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1 Le jeudi, 24 mars 2016
2 [Audience publique]
3 [Jugement]
4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 00.
6 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
7 Je demande au Greffier de bien vouloir citer l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président,
9 Madame, Messieurs les Juges.
10 Il s'agit de l'affaire IT-95-5/18-T, le Procureur contre Radovan
11 Karadzic.
12 M. LE JUGE KWON : [interprétation] La Chambre est réunie aujourd'hui pour
13 rendre son jugement en l'espèce.
14 La présentation des parties, je vous prie.
15 L'Accusation en premier lieu.
16 M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
17 Messieurs les Juges et toutes les personnes se trouvant dans ce prétoire et
18 à l'extérieur de ce prétoire. Du côté de l'Accusation aujourd'hui, Alan
19 Tieger, moi-même, Hildegard Uertz-Retzlaff, et Mme Ann Sutherland, Caroline
20 Edgerton, et Katrina Gustafson.
21 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.
22 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je dois également citer
23 le nom de quelqu'un qu'il ne faut jamais oublier, notre commis à l'affaire,
24 M. Iain Reid.
25 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Tieger.
26 Du côté de la Défense, s'il vous plaît.
27 M. KARADZIC : [interprétation] Bonjour, Excellence. Bonjour à toutes les
28 personnes présentes. Je suis assisté aujourd'hui de mon conseiller
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1 juridique, M. Peter Robinson, Goran Petronjevic, M. Marko Sladojevic, et
2 mes collaborateurs Aleksandar Vujic et Aleksandar Stevanovic.
3 M. LE JUGE KWON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Karadzic.
4 L'accusé est l'un des membres fondateurs du SDS, il en a été le président
5 de juillet 1990 à juillet 1996. Il a été le président du Conseil de
6 sécurité nationale de la République serbe de Bosnie-Herzégovine et le 12
7 mai 1992, l'accusé a été élu président de la présidence de la République
8 serbe de Bosnie-Herzégovine. A partir du 17 décembre 1992, il a été le
9 président unique de la Republika Srpska et le commandant suprême des forces
10 armées de la Republika Srpska.
11 L'accusé devait répondre de 11 chefs d'accusation : deux chefs de génocide,
12 cinq chefs de crimes contre l'humanité, à savoir persécution, assassinat,
13 extermination, expulsion et transfert forcé; et quatre chefs de violation
14 des lois ou coutumes de la guerre, à savoir meurtre, actes de violence dont
15 le but principal était de répandre la terreur parmi la population civile,
16 attaques illégales contre des civils et prises d'otages.
17 Dans l'acte d'accusation, il est allégué que l'accusé a participé à quatre
18 entreprises criminelles communes, et plus précisément ceci, l'Accusation a
19 allégué ce qui suit :
20 Dès octobre 1991 et jusqu'au 30 novembre 1995, l'accusé a participé à
21 une entreprise criminelle commune visant à chasser à jamais les Musulmans
22 et les Croates de Bosnie du territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie
23 en BiH par la perpétration des crimes retenus dans l'acte d'accusation;
24 l'entreprise criminelle commune principale.
25 Deuxièmement, entre avril 1992 et novembre 1995, l'accusé a participé à une
26 entreprise criminelle commune visant à concevoir et mettre en œuvre une
27 campagne de tirs isolés et de bombardements contre la population civile de
28 Sarajevo, dont le principal objectif : d'y répandre la terreur;
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1 l'entreprise criminelle commune relative à Sarajevo.
2 Troisièmement, entre le 26 mai et le 19 juin 1995 ou vers ces dates,
3 l'accusé a participé à une entreprise criminelle commune visant à prendre
4 en otage 200 membres des Forces de maintien de la paix et observateurs
5 militaires de l'ONU en vue de contraindre l'OTAN à renoncer aux frappes
6 aériennes contre des objectifs militaires serbes de Bosnie; l'entreprise
7 criminelle commune relative aux otages.
8 Et quatrièmement, à partir des jours qui ont précédé le 11 juillet 1995 et
9 jusqu'au 1er novembre 1995, l'accusé a participé à une entreprise criminelle
10 commune visant à éliminer les Musulmans de Srebrenica en tuant les hommes
11 et les garçons de Srebrenica et en chassant par la force les femmes, les
12 enfants et quelques hommes âgés de Srebrenica; l'entreprise criminelle
13 commune relative à Srebrenica.
14 En outre, l'Accusation reproche à l'accusé d'avoir planifié, incité à
15 commettre, ordonné et/ou aidé et encouragé les crimes retenus dans l'acte
16 d'accusation. Elle le tient également responsable en tant que supérieur
17 hiérarchique en vertu de l'article 7(3) du Statut.
18 L'Accusation a fait sa déclaration liminaire les 27 octobre et 2 novembre
19 2009, et le premier témoin à charge a été entendu le 13 avril 2010. Le
20 réquisitoire et la plaidoirie ont été entendus du 30 septembre au 7 octobre
21 2014. Au cours de 498 jours de procès, la Chambre a entendu 434 témoins et
22 reçu en outre les témoignages écrits de 152 témoins supplémentaires. Au
23 total, 11 469 pièces à conviction ont été versées au dossier. Le dossier
24 complet de l'affaire totalise plus de 48 000 pages de comptes rendus
25 d'audience, plus de 95 000 pages d'écriture, et plus de 199 000 pages de
26 pièces à conviction versées au dossier, ce qui totalise 330 000 pages.
27 L'exposé des conclusions et des motifs de la Chambre est résumé ci-après.
28 Il ne s'agit que d'un résumé qui ne fait pas partie du jugement. Seul fait
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1 autorité l'exposé des conclusions de la Chambre que l'on trouve dans le
2 jugement écrit. Des copies confidentielles seront mises à la disposition
3 des parties à l'issue de l'audience et une version publique expurgée sera
4 également mise à la disposition du public.
5 Avant d'aborder les quatre composantes susmentionnées, la Chambre conclut
6 au vu des éléments de preuve qu'il existait un conflit armé en BiH pendant
7 toute la période couverte par l'acte d'accusation et que les autres
8 conditions générales d'application de l'article 3 du Statut sont réunies.
9 Pour ce qui est des crimes contre l'humanité, elle constate l'existence
10 d'une attaque systématique et généralisée dirigée contre les populations
11 civiles pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation, que les
12 crimes retenus faisaient partie de l'attaque et que les auteurs des crimes
13 avaient connaissance de l'attaque et savaient que les crimes en faisaient
14 partie.
15 La Chambre va aborder en premier lieu le volet de l'affaire consacrée aux
16 municipalités et l'entreprise criminelle commune principale alléguée. Il
17 est allégué que des crimes ont été commis dans les municipalités de
18 Bijeljina, Bratunac, Brcko, Foca, Rogatica, Sokolac, Visegrad, Vlasenica et
19 Zvornik en BiH orientale; dans les municipalités de Banja Luka, Bosanski
20 Novi, Kljuc, Prijedor, et Sanski Most dans la Région autonome de Krajina ou
21 RAK; et dans les municipalités de Hadzici, Ilidza, Novi Grad, Novo
22 Sarajevo, Pale, et Vogosca dans la région de Sarajevo. Ci-après les
23 municipalités.
24 La Chambre conclut qu'à la fin du mois de mars 1992 et pendant toute
25 l'année 1992, les forces serbes ont pris le contrôle des municipalités sur
26 le territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie en BiH. Lors de ces
27 prises de contrôle bien planifiées et coordonnées et après celles-ci, des
28 crimes organisés et systématiques ont été commis contre les Musulmans et
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1 les Croates de Bosnie qui vivaient dans ces municipalités.
2 La Chambre conclut qu'un grand nombre de Musulmans et de Croates de Bosnie
3 dans ces municipalités ont été déplacés par la force de leurs foyers vers
4 d'autres localités en BiH ou vers des états tiers.
5 D'après la thèse de l'accusé, ces déplacements de population en BiH
6 étaient volontaires et la conséquence naturelle de la guerre. Il soutient,
7 en outre, qu'il n'y a pas eu de politique d'expulsion. La Chambre conclut,
8 au contraire, que dans de nombreux cas les victimes ont été contraintes par
9 la force à partir après l'attaque de leurs villages et la prise de contrôle
10 de leurs villes par les forces serbes.
11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
12 LE TÉMOIN : [interprétation]
13 M. LE JUGE KWON : [interprétation] D'autres victimes ont d'abord été
14 arrêtées, détenues dans des centres de détention, puis transportées hors
15 des municipalités. Ces expulsions ont provoqué des changements profonds de
16 la composition ethnique des municipalités.
17 Les Musulmans et les Croates de Bosnie ont également été renvoyés de
18 leurs postes d'autorité et licenciés dans de multiples municipalités. Outre
19 les arrestations illégales et les fouilles arbitraires, la liberté de
20 mouvement des Musulmans de Bosnie a été limitée dans certaines
21 municipalités. Des milliers de civils musulmans et croates de Bosnie ont
22 été illégalement détenus dans quelque 50 centres de détention sur
23 l'ensemble des municipalités. Des non-Serbes étaient parfois arrêtés en
24 masse et emmenés de leurs domiciles dans ces centres de détention après les
25 attaques contre leurs villages ou leurs villes. Cependant, la Chambre fait
26 observer qu'elle n'a pas conclu à la détention illégale des personnes qui
27 étaient des combattants ou avaient activement participé aux hostilités.
28 Les organes politiques et gouvernementaux des Serbes de Bosnie et les
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1 forces serbes ont également créé et maintenu des conditions de vie
2 inhumaines dans un certain nombre de centres de détention. Les victimes ont
3 été soumises à des conditions de vie déplorables. Il y avait pénurie de
4 nourriture, d'eau. Les soins médicaux étaient inadéquats, voire
5 inexistants. Les conditions sanitaires et d'hygiène étaient mauvaises,
6 comme celles dans lesquelles dormaient les détenus. Dans de nombreux
7 centres de détention, les détenus ont également été torturés, battus,
8 maltraités physiquement et psychologiquement. Au cours de leurs détentions,
9 des femmes et des hommes musulmans et croates de Bosnie ont été violés et
10 soumis à d'autres actes de violence sexuelle par des membres des forces
11 serbes. Ces crimes ont causé de grandes souffrances ou des douleurs
12 mentales ou physiques aux victimes. Les détenus non-Serbes ont été
13 contraints au travail sur le front ou utilisés comme des boucliers humains
14 pour protéger les forces serbes.
15 Lors de l'expulsion de leurs foyers ou après celle-ci, les biens des
16 victimes ont été saisis par les autorités serbes de Bosnie. Il y a
17 également eu pillage généralisé des biens des non-Serbes et destruction
18 massive de villages et de biens des Musulmans et des Croates de Bosnie par
19 les forces serbes dans de nombreuses municipalités. Les forces serbes ont
20 détruit de nombreuses mosquées, églises catholiques, et autres monuments
21 culturels et lieux de culte à Bratunac, Bosanski Novi, Foca, Kljuc, Novi
22 Grad, Prijedor, Rogatica, Sanski Most, Sokolac et Zvornik. Les monuments
23 culturels et les lieux de culte ont été la cible de de destruction en
24 raison de leur importance aux yeux des Musulmans et des Croates de Bosnie
25 dans ces localités. Cependant, même si la Chambre conclut également que des
26 monuments culturels et des lieux de culte ont été détruits à Bijeljina,
27 Pale et Vogosca, les éléments de preuve présentés sont insuffisants pour
28 conclure au-delà de tout doute raisonnable qui était responsable de la
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1 destruction.
2 Les forces serbes ont également tué de nombreux Musulmans et Croates
3 de Bosnie pendant et après la prise de contrôle des municipalités. Des
4 victimes ont été tuées lors d'exécutions en masse ou après les attaques des
5 villages non-serbes. Des victimes ont également été tuées par balle lors de
6 leurs détentions ou emmenées en dehors des centres de détention et tuées
7 par les forces serbes. Dans d'autres cas, les victimes sont décédées après
8 avoir été violemment battues par les forces serbes ou du fait des
9 conditions inhumaines auxquelles elles ont été soumises. Pour ce qui est
10 des 26 meurtres allégués recensés dans les annexes, la Chambre conclut que
11 l'élément constitutif du meurtre à grande échelle et l'intention requise
12 ont été établis et que, par conséquent, ils sont assimilables à
13 l'extermination.
14 La Chambre conclut également que les auteurs des crimes ont choisi
15 leurs victimes dans les municipalités sur la base de leur identité ethnique
16 en tant que Musulmans ou Croates de Bosnie et que, par conséquent, ces
17 crimes ont été commis avec une intention discriminatoire.
18 En conséquence, la Chambre conclut que les membres des forces serbes
19 et les organes politiques et gouvernementaux des Serbes de Bosnie ont
20 commis les crimes que sont le meurtre, une violation des lois ou coutumes
21 de la guerre et l'assassinat, l'extermination, l'expulsion, et les autres
22 actes inhumains, transfert forcé, des crimes contre l'humanité. Le Juge
23 Howard Morrison joint une opinion dissidente relative au fait numéro 12.2
24 recensé dans l'annexe B.
25 Au chef 1, l'Accusation allègue que dans sept municipalités, à savoir
26 Bratunac, Foca, Kljuc, Prijedor, Sanski Most, Vlasenica et Zvornik, la
27 campagne de persécution alléguée ou l'escalade qu'elle a provoquée ont
28 donné lieu à des actes motivés par l'intention assimilable au génocide. La
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1 Chambre conclut que dans ces municipalités, les membres des groupes
2 protégés, c'est-à-dire les Musulmans et les Croates de Bosnie, ont été tués
3 et ont subi des atteintes graves à leur intégrité physique et mentale et
4 que, par conséquent, les conditions requises pour établir l'élément
5 matériel du crime visé aux articles 4(2)(a) et 4(2)(b) du Statut sont
6 satisfaites. Cependant, pour ce qui est des actes visés à l'article 4(2)(c)
7 du Statut, même si la Chambre conclut que les Musulmans et les Croates de
8 Bosnie ont été détenus dans des conditions épouvantables, elle n'est pas
9 convaincue que les éléments de preuve permettent d'établir que ces
10 conditions étaient assimilables à des conditions d'existence devant
11 entraîner la destruction physique des Musulmans et des Croates de Bosnie
12 dans ces municipalités. En outre, la Chambre n'est pas convaincue que les
13 actes visés aux articles 4(2)(a) et 4(2)(b) du Statut ont été commis avec
14 une intention génocidaire, c'est-à-dire celle de détruire en partie les
15 groupes de Musulmans et de Croates de Bosnie comme tel.
16 En conclusion, la Chambre n'a pas été en mesure d'identifier ou de
17 déduire une intention génocidaire chez l'accusé, les membres présumés de
18 l'entreprise criminelle commune, les auteurs matériels de ces actes ni à
19 partir des crimes systématiques qui ont été commis dans ces municipalités.
20 Après avoir analysé la totalité des éléments de preuve à ce sujet, la
21 Chambre n'est pas convaincue que la seule déduction raisonnable est qu'il
22 existait une intention de détruire en partie les groupes de Musulmans et de
23 Croates de Bosnie comme tel dans ces municipalités. La Chambre, par
24 conséquent, ne dispose pas d'éléments de preuve suffisants pour conclure
25 au-delà de tout doute raisonnable que le génocide a été commis dans ces
26 municipalités.
27 La Chambre va à présent examiner la responsabilité de l'accusé pour
28 les crimes dont il est établi qu'ils ont été commis dans les municipalités.
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1 L'élément essentiel de la thèse de l'accusé était que les objectifs
2 des dirigeants des Serbes de Bosnie n'étaient pas criminels et
3 n'impliquaient pas la commission de crimes. Selon l'accusé, le déplacement
4 de la population non-serbe de BiH n'était pas le résultat d'une entreprise
5 criminelle commune mais du départ volontaire des habitants vers les
6 territoires contrôlés par leurs propres groupes ethniques. Selon l'accusé,
7 tous les cas individuels d'expulsion forcée ont été provoqués par la haine
8 ou le désir de vengeance mais n'ont jamais été envisagés par les dirigeants
9 des Serbes de Bosnie. L'accusé a également laissé entendre pour sa défense
10 que des crimes éventuellement commis étaient des cas isolés, perpétrés par
11 des individus, par exemple, des membres des forces paramilitaires qui ont
12 agi de leur propre chef et non pas pour réaliser l'objectif criminel commun
13 allégué. A son niveau, les autorités centrales ont essayé sans succès
14 d'exercer une influence sur les instances municipales et, compte tenu du
15 chaos qui régnait alors, il lui était impossible de faire plus.
16 La Chambre conclut, au contraire, que la création des instances
17 parallèles, politiques et gouvernementales des Serbes de Bosnie, la
18 campagne de prise de contrôle par la force des municipalités et l'expulsion
19 des non-Serbes ont été soigneusement coordonnées, dirigées et, en fin de
20 compte, voulues par l'accusé et par les dirigeants des Serbes de Bosnie.
21 Pour atteindre ces objectifs, des indications précises formulées dans les
22 directives relatives aux municipalités de type A et B et dans les objectifs
23 stratégiques ont été arrêtées et diffusées par l'accusé et par les
24 dirigeants des Serbes de Bosnie.
25 La Chambre a apprécié les éléments de preuve qui lui ont été
26 présentés concernant les actes et le comportement de l'accusé et d'autres
27 membres présumés de l'entreprise criminelle commune principale, elle leur a
28 accordé le poids qui convenait compte tenu de la manière systématique et
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1 organisée dont les crimes ont été commis dans chacune des municipalités.
2 Sur cette base, la Chambre conclut qu'entre octobre 1991 et novembre 1995,
3 il existait un projet commun visant à chasser à jamais, par la commission
4 de crimes, les Musulmans et les Croates de Bosnie du territoire revendiqué
5 par les Serbes de Bosnie. L'accusé, Momcilo Krajisnik, Nikola Koljevic,
6 Biljana Plavsic, Ratko Mladic, Mico Stanisic, Momcilo Mandic, Zeljko
7 Raznjatovic, Arkan, et Vojislav Seselj constitutaient une pluralité de
8 personnes qui agissaient dans le cadre de ce projet commun et partageaient
9 l'intention de commettre les crimes qui en faisaient partie.
10 La Chambre conclut également que l'accusé a contribué de manière
11 importante à l'entreprise criminelle commune principale. Elle a pris en
12 considération l'incidence du comportement de l'accusé du fait des fonctions
13 qu'il exerçait et des postes qu'il occupait à l'époque. L'accusé jouait un
14 rôle de premier plan dans le développement et la promotion de l'idéologie
15 et de la politique du SDS, ainsi que dans la création des organes
16 parallèles gouvernementaux, militaires, policiers, et politiques qui ont
17 servi à établir et maintenir le contrôle exercé sur le territoire
18 revendiqué par les Serbes de Bosnie et à réaliser l'objectif de
19 l'entreprise criminelle commune principale. L'accusé a joué un rôle-clé en
20 définissant les objectifs de l'entreprise criminelle commune principale, y
21 compris la séparation des Musulmans et des Croates de Bosnie, la prise de
22 contrôle du territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie et la création
23 d'un Etat des Serbes de Bosnie le plus ethniquement homogène possible.
24 L'accusé a également joué un rôle déterminant dans la diffusion de la
25 propagande visant les Musulmans et les Croates de Bosnie, les identifiant
26 comme des ennemis héréditaires des Serbes et insistant sur le fait que la
27 coexistence était impossible. L'accusé a exploité ce récit historique et
28 ses déclarations ont servi à susciter chez les Serbes de Bosnie la peur et
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1 la haine des Musulmans et des Croates de Bosnie et ont eu pour effet
2 d'exacerber les divisions et les tensions ethniques en BiH.
3 L'accusé était aussi au sommet des instances politiques,
4 gouvernementales et militaires et pouvait utiliser son pouvoir et son
5 influence pour réaliser l'objectif de l'entreprise criminelle commune
6 principale. Finalement, il a soutenu la mise en œuvre de leurs objectifs
7 sur le plan militaire, ce qui supposait la prise de contrôle du territoire
8 et le déplacement forcé de la population non-serbe. Il a joué un rôle-clé
9 dans la mobilisation et la création de la TO des Serbes de Bosnie, de la
10 VRS, et des organes séparés de la police des Serbes de Bosnie. Par
11 ailleurs, à la suite du retrait de la JNA de BiH, l'accusé a soutenu la
12 coopération des forces militaires et des autorités locales sur le plan
13 opérationnel et, dans certains cas, des forces paramilitaires. Ces
14 structures et ces unités militaires ont été utilisées pour s'emparer du
15 territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie et maintenir le contrôle sur
16 celui-ci et pour réaliser l'objectif de l'entreprise criminelle commune
17 principale. Bien que l'accusé ait pris des mesures pour contrôler les
18 forces paramilitaires plus tard au cours du conflit, ces mesures n'ont été
19 prises qu'après que ces forces ont été utilisées pour réaliser les
20 objectifs de l'entreprise criminelle commune principale et qu'ils ont
21 commencé à s'en prendre aux autorités municipales des Serbes de Bosnie.
22 L'accusé et les autres membres de l'entreprise criminelle commune ont
23 exercé leur autorité et leur influence sur les cellules de Crise, la TO, la
24 VRS, le MUP des Serbes de Bosnie et les forces paramilitaires pour
25 commettre les crimes envisagés par le projet commun de l'entreprise
26 criminelle commune principale. En outre, des forces paramilitaires, des
27 Serbes de la région, la JNA, le MUP des Serbes de Bosnie, la TO et des
28 unités de la VRS ont parfois agi sur l'ordre des cellules de Crise qui
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1 étaient placées sous l'autorité de l'accusé et sur lesquels celui-ci
2 exerçait une influence pour commettre des crimes et contribuait par là même
3 à la réalisation du projet commun. Par conséquent, les crimes commis par
4 les forces serbes dans les municipalités sont imputés aux membres de
5 l'entreprise criminelle commune ou à l'accusé.
6 Bien que les tribunaux civils aient existé pendant le conflit et que
7 l'accusé ait établi des tribunaux militaires, le système fonctionnait de
8 façon discriminatoire, les crimes commis contre les non-Serbes n'étant
9 guère une priorité. Le fait que l'accusé n'a pas usé de son autorité pour
10 empêcher comme il convenait les crimes contre les non-Serbes et pour en
11 punir les auteurs à donner à penser que de tels actes criminels seraient
12 tolérés pendant la période d'existence de l'entreprise criminelle commune
13 principale et, par conséquent, a eu pour effet d'encourager et de faciliter
14 la commission des crimes qui s'inscrivait dans le cadre de l'objectif de
15 l'entreprise criminelle commune.
16 Alors qu'il savait que des crimes avaient été commis contre les
17 Serbes et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour empêcher ces
18 crimes ou en punir les auteurs, l'accusé a constamment et systématiquement
19 donné de fausses informations aux représentants des organisations
20 internationales au public et aux médias concernant ces crimes. En niant que
21 des crimes étaient commis par les forces serbes dans les municipalités et
22 en décrivant de manière trompeuse la situation sur le terrain alors qu'il
23 en avait parfaitement connaissance, l'accusé a créé un climat propice à la
24 poursuite des crimes par les forces serbes, crimes qui favorisaient la
25 réalisation de l'objectif commun de l'entreprise criminelle commune.
26 L'accusé et les autres membres de l'entreprise criminelle commune
27 principale non seulement étaient informés de la prise de contrôle de villes
28 par les forces serbes, mais ils étaient aussi conscients que cette prise de
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1 contrôle avait provoqué des changements démographiques considérables en
2 raison du déplacement forcé des civils non-serbes et c'était traduit par
3 l'homogénéisation ethnique qu'ils avaient soutenue. De plus, la prise de
4 contrôle des municipalités par les forces serbes a également impliqué des
5 arrestations généralisées et le placement en détention illégale de milliers
6 de non-Serbes avant leur départ forcé du territoire revendiqué par les
7 Serbes de Bosnie. L'accusé et les dirigeants des Serbes de Bosnie n'étaient
8 pas seulement au courant de l'existence de ces centres de détention, mais
9 ils se sont servis de la détention illégale comme d'un élément essentiel
10 pour atteindre l'objectif de l'entreprise criminelle commune principale.
11 Sur la base de ces constatations, la Chambre conclut que la seule
12 déduction qui puisse être raisonnablement faite est que les membres de
13 l'entreprise criminelle commune principale avaient l'intention de commettre
14 les crimes que sont l'expulsion, le transfert forcé, et les persécutions
15 pour atteindre l'objectif de l'entreprise criminelle commune principale.
16 Les actes sous-jacents aux persécutions qui étaient envisagés par les
17 membres de l'entreprise criminelle commune et s'inscrivaient dans le cadre
18 de l'objectif de l'entreprise criminelle commune principale étaient le
19 transfert forcé et l'expulsion, la détention illégale, et l'application et
20 le maintien de mesures actives et discriminatoires. L'accusé et les autres
21 membres de l'entreprise criminelle commune partageaient l'intention de
22 commettre ces crimes. Néanmoins, la Chambre n'est pas convaincue que les
23 autres actes sous-jacents aux persécutions ou les autres crimes que sont le
24 meurtre et l'extermination faisaient partie du projet commun ou étaient
25 envisagés par l'accusé.
26 La Chambre de première instance a tenu compte de la vaste portée
27 géographique du projet commun et conclut que nul ne s'est véritablement
28 occupé de la manière dont le pouvoir a été pris dans les municipalités et
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1 dont l'objectif de l'entreprise criminelle commune principale a été mis en
2 œuvre. La Chambre conclut que compte tenu de la nature du projet commun et
3 de la manière dont celui-ci a été mis en œuvre, il était prévisible que les
4 forces serbes pourraient commettre des crimes violents contre les non-
5 Serbes pendant et après la prise de contrôle des municipalités et la
6 campagne visant à chasser les non-Serbes par la force. De plus, les
7 éléments de preuve présentés pour établir la connaissance qu'avait l'accusé
8 des activités criminelles dans les municipalités montrent qu'il avait
9 pleinement connaissance du climat de peur extrême dans lequel les Serbes
10 étaient contraints à partir. La Chambre conclut aussi que l'accusé savait
11 que le projet commun, dans le cadre duquel des milliers de non-Serbes
12 étaient expulsés en masse de leurs domiciles pendant et après la prise de
13 contrôle des villes et des villages et étaient détenus dans des centres de
14 détention dans les municipalités, a été exécuté dans un climat de tensions
15 interethniques et de violence. En outre, il savait qu'il existait un climat
16 d'impunité pour les crimes commis contre les non-Serbes.
17 Après avoir pris en considération ces éléments, la Chambre conclut
18 que l'accusé aurait dû savoir que la population non-serbe était susceptible
19 d'être victime des crimes violents qui pourraient être commis par les
20 membres des forces serbes qui mettaient en œuvre son projet commun.
21 L'accusé s'est montré indifférent en cette éventualité et a œuvré à la
22 réalisation du projet commun en ayant conscience de la probabilité que les
23 crimes pourraient être commis pendant la mise en œuvre du projet commun et
24 il a délibérément pris ce risque.
25 En conséquence, la Chambre conclut que l'accusé pouvait prévoir le
26 meurtre d'extermination et les persécutions. Les actes sous-jacents aux
27 persécutions prévisibles étaient les traitements cruels, le travail forcé
28 sur les lignes de front, l'utilisation de non-Serbes en tant que boucliers
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1 humains, l'appropriation ou le pillage de biens, et la destruction sans
2 motif de biens privés, y compris de monuments culturels et des lieux de
3 culte.
4 En conséquence et en conclusion pour ce qui est des municipalités,
5 l'accusé est tenu individuellement pénalement responsable sur la base de
6 l'article 7(1) du Statut de persécution, extermination, assassinat,
7 expulsion et transfert forcé des crimes contre l'humanité; et de meurtre,
8 une violation des lois ou coutumes de la guerre. Néanmoins, sachant que la
9 Chambre a conclu qu'elle n'était pas convaincue que le génocide avait été
10 commis dans les sept municipalités énumérées ci-dessus, l'accusé n'est pas
11 tenu responsable de génocide au regard du chef 1 de l'acte d'accusation.
12 La Chambre va à présent examiner le volet Sarajevo de l'affaire et
13 l'entreprise criminelle commune alléguée relative à Sarajevo.
14 La Chambre conclut que de fin mai 1992 à octobre 1995, la population
15 civile de Sarajevo a été soumise à des bombardements et à des tirs isolés
16 par des membres des forces serbes de Bosnie, à savoir le Corps de Sarajevo-
17 Romanija ou SRK. Durant toute cette période, les unités du SRK ont tenu des
18 positions sur les collines entourant la ville, encerclant et assiégeant
19 cette dernière.
20 Depuis leurs positions, ces unités ont délibérément pris pour cible
21 par des tirs isolés les civils de Sarajevo, y compris les tramways. Les
22 tirs isolés contre les civils étaient une pratique courante et continue.
23 Elle était presque quotidienne, et s'est en général poursuivie sans relâche
24 pendant toute la durée du conflit. Les civils de Sarajevo étaient pris pour
25 cible lorsqu'ils allaient chercher de l'eau, marchaient dans la rue ou
26 utilisaient les transports publics. Les enfants étaient également visés
27 lorsqu'ils jouaient devant chez eux, marchaient avec leurs parents ou
28 rentraient à pied de l'école, et même quand ils faisaient du vélo. Les
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1 unités du SRK ouvraient le feu sur les civils depuis un certain nombre
2 d'endroits connus autour de la ville où elles avaient construit de manière
3 professionnelle des nids durables pour les tireurs embusqués.
4 La Chambre est également convaincue qu'à partir de fin mai 1992, les
5 unités du SRK ont bombardé délibérément la population civile dans la ville
6 ou ont ouvert le feu sur la ville de façon disproportionnée ou
7 indiscriminée. Elles ont pour ce faire utiliser une multitude d'armes
8 lourdes, notamment des mortiers de 80 à 120 millimètres, ainsi que des
9 pièces d'artillerie qui étaient toutes disposées de manière plus ou moins
10 permanentes sur les collines entourant Sarajevo. Des milliers d'obus sont
11 tombés sur la ville tout au long du conflit, y compris sur des zones
12 résidentielles et des installations civiles telles que des hôpitaux, des
13 marchés, et d'autres lieux où la population civile se rassemblait. Les
14 cibles choisies par les tireurs du SRK n'avaient souvent aucun intérêt
15 militaire et ces derniers tiraient au hasard sur la ville. En 1995, les
16 unités du SRK ont également lancé sur la ville un certain nombre de bombes
17 aériennes modifiées, arme extrêmement destructrice qui n'avait pas encore
18 été correctement testée. De ce fait, ces attaques à la bombe aérienne
19 modifiée étaient indiscriminées.
20 Les tirs isolés et les bombardements visant les civils se sont poursuivis
21 pendant plus de trois ans. Gardant à l'esprit la durée et la nature de
22 cette campagne, la Chambre conclut que les unités du SRK et leur commandant
23 avait l'intention de prendre les civils pour cible et de tirer sur la ville
24 de façon indiscriminée et disproportionnée. Par conséquent, la Chambre est
25 convaincue que le SRK a mené une campagne de tirs isolés et de
26 bombardements sur Sarajevo dans l'intention, entre autres, de terroriser la
27 population civile qui y vivait. La Chambre conclut, en outre, que cette
28 campagne a fait des milliers de blessés et de morts parmi les civils dans
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1 la ville pendant la période des faits. De plus, la Chambre fait remarquer
2 que tous les civils de la ville à l'époque ont vécu dans une peur extrême
3 et connu de grandes épreuves car ils ne savaient jamais quand ils seraient
4 pris pour cible par le SRK.
5 La Chambre fait observer qu'en tirant ces conclusions, elle s'est appuyée à
6 la fois sur les éléments de preuve généraux relatifs à la situation de la
7 ville entre 1992 et 1995 et sur les éléments de preuve spécifiques aux
8 bombardements et aux tirs isolés recensés dans les annexes F et G de l'acte
9 d'accusation. S'agissant de ce dernier, la Chambre conclut que le SRK est
10 responsable de tous ces faits, exceptés de trois d'entre eux, à savoir les
11 faits numéros 5 et 7 visés à l'annexe F et le fait numéro 6 visé à l'annexe
12 G. En outre, le Juge Melville Baird joint une opinion dissidente concernant
13 le fait numéro 8 visé à l'annexe G.
14 L'accusé a soutenu pendant le procès que les unités du SRK n'avaient jamais
15 pris pour cible des civils, mais qu'elles ripostaient aux attaques lancées
16 depuis la ville et visaient, ce faisant, des cibles militaires qui s'y
17 trouvaient. Il a également affirmé que les Musulmans de Bosnie avaient visé
18 des civils de leur propre camp par des bombardements et des tirs isolés
19 afin de rejeter la responsabilité sur les Serbes de Bosnie et provoquer une
20 intervention de la communauté internationale. Toutefois, en tirant les
21 conclusions que j'ai exposées précédemment, la Chambre a rejeté ces
22 arguments présentés par l'accusé.
23 Elle accepte le fait que les deux camps étaient en guerre, que les deux
24 parties belligérantes se sont affrontées tout au long du conflit et que les
25 unités du SRK ont aussi pris pour cible du personnel et des positions
26 militaires du camp adverse. Toutefois, les éléments de preuve présentés en
27 l'espèce regorgent d'exemples montrant que les tirs du SRK ne visaient pas
28 des objectifs militaires dans la ville mais des biens de caractère civil et
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1 que le SRK ouvrait le feu de manière disproportionnée et au hasard. Les
2 faits précis recensés dans les annexes dont le SRK a été jugé responsable
3 en sont une parfaite illustration.
4 En outre, le caractère constant des tirs isolés et des bombardements visant
5 la population civile et le grand nombre de victimes civils dans la ville ne
6 saurait être expliqué par le fait que la guerre à Sarajevo était menée par
7 les deux camps. Il est donc évident pour la Chambre que les civils étaient
8 soit directement pris pour cible par le SRK, comme le montre largement les
9 cas de tirs isolés recensés dans les annexes, soit soumis à des tirs
10 indiscriminés ou disproportionnés, comme lorsque le SRK a lancé des bombes
11 aériennes modifiées sur la ville ou a tiré au mortier sur des lieux où se
12 rassemblait la population civile.
13 S'agissant de l'argument de l'accusé selon lequel les Musulmans de Bosnie
14 ont pris pour cible des civils de leur propre camp, la Chambre accepte le
15 fait qu'ils voulaient inciter la communauté internationale à agir pour son
16 compte et qu'ils ont de ce fait parfois pris pour cible le personnel de
17 l'ONU dans la ville ou ouvert le feu sur le territoire placé sous leur
18 contrôle afin de rejeter la responsabilité sur les Serbes de Bosnie.
19 Toutefois, les éléments de preuve relatifs à ces cas sont négligeables en
20 comparaison des éléments de preuve présentés relatifs aux tirs du SRK sur
21 la ville. Pourtant, il ne change en rien la conclusion de la Chambre
22 concernant la pratique du SRK de prendre pour cible les civils dans la
23 ville ou de lancer des attaques indiscriminées ou disproportionnées.
24 La Chambre conclut, par conséquent, que des membres du SRK ont commis les
25 crimes que sont le meurtre, les attaques illégales contre des civils et la
26 terrorisation [phon] des violations des lois ou coutumes de la guerre,
27 ainsi que l'assassinat, un crime contre l'humanité.
28 La Chambre en vient à présent à la responsabilité de l'accusé pour ces
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1 crimes.
2 S'agissant de ce volet, l'accusé a avancé qu'il n'existait pas d'entreprise
3 criminelle commune relative à Sarajevo, aucun plan visant à mener une
4 campagne de tirs isolés et de bombardements, et aucune intention de tuer,
5 d'attaquer et de terroriser la population civile dans la ville. D'après
6 lui, la ville était plongée dans la guerre et la terreur qui régnait parmi
7 la population n'était qu'une conséquence normale de cette guerre.
8 Cependant, comme je l'ai déjà dit, le caractère constant de tirs isolés et
9 des bombardements visant la population civile et le grand nombre de
10 victimes civiles dans la ville ne serait être expliqué par le fait qu'il y
11 avait une guerre à Sarajevo. En outre, la Chambre est convaincue que les
12 tireurs embusqués ou les unités de tireurs embusqués du SRK, ainsi que les
13 sections de mortier et d'artillerie étaient sous le contrôle du
14 commandement du SRK et en définitive de l'état-major principal de la VRS.
15 Enfin, dès le début du conflit en BiH, les dirigeants politiques et
16 militaires des Serbes de Bosnie, en particulier l'accusé, Momcilo
17 Krajisnik, Nikola Koljevic, Biljana Plavsic, et Ratko Mladic, ont reconnu
18 et défendu l'importance de Sarajevo pour la cause des Serbes de Bosnie et
19 le conflit en BiH. La ville était importante non seulement en raison de ce
20 qu'elle symbolisait et du fait que sans elle les Musulmans de Bosnie
21 n'auraient pas en Etat indépendant opérationnel, mais aussi parce qu'elle
22 revêtait une signification particulière pour l'accusé qui la considérait
23 comme sa ville. De ce fait, tous voulaient prendre le contrôle de Sarajevo
24 ou, à tout le moins, de certains quartiers de la ville, un projet auquel
25 ils se sont consacrés tout au long du conflit et qui, compte tenu du
26 caractère multiethnique de la ville, ne pouvait être réalisé que par un
27 déluge de feu, c'est-à-dire par des tirs isolés et des bombardements.
28 Par conséquent, la Chambre conclut qu'un projet commun a existé de fin mai
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1 1992 à octobre 1995, et qu'il a été conçu par les dirigeants politiques et
2 militaires des Serbes de Bosnie. Ce projet avait pour objectif principal de
3 répandre la terreur parmi la population civile de Sarajevo par une campagne
4 de tirs isolés et de bombardements. Sur la base des éléments de preuve
5 relatifs aux tirs isolés et aux bombardements recensés dans les annexes, la
6 Chambre est également convaincue que ce projet impliquait le meurtre, la
7 terrorisation, et les attaques illégales contre des civils. L'accusé, Ratko
8 Mladic, Stanislav Galic, Dragomir Milosevic, Momcilo Krajisnik, Nikola
9 Koljevic, et Biljana Plavsic ont formé une pluralité de personnes qui ont
10 agi en vertu de ce projet commun et partagé l'intention requise pour les
11 crimes qui entraient dans le cadre de celui-ci.
12 La Chambre conclut également que l'accusé a apporté une contribution
13 importante à ce projet. A la tête des structures politiques, militaires et
14 gouvernementales, l'accusé a soutenu Mladic dans la stratégie qu'il menait
15 à Sarajevo, qui consistait à intensifier la campagne de tirs isolés et de
16 bombardements et à résoudre militairement la situation dans la ville. En sa
17 qualité de commandant suprême de la VRS, l'accusé a également pris ou
18 approuvé des directeurs militaires qui concernaient Sarajevo et a donc
19 prolongé le siège de la ville, ce qui a permis en retour de poursuivre sans
20 relâche la campagne de tirs isolés et de bombardements. De plus, exerçant
21 un contrôle de jure sur le SRK et la VRS qu'il a pu exercer tout au long du
22 conflit, l'accusé est directement intervenu dans les questions militaires
23 concernant Sarajevo et a donné de nombreux ordres à cet égard, tant sur le
24 plan stratégique qu'opérationnel. Il a, en outre, promu et récompensé
25 Mladic, Galic et Dragomir Milosevic à plusieurs reprises alors qu'il savait
26 qu'ils étaient impliqués dans des attaques lancées contre des civils de
27 Sarajevo.
28 Dès que l'entreprise criminelle commune relative à Sarajevo a vu le jour,
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1 l'accusé a également été constamment informé des attaques du SRK contre les
2 civils dans la ville, notamment de bon nombres des faits recensés dans les
3 annexes qui sont examinés en détail dans le jugement. Toutefois, au lieu de
4 veiller à ce que les civils ne soient plus pris pour cible, il a nié la
5 responsabilité du SRK dans ces attaques et a accusé les Musulmans de Bosnie
6 de les avoir menées. Il a, en outre, éludé les critiques formulées
7 concernant les tirs du SRK en soulevant des questions sans rapport avec le
8 sujet ou en soulignant qu'il était nécessaire d'agir de la sorte pour
9 défendre le territoire serbe de Bosnie. Alors que le système de justice
10 militaire au sein de la VRS et du SRK fonctionnait parfaitement, aucun
11 soldat du SRK n'a été poursuivi pour avoir ouvert le feu sur des civils de
12 Sarajevo, ce qui montre que l'impunité absolue était de règle dans le SRK.
13 Si l'accusé a parfois tenté de limiter la prise de civils de Sarajevo pour
14 cible, il a agi de la sorte uniquement sous la pression de la communauté
15 internationale ou sous la menace d'une intervention de l'OTAN, et cela n'a
16 jamais abouti à de réelles sanctions contre des soldats du SRK. En
17 revanche, lorsqu'il ne faisait pas l'objet de telles pressions, il a donné
18 son aval pour que la campagne de tirs isolés et de bombardements
19 s'intensifie encore. Il a également intensifié la campagne lorsque les
20 dirigeants des Musulmans de Bosnie ont refusé de conclure des accords de
21 paix selon ses conditions.
22 La Chambre est donc convaincue que l'accusé s'est servi de la campagne de
23 tirs isolés et de bombardements, qui répandait la terreur parmi la
24 population civile de Sarajevo pour faire pression sur les dirigeants des
25 Musulmans de Bosnie et la communauté internationale en vue d'atteindre ses
26 objectifs politiques. Sur la base de toutes les contributions qu'il a
27 apportées, la Chambre conclut que, comme pour Mladic, Galic, et Dragomir
28 Milosevic, l'accusé a joué un rôle si déterminant dans l'entreprise
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1 criminelle commune relative à Sarajevo, que sans son soutien les attaques
2 du SRK contre les civils dans la ville n'auraient pas pu avoir lieu.
3 La Chambre conclut, en outre, que la seule déduction qui puisse être
4 raisonnablement faite de ces actes et omissions de l'accusé, et de ses
5 déclarations exposées en détail dans le jugement, est qu'il avait
6 l'intention de commettre les crimes que sont le meurtre, les attaques
7 illégales contre des civils, et la terrorisation, et qu'il partageait cette
8 intention avec les autres membres de l'entreprise criminelle commune
9 relative à Sarajevo.
10 Par conséquent, s'agissant de l'entreprise criminelle commune relative à
11 Sarajevo, l'accusé est pénalement individuellement responsable sur la base
12 de l'article 7(1) du Statut de meurtre, d'attaques illégales contre des
13 civils, et de terrorisation, des violations des lois ou coutumes de la
14 guerre, et d'assassinat, un crime contre l'humanité.
15 La Chambre en vient à présent au volet des otages.
16 Le 26 mai 1995, à la suite des frappes aériennes menées par l'OTAN contre
17 des objectifs militaires serbes de Bosnie à Pale, des membres de la
18 FORPRONU et des observateurs militaires de l'ONU présents en BiH ont été
19 détenus par les forces serbes de Bosnie et emmenés à divers endroits de
20 BiH. Certains d'entre eux ont été conduits dans des lieux présentant un
21 intérêt militaire pour les Serbes de Bosnie, tels que la station radar de
22 Jahorina et plusieurs casernes.
23 Pendant leurs détentions par les forces serbes de Bosnie, les membres de
24 l'ONU ont été menacés. Certains ont été informés qu'on s'en prendrait à
25 eux, voire qu'on les tuerait si l'OTAN procédait à d'autres frappes
26 aériennes. Ces menaces ont été communiquées à l'ONU. Certains ont été
27 menottés devant des lieux présentant un intérêt militaire. Dès lors qu'il
28 est apparu clairement que l'OTAN ne procéderait plus à des frappes
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1 aériennes, l'accusé a ordonné la libération des membres de l'ONU, et le 18
2 juin, ils ont tous été libérés.
3 La Chambre conclut que l'ensemble du personnel de l'ONU détenu par les
4 forces serbes de Bosnie bénéficiaient des protections prévues à l'article 3
5 commun, y compris l'interdiction des prises d'otages. La Chambre rejette
6 l'argument de l'accusé selon lequel, compte tenu des frappes aériennes
7 menées par l'OTAN, les membres de l'ONU étaient considérés comme des
8 combattants et ne pouvaient donc pas bénéficier des protections prévues à
9 l'article 3 commun. La Chambre conclut que l'ONU et les forces de maintien
10 de la paix qui lui sont associées n'étaient pas parti au conflit et, en
11 outre, que le personnel de l'ONU pris en otage ne participait pas
12 directement aux hostilités.
13 Entre le 26 mai environ et le 19 juin 1995, des membres de la FORPRONU et
14 des observateurs militaires de l'ONU ont été détenus par les forces serbes
15 de Bosnie et menacés en vue d'obtenir une concession, à savoir la cessation
16 des frappes aériennes de l'OTAN contre les objectifs militaires serbes de
17 Bosnie en BiH. Le personnel de l'ONU a été délibérément retenu dans le but
18 d'obtenir cette concession. La Chambre conclut, par conséquent, que les
19 éléments constitutifs de prise d'otages, une violation des lois ou coutumes
20 de la guerre, punissable au titre de l'article 3, sont réunis.
21 La Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable de l'existence
22 d'une entreprise criminelle commune dont l'objectif commun était de prendre
23 le personnel de l'ONU en otage en vue de contraindre l'OTAN à renoncer aux
24 frappes aériennes contre des objectifs militaires serbes de Bosnie.
25 L'objectif commun a été réalisé à la suite des frappes aériennes menées par
26 l'OTAN les 25 et 26 mai 1995, et s'est achevé une fois que l'ensemble du
27 personnel de l'ONU a été libéré. Une pluralité de personnes ont participé à
28 l'entreprise criminelle commune, dont l'accusé, Mladic, Krajisnik, et
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1 Manojlo Milovanovic.
2 La seule déduction que la Chambre puisse raisonnablement faire au vue des
3 éléments de preuve dont elle dispose au sujet des déclarations, des actes
4 et du comportement de l'accusé est que ce dernier avait non seulement
5 l'intention de détenir des membres de l'ONU, mais aussi faire en sorte que
6 des menaces soient proférées à leur égard pendant leur détention afin
7 d'atteindre l'objectif visant à faire cesser les frappes aériennes de
8 l'OTAN. Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre a jugé qu'avant les
9 prises d'otages, l'accusé avait prévenu la FORPRONU que si l'OTAN procédait
10 à des frappes aériennes, il traiterait les soldats de l'ONU comme des
11 ennemis, et a clairement dit qu'en cas de frappes aériennes, les forces de
12 l'ONU seraient attaquées ou, au moins, pris en otage. Le 27 mai 1995,
13 l'accusé a approuvé l'ordre visant à placer les membres capturés de l'ONU
14 et d'autres organisations internationales humanitaires près d'objectifs
15 susceptibles d'être pris pour cible par des frappes aériennes. Une fois les
16 prises d'otages réalisées, l'accusé a également lancé une mise en garde
17 publique contre une intervention militaire pour libérer les otages,
18 déclarant que cela entraînerait une catastrophe et un carnage. Par
19 conséquent, la Chambre rejette l'argument de l'accusé selon lequel
20 l'Accusation n'a pas prouvé qu'il était dans l'état d'esprit requis pour ce
21 crime et son affirmation selon laquelle même s'il a approuvé la détention
22 des membres de l'ONU, il n'a jamais envisagé ni accepté que des menaces
23 soient proférées à leur égard.
24 La Chambre conclut également que l'accusé a apporté une contribution
25 importante à la réalisation de l'objectif commun visant à prendre les
26 membres de l'ONU en otage afin de dissuader l'OTAN de procéder à de
27 nouvelles frappes aériennes. L'accusé était l'élément-moteur de la prise
28 d'otages et a participé activement à tous les aspects des faits en cause.
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1 Il a participé directement à la prise d'otages des membres de l'ONU, comme
2 en témoigne sa participation à l'élaboration et la mise en œuvre du plan de
3 la prise d'otages; les déclarations dans lesquelles il a appelé à attaquer
4 et prendre le personnel de l'ONU en otage; les ordres qu'il a donnés à
5 d'autres personnes de prendre les membres de l'ONU en otage et de les
6 placer dans des lieux présentant un intérêt militaire pour la VRS après les
7 frappes aériennes de l'OTAN; son suivi des opérations de prise d'otages;
8 les rapports qu'il a reçus sur les otages; les conditions qu'il a posées à
9 la libération des otages.
10 S'agissant de l'entreprise criminelle commune relative aux otages, l'accusé
11 est pénalement individuellement responsable sur la base de l'article 7(1)
12 du Statut de prise d'otages, une violation des lois ou coutumes de la
13 guerre.
14 Pour finir, la Chambre va examiner le volet Srebrenica de l'affaire.
15 Comme la Chambre l'a déjà conclu, dès octobre 1991, il existait un projet
16 commun visant à chasser à jamais les Musulmans et les Croates de Bosnie des
17 territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie. Début 1993, à la suite
18 d'une série d'attaques lancées par des Serbes de Bosnie contre des villages
19 des environs, y compris Cerska et Konjevic Polje, la population musulmane
20 de Bosnie a fui vers Srebrenica, qui a été déclarée zone de sécurité le 16
21 avril 1993.
22 En mars 1995, l'accusé a pris la directive 7, dans laquelle il a ordonné au
23 Corps de la Drina de "créer une situation invivable d'insécurité totale ne
24 laissant aucun espoir de survie ou de vie future aux habitants de
25 Srebrenica ou de Zepa."
26 A la suite de la prise de la directive 7, les restrictions imposées aux
27 convois d'aide humanitaire et de réapprovisionnement de la FORPRONU ont été
28 renforcées, entraînant des conditions de vie désastreuses dans l'enclave de
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1 Srebrenica.
2 Le 2 juillet, quelques jours après la visite de l'accusé au commandement du
3 Corps de la Drina, Milenko Zivanovic, commandant du Corps de la Drina, a
4 donné un ordre relatif à des opérations de combat qui visait à ramener les
5 enclaves de Srebrenica et de Zepa à leur taille de zones urbaines. Les
6 forces serbes de Bosnie ont lancé des opérations de combat le 6 juillet, et
7 le 9 juillet l'accusé a été informé que des conditions favorables avaient
8 été créées pour élargir l'attaque vers Srebrenica. Il a donné son accord et
9 a ordonné la prise de Srebrenica. Le 11 juillet en fin de journée, la ville
10 est tombée aux mains des forces serbes de Bosnie. Celles-ci ont appelé les
11 dernières personnes encore sur place à quitter leurs maisons. S'adressant
12 aux caméras de télévision, Mladic a dit : "Enfin, le moment est venu de
13 nous venger des Turcs de la région."
14 La population musulmane de Bosnie avait déjà fui les bombardements
15 incessants de la ville en début de journée. La grande majorité des hommes
16 valides a formé une colonne et a quitté l'enclave pour essayer de rejoindre
17 Tuzla à pied, tandis que les femmes, les enfants, et les hommes âgés se
18 sont dirigés vers le nord vers la base de l'ONU à Potocari. Alors qu'ils
19 fuyaient, le groupe qui se dirigeait vers la base de l'ONU a été bombardé.
20 La situation humanitaire à Potocari était également catastrophique. Dans la
21 nuit du 12 ou 13 juillet, les Musulmans de Bosnie qui s'étaient rassemblés
22 à Potocari entendaient des tirs dans les environs; certains ont vu des
23 membres des forces serbes de Bosnie frapper des Musulmans de Bosnie et leur
24 infliger des violences sexuelles, tandis que d'autres Musulmans de Bosnie
25 ont été emmenés par des membres des forces serbes de Bosnie et ne sont pas
26 revenus. Toutes ces circonstances ont intensifié la peur et la panique qui
27 régnaient à Potocari.
28 Ce soir-là et le lendemain matin, Mladic a convoqué des membres de la
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1 FORPRONU et des représentants de la population musulmane de Bosnie
2 rassemblés à Potocari à une série de trois réunions à l'hôtel Fontana à
3 Bratunac dans le but de débattre du sort des Musulmans de Bosnie. Pendant
4 l'une des réunions, Mladic a dit au représentant des Musulmans de Bosnie
5 qu'il voulait "savoir clairement si vous voulez survivre, rester ou
6 disparaître, l'avenir de votre peuple est entre vos mains, et pas seulement
7 sur ce territoire."
8 Cependant, pendant la nuit, Mladic, Zivanovic, et Radislav Krstic,
9 commandant en second du Corps de la Drina, ont mobilisé un nombre
10 considérable d'autocars devant rejoindre Bratunac le lendemain. Lors de la
11 troisième et dernière réunion tenue à l'hôtel Fontana le lendemain matin,
12 Mladic a donné l'impression qu'il respecterait les souhaits des
13 représentants des Musulmans de Bosnie mais a également laissé entendre que
14 ceux-ci n'avaient pas d'autre choix que de partir s'ils voulaient survire.
15 Il a également annoncé que les hommes musulmans de Bosnie âgés de 15 à 70
16 ans environ feraient l'objet de contrôle.
17 Juste avant la réunion, Vujadin Popovic, chef de la sécurité du Corps de la
18 Drina a dit à Momir Nikolic, chef de la sécurité de la Brigade de Bratunac,
19 que les femmes et les enfants musulmans de Bosnie rassemblés à Potocari
20 seraient transférés, tandis que les hommes en âge de porter les armes
21 seraient séparés. Popovic a dit à Nikolic que "tous les Balija devraient
22 être tués". L'accusé conteste la crédibilité de Momir Nikolic en général et
23 concernant plus précisément cette conversation. Toutefois, comme cela est
24 précisé en détail dans le jugement écrit, la Chambre juge le témoignage de
25 Momir Nikolic fiable sur ce point et accepte son récit.
26 Entre le 12 juillet à midi et le 13 juillet à 20 heures, environ 30 000
27 Musulmans de Bosnie, des femmes, des enfants, et des hommes âgés ont été
28 embarqués dans des autocars et emmenés de Potocari vers le territoire sous
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1 contrôle musulman. Gardant à l'esprit les déclarations faites par Mladic
2 lors des réunions à l'hôtel Fontana, la Chambre conclut que l'ensemble des
3 conditions créées par les restrictions imposées à l'aide humanitaire
4 conformément à la directive 7, l'attaque contre Srebrenica ainsi que le
5 climat qui régnait à Potocari, ont créé un climat coercitif dans lequel les
6 Musulmans de Bosnie n'avaient d'autre choix que de quitter l'enclave.
7 Contrairement à l'affirmation de l'accusé selon laquelle le départ des
8 Musulmans de Bosnie et de Potocari était la manifestation d'un choix
9 véritable de la population, la Chambre conclut que le déplacement de la
10 population musulmane de Bosnie était forcé. Compte tenu de la totalité des
11 éléments de preuve, et en particulier de la mobilisation massive d'autocars
12 qui s'est opérée alors que les forces serbes de Bosnie renforçaient leur
13 contrôle sur les Musulmans de Bosnie rassemblés à Potocari, la Chambre
14 conclut que, de la chute de Srebrenica, la stratégie à long terme visant à
15 déplacer la population musulmane de l'enclave a commencé à se transformer
16 en un projet commun concret visant à éliminer cette population. L'opération
17 consistant à éliminer la population a d'abord pris la forme d'un
18 déplacement forcé de celle-ci. La Chambre ne doute pas un instant que les
19 assurances données par Mladic lors des réunions à l'hôtel Fontana servaient
20 simplement à dissimuler le fait que le projet commun concret de déplacer de
21 force les femmes, enfants, et hommes âgés musulmans de Srebrenica à bord
22 des véhicules mobilisés existait déjà. Compte tenu de la participation
23 généralisée des forces serbes de Bosnie à l'encerclement et en définitive à
24 la prise de contrôle de Potocari, ainsi qu'à l'opération massive
25 d'embarquement, la Chambre est convaincue que Ratko Mladic, Milenko
26 Zivanovic, Radislav Krstic, Vujadin Popovic, et Svetozar Kosoric
27 partageaient l'objectif commun visant à éliminer les Musulmans de Bosnie
28 dans Srebrenica en déplaçant de force les femmes, les enfants, et les
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1 hommes âgés.
2 Après le départ du premier convoi de Potocari, des membres des forces
3 serbes de Bosnie ont commencé à séparer les hommes et les garçons qui
4 s'approchaient des véhicules, en les forçant à abandonner leurs familles
5 ainsi que leurs effets personnels tels que leurs carte d'identité, et en
6 les emmenant dans le bâtiment appelé la maison blanche, situé de l'autre
7 côté de la route. L'opération de séparation s'est poursuivie toute la
8 journée du 12 et du 13 juillet. A mesure que la maison se remplissait
9 d'hommes musulmans de Bosnie, des autocars sont venus les chercher pour les
10 emmener à Bratunac, où ils ont été détenus dans des lieux tout aussi
11 surpeuplés dans toute la ville.
12 Dans l'intervalle, les forces serbes de Bosnie ont commencé à recevoir des
13 informations sur la colonne d'hommes musulmans de Bosnie qui tentaient de
14 rejoindre Tuzla et ont pris des mesures pour intercepter celle-ci en lui
15 tendant des embuscades ou en la bombardant. A la suite d'attaques
16 énergiques menées contre la colonne par les forces serbes lancées à sa
17 poursuite, le 13 juillet, entre 1 500 et 2 000 hommes musulmans de Bosnie,
18 qui s'étaient rendus ou avaient été capturés, ont été détenus par les
19 forces serbes de Bosnie au carrefour de Konjevic Polje, dans la prairie de
20 Sandici, et au stade de football de Nova Kasaba. Dans l'après-midi et dans
21 la soirée, les détenus ont été emmenés à l'entrepôt de Kravica ou à bord de
22 camions et d'autocars dans la ville de Bratunac. De la fin d'après-midi
23 jusqu'au lendemain pendant toute la nuit, les forces serbes de Bosnie ont
24 tué entre 755 et 1 016 hommes musulmans de Bosnie à l'entrepôt de Kravica.
25 Ce soir-là, Miroslav Deronjic, nommé deux jours auparavant par l'accusé au
26 poste de commissaire aux affaires civiles pour la municipalité de
27 Srebrenica, s'est plaint à Ljubisa Beara, chef de la sécurité de l'état-
28 major principal, de la présence d'autocars remplis de détenus et garés dans
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1 toute la ville de Bratunac, qui était source d'inquiétudes pour la
2 population de la ville. Vers 20 heures, Deronjic a parlé à l'accusé, qui a
3 voulu savoir combien de milliers. Deronjic a répondu qu'il y en avait deux
4 pour l'instant mais qu'il y en aurait plus dans la nuit. L'accusé a alors
5 dit à Deronjic "toute la marchandise doit être placée à l'intérieur des
6 entrepôts avant demain, midi ... pas ces entrepôts là-bas, mais ailleurs."
7 Au début de cette soirée, et sur l'ordre de Mladic, des milliers d'hommes
8 musulmans de Bosnie ont été emmenés en autocars de Bratunac à Zvornik, où
9 ils ont été détenus pendant de courtes périodes à l'école d'Orahovac, à
10 l'école de Petkovci, à l'école Rocevic, à l'école de Kula, et au centre
11 culturel de Pilica. Au cours des quelques jours qui ont suivi, ils ont été
12 emmenés de leurs lieux de détention à d'autres endroits situés à proximité
13 dans toute la municipalité de Zvornik : un champ à Orahovac, le barrage de
14 Petkovci, les rives de la Drina près de Kozluk, et la ferme militaire de
15 Branjevo. Sur place, ils ont été abattus par des membres des forces serbes
16 de Bosnie. Bien avant les meurtres à grande échelle commis à Zvornik, dès
17 le 12 juillet, des hommes musulmans de Bosnie ont été abattus par les
18 forces serbes de Bosnie à Potocari, la prairie de Sandici, l'école de Luke
19 près de Tisca, sur la rive de la Jadar, et devant l'école Vuk Karadzic à
20 Bratunac. Dans les jours qui ont suivi la fin de l'opération meurtrière à
21 Zvornik, des membres des forces serbes de Bosnie ont continué à tuer des
22 hommes musulmans de Bosnie qui étaient sous leur garde, comme à Snagovo,
23 Bisina et Trnovo. Les éléments de preuve présentés en l'espèce ont montré
24 qu'au moins 5 115 hommes musulmans de Bosnie avaient été tués en relation
25 avec les meurtres recensés dans les annexes de l'acte d'accusation.
26 Cependant, la Chambre n'est pas en mesure d'établir au-delà de tout doute
27 raisonnable que le fait numéro 2 visé à l'annexe E a eu lieu tel qu'il est
28 allégué dans l'acte d'accusation.
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1 La Chambre est convaincue que ces meurtres ont été commis conformément à un
2 projet systématique et très organisé. Pour tirer cette conclusion, la
3 Chambre garde à l'esprit que les forces serbes de Bosnie ont commencé à
4 obtenir des renseignements détaillés sur la présence des hommes musulmans
5 de Bosnie parmi la population rassemblée à Potocari dans la nuit 11 juillet
6 et, à peu près à la même date, à recevoir des rapports sur l'existence et
7 les mouvements de la colonne d'hommes et de garçons musulmans de Bosnie qui
8 tentaient de rejoindre Tuzla. En outre, avant la troisième réunion tenue à
9 l'hôtel Fontana le 12 juillet à 10 heures, Popovic a informé Momir Nikolic
10 que tous les Balija devraient être tués.
11 La Chambre est convaincue que le projet de tuer tous les hommes et garçons
12 de Srebrenica valides existait lorsque la troisième réunion tenue à l'hôtel
13 Fontana a débuté. L'accusé soutient que le projet de tuer les hommes et les
14 garçons musulmans de Bosnie détenus par les forces serbes de Bosnie
15 n'existait pas, au moins avant les meurtres commis dans l'après-midi du 13
16 juillet à l'entrepôt de Kravica. Cependant, la Chambre considère que ces
17 faits marquent le début de l'exécution à grande échelle du projet
18 meurtrier, lequel existait déjà.
19 Cette opération insidieuse a été supervisée et exécutée sur le terrain par
20 de nombreux officiers de la VRS à tous les échelons de la hiérarchie, de
21 l'état-major principal aux membres des bataillons des brigades de Zvornik
22 et de Bratunac. La Chambre prend note en particulier de la présence
23 d'officiers de la sécurité de l'état-major principal, du Corps de la Drina,
24 et de la Brigade de Zvornik, à savoir Beara, Popovic, et Drago Nikolic, sur
25 les lieux des meurtres dans tout Zvornik entre le 14 et le 17 juillet 1995.
26 La Chambre conclut, en outre, que l'opération meurtrière complexe n'aurait
27 pas été possible sans l'autorisation et les ordres de Mladic, commandant de
28 la VRS. En conséquence, la Chambre conclut que Ratko Mladic, Ljubisa Beara,
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1 Vujadin Popovic adhéraient à l'objectif commun élargi visant à éliminer les
2 Musulmans de Srebrenica en tuant les hommes et les garçons, et avaient donc
3 l'intention de se livrer au meurtre, à l'extermination, et aux
4 persécutions, ayant pris la forme de meurtre.
5 De plus, la Chambre prend note de l'énergie avec laquelle les forces serbes
6 de Bosnie se sont lancées à la poursuite des membres de la colonne et de
7 leur détermination féroce à tuer tous les hommes musulmans de Bosnie
8 détenus par les Serbes de Bosnie, qu'ils soient combattants ou civils, et
9 qu'ils aient été capturés dans la colonne et qu'ils se soient rendus. La
10 Chambre considère que cet élément, ainsi que la manière dont les meurtres
11 ont été commis et leur caractère systématique et très organisé, démontre
12 l'existence d'une intention manifeste de tuer chaque homme valide de
13 Srebrenica. Sachant que le fait de tuer chaque homme valide d'un groupe a
14 des conséquences graves pour la reproduction du groupe, qu'ils peuvent en
15 entraîner l'extinction, la Chambre conclut que la seule déduction qui
16 puisse être raisonnablement tirée est que des membres des forces serbes de
17 Bosnie qui ont orchestré cette opération avaient l'intention de détruire
18 les Musulmans de Bosnie de Srebrenica, comme tel.
19 Pour conclure, gardant à l'esprit la présence de Beara et Popovic sur de
20 multiples lieux de massacres à Zvornik et leur participation aux faits,
21 leurs nombreuses actions visant à contribuer à contribuer à l'opération
22 meurtrière, et le fait que l'opération de grande envergure a été menée avec
23 la participation essentielle de Mladic, la Chambre est convaincue que les
24 membres de l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica, qui ont
25 donné leur accord à l'élargissement des moyens aux meurtres des hommes et
26 des garçons, c'est-à-dire Mladic, Beara et Popovic, avaient l'intention de
27 tuer tous les hommes musulmans de Bosnie valides, intention qui dans les
28 circonstances de l'espèce est assimilable à l'intention de détruire les
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1 Musulmans de Bosnie de Srebrenica, comme tel.
2 La Chambre va à présent examiner la responsabilité de l'accusé dans les
3 crimes dont elle a conclu qu'ils ont été commis en relation avec le volet
4 Srebrenica de l'affaire.
5 L'accusé reconnaît qu'il a approuvé le projet initial de réduire l'enclave
6 de Srebrenica et par la suite de prendre le contrôle de la ville non
7 défendue de Srebrenica, mais soutient que l'exécution des Musulmans de
8 Bosnie détenus n'a jamais été envisagée dans le cadre de ce projet.
9 L'accusé affirme qu'il n'a jamais été informé de ces meurtres.
10 La Chambre a conclu qu'au moins, lorsque la directive 7 a été prise en mars
11 1995, l'accusé et Mladic avait formé un projet à long terme visant à
12 chasser les Musulmans de Srebrenica par la force, et considère que la mise
13 en place par l'accusé des structures serbes de Bosnie dans l'enclave
14 démontre l'intention de chasser à jamais la population musulmane de Bosnie
15 par la force. Pour tirer cette conclusion, la Chambre fait observer que
16 pendant toutes les opérations menées à Srebrenica, l'accusé était tenu
17 informé par différents moyens, y compris par les échanges qu'il a eus avec
18 des officiers de haut rang de la VRS, tels que Milan Gvero et Zdravko
19 Tolimir, ainsi que Zivanovic, dans la nuit du 11 juillet, et Mladic dans
20 l'après-midi du 13 juillet. L'accusé a également rencontré à deux reprises
21 Tomislav Kovac du MUP de la Republika Srpska qui a passé la soirée du 13
22 juillet et la journée du 14 juillet dans les régions de Bratunac et de
23 Srebrenica. L'accusé a aussi reçu des rapports écrits réguliers de
24 plusieurs organes des forces serbes de Bosnie, y compris des rapports de
25 combat quotidiens de la VRS, qui indiquaient que les forces serbes de
26 Bosnie avaient vu très peu de Musulmans de Bosnie valides à Potocari et
27 décrivaient les actions menées par ces forces contre la colonne.
28 Ainsi qu'il a été dit précédemment, le 13 juillet vers 20 heures, l'accusé
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1 a abordé avec Deronjic qui, en sa qualité de commissaire aux affaires
2 civiles pour Srebrenica, était sous son autorité directe, le sort des
3 milliers d'hommes musulmans de Bosnie détenus à ce moment-là dans la ville
4 de Bratunac. Même si les deux interlocuteurs n'ont pas évoqué explicitement
5 dans leur conversation le meurtre des détenus, ils ont utilisé un langage
6 codé, parlant des détenus comme d'une marchandise qui devait être placée à
7 l'intérieur des entrepôts avant le lendemain midi. En outre, la Chambre
8 rappelle qu'immédiatement après cette conversation, Beara et Deronjic ont
9 discuté de la question de savoir où et non pas si les détenus devaient être
10 tués. Il est donc clair à ce moment-là, la décision de tuer les détenus
11 avait déjà été prise, et Deronjic a invoqué l'autorité de l'accusé pour
12 convaincre Beara d'accepter leurs transferts à Zvornik. La Chambre conclut
13 que cette conversation, qui s'ajoute aux actes ultérieurs de l'accusé,
14 montre au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé était d'accord pour
15 que l'objectif soit élargi aux meurtres des hommes musulmans de Bosnie. En
16 sa qualité de président de la Republika Srpska et de commandant suprême de
17 la VRS, l'accusé était la seule personne en Republika Srpska qui avait le
18 pouvoir d'intervenir pour empêcher le meurtre des hommes musulmans de
19 Bosnie. Pourtant, au lieu d'intervenir pour empêcher ces meurtres, il a
20 lui-même ordonné que les hommes musulmans de Bosnie détenus à ce moment-là
21 à Bratunac soient transférés ailleurs pour être tués. Ces hommes ont été
22 emmenés à Zvornik où ils ont été tués.
23 Ayant parfaitement connaissance de l'opération meurtrière en cours,
24 l'accusé a déclaré l'état de guerre dans la région de la municipalité de
25 Srebrenica-Skelani le 14 juillet. Cela a concrètement permis aux forces
26 armées déployées dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina
27 d'utiliser tous les moyens humains et matériels sans avoir à suivre des
28 procédures complexes, ce qui a facilité l'opération meurtrière en cours.
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1 Compte tenu de la totalité des éléments de preuve, la Chambre conclut que
2 l'accusé adhérait à l'objectif commun élargi au meurtre des hommes
3 musulmans de Srebrenica et qu'il a apporté une contribution importante à sa
4 réalisation.
5 La Chambre va à présent examiner la question de savoir si l'accusé a
6 participé à l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica avec
7 l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie de l'enclave.
8 Il ne fait aucun doute pour la Chambre que l'accusé savait que les milliers
9 d'hommes de Bosnie détenus par les forces serbes de Bosnie dans la région
10 de Srebrenica représentaient une fraction très importante des hommes
11 musulmans de Srebrenica. Bien qu'il ait eu connaissance des faits au moment
12 même où ceci se déroulait, l'accusé a donné son accord au volet meurtrier
13 du projet visant à éliminer les Musulmans de Bosnie entre le 13 juillet
14 dans la soirée et le 17 juillet et n'est donc pas intervenu pour y mettre
15 fin ou entraver sa réalisation. Bien au contraire, il a ordonné que les
16 détenus soient transférés à Zvornik, où ils ont été tués. En outre, lorsque
17 Pandurevic a fait savoir le 16 juillet qu'il avait ouvert un couloir pour
18 laisser passer les membres de la colonne qui n'avaient pas encore été
19 capturés ou qui n'étaient pas rendus, Milenko Karisik, chef du RJB, a été
20 rapidement dépêché sur les lieux pour enquêter et le couloir a été fermé le
21 lendemain. Enfin, la Chambre rappelle que même si l'accusé s'est félicité
22 de l'ouverture d'un couloir devant la presse internationale, quelques
23 semaines plus tard lors d'une séance à huis clos de l'assemblée des Serbes
24 de Bosnie, il a dit regretter que des hommes musulmans de Bosnie aient pu
25 franchir les lignes tenues par les Serbes de Bosnie. En conséquence, la
26 Chambre conclut que la seule déduction qui puisse être raisonnablement
27 faite au vue de ces éléments de preuve est que l'accusé partageait avec
28 Mladic, Beara et Popovic, l'intention de tuer chaque homme musulman de
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1 Srebrenica valide ce qui, selon la conclusion de la Chambre, est
2 assimilable à l'intention de détruire les Musulmans de Bosnie de
3 Srebrenica, comme tel.
4 La Chambre fait toutefois observer qu'elle peut uniquement conclure que
5 l'accusé a donné son accord à l'objectif commun élargi au moment où il a eu
6 une conversation avec Deronjic le 13 juillet à 20 heures. Il ne peut donc
7 être tenu responsable du fait de sa participation à l'entreprise criminelle
8 commune relative à Srebrenica des meurtres et des actes afférents de
9 persécutions qui ont eu lieu avant ce moment-là. Concernant les meurtres
10 qui ont eu lieu avant sa conversation avec Deronjic le 13 juillet dans la
11 soirée, la Chambre conclut que l'accusé savait ou avait des raisons de
12 savoir que des crimes avaient été commis par ses subordonnés au lendemain
13 de la chute de l'enclave de Srebrenica, et qu'il a manqué à l'obligation
14 qu'il avait en tant que commandant suprême de la VRS de prendre les mesures
15 nécessaires et raisonnables pour punir la commission du génocide, du
16 meurtre, de l'extermination et du meurtre en tant qu'acte sous-jacent aux
17 persécutions. Il est donc pénalement responsable de ces manquements en
18 vertu de l'article 7(3) du Statut. Toutefois, puisque la Chambre a déjà
19 conclu que l'accusé était responsable de génocide sur la base de sa
20 participation à l'entreprise criminelle commune relative à Srebrenica, elle
21 ne prononcera pas de déclaration de culpabilité en vertu de l'article 7(3)
22 du Statut pour le chef 2.
23 La Chambre va à présent aborder la peine. Pour déterminer la peine qui
24 s'impose, elle a tenu compte de la gravité des crimes dont l'accusé a été
25 déclaré coupable et de la contribution importante qu'il a apportée à leur
26 commission. Les crimes en question sont parmi les crimes les plus odieux en
27 droit pénal international et inclut l'extermination en tant que crime
28 contre l'humanité et le génocide.
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1 Concernant les circonstances atténuantes, l'accusé a présenté des éléments
2 de preuve à propos d'un accord qu'il dit avoir conclu avec Richard
3 Holbrooke en juillet 1996, et au terme duquel il a démissionné des
4 fonctions qu'il occupait au sein du gouvernement et du parti et s'est
5 retiré de la vie publique, étant entendu qu'il ne serait pas poursuivi
6 devant le Tribunal. La Chambre considère que quel que soit la ou les
7 raisons qui ont poussé l'accusé à renoncer à ses fonctions en juillet 1996,
8 cette décision constitue une circonstance atténuante. La Chambre a
9 également tenu compte des autres arguments de l'accusé, notamment des
10 regrets qu'il a exprimés, de son bon comportement au quartier
11 pénitentiaire, et de sa situation personnelle.
12 Pour ce qui est du cumul des déclarations de culpabilité dans les cas de
13 meurtre lorsque les faits sont les mêmes, la Chambre conclut que
14 l'assassinat, un crime contre l'humanité, est englobé dans l'extermination
15 et aucune déclaration de culpabilité n'est prononcé pour le chef 5
16 s'agissant de ces faits. Pour tous les autres cas de meurtres avérés, la
17 Chambre prononce une déclaration de culpabilité pour assassinat en tant que
18 crime contre l'humanité. Cela n'a aucune incidence sur la déclaration de
19 culpabilité prononcé pour meurtre en tant que violation des lois ou
20 coutumes de la guerre visée à l'article 3 du Statut qui peut s'accumuler
21 avec l'assassinat et l'extermination en tant que crime contre l'humanité.
22 La Chambre va à présent aborder le dispositif.
23 Monsieur Karadzic, veuillez vous lever.
24 Par les motifs résumés pendant cette audience, la Chambre, ayant examiné
25 tous les éléments de preuve présentés par l'Accusation et la Défense, vous
26 déclare, Radovan Karadzic :
27 Non coupable du chef 1, génocide.
28 Coupable des chefs suivants :
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1 Chef 2, génocide;
2 Chef 3, persécution, un crime contre l'humanité;
3 Chef 4, extermination, un crime contre l'humanité;
4 Chef 5, assassinat, un crime contre l'humanité;
5 Chef 6, meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre;
6 Chef 7, expulsion, un crime contre l'humanité;
7 Chef 8, transfert forcé, autres actes inhumains, un crime contre
8 l'humanité;
9 Chef 9, terrorisation, une violation des lois ou coutumes de la guerre;
10 Chef 10, attaques illégales contre des civils, une violation des lois ou
11 coutumes de la guerre; et
12 Chef 11, prise d'otages, une violation des lois ou coutumes de la guerre.
13 La Chambre vous condamne, Radovan Karadzic, à une peine unique de 40 ans
14 d'emprisonnement.
15 Vous pouvez vous rasseoir, Monsieur Karadzic.
16 L'accusé est en détention préventive depuis le 21 juillet 2008, en
17 application de l'article 101(C) du Règlement, il a droit à ce que le temps
18 passé en détention soit déduit de la durée totale de la peine. En
19 application de l'article 103(C) du Règlement, l'accusé restera sous la
20 garde du Tribunal jusqu'à ce que soit arrêté les dispositions nécessaires
21 pour son transfert vers l'Etat dans lequel il purgera sa peine.
22 Le Juge Howard Morrison et le Juge Melville Baird joignent des opinions
23 partiellement dissidentes.
24 L'audience est levée.
25 --- L'audience est levée à 15 heures 40.
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