Page 18228
1 (Mardi 9 mai 2000)
2 (Audience à huis clos partiel.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 37.)
4
5
6
7
8
9
10
11
12 Page 18228 expurgée – audience à huis clos partiel.
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18229
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page 18229 expurgée – audience à huis clos partiel.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18230
1 [expurgée]
2 [expurgée]
3 (L'audience se poursuit en séance publique.)
4 M. le Président (interprétation) : Peut-on faire entrer le témoin?
5 M. Nice (interprétation): Dans l'intervalle, puis-je vous expliquer ceci:
6 nous avons plusieurs documents à soumettre au témoin. Je vais essayer
7 d'aborder avec lui d'autres questions, si ses souvenirs sont incomplets ou
8 ne se complètent pas à l'examen des documents.
9 Soyez rassurés, Messieurs les Juges, par le fait qu'il s'agit là du
10 dernier témoin qui va évoquer ces domaines, domaines qui nécessitent
11 l'examen de beaucoup de documents -ce qui ne devrait pas être le cas par
12 la suite.
13 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
14 M. Nice (interprétation): Peut-on présenter au témoin une pièce que nous
15 avons déjà examinée, la pièce 372.2?
16 Commandant, nous allons abandonner dans notre examen le début de 1993,
17 mais j'aimerais avoir vos commentaires sur un document émanant du général
18 Merdan.
19 Nous, c'est-à-dire les Juges, l'accusation ainsi que la défense, avons
20 déjà examiné ce document mais pas de façon circonstanciée. J'aimerais donc
21 avoir vos commentaires à ce propos.
22 Rappelez-vous, Commandant: hier, nous avons examiné des documents émanant
23 de la communauté internationale. Ils ont été produits à peu près au même
24 moment que ce document du 17 janvier. J'espère que vous avez une copie
25 dans une langue que vous comprenez, et nous demanderons à l'huissier de
Page 18231
1 placer sur le rétroprojecteur la version en anglais.
2 Mais j'aimerais d'abord votre aide sur ce point: on fait référence à une
3 commission chargée des négociations en vue de résoudre le conflit de
4 Gornji Vakuf portant la date du 16 au 17 janvier.
5 Avez-vous quelque souvenir que ce soit à propos de cette commission?
6 M. Sekerija (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
7 puis-je parcourir en vitesse le document et, ensuite, je vais vous donner
8 la réponse?
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, le document est assez
10 long. Voulez-vous soumettre au témoin les parties ou les passages
11 importants?
12 M. Nice (interprétation): Vous voyez l'en-tête: "Commission chargée de la
13 résolution des conflits dès le 16 janvier"?
14 Vous souvenez-vous de la création, à un moment assez précoce dans cette
15 période, de la création de cette commission?
16 R. Oui.
17 Q. Dans le premier paragraphe, il est fait état de tirs d'artillerie
18 sporadiques moins intenses que la veille. Les villages environnants de
19 Voljevac et Pajic Polje avaient été pilonnés du fait de mouvements de
20 troupes qui avaient été décelées ou repérées.
21 Est-ce exact? Est-ce que vous avez pilonné ces villages?
22 R. La portée de l'artillerie et des pièces d'artillerie dont je
23 disposais ne pouvait pas toucher ces villages. S'il y avait éventuellement
24 des pilonnages ou des conflits entre le HVO et les forces musulmanes, cela
25 pouvait être uniquement à partir de la municipalité Rama Prozor.
Page 18232
1 Q. Il s'agit d'un document interne adressé par Merdan au chef de
2 l'état-major suprême des forces. C'est le récit qu'il en fait. Dans le
3 paragraphe suivant, il dit que: "A 17 heures 50, les colonels Andric et
4 Siljeg étaient arrivés. Auparavant, ils s'étaient rendus à Prozor pour
5 discuter de certains sujets avec Praljak en compagnie de Lukic.
6 Au cours de cette réunion, ils ont exposé leurs revendications qui
7 visaient à ce que les provinces soient organisées de façon temporelle en
8 fonction de la réciprocité. S'il y avait des modifications à Genève, les
9 Croates allaient les respecter. Le HV revendiquait le retrait des unités,
10 le retour des unités des endroits où elles s'étaient rendues. Ils avaient
11 garanti qu'ils ne feraient rien contre les Musulmans qui n'étaient pas
12 coupables de crimes de guerre. Ils avaient dit qu'ils respectaient
13 l'égalité et qu'il y avait un ordre visant à abandonner les tranchées et
14 l'armée ne pouvait plus être commandée par Topcic, Agic et Prijic. Est-ce
15 que c'est bien là la réalité qui prévalait sur les terrains pour ce qui
16 est de la façon dont le HVO voyait cette réalité?
17 R. Monsieur le Président, je n'étais pas membre de cette commission et
18 je ne peux certainement pas donner des réponses au sujet des décisions qui
19 furent prises au sein de cette commission.
20 Q. Je vais m'arrêter là, parce que ce que je veux faire valoir est
21 assez évident. Nous avons, ici, affaire à un document interne adressé par
22 des Musulmans à des Musulmans, qui n'était pas destiné aux Croates.
23 Jusqu'à présent, avez-vous pu lire dans ce document quoi que ce soit qui
24 selon vous serait faux? Ou est-ce qu'à présent, tout correspond à la
25 réalité?
Page 18233
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18234
1 R. Monsieur le Président, excusez-moi. Tous les pourparlers, tout ce
2 qui était convenu, et partout moi j'ai été participant je peux dire le
3 suivant. Nous sommes convenus du cessez-le-feu. Le HVO a respecté jusqu'au
4 bout le cessez-le-feu. Au cours des ruptures, des interruptions du cessez-
5 le-feu, il y avait un certain nombre de tirs et surtout des tireurs
6 d'élite et nous avons perdu beaucoup de personnes, plus qu'au cours des
7 conflits, donc la partie musulmane signait des accords mais ne les
8 respectait pas.
9 M. le Président (interprétation) : Vous n'avez pas répondu à la question
10 qui était celle-ci: est-ce qu'il y a dans ce document quoi que ce soit,
11 bien sûr s'agissant des extraits qui vous ont été lus, quoi que ce soit
12 qui soit faux ou inexact? Est-ce qu'il vous est impossible de le dire?
13 R. Ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit d'un document du commandant
14 de l'armée musulmane, donc soldat qui agissait à Gornji Vakuf. Par
15 conséquent, il ne s'agissait pas de documents qui me concernaient
16 particulièrement.
17 M. le Président (interprétation) : Monsieur Sekerija, réfléchissez. On
18 vous demande si ce qui est évoqué dans le document, ou les conditions dont
19 on parle, étaient bien les conditions du HVO? Est-ce que c'était bien le
20 cas ou pas? Ou est-ce que vous n'êtes pas en mesure de le dire?
21 R. Je ne suis pas capable, en mesure de dire quoi que ce soit à ce
22 sujet-là.
23 M. Nice (interprétation): Mais, Commandant, je suis sûr que vous allez
24 dénigrer tout ce qui serait quelque peu embarrassant pour votre cause,
25 n'est-ce pas?
Page 18235
1 R. Non.
2 Q. Nous avons entendu la déposition d'un témoin, M. Williams, qui vient
3 de la communauté internationale. Selon lui, le colonel Andric a donné un
4 ultimatum à l'armée de Bosnie-Herzégovine qui devait, selon cet ultimatum,
5 livrer ces armes parce que Gornji Vakuf se serait trouvée dans un canton
6 croate. Le colonel Andric a-t-il effectivement fait cet ultimatum?
7 R. Je répète: je n'étais pas présent à de tels types de pourparlers
8 dans la base des Nations Unies à Gornji Vakuf. C'est la raison pour
9 laquelle je ne peux pas en parler et je n'ai jamais disposé d'un document
10 et je n'ai jamais vu un document pour pouvoir en faire un commentaire.
11 Q. Revenons à l'année 1992, et je reviendrai à la deuxième partie
12 de 1993. Vous avez rejoint les rangs du HVO en avril 1992, vous dites que
13 Kordic voulait que 60 % des armes soient fournies aux Musulmans. A votre
14 avis, cette proposition qu'il a faite, elle concernait quel type d'armes?
15 R. Il s'agissait exclusivement des armes qui ont été reprises des ex-
16 casernes de l'ex-JNA. Il s'agissait des armes d'infanterie.
17 Q. Est-ce que ce n'est pas tellement ce genre de division qu'il
18 prônait, mais n'essayait-il pas plutôt d'obtenir ces armes ou certaines
19 armes pour lui-même? Est-ce que cela n'est pas la situation telle qu'elle
20 se présentait véritablement?
21 R. Il ne fallait pas prier qui que ce soit parce que, tout simplement,
22 les unités du HVO et des casernes qui étaient sous le contrôle du HVO ont
23 repris ces armes. C'est la raison pour laquelle il ne fallait pas qu'il
24 demande à qui que ce soit et quoi que ce soit.
25 Q. Où est-ce que ceci est étayé? Où est-ce que l'on voit cette
Page 18236
1 proposition selon laquelle 50 % des armes devraient être remises à la
2 Défense territoriale, c'est bien cela?
3 R. Lors d'une réunion à laquelle j'étais présent, tous les présidents
4 du gouvernement municipal, dans la zone de responsabilité, zone
5 opérationnelle de Bosnie centrale, discutaient sur l'appui logistique sur
6 les lignes de front. Ceci a souvent été le cas, à savoir de mener les
7 discussions à ce sujet-là. Par exemple, si une municipalité avait
8 davantage d'armes, de mettre à la disposition ces armes à une autre
9 municipalité.
10 Monsieur Kordic a toujours préconisé de répartir moitié-moitié ces armes.
11 Par exemple, si on avait 1000 fusils, lui, il préconisait d'attribuer la
12 moitié aux Musulmans et l'autre moitié aux Croates; ceci en fonction bien
13 évidemment des besoins des municipalités diverses.
14 Q. Je vous donne une autre occasion, une dernière occasion et je
15 passerai à autre chose. Dites-nous où je, où nous pouvons trouver des
16 documents qui viennent étayer cette affirmation que vous faites?
17 R. J'ai tenu mon propre journal et j'y ai noté tout cela. Une fois que
18 j'ai été blessé, c'est ce journal qui a disparu. Je me souviens que
19 j'avais noté quelque chose dans ce sens-là, mais je n'ai plus accès à ce
20 journal et je n'ai pas d'autres documents dont je dispose.
21 Q. Nous sommes maintenant en avril, en mai 1992. Quelle était la
22 légitimité du HVO? Quel droit ou de quel droit le HVO pouvait-il
23 revendiquer des armes qui venaient de l'ex-Yougoslavie?
24 R. Il n'avait aucun droit de l'obtenir mais nous nous sommes emparés
25 d'un certain nombre d'armes des ex-casernes des JNA et on répartissait ce
Page 18237
1 dont disposait.
2 Q. Et est-ce que vous oeuvriez véritablement à la poursuite, à la
3 continuité d'une Bosnie-Herzégovine indépendante ou vos actions visaient-
4 elles à défendre les intérêts d'une grande Croatie?
5 R. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait exclusivement dans l'intérêt de
6 la Bosnie-Herzégovine. C'est ma patrie, l'une et l'unique patrie.
7 Q. Peut-on examiner la pièce 2360.8? Veuillez remettre l'original au
8 témoin et placer la version en anglais sur le rétroprojecteur. Vous aviez
9 déjà rejoint les rangs du HVO depuis quelques mois à l'époque où Bobetko,
10 depuis la République de Croatie, a déclaré dans ce document, déclarait
11 donc qu'en Bosnie centrale on allait intégrer ou créer un IZM afin
12 d'organiser la défense et d'intégrer les commandements existants. Il avait
13 donné l'ordre de créer un IZM central dans la région de la Bosnie centrale
14 pour Gornji Vakuf. Comment se fait-il, dites-le donc aux Juges, que la
15 Croatie ait eu à l'époque des agissements, les agissements qu'elle a eus?
16 R. Au moment où le général de brigade Zarko Tole est arrivé à Uskoplje,
17 cet ordre du général Bobetko, c'est la première fois que je le vois. Je ne
18 sais pas avec qui cette politique a été convenue. Je sais que le général
19 de brigade Zarko Tole est arrivé à Uskoplje. Il a essayé de former son
20 commandement; en partie il l'a fait, mais par la suite il a été capturé
21 par les Serbes. J'ai déjà dit ce je pensais à ce sujet-là lors de ma
22 déposition hier.
23 Q. Etes-vous en train de dire aux Juges que vous êtes là, à Gornji
24 Vakuf -c'est le sujet de votre déposition-, et que vous ne saviez rien de
25 la désignation de Tole qui était en fait ordonnée depuis la Croatie, ou à
Page 18238
1 partir de la Croatie? Vous n'en n'aviez aucunement connaissance?
2 R. J'ai déjà dit, Monsieur le Président, que c'est pour la première
3 fois que je vois cet ordre. Tole est arrivé avec l'ordre du défunt Mate
4 Boban. Il a été convenu, à un niveau très élevé probablement, d'agir
5 ainsi. Il n'est pas impossible que ceci ait été convenu entre les
6 Musulmans et les Croates mais, de toute façon, je ne l'ai pas signé, je ne
7 peux pas l'affirmer.
8 Q. Mais vous étiez là, présent! Alors, ce que vous faisiez avait-il
9 trait ou était relié aux intérêts de la Bosnie-Herzégovine ou, à votre
10 connaissance, agissiez-vous surtout pour la Croatie et à partir
11 d'instructions qui venaient de la Croatie?
12 R. Non. Je travaillais exclusivement dans l'intérêt de la Bosnie-
13 Herzégovine, et ce n'est que la première fois que je vois ce document.
14 Q. Avant d'avancer dans le temps, avant de partir de cette époque dont
15 vous disiez que Kordic avait ou voulait offrir 50 % des armes aux
16 Musulmans: pourriez-vous expliquer aux Juges comment il se fait que de
17 telles revendications de la part de Kordic -puisqu'il s'agit d'armes- ne
18 puissent pas être considérées comme les attributs d'une fonction
19 militaire?
20 R. A ma connaissance, dans chaque pays, le gouvernement ou la
21 présidence d'un pays se doit d'appuyer, du point de vue logistique,
22 l'armée. Je maintiens ce que j'ai dit: M. Kordic n'avait absolument aucun
23 pouvoir de commandement et ne pouvait certainement pas délivrer des ordres
24 pour ce qui concerne les opérations sur les lignes de front. Il ne pouvait
25 pas participer à l'élaboration de la stratégie pour maintenir,
Page 18239
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18240
1 sauvegarder, préserver les territoires que nous avons sauvegardés.
2 Q. La logistique, est-ce une fonction qui revient à un homme politique?
3 Peut-être dans une certaine mesure, puisque les hommes politiques doivent
4 trouver les fonds destinés à acheter des armes. Effectivement, un
5 président, un Premier ministre ou un ministre de la Défense, de la Guerre,
6 peut s'en occuper.
7 S'agissant de ces fonctions logistiques dont vous parlez, comment dire,
8 est-ce que ce seraient là les fonctions politiques d'un ministre, disons,
9 de la Défense ou de la Guerre? C'est bien ce que vous nous dites?
10 R. Je considère que toutes les fonctions politiques au sein du
11 gouvernement sont de caractère politique. Par conséquent, même s'il s'agit
12 du ministère de la Défense, il s'agit toujours des fonctions politiques
13 d'abord, et ensuite militaires.
14 Q. Mais manifestement, un ministre de la Défense a plus de choses à
15 voir avec la guerre que, disons, un ministre de la Sécurité sociale ou de
16 l'Education!
17 Pourriez-vous nous donner le nom d'un quelconque homme politique qui avait
18 des liens plus étroits avec les fonctions politiques de la Défense?
19 R. Le commandant suprême du HVO était M. Mate Boban, ceci est clair
20 également si vous lisez le règlement des forces armées de la communauté
21 croate d'Herceg-Bosna qui a été signé par lui-même.
22 Ensuite, il y a un lien entre le président ou le commandant suprême des
23 forces armées du HVO qui était Jadranko Prlic, le gouvernement, donc le
24 Premier ministre. Et dans son ministère, dans le cadre de son ministère,
25 il y avait également le département chargé de la Défense qui était en lien
Page 18241
1 avec le HVO, avec le quartier général du HVO; et l'état-major ou le
2 quartier général du HVO délivrait des ordres sur le déploiement des
3 forces, l'utilisation des forces des zones opérationnelles; et ensuite, ce
4 sont les zones opérationnelles qui transmettaient ces ordres à leurs
5 subordonnés des structures qui sont inférieures.
6 Q. Puisqu'il y avait une chaîne aussi nettement établie en matière de
7 responsabilité des hommes politique pour les questions militaires,
8 pourquoi était-il nécessaire que Kordic négocie en matière d'attributions
9 d'armes? Pourquoi n'a-t-il pas laissé le soin à Prlic ou Boban de le
10 faire?
11 R. J'ai déjà dit que M. Kordic était vice-président de la communauté
12 croate d'Herceg-Bosna, et il a été chargé, probablement, de la région de
13 la Bosnie centrale. Au nom du ministère de la Défense, il était chargé
14 plus particulièrement de la logistique. Mais je dis qu'il n'avait rien à
15 faire avec la chaîne de commandement militaire. Par conséquent, si jamais
16 il avait une occupation dans ce sens-là, c'était la logistique sur le
17 terrain, et en passant par les présidents municipaux, ou les conseils
18 comme nous les appelons, municipaux: ce sont les gouvernements municipaux.
19 Q. Nous allons en discuter davantage. Mais ici, pour le dossier, soyons
20 précis pour ce qui est des dates. Blaskic vous a nommé commandant de la
21 zone opérationnelle n° 1 le 4 juillet. Cette zone couvrait Bugojno, Gornji
22 Vakuf, Jablanica, Konjic, Kupres et Prozor. Vous êtes d'accord pour ce qui
23 est de la date?
24 R. Je ne me souviens pas exactement de la date, mais je connais l'ordre
25 dont vous parlez, étant donné que j'étais suppléant cette époque-là du
Page 18242
1 colonel Blaskic. La zone opérationnelle de Bosnie centrale a été divisée
2 en quatre zones. Moi, j'étais le commandant d'une de ces zones, et Vlado
3 Bandic a exercé les fonctions que moi j'aurais dû exercer. Il y avait
4 également une autre personne, Mirko Ostojic, qui était à la tête de cette
5 zone.
6 Q. Je vais peut-être prendre un document qui ne s'insère pas dans la
7 chronologie des événements afin de progresser rapidement. Je voudrais que
8 le témoin voit la pièce 207, il s'agit là d'une nouvelle pièce.
9 Vous avez l'original, et la version en anglais est sur le rétroprojecteur.
10 Il n'y a pas de date. Apparemment, ce document est de la main de et signé
11 par Dario Kordic au nom de la communauté croate d'Herceg-Bosna puisqu'on
12 en voit le cachet. Je vous lis le texte, ou plutôt on voit "Thibault" et
13 "Sekerija". Est-ce exact?
14 On dit: "Franjo Mamusa, commandant du HOS de Novi Travnik, est venu me
15 voir et ils ont décidé qu'il fallait envoyer un peloton de trente
16 effectifs, de trente hommes à Jajce, demain. Et il fallait organiser les
17 autres populations, les autres municipalités. J'ai veillé à ce que des
18 chargements ou des camions soient préparés avec des ravitaillements." Fin
19 de citation.
20 Bien sûr, je sais que vous allez dire qu'il ne s'agit pas ici d'un ordre
21 militaire, mais j'aimerais que vous disiez aux Juges pourquoi ce n'est pas
22 un ordre militaire.
23 R. Monsieur le Président, en ce qui concerne un système qui fonctionne
24 normalement et qui fonctionnait en Bosnie centrale, il fallait donc
25 englober toutes les unités dans la Défense contre les Serbes, disait que
Page 18243
1 chaque municipalité, normalement, devait mobiliser entre vingt et vingt-
2 cinq personnes. Tous se rassemblaient et se rendaient sur la position à
3 Jajce. Ici également, c'est marqué que la HOS devait également y aller.
4 Ils n'étaient pas sous le commandement de la HOS de Bosnie centrale. Ils
5 devaient donc être transférés avec nous et ils devaient également assurer
6 trois camions de médicaments, d'essence, de carburant, car il y avait
7 uniquement des obus. Tout le reste manquait. C'est la raison pour laquelle
8 je ne suis absolument pas d'accord pour dire qu'il s'agissait d'un ordre
9 militaire. On a tout simplement demandé que la nourriture, les médicaments
10 et le carburant soient transférés sur cette position parce que ceci
11 manquait.
12 Q. Examinons tout d'abord la première phrase, ou plutôt le deuxième
13 paragraphe. On dit: "Organiser d'autres populations dans d'autres
14 municipalités", ou "d'autres gens": est-ce exact?
15 R. Oui.
16 Q. A première vue, ceci n'a aucun rapport avec un ravitaillement en
17 vivres ou médicaments, n'est-ce pas? Je pense qu'on ne peut pas donner une
18 autre interprétation que cela?
19 R. C'est exact, mais j'ai déjà dit que c'était un système qui
20 fonctionnait. Tous les dix jours, on relevait les équipes dans la zone de
21 notre responsabilité. Certains partaient sur le terrain, d'autres
22 rentraient. Les mêmes véhicules étaient utilisés et la voie, la route
23 qu'il fallait traverser, était très difficile. C'était une route
24 goudronnée sans lumière et c'est la nuit qu'on organisait le transport:
25 c'est la raison pour laquelle ce convoi dont on parle, donc les
Page 18244
1 trois véhicules de vivres, de l'aide médicale. Je me souviens qu'il
2 s'agissait de médicaments, je me souviens très bien. Il s'agissait
3 également du carburant pour les groupes électrogènes qui n'en avaient pas.
4 On ne pouvait pas envoyer ces trois camions sans assurer de manière très
5 forte ces camions.
6 Q. Commandant, je ne veux pas vous interrompre inutilement. Si votre
7 réponse est utile, je ne vous interromps pas. Mais ici, examinez bien la
8 question. On dit: "Organiser les gens ou les populations dans d'autres
9 municipalités", c'est quand même un ordre militaire. Kordic n'a pas dû
10 passer par la filière de Blaskic ni par le ministère de la Défense. Ici,
11 nous avons affaire à une instruction d'ordre militaire, n'est-ce pas?
12 R. Je viens de vous le dire, il s'agissait d'un système qui
13 fonctionnait de telle façon. Comment pensez-vous, quand nous disons que
14 nous étions organisés, nous l'étions. Il aurait pu écrire ce qu'il voulait
15 mais, de toute façon, il ne pouvait certainement pas donner un ordre à
16 quelqu'un pour se rendre à telle et telle ligne de front car il ne faisait
17 pas partie de la chaîne de commandement. C'est de cela dont je parle.
18 Q. Avant d'abandonner ce document, je voudrais vous demander ceci:
19 pourquoi cet ordre émane-t-il de lui et non pas d'un homme exerçant une
20 fonction militaire, tel que Blaskic?
21 R. Je ne sais pas.
22 M. Robinson (interprétation): Excusez-moi, je voulais poser une question
23 au témoin. Vous avez reçu cette communication de M. Kordic, Monsieur le
24 Témoin. Après cela, est-ce que vous avez veillé à ce que les autres gens,
25 des autres municipalités, soient organisés, suite à cette communication
Page 18245
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18246
1 que vous avez reçue?
2 R. Monsieur le Président et Messieurs les Juges, tout ceci a été fait
3 déjà auparavant car c'était un système, des activités qui fonctionnaient
4 déjà depuis des mois. Par exemple, au mois de juillet 1992, on savait que
5 toutes les semaines, on allait envoyer tant et tant d'hommes sur telle et
6 telle ligne de front. De tels ordres existent, qui ont été délivrés à tous
7 les commandements de la zone opérationnelle.
8 Ici, il est dit que tous les autres doivent être organisés, donc ce qui
9 est le plus important, c'est qu'ici, on parle des trois véhicules qui
10 doivent être envoyés, que ces trois véhicules doivent être chargés de
11 vivres et de médicaments. Par conséquent, je ne considère certainement pas
12 cette lettre, cette instruction, comme un ordre.
13 M. Robinson (interprétation): Est-ce que vous avez veillé d'une quelconque
14 façon à l'organisation de ces personnes, du fait de la réception de ce
15 document -même si vous aviez déjà fait ce genre de choses auparavant? Ce
16 que je vous demande c'est ceci. Après avoir reçu ce document de M. Kordic,
17 est-ce que vous avez effectivement organisé les personnes dans d'autres
18 municipalités, indépendamment de savoir si c'était quelque chose que vous
19 aviez déjà fait auparavant?
20 R. Oui. Avant ce même document, j'ai déjà rédigé un ordre et j'ai
21 envoyé aux municipalités pour leur demander de préparer, chacune, une
22 trentaine de personnes en les équipant également en armes pour qu'elles
23 puissent se rendre sur la ligne de front à Jajce. J'ai également prévenu
24 tout ce qui fallait faire en vue d'assurer cette aide et de donner cette
25 assistance.
Page 18247
1 M. Robinson (interprétation): Je vous remercie.
2 M. Nice (interprétation): Je suis sûr que, quelque part dans les archives,
3 on trouvera la réponse que vous avez envoyée à ce vice-président très
4 important pour confirmation du fait que ce qu'il demandait avait déjà été
5 exécuté. Est-ce bien ce que vous diriez à ce propos?
6 R. Je ne peux pas véritablement me souvenir en ce moment même de cela,
7 mais s'il faut que je vous donne la réponse à cette lettre, il est
8 indispensable également que je vois les références ou la date ou le numéro
9 de référence. C'est un papier comme cela, ce n'est pas un ordre. Je ne
10 peux pas vous donner la réponse à cet ordre.
11 Comment voulez-vous que je vous parle de l'ordre? Ici, c'est marqué: "Luka
12 et Tiho", comment voulez-vous que je me réfère à un document de tel type?
13 Par conséquent, je pense qu'il n'y a pas de documents dans des archives
14 qui auraient confirmé que j'avais répondu à une telle instruction, à une
15 telle lettre, à un tel message, je ne me souviens pas.
16 Q. Excusez-moi, Commandant, mais le Juge Robinson vous a posé une
17 question à propos du deuxième paragraphe et, là, vous vous souveniez
18 parfaitement avoir déjà exécuté ce genre de demande formulée dans ce
19 document-ci. Est-ce que c'est inexact? Est-ce que vous n'avez pas de
20 souvenirs précis, comme vous l'avez dit, en réponse à la question du Juge
21 Robinson? Est-ce que vous avez des souvenirs précis ou pas?
22 R. Je tiens à répéter, Monsieur le Président, si on s'adresse à moi
23 avec un grade, à ce moment-là, je vous prie, s'il vous plaît, d'utiliser
24 le grade que j'ai, sinon utilisez "monsieur".
25 Je vous ai déjà donné la réponse: il s'agissait de quelque chose qui était
Page 18248
1 régulier. Je me souviens donc fort bien de ce cas très précis, que nous
2 avons eu à obtenir trois véhicules qui contenaient des vivres. Entre-
3 temps, c'était très important et je me souviens que ces médicaments, ces
4 vivres et ce carburant étaient répartis et distribués également aux
5 Musulmans; tout comme aux Croates qui étaient sur les lignes de front à
6 Jajce.
7 Q. Merci, excusez-moi, si je me suis mal adressé à vous en n'employant
8 pas votre grade de général de brigade. Je vous présente toutes mes
9 excuses. Vous dites notamment ceci, fort de votre expérience bien sûr,
10 vous nous dites que c'était en fait des criminels qui ne poursuivaient que
11 leurs propres intérêts. Toutefois, nous n'avons toujours pas identifié ces
12 criminels. Nous allons peut-être y venir.
13 Mais auparavant, et je vous dis que d'autres témoins ont déjà parlé
14 d'unités spéciales, les PPN. Quand vous faites allusion à des criminels
15 qui ne poursuivent que leurs propres intérêts, à qui pensez-vous?
16 R. Si on parle de l'année 1992, et sur le temps que j'ai passé dans la
17 zone de la Bosnie centrale, avant de quitter donc cette zone, je me dois
18 de vous dire qu'il y avait un certain nombre de criminels qui
19 entreprenaient effectivement ces actes criminels, non seulement dans une
20 municipalité mais partout. Moi, je les ai appelés "des shérifs locaux" qui
21 ne pouvaient pas être soumis au commandement du HVO ni sous le
22 commandement d'une autre institution légale. Tous les pillages qui ont été
23 organisés par ces criminels, ils le faisaient pour leur propre compte et
24 ils salissaient aussi bien le HVO que le soldat croate, que le peuple
25 croate.
Page 18249
1 Q. Et ces personnes, est-ce qu'elles étaient différentes des unités
2 spéciales, des PPN? Ou est-ce que vous dites qu'au sein de ces unités
3 spéciales, il y avait des éléments qui agissaient en dehors de tout
4 contrôle?
5 R. Je répète: pendant mon séjour dans la zone opérationnelle de la
6 Bosnie centrale, il n'y avait pas d'unités spéciales qui furent créées -et
7 je parle de la période pendant laquelle j'y étais.
8 Q. A votre connaissance, au moment où elles ont été formées, ces
9 unités, elles se trouvaient sous le commandement de la zone opérationnelle
10 de la Bosnie centrale, n'est-ce pas? C'est bien exact?
11 R. Probablement.
12 Q. En effet, si l'on examine une nouvelle pièce... Malheureusement, il
13 n'y a pas de traduction mais la pièce est courte. Elle portera la
14 cote 179.1. Vous aurez la traduction par la suite.
15 M. le Président (interprétation): Inutile de nous la fournir si ce n'est
16 pas traduit. Discutez-en avec le témoin. Ce ne sera pas versé au dossier
17 s'il n'y a pas de traduction.
18 M. Nice (interprétation): Je pense que le témoin pourra s'exprimer parce
19 qu'il n'est pas nécessaire d'apporter des explications au texte.
20 Examinez le cachet dans un des coins supérieurs. C'est difficile de lire
21 mais, apparemment, c'est au mois d'août 1992 que ceci a été rédigé. C'est
22 un document dactylographié qui émane de vous, la date étant le 8 août
23 1992, apparemment.
24 Examinons le point 4. Pourriez-vous en donner lecture, Monsieur, dans
25 votre langue, ce qui permettra aux interprètes de traduire à notre
Page 18250
1 attention? Je vous en prie.
2 R. "Les unités HVO Vitez, les PPN, doivent être prêts pour s'engager
3 sur la direction Vitez-Busovaca-Kiseljak et de se présenter au
4 commandement du HVO Kiseljak".
5 Q. A mon avis, ce document montre que dès le mois d'août 1992, il
6 existait des chaînes de commandement très nettes concernant les unités
7 spéciales en Bosnie centrale, et que ceci était connu de vous et est
8 utilisé par d'autres personnes, dont vous.
9 R. Ici, il s'agit d'un peloton de la police militaire. Je me souviens
10 très bien de cet événement. Il s'agissait de la police militaire. Il
11 devait dégager la route, enlever tous les obstacles qui se trouvaient sur
12 cette route.
13 Q. Mon argument principal n'en demeure pas moins. Dans cet ordre, vous
14 parlez de ces unités qui se trouvaient sous le contrôle du commandement,
15 et rien dans ce que vous dites ne nous montre que les unités spéciales
16 eussent été autre chose que des unités se trouvant sous le contrôle du
17 commandement opérationnel de la Bosnie centrale.
18 R. C'est exact. Je suis parfaitement d'accord avec vous, Monsieur le
19 Procureur. Il s'agissait de ces unités. La police militaire a été
20 commandée par le commandement de la zone opérationnelle de Bosnie
21 centrale. Mais je n'ai pas dit que ces unités faisaient des actes
22 malhonnêtes. Il s'agissait des individus. Je l'ai dit et j'ai précisé que
23 c'était le cas pendant que moi-même j'y ai séjourné.
24 Q. Je ne veux pas vous importuner par une autre pièce, mais je veux
25 demander une confirmation. Si vous voulez, je peux vous soumettre une
Page 18251
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18252
1 pièce pour que vous l'examiniez, mais pourriez-vous apporter confirmation
2 que s'il y avait déplacement d'une pièce d'artillerie antiaérienne,
3 déplacement nécessité par le fait que Blaskic voulait son retour à
4 Krecevo, que dans un tel cas, le déplacement de cette pièce d'artillerie
5 était bien étayé par des documents. En l'occurrence, ici, il s'agissait du
6 5 octobre 1992.
7 Est-ce que vous me comprenez? En général, les déplacements effectués par
8 des unités d'artillerie faisaient toujours l'objet de documents écrits.
9 Etes-vous d'accord avec cette proposition?
10 R. Oui.
11 Q. Merci. Fort bien. Je n'aurai plus besoin de vous importuner avec
12 l'examen d'une autre pièce. Cependant, je vais vous demander d'examiner,
13 maintenant, un document qui émane de vous et qui porte la cote 248.
14 Vous avez l'original de ce document. La version en anglais est placée sur
15 le rétroprojecteur. Ceci est daté du 23 octobre 1992. Ce document est
16 adressé au commandement de la zone opérationnelle de la Bosnie centrale,
17 Vitez et Busovaca, et au colonel Tihomir Blaskic et Dario Kordic.
18 Avant de poursuivre, j'aimerais vous demander ceci : pourquoi adressez-
19 vous ce document à ces deux hommes? Il n'y a pas d'adresse séparée pour
20 chacun d'entre eux ni nécessité d'envoyer une copie à l'autre. Alors
21 pourquoi, ici, les envoyer à la même adresse?
22 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai déjà précisé qu'en
23 ce qui concerne les liaisons de communication dont nous disposions à
24 l'époque, elles ne correspondaient pas à nos propres besoins. Il s'agit
25 d'un ordre de l'état-major principal, M. Milivoj Petkovic, qui délivre un
Page 18253
1 ordre à la zone opérationnelle de la Bosnie centrale.
2 Probablement, il n'a pas pu obtenir ce télégramme. C'est la raison pour
3 laquelle une copie est arrivée jusqu'à moi. Moi, je recopie cette lettre.
4 J'ai appris également que M. le colonel Blaskic et Kordic avaient été
5 capturés dans une action. J'étais tout content de voir qu'il s'agissait
6 d'une désinformation. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas repris
7 cette partie dans ma lettre.
8 Et si vous me le permettez, je marque ici également que la situation à
9 Gornji Vakuf est sous la tension mais toujours contrôlée. Hier, j'ai dit
10 qu'en octobre 1992 le conflit était encore en suspens. Nous avons réussi à
11 assainir la situation et surmonter le problème. Tous les biens matériels
12 et tout l'équipement qui a été envoyé en direction de Novi Travnik a été
13 bloqué. Ceci, justement parce qu'il y avait des informations qui n'ont pas
14 été sous notre contrôle.
15 Q. Je vous interromps, Général. Pourquoi l'avez-vous envoyé à ces deux
16 hommes? Hier, vous disiez que l'un devait fournir copie à l'autre mais
17 ceci ne tiendra pas comme excuse, puisqu'ici, vous l'envoyez à la même
18 adresse.
19 Examinons-le de plus près. C'est une réponse, un télégramme. Alors, ici,
20 est-ce que vous vous souvenez des détails contenus dans ce télégramme ou
21 pas? Est-ce que vous vous souvenez d'abord de ce télégramme? Personne ne
22 vous blâmera si, après autant de temps, vous ne vous souvenez plus. Ne
23 vous sentez pas, ici, mis sous pression. Réfléchissez tranquillement et
24 voyez si vous vous souvenez de cela.
25 R. Non.
Page 18254
1 Q. Apparemment, à la lecture de cette lettre, il semblerait que vous
2 faites deux choses. D'abord, vous répondez au télégramme et vous dites que
3 la situation est tendue, qu'il y a des transports bloqués en direction de
4 Novi Travnik, impossibilité de passer là pour les camions.
5 Là, c'est un rapport général sur la situation militaire à Gornji Vakuf.
6 Vous envoyez ce document à Blaskic et Kordic. Pourquoi l'envoyez-vous à
7 Kordic?
8 R. J'ai déjà dit que si Blaskic ne pouvait pas recevoir ce message, il
9 pouvait être envoyé par fax à M. Dario Kordic qui l'informerait plus
10 facilement que moi-même, parce que...
11 Q. Très bien. C'est donc la seule explication que vous avez justifiant
12 que vous avez envoyé cette lettre à Kordic, n'est-ce pas?
13 R. Oui.
14 Q. Je vous affirme, avec tout le respect que je vous dois, Général, que
15 cela n'a pas de sens. Vous lui avez envoyé cette lettre parce qu'il avait
16 les compétences militaires nécessaires, et qu'il avait un intérêt à la
17 chose militaire. Et vous le savez très bien.
18 M. Naumovski (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de
19 m'excuser. J'ai écouté l'interprétation jusqu'au bout. Avec le respect que
20 je dois au Tribunal, cela fait le énième commentaire du Procureur adressé
21 au même témoin. En fait, c'est plutôt un argument et cela ne convient pas,
22 ici. Il n'est pas question, ici, de présenter des arguments à un témoin.
23 M. le Président (interprétation): C'est une question parfaitement
24 justifiée. L'explication apportée par le témoin consiste à dire que ce
25 document a été envoyé à M. Kordic pour compenser une éventuelle
Page 18255
1 impossibilité qu'il parvienne à M. Blaskic.
2 Le Procureur, pour sa part, affirme que le véritable motif de l'envoi de
3 ce document résidait dans le fait que M. Kordic avait des compétences
4 militaires. Le Procureur a parfaitement le droit de poser cette question
5 au témoin.
6 Quant au témoin, il a le droit de répondre à la question.
7 Y a-t-il quelque chose que vous voudriez ajouter à ce propos?
8 M. Sekerija (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je tiens à dire,
9 ici, que M. Dario Kordic n'a jamais émis un ordre militaire adressé à moi-
10 même ou à mes subordonnés. C'est cela qui est essentiel. Il ne l'a jamais
11 fait. Croyez-moi. Je suis venu ici pour dire la vérité, toute la vérité et
12 rien que la vérité.
13 Monsieur le Procureur ne cesse de s'efforcer de me faire dire, me semble-
14 t-il, ce qu'il souhaite que je lui dise. Cela fait cinq fois que je répète
15 la même chose, et j'explique comment les choses se sont passées dans la
16 réalité.
17 J'affirme, y compris s'agissant de cette lettre, la pièce 248, que j'ai
18 agi de la façon que je considérais comme la plus convenable pour que
19 M. Blaskic puisse recevoir cette lettre puisqu'elle ne semblait pas
20 pouvoir atteindre le grand quartier général.
21 M. Bennouna : Général Sekerija, vous dites que c'est pour simple
22 commodité, mais j'aimerais vous demander si l'information qui est, à
23 l'évidence, adressée n'est pas adressée à M. Kordic en tant que
24 responsable, que l'un des principaux responsables de la communauté croate
25 d'Herceg-Bosna?
Page 18256
1 Ce n'est quand même pas un simple relais postal, c'est une personnalité.
2 Est-ce que vous ne l'informez pas en tant que responsable de la communauté
3 croate d'Herceg-Bosna?
4 R. Monsieur le Juge, sur le plan de l'information, oui. Mais lui
5 communiquer des éléments ou des informations au sujet de la chose
6 militaire, ça, jamais!
7 M. Bennouna : Quelle est la distinction? Quel type d'information alors
8 vous lui adressez? Quelle est la distinction entre ce qui est militaire et
9 ce qui relève de la communauté croate d'Herceg-Bosna?
10 R. Eh bien, je vais vous dire, Monsieur le Juge. Si quelqu'un devait
11 informer M. Kordic sur ces questions ou des questions comparables, à
12 savoir les tensions dans la ville et aux alentours de la ville, et les
13 questions militaires, c'était le président du gouvernement, c'est-à-dire
14 le chef de la municipalité.
15 Quant à moi, je ne pouvais pas informer le président du gouvernement sur
16 ces questions, ce qui lui aurait permis de poursuivre la transmission du
17 message le long de la hiérarchie correspondant à ses compétences.
18 M. Bennouna : Donc vous reconnaissez que M. Kordic, en tant que
19 responsable de la communauté croate d'Herceg-Bosna, doit être tenu au
20 courant de l'évolution de la situation sur le terrain?
21 R. Oui, mais pas par les militaires: par les civils, par le
22 gouvernement, du responsable du territoire sur lequel les choses qui se
23 passent, qui sont en train de se passer.
24 M. Bennouna : Merci.
25 M. Nice (interprétation) : Donc, sur la base de votre réponse, nous
Page 18257
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18258
1 concluons que vous n'admettez pas du tout, si j'ai bien compris, que
2 Kordic avait la moindre possibilité, y compris d'être impliqué dans la
3 chose militaire. Est-ce bien ce que je dois comprendre en entendant votre
4 réponse? Kordic n'avait pas la moindre possibilité d'être impliqué dans
5 les choses militaires, c'est bien cela?
6 R. S'il était impliqué dans la chose militaire -mais là encore il
7 convient de savoir de quoi nous parlons exactement: des effectifs, de la
8 logistique, là, je suis d'accord, oui, il avait un rapport.
9 Mais s'il s'agit du commandement des unités, s'il s'agit d'assigner des
10 missions à ces unités, dans ce cas j'affirme qu'il n'avait aucune, aucune,
11 absolument aucune possibilité de le faire.
12 Q. La pièce à conviction 249, je vous prie... Je vous prie de
13 m'excuser, cela ne fait pas cinq jours, comme je viens de le dire, mais
14 cela se situe le lendemain de la lettre et de l'ordre que vous avez
15 envoyés.
16 Vous étiez quoi? Vous étiez bien le numéro 3 de la hiérarchie de Bosnie
17 centrale? C'est à peu près cela, s'il vous plaît?
18 R. A partir du moment où le commandement conjoint de la zone
19 opérationnelle de Bosnie centrale a été créé, j'étais le commandement
20 adjoint, le chef d'état-major adjoint sur le plan militaire pour ce
21 territoire.
22 Q. Vous deviez donc savoir ce qui passait? Par exemple, vous deviez
23 savoir si Bugojno allait être pilonnée, n'est-ce pas?
24 (Le témoin fait un geste de la main.)
25 Comment? Vous voulez que je répète la question? Vous deviez savoir, n'est-
Page 18259
1 ce pas, ce qui passait au cas où il était prévu de pilonner Bugojno,
2 Général, n'est-ce pas?
3 R. C'est exact, mais j'ai déjà dit que, compte tenu des victimes subies
4 sur le champ de bataille à Jajce, et compte tenu des blessures que j'ai
5 reçues, j'étais chez moi, à la maison, en train de me soigner. Or, cette
6 lettre date d'une date ultérieure au 23 octobre. Donc je ne suis pas en
7 capacité de discuter de ce document.
8 Q. Le dernier document que nous avons examiné portait la date du
9 23 octobre et celui-ci -en tout cas à en juger par le reçu manuscrit- a
10 été envoyé le 23 ou le 24 octobre. Donc apparemment vous étiez toujours au
11 bureau. Et nous y lisons les informations selon lesquelles "une unité de
12 l'armée de Bosnie-Herzégovine se déplacent à partir de Bugojno, etc., au
13 cas où cette unité devait être engagée dans des combats, nous utiliserions
14 de l'artillerie de longue portée sur Bugojno et -date limite", etc.
15 Et la première signature de ce document est celle de Dario Kordic, la
16 deuxième signature étant celle du colonel Blaskic. Pourquoi Kordic signe-
17 t-il un ordre de cette nature, je vous prie?
18 R. Je répète, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'à la fin
19 du mois de septembre j'ai été blessé sur les champs de bataille de Jajce.
20 Dans mon curriculum vitae il est bien stipulé que j'ai passé un mois et
21 demi à deux mois en traitement médical. Donc à ce moment-là, Monsieur le
22 Procureur, je n'étais pas présent sur le territoire de la Bosnie centrale.
23 Quant au document signé par une tierce personne, je ne souhaite pas en
24 discuter car je n'étais pas le rédacteur de ce document.
25 M. le Président (interprétation) : Je ne crois pas qu'il soit utile de
Page 18260
1 poursuivre dans cette ligne de questions mais, selon les notes que j'ai
2 consignées dans mes documents, j'ai écrit que vous aviez été blessé en
3 1993, alors que ce document date de 1992. C'est peut-être là que réside
4 l'explication.
5 R. Monsieur le Président, ici, dans l'un des points -mais je vais le
6 rechercher, si vous me le permettez, je vous demande un instant-, au
7 point 15, je lis: "Je travaillais pour Zarko Tole et son entourage au
8 commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale en tant que chef
9 d'état-major en 1992 et jusqu'en janvier 1993, pendant environ un mois."
10 Au début de septembre, le 23 septembre 1992, j'étais à l'hôpital où je
11 récupérais de blessures que j'avais reçues sur le front de Jajce. J'étais
12 blessé le 4 août 1992 et depuis cette date, je suis handicapé dans une
13 grande mesure.
14 M. le Président (interprétation) : Ce n'est pas tout à fait clair sur la
15 base de votre déposition, il n'apparaît pas clairement que cela se passait
16 en 1992. Cependant, nous venons de vous entendre correctement.
17 M. Nice (interprétation) :Mais il est exact, Général, que vous deviez
18 avoir récupéré le 23 octobre, date à laquelle vous avez signé le document
19 que nous sommes en train d'examiner et que vous n'avez pas contesté comme
20 émanant de vous? Ce document était adressé à Blaskic et à Kordic et
21 traitait de la situation à Gornji Vakuf. Donc vous aviez récupéré, vous
22 étiez guéri le 23. Par conséquent, vous étiez en mesure de savoir ce qui
23 se passait le 24.
24 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je répète que j'étais
25 présent sur le territoire de Gornji Vakuf et d'Uskoplje à la maison.
Page 18261
1 J'avais encore un plâtre parce que j'avais subi une fracture.
2 Il est exact que j'ai rédigé ce document, mais je l'ai adressé au
3 commandant Milivoj Petkovic, chef du grand état-major, et cet ordre signé
4 de lui est arrivé jusqu'à nous parce qu'il n'a pas pu suivre, aller plus
5 loin.
6 Q. Eh bien, regardez encore une fois, je vous prie, la pièce à
7 conviction 248.1 en particulier parce que cet ordre est signé, Général.
8 Nous avons une copie de votre signature qui est un éléments de preuve ici;
9 la signature qui porte la pièce à conviction 248 est la vôtre.
10 Vous travailliez donc le 23 octobre. Donc, quel que fut votre état de
11 santé à ce moment-là; quelles que furent les blessures subies par vous,
12 vous étiez de retour au travail le 23, n'est-ce pas?
13 R. Non, ce n'est pas exact. J'étais à Gornji Vakuf et j'allais de temps
14 en temps à la brigade. Le docteur Ante Starcevic a son cabinet à Jajce, je
15 n'étais pas sur le territoire de la Bosnie centrale à ce moment-là.
16 Et en en-tête ici, il est écrit "état-major municipal de Gorni Vakuf",
17 c'est tout à fait clair que c'était à cet endroit que je me trouvais,
18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
19 Q. Très bien. Je demande que l'on présente au témoin la pièce 261, je
20 vous prie.
21 C'est la dernière pièce à conviction concernant 1992 que nous allons
22 examiner ensemble. Ce document est un ordre daté du 29 octobre qui traite
23 de Jajce, quel que soit l'endroit où vous vous trouviez. C'est donc un
24 endroit qui vous intéressait?
25 Il est signé par Ivica Rajic et nous lisons: "Le 29 octobre, nous avons
Page 18262
1 reçu une invitation du commandant adjoint Dario Kordic, commandant adjoint
2 de la communauté croate d'Herceg-Bosna".
3 J'espère que la traduction est correcte. C'est bien les termes qui sont
4 utilisés dans l'original, d'après vous, "commandant adjoint"?
5 R. C'est une expression erronée. Ce qui devrait être écrit c'est "vice-
6 président" et pas "commandant adjoint". Je crois, Monsieur le Président,
7 Messieurs les Juges, que l'expression utilisée ici est une erreur.
8 Q. Le texte se poursuit de la façon suivante: "Sur la base d'un ordre
9 du chef du quartier général du HVO, le général de brigade Milivoj
10 Petkovic, il importe d'envoyer immédiatement à Jajce toutes les forces
11 disponibles et tous les équipements disponibles".
12 Ivica Rajic poursuit en disant que: "C'est un dernier appel fait à
13 l'ensemble des Croates en vue de sauver la vie et le peuple". Et ensuite,
14 il passe en revue un certain nombre de requêtes. Que nous expliquez-vous?
15 Vous nous expliquez en lisant ce texte qu'il montre que Kordic est en
16 train d'avoir des activités militaires ou pas, indépendamment de l'endroit
17 où vous vous trouviez vous-même à ce moment-là?
18 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai aucun désir de
19 commenter un document qui n'a aucun rapport avec moi. Mais il y a une
20 chose que je tiens à dire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
21 Nous savons qu'à la fin du mois d'octobre 1992 la ville de Jajce est
22 tombée, ville dans laquelle 15 à 17000 Croates résidaient, ainsi qu'un
23 nombre égal de Musulmans; tous ont quitté la ville.
24 Et ici, nous voyons un homme ou un représentant politique dans un document
25 qui me semble tout à fait normal, qui fait appel à tous pour rassembler
Page 18263
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18264
1 leurs forces et se sortir de cela. Il fait appel au peuple, -c'est tout à
2 fait normal- aux Musulmans et aux Croates. Je ne vois rien de
3 répréhensible ici.
4 Mais j'ajoute tout de même, et je tiens à le signaler, que je ne souhaite
5 pas commenter un document que je n'ai pas signé et qui ne m'a pas été
6 adressé.
7 M. Bennouna : Pardon, Brigadier, vous ne souhaitez pas commenter, très
8 bien, mais vous êtes là pour témoigner, dire la vérité, toute la vérité,
9 rien que la vérité. Vous avez déjà dit que M. Kordic, dans une de vos
10 précédentes déclarations, n'était pas dans la chaîne de commandement. Est-
11 ce que ce document ne montre pas que M. Kordic est ici dans la chaîne de
12 commandement? Ou bien comment vous voyez ce document par rapport à la
13 question de la chaîne de commandement?
14 R. Monsieur le Juge, voilà de quelle façon je conçois ce document:
15 nous nous réunissons, nous nous rassemblons tous et nous sauvons ce que
16 nous pouvons sauver parce que Jajce tombe à la fin du mois d'octobre. Et
17 ici, nous voyons un appel adressé à tous les Croates en vue d'un
18 regroupement destiné à faire sortir un maximum de personnes en bon état de
19 santé par les chemins difficiles -y compris des chemins de montagne- pour
20 se sauver de cette situation, indépendamment de leur conviction religieuse
21 ou de leur appartenance ethnique.
22 M. Bennouna : Vous ne répondez pas exactement à la question qui vous a été
23 posée par le Procureur et par moi-même, c'est votre droit. Donc vous ne
24 répondez pas à cette question. On enregistre que vous ne répondez pas,
25 merci.
Page 18265
1 M. Nice (interprétation) : Je vais maintenant avancer aussi vite que je le
2 peux. Ah, j'ai encore une ou deux questions au sujet de 1992. Après quoi,
3 je pourrais passer à une date ultérieure.
4 Kordic était appelé colonel. Pour quelle raison?
5 R. Pendant mon séjour en Bosnie centrale, et j'ai déjà dit à plusieurs
6 reprises quelle était la période que j'ai passée en Bosnie centrale, M.
7 Kordic, en tout cas en ce qui me concerne moi, je ne me suis jamais
8 adressé à lui en utilisant son grade, je l'appelais "M. Kordic" car je ne
9 savais pas qu'il avait ce grade.
10 Par la suite; j'ai entendu dire qu'il s'était vu décerner ce grade à la
11 va-vite, apparemment dans le cadre de pourparlers à Sarajevo. Quelle est
12 l'exactitude de cette affirmation? Je suis incapable de le dire. Mais
13 pendant mon séjour en Bosnie centrale, M. Kordic n'avait aucun grade.
14 Q. Les négociations importantes de Sarajevo. Elles étaient importantes,
15 n'est-ce pas?
16 R. Oui.
17 Q. Elles portaient sur des questions militaires, n'est-ce pas?
18 R. Sur des questions politiques et militaires.
19 Q. Comment pouvait-il traiter de l'aspect militaire de la situation, je
20 vous prie?
21 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai déjà déclaré que
22 j'avais entendu dire qu'il avait participé à ces négociations. Je ne sais
23 pas si c'était le cas, et je de vous prie de ne plus m'ennuyer avec ces
24 questions car je ne le sais pas.
25 J'ai dit qu'au cours de mon séjour en Bosnie centrale il n'avait pas de
Page 18266
1 grade. Je ne me suis jamais adressé à lui en utilisant un grade. C'est
2 seulement ensuite que j'ai entendu une histoire prétendant qu'un document,
3 de quelle nature que ce soit, avait permis de lui décerner un grade, mais
4 je ne l'affirme pas car je n'en suis pas sûr. C'est tout ce que je sais au
5 sujet de M. Kordic. C'est une affirmation que j'ai entendue à cause de
6 certaines négociations qui se tenaient à un haut niveau à Sarajevo.
7 Q. Pourquoi a-t-il été promu au rang de général de brigade dans ce cas?
8 R. Je ne sais pas.
9 Q. Je suppose que s'agissant de vous, le fait que vous ayez été promu
10 au grade de général de brigade constitue une promotion effective qui rend
11 compte de vos capacités miliaires, n'est-ce pas?
12 R. Il est permis de le dire.
13 Q. Merci. En 1993, on vous retire de la zone opérationnelle de Bosnie
14 centrale pour vous demander de vous rendre à Gornji Vakuf. D'ailleurs
15 c'est intéressant: aujourd'hui vous donnez un autre nom à Gornji Vakuf,
16 n'est-ce pas?
17 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant l'arrivée des
18 Turcs sur ce territoire, Uskoplje portait le même nom qu'aujourd'hui. La
19 ville s'appelait Uskoplje. C'est une ville où habitent des Croates. A
20 l'arrivée des Turcs, ce nom a été modifié en 1600 et quelque chose. Ne me
21 prenez pas au mot. Je ne suis pas un historien spécialisé.
22 Donc à ce moment-là, la ville prend le nom de Vakuf. Le mot de Vakuf est
23 un mot d'origine turque qui représente un aspect religieux. Je ne suis pas
24 un très bon traducteur, je ne sais pas exactement de quoi il s'agit. Mais
25 en tout cas, quand la guerre éclate en 1993, les Croates d'Uskoplje
Page 18267
1 participent à un référendum et décident de modifier le nom de la ville.
2 Ils décident que cette ville va désormais s'appeler Uskoplje.
3 Ce qui est intéressant est le point suivant: dans cette ville n'a eu lieu
4 qu'une seule élection. Cette élection se déroule, mais les résultats de
5 cette élection ne sont jamais mis en œuvre. Donc c'est une ville qui porte
6 deux noms, qui a deux peuples, et qui est divisée en deux parties.
7 Q. Le nom de Uskoplje a été adopté sans aucun référendum et sans aucune
8 référence à Sarajevo, n'est-ce pas?
9 R. A ma connaissance, le référendum a été organisé dans les
10 municipalités autour de Uskoplje auprès du peuple croate, à qui il était
11 demandé de se prononcer au sujet de la modification du nom de la ville
12 pour qu'elle devienne Uskoplje.
13 Le gouvernement municipal de la municipalité, en 1996, présente une
14 requête pour que la municipalité de Uskoplje fasse partie de la Fédération
15 de Bosnie-Herzégovine mais, à moment-là, elle ne fonctionnait pas encore
16 légitimement dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine. Et aujourd'hui il est
17 fort possible que Uskoplje soit acceptée de façon tout ce qu'il y a
18 d'officiel comme une municipalité existante et faisant partie
19 officiellement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
20 Q. En 1993, pour résumer votre déposition, je crois vous avoir entendu
21 dire que les troupes de l'armée de la République de Croatie n'ont pas été
22 utilisées dans votre région. C'est bien cela?
23 R. A partir du mois de janvier 1993 et jusqu'au 4 août 1994, date de
24 mes blessures et de mon transfert à l'hôpital, j'affirme que l'armée de la
25 République de Croatie n'a jamais été utilisée sur ces territoires.
Page 18268
1 Q. Compte tenu des contraintes de temps, je ne vais pas soumettre au
2 témoin tous les documents que l'on trouve dans le classeur relatif au
3 conflit armé international et ailleurs. Je pourrais poser, ainsi que mes
4 collègues, de nombreuses questions au témoin, mais je me contenterai de
5 deux documents très importants qui seront représentatifs de la masse de
6 documents existants sur cette question.
7 Je demanderai que l'on soumette au témoin la pièce 2404.1.
8 Ce document fait d'ailleurs peut-être partie des documents relatifs au
9 conflit armé international, mais je demanderai tout de même au témoin d'en
10 parler. Il porte la date du 22 février 1993.
11 Monsieur le Témoin, comme vous pouvez le constater, il vient de Zrinko
12 Tokic, et est adressé à la 4e Brigade de Split, et nous y lisons, je cite:
13 "Suite à vos demandes s'agissant de la mort de votre homme, Stanko
14 Posavac, fils de Frano de Gornji Vaku, il a été établi que Stanko Posavac
15 a participé aux combats entre ce que l'on appelle l'armée de Bosnie-
16 Herzégovine et le HVO à Gornji Vakuf, qu'il a été blessé par la balle d'un
17 tireur embusqué le 13 janvier et transféré à l'hôpital où il est mort.
18 Après quoi il a été inhumé", fin de citation.
19 Donc votre combattant, Stanko Posavac, dans un rapport adressé à la
20 4e Brigade de la caserne de Split, est mentionné dans ce document.
21 Expliquez-nous, je vous prie, si vous vous en tenez à votre déposition, et
22 dites-nous encore une fois, que l'armée de la République de Croatie n'a
23 pas contribué, n'a pas participé à ces combats?
24 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans ma déposition, j'ai
25 déjà dit qu'il y avait des cas individuels, des cas isolés, mais pas
Page 18269
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18270
1 d'unités organisés de l'armée de Croatie combattant dans le secteur de
2 Uskoplje ou de Gornji Vakuf.
3 Pendant la période que j'ai passée en Bosnie centrale jusqu'aux accords
4 signés à Split entre Izetbegovic et Tudjman, pas un seul soldat de la
5 République de Croatie n'est venu sur notre territoire; et dans ce cas
6 particulier, j'ai parlé hier de sept soldats, l'armée de la République de
7 Croatie est arrivée après le début de la guerre pour nous rejoindre et
8 deux de ces soldats sont morts. Ceci est confirmé par ce document
9 également.
10 J'affirme, en toute responsabilité, que ce document n'a été élaboré que
11 dans un but: permettre aux parents de ce soldat d'obtenir une pension dans
12 la République de Croatie. Il ne fait aucun doute que cet homme qui est
13 décédé était membre de la 4e Brigade de l'armée de Croatie, mais dans le
14 cas dont nous parlons ici, il ne s'agit que d'individus.
15 M. le Président (interprétation) : Il est 11 heures, en fait. Vous avez
16 besoin de combien de temps encore?
17 M. Nice (interprétation) : J'essaie de supprimer un grand nombre de
18 questions. Et, à part encore quelques pièces à conviction, je demanderai
19 des renseignements au témoin au sujet d'un certain nombre de bulletins
20 d'informations militaires.
21 M. le Président (interprétation) : Très bien. Nous suspendons pendant une
22 demi-heure.
23 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.)
24 M. le Président (interprétation) : Monsieur Nice, veuillez poursuivre?
25 M. Nice (interprétation) : Général, acceptez-vous ceci: le fait qu'en
Page 18271
1 1993, il y avait des résumés -que je vais résumer-, je vais les citer
2 aussi. Le 385 qui est adressé à la 4e Brigade de l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine pour faire rapport; la pièce 385 qui énonce 5 membres de la
4 brigade qui servait sur le front du sud. Acceptez-vous l'existence de tels
5 documents? Il s'agissait de la 4e Brigade la HV, de l'armée de la
6 République de Croatie.
7 R. Avant de voir le document, je ne pourrais pas vous dire quoi que ce
8 soit. Je ne sais pas de quoi il s'agit.
9 Q. Parlons maintenant du 619. Vous acceptez le fait qu'il y avait des
10 ordres pour que soient enregistrés sur une liste tous les officiers de la
11 HV qui étaient présents?
12 R. Non.
13 Q. C'était bien le 619, je ne vais pas montrer ce document au témoin
14 parce qu'il est enregistré pour identification uniquement.
15 Pourrions-nous maintenant avoir le document 644, document analogue mais
16 portant une cote différente, pouvez-vous le présenter au témoin?
17 Dans l'attente de ce document, je précise pour les Juges que nous allons
18 parler du 224-18, du 24-15, du 24-20, du 24-27.1 et du 24-35.
19 Mais examinons d'abord celui-ci, qui porte la cote 644. Il est daté du 12
20 avril 1993, il émane de Siljeg et il est adressé à toutes les brigades. Il
21 dit ceci: "Soumettez une liste de tous les officiers de la HV présents
22 dans vos unités et dans vos quartiers généraux. Demandez-leur leur nom, le
23 nom de leur père et soumettez des ordres autorisant le transfert au HVO,
24 le grade, la promotion dont a bénéficié ce soldat, les services rendus
25 dans votre armée, et soumettez ces informations au quartier général avant
Page 18272
1 le 16 avril". Qu'avez-vous à dire à propos de ce document?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, tout d'abord, je me dois
3 de vous dire que cet ordre concerne la Brigade du Dr Ante Starcevic, à
4 Gorni Vakuf, Uskoplje, mais que de tels officiers de l'armée croate
5 n'existaient pas dans ces territoires.
6 Q. Mais alors, vous qui êtes un officier qui s'était trouvé en service
7 au grand quartier général, que dites-vous face au fait que cet ordre a été
8 adressé à toutes les zones? Est-ce qu'il ne montre pas de façon patente
9 qu'il y avait une contribution importante de la HV dans les combats qui
10 faisaient rage en Bosnie centrale?
11 Q. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je l'ai déjà précisé, en
12 ce qui concerne chaque municipalité, au début l'agression a commencé sur
13 la République de Croatie de la part de l'ex JNA et des mercenaires serbes.
14 Il y avait un certain nombre également des Croates de Bosnie qui sont
15 allés rejoindre l'armée croate. Quand la guerre a commencé en Bosnie-
16 Herzégovine, ce sont les mêmes personnes qui sont retournées pour défendre
17 leur propre foyer. Il ne s'agit pas, par conséquent, de formations qui ont
18 été organisées mais ce sont les gens qui sont d'origine de ces territoires
19 dont il est question dans ces lettres. A Gornji Vakuf, par exemple, on
20 avait 7 soldats de ce type.
21 Q. Ce n'est pas vraiment une réponse. Je vais vous demander d'examiner
22 une autre pièce, la pièce portant la cote 24-15, pour autant que nous en
23 disposions. Je crois que je n'ai pas reçu la bonne référence. Pourrais-je
24 examiner le document remis au témoin? Il se peut que la référence qui m'a
25 été fournie ne soit pas la bonne... Je laisse ce point pour le moment, je
Page 18273
1 le reprendrai plus tard.
2 Je vous demande un instant. Je vais vous poser une question très concise,
3 Monsieur le général. Elle concerne Ahmici. Vous dites ne rien savoir à
4 propos d'Ahmici.
5 R. Oui, c'est ce que j'ai dit, car Ahmici a eu lieu au moment où j'ai
6 quitté ce territoire.
7 Q. Pourtant, vous aviez des contacts réguliers avec le quartier
8 général?
9 R. Pas avec l'état-major principal, mais avec le commandant et le
10 commandement de Tomislavgrad, car j'étais sous leur commandement à cette
11 époque-là.
12 Q. Etes-vous en train de dire aux Juges que vous n'aviez aucunement
13 connaissance des préparatifs prévus en vue du déploiement des troupes vers
14 le milieu du mois d'avril 1993?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que vous êtes en train de dire que, pendant toute cette
17 période qui s'est écoulée depuis, ni Blaskic ni Kordic, ni personne
18 d'autre, ne vous a jamais fourni aucune information à propos des
19 événements qui se sont produits à Ahmici? C'est bien ce que vous dites?
20 R. C'est exact, c'est ce que je dis.
21 Q. Depuis, vous avez rencontré Blaskic, n'est-ce pas?
22 R. Oui, c'était en août 1994.
23 Q. A ce moment-là, le massacre qui avait été commis à Ahmici était
24 connu de toute la communauté internationale, ce désastre était connu de
25 tous à ce moment-là, n'est-ce pas?
Page 18274
1 R. J'ai appris ce qui s'était passé à Ahmici, j'ai appris par les
2 mass médias qu'il y avait des crimes qui avaient été commis, mais je ne
3 savais pas qui étaient les auteurs de ces crimes. Je n'étais pas au
4 courant des détails.
5 Q. Vous affirmez vraiment que vous n'avez saisi aucune occasion,
6 lorsque vous aviez des contacts avec les personnes qui pourraient savoir
7 ce qui s'était passé, que jamais vous n'avez utilisé ces contacts pour
8 parler de la question? Est-ce bien ce que vous nous dites dans le cadre de
9 votre déposition?
10 R. Oui. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais tout
11 simplement, encore une fois, préciser que je n'ai jamais parlé avec qui
12 que ce soit de ce crime tout particulier, car j'avais beaucoup de
13 problèmes personnels, et puis j'avais mes propres occupations également,
14 et je ne voulais donc pas en parler.
15 Q. Nous passons au mois d'août 1993. Vous avez décrit une offensive
16 apparemment de grande envergure. Et avant d'examiner certains documents de
17 l'époque, parlons de la situation à Gornji Vakuf. Est-ce qu'apparemment,
18 Gornji Vakuf pouvait toujours recevoir des renforcements venant de Mostar
19 ou du renfort venant de Mostar?
20 R. Je ne comprends pas la question. Vous pensez à quelles forces, s'il
21 vous plaît?
22 Q. Vous, le HVO, étiez-vous toujours en mesure de puiser dans les
23 réserves à Mostar, en profitant des axes de communication si vous aviez
24 besoin de renfort?
25 R. La route en direction de Mostar ne pouvait pas être utilisée vu les
Page 18275
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18276
1 opérations militaires à Jablanica. Et plus loin, il y avait un goulot
2 d'étranglement qui nous permettait de nous mettre en contact avec
3 Tomislavgrad, et c'était à Gule.
4 Q. Vous pouviez obtenir des renforts lorsque vous en aviez besoin,
5 lorsque vous les demandiez?
6 R. Oui.
7 Q. Ceci signifiait qu'en vérité, à Gornji Vakuf, le HVO était toujours
8 en mesure de décider de prendre la décision ultime, puisque c'était
9 toujours le HVO qui avait la haute main sur les événements?
10 R. Eh bien, en ce qui concerne la Brigade du Dr Ante Starcevic qui
11 opérait et qui défendait les positions à Gornji Vakuf, à savoir Uskoplje
12 n'avait rien de plus par rapport aux forces armées musulmanes, l'armée des
13 Musulmans, l'armée de Bosnie-Herzégovine était en contact avec Travnik,
14 Novi Travnik, alors que notre zone d'opérations était Tomislavgrad qui se
15 composait des municipalités dont il a été question dans les documents qui
16 m'ont été présentés tout à l'heure. Nous avons utilisé exclusivement les
17 routes qui menaient à travers les forêts et qui passaient par le massif
18 montagneux Vrane.
19 Q. Vous avez fait état d'un incident qui portait sur un convoi
20 humanitaire. Apparemment, les prêtres Micevic et Toma, c'était leur nom,
21 vous avaient donné des conseils à ce propos. Pourriez-vous me donner des
22 informations me permettant de situer cet événement dans le temps? Y a-t-il
23 des documents que vous pourriez me citer qui nous permettraient d'en
24 parler de façon plus précise? Si ce n'est pas le cas, je ne pourrais pas
25 aborder la question.
Page 18277
1 R. Il est vrai que vers la mi-juin... je ne connais pas la date.
2 Q. Je ne veux pas répéter ce que vous avez déjà dit. Je demande
3 simplement que s'il y a un document, une date qui nous permettrait
4 d'aborder ceci avec davantage de détails. Sinon, je passe à autre chose.
5 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne possède aucun
6 document. Si c'était le cas, à ce moment-là c'est consigné dans des
7 archives. Je ne dispose pas moi-même de ces documents.
8 Q. Je ne pourrais donc pas vous poser des questions sur ce sujet. De
9 même, vous avez parlé d'un autre incident qui concernait un homme assez
10 âgé et sa fille, un certain Okadar. Je ne pourrais pas en parler
11 davantage.
12 La brigade Ante Starcevic, elle, portait le nom d'un homme qui était
13 quelqu'un de particulier. Quelle était sa fonction?
14 R. C'était une personnalité de très grande réputation dans l'histoire
15 des Croates.
16 Q. Dans l'histoire, mais à quel moment? Quelle était la période
17 concernée?
18 R. Avant la Deuxième Guerre mondiale.
19 Q. Avec quel groupe politique était-il associé, cet homme?
20 R. C'était un homme qui a essayé de créer une patrie aux Croates.
21 Q. Est-ce qu'on peut dire qu'il faisait partie des Oustachi, et que
22 c'était une personnalité éminente dans ce groupe?
23 R. Non.
24 Q. Est-ce qu'il avait des rapports, est-ce qu'on l'associait à ce
25 groupe?
Page 18278
1 R. Je pense que non.
2 Q. Alors, le fait d'utiliser son nom pour nommer une brigade dans une
3 région telle que celle-ci, où il y avait d'autres groupes ethniques qui
4 étaient représentés, n'était-ce pas une provocation?
5 R. Je ne pense pas. Le nom d'Ante Starcevic était mentionné pour la
6 première fois bien avant la Deuxième Guerre mondiale.
7 Q. Je m'étais trompé à propos de cette pièce où l'on parlait de la
8 contribution de l'armée de la République de Croatie. J'aurais dû vous
9 demander d'examiner le document portant la cote 2420. Je vous demande
10 maintenant d'y revenir rapidement.
11 Ceci vient de Gornji Vakuf, de votre brigade, de Zrinko Tokic, porte la
12 date du 16 mai, et est adressé à la Deuxième brigade de l'armée croate.
13 Cet ordre demande que l'officier Mate Kunkic soit laissé à la distribution
14 de la brigade dans la zone de responsabilité de cette dernière.
15 Le deuxième paragraphe, le texte se poursuit, je lis: "Etant donné que
16 nous connaissons vos plans de retrait de la région de l'officier Mate
17 Kunkic, nous vous demandons de ne pas le faire jusqu'à nouvel ordre". Et
18 là, sont énoncées plusieurs raisons.
19 Je ne vais pas examiner de plus près ces raisons, mais pourriez-vous
20 examiner le texte, deux paragraphes plus loin? On dit ceci: "Dans tous les
21 combats qui se sont déroulés jusqu'à présent, chaque personne avait une
22 place, un rôle particulier qui lui revenait. Mais M. Mate Kunkic s'est
23 fait une place particulière pour lui-même." Fin de citation.
24 Je crois que nous avons, ici, la preuve la plus éclatante du fait que des
25 unités de l'armée de la HV d'active participaient de façon très active
Page 18279
1 aussi aux activités de votre unité. N'est-ce pas?
2 R. Ce n'est pas exact. Le feu Mate Kunkic, je le connais en personne.
3 Il est né dans le village de Paloc, municipalité de Gornji Vakuf, le
4 village à proximité du mien. Il habitait ce village avant la guerre en
5 Croatie. C'est là où il a fait des études. Il a rejoint l'armée croate
6 pendant la guerre.
7 Quand la guerre a commencé, il est retourné dans le territoire qui était
8 son territoire natal. Il y avait ses parents, sa femme, ses enfants
9 également y habitent.
10 Il est exact également que le défunt Mate Kunkic avait de l'influence,
11 exerçait une influence dans une des unités dans le cadre de la brigade du
12 Dr Ante Starcevic. C'était une compagnie de reconnaissance. Elle était
13 composée uniquement d'étudiants, de jeunes hommes qui se connaissaient,
14 d'une seule génération d'hommes.
15 En d'autres termes, Mate Kunkic est un individu, ici, ce n'est pas une
16 unité de l'armée croate organisée qui opérait dans ce territoire.
17 Q. Vous accepterez, à la lecture de ce document, le fait que si vous
18 vouliez le garder, il fallait demander l'autorisation à la HV puisque
19 c'est cette armée qui l'avait envoyé sur le territoire?
20 R. C'est exact. Je n'ai pas dit que ces gens-là n'étaient pas membres
21 de l'armée croate. Lui, il appartenait à l'armée croate. Mais au moment où
22 la guerre s'est déclenchée dans notre territoire, tous ces gens-là qui se
23 trouvaient là-bas -ils sont sept au total- sont venus à Gornji Vakuf, au
24 commandement. Il est vrai que Mate Kunkic a demandé cette attestation
25 probablement pour pouvoir justifier le fait de rester à l'armée croate qui
Page 18280
1 était sa république d'origine.
2 De toute façon, on ne peut pas parler d'une organisation, on ne peut pas
3 parler d'une armée organisée; ceci était un cas individuel.
4 Q. Une dernière chose sur ce sujet: connaissez-vous un soldat répondant
5 au nom d'Ivica Jeger?
6 R. Non.
7 Q. Vous souvenez-vous avoir lu des articles qui auraient été publiés
8 par des soldats -notamment par cet homme articles qui expliquaient comment
9 ces hommes, en 1993, se sont retrouvés à combattre dans votre région,
10 alors qu'ils étaient originaires de Croatie? Avez-vous vu de tels articles
11 dans la presse?
12 R. Croyez-moi, je ne le sais pas. Je ne connais pas ces articles. Je ne
13 sais pas qui les a écrits. Mais depuis le mois de mai ou plus précisément
14 juin 1993, jusqu'au moment où j'ai été blessé, il n'y avait pas de
15 kiosques, il n'y avait pas de journaux, il n'y avait que des opérations
16 militaires. C'est là que j'ai été blessé. Ce n'est qu'en 1994 que je suis
17 retourné à cet endroit. Je n'étais absolument pas au courant de ces
18 articles de journaux.
19 Q. Accepterez-vous le fait que, le 26 mai 1993, c'était vous l'officier
20 qui préparait la cérémonie de prestation de serment à l'intention des
21 nouvelles recrues? J'ai le document, si vous voulez l'examinez. Mais
22 acceptez-vous ce fait si je vous le soumets en guise d'hypothèse?
23 R. Oui.
24 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges pourquoi, dans la chronologie des
25 événements prévus pour cette cérémonie, on avait diffusé l'hymne national
Page 18281
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18282
1 de la Croatie, alors que vous disiez défendre les intérêts de la Bosnie-
2 Herzégovine? Pourquoi avez-vous prévu de faire diffuser l'hymne national
3 de la Croatie pour ces nouvelles recrues?
4 R. Tout simplement parce que nous n'avions pas d'autre hymne et nous,
5 nous sommes des Croates.
6 Q. Est-ce que vous vous êtes dit que le fait de jouer l'hymne national
7 était en soi un acte de provocation pour d'autres? Est-ce que vous vous
8 êtes dit que cela pouvait être pris pour une provocation?
9 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je veux être clair. Il
10 n'y avait pas d'autres peuples à cet endroit-là. A partir du conflit du
11 mois de janvier, la municipalité et le peuple ont été partagés; d'un côté
12 il y avait des Croates, et de l'autre côté des Musulmans. Par conséquent,
13 on ne pouvait certainement pas bloquer qui que ce soit par ce geste.
14 C'était la volonté du peuple croate sur ce territoire.
15 Q. Mais pourquoi ne pas jouer un air, ou un hymne, qui soit en fait
16 associé à la République dont vous dites avoir défendu, ou avoir voulu
17 défendre les intérêts?
18 R. Nous n'avions pas de tels hymnes, de telles musiques. Il n'y avait
19 que l'hymne croate. Souvent les gens le réclamaient. C'est pourquoi on
20 diffusait de tels hymnes.
21 Q. Vous, comme beaucoup d'autres membres du HVO, saviez qu'un des
22 objectifs que vous poursuiviez était l'éventuelle réunification d'une
23 partie du territoire concerné avec la République de Croatie, n'est-ce pas?
24 R. Ce n'est pas exact. L'objectif principal et unique de la formation
25 dont j'étais membre, de la brigade du Dr Ante Starcevic, était de
Page 18283
1 préserver les Croates de cette expulsion qui venait de la part des forces
2 musulmanes. Depuis le conflit jusqu'à la signature des accords de Dayton,
3 je n'ai jamais dit ni aux soldats ou à mes subordonnés ni à qui que ce
4 soit qu'il fallait combattre pour la Croatie, pour la République de
5 Croatie. Je n'y croyais même pas.
6 Q. Parlons de quelque chose dont vous avez dit que ceci s'était produit
7 en 1993: vous avez parlé d'une offensive de grande envergure. Pourrions-
8 nous examiner la pièce 1154.1?.
9 La date est le 4 juillet 1993 mais, apparemment, la date n'est pas exacte
10 puisque vous avez un numéro au bulletin d'informations militaires, au
11 MILINFOSUM. Apparemment, là, on a un chiffre qui indique le mois d'août,
12 ce qui semble se recouper avec la date qui a été fournie hier par le
13 témoin puisque le témoin, hier, avait parlé du 4 août.
14 C'est un document en anglais. Je dois vous dire qu'il porte la date du
15 4 juillet, mais que nous avons de bonnes raisons de douter de l'exactitude
16 de la date, la date exacte étant sûrement le 4 août.
17 S'agissant de Gornji Vakuf, nous sommes au bas de la première page, on dit
18 la chose suivante: "Des combats d'artillerie intenses ont éclaté dans les
19 régions suivantes: le cimetière des Partisans à Gornji Vakuf, Trnovaca et,
20 Bric Krupa et Trnovaca. Au cours de cet engagement, ils sont passés devant
21 la base britannique, l'armée de Bosnie-Herzégovine essayant de nettoyer,
22 ou de s'emparer du cimetière. Mais ceci s'est soldé par un échec puisqu'il
23 y avait la présence, encore à ce moment-là, du HVO".
24 Est-ce là une description exacte?
25 R. Oui. Je vois...
Page 18284
1 Q. Je ne mentionnerai pas le 6, si personne n'est intéressé par le 6,
2 mais je passerai au 7. Cette matinée-là avait été décrite comme une
3 matinée assez calme. Et puis: "Même si même si un obus est tombé près du
4 mess de la base britannique, vers 4 heures, un T55 a commencé à tirer des
5 coordonnées 48 675 sur les zones détenues par l'armée de Bosnie-
6 Herzégovine depuis Bosanska Krupa".
7 Est-ce là une description exacte, selon vous?
8 R. Non, vous avez raison, Monsieur le Procureur. Il s'agit ici d'un
9 document du mois de juillet 1993. A ce moment-là, les Musulmans essayaient
10 de s'emparer de Krupa Polera, ce qu'ils n'ont pas réussi. Ils ont attaqué
11 ces villages, et ils auraient pu également mettre en danger la base des
12 Nations Unies car ces villages se trouvaient derrière la base. Et les
13 villages ont été attaqués en provenance du village de Vranica.
14 Q. Est-ce que vous avez subi des pertes d'artillerie lourde ce jour-là,
15 au mois de juillet?
16 R. Je ne me souviens pas. Au mois de juillet?
17 Q. Vous vous en souviendriez si vous aviez subi de fortes pertes,
18 n'est-ce pas?
19 R. Oui.
20 Q. Mais ces pertes fortes, vous les avez subies au mois d'août,
21 notamment ce char dans lequel vous vous trouviez, et à cause de cet
22 incident vous avez été blessé?
23 R. C'est exact.
24 Q. Paragraphe 7, le texte se poursuit: "Le char a tiré de 19 à 20 obus
25 sur la région, puis a subi lui-même une explosion."
Page 18285
1 Etait-ce votre char qui a subi cette explosion, celui qui menait une
2 attaque sur cette colline de relais, ou d'autres endroits?
3 R. Non, il y a des dates qui sont mêlées ici. Il s'agit du 4 août,
4 quand, moi, j'ai été blessé. C'est à ce moment-là que le char a été touché
5 par un projectile antichars. Alors qu'ici il y a une centaine d'obus, soi-
6 disant, qui ont été tirés, mais on n'avait jamais autant d'obus pour un
7 char!
8 Même si on en avait, il y en avait trois, cinq, huit au maximum dans une
9 unité de réserve. C'était même usé, ce n'était pas en bon état.
10 Q. Terminons ce commentaire. Des échanges importants de tirs ont
11 commencé, se poursuivent, des obus d'artillerie tombent à une cadence
12 d'environ 4 obus par minute. L'officier commente ceci de la façon
13 suivante: "Les combats sont les plus intenses aujourd'hui depuis la
14 première attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine, au début du mois
15 d'août, mais nous pensons qu'il s'agit d'une contre-offensive du HVO. Les
16 détails sont rares parce qu'il y a la fermeture de la route Diamant, ce
17 qui est peut-être lié à l'attaque du HVO. La lutte menée pour la
18 possession de la ville montre des signes de relâchement, mais devrait se
19 poursuivre pendant un certain temps. A la fois à Travnik et à Bugojno,
20 l'armée de Bosnie-Herzégovine a pris un contrôle complet de ces endroits."
21 Apparemment, vous avez dit avoir subi vous-même des blessures. Vous avez
22 participé à une contre-offensive du HVO. Est-ce bien ce que dit ce
23 rapport, si la date est effectivement celle du 4 août?
24 R. J'affirme de nouveau que le HVO n'a jamais organisé une attaque, on
25 n'avait ni forces, ni équipement. J'affirme en toute responsabilité que le
Page 18286
1 siège de mon commandement se trouvait à Jajce à Gornji Vakuf, et il n'y a
2 que des barbelés qui nous séparent de la base de la Forpronu. Par
3 conséquent, tout ce qui éventuellement aurait été tiré sur ce commandement
4 et sur la base des Nations Unies aurait pu être organisé par la partie
5 adverse parce que, de toute façon, on ne peut pas tirer sur notre propre
6 commandement! C'est absurde, hors de question!
7 Q. Dernier document que nous allons examiner et celui-là, il n'y a pas
8 de doute sur la date: il est bien daté du 5 août et il porte la
9 cote 1155.1.
10 C'est donc le lendemain, au cours de ce mois, que ce résumé est publié,
11 c'est aussi un bulletin d'informations militaires, et c'est un document
12 qui émane du Bataillon britannique.
13 M. le Président (interprétation) : Vous savez qu'ici nous avons le n° 98,
14 donc c'est le numéro qui suit le 97, donc le document précédent, et il est
15 fait référence à un incident qui s'est produit le 1er août? Plutôt, le
16 document précédent porte la date du 4 août, et non pas du 4 juillet.
17 Q. Je vais vous lire le passage qui m'intéresse dans ce contexte, pour
18 que vous suiviez bien. Sous la rubrique de Gornji Vakuf, on trouve un
19 texte assez long que je m'efforce de synthétiser. On parle de combats
20 intenses à Gornji Vakuf, on parle aussi de la région qui entoure l'ancien
21 hôpital du HVO qui est en flammes, ceci pour vous essayer de vous aider à
22 vous souvenir. On ajoute, et là nous sommes au bas de la première page
23 que, la veille, le commandant de la compagnie B a rencontré Enver
24 Hadzihasanovic, commandant de la 317e Brigade, qui affirme que le HVO a
25 lancé cette action pour essayer d'interrompre la ligne de communication de
Page 18287
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18288
1 l'armée de Bosnie-Herzégovine à Novi Travnik et que cette tentative est
2 restée infructueuse. Acceptez-vous ces choses?
3 R. Je ne suis pas d'accord avec ce rapport car, le 4 août 1993, j'ai
4 été blessé grièvement et j'ai été dans le comas pendant onze jours. Mais
5 je sais ce que j'ai laissé, et je sais quels malheurs j'ai laissés
6 derrière moi. Par conséquent, je ne peux pas adopter ce rapport. Je sais
7 ce qui s'est passé sur place et je sais quelles étaient les épreuves à
8 travers lesquelles je suis passé.
9 Par conséquent, je sais que si on avait attaqué une armée qui était
10 tellement renforcée par les forces de Bugojno, Bugojno qui était déjà
11 contrôlée par l'armée de Bosnie-Herzégovine, par les parties également des
12 unités de Moudjahidin qui étaient très violentes et qui étaient très
13 connues, il y a encore un certain nombre de ceux qui habitent à Voljevac,
14 dans les hameaux autour. Il y avait ensuite la 17e Brigade, Krajiska.
15 Par conséquent, un rapport, je l'ai déjà dit, Monsieur le Président,
16 Messieurs les Juges, j'ai vu de mes propres yeux au mois de décembre un
17 rapport qui m'a été présenté, mais il ne s'agissait pas de ce rapport que
18 je viens de voir. Dans ce rapport que j'ai vu, si vous me permettez, je
19 peux citer ce qui a été marqué dans ce rapport.
20 M. le Président (interprétation) : Un instant, s'il vous plaît. Si le
21 conseil de la défense veut poser une question, il pourra le faire dans le
22 cadre de l'interrogatoire supplémentaire. Pour le moment, répondez
23 simplement aux questions du Procureur.
24 M. Nice (interprétation) : Le rapport de l'officier britannique se
25 poursuit. On y dit que: "La seule route, le seul itinéraire permettant le
Page 18289
1 renforcement de l'armée Bosnie-Herzégovine est la route du Diamant". C'est
2 un nom qu'ils avaient donné à cet itinéraire. Apparemment, l'officier
3 avait dit que: "L'armée de Bosnie-Herzégovine avait reçu des ordres lui
4 signifiant de stopper l'action offensive", il a obéi. Et manifestement, il
5 dit qu'il y a eu destruction de deux T 55 et aussi un autre transport. On
6 ajoute que: "Slobodan Praljak...", et que manifestement on essayait de
7 franchir des points de contrôle. Acceptez-vous cette situation?
8 R. Je n'accepte pas, ici ce sont les inventions de la 317e Brigade de
9 l'armée musulmane. Il était en contact avec le commandant des Nations
10 Unies, par conséquent, moi, je connais la vérité. Jamais, auparavant, sur
11 ce territoire, on n'avait pas deux chars, on en avait un seul. Donc, on ne
12 peut pas en détruire deux si on en avait qu'un; c'est un premier point.
13 Deuxièmement, il n'y avait aucun blindé transporteur de troupes, ou
14 n'importe quel autre transporteur de troupes blindés ne se trouvait sur
15 place, par conséquent on ne pouvait pas le détruire.
16 Troisièmement, le transport n'a pas été opéré ces jours-là jusqu'au
17 4 août, comme je l'ai bien précisé, entre Maklen et plus loin, il n'y
18 avait aucun convoi ce jour-là dans ce territoire.
19 Q. Examinons ce dernier point, à savoir le commentaire de l'officier.
20 Je vais passer quelques lignes. Voici son commentaire: "La situation en
21 ville est pour le moment une situation d'échec de part et d'autre, ou
22 d'absence de progression, puisque l'armée a perdu l'initiative qu'elle
23 avait le 2 août. Le HVO n'a pas cédé de terrain supplémentaire, mais n'a
24 pas pu reprendre le contrôle de régions qu'il avait auparavant. Le combat
25 dure depuis 5 jours, à un point similaire des combats à Travnik, Kakajn et
Page 18290
1 Bugojno. L'armée de Bosnie-Herzégovine avait pratiquement saisi toutes les
2 villes, mais apparemment les difficultés que rencontre l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine proviennent du fait que le HVO est tout à fait capable de
4 renforcer la région, alors que les Musulmans ne sont pas capables de le
5 faire". Mais, en ce qui vous concerne, le HVO avait et la capacité et la
6 volonté de renforcer cette région. Vous dites avoir subi de graves
7 blessures à ce moment-là. Mais manifestement, la situation avait déjà viré
8 à l'avantage du HVO par rapport à l'armée de Bosnie-Herzégovine?
9 R. Il est exact... L'armée de Bosnie-Herzégovine, en d'autres termes
10 l'armée musulmane, a pris un certain nombre de villes. La déclaration
11 n'est pas tout à fait correcte, car le 20 ou 25 juillet 1993 Travnik,
12 Bugojno, Kakanj ont été prises. Le contrôle dans l'ensemble de la
13 municipalité de Bugojno a été détenu par l'armée de Musulmans.
14 18000 Croates ont été expulsés. Ils ont poursuivi également l'expulsion en
15 direction de Karami et de Mostar et c'est là où ils ont été arrêtés, dans
16 le territoire de Uskopjle.
17 C'est là que nous avions des opérations militaires les plus violentes en
18 pertes. Pavic Polje, Rikica, des villages exclusivement croates, et c'est
19 là que nous arrêtons disons ces pièces d'artillerie dont disposait l'armée
20 de Bosnie-Herzégovine. Et je vais tout simplement préciser également que
21 du côté de la montagne Vranica, ils contrôlaient également la route menant
22 en direction de Novi Travnik. Ce n'était pas l'unique route, on l'appelait
23 la route de Diamant. Il y avait également une autre route, de Bugojno,
24 Ravno, Rostovo, qui pouvait les connecter avec Zenica et le siège de leur
25 commandement. Et depuis la montagne Vranica…
Page 18291
1 M. le Président (interprétation) : Je vous demanderai de ralentir un peu.
2 Pensez aux interprètes. En tout état de cause, je pense que nous avons
3 déjà suffisamment abordé la question.
4 M. Nice (interprétation) : Dernière question, elle portera sur ceci. Hier,
5 dans le cadre de votre déposition, je ne me suis pas plaint, vous avez lu
6 à partir de la première lettre du paragraphe 19 dans votre résumé, et vous
7 avez dit que les dirigeants musulmans avaient pour objectif stratégique
8 d'expulser les Croates de la Bosnie centrale. Inutile de lire tout le
9 document. Et puis, vous avez fait allusion à certains éléments à l'appui
10 de cette affirmation. Pourriez-vous nous redire ce qui vous permet de dire
11 que les dirigeants musulmans avaient pour objectif stratégique d'expulser
12 les Croates de la région?
13 R. Au cours de ma déposition, hier, je l'ai déjà mentionné, au cours de
14 la conversation que j'avais avec des collègues que j'avais dans l'ex-JNA,
15 j'en ai parlé. Il m'ont dit qu'ils avaient obtenu des instructions. Je ne
16 vais pas répéter donc ce qui m'a été dit et ce que j'ai déjà relaté hier.
17 Mais il est vrai que pour ce qui concerne les forces de l'armée de Bosnie-
18 Herzégovine, en aboutissant à cet objectif, elles réussissent à expulser
19 les Croates, de Konjic, où se trouve également l'usine militaire, de Novi
20 Travnik également, de Bugojno. C'est une politique qui a pour but
21 justement de réunir, de rassembler le processus de la production.
22 Q. Puis-je savoir ce que vous nous dites? Je pense que vous venez de
23 confirmer que vous aviez ces renseignements des personnes dont vous avez
24 déjà parlé. Est-ce là la seule façon que vous avez d'étayer ces
25 affirmations qui sont les vôtres?
Page 18292
1 R. Oui.
2 Q. Pourriez-vous nous dire où et quand vous avez, selon vos dires,
3 rencontré ces deux hommes?
4 R. C'était à la mi-avril 1994, au moment où tout à fait par hasard les
5 opérations militaires ont été arrêtées, les accords de Washington ont été
6 signés, un certain nombre de points de contrôle ont été érigés. L'armée
7 retournait à la maison. Très peu d'ailleurs pouvaient regagner leur foyer,
8 parce que tout ceci était détruit. Nous sommes restés à habiter dans ce
9 quartier de la ville, à l'endroit que l'on dénommait Fontana, c'était la
10 ligne de séparation. A cette époque-là, j'étais sur des béquilles, je ne
11 pouvais pas marcher. J'ai pu voir de l'autre côté de la rue, car il n'y
12 avait que quelques rues qui nous séparaient, des amis avec lesquels j'ai
13 parlé.
14 Et puis, comme je l'ai dit, je vais le répéter une fois de plus, je me
15 suis dit et j'ai posé la question: mais pourquoi, pourquoi on a eu besoin
16 de détruire une ville qui est aussi belle, et puis ses blessures vont
17 durer longtemps. Ils m'ont alors répondu: "Nous avons reçu des
18 instructions et des ordres du commandement suprême de la République de
19 Bosnie-Herzégovine, et par l'intermédiaire de leurs supérieurs à Zenica".
20 C'est ce qu'ils m'ont répondu, ils m'ont dit qu'ils avaient donc reçu des
21 instructions dans le sens de nettoyer les territoires de la Bosnie
22 centrale. Il n'a pas parlé de la Bosnie centrale, mais il a parlé de
23 Bugojno, de Gornji Vaku, pour installer les Musulmans qui ont été expulsés
24 par l'armée des Serbes de Bosnie. Ils n'ont pas réussi à aboutir à cet
25 objectif stratégique. Les Croates de Uskoplje sont restés là où ils
Page 18293
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18294
1 vivaient auparavant, mais...
2 Q. Je veux uniquement savoir ce que ces hommes vous ont dit? Auraient-
3 ils dit autre chose? Parce que je veux être sûr que tout soit bien précisé
4 pour pouvoir progresser. Ont-ils dit autre chose, avez-vous posé d'autres
5 questions et qu'auraient-ils répondu à ces questions?
6 R. Au cours de cette conversation, tout premièrement quand nous nous
7 sommes salués disons, on n'était pas très gai, on ne se regardait pas d'un
8 regard gai, mais on s'est salués quand même. La première chose que j'ai
9 posé comme question: si les familles étaient encore en vie, si tout le
10 monde a survécu. Cette conversation n'a pas duré au-delà de 5 minutes.
11 Nous avons donc parlé très rapidement car, même au bout d'un an, les
12 Musulmans avaient peur de parler avec nous, et à cause de leurs
13 supérieurs. C'est ainsi que j'ai posé la question, il m'a répondu comme je
14 l'ai relaté tout à l'heure, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
15 Q. Sur ces deux hommes, quel est celui qui a utilisé le mot de
16 "nettoyage", et qui des deux a dit avoir reçu des ordres de leurs
17 supérieurs visant à procéder au nettoyage de la ville?
18 R. C'était Fahrudin Agic qui s'était formé au Pakistan quand les
19 accords de Washington ont été signés.
20 Q. Quand il a tenu ces propos, il était en compagnie de Goran Zisic, ce
21 qui fait que c'est autrement entendu?
22 R. Goran Cisic! Oui.
23 Q. Ont-ils précisé le nom du supérieur qui leur aurait donné cette
24 instructions tout à fait extraordinaire?
25 R. Non, ils n'ont pas cité les noms mais il a été dit, comme je l'ai
Page 18295
1 relaté, qu'ils avaient reçu les instructions du commandement suprême
2 politique et militaire, qu'ils devaient nettoyer Bugojno et Gornji Vakuf
3 pour installer, à cet endroit, les Musulmans des territoires d'où ils ont
4 été expulsés par les Serbes de Bosnie.
5 Q. Est-ce que vous avez noté ceci quelque part? Ou avez-vous parlé de
6 cet événement important à qui que ce soit?
7 R. Ce n'était même pas la peine de prendre note car il y avait un
8 témoin avec moi. C'était un invalide à 100 % -pour ne pas dire 500 %- un
9 ami, Borislav Posavac qui était auprès de moi. Il peut le confirmer si
10 c'est indispensable, il peut confirmer ce que je viens de dire.
11 Q. Et vous n'avez enregistré ou consigné cela nulle part, n'est ce pas?
12 R. Non, croyez-moi. Si je savais que ceci allait se produire comme
13 aujourd'hui, j'aurais certainement enregistré sur une bande. Mais
14 j'ignorais complètement ce qui allait se passer et que j'en aurais eu
15 besoin éventuellement. D'ailleurs, d'autres choses également. Je ne l'ai
16 pas fait.
17 Q. Est-ce que, par la suite, vous avez travaillé avec Fahrudin Agic
18 dans le cadre d'une organisation, dans la région de Kupres, je pense?
19 R. Non. Je l'ai rencontré une fois. Il était en conversation avec le
20 général Alagic. Nous étions ensemble, nous avons parlé des opérations de
21 libération. Nous étions, soi-disant, des partenaires. Je l'ai rencontré à
22 Kalinovik, à Bugojno. Depuis, je ne l'ai plus rencontré. C'était la fin
23 1994, début 1995.
24 Q. Est-ce que vous savez que cet homme est mort aujourd'hui? Ce Titic.
25 R. Je l'ai appris deux ou trois mois après qu'il ait été tué. C'est du
Page 18296
1 côté de Prusac qu'il a été tué.
2 Q. Je ne peux poursuivre mon contre-interrogatoire sur ce sujet que
3 dans la mesure suivante: à savoir qu'à l'époque il n'y a pas eu de
4 réunions telles que vous les avez décrites, qu'il n'y a pas eu
5 d'instructions qui furent données afin que soit nettoyée la région, et que
6 tout ce que vous venez de raconter est absolument faux!
7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai déjà dit que
8 j'allais dire la vérité. D'où le droit de mentir et de salir un homme qui
9 n'est pas, ici, présent? Moi, je n'ai jamais dit des choses désagréables
10 sur qui que ce soit s'il n'est pas à côté de moi.
11 Vous m'avez posé la question et j'ai répondu avec toute la responsabilité
12 ce qui s'était produit. Je maintiens que j'ai été avec un certain nombre
13 des membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine lors d'une réunion à l'hôtel
14 Kalin à Bugojno fin 1994, début 1995.
15 Nous avons discuté de Kupres justement pour voir jusqu'où les formations
16 diverses devaient être déployées. Une fois de plus, j'ai rencontré Alagic.
17 Je lui ai offert une cigarette. On a fumé une cigarette à l'hôtel et c'est
18 comme cela que l'on a parlé.
19 Je me dois de vous dire, si je l'ai déjà dit, que ce monsieur Fahrudin
20 Agic a quatre ans de moins par rapport à moi. Nous avons travaillé une
21 dizaine d'années ensemble. Nous avons été élevés dans le même village, nos
22 deux maisons se trouvent à 100, 150 mètres de distance. Nous nous
23 connaissions très, très bien.
24 C'est la raison pour laquelle je maintiens qu'il me l'a dit. C'est un
25 homme que je connais bien qui me l'a dit. Il a occupé un poste très élevé
Page 18297
1 au sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine, c'était mon chef dans l'ex-
2 armée.
3 Q. Je n'avais pas l'intention de poser d'autres questions sur ce point.
4 Vous comprendrez que je ne peux pas aborder ceci de façon trop précise.
5 Pour ce qui est d'allégations plus spécifiques qui sont mises en cause,
6 j'y reviendrai plus tard. Ce sera tout.
7 (M. Naumovski pose des questions supplémentaires au témoin.)
8 M. Naumovski (interprétation): Merci Monsieur le Président. Quelques
9 questions pour terminer ce sujet.
10 Outre ces deux messieurs, M. Agic et l'autre que vous avez mentionné, je
11 pense que vous conviendrez avec moi pour dire qu'un certain nombre
12 d'informations, vous les avez apprises également par les soldats capturés,
13 membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine et qui ne sont pas de Gornji
14 Vakuf, d'Uskoplje, mais qui viennent d'autres territoires de Bosnie
15 Herzégovine. Vous ai-je bien compris?
16 R. Oui, tout à fait. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au
17 cours des conversations que j'ai eues avec des soldats qui ont réussi à
18 être relâchés, il y avait également des personnes qui ont été capturées,
19 membres de la 317e Brigade, qui étaient à l'armée de Bosnie-Herzégovine.
20 Je ne connais pas la chaîne de commandement de ces gens-là. Cela ne
21 m'intéresse pas.
22 Au cours de ces entretiens avec ces gens-là, par exemple, quand je posais
23 la question d'où ils venaient, à titre d'exemple ils me disaient qu'ils
24 étaient de Jajce ou éventuellement de la Bosnie orientale. Moi, j'ai eu
25 l'occasion de poser des questions. J'ai posé la question à tel soldat. Je
Page 18298
1 lui ai dit: "Mais dis-moi, s'il te plaît, que cherches-tu ici, sur ce
2 territoire?". Eh bien, les dirigeants officiels, politiques, militaires,
3 leur disaient: "On nous a promis que chaque village que nous allons
4 prendre permettra aux Musulmans de s'y installer". C'est ça la vérité.
5 Si je peux également ajouter quelque chose d'autre, je pourrais appuyer ce
6 que je viens de dire par le fait qu'il y a probablement des traces écrites
7 dans les archives. Je suis pratiquement sûr que de tels documents existent
8 auprès du service de sécurité, les gens qui ont mené des interrogatoires.
9 Je ne veux pas, bien évidemment, induire en erreur la Chambre.
10 Q. Très bien. Nous pouvons estimer que nous avons terminé sur ce sujet.
11 J'ai pas mal de questions à vous poser au sujet de plusieurs documents que
12 je vous soumettrai. Donc je vous demanderai d'être aussi clair et bref que
13 possible.
14 Le document 298.3, il y est question du drapeau oustachi. Nous n'allons
15 pas nous appesantir sur ce point, mais vous nous avez dit que vous parliez
16 toujours du drapeau du peuple croate. N'est-ce pas?
17 R. C'est exact.
18 Q. Vous avez employé une expression précise. Vous avez dit: "le drapeau
19 oustachi n'avait jamais telle et telle couleur". Vous rappelez-vous les
20 couleurs que vous avez mentionnées?
21 R. Oui. Si le drapeau qui a été hissé sur le bâtiment de la poste a
22 irrité les Musulmans, cela s'est passé juste avant Noël -si c'est bien de
23 cela que nous parlons. Nous parlons du drapeau croate avec le damier au
24 milieu et les couleurs rouge, bleu, blanc. C'est ce drapeau qui a été
25 hissé sur le bâtiment de la poste et aucun drapeau oustachi.
Page 18299
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18300
1 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a une très grande
2 différence entre le drapeau oustachi et le drapeau croate.
3 Q. Encore une question sur ce point: avez-vous jamais hissé un drapeau
4 noir ou un drapeau portant les insignes des Oustachis au cours de la
5 Deuxième Guerre mondiale?
6 R. Non.
7 Q. Le document Z298.5 est un bulletin d'informations militaires qui
8 date d'un mois en 1993. Il y est question du village de Pridvorci de la
9 municipalité de Zenica, etc.
10 Vous avez répondu, il y a quelques instants, à une question qui vous était
11 posée en disant qu'il n'y avait aucune pièce d'artillerie disponible pour
12 tirer sur ces villages, parce qu'ils étaient trop loin de la ville. Est-ce
13 exact?
14 R. Oui.
15 Q. Donc s'il n'y avait pas d'opération de combat dans cette région,
16 cela n'a rien à voir avec la brigade du Dr Ante Starcevic?
17 R. C'est exact. Notre artillerie... si vous regardez la carte vous le
18 constaterez très facilement. Je peux vous montrer les positions où se
19 trouvaient les mortiers, je peux vous dire quelle était la portée de ces
20 mortiers; elle était de 3800 à 4200 mètres. Donc c'était cette zone qui
21 était couverte par les Musulmans.
22 Il est possible qu'il y ait eu quelques opérations individuelles entre
23 Prozor et Rama avec l'armée de Bosnie-Herzégovine de l'autre côté, de
24 Skoplje et de Gornji Vakuf. Cela, c'est possible.
25 Q. Un instant pour les interprètes.
Page 18301
1 Je demande maintenant que l'on voit le document 372.2Z, 372.2. C'est un
2 rapport signé par le commandant du 3e Corps d'armée de l'armée de Bosnie-
3 Herzégovine, le commandant Enver Hadzihasanovic. Le nom de Dzemal Merdan
4 est mentionné également sur ce document. C'est donc un document qui émane
5 de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
6 Le Procureur a affirmé que vous aviez lancé un ultimatum à l'armée de
7 Bosnie-Herzégovine. Et dans ce document, à l'avant-dernier paragraphe...
8 excusez-moi, au troisième paragraphe de la page 2, il est mentionné qu'il
9 s'agissait d'une affirmation catégorique plutôt que d'un ultimatum -comme
10 l'a dit le Procureur.
11 J'aimerais donc vous poser la question suivante, même si vous n'avez eu
12 aucune part dans ces pourparlers: vous, les Croates -et je pense en
13 particulier aux membres de la brigade Ante Starcevic- vous donc, avez-vous
14 lancé un quelconque ultimatum à la partie adverse?
15 R. Non. Et le document sur lequel figurent les signatures du commandant
16 Hadzihasanovic et de M. Dzemal Merdan, où il est mentionné à de nombreuses
17 reprises ce qui y figure, cela a été souvent mentionné. Mais nous ne le
18 voyons que dans ce document qui illustre bien quelle est la teneur des
19 documents qu'ils échangeaient entre eux. Il y est fait mention de "la
20 terre", ce sont les termes qui étaient employées par les combattants
21 musulmans.
22 Q. Document Z 236.18. Un ordre du général Bobetko de mai 1992, c'est
23 cela?
24 R. Oui.
25 Q. La question que j'ai à vous poser au sujet de ce document est la
Page 18302
1 suivante. Il date de 5 mai 1992. Qui était votre ennemi en Bosnie-
2 Herzégovine, qui était en fait l'ennemi commun des Croates et des
3 Musulmans à ce moment-là?
4 R. Eh bien, l'armée des Serbes de Bosnie soutenue par l'ex-JNA.
5 Q. Nous pouvons progresser, j'avance par ordre chronologique. Il a
6 beaucoup été question de votre affirmation selon laquelle, lors d'une
7 certaine réunion, M. Kordic avait proposé que les armes soient partagées
8 entre le HVO et la Défense territoriale dans une proportion de 50/50 %. Le
9 Procureur à cet égard a affirmé que ce genre de travail aurait dû être
10 celui du ministère de la Défense, etc., etc. La question que je vous pose
11 est la suivante. Savez-vous, en fait, quand le département de la Défense
12 du conseil de défense croate a été créé?
13 R. Je crois que cela s'est passé en 1993 ou 1994, au moment où nous
14 parlons rien ne fonctionnait. J'ai dit qu'il s'agissait d'un peuple en
15 armes qui s'est levé. Il n'y avait pas d'armée en bonne et due forme dans
16 des casernes ou ce genre de chose, c'est le peuple qui s'est regroupé qui
17 a pris les armes.
18 Q. Mais quand vous parliez du partage des armes, à ce moment-là la JNA
19 possédait encore des casernes? Si vous ne vous sentez pas bien...
20 R. Je tiendrai le coup.
21 Q. Plus vite vous répondrez, plus vite nous en terminerons rapidement.
22 Donc ma question est la suivante. Au moment dont nous parlons, en 1992,
23 vous êtes d'accord avec moi pour dire que la JNA tenait les casernes, en
24 mai 1992. A Travnik, à Kiseljak, à Kaonik et ailleurs, c'est la JNA qui
25 avait encore le contrôle des casernes?
Page 18303
1 R. C'est exact.
2 Q. Donc vous, les Croate, mais aussi la Défense territoriale, donc les
3 Musulmans aussi, vous agissiez d'une façon semi illégale parce que la JNA
4 était encore présente sur ces territoires?
5 R. C'est exact.
6 Q. Il s'agissait donc des débuts des efforts d'organisation tant de la
7 part du HVO que de la part de la Défense territoriale?
8 R. Oui, oui.
9 Q. Très bien. Nous avons le rapport Z207 dont il a aussi beaucoup été
10 question, je ne l'ai pas ici sous les yeux, mais en tout cas il s'agit
11 d'un document manuscrit. Vous en avez parlé il y a quelques instants
12 lorsque ce document vous a été soumis. Il y est question du départ de
13 Jajce, etc. Mais, là, les combats étaient contre qui à ce moment-là?
14 R. Contre les Serbes de Bosnie, pendant toute cette période ils étaient
15 les seuls contre lesquels nous nous battions.
16 Q. Et ce document que vous avez reçu, vous avez dit ne pas le
17 considérer comme un ordre, mais comme des informations. Pourquoi?
18 R. Il ne s'agissait absolument pas d'un ordre: organiser trois
19 véhicules pour transporter de l'aide humanitaire, de la nourriture, des
20 médicaments, je ne sais pas quoi exactement, peut-être du combustible
21 également, pour permettre à l'hôpital de Jajce de fonctionner, je crois
22 que dans tout cela il n'y a rien, mais alors vraiment absolument rien de
23 militaire.
24 Q. Le document Z248, c'est également un document dont vous avez dit...
25 Le document...
Page 18304
1 M. le Président (interprétation) : Un instant, je vous prie. Monsieur
2 Sekerija, est-ce que vous allez bien, est-ce que vous auriez besoin d'une
3 pause?
4 R. Non, je supporterai cet interrogatoire jusqu'au bout. Il arrive de
5 temps en temps que mes mains se mettent à trembler, mais c'est tout à fait
6 passager, cela dure quelques minutes et cela passe, je vous en prie nous
7 pouvons continuer.
8 M. le Président (interprétation) : Maître Naumovski, peut-être pourriez-
9 vous être aussi rapide que possible?
10 M. Naumovski (interprétation) : Dix minutes, Monsieur le Président, je
11 ferai le plus rapidement possible.
12 Monsieur le Témoin, vous voulez boire un peu d'eau?
13 R. Merci, merci, mais enfin ce n'est pas la première fois que cela
14 m'arrive, de toute façon.
15 Q. Ce document 248, vous avez dit que vous avez reçu un ordre du
16 général Petkovic et que vous l'avez transmis. Ce qui est intéressant c'est
17 que l'on voit ici une mention qui est faite de deux villes: Vitez et
18 Busovaca, en tant que villes devant recevoir ce document?
19 R. Oui.
20 Q. Ceci correspond à ce que vous avez expliqué. Ce document, celui du
21 23 octobre 1992, on y voit votre signature et c'est le deuxième ou
22 troisième document sur lequel on voit votre signature. Je ne suis pas
23 graphologue, mais vous avez dit que vous aviez un plâtre à ce moment-là?
24 R. Oui.
25 Q. Pouvez-vous nous dire comment vous avez signé ce document?
Page 18305
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18306
1 R. Eh bien, vous savez j'ai encore des clous dans le bras, dans
2 l'épaule j'ai des plaques.
3 Q. Vous n'avez pas besoin d'entrer dans les détails.
4 R. En tout cas, j'étais encore dans le plâtre. Et si vous comparez
5 cette signature avec ma signature d'aujourd'hui, il n'y a aucun rapport,
6 parce que j'étais encore dans le plâtre, je répète que j'étais encore en
7 traitement médical à l'époque. Je suis revenu un instant sur mon lieu de
8 travail pour remplir cette mission.
9 Q. Très bien. Le document 261, c'est le document au sujet duquel M. le
10 Juge Bennouna vous a posé des questions. D'abord, avez-vous jamais entendu
11 parler de l'existence du poste de commandant adjoint de la communauté
12 croate d'Herceg-Bosna à quelque moment que ce soit?
13 R. Non, il existe un commandant adjoint dans une unité militaire et il
14 existe le poste de vice-président de la direction politique, vice-
15 président donc pour la partie politique et commandant adjoint uniquement
16 dans une unité militaire. Il n'existe pas de commandant adjoint de la
17 communauté croate d'Herceg-Bosna. Je crois que c'est une erreur dans le
18 texte, un lapsus sans doute.
19 Q. Lorsque le Procureur vous a interrogé, M. le Juge Bennouna vous a
20 également posé des questions pour que vous donniez votre point de vue au
21 sujet de ce document. Je ne suis pas sûr que vous ayez bien expliqué le
22 fond de votre point de vue aux Juges. Donc j'aimerais qu'on vous montre
23 une nouvelle fois ce document, qu'on le retrouve si c'est possible, pour
24 que vous puissiez vous expliquer de façon plus approfondie. Je parle du
25 document Z 261.
Page 18307
1 Voici la question que j'ai à vous poser. C'est d'ailleurs ce que vous a
2 demandé M. le Juge Bennouna, je ne sais pas si vous l'avez bien compris.
3 Ressort-il de ce document que M. Kordic faisait partie de la hiérarchie
4 militaire ou pas, selon vous?
5 R. Non.
6 Q. Très bien. Vous souhaitez lire ce document encore quelques instants?
7 R. Dans toutes les guerres, dans tous les pays, la hiérarchie militaire
8 est responsable devant la direction politique d'un pays, d'une région ou
9 d'une municipalité. Donc, ce dont il est question, ici, dans ce texte, et
10 ce n'est pas un document de nature militaire, il ne s'agit pas de dresser
11 les contours d'une ligne de front ou d'une ligne de défense. Il n'est pas
12 question de cela ici, ce dont il est question c'est que les fils du peuple
13 croate les plus courageux, et les plus valeureux, soient envoyés là où il
14 importe qu'ils se trouvent pour assurer la défense de Jajce et de sa
15 population. Et je suis d'accord avec le contenu de ce document.
16 Q. Encore une question en rapport avec le contenu de ce document. Selon
17 vous, ce document est-il un appel explicite à la défense à tout prix, ou
18 est-ce un document qui scelle l'abandon de Jajce?
19 R. Il ne s'agit pas d'abandon ou de trahison de la ville.
20 Q. Comment? De quoi parlez-vous?
21 R. Il s'agit d'appel à l'aide, d'appel à l'aide!
22 Q. Le document 24-04.1, cette lettre au sujet de la mort de Stanko
23 Posavac, personne n'a évoqué un point qui me semble intéressant et dont
24 vous avez sans doute connaissance. Posavac est un nom de famille fréquent
25 dans votre région, il était originel de Gornji Vakuf, n'est-ce pas, il
Page 18308
1 était né à Gornji Vakuf également?
2 R. Oui, ce qui est ironique dans cette histoire c'est que sa mère et ma
3 mère sont soeurs.
4 Q. Il était donc votre neveu?
5 R. Oui.
6 Q. Avançons un peu. Nous avons un document émanant de Siljeg, le
7 document Z664.4. C'est une lettre de routine qui demande des informations
8 au sujet d'un certain nombre de membres de l'armée de Croatie?
9 R. Oui. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai déjà dit, et
10 je ne m'écarterai pas de ce que j'ai dit, qu'il est exact que dans notre
11 région, Uskoplje, Gornji Vakuf, au début de la guerre, en 1991, un certain
12 nombre de Croates ont quitté cette région pour aller se battre en Croatie,
13 et au début de la guerre, chez nous, dans notre région ces hommes sont
14 revenus, il n'est question que de sept hommes.
15 Q. Voici ma dernière question à ce sujet. Vous ne savez pas si ces
16 hommes avaient un statut réglementaire au sein de l'armée croate ou pas?
17 R. Non.
18 Q. Monsieur le Président, Ante Starcevic a fait l'objet d'un certain
19 nombre de questions. Je ne sais pas si le témoin est au courant de ce que
20 je peux vous dire à vous, Monsieur le Président, bien qu'il s'agisse d'un
21 sujet qui ne fait l'objet d'aucune contestation. Ante Starcevic est un
22 intellectuel, un homme politique bien connu, qui a opéré, qui a agi sur le
23 territoire de l'empire austro-hongrois à l'époque, au XIXe siècle. Il
24 avait un certain nombre de positions qu'il a défendues à l'époque, voilà
25 ce que je voulais vous dire. Il défendait les droits des Croates.
Page 18309
1 M. le Président (interprétation) : Si vous voulez témoigner, Maître
2 Naumovski, vous feriez mieux de vous asseoir sur la chaise du témoin.
3 M. Naumovski (interprétation) : Merci, Monsieur le Président. C'était un
4 fait simplement. Je tenais à le signaler à votre intention, car il s'agit
5 d'Histoire.
6 Monsieur le Témoin, il a été question de l'hymne croate dans la région
7 d'Uskpolje en mai 1993. Pouvez-vous nous dire, après la signature des
8 accords de Washington en 1994, en 1995 à Uskoplje et en Bosnie-
9 Herzégovine, quel était l'hymne joué par les Croates?
10 R. Les Croates ont toujours joué l'hymne croate. Pas seulement en 1993,
11 mais aussi en 1994 et 1995 également, tant que l'hymne de la Bosnie-
12 Herzégovine n'a pas vu le jour, n'a pas été composé.
13 Q. L'hymne qui a été joué au moment dont nous parlons était l'hymne
14 croate, parce que les trois composantes ethniques de la Bosnie-Herzégovine
15 n'ont pas pu se mettre d'accord, à l'époque, sur un hymne unique. N'est-ce
16 pas?
17 R. Oui. Et d'ailleurs, il est encore utilisé aujourd'hui.
18 Q. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je crois que j'en ai
19 terminé avec mes question. Je vous remercie, Monsieur le Témoin, pour ces
20 quelques minutes supplémentaires.
21 R. Il y a eu pire. J'ai déjà vécu pire.
22 M. le Président (interprétation): Général Sekerija, la fin de votre
23 témoignage est arrivé. Je vous remercie d'être venu devant le Tribunal
24 pénal international pour présenter votre déposition. Vous pouvez
25 maintenant vous retirer.
Page 18310
1 R. Merci beaucoup.
2 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
3 M. le Président (interprétation): Le témoin suivant est M. Drmic, n'est-ce
4 pas?
5 M. Sayers (interprétation): Oui, Monsieur le Président. D'ailleurs, les
6 quatre témoins suivants, comme vous le constaterez, ont été cités pour
7 traiter de deux questions. Monsieur Drmic et M. Vinac vont parler du même
8 incident.
9 Nous avons soumis aux Juges de la Chambre, avant leur déposition, les
10 affidavit de deux autres témoins.
11 Ces deux autres témoins traiteront de l'incident survenu au point de
12 contrôle de Kacuni, il s'agit de M. Grubesic et de M. Arar. Nous avons
13 également remis leur affidavit à la Chambre.
14 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas les avoir vus.
15 M. Sayers (interprétation): Nous avons des copies supplémentaires, si les
16 Juges de la Chambre les souhaitent. Nous les avons déposées ce matin, en
17 tout cas s'agissant de M. Brano et de M. Santic. Ils sont extrêmement
18 courts et traitent de faits matériels.
19 M. le Président (interprétation): Très bien. Je pense qu'il serait bon de
20 suspendre l'audience maintenant. Nous reprendrons à 14 heures 20.
21 Mais nous devrions entendre ces témoins assez rapidement, Maître Sayers?
22 M. Sayers (interprétation): Oui, Monsieur le Président, absolument.
23 D'ailleurs, si nous les entendons aussi rapidement que je l'espère, il est
24 possible, puisque nous avons plus qu'un seul témoin prévu pour cette
25 semaine, que nous manquions de témoins pour le reste de la semaine.
Page 18311
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18312
1 M. le Président (interprétation): Je crois que nous comprenons les
2 difficultés qu'il y a à faire venir des témoins à des moments particuliers
3 devant le Tribunal. Mais pour le moment, nous n'avons pas de critiques.
4 M. Sayers (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Nous suspendons l'audience jusqu'à
6 14 heures 20, pendant une heure et demie.
7 (L'audience, suspendue à 12 heures 50, est reprise à 14 heures 30.)
8 (Audience publique)
9 (Le témoin, Branko Drmic, est interrogé par M. Sayers.)
10 M. le Président (interprétation) : Maître Sayers, vous avez la parole.
11 M. Sayers (interprétation): Nous attendons l'arrivée du nouveau témoin, M.
12 Branko Drmic.
13 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
14 M. le Président (interprétation) : Que le témoin donne lecture de la
15 déclaration solennelle.
16 M. Drmic (interprétation) : Je m'appelle Branko Drmic et je déclare
17 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
18 vérité.
19 M. Sayers (interprétation): Bonjour. Je crois que vous vous appelez Branko
20 Drmic, et vous êtes né le 22 août 1955 à Vitez, est-ce exact?
21 R. Oui.
22 Q. Je vais vous poser quelques questions liminaires. Vous êtes bien
23 croate et catholique de religion? Vous êtes citoyen de Bosnie-Herzégovine?
24 Est-ce exact?
25 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
Page 18313
1 Q. Vous êtes marié et vous avez deux enfants et, aujourd'hui, vous
2 vivez avec votre famille dans la ville de Vitez ?
3 R. Oui, Monsieur le Président.
4 Q. Je pense que vous avez fait votre école primaire et l'école
5 secondaire à Vitez, puis vous avez fait deux années d'études supérieures à
6 Sarajevo et vous êtes sorti de l'école d'assistant social en 1978?
7 R. Oui.
8 Q. Avant que la guerre civile éclate dans votre pays, vous travailliez
9 à l'usine SPS et vous travailliez au département des achats, du marketing,
10 est-ce exact?
11 R. C'est exact.
12 Q. Bien. Est-ce que vous étiez propriétaire d'un bar dans le village de
13 Donja Veceriska, ce bar s'appelant le café Ravne?
14 R. Moi, Branko Drmic, avec mon frère, Franjo Drmic, nous étions
15 propriétaires du café dénommé Ravne.
16 Q. Ce café était en fait dans la maison de votre frère, Franjo, que
17 vous disiez copropriétaire de ce café, est-ce exact?
18 R. Oui, effectivement, nous avons trouvé un compromis. C'était sa
19 maison, la maison de mon frère et en ce qui me concerne, c'est le café
20 dont j'étais le détenteur, le titulaire.
21 Q. Et vous faisiez marcher ce café ensemble? Vous le faisiez avec votre
22 frère?
23 R. Exactement.
24 Q. Est-il exact de dire que Donja Veceriska est un tout-petit village?
25 Il n'y avait environ que 700 personnes qui y vivaient avant le début de la
Page 18314
1 guerre?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il est exact que Donja
3 Veceriska avait à peu près 700 habitants.
4 Q. Bien. Nous avons informé du fait qu'un homme répondant au nom de
5 Mithat Haskic avait fait une déclaration, déclaration versée au dossier de
6 la présente procédure. Dans cette déclaration, il affirme que M. Kordic
7 s'est trouvé dans votre bar, dans le café Ravne, pendant plusieurs heures,
8 le soir du 15 avril 1993. En fait, il a assisté à une fête organisée en
9 l'honneur du fils de Mile Vinac. Cette affirmation est-elle exacte ou pas?
10 R. Monsieur le Président, cette affirmation est inexacte car, à ce jour
11 et à ce moment, M. Dario Kordic n'était pas dans le café Ravne. Le village
12 est tout petit et, moi, j'ai travaillé ce jour-là, après 17 heures de
13 l'après-midi. Par conséquent, j'affirme que M. Dario Kordic n'était pas
14 dans ce café ce jour-là.
15 Q. Est-ce que vous auriez reconnu M. Kordic s'il s'était trouvé dans
16 votre café? Si vous l'aviez reconnu, comment l'auriez-vous fait? Pourriez-
17 vous le dire aux Juges?
18 R. Je l'aurais reconnu sans problème. Tout premièrement, parce que M.
19 Dario Kordic a quelque chose de très spécifique sur le plan physionomie.
20 Je le connaissais auparavant, je l'ai vu à la télévision et il est
21 également coiffé d'une façon assez particulière: il a des cheveux coupés
22 très court.
23 Q. Bien. Est-ce que M. Kordic s'est jamais rendu, est jamais allé dans
24 votre bar à quelque moment que ce soit?
25 R. Non, jamais, Dario Kordic, à ma connaissance, ne s'est trouvé à
Page 18315
1 Donja Veceriska, par conséquent il ne s'est pas rendu dans mon café.
2 Q. Encore deux petites questions. Monsieur Drmic, pourriez-vous nous
3 dire si, dans la soirée du 15 avril 1993, M. Mile Vinac se trouvait dans
4 votre café comme l'affirme M. Haskic?
5 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Mile non plus n'était
6 pas ce jour-là dans le café Ravne, alors que Mithat Haskic n'y était pas
7 non plus. Une fois de plus, il s'agit d'une affirmation qui est inexacte.
8 Q. Autre petit détail: à votre connaissance, est-ce que M. Kordic est
9 jamais allé à Donja Veceriska?
10 R. Je vais répéter: à ma connaissance, M. Dario Kordic n'était pas dans
11 le village de Donja Veceriska.
12 Q. Pourriez-vous dire aux Juges, en dire davantage sur Mithat Haskic à
13 l'attention des Juges? Si c'est le cas, que savez-vous de lui?
14 R. Oui, je connais très bien Mithat Haskic. Il avait entre 30 ans, il
15 était un homme d'affaires. Plutôt, il travaillait dans le commerce. Il
16 souffrait d'asthme, c'était un malade pulmonaire et même il n'avait pas le
17 droit de boire. Cela lui arrivait de boire, et quand il en prenait un peu
18 plus, il était capable de provoquer les gens quelque peu.
19 Q. Pouvait-on faire confiance à cet homme, à votre avis? Faites part de
20 votre avis aux Juges, ou est-ce que vous n'avez pas d'avis particulier?
21 R. Eh bien, Monsieur le Président, si vous souhaitez véritablement
22 entendre mon point de vue, à ce moment-là je considère véritablement qu'on
23 ne pouvait pas faire confiance à 100% à cet homme.
24 Q. Vous avez dit qu'il ne se trouvait pas dans votre bar le 15 avril
25 1993 au soir. Comment pouvez-vous en être si sûr?
Page 18316
1 R. J'en suis sûr parce qu'il y a un certain nombre d'événements qui ont
2 suivi et j'y ai réfléchi souvent. Je me suis posé la question de ce qui
3 s'était passé véritablement, en général, à cette époque-là.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez d'un incident où il y a eu des dégâts
5 causés à la maison et au bar au cours du mois qui a précédé le mois où,
6 apparemment, M. Kordic serait allé rendre visite à votre bar?
7 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs. Je me souviens très, très
8 bien de cet incident qui est advenu à peu près un mois avant que le
9 conflit soit déclenché. C'était au cours de la nuit, bien évidemment. Par
10 conséquent, on ne peut pas savoir exactement à quel moment, mais il y
11 avait quelques engins explosifs qui sont tombés sur la maison, sur le
12 café.
13 Il y a un engin qui a explosé devant, sur le parking, devant le bâtiment,
14 et des deux côtés il y a eu des destructions. A droite, les verres ont
15 d'abord été brisés, il y a quelques éclats qui ont laissé des traces.
16 D'autres sont tombés dans une tranchée. Je suis pratiquement sûr qu'il y a
17 des impacts et des traces qui sont visibles aujourd'hui également.
18 Le lendemain matin, nous avons trouvé deux autres engins explosifs qui,
19 heureusement, n'ont pas explosé. Je me dois d'être quelque peu plus
20 concret: il s'agissait en effet des engins qui ont été fabriqués d'une
21 conserve...
22 Q. Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur Drmic. Si l'accusation a
23 des questions à vous poser sur ces détails, eh bien elle pourra le faire.
24 Mais nous, nous pouvons poursuivre parce que je n'ai plus que deux
25 questions à vous poser.
Page 18317
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18318
1 Les Musulmans ont-ils continué à fréquenter votre bar, qu'ils soient de
2 Donja Veceriska ou d'ailleurs, après cet attentat à la bombe en mars 1993?
3 R. En ce qui concerne cet incident, je me dois de dire que, avant, les
4 Musulmans venaient régulièrement dans notre café. Mais après cet incident,
5 ils ne rentraient plus dans notre bar, dans notre café. Je pense que la
6 grande majorité de la population musulmane avait honte et ne voulait pas
7 rentrer dans notre boutique, dans notre bar également.
8 Q. Est-ce que ceci concernait aussi M. Mithat Haskic ou pas?
9 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'était le cas.
10 Q. Je vous remercie, Monsieur le témoin. Monsieur le Président, je n'ai
11 plus de question à poser à ce témoin.
12 M. Mikulicic (interprétation) : Monsieur le Président, Messieurs les
13 Juges, la défense de M. Mario Cerkez n'a pas de question à poser.
14 (Le témoin est contre-interrogé par M. Nice.)
15 M. Nice (interprétation) : Avant le conflit, quel groupe constituait le
16 groupe majoritaire de Donja Veceriska, les Croates ou les Musulmans?
17 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si je connais bien ces
18 données, à ce moment-là je pourrais dire qu'à ce moment-là il y avait un
19 équilibre, moitié/moitié.
20 Q. Se pourrait-il même qu'il y ait eu une majorité musulmane dans ce
21 village avant le conflit?
22 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si éventuellement il y
23 avait quelques chiffres que je ne connais pas, ce n'est pas impossible.
24 Moi, je ne disposais pas de tous les chiffres. Mais, d'un autre côté, il
25 ne faut pas oublier non plus qu'il y avait beaucoup de réfugiés également
Page 18319
1 qui sont arrivés pour s'installer à Donja Veceriska, et quand je parle des
2 réfugiés, je pense à des réfugiés musulmans, les représentants du peuple
3 bosnien.
4 Q. Pourriez-vous nous dire combien il y avait de Musulmans après le
5 conflit à Donja Veceriska? Est-ce qu'il n'y en avait plus?
6 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne connais pas cette
7 donnée.
8 Q. Est-ce que vous pourriez donner le nom de Musulmans qui vivaient là,
9 sitôt après le conflit?
10 R. Je ne saurais pas vous le dire.
11 Q. Pour essayer d'avoir un tableau plus complet de la composition
12 ethnique ou des départs motivés par des raisons ethniques ou des arrivées
13 dans ce village, ce village est à peu près à un kilomètre à l'extérieur de
14 Vitez. Est-ce que, là, nous sommes sur un relief plus en pente? Est-ce
15 que, là, on commence à voir les contreforts des collines à partir de la
16 plaine?
17 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je peux bien également
18 vous présenter ma propre version et vous dire où se situe le village,
19 Donja Veceriska: Donja Veceriska se trouve sur une colline à 4 kilomètres
20 de Vitez, et une partie du village est à la frontière ou à la limite avec
21 Vitezit. Donc c'est un complexe d'usines et, tout de suite à côté, il y a
22 des quartiers qui ont été habités par des Musulmans.
23 Q. C'est une communauté un peu isolée, mais tout à fait visible de la
24 route, j'entends. Et on peut voir également la route principale depuis ce
25 village. Est-ce exact?
Page 18320
1 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Il est vrai de dire
2 qu'il y avait une route principale, mais je ne sais pas si vous pensez à
3 la même route principale. Si vous regardez en provenance de Jardol, à ce
4 moment-là vous voyez le village de Donja Veceriska. C'est pareil également
5 à l'inverse: du village Donja Veceriska, on voit la route nationale, la
6 route principale qui a été construite. Il y a même un périphérique qui
7 contourne la route de Vitez.
8 Q. Evidemment, du fait que ce village est si proche de l'usine des
9 Vitezit, cela a donné au village une importance particulièrement
10 stratégique au HVO. Etes-vous bien d'accord avec cela?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour nous autres,
12 citoyens du village les villageois, le complexe a été d'une importance
13 toute particulière, et ceci pour l'ensemble de la population, car 90 % des
14 villageois travaillaient dans cette usine. C'était pratiquement l'unique
15 source de nos recettes. De mon point de vue, c'était véritablement un
16 complexe qui était extrêmement intéressant où les gens obtenaient un
17 revenu.
18 Q. Je suppose que vous aurez compris ce que je disais lorsque je
19 parlais de l'importance stratégique que revêtait votre village pour le HVO
20 au moment du conflit? Vous reconnaissez que ce village était
21 stratégiquement important pour le témoin.
22 M. le Président (interprétation) : Le témoin n'est pas un soldat, on ne le
23 présente d'ailleurs pas comme tel.
24 M. Nice (interprétation) :Etiez-vous membre du HVO, Monsieur?
25 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
Page 18321
1 Q. Quand avez-vous rejoint le HVO?
2 R. Moi, Branko Drmic, je suis devenu membre du HVO le 25 février 1992.
3 Si vous permettez, ou bien éventuellement, vous allez me poser d'autres
4 questions. J'ai été mobilisé pour la première fois au sein de la Défense
5 territoriale en 1992. Il y avait un département dans lequel j'ai été
6 mobilisé.
7 Q. C'est tout ce que je voulais savoir de votre part. Je vous remercie.
8 Je reviens cependant à la question de la composition ethnique et des
9 comportements entre groupes ethniques au sein du village.
10 Admettriez-vous que, disons vers 1998, si un des Musulmans dont la maison
11 avait été détruite au cours du conflit avait voulu revenir à Donja
12 Veceriska, le climat qui régnait était tel que sa maison serait toujours
13 en cendres avant qu'il ne soit en mesure de rentrer, de réintégrer son
14 foyer? Ceci, même encore en 1998?
15 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je peux dire
16 qu'actuellement, avant que j'arrive ici devant le Tribunal, tous les
17 Musulmans, tous les villageois musulmans sont retournés à Donja Veceriska.
18 La Bosnie-Herzégovine devient peu à peu un Etat de droit. Il y a des
19 institutions qui doivent se charger de combler les lacunes et de surmonter
20 les problèmes ou que ce soit.
21 Q. Pour en terminer sur ce sujet, je vous demanderai ceci: savez-vous
22 où se trouvait la maison, quel est l'endroit où se trouvait la maison
23 auparavant de Nemir Haskic?
24 R. Oui, Monsieur le Président.
25 Q. Est-ce que sa maison a été plastiquée il y a quelques années de
Page 18322
1 cela, peu avant qu'il ne veuille réintégrer cette maison?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si on parle de Nesib
3 Haskic, il avait une maison très vieille de ses parents mais il avait une
4 autre maison qui était en train d'être construite. Il n'y avait que le
5 toit.
6 Au cours de la guerre -je ne connais pas la raison-, mais il est vrai que
7 le toit a été détruit. C'est tout ce que je peux vous dire. Je ne peux pas
8 vous dire plus.
9 Q. Parlons de Mithat, qui est d'ailleurs peut-être le cousin de Nesib.
10 Vous avez dit qu'on ne pouvait pas lui faire vraiment confiance ou
11 totalement confiance. N'hésitez pas, ne soyez pas gêné à dire aux Juges
12 pourquoi vous avez un tel point de vue.
13 R. Déjà, au début de ma déposition, je l'ai dit. J'ai dit qu'il était
14 porté à boire quelque peu de plus. Et s'il buvait trop de verres, il en
15 rajoutait d'autres et, puis, il rajoutait des paroles également pour
16 provoquer les gens. Par conséquent, on ne pouvait pas véritablement lui
17 faire confiance. Ce n'était pas quelqu'un de fiable.
18 Q. En réponse à la question posée par Me Sayers, vous avez dit qu'en
19 fait, il avait des gestes de provocation; il était assez provocant. Mais
20 le fait d'être provoquant ne vous rend pas pour autant une personne à qui
21 on ne peut pas faire confiance.
22 Est-ce parce qu'il avait des paroles qui étaient un peu provocatrices que
23 vous dites qu'on ne pas vraiment tout à fait lui faire confiance?
24 R. Monsieur le Président, je connais très bien Mithat Haskic. Mais en
25 plaisantant, il était capable de vexer, d'offenser un homme. Et si en
Page 18323
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18324
1 plus, il avait bu entre-temps, s'il était sous l'action de l'alcool,
2 c'était pire.
3 Q. Ceci est manifeste et beaucoup l'ont dit, qui sont plus connus que
4 moi. On peut être saoul le soir et, le matin, tout à fait sobre. Quand il
5 était sobre, est-ce qu'il avait des paroles qui provoquaient les autres,
6 qui les vexaient?
7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, malheureusement, il me
8 faut répéter ce que j'ai déjà dit. Il a essayé de pratiquer une sorte
9 d'humour qui, à un moment donné, n'était pas confortable pour la personne
10 en face de lui.
11 Q. S'il était sobre, il n'y avait pas de raison de ne pas lui faire
12 confiance; du moins quand il ne voulait pas faire de l'humour. C'est bien
13 cela?
14 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai dit à quelques
15 reprises, depuis que j'ai commencé ma déposition, ce que j'en pensais, ce
16 que je pensais au sujet de cet homme.
17 Q. Je voudrais votre aide, et je voudrais que vous aidiez les Juges sur
18 d'autres propos qu'aurait tenus Mithat Haskic. Vous ne l'avez plus vu
19 depuis plusieurs années. Est-ce que vous savez s'il est mort?
20 R. Monsieur le Président, si jamais vous me demandiez quelle était
21 l'année où il est mort, je ne saurais pas vous le dire. En revanche, j'ai
22 appris que Mithat Haskic est soi-disant décédé. C'est tout ce je peux vous
23 dire. Mais ce sont les rumeurs, je l'ai entendu dire. C'est tout ce que je
24 peux vous dire.
25 Q. Vous êtes dans les rangs du HVO ou vous étiez dans les rangs du HVO;
Page 18325
1 ce qui veut dire que vous pouvez confirmer le fait que votre café ne
2 servait pas uniquement de café mais aussi de poste de commandement?
3 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le café avant que le
4 conflit soit déclenché, développait les activités normales d'un café. Mais
5 une fois que le conflit s'est déclenché, c'est le département de la
6 Défense qui a en quelque sorte mobilisé tout le bâtiment. Il a servi à
7 l'armée. C'est un bâtiment qui a servi à l'armée.
8 Q. Est-ce que votre café était le seul café du village à l'époque?
9 R. Oui, Monsieur le Président.
10 Q. Est-ce que, depuis, il a été rénové ou reconstruit?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous savez quelles sont
12 les conditions dans lesquelles, en général, nous vivons dans cet espace.
13 Plus particulièrement en Bosnie-Herzégovine, l'inventaire est tel qu'il a
14 été, on travaille quelque peu, mais pas beaucoup.
15 Q. Votre café, est-ce que qu'il a subi des rénovations? Aurait-il été
16 reconstruit au cours de ces dernières années ou cela n'a-t-il pas été le
17 cas?
18 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on a tout simplement
19 placé des vitres et on a peint l'intérieur les locaux. Sinon, on n'a pas
20 fait d'autres constructions.
21 Q. Je dispose d'une photographie récente, de quelque chose qui
22 ressemble à un café à Donja Veceriska. Il se peut que ceci nous montre
23 l'aspect qu'avait ce bâtiment, mais il se pourrait que ce soit la
24 photographie d'un objet tout à fait différent.
25 Dites-moi si cette photographie représente votre café ou pas?
Page 18326
1 R. Effectivement, il s'agit de la photographie du café. Mais cette
2 partie qui a été rajoutée est de l'extérieur. Il n'y a que la terrasse qui
3 est couverte. Et quand vous m'avez posé la question, c'était tout
4 simplement pour moi la question de vous dire si, à l'intérieur,
5 éventuellement, nous avons reconstruit cet espace.
6 Q. Veuillez poser l'autre photographie sur le rétroprojecteur, monsieur
7 l'huissier. Ici, nous avons un angle de vue qui est celui depuis un
8 véhicule en marche qui longe le café, le café se trouvant à ma droite.
9 Est-ce que, là, ce bâtiment a la même taille que la taille que le café
10 avait au moment des événements en 1993?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la surface du café était
12 de 80 m2. En ce moment, moi-même, Branko Drmic, si vous regardez la
13 photographie à gauche, j'ai une boutique de commerce; alors que mon frère,
14 Franjo Drmic, a son café dont il est propriétaire tout seul. Depuis trois
15 ans, c'est l'état nouveau dans lequel nous vivons.
16 Q. Je crois que cette photographie est fort utile. Elle porte la cote
17 2820.1, et je pense que la cote de la photographie précédente était 2820.
18 M. le Président (interprétation) : Voulez-vous la verser au dossier?
19 M. Nice (interprétation): Ce qui m'intéresse, c'est la taille du bâtiment.
20 M. le Président (interprétation) : Maître Sayers?
21 M. Sayers (interprétation): Pas d'objection.
22 M. le Président (interprétation) : La pièce est versée au dossier.
23 M. Nice (interprétation): Maintenant, nous voyons la taille de ce
24 bâtiment. Cela veut dire que vous pouviez fort bien y abriter le personnel
25 du HVO pendant le conflit; ce que vous avez d'ailleurs fait régulièrement,
Page 18327
1 n'est-ce pas?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai dit qu'avant le
3 déclenchement du conflit, le café était un café tout simplement. Et il y a
4 un certain nombre de documents qui prouvent à quel moment le café est
5 passé à la disposition du HVO et, à partir de quel moment, on me l'a de
6 nouveau restitué.
7 Q. Quand vous avez expliqué les circonstances qui vous ont permis de
8 dire que Mithat Haskic n'était pas dans le café cette nuit-là du 15 avril,
9 vous avez dit: "J'y ai réfléchi". Je voudrais savoir quand vous avez eu
10 des raisons de penser à cette nuit en particulier, et à la question de
11 savoir si cette nuit-là, M. Haskic avait fréquenté votre bar.
12 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avec les membres de ma
13 famille, avec des amis également, nous avons analysé à plusieurs reprises
14 le déroulement des événements. Et comme quelqu'un qui a accès sur les
15 affaires, sur le business, j'ai tout simplement conclu qu'une grande
16 catastrophe a touché l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine.
17 Q. Quand avez-vous dû repenser à cela pour la première fois puisque,
18 manifestement, vous l'avez fait? Vous venez de le dire. Quand avez-vous
19 repensé à la nuit du 15 avril et à la question de savoir si, cette nuit-
20 là, M. Haskic était dans votre café ou pas? Quand avez-vous commencé toute
21 cette analyse mentale?
22 R. Je l'ai déjà dit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y a
23 des choses qui vous marquent et vous n'oubliez plus jamais ce qui s'est
24 passé. Par conséquent, j'ai été marqué par tout ce qui s'est passé et je
25 ne peux pas perdre la mémoire de ces événements.
Page 18328
1 Q. Excusez-moi d'insister. Est-ce qu'il y a eu quelque chose le
2 15 avril qui a donné à cette journée quelque chose de tout à fait
3 particulier par rapport au 14, au 13 ou au 12? Qu'est-ce qu'il y a eu ce
4 soir-là qui s'est gravé dans votre mémoire?
5 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne sais pas comment
6 vous expliquer d'une manière simple. Un certain nombre de choses qui se
7 sont passées et qui pour moi avaient de l'importance, on est obligé de les
8 retenir et de ne pas les oublier. Par exemple, la naissance de votre
9 enfant, la date de votre mariage ou bien des choses qui, éventuellement,
10 peuvent avoir un aspect négatif comme c'était le jour qui a précédé le
11 conflit.
12 Q. Je comprends bien que ce jour-là n'ait pas revêtu d'importance ce
13 jour-là, mais plutôt par la suite, à la suite des événements. Est-ce qu'il
14 s'est passé ce soir-là quelque chose de plus particulièrement important
15 qui fait que vous vous en souvenez plus précisément que d'autres nuits?
16 R. Je l'ai répété à plusieurs reprises, Monsieur le Président,
17 Messieurs les Juges. Je ne sais pas comment vous donner la réponse à cette
18 question, comment m'y prendre?
19 Q. Je peux peut-être vous aider. En fait, si vous vous souvenez du
20 15 avril, c'est peut-être parce que ce fut la journée ou une des journées
21 au cours desquelles la population croate était évacuée de votre village,
22 avant le conflit. Alors pourquoi des civils croates seraient-ils évacués
23 avant qu'un conflit ne se produise?
24 R. Monsieur le Président, ce n'est absolument pas exact. Je vais vous
25 dire tout simplement que ma famille -ainsi que beaucoup d'autres familles
Page 18329
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18330
1 croates-, n'avait pas été évacuée. Si c'est nécessaire, je peux également
2 vous donner des raisons différentes pour lesquelles nous ne l'avons pas
3 fait ou pour lesquelles certains l'ont fait. Il y avait le pilonnage de
4 l'ex-JNA, et notamment en ce qui concerne le complexe Vitezit où ma
5 famille a quitté deux fois notre foyer. Ils sont partis en Croatie pour
6 s'abriter alors que, par la suite, ils ne voulaient même pas partir. Le
7 jour dont il est question, ils sont restés chez nous.
8 Q. Mais d'autres familles croates étaient parties. Elles étaient
9 parties parce qu'elles avaient reçu un avertissement qui leur suggérait de
10 partir, n'est-ce pas?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je pourrais vous
12 rappeler tout simplement que, avant le début du conflit, il y avait toute
13 une série d'incidents qui se sont produits: il y avait l'enlèvement de
14 Zifko Totic; il y avait également son escorte qui a été tuée, une partie
15 de ceux qui l'accompagnaient.
16 Par conséquent, je pense qu'il y en a qui traitent un problème d'une façon
17 et d'autres de l'autre. Il y en a qui sont plus prudents et d'autre moins
18 prudents lorsqu'ils réfléchissent sur quelque chose.
19 Q. Vous avez dit qu'une famille avait pris la fuite et est allée
20 jusqu'en Croatie. Pourquoi aller en Croatie?
21 R. Eh bien, Monsieur le Président, c'est tout simplement parce qu'il y
22 avait un climat d'insécurité qui régnait en Bosnie-Herzégovine, et
23 notamment dans cette partie de la Bosnie, je parle de la Bosnie centrale.
24 Vous n'êtes pas sans savoir que la guerre a commencé dans une autre ville.
25 Ensuite, cette guerre se propageait et allait d'une ville à l'autre. Il y
Page 18331
1 avait des personnes qui pensaient que leur ville allait rester intacte et,
2 malheureusement, ceux qui le croyaient ont été victimes par la suite.
3 Q. Je passe à autre chose, et je voudrais que vous me donniez votre
4 réponse définitive sur cette question. Est-ce qu'on voit bien votre bar ce
5 soir-là dans ce petit village? Est-ce que beaucoup de Croates étaient
6 partis, des Croates civils, alors qu'il y avait beaucoup de soldats du HVO
7 dans votre bar? Si l'on dressait le décor de cette nuit-là, est-ce de
8 cette façon-là qu'il faudrait le faire?
9 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, comme tout autre jour,
10 le 15 avril était une journée de travail. Il n'y avait rien d'étrange que
11 j'ai remarqué.
12 Q. Si c'est bien ce que vous nous dîtes, que ce n'était qu'une journée
13 comme une autre, un jour de travail comme un autre, alors je vous repose
14 la question que je vous avais posée au départ: pourquoi vous souvenez-vous
15 si bien de ce soir-là et de Mithat Haskic? Est-ce que vous allez
16 simplement me répondre que, voilà, vous vous souvenez de cela, tout
17 simplement?
18 R. Monsieur le Président, je pensais vous m'aviez bien compris. J'ai
19 dit qu'il y avait des engins explosifs qui ont été fabriqués de manière
20 artisanale et que, depuis cet incident, plus aucun villageois musulman ne
21 rentrait dans mon café.
22 Q. Vers 2 heures du matin, aux premières heures du 16 avril, où vous
23 trouviez-vous?
24 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'étais chez moi, dans
25 ma maison, je dormais.
Page 18332
1 Q. Qu'est-ce qui vous a réveillé?
2 R. A 2 heures, rien ne m'a réveillé.
3 Q. Vous voulez dire qu'il n'y a eu aucune attaque au cours des
4 premières heures du 16 avril?
5 M. Sayers (interprétation) : Je crois que ceci dépasse le type de
6 questions que j'ai posées, je n'ai pas du tout posé de questions de ce
7 genre. Mes questions étaient vraiment limitées à quelques sujets bien
8 précis.
9 M. le Président (interprétation) : Peu importe ici, parce que ceci
10 intervient pour déterminer la crédibilité du témoin. Nous aimerions savoir
11 ce qui s'était passé un peu de temps auparavant.
12 M. Nice (interprétation) : Vous dites qu'il n'y a eu aucune attaque le
13 matin du 16 avril?
14 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous venez de me poser
15 une question. Vous me posez la question au sujet du 16 avril au soir. J'ai
16 dormi chez moi et, le 16 au matin, j'ai entendu quelques rafales. A ce
17 moment-là, je me suis dit qu'éventuellement il y avait quelqu'un qui s'est
18 saoulé, qui a tiré en l'air.
19 Mais ensuite, il y avait des événements qui se sont suivis très vite et, à
20 6 heures du matin, avec les membres de ma famille, je suis parti ou, en
21 d'autres termes, j'ai évacué ma famille.
22 Q. Vous étiez membre du HVO. En cette qualité, je suppose que si ce
23 n'est pas ce soir-là, peu de temps après vous auriez appris ce qui s'était
24 passé. Est-ce que, par hasard, cette nuit-là vous auriez entendu parler ou
25 auriez-vous vu de vos propres yeux ce qui passait depuis votre maison, ce
Page 18333
1 qui passait à quelques mètres à peine de votre maison?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, tout d'abord je dois
3 dire que, au cours de la nuit, je n'ai rien remarqué, rien qui
4 éventuellement m'aurait dit qu'il y avait quelque chose de spécial qui se
5 préparait.
6 Q. Vous avez donc entendu deux explosions, en tout cas du bruit. Après
7 cela, est-ce que vous avez passé un coup de fil à quelqu'un ou est-ce que
8 vous avez reçu un appel de quelqu'un?
9 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, non. Je n'ai pas appelé
10 qui que ce soit et personne ne m'a appelé.
11 Q. Vous n'aviez pas de raison de penser qu'on aurait coupé votre ligne
12 de téléphone?
13 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai appelé personne
14 et personne ne m'a appelé, je viens de le préciser.
15 Q. Mais depuis, vous avez parlé à des gens. Il n'y a pas de raison de
16 penser que, cette nuit-là, les lignes de téléphone des Croates aient été
17 coupées, ou y avait-il des raisons de le penser?
18 R. A ma connaissance, ce n'était pas le cas, les lignes téléphoniques
19 n'étaient pas en panne.
20 Q; Dans cette déclaration où M. Mithat Haskic parle de ce qu'il avait
21 vu dans votre café, il dit avoir compris que sa ligne téléphonique avait
22 été coupée et qu'il a dû se déplacer à pied de maison en maison. Est-ce
23 que les Juges auraient quelque raison de mettre en doute l'exactitude de
24 ce segment-là de sa déclaration?
25 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'avoue que je suis
Page 18334
1 ignorant dans le cas concret, je ne connais pas ces données.
2 Q; Le défunt Mithat Haskic dit dans sa déclaration avoir vu 5 soldats
3 dans la cour de son frère vers 2 heures et demie: Franjo Sapina ainsi
4 qu'un certain Kano ou Cano, fils d'Anto, ainsi que deux hommes originaires
5 de Mosunj. Est-ce que les Juges auraient quelque raison de douter de cela?
6 Ou pourriez-vous, au contraire, apporter la confirmation de cette
7 observation?
8 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ignore cette donnée.
9 Q. Il poursuit toujours dans sa déclaration par une explication. Il
10 explique comment son frère a été abattu, sans doute par cet homme
11 répondant au nom de Franjo Sapina?
12 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ignore complètement
13 cette information.
14 Q. Vous avez été réveillé. Est-ce que vous vous êtes approché de la
15 fenêtre pour regarder dehors ou quoi?
16 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ma maison se trouve près
17 de l'immeuble dont il a été question, de ce café, à une dizaine de mètres
18 derrière. Et puis, pour moi c'était plus facile de sortir de la porte
19 annexe, donc je regagne d'abord le jardin.
20 Q. Certains de ces détails sont peut-être inutiles, si c'est le cas.
21 Mais qu'êtes-vous en train de nous dire: que vous n'avez rien vu de ce qui
22 s'est passé et ceci pendant toute la nuit, et que vous avez été en mesure,
23 le lendemain matin, d'évacuer votre famille alors que vous ne saviez
24 toujours rien des événements de la nuit et que, jusqu'à ce jour, vous êtes
25 resté dans l'ignorance de ce qui s'était passé cette nuit-là?
Page 18335
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18336
1 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai rien remarqué
2 d'inhabituel au cours de la nuit en question.
3 Q. Rien d'inhabituel? Mais qu'est-il advenu des maisons musulmanes à
4 Donja Veceriska au moment du conflit, le 16 avril 1993? Qu'est-il arrivé à
5 ces maisons appartenant aux Musulmans?
6 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le matin quand j'ai
7 entendu des tirs et des explosions, en 15, 20 minutes, j'ai compris que
8 les Musulmans nous ont attaqués. Et tout premièrement, j'ai évacué ma
9 famille.
10 Q. Je vois. C'était simplement une attaque menée par les Musulmans.
11 R. Oui.
12 Q. Et puisque vous avez compris que c'était une attaque déclenchée par
13 les Musulmans, pouvez-vous nous expliquer comment il se fait que le frère
14 de Mithat Haskic a été tué? Il se peut même qu'il ait été égorgé.
15 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ignore complètement
16 cette donnée.
17 Q. Vous ne le saviez pas à l'époque et vous ne le savez toujours pas
18 aujourd'hui?
19 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, après un certain temps,
20 et je dois dire que je suis très triste d'avoir appris qu'il y avait des
21 victimes, que ce soit des gens qui appartenaient à un groupe ethnique ou
22 l'autre, j'ai appris également qu'il y avait des victimes parmi les
23 Musulmans, dans le peuple bosniaque.
24 Q. Quand vous l'avez appris, pourriez-vous nous dire comment cela s'est
25 passé? Et si cela ne s'est pas passé comme cela, et s'ils ne l'ont pas
Page 18337
1 fait, c'est parce qu'ils étaient attaqués par le HVO?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est quelque chose que
3 je ne connais pas. Par conséquent, je ne peux pas en faire des
4 commentaires.
5 Q. Nous avons parlé de plusieurs maisons, mais en particulier d'une
6 maison, de celle qui est d'un parent de Mithat. Celle-là, elle a été
7 vraiment détruite à l'explosif par une bombe placée cette nuit-là. Et vous
8 voulez vraiment dire aux Juges que vous n'aviez aucunement connaissance de
9 tout cela?
10 R. Oui, je n'étais pas au courant. Je n'étais pas au courant du tout.
11 Q. Vous ne savez rien du pilonnage dirigé contre ce village plus tard,
12 dans la nuit?
13 R. Je n'entends plus la traduction. Excusez moi.
14 Q. Je parlais du pilonnage du village, cette nuit-là.
15 R. Non, Monsieur le Président.
16 Q. Mais je vais vous dire la vérité, c'est la vérité que Mithat Haskic
17 a décrite dans sa déclaration. Vous le savez sans doute. La vérité c'est
18 que dans la soirée du 15 avril, il y a eu un rassemblement des soldats du
19 HVO, ce qu'ils faisaient régulièrement. Et c'est une vérité que vous ne
20 voulez pas confier à cette Chambre. Est-ce exact?
21 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il y avait la montée de
22 tension qui était due à un certain nombre d'incidents. On était déjà
23 habitué à voir les soldats bosniaques et les représentants de l'armée
24 croate. C'était quelque chose qui était quotidien.
25 Q. Vous n'avez vraiment répondu à ma question. Parce que dans votre
Page 18338
1 café, et vous l'avez vous-même dit, les seules personnes que l'on puisse
2 espérer, c'étaient des soldats du HVO. Alors, maintenant, allez-vous
3 reconnaître qu'il y avait des soldats chez vous, dans ce café? S'il y
4 avait des soldats, étaient-ils du HVO?
5 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une fois de plus, je
6 maintiens ce que j'ai dit et ce que j'ai affirmé. Il y avait un nombre
7 habituel d'invités dans mon café. C'était le cas également auparavant. Il
8 n'y avait rien d'inhabituel.
9 Q. Kordic était là-bas. Il a passé un moment dans votre café avec un
10 monsieur répondant au nom de Vinac. Eh bien, Kordic lui a rendu un
11 service. Tout simplement, il était assez proche de lui, n'est-ce pas vrai?
12 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai déjà répondu à
13 cette question. Non, Kordic n'était pas dans mon café, pas plus que Mile
14 Vinac.
15 Q. Et Ivica Drmic, qu'en est-il de lui?
16 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Ivica Drmic était l'un
17 des membres du HVO. A cette époque-là, il était commandant d'une
18 compagnie.
19 Q. En répondant de la sorte, vous dites qu'il était dans votre café ou
20 qu'il n'y était pas? Ou bien ne le savez-vous pas?
21 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne peux pas me
22 rappeler le nom de toutes les personnes qui se trouvaient là. Si cela
23 était le cas, je serais un ordinateur.
24 Q. Donc Ivica, il est possible qu'il ait été présent?
25 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cela signifie que vous
Page 18339
1 faites une supputation mais, pour ma part, je ne peux pas répondre à cette
2 question.
3 Q. Ce que je vous dis, pour ma part, c'est qu'Ivica Drmic était
4 présent. En outre, il communiquait régulièrement avec Kordic, qu'en fait,
5 il lui transmettait des feuilles de papier avec des renseignements. En
6 tant que commandant de compagnie, il pouvait avoir accès à cette
7 information, n'est-ce pas?
8 M. le Président (interprétation): En fait, c'est un commentaire que vous
9 faites, monsieur. Je crois que nous avons entendu la réponse du témoin.
10 M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président, merci. J'en ai
11 terminé avec mes questions.
12 M. Sayers (interprétation): Je n'ai pas de questions supplémentaires pour
13 ce témoin.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Drmic, merci d'être venu devant
15 le Tribunal international pour présenter votre déposition. Vous pouvez
16 maintenant vous retirer.
17 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
18 M. Naumovski (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le
19 Président. Nous avons un nouveau témoin, M. Mile Vinac. Je crois savoir
20 qu'il ne lui faudra que quelques instants pour pénétrer dans le prétoire.
21 M. le Président (interprétation): Maître Naumovski, nous poursuivrons
22 l'interrogatoire jusqu'à 16 heures 10. Je vous le dis de façon à ce que
23 vous puissiez vous organiser à votre convenance.
24 M. Naumovski (interprétation): Monsieur le Président, je crois que
25 s'agissant de l'interrogatoire principal, j'en aurai même terminé avant.
Page 18340
1 Nous sommes à votre disposition, mais nous n'avons pas de nombreux témoins
2 dans les deux jours à venir, donc je crois que nous n'aurons pas de
3 problème de temps.
4 (Audience publique)
5 (Le témoin, M. Mile Vinac, est introduit dan le prétoire.)
6 (Le témoin est interrogé par M. Naumovski.)
7 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, vous pouvez
8 prononcer la déclaration solennelle.
9 M. Vinac (interprétation): Monsieur le Président, je déclare
10 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
11 vérité.
12 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.
13 M. Naumovski (interprétation): Monsieur Vinac. Nous pouvons commencer
14 l'interrogatoire. Je vous demanderai de décliner votre identité complète.
15 R. Mile Vinac.
16 Q. Monsieur Vinac, vous êtes né le 3 juillet 1960 dans le village de
17 Veceriska, n'est-ce pas?
18 R. C'est exact.
19 Q. Les Juges ont déjà entendu dire qu'il s'agissait d'un village
20 relativement proche de la ville de Vitez. Pouvez-vous nous dire la chose
21 suivante: vous avez bien terminé vos études primaires à Vitez, et vos
22 études secondaires à Travnik?
23 R. Oui.
24 Q. Et de profession, vous étiez ingénieur électromécanique?
25 R. C'est exact.
Page 18341
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18342
1 Q. Vous êtes marié et vous avez quatre enfants, n'est-ce pas?
2 R. Oui.
3 Q. Aujourd'hui, tous les membres de votre famille vivent avec vous dans
4 le village?
5 R. C'est exact.
6 Q. Avant le début de la guerre civile, en Bosnie-Herzégovine, vous
7 étiez, tout comme une majorité de vos concitoyens, employé par l'usine
8 Princip Selo de Vitez?
9 R. C'est exact.
10 Q. Pour que les Juges ne fassent pas la confusion, cette usine
11 s'appelait par le passé Vitezit, n'est-ce pas?
12 R. C'est exact.
13 Q. De nationalité, vous êtes croate de Bosnie-Herzégovine; de religion,
14 vous êtes catholique romain et vous êtes citoyen de Bosnie-Herzégovine,
15 n'est-ce pas?
16 R. C'est exact.
17 Q. Je vous demanderai, pour les interprètes, puisque nous parlons la
18 même langue, de ne pas vous presser exagérément pour répondre à mes
19 questions. Suite à tous ces éléments, je conclurai en disant que vous êtes
20 aujourd'hui officier de métier?
21 R. C'est exact.
22 Q. Vous avez le grade de capitaine dans l'armée de Bosnie-Herzégovine?
23 R. C'est exact.
24 Q. Et aujourd'hui vous travaillez à Vitez?
25 R. C'est exact.
Page 18343
1 Q. Encore une question au sujet de votre situation personnelle,
2 monsieur, vous avez un surnom. Comment certains vous appelaient-ils dans
3 le village?
4 R. Eh bien oui, j'ai un surnom. Ce surnom est Prco.
5 Q. Très bien, merci. Les juges de cette Chambre ont déjà entendu quelle
6 était la situation du village par rapport à l'usine Slobodan Princip Selo,
7 nous n'avons pas besoin d'y redevenir. Les Juges ont également entendu
8 quelle était la population approximative du village et comment cette
9 population se répartissait en Croates, en Musulmans et autres
10 nationalités. Je suppose que vous savez que dans le village, le nombre des
11 Musulmans était supérieur aux Croates. C'est un fait, n'est-ce pas?
12 R. Oui, c'est exact.
13 Q. Merci. Comme nous l'avons dit, il y a quelques instants, monsieur
14 Vinac, vous avez quatre enfants?
15 R. Oui.
16 Q. Votre premier enfant est né en 1984, n'est-ce pas?
17 R. Oui, le 20 mai 1984.
18 Q. Votre fille a été baptisée, qui était la marraine de votre première
19 fille?
20 R. Kata Vinac, née Tokla Povic.
21 Q. Merci. Votre deuxième enfant, c'est votre seul fils, il s'appelle
22 Mario. Il est bien né le 27 octobre?
23 R. Oui, il est né le 27 octobre 1985.
24 Q. Il a aussi été baptisé après sa naissance et qui était son parrain?
25 R. Marijan Stepo de la municipalité de Vitez.
Page 18344
1 Q. C'est le seul parrain de cet enfant?
2 R. Oui.
3 Q. Très bien, après votre fils Mario, vous avez eu une fille, Marija,
4 quand est-elle née?
5 R. Elle est née le 21 juin 1990.
6 Q. Monsieur le Président, j'aimerais présenter un document, c'est un
7 certificat très court qui porte sur le baptême du troisième enfant du
8 témoin, sa fille Marija. Il s'agit d'un document qui émane de Vitez, de la
9 paroisse de Vitez, du bureau de l'archevêché. C'est un certificat de
10 naissance concernant Marija Vinac.
11 Mme Ameerali (interprétation): Le document côté est enregistré sous la
12 cote D213/1.
13 M. Naumovski (interprétation): Monsieur Vinac, ce document est relatif au
14 baptême de votre fille, Marija. En quelle année a eu lieu ce baptême? Vous
15 avez sous les yeux l'original, vous pouvez jeter un coup d'oeil?
16 R. Elle a été baptisée le 11 août 1990 à Vitez. La marraine de ma
17 fille, Marija, était Zeljka Santic, née Papic. C'est le père Leon Mikic
18 qui officiait dans l'église. C'est ce prêtre qui a baptisé ma fille ce
19 jour-là, le 11 août 1990.
20 Q. Un mot encore dans l'intérêt des Juges, une information que
21 j'aimerais communiquer au Président et aux Juges de cette Chambre. Le
22 prêtre dont il vient d'être question est l'un des deux prêtres qui a été
23 tué en 1992.
24 Votre quatrième enfant, Lucija, est née après la guerre, n'est-ce pas?
25 R. Oui, ma troisième fille est née le 24 avril 1998. Elle s'appelle
Page 18345
1 Lucija.
2 Q. Et qui est sa marraine?
3 R. Sa marraine est Dragica Stosic de Busovaca.
4 Q. Il semble qu'il y ait une erreur au compte rendu d'audience en
5 anglais. Lorsque j'ai parlé du prêtre, j'ai parlé de la date de
6 novembre 1993 et non pas de novembre 1992. Je viens de vous demander,
7 Monsieur, à quel moment vos enfants sont nés et quand ils ont été
8 baptisés. J'en arrive maintenant à la question suivante: en 1992, en 1993,
9 vous n'aviez pas d'enfant à baptiser, car tous étaient baptisés, n'est-ce
10 pas?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, non.
12 Q. Dites-nous, je vous prie, si M. Kordic a jamais été le parrain de
13 l'un quelconque de vos enfants ou s'il a exercé ces fonctions d'une
14 manière ou d'une autre?
15 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Kordic n'a jamais été
16 le parrain d'un de mes enfants de quelque façon que ce soit.
17 Q. Dites-nous, je vous prie, M. Kordic a-t-il jamais été l'hôte de
18 votre foyer dans le village de Veceriska?
19 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Kordic n'a jamais été
20 invité chez moi, à la maison, et il n'est jamais venu non plus à Donja
21 Veceriska. En tout cas, moi, je ne l'ai pas vu.
22 Q. Monsieur Kordic était une personnalité bien connue et le village est
23 assez petit, donc s'il était venu à quelque moment que ce soit, est-ce que
24 vous auriez dû le savoir?
25 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si M. Kordic était venu
Page 18346
1 à Donja Veceriska, je l'aurais certainement su. J'en aurais entendu
2 parler, or, il n'est jamais venu; en tout cas, je n'en n'ai jamais entendu
3 parler. En tout cas, je ne l'ai pas vu non plus dans le village.
4 Q. Nous rendons le travail un peu difficile aux interprètes, je vous
5 redemande donc de ne pas répondre immédiatement aux questions que je vous
6 pose, et de ménager une pause. Monsieur Vinac, votre nom a été mentionné
7 au cours de procès, avant même que vous ne veniez déposer en tant que
8 témoin. Vous connaissez la déclaration du témoin Mithat Haskic?
9 R. Oui.
10 Q. Dans cette déclaration, il affirme que, le 15 avril 1993, dans le
11 café de l'un des frères Drmic, et nous venons d'entendre un des frères
12 Drmic, en qualité de témoin, vous-même en compagnie de M. Kordic fêtiez le
13 baptême de l'un de vos enfants?
14 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cette information est
15 inexacte. Ce jour-là, le 15 avril, j'étais au travail à Vitez, dans le
16 district militaire de Vitez.
17 Q. Aviez-vous une fête familiale? Il affirme qu'il s'agissait de l'un
18 de vos fils et que c'était son anniversaire?
19 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'étais pas dans ce
20 café ce jour-là et il n'y avait aucune fête. Je suis rentré à la maison
21 aux alentours du 11 heures du soir. Je n'étais pas dans le café et M.
22 Kordic, ce jour-là, n'était absolument pas à Donja Veceriska et,
23 d'ailleurs, il n'y est venu à aucun autre moment non plus.
24 Q. Pour que les choses soient tout à fait claires, vous-même, seul ou
25 en compagnie de M. Kordic, étiez-vous dans le café d'un des frères Drmic à
Page 18347
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18348
1 Donja Veceriska, le 15 avril 1993?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai jamais été avec
3 M. Kordic dans le café de Branko et Franjo Drmic et je n'ai pas non plus
4 reçu M. Kordic en tant que visiteur dans ma maison.
5 Q. Nous venons de parler de M. Mithat Haskic, je suppose que vous le
6 connaissiez? C'était l'un de vos concitoyens?
7 R. Oui, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je connaissais
8 M. Mithat Haskic. Il est mort aujourd'hui, qu'il repose en paix mais je le
9 connaissais personnellement.
10 Q. Vous savez donc qu'il est mort?
11 R. Oui, j'ai su qu'il était mort et il est enterré à Donja Veceriska.
12 Q. Très bien. Vous venez de dire que vous le connaissiez. Vous avez
13 donc vécu des années dans le même village. Pouvez-vous nous dire ce qui le
14 caractérisait? Etait-il malade? Y avait-il quelque chose de particulier
15 qui le caractérisait?
16 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je connaissais le défunt
17 Mithat Haskic. Il aimait boire. C'était un commerçant et quand il avait un
18 peu bu, il appréciait de raconter des histoires.
19 Q. Que voulez-vous dire?
20 R. Quand on boit un peu trop, il est possible que l'on raconte des
21 choses qui ne sont pas tout à fait vraies, mais je répète, je redis :
22 "Paix à son âme".
23 Q. Vous ai-je bien compris? Qu'est-ce que cela veut dire, à votre avis?
24 Est-ce qu'il n'était pas digne de confiance dans cette déclaration?
25 R. Pour moi, c'est un mensonge complet cette histoire qu'il a racontée,
Page 18349
1 selon laquelle M. Kordic aurait été un parrain d'un de mes enfants et
2 qu'il était ce soir-là, le 15 avril, à Donja Veceriska.
3 Il a raconté des choses qui ne sont pas la vérité, c'est un mensonge, ce
4 qu'il a raconté.
5 Q. Je parlais de façon générale, pas seulement en rapport avec ce
6 détail.
7 R. De façon générale, il était connu dans le village. On savait qu'il
8 aimait raconter toutes sortes de choses et, par ailleurs, pour autant que
9 je le sache, il était malade, il avait de l'asthme, il avait un problème
10 au poumon, ce genre de chose.
11 Q. Merci. Monsieur Vinac, il y a pas mal d'habitants qui ont le même
12 nom de famille que vous. Vous êtes parents de tous ces Vinac de près ou de
13 loin. J'aimerais vous interroger au sujet de Dragan Vinac. Savez-vous si
14 Dragan Vinac, ou d'ailleurs l'un quelconque des membres de votre famille,
15 de près ou de loin, a-t-il jamais été chauffeur de M. Dario Kordic ou a-t-
16 il travaillé dans un bureau aux côtés de M. Dario Kordic ou a-t-il escorté
17 M. Dario?
18 R. Aucun des Vinac, pas plus Dragan Vinac qu'un autre Vinac n'a jamais
19 été membre de l'escorte de M. Dario Kordic ou le chauffeur de M. Kordic.
20 Q. Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mes questions. Je vous
21 remercie, Monsieur Vinac.
22 M. Mikulicic (interprétation) : La défense de M. Cerkez n'a pas de
23 question à adresser à ce témoin.
24 (Contre-interrogatoire de M. Nice.)
25 M. Nice (interprétation) : Vous apparteniez à quelle unité du HVO?
Page 18350
1 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'étais membre à cette
2 époque-là, en juillet 1992 et ce, jusqu'au mois de juin. J'étais membre de
3 l'état-major municipal de Vitez qui organisait la défense de Vitez. Par la
4 suite, j'ai été transféré au district militaire de Vitez, c'est-à-dire
5 dans la zone opérationnelle.
6 Q. Nous avons entendu les dénominations d'un certain nombre d'unités
7 basées à Vitez. A quelle unité exactement apparteniez-vous?
8 R. J'appartenais à la zone opérationnelle.
9 Q. Connaissez-vous la dénomination Vitezovi?
10 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je connais cette
11 dénomination.
12 Q. Quels rapports aviez-vous avec cette unité ou avec celui qui la
13 dirigeait à savoir Kraljevic?
14 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le rapport que j'avais
15 avec les membres des Vitezovi était inexistant, absolument inexistant.
16 Q. Qu'en est-il de la brigade Viteska? Quel était votre rapport avec
17 cette brigade-là?
18 R. Non, je n'ai jamais eu le moindre rapport avec cette brigade dont je
19 n'étais pas membre.
20 Q. Vous apportez cette réponse avec la même énergie que la réponse que
21 vous avez apportée s'agissant des Vitezovi. Vous êtes tout à fait clair en
22 disant que vous n'avez jamais été membre de l'un ou l'autre de ces
23 groupes.
24 R. Je n'étais membre ni des Vitezovi ni de la brigade de Vitez.
25 Q. Avez-vous un autre prénom que Mile, je ne parle pas d'un surnom?
Page 18351
1 Avez-vous un autre prénom donné par votre famille autre que Mile?
2 R. J'ai un surnom, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je l'ai
3 déjà dit.
4 Q. Mais je ne sais pas, est-ce que le système des prénoms dans votre
5 pays consiste à donner plusieurs prénoms à un enfant et, si tel est le
6 cas, avez-vous un deuxième prénom?
7 R. Non, il y a des surnoms.
8 Q. Vous l'avez sans doute déjà dit, mais quel est votre surnom?
9 R. Mon surnom était Prco.
10 Q. Vous êtes bien né en 1960?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est exact.
12 Q. Et le prénom Nike a-t-il un rapport quelconque avec vous? Mile Nike
13 Vinac, est-ce bien vous?
14 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Niko Vinac, c'est mon
15 père.
16 Q. Par conséquent, Nike signifie probablement le fils de, ou quelque
17 chose comme cela, n'est-ce pas? Et donc votre nom complet est Mile Nike
18 Vinac?
19 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est exact.
20 Q. Je reviendrai sur ce point dans quelques instants. Vous avez parlé
21 de la fiabilité de Mithat Haskic et j'aimerais vous interroger sur ce
22 point plus en détail.
23 Que pouvez-vous dire au sujet du fait qu'il proférait des mensonges, je
24 vous prie? Et ne vous sentez pas gêné par le fait que cet homme soit
25 décédé, nous avons tous à traiter de ce genre de chose de temps en temps.
Page 18352
1 Dites ce que vous souhaitez dire avec toute l'énergie nécessaire quant aux
2 mensonges qu'il formulait?
3 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Mithat Haskic disait
4 des contrevérités. Tout ce qu'il a dit était une contrevérité, ce n'était
5 pas exact.
6 Q. Nous avons une déclaration émanant de lui qu'il a faite sur ce genre
7 de sujet mais, de façon générale, dans le village, pouvez-vous nous dire
8 jusqu'où il allait dans la contrevérité?
9 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cet homme, où qu'il
10 aille, s'il avait un peu bu, avait tendance à raconter des histoires. Et
11 d'ailleurs pas seulement dans le village mais dans toute la région.
12 Q. Des histoires un peu drôles, comme par exemple le fait qu'il aurait
13 pris un poisson plus gros que celui qu'il avait réellement pêché. Ou bien
14 des histoires moins drôles comme, par exemple, des ragots au sujet de
15 telle ou telle personne? Dites-nous exactement de quoi il s'agit?
16 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, quand il avait un peu
17 bu, il racontait toutes sortes de choses.
18 Q. Ecoutez, rentrons dans le détail. C'est bien seulement après
19 quelques verres que sa propension à dire des choses qui n'étaient pas
20 exactes pouvait être détectée, n'est-ce pas?
21 R. Oh, dans pas mal de circonstances, il lui arrivait –y compris s'il
22 n'avait pas bu– parfois de dire des choses qui n'étaient pas vraies.
23 Q. Prenons des exemples et ne vous occupez pas de sa déclaration, nous
24 y reviendrons dans quelques instants. Veuillez nous donner quelques
25 exemples du genre d'histoires qu'il pouvait lui arriver de raconter, s'il
Page 18353
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la
14 pagination anglaise et la pagination française.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
Page 18354
1 en racontait?
2 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à l'instant présent,
3 j'ai du mal à me rappeler quelque chose de précis, mais il lui arrivait
4 souvent d'agir de la sorte. Cela dit, pas mal de temps a passé, je ne me
5 rappelle pas.
6 Q. Monsieur Vinac, on vous a fait venir ici pour que vous aidiez les
7 Juges, entre autres, en appréciant l'honnêteté de cet homme qui est
8 aujourd'hui décédé. Dans la déclaration que vous avez faite et que vous
9 avez signée, vous avez affirmé que c'était un homme qui était bien connu
10 pour éventuellement raconter des histoires inexactes. C'est ce que vous
11 avez déclaré vous-même. J'aimerais que vous nous donniez un exemple de ces
12 histoires inexactes.
13 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne peux pas me
14 rappeler à l'instant, cela fait longtemps et en ce moment précis je
15 n'arrive pas à me rappeler. Mais ce que je dis ici, c'est parce qu'il m'a
16 offensé, moi, personnellement avec ces mensonges au sujet de M. Kordic et
17 de moi-même, car ce qu'il a dit est un pur mensonge.
18 Q. Monsieur Kordic a été offensé par ce que M. Mithat Haskic a dit à
19 son sujet?
20 R. Eh bien écoutez, je ne sais pas comment d'autres se sentent, mais
21 moi je me sens offensé parce que c'est un pur mensonge, c'est une pure
22 invention.
23 Q. Vous avez dit que M. Kordic avait aussi été offensé. L'a-t-il été ou
24 ne l'a-t-il pas été?
25 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je l'ai déjà dit à
Page 18355
1 plusieurs reprises, je ne peux pas savoir comment un tiers se sent, je
2 n'ai pas discuté de cela avec M. Kordic, je n'en ai pas du tout parlé avec
3 lui. Mais pour ce qui me concerne, je me suis senti offensé et je continue
4 à me sentir offensé parce que c'est un pur mensonge, une pure invention.
5 Je suis venu ici pour dire la vérité, je déclare solennellement que je ne
6 dirai que la vérité devant ce Tribunal et M. le Procureur exerce des
7 pressions sur moi pour que je dise aux Juges de cette Chambre des choses
8 qui n'ont jamais existé.
9 Q. J'espère n'exercer aucune pression sur vous en dehors de celles qui
10 pourraient être appropriés. Vous avez été un voisin de M. Haskic pendant
11 combien d'années?
12 R. Eh bien, honorables Juges, nous avons été voisins depuis ma
13 naissance.
14 Q. Vous nous dites qu'il avait l'habitude de raconter des histoires
15 inexactes. Dans vos jardins ou quand vous étiez devant vos maisons, s'il y
16 avait une barrière entre vos jardins, est-ce qu'il vous racontait des
17 histoires inexactes lorsqu'il vous parlait par dessus la barrière?
18 M. le Président (interprétation) : Je crois que nous en avons assez
19 entendu sur ce sujet, Monsieur Nice.
20 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai entendu de la
21 bouche de pas mal de gens et avec mes propres oreilles qu'il racontait des
22 choses qui n'étaient pas vraies, et je répète que j'ai été personnellement
23 offensé parce que ce qu'il a dit était un mensonge et une invention.
24 Q. Où vous trouviez-vous dans la nuit du 15 au 16 avril?
25 R. Chez moi, à la maison, à Donja Veceriska.
Page 18356
1 Q. A quelle heure vous êtes-vous réveillé le matin du 16?
2 R. Je me suis réveillé vers 7 heures.
3 Q. Et pendant toute la nuit vous n'avez entendu aucun bruit inhabituel?
4 R. Non.
5 Q. Combien de mètres séparaient votre chambre à coucher de la maison de
6 Mithat Haskic, je vous prie?
7 R. Mais vous parlez à vol d'oiseau ou au sol, ce sont deux distances
8 différentes?
9 Q. En tant que voisin, il ne doit pas y avoir une grande différence
10 entre ces deux distances; mais à vol d'oiseau?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à vol d'oiseau il y
12 avait à peu près 800 mètres.
13 Q. Donc je vous ai peut-être mal compris, vous n'étiez pas voisin
14 immédiat. Excusez-moi, c'est mon erreur, c'est ma faute, je retire ma
15 question, j'y reviendrai d'une façon différente.
16 Dites-nous ce que vous avez fait pendant la journée du 16 et également
17 pendant la soirée du 16.
18 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je n'ai pas bien compris
19 la question, je demanderai qu'on me la répète.
20 Q. Oui, bien sûr. Qu'avez-vous fait pendant la journée et la soirée du
21 16?
22 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le 15 avril, dans la
23 soirée, je me trouvais chez moi, à la maison, et vers 19 heures je
24 regardais la télévision. J'ai vu les images des hommes qui accompagnaient
25 le colonel Totic et qui avaient été massacrés. Et je me suis couché plus
Page 18357
1 tard.
2 Q. Vous n'avez rien entendu d'autre?
3 R. Dans le village, on a entendu dire que -si vous me permettez de
4 poursuivre- les Musulmans et les Croates risquaient de se battre les uns
5 contre les autres. Et quand nous avons vu ces jeunes hommes massacrés à la
6 télévision, certains habitants se sont dirigés vers Gornja Veceriska. Avec
7 ma famille, je ne l'ai pas fait.
8 Vers une heure du matin, donc après minuit, j'ai pris le téléphone et j'ai
9 appelé un jeune officier qui était de permanence au district militaire, je
10 l'ai interrogé au sujet de la situation dans ma zone de responsabilité,
11 car je connaissais cet officier de permanence. Il m'a dit: "Tout va bien,
12 tout est calme, pas de problème". Donc je suis retourné au lit, à ce
13 moment-là, le 15 avril.
14 Et le matin, aux alentours de 7 heures, j'ai été réveillé par des
15 détonations, je n'ai pas tout de suite réagi après en avoir entendu
16 plusieurs de ces détonations parce que, dans notre village, ce n'était pas
17 rare d'entendre des détonations de ce genre. Mais au fil du temps, ces
18 détonations se sont faites plus fortes. Et lorsque j'ai regardé à
19 l'extérieur, j'ai vu que la guerre faisait rage.
20 J'ai alors mis les membres de ma famille dans un véhicule, j'ai emmené ma
21 femme et mes trois enfants dans un village voisin, parce que mon quatrième
22 enfant n'était pas encore né à ce moment-là, et je suis ensuite retourné
23 défendre mon village. Et les combats ont duré ce jour-là toute la journée,
24 des deux côtés.
25 Q. Vous avez donc participé à l'attaque du village par la Brigade de
Page 18358
1 Vitez. Est-il permis de le dire?
2 R. Pouvez-vous répéter votre question, je ne l'ai pas comprise?
3 Q. Oui, bien sûr. Vous avez donc participé à l'attaque du HVO sur ce
4 village et vous y avez sans doute participé en tant que membre de la
5 Brigade de Vitez, la Viteska.
6 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le HVO n'a pas attaqué.
7 Je n'ai jamais entendu dire qu'il ait attaqué les Musulmans à
8 Donja Veceriska parce que, lorsque les coups de feu ont commencé, je
9 dormais encore. Je ne saurais dire avec certitude qui a commencé, mais ma
10 supposition -après avoir parlé avec les voisins de mon village- c'est que
11 ce sont les Musulmans qui ont commencé.
12 Q. Vous avez été blessé le 17, n'est-ce pas?
13 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est exact. D'ailleurs,
14 je n'ai pas été seulement légèrement blessé à côté de ma maison lorsque je
15 défendais ma maison, mais ce jour-là un mortier a détruit ma voiture et a
16 endommagé les vitres et la façade de la maison de ma famille par l'ouest.
17 Je me rappelle très bien, un obus de mortier est tombé à 15 mètres de ma
18 maison, et il y a eu des éclats qui ont sauté assez haut, si bien que la
19 façade de ma maison à Vitez a été pas mal endommagée, le mur et les
20 vitres.
21 Q. Je sais, Monsieur le Président, que vous avez parlé de 16 heures 10,
22 et il me reste cinq minutes. Je pense pouvoir en terminer peut-être avec
23 quelques minutes de plus que cinq minutes, j'ai quelques documents à
24 présenter au témoin. Je ne sais pas si ce serait opportun ou bien nous
25 pouvons suspendre maintenant?
Page 18359
1 M. le Président (interprétation) : Oui, nous pouvons suspendre. Monsieur
2 Vinac, je vous demanderai de revenir dans ce prétoire, demain matin, à 9
3 heures 30, pour conclure votre témoignage.
4 Dans l'intervalle, je vous demanderai de veiller à ne parler à personne du
5 contenu de votre déposition, tant qu'elle n'est pas terminée, et lorsque
6 je dis personne cela inclut également les membres de l'équipe de
7 défenseurs et toute autre personne qui souhaiterait vous parler de votre
8 déposition.
9 9 heures 30, demain matin.
10 (L'audience est levée à 16 heures 05.)
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25