Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1               Le jeudi 30 mars 2000

  2               [Requête pour audition]

  3               [Audience publique]

  4               [Les accusés entrent dans la Cour]

  5               --- L’audience débute à 9 h 35

  6         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bonjour.  Est-

  7   ce que la Greffière d’audience pourrait appeler l’affaire

  8   inscrite au rôle, s’il vous plaît ?

  9         LA GREFFIÈRE (interprétation) :  Bonjour, Monsieur

 10   le Président et Messieurs les Juges.  Il s’agit de

 11   l’affaire IT-95-14/2-T, Le Procureur contre Dario Kordic et

 12   Mario Cerkez.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui, Monsieur

 14   Sayers.

 15         Me SAYERS (interprétation) :  Merci beaucoup,

 16   Monsieur le Président.

 17         Nous sommes réunis aujourd’hui afin d’entendre des

 18   arguments des parties relatifs aux deux demandes

 19   d’acquittement qui ont été déposées par les représentants

 20   de Monsieur Cerkez et par les représentants de Monsieur

 21   Kordic, qui sont moi-même et Monsieur Turner Smith.  Nous

 22   faisons cette demande en invoquant l’Article 98 bis du

 23   Règlement de notre Tribunal.

 24         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous avons

 25   très attentivement lu les arguments très exhaustifs que


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  1   vous avez soumis pour fonder votre demande.  Nous avons lu

  2   la requête plus succincte, dirais-je, qui a été déposée par

  3   les représentants de Monsieur Cerkez et nous avons

  4   également lu la réplique du Procureur.

  5         En fait, ce qui nous intéresse, Monsieur Sayers,

  6   c’est tous les commentaires que vous seriez susceptible de

  7   vouloir faire sur la réponse de l’Accusation et nous avons

  8   besoin d’un certain nombre d’éclaircissements mais je ne

  9   crois pas qu’il soit nécessaire de rentrer dans le détail

 10   de ce que nous avons déjà lu.

 11         Me SAYERS (interprétation) :  Eh bien, Monsieur le

 12   Président et Messieurs les Juges, ce que j’avais pensé

 13   faire c’est vous soumettre, si vous voulez, les grandes

 14   lignes des arguments que je voulais vous soumettre

 15   aujourd’hui.  Peut-être puis-je me permettre de les faire

 16   circuler et si vous avez ensuite des questions spécifiques

 17   sur les différents problèmes que nous soulevons et sur

 18   lesquels nous souhaitons nous étendre, je serais très

 19   heureux de vous aider.

 20         D’après ce que j’ai compris de la réponse de

 21   l’Accusation, celle-ci exprime très clairement qu’elle n’a

 22   pas l’intention de répondre point par point aux arguments

 23   invoqués notamment par Monsieur Kordic et, de fait, il

 24   n’existe pas de réponse détaillée aux éléments de preuve

 25   que nous avons de façon très détaillée dans le mémoire que


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  1   nous avons soumis à la Chambre de première instance.

  2         D’après ce que je comprends, l’Accusation consacre

  3   les 22 premières pages de son mémoire en réponse aux

  4   critères qui sont d’application ici.  Elle invoque

  5   notamment un certain nombre d’autres requêtes qui ont été

  6   faites sur la base de l’Article 98 bis du Règlement de

  7   procédure et de preuve.  Nous répondrons à ces arguments.

  8         Ensuite, l’Accusation revient sur les allégations

  9   qui ont été formulées dans l’acte d’accusation modifié.  Il

 10   y a également eu une synthèse de l’opinion qui est celle de

 11   l’Accusation sur les éléments de preuve qui existent contre

 12   Monsieur Kordic et puis, il y a une synthèse un peu plus

 13   détaillée relative aux éléments de preuve présentés contre

 14   Monsieur Cerkez, mais j’ai l’impression que l’Accusation

 15   n’a pas l’impression de répondre de façon détaillée à notre

 16   requête en dehors des arguments qu’elle serait susceptible

 17   d’avancer aujourd’hui.

 18         Donc, si vous me le permettez, Monsieur le

 19   Président, je vais faire circuler les grandes lignes de

 20   l’argumentation que nous allons vous soumettre aujourd’hui

 21   et j’essaierai d’être aussi bref que possible.

 22         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Laissez-moi

 23   vous dire quelque chose, Maître.  Il n’y a nul besoin de

 24   répéter ce qui a déjà été dit par écrit dans votre requête. 

 25   Vous pouvez répondre aux arguments invoqués par


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  1   l’Accusation mais nous ne souhaitons pas entendre encore et

  2   encore des choses que nous avons déjà eu l’occasion

  3   d’étudier.

  4         Me SAYERS (interprétation) :  Je vous comprends,

  5   Monsieur le Président, et ayant votre remarque à l’esprit

  6   et en dépit du fait que j’avais très précautionneusement

  7   préparé mes arguments pour aujourd’hui, je vais très

  8   rapidement en revenir sur ce que je souhaitais vous

  9   soumettre.

 10         Je commencerai par dire que manifestement, il

 11   existe une quantité extraordinaire d’éléments de preuve

 12   dans cette affaire mais nous avons pu montrer à la Chambre

 13   de première instance que peu d’éléments de preuve sont en

 14   fait directement liés à mon client Monsieur Kordic.  Nous

 15   sommes bien conscients de l’importance de notre demande et

 16   nous nous excusons auprès de vous pour la longueur du

 17   document que nous vous avons soumis mais vous savez ce

 18   qu’impose l’Article 98 bis du Règlement.  Les dispositions

 19   à respecter sont assez importantes et je m’excuse parce que

 20   je comprends bien que du même coup, la Chambre de première

 21   instance et l’Accusation se retrouvent soumis à une tâche

 22   assez considérable, mais nous n’avons pas réussi à rendre

 23   cette demande plus courte ou à l’écourter.

 24         Elle repose sur deux théories qui d’ailleurs se

 25   retrouvent dans l’acte d’accusation modifié.  Il y a la


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  1   responsabilité du supérieur hiérarchique qui se retrouve à

  2   l’Article 7(3) du Statut et je me ferais un plaisir de

  3   répondre à toute question que vous pourrez avoir à me

  4   soumettre sur cette question.

  5         Et puis, il y a cette question du critère qui

  6   s’applique en l’espèce.  Ça c’est quelque chose que je peux

  7   aborder si vous le souhaitez.  S’il y a des questions qui

  8   se posent sur ce sujet, je ne sais pas.  Je pense que la

  9   question est assez claire mais peut-être que Me Smith

 10   pourrait vous répondre.

 11         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Vous dites que

 12   le critère qui est d’application en l’espèce n’est pas

 13   contesté ?  Je crois que c’est tout le contraire et c’est

 14   notamment ce qui apparaît à la lecture de vos arguments,

 15   Maître.

 16         Me SAYERS (interprétation) :  Eh bien, d’après

 17   nous, l’Article 98 bis, qui n’existe d’ailleurs que depuis

 18   le 30 novembre de l’année dernière, repose notamment sur

 19   l’affaire Jelisic et, en fait, l’Accusation ne répond à

 20   ceci que par une note qui apparaît en bas de page.  Nous,

 21   nous pensons qu’effectivement, le critère d’application en

 22   l’espèce est au-delà de toute controverse parce qu’il

 23   apparaît très clairement dans la décision qui a été rendue

 24   dans l’affaire Jelisic, et laissez-moi vous répéter ce qui

 25   a été dit en l’espèce.


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  1         Le Tribunal dans le paragraphe 108(1) dit :

  2         « Il apparaît que l’Accusation n’a pas établi au-

  3   delà de tout doute raisonnable les allégations de génocide

  4   menées à l’encontre de Goran Jelisic en relation avec les

  5   crimes commis dans le camp de détention de Brcko. »

  6         La Chambre conclut donc qu’il n’a pas été prouvé

  7   au-delà de tout doute raisonnable et je précise que ceci

  8   faisait partie d’une étude de l’Article 98 bis du

  9   Règlement.

 10         Cette décision a été rendue ex proprio motu par la

 11   Chambre de première instance.  Elle n’a pas été rendue en

 12   réponse à une demande faite par l’accusé dans cette

 13   affaire.  Donc, la Chambre dit :

 14         « …n’a pas été prouvé au-delà de tout doute

 15   raisonnable que l’accusé était motivé par le principe de

 16   dolus specialis pour le crime de génocide.  Le bénéfice du

 17   doute doit toujours revenir à l’accusé.  En conséquence,

 18   Goran Jelisic doit être considéré comme non-coupable de ce

 19   chef d’inculpation. »

 20         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous

 21   interromps, si vous me le permettez.

 22         Cette affaire est une affaire dans le cadre de

 23   laquelle la Chambre de première instance était sur le point

 24   d’acquitter Monsieur Jelisic et c’est bien ce qui s’est

 25   passé.


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  1         Alors, maintenant, il nous revient à nous de

  2   prendre une décision dans l’affaire qui nous occupe ici,

  3   mais pour l’instant, à cette étape de la procédure, nous

  4   essayons de savoir quels sont les critères juridiques qui

  5   sont d’application lorsqu’il s’agit d’examiner les

  6   différents éléments de preuve et vous vous apercevrez que

  7   dans le mémoire de l’Accusation, il y a toutes sortes de

  8   références faites à des précédents juridiques. 

  9   L’Accusation se réfère à un certain nombre de cas qui ont

 10   été débattus par des instances nationales et puis, elle

 11   invoque également les affaires Celebici et Tadic dont vous

 12   savez qu’elles ont été tranchées par ce Tribunal.

 13         Donc, ce que nous devons décider c’est s’il existe

 14   ou non suffisamment d’éléments de preuve qui sont

 15   susceptibles de venir à l’appui d’une condamnation.  Est-ce

 16   qu’il existe des éléments de preuve qui permettent

 17   d’établir la culpabilité des accusés ?

 18         Dites : interrompez-moi si je me trompe mais il me

 19   semble que la formulation de l’Article 98 bis est tirée du

 20   Code fédéral des États-Unis qui est apparemment le seul

 21   pays dans le cadre desquels ce type de critère s’applique. 

 22   Dans toutes les autres juridictions nationales, et

 23   d’ailleurs dans les affaires Tadic et Celebici, affaires

 24   qui ont été entendues avant l’adoption de l’Article 98 bis,

 25   dans ces deux affaires donc, les Chambres de première


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  1   instance ont appliqué ce qui peut-être considéré comme

  2   étant le critère qui s’applique traditionnellement à un tel

  3   stade de la procédure, à savoir : existe-t-il des éléments

  4   de preuve suffisants qui permettent à un Tribunal digne de

  5   son nom et s’en tenant à un corpus de règles raisonnable,

  6   donc suffisants pour que ce Tribunal condamne les accusés ?

  7         Il ne s’agit pas de savoir à qui revient la charge

  8   de la preuve.  Il s’agit de regarder d’un point de vue

  9   juridique s’il existe suffisamment d’éléments de preuve

 10   relatifs à tel ou tel chef d’accusation pour qu’un Tribunal

 11   doté de toute sa raison puisse condamner un accusé.

 12         D’après ce que vous avez dit, le critère qui est

 13   d’application et qui a été appliqué dans l’affaire Jelisic

 14   est un critère qui doit s’appliquer au terme de la

 15   procédure, à la fin du procès lorsque l’on passe en revue

 16   tous les éléments de preuve qui ont été soumis, lorsque la

 17   Chambre de première instance examine tout ce qui lui a été

 18   soumis pour savoir quel est le poids à lui donner.  C’est

 19   ensuite seulement que la Chambre de première instance

 20   estime que l’affaire a été ou non prouvée au-delà de tout

 21   doute raisonnable.

 22         Donc, c’est une façon d’interpréter les textes –

 23   certains diraient qu’il s’agit là de la seule

 24   interprétation possible des textes – mais c’est à cet

 25   argument que nous souhaitons que vous répondiez.


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  1         Peut-être qu’au moment d’y répondre, vous

  2   souhaiterez penser à ce que je vais dire.  Si vos arguments

  3   sont exacts, cela voudrait dire que la Chambre de première

  4   instance, si elle est convaincue au-delà de tout doute

  5   raisonnable, devrait, à cette étape de la procédure,

  6   déclarer la culpabilité ou non des accusés, ce qui veut

  7   dire que la Défense devrait à son tour soumettre à

  8   l’attention de la Chambre des éléments de preuve et des

  9   témoignages, éléments de preuve relatifs à chacun des chefs

 10   d’accusation, et moi, je ne crois pas du tout que ça fasse

 11   partie du système accusatoire que nous respectons ici.

 12         Qu’avez-vous fait ?  Vous avez transposé le

 13   critère qui doit normalement s’appliquer à la fin de la

 14   procédure à ce moment de la procédure auquel nous nous

 15   trouvons à l’heure actuelle.  C’est une interprétation des

 16   textes que certains pourraient partager mais sans doute pas

 17   tout le monde.  Donc, il ne s’agit pas là d’une question

 18   qui n’est pas sujette à controverse.

 19         Me SAYERS (interprétation) :  Très bien, Monsieur

 20   le Président.  Peut-être que ce que nous disons est sujet à

 21   caution et est sujet à controverse, mais d’après moi, il

 22   faut revenir à ce qui a été dit dans l’arrêt Jelisic pour

 23   interpréter l’Article 98 bis, et la décision qui a été

 24   rendue dans cette affaire interprète l’article du Règlement

 25   qui est à la base de notre demande et c’est le critère qui


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  1   a été adopté dans l’affaire Jelisic.  Nous, nous ne

  2   pensions pas que ce critère adopté dans une autre affaire

  3   allait être remis sur la table et qu’il allait être au

  4   centre d’un débat assez nourri, apparemment.

  5         Mais Me Smith à mes côtés est prêt à revenir sur

  6   cette question et est prêt à revenir sur l’Article 98 bis. 

  7   Je vais lui céder la parole.

  8         Me SMITH (interprétation) :  Merci, Monsieur le

  9   Président et Messieurs les Juges.

 10         L’argument que nous avançons en invoquant

 11   l’Article 98 bis et le critère qui est à l’origine de cet

 12   article reposent sur un certain nombre de théories et la

 13   première c’est que dès le départ de la procédure, dès le

 14   début de la procédure, il revient à l’Accusation de prouver

 15   la culpabilité des accusés au-delà de tout doute

 16   raisonnable.

 17         L’Accusation, au fur et à mesure qu’elle soumet

 18   ses éléments à charge et avant de clôturer la présentation

 19   de ses éléments à charge, à l’obligation de soumettre des

 20   éléments de preuve qui établissent la culpabilité au-delà

 21   de tout doute raisonnable.  Donc, elle doit faire de son

 22   mieux pour établir ce critère de preuve et, une fois que

 23   l’Accusation a terminé la présentation de ses éléments à

 24   charge, l’Accusation doit avoir établi ce critère

 25   d’établissement des faits au-delà de tout doute


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  1   raisonnable.

  2         C’est donc à l’Accusation que revient cette charge

  3   et l’accusé, lui, n’a pas cette même obligation et il a une

  4   certaine marge de manœuvre au moment de présenter ses

  5   éléments de preuve.

  6         Si on se pose la question du critère qui doit

  7   s’appliquer en l’espèce, eh bien, on s’aperçoit que ce

  8   critère a été établi dans le cadre de procès entendus par

  9   des jurys, que ce soit aux États-Unis ou au Royaume-Uni. 

 10   Je vous renvoie à la décision Galbraith qui a été prise

 11   dans le cadre d’un procès entendu par un jury, et dans une

 12   telle situation, la personne qui rend la décision à la fin

 13   de la présentation des éléments à charge n’est pas la

 14   personne qui, en dernier recours, va rendre une décision

 15   sur les faits et, par conséquent, elle n’a pas à ce moment

 16   de la procédure les compétences lui permettant de retirer

 17   l’examen de l’affaire à un jury à moins qu’elle soit

 18   convaincue du fait qu’aucun jury raisonnable ne peut

 19   arriver à la conclusion que l’accusé est effectivement

 20   coupable.

 21         L’Accusation… pardon.  Excusez-moi, je me

 22   reprends.  Je reviens un petit peu à ce que j’ai dit tout à

 23   l’heure.  Au Royaume-Uni, un commentateur, un juriste,

 24   Archbold, a reconnu que dans les cas où le juge lui-même

 25   est en dernier recours celui qui doit se prononcer sur les


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  1   faits et dès lors qu’il n’y a pas de jury ou d’autres

  2   parties en présence qui puissent rendre une décision sur

  3   les faits, c’est le juge qui en toute logique doit se

  4   demander ce que l’Accusation à un tel point de la procédure

  5   a réussi à établir.

  6         Aux États-Unis, l’Accusation a invoqué un avis qui

  7   remonte à déjà un certain nombre d’années et un cas qui

  8   implique la participation d’un jury, mais c’est quelque

  9   chose qui est très débattu aux États-Unis où, vous le

 10   savez, le rôle des jurys est très important.

 11         Nous, nous affirmons que la logique de l’article

 12   n’en est pas une dès lors que le juge ou les juges, comme

 13   c’est le cas en l’espèce, sont en position d’être les seuls

 14   à se prononcer en dernier recours sur les faits.  Il est

 15   beaucoup plus efficace de se trouver dans une situation où

 16   les juges, après la présentation des éléments à charge,

 17   estiment si oui ou non il s’agit là de la fin de l’affaire,

 18   mais à la fin de la présentation des éléments à charge.

 19         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous

 20   interromps un instant.

 21         Si, de même que dans l’affaire Jelisic, la Chambre

 22   de première instance en arrive à la conclusion que vous

 23   dites, alors bien évidemment, les juges doivent appliquer

 24   le critère de la preuve au-delà de tout doute raisonnable. 

 25   Si les juges décident de mettre un terme à l’affaire, ils


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  1   doivent effectivement préciser qu’ils ne sont pas

  2   satisfaits de ce qui a été fait par l’Accusation dans la

  3   mesure où ils ne sont pas convaincus au-delà de tout doute

  4   raisonnable.  C’est là le critère ultime qui s’applique.

  5         Mais en l’espèce, il existe un certain nombre

  6   d’éléments de preuve relatifs à l’un des chefs

  7   d’accusation.  La question est de savoir s’il existe par

  8   ailleurs des éléments de preuve à partir desquels la

  9   Chambre de première instance peut dire qu’il suffirait à

 10   établir la culpabilité de l’accusé pour ce chef

 11   d’inculpation ou pas et c’est là que je dis que vous ne

 12   posez pas la bonne question, Maître.

 13         Peut-être y aurait-il des circonstances dans

 14   lesquelles les éléments de preuve sont tellement ténus et

 15   tellement peu fiables qu’une Chambre de première instance

 16   peut légitimement se dire qu’elle ne peut pas s’appuyer sur

 17   ces éléments de preuve et peut-être qu’il existe des

 18   affaires où il n’y a aucun élément de preuve à examiner ou

 19   des éléments de preuve tellement insuffisants qu’ils ne

 20   permettent pas à la Chambre de première instance de rendre

 21   une décision sur les allégations faites par l’Accusation et

 22   peut-être que dans ces cas extrêmes, effectivement, la

 23   Chambre de première instance devrait rendre une décision

 24   d’acquittement à ce stade de la procédure mais elle devrait

 25   alors se demander la chose suivante, qui est celle que j’ai


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  1   décrite, mais de façon générale, la question à se poser est

  2   la suivante : Existe-t-il des éléments de preuve tels que

  3   la Chambre de première instance, sur la base desdits

  4   éléments, peut établir la culpabilité de l’accusé ?  C’est

  5   la question que se pose la Chambre de première instance.

  6         Pour l’instant, bien sûr, vous avez raison de

  7   citer Galbraith, vous avez raison d’invoquer ce critère et

  8   vous faites bien de préciser que ce critère a été développé

  9   dans le cadre d’un système où les jurys avaient un rôle

 10   important à jouer.

 11         Il y a également en Grande-Bretagne un système que

 12   vous connaissez bien, système qui prévoit que les

 13   magistrats siègent au nombre de trois et ils se décident à

 14   la fois sur les points de fait et sur les points de droit. 

 15   Pour ce qui est de ce type de juridiction, le critère qui

 16   est d’application est celui qui convient à dire s’il existe

 17   des éléments de preuve suffisants pour qu’un Tribunal

 18   raisonnable puisse se prononcer sur la culpabilité de

 19   l’accusé.  Donc, si on se remet dans le contexte d’un jury,

 20   ce n’est pas systématiquement le jury qui va être un

 21   facteur de distinction au moment de l’application de ce

 22   critère.

 23         Me SMITH (interprétation) :  Oui, Monsieur le

 24   Président.  Merci.

 25         Mais pour revenir sur ce que vous venez de dire,


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  1   je commencerais par dire qu’il ne devrait pas y avoir de

  2   critère d’application dès lors que l’on invoque l’Article

  3   98 bis du Règlement.  L’Article 98 bis peut être invoqué à

  4   la fin de la présentation par le Procureur de ses moyens de

  5   preuve.  Il repose sur deux mécanismes : à la fois sur la

  6   présentation d’une requête de la part des accusés et sur la

  7   possibilité qui est celle des juges de se prononcer proprio

  8   motu et c’était bien la situation qui se présentait dans le

  9   cadre de l’affaire Jelisic.

 10         Il me semble de toute façon que si les juges

 11   avaient eux-mêmes la possibilité d’acquitter l’accusé dès

 12   lors qu’il pense que les éléments de preuve ne permettent

 13   pas d’établir les faits au-delà de tout doute raisonnable,

 14   eh bien, il faut que l’accusé ait au moins la possibilité

 15   d’essayer de persuader les juges qu’ils peuvent peut-être

 16   envisager de tirer une telle conclusion.

 17         Je ne suis pas très coutumier des pratiques du

 18   Royaume-Uni.  Je ne connais pas exactement ce qui se passe

 19   dans de telles procédures mais il me semblait, enfin

 20   j’avais compris que c’était bien dans le cadre que vous

 21   avez décrit que Archbold avait rendu son analyse et

 22   l’Accusation a également invoqué un certain nombre

 23   d’affaires qui viennent miner un petit peu les arguments

 24   présentés par Archbold, mais moi, ce que j’affirme c’est

 25   que la logique de ce qu’a affirmé Archbold est la logique


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  1   qui motive à la fois ses conclusions et nos arguments à

  2   nous et cette logique repose également sur l’idée qu’il

  3   faut que l’administration de la justice soit efficace et

  4   rapide.

  5         L’Accusation a fait ce qu’elle a pu pour essayer

  6   de présenter ses éléments à charge et s’il s’avère qu’elle

  7   ne l’a pas fait à un tel point qu’il n’y a plus de doute

  8   raisonnable, alors l’administration de la justice exige que

  9   la Défense intervienne et demande éventuellement la

 10   présentation d’éléments de preuve supplémentaires, mais

 11   c’est toujours l’Accusation qui a l’obligation de la preuve

 12   au-delà de tout doute raisonnable.

 13         L’Accusation a, je le répète, joué le rôle qui lui

 14   revient, a fait ce qu’elle a pu, et puis, elle a clôt la

 15   présentation des éléments de preuve et elle ne peut plus

 16   maintenant présenter d’éléments de preuve supplémentaires

 17   que dans le cadre de sa réplique, réplique à ce qu’aura

 18   présenté la Défense dans la présentation de ses éléments à

 19   décharge.

 20         Nous, nous pensions que tout ça n’était pas sujet

 21   à controverse parce que nous avions examiné l’utilisation

 22   qui avait été faite de ce critère dans les affaires Jelisic

 23   et Celebici et puis nous avons vu le Tribunal invoqué

 24   l’application de l’Article 98 bis et l’invoquer dans des

 25   termes tels que nous pensions, puisqu’il s’agissait du


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  1   moment où la présentation des éléments à charge était

  2   terminée, qu’effectivement, les éléments de preuve

  3   n’étaient pas suffisants pour établir la culpabilité de

  4   l’accusé et nous avons interprété l’Article 98 bis – peut-

  5   être nous sommes-nous trompés – mais nous l’avons

  6   interprété comme étant l’expression d’un avis de ce

  7   Tribunal international qui n’est pas tenu pas quelque

  8   corpus de jurisprudence que ce soit alors.

  9         Peut-être aussi y a-t-il erreur d’interprétation

 10   quant à ce qui est fait lorsque l’on décide que le juge est

 11   en dernier recours celui qui se prononce sur les faits. 

 12   Nous avons interprété ainsi la conduite du Tribunal et nous

 13   avons pensé qu’il agissait fort bien et que sa décision

 14   était la seule possible.

 15         Dans un contexte de droit romano-germanique, les

 16   choses sont un petit peu différentes, mais dans un contexte

 17   de common law, j’ai bien précisé qu’ici, la différence

 18   c’est qu’il n’y a pas de jury, il n’y a pas d’autre

 19   personne qui puisse décider.

 20         Dans le système de droit romano-germanique invoqué

 21   par l’Accusation, la décision est prise avant la saisie de

 22   l’affaire par les juges, par des personnes autres que les

 23   juges qui vont siéger au procès, et à ce stade de la

 24   procédure dans ces systèmes, toutes personnes rendant une

 25   décision à la place des juges qui vont entendre l’affaire


Page 16624

  1   doivent appliquer un critère qui n’est pas seulement un

  2   critère qui a permis de prendre une décision sur le fond.

  3         Ici, nous fonctionnons de façon différente.  C’est

  4   le juge qui a l’affaire en main.  C’est le juge qui rend la

  5   décision sur l’affaire.  L’Accusation fait de son mieux

  6   pour faire valoir ses arguments et ensuite, on voit s’il

  7   est nécessaire que la Défense s’emploie à démanteler ce qui

  8   a été invoqué par l’Accusation, mais ce n’est pas forcément

  9   nécessaire.

 10         Nous, nous pensons qu’il y a là mauvaise

 11   application d’une règle qui s’applique dans des contextes

 12   autres que les nôtres, une règle qui ne s’applique pas dans

 13   un contexte tel que celui dans lequel nous nous trouvons,

 14   celui d’un Tribunal international.  Sur la base de

 15   l’article tel qu’appliqué, si les juges estiment que

 16   l’Accusation est peut-être un peu vacillante, l’accusé doit

 17   avoir le droit d’intervenir.

 18         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bien sûr, vous

 19   avez le droit d’avancer ces arguments.  Il s’agit de

 20   décider quels critères doivent être mis en œuvre par le

 21   Tribunal.  Ici, vous avez raison de dire que la Chambre

 22   devrait donner l’ordre de prononcer l’acquittement.  Si

 23   elle estime que les moyens de preuve n’ont pas été établis

 24   au-delà de tout doute raisonnable, l’on peut présumer que

 25   la règle l’aurait précisé.


Page 16625

  1         Il y a une différence entre ce que la Chambre a

  2   dit dans l’affaire Jelisic lorsqu’elle a dit qu’elle

  3   n’était pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable –

  4   telles étaient ses conclusions – mais il y a une question

  5   que la Chambre de première instance doit toujours se

  6   demander ou alors que vous demandez à la Chambre de

  7   décider, soit que dans chaque affaire, la Chambre devrait

  8   passer en revue l’acte d’accusation et déjà être satisfait

  9   à ce stade que les moyens de preuve ont été établis au-delà

 10   de tout doute raisonnable, mais ce n’est pas ce que dit la

 11   règle.

 12         Me SMITH (interprétation) :  Monsieur le

 13   Président, il me semble que ce que met en avant la Défense

 14   c’est que l’Article 98 bis pose la question de savoir s’il

 15   y a suffisamment de motifs pour que le procès continue et

 16   la Chambre doit donc se demander, sur la base des moyens de

 17   preuve exposés, donc le meilleur effort que l’Accusation a

 18   pu faire, si le procès doit continuer.

 19         Cela demande un effort plus grand de la Chambre

 20   que normalement, et l’Accusation l’a démontré, mais à long

 21   terme, c’est dans l’intérêt de l’efficacité et il me semble

 22   que compte tenu de la durée des procès et la durée de la

 23   détention préventive, ces prisonniers, ces accusés qui

 24   doivent souffrir le fait de subir un procès, qu’il est dans

 25   l’intérêt de l’efficacité à long terme que la Chambre se


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  1   penche avec beaucoup d’attention sur les moyens de preuve à

  2   ce stade et il me semble que c’est donc qu’il est opportun

  3   de le faire à ce stade.

  4         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) : Je suis

  5   très intéressé par ce que vous venez de dire, Me Smith,

  6   mais qu’entendez-vous par « motif invoqué », « motif

  7   satisfaisant invoqué » ?

  8         J’adhère à votre théorie si vous entendez par là

  9   qu’il existe des moyens de preuve tels qu’ils permettent

 10   d’invoquer la possibilité juridique de condamnation, par

 11   opposition à la certitude qu’il doit y avoir condamnation.

 12         Des motifs fondés, dites-vous.  Eh bien, d’après

 13   moi, cela ne veut pas dire autre chose que certains motifs,

 14   un certain nombre de motifs légalement et juridiquement

 15   fondés.

 16         On vous a expliqué quel était le système qui était

 17   d’application au Royaume-Uni, où vous avez ce système par

 18   lequel les magistrats se prononcent à la fois sur les faits

 19   et sur les points de droit.  Il est arrivé dans certains

 20   systèmes où ce critère est d’application, il est arrivé

 21   donc que le juge décide qu’il y a effectivement nécessité

 22   de prolonger le procès.  La Défense en l’occurrence n’a pas

 23   besoin de faire valoir quelque élément de preuve que ce

 24   soit et le juge prend la décision d’acquitter.

 25         Il décide d’acquitter parce qu’à la fin de la


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  1   procédure, il applique un critère totalement différent de

  2   celui qu’il a appliqué au milieu de la procédure.  À la fin

  3   de la procédure, il applique le critère de la preuve au-

  4   delà de tout doute raisonnable.  Au milieu de la procédure,

  5   il applique le critère juridique de ce que j’appellerais

  6   les possibilités juridiques par opposition aux certitudes

  7   juridiques qui permettent de conduire à la condamnation

  8   d’un accusé.

  9         Je me demande à vrai dire si le critère de la

 10   preuve au-delà de tout doute raisonnable est un critère qui

 11   joue en dernier ressort au bénéfice de l’accusé parce que

 12   si la décision repose uniquement sur ce critère, eh bien,

 13   sans aucun doute, il serait par la suite extrêmement

 14   difficile d’obtenir un acquittement, soit très difficile,

 15   soit quasiment impossible d’obtenir par la suite un

 16   acquittement, vous savez, et je ne crois pas que ce soit là

 17   du tout votre intention, Maître.

 18         Je suis d’accord pour dire que la formulation de

 19   l’Article 98 bis n’est peut-être pas la plus claire et la

 20   meilleure qui soit.  Sans doute laisse-t-elle une place à

 21   l’interprétation et c’est ce que vous avez fait, mais si

 22   vous lisez cet article à la lumière de ce que nous savons

 23   du contexte de cette affaire et si vous la lisez à la

 24   lumière du contexte juridique de façon plus générale, eh

 25   bien, il est très clair qu’il parle d’une situation qui se


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  1   présente au milieu de la procédure et pas à la fin de la

  2   procédure et il est évident que le critère d’application en

  3   l’espèce ne peut pas être le critère qui s’applique à la

  4   fin d’une procédure, parce que comme je l’ai dit, je crois

  5   que cela donnerait naissance à des difficultés sans fin.

  6         Me SMITH (interprétation) :  Oui, Monsieur le

  7   Président.

  8         Si je peux revenir sur certains points que vous

  9   avez exprimés.  Sur la question de savoir si cela met la

 10   Défense dans une situation très difficile, j’aimerais que

 11   le critère soit appliqué à ce stade.  C’est ce que je

 12   proposerais.

 13         Je proposerais que la Défense toujours, pour des

 14   raisons non pas juridiques mais des raisons pratiques, doit

 15   présumer que l’Accusation a déjà fait tout ce qu’elle

 16   devait faire lorsque le réquisitoire principal a terminé.

 17         Il serait très risqué pour l’accusé de présumer

 18   autrement, et si en l’absence de jury, cela voudrait dire

 19   que la Chambre de première instance n’a pas l’obligation

 20   déjà de mettre à l’épreuve et d’évaluer les moyens de

 21   preuve présentés par l’Accusation.  Cela permettrait à

 22   l’Accusation de ne pas forcément faire tout son possible

 23   dès la première présentation de ses moyens de preuve.  Par

 24   ailleurs, cela rajouterait un fardeau à la Défense qui ne

 25   devrait pas… cela ne devrait pas être le cas.


Page 16629

  1         Si l’Accusation n’a pas établi la culpabilité au-

  2   delà de tout doute raisonnable dès à présent, cela oblige

  3   la Défense à engager des frais.  Des ressources judiciaires

  4   doivent être mises à contribution alors qu’en fait, la

  5   Défense ne devrait pas avoir l’obligation de procéder mais

  6   ne devrait avoir que le droit de s’opposer à l’Accusation,

  7   mais il appartient toujours dans un système contradictoire

  8   à l’Accusation d’établir la culpabilité au-delà de tout

  9   doute raisonnable et c’est un devoir qui leur incombe dès

 10   le début du procès, avant que le réquisitoire principal

 11   n’ait pris fin.

 12         Par la suite, l’Accusation n’a que le droit de

 13   faire une réplique à ce qu’avance la Défense, et nous

 14   proposons qu’en tant que Tribunal international, vous avez

 15   toute liberté de réévaluer le corpus de droit qui existe et

 16   de prendre une décision en fonction de ce qui vous paraît

 17   être le plus équitable, compte tenu des obligations qui

 18   incombent à l’Accusation et compte tenu des droits de

 19   l’accusé, compte tenu des différentes affaires que vous

 20   devez juger.

 21         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui.  Nous

 22   acceptons, bien sûr, ces arguments.  Nous gardons à

 23   l’esprit la durée de l’affaire, le fait que nous sommes un

 24   Tribunal international, mais nous devons néanmoins

 25   appliquer le droit de manière pratique.


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  1         Si vous aviez raison, comme le Juge Robinson l’a

  2   invoqué, il s’ensuivrait qu’au milieu d’un procès, la

  3   Chambre de première instance, si elle condamnait, si elle

  4   se prononçait contre l’accusé, prononcerait tout de suite

  5   une condamnation, ce qui priverait la possibilité de

  6   soumettre à la fin du procès, de dire à la fin du procès :

  7   « Il y a quelques preuves mais cela ne revient à rien. » 

  8         Cela empêche cette possibilité donnée à la fin du

  9   procès parce que le Tribunal aurait déjà décidé au milieu

 10   de la procédure de condamner, ce qui donc ôterait une

 11   chance, une possibilité qui normalement devrait revenir à

 12   la Défense et vous mettriez également la Défense dans une

 13   situation très restreinte et je ne sais pas si c’est dans

 14   l’intérêt de la Défense.

 15         Me SMITH (interprétation) :  Monsieur le

 16   Président, je répondrais à cela deux choses.

 17         En premier lieu, oui, vous aurez peut-être ôté la

 18   possibilité à la fin de la procédure de déposer une requête

 19   fondée exclusivement sur les moyens de preuve avancés par

 20   l’Accusation mais vous avez donné à la Défense cette

 21   possibilité à la fin du réquisitoire principal, et à la fin

 22   de la procédure du procès, la Défense aura normalement

 23   déposé ou présenté d’autres moyens de preuve et il s’agit

 24   là d’une question complètement différente, un corpus de

 25   preuves complètement différent.  Donc, si vous ôtez la


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  1   possibilité à la fin du procès d’évaluer les moyens de

  2   preuve présentés par l’Accusation, vous avez tout de même

  3   donné cette possibilité à la Défense au moment le plus

  4   opportun, c’est-à-dire à la fin du réquisitoire principal.

  5         En deuxième lieu, concernant la question de savoir

  6   s’il est préjudiciable à la Défense de procéder ainsi parce

  7   que cela comporte une décision implicite, si la Défense

  8   échoue, selon les critères invoqués, vous avez donné à la

  9   Défense la possibilité d’appliquer les critères.  Si la

 10   Défense échoue, vous pouvez être certains que la Défense va

 11   certainement ajouter des moyens de preuve supplémentaires

 12   puisqu’il est alors évident pour la Défense qu’elle est

 13   obligée de se faire.  Donc, je ne vois vraiment pas

 14   d’inconvénient pour la Défense si vous lui accordez la

 15   possibilité d’évaluer, de se prononcer sur les moyens de

 16   preuve présentés par l’Accusation à ce stade de la

 17   procédure.

 18         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  [Non

 19   interprété]

 20         M. LE JUGE BENNOUNA :  Une dernière petite

 21   question.  Je ne fais pas partie par ma culture juridique

 22   de la common law.  Donc, je vais vous parlez d’un autre

 23   point de vue peut-être et puis, puisque nous sommes dans un

 24   Tribunal international, comme vous venez de le dire, nous

 25   devons tenir compte, bien sûr, des différentes sources dont


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  1   nous nous inspirons qui constituent l’arrière-plan

  2   juridique des principes que nous appliquons, mais nous

  3   sommes un Tribunal international et de ce fait, nous ne

  4   sommes pas liés par un système ou un autre.

  5         Nous ne sommes d’ailleurs pas liés par le jugement

  6   d’une autre Chambre – ceci est dit en passant – sauf à

  7   savoir dans quelle mesure il y a des décisions de la

  8   Chambre d’appel qui pourraient s’appliquer ou nous lier ou

  9   constituer la jurisprudence.

 10         Il y a tout de même un point qui me pose problème

 11   qui vient d’abord de la formulation elle-même de l’Article

 12   98.  L’Article 98 ne dit pas, de même que la formulation de

 13   Jelisic, ne dit pas que les éléments présentés ne suffisent

 14   pas à établir une condamnation ou à condamner mais à

 15   justifier une condamnation, ce qui est quand même

 16   différent.

 17         Alors, il y a un autre test qui a été présenté par

 18   la Défense de Monsieur Cerkez pour analyser ce terme

 19   « justifier ».  Qu’est-ce que veut dire : « justifier une

 20   condamnation » ?  C’est-à-dire qui forme la base pour une

 21   condamnation éventuelle.  C’est ça ce que ça veut dire.  Et

 22   si ça forme la base pour la condamnation, ça veut dire

 23   qu’il y a quelque chose.  Il y a des preuves qui sont là :

 24   où on est allé, comme ça été dit, au-delà du prima facie,

 25   c’est-à-dire de ce qui peut paraître a priori pour formuler


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  1   une base raisonnable pour une condamnation.

  2         Mais cela ne veut pas dire que… à ce stade du

  3   procès, est-ce que cela veut dire que nous sommes dans la

  4   situation de peser les preuves, de nous demander quel est

  5   le poids à accorder à tel ou tel moyen de preuve.  C’est

  6   une autre phase du raisonnement.  Il y a la preuve et il y

  7   a la crédibilité, le poids à donner à tel ou tel élément de

  8   preuve, et s’il y a l’existence de la preuve, le fait

  9   qu’elle est là, et il y a l’analyse ultérieure qui consiste

 10   à dire : Est-ce que cette preuve véritablement peut

 11   conduire à dire qu’une personne doit être condamnée au-delà

 12   de tout doute raisonnable, et qui est le stade final.

 13         Pourquoi c’est le stade final ?  Eh bien, parce

 14   que tout simplement, en toute conscience, pour former ce

 15   qu’on appelle dans d’autres systèmes juridiques la

 16   conviction intime finale, il faut avoir tous les éléments,

 17   y compris les éléments que doit donner la Défense, pour

 18   pouvoir peser une preuve, pour pouvoir évaluer une preuve,

 19   évaluer un moyen de preuve.

 20         Alors, bien sûr, vous allez me dire : « Mais les

 21   témoins sont contre-interrogés dans ce système –

 22   adversarial system – et que vous avez déjà eu des

 23   éléments. »  Mais nous n’avons pas eu tout et il est bien

 24   entendu que l’élément au-delà de tout doute raisonnable, ça

 25   veut dire qu’on a eu tous les éléments et c’est pour cela


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  1   d’ailleurs que le système prévoit que la Défense est amenée

  2   elle-même, une fois que l’Accusation a présenté son… en

  3   fait, a tenté de justifier les raisons d’une condamnation,

  4   la Défense, elle, procède également pour compléter le

  5   tableau.

  6         C’est pour cela ce qui vous a été dit par le Juge

  7   Robinson pose quand même un problème ici.  Le test en

  8   milieu de parcours n’est pas le test en fin de parcours, si

  9   on veut suivre votre logique, et jusqu’à présent, vous ne

 10   m’avez pas démontré en quoi il y a une différence entre le

 11   test en milieu de parcours que vous nous proposez avec le

 12   test en fin de parcours.  Or, il doit y avoir une

 13   différence.  Autrement, le système, adversarial system,

 14   dont nous parlons aurait quelque chose d’incomplet ou en

 15   tout cas de déraisonnable.

 16         Si on peut appliquer le même test en milieu de

 17   parcours qu’en fin de parcours, on peut se demander

 18   pourquoi on va jusqu’à la fin du parcours.  C’est qu’en fin

 19   de parcours, on a normalement d’autres éléments

 20   supplémentaires pour évaluer les moyens de preuve que nous

 21   n’avons pas en milieu de parcours.

 22         Alors, évidemment, on peut dire :  Dans certains

 23   systèmes juridiques, il y a le prima facie.  Ceci est bien

 24   connu en droit international.  Le prima facie ne peut

 25   permettre que des mesures de caractère provisoire.  C’est


Page 16635

  1   la jurisprudence notamment dans la Cour internationale de

  2   Justice.  Il ne peut pas permettre des décisions de

  3   caractère définitif.

  4         Donc, je veux bien accepter que les moyens de

  5   preuve présentés doivent aller au-delà du prima facie pour

  6   que le Tribunal puisse prendre une mesure au titre de

  7   l’Article 98 bis, mais cela ne va pas jusqu’à la fin,

  8   c’est-à-dire qu’il y a des preuves présentées au-delà de

  9   tout doute raisonnable qui est l’autre bout de la chaîne. 

 10   Il y a le prima facie qui est le premier.  Au bout de

 11   l’échantillon, au bout de la chaîne, il y a l’au-delà de

 12   tout doute raisonnable, la conviction définitive, et il y a

 13   au milieu un test à trouver et qui est l’objet de ce débat.

 14         Voilà ce que je voulais vous dire au niveau de

 15   votre intervention.  Je ne sais pas si vous pouvez nous

 16   éclairer par rapport à cela.

 17         Me SMITH (interprétation) :  Oui, Monsieur le Juge

 18   Bennouna.  Il y a un test prima facie prévu par l’Article

 19   9, paragraphe 1, du Statut pour la confirmation d’un acte

 20   d’accusation.  J’avancerais que ce critère doit être au

 21   moins aussi strict que celui du doute raisonnable parce

 22   qu’il ne devrait pas être possible de confirmer un acte

 23   d’accusation sur la base de faits sur la base desquels une

 24   Chambre de première instance ne pourrait pas

 25   raisonnablement condamner une personne.  Il me semble donc


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  1   que cette question est pertinente à ce stade-là déjà.

  2         Pour aborder le critère donc raisonnable en lui-

  3   même, c’est un critère qui a trois caractéristiques

  4   fondamentales.

  5         En premier lieu, la question posée est

  6   nécessairement :  Est-ce qu’une Chambre raisonnable

  7   pourrait condamner selon le critère au-delà de tout doute

  8   raisonnable ?  Donc, ce critère au-delà de tout doute

  9   raisonnable fait partie intégrante nécessairement du

 10   critère que la Chambre appliquerait même à ce stade.

 11         Deuxièmement, selon ce même critère, il faut bien

 12   peser la fiabilité de tout élément de preuve puisque la

 13   question est celle de savoir si une Chambre raisonnable

 14   pourrait condamner sur la base des moyens de preuve et pour

 15   prendre cette décision, il faut tenir compte du poids, de

 16   la valeur probante, de la crédibilité pour décider si l’on

 17   peut condamner selon le critère au-delà de tout doute

 18   raisonnable.

 19         Troisièmement, ayant formulé ces deux premières

 20   réflexions, propositions, il n’y a aucune place pour des

 21   présomptions arbitraires.  Ayant formulé donc le critère

 22   selon ce que ferait une Chambre raisonnable, il n’y a pas

 23   la moindre place pour des présomptions artificielles en

 24   faveur de l’Accusation, et cætera.

 25         Ainsi, nombre des difficultés que vous voyez avec


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  1   nos arguments, j’ai l’impression que ces mêmes difficultés

  2   sont déjà soulevées lorsqu’on applique à ce stade du procès

  3   le critère raisonnable.

  4         Concernant la distinction entre milieu de parcours

  5   et fin de parcours, est-ce que nous parlons du même critère ?

  6   Oui, parce que la culpabilité de l’accusé doit toujours

  7   être appréciée selon un seul et unique critère.

  8         Mais le point fondamental, et c’est vraiment le

  9   noyau de la question, dans une procédure contradictoire où

 10   l’Accusation a le fardeau de prouver et tout le fardeau de

 11   la preuve de la culpabilité au-delà de tout doute

 12   raisonnable, le milieu de parcours dans une procédure

 13   contradictoire doit être et devrait être la fin du parcours

 14   et cela diffère d’une procédure non contradictoire dans

 15   laquelle le juge se dit simplement : « Je veux écouter tous

 16   les moyens de preuve.  Je divise la procédure.  Je veux

 17   voir toutes les preuves devant moi ».

 18         Mais dans un procès contradictoire, toutes les

 19   preuves que l’Accusation a le droit de présenter à la

 20   Chambre ont dû être présentées à la fin du réquisitoire

 21   principal.  C’est le fardeau qui incombe à l’Accusation. 

 22   Les juges qui prendraient une décision maintenant sont les

 23   mêmes que ceux qui prendraient une décision à la fin du

 24   procès.

 25         Donc, à mon avis, l’efficacité de la justice à


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  1   long terme milite en faveur d’évaluer déjà les moyens de

  2   preuve établis, présentés par l’Accusation lorsque

  3   l’Accusation a clos sa présentation des preuves.  C’est là

  4   leur seule et unique occasion de présenter leurs moyens de

  5   preuve.  Ils n’ont au-delà aucun droit, si ce n’est le

  6   droit de la réplique.

  7         Donc, la position des juges est tout à fait

  8   différente que la position des juges dans une procédure non

  9   contradictoire.

 10         Je suis tout à fait disposé à répondre à d’autres

 11   questions, Monsieur le Juge, mais voilà nos raisons.

 12         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Merci

 13   beaucoup, Monsieur Smith.  Je crois que le mieux maintenant

 14   serait… j’ai vu le plan de votre mémoire, de vos arguments

 15   qui couvre la plupart des éléments déjà exposés dans le

 16   mémoire.  Nous allons, bien sûr, écouter les arguments que

 17   vous tenez à présenter mais je tiens tout de même à ne pas

 18   perdre du temps inutilement.

 19         Mais il me semble que ce qui pourrait beaucoup

 20   nous aider à l’heure actuelle serait d’aborder les chefs

 21   d’accusation par rapport auxquels vous dites qu’il n’y a

 22   pas la moindre preuve, s’il y a de tels chefs par rapport

 23   auxquels vous invoquez que les éléments de preuve sont

 24   insuffisants.

 25         Nous allons maintenant peut-être nous éloigner un


Page 16639

  1   petit peu du thème du critère et en venir aux éléments de

  2   preuve.

  3         Me SAYERS (interprétation) :  Je crois comprendre

  4   que la Chambre n’a pas envie de réécouter nos arguments

  5   concernant notamment la responsabilité des supérieurs

  6   hiérarchiques.  Je pense que comme nous l’avons abordé dans

  7   notre mémoire, il n’est pas opportun de trop insister là-

  8   dessus.

  9         Cela étant, j’aimerais bien mettre l’accent sur

 10   une chose.  Les principes généraux, je crois, sont exposés

 11   dans l’affaire Celebici.  Le Tribunal avait mis l’accent

 12   sur l’importance de faire preuve de précaution lorsqu’il

 13   faut interpréter de manière assez large la notion de la

 14   responsabilité du supérieur hiérarchique lorsqu’il y a des

 15   supérieurs hiérarchiques militaires, des subordonnés. 

 16   C’est le contexte dans lequel le critère a été initialement

 17   utilité et c’est le contexte dans lequel il est opportun de

 18   l’appliquer.

 19         Dans des questions civiles, cela pose des

 20   questions bien plus difficiles.  Dans l’affaire Celebici,

 21   il est dit effectivement que le critère peut s’appliquer à

 22   des autorités civiles, mais uniquement dans l’hypothèse ou

 23   ces supérieurs hiérarchiques ont vraiment un réel contrôle

 24   sur leurs subordonnés et je citerai donc le paragraphe 78

 25   du dispositif Celebici.


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  1         Effectivement, le Tribunal a mis l’accent sur le

  2   fait qu’il faut prendre des précautions pour qu’il n’y ait

  3   pas un déni de justice commis en estimant que les individus

  4   sont responsables pour les actes d’autres dans les

  5   situations où le lien de contrôle était ténu et, donc,

  6   c’est vraiment le seul lien de contrôle sur lequel

  7   l’affaire met l’accent.

  8         Alors, pour répondre très brièvement à l’une des

  9   questions soulevées par l’Accusation, l’Accusation cite une

 10   décision prise par le Tribunal pénal international pour le

 11   Rwanda à la page 30 du mémoire de l’Accusation :

 12         « Le pouvoir d’influence suffirait à justifier une

 13   responsabilité du supérieur hiérarchique. »

 14         Ce serait tout, selon l’Accusation.  Si vous avez

 15   de l’influence, quelle qu’en soit la nature, et cela

 16   suffirait à vous rendre potentiellement responsable au

 17   terme de la section 6(3) du Statut du Tribunal du Rwanda

 18   qui est analogue à la section 7(3) du Statut de ce

 19   Tribunal.

 20         Mais selon nous, l’affaire Kayishema a très

 21   clairement énoncé les circonstances dans lesquelles la

 22   responsabilité du supérieur hiérarchique s’applique

 23   également au civil. 

 24         Dans le paragraphe 216 de la décision, la Chambre

 25   a dit :  « La question essentielle n’est pas le statut, les


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  1   fonctions civiles de l’accusé, mais le degré d’autorité

  2   qu’il exerçait sur ses subordonnés. »

  3         Dans le paragraphe 222, le Tribunal a dit que : 

  4   « Il s’agit en fait d’un test de contrôle effectif. »

  5         Il conclut dans le paragraphe 229 en disant : 

  6   « Le principe de la responsabilité du supérieur

  7   hiérarchique ne doit s’appliquer qu’aux supérieurs qui

  8   exercent un contrôle effectif sur leurs subordonnés, c’est-

  9   à-dire l’aptitude concrète à contrôler les actions des

 10   subordonnés, c’est vraiment la pierre angulaire de cette

 11   forme de responsabilité selon l’Article 6(3) du Statut du

 12   Rwanda. »

 13         Nous estimons que c’est vraiment là l’essentiel de

 14   ce principe de responsabilité du supérieur hiérarchique et

 15   c’est surtout sur ce point que le Tribunal doit

 16   s’interroger.

 17         Je citerais également l’affaire Aleksovski.  La

 18   Chambre avait dit que le pouvoir du supérieur hiérarchique

 19   de punir ses subordonnés n’était peut-être pas essentiel. 

 20   Là, il s’agissait d’un commandant de prison.

 21         Dans cette affaire Aleksovski, il faut également

 22   tenir compte du fait que des rapports aux autorités

 23   compétentes peuvent suffire à justifier des enquêtes et que

 24   le supérieur hiérarchique est tenu de faire des rapports

 25   aux autorités compétentes sur les crimes dont il a


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  1   connaissance qui pourraient déclencher une enquête qui

  2   devrait aboutir à des mesures de sanctions.

  3         Le contexte dans lequel l’affaire a été décidée

  4   n’était pas un contexte dans lequel des infractions étaient

  5   connues des autorités compétentes et il incombait donc à

  6   l’Accusé Aleksovski d’initier une enquête, mais cela ne

  7   s’applique pas, un tel critère ne s’applique pas dans une

  8   situation où une enquête est déjà en cours.

  9         Alors, en me référant spécifiquement aux

 10   allégations Ahmici et Stupni Do où il était clair que les

 11   enquêtes avaient été initiées par les autorités HVO,

 12   j’allais à présent rentrer sur les distinctions qui

 13   séparent les autorités civiles et les organes militaires.

 14         Je me rappelle très bien que vous m’avez demandé,

 15   Monsieur le Président, quelque chose de très précis lors de

 16   la déposition d’un des témoins et c’est de savoir ce que ce

 17   témoin considérait être les liens qui rassemblaient les

 18   autorités militaires et les autorités civiles.

 19         Ce qui apparaissait c’est qu’il y avait eu une

 20   très étroite… enfin, vous m’avez demandé si je pensais

 21   qu’il y avait une étroite collaboration entre ces deux

 22   types d’entités pendant la période de conflit.  Moi, j’ai

 23   déclaré que non.  Je ne pensais pas que c’était le cas.

 24         Ce qui est bien clair c’est qu’après la

 25   déclaration de menaces de guerre par la République de


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  1   Bosnie-Herzégovine le 8 avril 1992, il y a eu un chaos

  2   total qui a régné dans le pays et les autorités militaires

  3   ou politiques croates étaient dans un état de confusion

  4   totale.  Les institutions politiques et les institutions

  5   militaires ne faisaient qu’une quasiment et je crois que le

  6   témoin dont nous parlons ici, le Dr Ribicic, avait fort

  7   bien expliqué comment les Croates, au cours des sept mois

  8   qui ont suivi, ont réussi à s’organiser progressivement. 

  9         Il a notamment mis le doigt sur deux tournants

 10   dans le temps, notamment le 3 juillet 1992, date à laquelle

 11   les autorités de la République croate de Herceg-Bosna se

 12   sont réunies, ont passé un certain nombre de décrets. 

 13   C’est la première fois qu’un décret sur les forces armées a

 14   été voté et puis il est également intéressant de noter qu’à

 15   ce même moment, une décision modifiée a été prise sur la

 16   formation de la République croate de Herceg-Bosna. 

 17         Vous vous rappellerez que le responsable de cela

 18   était le commandant suprême des forces armées, au titre de

 19   l’Article 29 du Règlement sur les forces armées, et c’est à

 20   partir de cette réunion, à partir de ce moment-là, que les

 21   autorités politiques ont commencé à se distinguer des

 22   autorités militaires et c’est un processus qui a continué

 23   au cours des mois qui ont suivi et qui a vu son

 24   aboutissement, si vous voulez, le 17 octobre 1992, moment

 25   auquel toutes les institutions du gouvernement du HVO


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  1   avaient été établies.

  2         Le Premier ministre a été nommé, Monsieur Jadranko

  3   Prlic, le chef du gouvernement de la République croate de

  4   Herceg-Bosna a été désigné, un ministère de la Défense a

  5   été mis sur pied, un Règlement sur la discipline militaire

  6   a été évoqué, un certain nombre de personnes ont été

  7   nommées à des postes militaires importants et le Dr Ribicic

  8   a reconnu, comme il le devait qu’à cette époque-là, le

  9   gouvernement civil était établi et ses organes étaient

 10   constitués et il fonctionnait, alors que de leur côté, les

 11   institutions militaires étaient sur pied, fonctionnaient,

 12   rendaient leurs décisions et répondaient à un code de

 13   procédure disciplinaire tout à fait distinct.

 14         Il semble très clair, au vu des éléments de preuve

 15   de l’Accusation, que lorsque la zone opérationnelle de

 16   Bosnie centrale a été établie et placée sous le contrôle du

 17   Colonel Blaskic, cela a été fait à la date environ du 11

 18   novembre 1992, et à cette époque-là, il apparaît

 19   manifestement que les institutions militaires et politiques

 20   étaient distinctes et fonctionnaient de façon distincte.

 21         Lorsque vous regardez maintenant les éléments de

 22   preuve relatifs à la responsabilité du supérieur

 23   hiérarchique, il s’agit là d’un sujet sur lequel nous

 24   sommes revenus amplement dans le cadre des différents

 25   contre-interrogatoires que nous avons menés.


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  1         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je n’aime pas

  2   vous interrompre, Me Sayers, mais il faut absolument que

  3   nous tenions compte de l’heure.  Il s’agit là d’un sujet

  4   que vous couvrez abondamment dans votre mémoire écrit. 

  5   Alors, à moins qu’il n’y ait un aspect particulier que vous

  6   souhaitiez faire valoir en réponse aux arguments de

  7   l’Accusation, je crois que nous pouvons considérer que nous

  8   savons quels sont vos arguments en l’espèce.

  9         Me SAYERS (interprétation) :  Bien !  Une seule

 10   chose seulement, Monsieur le Président, que je souhaiterais

 11   ajouter pour ce qui est de ce que nous affirmons quant au

 12   fait que Monsieur Kordic ne faisait pas partie de la chaîne

 13   de commandement.

 14         Nous pensons que les éléments de preuve indiquent

 15   très clairement, et ce n’est pas sujet à controverse, qu’il

 16   n’était pas partie de la chaîne de commandement.  Je

 17   reviendrai sur ce que l’Accusation dit à propos de Busovaca

 18   et sur les événements de janvier 1993, mais il me semble

 19   que les éléments de preuve qui permettraient peut-être de

 20   dire que Monsieur Kordic était partie de la chaîne de

 21   commandement sont les commentaires simplement qui sont

 22   faits par le Lieutenant-Colonel Stewart qui dit que,

 23   d’après lui, Monsieur Kordic était le responsable militaire

 24   à Busovaca et le Colonel Stewart indique que c’est suite à

 25   des entretiens avec Monsieur Kordic qu’il a eus le 3


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  1   février 1993 qu’il affirme que celui-ci faisait

  2   effectivement partie de la chaîne de commandement.

  3         Rappelez-vous ce qu’a dit le Colonel de brigade

  4   Duncan, rappelez-vous ce qu’il a dit dans le cadre de sa

  5   déposition.  Il déclare à la page 10465 du Greffe ce qu’il

  6   pense être les éléments qui lui permettent de dire que

  7   Monsieur Blaskic était commandant…

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Il n’est pas

  9   nécessaire de revenir sur ce point, Me Sayers.  Nous avons

 10   tout cela dans vos documents écrits.

 11         Me SAYERS (interprétation) :  Très bien !  Je

 12   reviens alors sur le paragraphe relatif aux crimes à

 13   proprement parler.

 14         Y a-t-il effectivement des chefs d’accusation pour

 15   lesquels il n’y a aucun élément de preuve ?  Eh bien, je

 16   réponds : oui.  Je vous renvoie au chef d’accusation 1 qui

 17   parle de persécution généralisée sur l’ensemble du

 18   territoire de la République croate de Herceg-Bosna et sur

 19   le territoire de la municipalité de Zenica dans le

 20   territoire de Bosnie-Herzégovine.

 21         Enfin, peut-être devrais-je m’interrompre et me

 22   tourner vers Me Smith qui est celui qui s’est le plus

 23   penché sur cet élément, mais enfin, je voudrais tout de

 24   même dire que l’acte d’accusation modifié indique très

 25   précisément que la République croate de Herceg-Bosna était


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  1   constituée au départ de 30 municipalités, et par la suite,

  2   une municipalité supplémentaire, la municipalité de Zepce,

  3   a été ajoutée suite à la fondation de la République croate

  4   de Herceg-Bosna le 18 novembre 1991.

  5         Pour 24 de ces municipalités, il n’existe aucun

  6   élément de preuve permettant d’établir qu’il y a eu

  7   persécution : Jajce, Skender Vakuf, Kakanj, Kotor Varos,

  8   Tomislavgrad, et je n’en cite que quelques-unes.

  9         Pour ce qui est d’autres municipalités, permettez-

 10   moi de revenir sur notamment Travnik.  Il n’existe aucun

 11   élément de preuve permettant de montrer qu’il y a eu des

 12   persécutions de musulmans de Bosnie par des Croates de

 13   Bosnie dans la municipalité de Travnik.  Je fais valoir

 14   cela à vos yeux, Monsieur le Président, et à vous,

 15   Messieurs les Juges.

 16         Messieurs Hayes et Morsink qui venaient de l’ECMM

 17   et du bataillon britannique ont, dans le cadre de leurs

 18   dépositions, montré qu’ils avaient été présents sur tout ce

 19   territoire entre avril 1993 et aucun d’entre eux n’a jamais

 20   vu Monsieur Kordic à Travnik. 

 21         La seule chose dont nous disposons relativement à

 22   la municipalité de Travnik, c’est l’événement qui s’est

 23   produit le 12 avril 1993, date à laquelle, je crois, des

 24   drapeaux ont été hissés à Travnik avant d’être mis à feu

 25   par des membres de la 7e Brigade musulmane.


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  1         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Est-ce que

  2   vous revenez dans le détail de tout cela, Me Sayers, ou

  3   bien est-ce que c’est Monsieur Smith qui va revenir sur le

  4   détail de tout cela parce que moi, je préférerais obtenir

  5   une liste assez détaillée de ce qui s’est passé dans les 24

  6   municipalités ?

  7         J’aimerais que vous nous disiez exactement pour

  8   quelles municipalités il y a eu ou non des éléments de

  9   preuve présentés et puis rappelez-nous quels sont les chefs

 10   d’accusation sur lesquels vous revenez, s’il vous plaît. 

 11   Ce serait plus clair.

 12         Me SAYERS (interprétation) :  Les seules

 13   municipalités pour lesquelles nous pensons qu’il y a eu

 14   présentation d’éléments de preuve sont : la municipalité de

 15   Travnik; la municipalité de Kresevo par le biais du

 16   témoignage du Témoin E; Fojnica grâce à la déposition du

 17   Témoin Stjepan Tuka; et puis les municipalités qui sont

 18   prépondérantes dans le chef d’accusation modifié, à savoir

 19   celles de Vitez, Novi Travnik, Busovaca, Zepce, Vares,

 20   ainsi que Kiseljak.

 21         Pour toutes les autres municipalités qui faisaient

 22   partie de la République croate de Herceg-Bosna, il n’existe

 23   aucun élément de preuve.

 24         En conséquence, nous sommes d’avis que dans la

 25   mesure où l’acte d’accusation modifié affirme qu’il y a


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  1   effectivement eu persécution dans ces 24 municipalités

  2   alors qu’il y en a certaines pour lesquelles aucun élément

  3   de preuve n’a été avancé, eh bien, ces allégations doivent

  4   être déboutées, doivent être rejetées à ce stade de la

  5   procédure.

  6         Je le dis une nouvelle fois, c’est Me Smith qui

  7   reviendra sur le détail de tout cela, mais je voudrais pour

  8   ma part revenir sur ce qui s’est passé à Travnik, à Kresevo

  9   et à Fojnica. 

 10         J’ai déjà dit ce que je voulais souligner à propos

 11   de Travnik.  Je n’ajouterai qu’une chose.  D’après le

 12   témoignage du Témoin AA, il a été demandé à ce témoin de

 13   revenir sur les événements qui ont marqué le début des

 14   événements et du conflit du 12 avril.  La personne avec

 15   laquelle il s’est entretenu n’était pas du tout Monsieur

 16   Kordic mais Monsieur Valenta et, dans la mesure où les

 17   allégations de persécution sont faites pour la municipalité

 18   de Travnik, il semble qu’elles soient totalement infondées

 19   au vu des éléments de preuve évidents qui tendent à montrer

 20   que la persécution s’exerçait dans l’autre sens avec

 21   l’offensive menée le 8 juin par l’armée de Bosnie-

 22   Herzégovine qui a résulté dans le déplacement de réfugiés

 23   en nombre massif mais également dans la perpétration

 24   d’atrocités à Miletici et dans d’autres zones également.

 25         Pour ce qui est de la municipalité de Kresevo, il


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  1   n’existe aucun élément de preuve permettant d’établir un

  2   lien entre Monsieur Kordic et les événements qui se sont

  3   produits à Kresevo.  Monsieur le Président, Messieurs les

  4   Juges, personne ne dit qu’il avait quoi que ce soit à voir

  5   avec les événements qui se sont produits sur place, et

  6   d’ailleurs, le Témoin E a dit n’avoir jamais vu Monsieur

  7   Kordic à Kresevo à quelque moment que ce soit et il a

  8   déclaré que pour ce qui le concernait, Monsieur Kordic

  9   était simplement le Vice-Président du HDZ, c’est tout,

 10   qu’il n’avait aucune fonction militaire que ce soit.  C’est

 11   le seul élément de preuve, il me semble, qui nous a été

 12   présenté par l’Accusation et qui ait un lien quelconque

 13   avec Kresevo.

 14         Maintenant, pour ce qui est de la municipalité de

 15   Fojnica, aucune allégation n’a été formulée quant à des

 16   crimes commis contre des musulmans avant que les musulmans

 17   eux-mêmes lancent une offensive surprise le 2 juillet 1993. 

 18   D’ailleurs, les éléments de preuve indiquent que s’il y a

 19   eu effectivement persécution et discrimination, c’est une

 20   discrimination exercée par les musulmans de Bosnie contre

 21   les Croates de Bosnie dans ce territoire précis.

 22         Je vous renvoie tout simplement à ce qui s’est

 23   passé le 10 octobre 1993 et notamment au rapport spécial

 24   qui était alors rédigé par la mission d’observation de

 25   l’Union européenne et qui explique précisément cela.  Il


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  1   s’agit de la pièce de la Défense D201/1. 

  2         Plusieurs milliers de personnes ont été expulsées

  3   de chez elles, toutes des Croates de Bosnie.  Il n’en

  4   restait que 150 dans la municipalité.  Il y a eu des actes

  5   de persécution, il y a eu destruction de villages croates

  6   et il y a eu pillage de maisons croates, mais il n’existe

  7   aucun allégation qui permet de dire qu’il y a eu des actes

  8   perpétrés à l’encontre de musulmans de Bosnie sur le

  9   territoire de cette municipalité et il n’y a certainement

 10   pas d’élément de preuve qui pourrait laisser penser que

 11   Monsieur Kordic avait un lien quelconque avec ces crimes

 12   parce que Monsieur Tuka a bien dit qu’il n’avait été vu sur

 13   place qu’une fois lors d’un match de football.

 14         Sur ce et avec la permission de vous, Monsieur le

 15   Président et Messieurs les Juges, je vais céder la parole à

 16   Me Smith qui va plus particulièrement revenir sur la

 17   théorie de la persécution.

 18         Me SMITH (interprétation) :  Très brièvement,

 19   Monsieur le Président, je voudrais revenir sur l’Article

 20   7(1) et sur les questions qui en découlent.  Je vous

 21   rappelle, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu’au

 22   titre de l’Article 7(1), les lois pénales doivent être

 23   interprétées de façon étroite et lorsqu’il s’agit de se

 24   poser la question du principe de nullum crimen sine lege. 

 25   On doit se poser la question de l’interprétation que l’on


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  1   fait d’un texte juridique.  On ne doit pas seulement se

  2   poser la question de savoir si effectivement le meurtre

  3   était considéré comme un crime en 1991 et 1992.  La

  4   question est de savoir si l’accusé avait réellement

  5   possibilité de savoir quelles sont les interprétations qui

  6   sont faites aujourd’hui de la loi telle qu’elle existe à ce

  7   jour.

  8         Il y a trois situations qui se présentent dans le

  9   cas d’espèce et qui exigent que l’on s’y penche avec

 10   attention.  D’abord, il y a la question de la

 11   responsabilité indirecte.  Ensuite, il y a la question de

 12   preuves indirectes, et troisièmement, dans la plupart des

 13   cas, il s’agit de la question des éléments de preuve par

 14   ouï-dire.

 15         M. LE JUGE BENNOUNA :  Me Smith, si je vous ai

 16   bien compris, parce que je vous écoute aussi en anglais,

 17   alors, parfois, je ne suis pas sûr d’avoir compris, est-ce

 18   que vous voulez nous dire que le principe nullum crimen

 19   sine lege signifie que non seulement la règle existe avant

 20   que le crime ne soit commis mais aussi qu’on ne doit

 21   appliquer à tel crime que telle interprétation établie au

 22   moment de la commission de ce crime, donc, non seulement la

 23   règle de droit existe, si c’est ce que vous nous dites,

 24   mais aussi l’interprétation de cette règle de droit doit

 25   être celle existant au moment où le crime a été commis ? 


Page 16653

  1         C’est ça que vous nous dites parce que si vous

  2   nous dites cela, moi, j’aimerais quand même que vous le

  3   précisiez dans votre raisonnement parce que ça nous

  4   permettra de suivre.

  5         Me SMITH (interprétation) :  Tout à fait et c’est

  6   entièrement de ma faute, Monsieur le Juge.

  7         En fait, ce que je voulais dire c’est que lorsque

  8   l’on applique ce principe du nullum crimen sine lege, on

  9   doit l’appliquer non seulement à des questions relatives au

 10   droit substantiel, c’est-à-dire à des questions qui

 11   permettent de savoir si ce droit substantiel était le droit

 12   qui s’appliquait au moment où les actes ont été perpétrés

 13   en 1992, 1993 et 1994, l’on doit également étudier ce même

 14   principe lorsque l’on se pose la question de

 15   l’interprétation d’une loi qui était effectivement en

 16   vigueur à l’époque.

 17         Aujourd’hui, nous sommes à une époque différente

 18   et quelle est l’interprétation qui prévaut ?  Quelle est

 19   l’interprétation de cette loi qui prévaut à l’heure

 20   actuelle ?

 21         Le droit humanitaire international pénal qui est

 22   appliqué pour la première fois par ce Tribunal

 23   international depuis la Seconde Guerre mondiale, ce droit

 24   applique les principes, leur donne plus d’ampleur, leur

 25   donne plus de logique, leur donne des interprétations plus


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  1   riches.

  2         Donc, il faut savoir ce que la loi veut vraiment

  3   dire et vise vraiment, et pour savoir cela, il faut se

  4   demander si l’accusé, au moment où les faits ont été

  5   perpétrés, aurait eu l’occasion de savoir quel était l’état

  6   du droit…

  7         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Mais voyons,

  8   en quoi cela est-il lié au fait de savoir s’il y a

  9   suffisamment d’éléments de preuve réunis pour invoquer

 10   l’Article 98 bis ?

 11         Me SMITH (interprétation) :  Eh bien parce que,

 12   Monsieur le Président, cette question se pose également par

 13   rapport au droit substantiel qui est d’application, et là,

 14   je vous renvoie aux articles 7(1), 7(3), je vous renvoie à

 15   nos mémoires préalables au procès relatifs à l’application

 16   des articles 3 et 5 du Statut.

 17         Pour savoir si les éléments de preuve sont

 18   suffisants, il faut avoir à l’esprit une certaine idée de

 19   la loi qui est d’application, du droit qui est

 20   d’application, et l’Accusation et nous-mêmes, nous ne

 21   sommes pas d’accord sur quelle est la loi qui est

 22   d’application, et moi, j’essaie d’établir un principe

 23   général dont je crois qu’il doit être bien présent à

 24   l’esprit de chacun lorsqu’on se pose un certain nombre de

 25   questions d’ordre juridique.


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  1         Pour l’Article 7(1), j’ajouterai simplement que

  2   nous pensons que tous les chefs d’inculpation faits en

  3   invoquant l’Article 7(1) ne satisfont pas le critère de la

  4   qualité, du poids et de la fiabilité de l’élément de

  5   preuve.  En tout cas, ils ne satisfont pas les critères de

  6   la Chambre de première instance en la matière et puis nous

  7   pensons qu’ils n’ont aucune valeur en soi.  Ils n’ont pas

  8   une valeur d’éléments de preuve en soi.

  9         J’en viens maintenant à ce que nous disons à

 10   propos de la persécution et cela revient à quatre choses

 11   assez précises.  Tout d’abord, pour la question de

 12   l’intention délictueuse, c’est un point que nous faisons

 13   valoir dans notre mémoire.  La définition de l’intention

 14   délictueuse dans le cadre de crimes de persécution découle

 15   de la définition qui est celle d’un acte discriminatoire,

 16   définition qui a été donnée par la Chambre de première

 17   instance qui a entendu l’affaire Kupreskic et c’est cela

 18   que vous devez avoir surtout à l’esprit.

 19         Le critère fixé pour l’intention délictueuse est

 20   supérieur à celui fixé pour les crimes contre l’humanité et

 21   il faut se poser la question de savoir si les éléments de

 22   preuve présentés en l’espèce démontrent au-delà de tout

 23   doute raisonnable la volonté de priver un groupe clairement

 24   défini de ses droits fondamentaux tels qu’établis dans le

 25   droit coutumier ou le droit des traités internationaux,


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  1   cela dans le but d’éliminer les personnes faisant partie de

  2   ce groupe de la société à laquelle elles appartiennent ou

  3   les éliminer du genre humain en lui-même.

  4         C’est pour nous un critère extrêmement sévère qui

  5   est établi ici, extrêmement précis, extrêmement élevé. 

  6   Donc, ça, c’est la première chose.

  7         J’en viendrai maintenant aux trois autres points

  8   qui sont soulevés dans le mémoire de l’Accusation sur cette

  9   question de la persécution.  Tout d’abord, pour ce qui est

 10   du fait de savoir si Monsieur Kordic a lui-même jamais cédé

 11   à des tentations de discrimination vis-à-vis de personnes,

 12   l’Accusation dans son mémoire fait référence à ce qui a été

 13   dit par un témoin et selon lequel Monsieur Kordic, à un

 14   moment donné, avait prononcé la phrase : « une culture

 15   musulmane culturellement inférieure. »  Fin de citation. 

 16   C’est vis-à-vis de ce point en particulier que j’invoque

 17   cette définition qui a été donnée précédemment des droits

 18   fondamentaux et du désir d’éliminer une personne de la

 19   société ou du genre humain lui-même.

 20         Je crois que si on demande à la plupart des

 21   Européens s’ils pensent que la culture américaine est une

 22   culture inférieure à la culture européenne, je crois que

 23   tous les Européens hommes et femmes diraient : « Eh bien

 24   oui », et je vous dis à vous, Monsieur le Président,

 25   Messieurs les Juges, que ce genre d’affirmation n’a pas la


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  1   valeur que l’on est en droit de rechercher lorsqu’on essaie

  2   d’établir un crime de persécution.

  3         Outre ce commentaire dont il a été fait état, il y

  4   a deux autres points qui sont soulevés dans les documents

  5   de l’Accusation.  L’un indique que Monsieur Kordic a parlé

  6   d’extrémistes musulmans et de Mujahedins dans ses

  7   déclarations publiques et moi, Monsieur le Président, je

  8   dis que cela n’est rien d’autre qu’une déclaration et ce

  9   n’est qu’un point de fait.

 10         Troisième point lié au fait de savoir si l’accusé

 11   s’est rendu personnellement responsable d’une

 12   discrimination est son explication d’une préoccupation

 13   politique qui est la sienne et qui est relative à la

 14   possibilité de voir se créer un État islamiste en Bosnie et

 15   je répète que dès lors que l’on traite de questions de

 16   discours oral, de discours politique et d’association

 17   politique, on entre dans une zone extrêmement délicate.

 18         Je vous renverrai tout simplement aux remarques

 19   faites par un membre musulman de la présidence de la

 20   Fédération de Bosnie-Herzégovine qui ont été diffusées à

 21   votre bénéfice sur une cassette vidéo.  Dans le cadre de

 22   cette cassette vidéo, on voyait Monsieur Durakovic dire

 23   qu’il savait bien que la présidence de la Bosnie-

 24   Herzégovine, dont il faisait partie en tant que membre

 25   musulman, n’était que des postes honorifiques, des


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  1   marionnettes, que la présidence n’était pas vraiment un

  2   centre de pouvoir, un centre où les décisions étaient

  3   prises.

  4         D’après lui, les vraies décisions étaient prises

  5   par un groupe plus petit ayant à sa tête le Président et je

  6   vais citer ce qu’il a dit.

  7         Je cite : « Lorsque les choses se sont aggravées,

  8   lorsqu’une armée de Bosnie-Herzégovine presque ethniquement

  9   pure, lorsque la religion a été utilisée à des fins

 10   politiques, lorsqu’ils ont commencé à purger l’armée de

 11   Bosnie-Herzégovine d’individus inappropriés, comme ils

 12   l’ont dit, les gens qui n’étaient pas membres du SDA, les

 13   personnes qui n’utilisaient pas le terme shalom pour se

 14   saluer, les personnes qui ne se présentaient pas comme des

 15   personnes ayant une religion fervente » – et je vous

 16   rappelle que c’est un membre musulman de la présidence qui

 17   parle – « nous avons envoyé des lettres émanant de la

 18   présidence sur lesquelles nous nous exprimions sur la

 19   politisation de l’armée et sur l’utilisation de la religion

 20   à des fins politiques. »

 21         Donc, encore une fois, je dirais qu’il s’agit là

 22   de déclarations relatives à des prises de positions

 23   politiques sur la façon dont évoluait et se créait l’État

 24   bosniaque, et dans un discours politique, il n’est pas

 25   totalement injustifié ou impossible d’entendre parler de


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  1   Mujahedins et d’extrémistes musulmans.

  2         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Eh bien, je

  3   crois que nous allons suspendre, de toute façon, avant que

  4   vous ne poursuiviez.

  5         L’autre question qui peut valoir la peine d’être

  6   posée est la suivante :  Bien sûr, on peut regarder les

  7   déclarations de l’accusé pour savoir s’il y avait dans

  8   toutes ses déclarations des intentions discriminatoires ou

  9   des intentions de persécution, mais on pourrait aussi dire

 10   que l’on peut déduire des actes d’un accusé une intention

 11   délictueuse.  Tout dépend des actes.

 12         Enfin, nous reviendrons sur tout cela tout à

 13   l’heure et, Monsieur Smith et Monsieur Sayers, je vous

 14   demanderais de bien avoir à l’esprit le temps qui passe. 

 15   Nous voulons entendre les défenseurs de Monsieur Cerkez et

 16   nous voulons entendre l’Accusation.  Il faut que tout cela

 17   soit terminé aujourd’hui dans la mesure du possible.

 18         Voilà !  Nous nous retrouvons dans une demi-heure.

 19               --- Suspension de l’audience à 11 h 05

 20               --- Reprise de l’audience à 11 h 38

 21         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Smith.

 22         Me SMITH (interprétation) :  Oui, Monsieur le

 23   Président.  Il y a une question qui se pose concernant ce

 24   que l’accusé a dit et concernant son intention du point de

 25   vue de la discrimination.  Il y a trois simples questions


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  1   que nous devons poser :  Qu’a-t-il fait, l’accusé ?  Qu’a-

  2   t-il dit, l’accusé ?  Et est-ce que l’accusé a encouragé

  3   qui que ce soit en disant ou faisant ce qu’il a dit ou

  4   fait ?

  5         Nous avons parlé des hypothèses concernant les

  6   actes commis par l’accusé dans notre mémoire et je veux

  7   dire simplement que durant la période entre l’année 1991 et

  8   le début de l’année 1992, pendant que l’exercice politique

  9   du HDZ-BiH a abouti sur un référendum, nous avons également

 10   parlé des institutions des Croates de Bosnie, de leur

 11   création et de leur exercice du pouvoir.

 12         Nous avons donc parlé de la question de savoir si

 13   ces institutions exerçaient de fait et de jure leur pouvoir

 14   de manière discriminatoire.

 15         Nous avons parlé également des assemblées de ces

 16   institutions, notamment le 22 septembre 1992, le 14

 17   décembre, et puis nous avons également parlé des ultimatums

 18   qui étaient lancés au printemps 1993 et également durant

 19   l’hiver de l’année 1993.

 20         Finalement, en ce qui concerne les actes commis

 21   par l’accusé, nous avons également parlé de la question de

 22   la guerre civile entre la communauté musulmane et la

 23   communauté croate.  Donc, je ne vais pas me pencher là-

 24   dessus dans beaucoup de détails, mais en ce qui concerne

 25   ces actes, il n’y a pas de preuve, ni vis-à-vis de ce qu’il


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  1   a dit.  Il n’y a pas de preuve indiquant qu’il aurait

  2   encouragé qui que ce soit dans ce genre d’actes.  Il n’y a

  3   pas de déclarations par lesquelles il encourageait les

  4   personnes à s’approprier des choses qui ne leur

  5   appartenaient pas.

  6         Tout simplement, vous pourrez voir la cassette

  7   vidéo, les séquences vidéos sur lesquelles vous pourrez

  8   voir les propos prononcés par l’accusé.  Donc, vous pourrez

  9   arriver à votre propre décision.

 10         Bien sûr, par exemple, le Témoin AQ a parlé de la

 11   conférence de presse, mais nous avons le compte-rendu de

 12   cette conférence de presse.  Donc, vous savez très

 13   exactement ce que l’accusé a dit et le Témoin AQ a parlé de

 14   l’accusé sur la base de ses souvenirs concernant cette

 15   conférence de presse et il a ajouté des choses.

 16         Je souhaite maintenant parler d’un autre sujet qui

 17   a été adressé par le Procureur dans sa réponse.  Ici, il

 18   s’agit de la réunion qui a eu lieu à Zagreb le 27 décembre

 19   avec le Président Tudjman, et suite à cette réunion, l’on

 20   s’attendait à ce que la communauté musulmane s’oppose aux

 21   activités proposées lors de cette réunion.

 22         Je souhaite souligner que nous avons avancé cela

 23   dans notre mémoire, et d’ailleurs, le Procureur, dans sa

 24   réponse au point 62, est d’accord avec nous, à savoir nous

 25   avons dit qu’il est possible de penser quoi qu’on veuille


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  1   concernant cette réunion du 27 décembre mais qu’à l’issue

  2   de cette réunion, il n’y a pas eu d’instructions données

  3   afin d’utiliser la force pour atteindre les objectifs

  4   fixés.

  5         Bien sûr, il a été dit que les musulmans allaient

  6   peut-être s’opposer à cela.  Donc, l’on s’attendait à leur

  7   opposition, mais ceci est souvent le cas.  Lorsqu’on se

  8   rend à des négociations, on s’attend à ce que l’autre

  9   partie s’oppose aux propositions, mais c’est justement pour

 10   cela qu’on va négocier et on n’essaie pas de forcer la main

 11   tout simplement parce que peut-être l’autre partie

 12   s’apprête à faire objection.

 13         Le Procureur admet qu’il n’y a pas eu

 14   d’instructions allant dans le sens de proposition

 15   d’utilisation de la force.  Effectivement, les négociations

 16   ont eu lieu.  Est-ce qu’ils ont réussi ?  Non. 

 17         Les Croates de Bosnie ont ensuite dû décider de

 18   voter pour leur indépendance dans le cadre d’un référendum. 

 19   Ils se sont sentis peu protégés dans la nouvelle nation,

 20   dans le nouvel État.

 21         Qu’est-ce qu’ils ont fait donc ?  Ils n’ont pas

 22   suivi l’exemple des Serbes.  Ils n’ont pas essayé d’obtenir

 23   leurs objectifs, d’atteindre leurs buts par le biais de la

 24   force.  Ils ont essayé de négocier.  Ils ont organisé un

 25   référendum.  Tout ceci a échoué, et à la fin, ils ont


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  1   décidé de voter, et c’est suite à ces votes et seulement

  2   suite à cela que la base de l’indépendance de la Bosnie-

  3   Herzégovine a été constituée.

  4         En ce qui concerne l’accusé, à l’époque, il était

  5   un acteur politique.  Il pouvait se prononcer sur beaucoup

  6   de sujets du point de vue politique.  Il a signé avec sa

  7   femme la pétition de Busovaca, ses voisins l’ont fait

  8   également, la pétition demandant la souveraineté de la

  9   Bosnie-Herzégovine.  Ensuite, un référendum a eu lieu et

 10   après cela, l’annexion ou bien le partage de ce pays est

 11   resté lettre morte.

 12         Je souhaite maintenant parler de l’argument du

 13   Procureur concernant les institutions des Croates de Bosnie

 14   qui ont été, d’après le Procureur, constituées comme des

 15   entités mono-ethniques et qui exerçaient leur pouvoir de

 16   manière discriminatoire vis-à-vis de la communauté

 17   musulmane.

 18         Tout d’abord, dans ces institutions qui ont été

 19   créées pendant la guerre, il faut savoir qu’il s’agissait

 20   des institutions provisoires.  Je pense que ce qui est le

 21   plus utile c’est de citer le témoin-expert du Procureur qui

 22   a répondu à la question concernant l’éventualité de la

 23   possibilité d’une législation discriminatoire des Croates

 24   de Bosnie et des institutions des Croates de Bosnie.  Il a

 25   dit : « Non.  Bien, il y a eu très peu de dispositions


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  1   explicitement discriminatoires dans la législation du HZ-

  2   HB. »

  3         Je souhaite également attirer votre attention sur

  4   la décision concernant la création du HVO militaire en date

  5   du 8 avril 1992 où il est dit de manière explicite que ceci

  6   doit servir à protéger toutes les populations et non

  7   seulement les Croates, et l’expert Ribicic, le Dr Ribicic a

  8   accepté cela.  Donc, il s’agissait de tous les citoyens, de

  9   la protection de tous les citoyens de la Bosnie-

 10   Herzégovine, non pas seulement du HZ-HB, ni seulement de la

 11   Croatie.

 12         Il y a eu également un décret concernant le

 13   traitement des étrangers qui devaient être traités sur le

 14   pied d’égalité vis-à-vis des autres et effectivement le Dr

 15   Ribicic a été d’accord pour dire que chaque citoyen de la

 16   Bosnie-Herzégovine pouvait être juge, par exemple, dans un

 17   Tribunal, y compris les musulmans.

 18         Le 14 novembre, Monsieur Boban lui-même a dit que

 19   le HZ-HB est un État non pas seulement des Croates mais de

 20   toutes les autres populations vivant sur ce territoire. 

 21         Le Dr Ribicic a également été d’accord pour dire

 22   que de nombreux droits de l’homme ont été énumérés,

 23   mentionnés, protégés par le biais de la législation de la

 24   HR-HB et cette même liste a fait partie du Plan Owen-

 25   Stoltenberg d’ailleurs.


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  1         Le Dr Ribicic a également été d’accord pour dire

  2   que la décision concernant la création de la République

  3   croate de Herceg-Bosna a stipulé que cette République est

  4   constituée de peuples ou bien de communautés de citoyens

  5   libres et égaux et donc non pas seulement du peuple croate.

  6         Nous avons cette situation où il existe une entité

  7   et dire que cette entité a à sa tête un sommet politique

  8   discriminatoire et raciste et dire que même d’autres

  9   acteurs ont participé à cela, par exemple les militaires,

 10   et cætera, alors qu’on peut comparer cela au fait et voir

 11   qu’à Busovaca dans l’administration, il y avait le même

 12   nombre de musulmans que de Croates en décembre 1992, dire

 13   qu’il s’agit là d’une entité mono-ethnique serait égal que

 14   de priver les autres groupes de leurs droits et ce serait

 15   la même chose que de dire qu’aux États-Unis ou bien dans le

 16   Royaume-Uni, nous avons des institutions mono-ethniques.

 17         Il faut savoir qu’ici, il s’agissait de la guerre. 

 18   Il faut bien se remettre dans la condition qui prévalait à

 19   l’époque, à savoir un chaos total.  Les personnes, à titre

 20   individuel, essayaient de s’organiser afin de pouvoir faire

 21   face à leurs besoins quotidiens en matière de sécurité et

 22   de sûreté pour leurs familles et pour elles-mêmes.  Elles

 23   essayaient également… et pensons à ce que nous avons dit à

 24   propos de la communauté musulmane, il y avait des

 25   négociations.  Notamment dans le courant de l’été 1992 à


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  1   Busovaca, il y a eu l’incident des barricades à Kaonik au

  2   cours duquel des Croates essayaient de tendre la main à la

  3   communauté musulmane qui se trouvait dans les municipalités

  4   environnantes et les Croates, à de nombreuses reprises, ont

  5   répété ce geste de la main tendue aux musulmans.

  6         Je vous dirai simplement que dans ces

  7   institutions, il y avait des personnes qui ont agi en toute

  8   bonne foi, animées de bonnes intentions, ainsi que l’a fait

  9   l’Accusé Monsieur Kordic, et il ne s’agit pas là d’actions

 10   qui visent à la discrimination ou à la persécution. 

 11         Il s’agit ici d’auto-organisation, d’organisation

 12   d’autodéfense.  Il s’agit de réactions vis-à-vis d’une

 13   réalité quotidienne extraordinairement complexe dans

 14   laquelle les individus concernés n’ont joué aucun rôle. 

 15   Ils essaient ainsi de vous montrer comment ces institutions

 16   ont opéré et il faut bien comprendre qu’au vu des

 17   circonstances qui régnaient, les institutions ont réalisé

 18   un ouvrage remarquable parce qu’elles ont réussi à gérer

 19   les tensions et les complexités qui se faisaient jour. 

 20   Elles ont essayé d’aplanir les différends qui opposaient

 21   les différents groupes.

 22         Je vais très rapidement céder la parole à nouveau

 23   à Me Sayers, mon collègue, qui va reprendre là où je me

 24   suis interrompu.

 25         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Sayers,


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  1   pour revenir à ce chef d’accusation 1 et à vos arguments

  2   relatifs aux 24 municipalités, ce à quoi se réfère le chef

  3   d’accusation 1, au paragraphe 36, c’est à une persécution

  4   systématique et généralisée des civils musulmans de Bosnie,

  5   et cætera, dans l’ensemble des territoires de la Communauté

  6   croate de Herceg-Bosna, et vous, vous identifiez huit

  7   municipalités à propos desquelles vous dites qu’il n’y a

  8   pas forcément énormément d’éléments de preuve, enfin, qu’il

  9   y en a tout de même, et puis vous remettez en question le

 10   fait de savoir s’il y a effectivement des éléments de

 11   preuve relatifs aux événements qui se sont passés à

 12   Fojnica.

 13         Étant donné la formulation de ces chefs

 14   d’accusation de persécution dans toute la HZ-HB – c’est ce

 15   qui est indiqué dans l’acte d’accusation – et en l’absence

 16   de toute demande de modification de l’acte d’accusation

 17   dans sa formulation, comment envisagez-vous que la Chambre

 18   procède ? 

 19         Même si nous pensions que votre requête était

 20   motivée et qu’effectivement, il n’y avait pas d’éléments de

 21   preuve relatifs aux autres municipalités, d’un point de vue

 22   pratique, qu’envisagez-vous que la Chambre de première

 23   instance fasse ?

 24         Me SAYERS (interprétation) :  Eh bien, Monsieur le

 25   Président, c’est une excellente question, si je puis me


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  1   permettre une telle remarque, et c’est quelque chose qui

  2   nous met dans une mauvaise passe, mon Dieu, parce qu’à

  3   moins que la Chambre estime qu’il n’y a pas d’éléments de

  4   preuve relatifs à ce qui s’est passé dans les 24

  5   municipalités et à moins que la Chambre de première

  6   instance déclare que nous n’avons pas à présenter quelque

  7   élément de preuve que ce soit pour ce qui est de ces 24

  8   municipalités, eh bien, la Chambre verra que le champ de

  9   notre action était illimité, et à moins que la Chambre de

 10   première instance dise : « Eh bien, voyons, nous n’avons

 11   que des éléments de preuve pour neuf des 24 municipalités. 

 12   Donc, vous n’avez pas besoin de nous prouver quoi que ce

 13   soit pour les autres municipalités », alors, il nous faudra

 14   le faire, à moins que vous nous disiez le contraire.

 15         Je crois que c’est précisément à cela que sert

 16   cette demande d’acquittement.  Il faut que la Chambre s’en

 17   serve comme instrument lui permettant de nous dire ce qui,

 18   aux yeux de la Chambre de première instance, est

 19   effectivement contesté en l’espèce et ce qui n’est pas

 20   contesté parce qu’enfin, voyons, l’idée générale est

 21   évidente. 

 22         Si nous devons présenter des éléments de preuve

 23   relatifs à toutes ces municipalités, bien, cela veut dire

 24   que nous parlons d’une quantité extraordinaire d’éléments

 25   de preuve et si nous n’avons pas à le faire, eh bien, nous


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  1   pouvons faire ce que nous avons déjà proposé à la Chambre

  2   de première instance, c’est-à-dire des éléments de preuve

  3   extrêmement ciblés relatifs aux points dont la Chambre de

  4   première instance considère qu’ils sont particulièrement

  5   contestés, et ensuite, c’est la Chambre de première

  6   instance qui se prononcera sur le critère à appliquer à ces

  7   différents éléments de preuve.

  8         Pour ce qui est de Travnik, nous affirmons, nous,

  9   qu’il n’y a pas d’éléments de preuve permettant de prouver

 10   des actes de persécution à l’encontre de musulmans de

 11   Bosnie, crimes perpétrés par des Croates de Bosnie, mais il

 12   n’y a également rien qui permet d’établir des liens entre

 13   ce qui a pu se passer et Monsieur Kordic et nous pensons

 14   que cela a été établi au-delà de tout doute raisonnable.

 15         On peut dire la même chose de Kresevo et de

 16   Fojnica.  Nous concédons que les éléments de preuve sont

 17   nombreux et portent particulièrement sur les six

 18   municipalités que j’ai énumérées tout à l’heure.

 19         Avec la permission de la Chambre de première

 20   instance, j’aimerais en venir précisément à ces six

 21   municipalités afin d’indiquer quels sont, d’après nous, les

 22   éléments ou les points qui sont sujet à controverse et ceux

 23   qui ne le sont pas.

 24         À titre d’exemple, simplement pour illustrer ce

 25   que je viens de dire, je parlerai de Ahmici.  Il n’y a


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  1   aucun doute que des crimes ont été perpétrés à Ahmici et

  2   jamais nous n’avons prétendu le contraire.  Il y a eu des

  3   crimes commis à Ahmici mais la question est de savoir si

  4   Monsieur Kordic avait un lien quelconque avec la

  5   perpétration de ces crimes, et dans quelques secondes, si

  6   vous m’en donnez l’autorisation, je dirai qu’il n’y a aucun

  7   lien entre Monsieur Kordic et ces crimes.

  8         Maintenant, pour ce qui est des crimes perpétrés à

  9   Stupni Do, crimes sur lesquels nous revenons exhaustivement

 10   dans notre mémoire, il en est exactement de même.

 11         Ou bien regardons les accusations relatives à

 12   Rotilj.  L’Accusation a présenté des éléments de preuve

 13   d’après lesquels un certain nombre de personnes ont été

 14   abattues à Rotilj.  L’Accusation a indiqué également que

 15   les personnes avaient été emprisonnées sur place.

 16         En revanche, l’Accusation n’a en aucun cas montré

 17   que Monsieur Kordic avait un lien avec ces événements, même

 18   si l’on peut penser que ces événements constituent

 19   effectivement des crimes.  En fait, le témoignage du Témoin

 20   AD est tel qu’il apparaît qu’on ne pouvait même pas se

 21   rendre de Busovaca à la municipalité de Kiseljak sur le

 22   territoire de laquelle se trouve Rotilj.  Ce déplacement

 23   était impossible après l’établissement par l’armée de

 24   Bosnie-Herzégovine d’un contrôle de la route

 25   d’approvisionnement qui va de Kacuni à Bilalovac et les


Page 16671

  1   éléments de preuve indiquent fort bien que cela s’est

  2   produit le 20 janvier et tout ceci apparaît dans un rapport

  3   d’information militaire.

  4         Tout le monde est d’accord pour dire que l’armée

  5   de Bosnie-Herzégovine a isolé l’enclave de Vitez-Busovaca

  6   de la municipalité de Kiseljak et il n’y a rien qui puisse

  7   établir un lien entre ce qui s’est passé à Rotilj et

  8   Monsieur Kordic.

  9         Un dernier point sur cette même question.  Les

 10   éléments de preuve versés par le biais du Colonel Morsink

 11   montrent que Rotilj était en fait défendue parce que le

 12   Colonel Morsink s’est entretenu avec le commandant du HVO

 13   qui a mené l’assaut et cela apparaît à la page 8219 du

 14   compte-rendu.  Il a déclaré qu’il y avait des unités de

 15   l’armée de Bosnie-Herzégovine qui avaient ouvert le feu sur

 16   place et qu’un de ses soldats avait été touché.

 17         À la page 8221, il a indiqué qu’il n’y avait

 18   aucune raison de douter de cette histoire rapportée par ce

 19   commandant du HVO, le Colonel Redzo, et d’autre part, le

 20   Colonel Morsink s’est entretenu avec des civils vivant dans

 21   la région et qui corroboraient ces dires. 

 22         Encore une fois, on ne peut pas établir de lien

 23   entre Monsieur Kordic et ces événements.

 24         Il y a un événement plus restreint, disons, qui

 25   s’est passé à Tulica et qui est repris dans les chefs


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  1   d’accusation 7 à 13 et 37 à 39 ou paragraphes 37 à 39. 

  2   Tulica se trouve à la pointe extrême de la poche de

  3   Kiseljak et se trouvait, en fait, sur la ligne de front

  4   avec l’armée des Serbes de Bosnie.

  5         Pour utiliser exactement ce qui est dit dans

  6   l’Article 7(3) du Statut, il n’y a dans cette affaire aucun

  7   élément de preuve qui permet de savoir que Monsieur Kordic

  8   savait ou avait des raisons de savoir ce qui se produisait

  9   à Tulica.

 10         Ce qui est plus important, et nous répondons sur

 11   ce qu’a dit le Colonel de brigade Hayes, étant donné qu’il

 12   était le chef de l’état-major et la FORPRONU et qu’il avait

 13   son quartier général à Kiseljak et qu’il a passé six mois

 14   sur place et que ces six mois couvrent la période des

 15   conflits à Tulica et dans la municipalité de Kiseljak, dans

 16   le cadre de sa déposition, on lui a demandé s’il avait

 17   jamais vu Monsieur Kordic sur place.  Il a répondu non.  On

 18   lui a demandé si Monsieur Kordic avait apparemment une

 19   influence quelconque à Kiseljak pour autant qu’il le sache. 

 20   Il a répondu non et il a dit que certainement, lui n’était

 21   jamais allé voir Monsieur Kordic pour essayer de résoudre

 22   un problème à court terme ou à long terme qui se posait

 23   peut-être à l’époque dans la municipalité de Kiseljak.

 24         Donc, en l’absence de la connaissance par Monsieur

 25   Kordic ou en l’absence de la possibilité de savoir ou


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  1   d’avoir des raisons de savoir si des crimes étaient commis,

  2   on ne peut pas dire quoi que ce soit vis-à-vis de Monsieur

  3   Kordic qui relève de la responsabilité du supérieur

  4   hiérarchique.

  5         Même si Monsieur Kordic avait quelque pouvoir

  6   militaire que ce soit lui permettant de sanctionner les

  7   participants aux opérations de Tulica, tous les éléments de

  8   preuve indiquent qu’il n’a pas fait utilisation de ce

  9   pouvoir, si tant est qu’il l’avait.

 10         Le dernier témoin qui a témoigné dans l’affaire

 11   Blaskic a lui aussi évoqué cette question des sanctions

 12   disciplinaires.  Le Colonel Blaskic, à un moment donné, a

 13   pris la décision d’imposer une sanction de cinq pour cent

 14   aux membres du 4e Bataillon de la police militaire parce

 15   que ceux-ci avaient commis des infractions disciplinaires. 

 16   Il a également donné un certain nombre d’exemples du

 17   fonctionnement de la discipline militaire et nous avons

 18   beaucoup d’exemples qui indiquent comment fonctionnait la

 19   procédure militaire en la matière.

 20         Maintenant, revenons sur un autre événement plus

 21   restreint, disons, et qui correspond à un schéma classique. 

 22   Il est évident que des crimes ont été commis à Zepce mais

 23   il n’est absolument pas prouvé que Monsieur Kordic était

 24   sur place ou qu’il ait quelque lien que ce soit avec ces

 25   événements.


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  1         Les seuls crimes qui sont retenus dans l’acte

  2   d’accusation modifié vis-à-vis de Zepce sont les chefs

  3   d’accusation 21 à 28 relatifs à l’emprisonnement et au

  4   traitement inhumain de certains individus, mais ce que le

  5   Colonel Stutt a dit est la chose suivante :  Il a dit que

  6   l’influence de Monsieur Kordic ne s’étendait pas jusqu’à

  7   Zepce.  Il a parlé du fait que ce territoire était placé

  8   sous la responsabilité de Ivo Lozancic et, alors que nous

  9   lui avons soumis un mémorandum dans le cadre du contre-

 10   interrogatoire, il apparaît que Ivo Lozancic est un rival

 11   politique de Monsieur Kordic.  Le mémorandum porte la cote

 12   D193/1.

 13         Donc, je répète qu’il n’y a aucun élément de

 14   preuve, encore moins au-delà de tout doute raisonnable, qui

 15   tendrait à montrer que Monsieur Kordic avait quelque

 16   influence que ce soit à Zepce.

 17         Les deux seuls témoins qui ont témoigné à propos

 18   de Zepce, le Témoin F qui a témoigné le 10 juin de l’année

 19   dernière et le Témoin AH qui a témoigné le 17 février de

 20   cette année, ont tous les deux dit qu’ils ne l’avaient

 21   jamais vu à Zepce et qu’il n’exerçait aucune influence,

 22   encore moins néfaste, sur la région.  Ils n’ont jamais dit

 23   qu’il avait fait quelque remarque que ce soit qui aurait pu

 24   conduire à la perpétration des crimes dont il est allégué

 25   qu’ils ont été perpétrés à Zepce.


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  1         Il n’y a ni évidence qu’il ait ordonné, organisé,

  2   aidé ou encouragé des crimes, quels qu’ils soient, là-bas

  3   ou que ses subordonnés l’aient fait.

  4         Ensuite, pour passer à une autre question abordée

  5   en détail dans notre mémoire, c’est le pilonnage de Zenica,

  6   paragraphe 36 du chef 1, chef de persécution qui parle de

  7   persécution à Zenica, franchement, je ne comprends pas du

  8   tout comment est-ce qu’il pouvait y avoir eu persécution de

  9   musulmans Bosniens à Zenica. 

 10         Il est évident, toutes les preuves démontrent que

 11   les Croates de Bosnie avaient été expulsés de tout le

 12   village de Zenica et que les deux brigades de Zenica et

 13   Jure Francetic qui y étaient avant avril avaient

 14   complètement été éliminées par les forces musulmanes

 15   bosniennes dans cette ville et que la ville, pendant toute

 16   la durée de la guerre par la suite, est restée un bastion

 17   musulman.

 18         Ensuite, les chefs d’accusation 3 et 4, attaques

 19   illicites sur des civils, je dirais que comme dans

 20   l’affaire Blaskic où, sur ce chef, il a été acquitté,

 21   l’Accusation n’est pas du tout parvenue à démontrer des

 22   preuves prima facie…

 23         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je pense que

 24   nous avons déjà abordé tout cela.

 25         Me SAYERS (interprétation) :  Bien !  Alors, je


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  1   vais passer à la question suivante.  Il s’agirait de

  2   Divjak.  Cela relève du chef…

  3                     [La Chambre discute]

  4         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je pense que

  5   nous avons bien parcouru ce que vous avanciez vu qu’il n’y

  6   a aucune preuve concernant Divjak.  Cela ressort clairement

  7   de votre mémoire.

  8         Me SAYERS (interprétation) :  Je n’ai rien de

  9   particulier à rajouter à ce qui figure dans notre mémoire.

 10         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Encore une

 11   fois, vous avez présenté votre position concernant Monsieur

 12   Kordic et Ahmici et Stupni Do.

 13         Est-ce qu’il y aurait un autre chef d’accusation

 14   que vous aimeriez aborder ?

 15         Me SAYERS (interprétation) :  Les soumissions

 16   concernant les chefs 3 et 4 et 7 à 13, 37 à 39 concernant

 17   Busovaca, simplement, nous voudrions attirer votre

 18   attention sur la période très spécifique de janvier 1993 à

 19   laquelle se rapportent ces allégations.  Il me semble que

 20   certaines allégations, certains chefs, en fait, s’étendent

 21   à février 1993.  Donc, la période de janvier 1993 est un

 22   peu restreinte.

 23         On peut présumer que cela se réfère au début des

 24   hostilités à Busovaca.  Je ne veux surtout pas réitérer

 25   tout ce que nous avons déjà dit dans notre mémoire, mais


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  1   j’aimerais mettre l’accent sur une chose.

  2         Les hostilités ont commencé après que l’armée du

  3   BiH avait pris l’initiative, dans le cadre de la Brigade

  4   Kacuni 333 qui voulait bloquer la route qui était le seul

  5   moyen de communication entre Kiseljak et Busovaca.  Il ne

  6   fait aucun doute que cela a eu lieu mais si le Tribunal se

  7   réfère au mois de janvier, au rapport d’information

  8   militaire, la raison pour laquelle cette initiative

  9   militaire a été entreprise, c’était d’empêcher que des

 10   renforcements n’arrivent à Busovaca depuis le sud.

 11         C’est exactement ce que dit le rapport

 12   d’information.  Il n’y avait pas eu auparavant des barrages

 13   ou des heurts entre les communautés jusque là et il ne fait

 14   aucun doute que le 25 janvier 1993, il y a eu une irruption

 15   des hostilités, mais je voulais simplement attirer

 16   l’attention du Tribunal sur le témoignage du Major

 17   Jennings, du Commandant Jennings, D105/1, qui fait état du

 18   fait que de nombreuses maisons croates ont été incendiées à

 19   Kacuni.

 20         Ce n’est pas pour dire que le fait qu’un côté

 21   commette des crimes justifie des crimes commis par la

 22   partie adverse, mais simplement, en fait, on se demande si

 23   des crimes ont vraiment été commis à Busovaca en 1993

 24   puisque c’est la BiH qui a initié la campagne militaire

 25   pour tenter de bloquer la route principale, pour contrôler


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  1   cette route et, en fait, pour essayer de nettoyer toute la

  2   population croate des villages environnants tels que Gusti

  3   Grab et Oseliste.

  4         J’aimerais également encore une fois vous rappeler

  5   ce qui est pertinent dans ce contexte.  C’est qu’il est

  6   incontestable, les moyens de preuve sont irréfutables

  7   concernant Dusina et Lasva.  La déposition du Témoin Z est

  8   déterminante en la matière.

  9         Il y avait de nombreux Croates bosniens qui ont

 10   été tués lors des combats à Busovaca, et donc, je ne pense

 11   pas qu’il y ait des moyens de preuve établissant des crimes

 12   commis à Busovaca, ni des moyens de preuve établissant un

 13   lien entre les crimes qui auraient pu être commis et

 14   l’Accusé Monsieur Kordic.  Il n’y a certainement aucune

 15   preuve de compétence militaire de Monsieur Kordic.

 16         Si je peux revenir à la déposition du Lieutenant-

 17   Colonel Stewart concernant la réunion du 3 février avec

 18   Monsieur Kordic, il a été obligé de reconnaître pendant le

 19   contre-interrogatoire qu’il ne pouvait pas identifier une

 20   seule personne qui pouvait corroborer le fait que Monsieur

 21   Kordic avait été commandant militaire à Busovaca.  Il n’a

 22   pas fait état d’une telle impression dans le journal qu’il

 23   tenait.  Il n’avait jamais fait part de cette impression

 24   dans le livre qu’il a écrit un an plus tard. 

 25         Ce qu’il y a d’encore plus important c’est que la


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  1   cellule de renseignements militaires qui décrit la chaîne

  2   de commandement n’identifie nulle part Monsieur Kordic en

  3   tant que commandant militaire près de Busovaca.  Monsieur

  4   Kordic est simplement décrit comme homme politique.  Il

  5   était évidemment Vice-Président de la présidence de la HZ-

  6   HB, mais il n’y a aucune preuve que Monsieur Kordic ait été

  7   commandant militaire à Busovaca.

  8         Bien au contraire, le Colonel Blaskic est

  9   identifié comme commandant suprême jusqu’à la fin janvier

 10   1993, ce qui a son importance dans ce contexte.  Le

 11   commandant militaire était Niko Jozinovic et la chaîne de

 12   commandement, en tout cas, ne mentionnait pas, ne révèle

 13   nulle part la présence de Monsieur Kordic.

 14         Lorsque les hostilités ont commencé, le

 15   commandement militaire de la Brigade Nikola Subic-Zrinjski

 16   était dans un état de fluctuation et le seul moyen de

 17   preuve dont vous disposez qui tendrait à démontrer que

 18   Monsieur Kordic était commandant militaire vient de

 19   l’opinion exprimée par le Colonel Stewart.

 20         J’aimerais attirer votre attention sur le fait

 21   qu’un des officiers subordonnés qui étaient sous les ordres

 22   du Lieutenant Stewart était le Commandant Jennings et

 23   j’aimerais vraiment mettre l’accent sur le fait que ce

 24   Commandant Jennings était l’une des seules personnes qui a

 25   posé la question à Monsieur Kordic : « Avez-vous des


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  1   pouvoirs militaires ? », et la réponse était : « Non », et

  2   c’est ce dont il a témoigné à la page 8995 du compte-rendu.

  3         Les seules autres personnes qui, en fait, se sont

  4   donnés la peine de demander des questions précises

  5   concernant la chaîne de commandement, comme nous l’avons

  6   indiqué dans notre mémoire, c’est un capitaine qui était

  7   témoin dans le compte-rendu qui a pu identifier Mario

  8   Bradara en tant que commandant adjoint de Ivica Rajic et du

  9   2e Groupe opérationnel à Kiseljak servant sous les ordres

 10   du Colonel Blaskic.

 11         Le deuxième témoin était le Capitaine Whitworth

 12   qui avait posé certaines questions concernant la chaîne de

 13   commandement et il a essayé de résoudre la confusion qui

 14   régnait.  Il a demandé tant à Monsieur Santic qu’à Monsieur

 15   Ljubicic et il a pu établir ainsi que la police militaire

 16   était sous le commandement de Vlado Santic et le 4e

 17   Bataillon de la police militaire était sous le commandement

 18   général de Pasko Ljubicic qui, à son tour, était soumis aux

 19   ordres du Colonel Blaskic.  Nous soumettons que les preuves

 20   sont irréfutables.

 21         En ce qui concerne la chaîne de commandement qui

 22   se rapporte à Busovaca, puisqu’il s’agit là du point le

 23   plus restreint sur lequel l’Accusation a tenté de se

 24   concentrer pour en déduire un rôle militaire de Monsieur

 25   Kordic, j’aimerais attirer l’attention du Tribunal aux


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  1   pièces à conviction qui sont les D102/1 du 24… 23 janvier;

  2   D61/1 de février; et D108/1 de février également. 

  3         Donc, nous soumettons qu’il n’y a vraiment aucune

  4   preuve établissant un lien entre Dario Kordic et des crimes

  5   commis à Busovaca.  L’Accusation a fait de son mieux pour

  6   tenter de déduire…

  7         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Sayers, je

  8   vous interromps parce que vous êtes revenu amplement sur

  9   ces différentes questions et je crois que nous comprenons

 10   tous ce à quoi vous voulez en venir. 

 11         Il y a une chose sur laquelle toutefois vous

 12   pouvez nous apporter votre aide.  Si nous en arrivions à la

 13   conclusion – mais il s’agit de pure spéculation – mais

 14   supposons que nous arrivions à une certaine conclusion sur

 15   les chefs d’accusation 37 à 39, conclusion selon laquelle

 16   effectivement il n’existe aucun élément de preuve relatif à

 17   telle ou telle municipalité, est-ce que vous nous

 18   inviteriez à rendre une décision selon laquelle il n’existe

 19   aucun élément de preuve sur cette municipalité en

 20   particulier et, en conséquence, la retirer de l’acte

 21   d’accusation ?  Est-ce que je peux le faire ?

 22         Me SAYERS (interprétation) :  Voilà une question

 23   bien épineuse, Monsieur le Président, car vous remarquerez

 24   que l’acte d’accusation ne prévoit pas une culpabilité

 25   alternative.  C’est l’ensemble des chefs pour lesquels il


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  1   faut plaider coupable ou non coupable et il faut savoir

  2   exactement quels sont les différents éléments de crimes et

  3   quels sont les crimes exactement et tous les paragraphes

  4   sont conclus par le mot « et ». 

  5         Donc, la Chambre de première instance peut

  6   légitimement se dire que s’il y a une incapacité à prouver

  7   un élément sur quelques-unes des localités sur lesquelles

  8   il est allégué que des crimes ont été commis, alors,

  9   l’ensemble du chef d’accusation tombe.

 10         Nous nous en remettons à vous, Monsieur le

 11   Président, Messieurs les Juges de cette Chambre, pour ce

 12   qui est de la démarche à entreprendre. 

 13         Si l’Accusation a choisi de plaider le chef

 14   d’accusation 1 de cette façon-là, c’est-à-dire non pas de

 15   façon alternative mais de façon cumulative, eh bien, s’ils

 16   n’arrivent pas à prouver que des crimes ont effectivement

 17   été commis dans l’une des localités pour l’ensemble

 18   desquelles ils disent que des crimes ont été commis, alors,

 19   l’ensemble du chef d’accusation doit tomber.

 20         Si la Chambre de première instance considère qu’il

 21   est préférable à cela de dire qu’il n’existe pas d’éléments

 22   de preuve pour 24 des municipalités, alors, nous sommes

 23   entre vos mains, et effectivement, je crois que nous irons

 24   beaucoup plus vite si nous n’avons pas à vous fournir des

 25   éléments de preuve relatifs à ces autres municipalités.


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  1         M. LE JUGE BENNOUNA :  Monsieur Sayers, j’ai quand

  2   même une précision à vous demander qui pourrait nous aider. 

  3   Bon.  Vous venez de dire qu’en fait, tel chef d’accusation

  4   concerne différentes localités et que ce n’est pas par

  5   alternance mais qu’elles sont plutôt associées.  C’est

  6   l’ensemble des villages qui constitue en fait le chef

  7   d’accusation en question.

  8         Vous nous dites : « Évidemment, si vous estimez

  9   qu’il n’y a pas de preuve sur un certain nombre, vous

 10   pouvez dire que le chef d’accusation dans son ensemble

 11   tombe.  Autrement, vous pouvez dire aussi que pour un

 12   certain nombre de villages X, par exemple, sur un certain

 13   nombre de villages, il n’y a pas de preuve du tout, de

 14   manière à ce qu’on puisse se concentrer sur le reste pour

 15   des questions d’efficacité. »

 16         Je n’aime pas beaucoup d’ailleurs la question

 17   d’efficacité en matière judiciaire lorsqu’elle laisse une

 18   quelconque ambiguïté.  Nous ne sommes pas ici dans une

 19   hypothèse productiviste.  Nous voulons nous entourer du

 20   maximum de garanties lorsque nous rendons une décision et

 21   donc le temps ne compte pas, sauf si c’est de la perte de

 22   temps manifeste.

 23         Alors, la question que je vous pose :  Est-ce que

 24   vous avez besoin d’une décision pour cela ?  Dans

 25   l’hypothèse où vous procéderez à votre défense, vous allez


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  1   engager des preuves en défense.  Vous pourrez très bien

  2   dire que vous n’avez rien à ajouter sur tel ou tel village

  3   puisque, de votre point de vue, aucune preuve n’a été

  4   apportée par l’Accusation et c’est tout parce que vous

  5   n’allez pas détruire des preuves qui n’existent pas en

  6   quelque sorte.  Vous vous attaquez à ce qui existe, sauf à

  7   se livrer à un exercice donquichottesque.  On ne s’attaque

  8   pas à quelque chose qui n’existe pas.

  9         Alors, c’est la question que je vous pose :  Est-

 10   ce que vous avez besoin de cet exercice de la part de la

 11   Chambre qui consiste à distinguer en quelque sorte selon

 12   les lieux, et cætera ?

 13         Me SAYERS (interprétation) :  Voilà une question

 14   très intéressante, Monsieur le Juge, et si nous étions ici

 15   dans un exercice de rhétorique et d’argumentation, eh bien,

 16   je dirais qu’effectivement, nous pourrions envisager cette

 17   question des moulins de Don Quichotte et de notre capacité

 18   ou pas à nous battre contre des fantômes, mais placer un

 19   avocat dans un procès comme celui-ci, dans la situation où

 20   il dit : « Eh bien, nous pensons qu’il n’y a pas d’éléments

 21   de preuve relatifs à ce chef d’accusation », donc, nous

 22   n’allons pas les contester pour que plus tard, la Chambre

 23   de première instance puisse dire : « Eh bien, l’ensemble du

 24   chef d’accusation a été établi et fondé ».

 25         C’est quelque chose qui, d’après moi, est


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  1   inenvisageable et il est, d’après moi, du devoir de la

  2   Chambre de première instance de regarder l’acte

  3   d’accusation modifié et de dire si oui ou non, il existe

  4   des éléments de preuve sur les différentes allégations qui

  5   sont formulées et il revient ensuite aux juges de se

  6   convaincre du fait ou non de la culpabilité de l’accusé ou

  7   du fait que ces faits ont effectivement été commis.

  8         Mais en aucune mesure ne peut-on nous demander de

  9   produire des éléments de preuve relatifs à ce qui se serait

 10   passé dans cette municipalité, ce faisant, prenant le

 11   risque juridique de s’entendre dire en réplique qu’il

 12   existe d’autres éléments de preuve qui peuvent corroborer

 13   des choses qui sont affirmées dans l’acte d’accusation,

 14   nous ne voulons pas nous engager dans une telle procédure.

 15         Comme l’a dit Me Smith, l’Accusation doit faire de

 16   son mieux dans le cadre de la partie de la procédure qui

 17   lui revient.  L’Accusation a fait de son mieux.  Elle est

 18   allée jusqu’à un certain point.  C’est tout.  S’il n’y a

 19   pas d’éléments de preuve…

 20         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Pardon de

 21   vous interrompre, Me Sayers, mais je ne sais pas pourquoi

 22   vous parlez des chefs d’accusation 37 à 39 et, dans le sens

 23   où vous les entendez, de façon cumulative.

 24         Me SAYERS (interprétation) :  Non, pardon.  Je me

 25   suis mal exprimé.  Ce n’est pas ce que je voulais dire. 


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  1   C’est le chef d’accusation 1 qui est plaidé de façon

  2   cumulative.

  3         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Très

  4   bien !

  5         Me SAYERS (interprétation) :  Si vous regardez le

  6   sous-paragraphe, vous verrez que les fins de paragraphes se

  7   terminent par le mot « et » et non pas « et/ou ».

  8         M. LE JUGE BENNOUNA :  L’Article 98 bis, est-ce

  9   que vous pensez qu’il donne ce pouvoir à la Chambre parce

 10   que l’Article 98 bis dans le (B) nous dit :

 11         « Si la Chambre de première instance estime que

 12   les éléments de preuve présentés ne suffisent pas à

 13   justifier » – on a dit en français « à justifier » – « une

 14   condamnation pour cette ou ces accusations, elle prononce

 15   l’acquittement. »

 16         Elle ne nous dit pas qu’elle élimine partiellement

 17   un élément de l’Accusation.  L’article nous dit : « Elle

 18   prononce l’acquittement » – c’est ça que nous dit l’Article

 19   98 bis – « à la demande de l’accusé ou d’office ».  Le

 20   terme en anglais pour « à justifier », c’est « to sustain

 21   conviction ».

 22         On peut hésiter sur la traduction de justifier en

 23   français, mais peu importe.  L’essentiel c’est que c’est

 24   pour justifier une condamnation, mais on ne nous dit pas

 25   d’entrer dans les éléments à titre partiel qui constituent


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  1   l’Accusation.

  2         Est-ce que vous pensez que cela correspond à

  3   l’article ce que vous nous demandez ?

  4         Me SAYERS (interprétation) :  C’est précisément la

  5   raison pour laquelle j’ai invoqué cela, Monsieur le

  6   Président et Messieurs les Juges.  L’Accusation a choisi de

  7   plaider le chef d’accusation comme elle l’a fait et je vous

  8   rappelle qu’il est dit à l’Article 36 que les crimes ont

  9   été commis sur l’ensemble du territoire de la HZ-HB, sur le

 10   territoire de la municipalité de Zenica et sur l’ensemble

 11   du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 12         Nous, nous affirmons que si la Chambre de première

 13   instance en arrive à la conclusion que l’Accusation n’a pas

 14   prouvé, entre autres, que des crimes ont été commis à Kotor

 15   Varos, alors c’est l’ensemble du chef d’accusation qui doit

 16   être rejeté et l’Accusation n’a pas prouvé que des crimes

 17   avaient été commis à Kotor Varos ou dans aucune autre des

 18   24 municipalités qui sont mentionnées dans l’acte

 19   d’accusation modifié, hormis les neuf dont j’ai déjà

 20   amplement parlé et pour lesquelles j’ai concédé qu’il y

 21   avait eu des éléments de preuve présentés, et

 22   effectivement, il y a eu un certain nombre d’éléments de

 23   preuve présentés.

 24         Pour ce qui est de Kresevo, il n’a pas du tout été

 25   prouvé que Monsieur Kordic avait un lien quelconque avec ce


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  1   qui s’était passé sur les lieux.

  2         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  En fait, vous

  3   vous appuyez sur le mot « dans toute la HZ-HB ».  C’est sur

  4   cette expression-là que vous vous reposez pour présenter

  5   vos arguments.

  6         Mais en fait, l’alternative ce serait de

  7   considérer que l’Accusation que des crimes ont été commis

  8   dans une partie de la HZ-HB.

  9         Me SAYERS (interprétation) :  Eh bien, ce n’est

 10   pas nous, Monsieur le Président, qui avons soumis cet acte

 11   d’accusation modifié, c’est l’Accusation qui l’a fait, et

 12   je souligne le mot « acte d’accusation modifié ».  Or, nous

 13   voici bien au-delà maintenant de la présentation des

 14   éléments à charge de l’Accusation.

 15         L’Accusation dit ce qu’elle dit et moi, je dis que

 16   l’Accusation n’a pas réussi à démontrer qu’il y a eu

 17   effectivement des crimes de persécution commis dans 24 des

 18   municipalités, enfin, disons dans quelques-unes des 24

 19   municipalités, mais ils n’ont pas réussi à prouver que

 20   quelque crime que ce soit, de quelque nature que ce soit,

 21   ait été commis dans quelque municipalité que ce soit, et

 22   ils doivent prouver que ces crimes ont été commis dans

 23   toute la HZ-HB et la HR-HB et – et c’est indiqué dans

 24   l’acte d’accusation – et la municipalité de Zenica.  Mais

 25   il n’y a aucun élément de preuve qui permet de dire qu’il y


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  1   a des crimes commis dans la municipalité de Zenica.

  2         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bien !  Y a-t-

  3   il quoi que ce soit que vous souhaitiez ajouter, Monsieur

  4   Sayers, parce que moi, j’ai l’horloge dans ma ligne de

  5   mire.

  6         Me SAYERS (interprétation) :  Bien !  J’en suis

  7   conscient, Monsieur le Président.

  8         Deux choses que je souhaiterais ajouter en guise

  9   de conclusion et qui portent sur ce principe de

 10   responsabilité du supérieur hiérarchique qui est repris

 11   dans l’Article 7(3).  Il s’agit de savoir ce que Monsieur

 12   Kordic a fait ou n’a pas fait relativement aux deux

 13   événements principaux de l’acte d’accusation, c’est-à-dire

 14   les événements de Ahmici et de Stupni Do.

 15         L’Accusation dans cette affaire a démontré,

 16   contrairement à l’affaire Blaskic où c’était à la Défense

 17   qu’il revenait de le faire, mais en l’occurrence, c’est

 18   l’Accusation qui a démontré que c’est le HVO effectivement

 19   qui a lancé une enquête sur les événements qui ont eu lieu. 

 20   Peut-être qu’ils contestent l’efficacité de cette enquête

 21   et Dieu sait si cette enquête est contestable, mais le

 22   problème est le suivant.  Il a d’ailleurs été énoncé dans

 23   deux des pièces confidentielles que nous avons soumis à

 24   votre attention et nous l’avons également repris dans un

 25   certain nombre de mémoires.


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  1         Je n’ai pas besoin d’y revenir et nous n’avons

  2   pas, par conséquence, besoin de passer en audience à huis

  3   clos, mais il serait extrêmement difficile de trouver des

  4   témoins oculaires qui permettraient de fonder la rédaction

  5   d’un acte d’accusation pénal contre des personnes qui

  6   étaient responsables des événements de Ahmici et qui

  7   devraient avoir été poursuivies comme hommes, poursuivre

  8   ces personnes et établir la preuve au-delà de tout doute

  9   raisonnable dès lors que l’on n’a pas la possibilité de

 10   s’entretenir avec des témoins oculaires.

 11         Ça, c’est un problème, mais l’idée tout de même

 12   c’est qu’il y a eu une enquête d’entamer dans le contexte

 13   d’un système disciplinaire militaire.  Cette enquête a été

 14   initiée par le Colonel Blaskic qui a émis un certain nombre

 15   de recommandations à l’intention du SIS, des services de

 16   sécurité, qui se sont vu donner l’ordre de faire rapport de

 17   leurs activités à une certaine date.  Le rapport a été

 18   remis et le 17 août 1993, le Colonel Blaskic a donné au SIS

 19   un ordre visant à ce que ceux-ci poursuivent l’enquête. 

 20   Voilà exactement ce qu’englobe le concept de responsabilité

 21   du supérieur hiérarchique.

 22         Même si on peut dire que Monsieur Kordic faisait

 23   partie de la chaîne de commandement, même si on peut dire

 24   que l’armée était d’une certaine façon placée sous ses

 25   ordres, eh bien, la théorie veut qu’il aurait dû mener à


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  1   bien une enquête et sanctionner les personnes qui étaient

  2   responsables des crimes perpétrés à Ahmici, mais vous ne

  3   pouvez pas le punir avant d’avoir identifié les personnes

  4   qui sont effectivement responsables.

  5         On connaît quatre suspects mais nous savons aussi

  6   fort bien que les éléments de preuve sont relativement

  7   flous et les noms des quatre suspects n’ont pas été remis

  8   au HVO.  Aucune aide n’a été fournie au HVO pour essayer de

  9   l’aider à identifier les personnes qui étaient prétendument

 10   responsables.  Bon, il y a eu un certain nombre de

 11   résultats de cette enquête exhaustive.  Il y a eu un

 12   certain nombre d’entretiens avec des témoins à Zenica et

 13   c’est tout ce que nous savons, grâce au témoignage du

 14   Témoin AB.

 15         Mais pour revenir à tout ce qui a été dit à

 16   l’égard de Ahmici, ces histoires à propos des Serbes qui

 17   étaient responsables des crimes ou des musulmans déguisés

 18   en HOS ou le HOS lui-même, bien, tout le monde sait bien

 19   que ce sont des tentatives de camouflage qui visaient à

 20   dissimuler ce qui s’était effectivement passé sur place,

 21   des camouflages mis en place par les autorités militaires,

 22   et ces erreurs n’ont pas été commises à nouveau lors du

 23   deuxième événement, celui de Stupni Do.

 24         Il n’y a pas d’élément de preuve qui permet

 25   d’établir un lien entre Monsieur Kordic et les événements


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  1   de Stupni Do et ce que je ferai valoir aux yeux de la

  2   Chambre c’est que nous avons pu en bien des points récuser

  3   les affirmations faites par le Témoin AO dans le cadre de

  4   sa déposition.

  5         Il apparaît que l’Accusation avait une cassette de

  6   l’entretien du Témoin AO et des représentants du Bureau du

  7   Procureur qui s’est tenu en novembre 1993 dans le NordBat

  8   et ces éléments nous ont été communiqués après qu’un

  9   certain nombre de mémoires aient été déposés visant à

 10   récuser le Témoin AO, mais il y a un certain nombre

 11   d’éléments dont il faut tout de même tenir compte et qui

 12   entrent en compte dans l’évaluation des événements qui se

 13   sont passés à Stupni Do.

 14         Je ne vais pas en passer plus de temps.  C’est un

 15   homme qui a été récusé et aucune Chambre de première

 16   instance digne de ce nom ne pourrait donner quelque poids

 17   que ce soit à sa déposition.

 18         Bien !  Monsieur Kordic a contacté le Général

 19   Petkovic, le chef d’état-major du HVO pour savoir ce qui

 20   s’était passé.  Deux témoins militaires ont dit que c’était

 21   parfaitement normal qu’un commandant civil contacte un

 22   commandant militaire pour essayer de savoir ce qui s’était

 23   passé.  Bien !  Ça, c’est une chose.  Mais que s’est-il

 24   passé ensuite ?

 25         Les autorités militaires sous les ordres du


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  1   Président Boban, le Président de la Communauté croate de

  2   Herceg-Bosna, et cela paraît parfaitement des dépositions

  3   de Messieurs Garrod et Stutt, donc, le Président Boban a

  4   donné l’ordre au Colonel Petkovic de destituer les

  5   commandants militaires, et effectivement, le commandant de

  6   la Brigade Bobovac, Emil Harah, qui était toujours

  7   commandant en place après les événements de Stupni Do et

  8   qui a fait obstruction aux investigateurs de l’ECMM et des

  9   Nations Unies – je vous rappelle que c’est sur les ordres

 10   de cet homme que les agissements de ces deux missions ont

 11   été entravés – cet homme a été finalement remplacé le 24

 12   par Kresimir Bozic.

 13         Le commandant responsable de l’ensemble des

 14   opérations a été destitué.  Je parle de Ivica Rajic.  Il a

 15   été destitué sur l’ordre du Général Petkovic, et sur

 16   l’ordre du Président de la République, le Président Boban,

 17   cet homme a été destitué.

 18         Monsieur Martin Garrod, le témoin dont j’ai parlé

 19   tout à l’heure, a confirmé qu’il s’était entretenu à la

 20   fois avec Monsieur Mate Boban et avec le Premier ministre

 21   de la HR-HB, le Dr Prlic, et qu’ils avaient tous les deux

 22   confirmé à Monsieur Garrod que les instructions avaient été

 23   données visant à destituer Rajic et les autres commandants

 24   militaires qui occupaient des postes de commandement à

 25   cette époque.


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  1         De la même façon, la Commission d’enquête sur les

  2   crimes de guerre qui a été établi le 28 – cela a été prouvé

  3   et tout cela apparaît dans le compte rendu – a mené une

  4   enquête.  Des enquêteurs ont été envoyés par la FORPRONU,

  5   dont faisait partie le Colonel Stewart, et le Colonel Stutt

  6   également dans son témoignage a dit qu’il savait

  7   qu’effectivement, le HVO avait lancé une enquête.

  8         Monsieur Kordic en tant que dirigeant politique a

  9   fait tout ce qu’il a pu.  Qu’aurait-il pu faire de plus que

 10   ce qui a effectivement été fait à l’époque dans les telles

 11   circonstances ? 

 12         Les commandants civils ont été destitués.  Ivica

 13   Gavran, le responsable de la police locale, a été destitué

 14   le 23, toujours par le Général Petkovic.  L’ordre est là et

 15   vous pouvez le consulter.  Il fait partie du dossier de

 16   l’affaire.

 17         Monsieur Zvonko Duznovic, le président de la

 18   police locale, a été destitué le 23.  Le commandant de

 19   brigade a été destitué, le commandant général a été

 20   destitué et une enquête a été entamée.

 21         Et n’oublions pas que le 2 novembre 1993, Vares

 22   est tombée entre les mains de l’armée de Bosnie-

 23   Herzégovine.  Il n’y avait aucune possibilité pour les

 24   enquêteurs du HVO de mener à bien leur travail sans l’aide

 25   de l’armée de Bosnie-Herzégovine et notamment d’interviewer


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  1   des témoins qui se trouvaient à Stupni Do, et

  2   l’impossibilité de s’entretenir avec des témoins oculaires

  3   est un facteur dont on ne peut nier qu’il est

  4   particulièrement paralysant, parce que la possibilité de

  5   s’entretenir avec des témoins oculaires cela veut dire

  6   qu’on aurait peut-être pu identifier les "perpétrateurs"

  7   des crimes commis à Stupni Do, et je ne crois pas que les

  8   éléments de preuve indiquent que Monsieur Kordic aurait pu

  9   faire quoi que ce soit d’autre au vu des circonstances qui

 10   régnaient.

 11         Et puis, il faut remarquer que des sanctions

 12   disciplinaires ont immédiatement été prises et que les

 13   erreurs commises lors des enquêtes menées sur Ahmici n’ont

 14   pas été répétées.  Les militaires ont immédiatement reconnu

 15   qu’il y avait eu responsabilité et ils ont immédiatement

 16   agi en prenant des sanctions préliminaires à l’encontre des

 17   personnes dont il était normal de penser qu’elles avaient

 18   une responsabilité dans les événements perpétrés à Stupni

 19   Do.

 20         Voici en gros un récapitulatif des événements qui

 21   se sont produits à Stupni Do.  Je vous rappelle que Sir

 22   Martin Garrod, le Colonel Stutt, le Témoin AD et d’autres

 23   personnes ayant des connaissances militaires ont témoigné

 24   sur ce dernier point et elles ont toutes dit que jamais,

 25   elles n’avaient demandé à Monsieur Kordic s’il avait ou non


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  1   un rôle à jouer dans la chaîne de commandement militaire et

  2   s’il avait ou non la capacité de prendre des sanctions ou

  3   le droit de prendre des sanctions en matières militaires.

  4         Il apparaît très clairement au vu des documents

  5   qui vous ont été soumis qu’il n’avait aucun droit

  6   d’interférence dans le système de discipline militaire.  Il

  7   n’y a rien qui tende à le prouver, aucun ordre signé

  8   indiquant qu’il pouvait prendre des sanctions.

  9         Et enfin, je dirais que ces différents témoins

 10   n’ont pas demandé à Monsieur Kordic – ils l’ont eux-mêmes

 11   reconnu – ils n’ont pas demandé à Monsieur Kordic quelles

 12   étaient ses fonctions.  Donc, il n’a pas eu l’occasion de

 13   s’exprimer sur ses fonctions et les témoins ont reconnu

 14   qu’effectivement, il n’avait pas eu la possibilité de

 15   s’exprimer devant eux sur ses fonctions.

 16         Donc, il n’est pas un supérieur hiérarchique tel

 17   qu’envisagé par l’Article 7(3) et on ne peut pas le tenir

 18   responsable pour des événements qui se sont produits à

 19   Ahmici et Stupni Do.  On ne peut pas le tenir responsable

 20   du moins dans la façon qui est envisagée par l’Article 7(3)

 21   du Statut.

 22         Voilà ce que j’avais à vous soumettre, Monsieur le

 23   Président, et j’en ai terminé de mes arguments.

 24         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous

 25   remercie.


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  1         Me Kovacic, nous avons lu votre mémoire.  Donc, il

  2   n’est pas nécessaire de revenir dessus.  Nous avons bien

  3   évidemment la réponse de l’Accusation à vos arguments. 

  4   Bien entendu, nous allons entendre tous les arguments que

  5   vous voudriez nous soumettre en réponse à ce qui a été dit

  6   par l’Accusation mais aidez-nous et tâchez de vous

  7   concentrer sur les chefs d’accusation pour lesquels,

  8   d’après vous, il n’existe pas d’éléments de preuve du tout

  9   ou des éléments de preuve insuffisants.

 10         Me KOVACIC (interprétation) :  Merci, Monsieur le

 11   Président.  C’était justement mon intention.  Bien sûr, je

 12   vais éviter de me répéter et dans ce but, pour des raisons

 13   purement formelles, je souhaite dire que je maintiens

 14   entièrement ce qui a été présenté dans le cadre de notre

 15   demande écrite, y compris toutes les propositions avancées.

 16         Compte tenu du fait que mes collègues de la

 17   Défense de Monsieur Kordic ont parlé de plusieurs éléments

 18   juridiques concernant la procédure à suivre, je souhaite

 19   dire que je partage leur opinion à ce sujet et c’est ce que

 20   j’ai d’ailleurs écrit dans la demande.

 21         Ma présentation ne durera plus de 20 minutes au

 22   maximum, mais vers la fin, je souhaiterais me pencher sur

 23   certains aspects du droit matériel, droit de fait.  Donc,

 24   j’ajouterai peut-être quelques propos par rapport à ce que

 25   la Défense de Monsieur Kordic a déjà dit.


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  1         Je vais évoquer brièvement la réponse du Procureur

  2   à ma demande ou plutôt la réponse aux deux demandes des

  3   conseils de la Défense, mais bien sûr, je vais uniquement

  4   me pencher sur la partie concernant la Défense de Monsieur

  5   Cerkez, mais je dois dire que malheureusement, nous avons

  6   reçu cela seulement hier, malgré la pratique adoptée par ce

  7   Tribunal de nous envoyer ce genre de document par télécopie

  8   dans notre bureau à Zagreb.  Mais peu importe.  J’ai quand

  9   même réussi à lire le document, mais peut-être pas

 10   suffisamment attentivement, et c’est pour cela que je

 11   m’excuse d’un éventuel manque de méthode systématique de ma

 12   part aujourd’hui.

 13         Je pense qu’aujourd’hui, nous pouvons dire que le

 14   problème-clé de cette procédure concerne la responsabilité

 15   individuelle, et dès le début de ce procès, je pense que

 16   nous nous penchons trop souvent et pendant trop longtemps

 17   sur un cadre général et sur la culpabilité pour ainsi dire

 18   de l’organisation du HVO et encore plus du volet militaire

 19   du HVO.

 20         Je pense que ce Tribunal dans cette affaire ne va

 21   certainement pas se prononcer sur la culpabilité ni de la

 22   Communauté croate de Herceg-Bosna, ni du HVO en tant

 23   qu’organisation.  Les juges de cette Chambre de première

 24   instance devront se prononcer sur la question de savoir si

 25   mon client – ici, je ne parle pas du premier accusé parce


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  1   que c’est le conseil de la Défense de Monsieur Kordic qui

  2   s’est prononcé là-dessus – si lui, il a joué le rôle qui

  3   lui a été attribué par le Procureur.

  4         Je souhaite souligner une chose tout d’abord :

  5   aucun commandant de brigade du HVO n’a été mis en

  6   accusation, sauf dans le cadre de cet acte d’accusation, et

  7   ici, je parle des actes d’accusation publics, mais

  8   apparemment aussi secrets.  Pourquoi est-ce que c’est

  9   Monsieur Mario Cerkez qui a été le premier et le seul

 10   commandant de brigade qui a été mis en accusation alors que

 11   vous avez pu constater que chaque municipalité de Bosnie

 12   disposait d’une brigade, chaque municipalité essayait de

 13   poursuivre à vivre et chaque municipalité croyait que la

 14   guerre qui avait déjà éclaté ailleurs n’allait pas éclater

 15   chez eux aussi ?

 16         Cerkez est responsable seulement parce que dans la

 17   région de la municipalité de Vitez, à trois ou quatre

 18   kilomètres de la ville de Vitez, le crime d’Ahmici a eu

 19   lieu.  Ceci n’est pas contesté.  Ce crime a eu lieu.  Nous

 20   n’avons jamais contesté cela.  Nous le savons.  Nous le

 21   reconnaissons.

 22         Mais parlons maintenant de la responsabilité

 23   individuelle de nouveau.  La question qui se pose c’est de

 24   savoir si mon client, ou bien son unité plutôt, a commis

 25   ces actes dans ces maisons malheureuses.  C’est la


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  1   question-clé.  Tout le reste qui figure dans l’acte

  2   d’accusation ne sert que de décor permettant à confirmer

  3   cette thèse.

  4         Le Procureur apparemment a adopté l’approche en se

  5   disant : « Puisque nous avons un accusé devant nous,

  6   essayons de l’accuser d’un maximum de délits. »  Vous

  7   connaissez d’ailleurs certainement ce genre d’approche du

  8   Procureur.

  9         Nous répétons et nous l’avons dit dès le début :

 10   l’unité de Cerkez n’a pas été à Ahmici et aucune preuve n’a

 11   été avancée dans cette procédure permettant à conclure cela

 12   ni à prouver cela.

 13         La seule chose sur laquelle nous pourrions avoir

 14   un débat est liée à l’affirmation faite par plusieurs

 15   témoins qui ont dit qu’ils reconnaissaient trois groupes de

 16   soldats à Ahmici.  Ces témoins ont parlé de leurs

 17   uniformes, des insignes de la police militaire, ensuite des

 18   unités spéciales de la police militaire dites Jokeris. 

 19   Certains mentionnent des uniformes qui devraient se référer

 20   aux Vitezovis, et en ce qui concerne tout le reste, ils

 21   disent : « les soldats portant des insignes du HVO et des

 22   uniformes de camouflage. »  Ceci ne constitue pas une

 23   preuve suffisante.

 24         En ce qui concerne les soldats portant des

 25   insignes du HVO et les uniformes de camouflage, sur la base


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  1   des pièces à conviction, nous avons pu voir qu’il y en a eu

  2   beaucoup.  Ce genre d’uniformes, ce genre d’insignes

  3   étaient portés par des soldats appartenant aux brigades de

  4   municipalité, y compris la brigade dont mon client était le

  5   commandant, mais il faut savoir que les membres des unités

  6   spéciales portaient ces mêmes uniformes avec des insignes

  7   supplémentaires se référant à leurs unités spéciales.  À

  8   notre avis, il ne s’agit pas d’une preuve définitive.

  9         En ce qui concerne l’insigne du HVO à l’épaule et

 10   les uniformes de camouflage, il faut savoir qu’en Bosnie

 11   centrale, y compris à Vitez, en 1992 et en 1993, ceci ne

 12   constituait pas des éléments suffisants afin de permettre

 13   d’identifier à quelle brigade le soldat appartenait.

 14         Nous avons déjà entendu parler de cet aspect dans

 15   la matinée et je souhaite tout simplement ajouter quelque

 16   chose pour des raisons formelles concernant les normes qui

 17   devraient être adoptées par ce Tribunal dans le cadre de la

 18   prise de décision.  Moi aussi, je considère que l’unique

 19   norme qui doit être appliquée, conformément aux règles

 20   juridiques générales, est le critère selon lequel les faits

 21   doivent être prouvés au-delà de tout doute raisonnable.

 22         Je souhaite simplement vous rappeler que la

 23   procédure devant ce Tribunal telle qu’elle a été prévue

 24   selon le Règlement de ce Tribunal se base sur le critère

 25   prima facie.  Donc, il n’y a pas d’autre instrument de


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  1   contrôle des accusations.  Malheureusement, le Règlement a

  2   été écrit de telle manière que la possibilité reste que

  3   l’on entame une procédure contre quelqu’un et que quelqu’un

  4   passe par cette procédure longue et dramatique pour que

  5   c’est seulement à la fin que l’on établisse que cette

  6   personne n’est peut-être pas coupable.

  7         Apparemment, il n’y a pas d’autre instrument de

  8   contrôle allant dans ce sens, mais visiblement, ce critère

  9   de prima facie devrait grandir, devrait être soutenu au

 10   cours de la procédure, pour aboutir au critère que nous

 11   avons déjà mentionné, à savoir prouver les faits au-delà de

 12   tout doute raisonnable.  L’on en a parlé ce matin et

 13   j’appuie les affirmations avancées par la Défense de

 14   Monsieur Kordic, à savoir que c’est ce critère-là qui doit

 15   être appliqué si jamais il faut appliquer l’Article 98 bis

 16   et il faut tenir compte du langage de cet article, parce

 17   que d’après ce langage, il est clair que la référence est

 18   faite à ce seul critère.  Aucun d’autre.

 19         Bien sûr, si un doute existe quant à la question

 20   de savoir si ce critère a été satisfait, et dans le droit,

 21   nous avons ce principe de in dubio pro reo… je sais que

 22   dans la common law, vous appelez le même principe

 23   différemment, mais je ne me souviens pas très exactement en

 24   ce moment.  Donc, ce principe est que s’il y a un doute, il

 25   faut prendre la décision en faveur de l’accusé.  Donc, ce


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  1   sont deux critères : soit au-delà de tout doute

  2   raisonnable, soit si le doute reste, dans ce cas-là,

  3   l’accusé doit être acquitté.

  4         Moi, je maintiens que dès à présent, le doute est

  5   substantiel.  Donc, in dubio pro reo, ce principe-là

  6   pourrait déjà être appliqué dans le cas de mon client, et

  7   même si la Défense décidait de ne pas présenter ses propres

  8   moyens de preuve, je pense que même dans ce cas-là, le

  9   Tribunal ne pourrait pas adopter une décision condamnant

 10   l’Accusé Cerkez.

 11         En ce qui concerne les pièces à conviction de

 12   Carry Spork avancées par le Procureur, elles constituent la

 13   seule exception, et dans le cadre de nos présentations de

 14   moyens de preuve de la Défense, nous nous pencherons là-

 15   dessus et nous prouverons qu’ils n’ont pas suffisamment de

 16   valeur.

 17         Donc, notre première proposition est que les juges

 18   de la Chambre de première instance appliquent entièrement

 19   leur pouvoir prévu dans le cadre de l’Article 98 bis ou

 20   bien la proposition alternative est que les juges

 21   appliquent leur pouvoir de telle manière à ce que, au moins

 22   en ce qui concerne le chef d’accusation 2 de l’acte

 23   d’accusation portant sur les persécutions, que la décision

 24   soit telle que l’acte d’accusation soit rejeté en ce qui

 25   concerne les lieux énumérés et les périodes énumérées. 


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  1   Ici, je parle de Busovaca, Novi Travnik et de la période de

  2   l’année 1992.  Je pense qu’il est inutile que je donne plus

  3   d’explications à ce sujet parce que j’en ai parlé

  4   suffisamment dans la demande.

  5         Pourquoi est-ce que je le dis ?  Le lieu et la

  6   période des faits dans chaque système juridique constituent

  7   un élément important de l’acte d’accusation.  Il ne s’agit

  8   pas là d’un élément qui peut être modifié ou omis… modifié

  9   au cours de la procédure.

 10         Le Procureur affirme qu’un certain fait, un délit

 11   a été commis un tel jour à un lieu ou bien peut-être au

 12   cours d’une période.  Dans aucune procédure pénale,

 13   l’accusé ne pourrait se défendre à moins que le lieu et le

 14   temps soient définis tout à fait clairement.

 15         En ce qui concerne mon client, dans le chef

 16   d’accusation 2, il a été accusé en ce qui concerne une

 17   région très large, un domaine vaste, et si nous tenons

 18   compte de l’ampleur du conflit qui a eu lieu entre avril

 19   1993 et début 1994, il s’agit d’une période où beaucoup de

 20   délits ont eu lieu.

 21         Mon client est mis en accusation en ce qui

 22   concerne les faits qui ont eu lieu en dehors de sa zone de

 23   responsabilité, en dehors de sa municipalité qui est Vitez,

 24   alors qu’il n’y a pas eu de preuve indiquant qu’en vertu de

 25   l’Article 7(1) ou 7(3), à savoir en tant que supérieur


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  1   hiérarchique, il aurait été lié à ces événements qui se

  2   sont produits dans ces régions-là.

  3         En ce qui concerne la période, c’est-à-dire la

  4   période entre avril 1992 et puis finalement jusqu’à

  5   septembre 1992, là, il faut nous pencher là-dessus

  6   attentivement.  La date la plus importante est la date du

  7   16 avril 1993 qui constitue un tournant.  Je ne souhaite

  8   pas répéter ce que j’ai dit dans la demande mais je vais

  9   simplement dire que je considère qu’il n’y a pas eu de

 10   preuves selon lesquelles à partir d’avril 1992 jusqu’au 16

 11   avril 1993 dans la région de la municipalité de Vitez, il y

 12   a eu des persécutions organisées de la population

 13   musulmane, puisque les faits montrent que dans la situation

 14   dans laquelle l’État ne fonctionnait plus, dans laquelle

 15   les deux peuples vivant dans cette région – or, il faut

 16   savoir qu’ici, pratiquement parlant, il n’y avait que deux

 17   peuples vivant dans cette région puisque dans cette région,

 18   le troisième peuple, les Serbes sont représentés dans un

 19   nombre minimal – ces deux peuples se défendaient.  Nous

 20   avons pu entendre cela.  Ils avaient peut-être des points

 21   de vue différents mais ils avaient une chose en commun, à

 22   savoir ils luttaient pour leur propre vie.

 23         Mais l’État ne fonctionnait pas – il s’agit d’un

 24   fait – ni sur le plan des transports, de l’éducation, de la

 25   monnaie.  L’État ne fonctionne pas.  Donc, dans cet État


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  1   qui ne fonctionne pas, il y a le chaos qui règne.  Il y a

  2   toutes les parties qui essaient de trouver leurs propres

  3   solutions.  Nous avons des incidents qui éclatent, la

  4   criminalité qui grandit, la criminalité qui est liée à de

  5   nombreux motifs, des motifs classiques comme le profit, la

  6   vengeance, et puis aussi pour des motifs nationalistes.

  7         Mais il faut savoir qu’il n’est pas possible dans

  8   cette situation de dire que c’est surtout le groupe

  9   ethnique musulman qui constitue la victime.  Tout le monde

 10   est la victime.  Il n’y a pas de plan systématique de

 11   persécution.

 12         Bien sûr, ceci change à partir du moment où un

 13   conflit armé ouvert éclate, et si nous devons nous défendre

 14   par rapport à ce chef d’accusation, moi, je veux bien qu’on

 15   le fasse pour que l’on puisse se focaliser sur la partie

 16   cruciale de cette affaire, seulement à partir d’avril 1993.

 17         M. LE JUGE BENNOUNA :  Vous reprenez quelque chose

 18   que nous avons déjà entendu plusieurs fois.  Il y a un

 19   chaos.  Tout le monde est la victime.  Vous dites : « Tout

 20   le monde est victime.  Il n’y a pas que les musulmans qui

 21   sont victimes.  Tout le monde est victime. »  Mais quand on

 22   dit : « Tout le monde est victime », ça veut dire qu’il y a

 23   quand même des victimes, et s’il y a des victimes, c’est

 24   qu’il y a des personnes qui ont perpétré des crimes.

 25         Le fait de dire : « C’est un chaos.  Il n’y a pas


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  1   que les musulmans qui ont été persécutés », n’est pas une

  2   justification de ce qui a été fait, c’est-à-dire la théorie

  3   du chaos qui a été avancée ici depuis le début, le fait de

  4   dire qu’il y a d’autres victimes ne justifie pas les

  5   victimes dont nous nous occupons ou les actions des accusés

  6   dont nous nous occupons.

  7         Me KOVACIC (interprétation) :  Absolument,

  8   Monsieur le Juge.  Je suis d’accord avec vous.  C’est

  9   justement pour cela que je propose que les juges décident

 10   qu’avant Ahmici, il n’y a pas eu de crime de persécution,

 11   parce que le point crucial c’est Ahmici.

 12         Sans Ahmici, moi, je suis sûr que mon client

 13   n’aurait pas été mis en accusation du tout et c’est

 14   justement pour cela que je dis que ce chaos et ce que vous

 15   venez de dire, et puis si l’on ajoute aussi l’élément

 16   subjectif du délit, à savoir qu’en 1992, il n’y a pas eu

 17   d’intention discriminatoire.  Effectivement, il y a eu des

 18   pillages à l’encontre des musulmans, à l’encontre des

 19   Croates, et cætera, mais les motifs de ces pillages sont

 20   classiques, des motifs criminels classiques, afin de

 21   s’approprier des biens des autres, d’obtenir des gains

 22   matériels, et cætera.  Parfois, ça peut être lié au

 23   nationalisme mais pas systématiquement, pas uniquement.  Il

 24   n’y a pas de plan visant à persécuter les musulmans, ni

 25   d’ailleurs les Croates.


Page 16708

  1         Ceci est ma thèse, et à mon avis, d’après les

  2   preuves, nous pouvons dire que cette thèse est bien fondée. 

  3   Donc, nous ne pouvons pas parler d’une situation noire et

  4   blanche avant avril 1993.  Effectivement, après avril 1993,

  5   les deux groupes ethniques se sont divisés complètement,

  6   mais seulement après cette date-là.  Donc, ce que je dis je

  7   le dis compte tenu du contexte des événements parce que les

  8   événements se sont produits dans la vie réelle.

  9         Je pense que c’est maintenant que je devrais

 10   mentionner également quelque chose au sujet de la

 11   discussion qui a été lancée par le Président de la Chambre

 12   de première instance lorsque la question a été posée de

 13   savoir si, en vertu de l’Article 98 bis…

 14         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Simplement, il

 15   est déjà 13 h 05.  Donc, il faudrait tout de même que nous

 16   puissions suspendre…

 17         Me KOVACIC (interprétation) :  Je pense que non,

 18   Monsieur le Président.  Il ne me reste pas beaucoup de

 19   choses à dire, peut-être cinq à 10 minutes, et ensuite, je

 20   souhaite traiter très brièvement la réponse du Procureur.

 21         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bien !  Alors,

 22   nous allons suspendre maintenant l’audience pour une heure

 23   et demie.

 24               --- Suspension de l’audience à 13 h 05

 25               --- Reprise de l’audience à 14 h 34


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  1         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui, Me

  2   Kovacic.

  3         Me KOVACIC (interprétation) :  Merci, Monsieur le

  4   Président.

  5         Comme je l’ai dit avant la pause, je souhaite

  6   maintenant parler très brièvement des arguments, des

  7   questions soulevées par la Chambre, des questions posées à

  8   mes collègues concernant la forme de la décision ou bien du

  9   jugement partiel proposé par nous.

 10         Mon argument principal se réduit à dire que,

 11   conformément à l’Article 98 bis, je pense qu’il est

 12   possible d’interpréter cet article en disant que les juges

 13   pourraient prendre des décisions concernant une partie d’un

 14   certain chef d’accusation ou bien de rejeter tout le chef

 15   d’accusation ou bien de décider que, dans le cadre de ce

 16   chef d’accusation, on rejette des accusations concernant un

 17   certain lieu ou concernant une certaine période.

 18         La raison pour laquelle je tire cette conclusion

 19   est, entre autres choses, sur la base d’un principe général

 20   existant dans chaque système juridique,  a major e ad minus

 21   (ph.), c’est-à-dire si les juges peuvent se prononcer sur

 22   l’ensemble de l’acte d’accusation, ça veut dire qu’ils

 23   peuvent se prononcer sur chaque chef d’accusation

 24   également, et donc, nous pouvons conclure également que

 25   visiblement ou bien au moins conformément à ce principe,


Page 16710

  1   cet ancien principe de droit qui est présent d’une manière

  2   ou d’une autre dans chaque système juridique, dans ce cas-

  3   là, les juges peuvent prendre des décisions sur quelque

  4   chose de moindre par rapport à cela, par rapport au chef

  5   d’accusation.

  6         Autrement dit, il n’y a aucune raison pour que les

  7   juges ne puissent pas prendre de décision selon laquelle on

  8   rejetait, par exemple, l’acte d’accusation dans la partie

  9   concernant le chef d’accusation numéro 2, à savoir la

 10   partie où il est indiqué que Cerkez est responsable de la

 11   persécution dans la région de Novi Travnik et Busovaca dans

 12   la période avant le mois d’avril 1993, car d’après l’acte

 13   d’accusation, l’on parle que c’est entre avril 1993 et

 14   septembre 1993.  Donc, l’on précise dans l’acte

 15   d’accusation la période et il est nécessaire de préciser

 16   également les endroits où les faits ont eu lieu.

 17         Bien sûr, j’ai également avancé le besoin de

 18   procéder de manière économique, mais je souhaite également

 19   dire qu’il faut tenir compte de la position de la Défense

 20   et rendre le procès juste du point de vue de la Défense

 21   parce que la Défense doit se défendre de chaque partie de

 22   l’acte d’accusation même si elle est convaincue qu’en ce

 23   qui concerne une partie de l’acte d’accusation, il n’y a

 24   pas eu de preuve corroborant les faits avancés par le

 25   Procureur car la Défense n’a pas le droit de conclure que


Page 16711

  1   les juges ont accepté ou n’ont pas accepté cela.  Donc,

  2   nous sommes obligés de nous défendre de chaque accusation

  3   même si nous considérons que certaines accusations n’ont

  4   pas été prouvées par le Procureur.

  5         Maintenant, je souhaite parler un peu de la

  6   qualité des moyens de preuve ou, autrement dit, de la

  7   valeur objective probante des moyens de preuve qui ont été

  8   présentés jusqu’à maintenant selon le critère prima facie

  9   qui se référait dans une certaine mesure à mon client.

 10         Je pense qu’afin d’éviter de me lancer dans un

 11   débat beaucoup trop long, je peux dire qu’il y a eu trois

 12   catégories de preuves.

 13         La première catégorie qui englobe, je dirais, la

 14   plus grande partie des dépositions des témoins qui accusent

 15   d’une certaine manière mon client, nous pouvons dire que

 16   ceci se réduit plus ou moins soit à l’institution de l’ouï-

 17   dire, soit aussi à l’emploi des opinions personnelles, des

 18   rumeurs, des modèles hypothétiques.

 19         Par exemple, le témoin dit : « D’après la

 20   conception de l’ex-JNA, la solution devrait être celle-ci

 21   ou celle-là. »  Donc, l’emploi de termes, d’expressions

 22   telles que « on devrait », et cætera.

 23         Est-ce qu’il y a des problèmes techniques,

 24   Monsieur le Président ?  J’avais l’impression qu’il y avait

 25   un problème technique.  Excusez-moi.  Merci.


Page 16712

  1         Donc, toutes ces dépositions qui font partie de

  2   cette catégorie sont des dépositions qui ne portent pas sur

  3   les faits, qui ne nous permettent pas de dire que ces

  4   témoins-là ont vu quelque chose ou bien ont appris quelque

  5   chose ou bien ils ont appris quelque chose.  On ne sait pas

  6   comment ils ont appris cela.

  7         Pour nous, les juristes, les faits sont des choses

  8   sacrées et nous sommes intéressés par les faits.  Lorsque

  9   nous avons entendu des dépositions concernant les modèles

 10   hypothétiques, les opinions, les rumeurs, les convictions,

 11   et cætera, les juges rassuraient toujours la Défense en

 12   disant qu’ils tiendraient compte de la valeur probante de

 13   ce genre de moyens de preuve.

 14         Par exemple, je me souviens de l’exemple lorsque

 15   l’on a parlé à plusieurs reprises, d’ailleurs, du meurtre

 16   d’un certain Samir Trako qui a eu lieu au mois de mai 1993…

 17   mai 1992 (l’interprète se reprend) à Vitez, dans l’hôtel

 18   Vitez.  Il s’agit là d’un événement pour lequel je ne peux

 19   que supposer que le Procureur a souhaité placer cet

 20   événement dans le cadre de la persécution. 

 21         Donc, je suppose que le Procureur a souhaité dire

 22   que la persécution existait déjà au printemps 1992, mais

 23   ici, nous avons eu un témoin qui est expert en criminologie

 24   et qui ne dispose pas de faits et donc, tout d’un coup, il

 25   dit : « Les rumeurs ont commencé à courir. »


Page 16713

  1         Voici, c’est l’un des exemples de ce genre de

  2   dépositions.  Je n’en citerai pas beaucoup, mais il y en a

  3   un autre, le soldat, Témoin Sulejman Kalco, donc un

  4   militaire de profession, qui a été cité à la barre afin de

  5   parler des faits concernant la guerre, concernant le

  6   déploiement des forces, la structure militaire, et cætera.

  7         On a parlé du camion piégé qui a explosé à Vitez

  8   le 18 avril.  Cette personne dit qu’il a vu mon client dans

  9   un transport blindé des troupes du bataillon britannique,

 10   qu’on le ramenait d’une réunion, que Sefkija Dzidic, donc

 11   le commandant des forces armées, a été amené et le témoin

 12   dit qu’il a vu un sourire cynique sur le visage de mon

 13   client.

 14         Moi, j’ai consulté un expert en criminologie.  Je

 15   pense qu’il est clair que même un expert ne pourrait pas

 16   interpréter un tel sourire, un sourire cynique, si jamais

 17   il y a eu un tel sourire sur le visage de mon client, mais

 18   il est certain qu’un soldat ne peut pas donner la bonne

 19   interprétation de ceci.

 20         Il y a d’autres exemples de cela mais je ne vais

 21   pas citer tous les exemples.

 22         Ensuite, il y a une deuxième catégorie de moyens

 23   de preuve, un deuxième groupe de moyens de preuve qui n’ont

 24   pas beaucoup de valeur, qui n’ont aucune valeur.  Ici, je

 25   parle des moyens de preuve concernant les circonstances,


Page 16714

  1   les indices.  Parfois, on parle des moyens de preuve

  2   indirects et de ce point de vue-là, il y a tout un nombre

  3   de circonstances qui nous manquent pour rendre ces moyens

  4   de preuve valables.

  5         Je vais donner quelques exemples concrets.  Sur la

  6   base d’au moins deux dépositions de témoins, par exemple le

  7   Témoin Ribicic et le Témoin Kalco, et sur la base des

  8   documents qui ont été introduits par le biais de ces

  9   témoins, nous pouvons conclure sans aucun doute que les

 10   services de renseignement de l’armée de Bosnie-Herzégovine,

 11   déjà pendant le conflit, donc non pas après le conflit mais

 12   pendant que le conflit se déroulait, donc au cours de

 13   l’année 1993, ont organisé le recueil d’information, y

 14   compris des moyens de preuve concernant les auteurs de

 15   crimes de guerre.  Ils ont fait ceci de manière organisée.

 16         Nous avons eu des témoins ici qui ont témoigné à

 17   ce sujet et justement à propos de cela, je peux dire qu’un

 18   nombre assez important de documents qui émanaient de ces

 19   services, de ce travail de l’armée, ont été introduits ici

 20   comme pièces à conviction.

 21         Le fait reste que ce genre de services, ces

 22   services-là n’ont pas réussi à communiquer un seul

 23   document, une seule preuve incontestable qui prouverait

 24   sans aucun doute que, d’après ces « experts-là », les

 25   experts chargés des enquêtes, que c’est Cerkez qui aurait


Page 16715

  1   justement commis ces crimes-là, ces crimes de guerre.

  2         Je souhaite vous rappeler deux listes de documents

  3   qui ont été versés au dossier par le biais du Témoin

  4   Ribicic qui était l’officier de renseignement à Stari

  5   Vitez.  Donc, physiquement, il se trouvait à quelques

  6   centaines de mètres à vol d’oiseau de Cerkez pendant 11

  7   mois pendant lesquels cette région était encerclée.

  8         Dans ces deux documents, il mentionne une

  9   trentaine de personnes, les noms des personnes.  Il donne

 10   leurs noms, leurs prénoms.  Il donne l’explication pourquoi

 11   il les considère comme criminels de guerre alors qu’il ne

 12   mentionne Cerkez nulle part.

 13         Il y a d’autres exemples, bien sûr, de ce genre. 

 14   La seule conclusion logique qui s’impose est que c’est

 15   justement ce genre de preuves qui vont plus en faveur de la

 16   Défense que de l’Accusation parce que si ces services

 17   faisaient leur travail de manière professionnelle, et

 18   c’était le cas, et si Cerkez était quelqu’un de tellement

 19   responsable comme on essaie de le dire dans le cadre de cet

 20   acte d’accusation, s’il était le plus responsable parmi un

 21   grand nombre de militaires qui existaient sur le terrain,

 22   dans ce cas-là, il n’est pas logique qu’il ne soit pas sur

 23   cette liste.  Or, la logique est notre instrument principal

 24   ici.

 25         Finalement, le troisième groupe de moyens de


Page 16716

  1   preuves dont la valeur probante est contestable, le

  2   Procureur présente dès le début déjà, dans le cadre des

  3   pièces jointes, des moyens de preuve permettant simplement

  4   de dénigrer la personnalité de l’accusé, le caractérisant

  5   comme une personne négative.  Donc, l’on suppose que s’il

  6   s’agit de quelqu’un de négatif dans le passé, que cette

  7   personne par la suite va commettre des délits.

  8         Il s’agit d’une approche qui a été employée depuis

  9   toujours.  Depuis toujours, la police a essayé de trouver

 10   des éléments négatifs dans la personnalité d’un criminel

 11   afin de corroborer la thèse selon laquelle la personne a

 12   commis un certain crime.

 13         Donc, on essaie de créer l’impression de la

 14   culpabilité par le biais de l’association des idées.  On

 15   avance que le HVO est une institution négative, que les

 16   personnes autour de Cerkez sont des personnes négatives et

 17   que donc, lui aussi, il est négatif.

 18         Par exemple, l’amitié avec Kraljevic.  Nous avons

 19   entendu parler beaucoup de Darko Kraljevic dans cette

 20   affaire.  Il est normal que l’on parle de lui dans cette

 21   affaire et non pas seulement dans cette affaire mais dans

 22   toutes les affaires touchant à la vallée de la Lasva, mais

 23   sans arrêt ici, par le biais des dépositions de témoins, on

 24   essaie d’insinuer que si Cerkez n’était pas son supérieur

 25   hiérarchique, ils étaient au moins des amis.


Page 16717

  1         Bien sûr, il n’y a aucun fondement de cette

  2   présentation des choses et nous en parlerons dans le cadre

  3   de notre Défense, mais je pense que c’est dès maintenant

  4   qu’il faut évaluer la valeur probante de ce genre de moyens

  5   de preuve parce que je pense qu’il s’agit là d’éléments

  6   complètement inutiles sur lesquels la Défense devra se

  7   pencher.

  8         Un autre exemple concerne la réunion qui a eu lieu

  9   après le meurtre que j’ai déjà mentionné.  Le témoin a dit

 10   que Cerkez est venu vêtu d’un uniforme noir, qu’il a été

 11   escorté par un groupe de jeunes hommes portant des

 12   uniformes noirs.  Personne n’a jamais vu ni mentionné ceci

 13   nulle part, mais nous avons entendu ça ici.

 14         Il faut savoir en même temps que le fait de porter

 15   un uniforme noir au début de l’année 1992 n’a aucune valeur

 16   par lui-même, sauf qu’on essaie d’insinuer que le fait de

 17   porter un uniforme noir indique quelles sont les

 18   convictions politiques de la personne qui le porte et ça,

 19   c’était le but, ou bien nous avons entendu des dépositions

 20   concernant le discours que Cerkez aurait prononcé en disant

 21   que les personnes qui couperont des oreilles ou des doigts

 22   de l’ennemi recevront des récompenses.

 23         Nous avons donc entendu cette version des faits

 24   jusqu’à ce que nous n’avions vu le document Z1140 où nous

 25   avons pu apprendre la réalité, la vérité concernant cette


Page 16718

  1   allégation, à savoir que c’est un homme appelé Fikret

  2   Hrustic, qui était membre d’une brigade radicale, qui

  3   faisait ce genre de proposition et ceci a d’ailleurs été

  4   mentionné dans le bulletin de renseignements militaires 68.

  5         Je ne souhaite pas m’étendre trop longtemps mais

  6   je souhaite attirer votre attention sur le fait qu’il y a

  7   eu un nombre de moyens de preuve portant sur les

  8   circonstances, des moyens de preuve indirects, mais à moins

  9   qu’il y ait suffisamment de moyens de preuve indirects que

 10   l’on puisse relier, à moins qu’il y ait suffisamment de

 11   circonstances allant dans le même sens, il n’est pas

 12   possible de décider que l’accusé est coupable au-delà de

 13   tout doute raisonnable.

 14         C’est pour cela que j’ai proposé que, dès à ce

 15   stade, les juges se prononcent et rejettent l’ensemble de

 16   l’acte d’accusation.

 17         Si vous me permettez, Messieurs les Juges, je

 18   souhaite parler très rapidement maintenant de la réponse du

 19   Procureur à la demande de la Défense et afin de ne pas

 20   perdre trop de temps, je pense qu’il n’est pas nécessaire

 21   de répondre à cette réponse maintenant.  Si les juges le

 22   souhaitent, nous pouvons le faire par écrit mais je

 23   souhaite me pencher sur quelques éléments les plus

 24   importants.

 25         L’un des problèmes auxquels le Procureur continue


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  1   à faire face, et cette réponse le confirme, est le problème

  2   du temps.  Du point de vue du Procureur, apparemment, il

  3   n’y a aucune pertinence dans les efforts de savoir à quel

  4   moment un événement a eu lieu et qui détenait quelle

  5   fonction au moment des faits, si mon client dépendait des

  6   supérieurs, s’il y avait des subordonnés au-dessous de mon

  7   client, et cætera.

  8         Là, encore une fois, ça me rappelle ce dont je

  9   parlais tout à l’heure, à savoir concernant le chef

 10   d’accusation numéro 2 et la période durant laquelle les

 11   persécutions ont eu lieu.

 12         Je ne souhaite pas m’exprimer de manière trop

 13   ferme mais nous avons eu ce problème dès le stade du

 14   mémoire préalable au procès, mais on a l’impression que

 15   l’on accuse mon client de persécution et d’autres choses

 16   pour la simple raison que dès l’année 1992, il est apparu

 17   comme une personne plutôt active dans l’organisation et la

 18   mise en œuvre de la lutte contre l’armée populaire

 19   yougoslave et ses troupes paramilitaires locales.

 20         Je dois répéter qu’en ce qui concerne tous ces

 21   événements que nous essayons de clarifier, ils ne se sont

 22   pas produits quelque part dans l’univers.  Il ne s’agit pas

 23   des événements qui ont été protégés vis-à-vis de la

 24   réalité. 

 25         Je dois dire que la guerre en Bosnie, et tous les


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  1   experts qui se penchaient sur les événements de Bosnie ont

  2   été d’accord, ils sont tous d’accord pour dire que la

  3   guerre en Bosnie a commencé avec l’agression de l’armée

  4   populaire yougoslave et la rébellion du peuple serbe ou

  5   bien une partie du peuple serbe au sein de la Bosnie dans

  6   le but de partager la Bosnie et, selon l’intention de

  7   Milosevic, dans le but soit de garder l’ensemble de Bosnie-

  8   Herzégovine dans le cadre de la Yougoslavie qui était en

  9   plein démembrement ou bien au moins une partie de la

 10   Bosnie-Herzégovine, partie peuplée à majorité serbe.

 11         En ce qui concerne cette guerre et cette

 12   agression, nous pouvons dire qu’elles constituent la cause

 13   de tout ce qui s’est produit par la suite, y compris du

 14   conflit croato-musulman.

 15         Je ne souhaite pas exprimer une plaidoirie ici

 16   maintenant mais il faut que l’on se penche sur le contexte

 17   des événements.  Nous nous penchons ici sur les

 18   conséquences.  La vallée de la Lasva est la conséquence de

 19   ces événements-là, alors qu’ici, l’on incrimine mon client

 20   pour ce qu’il a fait en 1992, alors qu’en 1992, il s’est

 21   porté volontaire afin d’organiser la lutte du peuple

 22   musulman et croate qui luttait ensemble contre la JNA et

 23   les groupes paramilitaires locaux serbes.

 24         Contrairement à ce qui s’est passé dans beaucoup

 25   d’autres municipalités en Bosnie centrale et en Bosnie en


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  1   général où les gens disaient souvent : « Cette guerre ne

  2   m’intéresse pas.  C’est une guerre qui se passe loin de

  3   moi », et beaucoup de gens dans ces municipalités ne se

  4   préparent pas pour faire face à l’agression et tombent dans

  5   les mains de l’ennemi rapidement, contrairement à tout

  6   cela, Vitez se préparait.

  7         Sur la base de ce que le Procureur a dit et a

  8   avancé dans l’acte d’accusation, dans plusieurs chefs

  9   d’accusation, il est dit que Cerkez a eu un rôle important

 10   au sein du HDZ, qu’il avançait rapidement dans sa carrière

 11   et qu’il est devenu commandant de la Brigade Stjepan

 12   Tomasevic.

 13         Dans le paragraphe 80, l’on dit que sa

 14   responsabilité portait sur les municipalités de Vitez et de

 15   Novi Travnik.  Nous parlons ici donc du début de l’année

 16   1992 sans indiquer clairement quel est le rôle du HVO et de

 17   cette Brigade Stjepan Tomasevic à l’époque.  Or, leur but

 18   unique à l’époque était [hors microphone] …contre les

 19   Serbes.

 20         Ensuite, l’on affirme que Cerkez venait à Busovaca

 21   afin de rendre visite à Dario Kordic et d’autres

 22   fonctionnaires du HDZ…

 23         M. LE JUGE BENNOUNA :  Je crois que, comme vous

 24   venez de le dire, ce n’est vraiment pas le moment, je

 25   pense, de faire une plaidoirie.  Je pense que vous nous


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  1   aiderez beaucoup, surtout que l’heure avance et qu’on doit

  2   terminer aujourd’hui ce point, si vous vous contentez de

  3   suivre les questions posées par l’application de l’Article

  4   98 bis et que vous avez annoncées vous-même dans votre

  5   papier.  Votre document écrit, nous l’avons lu et je pense

  6   qu’il vaut mieux se concentrer là-dessus.

  7         Pour la plaidoirie, comme vous dites, ce n’est

  8   peut-être pas le moment maintenant.  Vous aurez une autre

  9   occasion, je pense.

 10         Me KOVACIC (interprétation) :  Je suis absolument

 11   d’accord avec vous, Monsieur le Juge, et vraiment j’essaie

 12   de trouver une manière de raccourcir le débat.  Je vais

 13   essayer de résumer les choses ainsi.  Nous avons soumis une

 14   demande par écrit.  Nous y avons présenté nos arguments. 

 15   Je m’excuse si ceci n’était pas suffisamment systématique

 16   parce que nous n’avons pas eu beaucoup de temps et parce

 17   que dans les deux dernières semaines du procès, beaucoup

 18   d’éléments importants et détails importants ont été

 19   avancés.

 20         Je sais que le Procureur n’a pas disposé de

 21   beaucoup de temps afin de préparer sa réponse et je ne vais

 22   pas analyser maintenant chaque point de la réponse du

 23   Procureur.  Ici, je parle du mémoire du Procureur à partir

 24   de la page 80, paragraphe 36.  Je souhaite simplement dire

 25   que rien de nouveau n’y a été dit.


Page 16723

  1         Deuxièmement, je souhaite dire qu’apparemment,

  2   ici, il y a beaucoup d’éléments erronés et notamment en ce

  3   qui concerne une confusion temporaire et en ce qui concerne

  4   la manière dont les événements se sont déroulés.  Il est

  5   important de savoir si quelqu’un détenait une certaine

  6   position, par exemple, en 1992, lorsque la personne luttait

  7   contre les Serbes à Vlasic, par exemple, en tant que

  8   volontaire ou bien si la personne détenait une fonction

  9   importante en 1993, lorsque la guerre civile a éclaté.

 10         Je souhaite également dire que nous n’avons pas

 11   entendu une seule preuve concernant le rôle joué par Cerkez

 12   à Busovaca. 

 13         Dans le paragraphe 36, point (C), le Procureur se

 14   réfère à la déposition d’un témoin protégé, je crois. 

 15   Donc, je ne vais pas prononcer son nom.  Il dit que Cerkez

 16   est venu à Busovaca afin de rendre visite à Kordic. 

 17   C’était un élément complètement nouveau d’ailleurs et ce

 18   témoin a dit seulement qu’elle a vu Cerkez entrer dans le

 19   bâtiment de la municipalité à Busovaca une fois.  Donc,

 20   elle n’a pas dit qu’elle est allée voir Kordic et elle n’a

 21   surtout pas dit quand elle a vu cet incident.

 22         C’est l’exemple de ce que j’ai dit concernant le

 23   fait qu’il s’agit là des moyens de preuve sans aucune

 24   valeur probante parce que tout simplement, ils ne

 25   concernent pas les faits pertinents.


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  1         Troisièmement, en ce qui concerne cette réponse,

  2   je souhaite dire que l’on voit encore une fois la thèse qui

  3   ressemble à une équation mathématique selon laquelle un

  4   soldat de Vitez égale un subordonné de Cerkez et c’est sur

  5   la base de ceci que l’on tire des conclusions concernant la

  6   responsabilité de Cerkez conformément à l’Article 7(3), à

  7   savoir conformément à sa responsabilité de supérieur

  8   hiérarchique.

  9         Je souhaite dire simplement qu’à Vitez, il y a eu

 10   l’état-major de la zone opérationnelle.  Il y a eu

 11   plusieurs unités alors que mon client était le commandant

 12   d’une seule de ces unités.

 13         Je souhaite terminer ainsi, Messieurs les Juges. 

 14   Je n’ai rien à ajouter, mais je maintiens ma proposition de

 15   rejeter l’ensemble de l’acte d’accusation dans la partie

 16   concernant mon client ou bien, alternativement, si les

 17   juges considèrent que sur la base des moyens de preuve

 18   avancés jusqu’à maintenant, ceci n’est pas possible de le

 19   faire, au moins de réduire la période et la région couverte

 20   par le chef d’accusation 2, aussi, en ce qui concerne le

 21   chef d’accusation 44, destruction de sites religieux.

 22         Je n’en ai pas parlé dans ma demande mais j’en

 23   parle maintenant.  Ici, il est dit explicitement que ceci a

 24   été commis à Ahmici, Divjak et Stari Vitez, alors que Stari

 25   Vitez et Ahmici, on parle d’avril 1993, et Divjak, en


Page 16725

  1   septembre 1993. 

  2         Je pense que pour les mêmes raisons que les

  3   raisons que j’ai expliquées tout à l’heure, il faut dès

  4   maintenant rejeter l’accusation concernant Divjak en

  5   septembre 1993 puisque Divjak n’a même pas été mentionné

  6   dans cette procédure.  Ceci nous permettrait de raccourcir

  7   la procédure si nous ne devons pas présenter des moyens de

  8   preuve concernant un lieu où rien ne s’est passé, mais si

  9   nécessaire, bien sûr, nous pourrons citer à la barre des

 10   témoins qui nous parlerons de Divjak.

 11         C’est ainsi que je souhaite terminer.  Bien sûr,

 12   si vous avez des questions, je suis à votre disposition.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous

 14   remercie. 

 15         Me Nice.

 16         Me NICE (interprétation) :  Eh bien, je vais

 17   d’abord traiter du critère qui est ici d’application et qui

 18   est pertinent.  Je le ferai rapidement.  Je crois que c’est

 19   pour la première fois que l’on discute d’un tel critère

 20   d’application parce que dans Jelisic, la question de ce

 21   critère n’a pas été soulevée.  Nous soulevons simplement

 22   cette question parce qu’elle nous paraît d’intérêt et c’est

 23   ce qui apparaît également dans notre mémoire écrit.

 24         Que s’est-il passé dans Jelisic ?  Eh bien, le

 25   conseil de la Défense a refusé de présenter quelque


Page 16726

  1   argument que ce soit, argument relatif à une demande

  2   d’acquittement.  La Chambre de première instance a dit très

  3   clairement qu’elle allait rendre une décision et a refusé

  4   d’entendre tout argument portant sur les critères

  5   d’application en matière d’examen de la preuve.  Donc, tout

  6   ça n’a fait l’objet d’aucun débat.

  7         Notre mémoire, d’autre part, établit très

  8   clairement que toutes les affaires qui ont été tranchées

  9   jusqu’à présent au Royaume-Uni, même dans le cadre d’un

 10   juge qui siège seul, le cas qui a tout à l’heure été évoqué

 11   par vous, Monsieur le Président… pardon, je m’embrouille. 

 12   Dans toutes ces affaires, il y a un critère qui correspond

 13   bien à l’affaire qui nous intéresse ici, à savoir y a-t-il

 14   des éléments de preuve suffisants qui permettent au

 15   Tribunal de juger des faits ?  Le commentaire de Archbold

 16   s’applique parfaitement.

 17         Je me permets de faire référence ainsi à la

 18   procédure en vigueur au Royaume-Uni parce qu’elle me semble

 19   intéressante.  Dans des affaires qui sont d’ordre civil et

 20   non pas pénal et qui ont été entendues par des juges

 21   siégeant seuls, si le défenseur d’un accusé tente

 22   d’invoquer l’argument selon lequel il n’y a pas

 23   suffisamment d’éléments de preuve pour que l’affaire soit

 24   valable et digne d’examen, il est généralement et presque

 25   invariablement demandé à cet avocat s’il souhaite ou pas


Page 16727

  1   soumettre des éléments de preuve et ce n’est que si

  2   l’avocat dit qu’il ne souhaite pas soumettre à l’examen du

  3   juge des éléments de preuve que le juge va se pencher sur

  4   la question.

  5         Peut-être y a-t-il des cas exceptionnels mais il

  6   me semble que c’est presque invariablement la règle qui

  7   s’applique dans ce type de situation et, là encore, tout

  8   ceci est tout à fait dans la ligne de la suggestion plus

  9   générale qui veut que dans ce type de cas, on n’applique

 10   pas ce critère ultime, même si je dis bien qu’il s’agit là

 11   d’affaires civiles et non pas d’affaires pénales et qu’il y

 12   a des différences, de toute façon, à prendre en compte.

 13         Le Juge Bennouna a posé une question qui visait à

 14   savoir s’il y avait des critères qui pouvaient changer au

 15   fil du temps.  Si l’on prend comme point de départ la

 16   confirmation de l’acte d’accusation, est-ce qu’il faut

 17   appliquer à différents moments du procès le même critère

 18   d’évaluation ?  Eh bien, cette question nous a poussés à

 19   regarder ce qui avait été dit par ce Tribunal jusqu’à

 20   présent, la jurisprudence du Tribunal, et ma foi, c’est

 21   assez utile et c’est assez intéressant.

 22         Pour ce qui est du critère d’application en

 23   matière de confirmation, eh bien, le critère du prima facie

 24   tel qu’établi par le Statut est celui qui est utilisé.  Le

 25   Tribunal pour le Rwanda dans au moins deux de ses jugements


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  1   tend à montrer que ce critère est légèrement en deçà de

  2   celui dont nous, nous disons qu’il est d’application et

  3   qu’il est pertinent à la fin de la présentation des

  4   éléments à charge.

  5         Dans le cadre des décisions pour le Rwanda, on a

  6   parlé de suspicion raisonnable.  Il était apparent que

  7   l’accusé avait effectivement commis des crimes et c’est ce

  8   critère-là qui a été retenu, et dans l’affaire

  9   Nyiramasuhuko, le critère était le suivant : il doit y

 10   avoir des faits qui permettent d’en venir à des doutes

 11   raisonnables quant au fait qu’effectivement, l’accusé a

 12   commis un certain nombre de crimes.

 13         Il y a d’autres décisions qui ont été rendues par

 14   notre Tribunal dont une décision récente rendue par le Juge

 15   Hunt dans le cadre d’une confirmation d’un acte

 16   d’accusation récent et le critère est légèrement différent,

 17   mais il se distingue de la jurisprudence adoptée jusqu’à

 18   présent et le Juge Hunt, de toute façon, a confirmé l’acte

 19   d’accusation.

 20         Donc, tout ceci, il me semble, est tout à fait

 21   conforme avec ce qui a été soulevé par le Juge Bennouna, à

 22   savoir qu’il y a un critère à trois volets qui s’applique à

 23   différents moments du procès et ce critère-ci est celui qui

 24   s’applique à mi-parcours et c’est bien le critère que nous

 25   invoquons qui doit être d’application.


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  1         Enfin, et je ne veux pas m’appesantir sur la

  2   question parce que tout apparaît clairement dans notre

  3   mémoire, j’attire l’attention de la Chambre sur la chose

  4   suivante.  S’il s’avérait que la Défense avait raison en

  5   matière de définition du critère qu’ils se proposent

  6   d’appliquer, pourquoi est-ce qu’à la fin de chaque

  7   présentation des éléments à charge, cela voudrait dire que

  8   donc à la fin de ce type de présentation, la Chambre

  9   devrait se prononcer dans le cadre d’un mémoire exhaustif

 10   avant de pouvoir autoriser la continuation du procès ?

 11         Cela paraît très difficile d’agir autrement, une

 12   telle mesure empêchant sans doute les juges ou rendant très

 13   difficile pour les juges le fait de reformuler l’affaire et

 14   de reformuler leurs conclusions après avoir entendu

 15   l’intégralité des éléments de l’affaire.

 16         Avant d’en venir aux arguments invoqués quant aux

 17   faits qui sont au cœur de cette affaire, je voudrais

 18   revenir sur quelque chose qui ne va peut-être pas se poser,

 19   la question des constats judiciaires qui sont parfois

 20   dressés dans d’autres affaires.

 21         La Chambre nous a demandé, suite au dépôt d’une

 22   requête relative à Kupreskic et Blaskic, la Chambre nous a

 23   demandé donc de démontrer quelles étaient les conclusions

 24   qui avaient été prises dans ces affaires et sur lesquelles

 25   nous allions décider de nous appuyer.  Nous avons disposé


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  1   d’un délai tout à fait généreux pour le faire et nous avons

  2   décidé d’agir aussi promptement que possible.

  3         Les deux jugements se sont présentés de façon

  4   assez différente.  Le jugement Kupreskic était extrêmement

  5   compact et présentait les conclusions de façon très claire,

  6   les distinguant de conclusions antérieures, mais pour ce

  7   qui est du jugement Blaskic, en tout cas à nous yeux, il

  8   est assez différent parce qu’il prend la question de façon

  9   beaucoup plus chronologique.  Au fur et à mesure que les

 10   faits sont relatés, on établit quels sont les constats

 11   judiciaires, quelles sont les décisions relatives aux faits

 12   qui sont prises.

 13         Étant donné ces différences, ce que nous avons

 14   fait, c’est prendre les versions de chaque jugement et, par

 15   des moyens électroniques, nous avons surligné les passages

 16   sur lesquels nous souhaitions nous appuyer.  Je suis bien

 17   conscient du fait que c’est un moyen de procéder qui peut

 18   être contestable. 

 19         Est-ce que les faits qui font l’objet d’un constat

 20   judiciaire peuvent être utilisés avant que la procédure

 21   dans le cadre desquels ils ont été invoqués en finisse des

 22   procédures d’appel qui sont en cours ?  Je ne sais pas. 

 23         Néanmoins, il est parfaitement légitime que nous

 24   pensions nous appuyer à ce stade de la procédure sur les

 25   faits qui ont fait l’objet d’un constat judiciaire tout


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  1   d’abord parce qu’il y a déjà eu une affaire, l’affaire

  2   Kvocka, dans le cadre de laquelle des faits ayant été

  3   reconnus dans le cadre de l’affaire Tadic ont été utilisés,

  4   même si la majorité de ces faits étaient des faits relatifs

  5   au contexte général de l’affaire.

  6         Je ferai une assise – sans doute viendra-t-il un

  7   temps, s’il n’est pas déjà arrivé – au moment où les faits

  8   qui sont au cœur de ce conflit, de ce procès, les faits qui

  9   se sont de façon générale produits en Bosnie centrale

 10   deviendront de façon générale des faits de contexte

 11   général, mais je clos cette parenthèse.  Ce que je veux

 12   dire c’est qu’il y a eu déjà des affaires où des faits

 13   faisant l’objet d’un constat judiciaire dans une affaire

 14   précédente ont été utilisés.

 15         Deuxièmement, nous ne savons pas dans quel ordre

 16   les affaires qui sont en suspens devant ce Tribunal seront

 17   tranchées.  Est-ce qu’il y aura jugement, jugement,

 18   jugement puis appel, appel, appel pour les différentes

 19   affaires de la vallée de la rivière Lasva ou bien, et c’est

 20   possible également, est-ce que – de même que ça a été le

 21   cas pour Kupreskic… pardon, je me trompe – est-ce qu’au

 22   contraire, il y aura d’abord arrêt de la Chambre d’appel

 23   avant que nous n’arrivions au terme de notre affaire,

 24   auquel cas, ce qui aura été déterminé comme étant un fait

 25   donnant lieu à un constat judiciaire sera établi dans le


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  1   cadre d’un arrêt en appel ?

  2         De toute façon, si nous n’essayons pas de faire

  3   recours à ces points…

  4         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice, est-

  5   ce que dès à présent, vous souhaitez présenter les faits

  6   qui, d’après vous, permettent la possibilité de dresser un

  7   constat judiciaire ?

  8         Me NICE (interprétation) :  Non.  Ce que je dis à

  9   l’heure actuelle c’est que si à l’heure actuelle, il existe

 10   des chefs d’accusation qui pourraient être rejetés pour

 11   absence d’éléments de preuve et chefs pour lesquels il y

 12   aurait eu établissement d’un constat judiciaire, que ce

 13   soit dans le cadre de l’affaire Blaskic ou de l’affaire

 14   Kupreskic, alors, pour rejeter ce chef d’accusation

 15   maintenant, il faudrait s’engager dans des procédures qui

 16   sont tout à fait contestables et tout à fait incorrectes

 17   vis-à-vis de l’Accusation car peut-être qu’avant la fin de

 18   cette affaire, on pourra s’appuyer sur tel ou tel fait

 19   parce qu’il aura fait l’objet d’un arrêt de la Chambre

 20   d’appel.

 21         Donc, nous avons déjà identifié quels sont dans

 22   les deux affaires citées les faits qui ont fait l’objet

 23   d’un constat judiciaire et sur lesquels nous souhaiterions

 24   nous fonder.  Je ne vais pas les passer en revue

 25   maintenant.  Je ne vais pas rentrer dans le détail de la


Page 16733

  1   question mais, Monsieur le Président, je vous indique

  2   simplement que dans Kupreskic notamment, il y a eu

  3   détermination de purification ethnique et d’attaques

  4   systématiques et généralisées.  Il y a eu un constat dressé

  5   sur ce point.  Il a été déterminé qu’effectivement, les

  6   musulmans étaient le groupe visé par les expulsions.

  7         Pour ce qui est de l’affaire Blaskic, d’après ce

  8   que nous avons compris des conclusions factuelles de la

  9   Chambre, et nous nous appuyons pour ce faire sur la version

 10   en français du jugement, eh bien, dans l’affaire Blaskic,

 11   il y a eu détermination faite sur la participation de la

 12   brigade de Vitez dans le secteur de Ahmici et de Vitez.  Il

 13   y a eu détermination plus spécifique relative à l’attaque

 14   dont a été la cible la population musulmane se trouvant à

 15   Vitez et à laquelle a pris part la brigade de Vitez; des

 16   conclusions relatives à l’incapacité des autorités en place

 17   à prendre des sanctions contre les soldats coupables

 18   d’infractions; des conclusions relatives au fait qu’il y a

 19   eu planification des attaques et exécution des attaques et

 20   que ces attaques n’ont pas été uniquement menées à bien par

 21   les Vitezovis; et puis des conclusions tout à fait

 22   spécifiques liées à l’implication de Monsieur Cerkez.

 23         Je ne pense pas que ces déterminations et ces

 24   conclusions soient nécessaires à l’heure actuelle, mais

 25   notre position est la suivante :  Nous souhaitons qu’elles


Page 16734

  1   soient examinées en temps opportun.  C’est la raison pour

  2   laquelle elles sont surlignées sur les documents que nous

  3   avons examinés et je ne sais pas s’il convient que ce

  4   document soit traité de façon officielle par le Greffe ou

  5   s’il faut procéder d’une façon différente pour que vous

  6   puissiez examiner également ce que nous avons entrepris.

  7         Pour ce qui est maintenant de ce qui a été dit par

  8   les accusés, par leurs défenseurs, à la fois par écrit et

  9   oralement aujourd’hui, notre position à l’heure actuelle

 10   est la suivante :  Pour ce qui est des arguments invoqués

 11   par Monsieur Kordic nous ne comprenons pas toujours très,

 12   très bien quels sont les domaines de l’acte d’accusation

 13   pour lesquels il est dit qu’il n’y a pas du tout d’éléments

 14   de preuve par opposition aux zones de l’acte d’accusation

 15   pour lesquelles il est dit qu’il n’y aurait peut-être pas à

 16   terme suffisamment d’éléments de preuve invoqués.

 17         Nous, nous disons que nous n’avons pas pu dans le

 18   temps qui nous était imparti nous attaquer à tous les

 19   différents aspects de l’affaire parce que d’abord, nous

 20   n’avions pas tout à fait le temps et puis ce n’était pas

 21   absolument nécessaire.

 22         Ce que nous avons fait, et vous vous en

 23   souviendrez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce

 24   que nous avons fait c’est de fournir une annexe 1 à notre

 25   mémoire qui est, en fait, un document qui découle d’un


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  1   document antérieur dont vous vous rappellerez qui avait été

  2   inclus à notre mémoire préalable à l’ouverture du procès.

  3         Ce document donne la liste des témoins qui ont

  4   déposé sur tel ou tel aspect et il y a beaucoup de témoins

  5   qui ont fait une déposition sur un sujet précis et nous

  6   avons fait une synthèse parfois des dépositions de ces

  7   témoins qui déposaient sur un point précis pour que

  8   l’audience d’aujourd’hui puisse aller un petit peu plus

  9   rapidement.

 10         Ce document est utile si effectivement la Chambre

 11   envisage d’exclure tel ou tel village du chef d’accusation

 12   où le nom de ce village est cité.  Par exemple, si la

 13   Chambre se réfère à la page 40 de ce document et si elle se

 14   souvient de ce que Monsieur Kovacic vient de demander pour

 15   ce qui est de Divjak, et bien, la Chambre verra d’après la

 16   formulation du document que pour ce qui est des chefs

 17   d’accusation 43 ou 44, il est exact que nous n’avons pas

 18   soumis des éléments de preuve relatifs à la destruction

 19   d’institutions religieuses ou d’éducation pour Divjak, ni

 20   pour Stupni Do.  Donc, ce document peut être utile en ce

 21   sens et c’est ainsi que vous pouvez vous en servir.

 22         À part pour quelques cas extrêmement peu nombreux,

 23   ceux dont j’ai parlé précédemment en font partie, mais donc

 24   sauf pour quelques cas précis, chaque case contient au

 25   moins un, si ce n’est beaucoup plus, noms de témoins.


Page 16736

  1         Par conséquent, ce document permet de démontrer

  2   catégoriquement qu’il y a des éléments de preuve qui sont

  3   soumis à l’examen de la Chambre de première instance pour

  4   chacun des chefs d’accusation qui font partie de l’acte

  5   d’accusation et pour chacun des accusés en l’espèce.

  6         La valeur que peuvent avoir les cases vides pour

  7   la Défense ou pour la Chambre de première instance, c’est

  8   la possibilité d’éventuellement réduire l’ampleur de l’acte

  9   d’accusation, mais d’après nous, ce pouvoir n’existe pas. 

 10   Nous, nous avons le pouvoir de modifier l’acte d’accusation

 11   dès lors que nous en formulons la demande et dès lors que

 12   l’autorisation nous en est donnée.  Nous ne souhaitons pas

 13   exercer ce pouvoir qui est le nôtre, mais ce que nous

 14   disons c’est que là où il n’y a pas élément de preuve

 15   portant sur, par exemple, la destruction d’une mosquée ou

 16   qu’il n’y a pas preuve du pillage de tel ou tel

 17   établissement public, eh bien, effectivement, cette

 18   question peut être résolue dans une décision opportune de

 19   la Chambre de première instance.

 20         Bien évidemment, comme Monsieur le Juge Bennouna

 21   l’a dit tout à l’heure, il n’y a plus dès lors nécessité

 22   pour la Défense d’invoquer quelque argument en

 23   contradiction que ce soit.

 24         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Soit, mais ils

 25   doivent savoir à quoi s’en tenir.  Ils doivent savoir dans


Page 16737

  1   quelle situation ils se trouvent.  Y a-t-il une raison pour

  2   laquelle dans cette affaire, en l’occurrence, il ne vous

  3   est pas possible de votre propre initiative de retirer ce

  4   qui vous gêne ?

  5         Me NICE (interprétation) :  Eh bien,

  6   effectivement, c’est une possibilité.

  7         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Parce que

  8   c’est peut-être la façon la plus rapide de procéder puisque

  9   nous sommes sur ce sujet.  Peut-être êtes-vous sur le point

 10   d’aborder la question du chef d’accusation 1 et des 24

 11   municipalités.

 12         Me NICE (interprétation) :  J’y venais

 13   précisément.

 14         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui.  Bien ! 

 15   Tout de même, avant de venir à ça, venons-en à ces cases

 16   vides.  Est-ce qu’il y en a d’autres auxquelles vous

 17   puissiez nous renvoyer ?

 18         Me NICE (interprétation) :  J’ai cité ceux qui se

 19   trouvent à la page 40.  J’en vois un ou deux à la page 39. 

 20   À la page 38 également, vous en trouverez. 

 21         Maintenant, pour ce qui est de la destruction des

 22   villages, on vient de me rappeler que peut-être que nous

 23   n’avons pas tout inclus dans ce document.  Peut-être

 24   n’avons-nous pas notamment inclus ce qui apparaissait dans

 25   le cadre de la cassette enregistrée dans le cadre d’un


Page 16738

  1   survol et versée au dossier par le biais du Colonel

  2   Capelle, mais je crois que je l’ai fait.  Je crois qu’en

  3   fait, effectivement, ceci apparaît. 

  4         De toute façon, nous ne désirons pas ici vous

  5   présenter une liste totalement exhaustive.  Sous réserve de

  6   vérification ultérieure quand nous disposerons d’un petit

  7   peu plus de temps que maintenant, puisque nous avons de

  8   toute façon l’intention de lire de très près et de répondre

  9   à la requête du premier accusé, effectivement, je ne vois

 10   pas pourquoi nous ne pouvons pas effacer ces éléments parce

 11   que nous ne nous attendons pas à être à même de soumettre

 12   d’autres éléments de preuve et nous espérons d’ailleurs que

 13   ce document sera très utile de façon générale à la Chambre

 14   et nous savons fort bien que la Chambre, de toute façon,

 15   réalise ses propres analyses.

 16         Cette approche n’est pas celle que nous

 17   adopterions concernant les persécutions et les

 18   municipalités, donc les chefs qui se rapportent aux

 19   persécutions et aux municipalités.  La terminologie reflète

 20   le fait que ces activités ont eu lieu dans toute la région

 21   tel que cela est décrit et faisaient partie d’un plan

 22   généralisé. 

 23         Nous n’avons peut-être présenté des moyens de

 24   preuve que par rapport à certaines municipalités.  Il n’est

 25   pas nécessaire dès à présent de réviser l’acte d’accusation


Page 16739

  1   pour supprimer, pour expurger certaines municipalités.  Le

  2   chef d’accusation me paraît tout à fait adéquat.  On peut

  3   facilement identifier quels moyens de preuve correspondent

  4   à quels éléments du chef d’accusation, mais je ne pense pas

  5   qu’il soit nécessaire de réviser.

  6         Par ailleurs, en ce qui concerne le mot « et »

  7   utilisé dans l’avant-dernier et le dernier paragraphe de

  8   l’acte d’accusation, Monsieur Sayers a dit prétendre que

  9   cela veut dire que chaque acte de persécution doit être

 10   démontré.  Cela ne correspond pas à notre intention, bien

 11   qu’en fait, chaque case dans ce chef de persécution est

 12   remplie.  Je ne sais pas qui est-ce qui a rédigé cet acte

 13   d’accusation mais on me dit qu’une des instructions données

 14   par les juges est souvent de dire que le mot « et » peut

 15   également s’entendre comme « ou », cela aux États-Unis. 

 16   C’est la pratique aux États-Unis.

 17         Il me semble donc qu’il n’est pas nécessaire de

 18   réviser ce mot « et » dans la version que j’ai devant moi,

 19   la page 10, à la fin du sous-paragraphe (i) concernant le

 20   bétail parce que c’est sur ce mot que la demande se fonde. 

 21   Il serait tout à fait ridicule de dire que si tous les

 22   autres actes de persécution avaient été démontrés, si un

 23   seul acte n’était pas établi, le chef d’accusation dans son

 24   intégralité devrait être rejeté.  Cela serait absurde.

 25         Si la Chambre préférait que le texte soit révisé


Page 16740

  1   pour inclure le terme « ou », on peut faire le nécessaire,

  2   mais nous ne demandons pas que cela soit fait.  Cela ne

  3   nous paraît pas nécessaire.

  4         Maintenant, quelques arguments concernant les

  5   faits tant en ce qui concerne les persécutions que d’autres

  6   chefs précis, même si je trouve difficile de voir

  7   exactement à quels chefs d’accusation se réfèrent les

  8   arguments de la Défense. 

  9         Si nous interprétons correctement le critère

 10   d’appréciation, il n’est pas nécessaire d’examiner

 11   maintenant des arguments de fait qui concernent simplement

 12   le poids de moyens de preuve qui existent sans aucun doute.

 13         Notre principe de base c’est qu’il est évident que

 14   des éléments de preuve appuient tous les chefs d’accusation

 15   et les éléments particuliers et distincts de ces chefs

 16   d’accusation et que l’exercice que nous avons devant nous,

 17   la procédure entamée ici n’est pas opportune.

 18         En ce qui concerne la discrimination, l’expert

 19   Ribicic a affirmé que dans sa forme de jure, les normes

 20   internationales en matière de protection des minorités

 21   n’ont pas été respectées.  De toute manière, l’organisation

 22   de jure ou la nature de jure de l’organisation des

 23   événements n’est pas décisive. 

 24         Ce qui est décisif c’est qu’il y a eu persécution

 25   au sens de discrimination dans cette affaire, tant au sens


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  1   général que par des actes très spécifiques concernant des

  2   persécutions, des crimes, des meurtres, la destruction et

  3   l’incendie de maisons, d’édifices religieux et ainsi de

  4   suite, des actes généralisés de persécution qui vont bien

  5   au-delà du champ de l’acte d’accusation, comme la Chambre

  6   en est bien consciente, notamment en ce qui concerne

  7   Mostar, par exemple.

  8         La Chambre gardera à l’esprit…

  9         M. LE JUGE BENNOUNA :  Me Nice, simplement pour

 10   préciser un point qui complète d’ailleurs la question qui a

 11   été posée par le Président Richard May qu’en fait, la

 12   persécution, ce qu’on appelle la persécution, peut être

 13   déduite d’un certain nombre d’autres crimes ou d’actions et

 14   ne découle pas nécessairement directement d’un certain

 15   nombre de déclarations.

 16         Vous nous dites en fait que la persécution n’est

 17   pas un chef d’accusation autonome en lui-même mais qu’il

 18   est lié à d’autres chefs ou à d’autres crimes qui existent

 19   dans l’acte d’accusation.  Est-ce que c’est ça que vous

 20   nous dites à travers le fait que vous dites : « Oui, mais

 21   la persécution est liée à tout le reste, à la destruction,

 22   aux crimes, aux meurtres, à la destruction d’un certain

 23   nombre de bâtiments, aux campagnes », et cætera ?

 24         Est-ce que vous pouvez préciser ce point sur

 25   comment vous entendez le crime de persécution ?


Page 16742

  1         Me NICE (interprétation) :  Je pense que je peux

  2   répondre par la simple affirmative sur les deux aspects de

  3   la question en ce qui concerne notre adoption de la

  4   proposition que nous a soumise le Président, mais pour

  5   répondre à la question plus spécifique, oui, bien sûr, la

  6   campagne de persécution menée comme l’allègue l’acte

  7   d’accusation, l’attaque de villes et de villages, le

  8   meurtre et les atteintes graves infligées aux civils

  9   musulmans, tout cela rend tout à fait manifeste que le chef

 10   d’accusation de la persécution incorpore tous les autres

 11   actes auxquels l’acte d’accusation se réfère.

 12         Par ailleurs, c’est dans ce sens l’allégation, le

 13   crime principal reproché.  Il n’y a rien de mal, au

 14   contraire, c’est très bien que l’acte d’accusation présente

 15   les choses comme il le fait, mais effectivement, la

 16   persécution se réfère à tous les actes incorporés dans cet

 17   acte d’accusation.

 18         Pour aborder quelques autres exemples, Cicak,

 19   Kljuic et Tuka, le fait qu’ils ont été contraints

 20   d’abandonner leurs positions en fait de l’intolérance.

 21         Lorsque nous nous concentrons un petit peu plus

 22   sur l’intervention plus spécifique de Kordic, sa

 23   participation dans toute cette campagne et dans toute la

 24   région est démontrée de nombreuses manières, mais pour être

 25   bref, c’est du simple fait qu’il avait le pouvoir.  Il


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  1   détenait le pouvoir.  Il était perçu par tous comme le

  2   personnage le plus important, le plus influent sur le

  3   territoire.

  4         Dans toutes les guerres sans doute, mais en tout

  5   cas sur ce territoire particulier, le pouvoir politique

  6   sous-tend le pouvoir militaire. 

  7         Nous pourrions vous soumettre de nombreux autres

  8   détails concernant ces pouvoirs autres que ceux présentés

  9   dans notre mémoire.  Malheureusement, nous n’avons pas eu

 10   beaucoup de temps pour élaborer ce mémoire.  Je ne veux pas

 11   trop m’appesantir, mais je pourrais mettre le doigt si cela

 12   peut vous aider sur d’autres pièces à conviction

 13   supplémentaires que vous souhaiteriez peut-être examiner si

 14   vous avez des préoccupations concernant l’état des moyens

 15   de preuve.

 16         Je prierais la Chambre de garder à l’esprit le

 17   compte-rendu des réunions avec le Président Tudjman numéro

 18   23773.1 où il était présent et les fonctions qu’il

 19   occupait, il représentait toute la communauté, et si vous

 20   pouviez garder à l’esprit le numéro 219 datant du 19

 21   septembre 1992 où sa signature a autorisé quelqu’un à

 22   déplacer de l’équipement militaire d’un territoire à un

 23   autre et la Chambre gardera également à l’esprit Z128 où

 24   l’Accusé Kordic signe au nom du commandement régional de la

 25   Bosnie centrale une ordonnance autorisant le libre passage


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  1   à un individu… excusez-moi, j’ai donné une référence

  2   inexacte.  Il s’agit de Z128.

  3         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  [Non

  4   interprété]

  5         Me NICE (interprétation) :  Donc, le document Z139

  6   qui délivre un ordre vis-à-vis de Vares et très important

  7   pour ce qui est de Vares et de Stupni Do afin de permettre

  8   un accès libre au HVO dans la municipalité de Ilidza.  Dans

  9   ce cadre, il signe en tant que Président de la HZ-HB.

 10         Il y a le Z187 qui est une invitation en fait

 11   obligatoire à une réunion qui a été émise à l’encontre du

 12   Président du HVO de Vares.

 13         Il y a le Z202, une note manuscrite émanant de

 14   Rajic demandant à ce que certaines personnes fassent

 15   rapport de leurs activités à Kordic notamment en matière

 16   d’utilisation des fonds.

 17         Il y a le Z219 qui est un ordre signé par Blaskic

 18   et qui concerne des armes et leur convoi et leur

 19   acheminement vers l’Herzégovine qui requiert qu’un sceau

 20   particulier soit appliqué, sceau soit de l’état-major

 21   régional, soit du commandement général, qu’il s’agisse de

 22   Kordic ou de Blaskic.

 23         Vous vous rappellerez également de Z233, un

 24   document datant du 22 septembre signé de la main de Kordic

 25   et traitant du contrôle total du HVO de la municipalité de


Page 16745

  1   Vares, entre autres sujets abordés, signé en sa capacité de

  2   Vice-Président du HVO.

  3         Il y a également le Z229 datant du 30 septembre

  4   1992.  Il s’agit d’une note relative à une réunion au cours

  5   de laquelle Kordic s’exprimait au nom de l’ensemble de la

  6   population croate et où il a déclaré que si les

  7   négociations avec les musulmans n’avaient pas lieu, alors,

  8   les Croates devraient s’engager dans des procédures

  9   d’obstruction totale et apparemment il préside la réunion,

 10   en tout cas, prend la présidence de cette réunion puisqu’il

 11   n’apparaît pas comme étant le président désigné et il

 12   indique qu’il a siégé la veille à Vares.

 13         Il y a le Z261, un ordre signé par Rajic le 29

 14   octobre qui indique que Dario Kordic était le vice-

 15   commandant de la HZ-HB et il est demandé à ce que toutes

 16   les troupes possibles soient envoyées pour la défense de

 17   Jajce.

 18         Il y a le 2124.1 où il est indiqué que le Colonel

 19   Kordic est présent.

 20         Il y a le Z1080 qui… enfin, je n’ai peut-être pas

 21   besoin de le citer mais enfin, il y a d’autres documents

 22   encore.

 23         Par ailleurs, pour compléter le résumé que nous

 24   avons présenté, nous avons établi que Monsieur Kordic était

 25   le personnage le plus important, avec le plus de pouvoir


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  1   dans toute la région.  On se plaint du fait que les témoins

  2   internationaux qui étaient présents sur le territoire ne

  3   lui ont pas souvent posé la question de quelles étaient au

  4   juste ses fonctions et son pouvoir.

  5         Il est assez insolite qu’on leur reproche de ne

  6   pas lui poser de telles questions quand on voit un homme

  7   accompagné d’une garde militaire, de gardes du corps armés,

  8   qu’on ne peut approcher qu’après avoir pu traverser divers

  9   points de contrôle.  Il est évident qu’il s’agit d’un

 10   personnage influent, puissant et il est peu plausible qu’on

 11   lui pose la question : « Est-ce que, par hasard, vous êtes

 12   un porte-parole de la presse ? »  Donc, de telles questions

 13   ne se justifieraient pas.

 14         Le pouvoir que l’on détient est reflété par le

 15   comportement que l’on a et il n’a jamais lui-même nié qu’il

 16   ait un tel pouvoir et son comportement a démontré ce

 17   pouvoir.

 18         La Défense de Monsieur Kordic aborde ensuite

 19   Travnik et Fojnica, diverses villes qui ne sont pas

 20   spécifiées dans l’acte d’accusation, mais des villages tels

 21   que Rotilj et Tulica.  Par rapport à ces derniers, si je ne

 22   m’abuse, l’acte d’accusation, en principe, ne devrait pas

 23   être remis en question du seul fait qu’il y aurait absence

 24   de moyens de preuve concernant un lien particulier. 

 25         Donc, je n’ai pas besoin d’aborder les moyens de


Page 16747

  1   preuve spécifiques concernant un village spécifique, mais

  2   je dirais, par respect pour les arguments avancés par mes

  3   confrères, je dirais tout de même quelque chose.

  4         Est-ce que Rotilj était un village défendu ?  Le

  5   commandant du HVO concerné a expliqué qu’une de ses

  6   patrouilles a essuyé le feu et qu’un de ses soldats avait

  7   été blessé.  Dans ce contexte, sept personnes ont été

  8   trouvées mortes, y compris des femmes, et de nombreuses

  9   maisons ont été incendiées.

 10         D’autres moyens de preuve établissent… je me

 11   réfère à la pièce à conviction 702, ordonnance émise par

 12   Blaskic du 17 avril donnant l’ordre de capturer la zone

 13   dans laquelle ce village était situé. 

 14         Concernant Zepce, je pourrais en dire long mais je

 15   pense qu’il n’est peut-être pas nécessaire de nous

 16   appesantir en ce moment.  On peut se référer à notre

 17   mémoire.  Je voudrais rappeler à la Chambre que dans le

 18   compte-rendu, les paragraphes 51 à 59, vous avez entendu

 19   parler du fait que l’Accusé Kordic, décrivant le cœur de

 20   Boban comme étant en Bosnie centrale et disant que le HVO

 21   lutterait jusqu’au dernier homme pour défendre les poches

 22   de Kiseljak, Kresevo et Zepce, un territoire qui le

 23   concernait manifestement directement.  Il appartient à la

 24   Chambre d’en juger.

 25         Dans la déposition du Témoin AD, me référant à la


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  1   pièce à conviction 1156.2, il y a aussi une référence au

  2   fait que Kordic a évoqué le fait que le HVO reprendrait le

  3   territoire qu’il avait perdu, notamment Kiseljak, Vares et

  4   la poche de Zepce.

  5         Sir Martin Garrod, et là je me réfère à la pièce à

  6   conviction 1364.6, a parlé du fait que l’accusé disait que

  7   les musulmans avaient des visées sur la vallée de la Lasva,

  8   Zepce, Kiseljak et d’autres lieux encore.

  9         Ensuite, à la page 3421 du compte-rendu, le Témoin

 10   D parle de certains crimes commis à Zepce.  Je rappelle au

 11   Tribunal qu’il s’agissait environ de 1 500 prisonniers

 12   détenus dans un hangar.  De telles allégations et les

 13   soupçons qu’il y ait eu environ peut-être 5 000 détenus

 14   démontrent à quel point les musulmans habitant à Zepce ont

 15   été expulsés et leurs habitations détruites.  Vous avez

 16   également entendu des moyens de preuve établissant les

 17   conditions déplorables dans lesquelles les prisonniers ont

 18   été détenus.

 19         Vous avez également entendu des moyens de preuve

 20   concernant la destruction des mosquées de Zepce.  Zepce

 21   était une zone qui manifestement intéressait beaucoup

 22   Kordic, qu’il visait, qui faisait partie du territoire

 23   qu’il voulait contrôler et dont il n’était non seulement un

 24   agent mais surtout un créateur.  Dès le départ, il a fait

 25   partie de la campagne.  C’était son entreprise.


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  1         Concernant Zenica, le juge a dit très correctement

  2   que Zenica a fait partie tant de l’attaque que des

  3   persécutions, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas

  4   d’arguments ou de moyens de preuve établissant le

  5   pilonnage.  Tous les arguments sont des arguments de poids.

  6         Sur ce point, je pourrais, si la Chambre le

  7   souhaitait ou si cela me paraît opportun, entrer dans plus

  8   de détails, mais il suffit peut-être à l’heure actuelle de

  9   dire que la Défense semble s’appuyer sur les conclusions

 10   dans l’affaire Blaskic.

 11         La Chambre aura peut-être à l’esprit, pour ce qui

 12   est des éléments de preuve reliés à Zenica, ce qui a été

 13   dit dans le cadre de l’affaire Blaskic, y compris la

 14   cassette vidéo qui faisait état d’un entretien téléphonique

 15   entre Blaskic et Kordic et je crois qu’à la page 2 du

 16   compte-rendu de cette vidéo, on voit que Kordic exprime ses

 17   vues relatives au pilonnage de Zenica dès cette époque,

 18   disant : « Eh bien, s’ils attaquent en défense.  Eh bien,

 19   nous les pilonnerons. »

 20         Donc, tous les détails tendent à prouver ses

 21   compétences, son autorité vis-à-vis de Blaskic et montrent

 22   également que dès cette époque, il a intérêt à pilonner

 23   Zenica et puis d’autre part, mais je ne sais pas si ces

 24   éléments de preuve étaient présentables sous cette forme

 25   dans l’affaire Blaskic, il y a les éléments de preuve qui


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  1   indiquent non seulement d’où provenaient les obus et la

  2   probable localisation des armes, d’où ils ont été tirés sur

  3   le territoire du HVO, mais vous avez également les appels

  4   faits à la station radio juste avant le pilonnage.

  5         L’expert Hamill a dit très clairement : « Ce qui

  6   s’est passé par l’envoi de ces trois obus dans le cadre du

  7   pilonnage, il y a eu opération tout à fait traditionnelle

  8   de quelqu’un qui est informé de l’endroit où se trouve la

  9   cible et qui essaie d’atteindre la cible. » 

 10         Alors, c’est une cible.  Est-ce que ce n’est pas

 11   une cible militaire dans tous les sens du terme ?  Ça,

 12   c’est quelque chose dont on peut débattre, mais c’est une

 13   cible.  Je ne veux pas rentrer dans tout le détail de ceci

 14   mais je le fais parce que je veux mettre l’accent sur

 15   quelque chose. 

 16         Même si Zenica peut être distinguée des autres

 17   éléments qui sont abordés dans le cadre des différents

 18   chefs d’accusation qui sont contestés, elle est tout de

 19   même une localité pour laquelle il y a toutes sortes

 20   d’éléments de preuve différents parce qu’il y a des

 21   éléments de preuve qui font partie de l’affaire Blaskic et

 22   des éléments de preuve dont nous, nous avons fait état et

 23   qui nous permettront d’avancer jusqu’à une conclusion

 24   finale.

 25         En outre et outre ce qui a déjà été dit à propos


Page 16751

  1   de Zenica, il y a un témoin dont je ne sais plus s’il était

  2   protégé ou pas.  Donc, je ne vais pas citer son nom.

  3         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Nice, je

  4   vous indique que je dois participer à une réunion à 16 h

  5   00.  Au maximum, je peux m’y rendre à 16 h 15.  Alors, je

  6   vous donne jusqu’à 16 h 00 si vous le voulez.  Ensuite,

  7   nous suspendrons.  Nous nous retrouverons ensuite à 16 h 15

  8   pour siéger jusqu’à 17 h 00 et nous espérons d’ici là en

  9   avoir terminé des différents arguments des parties.

 10         Me NICE (interprétation) :  Eh bien, je pense que

 11   je pourrai me conformer à vos souhaits, du moins je

 12   l’espère, Monsieur le Président.

 13         Donc, il y a un témoin – dont, je le répète, je ne

 14   me souviens plus s’il était protégé ou pas; je vais

 15   demander cela à mon assistante; bon, c’est un témoin

 16   protégé; c’est confirmé – qui a déposé à propos

 17   d’opérations de nettoyage ethnique à Zenica.  Lui-même

 18   était un musulman.  Il a été emmené à Krizancevo Selo.  Il

 19   a été utilisé comme otage.  Il voulait se rendre à Zenica

 20   avec sa famille mais cela ne pouvait être fait que si tous

 21   les Croates partaient de Zenica.  Or, certains ne voulaient

 22   pas en partir.  Donc, il y avait là un exemple de la

 23   politique de nettoyage ethnique inversée, si vous voulez,

 24   dont nous avons déjà eu des exemples, par exemple, au vu de

 25   ce qui s’est passé à Stupni Do.


Page 16752

  1         Il y a également le Témoin Q qui a également

  2   déposé sur le fait que certains Croates ne souhaitaient pas

  3   faire l’objet d’échange et de quelle façon il avait fallu

  4   persuader ou convaincre ces Croates du fait qu’il fallait

  5   qu’ils procèdent à cet échange.

  6         Voilà pour ce sujet.  J’en viens maintenant à

  7   Divjak parce qu’on en a parlé.  J’en ai parlé dans le cadre

  8   de ce que j’ai dit à propos de la mosquée.  Nous sommes

  9   d’accord pour dire que tout cela n’a pas été directement

 10   prouvé.  Donc, puisque j’en ai parlé, je vais en fait venir

 11   à ce qui s’est passé à Busovaca.

 12         Busovaca ne devient pertinent que dès lors qu’on

 13   établit une distinction, une séparation entre les

 14   différentes localités, ce que nous n’espérons pas. 

 15   Busovaca se trouve vraiment au centre de cette affaire et

 16   il y aurait d’autres choses à dire à propos de Busovaca,

 17   notamment par rapport à ce qu’a dit la Défense quant au

 18   fait que la vie est redevenue tout à fait normale à

 19   Busovaca très tôt.  En fait, il y a eu déformation des

 20   éléments de preuve présentés par les témoins qui se

 21   trouvaient sur place.

 22         Je vous rappelle ce qu’a dit le Témoin A.  Le

 23   Témoin A ne parle pas d’un retour à une certaine qualité de

 24   vie.  Bien au contraire, il affirme que la vie a changé du

 25   tout au tout et qu’il en a été le témoin à Busovaca.  Il


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  1   décrit tous les effets négatifs de cette nouvelle vie, y

  2   compris les effets de cette nouvelle réalité sur les

  3   différentes institutions, les nouvelles agences juridiques

  4   au sein desquelles un certain nombre de personnes ont été

  5   licenciées, de personnes musulmanes qui ont été licenciées.

  6         Il indique que certains symboles de l’État ont été

  7   retirés et que certaines stations d’émissions radios ont

  8   été saisies.  Je m’arrête ici parce qu’il y a quelque chose

  9   que j’ai omis de dire et que pourtant il faut mentionner, à

 10   savoir que l’un des problèmes pour les Croates dans la

 11   région de Zenica était que précisément, le poste de radio

 12   de Zenica était le seul poste de radio dont ils n’avaient

 13   pas le contrôle dans la région.

 14         Le Témoin A vous a parlé également de

 15   l’introduction et de l’utilisation obligatoire du dinar

 16   croate et puis dans les documents qui vous ont été soumis,

 17   vous trouverez référence faite au couvre-feu, vous verrez

 18   que les musulmans n’avaient rien à dire en la matière.  Ils

 19   se sont vu retirer leur droit de prendre part à des

 20   manifestations publiques.  Le HVO s’appropriait tous les

 21   aspects de la vie publique.  Il a aboli l’existence de

 22   l’assemblée municipale.  Il a annulé le conseil exécutif

 23   municipal.  Le personnel municipal devait se présenter au

 24   travail immédiatement afin d’être placé sous le contrôle et

 25   le commandement direct du HVO.


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  1         Pour ce qui est de la suggestion selon laquelle

  2   les personnes étaient bien libres d’aller travailler même

  3   si elles ne rejoignaient pas les groupes du HVO, c’est

  4   parfaitement inexact.  L’obligation de rejoindre les rangs

  5   du HVO s’appliquaient à tous et non pas seulement aux

  6   hommes qui travaillaient dans les forces de la police.

  7         La Défense indique que certains employés ne

  8   retrouvaient pas leur travail s’ils ne bénéficiaient pas

  9   d’un certain soutien et puis vous avez entendu également la

 10   déposition du Témoin M vous dire qu’il était très clair que

 11   tout musulman souhaitant préserver son poste au sein du

 12   gouvernement devait obligatoirement devenir membre du HVO. 

 13   Il vous a dit que lui-même et d’autres musulmans n’avaient

 14   aucun pouvoir de fait ou moral, ils devaient se contenter

 15   de s’asseoir à leur table et de ne plus rien faire.

 16         Il a expliqué quel pouvait être le résultat des

 17   pressions et des menaces exercées.  Il a dit qu’il pensait

 18   que le HVO voulait que les quelques musulmans qui restaient

 19   encore dans l’administration restent simplement pour

 20   satisfaire les observateurs de la mission d’observation de

 21   l’Union européenne.

 22         Le Témoin O vous a dit non seulement qu’il avait

 23   été rayé des cadres, mais qu’il n’avait pas réussi à

 24   trouver un nouveau travail.  Il a déclaré que par la suite,

 25   il avait réussi à travailler dans le cadre de


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  1   l’administration municipale, mais il indique bien qu’il a

  2   pendant un temps été le responsable d’un groupe qui par la

  3   suite a été aboli.  Le groupe à la tête duquel il avait été

  4   placé était le comité exécutif, rien de moins.

  5         Tout cela fait directement partie des actes de

  6   persécution que nous mettons au compte de Dario Kordic.

  7         La Défense voudrait vous faire croire qu’il y

  8   avait deux départements de la municipalité qui étaient

  9   encore dirigés par des musulmans et je vous renvoie à la

 10   pièce 175.1.  Peut-être que la pièce 175.1 n’est pas

 11   contestable, mais ce que le témoin dit c’est que même si le

 12   Témoin M affirme qu’il a été placé à un poste relativement

 13   important, il n’avait en fait aucun pouvoir effectif.  Il

 14   n’était pas invité à assister aux réunions, il n’était pas

 15   tenu au courant de ce qui se passait et sans qu’il le sache

 16   lui-même, le témoin a été fait membre du HVO.  Donc là

 17   encore, toujours de la poudre aux yeux pour essayer de

 18   satisfaire des observateurs extérieurs.

 19         La Défense dit que le gouvernement municipal du

 20   HVO n’exigeait pas de ses employés qu’ils signent ou qu’ils

 21   prêtent serment ou qu’ils prêtent allégeance.  Je répondrai

 22   à cela ce qu’on dit les deux témoins que j’ai cités

 23   précédemment qui ont dit qu’ils n’avaient effectivement

 24   signé aucune déclaration d’allégeance, mais qu’il était

 25   implicite que c’était la condition à remplir s’ils


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  1   voulaient retrouver leur emploi.

  2         Ce n’est pas là une vie normale.  Il y a là

  3   déformation des dépositions et ce qui est bien certain

  4   c’est que ces musulmans vivaient dans la peur, qu’ils

  5   n’avaient pas de droits, droits qui devaient, de toute

  6   façon, leur revenir.

  7         Je vois qu’il est 16 h 00.

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Effectivement,

  9   il est 16 h 00 et nous nous retrouverons à 16 h 15.

 10               --- Suspension de l’audience à 16 h 03

 11               --- Reprise de l’audience à 16 h 20

 12         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Si vous

 13   pouviez tout résumer en 10 minutes, en l’espace de 10

 14   minutes, ce serait parfait.

 15         Me NICE (interprétation) :  Parmi les sujets qui

 16   ont été évoqués aujourd’hui, il y a eu le rapport Ahmici. 

 17   La Chambre se rappelle sans doute qu’il s’agit là d’un

 18   document préparé, on ne sait pas très bien quand, qui a été

 19   divulgué ou communiqué au terme du procès Blaskic, produit

 20   par nous-mêmes et montré au Colonel Stewart, non pas parce

 21   que nous reconnaissons qu’il s’agit d’un document exact et

 22   honnête.  Nous n’acceptons même pas a priori l’exactitude

 23   de la date de ce document, mais s’il s’agissait d’un faux,

 24   pourquoi produirait-on un tel document si tout, par

 25   ailleurs, était régulier ?


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  1         La Chambre se souviendra des remarques et des

  2   critiques formulées par le Colonel Stewart et, comme nous

  3   avons peu de temps, je ne vais pas m’appesantir là-dessus. 

  4   Simplement, le rapport ne coïncide pas avec les événements. 

  5   Il est intéressant de noter que le rapport préalable de

  6   Ljubesic du 16 avril que l’on accepte comme inexact ou en

  7   tout cas comportant des inexactitudes, si l’on regarde ces

  8   deux rapports ensemble, il semblerait qu’il s’agit là d’une

  9   tentative de couvrir certaines choses, de dissimuler

 10   certaines choses.

 11         Bien évidemment, aucun fonctionnaire de la

 12   communauté internationale n’a été informé de ce rapport qui

 13   prétendument aurait été rédigé simultanément et la première

 14   fois qu’on en a eu connaissance, c’est à la fin de

 15   l’affaire Blaskic.

 16         Pour venir maintenant à Stupni Do, il est évident

 17   qu’on ne peut pas mettre tout le blâme sur le dos de Rajic,

 18   un homme que Kordic voulait destituer.  Comme Monsieur

 19   Mahmutovic vous l’a dit, il est évident que pour pouvoir

 20   destituer quelqu’un, le relever de ses fonctions, il faut

 21   déjà qu’il soit votre employé et il a été démontré que

 22   Kordic était le supérieur hiérarchique de Rajic, ceci sur

 23   la base d’autres moyens de preuve.

 24         Vous avez également entendu le témoignage de Sir

 25   Martin Garrod sur cette question ainsi que les conclusions


Page 16758

  1   de Monsieur Stutt pour lequel il ne faisait aucun doute que

  2   la Bosnie centrale faisait partie de la région concernée.

  3         Vous vous souviendrez également que selon Monsieur

  4   Stutt, son témoignage, Kordic était au troisième rang de la

  5   chaîne de commandement militaire et Martin Garrod en a

  6   également parlé.  La destitution alléguée de trois hauts

  7   fonctionnaires de la région… quand je dis qu’il a été

  8   allégué, les enquêtes qui ont suivi ne font que démontrer

  9   qu’il y a eu de plus en plus de tentatives de dissimuler

 10   des choses.

 11         À la lumière de ce qui s’est passé à Ahmici, les

 12   moyens de preuve concernant Stupni Do et l’intérêt de

 13   Kordic pour cette zone et son influence dans cette zone, y

 14   compris le fait qu’il donnait des ordres à Rajic,

 15   s’intègrent bien dans tous les autres moyens de preuve sur

 16   cette question.

 17         Avant même de se tourner vers les moyens de preuve

 18   fournis par AO, et d’ailleurs, nous n’avons pas encore tous

 19   les éléments de preuve puisque AO devra revenir pour être

 20   contre-interrogé, mais la Chambre se souvient que lorsque

 21   le Témoin AO a décrit la décision prise et puis qui a dû

 22   être confirmée par un appel téléphonique ou en tout cas par

 23   un moyen de communication opérationnel, il n’a fait que

 24   confirmer ce que d’autres témoins ont dit, que Blaskic ne

 25   pouvait jamais prendre une décision définitive.  Il devait


Page 16759

  1   toujours se référer à un autre, quelqu’un d’autre dans la

  2   hiérarchie.

  3         Concernant le but du massacre de Stupni Do, la

  4   purification ethnique inverse, une tentative pour expulser

  5   les Croates qui y restaient, cela reflète le témoignage

  6   d’un autre témoin, je crois Mahmutovic, qui a exprimé

  7   l’hypothèse que c’était la réelle raison pour les

  8   événements de Stupni Do.

  9         Kiseljak, eh bien, j’ai déjà abordé les

 10   conversations téléphoniques qui ont été entendues entre

 11   Kordic et Blaskic, une fois à Kiseljak et une autre fois à

 12   Busovaca, et simplement, j’aimerais vous rappeler quelques

 13   points.

 14         Est-ce que Kiseljak faisait simplement partie

 15   intégrante d’un plan général ou est-ce qu’il s’agissait

 16   d’une initiative séparée ?  À un moment donné, Kordic dit :

 17   « Il faut tout incendier.  Nous devons utiliser à large

 18   échelle les obusiers. »  Il voulait attendre pour décider

 19   d’attaquer ou non Zenica, pour voir si Zenica s’opposerait,

 20   réagirait. 

 21         Le Tribunal se rappelle également de la même

 22   conversation témoignant du fait qu’il s’intéressait à

 23   Fojnica, Kakanj et Visoko; et dans une autre conversation

 24   sur les mêmes cassettes, il s’intéresse, si vous vous

 25   reportez à la page 13, à Vares; si vous vous reportez à la


Page 16760

  1   page 22, à Gornji Vakuf, et il a entre autres fait le

  2   commentaire : « Comment peut-il y avoir un commandement

  3   unifié avec l’ennemi ? », et si l’ennemi auquel il se

  4   réfère était les musulmans, qu’est-ce que cela nous dit

  5   concernant son attitude ?

  6         À la page 24 du compte-rendu anglais, Kordic et

  7   Blaskic parlent ensemble de camions venant de Kiseljak et

  8   Kordic félicite Blaskic qui parle de l’assistance apportée

  9   aux frères de Busovaca et Kordic a dit : « C’est parfait. 

 10   C’est excellent.  Je vais l’annoncer demain à la radio de

 11   Busovaca. »

 12         Tout cela se passait donc et reflète le plan

 13   global généralisé et commun auquel je reviendrai plus tard

 14   brièvement.

 15         Concernant les arguments de Cerkez, je vais les

 16   aborder brièvement.  Tous les arguments que nous avons

 17   entendus aujourd’hui concernent la valeur probante.  Notre

 18   mémoire a adressé ce problème, le problème du temps, mais

 19   il s’agit là d’un chef d’accusation que l’on ne peut pas

 20   disjoindre.

 21         La présence personnelle de Monsieur Cerkez sur un

 22   site particulier n’est pas un élément de preuve requis.  Ce

 23   qui compte c’est le fait que les personnes présentes aient

 24   été sous son commandement.

 25         Me Kovacic s’est référé à des listes produites par


Page 16761

  1   la police militaire du BiH parlant de membres de la brigade

  2   Vitez, le tueur de Trako et le violeur du cinéma notamment.

  3         Nous avons exposé ces moyens de preuve qui

  4   montrent surtout, enfin, que l’accusé ne se bornait pas à

  5   rester derrière un bureau.  Il était actif sur le terrain.

  6         Ainsi, je reviens à notre position finale.  Il est

  7   important que la Chambre garde à l’esprit qu’il s’agit ici

  8   d’un plan à large échelle généralisé.  Vous pouvez

  9   considérer la réunion Tudjman comme une approche dualiste,

 10   donc considérant les musulmans comme un problème. 

 11         Vous pouvez regarder le livre de Valenta qui n’est

 12   pas du tout aussi innocent que la Défense le prétend.  En

 13   effet, il n’a peut-être pas évoqué expressément de la

 14   violence.  Il n’avait peut-être pas à l’esprit de la

 15   violence, on ne le sait pas.  Lorsqu’il a écrit ce livre,

 16   cela a été écrit lorsqu’il régnait encore une entente

 17   relativement bonne entre les populations, mais cela parle

 18   des visées, des ambitions d’un segment de la population

 19   caractérisé par l’ethnie.

 20         Quel effet est-ce que cela peut avoir ?  Eh bien,

 21   nous ne pouvons pas simplement nous concentrer sur ce que

 22   les gens disent, mais sur le contexte dans lequel ils

 23   parlent et agissent.  Nous devons voir la manière dont

 24   Monsieur Kordic a été perçu, par exemple, quand il

 25   apparaissait à la télévision.  Les perceptions ont peut-


Page 16762

  1   être été un petit peu floues, mais quiconque participe à de

  2   telles émissions doit tenir compte des effets que cela peut

  3   avoir sur une ethnie.

  4         Donc, on parle ici d’un plan commun dont l’accusé

  5   Kordic est en fait un des auteurs dès le début avec Tudjman

  6   notamment, et par la suite, quand des réunions ont été

  7   organisées, vous verrez sur les documents que chaque

  8   municipalité a participé.  Toutes les municipalités ont été

  9   sommées à participer.

 10         Le projet était généralisé, un projet qui visait

 11   la Bosnie centrale et tous les moyens de preuve, quelles

 12   que soient leurs dissimilarités, révèlent tout de même le

 13   fait qu’il s’agissait d’une initiative organisée pour toute

 14   la région de la Bosnie centrale et ces éléments de preuve

 15   indiquent également qu’il n’y a eu aucun homme politique

 16   plus important que Kordic et que Kordic est identifié comme

 17   la personne qui avait en main le pouvoir politique. 

 18         Aucun autre homme politique n’a été décrit de la

 19   même façon, comme ayant une compétence politique aussi

 20   directe et comme ayant pris part à autant d’événements que

 21   Kordic.

 22         La Chambre se rappellera que, bien sûr, avec accès

 23   à certains documents, nous pouvons dire que ces accusés ont

 24   joué des rôles multiples et sous des fonctions multiples.

 25         Nous remarquons qu’on ne revient plus sur la


Page 16763

  1   question du conflit international armé.  Nous attirons

  2   respectueusement votre attention sur le fait qu’en dépit du

  3   fait que nous sommes passés rapidement sur cette question,

  4   aussi rapidement que possible, nous avons répondu à la

  5   requête de la Défense, toujours sur la base de dépositions

  6   orales et nous avons l’espoir qu’une analyse ultime et

  7   détaillée de cette affaire permettra d’étudier les

  8   documents en profondeur et de démontrer qu’il y a eu

  9   direction politique.  Je crois que beaucoup peut être tiré

 10   d’une analyse étendue des documents.

 11         Revenons-en à l’annexe 1 et j’ai dit quelle était

 12   notre position en la matière.  Nous allons, bien entendu,

 13   demander à ce que nous ayons un temps supplémentaire pour

 14   pouvoir rétablir les éléments qui doivent être dans ce

 15   document, mais voilà ce que j’avais à dire.

 16         Est-ce que vous avez besoin d’informations

 17   complémentaires ?

 18         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Non, je vous

 19   remercie.

 20         Me Sayers.

 21         Me SAYERS (interprétation) :  Merci, Monsieur le

 22   Président.  Je vais faire de mon mieux pour répondre de

 23   façon spontanée parce que tout cela, n’est-ce pas, ne

 24   figurait pas par écrit, mais voyons les choses une par une.

 25         Le critère à appliquer.  Beaucoup a été dit sur la


Page 16764

  1   question.  Je vais essayer de ne pas trop m’attarder, mais

  2   apparemment, l’Accusation dit que tout élément de preuve,

  3   tout élément de preuve quel qu’il soit satisfait le critère

  4   dit de la Chambre de première instance raisonnable, dont

  5   nous avons parlé aujourd’hui.  Eh bien, nous, nous

  6   déclarons que ce n’est pas le critère qui est d’application

  7   en l’espèce. 

  8         Le principe de départ semble être le suivant.  Il

  9   suffit de montrer que des éléments de preuve relatifs au

 10   fait que des crimes ont été commis à Rotilj ou dans

 11   d’autres, il suffit de le faire pour montrer qu’il y a eu

 12   culpabilité, mais ce n’est pas vrai.  Il faut établir non

 13   seulement qu’il y a eu crime, mais qu’il y a eu crime

 14   commis et que Monsieur Kordic y a joué un rôle, que ces

 15   crimes ont été, par exemple, commis par des personnes sur

 16   lesquelles Monsieur Kordic avait compétence et qu’il est

 17   responsable de leurs crimes. 

 18         Or, ce n’est le cas pour aucun des deux villages

 19   cités et ce n’est vrai ni pour ces villages ni pour

 20   d’autres municipalités, et les raisons pour lesquelles cela

 21   est vrai, je les ai exposées précédemment.

 22         Maintenant, pour ce qui est de l’application de la

 23   règle civile, enfin, qui s’applique parfois dans des

 24   affaires au civil et qui a été invoquée à la fois par vous,

 25   Messieurs les Juges, et par l’Accusation, nous, nous disons


Page 16765

  1   que si l’Article 98 bis ne s’applique pas dans les affaires

  2   civiles, il s’applique effectivement ici.

  3         Pour ce qui est maintenant des constats

  4   judiciaires, nous allons répondre à cet argument par écrit

  5   car nous souhaitons le faire, mais nous le ferons dans le

  6   cadre du délai qui nous a été imparti pour ce faire par la

  7   Chambre.

  8         Pour ce qui est maintenant de Monsieur Kordic plus

  9   directement, une fois encore, l’Accusation a effectivement

 10   prouvé que dans certaines localités, des crimes ont été

 11   perpétrés, mais ils ont, par ailleurs, omis de démontrer

 12   que dans d’autres localités, quelque crime que ce soit ait

 13   été commis.

 14         Regardons les localités pour lesquelles il y a eu

 15   éléments de preuve relatifs à la perpétration de crimes. 

 16   Il y a peu ou pas d’éléments de preuve qui permettent de

 17   penser que ces crimes aient quoi que ce soit à voir avec

 18   Monsieur Kordic.

 19         On dit : « Bien forcément, il était compétent

 20   parce qu’il n’a jamais dit le contraire », mais le fait de

 21   ne pas dire que l’on est compétent, cela ne revient pas à

 22   dire que l’on est effectivement compétent et qu’on a

 23   effectivement les compétences dont les autres pensent que

 24   vous les avez.

 25         Je vous renvoie à la déposition du Major Jennings,


Page 16766

  1   page 8995 :

  2         « Est-ce que vous êtes le commandant du HVO,

  3   Monsieur Kordic ? »

  4         Monsieur Kordic répond :  « Non. »

  5         La question a été posée.  La réponse a été donnée. 

  6   Je ne vais pas revenir dans le détail de tous les éléments

  7   de preuve que nous invoquons dans notre mémoire selon

  8   lesquels des conclusions ont été faites de façon très

  9   libérale.  Forcément, il avait des pouvoirs militaires et

 10   politiques.  Or, personne, personne n’a pu établir cela et

 11   cela ne peut pas avoir valeur probante dans une affaire au

 12   pénal.

 13         Bien !  Revenons maintenant sur le chef

 14   d’accusation 1.  « Et » égale « ou ».  Certainement pas. 

 15   « Et » veut dire un « et » en ce qui me concerne.  Nous,

 16   nous n’avons pas établi ce chef d’accusation.  C’est

 17   l’Accusation qui l’a établi et l’acte d’accusation modifié

 18   a été modifié.  C’est une lapalissade.  Mais il suffit de

 19   regarder le paragraphe 37(J) de l’acte d’accusation modifié

 20   et vous verrez « et » et il s’agit là d’une conjonction,

 21   pas d’une disjonction.

 22         Il y a eu persécution dans toute la HZ-HB et dans

 23   toutes les municipalités dont les noms apparaissent dans

 24   l’acte d’accusation modifié. 

 25         Peut-être qu’il vous serait utile, Monsieur le


Page 16767

  1   Président, Messieurs les Juges – moi, je n’ai pas mon

  2   exemplaire de l’acte d’accusation modifié, je ne l’avais

  3   pas sous les yeux au moment où la question a été soulevée

  4   ce matin – mais les municipalités qui sont spécifiquement

  5   citées dans l’acte d’accusation modifié sont identifiées

  6   dans le paragraphe 5 de notre mémoire et pour environ 24 de

  7   ces municipalités, il n’y a aucun élément de preuve.

  8         Aujourd’hui, on nous dit qu’il y a d’autres zones

  9   qui ne sont pas couvertes par l’acte d’accusation, par

 10   exemple Mostar, dans lesquelles des choses terribles ont

 11   été perpétrées.  Bien, vous verrez que dans le paragraphe 5

 12   auquel je vous ai référé, Mostar est cité et même s’il y a

 13   des choses horribles qui se sont passées à Mostar, il n’y a

 14   aucun élément de preuve qui permet de penser que Monsieur

 15   Kordic avait quoi que ce soit à voir avec ce qui s’est

 16   passé à Mostar et on peut dire la même chose pour la

 17   majeure partie des municipalités évoquées.

 18         Pour ce qui est maintenant du chef d’accusation de

 19   persécutions généralisées qui sont portées à l’encontre de

 20   Monsieur Kordic et qui concernent les discours qu’il a

 21   prononcés très tôt, en septembre 1992, en décembre 1991, je

 22   vous soumets la chose suivante.  Examinez l’ensemble des

 23   bandes vidéos qui vous ont été soumises, examinez

 24   l’ensemble des documents qui vous ont été remis par

 25   l’Accusation, regardez l’ensemble des articles rédigés dans


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  1   les journaux qui vous ont été présentés par l’Accusation. 

  2   Il n’y en a pas un seul qui puisse montrer du doigt, pas

  3   une seule bande vidéo, pas un seul article de presse dont

  4   l’Accusation puisse dire que dans cette cassette vidéo et

  5   dans cet article, Monsieur Kordic tient des propos

  6   discriminatoires, qu’il manifeste sa haine et sa violence. 

  7   Ce n’est pas vrai.  Il n’y a pas une seule trace de cela. 

  8   Les documents sont là.

  9         À vous de les consulter.  À vous de confirmer ce

 10   que je suis en train de vous dire.  Il s’agit en fait de

 11   rapports qui portent sur la reconstitution que d’autres

 12   intervenants font de ce qui a été dit ou fait par Monsieur

 13   Kordic il y a plusieurs années.

 14         Qu’a dit le Témoin AQ ?  Le Témoin AQ est venu ici

 15   dans un seul but, dans le but de dire qu’il y avait eu deux

 16   discours qui avaient été prononcés par Monsieur Kordic le

 17   15 avril.  L’un est la pièce Z765, il s’agit d’une cassette

 18   vidéo, et puis il y a un autre discours pour lequel nous

 19   n’avons pas de cassette vidéo, discours dans le cadre

 20   duquel des commentaires très extrémistes sont formulés.

 21         Je suis bien certain que la Chambre de première

 22   instance se souvient très bien que de nombreuses tentatives

 23   ont été faites qui visaient à convaincre le Témoin AQ que

 24   la cassette vidéo n’était pas exactement la même chose que

 25   le discours dont elle avait souvenir, et le juge présidant


Page 16769

  1   de la Chambre lui a posé la même question et elle a dit :

  2   « Mais non, il s’agit bien d’un seul et même discours. »

  3         Donc, nous vous renvoyons à ces cassettes vidéos, 

  4   nous vous renvoyons à ces articles de presse, nous vous

  5   renvoyons à ces divers documents parce que ce sont là les

  6   meilleurs éléments de preuve qui indiquent ce qu’a dit cet

  7   homme.  On peut le voir sur la bande vidéo, on peut

  8   l’entendre, et vous savez bien qu’il ne dit rien qui soit

  9   assimilable à des actes de persécution ou de

 10   discrimination.

 11         Maintenant, pour ce qui est des différents

 12   villages qui sont mentionnés par l’Accusation, eh bien, il

 13   est assez rafraîchissant de s’entendre dire que Zenica et

 14   Fojnica ne font pas partie des villages… pardon, Travnik et

 15   Fojnica ne font pas partie des villages pour lesquels des

 16   crimes spécifiques sont décrits. 

 17         Pour ce qui est de Rotilj et Tulica, je l’ai dit,

 18   pas de connexion établie avec Dario Kordic.  Pour Zepce,

 19   pas non plus de lien établi avec Dario Kordic.  On a

 20   invoqué le Colonel Stutt, le Témoin AD, mais aucun de ces

 21   témoins n’a dit que Monsieur Kordic avait quelque pouvoir

 22   ou compétence que ce soit à Zepce.  D’ailleurs, le Colonel

 23   Stutt a dit exactement l’inverse.

 24         Donc, il n’y a aucun élément de preuve tendant à

 25   démontrer que Monsieur Kordic avait quelque influence que


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  1   ce soit, que ce soit à Zepce, et rien n’indique, loin de

  2   là, que des personnes ont été placées sous ses ordres que

  3   l’on parle d’un point de vue militaire ou d’un point de vue

  4   civil et qu’aucune de ces personnes placées prétendument

  5   sous ses ordres a commis les crimes perpétrés à Zepce.

  6         Pour ce qui est maintenant du pilonnage de Zenica,

  7   je vous renvoie à notre mémoire.  Nous n’avons rien à

  8   ajouter.

  9         Pour ce qui est de Divjak, eh bien, je crois qu’il

 10   y a concession faite selon laquelle le chef d’accusation 43

 11   doit être annulé parce qu’il n’y a pas d’éléments de preuve

 12   démontrant qu’il y a eu destruction d’institutions et de

 13   bâtiments consacrés à l’éducation pour ce qui est de

 14   Busovaca.

 15   [expurgée]

 16   [expurgée]

 17   [expurgée]

 18   [expurgée]

 19   [expurgée]

 20   [expurgée]

 21   [expurgée]

 22   [expurgée]

 23   [expurgée]

 24         Alors, peut-être me corrigerez-vous mais il me

 25   semble que seuls quatre musulmans au sein du gouvernement


Page 16771

  1   de Busovaca siégeaient au sein de ce gouvernement et je ne

  2   crois pas qu’aucun d’entre eux se soit vu demander de

  3   signer une prestation d’allégeance et je n’ai aucun

  4   souvenir que qui que ce soit ait dit que les musulmans

  5   faisant partie du gouvernement de Busovaca s’étaient vu

  6   exiger de signer ces plaidoyers.

  7         Pour le Témoin M, il n’a pas perdu son emploi.  Il

  8   n’a pas signé cette allégeance.  Il est resté à son poste. 

  9   Le Témoin O a dit que, bon, son poste avait été supprimé,

 10   mais il n’a pas été jeté à la rue.  Il a simplement repris

 11   son travail précédent dans l’usine, l’usine qui se

 12   trouvait, je crois, juste au nord-ouest de Busovaca.  Il a

 13   continué à travailler et il a continué à recevoir salaire. 

 14   Personne ne lui a demandé de prêter allégeance ou quoi que

 15   ce soit d’approchant.

 16         Pour ce qui est maintenant des allégations de

 17   purification ethnique inversée, je dois dire que

 18   j’accueille ces allégations avec une certaine dose de

 19   scepticisme parce qu’on semble dire que dès lors qu’un

 20   musulman de Bosnie est expulsé de son domicile, il s’agit

 21   de purification ethnique, mais si un Croate de Bosnie est

 22   expulsé de sa maison, c’est aussi la faute des Croates de

 23   Bosnie.  Je ne crois pas que l’on puisse soutenir cette

 24   thèse de la purification ethnique inversée.  D’ailleurs,

 25   les documents de l’ECMM l’indiquent parfaitement.


Page 16772

  1         Pour ce qui est maintenant de Ahmici et du rapport

  2   établi par Ahmici, je ne vais rien dire là-dessus. 

  3   L’Accusation dit : « Il s’agit ici de tentatives de

  4   camouflage ou de couverture et donc c’est forcément

  5   Kordic », mais ce n’est pas Kordic qui a donné ce document. 

  6   C’est l’Accusation qui a soumis ce document et rien ne

  7   permet de dire que Monsieur Kordic a joué un rôle

  8   quelconque dans cette tentative de couvrir ce qui s’est

  9   effectivement passé.  Je vous rappelle l’ordre qui a été

 10   rendu le 10 mai 1993 qui a été délivré par le Colonel

 11   Blaskic et il ne s’agit pas d’un ordre factice ou d’un

 12   ordre qui voudrait couvrir quoi que ce soit.

 13         Pour ce qui est maintenant de Stupni Do, là je

 14   dois dire qu’il n’y a aucun, aucun élément de preuve

 15   tendant à montrer que Monsieur Kordic exerçait quelque

 16   influence que ce soit.  D’ailleurs, la Chambre de première

 17   instance se rappellera fort bien ce qu’a dit le Témoin AD

 18   de façon extrêmement graphique, à savoir que Monsieur

 19   Kordic semblait parfois être tout à fait détaché des

 20   événements parce qu’il se rendait même parfois dans la

 21   poche de Vitez-Busovaca.  Il ne semblait pas être au

 22   courant de ce qui se faisait là-bas.

 23         Le Colonel Stutt confirme ça dans sa déposition. 

 24   Il dit que Monsieur Kordic supervisait tout ça d’assez haut

 25   et qu’il n’avait rien à voir avec les détails de ce qui se


Page 16773

  1   passait sur le terrain, que c’était le Colonel Blaskic qui

  2   s’occupait des détails matériels et de ce qui se passait

  3   effectivement sur le terrain.

  4         Il y a des distinctions qui sont faites entre la

  5   poche de Vares et la poche de Vitez-Busovaca et rien ne dit

  6   que Monsieur Kordic ait été vu dans la région de Vares en

  7   1993 et s’appuyer sur des ordres qui ont été signés en

  8   1992, pour moi, ce n’est pas très convaincant et je ne

  9   crois pas que cela ait quelque valeur que ce soit.  Je vais

 10   ralentir.

 11         Pour ce qui est des conclusions que l’Accusation

 12   tente de faire découler des dépositions tout à fait

 13   contestables du Témoin AO, même… il me faudra encore trois

 14   minutes, Monsieur le Président.

 15         Donc, comme je le disais, pour ce qui est du

 16   Témoin AO, les conclusions que l’Accusation cherche à tirer

 17   de sa déposition sont parfaitement injustifiées. 

 18         Même si vous regardez tout ce qu’a dit le témoin

 19   et si vous affirmez que c’est parfaitement exact, ce qui

 20   d’après nous n’est pas du tout le cas, mais même si vous

 21   partez du principe que tout est rigoureusement vrai, il ne

 22   dit pas à qui Rajic a parlé lorsqu’il s’est rendu dans le

 23   centre de commandement opérationnel, comme il l’indique. 

 24   Il n’a pas dit que Rajic s’est entretenu avec Kordic. 

 25         Il a simplement dit que soit le nom de Kordic,


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  1   soit le nom de Petkovic a été cité dans un contexte assez

  2   flou après qu’il soit rentré du centre de communication et

  3   c’est tout.  C’est tout ce que nous obtenons. 

  4         Il n’y a aucune affirmation qui laisserait à

  5   penser que Rajic avait des liens et des communications avec

  6   Kordic et la meilleure preuve de savoir qui commandait qui

  7   c’est la chose suivante.  Onze jours avant les événements

  8   de Stupni Do, il y a eu des documents émis par l’ECMM qui

  9   indiquent que Kordic [sic] émet un ordre à destination de

 10   Rajic parce qu’il veut que certaines améliorations soient

 11   introduites et cela, vous le trouvez dans un document

 12   contemporain des faits rédigé par l’ECMM et cela se fait de

 13   façon normale dans le cadre d’une chaîne de commandement

 14   militaire parfaitement traditionnelle.

 15         Pardon, je vois que le compte-rendu indique que

 16   Kordic émet un ordre à l’intention de Rajic, mais non, je

 17   me suis trompé, c’est Blaskic qui délivre un ordre à

 18   l’intention de Rajic demandant que des améliorations soient

 19   introduites parce qu’apparemment, il fallait réparer

 20   certaines routes.  Des demandes avaient été formulées.  Ces

 21   demandes n’avaient pas été suivies d’effet, donc un ordre a

 22   été émis et ça se passe peut de jours avant les événements

 23   de Stupni Do.

 24         Bien !  Pour Kiseljak, je crois que j’en ai

 25   suffisamment parlé.


Page 16775

  1         Pour ce qui est maintenant de la question du

  2   conflit international armé et du commentaire qui a été fait

  3   à ce sujet par l’Accusation qui dit que ce n’est pas

  4   contesté, mais si, c’est contesté et nous répondrons à cet

  5   argument dans le cadre du délai qui nous est imparti par la

  6   Chambre de première instance.  Je crois que nous avons

  7   jusqu’à vendredi prochain, n’est-ce pas ?  Eh bien, nous

  8   serons là.

  9         Pour conclure, je dirai que Monsieur le Juge May a

 10   fait un commentaire parfaitement valable au début de cette

 11   affaire : « J’espère que nous n’allons pas parler de

 12   politique. »  Or, voilà, nous parlons beaucoup de politique

 13   et c’est peut-être malheureux, mais ce ne sont pas les

 14   institutions politiques qui sont en procès ici.  Ce n’est

 15   pas le feu Président Tudjman qui est en procès ici.  C’est

 16   monsieur Kordic qui est en procès et ce qu’il a fait, ce

 17   qu’il a dit.  C’est sur cela que la Chambre doit se

 18   concentrer.

 19         L’Accusation a fait de son mieux.  Elle a disposé

 20   de 11 mois pour présenter ses éléments à charge.  Je crois

 21   que la Chambre a été extraordinairement généreuse parce

 22   qu’elle a accordé 150 témoins et 11 mois à l’Accusation qui

 23   disposait de tout ce temps pour montrer quels avaient été

 24   les crimes commis par Monsieur Kordic et pour démontrer

 25   quels étaient les liens qui rattachaient ces crimes à


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  1   Monsieur Kordic.

  2         L’Accusation a soumis une montagne de documents,

  3   des milliers de pages de documents.  Ce procès pénal est en

  4   cours, en fait, depuis cinq ou six ans, Monsieur le

  5   Président, Messieurs les Juges, et le temps est venu pour

  6   les juges de cette Chambre de se plonger sur les éléments

  7   de preuve et d’établir qu’aucune preuve au-delà de tout

  8   doute raisonnable n’a été établie pour la responsabilité de

  9   Monsieur Kordic pour quelque crime que ce soit, et d’autre

 10   part, pour reconnaître qu’aucune Chambre de première

 11   instance ne pourrait s’appuyer sur ces éléments de preuve

 12   pour condamner Monsieur Kordic pour l’un quelconque des

 13   crimes allégués dans l’acte d’accusation modifié, même dans

 14   les cas où il existe quelques éléments de preuve relatifs

 15   aux événements qui se sont produits dans certaines

 16   municipalités.

 17         Donc, nous demandons à ce que la Chambre applique

 18   l’Article 98 bis du Règlement, de même que l’a fait la

 19   Chambre de première instance qui a entendu l’affaire

 20   Jelisic, et ainsi, nous atteindrons l’acquittement et la

 21   décision que tout le monde attend.

 22         Me KOVACIC (interprétation) :  Je parlerai très

 23   brièvement parce qu’il est très tard et il est inutile de

 24   faire des commentaires s’ajoutant aux commentaires de mon

 25   collègue.  Je vais poursuivre en croate, c’est plus facile.


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  1         La même confusion, il n’y a pas de personnes

  2   subordonnées à Cerkez en 1992.  Dès le mémoire préalable au

  3   procès, nous avons indiqué quelle était la fonction de

  4   Cerkez, alors que pendant la procédure ici, rien n’a été

  5   montré indiquant le contraire.

  6         Il n’est pas possible de rendre Cerkez responsable

  7   de ce qui s’est passé durant cette période, à moins que ce

  8   soit les faits commis par lui-même.  C’est seulement à

  9   partir du moment où il est devenu commandant de la brigade

 10   de Vitez qu’on peut parler de sa responsabilité.

 11         En ce qui concerne Novi Travnik, ça, c’est vrai,

 12   il est devenu membre du commandement de la Brigade Stjepan

 13   Tomasevic.  Physiquement, il était à Novi Travnik.  Il

 14   était membre du commandement.  Il n’était pas le commandant

 15   lui-même.  Il était actif dans la lutte contre les Serbes à

 16   Vlasic et rien n’indique qu’il aurait commis un acte

 17   criminel lui-même.  Pourquoi ?  Là encore, nous parlons de

 18   la période.  Au cours de cette période, en 1992, à Novi

 19   Travnik, rien ne s’est passé.

 20         Après le mois d’octobre, un cessez-le-feu a été

 21   établi à Novi Travnik.  Cerkez arrive à Novi Travnik vers

 22   la fin de l’année 1992, alors qu’il ne se passe rien de

 23   mauvais dans cette période.  Nous n’avons entendu parler

 24   d’aucun incident.  Par la suite, nous avons entendu parler

 25   d’un meurtre mais ce meurtre n’a rien à voir avec les


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  1   soldats de la brigade.

  2         Donc, trois points sont mentionnés : Novi Travnik,

  3   Vitez, Busovaca.  Vitez : très bien, une guerre sévissait à

  4   Vitez à partir d’un certain moment, mais ici, rien ne s’est

  5   passé.

  6         Ensuite, un autre point dont je souhaitais parler. 

  7   Peut-être je n’ai pas été suffisamment clair.  Peut-être

  8   c’est mon erreur.  En ce qui concerne les listes des

  9   criminels de guerre constituées par le Témoin Rebihic et

 10   concernant lesquelles je pense qu’il s’agit de documents

 11   importants, moi, je n’ai pas dit cela en voulant dire que

 12   Cerkez ne peut pas être tenu pour responsable puisqu’il ne

 13   figure sur aucune liste, mais il est clair donc que Cerkez

 14   n’a pas de responsabilité individuelle selon l’opinion de

 15   ce Rebihic, officier de renseignement, et il n’aurait pas

 16   pu l’oublier puisqu’il se trouvait à quelques centaines de

 17   mètres vis-à-vis de Cerkez.

 18         Il est certain que Rebihic n’a pas rédigé ces

 19   listes du point de vue juridique.  C’est ce qu’il a dit

 20   d’ailleurs en réponse à notre question.  Donc, il ne

 21   pouvait pas penser de la théorie de la responsabilité de

 22   supérieur hiérarchique.  Il s’agit de quelqu’un

 23   pratiquement d’illettré dans ce domaine.  Donc, il n’aurait

 24   pas pu avoir cela dans l’esprit.

 25         Ce qu’il souhaitait établir c’était les personnes


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  1   ayant commis les actes criminels.  Il est certain qu’il ne

  2   pouvait pas avoir dans l’esprit la responsabilité en vertu

  3   de l’Article 7(3) du Statut.  À l’époque, le Statut

  4   n’existait même pas et même s’il avait existé, de toute

  5   façon, la personne était en Bosnie à ce moment-là et

  6   n’aurait pas su.

  7         Il faut savoir également qu’au mois de mai, en ce

  8   qui concerne Vukadinovic et ce qu’il a fait, au mois de

  9   mai, Cerkez n’était pas son supérieur en mai 1992. 

 10   Vukadinovic faisait partie de la police militaire.  À

 11   l’époque, il y avait un état-major municipal à Vitez

 12   présidé par Skopljak.  Donc, si quelqu’un a fait un crime

 13   en 1992 à Vitez, ce n’est pas Cerkez qui peut être tenu

 14   pour responsable puisqu’il n’est pas à un poste de pouvoir,

 15   d’autorité à ce moment-là.

 16         Or, rien n’indique qu’au cours de l’année 1992,

 17   Cerkez a fait quoi que ce soit lui-même.  Donc, c’est

 18   seulement à la fin du mois de février 1993 que Cerkez

 19   devient commandant de la Brigade Stjepan Tomasevic et par

 20   la suite, devient le commandant de la brigade de Vitez. 

 21   Donc, c’est seulement à partir de ces moments-là qu’il peut

 22   éventuellement être tenu pour responsable comme supérieur

 23   hiérarchique.

 24         M. LE JUGE BENNOUNA :  Est-ce que votre demande

 25   consiste à dire… je dis bien par rapport à la question qui


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  1   nous concerne, c’est-à-dire par rapport à l’application de

  2   l’Article 98 bis.  Qu’est-ce que vous nous demandez à la

  3   Chambre exactement ?  De ne pas considérer tous les actes

  4   qui vont jusqu’à février 1993 ?  Je ne comprends pas très

  5   bien votre demande par rapport à l’Article 98 bis. 

  6   Pratiquement, quel est l’impact de votre remarque sur la

  7   mise en œuvre de l’Article 98 bis ?  Qu’est-ce que vous

  8   demandez exactement à la Chambre ?

  9         Me KOVACIC (interprétation) :  Excusez-moi,

 10   j’essaie d’aller rapidement et donc je suppose que c’est

 11   pour cela que je fais certaines erreurs.

 12         Monsieur le Juge, voici ma proposition et je pense

 13   que si l’on interprète de manière juste l’Article 98 bis,

 14   il est nécessaire de conclure que les juges disposent des

 15   pouvoirs de rejeter même certaines parties de certains

 16   chefs d’accusation.  Il est certain également que les juges

 17   peuvent rejeter l’ensemble de l’acte d’accusation ou bien

 18   certains chefs de l’acte d’accusation mais je considère que

 19   les Juges ont même le pouvoir, concrètement parlant – là,

 20   je vais vous donner un exemple en ce qui concerne le chef

 21   d’accusation 2 concernant les persécutions – de rejeter

 22   l’accusation concernant la période entre avril 1992 et

 23   avril 1993 et rejeter cela…

 24         M. LE JUGE BENNOUNA :  Me Kovacic, est-ce que ça

 25   ne revient pas à modifier l’acte d’accusation ce que vous


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  1   demandez ?  Est-ce que l’Article 98 vise à dire : « Est-ce

  2   qu’on conclut à l’acquittement ou pas de l’accusé du fait

  3   que les preuves sont jugées insuffisantes ? »  Et si vous

  4   nous dites : « Non.  Une partie d’un chef d’accusation peut

  5   être éliminée, peut être deleted, peut être tout simplement

  6   biffée », est-ce que ça ne revient pas à changer l’acte

  7   d’accusation ?

  8         Me KOVACIC (interprétation) :  Monsieur le Juge,

  9   je ne demande pas la modification de l’acte d’accusation

 10   puisque cela nous ramenerait en arrière.  Moi, je demande

 11   que les juges rendent une décision, un jugement concernant

 12   un chef d’accusation ou au moins une partie de ce chef

 13   d’accusation, parce que si les juges peuvent rejeter

 14   l’ensemble de l’acte d’accusation en ce moment par le biais

 15   d’une décision, ça veut dire qu’en appliquant le même

 16   principe, ils peuvent également rejeter une partie de cet

 17   acte d’accusation.

 18         Donc en fait, le résultat serait le fait que

 19   l’accusation serait réduite.  Les juges peuvent rejeter la

 20   partie du chef d’accusation concernant laquelle nous

 21   n’avons pas entendu et nous n’avons pas reçu de moyens de

 22   preuve, au moins des moyens de preuve qui correspondent au

 23   moins au critère de prima facie.

 24         Là, je parle à titre d’exemple uniquement du chef

 25   d’accusation numéro 2.  Nous maintenons que les moyens


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  1   preuve qui ont été avancés en ce qui concerne le chef

  2   d’accusation numéro 2 ne sont pas de nature à faire l’objet

  3   d’une décision condamnant notre client.  Il n’y a pas de

  4   moyens de preuve qui correspondraient au critère prima

  5   facie.

  6         Donc, c’est ce que je considère et je considère

  7   que les juges disposent des pouvoirs de le faire.

  8         Je vous remercie.

  9         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Merci.

 10                     [La Chambre discute]

 11         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous allons

 12   nous pencher sur toutes ces questions et rendrons notre

 13   décision la semaine prochaine.

 14         Me SAYERS (interprétation) :  Puis-je juste dire

 15   une chose ?

 16         Il y a une requête ex parte à huis clos qui est

 17   encore pendante devant le Tribunal.  Si le Tribunal pouvait

 18   prendre une décision en la matière, cela paraît urgent.  Il

 19   y a aussi des demandes qui n’ont pas encore été adressées,

 20   qui relèvent des mêmes questions et nous aimerions une

 21   décision aussi rapide à ce propos que possible.

 22         --- La requête pour audition est levée

 23         à 17 h 05

 24  

 25