Affaire No : IT-95-14/2-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit : M. le Juge David Hunt, Juge de la mise en état en appel

Assistée de : M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le : 29 août 2001

LE PROCUREUR

C/

Dario KORDIC et Mario CERKEZ

_____________________________________________________________

DÉCISION AUTORISANT LES MÉMOIRES DE L’APPELANT À DÉPASSER LA LIMITE IMPOSÉE PAR LA DIRECTIVE PRATIQUE RELATIVE À LA LONGUEUR DES MÉMOIRES ET DES REQUÊTES

_____________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

MM. Upawansa Yapa et Norman Farrell

Les Conseils de la Défense :

M. Mitko Naumovski, pour Dario Kordic
MM. Bozidar Kovacic et Goran Mikulicic, pour Mario Cerkez

 

1. Le 8 août 20011, l’appelant Dario Kordic («Kordic») a déposé une requête sollicitant l’autorisation préalable de dépasser la limite imposée à la longueur d’un mémoire de l’appelant par la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes2. C’était la veille du jour où expirait le délai pour le dépôt de son mémoire, qui avait déjà été prorogé au-delà de la limite fixée par l’article 111 du Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement»)3.

2. Comme cela semble apparemment être devenu sa pratique habituelle, l’appelant Mario Cerkez («Cerkez») s’est joint à la Requête de Kordic - il l’a également notifié la veille du jour où expirait le délai de dépôt de son mémoire4 - et a repris les arguments avancés par Kordic5.

3. Les parties ont fondé leur demande sur la longueur du procès, le nombre de témoins, le nombre de pièces à conviction et le nombre de requêtes et de demandes préalables au procès6, ainsi que sur la complexité de l’affaire7. Le nombre de pages excédentaires dans le mémoire de Cerkez est relativement peu élevé, mais il est important dans celui de Kordic .

4. Quiconque ayant rédigé des écritures sait qu’il faut beaucoup plus de temps pour un mémoire succinct que pour un mémoire prolixe. La concision suppose également un certain talent, qui n’est pas donné à tous les conseils. Le nombre de pages excédentaires dans le mémoire de Cerkez est acceptable - et est accepté -, mais celui pour Kordic ne l’est pas, en dépit des arguments qu’il a avancés.

5. Néanmoins, pour l’examen de la requête de Kordic, il demande qu’il soit tenu compte du contexte du présent appel. Deux demandes de prorogation de délai ont été déposées – l’une partiellement accueillie, l’autre entièrement refusée. Les tentatives en vue de retarder le dépôt des mémoires de l’appelant tant que les éléments de preuve supplémentaires n’ont pas tous été obtenus et examinés ont été rejetées, au motif que la Chambre d’appel et l’Accusation ne peuvent prendre connaissance des questions soulevées en appel tant que lesdits mémoires ne sont pas déposés8. Si la requête de Kordic était rejetée, et, par la même occasion, son mémoire de l’appelant excessivement long, la Chambre d’appel et l’Accusation continueraient d’ignorer ces questions aussi longtemps qu’il faut pour rédiger un mémoire entrant dans les limites autorisées. Que ce soit là l’intention ou non, Kordic obtiendrait ainsi, une partie au moins du délai supplémentaire qui lui avait été refusé pour préparer un nouveau mémoire de l’appelant.

6. Il convient de ne pas perdre de vue que le Règlement est simplement un instrument au service du Tribunal9; il n’a pas valeur d’absolu. Certes, une partie ne saurait ignorer une directive pratique émise par le Président en application de l’article 19 B) du Règlement, mais la Chambre d’appel est libre de la dispenser de toute obligation en découlant dont l’exécution est susceptible d’entraîner un retard indu, même dans le cas où la mesure est sollicitée si tardivement qu’exiger l’exécution de ladite obligation entraînerait nécessairement un tel retard. Toutefois, si les parties recourent délibérément à ce subterfuge pour se soustraire à leurs obligations, elles courent de gros risques, au point de se voir refuser un délai supplémentaire pour l’exécution desdites obligations, ce qui entraînerait le rejet pur et simple de leur mémoire de l’appelant.

7. Comme cela ne semble pas avoir été le cas en l’espèce, Kordic doit également – et à regret - être dispensé des obligations découlant de la Directive pratique.

8. Dès lors, la Chambre d’appel autorise le dépôt des deux mémoires de l’appelant, celui de Kordic et celui de Cerkez, en dépit du fait qu’ils ne respectent pas la Directive pratique10.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 29 août 2001
La Haye (Pays-Bas)

_______________
Juge David Hunt
Juge de la mise en état en appel

[Sceau du Tribunal]


1 - Requête de l'appelant Dario Kordic aux fins d'être autorisé à dépasser la limite imposée au nombre de pages par la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes, 8 août 2001 («Requête de Kordic»).
2 - IT/184 («Directive pratique»).
3 - Décision relative à la Requête aux fins de proroger le délai de dépôt des mémoires de l'appelant, 11 mai 2000.
4 - Notification par laquelle l'appelant Mario Cerkez se joint à la Requête de l'appelant Dario Kordic aux fins de dépasser la limite imposée au nombre de pages par la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes, 8 août 2001 («Requête de Cerkez»).
5 - Ibid, par. 2.
6 - Requête de Kordic, par. 4.
7 - Ibid, par. 7.
8 - Décision relative aux deuxièmes requêtes aux fins de prorogation de délai de dépôt des mémoires des appelants, 2 juillet 2001, par. 7 et 12 à 14.
9 - Kendall v Hamiliton (1879) 4 App Cas 504, p. 525, 530 et 531.
10 - Les parties ont été informées par écrit du fait qu'une telle décision serait rendue après les vacances d'été du Tribunal : Lettre d'un Juriste hors-classe en date du 10 août 2001.