord
16 sur une façon de vivre ensemble. Et je n'ai jamais prôné la guerre.
17 D'ailleurs, M. Karadzic ne nous a jamais dit qu'il fallait aller s'emparer
18 d'un territoire sur lequel la plupart des Musulmans vivent. Par exemple, je
19 vous cite Gracanica comme exemple. Lorsqu'un officier a demandé que 1 000
20 habitants d'Ozranac [phon] prennent Gracanica, Karadzic lui a dit : Mais
21 que veux-tu faire là-bas ? Il a dit : Les Musulmans doivent aussi vivre
22 quelque part. C'est leur territoire. C'est leur pays. Et c'est ainsi que
23 j'ai compris les choses. J'ai compris ce qu'il a dit. Et je n'ai pas permis
24 à l'armée de prendre Gracanica. Nous avons empêché cet officier de se
25 livrer à cela.
26 Q. Dans votre réponse, Monsieur Nedic, vous dites :
27 "Un parti tiers tirait avantage de la disparition de l'une ou l'autre
28 des nations."
Page 45866
1 Mais alors, ce que vous avez dit dans votre déclaration, vous avez
2 dit que si le peuple musulman disparaissait, les facteurs externes en
3 profiteraient, en tireraient avantage, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, c'est cela.
5 Q. Très bien. Dans votre déclaration, vous avez dit que vous ne prôniez
6 pas l'exécution des Musulmans et que l'essence même de votre message était
7 d'essayer de trouver une solution pour éviter la guerre.
8 Maintenant, vous reconnaissez qu'à la fin du mois de juillet 1992,
9 une guerre était en cours, comme vous le dites dans ce discours, n'est-ce
10 pas, une guerre existait en Bosnie ?
11 R. Oui.
12 Q. L'objectif principal des dirigeants serbes de Bosnie dans cette guerre
13 était d'empêcher que les Serbes ne deviennent une minorité dans une Bosnie
14 indépendante en créant un Etat serbe séparé en Bosnie, un Etat dans lequel
15 les Musulmans et les Croates seraient une petite minorité, si tant est
16 qu'ils y puissent rester ?
17 R. Pourquoi une toute petite minorité ?
18 Q. Non, c'est moi qui vous pose une question. C'était l'objectif des
19 dirigeants des Serbes de Bosnie : de créer un Etat serbe séparé en Bosnie
20 où les Musulmans et les Croates feraient une infime minorité de la
21 population.
22 Est-ce que vous êtes d'accord ou pas ?
23 R. Au tout début, nous faisions partie d'une assemblée commune avec la
24 Bosnie-Herzégovine, et nous avions reconnu la Bosnie. Nous avions demandé
25 que la Bosnie fasse partie de la Yougoslavie, mais c'est eux qui se sont
26 séparés de la Yougoslavie. Nous voulions vivre ensemble avec tous les
27 peuples.
28 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Prenons D92, page 16 en anglais et page 14
Page 45867
1 en B/C/S.
2 Q. Ici, nous avons le Dr Karadzic qui parle, et vers le bas de la page il
3 évoque l'importance du front de Sarajevo. Il dit, quelques lignes plus bas
4 :
5 "Un Etat non-serbe pourrait être créé sur les territoires musulman et
6 croate dans l'Herzégovine occidentale, dans la Krajina de Cazin et dans la
7 Bosnie centrale. Mais sur le territoire où habitent les Serbes, les autres
8 ne peuvent pas créer un Etat, et les Serbes ne peuvent pas permettre qu'on
9 crée un Etat contre eux, parce qu'ils savent quelle a été leur dernière
10 expérience dans ce sens quand ils se sont retrouvés dans l'Etat appartenant
11 à quelqu'un d'autre, et ils savent qu'ils constitueraient une minorité
12 nationale dans un tel Etat."
13 Donc, ce que le Dr Karadzic dit, c'est qu'un Etat dominé par des non-Serbes
14 ne peut pas comprendre des Serbes, parce que dans ce cas ils seraient de
15 fait une minorité nationale ?
16 R. Oui.
17 Q. Et il dit que les Serbes "se rappellent de ce qu'ils ont vécu la
18 dernière fois qu'ils vivaient dans l'Etat appartenant à quelqu'un d'autre,
19 et ils savent que dans un tel Etat, ils représenteraient une minorité
20 nationale", et là, il fait référence aux événements historiques où les
21 Serbes ont souffert entre les mains des Musulmans et des Croates; est-ce
22 exact ?
23 R. Oui.
24 Q. Et je pense que vous êtes d'accord avec ces sentiments, à savoir que
25 les Serbes, en tant que minorité nationale dans un Etat dominé par les
26 Musulmans ou les Croates, seraient en danger existentiel; est-ce exact ?
27 R. Les Serbes, à chaque fois qu'ils se sont trouvés en minorité dans
28 l'Etat appartenant aux autres, ils étaient menacés par l'extermination et
Page 45868
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 45869
1 la terreur. A chaque fois on menaçait, on était menacés d'être exterminés
2 si on s'était retrouvés dans un Etat contrôlé par des étrangers. Et c'est
3 quelque chose qui se répétait de nombreuses fois au cours de notre
4 histoire, pas seulement l'histoire récente.
5 Q. Et vous avez dit qu'à chaque fois que vous vous êtes retrouvés dans un
6 Etat gouverné par des étrangers, vous étiez menacés d'extermination.
7 Donc, d'après vous, les Serbes seraient ou auraient été menacés par
8 l'extermination s'ils se retrouvaient dans un Etat gouverné par les
9 Musulmans; exact ?
10 R. Exact.
11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander que l'on passe à la page
12 82 et 83 en B/C/S.
13 Q. Ici, vous avez un échange entre le président, M. Krajisnik et M.
14 Ostojic. Krajisnik demande :
15 "J'ai besoin d'une réponse. Est-ce que nous voulons Jajce, Tuzla, et
16 cetera, est-ce que nous les voulons dans la Republika Srpska ?"
17 Et voici la réponse :
18 "Si on me demande de déterminer ces frontières, je pense que nous devons
19 nous en tenir à la stratégie d'un Etat national plutôt que de choisir,
20 d'opter pour la stratégie de gagner de nouveaux territoires, car on
21 répéterait des erreurs historiques comme en 1918. Dans ce territoire, est-
22 ce que vous voulez que je vous donne des nombres, quels seraient les
23 chiffres ? Eh bien, dans un tel territoire, dans un tel pays, il y aurait
24 55 % de Serbes; 35 % de Musulmans; et 15 % de Croates. Et, en l'espace de
25 10 années, à cause de leur taux de natalité, nous perdrons même ce
26 pourcentage-là."
27 Donc là, à nouveau, on dit qu'il serait erroné d'avoir un Etat des Serbes
28 de Bosnie avec trop de non-Serbes. On dit que ceci représenterait une
Page 45870
1 erreur historique ?
2 R. Ceci aurait été une erreur historique si on nous demandait de nous
3 emparer de leurs territoires et ensuite de prendre ces gens dans notre
4 Etat. Mais nous voulions vivre dans un Etat serbe, et là, il serait pas
5 impossible d'imaginer cette hypothèse. C'est comme cela que l'on
6 réfléchissait. C'est pour cela que nous avons créé la Republika Srpska.
7 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Ensuite, la page 85 en anglais; B/C/S, 86.
8 Q. Le Dr Karadzic parle, et il dit :
9 "La soif pour les territoires et un pays plus grand avait animé
10 Aleksandar Karadjordjevic et nous a coûté la vie de 3 millions de gens, à
11 savoir 10 millions de gens.
12 "La question qui se pose, c'est de savoir ce que nous devons faire si nous
13 obtenons un Etat dans lequel nous sommes minoritaires, qu'allons-nous faire
14 si on nous fait tuer, si l'on tue les Serbes sous prétexte qu'on veut une
15 rivière ou une montagne, et puis nous allons à nouveau nous retrouver avec
16 des ennemis dans notre pays ?"
17 Là, à nouveau, le Dr Karadzic parle de ce besoin de faire en sorte que cet
18 Etat des Serbes de Bosnie ne compte pas trop de non-Serbes ?
19 R. Oui, c'est exact. Mais on ne voulait pas l'obtenir par la force. On
20 voulait l'obtenir par des négociations.
21 Q. Monsieur Nedic, obtenir un Etat serbe sans trop de non-Serbes à
22 l'intérieur de cet Etat, ce que cherchaient à obtenir les dirigeants des
23 Serbes de Bosnie, comprenait la réduction du nombre de Musulmans et de
24 Croates dans le territoire demandé par les Serbes, et ceci en commettant
25 des crimes contre ces gens-là; est-ce exact ?
26 R. Non.
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à passer à la page 7 -- à
28 la page 72, plutôt, en anglais, et 73 en B/C/S.
Page 45871
1 Q. Ici, nous avons M. Rajko Djukic qui parle. Il était président du Comité
2 exécutif du SDS. Il était membre du comité principal avec vous; est-ce
3 exact, Monsieur Nedic ?
4 R. Oui.
5 Q. Et là, à nouveau, à la moitié de la page en anglais et dix lignes plus
6 bas en B/C/S, il prend la parole et parle de Semberija. Et il dit :
7 "En ce qui concerne Semberija, nous n'avons rien fait dans la Semberija.
8 Nous n'avons pas la Semberija, ne nous trompons pas. Il y a plus de
9 réfugiés là-bas en ce moment qu'avant. A Semberija, les autorités et la
10 politique ne sont pas les mêmes, et on y trouve plus de Musulmans que
11 jamais, car en Semberija, dans la municipalité de Bijeljina, la majorité de
12 la population est musulmane. Vous avez là-bas 12 000 Musulmans sans Janje,
13 qui se trouve à une dizaine de kilomètres."
14 Ensuite, il parle de quelque chose qu'il a lu dans le journal officiel :
15 "Et là, il est dit que les juges ont été nommés dans la cour de
16 Bijeljina : Alija Zvizdic, Alma Halibegovic, Smajil Salbegovic. Donc, je
17 vous demande, Messieurs, pourquoi avons-nous expulsé tous les juges de
18 Vlasenica, de Bratunac et de Zvornik ? Est-ce que nous allons être accusés
19 de cela, sans doute oui, j'espère que non, mais est-ce que les autres vont
20 être plus satisfaits en travaillant comme cela ? Car moi, j'aurais eu honte
21 de participer à leur justice."
22 Ensuite, il parle de Bijeljina et le fait que les gens s'assoient dans les
23 cafés, boivent du café turc, chantent des chansons des Turcs. Et il dit :
24 "Nous ne pouvons pas continuer comme cela. Nous devons prendre une
25 décision."
26 Donc, vous pouvez voir qu'ici, même si Bijeljina est du point de vue
27 militaire entre les mains des Serbes, il considère ne pas avoir le contrôle
28 de Semberija parce qu'il y a trop de Musulmans qui y vivent, n'est-ce pas ?
Page 45872
1 R. Il m'est arrivé de traverser Bijeljina pendant la guerre. J'ai vu un
2 grand nombre de Musulmans qui vivaient normalement alors que c'était la
3 guerre. Si c'était après la guerre, pourquoi pas. Les Musulmans pouvaient
4 très bien vivre à Bijeljina. Personne ne les a dérangés. Il y a en quelques
5 individus qui ont eu un comportement excessif, mais le Dr Karadzic n'a
6 jamais demandé qu'on maltraite qui que ce soit.
7 Q. Monsieur Nedic, vous n'avez pas répondu à ma question. Ce que le Dr
8 Dukic dit ici, c'est que les Serbes ne possèdent pas vraiment Semberija
9 parce qu'il y a trop de Musulmans qui y vivent. C'est ce qu'il dit.
10 R. Ecoutez, je ne sais pas à quoi il faisait référence. Si le pouvoir est
11 entre les mains des Serbes et il y a trop de Musulmans, cela ne veut rien
12 dire.
13 Q. M. Dukic dit que : "Nos 3 500 femmes et enfants comptent leurs derniers
14 jours là-bas." En réalité, il parle des femmes serbes, des enfants serbes à
15 Bijeljina qui sont au nombre de 3 500 et dont les vies sont en danger à
16 cause d'un grand nombre de Musulmans qui s'y trouvent encore ?
17 R. Mais on parle de quelle période ?
18 Q. Eh bien, vous voyez qu'il dit cela dans son discours.
19 Il parle donc de 3 500 femmes et enfants qui se trouvent face à un
20 danger - il s'agit des femmes et des enfants serbes - à cause d'un grand
21 nombre de Musulmans qui vivent encore là-bas.
22 R. Je ne vois pas à quoi il a fait référence en disant cela. Il faudrait
23 lui poser la question.
24 Q. La page suivante en B/C/S. Là, je continue.
25 Il parle de Birac. Il dit :
26 "Plus loin, nous avons Birac, à une centaine kilomètres de là, et Birac
27 compte 120 000 Musulmans. C'était leur nombre, mais j'espère que maintenant
28 il est divisé par deux, et il y a aussi 90 000 Serbes à Birac."
Page 45873
1 Donc, Birac se trouve dans la Bosnie orientale, dans la zone où se trouve
2 aussi Sekovici ?
3 R. Oui.
4 Q. Donc, M. Dukic dit que 120 000 Musulmans vivaient là-bas et qu'il
5 espérait que leur nombre était coupé par deux. Donc, il parle du besoin de
6 couper le nombre de Musulmans là-bas par deux, de l'amoindrir, de le
7 diminuer ?
8 M. LE JUGE KWON : [aucune interprétation]
9 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection
10 quant à la pertinence de ces questions. On lit les déclarations des autres
11 personnes devant l'assemblée. Si vous regardez la déclaration de M. Nedic,
12 il parle de ses intentions, de ce qu'il avait intention de dire quand le
13 Procureur l'a cité dans le cadre du crime de génocide. Mais je ne pense pas
14 qu'il est pertinent en l'espèce de lui poser des questions au sujet de ce
15 que les autres personnes ont dit.
16 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE KWON : [interprétation] L'interprétation française ne s'est
18 terminée qu'à présent.
19 Oui, Madame Gustafson.
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
21 C'est la même session de travail de l'assemblée dans laquelle a parlé
22 M. Nedic. Bien sûr, le contexte de son discours est très important et très
23 pertinent. Et j'ajouterais aussi que M. Nedic n'est pas jugé ici. C'est M.
24 Karadzic qui aurait agi, d'après l'acte d'accusation, de concert avec les
25 autres membres dirigeants des Serbes de Bosnie. Et il est important, donc,
26 de savoir ce que disaient les autres membres, les autres dirigeants serbes
27 de Bosnie.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
Page 45874
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Nous sommes d'accord avec vous. Vous
2 pouvez poursuivre.
3 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.
4 Q. Monsieur Nedic, vous avez dit que je devrais poser la question à Dukic
5 à ce sujet.
6 Donc, vous n'êtes pas en mesure de dire quoi que ce soit au sujet de
7 ce qu'il a dit ici, à savoir qu'il faudrait réduire le nombre de Musulmans
8 à Birac. Est-ce que je vous ai bien compris ?
9 R. Je ne sais pas ce qu'il voulait dire par là.
10 Q. Dans votre déclaration de témoin, vous avez dit que vous vouliez que
11 l'on trouve une solution pour éviter la guerre avec les Musulmans, et vous
12 avez dit que vous étiez pour la solution de négociation, que vous vouliez
13 que l'on s'assoie autour d'une table avec les Croates et les Musulmans pour
14 voir comment on allait faire pour continuer à vivre ensemble.
15 Mais pendant la guerre, vous avez clairement montré que vous ne
16 pensiez pas que les Serbes devaient négocier avec les Musulmans, pas du
17 tout; est-ce exact ?
18 R. Je ne comprends pas la question que vous me posez.
19 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander que l'on passe à D111
20 [comme interprété], s'il vous plaît.
21 Q. Pendant la guerre, votre point de vue était que les Serbes ne devraient
22 même pas négocier avec les Musulmans; est-ce exact ?
23 R. Je ne pense pas l'avoir jamais dit ou que je l'aie pensé.
24 Pendant toute la guerre, je m'attendais à ce que l'on assoie autour d'une
25 table pour négocier plutôt que de se faire la guerre.
26 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à passer à la page 25 en
27 anglais et en B/C/S.
28 Q. Là, nous avons le compte rendu d'audience de la 25e Session d'assemblée
Page 45875
1 du 19 et 20 janvier 1993, et les discussions portaient sur les négociations
2 Vance-Owen en cours à Genève à ce moment-là.
3 Et en bas de la page, c'est vous qui parlez, et vous dites -- c'est
4 dans la deuxième phrase. Vous dites :
5 "Et je dois commencer comme cela. Monsieur Karadzic, votre signature
6 à Genève n'a servi à rien même avant d'avoir signé, et même si vous aviez
7 signé, la situation aurait été la même. Car l'assemblée de Bijeljina a
8 accepté la position que les Musulmans respectaient un groupe islamique de
9 légionnaires turcs. Et, autrement dit, nous ne pouvons pas négocier avec
10 les gens qui acceptent comme dirigeant religieux de leur peuple le Reis-el-
11 Ulema Jakub Selimovski. Ils ne peuvent pas nous forcer à accepter cela. Ils
12 ont prouvé eux-mêmes qu'ils n'étaient pas une nation. Tout ce que nous leur
13 avons proposé en tant que peuple, ils l'ont refusé. Si c'était vraiment un
14 peuple, ils auraient accepté au moins une option qu'on leur a proposée pour
15 vivre comme des êtres humains."
16 Donc, vous avez clairement dit que vous n'étiez "pas favorable aux
17 négociations avec les sectes religieuses."
18 Donc, Monsieur Nedic, vous avez clairement dit que les Serbes ne
19 devraient même pas négocier avec les Musulmans puisqu'ils n'étaient rien
20 d'autre qu'une secte religieuse et que, donc, ce n'était pas la peine de
21 s'asseoir autour d'une table de négociation avec eux ?
22 R. Oui. Moi, je disais bien qu'il ne fallait pas négocier avec les
23 Musulmans en tant que peuple. Mais en les considérant comme un groupe
24 religieux, eh bien, oui, on pouvait très bien négocier avec le groupe
25 religieux que représentaient les Musulmans à l'époque. On ne voulait pas
26 les exterminer. Mais je pense au jour d'aujourd'hui que les Musulmans de
27 Bosnie sont les frères des Serbes de par leur sang. Mais de par leur
28 religion, ce sont les pires ennemis des Serbes.
Page 45876
1 Q. Monsieur Nedic, là vous venez de dire que vous pensez qu'il ne fallait
2 pas négocier avec eux en tant que peuple, mais en tant qu'un groupe
3 religieux, puisque c'étaient des Musulmans.
4 Mais dans ce discours, vous avez dit qu'on ne pouvait même pas
5 négocier avec eux parce que c'était une secte religieuse et rien d'autre.
6 R. Oui, c'est-à-dire qu'on ne pouvait pas prétendre que c'était un peuple
7 alors que c'était une secte religieuse. Parce que s'il fallait négocier
8 avec une secte religieuse, eh bien, il faut bien dire qu'il s'agit là d'une
9 secte religieuse. Donc, moi, j'ai négocié avec les sectes comme avec les
10 sectes, et avec les peuples comme avec les peuples. Ils n'ont jamais voulu
11 négocier. Ils voulaient avoir une Bosnie souveraine où moi j'aurais été
12 forcé d'accepter le droit de charia. Et moi, j'ai passé 500 années sous ces
13 lois et je savais très bien ce que cela représentait. Donc, la loi de
14 charia, je m'y connais.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que M. Nedic n'aurait rien contre
16 Soraya. En revanche, charia, je suis sûr que ça ne lui convient pas.
17 Soraya, c'était une tsarine iranienne. Donc, la charia, je suis sûr que ça,
18 il n'aurait pas accepté. Soraya, en revanche, il l'aurait accepté.
19 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
20 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
21 Q. Monsieur Nedic, vous venez de dire que vous avez vécu 500 années sous
22 la loi de la charia. A l'époque, vous avez aussi clairement montré que vous
23 étiez d'Ozren et vous avez dit que si Ozren était pris par les Musulmans,
24 vous vous seriez suicidé.
25 Est-ce que vous l'avez dit ?
26 R. Peut-être que oui, mais je ne m'en souviens pas.
27 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vais demander à voir la pièce P1379.
28 C'est la page 103 en anglais et la page 111 en B/C/S qui nous intéressent.
Page 45877
1 Q. Et, là encore, la discussion parle de différentes négociations où l'on
2 proposait de céder quelques territoires autour du mont d'Ozren.
3 Et votre discours commence en déclarant que vous avez entrepris votre
4 journée depuis Ozren. Et vous dites :
5 "Et je dois dire que j'étais content de partir parce que mes voisins
6 à Ozren m'ont demandé ce que je ferais si Ozren était remis aux Musulmans,
7 et je leur ai répondu que je me pendrais parce qu'il n'y avait rien d'autre
8 à faire dans ce cas."
9 Est-ce que cela rafraîchit votre mémoire ?
10 R. Je ne me souviens pas de cela. Mais même si je l'ai dit, c'est tout à
11 fait naturel, normal pour moi de le dire. Ozren est tombée en grande partie
12 sous le contrôle des Musulmans. Mais je ne me suis pas suicidé, parce que
13 les Musulmans n'ont pas pris le contrôle d'Ozren eux-mêmes, mais aidés par
14 les bombes de l'OTAN.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-il possible de montrer le premier
16 paragraphe au témoin, les dix premières pages que l'on voit sur l'écran,
17 car, là encore, on a montré le morceau choisi au témoin.
18 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je n'ai pas beaucoup de temps.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Le témoin a répondu à la question. Si
20 vous voulez explorer cela, vous pouvez le faire au moment de vos questions
21 supplémentaires.
22 Mme GUSTAFSON : [interprétation]
23 Q. Monsieur Nedic, dans votre déclaration et à plusieurs reprises
24 aujourd'hui, vous avez répété ce que vous dites avoir pensé à l'époque --
25 exprimé à l'époque, à savoir que les Serbes devaient négocier avec les
26 Musulmans plutôt que de leur faire la guerre.
27 Mais à l'époque, vous avez insisté que les frontières qui avaient été
28 créées par la force ne devraient pas être changées au cours des
Page 45878
1 négociations; c'est exact, n'est-ce pas ?
2 R. Moi, je n'ai jamais reconnu les frontières de Bosnie-Herzégovine.
3 D'ailleurs, je ne les reconnais pas au jour d'aujourd'hui. Car, même cela,
4 il va falloir le revoir.
5 L'histoire des Balkans, les frontières des Balkans n'ont pas été
6 réglées. Je ne sais pas comment on va arranger tout cela. Ce n'est pas de
7 ma faute. Ce n'est pas de la faute de Karadzic non plus. S'il y a quelqu'un
8 dans ce monde qui mérite le prix Nobel de la paix, eh bien, c'est le Dr
9 Karadzic. J'en suis convaincu car j'ai travaillé avec lui pendant six
10 années.
11 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher à présent la
12 pièce P1394, et il faut afficher la page 85 dans la version en anglais et
13 la page 75 dans la version en B/C/S. Dans la version en B/C/S, il faut
14 afficher la page qui se trouve trois pages plus loin par rapport à la page
15 affichée. Encore une page plus loin, s'il vous plaît. C'est la page
16 suivante en B/C/S. Merci.
17 Q. Vous allez voir que vous avez pris la parole à ce moment-là. Et
18 j'attire votre attention sur le passage qui se trouve à la page suivante
19 dans les deux versions, le passage qui commence quatre lignes plus bas dans
20 les deux versions.
21 Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est à la page suivante dans les deux
22 versions. Merci.
23 Q. Pour vous situer dans le texte, je vais vous dire qu'il s'agit de la
24 séance ou de la réunion lors de laquelle il était question du plan de paix
25 proposé par le groupe de contact, en particulier des cartes attachées à ce
26 plan. Et vous dites :
27 "La frontière sur la montagne Ozren était déjà dessinée. Les fosses
28 et les tranchées sont sur cette frontière, mais personne n'a indiqué cela
Page 45879
1 sur les cartes. Et pour ceux qui veulent créer de nouvelles cartes pour la
2 montagne Ozren devraient faire déplacer ces tranchées et ces fosses."
3 Et ensuite, quelques lignes plus loin, vous dites :
4 "Permettez-moi de répéter les mots de quelqu'un qui a dit : Ces prés,
5 c'est ma patrie, la patrie de mon grand-père, et c'est avec une épée que
6 mes petits-enfants garderont cela.
7 "Et les cartes seront dessinées seulement si ces fosses communes et
8 ces tranchées sont déplacées."
9 Monsieur Nedic, c'est votre point de vue que vous avez exprimé à l'époque
10 concernant le changement des frontières à la montagne Ozren.
11 R. [aucune interprétation]
12 Q. Pouvez-vous répéter votre réponse, Monsieur Nedic. Je pense que cela
13 n'a pas été consigné au compte rendu.
14 Je vais répéter ma question, Monsieur Nedic. C'était le point de vue qui
15 était le vôtre, que vous avez exprimé à l'époque, pour ce qui est de ces
16 frontières --
17 R. Ozren, c'est une montagne encerclée par quatre rivières, les rivières
18 de Bosna, de Krivaja, de Turija et de Speca. Il s'agissait des frontières
19 que nous tenions et nous défendions des attaques lancées par l'armée
20 croato-musulmane. Sur ces frontières, lors de cette défense, ont été tués
21 des centaines de jeunes hommes d'Ozren. Il s'agissait de ces tombes-là. Et
22 c'est cette frontière dont j'ai parlé. Et aujourd'hui, cette frontière
23 existe toujours, bien qu'une moitié de ce territoire d'Ozren soit tombé
24 après les accords de paix de Dayton, où les Musulmans ont exterminé tout le
25 monde sur ce territoire, et il n'y a plus une brique qui est restée debout
26 sur ce territoire. Le peuple a été expulsé. Et ma maison ainsi que ma
27 propriété ont été détruites et incendiées. C'est la conséquence des accords
28 de Dayton et de l'offensive des Musulmans lancée contre Ozren. Et ainsi que
Page 45880
1 des obus de l'OTAN qui ont détruit à Ozren un endroit qui s'appelle
2 Kraljica [phon], un relais hertzien, où cinq jeunes hommes se sont fait
3 tuer dans cette tour du relais hertzien d'un missile lancé d'un avion de
4 l'OTAN.
5 Q. Monsieur Nedic, vous êtes d'accord, n'est-ce pas, pour dire que bien
6 que vous ayez dit aujourd'hui que vous optiez pour une solution pacifique
7 par le biais des pourparlers et des négociations, qu'à l'époque vous avez
8 dit que les frontières sur la montagne Ozren ont été dessinées, indiquées
9 par des charniers et des tombes, et que qui que ce soit souhaite faire
10 déplacer ou changer ces frontières devrait déplacer ces tombes également.
11 C'est ce que vous avez dit à l'époque ?
12 R. Aujourd'hui, le peuple serbe vit à Ozren. Moi, je suis retourné sur ma
13 propriété qui avait été détruite, bien que ma propriété soit sur le
14 territoire de la Fédération. Donc, je n'ai pas renoncé au patrimoine de mes
15 aïeux, et je ne renoncerai jamais à cela, je ne vendrai jamais cela. Mais
16 je ne sais pas quelle sera l'organisation de la Bosnie. Parce
17 qu'aujourd'hui, c'est la situation chaotique qui prévaut là-bas. Il y a
18 toujours des djihadistes là-bas. Et l'Europe devrait aider pour que cette
19 situation se calme, et non pas de semer le désordre et de provoquer des
20 querelles.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux intervenir ?
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
23 L'ACCUSÉ : [interprétation] A la ligne 12 et à la ligne 13 du compte rendu,
24 le témoin a dit : Il y a toujours des Wahhabi ou des djihadiste ou
25 wahhabiste. Peut-être que ça pose problème aux interprètes. Wahhabiste pour
26 le mouvement de wahabi est un mouvement extrémiste originaire de l'Arabie
27 saoudite.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
Page 45881
1 Madame Gustafson, avez-vous d'autres questions à poser ?
2 Mme GUSTAFSON : [interprétation] J'ai encore deux questions à poser.
3 Q. Monsieur Nedic, aujourd'hui vous avez dit que vous étiez d'accord avec
4 le fait que les Serbes se seraient trouvés dans une situation où
5 l'extermination les aurait menacés si l'Etat avait été gouverné par les
6 Musulmans. Vous avez dit que les Musulmans exterminaient tout le monde à
7 Ozren après les signatures des accords de paix de Dayton. Et vous avez dit
8 que vous seriez suicidé si Ozren avait été entre les mains des Musulmans.
9 Mais vous avez vécu et vous continuez à vivre en ayant peur du peuple
10 musulman, n'est-ce pas ?
11 R. C'est vrai.
12 Q. A la 17e Séance, Monsieur Nedic, vous avez dit : "Nous appartenons au
13 peuple dont le destin était d'être bourreaux." Et vous avez préconisé que
14 si l'occasion se présentait pour vous pour éliminer le peuple serbe, et
15 vous, vous vivez dans une grande peur, vous considériez que c'était une
16 occasion historique de confronter vos ennemis encore une fois après 100
17 ans.
18 C'était votre message dans ce discours ?
19 R. Je n'ai jamais préconisé l'extermination du peuple musulman. Voilà ce
20 que j'en veux aux Musulmans. C'est parce que c'est un groupe religieux, ou
21 c'est un peuple qui m'ont forcé de tirer moi aussi sur eux.
22 C'est la chose qui est la chose la plus difficile pour moi.
23 Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je n'ai plus de question à poser à ce
24 témoin, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Monsieur Karadzic, avez-vous des
26 questions supplémentaires à poser à ce témoin ?
27 [Le conseil de la Défense se concerte]
28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Tous les documents
Page 45882
1 ont été versés au dossier, et donc je n'ai plus de question supplémentaire
2 pour ce témoin.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
4 Monsieur Nedic, ceci met un terme à votre déposition. Au nom des Juges de
5 la Chambre de première instance, je voudrais vous remercier d'être venu à
6 La Haye. Maintenant, vous pouvez quitter le prétoire.
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je prie, M. l'Huissier de dire au témoin
9 que nous n'avons rien entendu. Pourriez-vous dire au témoin qu'il peut
10 maintenant quitter le prétoire.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin suivant est prêt à
13 commencer sa déposition ?
14 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE KWON : [interprétation] En attendant que le témoin entre dans le
16 prétoire, Maître Robinson, pouvez-vous nous dire quel est le programme pour
17 demain.
18 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin suivant,
19 Branko Davidovic est le dernier témoin qui est à La Haye et qui est prévu
20 pour témoigner pour cette semaine. Donc, si nous en finissons avec son
21 témoignage demain, nous n'aurons pas d'autre témoin pour cette semaine.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je suis un peu préoccupé de ce
23 calendrier, et je parle pour moi-même.
24 M. ROBINSON : [interprétation] Nous avons eu cinq témoins aujourd'hui,
25 Monsieur le Président. Je ne sais pas à quoi vous vous attendez par rapport
26 à nous, mais nous devons préparer les témoins, organiser les séances de
27 récolement, et parfois cela nécessite plus de temps. Je ne pense pas que je
28 puisse faire venir plus de témoins. Nous avons fait venir huit témoins pour
Page 45883
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
15 versions anglaise et française
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 45884
1 cette semaine. Nous n'avons pas d'autres possibilités pour les faire venir
2 en plus grand nombre. A moins que la Chambre nous donne d'autres options.
3 Mais cela nécessitera plus de temps.
4 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Juste un instant, s'il vous plaît.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
7 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Est-ce que le témoin peut s'asseoir et
8 être patient quelques minutes. Asseyez-vous, s'il vous plaît, puisqu'il y a
9 des questions qui doivent être soulevées.
10 Quel est le programme ou le calendrier pour la semaine prochaine, Maître
11 Robinson ?
12 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 Nous avons cinq témoins prévus pour la semaine prochaine ainsi que le
14 général Mladic. Ensuite, nous avions un autre témoin, nous espérions qu'il
15 pourrait venir mais au dernier moment nous avons dû demander le laissez-
16 passer pour le sauf-conduit pour ce témoin dans la dernière minute puisque
17 lorsque nous avons commencé à faire des arrangements pour son travail,
18 l'Unité qui s'occupe des Victimes et des Témoins a appris qu'il y avait des
19 interdictions pour ce qui est de son entrée dans le pays, donc nous avons
20 dû reporter son témoignage et nous ne sommes pas sûrs d'avoir suffisamment
21 de témoins pour la semaine prochaine pour que toute la semaine soit
22 couverte.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] On va s'occuper de cela plus tard. Mais
24 j'aimerais que vous essayiez de faire votre mieux pour ne pas perdre plus
25 de temps à l'avenir.
26 Est-ce que le témoin peut prononcer la déclaration solennelle maintenant.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je dire quelque chose, Monsieur le
28 Président ?
Page 45885
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
2 J'ai dit que le témoin peut prononcer la déclaration solennelle, après quoi
3 vous pouvez parler.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 LE TÉMOIN : BRANKO DAVIDOVIC [Assermenté]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci, Monsieur Davidovic. Veuillez vous
9 asseoir confortablement.
10 Monsieur Karadzic, vous avez la parole.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux dire juste une phrase
12 concernant le sujet qu'on a abordé précédemment ?
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui.
14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis venu ici en étant dans un état de santé
15 parfait mais ce n'est plus le cas. Et j'ai donné l'autorisation au service
16 médical à vous faire parvenir les rapports médicaux, puisque la cadence de
17 travail qui m'a été imposée est terrible. Je ne suis plus aussi jeune.
18 J'aimerais que cela soit tenu en compte.
19 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Par rapport à ce sujet ou sujet
20 précédent, Monsieur Tieger, avez-vous des remarques à faire par rapport au
21 calendrier ?
22 M. TIEGER : [interprétation] Je ne veux pas maintenant faire perdre votre
23 temps en parlant de mes remarques, mais j'ai l'impression, vu mes contacts
24 avec Me Robinson, que lui-même ou lui et son équipe n'ont pas fait tout ce
25 qui était possible, et j'aimerais attirer l'attention de la Chambre là-
26 dessus. Nous ne sommes peut-être pas toujours d'accord par rapport à tout,
27 mais pour ce qui est de l'efficacité et de la fiabilité de nos activités,
28 je ne suggérerais jamais que lorsque Me Robinson dit que son équipe fait de
Page 45886
1 son mieux, je ne dirai jamais quelque chose qui est contraire à la
2 situation réelle.
3 Je pourrais donner des conseils pour ce qui est de l'efficacité. J'ai
4 vu que la Chambre a appelé à ce que des mesures complémentaires soient
5 prises. M. Karadzic a répondu en disant que leurs capacités sont ce
6 qu'elles sont et lorsqu'on tient compte tous les facteurs, et Me Robinson
7 se trouve dans une situation dans laquelle l'Accusation se trouve
8 également, où les choses ne se passent pas comme prévu et Me Robinson,
9 lorsqu'il parle avec moi des choses pour lesquelles il doit faire plus
10 d'efforts, je pense qu'il est sincère et fait tout ce qu'il peut.
11 C'est tout ce que je peux dire à la Chambre, puisque tout cela
12 nécessite beaucoup d'efforts de nous tous et je ne peux pas dire rien de
13 plus par rapport à cela à ce moment.
14 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci de votre compréhension, Monsieur
15 Davidovic.
16 Avant de commencer à déposer, je dois attirer votre attention sur une Règle
17 qu'on applique ici dans ce Tribunal international, et cette Règle est
18 contenue dans l'article 90(E). D'après cette disposition, vous pouvez
19 refuser de répondre à des questions de M. Karadzic, le Procureur ou même
20 des Chambres si vous considérez que votre réponse pourrait vous incriminer
21 pour infraction pénale.
22 Dans ce contexte, "vous incriminer" entend que vous pourrez dire
23 quelque chose qui équivaudrait à des aveux pour une infraction pénale ou
24 dire quelque chose qui pourrait être utilisé comme élément de preuve pour
25 infraction pénale que vous auriez commis. Pourtant, si vous pensez qu'une
26 telle réponse pourrait vous incriminer, là, et que vous refusez de répondre
27 à cette question, le Tribunal a le pouvoir de vous obliger à répondre à
28 cette question. Dans une telle situation, le Tribunal s'assurera que votre
Page 45887
1 témoignage fait dans de telles circonstances ne serait pas utilisé contre
2 vous dans aucun autre procès ou poursuite pénale, hormis poursuite pour
3 faux témoignage.
4 Est-ce que vous avez compris cela, Monsieur Davidovic ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci.
7 Monsieur Karadzic, vous avez la parole.
8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
9 Interrogatoire principal par M. Karadzic :
10 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Davidovic.
11 R. Bonjour, Monsieur le président.
12 Q. Je vous prie de parler lentement pour que vos propos soient consignés
13 au compte rendu, interprétés, et je vous prie de ménager une pause entre
14 mes questions et vos réponses et que vous ne commenciez à parler jusqu'à ce
15 que le curseur ne s'arrête sur l'écran.
16 Est-ce que vous avez fait une déclaration à mon équipe de la Défense ?
17 R. Oui.
18 Q. Merci.
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher maintenant dans le prétoire
20 électronique la pièce 1D9665 ?
21 M. KARADZIC : [interprétation]
22 Q. Je vous prie de regarder la version en serbe à gauche à l'écran et de
23 me dire si vous voyez la première page dans votre déclaration à l'écran.
24 R. Oui, je vous la première page dans ma déclaration affichée à l'écran.
25 Q. Est-ce que vous avez lu cette déclaration et est-ce que vous l'avez
26 signée ?
27 R. Oui, j'ai lu la déclaration et je l'ai signée.
28 Q. Merci.
Page 45888
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-on afficher la dernière page pour que le
2 témoin puisse la voir et identifier sa signature ?
3 M. KARADZIC : [interprétation]
4 Q. Est-ce qu'il s'agit de votre signature ?
5 R. Oui, c'est ma signature.
6 Q. Merci. Est-ce que cette déclaration reflète fidèlement ce que vous avez
7 dit à mon équipe de la Défense ou pas, et est-ce que vous demanderiez que
8 quelque chose soit corrigé ?
9 R. Jusque ici, je n'ai pas de remarques à faire par rapport à l'exactitude
10 de la déclaration. Je n'ai pas de correction à apporter.
11 Q. Merci. Si je vous posais les mêmes questions que les questions qu'on
12 vous a posées au moment où vous avez fait cette déclaration, est-ce que vos
13 réponses seront essentiellement les mêmes qu'à l'époque ?
14 R. Oui, mes réponses seraient les mêmes qu'à l'époque.
15 Q. Merci.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demande le versement de la déclaration de M.
17 Davidovic conformément à l'article 92 ter.
18 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Madame McKenna, avez-vous des objections
19 à ce versement ?
20 Mme McKENNA : [interprétation] Non.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La déclaration sera versée au dossier.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D4233.
23 M. ROBINSON : [interprétation] Nous avons une pièce connexe, Monsieur le
24 Président, à verser au dossier.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. 1D9602, vous n'avez pas d'objection
26 à l'admission de cette pièce connexe, Madame McKenna ?
27 Mme McKENNA : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que cette
28 pièce a déjà été versée au dossier en tant que pièce P3663.
Page 45889
1 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Merci. Maître Robinson, procédez, s'il
2 vous plaît, à la vérification de cela et informez-nous si cela n'est pas le
3 cas.
4 Vous pouvez poursuivre.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
6 Je vais maintenant donner lecture du bref résumé de la déclaration de
7 M. Branko Davidovic.
8 Branko Davidovic a répondu à l'appel à la mobilisation qui a été exécuté ou
9 organisé par la 6e Brigade d'infanterie légère de Krajina en 1992, et il a
10 été affecté au poste de commandant de bataillon et peu de temps après au
11 poste du député de commandant chargé du moral au niveau de la brigade.
12 Avant l'éclatement de la guerre, les relations interethniques entre
13 les citoyens serbes, musulmans et croates dans la municipalité de Sanski
14 Most étaient bonnes. Dans les premières élections multipartites à Sanski
15 Most, le SDS a obtenu le plus grand nombre de voix et, par la suite et en
16 conséquence de cela, le SDS a procédé à la création des autorités locales.
17 Bien qu'il y ait eu presque le même nombre de Musulmans que le nombre de
18 Serbes, les Musulmans ont obtenu beaucoup moins de voix, puisque une
19 famille musulmane avait en moyenne cinq ou six enfants, dont la plupart
20 n'étaient pas en âge de pouvoir voter.
21 Au niveau local, le SDA est exposé à une pression énorme du SDA à
22 Sarajevo et très vite, ils ont présenté leur objectif politique qui était
23 de faire sécession de la Yougoslavie et de créer une Bosnie-Herzégovine en
24 tant qu'Etat unitaire. Le HDZ local est également sous la pression du HDZ
25 de Sarajevo et de ses responsables, ainsi que des responsables du HDZ de la
26 République de Croatie. La politique des leaders du HDZ juste avant la
27 guerre était que la Bosnie devait faire sécession de la Yougoslavie, après
28 quoi les parties de la Bosnie-Herzégovine peuplées par les Croates et les
Page 45890
1 territoires qui importaient aux Croates devaient être annexés à la
2 République de Croatie.
3 Lorsque les confrontations ont atteint le degré ou le niveau voulu
4 par les séparatistes musulmanes et croates, un référendum portant sur
5 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine a été organisé. Les Serbes ont pris
6 part au référendum. Et en réponse au mémorandum portant sur l'indépendance,
7 les Serbes ont organisé le plébiscite lors duquel une majorité absolue des
8 Serbes ainsi que d'autres citoyens qui se déclaraient comme Yougoslaves ont
9 clairement opté pour préserver la paix et l'Etat. Lorsque le commandement
10 compétent a conclu et a évalué que la sécurité de l'Etat et des citoyens
11 était menacée, il a ordonné la mobilisation des commandements et des unités
12 de la 6e Brigade d'infanterie légère de Krajina à Sanski Most. Les Serbes
13 ainsi qu'un petit nombre de citoyens musulmans et croates ont répondu à
14 l'appel à la mobilisation. Au mois de juin 1991, la 6e Brigade d'infanterie
15 légère de Krajina est partie dans le secteur général de Jasenovac.
16 Dans la municipalité de Sanski Most ou dans des endroits où les
17 Musulmans et les Croates étaient en majorité, des citoyens serbes avaient
18 déjà remarqué que les Musulmans et les Croates s'armaient, formaient des
19 groupes armés et des unités, et organisaient des gardes villageoises. Les
20 gardes villageoises, étant donné que les gens avaient peur, étaient
21 également organisées en réponse à d'autres gardes villageoises dans les
22 endroits où les Serbes vivaient. La mémoire des crimes commis dans la
23 Deuxième Guerre mondiale contre les Serbes a contribué à faire augmenter
24 cette peur. Le 2 avril et le 3 avril, la 6e Brigade d'infanterie légère de
25 Krajina a pu retourner dans la municipalité de Sanski Most pour prévenir
26 des conflits interethniques. Les Musulmans ont rentré par la force dans le
27 bâtiment de la municipalité pour le bloquer, en espérant de prendre le
28 pouvoir, puisque les Serbes avaient obtenu le plus grand nombre de sièges à
Page 45891
1 l'assemblée municipale et le président de l'assemblée municipale était
2 également un Serbe. Les informations rassemblées par les services de
3 Sécurité de Sanski Most ont montré que beaucoup de Musulmans et de Croates
4 étaient armés et que les unités paramilitaires avaient déjà été formées.
5 Par conséquent, les mesures d'ordre opérationnel ont été prises pour faire
6 arrêter le développement de ces événements. Des appels ont été faits par
7 rapport aux citoyens musulmans et croates éminents dans des communautés-
8 clés pour qu'ils parlent à leurs concitoyens pour leur demander à
9 rassembler et rendre toutes les armes possédées de façon illégale.
10 Pour retrouver et désarmer les formations paramilitaires musulmanes
11 et croates, des groupes et des individus, les unités de la 6e Brigade
12 d'infanterie légère de Krajina ont procédé aux vérifications légitimes et à
13 la fouille des endroits peuplés dans la municipalité de Sanski Most le 25
14 mai 1992. A peu près dix membres de l'unité de M. Davidovic ont été tués ou
15 blessés lors des combats autour de Hrustovo. C'était un exemple clair qui
16 montrait qu'il s'agissait d'une unité bien armée de la taille d'un
17 bataillon à Hrustovo et que la brigade ne combattait pas des civils non
18 armés.
19 Les services de Sécurité ont identifié et localisé lors de leurs
20 activités opérationnelles des individus ainsi que des groupes qui avaient
21 été armés de façon illégale dans la municipalité de Sanski Most, et ces
22 personnes ainsi que ceux qui étaient en lien avec eux ont été retrouvés et
23 arrêtés. Etant donné que le nombre de suspects augmentait et étant donné
24 que plus de gens devaient être hébergés avant de procéder aux entretiens
25 sur place, une prison a été établie dans Betonirka, et des centres de
26 réception ou d'accueil ont été créés dans la salle de sport et dans l'usine
27 Famos. Des gens n'ont pas été emmenés dans ces centres au hasard et des
28 civils n'ont pas été arrêtés.
Page 45892
1 Donc, ceci a été un bref résumé de la déclaration de M. Davidovic. Je
2 n'ai, pour le moment, pas de questions à lui poser.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Fort bien. Monsieur Davidovic, comme
4 vous avez pu le remarquer, votre interrogatoire au principal dans ce procès
5 a été versé au dossier sous forme écrite, par le biais de votre déclaration
6 écrite, plutôt que de vous faire témoigner oralement.
7 Vous allez maintenant être interrogé par un représentant du bureau du
8 Procureur.
9 Madame McKenna, est-ce que vous souhaitez commencer aujourd'hui ou
10 préférez-vous le faire demain ?
11 Mme McKENNA : [interprétation] Je m'en remets à votre décision. Je suis
12 tout à fait à même de faire comme vous voudrez.
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Commençons alors.
14 Contre-interrogatoire par Mme McKenna :
15 Q. [interprétation] Monsieur Davidovic, essayons de commencer par un point
16 que j'aimerais tirer au clair à titre préliminaire.
17 Au paragraphe 1, vous avez dit que vous avez été enseignant. Vous
18 avez été enseignant à l'école primaire de Tomina, n'est-ce pas ?
19 R. Non. J'ai été enseignant dans une école à Donja Kamengrad et à l'école
20 Narodni Front, le Front populaire, à Sanski Most.
21 Q. Merci. Au paragraphe 14 de votre déclaration, vous indiquez que vous
22 avez rejoint les rangs de la 6e Brigade, vous avez d'abord été commandant
23 d'un bataillon puis vous êtes devenu commandant adjoint chargé du moral. On
24 en viendra aux opérations où vous avez participé en tant que commandant de
25 bataillon, mais j'aimerais maintenant que nous nous penchions plutôt sur ce
26 rôle de commandant adjoint chargé du moral.
27 Vous avez été dans ce rôle responsable de la présentation de rapport
28 à l'intention du commandement du 1er Corps de la Krajina pour toute
Page 45893
1 question liée au moral, n'est-ce pas ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Et partant de ces rapports, le commandement du 1er Corps de la Krajina
4 a présenté, de son côté, des rapports à l'intention de l'état-major
5 principal de la VRS pour ce qui est de l'état du moral des troupes dans la
6 municipalité de Sanski Most, n'est-ce pas ?
7 R. Je suppose que oui. C'est la filière de commandement. C'est ainsi que
8 les choses étaient censées se passer.
9 Q. Je voudrais maintenant que nous nous penchions d'abord sur un document
10 où vous avez aidé à la rédaction. Il s'agit de la pièce P3663.
11 Je souhaite que l'on nous affiche la page 4 en anglais et la page 5
12 en B/C/S.
13 Monsieur Davidovic, ceci est une partie du document que vous évoquez au
14 paragraphe 16 de votre déclaration, et vous dites que la situation y a été
15 clairement exposée.
16 Penchons-nous sur le bas de la page en version anglaise.
17 Vous dites que la direction musulmane dans la municipalité de Sanski
18 Most précise, tel que le dit le document, que :
19 "Ces documents montrent qu'ils avaient eu l'intention de commettre un
20 génocide à l'égard du peuple serbe, les tuer et les expulser, pour créer un
21 Etat musulman sur ce territoire. Tous les notables serbes et leurs familles
22 devaient être tués et pendus dans le parc de Sanski Most. Alors que les
23 filles et femmes devaient être placées dans des bordels pour avoir des
24 enfants musulmans, les enfants serbes de sexe masculin devaient être
25 circoncis et éduqués dans l'esprit des lois islamiques."
26 Alors, c'est le type d'information que vous, en tant que commandant
27 adjoint chargé du moral, vous avez véhiculé vers vos troupes; c'est bien
28 cela ?
Page 45894
1 R. Les informations que vous évoquez, ça a été collecté par les services
2 de la sécurité publique et les services de la sécurité de l'unité aussi.
3 C'est partant de leurs rapports à eux, communiqués aux instances
4 concernées, que l'on a établi les faits dont vous venez de donner lecture.
5 Q. Monsieur Davidovic, au paragraphe 13 de votre déclaration, vous
6 indiquez qu'au retour à Sanski Most, le commandement de la brigade
7 s'installe au village de Lusci Palanka. Le commandement de la brigade a
8 estimé qu'ainsi cela influerait sur l'atténuation des tensions entre les
9 citoyens qui étaient divisés et qui se soupçonnaient les uns les autres.
10 Alors, le colonel Branko Basara était le commandant de votre brigade ?
11 R. C'est exact.
12 Q. J'aimerais qu'on nous présente à présent la pièce P3660.
13 Monsieur Davidovic, ceci est un journal de guerre de la 6e Brigade qui a
14 été rédigé par les soins du colonel Basara.
15 J'aimerais qu'on nous montre la page 2 en version anglaise et la page 3 en
16 version B/C/S.
17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut nous expliquer, est-ce que
18 c'est un journal de guerre ou est-ce que c'est un texte rédigé a posteriori
19 et qui se trouverait être des mémoires ?
20 M. LE JUGE KWON : [interprétation] C'est une question que nous avons déjà
21 abordée. Vous l'avez déjà évoquée, cette question. Et ceci se trouve être
22 versé au dossier.
23 Mais si vous pouvez aider M. Karadzic, Madame McKenna, faites-le.
24 Mme McKENNA : [interprétation] Je crois que, partant du contexte, il est
25 clair que ceci a été rédigé en 1992. Et l'intitulé est : Le chemin de
26 guerre de la 6e Brigade. Et comme M. le Président vient de le dire, c'est
27 un document qui est déjà versé au dossier.
28 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Veuillez continuer, je vous prie.
Page 45895
1 Mme McKENNA : [interprétation] Merci.
2 Q. Au point 4 de ce document, ce monsieur -- ou le colonel Basara dit que
3 :
4 "Le 3 avril 1991, la 6e a été transférée dans un ordre complet et
5 dans le secret le plus complet depuis Jasenovac vers Sanski Most, ce qui
6 fait que tout un chacun était surpris."
7 Ceci devrait donc se trouver à être une référence de faite à la date
8 du 3 avril 1992, n'est-ce pas ?
9 R. La brigade est arrivée dans la nuit du 3 ou 4 avril 1992 depuis le
10 secteur de Jasenovac vers le secteur de la municipalité de Sanski Most,
11 c'est-à-dire Palanka, et ça se trouve à 25 kilomètres de Sanski Most. Et
12 pour l'essentiel, dans ce secteur, il y a une population serbe --
13 Q. Monsieur Davidovic, je vais vous interrompre ici, parce que je vais
14 vous demander d'écouter attentivement mes questions et de répondre de la
15 façon la plus concise possible. Donc, votre réponse en somme est oui.
16 Alors, voyons un peu ce que nous dit ensuite le colonel
17 Basara :
18 "Suite à l'arrivée de la brigade sur ce territoire, les Musulmans et
19 les Croates ont été effrayés, et les Serbes se sont vus soulagés."
20 C'est ça, la réalité des choses, n'est-ce pas ? A savoir que le
21 commandement de la brigade ne s'est pas installé à Lusci Palanka aux fins
22 d'apaiser les tensions. Ce commandement s'est installé là pour fournir des
23 garanties à la population serbe et pour apporter de l'appréhension et de la
24 crainte au niveau de la population non-serbe.
25 R. Je ne pense pas qu'il en soit ainsi. Au contraire. Lorsque la brigade
26 allait s'installer là où il y avait une majorité musulmane, les Musulmans
27 considéraient qu'ils étaient menacés et que la brigade était là pour faire
28 pression d'une certaine façon, chose qu'ils ne souhaitaient pas voir se
Page 45896
1 produire.
2 Q. Monsieur Davidovic, vous avez dit au paragraphe 16 de votre déclaration
3 que la mission fondamentale de la brigade consistait à prévenir les
4 conflits interethniques et sécuriser les biens de tout un chacun et la
5 propriété publique de la municipalité.
6 Or, ici, le colonel Basara enchaîne pour dire :
7 "Nous avons donné l'ordre aux Serbes de compléter rapidement leurs
8 unités. Et étant donné que notre mission d'unité de la JNA consistait à
9 prévenir les conflits entre les différents groupes ethniques, c'est-à-dire
10 empêcher le massacre de la population serbe, nous ne pouvions pas
11 publiquement armer les Serbes."
12 C'est cela, la vérité. La mission de la brigade n'avait pas consisté
13 à protéger la population tout entière indépendamment de l'appartenance
14 ethnique. La mission de la brigade a consisté en une protection de la
15 population serbe.
16 R. Au tout début, lorsqu'il y a eu ces bouleversements, la brigade avait
17 pour mission d'empêcher les troubles et les conflits interethniques. La
18 brigade s'armait à partir des entrepôts normaux, et ce, en fonction des
19 effectifs qu'elle était censée avoir. Et donc, au fur et à mesure que les
20 gens arrivaient dans l'unité, ils recevaient des armes. Cette brigade n'a
21 armé personne, si ce n'est ses propres effectifs qui ont été convoqués sous
22 les drapeaux et qui ont répondu présents à l'appel à la mobilisation pour
23 faire partie de cette unité.
24 Q. S'agissant du sujet lié à la population qui a répondu présent aux
25 appels sous les drapeaux, vous dites au paragraphe 14 que lorsque la
26 brigade est arrivée à Sanski Most, il y a eu une mobilisation
27 complémentaire dans l'espoir de voir répondre présents les Musulmans, les
28 Croates et les Serbes.
Page 45897
1 Alors, je voudrais que vous vous penchiez sur ce que le colonel Basara,
2 votre commandant, a dit sur le sujet. Nous sommes à la même page, mais un
3 peu plus bas. Il est dit : "Nous avons dû recourir à une astuce" -- non,
4 excusez-moi, c'est la page 3 de la version en B/C/S.
5 "Nous avons dû recourir à une astuce pour faire en sorte que les
6 Serbes soient armés de façon publique et légale. Le commandement du 1er
7 Corps de la Krajina a donné l'ordre de faire de la 6e une brigade
8 d'infanterie légère pour lui faire avoir jusqu'à 15 bataillons afin de
9 mobiliser le plus vite et le plus possible de gens de façon à ce que les
10 Musulmans et les Croates ne soient plus intégrés à la brigade. Et dès qu'il
11 y aurait mobilisation de parachevée, la brigade quitterait les lieux pour
12 Kupres. Alors, cela créerait les conditions de la création et de l'armement
13 légal de neuf bataillons."
14 Alors, le fait, Monsieur Davidovic, est que, contrairement à votre
15 déclaration, il n'y avait pas d'espoir pour ce qui est de voir la
16 population non-serbe répondre présente à l'appel à la mobilisation. Ou,
17 plus exactement que cela, le colonel Basara a parlé des modalités suivant
18 lesquelles on empêcherait les non-Serbes de rejoindre les rangs de la
19 brigade.
20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'aimerais bien qu'on nous montre la page
21 appropriée en langue serbe.
22 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je crois que Mme McKenna nous a parlé de
23 la page suivante. Donc, c'est --
24 Mme McKENNA : [interprétation] Excusez-moi, c'est un passage qui se
25 poursuit sur la page 4.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] En partie, oui.
27 Mme McKENNA : [interprétation]
28 Q. Monsieur Davidovic, pouvez-vous répondre à ma question ?
Page 45898
1 La question a été celle-ci : contrairement à votre déclaration, il
2 n'y avait pas eu d'espoir de voir la population non-serbe rejoindre les
3 effectifs de votre brigade. Et plutôt que de le faire, le commandant de la
4 brigade s'est efforcé de façon active d'empêcher les Musulmans et Croates
5 de rejoindre les rangs de votre brigade.
6 R. Ce document -- je vois qu'il est rédigé à la main. Je ne sais pas de
7 qui vient ce document. Ce que je sais, et c'est la vérité, c'est que les
8 Musulmans et les Croates n'ont pas répondu présents à l'appel à la
9 mobilisation, exception faite d'une toute petite partie, d'un tout petit
10 nombre, et il y en a qui sont restés jusqu'au bout dans le rang de l'unité.
11 C'étaient gens O.K., aucun problème avec eux. Ce que je vous affirme avec
12 certitude, c'est que ce que nous voulions, c'était empêcher une
13 détérioration des relations interethniques autant que faire se pouvait.
14 Deuxièmement, je n'ai jamais oui dire que la brigade devait
15 comporter, si je vous ai bien compris, 19 bataillons et aller jusqu'à
16 Kupres. A un moment donné, nous avons eu 11 bataillons de mobilisés. Au
17 bout d'un certain temps, du fait de l'âge de certaines personnes, du manque
18 du matériel et d'équipement ou autres raisons variées, la brigade a diminué
19 les effectifs pour n'avoir plus que six bataillons.
20 Q. Merci.
21 Mme McKENNA : [interprétation] Madame, Monsieur les Juges, je crois que
22 l'heure se prête à une interruption d'audience.
23 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Oui. Nous allons lever l'audience pour
24 aujourd'hui et reprendre demain matin, 9 heures.
25 Monsieur Davidovic, je voudrais vous donner conseil de ne discuter avec
26 personne su sujet de votre témoignage.
27 L'audience est levée.
28 --- L'audience est levée à 14 heures 49 et reprendra le jeudi, 23 janvier
Page 45899
1 2014, à 9 heures 00.
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28