Affaire no : IT-95-14/2-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Devant :
M. le Juge David Hunt, Juge de la mise en état en appel

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Ordonnance rendue le :
16 mai 2003

LE PROCUREUR
C/
DARIO KORDIC et MARIO CERKEZ

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ORDONNANCE RELATIVE À LA DEMANDE DE CERKEZ AUX FINS D’AUTORISATION DE DÉPOSER UNE RÉPLIQUE ET D’AUTRES MESURES

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Le Conseil de l’Accusation :

M. Norman Farrell

Les Conseils de la Défense :

M. Mitko Naumovski, M. Turner Smith et M. Stephen Sayers, pour Dario Kordic
M. Bozidar Kovacic et M. Goran Mikulicic, pour Mario Cerkez

 

1. L’appelant Mario Cerkez a demandé à la Chambre d’appel, en application de l’article 115 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), d’admettre des moyens de preuve supplémentaires pour son appel1. L’Accusation a déposé une réponse à la Requête déposée en application de l’article 1152. Avant de déposer sa réplique à cette réponse, Cerkez demande l’avis de la Chambre d’appel sur la concurrence entre l’article 126 bis du Règlement et la Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international (la « Directive pratique »)3, ainsi que d’autres mesures qui seront traitées ci-après4.

2. L’article 126bis du Règlement (« Délai pour le dépôt des réponses aux requêtes ») dispose que :

Toute réponse à la requête d’une partie est déposée dans les quatorze jours du dépôt de ladite requête, à moins que la Chambre n’en décide autrement, à titre général ou dans un cas particulier. Toute réplique est déposée, sur autorisation de la Chambre compétente, dans les sept jours suivant le dépôt de la réponse.

En revanche, la partie IV de la Directive pratique (« Requêtes déposées dans le cadre de la procédure d’appel d’un jugement ») dispose, dans sa partie pertinente , que :

11. La partie adverse dépose une réponse dans les dix jours suivant le dépôt de la requête, y indiquant clairement si elle s’oppose ou non à l’appel interlocutoire et exposant, le cas échéant, les raisons de cette opposition.

12. La partie requérante peut déposer une réplique dans les quatre jours suivant le dépôt de la réponse. La Chambre d’appel peut ensuite trancher la requête sans autre argumentation des parties.

3. Cerkez relève que i) l’article 126bis du Règlement soumet le dépôt d’une réplique à une autorisation mais non la Directive pratique, et ii) l’article 126bis prévoit à cet effet un délai de sept jours, mais la Directive pratique seulement quatre jours. Plusieurs interprétations étant possibles, il demande l’autorisation de déposer une réplique, même si sa position est que la Directive pratique devrait être appliquée plutôt que l’article 126bis, et demande une prorogation du délai que prévoit la Directive pratique.

4. L’article 19 B) du Règlement dispose que les Directives pratiques doivent être compatibles avec le Statut et le Règlement du Tribunal5. Il n’y a cependant aucune contradiction entre l’article 126bis du Règlement et la Directive pratique. L’article 126bis est une disposition générale s’appliquant à toutes les Chambres. Il a été introduit dans le Règlement le 13 décembre 2001. À cette époque, la Directive pratique, qui s’applique de façon générale à toute requête déposée dans le cadre d’appels interjetés contre le jugement d’une Chambre, n’existait pas encore dans sa version actuelle modifiée, mais ses paragraphes 11 et 12 étaient déjà ceux cités ci-dessus. C’est pour cette raison que l’article 126bis contient la formule « … à moins que la Chambre n’en décide autrement , à titre général ou dans un cas particulier … ». La Directive pratique s’applique donc à toutes les requêtes de cet ordre, de préférence à l’article 126bis. Une autorisation n’est donc pas nécessaire pour déposer une réplique dans ce cas.

5. Examinons à présent la demande de Cerkez aux fins de prorogation du délai de dépôt de sa réplique6 et sa demande aux fins d’augmentation du nombre de pages de cette réplique7, les deux pouvant aisément être traitées ensemble. La longueur autorisée d’une requête, d’une réponse ou d’une réplique est fixée par la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes8 à dix pages (ou 3000 mots)9 dans chaque cas. Le contexte de la Requête déposée en application de l’article 115 est le suivant  :

a) Cerkez a reçu l’autorisation de déposer une requête en application de l’article 115 ne dépassant pas 93 pages plus les pièces supplémentaires dont l’admission était demandée10 ;

b) l’Accusation s’est vue accorder une prorogation de délai d’environ 23 jours pour déposer une réponse ne dépassant pas 115 pages11 à la Requête déposée en application de l’article 11512. En fait, cette réponse comporte 105 pages.

6. Cerkez demande une prorogation de délai d’environ 18 jours pour déposer sa réplique13 et l’autorisation de déposer une réplique d’une longueur de 60 pages14. Dans les deux cas, il fait valoir que le volume des pièces déposées jusqu’à présent et la portée et la complexité des questions soulevées constituent des arguments convaincants en faveur de la mesure demandée.

7. L’Accusation convient que le requérant a le droit de déposer une réplique15. Elle consent à la prorogation de délai demandée16 et à un dépassement « raisonnable » du nombre de pages autorisé17. Elle fait toutefois observer que dans sa Requête déposée en application de l’article 115, Cerkez n’a fait aucune référence aux éléments de preuve présentés au procès ni aux passages pertinents du Jugement de la Chambre de première instance (laissant à l’Accusation le soin de le faire dans sa réponse), et que le besoin de combler cette lacune ne peut être considéré comme une raison valable du dépassement du nombre de pages autorisé qu’il demande maintenant pour la réplique18.

8. Le cri du coeur19 de l’Accusation est très compréhensible, et nous reconnaissons sa pertinence. Mais les exigences imposées par les deux directives pratiques ne sont pas là pour punir les parties dont les conseils ne travaillent pas toujours aussi efficacement qu’ils le devraient . La Chambre d’appel a besoin de l’assistance des conseils, même si celle-ci tarde parfois à se concrétiser. Selon nous, il serait injuste de rejeter cette demande parce que les Conseils de Cerkez ont été aussi efficaces qu’ils étaient censés l’être. Nous considérons les pièces jointes par l’Accusation à sa Réponse à la Requête déposée en application de l’article 115 comme très utiles, mais nous les apprécierions davantage si Cerkez se voyait accorder la possibilité d’y répondre – même si la question aurait déjà dû être traitée dans le cadre de sa Requête déposée en application de l’article 115. En revanche, nous ne voudrions pas que l’Accusation soit pénalisée parce que Cerkez n’a pas traité les éléments de preuve et les passages pertinents du Jugement de la Chambre de première instance au moment où il aurait dû le faire. Si la réplique soulève des questions liées à ces pièces dépassant le cadre de la Réponse de l’accusation à la Requête déposée en application de l’article 115, l’Accusation sera autorisée à déposer une réponse supplémentaire. Notre seul souci est que la Chambre d’appel reçoive l’assistance nécessaire de la part de toutes les parties à l’espèce.

9. Nous considérons que des arguments convaincants ont été présentés et les mesures demandées seront accordées.

10. Mario Cerkez déposera sa réplique à la Réponse à la Requête déposée en application de l’article 115 le 2 juin 2003 au plus tard. Il est autorisé à dépasser le nombre limite de pages et à déposer une réplique d’une longueur de 60 pages.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 16 mai 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
__________
David Hunt

[Sceau du Tribunal]


1 - Motion to Admit Additional Evidence on Appeal Pursuant to Rule 115, 7 avril 2003 ; Supplemental Motion for the Admittance of One Document as Additional Evidence on Appeal, 9 avril 2003 (ensemble « Requête déposée en application de l’article 115 »).
2 - Response to the Motions to Admit Additional Evidence Filed by Mario Cerkez on 7 April 2003 and 9 April 2003, 12 mai 2003 (« Réponse à la Requête déposée en application de l’article 115 »).
3 - IT/155 Rev 1, 7 mars 2002.
4 - Mario Cerkez’s Application for (a) Leave to Reply to the Prosecution’s Response to Cerkez’s Motion to Admit Additional Evidence on Appeal Pursuant to Rule 115; (b) Variation of Time Limit for Filing the Reply; And (c) Extension of the Page Limit of the Reply, 13 mai 2003 (la « Requête »), par. 5 à 7.
5 - L’article 19 B) se lit : « Le Président peut, à l’occasion et en consultation avec le Bureau, le Greffier et le Procureur, émettre des Directives pratiques, compatibles avec le Statut et le Règlement et traitant d’aspects particuliers de la conduite des affaires dont le Tribunal est saisi ».
6 - Requête, par. 8 à 12.
7 - Ibid., par. 13 à 15.
8 - IT/184 Rev 1, 5 mars 2002.
9 - Ibid., par. 5.
10 - « Ordonnance relative à la demande de Mario Cerkez aux fins du dépassement du nombre de pages autorisé, 4 avril 2003, p. 2.
11 - Order on Extension of Pages, 8 mai 2003, p. 3.
12 - Ordonnance portant calendrier, 22 avril 2003, p. 3.
13 - Requête, par. 12. La Requête estime que la réplique devrait être déposée « au plus tôt le 2 juin 2003 ». Nous avons interprété ce passage comme une demande de prorogation de délai jusqu’à cette date.
14 - Ibid., par. 15.
15 - Prosecution’s Response to Mario Cerkez’s Application for (A) Leave to Reply to the Prosecution’s Response to Cerkez’s 115 Motion; (B) Variation of Time Limit; (c) Extension of Page Limit, 15 mai 2003, par. 3.
16 - Ibid., par. 8.
17 - Ibid., par. 9.
18 - Ibid., par. 11.
19 - Dans la version anglaise, c’est la forme anglicisée cri de coeur qui est utilisée, l’auteur précisant que d’après le Collins English Dictionary (3e édition), il s’agit d’une altération datant du 20 e siècle.