Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1               Le mardi 11 avril 2000

  2               [Remarques préliminaires – Défense]

  3               [Audience publique]

  4               [Les accusés entrent dans la Cour]

  5               --- L’audience débute à 9 h 35

  6         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Kovacic.

  7         Me KOVACIC (interprétation) :  Merci, Monsieur le

  8   Président.

  9         La Défense de l’Accusé Dario Kordic parlait hier

 10   de toutes les circonstances générales ayant trait d’une

 11   manière ou d’une autre, directement ou indirectement, à

 12   l’estimation, à la perception même des événements qui se

 13   sont produits au cours de l’année 1992-1993 dans la vallée

 14   de la Lasva ou pour être plus précis, dans la poche de

 15   Vitez.  Bien sûr, tous ces événements ont leurs propres

 16   implications du point de vue de la culpabilité de l’accusé

 17   et les juges adopteront leurs propres conclusions là-

 18   dessus, et dans ce sens, ces circonstances générales, ce

 19   contexte permet de créer une image réelle des événements

 20   qui se sont produits là-bas.

 21         Mais sur la base de cette image générale, nous

 22   devons nous pencher sur ce qui nous intéresse dans ce

 23   procès, à savoir l’individualisation de la culpabilité, et

 24   il n’est pas possible d’examiner les pièces à conviction

 25   présentées dans le cadre de cette affaire de manière


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  1   stérile, séparée de la réalité, mais nous devrons quand

  2   même nous pencher sur l’individualisation de la culpabilité

  3   et le rôle des accusés vis-à-vis de ce qui est affirmé dans

  4   le cadre de la mise en accusation et c’est ce qui constitue

  5   la clé de voûte de cette affaire.

  6         Nous nous penchons sur des événements spécifiques

  7   qui se sont produits en Bosnie durant une certaine période. 

  8   En effet, nous nous penchons sur un conflit interethnique. 

  9   Il n’y a pas de doute.  Ceci n’est pas contesté.  Il s’agit

 10   d’un conflit qui a commencé par l’agression de la JNA et

 11   des forces paramilitaires serbes des Serbes de Bosnie mais

 12   aussi des Serbes de l’extérieur de Bosnie, et en

 13   conséquence de ce conflit, un conflit a éclaté entre les

 14   Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie, au moins dans

 15   certaines parties de la Bosnie et même dans une certaine

 16   mesure, par la suite, un conflit a éclaté entre certains

 17   groupes de Musulmans et d’autres groupes de Musulmans.

 18         Compte tenu du contexte, et nous en parlerons dans

 19   notre défense, il est important de noter que le conflit

 20   entre les Croates et les Musulmans ne constituait qu’une

 21   conséquence de l’agression serbe en Bosnie, et lorsque nous

 22   nous plaçons dans le temps – et là, j’en parlerai lorsque

 23   je parlerai du chef d’accusation 2 de l’acte d’accusation,

 24   à savoir les persécutions – c’est seulement à ce moment-là

 25   que nous arrivons à une image réelle, puisqu’au cours de


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  1   l’année 1992, tous les efforts du HVO ont été dirigés vers

  2   la lutte contre les Serbes alors qu’au cours de 1993, la

  3   situation change à cause des événements et à cause de

  4   l’évolution de la situation.

  5         C’est pour cela que dès le début, nous critiquons

  6   l’acte d’accusation, parce que sur la base de certaines

  7   phrases figurant notamment dans l’introduction de l’acte

  8   d’accusation, nous sortons de la sphère de la réalité,

  9   puisqu’il est impliqué, il est sous-entendu que le HVO – au

 10   moins le HVO qui nous concerne – dans la poche de Vitez, au

 11   cours de l’année 1992, soi-disant se préparait pour le

 12   conflit imminent avec les Musulmans de Bosnie, alors qu’on

 13   cache le fait que l’unique tâche et l’unique raison-d’être

 14   du HVO dans la poche de Vitez à l’époque était la lutte

 15   contre l’agresseur, à savoir les Serbes, et nous allons de

 16   prouver cela par le biais de nos moyens de preuve.

 17         En ce qui concerne tous ces événements qui se sont

 18   produits en Bosnie en 1992-1993, il s’agit là des

 19   événements extrêmement confus et il n’est pas facile

 20   d’arriver à une image réelle.  C’est pour cela que ces

 21   genres de procès sont complexes et longs puisqu’il est

 22   nécessaire de prendre en considération beaucoup d’éléments

 23   afin d’arriver à une image réelle.

 24         Je souhaite simplement citer une phrase du livre

 25   du Général Bob Stewart et je vais citer cette phrase


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  1   simplement parce qu’il s’agit là d’une des questions

  2   pertinentes qui nous concernent.  Dans son livre… et ceci a

  3   été cité dans l’affaire Blaskic à la page 232824, et donc,

  4   c’est une citation directe du livre de Bob Stewart,

  5   « Broken Lives » ou « Vies brisées ».

  6         Je vais lire :  « Même la différentiation entre

  7   l’aspect civil et militaire est impossible.  La Bosnie est

  8   en proie à une guerre civile classique où les civils

  9   luttent contre les civils. »

 10         Et c’est sur la dernière phrase que je mets

 11   l’accent :  « Celui qui est un civil à un moment est un

 12   militaire, un soldat le moment suivant. »

 13         Cette phrase contient une question clé justement

 14   pour la Défense de Monsieur Cerkez puisqu’il s’agit là

 15   d’une des questions qui apparaît dans notre affaire, à

 16   savoir la question de savoir quelle est la différence entre

 17   les civils et les soldats et entre les soldats différents

 18   du point de vue de leur appartenance à une certaine unité.

 19         Pour être tout à fait concret, la Défense de

 20   Cerkez, dans sa présentation des moyens de preuve,

 21   s’efforcera de prouver, de montrer que certains crimes,

 22   certains actes criminels qui ont été commis au cours de la

 23   deuxième moitié de l’année 1993 à Vitez et notamment après

 24   le début du conflit le 16 avril, qu’il n’y a pas de preuve

 25   ou bien plutôt nous allons montrer qu’il n’a pas été prouvé


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  1   qu’il s’agissait des unités ou bien de la brigade pour

  2   laquelle Mario Cerkez peut être considéré comme

  3   responsable, que donc cette brigade-là n’a pas commis ces

  4   crimes-là.  Je vais en parler plus tard.

  5         Deuxième question concernant le contexte général,

  6   et nous en parlerons dans le cadre de notre défense, est la

  7   question de savoir pourquoi une situation pleine de tension

  8   et de chaos qui a commencé fin 1992 et qui s’est poursuivie

  9   au cours de l’année 1993 a explosé le 16 avril 1993.  C’est

 10   à ce moment-là qu’un conflit ouvert a éclaté entre les deux

 11   parties en Bosnie centrale.  Bien sûr, nous souhaitons

 12   savoir quelle en est la motivation.  Bien sûr, nous devons

 13   procéder à une analyse des causes et des raisons.

 14         Au cours de la procédure qui a eu lieu jusqu’à

 15   maintenant dans le cadre de la présentation des moyens de

 16   preuve du Procureur, par le biais de certains documents,

 17   l’on a mentionné également le Plan Vance-Owen.  Bien sûr,

 18   la situation en Bosnie était beaucoup trop complexe et

 19   aucune conséquence ne peut être expliquée par une seule

 20   cause, mais il n’y a pas de doute certainement non plus que

 21   le Plan Vance-Owen constituait un facteur important dans

 22   les événements qui se sont produits et était certainement

 23   l’une des causes importantes qui ont provoqué cette guerre.

 24         Je vais lire encore une fois une seule phrase d’un

 25   document qui a été versé au dossier par le biais de la


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  1   déposition de l’officier de Boer.  Le titre est : « From

  2   Intelligence », « Sur la base de renseignements ».  Nous

  3   avons déjà vu ce document, mais je veux lire la phrase

  4   suivante :  « Le concept du partage sera marqué dans

  5   l’histoire en tant que Plan Vance-Owen, sera introduit dans

  6   l’histoire en tant que Plan Vance-Owen. »

  7         Je souhaite simplement souligner que le Plan

  8   Vance-Owen est sans doute la cause principale, même si ce

  9   n’est pas l’unique cause du conflit, de la confrontation

 10   entre les Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie et

 11   c’est pourquoi la Défense tentera de présenter des moyens

 12   de preuve devant cette Chambre indiquant que ce n’est pas

 13   les Croates de Bosnie, ni la HZ H-B, ni le HVO qui avait

 14   conçu un plan secret qu’ils auraient décidé de mettre en

 15   œuvre ce 16 avril et ils n’ont certainement pas conçu,

 16   concocté un tel plan dès l’année 1992, comme le Procureur

 17   l’a affirmé, mais le conflit a éclaté d’une manière

 18   incontrôlée, quel que soit le camp qui a effectivement

 19   commencé le conflit, qui était le premier à lancer

 20   l’offensive.

 21         Nous n’avons pas entendu d’affirmations directes à

 22   ce sujet dans le cadre de cette procédure.  Il est

 23   considéré que c’était le HVO, mais nous avons vu des

 24   documents également indiquant que ce n’était pas le HVO. 

 25   Cependant, la Défense de Cerkez considère qu’il n’est pas


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  1   important de savoir très exactement lequel des camps a jeté

  2   une allumette sur un jerrycan rempli de pétrole.  Le fait

  3   reste que la situation était mure pour que quelque chose

  4   comme cela se produise.

  5         Nous affirmons, et nous essaierons de prouver

  6   cela, que tout le monde était la victime et que l’une des

  7   causes importantes n’était pas seulement ce Plan Vance-Owen

  8   en tant que document, en tant que base sur laquelle sa mise

  9   en œuvre a été essayée d’être organisée, mais l’ensemble de

 10   la situation, non pas seulement à cause de la situation et

 11   des rapports internes en Bosnie, non pas seulement à cause

 12   de la désintégration de la Yougoslavie, mais aussi dans une

 13   certaine mesure à cause de la réaction ou à cause de la

 14   réaction non-appropriée de la communauté internationale

 15   qui, il faut le souligner, a commencé à s’occuper de ses

 16   rapports avec les meilleures intentions, avec les

 17   intentions honnêtes, mais elle n’a pas réussi à faire face

 18   à la situation de manière appropriée.

 19         L’acte d’accusation contre mon accusé, Mario

 20   Cerkez, contient au total 22 chefs d’accusation et si nous

 21   oublions les points formels de droit, cinq actes criminels

 22   sont mentionnés et un sixième acte criminel mentionné comme

 23   persécution.  Il est inutile que je l’analyse dans les

 24   détails.  Nous savons tous ce que ça veut dire.

 25         Ce que je considère comme étant important pour


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  1   notre défense est simplement de noter quelle est la période

  2   liée à ces actes criminels.  Si nous oublions en ce moment

  3   le chef d’accusation 2 concernant les persécutions, le tout

  4   s’est passé en avril 1993.

  5         Monsieur le Président, je vois qu’il n’y a pas

  6   plus de transcript mais je peux poursuivre quand même.

  7                     [La Chambre discute]

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Il y a des

  9   difficultés techniques.  Il faudra quelques minutes pour

 10   les résoudre mais le transcript sera enregistré.  Donc,

 11   vous pouvez poursuivre, Me Kovacic.

 12         Me KOVACIC (interprétation) :  Très bien.

 13         Dans le fond, tout ce qui s’est passé, tout ce qui

 14   est mentionné dans l’acte d’accusation en ce qui concerne

 15   mon client s’est produit au mois d’avril 1993.  Nous allons

 16   essayer de prouver cela dans le cadre de notre présentation

 17   des moyens de preuve de la Défense, mais nous devrons

 18   montrer également qu’à partir du mois d’avril 1993, s’il

 19   est vraiment possible dans le cadre de cette guerre civile

 20   de faire une différence entre les victimes et les auteurs

 21   de crimes, dans ce cas-là, il est nécessaire de savoir

 22   qu’après le mois d’avril 1993, les victimes changent, si

 23   jamais il n’est pas possible d’affirmer que tout le monde

 24   est victime dans une guerre civile.

 25         En ce qui concerne la personne, la personnalité de


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  1   Mario Cerkez, je ne souhaite pas aller dans beaucoup de

  2   détails en ce qui concerne cela.  Nous avons déjà exprimé

  3   notre opinion dans le mémoire préalable au procès.  Bien

  4   sûr, nous allons citer à la barre un certain nombre de

  5   témoins de moralité qui vont parler de la personnalité de

  6   l’accusé.

  7         Nous considérons, en tant que juristes du droit

  8   criminel, que le caractère de ce genre d’acte criminel peut

  9   servir comme indication.  Par exemple en ce qui concerne le

 10   chef d’accusation de persécution, nous pourrons prouver que

 11   Cerkez n’a jamais eu d’idées préconçues sur le plan

 12   ethnique, qu’il a été élevé dans un milieu multiethnique et

 13   qu’il n’a jamais eu de raison et qu’il n’a jamais fait

 14   preuve d’un changement de ce genre d’attitude.

 15         Ceci peut être lié aux motivations de l’accusé, et

 16   en ce qui concerne chaque acte criminel, y compris les

 17   actes criminels cités dans cet acte d’accusation, il est

 18   nécessaire de les prendre en considération, de prendre les

 19   motivations en considération, et nous sommes convaincus

 20   qu’en ce qui concerne ces actes criminels là, la seule

 21   motivation pourrait être des idées préconçues vis-à-vis

 22   d’une autre communauté ethnique, et tout simplement, nous

 23   allons prouver que ce genre d’idée préconçue n’existait

 24   jamais dans la personnalité de notre client.

 25         Bien sûr, nous essaierons de prouver également un


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  1   fait, à savoir qu’il est nécessaire de prouver l’intention

  2   discriminatoire liée au chef d’accusation de persécution,

  3   parce qu’il a été stipulé qu’il est nécessaire de prouver

  4   l’intention discriminatoire.  Donc, le comportement de

  5   l’accusé avant le conflit, dans le cadre de sa vie, y

  6   compris au cours du conflit, peut montrer, peut servir

  7   d’indice, d’un des indices montrant qu’il n’avait pas

  8   l’intention de procéder à des persécutions, parce que si la

  9   personne ne fait pas preuve d’une attitude discriminatoire

 10   vis-à-vis de l’autre communauté ethnique, l’on ne peut pas

 11   parler non plus de persécution.

 12         En ce qui concerne la personnalité même de

 13   l’accusé, je pense qu’il est inutile d’ajouter d’autres

 14   éléments à ce sujet, sauf pour dire qu’il s’agissait d’une

 15   personne normale, moyenne, qui n’a jamais eu de problèmes

 16   vis-à-vis de la loi, même en parlant de délits de moindre

 17   importance, sans parler de quoi que ce soit de plus

 18   important.

 19         Le troisième élément dont je souhaite parler est

 20   le chef d’accusation 2, persécution, et je demanderais à

 21   l’Huissier de placer un document sur le rétroprojecteur et

 22   de distribuer un document afin de nous permettre de suivre

 23   plus facilement ce que je dirai.

 24         Peut-on placer un exemplaire sur le

 25   rétroprojecteur ?


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  1         J’ai préparé cet organigramme afin de permettre de

  2   suivre plus facilement et d’économiser le temps un peu.

  3         L’acte d’accusation met en cause mon client pour

  4   la persécution entre avril 1992 et septembre 1993 et il

  5   s’agit là de la ligne au milieu de l’organigramme.  J’ai

  6   marqué ici les deux premières périodes dont nous traitions

  7   et je pense que sur la base de la présentation des moyens

  8   de preuve de l’Accusation, ceci est plutôt clair.

  9         À partir d’avril 1992 jusqu’à avril 1993, ou plus

 10   exactement le 16 avril, nous avons une situation générale

 11   de chaos, d’anarchie, la situation dans laquelle il n’y a

 12   pas de gouvernement.  Il n’y a pas de pouvoir central en

 13   Bosnie et il n’y a même pas de pouvoir local.  Les pouvoirs

 14   fonctionnent sur la base de l’improvisation, sur la base

 15   des compétences ou de manque de compétences de personnes

 16   qui font partie des autorités municipales.

 17         Il est nécessaire de comprendre que l’organisation

 18   de pouvoirs dans les ex-républiques de la RSFY, y compris

 19   en Bosnie, était tout à fait décentralisée du point de vue

 20   d’un grand nombre de compétences, même s’il y a eu une base

 21   centralisée, mais ce que je souhaite dire c’est que les

 22   municipalités constituaient un élément extrêmement

 23   important dans le cadre de l’organisation de pouvoirs et

 24   exerçait une fonction extrêmement importante en ce qui

 25   concerne le volet exécutoire du pouvoir d’État.


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  1         Lorsque le chaos a éclaté en Bosnie, lorsque

  2   l’État nouvellement reconnu, l’État de Bosnie-Herzégovine,

  3   a arrêté de fonctionner effectivement à cause du fait que

  4   son centre était isolé et occupé et à cause du fait que 70

  5   pour cent du territoire de l’État était occupé par les

  6   Serbes de Bosnie, à ce moment-là, les pouvoirs municipaux

  7   ont essayé de faire face à la situation au mieux de leurs

  8   possibilités.  Parfois, ils le faisaient avec plus, parfois

  9   avec moins de succès.

 10         Nous allons voir quelle a été la situation en ce

 11   qui concerne Vitez, mais au cours de cette période et

 12   justement à cause de ces défaillances du point de vue du

 13   fonctionnement des autorités, nous avons eu une situation

 14   illégale, une situation où les groupes criminels organisés

 15   et aussi non-organisés fonctionnaient, où les pillages, les

 16   meurtres, la contrebande florissaient, de même que tous les

 17   autres actes criminels qui apparaissaient toujours dans

 18   l’histoire de l’humanité à chaque fois que les autorités

 19   n’arrivaient pas à exercer leur pouvoir de manière

 20   effective.  Quelle que soit la situation, qu’il y est une

 21   guerre ou qu’il n’y est pas de guerre, dès que le pouvoir

 22   ne fonctionne pas, une anarchie et un désordre se créent.

 23         Cependant, cette situation chaotique et ces

 24   incidents ne peuvent pas s’expliquer en rendant coupable un

 25   peuple vivant dans ce territoire.  Il n’est pas possible de


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  1   dire que les victimes étaient uniquement ou même

  2   majoritairement les Musulmans de Bosnie.  Ceci n’est pas

  3   vrai.  Tout le monde était la victime.  Parfois, quelqu’un

  4   l’était plus que quelqu’un d’autre, parfois c’était

  5   l’inverse, mais tout le monde était une victime.  C’est

  6   pour cela que nous disons qu’il n’y a pas eu de

  7   persécutions, sans aucun doute, jusqu’à la mi-avril, tout

  8   simplement parce qu’il n’y a pas eu de persécutions

  9   systématiques et à grande échelle à l’encontre d’un groupe

 10   ethnique.

 11         Il y a, par conséquent, un élément de cet acte

 12   criminel qui manque.  Nous ne reconnaissons pas, bien

 13   évidemment, que cet acte criminel existe après le 16 avril. 

 14   Nous souhaitons tout simplement confirmer et nous allons

 15   certainement, lors de la présentation des éléments de

 16   preuve, le prouver, que jusqu’au 16 avril 1993, sans aucun

 17   doute, il n’y avait certainement pas cet acte criminel,

 18   persécution, et après le 16 avril 1993, nous constatons

 19   qu’une nouvelle situation se manifeste, d’autres éléments

 20   également qui voient le jour et c’est à ce moment-là

 21   également que l’Accusation prétend qu’il y a un certain

 22   nombre d’autres actes criminels assez spécifiques et

 23   particuliers qui ont été commis et pas persécution car il y

 24   a des circonstances qui ont changé.  Il y a un conflit

 25   armé, ouvert, qui s’est déclenché entre ces deux peuples.


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  1         En bas de cet organigramme, je l’ai marqué parce

  2   que c’est un deuxième aspect de la Défense :  Quel était le

  3   poste ou quel était le rôle également de l’Accusé Cerkez au

  4   cours de cette période ?

  5         Il y a une toute petite erreur de frappe mais de

  6   toute façon, je vais y revenir.

  7         Tout premièrement, par conséquent, nous ne pouvons

  8   pas parler de cette période d’avril 1992 comme le début de

  9   la période incriminée pour l’acte commis, tout simplement

 10   parce que le QG municipal du HVO qui était en quelque sorte

 11   la tutelle de la municipalité de Vitez n’était même pas mis

 12   en place.  Il a commencé à fonctionner en mai ou juin.  Ce

 13   n’est qu’à cette époque-là donc qu’il a commencé à

 14   fonctionner.  Ce n’est qu’à ce moment-là que le conflit

 15   s’est déclenché.  Par conséquent, dans l’acte d’accusation,

 16   on parle d’un mois et demi avant que la guerre s’est

 17   déclenchée.  On aurait pu également commencer déjà en 1991

 18   à ce moment-là car ce sont les Serbes qui avaient attaqué

 19   Grude par force… pardon, Ravno.

 20         Par conséquent, il y a un autre point également. 

 21   C’était octobre 1992 quand le QG municipal a cessé de

 22   fonctionner.  Il y avait un office de la Défense et à

 23   l’époque, Monsieur Mario Skopljak qui était chef de l’état-

 24   major et qui était supérieur pour Mario Cerkez.  Il était

 25   son chef.  Par conséquent, Mario Skopljak est devenu donc


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  1   la tête de cette office.  On l’appelait à l’époque

  2   ministère de la Défense mais il s’agissait en effet d’un

  3   ministère de la Défense municipale, au niveau de la

  4   municipalité.

  5         Par conséquent, toutes les fonctions ont été

  6   transférées à cet organe qui venait d’être créé avec Mario

  7   Skopljak à la tête et Cerkez est resté pratiquement au QG,

  8   et c’est par conséquent cette petite observation que j’ai

  9   faite car on n’a jamais pratiquement donné l’explication du

 10   rôle qu’il avait joué.  Mais à travers les éléments de

 11   preuve et la présentation des éléments de preuve, nous

 12   allons certainement le prouver car Cerkez pratiquement est

 13   resté au QG pour soi-disant protéger cette maison car il y

 14   a une nouvelle qui vient d’être créée.  On avait

 15   l’intention également de l’affecter ailleurs et on l’a fait

 16   d’ailleurs, car en novembre 1992, Cerkez a été nommé

 17   commandant ou plutôt membre du commandement d’une brigade

 18   intermunicipal des deux municipalités, Novi Travnik et

 19   Vitez.

 20         Ce commandement a été créé pour renforcer et mieux

 21   organiser la lutte contre les Serbes sur les lignes au

 22   nord-ouest face aux Serbes, du côté de Vlasic et Turbe. 

 23   L’unique objectif de cette brigade était la lutte contre

 24   les Serbes et la seule mission de Mario Cerkez à cette

 25   époque-là était la lutte contre les Serbes, les Serbes qui


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  1   étaient des occupants et il s’agissait par conséquent de

  2   relations militaires pures.

  3         En février 1993 – c’est encore une autre

  4   observation, excusez-moi, il y a également une erreur de

  5   frappe, c’est marqué « février 1992 », il faut que ce soit

  6   marqué « février 1993 » – Cerkez a été nommé Commandant de

  7   facto de cette brigade nommée Stjepan Tomasevic.  Nous

  8   allons présenter un certain nombre d’éléments de preuve. 

  9   Il y en a qui ont été versés au dossier. 

 10         Il n’a jamais été nommé dans le vrai sens

 11   juridique de ce terme et il n’a jamais été nommé Commandant

 12   de cette brigade pour des raisons qui sont différentes,

 13   mais de toute façon, je ne considère pas que ce soit

 14   pertinent du point de vue juridique, mais je pense qu’il

 15   s’agissait plutôt des relations entre les hommes

 16   différents.  Il y avait des plans qui étaient différents. 

 17         Cerkez a été nommé comme représentant du

 18   Commandant, ce qui a été d’ailleurs marqué car probablement

 19   il y avait un certain nombre de plans sur la transformation

 20   à l’avenir et c’était une solution qui était une solution

 21   temporaire.

 22         La Défense convient que pendant un mois ou plutôt

 23   six semaines très précisément, il a été Commandant de

 24   Stjepan Tomasevic.  Pendant cette période, il est à Novi

 25   Travnik, au siège de cette brigade et le commandement était


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  1   stationné à Novi Travnik tout simplement pour être le plus

  2   près possible des positions où la brigade avait sa mission. 

  3   C’était le secteur de sa responsabilité ou la zone de sa

  4   responsabilité.  Il s’agissait par conséquent des lignes

  5   face aux Serbes, et Cerkez, indépendamment de la période,

  6   comme membre du commandement ou le commandant, a été engagé

  7   exclusivement dans les batailles contre les Serbes.

  8         Je me dois de vous signaler – il y avait déjà des

  9   preuves et nous allons encore vous les présenter – à cette

 10   époque-là, à Novi Travnik, par conséquent, fin novembre et

 11   jusqu’à la mi-mars, pendant que Cerkez se trouvait à Novi

 12   Travnik, il n’y avait pas de conflit, tout au moins pas de

 13   conflit très grave entre les Musulmans de Bosnie et les

 14   Croates de Bosnie à Novi Travnik.

 15         Je reviens une fois de plus à un autre élément de

 16   cet acte criminel de persécutions car le Procureur

 17   maintient que Cerkez est responsable de cet acte sur le

 18   territoire de Novi Travnik, Vitez et Busovaca.  Par

 19   conséquent, pendant cette période, Cerkez ne se trouvait

 20   pas à Vitez et il n’y a absolument aucun événement qui

 21   aurait prouvé, qui aurait donné le fondement qu’il y avait

 22   quelque chose de ce type-là à Novi Travnik.  Tout au moins,

 23   le Procureur n’a pas présenté de tels éléments et je ne

 24   vais pas bien évidemment parler du fait qu’il n’y avait

 25   absolument aucune preuve selon laquelle Cerkez aurait


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  1   participé aux persécutions à Busovaca.  Il n’y était

  2   jamais.

  3         Dans tous les cas, le 23 mars 1993, par

  4   conséquent, trois semaines avant le début du mois d’avril,

  5   avant ce conflit ouvert entre les Musulmans de Bosnie et

  6   les Croates de Bosnie, Cerkez a été nommé Commandant de la

  7   Brigade de Vitez nouvellement créée. 

  8         Après avoir fait un certain nombre de préparatifs

  9   10 jours auparavant auprès de la municipalité, du

 10   gouvernement municipal, et après avoir été en contact avec

 11   le Commandant de la Zone opérationnelle de la Lasva,

 12   Blaskic, il a fait un certain nombre de rapports.  Par

 13   conséquent, le gouvernement municipal a accepté les

 14   propositions de Cerkez.

 15         Il a proposé des solutions au Commandant de la

 16   Zone opérationnelle, Blaskic, et on avait décidé de créer

 17   la brigade, et comme ceci a été donc initié par la

 18   municipalité, on avait nommé cette brigade : Brigade de

 19   Vitez.  Le siège était dans le bâtiment du cinéma où on a

 20   trouvé des bureaux disponibles et c’est là où on avait

 21   organisé le commandement.  De toute façon, lors de la

 22   présentation des éléments de preuve, nous allons y revenir. 

 23   Nous allons le prouver.

 24         Blaskic, sur cette proposition, le 23 mars, comme

 25   Commandant de la Zone opérationnelle, a nommé Cerkez


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  1   Commandant de la brigade trois semaines avant l’ouverture

  2   du conflit, avant le déclenchement du conflit. 

  3         Il s’agit par conséquent d’une brigade qui était

  4   nouvellement créée et on prétend qu’elle est une force clé

  5   dans la région de Vitez, dans le secteur donc de Vitez qui

  6   opère dans la poche de Vitez qui a été encerclée – ceci

  7   n’est pas contestable – par des forces beaucoup plus

  8   puissantes qui n’ont aucune mesure de comparaison avec les

  9   forces de l’armée.  C’est à partir du 16 avril qu’il y a

 10   par conséquent le conflit qui s’est déclenché avec ces

 11   forces qui sont beaucoup plus puissantes.

 12         La brigade a 300 hommes.  Elle n’a pas encore été

 13   structurée.  Lors de la présentation des éléments de

 14   preuve, nous allons parler également de la composition de

 15   cette brigade, et ceci notamment sous l’aspect des

 16   officiers qui ont été formés, entraînés, qualifiés – il y

 17   en avait à peine – des soldats également.

 18         Outre un certain nombre de ces soldats qui avaient

 19   été formés dans l’ex-JNA, car le service militaire était

 20   obligatoire dans l’ex-Yougoslavie et l’ex-JNA, il y avait

 21   d’autres soldats qui n’avaient absolument aucune formation

 22   et ces hommes avaient des armes qui étaient vraiment au

 23   nombre minimum et on attendait que cette brigade participe

 24   au conflit qui… selon la thèse de l’Accusation, c’est le

 25   HVO, donc ceux qui sont plus faibles qui déclenchent le


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  1   conflit.

  2         Nous considérons que ce n’est pas logique, de

  3   toute façon, et qu’il y a un certain nombre de documents

  4   qui prouvent juste le contraire et c’est ce que nous allons

  5   essayer de prouver à travers les éléments de preuve.

  6         Cerkez, en sa qualité du Commandant d’une des

  7   unités militaires à Vitez, avait été averti le 15 avril par

  8   le Commandant qu’il était indispensable d’élever le niveau

  9   d’alerte, qu’éventuellement une attaque aurait pu se

 10   produire le lendemain matin.  Mais à vrai dire, il n’y

 11   croyait pas.  Je ne sais pas, de toute façon, si c’était

 12   justifié ou non.

 13         C’est les événements qui l’ont démenti, mais il

 14   est un fait que le 14 avril déjà, Cerkez… même s’il y avait

 15   un certain nombre de témoins qui avaient parlé du 15 avril,

 16   nous allons prouver que ça s’est passé le 14 avril.  Donc,

 17   je reviens à mon idée.

 18         Cerkez a passé tout l’après-midi le 14 avril à

 19   l’état-major avec des collègues de l’armée de Bosnie-

 20   Herzégovine.  Il a participé à cette célébration du premier

 21   anniversaire de l’établissement de l’armée de Bosnie-

 22   Herzégovine.  Il a passé à Stari Vitez avec des officiers

 23   bosniaques qui étaient jusqu’à ce moment-là ses camarades,

 24   ses collègues, car déjà à cette époque-là, ils luttaient

 25   ensemble contre les Serbes sur la ligne qui était du côté


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  1   de la montagne, car déjà à ce moment-là, un jour ou deux

  2   jours avant et même le jour même du conflit, il y avait une

  3   équipe, un groupe de la Brigade de Vitez.  Soixante-dix

  4   hommes se trouvaient sur la ligne de front contre les

  5   Serbes, là où la ligne a été pratiquement partagée entre

  6   les Croates de Bosnie et les Musulmans de Bosnie, par

  7   conséquent, entre l’armée de Bosnie et le HVO.

  8         Cerkez, bien sûr, a participé au jubilé, premier

  9   anniversaire de l’armée de Bosnie-Herzégovine, car il

 10   s’agissait tout simplement de ses collègues.  Il est un

 11   fait qu’à ce moment-là, il y avait des approches

 12   différentes.  Il y avait quelques discordes dans les points

 13   de vue, des différences politiques, mais les militaires

 14   coordonnent leurs activités dans la mesure du possible et

 15   ceci pour aboutir à ce but qui est le but et l’objectif

 16   principal : c’était la lutte contre les Serbes à cette

 17   époque-là, et non seulement parce qu’il s’agissait d’une

 18   mission militaire toute précise, mais également pour le

 19   fait que tous ceux qui étaient des villageois, des citoyens

 20   de ce secteur, de ce territoire, savaient que c’était un

 21   danger, un danger de vie ou de mort car il y avait les

 22   Serbes qui avançaient.  Par conséquent, qu’il fallait les

 23   arrêter.

 24         Je pense, de toute façon, que nous allons prouver

 25   au cours de notre procès qu’il ne s’agissait pas tout


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  1   simplement du fait que des militaires suivaient des ordres

  2   de manière aveugle.  Bien évidemment, quand on est en

  3   guerre, on obéit aux ordres, mais ce n’était pas

  4   véritablement une obéissance qui était aveugle, mais

  5   c’était plutôt une motivation qui était tout à fait humaine

  6   et normale. 

  7         Il ne faut pas oublier que les Serbes avaient 70

  8   pour cent du territoire qu’ils occupaient.  Tout le monde

  9   pouvait le constater en regardant la télévision.  Par

 10   conséquent, si on avait quelque chose dans la tête, on

 11   savait très bien ce qui se passait.  Sarajevo était sous le

 12   siège.  Il y avait une force très puissante qui avait

 13   pratiquement occupé l’ensemble de la Bosnie.

 14         Par conséquent, tout le monde savait que cette

 15   guerre n’allait pas peut-être s’étendre sur leur village. 

 16   Il y en avait qui pensaient qu’il fallait tout simplement

 17   s’asseoir et qu’il y avait quelqu’un d’autre qui allait

 18   résoudre leurs problèmes.  Donc, ils étaient naïfs. 

 19   D’autres étaient un peu plus pratiques : ils étaient plus

 20   intelligents, ils étaient sûrs, ils savaient que personne

 21   d’autre n’allait résoudre le problème de la guerre.  Par

 22   conséquent, ils se sont organisés pour se protéger.  Ils se

 23   sont armés également pour se défendre.

 24         C’était le 14 avril.  Le 15 avril, Cerkez a pris

 25   la décision de se marier et il a donc fixé la date et


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  1   l’heure de son mariage.  C’était le 15 avril dans l’après-

  2   midi.  De toute façon, nous allons vous présenter les

  3   moyens de preuve.

  4         Depuis 1980 déjà, il était marié, mais à cette

  5   époque-là, il a pris la décision d’aller se marier à

  6   l’église et ceci pour respecter la tradition car

  7   auparavant, il ne pouvait pas le faire, vu également le

  8   travail et les fonctions qu’il exerçait, parce que dans

  9   l’ex-Yougoslavie, ce n’est pas avec beaucoup de sympathie

 10   qu’on prenait les gens qui concluaient les mariages dans

 11   l’église.  On considérait que ce n’était pas logiquement

 12   acceptable, alors que Cerkez a travaillé au Secrétariat de

 13   la Défense, il a travaillé également à l’usine, et c’est

 14   pour cette raison-là qu’il n’avait pas, par conséquent,

 15   conclu son mariage dans l’église.

 16         Le 15 avril 1993, il a pris la décision de le

 17   faire.  Lui ne sait pas, bien évidemment, que le lendemain

 18   matin, la guerre allait se déclencher.  Par conséquent, il

 19   y a une logique qui permet la conclusion qu’il était

 20   ignorant, qu’il ne savait pas que le conflit allait se

 21   déclencher, même si Blaskic avait pris la décision d’élever

 22   le niveau d’alerte puisqu’on attendait l’attaque de l’autre

 23   partie, mais il y avait de tels appels d’alerte qui

 24   existaient déjà auparavant et ce n’était pas quelque chose

 25   de nouveau, et puis rien ne s’est passé.


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  1         C’est la raison pour laquelle Cerkez, après s’être

  2   consulté avec les membres de son commandement, a tout

  3   simplement conclu qu’il s’agissait d’une alarme, d’un

  4   signal d’alarme et que rien ne se passerait.  Mais

  5   malheureusement, ceci ne s’est pas produit comme il le

  6   pensait et c’est le lendemain matin que le conflit s’est

  7   déclenché.

  8         À la veille donc du 16 avril – je parle donc du 15

  9   avril 1993 – Cerkez a obtenu l’ordre.  C’était un ordre

 10   oral qui a été délivré par Blaskic qui lui a dit qu’il

 11   préparait la défense de Vitez et des villages des alentours

 12   car il disposait d’un certain nombre d’informations dont

 13   Cerkez n’était pas au courant, et de toute façon, je ne

 14   vais pas en parler ici, ce n’est pas indispensable.

 15         Blaskic a essayé de se préparer pour cette

 16   éventualité.  Cerkez donc a obtenu l’instruction, l’ordre

 17   de se préparer pour bloquer un certain nombre de routes et

 18   d’axes, notamment en direction de Kruscica et du côté du

 19   centre-ville.

 20         Pourquoi – là maintenant, la question peut se

 21   poser – Blaskic l’a-t-il envoyé dans cette direction ? 

 22   Bien évidemment, il faut le prouver.  Nous allons essayer

 23   de le prouver lors de la présentation des éléments de

 24   preuve.

 25         Blaskic l’a envoyé à cet endroit-là.  On sait que


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  1   la brigade se compose de 300 hommes.  Les hommes qui ne

  2   sont pas dans les casernes, ils sont chez eux et ils

  3   doivent tout simplement, par conséquent, venir au moment où

  4   on les appelle pour aller se rendre sur la ligne de front. 

  5   Il avait appelé parce qu’il y avait une équipe à ce moment-

  6   là qui se préparait pour relayer celle qui était sur la

  7   ligne de front face aux Serbes.  Donc, cette équipe qui se

  8   préparait normalement était à l’hôtel de Kruscica et c’est

  9   comme ça qu’on a été organisé à l’époque.  Déjà à l’époque

 10   où il a été au QG et maintenant, depuis que la brigade

 11   fonctionne, c’est comme ça qu’on s’était organisé.

 12         Je vous ai déjà précisé que les soldats ne se

 13   trouvaient pas dans les casernes, et par conséquent, il y

 14   avait une liste, et sur la liste, un certain nombre de noms

 15   de soldats.  On les convoquait.  Il y en avait une centaine

 16   à peu près qui étaient convoqués par équipes.

 17         Ces gens-là normalement devaient répondre à

 18   l’appel.  C’était au moment où ils ont reçu l’appel qu’ils

 19   ont été considérés comme soldats.  Ils passent sept jours

 20   pour se préparer pour se rendre sur la ligne.  Ils prennent

 21   des armes, des munitions.  On les affecte à tel et tel

 22   endroit.  On leur dit ce qu’ils doivent faire, et cætera,

 23   et on les achemine au nord de Travnik sur la ligne face aux

 24   Serbes pour les défendre.

 25         Une fois qu’ils rentrent de cette ligne de front,


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  1   ils continuent leurs activités de tous les jours ou bien

  2   dans les champs ou bien éventuellement s’ils ont une

  3   occupation dans une usine, et cætera.  Ils restent une

  4   semaine, deux semaines, trois semaines et ils sont des

  5   citoyens simples.  Ils ne sont plus des militaires.

  6         Par conséquent, Cerkez, dans la nuit entre le 15

  7   et le 16, doit s’occuper d’une équipe comme ça qui est en

  8   préparation et qui se trouve donc au sud de Kruscica et ce

  9   groupe, cette équipe donc a été utilisée pour une

 10   éventuelle défense si jamais il y a une attaque.

 11         Qu’est-ce qui s’est passé ?  Le lendemain matin,

 12   au moment où le conflit s’est déclenché, nous affirmons que

 13   ce sont des forces musulmanes qui ont déclenché le conflit. 

 14   Les membres de la Brigade de Vitez qui ont été disposés au

 15   nord de Kruscica, du côté de la route principale, et

 16   Vranjska également, donc entre Kruscica et Vranjska vers le

 17   centre-ville, ils se trouvent donc sur leurs positions mais

 18   ils n’ont même pas réussi à se maintenir sur cette ligne. 

 19   Ce sont les troupes qui se sont pratiquement retirées par

 20   rapport aux positions qui étaient planifiées.  Elles se

 21   sont retirées vers le bas et ceci démontre également quel

 22   était le rapport des forces.

 23         Certes, nous n’allons pas répéter que les hommes

 24   n’étaient pas bien armés, qu’ils n’avaient pas été bien

 25   entraînés.  Il y avait un certain nombre de soldats qui


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  1   avaient l’expérience acquise dans la lutte contre les

  2   Serbes, mais cette lutte se réduisait pratiquement à une

  3   stratégie de tranchées et, si j’ai bien compris en

  4   discutant avec ces hommes, elle n’était pas très différente

  5   par rapport à ce qui se passait lors de la grande guerre,

  6   la Première Guerre mondiale.

  7         Eh bien, c’est tout en ce qui concerne le début de

  8   ce conflit.  Au moment où le conflit a éclaté, la brigade

  9   détenait la position décrite.  En même temps, les conflits

 10   ont éclaté ailleurs dans la municipalité et nous, nous nous

 11   limitons strictement à la municipalité de Vitez.  Entre

 12   autres choses, un conflit a eu lieu, y compris cet incident

 13   horrible et tragique à Ahmici, et je répète encore une fois

 14   que la brigade de mon client n’était pas à Ahmici.  Ahmici

 15   se trouve au nord de la route Kruscica-Vranjska.  Les

 16   positions de la brigade sont ailleurs au sud de la route.

 17         Le 16 avril, elle y était avec une autre unité. 

 18   Vous allez le voir dans le cadre de la présentation des

 19   moyens de preuve.  Tout le mal qui s’est produit à Ahmici

 20   s’est produit le 16 avril dans la matinée, ce qui a été

 21   prouvé assez clairement déjà.

 22         Au cours du conflit, donc à partir du 16 avril et

 23   plus tard, dans la région de la municipalité de Vitez, il y

 24   a eu un nombre d’unités différentes appartenant au HVO. 

 25   Déjà dans le cadre de la procédure jusqu’à maintenant, nous


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  1   avons pu voir que le siège de la Zone opérationnelle,

  2   c’est-à-dire le commandement le plus élevé en ce qui

  3   concerne cette région, la Bosnie centrale, se trouvait à

  4   l’hôtel Vitez dans la ville de Vitez, seulement à quelques

  5   centaines de mètres de l’état-major de Monsieur Cerkez. 

  6         C’est là que se trouvait également la police

  7   militaire, le 4e Bataillon de la police militaire.  Il

  8   s’agissait d’une unité bien organisée qui disposait d’un

  9   personnel actif et des sub-unités spécialisées, des

 10   pelotons spécialisés qui étaient chargés de tâches

 11   différentes, y compris des tâches de combat, et puis

 12   également une unité appelée Jokeris qui avait leur quartier

 13   général à un autre endroit dans le Bungalow.

 14         Puis, il y a eu les Vitezovis dont la taille peut-

 15   être n’était pas tellement grande, mais il s’agissait d’une

 16   unité importante puisqu’il s’agissait d’une unité mobile

 17   bien équipée dont les soldats avaient un moral à un niveau

 18   élevé.  Ils étaient très agressifs et nous aurons des

 19   moyens de preuve à ce sujet.

 20         Également, avant que le conflit n’éclate, il y a

 21   eu des troupes qui sont venues de l’extérieur, comme Ludvig

 22   Pavlovic et Bruno Busic, ces deux brigades.  Ces deux

 23   brigades ont été amenées afin de renforcer les positions

 24   contre les Serbes, mais malheureusement, leurs activités se

 25   réduisaient au fait de manger, de boire et de piller et ils


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  1   ont aidé très peu en ce qui concerne les efforts de la

  2   défense contre les Serbes.

  3         Il y a eu également des brigades comme Frankopan,

  4   ensuite, l’unité Tvrtko 2 et puis d’autres.

  5         La Défense affirme, et bien sûr, nous allons

  6   avancer des moyens de preuve allant dans ce sens, que

  7   l’Accusé Mario Cerkez en tant qu’auteur, ni directement ni

  8   indirectement n’a commis aucun acte criminel, y compris les

  9   actes criminels qui figurent dans l’acte d’accusation et la

 10   Défense affirme que Cerkez ne peut pas être tenu pour

 11   responsable, ni sur la base de la chaîne de commandement

 12   puisqu’il n’y a pas de preuve indiquant que ses

 13   subordonnés, des soldats qui lui étaient subordonnés,

 14   auraient commis des actes criminels.

 15         En ce qui concerne un certain nombre de moyens de

 16   preuve qui ont été présentés ici, et là, je parle surtout

 17   des documents versés au dossier par le biais du Témoin

 18   Spork, ils ouvrent des questions, indiquent certains doutes

 19   à ce sujet, mais la Défense prouvera que ces documents ne

 20   sont pas en réalité ce que l’on peut penser à première vue,

 21   qu’ils ne peuvent pas servir de base à des conclusions

 22   fermes et que même si on les acceptait tels quels, nous ne

 23   pouvons pas, sur la base de ces documents-là, tirer des

 24   conclusions qu’une certaine personne qui aurait commis un

 25   crime à un certain endroit était à ce moment-là et à cet


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  1   endroit-là membre de la Brigade de Vitez pour laquelle

  2   Cerkez pourrait être responsable.

  3         Ensuite, la Défense maintient que, bien sûr, un

  4   commandant doit savoir ou, dans des circonstances données,

  5   peut prévoir objectivement et savoir qu’un crime se

  6   préparait ou bien qu’un crime a eu lieu.  Sur la base de

  7   cette supposition, certains événements où l’on essaie

  8   d’indiquer qu’il s’agit de membres de la brigade doivent

  9   être négligés puisqu’au moment où l’acte criminel a été

 10   commis, personne ne le savait.

 11         Par exemple, il existe un exemple où la victime

 12   n’a jamais dit à qui que ce soit pendant très, très

 13   longtemps que l’acte criminel avait été commis à l’encontre

 14   d’elle.  Donc, bien sûr, il ne pouvait pas traiter de cela

 15   puisqu’il n’était pas au courant.

 16         Nous allons ensuite nous pencher sur la thèse qui

 17   est indirectement avancée dans l’acte d’accusation, à

 18   savoir que Cerkez est le commandant de ce territoire.  Il

 19   faut savoir que si nous interprétons les chefs d’accusation

 20   à l’encontre de Cerkez, nous pouvons conclure que l’unique

 21   interprétation de l’acte d’accusation logique est que

 22   Cerkez est le commandant chargé de ce territoire parce que

 23   sinon, il n’est pas clair comment on peut conclure que

 24   Cerkez est le supérieur d’un certain nombre d’unités

 25   présentes sur ce territoire.


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  1         Je pense qu’il est clair que Cerkez pourrait être

  2   tenu pour responsable sur la base de la supériorité

  3   hiérarchique seulement pour les actes criminels commis, qui

  4   auraient été commis par ses subordonnés.  Il ne peut pas

  5   être tenu pour responsable pour les actes criminels commis

  6   par des membres d’autres unités, même si ceci a été fait

  7   sur le territoire de la municipalité de Vitez.  Cerkez

  8   n’est pas le commandant suprême du HVO dans la municipalité

  9   de Vitez et je ne vais même pas mentionner les autres

 10   endroits où son unité n’était même pas active, sauf les

 11   lignes contre les Serbes.  Ou bien si on le proclame

 12   commandant du territoire, dans ce cas-là, théoriquement, il

 13   pourrait être tenu pour responsable.

 14         Je pense que jusqu’à maintenant, il est devenu

 15   clair que cette thèse selon laquelle il serait le

 16   commandant de l’ensemble du territoire n’est simplement pas

 17   fondée.  Nous aurons d’autres moyens de preuve qui le

 18   démontreront et nous allons prouver également qu’il y avait

 19   toute une série d’autres unités présentes sur le terrain

 20   pour lesquelles Cerkez n’a jamais été responsable et qu’il

 21   n’a jamais pu commander.

 22         Dans cette partie de la responsabilité pour

 23   d’autres unités, je pense que dès à présent, nous devons

 24   dire aux juges afin de leur permettre de suivre plus

 25   facilement la présentation de nos moyens de preuve que nous


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  1   avons entendu peu de choses concernant la police militaire

  2   de brigade qui donc, si c’est la police militaire de

  3   brigade, il faudrait conclure qu’elle dépend de Cerkez.

  4         Afin que les choses soient tout à fait claires, je

  5   souhaite dire que la police militaire de brigade n’existait

  6   pas jusqu’au début du mois de septembre 1993, moment où

  7   certains changements de structure ont eu lieu, et la

  8   brigade, malgré la thèse selon laquelle c’est la manière

  9   dont les choses fonctionnent dans les unités de l’OTAN ou

 10   bien une autre thèse selon laquelle c’était la doctrine

 11   adoptée par la JNA, malgré toutes ces explications et

 12   doctrines, le fait reste que la Brigade de Vitez n’avait

 13   pas dans sa structure d’organisation, ni sur le plan

 14   théorique et surtout pas sur le plan pratique, n’avait pas

 15   de police militaire.

 16         Devant ce Tribunal, nous avons entendu des propos

 17   concernant l’organisation de poursuites judiciaires,

 18   également concernant l’organisation de la justice dans

 19   l’ensemble.  La Défense Kordic en a parlé.  Donc, je ne

 20   souhaite pas me pencher là-dessus.

 21         Mais en ce qui concerne la notion de la police de

 22   brigade, je souhaite dire simplement qu’à Vitez, dans le

 23   cadre du 4e Bataillon de la police militaire, dans le

 24   commandement, et une sorte de siège se trouvait à l’hôtel

 25   Vitez, il y a eu entre autres un peloton, le peloton de la


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  1   police militaire, dont la tâche était d’assurer la

  2   protection du commandement de la brigade municipale, donc

  3   la Brigade de Vitez.  Il s’agissait là d’un peloton de

  4   petite taille constitué de 20 à 25 personnes.  Ce chiffre

  5   changeait.

  6         D’après le modèle théorique, au moins 30 personnes

  7   devaient faire partie de ce peloton mais ça n’a jamais été

  8   le cas – nous allons entendre des dépositions à ce sujet –

  9   et c’est dans le cinéma que ce peloton était basé.  Le

 10   peloton assurait la protection de l’immeuble, y compris du

 11   personnel, des documents, de la sécurité, des moyens de

 12   communication, et cætera.

 13         Bien sûr, puisque les membres du peloton se

 14   trouvaient dans ce peloton pratiquement tout au long de la

 15   guerre, c’est pour cela que beaucoup de personnes, compte

 16   tenu de l’endroit où ils étaient placés physiquement, les

 17   appelaient la police militaire de brigade, la police de

 18   brigade, simplement parce que c’est là qu’ils étaient

 19   déployés.

 20         Mais il est important de savoir à qui ils étaient

 21   subordonnés, qui était leur commandant.  Nous allons nous

 22   pencher là-dessus dans le cadre de notre présentation de

 23   moyens de preuve et nous allons montrer quel est le nom et

 24   le prénom du commandant de ce peloton, qui donnait des

 25   ordres à ce commandant, qui était son supérieur aussi.  Et


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  1   bien sûr, cette personne n’était pas Mario Cerkez.  C’était

  2   une autre personne qui a déjà été mentionnée ici.

  3         Ensuite, je souhaite dire quelques mots concernant

  4   Ahmici puisque Ahmici représente l’essentiel de cette

  5   procédure.  Sur la base des moyens de preuve versés au

  6   dossier jusqu’à maintenant, je considère qu’il n’est pas

  7   nécessaire que l’on prouve cela de manière spécifique, mais

  8   de toute façon, nous verrons cela sur la base de la

  9   présentation de nos moyens de preuve.

 10         La tragédie d’Ahmici a eu lieu le 16 avril dans la

 11   matinée, le 16 avril 1993.  D’après certains moyens de

 12   preuve, le tout a été terminé avant 11 h 00 même.  Mais sur

 13   la base d’une estimation plus large, nous pouvons dire

 14   qu’il est clair que le conflit s’est terminé à Ahmici avant

 15   midi.

 16         En ce qui concerne la brigade ou plutôt mon

 17   client, nous avons eu des documents qui ont été

 18   communiqués, et parmi des centaines de documents, nous

 19   avons reçu deux documents indiquant que deux personnes qui

 20   étaient membres de la brigade sont mortes à Ahmici le 16

 21   avril.  Donc, on essaie de conclure tout de suite :

 22   puisqu’il s’agissait de personnes qui étaient membres de la

 23   brigade et qui ont été tuées à Ahmici, c’est la culpabilité

 24   de Cerkez puisqu’il était le commandant de la brigade.

 25         Je pense que nous ne disposons pas de suffisamment


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  1   de faits pour tirer une telle conclusion, mais dans la

  2   présentation de nos moyens de preuve, nous allons prouver

  3   que ces deux personnes-là, et ceci n’est pas visible sur la

  4   base de ces documents-là, que ces deux personnes étaient

  5   effectivement membres de la brigade.  On est sûr au moins

  6   pour l’une de ces personnes.  Pour l’autre, nous ne sommes

  7   même pas sûrs.

  8         Ces gens ont été tués devant leurs maisons. 

  9   Pourquoi la personne a été tuée devant sa propre maison ? 

 10   Nous ne le savons pas, c’est-à-dire jusqu’à maintenant,

 11   nous ne le savons pas sur la base des documents qui ont été

 12   versés au dossier jusqu’à maintenant, et nous, nous allons

 13   traiter de cela.  D’après ces documents, il est clair

 14   simplement que la personne a été tuée.  Je m’excuse.  Je

 15   m’exprime mal.  J’ai dit « tuée » mais en fait, la personne

 16   a été blessée et la personne a été blessée à un endroit qui

 17   s’appelle malheureusement Ahmici et c’est pour ça que cet

 18   endroit est important, et visiblement, la personne est

 19   membre de la brigade.

 20         Nous allons prouver que ces deux hommes ont été

 21   blessés devant leurs propres maisons et qu’ils s’y

 22   trouvaient puisque c’est là qu’ils habitaient et que ceci

 23   n’a aucun lien avec leur déploiement militaire, qu’ils ne

 24   se trouvaient pas sur place suite à un quelconque ordre,

 25   bien au contraire, qu’ils s’y trouvaient justement parce


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  1   qu’ils n’étaient pas déployés à ce moment-là dans le cadre

  2   d’une tâche militaire.

  3         En outre, l’ensemble de la procédure en cours

  4   s’est basé sur des moyens de preuve indirects, sur des

  5   indices, et c’est justement pour cela que dans la

  6   présentation des moyens de preuve de la Défense, nous

  7   devrons prouver, indiquer que chacun de ces indices peut

  8   être examiné d’un autre point de vue.

  9         Je ne vais pas me lancer dans tous les détails

 10   maintenant, mais il est clair qu’un grand nombre de

 11   documents ont été versés au dossier, y compris des pièces à

 12   conviction émanant d’autres affaires.  Certaines pièces à

 13   conviction ont ainsi déjà été versées au dossier et la

 14   Défense va en proposer d’autres, mais je pense qu’il est

 15   clair sur la base des moyens de preuve présentés jusqu’à

 16   maintenant qu’à Ahmici, d’autres unités du HVO

 17   reconnaissables s’y trouvaient : concrètement parlant, une

 18   unité des forces actives du 4e Bataillon de la police

 19   militaire de Vitez et leur peloton de police militaire

 20   connu sous le nom de Jokeris.

 21         La brigade n’était pas présente à Ahmici, et

 22   jusqu’à maintenant, nous avons déjà entendu des moyens de

 23   preuve indiquant à quel endroit la brigade devait se

 24   trouver et nous allons prouver que c’est effectivement là

 25   qu’elle se trouvait, à savoir au sud de la ligne du front,


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  1   parlant du 16 avril, et c’est le seul endroit où la brigade

  2   était engagée ce 16 avril.

  3         En ce qui concerne l’enquête d’Ahmici, mon

  4   collègue Me Sayers en a parlé suffisamment.  Je souhaite

  5   simplement dire quelques mots concernant l’aspect lié à

  6   Cerkez.

  7         Je souhaite vous rappeler que le Témoin Stewart a

  8   dit à Cerkez qu’il serait bien qu’il lance une enquête sur

  9   Ahmici, mais Bob Stewart a demandé la même chose une demi-

 10   heure ou une heure plus tôt de Blaskic.  Donc, il s’agit là

 11   du supérieur de Cerkez.  Cerkez, en ce qui concerne cette

 12   conversation avec Stewart, bien sûr, il en a informé

 13   Blaskic aussi et c’est à ce moment-là qu’il a appris que le

 14   Général Stewart a fait la même demande auprès de Blaskic

 15   aussi.

 16         Deuxièmement, Cerkez aurait pu et dû lancer une

 17   enquête seulement dans le cadre de sa propre unité. 

 18   Visiblement, il n’a pas de pouvoirs lui permettant de

 19   lancer une enquête sur quoi que ce soit, y compris les

 20   événements d’Ahmici, s’il s’agit d’une autre unité qu’il ne

 21   commande pas.

 22         Donc, sur la base de ceci, je pense qu’on peut

 23   conclure tout à fait logiquement que Cerkez aurait dû

 24   lancer une enquête seulement au cas où, sur la base de

 25   quelque source que ce soit, il considérait que son unité


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  1   s’y trouvait ou bien une partie de son unité, ou bien dans

  2   un autre cas de figure, si son supérieur lui donnait un tel

  3   ordre.  Pourquoi le commandant supérieur, concrètement

  4   Blaskic, ne demande pas à Cerkez de mener une enquête ?  La

  5   réponse est claire : parce que lui-même, en tant que

  6   commandant supérieur, sait quelles sont les unités qui

  7   étaient à Ahmici et il sait que la Brigade de Vitez n’y

  8   était pas.

  9         Nous avons déjà entendu certains éléments de

 10   preuve indiquant quelles sont les unités que l’on demande à

 11   mener une enquête.  Blaskic a donné l’ordre à la police

 12   militaire de mener une enquête.  Lorsqu’il n’a pas obtenu

 13   de résultat, il a donné l’ordre au SIS en tant que service

 14   de renseignements, considéré comme un service capable

 15   d’être suffisamment puissant pour mener une telle enquête.

 16         Troisièmement, conformément à la législation de

 17   l’époque en ce qui concerne une enquête criminelle, et

 18   apparemment, dès l’entretien avec le Colonel Stewart,

 19   Blaskic a compris qu’il s’agissait d’un acte criminel là,

 20   c’est le système judiciaire et la police militaire qui sont

 21   responsables de mener une enquête.  Conformément au code

 22   criminel de l’époque, sur la base des archives, sur la base

 23   du règlement de la police militaire, si la police militaire

 24   était impliquée, c’est seulement le procureur militaire qui

 25   avait la compétence de lancer des poursuites et c’est


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  1   seulement un tribunal militaire qui pouvait être chargé de

  2   la procédure.

  3         Donc, quelqu’un de l’extérieur, d’après la loi,

  4   pouvait simplement être un observateur mais ne pouvait pas

  5   lancer une telle procédure, et d’après la loi, il était

  6   stipulé à peu près, lorsque le procureur apprend qu’un acte

  7   criminel a été commis, il est tenu de prendre des mesures,

  8   et cætera, et cætera.

  9         Sur le plan pratique, ça voulait dire qu’un

 10   citoyen, ou bien comme dans le cas précis, un soldat,

 11   lorsque cette personne croyait ou bien avait l’impression

 12   qu’un acte criminel avait été commis, dans ce cas-là, cette

 13   personne pouvait écrire une lettre ou bien téléphoner au

 14   procureur pour lui parler de ses connaissances, et à ce

 15   moment-là, le procureur était tenu d’entamer une procédure. 

 16   Bien sûr, si quelqu’un s’adressait au procureur, s’il

 17   s’agissait d’une personne qui avait un poste d’autorité,

 18   par exemple un officier d’une unité, et si une telle

 19   personne informait le procureur d’un acte criminel, bien

 20   sûr que le procureur allait prêter plus d’attention à ces

 21   informations, mais d’après la loi, le fait reste que mon

 22   client n’avait pas de pouvoirs lui permettant de lancer des

 23   enquêtes et en plus, comme je l’ai déjà expliqué, il

 24   n’avait aucune raison de le faire.

 25         Quatrièmement, il fallait s’attendre que Blaskic


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  1   allait au moins demander une sorte de rapport ou bien une

  2   explication, peut-être même une enquête, de la part de

  3   Cerkez, si au cours de ces premiers jours lorsque l’on

  4   parlait visiblement d’Ahmici, si d’une quelconque manière,

  5   il avait un certain doute lui permettant de conclure

  6   qu’éventuellement, certains membres de la brigade étaient à

  7   Ahmici ce jour-là, le jour des faits.  Mais ceci n’a pas

  8   été fait.

  9         Donc, non seulement Blaskic sait quelle était la

 10   tâche qu’il a donnée à la brigade, et donc au premier

 11   moment, il ne demande pas que l’on fasse une enquête sur le

 12   rôle de la brigade à Ahmici, mais même au cours des jours

 13   qui ont suivi, au moment où l’on peut supposer qu’il a

 14   obtenu des éléments supplémentaires, même à ce moment-là,

 15   il ne demande pas à la brigade de lancer une enquête parce

 16   que visiblement, au cours de ces jours-là, il a pu entendre

 17   et apprendre autre chose, à savoir, comme nous l’avons déjà

 18   appris ici, que c’était d’autres unités qui se trouvaient à

 19   Ahmici, qui avaient été à Ahmici ce jour-là.

 20         J’ajouterais un seul détail encore concernant

 21   Ahmici.  Même si la Défense accepte qu’un acte criminel a

 22   eu lieu à Ahmici et que des civils ont été tués, environ

 23   100 personnes, peu importe s’il s’agit de cinq ou de 100

 24   personnes, déjà, s’il y a cinq morts civils, il s’agit

 25   d’une véritable tragédie, mais la Défense n’accepte pas


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  1   l’affirmation que Ahmici était une cible non défendue.

  2         Nous avons déjà eu certains moyens de preuve à ce

  3   sujet.  Nous en présenterons d’autres indiquant qu’une

  4   petite unité de l’armée de Bosnie-Herzégovine était à

  5   Ahmici, que des combats ont éclaté à Ahmici, d’ailleurs,

  6   des membres du HVO y ont été tués également, mais bien sûr,

  7   ceci ne peut pas justifier un tel nombre de victimes

  8   civiles, et c’est dans ce sens que nous sommes d’accord

  9   pour dire qu’il s’agissait d’un acte criminel, mais nous ne

 10   pouvons pas être d’accord pour dire qu’il s’agissait là

 11   d’une cible non-défendue.

 12         Allant dans le même sens, en ce qui concerne

 13   certains autres endroits qui figurent dans l’acte

 14   d’accusation, je souhaite dire qu’il n’y a pas de doute que

 15   dans la vallée de la Lasva, dans les parties où l’unité de

 16   mon client était active, que l’importance stratégique de la

 17   route qui passe à travers la vallée de la Lasva constitue

 18   un élément important.  Je ne souhaite pas le répéter.  Il y

 19   a eu des moyens de preuve concernant cela et il y en aura

 20   certainement d’autres.

 21         La force militaire qui contrôle cette route et la

 22   force militaire qui contrôle plusieurs points géographiques

 23   clés peut contrôler l’ensemble du territoire.  Le HVO dans

 24   la vallée de la Lasva, et ça veut dire dans la poche de

 25   Vitez qui est encerclée par les forces de l’armée de


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  1   Bosnie-Herzégovine, d’après tous les standards militaires

  2   raisonnables, devait essayer de maintenir le contrôle de la

  3   route, à savoir devait essayer de conquérir certains chefs

  4   des Musulmans de Bosnie et c’est là que les luttes ont eu

  5   lieu.  Sinon, sur le plan général, chaque armée protégeait

  6   son propre village.  Dans des endroits où les Musulmans

  7   constituaient la majorité de la population du village,

  8   c’est l’armée de Bosnie-Herzégovine qui protégeait le

  9   village et en ce qui concerne les villages à majorité

 10   croate, c’est le HVO qui assurait le contrôle et la

 11   protection du village, sauf en ce qui concerne les endroits

 12   stratégiques.  C’est là que les deux parties essayaient de

 13   prendre le contrôle de ces points-là.

 14         Par exemple, Stari Vitez, sur la base de tout ce

 15   qu’on a entendu jusqu’à maintenant, constituait une cible

 16   militaire légitime.  Il n’y a pas de doute qu’une unité de

 17   l’armée de Bosnie-Herzégovine y existait.  Il s’agissait

 18   d’une unité armée et équipée qui recevait des fournitures,

 19   qui a réussi à subsister pendant les 15 mois de siège

 20   lancés par l’ennemi, à savoir le HVO, et qui a réussi à

 21   faire face aux tentatives du HVO de conquérir cette région.

 22         En ce qui concerne la raison pour laquelle le HVO

 23   a essayé de prendre le contrôle de ce territoire, je pense

 24   que c’est clair : tout d’abord, à cause des tireurs

 25   embusqués dont les activités ont bloqué les activités dans


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  1   une certaine partie de la ville et puis deuxièmement, pour

  2   prendre le contrôle d’une des deux routes qui passent à

  3   travers Ahmici et puis également afin de contrôler

  4   partiellement l’autre route, la route qui contournait

  5   l’autre et sur laquelle les tireurs embusqués et

  6   l’artillerie tiraient depuis Stari Vitez.

  7         Je ne souhaite pas mentionner d’autres endroits

  8   puisque j’ai mentionné que je n’allais pas me lancer dans

  9   ce genre de détails, mais je souhaite simplement dire qu’en

 10   ce qui concerne ces endroits-là, il y a eu durant cette

 11   période un conflit entre l’armée de Bosnie-Herzégovine et

 12   le HVO et la Brigade de Vitez a participé à ce conflit à

 13   partir du 17 avril pendant quelques jours, mais nous

 14   maintenons qu’il s’agissait de cibles militaires légitimes.

 15         À partir du mois d’avril, les lignes de front

 16   étaient pratiquement stabilisées, mais en ce qui concerne

 17   la situation, le rapport des forces a changé et il est

 18   clair qu’à partir du mois de juin, le HVO était une force

 19   plus faible en ce qui concerne son rapport envers l’armée

 20   de Bosnie-Herzégovine du point de vue de ses forces, du

 21   déploiement stratégique des équipements, du nombre

 22   d’officiers professionnels, et cætera.  Nous avons déjà

 23   entendu parler de cela mais nous aurons d’autres moyens de

 24   preuve qui vont le démontrer de manière supplémentaire.

 25         Le seul sujet qui nous reste concerne le conflit


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  1   armé international.  Certains chefs d’accusation n’existent

  2   pas à moins que la notion d’un conflit armé international

  3   n’est pas prouvée, mais peut-être il n’est pas nécessaire

  4   que j’en parle puisque la Défense Kordic a traité de cela

  5   de manière suffisante.

  6         Mais au fond, notre thèse est qu’il n’est pas

  7   possible dans cette procédure de parler de ce test du

  8   contrôle global sur la base de l’affaire Tadic parce que,

  9   sans souhaiter prendre trop de votre temps, je pense que je

 10   peux dire qu’il est clair que nous considérons que le

 11   conflit croato-musulman, comme je l’ai déjà dit dans

 12   l’introduction, constitue une conséquence de l’agression

 13   serbe et donc, du point de vue de plusieurs éléments

 14   pratiques et autres, il s’agit d’une guerre différente.

 15         Nous pourrons prouver que c’est après l’agression

 16   lancée par la JNA et les Serbes où deux camps se sont

 17   opposés, d’un côté, les Serbes, et de l’autre, les Croates

 18   et les Musulmans de Bosnie ensemble, ça c’était une

 19   première guerre, et la conséquence de cette guerre a été le

 20   conflit entre les Musulmans et les Croates, donc la

 21   deuxième guerre, et nous pouvons comparer ces deux guerres

 22   et constater qu’il y a beaucoup de différences et que

 23   beaucoup d’éléments prouvent que la République de Croatie

 24   n’était pas le maître de jeu dans le cadre de cette guerre. 

 25   Moi, j’aimerais bien parler de ce sujet-là de manière


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  1   supplémentaire mais je pense qu’il n’est pas nécessaire

  2   qu’on parle de beaucoup trop de détails et qu’on perde

  3   beaucoup trop de temps.

  4         Mais de toute façon, il y a un certain nombre de

  5   contradictions à la thèse selon laquelle la République de

  6   Croatie était le maître de la guerre.  Je dirais tout

  7   simplement à titre d’illustration que l’usine des explosifs

  8   SPS, comme un complexe puissant disposer des finances, et

  9   cætera, des opérations qui étaient développées à Split,

 10   avait financé un certain nombre de vols d’hélicoptères qui

 11   ont effectivement ramené des équipements, qui ont également

 12   transféré des blessés.  Nous allons le prouver.

 13         Nous allons prouver que l’hélicoptère dont il a

 14   été question ici, il y avait un certain nombre d’indices

 15   selon lesquels il s’agissait d’un hélicoptère du HV.  Nous

 16   allons également démontrer qu’il y avait un certain nombre

 17   d’hélicoptères qui ont été financés par l’entreprise de

 18   Vitez, donc une personne morale qui n’a strictement rien à

 19   voir avec la Croatie.

 20         Nous allons également prouver… ici, nous allons

 21   présenter des moyens de preuve pour démontrer qu’un soldat

 22   de Croatie d’origine de Bosnie s’est acheminé en été 1993

 23   sur le territoire de Bosnie pour aider ses compatriotes, et

 24   au moment où il avait traversé la frontière entre la

 25   Croatie et la Bosnie, au poste frontalier, on l’avait


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  1   fouillé.  On a trouvé qu’il portait un uniforme et l’arme. 

  2   Ils lui ont expliqué que de toute façon, c’était la

  3   violation des lois.  Ils lui ont expliqué qu’il ne pouvait

  4   pas se rendre en Bosnie.  On l’avait mené devant la

  5   justice.  Il y avait une peine également qui a été

  6   prononcée à son égard car il y avait un procès d’infraction

  7   qui a été entamé.  Donc, il avait même payé une amende qui

  8   était plus élevée que sa paye mensuelle, ce qui était la

  9   norme à ce moment-là.  C’est donc à titre d’exemple que

 10   nous allons en parler.

 11         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Kovacic,

 12   excusez-moi, mais nous sommes maintenant 11 h 10

 13   pratiquement.  Est-ce que vous allez encore poursuivre

 14   longuement parce que nous devons quand même faire la

 15   pause ?

 16         Me KOVACIC (interprétation) :  Je suis sûr que je

 17   vais finir d’ici trois ou quatre minutes, cinq minutes.

 18         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  D’accord, vous

 19   pouvez poursuivre.

 20         Me KOVACIC (interprétation) :  Par conséquent, en

 21   ce qui concerne le territoire de la municipalité de Vitez,

 22   il faut également signaler que ce territoire a été divisé

 23   entre les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie.  On

 24   le sait déjà.  Ceci a été fait bien avant et les témoins

 25   nous l’ont dit.


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  1         Soixante-quinze pour cent de la municipalité de

  2   Vitez a été contrôlé par les Musulmans de Bosnie et 25 pour

  3   cent ont été détenus par les Croates et d’autres peuples

  4   qui habitaient ce territoire.  Il y avait des Croates qui

  5   étaient majoritaires mais il y avait également un village

  6   des Roms, des gitans, et il y avait un certain nombre de

  7   villages de Serbes, mais malheureusement, ils ont été déjà

  8   expulsés et je pense tout particulièrement à Kajmovic, le

  9   village de Kajmovic.  Il y a un témoin qui en a parlé.

 10         Enfin, nous allons certainement revenir à d’autres

 11   questions car nous considérons que les événements qui ont

 12   eu lieu à Vitez ne peuvent pas être considérés dans un

 13   contexte isolé, enfin plutôt hors contexte, car la

 14   situation était très, très complexe.

 15         Il y avait donc ce tableau qui est extrêmement

 16   complexe de l’ensemble de la Bosnie et c’est la raison pour

 17   laquelle je voudrais tout simplement citer deux phrases de

 18   la déposition et de la lettre du Témoin Watters qui étaient

 19   citées ici.  C’est une pièce à conviction qui a déjà été

 20   versée au dossier de la Défense 57/1.  Je pense que c’est

 21   d’une manière tout à fait réaliste qu’il en a parlé.  Je

 22   vais donc parler en anglais.

 23         Je cite :  « Il est trop facile que de parler de

 24   la culpabilité d’un certain nombre de factions, factions

 25   qui souhaitent donc obtenir un certain avantage politique. 


Page 16993

  1   C’est facile et c’est simple d’identifier celui qui a été

  2   l’auteur de cet acte et le pointer.  C’est bien évidemment

  3   plus facile mais ce n’est pas simple.  Par conséquent, dans

  4   une guerre civile, il n’y a que des victimes. »  Fin de

  5   citation.

  6         Je poursuis, Monsieur le Président.

  7         Il y a eu véritablement de victimes.  Nous ne le

  8   contestons pas.  Même si ces actes ont été commis, nous ne

  9   pouvons pas en donner la description comme ceci a été

 10   présenté lors de la présentation des moyens de preuve à

 11   charge, et de toute façon, ce n’était pas le cas d’une

 12   seule partie et on ne peut pas tirer de tous ces éléments

 13   une culpabilité individuelle.  Il y a bien évidemment une

 14   culpabilité collective, mais les pénalistes ne peuvent pas

 15   accepter une responsabilité, culpabilité collective et en

 16   tirer la conclusion qu’il y a également une responsabilité

 17   individuelle.

 18         Par conséquent, il est indispensable de prouver

 19   ici que mon client effectivement avait fait ou non cet acte

 20   criminel, qu’il aurait pu empêcher ou sanctionner.  Nous

 21   considérons de toute façon que ceci ne fut pas le cas et

 22   que nous allons le prouver au cours de la présentation des

 23   preuves à décharge.

 24         Je vous remercie, Monsieur le Président et

 25   Messieurs les Juges.


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  1         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Merci, Me

  2   Kovacic.

  3         Nous allons maintenant faire une pause d’une demi-

  4   heure.

  5               --- Suspension de l’audience à 11 h 14

  6               --- Reprise de l’audience à 11 h 46

  7               [Le témoin entre dans la Cour]

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vais

  9   demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.

 10         LE TÉMOIN (interprétation) :  Je déclare

 11   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et

 12   rien que la vérité.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Veuillez vous

 14   asseoir.

 15         TÉMOIN :  FILIP FILIPOVIC

 16         (ASSERMENTÉ)

 17         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski,

 18   nous venons de recevoir le résumé des déclarations du

 19   témoin.  Je pense qu’il serait peut-être une bonne idée,

 20   étant donné ce qu’a dit Me Sayers et cela paraissait une

 21   proposition tout à fait raisonnable.  Cela paraît

 22   raisonnable donc que le résumé forme la base de

 23   l’interrogatoire principal. 

 24         À ce moment-là, pour gagner du temps, il serait

 25   peut-être utile que vous vous contentiez de passer en revue


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  1   ce résumé aussi rapidement que possible en traitant en

  2   particulier des paragraphes dont vous estimez qu’ils sont

  3   d’une importance particulière.

  4         Me NICE (interprétation) :  Permettez-moi

  5   d’intervenir, Monsieur le Président.

  6         Nous venons seulement de recevoir ce document.  Je

  7   ne peux pas vous dire si je serai en mesure de contre-

  8   interroger ce témoin.  D’autre part, j’ai des observations

  9   à faire au sujet des résumés et au sujet de la façon dont

 10   les dépositions doivent être présentées.  Peut-être

 11   pourrais-je intervenir à ce sujet après avoir entendu le

 12   témoin.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui, mais le

 14   Règlement ne vous donne pas le droit de faire aucune

 15   déclaration que ce soit.  Donc, en fait, vous êtes plus

 16   privilégié que vous ne devriez l’être.

 17         Me NICE (interprétation) :  Oui, mais je souhaite

 18   faire des observations au sujet des résumés en dehors de la

 19   présence du témoin.

 20         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Essayons de

 21   commencer tout de suite car nous souhaitons terminer avec

 22   la déposition des témoins présents à La Haye cette semaine.

 23         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 24   le Président, Messieurs les Juges.  Bien entendu, nous

 25   allons nous conformer à ce que vous venez de dire.


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  1         Je vais donc me contenter de poser quelques

  2   questions en matière d’introduction à ce témoin, le témoin

  3   qui est le Général de brigade à la retraite Filip

  4   Filipovic.

  5         INTERROGÉ PAR Me NAUMOVSKI

  6         (interprétation) : 

  7         Q.    Monsieur Filipovic, vous avez lu, vous avez

  8   passé en revue votre déclaration et vous en disposez d’un

  9   exemplaire en serbo-croate ?

 10         R.    Oui.

 11         Q.    Tout ce qui figure dans ce document

 12   correspond à votre connaissance et, autant que vous vous en

 13   souveniez, à ce que vous avez dit ?

 14         R.    Oui.

 15         Q.    Ce que l’on peut lire dans cette déclaration

 16   correspond à vos connaissances et à ce que vous savez ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Vous avez maintenant prononcé la déclaration

 19   solennelle et vous allez donc maintenant confirmer que tout

 20   ce qui figure dans cette déclaration est conforme à la

 21   vérité.

 22         R.    Oui.

 23         Q.    Bien !

 24         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le

 25   Président, Messieurs les Juges, à ce moment-là, je


Page 16997

  1   souhaiterais demander le versement au dossier de ce

  2   document et je souhaiterais qu’on lui donne une cote.

  3         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Y a-t-il des

  4   objections ?

  5         Me NICE (interprétation) :  Oui, car je n’ai pas

  6   eu la possibilité de lire ce document.  Donc, je ne peux me

  7   prononcer d’une manière ou d’une autre sur la nature de ce

  8   document et sur le fait qu’il soit ou non approprié de le

  9   verser au dossier.

 10         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Bien !

 11         Me Naumovski, à ce stade de la procédure, étant

 12   donné qu’il y a une objection, la meilleure façon de

 13   procéder est la suivante.  Le témoin a passé en revue le

 14   document, a confirmé la véracité de ce document.  Donc, je

 15   vous demande d’attirer son attention sur les points qui

 16   vous tiennent particulièrement à cœur, lui demander donc de

 17   s’exprimer sur les points les plus importants.

 18         En ce qui concerne les éléments relatifs au

 19   contexte, je ne pense pas qu’ils soient contestés d’une

 20   manière ou d’une autre.  Il s’agit notamment de la première

 21   page, par exemple.  Je vous demande donc d’amener ainsi le

 22   témoin rapidement jusque… en tout cas, les deux premières

 23   pages, nous pouvons les lire et vous pouvez peut-être

 24   commencer à partir du paragraphe 16 et traiter rapidement

 25   de cette partie de sa déposition.


Page 16998

  1         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

  2   le Président, Messieurs les Juges.  Nous allons donc passer

  3   très rapidement sur cette partie introductive.

  4         Q.    Mon Général, vous êtes donc né le 1er mars

  5   1946 à Travnik, vous êtes marié et vous avez trois enfants,

  6   n’est-ce pas ?

  7         R.    Oui.

  8         Q.    Vous avez terminé le lycée à Travnik en 1965

  9   et à ce moment-là, vous avez rejoint l’Académie militaire

 10   de Belgrade et vous avez parfait votre formation militaire

 11   en suivant les cours de l’Académie pour les officiers

 12   supérieurs de brigade de 1977 à 1979 ?

 13         R.    Oui.

 14         Q.    Actuellement, vous êtes le directeur, le chef

 15   de la direction responsable du déminage qui relève du

 16   ministère de la Défense de Bosnie-Herzégovine ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Maintenant, quelques éléments d’information

 19   au sujet de votre service au sein de la JNA.  Il s’agit des

 20   paragraphes 7 à 15, donc, service au sein de la JNA et du

 21   HVO.

 22         Donc, au sein de la JNA, vous avez eu des postes

 23   de responsabilité importants.  Vous avez eu une carrière

 24   assez brillante de militaire de carrière, n’est-ce pas ?

 25         R.    Oui.


Page 16999

  1         Q.    Vous avez quitté la JNA volontairement le 10

  2   avril 1992, n’est-ce pas ?

  3         R.    Oui.

  4         Q.    Il apparaît clairement qu’à ce moment-là,

  5   vous étiez Colonel, n’est-ce pas ?

  6         R.    Oui.

  7         Q.    Étant donné votre formation militaire, vous

  8   êtes retourné dans votre municipalité, dans votre ville

  9   natale Travnik et vous vous êtes mis à la disposition de

 10   votre peuple et vous êtes devenu le premier commandant de

 11   toutes les forces du HVO qui étaient en phase

 12   d’organisation en Bosnie centrale, n’est-ce pas ?

 13         R.    Oui.

 14         Q.    Cependant, cela n’a duré que pendant peu de

 15   temps jusqu’au 29 mai 1992 et ensuite jusqu’en octobre

 16   1992, vous avez été commandant du QG spécial dans la Zone

 17   opérationnelle de Bosnie centrale sous le commandement du

 18   Colonel Tihomir Blaskic ?

 19         R.    Oui.

 20         Q.    En octobre 1992, à Travnik, celui qui était

 21   alors commandant de la Brigade, Ivica Stojak, a été tué par

 22   des membres de la 7e Brigade musulmane et vous êtes alors

 23   devenu commandant de la Brigade de Travnik ?

 24         R.    Oui.

 25         Q.    Il ne s’agissait nullement d’occuper un poste


Page 17000

  1   inférieur, de vous faire occuper un poste inférieur à celui

  2   que vous occupiez précédemment ?  C’était volontaire de

  3   votre part.  Vous avez souhaité occuper ce poste étant

  4   donné la gravité de la situation et étant donné les

  5   activités de l’armée de la Republika Srpska ?

  6         R.    Oui.  Je l’ai fait de mon plein gré.

  7         Q.    Vous avez occupé ce poste jusqu’à la fin

  8   avril 1993 ou plus exactement jusqu’au 28 avril 1993,

  9   n’est-ce pas ?

 10         R.    Oui.

 11         Q.    À ce moment-là, vous avez été remplacé par

 12   Jozo Leutar qui a été tué dans le cadre d’une tentative

 13   d’assassinat à Sarajevo.  Il était adjoint du ministre de

 14   l’Intérieur de la Bosnie-Herzégovine ?

 15         R.    Oui.

 16         Q.    Je crois que nous allons peut-être un peu

 17   vite.  Donc, ce que je me propose de faire c’est de faire

 18   une petite pause entre nos interventions respectives. 

 19         Donc, maintenant, parlons d’une période de temps,

 20   celle de la fin avril 1993.  Vous êtes devenu membre de la

 21   Commission conjointe qui réunissait l’armée de Bosnie-

 22   Herzégovine et le HVO, une commission qui avait été mise

 23   sur pied pour les négociations de cessez-le-feu après les

 24   combats à Travnik et vous êtes resté à ce poste ou dans ces

 25   fonctions jusqu’en juin 1993 ?


Page 17001

  1         R.    Oui.  J’étais effectivement membre de cette

  2   commission de très haut niveau qui réunissait l’armija,

  3   l’armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.

  4         Q.    Je souhaiterais que vous nous disiez la chose

  5   suivante :  Sous le commandement de Monsieur Petkovic, il y

  6   avait le Colonel Andric du côté croate et il y avait Sefer

  7   Halilovic, Rasim Delic et Vehbija Karic du côté de l’armée

  8   de Bosnie-Herzégovine, n’est-ce pas ?

  9         R.    Oui.  Vous avez indiqué les membres les plus

 10   importants qui participaient à cette commission.  De notre

 11   côté, il y avait également Monsieur Totic parce qu’il avait

 12   été enlevé par les forces musulmanes, et de l’autre côté,

 13   il y avait d’autres officiers qui étaient présents au sein

 14   de cette commission, mais je ne pourrais pas vous dire

 15   leurs noms.

 16         Q.    Si j’ai bien compris ce que vous venez de

 17   nous dire, la nomination de Zivko Totic, c’était une façon

 18   d’obliger la partie adverse à le libérer, n’est-ce pas ?

 19         R.    Oui, oui.  Au départ, c’était la première

 20   raison.  D’autre part, c’était un officier de qualité qui

 21   pouvait faire du bon travail au sein de cette commission.

 22         Q.    Dans cette partie d’introduction, maintenant,

 23   je vais passer aux paragraphes 12 à 15 du résumé, 12 à 15.

 24         Le 11 juin 1993, vous avez été nommé adjoint au

 25   Commandant pour la Zone opérationnelle de Bosnie centrale. 


Page 17002

  1   Vous étiez donc adjoint du Colonel Blaskic.  Vous étiez

  2   responsable de la préparation des opérations de combats et

  3   vous êtes resté à ce poste jusqu’en mars 1994, à savoir la

  4   fin de la guerre ?

  5         R.    Oui.  Quand je suis arrivé en Bosnie centrale

  6   le soir du 10 juin, la situation était extrêmement confuse

  7   et il était important que j’aille tout de suite sur les

  8   lignes de front pour évaluer la situation.  Nos lignes

  9   s’étaient complètement effondrées, notamment sur le front

 10   ouest et aussi sur d’autres segments de la ligne de front. 

 11   Les forces musulmanes étaient parvenues à enfoncer le

 12   front.

 13         Q.    Merci.  En avril 1994, vous avez remplacé le

 14   Colonel Blaskic et vous êtes devenu effectivement le

 15   Commandant de la Zone opérationnelle.  Vous êtes resté à ce

 16   poste pendant un an ?

 17         R.    Oui.  J’étais adjoint au commandant, j’étais

 18   adjoint de Blaskic.  Je l’ai été pendant toute la guerre

 19   qui a opposé les Musulmans et les Croates, c’est-à-dire

 20   l’armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO.  Jusqu’à l’accord

 21   de cessez-le-feu après le conflit, quand Blaskic est parti,

 22   j’ai occupé le poste de Commandant de la Zone

 23   opérationnelle.

 24         Q.    Après un bref séjour dans la deuxième Zone

 25   opérationnelle de Tomislavgrad, en mai 1995, vous avez


Page 17003

  1   remplacé le Général Ante Roso au sein du commandement

  2   conjoint de l’armée de la Fédération, c’est-à-dire que vous

  3   avez remplacé un officier du HVO qui auparavant, donc,

  4   était membre du commandement conjoint ?

  5         R.    Oui.  Le commandement conjoint de l’armée de

  6   la Fédération avait son QG à Sarajevo et je suis entré à

  7   Sarajevo par un tunnel à la mi-mai et j’y ai donc occupé le

  8   poste de commandant.  Mon homologue, c’était le Général

  9   Muslimovic et Backovic qui lui a succédé après.

 10         Q.    Merci.  Je n’ai plus qu’une seule question à

 11   vous poser au sujet de votre carrière d’officier.  Il

 12   s’agit du point 15 du résumé.

 13         Le 31 janvier 1997, vous êtes parti à la retraite

 14   et vous aviez à la fin de votre carrière le poste de

 15   Général de brigade au sein de l’armée de la Fédération de

 16   Bosnie-Herzégovine : Est-ce bien exact ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Maintenant, j’ai un certain nombre de

 19   questions à vous poser au sujet de la structure du

 20   commandement des forces du HVO telle qu’elle prévalait au

 21   début en Bosnie et il s’agit des paragraphes qui commencent

 22   par le paragraphe 16 dans le résumé.  La Chambre de

 23   première instance a déjà eu des informations à ce sujet.

 24         Les Croates faisaient l’objet de discrimination au

 25   sein de la JNA et vous avez été un des premiers Croates


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  1   depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale à fréquenter

  2   l’Académie militaire pour officiers supérieurs ?

  3         R.    Oui.  Vingt ans après la guerre, il était

  4   inconcevable pour les Croates de fréquenter cette académie

  5   militaire.  Il a fallu attendre la chute de Rankovic pour

  6   que les Croates puissent effectivement poursuivre des

  7   carrières d’officiers militaires supérieurs.

  8         Q.    La situation militaire est devenue

  9   extrêmement tendue, extrêmement incertaine pour les

 10   Musulmans et les Croates du fait de l’agression et la

 11   nouvelle République de Bosnie-Herzégovine qui venait d’être

 12   établie n’a jamais été en mesure de fonctionner

 13   correctement avec toutes les institutions qu’on imagine et

 14   qui font partie d’un pays normal ?

 15         R.    Il est très difficile de décrire la situation

 16   en Bosnie-Herzégovine en avril et même d’ailleurs en mars

 17   1992.  Le fait est que presque rien ne fonctionnait

 18   correctement.  Le système était en plein déshérence.

 19         Q.    Étant donné la situation qui prévalait à ce

 20   moment-là, les municipalités qui étaient isolées et qui

 21   avaient du mal à communiquer entre elles, les municipalités

 22   étaient laissées à elles-mêmes ?

 23         R.    Pas uniquement les municipalités.  Même si on

 24   descend à un niveau inférieur, les gens s’organisaient

 25   donc, bien entendu, au niveau des municipalités, c’était


Page 17005

  1   considéré comme le niveau le plus élevé, mais les gens

  2   s’organisaient également au niveau des villages. 

  3   L’organisation qui fonctionnait encore au plus haut niveau,

  4   c’était celle des municipalités.

  5         Q.    Pendant cette période très difficile, le HVO

  6   a officiellement été proclamé, sa formation a été

  7   officiellement proclamée le 8 avril 1992 ?

  8         R.    J’ai quitté la JNA le 10 avril 1992 à

  9   Sarajevo et ce n’est que plus tard que j’ai appris que le

 10   HVO avait été constitué.  Je suis arrivé dans la zone de la

 11   vallée de la Lasva le 12 avril.

 12         Q.    Vous voulez dire en 1992 ?

 13         R.    Oui, c’est exact, 1992.  Immédiatement, j’ai

 14   constaté que la situation était chaotique et du fait de

 15   l’agression de la JNA, de ses intentions agressives,

 16   connaissant ce fait, j’ai offert mes services parce que je

 17   savais que parmi les Croates, il n’y avait personne qui

 18   était mieux à même de répondre, de réagir à la situation,

 19   qui était mieux formé pour y réagir.  Donc, j’ai insisté

 20   personnellement pour que l’on me fasse commandant des

 21   forces qui se trouvaient sur le terrain à ce moment-là.

 22         Q.    L’attaque qui a été menée, une attaque très

 23   puissante qui a été menée par les forces serbes qui étaient

 24   bien formées, qui étaient très bien équipées, dans sa phase

 25   initiale a permis à ces forces d’occuper 70 pour cent du


Page 17006

  1   territoire et a entraîné des flux de réfugiés dans les

  2   zones qui n’étaient pas encore occupées ?

  3         R.    En avril, il n’y a peut-être pas encore de

  4   flux de réfugiés, mais en tout cas, au début mai et ensuite

  5   en juin, on a vu des milliers de personnes aller vers la

  6   zone de Bosnie centrale.

  7         Q.    Nous avons donc parlé de la mise en place du

  8   HVO, point 19 du résumé, mais à l’époque, vous avez

  9   participé activement à l’organisation du HVO et vous avez

 10   déclaré que les problèmes les plus graves que vous

 11   rencontriez, c’était de former des officiers parce qu’il

 12   n’y avait qu’une dizaine d’officiers de carrière

 13   disponibles, si on peut dire ?

 14         R.    Oui.  J’ai essayé de travailler non seulement

 15   à l’organisation des forces, à l’organisation des Croates,

 16   mais aussi à l’organisation des Musulmans parce que nous

 17   nous attendions à une attaque extrêmement dangereuse au

 18   niveau du col de Komar qui se trouve près de Turbe et au

 19   niveau du mont Vlasic.  Ils étaient extrêmement bien armés. 

 20   Il y avait donc beaucoup de personnes qui étaient armées,

 21   mais il n’y avait pas d’organisation pour commander les

 22   personnes qui disposaient d’armes, de commandement

 23   professionnel, et en ce qui concerne les Croates, à

 24   l’époque, il n’y avait pratiquement personne qui était

 25   disponible pour remplir ces fonctions, et tout au long de


Page 17007

  1   la guerre, nous n’avons été en mesure d’avoir à notre

  2   disposition qu’une dizaine et même moins de 10 officiers de

  3   carrière, officiers expérimentés.

  4         Q.    Vous conviendrez, n’est-ce pas, qu’en 1992,

  5   le HVO a mis en place sa structure militaire, on a vu la

  6   création des zones opérationnelles, de l’état-major

  7   principal et à la fin 1992, le HVO était assez bien

  8   organisé et avait des forces assez considérables,

  9   importantes ?

 10         R.    Oui.  À partir d’avril 1992 et jusqu’à la fin

 11   de l’année, nous avons été en mesure d’organiser nos hommes

 12   et les combats qui ont eu lieu nous ont forcés à former ces

 13   soldats pour repousser les attaques au niveau du mont

 14   Vlasic, au niveau du col de Komar, de la ville de Jajce et

 15   nous avons été aussi en mesure de faire le lien avec

 16   l’enclave de Jajce.  Ceci s’est passé en été 1992 et cet

 17   endroit a donc formé un tout, il y a eu une continuité

 18   territoriale.

 19         Q.    Avec le développement du HVO, il s’est

 20   graduellement séparé des autorités civiles.  Nous savons

 21   qu’en été 1992, on a mis en place un gouvernement civil du

 22   HVO sous la direction de Monsieur Jadranko Prlic.

 23         R.    Au départ, il était assez difficile de faire

 24   la distinction entre ces différentes parties du HVO.  Au

 25   début, il n’y avait que le HVO et puis ultérieurement, bien


Page 17008

  1   entendu, on a fait la distinction, la séparation entre la

  2   partie militaire et l’autre et nous nous sommes efforcés

  3   donc de développer la partie militaire, la branche

  4   militaire du HVO séparément des autres.

  5         Q.    Autre question au sujet de l’organisation. 

  6   Il s’agit du paragraphe 20 du résumé.

  7         Vous avez dit qu’au sein de l’armée de Bosnie-

  8   Herzégovine, il y avait beaucoup plus d’officiers de

  9   carrière, d’officiers formés correctement qui étaient venus

 10   de la JNA, y compris d’ailleurs des officiers à la

 11   retraite.  Donc, il a été plus facile à l’armée de Bosnie-

 12   Herzégovine de s’organiser, plus facile que pour le HVO

 13   parce que l’armée de Bosnie-Herzégovine disposait de plus

 14   d’officiers d’état-major ?

 15         R.    Dès mai 1992, et cela d’ailleurs s’est

 16   poursuivi également en juin, un certain nombre de

 17   Musulmans, d’officiers musulmans sont arrivés sur le

 18   territoire de la Bosnie centrale et ils étaient dix fois

 19   plus nombreux que leurs homologues croates.  Je pourrais

 20   vous en donner les noms d’une vingtaine comme ça.  Donc, on

 21   a senti leur présence dans la région et donc il y avait de

 22   nombreux officiers qui ont rejoint les rangs de la Défense

 23   territoriale ou de l’armée de Bosnie-Herzégovine.  Le nom

 24   n’a cessé de changer.

 25         Donc, du fait de l’arrivée de ces gens-là,


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  1   l’équilibre qui prévalait dans cette zone assez limitée,

  2   qui avait prévalu dans cette zone depuis très longtemps a

  3   été complètement modifié et les unités de l’armée de

  4   Bosnie-Herzégovine, à partir de juin 1992, se sont beaucoup

  5   plus étoffées, et je parle non seulement du nombre d’hommes

  6   qu’elles contenaient mais aussi des officiers de carrière

  7   qui les commandaient.  La seule faiblesse était peut-être

  8   au niveau du matériel, de l’équipement.

  9         Q.    Paragraphe 21 : il s’agit ici des personnes

 10   qui sont passées dans la Zone opérationnelle entre mai et

 11   juin 1992 au moment où le Colonel Blaskic est devenu le

 12   Commandant de la Zone opérationnelle de Bosnie centrale.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski,

 14   nous pouvons lire ce paragraphe par nous-mêmes.  Donc, vous

 15   pouvez passer assez rapidement.

 16         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 17   le Président.  C’est justement ce que je m’apprêtais à

 18   faire.

 19         Q.    Mon Général, il n’est pas utile de donner le

 20   nom de toutes les personnes qui vous ont succédé, mais

 21   vous, vous avez proposé au Général Petkovic de nommer

 22   Tihomir Blaskic au poste de Commandant de la Zone

 23   opérationnelle de Bosnie centrale en juin 1992, n’est-ce

 24   pas ?

 25         R.    Oui.  L’un des commandants a été fait


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  1   prisonnier.  Étant donné la nature des difficultés que nous

  2   rencontrions dans la zone, l’étendue de ces problèmes, ces

  3   difficultés, il est devenu très clair que nous avions

  4   besoin d’un militaire de carrière professionnel à ce poste

  5   et nous l’avons trouvé effectivement en la personne de

  6   Tihomir Blaskic.

  7         Q.    Nous pouvons passer au point 22.

  8         Donc, il a été nommé commandant.  Il a adopté une

  9   certaine mesure également.  Franjo Nakic a été nommé le

 10   chef de l’état-major de la Bosnie centrale.  Par

 11   conséquent, la structure du HVO pratiquement a été mise en

 12   place.  On peut dire que maintenant, on a une chaîne de

 13   commandement, n’est-ce pas ?

 14         R.    Oui.  Au cours de 1992, nous avons essayé de

 15   trouver les moyens pour nous organiser de la meilleure

 16   façon possible.  À la fin de 1992, nous avons pratiquement

 17   obtenu une forme, si nous pouvons dire, nous avons obtenu

 18   une structure la meilleure possible à l’époque dans

 19   laquelle nous avons agi.

 20         Q.    Maintenant, nous passons au paragraphe 23.

 21         En avril 1992, vous vous êtes rendu en Bosnie

 22   centrale.  Vous étiez en bonnes relations avec vos

 23   collègues de la Défense territoriale, je le suppose, mais

 24   vous avez remarqué, par ailleurs, que les Musulmans, au

 25   bout de deux mois après votre arrivée dans le secteur de


Page 17011

  1   Travnik, ont commencé à changer, à remplacer plutôt leurs

  2   commandants, les commandants qui étaient en poste à

  3   l’époque et puis ils les remplaçaient par des hommes qui

  4   étaient membres du Parti musulman SDA et vous savez que

  5   jusqu’à la mi-1992, les Musulmans avaient remplacé

  6   pratiquement tous leurs commandants qui à l’époque étaient

  7   en très bons termes avec les Croates aussi bien dans la

  8   région de Travnik et de Novi Travnik que de Vitez ?

  9         R.    Dès le début, j’étais en très bons termes et

 10   j’étais en très bonne coopération avec les commandants tels

 11   que Cengic à Vitez, Siber à Travnik, et à Novi Travnik

 12   également, il y avait un commandant.  Donc, c’était au

 13   niveau des commandants locaux et puis nous avons essayé

 14   également de négocier le départ de l’ex-JNA et moi, j’étais

 15   en quelque sorte l’otage pour que les soldats de la caserne

 16   de Novi Travnik sortent de Novi Travnik, pour que donc

 17   cette garnison se retire.  On m’a pris en otage en quelque

 18   sorte.  Il y avait bien évidemment les citoyens, les

 19   villageois qui les ont poursuivis.

 20         Il y avait d’autres actions également que nous

 21   avons entreprises et puis tout d’un coup, de nouvelles

 22   personnes, des personnes qui n’étaient pas de ce territoire

 23   et qui étaient des fonctionnaires, qui essayaient de

 24   prendre un certain nombre de décisions, alors que des

 25   cadres, des gens qui étaient sur place, que je connaissais,


Page 17012

  1   tout d’un coup, n’étaient plus dans ces structures.  Il y

  2   avait des personnes qui sont arrivées telles que Alagic,

  3   Cuskic, Merdan et les autres.

  4         Q.    Monsieur Filipovic, vous n’avez jamais été

  5   membre du HDS, n’est-ce pas, du Parti croate ?

  6         R.    Non.

  7         Q.    Quelque chose au sujet de la chaîne de

  8   commandement, et là, nous passons aux points 24 jusqu’à 28.

  9         Nous avons parlé de l’organisation militaire du

 10   HVO déjà tout à l’heure, mais parallèlement, il y avait

 11   également des autorités civiles de la Communauté croate de

 12   Herceg-Bosna qui ont été crées, le Président comme fonction

 13   a commencé à exister, le Président donc de la Communauté

 14   croate de Herceg-Bosna.  C’était au début du mois de

 15   juillet 1992 et le Président de la Communauté croate de

 16   Herceg-Bosna était en même temps le Commandant suprême des

 17   forces armées, n’est-ce pas ?

 18         R.    Oui.

 19         Q.    Conformément au décret sur les forces armées,

 20   il y avait également la fonction du chef de l’état-major du

 21   HVO ainsi qu’il y avait un office de la Défense, un

 22   ministère en quelque sorte qui a été créé, n’est-ce pas ?

 23         R.    Oui, mais personnellement, je ne peux pas

 24   vous dire trop de choses là-dessus parce qu’on a appris un

 25   certain nombre de choses.  Il y avait quelques informations


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  1   que nous avons reçues, mais on n’était pas en contacts

  2   permanents avec le sommet, avec l’état-major principal et

  3   avec le Président de la Communauté croate de Herceg-Bosna,

  4   mais de temps à autre, on était en contact et, bien

  5   évidemment, il y avait des décisions qui nous sont

  6   parvenues.

  7         Q.    Paragraphe 25.  Au cours de 1992 jusqu’à la

  8   fin juillet, début août 1993, le Général de brigade Milivoj

  9   Petkovic était le Commandant en chef du HVO, des forces

 10   armées du HVO.  Il a été remplacé à ce poste par le Général

 11   Slobodan Praljak et par la suite, fin novembre 1993, il a

 12   été remplacé par le Commandant en chef Général Ante Roso ?

 13         R.    Je ne suis pas tout à fait sûr des dates que

 14   vous citez, mais c’était l’ordre chronologique en ce qui

 15   concerne les Commandants en chef de l’état-major du HVO.

 16         Q.    Pour ce qui est du point 26, les forces

 17   armées du HVO étaient organisées dans les quatre zones

 18   opérationnelles, n’est-ce pas ?

 19         R.    Oui.  Première, deuxième, troisième,

 20   quatrième zones.

 21         Q.    D’accord.  Maintenant, ce qui nous intéresse

 22   c’est la Zone opérationnelle de Bosnie centrale.  Je pense

 23   que c’était la troisième Zone opérationnelle et elle était

 24   désignée comme ça, comme la troisième Zone opérationnelle,

 25   n’est-ce pas ?


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  1         Je vais terminer.  Elle avait couvert par

  2   conséquent les municipalités de la Bosnie centrale.  Dans

  3   ce paragraphe 26, il y a l’énumération de ces

  4   municipalités.  Nous n’allons pas répéter quelles sont les

  5   municipalités, mais je pense que nous sommes d’accord là-

  6   dessus, que ces municipalités étaient couvertes par la Zone

  7   opérationnelle numéro 3 ?

  8         R.    Oui.  Pratiquement toute la Bosnie, exception

  9   faite de Posavina et de Herzégovine.

 10         Q.    Après ces premiers problèmes de nature

 11   organisationnelle, au moment où, en définitive, le Colonel

 12   Blaskic a été nommé Commandant en chef et chef de cette

 13   Zone opérationnelle en juin 1992, le commandement se

 14   trouvait à Kruscica.  Par la suite, ce siège a été

 15   transféré à l’hôtel Vitez de la ville Vitez ?  Je pense que

 16   j’ai bien compris cela.

 17         R.    Oui.  Le QG de la Zone opérationnelle de

 18   Vitez, en été 1992, était stationné à Lovac à Kruscica. 

 19   C’est un village mixte.  Il y avait des Croates et des

 20   Musulmans.  Il y avait une suite d’incidents qui se sont

 21   déroulés dans ce secteur et un peu plus largement et c’est

 22   la raison pour laquelle Blaskic et le commandement de la

 23   Zone opérationnelle avaient pris la décision de transférer

 24   leur siège à l’hôtel Vitez.  Effectivement, l’état-major a

 25   été transféré en automne 1992.


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  1         Q.    1992 ?

  2         R.    Oui, tout à fait, 1992, et ils sont restés à

  3   cet endroit-là jusqu’à la fin de la guerre pratiquement.

  4         Q.    Pour ce qui concerne la Zone opérationnelle –

  5   maintenant, nous parlons du paragraphe 27 – il y avait des

  6   brigades municipales qui opéraient.  Chaque brigade avait

  7   son commandement, son commandant, son adjoint, et cætera. 

  8   À titre d’exemple, la Brigade Busovaca qui a été nommée

  9   Nikola Subic-Zrinjski avait son Commandant Niko Jozinovic. 

 10   Ensuite, il est parti à Zepce et il a été remplacé par

 11   Dusko Grubesic, n’est-ce pas ?

 12         R.    Oui.  Au moment où nous avons commencé à nous

 13   organiser au sein des brigades, quand nous étions à ce

 14   niveau-là – maintenant, bien évidemment, ça nous paraît

 15   très clair – mais pendant donc cette période, il ne faut

 16   pas oublier qu’on a été pilonné par l’armée de la Republika

 17   Srpska.  Puis, il y avait également ces incidents et ces

 18   tensions entre les Musulmans et les Croates. 

 19         Ce n’était pas facile et ce n’était pas aussi

 20   simple que nous le voyons.  C’était un processus qui était

 21   lent et on s’était organisé par villages et en fonction de

 22   la population dont nous disposions au niveau des villages. 

 23   Par conséquent, on a commencé par les compagnies, par les

 24   pelotons, et ce n’est que plus tard que nous sommes arrivés

 25   jusqu’à la brigade, et sinon, vous avez raison de citer cet


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  1   exemple.

  2         Q.    Au cours de ce procès, on a beaucoup parlé de

  3   la Brigade du HVO, mais vous, vous êtes une personne

  4   expérimentée, certainement la plus qualifiée.  Ce n’est pas

  5   une brigade dans le sens de l’OTAN ou dans le sens de

  6   l’organisation d’une armée moderne.  Elle porte un nom

  7   brigade, mais sur le plan substantiel, ce n’est pas une

  8   brigade qui pourrait être comparée à une brigade selon les

  9   normes régulières ?

 10         R.    Nous avons utilisé ce terme « brigade » vis-

 11   à-vis de l’ennemi également parce qu’on voulait leur faire

 12   dire que nous sommes bien organisés, on voulait être

 13   efficace, et cætera.  La mobilisation était généralisée et

 14   ça aurait pu être véritablement une brigade, mais quand on

 15   parle de la chaîne de commandement, quand on parle

 16   également des relations entre les unités différentes, ce

 17   n’était pas véritablement une brigade.  On aurait pu nommer

 18   ça plutôt une formation.

 19         On fonctionnait, mais ce n’était pas dans le vrai

 20   sens de ce terme, si vous voulez, une formation militaire. 

 21   Il est indispensable, un an ou deux ans même en temps de

 22   paix, pour organiser une brigade et davantage même quand

 23   vous êtes en période de guerre.  Vous pouvez éventuellement

 24   accélérer les choses, mais sur le plan organisation

 25   intérieure, sur le plan également cadre dont on disposait,


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  1   on ne pouvait certainement pas parler d’une brigade, non

  2   seulement conformément, si vous voulez, aux normes de

  3   l’OTAN, mais même pas en vertu de ce qui se passe ailleurs.

  4         Q.    Nous allons parler du paragraphe 28.  C’est

  5   le dernier de ce chapitre.

  6         Il y avait des brigades qui comportaient des

  7   bataillons et les bataillons comportaient des compagnies. 

  8   Par conséquent, les commandants des bataillons étaient

  9   responsables devant le commandant des brigades, les

 10   commandants de compagnies répondaient aux commandants de

 11   bataillons.  Par conséquent, il y avait Blaskic qui était

 12   en haut de cette pyramide, n’est-ce pas ?

 13         R.    Oui.

 14         Q.    Maintenant, nous allons passer à un autre

 15   sujet si vous voulez bien, mon Général.  Il s’agit de ce

 16   partage des armes et des casernes de l’ex-JNA.

 17         Excusez-moi, mais il y a une petite question sur

 18   laquelle j’aimerais revenir.  Quand j’ai parlé de Nikola

 19   Subic-Zrinjski, de la brigade, j’ai dit qui était le

 20   commandant, mais comme Monsieur Kordic est mon client, il

 21   me faut vous poser la question :  Monsieur Kordic n’a

 22   jamais été Commandant de Nikola Subic-Zrinjski, n’est-ce

 23   pas ?  Il n’a jamais été commandant d’aucune formation à

 24   Busovaca, n’est-ce pas ?

 25         Me NICE (interprétation) :  Je pense qu’il s’agit


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  1   d’une question qui est une question qui guide le témoin.

  2         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  D’accord.

  3         R.    J’ai déjà dit qu’il ressort du paragraphe

  4   numéro 27 comment on avait organisé la brigade à Busovaca. 

  5   Je peux bien évidemment vous énumérer toutes les autres

  6   brigades dans ce secteur, aussi bien de Travnik, de Novi

  7   Travnik, et cætera.  Je pense que cette conclusion en

  8   ressort clairement.

  9         Me NAUMOVSKI (interprétation) : 

 10         Q.    Il y avait une objection qui a été soulevée

 11   par Me Nice.  Je peux vous poser la question différemment.

 12         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Non, non.  On

 13   n’en a pas besoin.  Vous pourrez poser la question

 14   éventuellement, si vous voulez, si Monsieur Dario Kordic

 15   était commandant d’une brigade ou d’une autre unité, d’un

 16   groupement ou autre chose.  C’est comme ça que vous pouvez

 17   poser la question.

 18         Me NAUMOVSKI (interprétation) : 

 19         Q.    Est-ce que Monsieur Dario Kordic était

 20   commandant d’une unité ou d’une formation militaire en

 21   Bosnie centrale ou ailleurs ?

 22         R.    Je sais que Monsieur Dario Kordic n’a pas

 23   commandé de formation quelle qu’elle soit dans la Zone

 24   opérationnelle de Bosnie centrale.

 25         Q.    Merci.  Je vais maintenant passer à ce sujet


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  1   que j’ai déjà annoncé.  Il s’agit du deuxième sujet portant

  2   sur le partage des armes et des casernes de l’ex-JNA, donc,

  3   paragraphe 29 et plus loin.

  4         Au moment où la guerre a commencé, en ce qui

  5   concerne les armes, et bien évidemment à ce sujet-là, je

  6   pense aux Croates et aux Musulmans, c’est une question qui

  7   s’était posée parce que si on ne possédait pas des armes,

  8   on ne pouvait pas se défendre non plus.  Par conséquent,

  9   vous avez pris une décision et vous avez même conclu un

 10   accord que de partager des armes et de maintenir la

 11   caserne, enfin, de garder la caserne à Slimena, n’est-ce

 12   pas ?

 13         R.    Au moment où je suis arrivé en Bosnie

 14   centrale, il y avait beaucoup d’armes que des individus

 15   avaient sur eux, mais ce n’était que des fusils, fusils

 16   juste pour dire que c’était quelqu’un qui disposait d’une

 17   arme individuelle.  On savait, par ailleurs, qu’il y avait

 18   également des entrepôts d’armes, qu’il y avait donc ces

 19   armes qui appartenaient autrefois à la Défense

 20   territoriale.  Ce n’était pas la propriété de l’ex-JNA,

 21   mais c’était à la disposition de la Défense territoriale,

 22   autrement dit, à toute la population dans la région en

 23   question et que ces armes se trouvaient dans l’entrepôt de

 24   Slimena.  Dès le premier jour, moi, j’ai axé mes activités

 25   dans ce sens-là, donc, la caserne de Novi Travnik et


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  1   Slimena.

  2         Q.    Pour que la Chambre puisse comprendre bien,

  3   Slimena se trouve à trois ou quatre kilomètres par rapport

  4   à Travnik, n’est-ce pas ?

  5         R.    Oui.  Il s’agit d’un entrepôt et d’un secteur

  6   qui se trouvait dans le village où habitaient les Croates. 

  7   J’ai pu me renseigner et j’ai justement suivi un petit peu

  8   ce qui se passait pour que les armes ne soient pas prises.

  9         Q.    De toute façon, vous avez convenu de partager

 10   des armes, n’est-ce pas, mais il y avait un incident qui

 11   s’est passé, les gens se sont acheminés vers l’entrepôt,

 12   ceci ne pouvait pas être contrôlé, et c’est de cette façon-

 13   là que les armes ont été prises de cette caserne, c’était

 14   plutôt chaotique ?

 15         R.    Non, pas le premier jour, pas au moment des

 16   combats et des opérations.  Ce n’est que le lendemain

 17   matin, une fois qu’un des commandants a dynamité deux de

 18   ces bâtiments dans le cadre de ce complexe et quand on a

 19   pratiquement pu voir les armes déposées dans les champs et

 20   c’est à ce moment-là que des Musulmans se sont rassemblés

 21   et puis sont allés prendre des armes. 

 22         Moi, je savais qu’il y avait des mines qui ont été

 23   posées.  Moi, j’ai essayé donc de convaincre les gens de ne

 24   pas rentrer dans ce complexe, d’abord de déminer pour

 25   ensuite laisser les gens rentrer à l’intérieur, ce que nous


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  1   avons réussi de faire jusqu’à la fin de l’après-midi, et

  2   ensuite, les gens ont accouru et ont tout simplement pris

  3   des armes.

  4         Q.    Plus tard, vous étiez sur le terrain, vous

  5   avez également pu estimer la quantité des armes.  Il

  6   s’agissait de fusils semi-automatiques qui ont été pris par

  7   la Défense territoriale.  Est-ce que vous pouvez nous dire

  8   quelque chose là-dessus ?

  9         R.    Il s’agissait des armes et de l’équipement

 10   qui appartenaient à la Défense territoriale de la région en

 11   question.  C’était par conséquent un peu plus de 2 000

 12   fusils automatiques, d’autres également types d’armes qui

 13   normalement auraient dû être à la disposition de la

 14   population de la région.  Par conséquent, les Musulmans qui

 15   sont arrivés pour prendre les armes, ils étaient nombreux

 16   et ils étaient majoritaires.  Plus de 1 000 fusils étaient

 17   pris par les Musulmans.  Il y a 500 ou 600 fusils qui ont

 18   été pris par les Croates.  D’ailleurs, la preuve c’est

 19   qu’il y en avait beaucoup parmi les Musulmans qui ont été

 20   des victimes de ces mines qui ont été posées, et comme moi,

 21   je suis qualifié dans le domaine d’artillerie, moi, j’ai

 22   demandé également à ce qu’on me fournisse un certain nombre

 23   d’équipements tels boussoles, autres équipements également,

 24   me soient… enfin, pris pour moi-même.  Donc effectivement,

 25   on a pu prendre ces pièces détachées et me les apporter.


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  1         Q.    Mais en effet, c’était pour vous une bonne

  2   leçon que vous avez pu en tirer.  Vous avez entrepris

  3   également par la suite un certain nombre de mesures pour

  4   que quand il s’agirait plus tard d’autres casernes telles

  5   Kaonik et les autres à Novi Travnik, vous vous organisiez

  6   d’une façon beaucoup plus sure, enfin, surtout que ces

  7   casernes et les armes qu’elles contenaient soient réparties

  8   d’égal à égal ?

  9         R.    Oui.  Il y avait des accords auxquels nous

 10   sommes passés.  Puis, l’armée également se retirait d’un

 11   certain nombre d’endroits.  Par conséquent, nous nous

 12   sommes mis d’accord de respecter strictement l’organisation

 13   et notamment de ne pas permettre que le cas de Slimena se

 14   répète.

 15         Q.    Merci.  Comme nous parlons maintenant du

 16   partage des armes, nous devons également dire quelques mots

 17   au sujet des armes de Novi Travnik et de l’usine Bratstvo. 

 18   Vous avez partagé entre l’armée et le HVO moitié-moitié de

 19   ces armes.  Vous avez dit qu’un tiers normalement auraient

 20   dû donc être affectées au HVO de Visoko, un tiers à la

 21   Défense territoriale et une partie également devait aller à

 22   l’armée :  Est-ce que c’était bien ça ?

 23         R.    Oui.

 24         Q.    Vous avez dit par ailleurs que vous-même,

 25   vous étiez présent sur place, vous étiez témoin, vous avez


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  1   constaté que les Musulmans avaient une centaine de

  2   mortiers, neuf obusiers de calibre 122 millimètres et deux

  3   obusiers de 125 millimètres qu’on avait appelé Nora ?

  4         R.    Oui.  Nous avons mis en œuvre cet accord et

  5   c’était au mois de mai 1992.

  6         Q.    Merci.  Maintenant, nous allons passer à un

  7   autre sujet :  la chute de Jajce, paragraphes 30 et 31.

  8         Dans ces deux paragraphes, vous avez donné en

  9   détail ce qui s’était passé.  Vous avez dit également que

 10   vous aviez une ligne de responsabilité d’une longueur d’au-

 11   delà de 100 kilomètres.  Vous avez dit également que le

 12   HVO, avec des forces assez importantes, défendait cette

 13   ligne.  Mais je pense que vous serez d’accord avec moi pour

 14   dire que vous avez engagé 60 pour cent pratiquement de

 15   forces dont disposait le HVO en Bosnie centrale et le

 16   Général Milivoj Petkovic le disait également à un endroit ?

 17         R.    Pour ce qui concerne la poche et l’enclave de

 18   Jajce, c’était un problème en soi-même.  Il y avait un

 19   corridor qui était très étroit de la Bosnie centrale qui

 20   passait par Vlasic, par Ranco (ph.).  Il fallait passer par

 21   la forêt pour rejoindre Jajce.  C’est un corridor qui était

 22   véritablement très étroit.  Au cours de l’été 1992, il y

 23   avait des combats.  Il y avait des opérations très

 24   violentes dans la poche de Jajce.  Cette poche donc

 25   séparait le 1er et 2e Corps d’armée de la Republika Srpska


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  1   à 70 kilomètres à peu près et c’est la raison pour laquelle

  2   ces deux corps dans la région de Turbe pouvaient

  3   pratiquement sur le plan artillerie se toucher et c’est la

  4   raison pour laquelle ils voulaient se joindre.  C’est la

  5   raison pour laquelle d’ailleurs l’armée de la Republika

  6   Srpska voulait véritablement liquider cette poche de

  7   Jajce : pour se joindre, pour faire le lien.

  8         Q.    Nous n’allons pas maintenant abuser du temps

  9   de la Chambre.  Il y a juste une petite question que je

 10   voulais vous poser à ce sujet.

 11         Vous avez appris probablement qu’un certain nombre

 12   de Musulmans prétendaient qu’il n’y avait pas de soldats du

 13   HVO du côté de la ligne du front de Jajce et que c’est le

 14   HVO qui s’était mis tout simplement d’accord avec les

 15   Serbes de Bosnie de rendre Jajce.  Est-ce que vous avez

 16   entendu parler de ça ?

 17         R.    Personnellement, je dois dire que j’étais

 18   très, très touché par la chute de Jajce parce que moi, je

 19   me suis beaucoup engagé pour défendre Jajce.  D’un autre

 20   côté, Republika Srpska avait, avec la chute de Jajce,

 21   également de très grandes possibilités du point de vue

 22   stratégique, et moi, je sais également que Travnik et par

 23   conséquent la vallée de la Lasva étaient beaucoup plus

 24   menacées maintenant que ce ne fut le cas auparavant.

 25         Mais juste au lendemain de la chute de Jajce, il y


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  1   avait la propagande des Musulmans et notamment provenant de

  2   Sarajevo que soi-disant le HVO avait trahi des Musulmans,

  3   ce qui a véritablement provoqué une consternation dans la

  4   vallée de la Lasva parce que comme on pouvait vous trahir

  5   vous-même, vous avez maintenant des milliers et des

  6   milliers de réfugiés qui viennent dans la vallée de la

  7   Lasva.  Par conséquent, il s’agit d’un épisode qui tout

  8   simplement avait pour but de sous-estimer et de rendre

  9   impossible l’action du HVO.

 10         Q.    Merci.  Nous allons passer à un autre sujet. 

 11   Maintenant, nous allons parler d’expulsions et des

 12   persécutions, des réfugiés, le paragraphe 32.

 13         Vous avez dit qu’en résultat de cette attaque

 14   violente de l’armée de Republika Srpska contre les

 15   Musulmans et les Croates a provoqué une persécution de plus

 16   de 100 000 de Musulmans et des Croates et notamment les

 17   Musulmans qui se sont rendus dans le secteur que vous

 18   habitiez.  Ce sont les gens qui ont traversé les lignes

 19   croates.  Par conséquent, aussi bien les Musulmans que les

 20   Croates ont été autorisés de traverser vos propres lignes

 21   que vous avez tenues face aux Serbes et vous les avez

 22   laissés passer pour s’installer en Bosnie centrale, n’est-

 23   ce pas ?

 24         R.    Pour ce qui concerne le front, comme j’ai

 25   dit, il était de longueur 70, à savoir 30 respectivement


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  1   entre l’armée et le HVO.  Il y avait les trois routes, les

  2   trois routes par lesquelles les réfugiés pouvaient s’y

  3   rendre, et c’est l’armée de la Republika Srpska qui les a

  4   pratiquement livrés.  Ils ne pouvaient pas venir sans

  5   qu’ils soient livrés par l’armée de la Republika Srpska et

  6   toute cette ligne a été tenue par le HVO.  Quand je dis 100

  7   000 personnes, je parle de ces deux routes.

  8         Au moment où ils ont traversé les lignes de front,

  9   il fallait les transférer également.  Il n’y avait pas du

 10   pétrole, d’essence, de combustible.  Donc, on en manquait

 11   et c’est nous qui nous nous en sommes occupés.  Il ne

 12   s’agissait pas de réfugiés.  C’était véritablement des gens

 13   qui étaient frustrés.  Ce n’était pas des réfugiés simples.

 14         C’est même difficile de vous décrire ce qui

 15   s’était passé.  C’est l’armée de la Republika Srpska qui a

 16   tout simplement livré 10 000, 12 000 personnes et puis tout

 17   d’un coup, vous voyez une colonne qui s’achemine par Vlasic

 18   dans la vallée de la Lasva.  C’est comme ça que ça s’est

 19   passé.

 20         Q.    Maintenant, nous allons revenir au

 21   paragraphe… ou plutôt nous allons discuter du paragraphe

 22   33, et pour que l’Accusation ne m’accuse pas de poser des

 23   questions qui vous guident, enfin, questions pas

 24   pertinentes, je vais vous demander, mon Général :  Est-ce

 25   que d’après vous, en ce qui concerne la Bosnie centrale et


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  1   le HVO, y avait-il véritablement une politique officielle

  2   dans le sens de persécution des Musulmans qui a été

  3   élaborée ?

  4         R.    Mais j’ai déjà dit que les réfugiés ont été

  5   livrés par l’armée de la Republika Srpska.  Ces réfugiés

  6   ont été installés dans nos villages respectifs.  Dans les

  7   bâtiments de culte, par exemple à Novi Travnik, il y avait

  8   des centaines de Musulmans qui ont été installés dans une

  9   église.  Si véritablement il y avait une politique,

 10   j’aurais été peut-être d’accord parce que j’étais contre le

 11   fait que les réfugiés soient installés dans cette église

 12   consacrée à Jésus.  Mais cette politique était inexistante. 

 13   Ça n’existait pas.  J’aurais pu très bien éventuellement ne

 14   pas les aider, ne pas les aider sur le plan transport, sur

 15   le plan installation, hébergement, et cætera.

 16         Donc, je vais abréger.  Il n’y avait aucune

 17   politique dans le sens militaire, civil, religieux ou

 18   autre, dans le sens de non-acceptation des souffrances

 19   auprès des réfugiés et des Musulmans.  Il me faut vous dire

 20   également que ce n’était pas uniquement les Musulmans.  De

 21   Krajina, il y avait également des Croates.  Ils n’étaient

 22   pas aussi nombreux mais notre politique c’était de les

 23   accueillir, de les héberger, de les aider, et cette aide

 24   d’ailleurs que nous avons fournie, par la suite, a eu le

 25   revers de la médaille.


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  1         Q.    Dans ce paragraphe, vous dites de manière

  2   expresse quelle aurait été votre réaction et votre attitude

  3   si éventuellement il y avait une telle politique, si on

  4   avait conçu une telle chose ?

  5         R.    Heureusement qu’on ne peut pas véritablement

  6   voir ce qui se passerait dans le futur, dans l’avenir.  On

  7   peut essayer de prévoir mais on ne sait pas.  On ne voit

  8   pas clairement ce qui se passera.  Mais si jamais quelqu’un

  9   avait de manière intentionnelle essayer de créer une autre

 10   politique outre les relations donc telles qui prévalaient

 11   dans la région, je me serais opposé certainement à une

 12   telle politique.

 13         Q.    Mais vous avez dit, outre cette pression de

 14   la présence des réfugiés, vous avez également fait une

 15   observation militaire, enfin, au sujet des persécutions. 

 16   Vous avez dit que même s’il y avait une telle politique,

 17   alors que nous nous sommes mis d’accord bien évidemment que

 18   telle politique n’existait pas, aurait été un suicide tout

 19   simplement et que votre expérience militaire, outre donc

 20   ces qualités humaines que vous avez, vous aurait imposé

 21   d’agir différemment et de ne pas permettre justement de

 22   faire du mal à quelqu’un qui était beaucoup plus nombreux

 23   et beaucoup plus violent.

 24         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski,

 25   veuillez accélérer s’il vous plaît.  Je suis sûr que vous


Page 17029

  1   êtes en train d’essayer de faire un résumé de la déposition

  2   mais il vaut mieux ne pas déposer à la place du témoin. 

  3   Laissez-le faire cela.  Mais je suppose que nous avons

  4   compris ce que vous vouliez dire.

  5         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Vraiment, je

  6   n’avais pas l’intention de dire quoi que ce soit qui ne

  7   fasse pas partie des commentaires avancés par le Général,

  8   c’est-à-dire je ne souhaitais pas me référer à quoi que ce

  9   soit qui sortirait des propos tenus personnellement par ce

 10   Général.  Donc, c’est lui-même qui avait affirmé cela.

 11         Q.    Donc, est-ce que vous pourriez répondre

 12   maintenant s’il vous plaît brièvement, Monsieur le

 13   Général ?

 14         R.    En tant que professionnel, et d’ailleurs j’en

 15   ai déjà parlé, le rapport des forces dans la vallée de la

 16   Lasva s’est changé dès le mois de juin et surtout juillet

 17   1992 et chaque évolution de ligne, chaque changement de

 18   ligne de front serait une folie.  Au moins moi-même, je ne

 19   souhaitais pas être responsable de cela, et là, nous

 20   parlons de la Bosnie centrale.  Il n’y a pas eu de

 21   politique de persécution de Musulmans dans cette région et

 22   surtout pas de manière organisée.  Je parle des incidents,

 23   des événements différents qui se produisaient tous les

 24   jours.  Nous connaissons les causes mais il n’y a pas eu

 25   d’intention à le faire.


Page 17030

  1         Q.    Je vais proposer que ce résumé soit versé au

  2   dossier, et compte tenu de cela, je n’allais pas poser de

  3   questions concernant la 7e Brigade musulmane, mais puisque

  4   nous n’avons pas reçu de cote de cette pièce à conviction,

  5   il va être nécessaire d’en parler.  Donc, nous allons aller

  6   rapidement à travers le paragraphe 34.

  7         Vous avez dit que l’organisation du HVO et de

  8   l’armée de Bosnie-Herzégovine était semblable : le HVO

  9   disposait des zones opérationnelles et l’armée de Bosnie-

 10   Herzégovine des corps d’armée ?

 11         R.    Oui.  La situation était semblable, les

 12   problèmes étaient semblables et donc, les manières de les

 13   résoudre étaient semblables aussi.  Donc, les corps d’armée

 14   et les zones opérationnelles étaient organisés selon un

 15   système semblable ou identique.  D’ailleurs, ceci a été

 16   organisé par les personnes qui avaient reçu le même

 17   entraînement au sein de la JNA. 

 18         Ici, en ce qui concerne les zones opérationnelles,

 19   puisqu’il s’agit de quelque chose de caractéristique pour

 20   la Bosnie centrale, mais en ce qui concerne la 7e Brigade

 21   musulmane, elle a été créée, je pense, en été 1992 et

 22   l’exception à la règle concernant l’organisation des

 23   structures militaires dans la Bosnie centrale était

 24   illustrée par cette unité.

 25         Cette 7e Brigade musulmane a provoqué un profond


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  1   changement par le biais des insignes, par le biais des cris

  2   de guerre.  Tout ceci n’existait pas avant.  Également, les

  3   membres de cette unité insistaient que les femmes portent

  4   un foulard et puis d’ailleurs, il y a eu d’autres

  5   caractéristiques qui montrent que cette unité était

  6   différente, que cette brigade était différente par rapport

  7   aux autres unités qui opéraient dans cette région.

  8         Je considère que l’organisation de la 7e Brigade

  9   musulmane, et par la suite des Mujahedins, constituait un

 10   poids de plus sur la balance des tensions déjà existantes

 11   dans la région.

 12         Q.    Dites-moi, s’il vous plaît :  La 7e Brigade

 13   musulmane et ce détachement spécialement organisé, est-ce

 14   qu’ils étaient constitués des fondamentalistes, des

 15   personnes d’orientation fondamentaliste ?

 16         R.    Moi, j’ai l’impression, d’après mes

 17   connaissances de l’époque et même aujourd’hui, que la

 18   personne qui n’avait pas une compréhension spéciale des

 19   buts de la lutte dans cette région ne pouvait pas faire

 20   partie de cette unité.  Par exemple, je lutte pour la

 21   Bosnie-Herzégovine, je lutte pour mon peuple, je lutte pour

 22   que mes filles puissent utiliser du maquillage ou bien pour

 23   que mon fils puisse se servir des ordinateurs et ensuite,

 24   des forces armées viennent empêcher une telle évolution. 

 25   C’est pour ça que je dis qu’il s’agissait là d’un


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  1   changement par rapport à la vie normale, par rapport aux

  2   conditions de vie qui régnaient dans la région jusqu’à ce

  3   moment-là.

  4         Q.    Général, d’après vos connaissances, ces

  5   unités, 7e Brigade musulmane et El Mujahedins, qui les

  6   contrôlaient ?  De qui dépendaient-elles du point de vue du

  7   commandement et contrôle ?  Quel était le commandement qui

  8   leur était supérieur ?

  9         R.    Officiellement, c’était le 3e Corps d’armée

 10   avec son siège à Zenica.  Cependant, moi, je sais qu’en

 11   1995, en tant que Commandant de l’état-major conjoint,

 12   lorsque j’ai envoyé les membres des deux composantes afin

 13   de se rendre à certaines parties de Han Bila, que je ne

 14   pouvais pas trouver de personnes qui pouvaient le faire, ni

 15   les Croates, ni les Musulmans, et cette unité était traitée

 16   toujours différemment par rapport à toutes les autres

 17   unités, au moins en ce qui concerne cette partie du

 18   territoire contrôlé par l’armée de Bosnie-Herzégovine.

 19         Donc, je ne souhaite pas dire quoi que ce soit de

 20   plus, mais officiellement, elles dépendaient du

 21   commandement du 3e Corps d’armée de Bosnie-Herzégovine.

 22         Q.    En ce qui concerne le paragraphe 35, nous

 23   allons en parler brièvement.

 24         Les juges ont déjà pu entendre que les membres de

 25   la 7e Brigade musulmane ont commis un massacre à Dusina le


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  1   26 janvier 1993.  Il s’agissait là du premier massacre

  2   contre les civils en Bosnie centrale, mais vous savez

  3   personnellement, n’est-ce pas, que la 7e Brigade musulmane

  4   avait une fonction importante aussi pendant l’offensive de

  5   Travnik en juin 1993, ensuite, à Kakanj en juin 1993, à

  6   Fojnica en juillet 1993, à Bugojno en juillet 1993 et puis

  7   finalement à Vares en novembre 1993 ?

  8         R.    En ce qui concerne toutes ces opérations

  9   effectuées par la partie musulmane, elles n’auraient pas pu

 10   être effectuées sans la totalité ou une partie de la 7e

 11   Brigade musulmane, et sur la base de mes connaissances

 12   personnelles, de ce que les gens me disaient, je pense que

 13   les crimes contre les Croates dans cette région, les crimes

 14   contre les gens tout simplement étaient commis par des

 15   membres de cette brigade.

 16         Q.    Dernière question concernant Stupni Do et le

 17   rôle de cette brigade :  Dans la population civile ou même

 18   au sein des forces armées du HVO, puisque les membres de

 19   cette brigade, de la brigade musulmane ne montraient pas

 20   beaucoup de respect pour la vie humaine, les gens avaient

 21   peur, n’est-ce pas ?

 22         R.    J’ai déjà mentionné que l’image a changé avec

 23   le rôle joué de cette brigade.  Je ne peux pas dire

 24   vraiment que nous avions peur.  Bien sûr, au début, ils

 25   avaient une certaine réussite grâce à leur nouvelle


Page 17034

  1   attitude, mais en 1993, au moment où nous nous sommes

  2   retrouvés encerclés dans une enclave, lorsque les membres

  3   de cette unité et d’autres unités spéciales ont commencé à

  4   lancer des attaques, il s’agissait là d’une unité de combat

  5   comme les autres, sauf qu’elle provoquait plus de victimes

  6   que d’autres, plus de victimes de notre part.

  7         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Peut-être le

  8   moment est opportun…

  9         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  C’est justement

 10   ce que j’allais proposer.  Ça me convient tout à fait pour

 11   ne pas aborder un autre sujet maintenant.

 12         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Très bien ! 

 13   Nous allons suspendre l’audience.

 14         Général Filipovic, veuillez rentrer à 2 h 30 pour

 15   terminer votre déposition.  Je dois vous avertir, comme je

 16   le fais avec tous les témoins, de ne pas parler avec qui

 17   que ce soit de votre déposition avant sa fin et ceci

 18   concerne également les représentants de la Défense.

 19         À 2 h 30.

 20               --- Suspension de l’audience à 13 h 00

 21               --- Reprise de l’audience à 14 h 30

 22         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski,

 23   c’est à vous.

 24         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 25   le Président.


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  1         Avec votre permission, Monsieur le Président,

  2   Messieurs les Juges, je me suis avancé et j’ai retravaillé

  3   sur ce que j’avais prévu de faire.  Donc, je pense que nous

  4   allons pouvoir aller plus vite que prévu.  Je crois que

  5   l’Accusation a eu le temps d’étudier le résumé et je crois

  6   que maintenant, nous pouvons le verser au dossier.  De

  7   cette façon, nous n’aurons pas besoin d’aller paragraphe

  8   par paragraphe.

  9         Me NICE (interprétation) :  Je ne suis pas en

 10   mesure de faire cette concession.  Je n’ai eu le temps

 11   d’étudier le document que pour certaines parties.  Je n’ai

 12   pas eu le temps d’en étudier l’intégralité.

 13         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Me Naumovski,

 14   je vais vous demander de procéder aussi rapidement que

 15   possible.  Bien entendu, s’il y a certaines questions sur

 16   lesquelles vous souhaitez particulièrement attirer notre

 17   attention ou que vous souhaitez mettre en lumière

 18   particulièrement dans le cadre de votre interrogatoire

 19   principal, faites-le.

 20         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

 21   le Président.

 22         Q.    Mon Général, nous pouvons donc reprendre là

 23   où nous nous étions arrêtés avant la pause-déjeuner.  Nous

 24   nous sommes arrêtés au moment – et il s’agissait du

 25   paragraphe 37 – au moment où nous avons dit que les


Page 17036

  1   organisations politiques ont cessé de fonctionner, donc,

  2   paragraphes 37 et 38.

  3         Vous n’étiez pas membre du HDZ.  Vous nous l’avez

  4   dit.  Vous savez que ce principal parti politique croate a

  5   cessé d’exister pendant cet été-là ?

  6         R.    Je ne sais pas grand-chose à ce sujet, mais

  7   je sais que le HDZ, les Chrétiens démocrates, la démocratie

  8   de droite, les partis de droite n’étaient pas très actifs à

  9   l’époque et j’ai entendu dire qu’officiellement, on avait

 10   décidé que les membres du HVO ne pouvaient pas participer

 11   activement à la vie de partis politiques, et à partir de

 12   juin 1992, en effet, ces partis n’étaient pas actifs.

 13         Q.    Nous avons également parlé aujourd’hui des

 14   activités des autorités civiles et nous nous sommes mis

 15   d’accord pour dire qu’en 1992, il y avait des difficultés

 16   et du fait de ces difficultés, la vie civile a continué à

 17   s’organiser au niveau municipal et parfois même, vous

 18   l’avez dit, au niveau des villages ?

 19         R.    Oui, effectivement.  Il y avait des

 20   difficultés politiques et c’était quelque chose de continu

 21   et il fallait bien que quelqu’un continue à mener à bien

 22   les activités de ce genre et je dois dire que la plupart

 23   des activités civiles étaient en sommeil.

 24         Par exemple, en ce qui concerne le système de

 25   l’enseignement, les enfants ne pouvaient pas continuer à


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  1   aller à l’école puisqu’on s’attendait à des pilonnages tous

  2   les jours.  Des obus de calibre 155 tombaient.

  3         D’autre part, en ce qui concerne le système de

  4   santé, il n’y avait plus que la cave des centres de santé

  5   qui fonctionnait, des dispensaires qui fonctionnait, mais

  6   en bref, il fallait bien que la vie continue et ce qui est

  7   vraiment venu au devant de la scène, c’était l’activité des

  8   organisations humanitaires sur le terrain.

  9         Q.    Ces problèmes dans l’organisation de la vie

 10   civile se sont fait particulièrement sentir à partir

 11   d’avril 1993 parce que tout le monde était à ce moment-là

 12   mobilisé ?  Il a fallu que tout le monde participe à la

 13   défense, soit sur la ligne de défense, si je puis

 14   m’exprimer ainsi ?

 15         R.    Oui.  Au moment où nous sommes devenus une

 16   enclave, eh bien, il y avait très peu d’activités civiles

 17   qui se poursuivaient normalement.  Donc, une des

 18   particularités, c’était que la vie était organisée de façon

 19   militaire ou du moins autour des institutions militaires.

 20         Q.    Bien !  Passons maintenant au paragraphe 38.

 21         Vous avez eu des informations dans le cadre de

 22   cette affaire selon lesquelles des rapports des services de

 23   renseignements de l’armée britannique ont semblé indiquer

 24   qu’il y avait des liens entre le HVO et le HDZ.  En

 25   d’autres termes, il y avait une sorte de zampolit, de


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  1   commissaires politiques tels qu’on les connaissait du temps

  2   de l’Union Soviétique.

  3         Vous, vous êtes vraiment la personne à laquelle il

  4   convient de poser cette question :  Est-ce qu’il y avait

  5   des commissaires politiques au sein du HVO au sens où ce

  6   mot était utilisé dans l’ex-Union Soviétique ?

  7         R.    Je peux affirmer qu’il n’y avait pas de poste

  8   de ce genre et il n’y avait pas d’officiers politiques au

  9   sein de l’armée.  Il y avait uniquement des officiers qui

 10   faisaient la liaison avec les organes de l’autorité

 11   publique.  Ils étaient chargés du moral des troupes et

 12   c’était des officiers de liaison.

 13         Q.    En d’autres termes, il s’agit là d’un poste

 14   que l’on trouve dans d’autres armées, mais est-ce qu’il y

 15   avait des représentants du HDZ qui travaillaient sur les

 16   plans de combats, les opérations de combats, l’utilisation

 17   des troupes, et cætera ?

 18         R.    À aucun niveau de commandement, y compris au

 19   niveau des sections, des compagnies, des bataillons, de la

 20   Zone opérationnelle de la brigade, à aucun niveau on ne

 21   trouvait de telles fonctions, de personnes remplissant de

 22   telles fonctions.

 23         Q.    Donc, je voudrais que nous le répétions

 24   encore une fois.  D’après le décret sur les forces armées…

 25         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous en avons


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  1   déjà entendu parler.  Je pense qu’il est inutile de répéter

  2   ce qui a été dit à ce sujet.

  3         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci, Monsieur

  4   le Président.

  5         Q.    Nous allons maintenant passer au paragraphe

  6   39.  Il s’agit de la défense du HVO dans la vallée de la

  7   Lasva.

  8         Est-ce que le HVO a été préparé au conflit avec la

  9   Défense territoriale et l’armée de Bosnie-Herzégovine en

 10   1992, 1993, mon Général ?

 11         R.    Je peux vous parler de la Zone opérationnelle

 12   de Bosnie centrale et de la Brigade de Travnik.  C’est là

 13   que se concentraient principalement mes activités à

 14   l’époque.  Eh bien, en ce qui nous concernait, nous étions

 15   extrêmement occupés à assurer notre défense contre l’armée

 16   de la Republika Srpska et, donc, il y avait également des

 17   problèmes qui se posaient du fait de la population mixte

 18   dans l’enclave et l’offensive musulmane a montré que le HVO

 19   n’était pas préparé à ces fonctions politiques, à assumer

 20   ces fonctions militaires.

 21         Donc, ces incidents nous ont montré que nous

 22   pouvions être attaqués et si on comparaît nos hommes, nos

 23   soldats à ceux de l’armée de la Republika Srpska, nous,

 24   nous devions assurer un corridor entre la République de

 25   Croatie et les enclaves, mais nous ne pouvions pas nous y


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  1   préparer, nous ne nous y préparions pas et nous ne pouvions

  2   pas prévoir l’évolution de la situation parce que nous

  3   avions mis sur pied une commission qui était censée

  4   travailler sur la séparation des forces ainsi que sur

  5   d’autres questions importantes à l’époque.

  6         Q.    Est-ce que vous pourriez dire, s’il vous

  7   plaît, aux juges quels étaient les principaux objectifs de

  8   l’armée de Bosnie-Herzégovine à Vitez ?

  9         R.    Je peux vous parler de toute la vallée de la

 10   Lasva.  L’armée de Bosnie-Herzégovine avait un certain

 11   nombre d’objectifs-clés qui consistaient à consolider les

 12   zones qu’elle contrôlait dans la vallée de la Lasva et donc

 13   ceci afin d’obtenir un contrôle sur tout le territoire de

 14   la vallée de la Lasva.  Il y avait deux usines très

 15   importantes, l’usine de Bratstvo, une usine d’armements qui

 16   produisait des explosifs ainsi que des armes qui allaient

 17   jusqu’au calibre 150, et la deuxième entreprise était une

 18   entreprise d’explosifs à Vitez.

 19         En octobre 1992, ils sont parvenus à nous couper

 20   l’accès jusqu’à l’usine de Bratstvo et pendant toute

 21   l’année 1993, ils se sont efforcés de prendre le contrôle

 22   de l’usine d’explosifs de Vitez et en 1993, pendant cette

 23   année, il est apparu quels étaient véritablement les

 24   objectifs de l’armée de Bosnie-Herzégovine.  Il s’agissait

 25   de faire une coupure au sein de la poche de la Lasva,


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  1   Ahmici, Santici, Vranjska, qui se trouve sur une ligne qui

  2   fait à peu près 800, 900 mètres.  L’un des objectifs était

  3   également le QG de la Zone opérationnelle, ce qui serait

  4   revenu à couper la tête de cet organisme et de ce fait, on

  5   s’attendait à ce que la totalité du corps meurt.

  6         À Vitez, nous avions 150 à 200 hommes par équipe

  7   qui participaient à la défense, et à partir de juin 1993,

  8   toute personne à même de porter une arme a été mise à

  9   contribution et le nombre de victimes a également augmenté

 10   proportionnellement.  Sur cette zone, on a compté environ

 11   800 victimes croates pour cette zone extrêmement limitée et

 12   ceci représente un nombre de victimes extrêmement

 13   important.

 14         Il y avait également des forces à Travnik, Novi

 15   Travnik et Busovaca.  En tout cas, c’était très

 16   caractéristique de cette zone.

 17         Q.    Pour en terminer avec ces questions, je

 18   voudrais vous poser la question suivante :  En plus de ce

 19   nombre de victimes extrêmement important, du nombre de

 20   décès, on a compté également près de 2 000 blessés, n’est-

 21   ce pas, dans la zone ?

 22         R.    Oui.

 23         Q.    Maintenant, nous allons passer aux

 24   paragraphes 40 et 41.  Il s’agit de la police militaire.

 25         Il y avait, n’est-ce pas, une chaîne de


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  1   commandement dans la Zone opérationnelle de Bosnie centrale

  2   en ce qui concerne la police militaire ?  C’est bien exact,

  3   n’est-ce pas, pour ce qui est des opérations ?  Le

  4   commandant des opérations dans la Zone opérationnelle,

  5   c’était le Commandant de la Zone opérationnelle :  Est-ce

  6   bien exact ?

  7         R.    Oui.

  8         Q.    C’est donc ainsi que le 4e Bataillon de la

  9   police militaire qui se trouvait à Vitez a également été

 10   mis à contribution ?

 11         R.    Oui.

 12         Q.    Sur la base de ce qui se passe dans d’autres

 13   armées, on sait que du point de vue de son organisation, du

 14   point de vue de son administration, du point de vue de la

 15   nomination des officiers, la police militaire a également

 16   des liens avec l’armée, n’est-ce pas, avec le ministère de

 17   la Défense ?

 18         R.    Oui, oui.  Si on regarde la police militaire

 19   dans l’ensemble de l’organisation militaire, on peut dire

 20   que la police militaire a ses fonctions qui lui sont

 21   propres, des fonctions qui consistent à s’assurer que

 22   toutes les recrues, tous les soldats que l’on incorpore

 23   dans les unités vont bien sur le front avec ces unités.  La

 24   mission consiste également à garantir, à assurer

 25   l’efficacité maximum des forces armées.  C’est la raison


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  1   pour laquelle la police militaire est séparée de l’armée

  2   d’une certaine façon.

  3         Q.    Je crois que dans le cadre du contre-

  4   interrogatoire, on vous posera des questions

  5   supplémentaires à ce sujet, mais permettez-moi quant à moi

  6   de vous poser une question supplémentaire en ce qui

  7   concerne ce sujet précis.

  8         Pendant le temps que vous avez passé au poste de

  9   commandant au sein donc du HVO, est-ce que vous pouvez nous

 10   dire si Monsieur Blaskic a... (l’interprète se reprend) si

 11   Monsieur Kordic avait des responsabilités quelconques en ce

 12   qui concernait la police militaire ?

 13         R.    J’ai déjà dit que Monsieur Kordic n’a jamais

 14   eu le commandement d’aucune unité militaire au sein de la

 15   Zone opérationnelle de Bosnie centrale et ceci inclut

 16   notamment la police militaire.

 17         Q.    Merci.  Avançons rapidement.  Je vais

 18   maintenant passer aux paragraphes 42 à 48.  Il s’agit des

 19   combats qui ont eu lieu en 1992 et 1993.  Paragraphes 42 à

 20   48.  J’ai plusieurs questions à vous poser ici au sujet du

 21   conflit à Novi Travnik en octobre 1992.

 22         Il y a eu plusieurs jours de combats à ce moment-

 23   là.  Vous nous en avez déjà parlé, mais je voudrais savoir

 24   quel était l’objectif stratégique de la Défense

 25   territoriale, à savoir de l’armée de Bosnie-Herzégovine en


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  1   1992.

  2         R.    Ce conflit, il ne s’est pas manifesté

  3   uniquement à Novi Travnik.  Novi Travnik a fait partie des

  4   zones touchées par le conflit.  Le Commandant de la Brigade

  5   de Novi Travnik, Ivica Stojak, a été tué dans le cadre de

  6   ces combats et pendant cette période, je n’ai pas pu aller

  7   à Travnik. 

  8         Il s’agissait d’une opération qui faisait partie

  9   d’une opération de plus grande envergure.  L’objectif, je

 10   pense, c’était de conquérir du territoire.  Nous avons

 11   perdu la possibilité de contrôler environ 70 pour cent du

 12   territoire à Travnik, y compris l’usine de Travnik qui, si

 13   je me souviens bien, employait près de 4 000 personnes,

 14   plus de 4 000 personnes même.

 15         D’autre part, en ce qui concerne ce conflit qui a

 16   eu lieu donc en octobre, il a entraîné la chute de Jajce et

 17   on en a déjà parlé d’ailleurs, mais je voudrais répéter que

 18   les gens qui ont pu traverser les montagnes dans des 4 X 4

 19   ou dans des véhicules du genre, qui ressemblaient à des

 20   Jeep, ces gens ont su que pendant les six mois qui allaient

 21   suivre, ils ne seraient plus en mesure d’utiliser ces

 22   routes de montagne et le conflit entre les Musulmans et les

 23   Croates a ébranlé la confiance de ceux qui étaient chargés

 24   de défendre Jajce, de l’enclave de Jajce et une enclave qui

 25   était clé, qui avait joué un rôle-clé dans la défense de la


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  1   totalité de la vallée de la Lasva.  Donc, cette enclave a

  2   été perdue.

  3         Q.    Vous avez mentionné l’usine de Bratstvo à

  4   Travnik et vous nous avez dit que le HVO a perdu le

  5   contrôle de cette usine en octobre ?

  6         R.    Oui.

  7         Q.    Pouvez-vous me dire qui donnait les ordres à

  8   Travnik pendant le conflit entre le HVO et la Défense

  9   territoriale ou, autrement dit, l’armée de Bosnie-

 10   Herzégovine ?

 11         R.    Les structures de commandement étaient telles

 12   que la Brigade de Novi Travnik, c’est-à-dire les gens de

 13   Novi Travnik, enfin, moi, j’étais là constamment ainsi que

 14   le Commandant de la Zone opérationnelle de Bosnie centrale. 

 15   Comme je l’ai dit, le conflit a éclaté à plusieurs

 16   endroits.  Donc, il y avait le chef de la zone, il y avait

 17   moi, son adjoint, et cætera.

 18         Q.    La Chambre de première instance sait où se

 19   trouvait Monsieur Kordic pendant cette offensive.  Est-ce

 20   que Monsieur Kordic a joué un rôle quelconque en tant que

 21   commandant pendant ce conflit ?

 22         R.    Monsieur Kordic venait toujours là où la

 23   situation était particulièrement grave et critique.  Par

 24   exemple, je sais que quand la situation était

 25   particulièrement critique à Jajce, il y venait et il en


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  1   allait de même pour Vitez, Travnik, et cætera, mais en ce

  2   qui concernait le système de contrôle de commandement au

  3   sein du HVO, il n’y participait pas du tout.

  4         Q.    Je vous comprends bien.  Donc, vous nous

  5   parlez en général du système de commandement, du système de

  6   contrôle, mais soyons un peu plus précis.  Vous-même, vous

  7   étiez à Novi Travnik, vous étiez chargé de suivre toutes

  8   les opérations.  Est-ce que vous pouvez nous dire si,

  9   pendant les jours où le conflit a duré en octobre 1992,

 10   sept ou huit jours, je voudrais savoir s’il a donné des

 11   ordres quelconques ?

 12         R.    Je dois répéter pour la cinquième fois que je

 13   n’en ai jamais entendu parler et je ne l’ai jamais vu

 14   donner des ordres.

 15         M. LE JUGE BENNOUNA :  [Hors microphone] …demander

 16   au Général Filipovic.  Il nous dit que non : il n’est pas

 17   au courant que Monsieur Kordic ait donné des ordres.  Il

 18   était là quand il y avait des problèmes sérieux, mais il

 19   n’était pas au courant qu’il avait donné des ordres. 

 20         Est-ce que, Général Filipovic, vous étiez au

 21   courant que Monsieur Kordic recevait des instructions

 22   d’autorités politiques ou militaires supérieures pour lui

 23   permettre d’être présent là où il y avait des problèmes

 24   difficiles ?  Est-ce que vous étiez au courant vous-même

 25   qu’il recevait des instructions pour être présent dans ces


Page 17047

  1   moments difficiles ?

  2         Me NAUMOVSKI (interprétation) : 

  3         Q.    Vous avez compris la question ?

  4         R.    Je ne sais pas s’il a reçu des instructions. 

  5   Je sais quelles étaient les activités sur le terrain.  On

  6   n’a pas besoin d’instructions quand on est attaqué.  Il

  7   faut se défendre autant qu’on le peut. 

  8         M. LE JUGE BENNOUNA :  Alors, Général, vous dites

  9   que Monsieur Kordic était toujours là, mais alors, est-ce

 10   qu’il avait un contact avec la hiérarchie militaire quand

 11   il était là ?  Est-ce que vous-même, vous êtes au courant

 12   de contacts qu’il a eus avec la hiérarchie militaire ?

 13         R.    Monsieur Kordic était là parce que moi,

 14   j’étais là, je me suis entretenu avec lui, j’ai eu des

 15   contacts avec lui.  Il était là avec le Général Blaskic. 

 16   Il était là avec d’autres personnes, mais je dois dire, et

 17   je le répète, qu’à tout instant, il était en mesure de

 18   traiter des problèmes qui se posaient, mais c’était la

 19   structure militaire qui donnait des ordres. 

 20         Si vous voulez que je vous donne des exemples

 21   précis, je peux vous dire que Monsieur Kordic ne m’a jamais

 22   donné aucun ordre, ni d’ailleurs à aucun de mes

 23   subordonnés.

 24         M. LE JUGE BENNOUNA :  [Hors microphone] …Général,

 25   des exemples de quel type de problèmes il s’occupait,


Page 17048

  1   Monsieur Kordic ?

  2         R.    Monsieur Kordic a contacté avec les gens.  Il

  3   a donc essayé tout simplement de leur dire qu’il fallait

  4   qu’ils tiennent le coup.  C’est dans ce sens-là qu’il avait

  5   agi politiquement parce que, de toute façon, il était

  6   leader de ce peuple et c’est la raison pour laquelle il

  7   était présent.  Quand je dis qu’il était leader, c’est que

  8   le peuple a voté pour lui, il a montré par son action qu’il

  9   l’était. 

 10         Je dis que Monsieur Kordic était également à Jajce

 11   au moment où il y avait la défense de cette ville.  C’était

 12   en été 1992.  Je pense que c’était le mois d’août très

 13   précisément.  Il était Président au moment où une partie de

 14   Travnik est tombée après la chute de Jajce.  Donc, il y

 15   avait les villages environnants de Travnik qui sont tombés. 

 16   Monsieur Kordic était sur place pour pouvoir dire où il

 17   fallait établir la ligne ou essayer de mobiliser toutes les

 18   forces qui sont sur place pour la défense et c’est la

 19   raison pour laquelle il était à Travnik en octobre 1992.

 20         Par conséquent, il avait tout simplement agi comme

 21   quelqu’un qui était élu, élu du peuple.  C’est dans ce

 22   sens-là.

 23         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci.

 24         Q.    Vous venez de parler de Jajce.  Vous venez de

 25   parler également de cet appui fourni par Monsieur Kordic


Page 17049

  1   pour défendre Jajce.  C’est le point 53.  Vous avez

  2   expliqué quel était le rôle de Monsieur Kordic.

  3         Pourriez-vous encore une fois de plus nous donner

  4   quelque plus de précisions à ce sujet-là ?  Comment, s’il

  5   vous plaît, comment il avait mobilisé les gens ?  Comment

  6   il a fait ?

  7         R.    Quand vous perdez la liberté, il y a des gens

  8   qui sont tués, il y en a qui sont blessés, il n’y a pas

  9   véritablement beaucoup de personnes qui véritablement

 10   exercent des fonctions qu’elles doivent exercer.  Les

 11   médecins quittent l’espace, le champ de bataille parce que

 12   normalement, ils devraient y rester.  C’est là où il y a

 13   des victimes.  Les professeurs, ils ne sont pas dans des

 14   écoles parce qu’il y a le pilonnage.

 15          Monsieur Kordic, à mon avis, était quelqu’un qui,

 16   comme j’ai dit, a été élu par le peuple.  C’est quelqu’un

 17   qui souhaite le bien-être de ce peuple, souhaite également

 18   que ce peuple vive comme il entend vouloir vivre.  Par

 19   conséquent, il n’a jamais quitté la région quand ce

 20   territoire était en danger et c’est dans ce sens-là qu’il

 21   avait participé dans les opérations dans la vallée de la

 22   Lasva et dans tous les événements.  Il était partout,

 23   partout où éventuellement, on aurait pu être tué à chaque

 24   moment, à chaque instant.

 25         Q.    Merci.  Nous pouvons poursuivre maintenant. 


Page 17050

  1   C’est le paragraphe 44.

  2         Il y a un incident qui a eu lieu au moment de

  3   Pâques.  C’était en avril 1993.  Les Croates ont hissé les

  4   drapeaux tout simplement pour fêter et célébrer Pâques. 

  5   Est-ce que vous pouvez nous dire, s’il vous plaît, Général,

  6   comment ça s’est passé ?

  7         R.    Au mois de mars et au mois d’avril 1993, il y

  8   avait toute une série d’incidents auxquels j’ai assisté

  9   dans la zone de responsabilité de la Brigade de Travnik. 

 10   Il y avait également ce meurtre de l’épouse de Zvonko Gaso. 

 11   Elle a été tuée au seuil de sa porte.  Ensuite, Medancic

 12   également a été tué dans son propre appartement.  Il y

 13   avait un certain nombre d’autres personnes qui ont été

 14   expulsées de leurs propres appartements, par exemple, la

 15   famille Rimac. 

 16         Mais un des incidents qui était des plus

 17   caractéristiques, c’était ce moment où on avait enlevé nos

 18   drapeaux, mes drapeaux qui étaient hissés le long de la

 19   rue, et on a chanté les chansons telles que : « Nous allons

 20   égorger les Croates.  C’est Mohamed qui est notre Dieu »,

 21   et cætera, et c’est comme ça que nous avons par conséquent

 22   essayé de ne plus leur permettre d’agir ainsi.

 23         Ça prouve qu’il y avait donc des perturbations et

 24   des troubles et que dans la zone de responsabilité qui fut

 25   la mienne, il y avait véritablement un déséquilibre dans le


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  1   comportement.  Avec le Général Alagic véritablement,

  2   j’étais toujours en très bons contacts et on a toujours pu

  3   négocier et se mettre d’accord sur un certain nombre de

  4   points et ce que j’ai fait également.

  5         Je répète, les incidents ne sont pas uniquement

  6   dus à l’action des Musulmans mais également à certaines

  7   opérations des Croates.

  8         Q.    Vous venez de citer un nom.  C’était un

  9   Croate ?  Ce n’était pas un Musulman ?

 10         R.    Il était membre du HDZ.  Je ne sais pas s’il

 11   avait occupé un poste très élevé, mais je sais qu’il était

 12   officier de la Brigade de Travnik.  C’était au mois

 13   d’octobre 1992, alors qu’en mars ou début avril, son épouse

 14   a été tuée sur le seuil de sa porte.

 15         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Moi, j’ai parlé

 16   du nom « Gaso », mais je vois que le nom ne figure pas sur

 17   la transcription et c’est pour ça que je vais tout

 18   simplement demander qu’on inscrive le nom.

 19         Q.    Il y avait un certain nombre d’incidents. 

 20   Vous en avez parlé.  Nous passons au paragraphe 45, les

 21   incidents qui ont eu lieu au mois d’avril 1993.

 22         Mon Général, pourriez-vous nous dire, s’il vous

 23   plaît, si Mate Boban a été à Travnik au cours de 1993 ? 

 24   Est-ce qu’il avait rendu visite à la ville de Travnik en

 25   1993 ?


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  1         R.    Non, pas à Travnik, certainement pas.  Il a

  2   été juste une fois dans la Zone opérationnelle de Bosnie

  3   centrale.  C’était en septembre ou octobre 1992 et il y est

  4   passé quelques heures, pas plus.

  5         Q.    C’était la seule fois où il s’était rendu sur

  6   place ?

  7         R.    Oui.

  8         Q.    Excusez-moi, je ne vous ai pas entendu me

  9   donner la réponse.

 10         R.    J’ai dit oui.

 11         Q.    On passe au paragraphe 46.

 12         En ce qui concerne les événements de Ahmici, vous

 13   avez appris tout ce qui s’est passé à Ahmici pour la

 14   première fois des propos du Lieutenant Colonel Stewart au

 15   moment où il était venu vous voir et vous avez parlé

 16   également d’un certain nombre de problèmes que vous, les

 17   Croates, vous aviez dans la ville de Travnik ?

 18         R.    Oui, oui, oui.

 19         Q.    Donc, c’est lui qui vous a relaté ce qui

 20   s’était passé à Ahmici.  Est-ce qu’il vous a raconté autre

 21   chose ou bien tout simplement il vous a évoqué cet

 22   incident, cet événement ?

 23         R.    Lui, il venait souvent.  Il venait souvent

 24   chez moi.  Puis, il se rendait chez Alagic également.  De

 25   toute façon, on était en contact permanent.  Je me souviens


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  1   effectivement qu’une fois, quand moi, j’avais fait une

  2   objection, j’ai dit que des Musulmans et l’armée

  3   entreprenaient un certain nombre de choses à l’encontre des

  4   Croates et du HVO, à une occasion, il m’avait dit : « Vous,

  5   qu’est-ce que vous faites ? »  Ensuite, il a cité donc

  6   Ahmici et c’est bien la première fois que j’ai appris qu’il

  7   y avait ce crime qui était commis à Ahmici. 

  8         Ce n’est que plus tard et au sein de cette

  9   commission, jamais avant, ni auprès de Delic, ni Karic, ni

 10   auprès de Siber, ni auprès du Général… excusez-moi, le nom

 11   m’échappe, je pense à Dzemal Merdan.  Je n’ai jamais

 12   entendu parler de cet événement en dehors, si vous voulez,

 13   d’une série de crimes qui avaient été commis dans ce

 14   territoire.  Donc, on n’a jamais parlé véritablement de ce

 15   crime comme quelque chose qui était séparé.

 16         Ce n’est qu’en 1994, 1995 qu’on a commencé à

 17   parler de cette tragédie, de cet événement, et moi, pour

 18   moi, c’est un tableau qui est presque un montage de plein

 19   de choses pour mettre en question plein de choses

 20   entreprises par le HVO parce que, de toute façon, le HVO se

 21   défendait.  Pendant dix mois, nous avons été encerclés. 

 22   Personne ne nous a aidés.  Des dizaines de milliers de

 23   victimes.  Par conséquent, on met en question également les

 24   objectifs de ces défenses.

 25         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Monsieur le


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  1   Témoin, excusez-moi, mais ceci ne va pas nous aider. 

  2         Si vous voulez maintenant poursuivre, je vous en

  3   prie.  Me Naumovski, si vous voulez poser encore des

  4   questions au sujet de Ahmici, d’accord, mais sinon, on

  5   passe à un autre sujet.

  6         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Très brièvement,

  7   Monsieur le Président.

  8         Q.    Mon Général, nous sommes encore au paragraphe

  9   46.  Vous êtes un militaire, militaire entraîné, formé,

 10   avec beaucoup d’expérience.  Par conséquent, vous

 11   considérez probablement que tout être humain et tout civil

 12   est une victime et que c’est un crime si on commet un

 13   meurtre à l’égard d’un civil ?

 14         R.    Bien évidemment que je condamne le crime,

 15   n’importe lequel.  Je condamne les crimes qui ont été

 16   commis à l’encontre non seulement de mon propre peuple mais

 17   des peuples en Bosnie-Herzégovine et je pense que les

 18   protagonistes de cette guerre vont subir des sanctions.  Je

 19   pense que ce Tribunal également nous permet d’essayer de

 20   normaliser la vie en Bosnie-Herzégovine et surtout de ne

 21   plus permettre de tel type de crimes.

 22         Q.    Merci.  Très brièvement, vous avez entendu

 23   également dire que le HVO avait entrepris un certain nombre

 24   d’investigations pour voir ce qui s’était passé à Ahmici. 

 25   Est-ce que vous-même, vous avez éventuellement participé


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  1   dans les enquêtes qui ont été menées ?  Est-ce que vous

  2   avez eu un rôle sur ce plan-là ?

  3         R.    Non, mais j’avais tellement d’autres choses à

  4   faire que malheureusement, je ne pouvais pas être ailleurs. 

  5   Enfin, j’avais beaucoup de choses à faire à Travnik.  J’ai

  6   appris et je sais qu’il y avait un certain nombre

  7   d’investigations qui ont été entreprises, mais je n’y ai

  8   pas participé.  Je me suis fait quand même un tableau et je

  9   sais ce qui s’est passé dans l’ensemble de ce territoire et

 10   pendant la période dont il est question.

 11         Q.    De toute façon, il va y avoir d’autres

 12   questions qui vont vous être posées à ce sujet-là.  Par

 13   conséquent, nous passons au paragraphe suivant.  Je parle

 14   du paragraphe 47.

 15         Vous êtes officier de carrière et pendant que vous

 16   étiez également dans la Zone opérationnelle, avant et après

 17   la Brigade de Travnik, cette situation militaire, pour

 18   vous, était claire et vous la connaissez très bien.  Vous

 19   savez ce qui s’était passé en Bosnie centrale et dans la

 20   vallée de la Lasva.

 21         D’après vous, le 16 avril 1993, il y a eu des

 22   conflits qui se sont déclenchés dans plusieurs secteurs,

 23   pas dans un seul secteur en Bosnie centrale, n’est-ce pas ?

 24         R.    Le 16 avril est devenu, si vous voulez, une

 25   date de pointe, une date de grande envergure et de très


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  1   grande importance, et moi, j’ai eu l’occasion de voir un

  2   petit peu et de visiter pour voir ce qui se passait et j’ai

  3   pu donc constater combien de personnes et combien de

  4   soldats ont été tués pendant ce temps-là et combien sont

  5   enterrés dans cette vallée.

  6         Par conséquent, le tableau que je me suis fait,

  7   j’en ai tiré des conclusions sur la base de ce que j’ai vu

  8   sur place, mais de toute façon, en ce qui concerne le

  9   crime, il a été commis, je suis sûr et je considère que

 10   ceux qui l’ont commis doivent être sanctionnés.

 11         Q.    En ce qui concerne le paragraphe 48, il

 12   s’agit des attaques de l’armée de Bosnie-Herzégovine fin

 13   1992, Krizancevo Selo… excusez-moi, je commets une erreur. 

 14   Il s’agissait du mois de décembre 1993 et puis janvier

 15   1994, Buhine Kuce et Krizancevo Selo.  Il y avait beaucoup

 16   de personnes qui ont été tuées parmi les civils et il y

 17   avait également des soldats.

 18         Je pense que vous avez des connaissances à ce

 19   sujet-là, étant donné qu’il y avait vos soldats également

 20   qui étaient sur place.  Est-ce que vous pouvez nous en dire

 21   un peu plus ?

 22         R.    Je vous ai déjà dit que cette enclave, elle

 23   se réduisait de plus en plus car c’est l’armée de Bosnie-

 24   Herzégovine qui attaquait de plus en plus.  Par conséquent,

 25   l’enclave devenait de plus en plus restreinte.  Je pense à


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  1   Ahmici, Santici, Buhine Kuce, Krizancevo Selo.  On nous a

  2   dit que Noël 1993 sera un Noël sanglant et c’était vrai,

  3   d’ailleurs.  À Krizancevo Selo, nous avons perdu 100

  4   personnes à peu près.  À Buhine Kuce, une vingtaine de

  5   personnes ont été tuées. 

  6         Il est vrai également que c’était le résultat des

  7   combats qui ont été déclenchés, mais il y avait des crimes

  8   également à l’encontre des civils et également des soldats,

  9   des soldats qui ont été emprisonnés, capturés.  Par

 10   conséquent, le crime a été commis sur les soldats qui ont

 11   été capturés.

 12         Q.    J’ai déjà parlé de Dusina.  J’ai déjà dit

 13   également qu’il y avait un crime qui a été commis à Dusina,

 14   mais dans la région que vous connaissez le mieux, et je

 15   parle de la municipalité de Travnik, il y avait des crimes

 16   qui ont été commis à Miletici, à Maljina, à Cukle.  Par

 17   conséquent, c’était le mois de juin 1993.  Vous avez

 18   également un certain nombre de cousins qui habitaient

 19   Miletici et vous connaissez probablement ce qui s’était

 20   passé là-bas ?

 21         R.    J’avais des cousins à cet endroit-là.  Je

 22   vous ai relaté un petit peu ce qui s’était passé.  J’ai dit

 23   qu’il y avait des attaques, il y avait le nettoyage

 24   ethnique, il y avait une opération militaire également qui

 25   a été engagée et ces combats pour le territoire, pour la


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  1   survie dans ce territoire, pour assurer également la

  2   liberté, la libre circulation dans ce territoire ont été à

  3   l’origine des crimes qui ont été commis d’un côté et de

  4   l’autre.

  5         Moi, j’ai parlé des incidents.  Moi, j’ai parlé

  6   des incidents quand ce n’était pas des crimes qui étaient

  7   des crimes de masse, mais de toute façon, quand il

  8   s’agissait de 20 personnes ou 70, à ce moment-là, on ne

  9   peut plus parler d’un incident.  C’était un crime. 

 10         C’est la raison pour laquelle j’ai essayé de me

 11   brosser le tableau, de vous dire ce qui s’était passé et

 12   comment et de quelle manière on s’y était pris pour

 13   défendre la vallée de la Lasva.  C’est de ça que j’ai

 14   parlé.

 15         Q.    Mon Général, vous avez travaillé avec de

 16   nombreux officiers qui étaient de l’autre côté, qui étaient

 17   vos ennemis pendant la guerre, par exemple avec Merdan et

 18   les autres.  Est-ce que vous avez appris par ces gens-là si

 19   les auteurs des crimes parmi les Musulmans, qui ont commis

 20   des crimes à l’encontre des Croates, ont été sanctionnés ?

 21         R.    Non.  On n’a même pas entamé des procès.  Par

 22   conséquent, ils ne pouvaient pas être sanctionnés.

 23         Q.    Merci.  Nous allons passer à un autre sujet,

 24   le sujet que la Chambre connaît sur le Convoi de la Joie. 

 25   Vous, vous parlez du convoi de Tuzla, le paragraphe 49.


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  1         Avant de parler directement de ce convoi, de ce

  2   qui s’était passé, très brièvement, pourriez-vous dire à la

  3   Chambre ce qui s’était passé ce jour-là parce que d’autres

  4   jours avant le Convoi de la Joie, il y avait une action,

  5   une opération très puissante et très bien organisée de

  6   l’armée de Bosnie-Herzégovine qui a été déclenchée dans

  7   toute cette région : Novi Travnik et les villages

  8   environnants ?

  9         R.    Le 9 et le 10, moi, maintenant, j’étais avec

 10   Siber et avec Delic ensemble avec Petkovic parce qu’on

 11   avait négocié.  Le 10 au soir, c’est la FORPRONU qui nous

 12   transfère à Vitez.  Donc, les négociations ont eu lieu à

 13   Kiseljak, mais j’ai senti au moment où on a été transféré

 14   par la FORPRONU à Vitez qu’il y avait une panique qui

 15   prenait le peuple.  J’ai appris que huit enfants ont été

 16   tués ce jour-là.  C’était à côté d’un bâtiment désigné

 17   monténégrin.  Il y avait d’autres victimes également.

 18         Dès que nous avons terminé cette espèce de

 19   réunion, Petkovic est allé se rendre au QG.  Moi, je suis

 20   allé vers la Brigade de Travnik parce que la Brigade de

 21   Travnik a été décimée par l’offensive qui avait précédé. 

 22   Ce n’était plus les hommes qui vraiment étaient capables de

 23   combattre parce que c’était comme un noyau de nerfs, enfin,

 24   un nœud de nerfs, enfin, chaque homme était un nœud de

 25   nerfs en quelque sorte.


Page 17060

  1         Moi, j’ai essayé quand même de leur parler, mais

  2   c’était très difficile parce qu’il ne faut pas oublier non

  3   plus que c’était des gens qui voyaient que leurs maisons

  4   étaient détruites.  Elles étaient incendiées, en flammes. 

  5   Ils savaient qu’il y avait de la famille qui était dans ces

  6   maisons.  Donc, c’était difficile de les maîtriser et c’est

  7   ce jour-là justement que le convoi de Tuzla s’est rendu sur

  8   place. 

  9         Donc, c’était dans ce tronçon de la route entre

 10   Travnik et Novi Travnik et je sais qu’on ne pouvait

 11   pratiquement pas contrôler le comportement des réfugiés,

 12   des réfugiés qui, deux jours auparavant, avaient perdu

 13   pratiquement tous les membres de leur famille et qui se

 14   sont trouvés complètement dépourvus.

 15         Q.    Merci, merci.  Arrêtez-vous, mon Général.

 16         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le

 17   Président, je m’excuse, mais avant de commencer

 18   l’interrogatoire de Monsieur Filipovic, j’ai oublié de dire

 19   qu’on n’avait pas de pièce à conviction, mais on a une

 20   cassette vidéo.  Elle est très brève.  Ce sont les

 21   actualités qui ont été transmises par la BBC et justement

 22   qui portent sur le convoi.

 23         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous en

 24   prie, allez-y.

 25         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Est-ce que vous


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  1   pouvez me donner la cote, s’il vous plaît, de la cassette

  2   vidéo ?

  3         LA GREFFIÈRE (interprétation) :  La cassette vidéo

  4   va être marquée D204/1.

  5               [Diffusion d’une cassette vidéo]

  6         Me NAUMOVSKI (interprétation) : 

  7         Q.    Mon Général, vous avez donné la description

  8   de la situation, de la situation qui est une situation

  9   réaliste.  C’est la guerre.  Il y a le Convoi de la Joie. 

 10   Est-ce que ce que vous venez de voir sur la cassette

 11   correspond à ce que vous avez essayé de nous relater et

 12   quelles étaient les circonstances dans lesquelles ce Convoi

 13   de la Joie s’est trouvé dans une situation inconfortable ?

 14         R.    Oui.  Je vois le rôle de quelques soldats. 

 15   Ils ont isolé, je ne sais pas, quelques personnes.  Je ne

 16   sais pas comment et pourquoi, d’ailleurs.  Je vois

 17   également un père, un prêtre, qui avait essayé probablement

 18   de calmer la situation.  Il arrive jusqu’à une femme et

 19   cette femme l’empêche de passer.  Pour cette région-là,

 20   j’avoue qu’il est assez bizarre de voir qu’une femme

 21   s’oppose à un prêtre parce que normalement, le prêtre est

 22   quelqu’un qui est très respecté et ça prouve justement

 23   quelles étaient les relations ces jours-là et quelle était

 24   l’ambiance générale à Travnik parce que, de toute façon, on

 25   risquait de perdre l’ensemble de ce territoire et les gens


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  1   ne pouvaient plus se maîtriser.

  2         Q.    Il paraît que ce convoi, d’après ce qu’on a

  3   entendu ici dans le prétoire, ce convoi a été arrêté

  4   intentionnellement et que tout a été planifié et que c’est

  5   comme ça qu’on l’avait arrêté, mais vous, vous étiez sur

  6   place.  Est-ce que vous considérez que c’est vrai ?  Est-ce

  7   qu’on peut croire que véritablement, on a planifié

  8   d’arrêter ce convoi ?

  9         R.    Non, mais il n’y avait même pas de plan pour

 10   défendre sa propre vie.  Il y avait des situations où on ne

 11   pouvait même pas dire où la ligne devait s’arrêter, comment

 12   défendre la maison, et cætera.  Donc, par conséquent, vous

 13   êtes dans une situation où il y a le territoire que vous

 14   perdez, il y a des maisons que vous perdez, il y a des

 15   maisons qui sont incendiées, il y a des hommes qui sont

 16   tués.

 17         Par conséquent, le HVO et les Croates tout d’un

 18   coup se retrouvent rassemblés à un endroit restreint et

 19   dans cette ambiance-là, planifier d’arrêter un convoi, moi,

 20   ça ne me paraît pas concevable.

 21         Q.    Vous avez eu affaire à ce convoi même au

 22   moment où ça s’est passé, mais est-ce que vous avez entendu

 23   parler des officiers du HVO qu’un quelconque officier ait

 24   été à la tête justement de ce qui s’est passé, de ce qui a

 25   été soi-disant organisé ?  Est-ce que quelqu’un aurait pu


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  1   faire ça d’après vous ?

  2         R.    J’ai vu le convoi de Tuzla.  Il venait en

  3   provenance de Tomislavgrad et il s’acheminait vers

  4   Kiseljak.  De toute façon, moi, je devais m’y rendre pour

  5   les négociations et je sais qu’on avait reporté à plusieurs

  6   reprises le passage de ce convoi, même des semaines

  7   entières parce qu’on se rendait compte que ce convoi allait

  8   traverser une zone qui n’était pas assurée. 

  9         Il y a quelqu’un qui a pris la décision, de toute

 10   façon, de laisser passer ce convoi, mais il savait que ce

 11   convoi n’allait pas pouvoir traverser comme ça parce qu’il

 12   y a le convoi.  Par conséquent, les Musulmans ont supposé

 13   qu’il y avait de la munition et des armes, alors que nous

 14   perdons des centaines de vies, nous perdons des maisons et,

 15   à mon avis, il ne fallait même pas permettre que le convoi

 16   s’y rende et notamment à cette période et pendant ces

 17   jours-là.

 18         Laissons ça de côté.  En ce qui concerne donc

 19   l’endroit précis où le convoi a été attaqué est l’endroit

 20   où, à un moment donné, on ne pouvait pas retirer en 1992

 21   des armes.

 22         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Général, est-

 23   ce que vous pouvez vous concentrer, s’il vous plaît, sur la

 24   question qui vous a été posée ?  La question qui vous a été

 25   posée c’était de savoir si quelqu’un aurait pu contrôler le


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  1   convoi et ce qui se passait éventuellement.  Est-ce que

  2   vous pouvez être très bref et nous dire ce qui s’est passé,

  3   comment vous le jugez, comment vous l’estimez ?

  4         R.    Je ne suis pas juriste.  Excusez-moi.  Vous

  5   devez bien évidemment me rappeler à l’ordre, mais ma

  6   réponse est la suivante.  Personne ne pouvait dire, et moi,

  7   je n’ai jamais entendu parler que qui que ce soit ait

  8   organisé l’attaque sur le convoi.  Je n’ai jamais appris

  9   une information telle.

 10         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Je vous en

 11   prie, nous pouvons poursuivre.

 12         Me NAUMOVSKI (interprétation) : 

 13         Q.    Mon Général, combien de réfugiés ce jour-là

 14   se retiraient de la région où il y avait des combats, des

 15   combats qui ont été déclenchés par l’armée de Bosnie-

 16   Herzégovine ?

 17         R.    Vingt mille Croates de la municipalité de

 18   Travnik se retiraient, étaient en train de se retirer.  Il

 19   y avait également une partie de Novi Travnik, de Vitez, de

 20   Busovaca, 30 000 personnes au total à peu près.

 21         Q.    Encore une autre question du paragraphe 50. 

 22   Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ce cas où

 23   Monsieur Kordic s’est adressé à un certain nombre de

 24   personnes à Novi Travnik en leur demandant de laisser

 25   passer le convoi.  Est-ce que vous savez quelle était la


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  1   réaction ?

  2         R.    Ce sont les gens de la Brigade de Travnik qui

  3   m’ont raconté.  Ils m’ont dit qu’ils ont été donc expulsés

  4   de leur région et ils se sont retrouvés par conséquent dans

  5   cette enclave, dans cette poche de Travnik.   Il y avait

  6   des personnes différentes qui se sont rendues sur place

  7   pour essayer de les organiser.  Je pense que Kordic est

  8   venu par la suite, peut-être même Blaskic.  Je ne sais pas

  9   comment, mais de toute façon, ils ont essayé de les

 10   organiser et tous ont pointé des armes également sur Kordic

 11   et ceux qui l’escortaient.  Je pense que ceci était vrai

 12   également en ce qui concerne Blaskic. 

 13         En ce qui me concerne, moi, je n’étais pas sur

 14   place.  Je n’ai jamais été sur place dans des situations

 15   critiques de tel type.  Moi, j’allais toujours sur la ligne

 16   de front parce que je préférais être tué par un ennemi que

 17   de me rendre sur un endroit où vraiment il y avait beaucoup

 18   plus d’émotions.  Les gens ne se maîtrisaient pas et

 19   c’était une situation tout à fait irréelle.

 20         Q.    Maintenant, nous allons passer au sujet que

 21   nous avons désigné comme « Dario Kordic », avant-dernier

 22   sujet, paragraphes 51 jusqu’à 56. 

 23         Une fois arrivé en Bosnie centrale, vous avez donc

 24   trouvé sur place un certain nombre de personnes dont vous

 25   avez parlé comme des personnes de très grande envergure et


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  1   très importantes.  Une de ces figures était Monsieur

  2   Kordic.  Il y en avait d’autres ?

  3         R.    Pour faire bien mon métier, je dois aussi

  4   être capable de juger les hommes et voir si quelqu’un est

  5   capable de remplir une telle fonction ou une autre et si

  6   j’examine la vallée de la Lasva, les quatre municipalités,

  7   Matisic à Travnik et d’autres qui figurent dans le résumé,

  8   en tout cas, c’était des gens qui voulaient vraiment être

  9   au service de leur peuple.

 10         Q.    Vous avez déjà partiellement répondu à la

 11   question qui figure au paragraphe 52, mais je souhaiterais

 12   cependant que vous parliez un petit peu sur ce que vous

 13   pensez et ce que vous saviez de Monsieur Kordic.  Vous avez

 14   dit que c’était un homme politique et qu’il était capable

 15   de motiver les autres ?

 16         R.    Je ne veux pas sans cesse répéter la même

 17   chose.  Je pourrais donner plus de détails et développer ma

 18   réponse, mais en tout cas, ce que je veux dire c’est que

 19   Monsieur Kordic était indéniablement quelqu’un capable de

 20   motiver les hommes et qu’il essayait de le faire.  Il était

 21   très convaincant.  C’est un homme qui avait des idées très,

 22   très claires, très nettes et il avait le courage

 23   d’affronter des situations difficiles.

 24         Par exemple, quand on est allé à Jajce, il y avait

 25   un parcours de 16 kilomètres qui était extrêmement


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  1   dangereux et il n’y a qu’une trentaine de personnes

  2   seulement qui se sont portées volontaires pour y aller et

  3   donc, moi, j’ai eu des contacts avec les dirigeants

  4   politiques par le biais de Monsieur Blaskic et par le biais

  5   de Kordic.  Ce n’est pas très formel.  Je lui ai demandé de

  6   faire quelque chose parce qu’il fallait le faire et

  7   Monsieur Kordic et d’autres sont intervenus en notre faveur

  8   et ensuite, nous avons eu des équipes régulières de

  9   personnes qui allaient à Jajce et ailleurs.

 10         Donc, c’était ainsi que le climat se présentait,

 11   le rôle des dirigeants politiques, mais il n’y avait pas

 12   que les structures politiques.  Il fallait faire participer

 13   tout le monde pour faire avancer les choses et faire

 14   participer tout le monde.

 15         Q.    Vous l’avez entendu prononcer des discours,

 16   des allocutions.  Est-ce que vous l’avez entendu utiliser

 17   des termes péjoratifs pour désigner d’autres communautés,

 18   notamment les Musulmans ?  C’est ainsi qu’on les désignait

 19   à l’époque.

 20         R.    Jamais.  Jamais pour ce qui concernait les

 21   communautés ethniques, mais en ce qui concernait les

 22   extrémistes au sein de ces communautés ethniques qui, dans

 23   les circonstances qui prévalaient à l’époque, étaient nos

 24   ennemis, eh bien, envers ces personnes-là, il était très,

 25   très vif dans son langage et très réaliste également sur ce


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  1   qui était nécessaire de faire et la façon dont il fallait

  2   procéder.

  3         Q.    Donc, si je vous ai bien compris, il n’a

  4   jamais rien eu contre des groupes en tant que tels et dans

  5   leur ensemble ?

  6         R.    Non.  Uniquement contre les extrémistes et

  7   contre des groupes en particulier pour lesquels peut-être

  8   il s’est exprimé de façon un peu plus dure.

  9         Q.    Passons maintenant au paragraphe 58.

 10         Vous nous dites que Monsieur Kordic était à Novi

 11   Travnik.  Est-ce qu’il lui était possible de venir

 12   s’informer sur la situation militaire ?

 13         R.    Monsieur Kordic et d’autres comme Matisic à

 14   Travnik ont pu à tout moment participer aux réunions comme,

 15   par exemple, Pero Krizanac également.  C’était son cas. 

 16   Ils pouvaient participer aux réunions, aux briefings, si

 17   c’était nécessaire et ils le faisaient souvent pour

 18   apprendre à connaître les problèmes qui prévalaient dans la

 19   région.  Ils le faisaient souvent, mais je souhaiterais le

 20   répéter, ils n’avaient aucun rôle de commandant.  Ils leur

 21   aurait été impossible de se mêler des affaires militaires. 

 22   Il s’agissait pour eux simplement de pouvoir mieux faire

 23   leur travail pour les aider ensuite à mobiliser les forces. 

 24   C’est pour ça qu’ils participaient à cette réunion.

 25         Q.    Oui.  Vous nous l’avez déjà dit à plusieurs


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  1   reprises, aucun civil, y compris les personnes que vous

  2   venez de nous mentionner, n’a jamais eu aucun rôle dans

  3   cette chaîne de commandement, n’est-ce pas ?

  4         R.    Oui.

  5         Q.    Au paragraphe 54, quand vous êtes arrivé,

  6   vous avez constaté que Monsieur Kordic était un de ceux qui

  7   ont organisé dès le départ les institutions dans la zone et

  8   plus tard, vous et Monsieur Blaskic, qui étaient des

  9   officiers de carrière, vous avez repris ces postes, c’est-

 10   à-dire que vous avez organisé le HVO du point de vue

 11   militaire, n’est-ce pas ?

 12         R.    Je ne sais pas exactement quel était le rôle

 13   de Monsieur Kordic avant mon arrivée.  Je ne peux que faire

 14   des hypothèses, mais après que j’ai pris la direction du QG

 15   régional et ensuite Blaskic, l’organisation, le combat,

 16   tout se faisait dans le cadre de la filière de

 17   commandement, de la chaîne de commandement, et par exemple,

 18   pour ce qui était de la logistique, fourniture de

 19   carburant, de vivres, et cætera, nous n’avions pas

 20   d’organisation pour le faire.  C’est pourquoi c’est les

 21   civils qui s’en occupaient. 

 22         Les gouvernements municipaux également payaient

 23   les soldes s’il y avait de l’argent.  C’est eux qui

 24   payaient les hommes s’il y avait de l’argent.  Ça

 25   représentait à peu près 30 à 40 marks par mois.  Donc, le


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  1   Colonel Filipovic, lui aussi, a reçu une solde de 20 à 30

  2   marks par mois et ceci m’a été payé par le gouvernement

  3   municipal.

  4         Q.    Mon Général, vous êtes un officier de

  5   carrière.  Est-ce que vous pouvez me dire si Monsieur

  6   Kordic avait une formation militaire quelconque, des

  7   connaissances dans le domaine militaire ?

  8         R.    S’il en avait, en tout cas, il ne les a pas

  9   montrées, mais je ne crois pas qu’il avait des

 10   connaissances dans le domaine militaire et d’ailleurs si

 11   c’était le cas, il n’a jamais, en tout cas, essayé d’en

 12   faire montre.

 13         Q.    Vous savez qu’il a simplement fait son

 14   service militaire tout comme les jeunes hommes étaient

 15   obligés de le faire au sein de l’ex-armée de la

 16   Yougoslavie, n’est-ce pas ?

 17         R.    Oui.

 18         Q.    Est-ce que vous avez jamais entendu Monsieur

 19   Kordic délivrer des ordres à aucune unité spéciale ou à

 20   aucune unité régulière du HVO ou encore à une partie la

 21   plus petite qu’elle soit d’une unité du HVO dans la Zone

 22   opérationnelle de Bosnie centrale pendant votre séjour sur

 23   place ?

 24         R.    Une fois encore, ma réponse est non.

 25         Q.    Donc, j’ai parlé d’une unité de la plus


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  1   petite taille imaginable.  Je pensais aux Jokeris, aux

  2   Vitezovis, à la force Alfa, enfin, à des unités de ce

  3   genre.  Est-ce que votre réponse est la même pour toutes

  4   les unités quelles qu’elles soient ?

  5         R.    Il y avait beaucoup d’autres unités avec des

  6   noms différents qui ne répondaient pas vraiment à leurs

  7   obligations, qui ne faisaient pas vraiment partie de la

  8   chaîne de commandement, qui essayaient de trouver des

  9   moyens d’avoir des activités un peu différentes des unités

 10   régulières de l’armée.

 11         Q.    Oui.  Je vous comprends, mais nous sommes ici

 12   et moi, je suis ici pour défendre Monsieur Kordic.  Donc,

 13   ma question est la suivante :  Est-ce que vous avez

 14   connaissance d’éléments qui lient Monsieur Kordic à aucune

 15   de ces unités ?

 16         R.    Non.

 17         Q.    Mon Général, je vous demande maintenant de

 18   répondre aux questions que je vais vous poser sur le

 19   paragraphe 56. 

 20         On a beaucoup parlé du grade de colonel qu’on a

 21   donné à Monsieur Kordic.  Vous étiez le seul vrai colonel

 22   puisque vous aviez eu ce grade au sein de la JNA, mais est-

 23   ce que vous savez dans quelles circonstances Monsieur

 24   Kordic a reçu ce grade honorifique ?

 25         R.    Mon grade, moi, était implicite.  Je n’ai


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  1   jamais été nommé officiellement à ce grade au sein du HVO,

  2   mais tout le monde le respectait, et moi, j’ai insisté pour

  3   que Blaskic aussi soit nommé colonel parce que c’était des

  4   fonctions qu’il assumait dans le cadre de sa fonction de

  5   commandement, et moi, je m’adressais à lui en l’appelant

  6   « Colonel » et c’était ce qui se faisait.

  7         En été 1992, il y a eu des négociations qui ont

  8   commencé à l’aéroport de Sarajevo et le Général Mladic et

  9   le Général Halilovic représentaient les parties en présence

 10   et c’était le Colonel Blaskic qui nous représentait, nous. 

 11   Les Généraux Halilovic et Mladic avaient besoin d’environ

 12   une heure pour se rendre sur place, pour aller et venir

 13   jusqu’au point de rencontre, alors que pour ce qui était du

 14   Colonel Blaskic, il lui fallait un ou deux jours. 

 15         Alors, ça ne pouvait pas durer cette situation. 

 16   Donc, il nous a fallu nommer une autre personne pour aller

 17   assister aux réunions de l’aéroport de Sarajevo.

 18         Q.    Pourquoi ?

 19         R.    Parce qu’il n’est pas possible qu’un

 20   commandant soit absent pendant aussi longtemps de son poste

 21   et donc on a envisagé la possibilité que Monsieur Kordic le

 22   remplace, mais il ne pouvait pas aller participer à cette

 23   réunion sans avoir un grade.  Donc, j’ai dit : « Si moi, je

 24   suis colonel, lui aussi peut être colonel et il a besoin de

 25   ce grade pour pouvoir faire son travail. »  Donc, j’ai


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  1   insisté pour que tout le monde l’appelle « Colonel » et je

  2   crois que c’est pour cette raison qu’on a décidé de lui

  3   donner ce grade. 

  4         Je sais qu’il y avait un Colonel Jovic qui a été

  5   nommé Général de brigade, lui, afin qu’il puisse participer

  6   à une mission ensuite en Afrique.  En ce qui concerne

  7   Monsieur Kordic, je ne sais pas si ce grade a été confirmé

  8   ou non, mais en tout cas, personne ne l’a jamais mis en

  9   cause.  Il n’a pas abusé de ce grade et tout le monde

 10   connaissait tout à fait bien la signification de ce grade.

 11         Q.    Donc, il a conservé ce grade, mais il n’a

 12   jamais eu de fonctions en ce qui concernait le

 13   commandement ?  Il n’a jamais commandé aucune unité,

 14   quelle qu’elle soit ?

 15         R.    Ce grade a été confirmé par la nécessité de

 16   la situation, mais il n’en a jamais abusé et ce grade n’a

 17   jamais été annulé.

 18         Monsieur Mesic, qui est maintenant Président de la

 19   Croatie, lui, on l’a nommé Général de brigade alors qu’il

 20   n’avait jamais été un militaire auparavant.  Voilà comment

 21   les choses se passaient.

 22         Q.    Merci.  Je vais maintenant passer au

 23   paragraphe 57.

 24         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Je

 25   souhaiterais poser une question au témoin.  Je voudrais


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  1   demander au témoin pourquoi il estimait que Monsieur Kordic

  2   ne serait pas en mesure de participer aux négociations à

  3   moins d’avoir le grade de colonel, d’être désigné sous le

  4   grade de colonel.

  5         R.    Monsieur le Juge, je n’ai pas conclu cela. 

  6   Je ne suis pas arrivé à cette conclusion.  Je le savais.

  7         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Peut-être

  8   pouvez-vous expliquer, Monsieur le Témoin, de quelles

  9   négociations il s’agissait.

 10         R.    Il s’agissait de négociations auxquelles

 11   étaient représentés les commandants militaires des trois

 12   parties belligérantes.

 13         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Seuls des

 14   militaires pouvaient participer à ces négociations ?

 15         R.    Seuls des militaires, et à ma connaissance,

 16   lors de la première réunion, il y avait Sefer Halilovic et

 17   Mladic et Blaskic, et au cours de la deuxième réunion,

 18   certains d’entre eux ont envoyé des gens à leur place.

 19         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Est-ce que

 20   vous pourriez m’expliquer autre chose, s’il vous plaît ? 

 21   Vous avez dit : « Moi, j’étais un colonel.  Alors lui, il

 22   pouvait très bien être un colonel. »  Je ne comprends pas

 23   parce que vous, vous êtes un officier de carrière.  C’est

 24   votre métier.  Alors, est-ce que vous pouvez m’expliquer

 25   cette phrase que vous avez prononcée ?


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  1         R.    Dans le HVO, il n’y avait pas de grade

  2   officiel jusqu’en avril 1994.  C’était une question

  3   d’organisation.  On était en train de s’organiser.  En

  4   plus, il y avait des combats.  Donc, l’organisation

  5   laissait un peu à désirer et puis on manquait de personnel

  6   formé envoyé par le ministère de la Défense.  Donc, il n’y

  7   avait pas suffisamment d’officiers de carrière de haut

  8   niveau.

  9         Les gens se donnaient eux-mêmes des grades ou bien

 10   d’autres personnes leur donnaient un grade.  Ainsi, par

 11   exemple, dans la Brigade de Travnik, sur la ligne de front

 12   à Jajce, moi-même, je m’adressais à certaines personnes en

 13   public en utilisant un grade particulier en public. 

 14   Pourquoi ?  Parce que j’estimais que la personne en

 15   question méritait, devait avoir ce grade. 

 16         Ça n’avait rien d’officiel, et généralement, ces

 17   grades doivent être confirmés au plus haut niveau, mais du

 18   fait que nous étions en train de nous battre, en train de

 19   combattre, il fallait faire preuve d’efficacité et c’est

 20   pourquoi nous avions procédé de la sorte.

 21         M. LE JUGE ROBINSON (interprétation) :  Je vous

 22   prie de poursuivre, Me Naumovski.

 23         Me NAUMOVSKI (interprétation) : 

 24         Q.    Je vais poursuivre avec le paragraphe 57.  Je

 25   voudrais savoir qui avait l’autorité de prendre des mesures


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  1   disciplinaires contre les subordonnés à différents niveaux.

  2         R.    Les commandants.

  3         Q.    Une autre question ou plutôt une dernière à

  4   ce sujet-là :  Est-ce que Monsieur Kordic, d’après ce que

  5   vous savez, d’après vos informations, avait un rôle au sein

  6   des sanctions, enfin, plutôt si lui pouvait entreprendre

  7   des mesures disciplinaires, militaires, sanctionner les

  8   personnes, et cætera ?

  9         R.    Monsieur Kordic et puis d’autres également

 10   qui ne faisaient pas partie de la hiérarchie militaire

 11   n’avaient aucune autorité à ce niveau-là.  Ce n’était même

 12   pas possible.  Il ne l’a pas fait, mais ce n’était même pas

 13   possible.

 14         Q.    Mon Général, je pense que nous avons

 15   progressé bien.  Il nous reste encore le dernier sujet qui

 16   se réfère aux troupes du HVO [sic] en Bosnie centrale,

 17   paragraphe 58.

 18         Auriez-vous l’amabilité, mon Général, de dire à la

 19   Chambre de première instance si, pendant toute cette

 20   période de 1992, 1993 jusqu’à mars 1994, il y avait des

 21   soldats appartenant à l’armée croate en Bosnie centrale ou

 22   éventuellement s’il y avait des véhicules qui portaient les

 23   insignes du HV, l’armée croate ?

 24         R.    En ce qui concerne la Bosnie centrale, il n’y

 25   avait ni des particuliers ni des formations appartenant à


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  1   l’armée croate.  Quand je dis « armée croate », je sous-

  2   entends bien évidemment l’armée qui éventuellement serait

  3   arrivée de la République de Croatie, de l’État croate. 

  4         Malheureusement, il y avait des armées différentes

  5   du monde entier, mais il n’y avait pas d’armée croate pour

  6   une raison tout à fait claire.  Les Croates de Bosnie

  7   centrale étaient dans une situation à se défendre et

  8   l’armée croate n’était pas aussi puissante pour les aider

  9   pour défendre cet espace.

 10         Au moment où les combattants, par exemple, me

 11   posaient la question : « Mais pourquoi nous ne recevons pas

 12   l’aide de la Croatie ou de l’armée croate ? », moi, je

 13   répondais : « C’est comme un État qui est tout jeune. 

 14   C’est comme un nouveau-né.  Par conséquent, ils ne

 15   disposent pas de moyens pour nous aider et ils ne peuvent

 16   pas nous aider. » 

 17         Il y avait un certain nombre d’individus, donc de

 18   particuliers qui sont nés en Bosnie et qui ont poursuivi

 19   leur enseignement, leur formation en Bosnie et qui

 20   portaient des symboles et arboraient des insignes de

 21   l’armée croate.  Il y en avait également d’autres qui

 22   portaient des insignes de l’armée britannique ou allemande,

 23   et cætera.  Je parle des Croates. 

 24         Je maintiens que les gens qui sont nés en Croatie,

 25   des gens qui ont été formés en Croatie, malheureusement,


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  1   n’étaient pas, et je dis malheureusement, n’étaient pas en

  2   Bosnie.

  3         Q.    Quand vous dites « malheureusement », c’est

  4   probablement en votre qualité de militaire professionnel de

  5   carrière ?

  6         R.    Sur ce territoire, il y avait des milliers,

  7   des milliers de – je ne sais pas comment les appeler –

  8   personnes qui viennent du monde entier qui sont contre moi,

  9   qui s’organisent, qui s’arment, qui hissent des drapeaux

 10   qui ne sont pas les miens, alors que l’État croate ne nous

 11   envoie pas de manière légitime une formation militaire qui

 12   aurait été une formation légitime, qui aurait été

 13   certainement une armée que nous avons attendue.

 14         Je sais que ce que je vais dire, ça va créer un

 15   tableau négatif sur les Croates, mais malheureusement, je

 16   le maintiens : en Bosnie centrale, on a manqué de cette

 17   aide.  À mon avis, on aurait dû bénéficier de cette aide

 18   car tout le monde y croyait et cette aide ne nous est

 19   jamais parvenue.

 20         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Monsieur le

 21   Président, Messieurs les Juges, je pense que j’ai progressé

 22   bien.  J’aurais pu éventuellement économiser un peu plus de

 23   temps, mais pour accélérer les débats, je pense que le

 24   mieux effectivement c’est de poursuivre avec cette approche

 25   de nous référer sur les résumés.  Par conséquent, on peut


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  1   juste passer en vitesse des paragraphes et puis, lors du

  2   contre-interrogatoire, compléter éventuellement ce qui a

  3   été dit par le témoin. 

  4         C’est comme ça que je termine, Monsieur le

  5   Président, Messieurs les Juges.  Je remercie le témoin

  6   également et je le laisse à votre disposition et à la

  7   disposition de l’Accusation.

  8         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous n’avons

  9   pas versé au dossier les déclarations préparées par

 10   l’Accusation et nous ne pensons pas qu’il faille le faire,

 11   à moins qu’il y a un accord entre les deux parties à ce

 12   sujet.

 13         Me NAUMOVSKI (interprétation) :  Merci.

 14                     [La Chambre discute]

 15         M. LE JUGE BENNOUNA :  Me Naumovski, je crois que

 16   le témoin vient de nous dire qu’il n’y a pas eu d’aide de

 17   la Croatie, bien que cette aide aurait été légitime.  Je le

 18   vois dans le transcript en anglais : « which would have

 19   been legitimate ».  Il trouve qu’une aide de la Croatie

 20   aurait été tout à fait légitime, mais qu’elle a manqué.  Il

 21   a dit : « …parce que c’est comme un nouveau-né », et

 22   cætera. 

 23         Je voudrais vous demander, Général Filipovic,

 24   pourquoi vous pensez que l’aide de la Croatie aurait été

 25   tout à fait normale et légitime.


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  1         R.    À mon avis, à partir du moment où il y a le

  2   peuple qui est victime, si ce sont les Français, les

  3   Américains, les Allemands n’importe où dans le monde, il y

  4   a une population qui est victimisée, la France, les États-

  5   Unis, l’Allemagne doivent aider cette population avec tout

  6   ce dont ils disposent.

  7         Nous, on était des victimes.  On a traversé des

  8   épreuves, nous, en Bosnie centrale.  La moitié de cette

  9   population n’est plus dans cet espace, n’habite plus cette

 10   région.  Ma famille a tout perdu.  Les membres de ma

 11   famille ont tout perdu et c’est dans ce contexte que la

 12   Croatie – tout au moins, c’est ce que moi, je pensais –

 13   avait le devoir de nous aider et on s’attendait à cette

 14   aide.

 15         M. LE JUGE BENNOUNA :  [Hors microphone] …devoir

 16   de vous aider parce que vous étiez Croate vous-même comme

 17   vous vous êtes défini du point de vue ethnique ou bien

 18   parce qu’elle partageait les mêmes objectifs que vous ?

 19         R.    Je ne parle pas des objectifs, Monsieur le

 20   Juge.  Je dis que nous parlons d’un espace, un espace bien

 21   déterminé.  Les Serbes étaient tout-puissants avec l’aide

 22   de la Serbie ou de je ne sais pas qui encore.   Si les

 23   Bosniens également, je parle des Musulmans également, ont

 24   de la force parce que c’est le monde je ne sais pas d’où,

 25   mais on les aide quand même et c’est dans ce contexte-là


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  1   que la Croatie avait le devoir d’aider le peuple croate en

  2   Bosnie centrale.  Les uns et les autres étaient aidés et je

  3   ne parle même pas des Croates, je parle également de la

  4   survie en Bosnie centrale.

  5         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Oui, merci.

  6         Me Kovacic, Me Mikulicic, peut-être pourriez-vous

  7   commencer.  Nous allons poursuivre les débats jusqu’à 16 h

  8   10.

  9         Me MIKULICIC (interprétation) :  Merci, Monsieur

 10   le Président.  Je vais commencer.

 11         INTERROGÉ PAR Me MIKULICIC

 12         (interprétation) :  

 13         Q.    Bonjour, Général Filipovic.  Je m’appelle

 14   Mikulicic de Zagreb et avec mon confrère Kovacic, je

 15   défends Monsieur Cerkez.  Je vais vous poser quelques

 16   questions.  Je serai beaucoup plus bref que ce ne fut le

 17   cas de mon confrère Naumovski.  Je vais vous demander de

 18   bien vouloir me donner les réponses selon bien évidemment

 19   ce que vous savez et ce que vous avez gardé en mémoire.

 20         Mon Général, vous avez dit que le 12 avril 1992,

 21   vous vous êtes rendu dans la vallée de la Lasva ?

 22         R.    Oui, c’est exact.

 23         Q.    Pourriez-vous, s’il vous plaît, rafraîchir

 24   notre mémoire et essayer de me décrire la situation à ce

 25   moment-là et plus tard également en 1992 qui prévalait dans


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  1   la région de Vitez ?  Quelles étaient les structures du

  2   point de vue militaire sur lesquelles… que vous avez

  3   constatées, pardon (l’interprète se reprend) ?

  4         R.    Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  5   j’ai déjà dit que c’est le 10 avril 1992 que j’ai quitté

  6   l’ex-JNA.  Je me suis rendu à Travnik.  Je me suis mis

  7   d’accord avec mon épouse de l’évacuer elle-même ainsi que

  8   les enfants et puis mes parents et ensuite, je suis

  9   retourné à Travnik tout seul ou plutôt à Vitez car je

 10   connaissais Monsieur Marijan Skopljak.  Par conséquent, le

 11   12, j’étais déjà à Vitez et je me suis entendu avec

 12   Monsieur Marijan Skopljak sur la manière dont ma famille

 13   allait sortir de Doboj et c’est là où j’ai fait

 14   connaissance de Monsieur Cerkez.

 15         Monsieur Cerkez était homme à tout faire à ce

 16   moment-là, aussi bien au sein du commandement et aussi bien

 17   au niveau de l’organisation de la vie à Vitez.  Ils ont

 18   réussi à organiser dix personnes donc à aller jusqu’à Doboj

 19   en véhicule.  Ce n’était pas du tout simple.  À ce moment-

 20   là, ils ont réussi à sortir de Doboj mes enfants ainsi que

 21   mes parents et mon épouse.  Ils les ont transférés de Doboj

 22   à Travnik.

 23         Q.    Par conséquent, à ce moment-là, Cerkez, pour

 24   vous, était quelqu’un qui était le principal au niveau de

 25   la municipalité, n’est-ce pas ?  Pardon, je parle de


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  1   Marijan Skopljak.

  2         R.    Oui.

  3         Q.    Vous avez dit, Général, qu’il y avait eu des

  4   entretiens auxquels vous avez assisté et que ces entretiens

  5   avaient lieu dans une maison de Marijan Skopljak ?

  6         R.    Oui.  Il s’agit d’une maison.  C’est une

  7   maison dont le propriétaire était Marijan Skopljak, et en

  8   bas, il y avait un café.

  9         Me MIKULICIC (interprétation) :  Je vais demander

 10   à l’Huissier de m’aider et de montrer au témoin la pièce à

 11   conviction D66/2.  C’est une photographie, je pense.

 12         Monsieur l’Huissier, si vous voulez bien mettre la

 13   photographie sur le rétroprojecteur, s’il vous plaît, celle

 14   qui est en couleur, s’il vous plaît.

 15         Q.    Mon Général, est-ce que vous reconnaissez la

 16   maison sur cette photographie ?  C’est la maison dont le

 17   propriétaire était Marijan Skopljak, et il y avait ce

 18   local, ce café.

 19         R.    Oui, effectivement, mais nous nous sommes

 20   rencontrés dans ce bâtiment annexe [indication du témoin].

 21         Q.    Exact.  Est-ce que c’était en quelque sorte

 22   le commandement opérationnel de l’état-major ?

 23         R.    Oui.  Je me souviens.  Il y avait deux

 24   pièces, deux pièces qui n’ont pas été aménagées

 25   véritablement comme il fallait.  Il y avait de la peinture


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  1   qui manquait, mais il y avait quand même une table et il y

  2   avait des chaises et c’est là où nous avons discuté et

  3   c’est là où il m’avait promis qu’il allait sortir ma

  4   famille de Doboj.

  5         Q.    Merci.

  6         Me MIKULICIC (interprétation) :  Merci, Monsieur

  7   l’Huissier.

  8         Q.    Mon Général, vous avez dit également que

  9   l’objectif principal pour lequel le HVO s’était organisé à

 10   Vitez et également au-delà, dans l’ensemble de la Bosnie

 11   centrale, était pour organiser la résistance face aux

 12   Serbes et à l’ex-JNA.  Il y avait quand même des opérations

 13   qu’ils ont engagées.  Est-ce que je vous ai bien compris ?

 14         R.    Oui, vous m’avez bien compris.

 15         Q.    Par ailleurs, vous avez également dit qu’il y

 16   avait un certain nombre d’opérations militaires qui ont été

 17   organisées et le but de ces opérations militaires était

 18   justement de faire sortir les formations de l’ex-JNA de

 19   leurs casernes et de prendre l’armement ?

 20         R.    Oui.  Une fois quand je me suis rendu sur

 21   place, c’est à ce moment-là que nous nous sommes organisés

 22   pour les faire sortir.

 23         Q.    Ce n’était pas uniquement des membres du HVO

 24   qui ont participé dans ces actions, mais il y avait

 25   également des membres de la Défense territoriale, des


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  1   Bosniaques qui ont participé dans cette action ?

  2         R.    Oui.  Ils ont participé, bien évidemment,

  3   mais ça dépendait également un petit peu de la confiance

  4   qu’on leur faisait.

  5         Q.    Il y avait une action également à l’encontre

  6   de cette caserne Slimena, de cet entrepôt, mais si je

  7   comprends bien, c’est vous qui avez commandé cette action,

  8   cette opération très concrète ?

  9         R.    Oui.

 10         Q.    Vous souvenez-vous, mon Général, que mon

 11   client, Monsieur Cerkez, sur l’ordre de l’état-major

 12   Marijan Skopljak, aurait dû y participer ?

 13         R.    Il aurait dû participer.  Il a participé

 14   effectivement dans cette action.

 15         Q.    Mon Général, vous avez réussi à obtenir

 16   également deux chars antiaériens ?

 17         R.    Oui. 

 18         Q.    Il y en avait un qui avait les trois tubes et

 19   l’autre qui était de calibre de 40 millimètres ?

 20         R.    C’était exactement ça.

 21         Q.    Il y en avait également d’autres qui étaient

 22   de 20 millimètres ?

 23         R.    Oui, mais je me souviens qu’il y avait toute

 24   une batterie.  Nous voulions en disposer parce que nous

 25   voulions véritablement créer une batterie mixte et nous


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  1   voulions donner exemple parce qu’elle était composée des

  2   Musulmans et des Croates.

  3         Q.    C’était une action que vous avez organisée

  4   conjointement ?  Il ne s’agissait pas d’une action qui

  5   était secrète, confidentielle, que vous avez organisée au

  6   nom du HVO ?

  7         R.    C’était confidentiel, bien évidemment, parce

  8   que nous avons organisé quelque chose et c’est de ce point

  9   de vue que c’était une action qui était secrète, mais ce

 10   n’était certainement pas le HVO uniquement qui y

 11   participait.  Je me souviens que je me suis entretenu avec

 12   Cengic à Vitez.  Je pense que Dzemo Merdan et Dugalic

 13   également ont discuté avec nous quelles étaient les

 14   activités qu’il fallait organiser, comment on allait

 15   partager les munitions, les armes de cet entrepôt.

 16         Q.    Excusez-moi, mon Général.  J’étais peut-être

 17   confus parce que j’ai parlé de secret.  Quand j’ai parlé de

 18   « secret », je pensais vis-à-vis des Musulmans, vis-à-vis

 19   de la Défense territoriale.  Dans ce sens-là, il n’y avait

 20   pas de secret ?  Je pense que vous avez déjà répondu à

 21   cette question.

 22         R.    Oui.  J’ai déjà donné la réponse.

 23         Q.    Vous avez dit également qu’il y avait

 24   Monsieur Cerkez qui a participé dans cette action.  Est-ce

 25   qu’il est vrai que normalement, il avait pour objectif,


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  1   pour mission de ramener les volontaires jusqu’à cet

  2   endroit-là et à l’endroit où il fallait que les gens se

  3   rassemblent pour commencer l’action à Slimena ?

  4         R.    Oui.  À ma connaissance, c’était le rôle qui

  5   lui avait été imparti, mais de toute façon, pour moi, il

  6   n’avait pas été quelqu’un sur lequel je pouvais compter à

  7   100 pour cent.  Je comptais sur lui bien évidemment, mais

  8   d’un autre côté, ce n’était pas un militaire.

  9         Il ne faut pas oublier non plus que moi, j’avais

 10   parlé à ce moment-là et j’ai négocié avec Kostic et j’ai

 11   tout simplement voulu résoudre la situation de manière tout

 12   à fait digne.  J’ai dit par conséquent qu’il fallait

 13   absolument que des soldats n’allaient pas se rendre, mais

 14   qu’ils allaient tout simplement aller dans la caserne de

 15   Travnik.

 16         Q.    Mais ces négociations n’ont pas réussi, n’ont

 17   pas abouti ?

 18         R.    Oui.  J’ai compris que malheureusement les

 19   négociations n’allaient pas aboutir, et de toute façon, il

 20   a plastiqué, il a dynamité l’entrepôt au cours de la nuit.

 21         Q.    Par la suite, le HVO et le TO ont réussi à

 22   s’approvisionner en armes.  Est-ce que vous pouvez me

 23   donner le détail ?  Comment ils sont arrivés à posséder ces

 24   armes ?

 25         R.    Ça n’a pas été véritablement partagé.  Il y


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  1   avait des barrières de sécurité que nous avons placées,

  2   mais il y avait une masse qui est accourue.  Donc, ils ont

  3   traversé les champs de mines et puis il y avait, un petit

  4   peu partout dans les champs et ailleurs à l’extérieur, des

  5   armes.  Ceux qui étaient mieux organisés étaient dans les

  6   véhicules.  Je me souviens que Dzemal Merdan et Dugalic

  7   sont arrivés avec quelques véhicules, un camion, et je me

  8   souviens également qu’il y avait d’autres personnes qui

  9   sont arrivées des états-majors municipaux en véhicules et

 10   ils se sont emparés de ce matériel.

 11         Par conséquent, je ne peux pas parler d’un

 12   partage.  Ils se sont emparés.  C’est le terme.

 13         Q.    Oui, effectivement.  Le terme n’était pas

 14   bon.  Tout au moins, c’est moi qui ne l’avais pas utilisé

 15   correctement.

 16         Est-ce qu’une partie de ces armes était prise

 17   également par la partie musulmane ?  C’est tout.

 18         R.    Je maintiens qu’en ce qui concerne les

 19   fusils, ils en avaient pris une quantité nettement plus

 20   grande que les membres du HVO car il y avait des blessés,

 21   il y avait des tués également, et il a été démontré que ce

 22   n’était que des Musulmans.  Ce jour-là, je n’avais aucun

 23   Croate qui s’est fait tuer, qui était blessé, mais la

 24   veille, effectivement, il y avait huit personnes qui ont

 25   été blessées grièvement et deux qui ont été tuées.  C’est


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  1   au moment où l’officier en question avait dynamité

  2   l’entrepôt.  Il y avait donc les personnes qui se sont fait

  3   tuer, comme je l’ai dit, les deux, et huit ont été blessées

  4   grièvement.

  5         Me MIKULICIC (interprétation) :  Monsieur le

  6   Président, je n’ai plus de questions au sujet de ce thème,

  7   et si vous voulez, nous pouvons donc nous arrêter là et

  8   reprendre demain.

  9         M. LE PRÉSIDENT (interprétation) :  Nous allons

 10   maintenant lever l’audience et nous reprendrons demain à 9

 11   h 30. 

 12         Je vous demande de revenir demain matin à 9 h 30

 13   pour la suite de votre déposition, mon Général.

 14         --- L’audience est levée à 16 h 14

 15         pour reprendre le mercredi

 16         12 avril 2000 à 9h 30

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