Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1              (Lundi 26 Juin 2000)

  2               (Audience publique)

  3               (L'audience est ouverte à 9 heures 40.)

  4               (Le témoin, M. Almond, est introduit dans le prétoire.)

  5   M. le Président (interprétation): Je vais remettre ce document à Mme la

  6   Greffière. Je vous remercie, Madame.

  7   M. Sayers (interprétation): Docteur Almond, excusez-nous de ce retard. Il

  8   nous a fallu examiner les circonstances d'une autre affaire dont nous

  9   allons peut-être être saisis. Que le témoin nous donne lecture de la

 10   déclaration solennelle.

 11   Témoin Almond (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 12   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 13   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

 14   M. Sayers (interprétation): Une brève question liminaire. L'ordre de

 15   présentation des témoins est soumis dans ma lettre du 21 Juin, lettre la

 16   plus récente, à l'exception du témoin n° 4 qui n'est pas disponible. Avec

 17   votre permission, c'est M. Browning qui va interroger en interrogatoire

 18   principal les deux premiers témoins prévus à cette liste: celui-ci, M.

 19   Almond, et le suivant, le docteur Mestrovic.

 20         (Le témoin, M. Almond, est interrogé par M. Browning.)

 21   M. Browning (interprétation): Monsieur, pourriez-vous décliner votre

 22   identité?

 23   M. Almond (interprétation): Je m'appelle Almond.

 24   Question:   Vous avez une copie du rapport qui a été déposé auprès de la

 25   Chambre de première instance?


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  1   Réponse:    Oui.

  2   M. le Président (interprétation): Maître Browning, on vous demande de

  3   ménager des pauses entre les questions et les réponses, ceci dans

  4   l'intérêt des interprètes.

  5   M. Browning (interprétation): Je le ferai.

  6   M. le Président (interprétation): Il faut que vous gardiez ceci à

  7   l'esprit.

  8   M. Browning (interprétation): Je vais vous demander de consulter votre

  9   curriculum vitae. Je crois que la Cour dispose déjà de ce CV, mais je vous

 10   demanderai des questions de précision sur certains points. Tout d'abord,

 11   pour ce qui est de la quatrième ligne, première page de votre CV,

 12   pourriez-vous expliquer à la Chambre quand vous avez enseigné l'histoire

 13   moderne à l'université d'Oxford?

 14   M. Almond (interprétation): Malheureusement, j'ai oublié un tiret, ce qui

 15   montrerait que j'ai travaillé de 1986 jusqu'à aujourd'hui. Je suis

 16   enseignant et j'enseigne l'histoire contemporaine à Oxford. Excusez-nous

 17   de cette petite erreur.

 18   Question:   Vous êtes sorti de l'université d'Oxford en 1981 et vous y êtes

 19   resté en qualité de chercheur ou d'enseignant en histoire?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   Vous avez de nombreuses publications qui sont énumérées dans

 22   votre CV concernant l'Europe de l'Est et l'ex-Yougoslavie. Est-ce que vous

 23   êtes en train de travailler à un nouvel ouvrage?

 24   Réponse:   Pour l'institut Hoover, j'ai un projet qui porte surtout sur les

 25   médias américains. Un aspect de celui-ci portera sur le rapport existant


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  1   entre l'interprétation des relations internationales et la prise de

  2   décision politique. Je pense que cette facette sera importante dans le

  3   cadre de l'ex-Yougoslavie, mais en partie seulement.

  4   Question:   Page 2 de votre curriculum vitae, vous avez été souvent appelé

  5   à commenter des événements dans divers programmes télévisés et

  6   radiodiffusés. Pour ce qui est des événements qui se sont produits en ex-

  7   Yougoslavie, vous avez publié beaucoup d'articles dans des journaux et

  8   d'autres revues. A quelle fréquence avez-vous été appelé à publier dans la

  9   presse écrite et dans les médias?

 10   Réponse:    En fonction des événements qui se sont produits en ex-

 11   Yougoslavie ou dans d'autres régions, là où on me demande mon avis, le

 12   degré de fréquence fluctuera mais souvent, s'il y a un événement

 13   particulier qui se produit, il arrive qu'on m'appelle plusieurs fois par

 14   jour même et pas seulement une fois par semaine pour les différentes

 15   chaînes de la BBC mais aussi pour CNN, Skynews et Channel 4. On me demande

 16   aussi d'écrire des articles de presse. Disons en période assez calme, on

 17   me demande de me prononcer une fois par mois et, si les événements

 18   s'accumulent, plusieurs fois par jour.

 19   Question:   Vous avez sous les yeux un rapport qui a été déposé auprès de

 20   la Chambre:  est-ce un résumé fidèle et précis de votre avis en la matière?

 21   Réponse:    Oui, ce rapport est la traduction fidèle de mes conclusions. Il

 22   y a sans doute certaines coquilles, je le regrette, elles sont dues à

 23   l'urgence. Je n'ai pas eu le temps de revoir ce rapport que j'ai envoyé de

 24   Washington DC, mais ce texte effectivement représente l'interprétation que

 25   je fournis de la question, et ceci de la façon la plus précise possible.


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  1   Question:   Comme on le voit dans la première phrase de ce rapport, vous

  2   êtes d'accord avec beaucoup des faits historiques consignés dans le

  3   rapport du professeur Donia, mais vous marquez votre désaccord s’agissant

  4   de certaines des conclusions qu'il a tirées?

  5   Réponse:    Effectivement, ce que le docteur Donia dit exact, c’est souvent

  6   inattaquable au point de vue des faits historiques, mais s'agissant des

  7   conclusions suite aux événements de 1991 et 1992, le démantèlement de

  8   l’ex-Yougoslavie, c’est là qu’il y a des divergences entre lui et moi.

  9   Question:   Avez-vous aussi des différences pour ce qui est de la

 10   signification historique des frontières tracées en Bosnie-Herzégovine?

 11   Pourriez-vous nous parler de l'importance de la signification historique

 12   de ces frontières et des conclusions différentes que vous tirez de

 13   M. Donia?

 14   Réponse:    Je pense que, sous l'influence, sous le coup des événements

 15   terribles qui ont frappé la Yougoslavie en 1991 et en 1992, ce sont

 16   surtout les Musulmans qui ont le plus pâti de la situation. Notamment,

 17   dans cette communauté, on a adopté un mythe: le mythe de la continuité

 18   historique de la Bosnie-Herzégovine; c’est une idée très tentante, très

 19   séduisante. La continuité apparente des frontières nord et ouest, surtout

 20   de la Bosnie-Herzégovine au cours des derniers siècles, a été utilisée

 21   comme moyen de preuve à charge ici, mais on l'a entendue aussi dans des

 22   discussions, des débats publics sous forme de livres ou d’autres

 23   discussions. On a dit qu'il y avait une espèce d'identité civile au cours

 24   des siècles qui s’était inscrite de cette façon en Bosnie-Herzégovine. Je

 25   pense que l'on néglige la raison pour laquelle il y avait ces frontières


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  1   entre l’empire des Habsbourgs ou l’empire ottoman. En fait, c’était la

  2   politique des grandes puissances.

  3   Il se peut que des caractéristiques géographiques aient mené à

  4   l'élaboration de ces frontières choisies par les grands pays qui ont voulu

  5   se servir de ces frontières comme base de leurs divisions, de leurs

  6   démarcations. Mais dire que les intérêts et les souhaits des populations

  7   de part et d'autre de ces frontières ait été tenus en considération par

  8   ceux qui prenaient des décisions à Budapest, à Istanbul ou à Vienne, cela

  9   n'a pas été le cas.

 10   Question:   Qu'est-ce que ceci a eu comme importance au moment des

 11   événements en 1991 et 1992?

 12   Réponse:    Les frontières des républiques internes au moment où la

 13   Fédération, où la République fédérative socialiste se brise, traversent

 14   bien sûr les lignes ethniques. Quand je dis "ethniques" ici, ce n'est pas

 15   au sens scientifique, mais je pense que l’on a coutume, au sens politique,

 16   de parler de communautés ethniques pour parler des Serbes, des Croates et

 17   des Musulmans. Pour ce qui est des liens culturels ou autres qui, par

 18   tradition, dépassaient ou transcendaient ces frontières, ces frontières ne

 19   sont pas considérées comme étant naturelles par des groupes, des segments

 20   importants de la population, qu'ils soient Croates ou Serbes, de part et

 21   d’autre de ces frontières.

 22   J'ajouterai que les Musulmans de Bosnie, eux aussi, estimaient que Sandzak

 23   et Novi Pazar en particulier, qui sont à l'extérieur du territoire de la

 24   République de Bosnie-Herzégovine, considéraient que c'était une partie de

 25   la Yougoslavie et ne regardaient pas la Yougoslavie comme étant une partie


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  1   historique; pour eux, c’étaient des gens qui avaient la même identité

  2   qu'eux. Cela veut dire que, même s'il y a de bonnes raisons pour créer une

  3   République de Bosnie-Herzégovine sur la base des frontières de 1991, il

  4   n'est pas pernicieux de mettre en question ces frontières. En fait, les

  5   représentants des trois groupes, à des moments divers, l'ont fait.

  6   Question:   Pourriez-vous nous expliquer la signification historique de la

  7   réunion de Karadjordjevo, qui a réuni Tudjman et Milosevic, et en

  8   particulier les événements ultérieurs à cette réunion, pour interpréter

  9   Karadjordjevo?

 10   Réponse:    Je crois que l'on a accordé une attention disproportionnée à sa

 11   signification. Si l'on ne veut pas s'appuyer sur les rumeurs, mais si l'on

 12   juge les événements, les allégations selon lesquelles une espèce de

 13   complot tramé avait pour but de diviser la Bosnie-Herzégovine entre la

 14   Serbie et la Croatie, dire qu'un tel complot se soit tramé à ce moment-là

 15   n'a pas été confirmé par les événements ultérieurs.

 16   Question:   Quels furent-ils, ces événements ultérieurs?

 17   M. Bennouna: Monsieur Browning, sur ce que vous venez de nous dire sur

 18   cette rencontre.

 19   Vous dites : "Cela n'a pas été confirmé". Pouvez-vous nous parler de la

 20   réunion elle-même, sans relation avec les développements qui vont suivre?

 21   Vous avez l'air de dire que les développements qui ont suivi n'ont pas

 22   confirmé qu'il y ait eu un plan de partition. Mais est-ce que, dans la

 23   réunion elle-même, on a évoqué un plan de partition ou non, quels que

 24   soient les développements qui vont suivre? C’est d’abord cela la question

 25   qui nous intéresse, avant de parler des développements suivants.


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  1   M. Browning (interprétation): Pourriez-vous expliquer ce que vous, en tant

  2   qu'historien, savez à propos de cette réunion de Karadjordjevo?

  3   M. Almond (interprétation): S'agissant de cette réunion, plusieurs sources

  4   se sont prononcées. Il y a d'abord les Croates. A ma connaissance, ni M.

  5   Milosevic ni aucun des participants serbes n'ont relaté la teneur de cette

  6   réunion. Le problème qui se pose à l'encontre des sources, qui sont toutes

  7   du domaine public, je le sais du domaine croate, c'est que ces sources

  8   sont postérieures aux événements, postérieures à cette réunion.

  9   Si nous remontons au printemps 1991, outre la réunion entre Tudjman et

 10   Milosevic, il y a eu des discussions quant à savoir comment l'avenir de la

 11   Yougoslavie allait prendre forme. Ceci, c'est vrai pour des chefs de

 12   gouvernement, d'autres protagonistes des Etats membres. Alija Izetbegovic

 13   de Bosnie a eu des discussions avec Milosevic, les Slovènes aussi. Il

 14   n'était pas évident à l'époque que les frontières républicaines de cet

 15   Etat, de cette SFRY en décroissance, en déclin, soit déclarées ou traitées

 16   comme étant sacro-saintes par la communauté internationale qui était un

 17   des protagonistes, un des acteurs. Ce qui veut dire que les discussions

 18   portant sur la carte ethnique complexe, sur ce qui pourrait avoir ou pas

 19   d'incidence sur l'avenir des républiques individuelles, que ce soit dans

 20   le cadre d'une Yougoslavie reconstituée, reformée ou un d'un Etat

 21   indépendant. Même si ceci -et tout ceci était clair en mars en 1991- était

 22   encore toujours en suspens. Il est important de se souvenir -c'est un

 23   problème qu'ont toujours les historiens- que les événements qui se sont

 24   déroulés et dont nous avons connaissance, dont les détails sont peut-être

 25   constatés, n'étaient pas connus à l'époque où ils se sont produits.


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  1   M. Bennouna : La question que je vous ai posée -et vous n'avez pas répondu

  2   à ma question- est tout simplement: vous, en tant qu'expert historien, qui

  3   avez étudié cette période sur le plan historique, à travers les documents

  4   disponibles, quelle est votre opinion d'expert sur ce qui s'est passé au

  5   cours de la réunion en question entre M. Tudjman et M. Milosevic? Que

  6   s'est-il passé? Avez-vous une idée?

  7   Vous pouvez dire que vous n'avez aucune idée. Cela s'arrête là. Est-ce que

  8   vous-même, vous vous faites une idée sur ce qui s'est passé, sur ce qui

  9   s'est dit dans cette réunion?

 10   M. Almond (interprétation): Mon avis, c'est qu'il y a une discussion qui

 11   n'a pas porté à conclusion, qui comprenait aussi la question de savoir ce

 12   qui allait se passer, s'il y avait démantèlement de la Yougoslavie, ce que

 13   deviendrait l'Etat futur de Bosnie. Il y a eu des facettes à cette

 14   discussion. On s'est demandé si elle allait être divisée entre la

 15   République de Croatie et la République de Serbie.

 16   Pour ce qui est des points de fond, quant à savoir si des conclusions

 17   étaient tirées sur les modalités, rien ne prouve qu'un tel accord, a

 18   fortiori qu'un plan ait été dressé. Les événements ultérieurs me portent à

 19   croire que, dans la mesure où il y a peut-être eu des discussions entre

 20   Milosevic et la Croatie, c'était surtout dans le contexte de ses propres

 21   difficultés intérieures. En mars 1991, il y avait eu de fortes

 22   manifestations contre le parti socialiste.

 23   M. Browning (interprétation): Monsieur Almond, est-ce que vous, Robert

 24   Donia ou tout autre historien seriez en mesure de dire avec une précision

 25   absolue ce qui s'est passé à Karadjordjevo?


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  1   Réponse:    Il n'est pas impossible de le dire, mais il est impossible de

  2   dire qu'il y a eu un accord.

  3   M. le Président (interprétation): En fin de compte, il reviendra aux Juges

  4   de trancher éventuellement, aux fins de la décision finale que nous avons

  5   à prendre. Pour ce qui était de l'établissement de faits, il faudra savoir

  6   s'il y peut-être eu accord ou pas. Je ne vais pas vous empêcher de poser

  7   la question à ce témoin afin qu'il nous donne son avis. A nous, il nous

  8   conviendra de juger au vu des moyens de preuve qui nous sont soumis.

  9   M. Browning (interprétation): En tant qu'historien qui interprète les

 10   événements de Karadjordjevo, vous avez parlé des événements postérieurs à

 11   cette réunion, de la façon dont il faut les voir. Vous, historien, pouvez-

 12   vous évaluer s'il y avait un plan destiné à diviser la Bosnie-Herzégovine?

 13   Pourriez-vous nous parler des événements postérieurs que vous avez

 14   évoqués?

 15   M. Almond (interprétation): L'idée d'une collusion entre la Croatie et la

 16   Serbie ne tient pas. On semblerait penser que la République de la Croatie

 17   aurait été victime d'une attaque menée par la JNA, et aussi par des forces

 18   serbes locales, notamment en Slavonie, en Krajina. Tout ceci semble avoir

 19   été organisé par le gouvernement de Belgrade. Par conséquent, l'idée qu'il

 20   y aurait eu une pérennisation de la coopération entre Zagreb et Belgrade

 21   se baserait sur l'évolution militaire et historique où il y a eu une

 22   grande discussion à grande échelle des biens, elle ne tient pas parce

 23   qu'il y a eu le nettoyage ethnique des Croates. Et puis, dès le mois

 24   d'Août 1992, les forces paramilitaires serbes avaient été organisées afin

 25   de lancer des insurrections contre le gouvernement de Croatie qui venait


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  1   de se créer. Et je pense que nombre d'historiens, qui ne sont peut-être

  2   pas d'accord avec moi sur tous les points, seraient d'accord pour dire que

  3   cela a été vraiment téléguidé de Belgrade dans une grande mesure.

  4   Question:   Dans quelle mesure est-ce que la destruction de Vukovar, en

  5   Août 1991, et l'attaque sur Ravno doit-elle être examinée?

  6   Réponse:    La destruction de Vukovar, fin 1991, la destruction de villes

  7   et de territoires en Dalmatie semble compliquer encore le problème ou

  8   l'idée de collusion. La plupart des observateurs, au cours de l'été et de

  9   l'automne 1991, ont conclu que la stratégie, tant de Belgrade et des

 10   autorités fédérales qui existaient encore que du gouvernement de M.

 11   Milosevic qui était une force qui montait, était de détruire la viabilité

 12   de cet Etat qui naissait de la Croatie en occupant de grosses portions du

 13   territoire, en créant des turbulences économiques vu l'afflux des

 14   réfugiés, et en détruisant les infrastructures surtout et aussi le

 15   tourisme, tourisme qui ne s'est jamais remis d'ailleurs des attaques

 16   menées sur les villes côtières. Or le tourisme constitue une partie

 17   économique importante de la Croatie.

 18   Question:   Lorsque nous parlons des événements ultérieurs, quelle

 19   importance faut-il accorder à la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine

 20   et des frontières de la Bosnie-Herzégovine par la Croatie?

 21   Réponse:    La reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine par la Croatie était

 22   importante parce la Croatie était le premier Etat à reconnaître la Bosnie-

 23   Herzégovine à une époque où, par exemple, les Etats-Unis avaient une

 24   position qui était loin d'être claire. Et puis il faut se souvenir qu'au

 25   moment où la Slovénie et la Croatie ont déclaré leur indépendance par


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  1   rapport à la Yougoslavie, fin Juin 1991, la Bosnie-Herzégovine était dans

  2   un gouvernement élu en 1991 qui avait à sa tête Izetbegovic. Et la Bosnie

  3   n'a pas agi de façon, aux yeux des Croates, qui était sympathique ou

  4   favorable à l'égard des Croates que ce soit dans le cadre du conflit avec

  5   la JNA ou par rapport aux forces paramilitaires des Serbes. Donc ce geste

  6   que fut la reconnaissance n'a pas été réciproque; c'était un acte disons

  7   unilatéral de la part de Zagreb qui a reconnu la Bosnie-Herzégovine, même

  8   si beaucoup de Croates ont eu le sentiment que les Bosniens ne les avaient

  9   pas assistés au moment où la Croatie avait été attaquée.

 10   Question:   Fait historique, la Croatie a-t-elle aussi envoyé des

 11   ambassadeurs en Bosnie-Herzégovine?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Dans votre rapport, vous dites que les Croates ont sauvé les

 14   Musulmans à des moments cruciaux. Pourriez-vous être plus explicite?

 15   Réponse:    Je suis sûr que tous connaissent la carte. Quand vous voyez les

 16   territoires occupés ou tenus par le gouvernement de Bosnie-Herzégovine,

 17   vous savez qu'ils dépendaient bien sûr du ravitaillement qui viendrait de

 18   la République ou du territoire croate de la République. Sans cette aide

 19   humanitaire, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine n'aurait même pas pu

 20   opposer le peu de résistance qu'il a opposé aux Serbes.

 21   Mais soyons plus précis, au cours de l'été 1995, au moment l'armée des

 22   Serbes de Bosnie a déclenché une grande offensive contre Srepa,

 23   Srebrenica, Gorazde et Bihac, zone protégée par les Nations Unies, si

 24   l'armée de Croatie et aussi les forces croates locales en Bosnie-

 25   Herzégovine n'étaient pas intervenues, alors que la communauté


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  1   internationale restait passive et n'a commencé à enclencher l'action

  2   qu'après l'intervention ou l'action de l'armée de la République croate, je

  3   pense que la Bosnie-Herzégovine, son gouvernement musulman ou beaucoup de

  4   territoires auraient été bousculés, tout à fait dépassés.

  5   Il y a eu une entrevue avec le Président Izetbegovic en Novembre 1996. On

  6   lui a demandé s'il mettrait Tudjman et Milosevic sur le même pied, s'il

  7   les considérait tous deux comme agresseurs de la Bosnie-Herzégovine, il a

  8   répondu qu'il y avait eu des moments très difficiles entre le gouvernement

  9   de Bosnie et les Croates notamment sur la question ou sur les faits qui

 10   sont à la base de ce procès. Mais le point principal qu'il a évoqué était

 11   celui-ci: c'est qu'à l'inverse ou à la différence de Milosevic, Tudjman

 12   aurait pu étrangler la Bosnie-Herzégovine, son gouvernement et avait

 13   décidé de ne pas le faire. Ceci montre qu'effectivement le gouvernement de

 14   Bosnie-Herzégovine estimait que, quelles que soient les difficultés qu'il

 15   avait rencontrées avec les Croates, il n'avait pas l'idée d'une collusion

 16   persistante entre Tudjman et Milosevic.

 17   Question:   Vous parlez d'une discussion à laquelle vous avez participé

 18   personnellement?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Expliquez!

 21   Réponse:    Avec plusieurs universitaires et plusieurs spécialistes de la

 22   guerre 1991-1995, qui avaient écrit à propos du conflit, j'étais invité à

 23   une conférence à Sarajevo. A la fin de la conférence, nous avons été

 24   invités à rencontrer le Président Izetbegovic; nous avons eu une

 25   discussion d'environ une heure avec lui.


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  1   Question:   S'agissant de Karadjordjevo, je pense que vous en parlez dans

  2   le rapport, quand vous parlez d'un chien qui n'a pas aboyé. Expliquez?

  3   Réponse:    Le docteur Donia parle d'un avis qui est tout à fait symbolique

  4   de la conclusion qu'on a tirée s'agissant des avis qu'auraient eu Tudjman

  5   et Milosevic de la division de la Bosnie-Herzégovine entre la Croatie et

  6   la Serbie. Je pense qu'il n'y a pas eu de plan pour cette division forcée

  7   parce que cela ne s'est pas passé d'abord. Au contraire, au départ, c'est

  8   la Croatie qui a été menacée de pertes territoriales importantes ou de la

  9   destruction quelques semaines à peine après cette réunion de

 10   Karadjordjevo. Pour moi, cette réunion est à replacer, à inscrire dans le

 11   contexte d'autres réunions qui ont eu lieu entre les dirigeants et

 12   d'autres personnalités politiques de la Yougoslavie. On essayait de voir

 13   quel serait l'avenir de la Yougoslavie et, malheureusement, tout ceci

 14   s'est soldé par un échec. C'est à partir de cet échec qu'est né le conflit

 15   qui, en grande partie, était le fruit ou le produit de l'agression ou de

 16   l'utilisation ou le recours délibéré à la force de la part des Serbes et

 17   de la JNA, d'abord en Slovénie, puis en Croatie et, après encore, en

 18   Bosnie-Herzégovine.

 19   Question:   S'agissant du conflit, dans votre rapport, vous parlez des

 20   tensions qui se sont développées entre les Croates et les Musulmans de

 21   Bosnie à la suite des positions adoptées par les dirigeants musulmans de

 22   Bosnie au début de la guerre en Croatie. Pourriez-vous expliquer ce

 23   concept?

 24   Réponse:   Au moment de l'éruption du conflit en Slovénie, les Slovènes ont

 25   dit: "Pourquoi est-ce que les Croates ne nous ont pas aidés?". Lorsque le


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  1   conflit a éclaté en Croatie, alors qu'il y avait déjà eu des précédents en

  2   Bosnie, le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine non seulement n'a pas

  3   essayé de mettre en échec ou de frustrer les efforts militaires de la JNA

  4   en utilisant les moyens logistiques dont il disposait pour empêcher et

  5   enrayer l'attaque sur la Croatie, mais, en fait, il a coopéré avec ce qui

  6   restait de la JNA, l'armée de l'Etat, dont il était encore une République,

  7   une composante.

  8   Par conséquent, sans doute que la Bosnie-Herzégovine essayait d'éviter

  9   qu'elle ne soit attaquée, mais en tout cas l'arsenal et les armements se

 10   trouvaient en Bosnie-Herzégovine, et le gouvernement a demandé que cet

 11   armement soit remis à la JNA. Alors comment?...

 12   Un autre problème concomitant a contribué à détériorer les rapports et à

 13   semer la méfiance entre les Croates de Bosnie et le gouvernement de

 14   Bosnie. Beaucoup d'officiers de la JNA qui avaient participé au conflit de

 15   la Croatie sont vite devenus des conseillers du Président Izetbegovic ou

 16   des officiers dans l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 17   Question:   Quelles furent les incertitudes en matière d'indépendance, ce

 18   que vous décrivez comme étant peut-être l'opinion publique assez ambigüe

 19   adoptée par le Président Izetbegovic?

 20   Réponse:    Le Président et ses collègues avaient été témoins des violences

 21   terribles qui avaient été le contexte de l'attaque notamment sur Vukovar.

 22   Ils savaient qu'il y avait déjà chez lui les ingrédients d'un conflit

 23   potentiel. Cependant, les efforts qu'il a déployés, je pense qu'ils

 24   étaient tout à fait louables, il avait de bonne intention mais ceci a

 25   suscité des peurs au sein de la communauté croate de Bosnie-Herzégovine.


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  1   Les intérêts qu'ils avaient, leur sentiment de solidarité avec les Croates

  2   de Croatie étaient peut-être considérés comme mis en péril parce qu'il y

  3   avait peut-être des conversations secrètes dont ils n'étaient pas

  4   informés. Il y avait des choses qui se passaient à huis clos entre

  5   Sarajevo et Belgrade. Ceci a créé un climat d'anxiété encouragé, nourri

  6   par les attaques et les agressions de la JNA. On peut dire qu'au mieux le

  7   gouvernement de Bosnie-Herzégovine a été passif et, selon les Croates de

  8   Bosnie, a peut-être coopéré avec l'ennemi.

  9   Question:   Dans votre rapport, vous parlez des forces musulmanes qui

 10   considéraient que les territoires croates de Bosnie étaient des

 11   territoires où ils pourraient peut-être avoir des compensations, vu les

 12   pertes territoriales subies devant les forces des Serbes.

 13   Réponse:    Une partie de cette tragédie sous-jacente entre les Croates et

 14   les Musulmans de Bosnie, c'est précisément le but stratégique qu'avaient

 15   les Serbes de Bosnie. Ceux-ci avaient déclenché une attaque qui avait

 16   infligé des souffrances énormes à la Bosnie orientale mais aussi dans

 17   d'autres territoires qu'ils contrôlaient. Et tous ces gens ont été

 18   canalisés vers des territoires qui n'avaient pas encore été touchés par le

 19   conflit. Ce n'est pas la première fois dans l'Histoire que des victimes ne

 20   se sentent pas nécessairement obligées de se comporter dans le respect de

 21   ce que l'on va appeler la justice internationale par rapport à une tierce

 22   partie. Au contraire, il me semble que non seulement ces personnes avaient

 23   été chassées de leur foyer, il y avait bien sûr des soldats de l'armée de

 24   Bosnie-Herzégovine qui souvent étaient des réfugiés, c'était vrai aussi de

 25   leur famille; puisqu'ils avaient été chassés de leurs foyers, ils


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  1   n'avaient aucune raison de croire qu'ils pourraient un jour réintégrer ces

  2   foyers. D'autant que la communauté internationale disait qu'elle n'allait

  3   pas renverser le nettoyage ethnique par la force.

  4   Vu cet état de chose, il est à certains égards naturel, mais peu

  5   souhaitable, de dire: "Voilà des territoires qui ne sont pas très

  6   défendus. Nous, réfugiés, nous devrions les occuper nous-mêmes". Les

  7   historiens conviendront que c'est là un phénomène courant dans les

  8   conflits: les personnes qui ont directement été concernées par les

  9   conflits, soldats ou autres, nourrissent souvent beaucoup de ressentiment

 10   envers les non-combattants derrière les lignes, ceux qui ne sont pas

 11   touchés par la guerre. En l'espèce, la population civile de la Bosnie

 12   Centrale, par exemple, avait tant mieux pour eux- été épargnée par le

 13   conflit qui avait enflammé d'autres parties de la Croatie ou d'autres

 14   parties de la Bosnie-Herzégovine, où les victimes étaient surtout des

 15   Musulmans de Bosnie.

 16   Ce phénomène, je le répète, est malheureusement peu souhaitable mais

 17   naturel. Ceci s'inscrivait dans la stratégie serbe qui consistait non

 18   seulement à évincer les Musulmans ou les Croates il y en avait- des

 19   territoires de Bosnie-Herzégovine que les Serbes voulaient contrôler, mais

 20   encore de forcer le conflit entre ces deux groupes, les Musulmans et les

 21   Croates.

 22   Je vois la citation de M. Donia: "A un moment donné, Tanjug étant l'agence

 23   de nouvelles face à Belgrade, comme de cet antagonisme forcé entre les

 24   Croates et les Musulmans". On pourrait dire que c'est là une source

 25   délibérée de propagande qui a pour vocation d'exacerber et de promouvoir


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  1   le conflit entre Croates et Musulmans.

  2   M. le Président (interprétation):  Est-ce que je vous suis bien? Vous

  3   nous dites que c'était une partie de la stratégie serbe que d'encourager

  4   le conflit entre les Musulmans et les Croates de Bosnie?

  5   Réponse:          Oui, en effet. Tout d'abord, rappelons-nous le

  6   contexte: même si le principal gouvernement impliqué dans la SFOR, la

  7   France, si les porte-paroles disaient qu'ils ne voulaient pas s'impliquer

  8   dans le conflit, il y avait beaucoup de pressions exercées par des

  9   parlementaires, des journalistes -dont moi-même qui disaient que le

 10   conflit était, au premier chef, un conflit dans lequel les forces serbes

 11   dirigées surtout depuis Belgrade étaient engagées dans des actes agressifs

 12   et criminels contre la population civile de Bosnie-Herzégovine.

 13   Je cite certains extraits dans mon rapport. Il y avait des exigences

 14   notamment par le chef de l'opposition, en Grande-Bretagne aussi, et par

 15   d'autres hommes politiques conservateurs, afin qu'il y ait une

 16   intervention militaire. Dans un tel contexte, le gouvernement et les

 17   forces serbes avaient tout intérêt à créer, à promouvoir un conflit entre

 18   Croates et Musulmans afin que les arguments soulevés dès le départ par des

 19   personnes qui avaient tendance à être favorables à Belgrade, disaient que

 20   tous ceux qui se trouvaient dans les Balkans en ex-Yougoslavie avaient

 21   tendance à commettre des atrocités, et que tout ceci allait se produire.

 22   Sans doute du fait de leurs propres conquêtes, les Serbes ont créé un

 23   contexte dans lequel il y aurait des conflit pour trouver des ressources,

 24   pour essayer de trouver des logements à cet afflux de réfugiés, surtout

 25   Musulmans, qui arrivaient dans des territoires où auparavant il y avait


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  1   peut-être surtout une population croate.

  2   M. le Président (interprétation): Poursuivez, Monsieur Browning.

  3   M. Browning (interprétation): Je pense que votre rapport évoque aussi,

  4   dans ce contexte, le concept ou l'affirmation selon laquelle les

  5   nationalistes croates étaient les dignes successeurs des collaborateurs,

  6   des Oustachis? Pourriez-vous nous en parler?

  7   M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que l'on suggère une

  8   telle chose. Ce qui a été suggéré, c'était qu'en fait on suivait, on

  9   appliquait le plan des Banovina de 39; cela, effectivement, c'est une

 10   affirmation qui a été faite. Voulez-vous fournir un commentaire sur ce

 11   point, Monsieur le Témoin?

 12   M. Almond (interprétation): L'accord de 1939 a été généralement considéré

 13   par les Croates comme étant la base d'un cadre tout à fait acceptable,

 14   même s'il y a eu échec rapide du fit de l'invasion de la Yougoslavie par

 15   les Allemands. Mais effectivement, on essayait de reconstituer les

 16   frontières administratives de l'Etat de telle sorte que la grande majorité

 17   des Croates pouvaient vivre dans un espace territorial comme cela avait

 18   été le cas dans les dispositions constitutionnelles du royaume de

 19   Yougoslavie. Je crois qu'il y avait, chez les Croates, une certaine

 20   nostalgie à cette époque. Ils pensaient que c'était un contact tout à fait

 21   applicable puisque ceci se basait sur les négociations qui devaient mener

 22   aux dispositions constitutionnelles du royaume de Yougoslavie.

 23   Question:   Dans votre rapport, vous parlez de la façon dont on a donné une

 24   idée stéréotypée des Croates?

 25   Réponse:    En Europe occidentale mais aussi aux Etats-Unis, on remonte ici


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  1   au XIXe siècle, les Croates en tant que nation avaient été présentés sous

  2   un cliché, celui des réactionnaires surtout sous le contexte de la

  3   révolution de 1848 à 1849. Les libéraux recevaient la sympathie des hommes

  4   favorables à la constitution libérale en France et aux Etats-Unis, tout

  5   ceci se basait sur un cadre constitutionnel d'élection des démocraties

  6   parlementaires, ce qui allait dans le sens des libéraux de France et des

  7   Etats-Unis. Mais on peut dire que les libéraux de Hongrie étaient aussi

  8   nationalistes. Quand on voit la façon dont ils ont traité les noms

  9   hongrois dans leurs territoires, notamment dans la Vojvodine qui allait

 10   devenir partie de la Yougoslavie, on peut dire que c'était un avis erroné.

 11   Mais, dès 1848, que ce soit Karl Marx ou les libéraux britanniques,…

 12   M. le Président (interprétation): Monsieur Almond, je reçois une requête:

 13   on vous demande de ralentir.

 14   M. Almond (interprétation): Depuis 1848, il y avait tout un éventail

 15   d'avis politiques, depuis les libéraux jusqu'à Karl Marx et Friedrich

 16   Engels qui présentaient les Croates comme étant réactionnaires parce que

 17   les forces croates, dirigées par Ban Jelicic, avaient participé aux

 18   combats qui allaient renverser la révolution en Hongrie. Puis, il y a eu,

 19   en 1941, la création de l'Etat indépendant de Croatie, sous les auspices

 20   de la conquête nazie de l'ex-Yougoslavie. Tout ceci a fait qu'on a

 21   considéré la Croatie comme étant particulièrement réactionnaire.

 22   Vous avez des spécialistes qui ont parlé de l'orientalisme et des clichés,

 23   de la façon stéréotypée de voir des nations tout entières. Pour des gens

 24   qui viennent d'un contexte comme celui de l'Angleterre, où l'on a plus une

 25   tradition démocratique, on a quelquefois une vision assez manichéenne de


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  1   l'évolution d'autres Etats.

  2   Par exemple, les Serbes sont considérés comme étant les alliés naturels de

  3   l'Occident, puisqu'ils ont lutté, au cours de la Première et de la

  4   Deuxième Guerre mondiale, aux côtés de l'Ouest, de l'Occident. Ils ont une

  5   bonne réputation en tant que tels.

  6   Question:   En tant qu'historien, pensez-vous que ces stéréotypes sont

  7   importants si l'on veut évaluer la nature du conflit?

  8   Réponse:    Eh bien, ces stéréotypes n'ont pas contribué à bien évaluer le

  9   conflit. Ils permettent de voir comment la politique, les diplomates

 10   venant de l'extérieur en sont peut-être venus à examiner le conflit avec

 11   des perceptions déformées par ces stéréotypes. Ce type de stéréotype s'est

 12   souvent répété, notamment dans la formation, dans l'instruction donnée aux

 13   militaires britanniques.

 14   Question:   Parlons du plan Vance-Owen et du plan Owen-Stoltenberg.

 15   Pourriez-vous reprendre ce concept que vous avez présenté comme étant

 16   l'effet décisif s'agissant de ces plans?

 17   Réponse:    On a parlé de la cantonnalisation de la Bosnie-Herzégovine

 18   comme étant une solution possible au conflit. Mais tout ceci a été vicié,

 19   notamment par le langage utilisé pour décrire ces cantons, notamment dans

 20   le discours public, dans ce que disait Lord Owen ou ses porte-parole ou

 21   John Mils. Ceux-ci tendaient à parler de ces cantons comme étant contrôlés

 22   de façon ethnique. Il y aurait des cantons musulmans. Ceci a contribué au

 23   fait qu'on a généralement présenté le gouvernement de Bosnie-Herzégovine

 24   comme étant principalement musulman, ce que disaient aussi les forces

 25   serbes locales.


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  1   La rhétorique associée aux plans de paix, au lieu d'apaiser les tensions

  2   interethniques, n'a fait que les confirmer, et même les exacerber. En

  3   effet, les hommes politiques de la communauté internationale ont tendu à

  4   corroborer ceci. Cela voulait dire que cela donnait une certaine

  5   légitimité au conflit.

  6   Question:   Vous êtes historien, vous avez parlé des différentes tensions.

  7   Est-ce qu'elles suffisent à expliquer les conflits qui ont éclaté entre

  8   les Musulmans et les Croates de Bosnie? Est-ce que ces tensions expliquent

  9   ce conflit davantage que l'idée d'un grand plan, d'un complot tramé par le

 10   HDZ?

 11   Réponse:    Oui, ces événements tragiques, horribles depuis le printemps

 12   1992, que ce soit à Sarajevo ou ailleurs, avait déstabilisé, bouleversé

 13   toute la Bosnie-Herzégovine. Même dans des régions qui n'étaient pas

 14   contrôlées par les Serbes. Ceci peut expliquer ce conflit davantage que

 15   ces conspirations chimériques. Il faut analyser d'autres conflits pour

 16   s'en convaincre. Voyez au Liban: vous avez des groupes du même côté qui

 17   finissent par se disputer au niveau des ressources, des problèmes de

 18   logement. Il y a aussi l'effet brutal qu'a la guerre.

 19   Question:   Vous parlez, dans votre rapport, d'une théorie qui est avancée,

 20   selon laquelle il y avait un plan, un complot tramé à Karadjordjevo. Vous

 21   dites que ceci a été instigué, cette idée a été en fait lancée par des

 22   opposants à Tudjman?

 23   Réponse:    Même si la réunion, en tant que telle, s'est placée très tôt,

 24   on a dit qu'il y avait eu un accord, une collusion visant à démanteler la

 25   Bosnie-Herzégovine contre les aspirations de ses habitants et que ceci a


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  1   eu des conséquences brutales. Ceci provient de Stipe Mesic, qui est devenu

  2   Président de la Croatie. Ces affirmations de M. Mesic sont problématiques

  3   dans la mesure où il n'était pas présent à cette réunion. De surcroît, il

  4   a avancé de telles choses, du moins en public, seulement après qu'il ait

  5   eu une querelle avec le Président Tudjman et qu'il ait perdu la position

  6   importante qu'il avait au gouvernement et au sein du parti de M. Tudjman.

  7   Du côté de Tudjman, la source principale, Sarinic, son principal

  8   conseiller, donne un récit de la réunion qui n'est pas concluant et qui a

  9   fait l'objet d'une publication beaucoup plus tard.

 10   Ce sont les événements qui s'en sont suivis, le conflit qui a opposé les

 11   Serbes et les Croates de Bosnie qui me convainquent de ce qu'il faudrait

 12   croire à une théorie du conflit la plus obscure, finalement la plus

 13   absurde pour croire qu'il y a eu un schéma de comportement, de collusion

 14   qui remonte à la période de Karadjordjevo ou à une autre date. Et qu'en

 15   pratique, en 1995, beaucoup d'historiens militaires, notamment se sont

 16   adressés au Pentagone récemment: ils croient que c'est l'intervention de

 17   l'armée croate qui a permis d'enrayer l'effort de conquête serbe, qui a

 18   permis l'accord et que les bombardements de l'OTAN ont été un fait

 19   important, mais que, sans le rôle de l'armée de Croatie, la défaite des

 20   Serbes de Bosnie et l'établissement des dispositifs de l'accord de Dayton

 21   n'auraient pas pu avoir lieu.

 22   Je crois que c'est un avis couramment partagé par les historiens.

 23   Question:   Je n'ai pas d'autres questions à poser.

 24   M. le Président (interprétation): Maître Mikulicic, voulez-vous poser des

 25   questions à ce témoin?

 


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  1   M. Mikulicic (interprétation): Non, Monsieur le Président, nous n'avons

  2   pas de question.

  3         (Le témoin, M. Almond, est contre-interrogé par M. Nice.)

  4   M. Nice (interprétation): (Hors micro.)

  5   Une bonne technique nous permettant de ne pas parler trop rapidement est

  6   de suivre la chaîne n° 5, c'est-à-dire la chaîne française. Et si vous

  7   mettez cela suffisamment fort, vous entendrez le bruit qui vous permettra

  8   de savoir quand vous pourrez poser votre question suivante.

  9   M. Almond (interprétation): Je m'excuse auprès des interprètes.

 10   Question:   J'essaie de voir si j'ai bien compris votre position. En ce qui

 11   concerne le rapport du Dr Donia, peut-être que vous êtes en désaccord avec

 12   ce rapport en ce qui concerne certaines nuances, mais vous ne dites pas du

 13   tout qu'il s'agit d'un rapport complètement erroné?

 14   Réponse:    L'essentiel de ce rapport concernant la collusion entre la

 15   Croatie et la Serbie ou bien les deux présidents est, à mon avis,

 16   complètement erroné. Le Dr Donia présente beaucoup de citations mais ma

 17   conclusion est différente par rapport à la sienne sur la base de ces

 18   éléments.

 19   Question:   Mais comme les Juges l'ont dit, il s'agit d'un point de fait.

 20   Et vous savez également que la plupart des historiens sont d'accord avec

 21   l'avis du Dr Donia?

 22   Réponse:    Il y a également plusieurs points qui permettent de parler de

 23   l'identité de la Bosnie-Herzégovine en tant que communauté civile.

 24   Question:   Mais, en ce qui concerne cette interprétation de la Bosnie-

 25   Herzégovine, vous ne suggérez pas que les opinions avancées par le Dr


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  1   Donia sont à l'encontre des opinions partagées par la communauté

  2   universitaire?

  3   Réponse:    Non, mais elles font l'objet de débats.

  4   Question:   Et, dans sa conclusion concernant ce que vous décrivez en tant

  5   que plan, etc., encore une fois, il s'agit d'une opinion qui est partagée

  6   par beaucoup d'experts?

  7   Réponse:    Encore une fois, je souhaite dire que beaucoup de personnes qui

  8   sont souvent d'accord avec le Dr Donia, par exemple Noel Malcolm et

  9   d'autres, en ce qui concerne ce point en particulier, considèrent qu'il

 10   s'agit là d'une exagération qui déforme la vérité. Lorsqu'ils parlent de

 11   la collusion, peut-être qu'ils sont critiques vis-à-vis du Président

 12   Tudjman et du rôle des Croates en 1993, mais même les experts qui sont

 13   souvent d'accord avec le Dr Donia ne sont pas d'accord en ce qui concerne

 14   ces arguments-là allant dans le sens de dire qu'il y a eu sans arrêt une

 15   intention de procéder au partage.

 16   Question:   Est-ce que vous avez lu le rapport du Dr Cox également?

 17   Réponse:    Je n'ai pas terminé.

 18   Question:   Mais pour que je puisse comprendre, est-ce qu'il y a un

 19   commentaire que vous souhaiteriez faire à ce sujet ou bien est-ce que vous

 20   considérez que le témoin suivant pourra en parler mieux?

 21   Réponse:    Je pense qu'il sera plus compétent dans ce domaine.

 22   Question:  En ce qui concerne le Dr Mestrovic, le témoin suivant, bien sûr,

 23   nous l'entendrons. Mais, mis à part les éléments sur lesquels il se fonde,

 24   il se fonde également sur le caractère irréconciliable culturel existant

 25   entre les parties différentes. Apparemment, il va également parler du


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  1   conflit entre l'Islam et l'Ouest qui se prépare à l'horizon? Est-ce que

  2   vous êtes d'accord avec cela?

  3   Réponse:    Beaucoup d'experts, d'hommes politiques, d'analystes des

  4   renseignements prennent en considération cette possibilité d'un tel

  5   conflit très sérieusement. Moi-même, je pense que ce danger est moins

  6   sérieux et que, peut-être en ce qui concerne ce conflit potentiel, il

  7   n'est pas seulement la conséquence des agissements de l'Islam mais aussi

  8   des sociétés occidentales. A mon avis, il n'est pas entièrement

  9   déraisonnable de craindre cela.

 10   Question:   Lorsqu'il parle des différences culturelles entre les gens

 11   vivants en Europe occidentale et les gens de Bosnie-Herzégovine, en disant

 12   qu'il faut s'attendre à des normes de performance bien moindres, est-ce

 13   que vous êtes d'accord avec lui là-dessus?

 14   Réponse:    Je n'ai pas encore lu son rapport, donc je pense que je ne suis

 15   pas à même de faire un commentaire à ce sujet.

 16   Question:   Quelques questions concernant votre biographie. L'avez-vous

 17   rédigée vous-même?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Il s'agit donc de la biographie telle que vous l'avez décrite

 20   vous-même? En ce qui concerne votre carrière universitaire, vous avez fait

 21   une petite correction. En ce qui concerne l'année 1986, je souhaite vous

 22   poser les questions suivantes. Comme le Juge May le sait certainement,

 23   peut-être que les autres Juges ne le savent pas, à l'université d'Oxford,

 24   vous êtes un enseignant -c'est cela je suppose- au Collège Oriel?

 25   Réponse:    Je donne des conférences et j'ai un statut au niveau de


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  1   professeur.

  2   Question:   Vous n'êtes donc pas vraiment un assistant du professeur?

  3   Réponse:    Non.

  4   Question:   Et vous n'êtes pas un enseignant à l'université?

  5   Réponse:    J'enseigne à l'université et le travail de ce Collège est

  6   organisé par l'université d'Oxford. Et puis j'enseigne également au lycée.

  7   Question:   Donc, vous enseignez seulement au Collège Oriel, c'est cela?

  8   Réponse:    J'enseigne dans le cadre du Collège mais j'enseigne aux

  9   étudiants du Collège.

 10   Question:   Je comprends que parfois vous travaillez à l'extérieur?

 11   Réponse:    Oui. Par exemple, parfois les étudiants de l'université suivent

 12   les cours qui sont organisés par ce Collège.

 13   Question:   Très bien, mais au sein de l'université elle-même, vous

 14   n'enseignez pas?

 15   Réponse:    Non. Lorsque vous êtes enseignant à l'université, cela veut

 16   dire que parfois, par exemple, j'ai organisé des séminaires: j'ai parlé à

 17   différentes conférences devant les étudiants de cette université. Il ne

 18   s'agit donc pas d'un poste fixe.

 19   Question:   Vous n'avez pas énoncé vos qualifications formelles: nous ne

 20   voyons pas que vous avez passé un test de doctorat?

 21   Réponse:    J'ai omis de le mettre.

 22   Question:   Est-ce que vous avez commencé une thèse de doctorat?

 23   Réponse:    Oui, je l'ai commencée, je me suis penché sur l'histoire

 24   intellectuelle allemande et notamment Richard Wagner et Nietzsche. J'ai

 25   surtout focalisé mon intérêt à l'Europe de l'Est, au développement des


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  1   sociétés balkaniques. Je me suis rendu en République tchèque également.

  2   J'ai été surtout intéressé par ce qui se passait dans le monde communiste.

  3   Je peux dire également qu'à Oxford, j'ai collaboré avec Timothy Gardner

  4   Ash.

  5   Question:   Mais vous avez commencé ce doctorat il y a combien de temps?

  6   Réponse:    J'ai commencé à faire des recherches après avoir terminé mon

  7   premier diplôme, en 1980. Et puis, je me suis consacré à des questions

  8   concernant l'Europe de l'Est; j'ai commencé à enseigner. J'ai écrit sur

  9   d'autres sujets.

 10   Question:   Pour en terminer des questions relatives à votre CV, en

 11   Angleterre, et surtout à Oxford. Mais aussi de façon plus générale,

 12   lorsqu'on utilise le terme de professeur, c'est tout à fait particulier,

 13   n'est-ce pas?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Cela veut dire que vous êtes chef d'un département, vous avez

 16   une chaire?

 17   Réponse:   C'est vrai que c'est un poste tout à fait émérite. A Oxford, les

 18   professeurs ne sont pas chefs de département. Le président du département

 19   est élu par le membre de la faculté d'histoire.

 20   Question:   Le rang inférieur est celui de lecteur, de reader?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Mais, aux Etats-Unis, le terme de professeur porte sur des

 23   notions plus générales, il s'agit d'activités d'enseignement. Vous vous

 24   présentez comme étant un professeur en résidence à l'institut Hoover. Est-

 25   ce exact ou est-ce entaché d'inexactitude?


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  1   Réponse:    L'institut Hoover m'a désigné, élu à ce qu'eux appellent

  2   professeur. Ce n'est pas moi qui l'ai choisi. J'étais un petit peu

  3   embarrassé. Ils m'ont élu en tant que professeur émérite. Cela me permet

  4   de poursuivre mes projets de recherches que je leur ai soumis.

  5   Question:   Ce projet de recherche porte sur la politique éditoriale et

  6   l'influence que peuvent exercer les Américains?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Vous vous attachez à l'effet, à l'impact de ces médias?

  9   Réponse:    Oui, je m'intéresse de plus en plus à cela.

 10   Question:   Quand avez-vous été nommé?

 11   Réponse:    En août 1999, mais pas officiellement.

 12   Question:   Parce que je pense qu'à l'institut Hoover, votre titre a

 13   toujours été celui de "fellow" en résidence et pas de professeur. Jamais

 14   on n'a utilisé ce terme de professeur pour décrire vos activités. Veuillez

 15   examiner le document.

 16   Réponse:    Les membres de l'institut Hoover sont souvent des titres sous

 17   le terme anglais de "fellow". Si j'ai commis une erreur, je ne vais pas ici

 18   faire appel à ces autorités. Je sais que, dans des conversations

 19   téléphoniques, on me traite de professeur. Au moment où j'ai rédigé mon

 20   CV, je n'ai pas pensé que, ce faisant, je modifiais la signification. Si

 21   c'est le cas, je m'en excuse.

 22   Question:   Aux Etats-Unis, on fait une différence entre le professeur qui

 23   enseigne, qui donne des cours et le "fellow", qui est en fait le

 24   spécialiste des recherches. Vous avez une bourse de recherche pour un an?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Merci. Restons-en toujours à votre CV. Quand avez-vous publié

  2   votre premier ouvrage sur la Yougoslavie?

  3   Réponse:    En 1991.

  4   Question:   Quel était le titre?

  5   Réponse:    "Communication sur les erreurs des Balkans".

  6   Question:   Et c'était une espèce de pamphlet, n'est-ce pas?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Depuis, vous n'écrivez plus sur la Yougoslavie, parce que vous

  9   vous intéressez à autre chose, notamment à la Roumanie?

 10   Réponse:   Vous savez que la Roumanie est un Etat voisin de la Yougoslavie.

 11   Surtout fin des années 80 et après 1989, bien sûr, la Yougoslavie

 12   permettait de faire des comparaisons fascinantes:  c'était un contre

 13   exemple de l'effondrement des régimes communistes dans les Etats voisins,

 14   comme par exemple la Tchécoslovaquie et la Roumanie.

 15   Question:   Pour les universitaires, c'étaient les conditions rêvées pour

 16   travailler avec une situation qui était un bouillon de culture, une

 17   situation inusitée?

 18   Réponse:    Du fait des études que j'avais faites auparavant, j'ai eu le

 19   sentiment que… Tout d'abord, j'ai été frappé par le peu d'intérêt qui se

 20   manifestait, alors que le conflit pour moi menaçait de se développer.

 21   J'étais frappé aussi par certaines des affirmations répandues à l'époque à

 22   propos du conflit.

 23   Question:   La défense vous présente comme étant un historien. A ce titre,

 24   j'ai quelques questions à vous poser. Je crois que vous accepterez le fait

 25   qu'un historien travaille à partir de sources premières, de sources


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  1   primaires, originales des documents, n'est-ce pas?

  2   Réponse:    Ces sources sont disponibles. Un historien fait feu de tout

  3   bois, notamment utilise des réflexions.

  4   Question:   Mais, bien sûr, s'agissant de l'ex-Yougoslavie, les sources

  5   primaires originales de documents sont innombrables?

  6   Réponse:    C'est vrai pour beaucoup de domaines. Mais lorsqu'on parle du

  7   démantèlement de la Yougoslavie, des réactions que ceci a suscité dans la

  8   communauté internationale, surtout en Europe occidentale, aux Etats-Unis,

  9   il y a finalement peu de sources de première main, s'agissant de documents

 10   qui soient du domaine public.

 11   Question:   Vous ne parlez pas la langue du pays, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Disons que j'en ai une lecture assez médiocre depuis.

 13   Question:   Depuis quand?

 14   Réponse:    Eh bien, j'ai essayé de le faire en autodidacte depuis 1991 et,

 15   depuis, je ne pense pas que…, je regrette de ne pas avoir des compétences

 16   supérieures.

 17   Question:   Personne évidemment ne pourra se plaindre de ces limites

 18   linguistiques, surtout en tant qu'anglophone, mais, dans vos publications

 19   relatives à la Yougoslavie, vous ne citez aucune source de première main

 20   écrite en serbo-croate ou en BCS, comme on l'appelle aujourd'hui?

 21   Réponse:    Ce n'est pas tout à fait vrai, parce que l'essentiel de ce que

 22   j'ai écrit s'inspire de sources écrites dans la langue des médiateurs

 23   internationaux, des hommes politiques internationaux. Mais les méandres de

 24   mes recherches dans mes dictionnaires me donnent davantage de confiance

 25   pour dire que je suis en un historien culturel ou littéraire du serbo-


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  1   croate.

  2   Question:   Je pense que, que ce soit dans vos écrits antérieurs ou dans le

  3   rapport que vous avez préparé pour ce Tribunal, vous ne citez aucune

  4   référence de première main, qui soit écrite en serbo-croate, pour utiliser

  5   l'appellation ancienne?

  6   Réponse:    Il y a peut-être quelques exemples. Mais j'avais, dans le cadre

  7   de ce rapport, pour tâche de parler des perceptions de ces événements en

  8   rapport direct avec le démantèlement, de l'effondrement de la Yougoslavie

  9   et les négociations internationales. Je crois avoir cité l'un ou l'autre

 10   cas où j'ai vérifié des sources, dans la mesure du possible et de mes

 11   capacités limitées.

 12   Question:   Par exemple, nous n'allons citer qu'un seul exemple: Tudjman,

 13   l'historien. Est-ce que tous ses livres ont été traduits en anglais? Avez-

 14   vous pu les lire en anglais ou étaient-ils inaccessibles pour vous

 15   puisqu'ils étaient écrits et publiés en serbo-croate?

 16   Réponse:    Je ne sais pas si tous les livres, parmi les nombreux livres du

 17   Dr Tudjman ont été traduits, mais beaucoup d'entre eux ont été traduits et

 18   ont fait l'objet de beaucoup de débats. Moi, j'en possède plusieurs.

 19   Question:   Mais si vous souhaitez vérifier quelque chose sur l'historique

 20   des opinions développées par Tudjman, vous ne pouvez pas vérifier les

 21   sources?

 22   Réponse:    Comme je l'ai déjà dit, j'ai de temps en temps vérifié ces

 23   points. Parfois, il y des points qui font l'objet de controverses. J'ai

 24   donc vérifié l'original des propos cités par les différentes personnes.

 25   Question:   Je pense que, compte tenu du temps, la manière la plus efficace


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  1   de procéder est que je traverse avec vous votre rapport et que je vous

  2   pose certaines questions particulières. De temps en temps, nous irons

  3   davantage dans le détail concernant certains sujets, certains domaines.

  4   Donc, veuillez prendre votre rapport. Veuillez prendre la page 3 -les

  5   pages sont indiquées en haut à droite- et le quatrième paragraphe.

  6   Dans ce paragraphe, vous faites un commentaire concernant les déclarations

  7   faites par le Président Tudjman qui dénonçait le danger du fondamentalisme

  8   islamiste et vous dites que plusieurs leaders du SDA avaient été formés

  9   dans des Etats arabes radicaux, etc.. Si nous nous souvenons du nombre des

 10   commentateurs des Etats-Unis...

 11   Je crois que les interprètes ont reçu le rapport.

 12   Et même la CIA a averti, a lancé un avertissement vis-à-vis de l'influence

 13   potentielle des fondamentalismes islamiques en Bosnie et dans d'autres

 14   parties des Balkans. Alors, on peut conclure que l'attitude de Tudjman

 15   n'est pas nécessairement anormale ou complètement cynique.

 16   Considérez-vous qu'à l'époque, il était acceptable et non pas dangereux

 17   d'exprimer ce genre d'opinions qui peuvent être caractérisées de racistes

 18   vis-à-vis des Musulmans?

 19   Réponse:    Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse là d'opinions racistes vis-à-

 20   vis des Musulmans de Bosnie, ou vis-à-vis de leur confession, surtout si

 21   nous nous replaçons dans le contexte de la fin des années 80 et du début

 22   des années 90 et si nous tenons compte de la situation au Liban, qui était

 23   tendue. A l'époque, il n'était pas rare que des hommes d'Etat fassent ce

 24   genre de déclaration concernant l'idéologie islamiste qui pénètre de plus

 25   en plus les territoires peuplés par les Musulmans. Je pense qu'il faut


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  1   donc faire une distinction entre la peur devant une idéologie musulmane

  2   radicale et le fait de s'opposer à l'ensemble du groupe.

  3   Question:   Mais la question reste ouverte. Je la repose: n'était-ce pas

  4   dangereux, compte tenu de la composition ethnique de la Bosnie au début

  5   des années 90, d'exprimer les avis qui allaient à l'encontre de l'ensemble

  6   d'un groupe ethnique qui faisait partie de cet Etat?

  7   Réponse:    Si l'on exprimait ce genre d'opinion, c'était peut-être

  8   effectivement dangereux, cela pouvait être interprété comme tel.

  9   Question:   Et, bien sûr, ce danger est lié au fait que ceci attiserait des

 10   émotions qui naissaient ou qui n'avaient même pas existé auparavant dans

 11   l'esprit des Croates, dans le cas précis, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Oui, cela pouvait peut-être avoir un tel effet. Mais il ne faut

 13   pas oublier qu'il s'agissait là de craintes exprimées par un grand nombre

 14   de personnes. A mon avis, c'était exagéré, comme je l'ai dit. Par exemple,

 15   en ce qui concerne l'influence iranienne et l'influence des Moudjahidin en

 16   Bosnie-Herzégovine, qui s'est développée par la suite en Bosnie. Peut-être

 17   était-ce également la réaction face à la guerre lancée par les Serbes de

 18   Bosnie et aussi face à la déception après la solution trouvée en 1995.

 19   Donc, nous avons déjà connu dans l'Histoire des cas où les gens devenaient

 20   plus religieux à cause des événements, à cause de la pression des

 21   événements.

 22   Question:   Je souhaite ajouter encore quelques mots concernant ce point,

 23   concernant ce sujet. Les Juges ont déjà beaucoup entendu parler des

 24   combattants Moudjahidin; il a été démontré qu'ils participaient aux

 25   combats, mais la plupart d'entre eux devaient passer à travers la Croatie


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  1   afin d'atteindre la Bosnie. Donc comment reliez-vous cela au fait que

  2   Tudjman aurait exprimé une inquiétude réelle vis-à-vis des développements

  3   mondiaux? Ne pensez-vous pas que son ambition était plutôt locale et

  4   différente de celle exprimée publiquement?

  5   Réponse:    Je pense que là, vous parlez de quelque chose de différent,

  6   c'est-à-dire que quelles que soient les craintes du gouvernement croate au

  7   moment où la guerre a éclaté en Bosnie en 1991, le gouvernement a permis

  8   que le gouvernement bosnien reçoive de l'aide.

  9   Question:   Mais de toute façon, ceci n'est pas tout à fait en accord avec

 10   une inquiétude réelle ou sincère concernant un partage entre le monde

 11   islamiste et chrétien?

 12   Réponse:   Je pense que ceci correspond tout à fait à une peur réelle. Mais

 13   à ce moment-là, la priorité était le combat contre les Serbes de Bosnie

 14   qui représentaient une menace plus importante que les autres, y compris

 15   les fondamentalistes islamistes.

 16   Question:   Je vais passer à la page 4 de votre rapport.

 17   Le paragraphe au milieu dit la chose suivante: "Nous avons entendu les

 18   dépositions indiquant que les Moudjahidin sont venus sur le terrain après

 19   les événements". Est-ce que ceci modifie votre réponse?

 20   Réponse:    Non, je ne vois pas ce que vous voulez que je dise.

 21   Question:  Paragraphe 4, page 4: les préparatifs des Croates de Bosnie pour

 22   leur défense, autodéfense, ont commencé à ressembler à autre chose dans la

 23   lumière du fait que les autorités du Président Izetbegovic n'avaient pas

 24   essayé d'interdire que la JNA lance des opérations depuis le territoire de

 25   la Bosnie contre la Croatie en 1991. Puis vous dites un peu plus loin que


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  1   ce genre de mesures visant à créer la confiance n'ont pas réussi à apaiser

  2   Belgrade. N'est-ce pas vrai qu'à l'époque, et les Croates et les Musulmans

  3   essayaient de faire face et d'arrêter la mobilisation des réservistes

  4   lancée par Milosevic?

  5   Réponse:    Cela, c'est quelque chose de différent.

  6   Question:   N'est-ce pas correct tout d'abord?

  7   Réponse:    Je pense que tous les Croates et tous les Musulmans et les

  8   autres ne souhaitaient pas partir au combat lancé contre la Croatie. Cela

  9   dit, plusieurs officiers, qui sont par la suite devenus des officiers

 10   importants de l'armée de Bosnie-Herzégovine, avaient participé à ces

 11   opérations. Mais je pense que j'ai déjà dit que le Président Izetbegovic

 12   voulait absolument éviter le conflit.

 13   Question:   C'est normal?

 14   Réponse:    Absolument.

 15   Question:   Mais ce paragraphe ne découle pas sur une conclusion

 16   particulièrement importante en ce qui concerne l'interprétation de ce qui

 17   s'est passé entre les Croates et les Musulmans puisque leur attitude était

 18   la même vis-à-vis de Milosevic et la résistance face à Milosevic?

 19   Réponse:    Je pense qu'il faut faire la différence entre la résistance et

 20   le mécontentement face à ce que Milosevic faisait. En ce qui concerne les

 21   Croates de Bosnie, un grand nombre d'entre eux sont partis en Croatie afin

 22   de combattre la JNA: on était en automne 1991. Il est possible de

 23   comprendre que les Serbes souhaitaient peut-être provoquer une scission

 24   entre les Musulmans et les Croates et peut-être que cette scission peut

 25   s'expliquer par l'attitude du gouvernement bosnien vis-à-vis de la


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  1   mobilisation parce que les Croates étaient conscients de ce qui se passait

  2   à leurs frères croates en Croatie. Ils avaient toutes les raisons de

  3   craindre de devenir la cible prochaine si une telle guerre allait éclater

  4   en Bosnie-Herzégovine alors que la communauté musulmane était restée

  5   plutôt neutre et parfois a continué à respecter l'autorité yougoslave.

  6   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, il est 11 heures même un

  7   peu plus, peut-être que nous pouvons faire une pause maintenant?

  8   M. Nice (interprétation): Tout à fait.

  9   M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause maintenant.

 10   Monsieur Almond, je dois vous dire ce que je dis à tous les témoins: ne

 11   parlez avec personne de votre déposition avant sa fin. Ceci s'applique

 12   également à l'équipe de la défense. Nous aurons une pause d'une demi-

 13   heure.

 14         (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 40.)

 15   M. le Président (interprétation): Monsieur Almond, les sténotypistes m'ont

 16   demandé de vous demander de parler le plus lentement possible et de

 17   manière plus distincte.

 18   M. Almond (interpration): Excusez-moi, je parle de manière

 19   incompréhensible dans toute les langues que je parle.

 20   M. Nice (interprétation): Une dernière chose en ce qui concerne la

 21   mobilisation dont vous avez parlé à la page 4. Tout à l'heure, nous avons

 22   parlé des sources dont vous avez disposé. Cependant, d'après vous, qui a

 23   décidé de ne pas faire la mobilisation? Qui a pris cette décision?

 24   M. Almond (interprétation): Si j'ai bien compris, là vous parlez de la

 25   mobilisation afin de s'opposer aux activités de la JNA dans la guerre en


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  1   Croatie?

  2   Question:   Oui.

  3   Réponse:    Si j'ai bien compris, c'était le gouvernement de Sarajevo.

  4   Question:   Que voulez-vous dire par "le gouvernement de Sarajevo"?

  5   Réponse:    Le Président Izetbegovic et ses collègues.

  6   Question:   Vous savez, il est très important d'être très précis en ce qui

  7   concerne ce sujet-là, n'est-ce pas? Vous acceptez cela?

  8   Réponse:    Oui, absolument.

  9   Question:   Vous voulez dire le Président Izetbegovic ou la présidence? Qui

 10   a pris cette décision de ne pas procéder à la mobilisation? Ou peut-être

 11   ne le savez-vous pas?

 12   Réponse:    Je pense que cela a été fait sous l'autorité de la présidence,

 13   mais je n'ai pas le document sous les yeux.

 14   Question:   Bien sûr, vous avez lu le livre "La tragédie balkanique" de

 15   Suzan Woodward, c'est un livre en anglais. Elle dit tout à fait clairement

 16   que c'est la présidence qui a émis cet ordre; ceci figure à la page 260.

 17   La présidence, y compris les membres croates, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   En ce qui concerne le paragraphe où vous dites que l'on se

 20   souvient que les autorités du Président Izetbegovic, etc... Pensez-vous

 21   que c'est vraiment juste, que c'est un terme juste?

 22   Réponse:    Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, je ne voulais pas

 23   vraiment dire qu'il faut conclure qu'Izetbegovic et les membres de son

 24   parti avaient l'intention d'éviter le conflit, il ne faut pas

 25   nécessairement tirer cette conclusion sur la base de cela. Mais compte


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  1   tenu du contexte, je pense qu'il y a beaucoup de moyens de preuve

  2   indiquant que les gens, dans des régions à majorité croate où il y avait

  3   beaucoup de sympathisants Croates, en ce qui concerne la guerre en

  4   Croatie, je pense que nous pouvons dire compte tenu de tout cela que la

  5   présidence de Sarajevo, y compris ses membres croates, n'était pas tout à

  6   fait consciente de la menace de la JNA.

  7   Question:   Je vous interromps car nous n'avons pas beaucoup de temps. Ma

  8   question est simplement la suivante: vous, en tant qu'expert, lorsque vous

  9   vous focalisez sur le Président Izetbegovic alors que sur la base des

 10   documents dont vous disposiez, vous pouviez savoir que les Croates

 11   partageaient cette attitude, est-ce que vous considérez qu'il est juste de

 12   dire cela?

 13   Réponse:    Il est peut-être possible de modifier cette déclaration en

 14   disant que les membres croates de la présidence ont participé à la prise

 15   de décision. Mais sur la base de toutes les sources dont je dispose, y

 16   compris les livres que vous avez mentionnés et les résumés de la BBC, du

 17   FBIS, etc., nous ne pouvons pas nécessairement conclure seulement cela.

 18   Beaucoup de Croates de Bosnie considéraient que c'était initié surtout à

 19   cause des intérêts des Musulmans.

 20   Question:   Avant d'aborder le sujet important suivant, le seul sujet qui

 21   nous reste et sur lequel nous allons passer un peu plus de temps, nous

 22   allons de nouveau parler de vos fonctions. Je crois que vous nous avez dit

 23   que vous aviez surtout étudié les sources anglaises afin de conclure

 24   quelle était l'interprétation à l'extérieur de la Bosnie vis-à-vis des

 25   événements qui se produisaient en Bosnie. Si c'est exact, comment ceci


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  1   vous permet-il d'exprimer des opinions sur ce qui s'est passé à

  2   Karadjordjevo?

  3   Réponse:   Je ne pense pas qu'un quelconque témoin expert ait participé aux

  4   événements, ait assisté aux événements. En ce qui concerne les discussions

  5   qui ont eu lieu à Karadjordjevo, les discussions promues par des

  6   affirmations telles que celles qu'a faites M. Mesic, il s'agissait de

  7   déclarations qui ont été reproduites dans de nombreuses langues. En ce qui

  8   concerne les gens qui croient, et qui à mon avis se trompent, qu'il y a eu

  9   une collusion entre Zagreb et Belgrade, il n'est pas nécessaire de dire

 10   non plus qu'il s'agissait de gens malhonnêtes; je pense qu'il s'agit là

 11   d'une admission de la version des événements prédominants. Il est

 12   néanmoins difficile, je pense, d'interpréter le conflit et la

 13   désintégration de la Yougoslavie de cette manière-là.

 14   Par exemple, M. Sarinic était l'un des participants à cette réunion, et à

 15   l'époque il était peut-être le conseiller le plus proche du président

 16   Tudjman. Il dit, en ce qui concerne le mois d'Août 1995, qu'il y a eu une

 17   conversation téléphonique avec Milosevic, et Milosevic a affirmé que

 18   l'armée croate détruisait les positions des Serbes de Bosnie et produisait

 19   un désastre auprès des Serbes de Bosnie, etc.. Il disait également

 20   pourquoi Tudjman poursuivait une telle politique agressive qui ne faisait

 21   qu'aider les Musulmans. Autrement dit, il souhaitait dire qu'il ne

 22   s'occupait pas uniquement des intérêts croates, pour autant que je m'en

 23   souvienne.

 24   Question:   Nous allons poursuivre. Au début de cette longue réponse...

 25   Réponse:    Je n'ai pas le texte devant les yeux.


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  1   Question:   Excusez-moi, mais si vous appuyez sur le bouton "transcript"

  2   devant vous, vous pourrez voir le transcript en anglais.  Il est clair,

  3   pour vous, que vous considérez qu'il est erroné de penser qu'il y avait

  4   une collusion entre les deux centres. Vous avez une autre opinion sur ce

  5   qui s'est passé lors de cette réunion. Dans votre réponse, vous dites:

  6   "L'homme, Sarinic, a écrit un livre". Mais le livre est en croate, n'est-

  7   ce pas?

  8   Réponse:    Oui, il est en croate. J'ai un exemplaire en langue croate.

  9   Question:   L'avez-vous lu?

 10   Réponse:    Oui, j'ai tout lu et j'ai vérifié en comparant cela aux

 11   traductions de certaines parties de ce livre qui ont été rendues

 12   publiques. J'ai également lu une partie du livre en anglais.

 13   Question:   Vous souvenez-vous de la partie où Sarinic parle de la

 14   conversation concernant Borovo Selo, du fait qu'il avait survolé cet

 15   endroit. Est-ce que vous avez le texte devant vous?

 16   Réponse:    Non.

 17   Question:   Mais est-ce que vous vous en souvenez?

 18   Réponse:    Je ne sais pas.

 19   Question:   Est-ce que vous savez que Milos Minic (?) a publié un récit sur

 20   la plupart des choses qui ont été dites lors de la réunion à

 21   Karadjordjevo?

 22   Réponse:    Je ne le sais pas.

 23   Question:   Encore une fois, ce n'est pas en anglais mais vous ne l'avez

 24   même pas vu?

 25   Réponse:    Non.


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  1   Question:   Examinons maintenant certains documents dont vous disposiez

  2   peut-être, mais avant cela veuillez me rappeler -peut-être que je vous

  3   demande de dire quelque chose que vous avez déjà dit- d'après vous, ce qui

  4   s'est passé lors de cette réunion.

  5   Réponse:   D'après moi, il y a eu une discussion entre les deux présidents,

  6   Milosevic de Serbie et Tudjman de Croatie, concernant la question de

  7   savoir si la Yougoslavie allait disparaître. Et bien sûr, il s'agissait là

  8   d'une perspective tout à fait raisonnable, et dans ce cas-là quelle entité

  9   devait succéder à la Yougoslavie. Un partie de la tragédie, et notamment

 10   en ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine et les Musulmans de Bosnie-

 11   Herzégovine mais aussi toute la population de la Bosnie-Herzégovine, c'est

 12   qu'il ne s'agissait pas d'une République ayant une population homogène

 13   comme en Slovénie ou bien ayant une population à grande majorité comme en

 14   Croatie ou en Serbie. Ils discutaient sur la question de savoir ce qui

 15   allait se passer avec les Serbes et les Croates de Bosnie dans un tel cas

 16   de figure.

 17   Question:   Il n'y a pas eu de question d'annexion, pas du tout?

 18   Réponse:    Cela dépend de ce que vous voulez dire en employant le terme

 19   "annexion". Je suppose que peut-être si deux états souverains, la Serbie

 20   et la Croatie, avaient été créés et si la Bosnie-Herzégovine n'était pas

 21   devenue un état entièrement souverain ou bien s'ils n'avaient pas été

 22   partagés entre deux états souverains, dans ce cas-là je pense que

 23   certaines parties de ce territoire seraient rattachées à l'un ou l'autre

 24   de ces deux états souverains. J'ai l'impression qu'il y a eu peut-être des

 25   discussions à ce sujet, mais quant à la question de savoir s'il y a eu une


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  1   planification de cela et surtout un accord à ce sujet, je pense compte

  2   tenu de l'évolution de la situation sur le terrain que ceci est tout à

  3   fait peu plausible.

  4   Question:   De toute façon, il n'y a pas eu de représentants de la

  5   communauté musulmane. Et bien sûr, devant les représentants de la

  6   communauté musulmane, il n'y a pas de raison de parler d'un partage de

  7   l'ex Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas, d'après vous?

  8   Réponse:    Personnellement, je pense que la dissolution de la Bosnie-

  9   Herzégovine n'était pas bénéfique à qui que ce soit, même pas aux Serbes

 10   et sans parler des Croates et des Musulmans.

 11   Question:   Ce n'était pas ma question. Nous nous penchons sur votre

 12   opinion, vous avez dit quelle est votre opinion. Mais d'après vous, est-ce

 13   que d'une quelconque manière ces deux hommes auraient pu parler du partage

 14   trilatéral ou bilatéral de l'ancienne Bosnie-Herzégovine lors de cette

 15   réunion?

 16   Réponse:    Il me semble que lors de cette réunion, il est probable que

 17   l'idée de la Bosnie-Herzégovine, qui ne devait pas devenir un état

 18   indépendant et souverain, était certainement une idée qui faisait l'objet

 19   de discussion parmi d'autres idées.

 20   Question:   S'il vous plaît, y a-t-il un quelconque fondement pour dire que

 21   sans la présence des Musulmans, peut-être que ces deux hommes ont parlé du

 22   partage en deux ou trois parties?

 23   Réponse:    Si un plan avait été formulé et adopté et s'il avait été suivi

 24   d'action afin de partager cette République sans consultation avec les

 25   autres, je pense que du point de vue éthique, il s'agirait de quelque


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  1   chose de beaucoup plus répréhensible que les discussions sur les

  2   possibilités et sur ce qui pouvait se passer parce que moi, j'ai

  3   l'impression qu'ils parlaient de ce qui pouvait se passer éventuellement.

  4   D'après ce que j'ai déjà publié dans le passé, moi, personnellement, je

  5   soutenais l'idée de la République indépendante de Bosnie, mais je ne suis

  6   pas sûr -car à ce moment-là il y a eu un grand flou: le pays se

  7   désintégrait et le conflit venait d'éclater- que ceci prouve

  8   nécessairement l'existence d'une intention criminelle si les personnes,

  9   les deux personnes ont parlé des frontières internationales, puisque c'est

 10   seulement par la suite que la communauté internationale les a reconnues en

 11   tant que frontières des états souverains.

 12   Question:   Vous avez donc lu tout un nombre de sources en anglais

 13   provenant des articles de presse anglaise?

 14   Réponse:    Oui, je suppose.

 15   Question:   Je suppose donc que vous êtes au courant de ce qui a été écrit

 16   en 1994 et en 1995 concernant ces réunions? Ceci a été écrit également sur

 17   la base des récits des témoins oculaires?

 18   Réponse:    J'essaie de me souvenir mais je n'y arrive pas.

 19   Question:   Examinons maintenant dans ce cas-là la pièce à conviction 1682,

 20   s'il vous plaît. Veuillez appuyer sur le bouton vidéo pour voir le texte,

 21   s'il vous plaît.

 22         (Diffusion de la vidéo.)

 23   Une création qui a été créée avec les invasions des Ottomans de l'Europe,

 24   jusqu'à ce moment-là une grande partie de la Bosnie-Herzégovine faisait

 25   partie de l'Etat de Croatie ou bien il y avait une sorte de royaume


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  1   bosniaque mais catholique qui était relié à la Croatie."

  2   L'obsession de Tudjman avec les affirmations de la Croatie en Bosnie sont

  3   profondes. En 1991, il rencontre son ennemi de toujours, le président

  4   Slobodan Milosevic, en vue de discussions secrètes. Même si la Serbie

  5   menace d'envahir la Croatie, M. Tudjman est    toujours prêt à parler de

  6   leur intérêt commun: le partage pour leur intérêt de la Bosnie-

  7   Herzégovine?

  8   Intervenant:      Tous les témoins occulaires de Karadjordjevo peuvent

  9   maintenant révéler l'ordre qui était prévu. Ceci n'a jamais été publié

 10   dans des médias, on n'a jamais rendu publique l'information complète à ce

 11   sujet. Il s'agissait donc de discussions secrètes mais dans les médias,

 12   ils ont été présentés comme la discussion entre la Serbie et la Croatie

 13   concernant les problèmes existants entre ces deux états et rien d'autre.

 14   Qui plus est, des démentis ont été lancés concernant toute les rumeurs,

 15   toutes les suppositions indiquant que l'objet de la discussion était la

 16   Bosnie. Ceci a été démenti.

 17   Intervenant:      Il y avait beaucoup de cartes sur la table, je suppose

 18   que l'idée prévalant se rapprochait des idées émises récemment quant à la

 19   Bosnie-Herzégovine, soit de la diviser, de la partager en dix ou quinze

 20   unités, ou en trois états semi-indépendants.

 21   Est-ce que les Musulmans ont assisté à cette réunion?

 22   Intervenant:      Non, absolument pas. Pas un seul représentant de la

 23   Bosnie-Herzégovine n'a participé aux entretiens à Karadjordjevo ni après

 24   Karadjordjevo. Il s'agissait simplement de discussions bilatérales entre

 25   les représentants serbes et croates, et aucun représentant des Musulmans


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  1   de Bosnie n'y a jamais assisté.".

  2         (Fin de la diffusion.)

  3   De toute évidence, il s'agit là d'un document dont vous êtes au courant.

  4   L'avez-vous déjà vu?

  5   M. Almond (interprétation): Oui, j'ai vu le programme, mais je souhaite

  6   faire deux commentaires à ce sujet. En ce qui concerne le contenu, ceci

  7   est semblable plutôt à ce que j'ai dit concernant ces discussions, y

  8   compris une partition, un partage éventuel entre parties. Mais c'est la

  9   conclusion qui diffère.

 10   En ce qui concerne le deuxième point que je souhaite traiter: dans ce

 11   programme, nous voyons avec la musique les deux Présidents; ceci crée une

 12   impression… Cela pourrait être, par exemple, Holbrooke et Owen dans un

 13   même contexte: on pourrait le dramatiser avec cette présentation et avec

 14   la musique. Donc, je ne suis pas sûr…

 15   Question:   En ce qui concerne la présentation dramatique et la musique,

 16   ceci n'intéresse pas les Juges. De toute façon, les personnes qui parlent

 17   des événements, il ne s'agit pas de gens neutres, il s'agit de gens pour

 18   lesquels vous avez dit...

 19   Réponse:    Je sais que c'étaient des personnalités connues en Croatie.

 20   Question:   Et vous ne leur avez pas demandé de l'aide?

 21   Réponse:    Non, mais j'ai vu le programme.

 22   Question:   Et ils disent clairement qu'il a été démenti officiellement que

 23   le partage de la Bosnie faisait l'objet de cette discussion? Pourquoi

 24   pensez-vous qu'il fallait tenir ces discussions sans la présence de la

 25   troisième partie?


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  1   Réponse:    C'est justement parce que les leaders serbes avaient déjà

  2   affirmé plusieurs fois qu'ils souhaitaient revendiquer le territoire en

  3   Croatie et en Bosnie, qui était peuplé par une majorité serbe, au moins à

  4   leur avis. La question était de savoir comment éviter le conflit. Moi,

  5   j'ai déjà souligné que je ne considère pas que les contacts entre les

  6   Musulmans de Bosnie et les autorités serbes doivent être interprétés comme

  7   répréhensibles puisque leur but était d'éviter les conflits. Je pense

  8   qu'en ce qui concerne les rapports entre Tudjman et Milosevic, nous ne

  9   devons pas nécessairement conclure qu'il s'agissait de quelque chose de

 10   répréhensible. Mis à part tout le reste, si l'on examine tout un tas de

 11   discussions, y compris les discussions entre les leaders démocratiques et

 12   légitimes, souvent, après les discussions, ils démentent que le contenu de

 13   leurs discussions était tel que révélé par la presse, car ils ne

 14   souhaitent pas nécessairement qu'ils sachent quel était le contenu.

 15   Question:   Pourquoi, à votre avis, ici, ces hommes parlaient vraiment de

 16   l'avenir, de ce destin? Pourquoi avaient-ils des discussions bilatérales,

 17   pourquoi excluaient-ils les Musulmans? Pouvez-vous nous donner une seule

 18   bonne raison à cet état de choses?

 19   Réponse:    Tout à fait. Dans le contexte de violence perpétrée par les

 20   Serbes en Croatie et vu la nécessité, sous l'angle du gouvernement croate,

 21   d'apaiser ce conflit et d'en éviter de nouveaux, Tudjman devait

 22   s'entretenir avec quelqu'un qui était déjà largement considéré comme un

 23   homme important, à savoir Milosevic, et qui était considéré comme étant

 24   particulièrement répréhensible et était impopulaire. Quel que soit le

 25   diplomate en question, il n'aurait pas eu intérêt à mettre toutes ses


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  1   cartes sur la table tout de suite, puisqu'on parlait de solutions de

  2   rechange. Après tout, c'étaient des solutions de rechange que l'on ne doit

  3   pas nécessairement reprendre à son compte. Mais tout ceci s'inscrit dans

  4   un contexte plus large.

  5   Question:   Deux questions puisque c'est la réponse que vous nous

  6   fournissez. Excusez-moi, j'oublie de ménager des pauses entre nos

  7   questions et réponses.

  8   Tout d'abord, si c'était là le motif qui poussait Tudjman, il aurait dû en

  9   discuter avec Izetbegovic pour expliquer ce qu'il faisait vu l'intérêt

 10   général. Et rien ne prouve qu'il ne l'ait jamais fait?

 11   Réponse:    C'eût été plus sage, mais, si l'on était parvenu à un accord,

 12   cela aurait été absolument indispensable. Vous avez une intervention

 13   télévisée qui montre qu'en fait, on a discuté mais qu'on n'est pas parvenu

 14   à un accord.

 15   Question:   En fait, on n'est pas loin là d'une discussion relative à un

 16   partage. Il n'y a pas beaucoup de distance entre cela et des vues

 17   d'annexion, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Pas nécessairement.

 19   Question:   Est-ce que nous pouvons maintenant examiner la pièce suivante à

 20   laquelle vous avez fait référence?

 21   M. Robinson (interprétation): Auparavant, j'aimerais vous demander ceci,

 22   Monsieur Almond; c'est une question de nature générale. Vous avez présenté

 23   des conclusions selon lesquelles il n'y avait pas de plan tramé entre la

 24   Serbie et Croatie en vue du partage de la Bosnie-Herzégovine. Lorsqu'on

 25   examine le conflit qui s'est produit entre les Musulmans et les Croates de


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  1   Bosnie, quel est le report entre ces deux avis?

  2   Réponse:    Pour moi, ce conflit est le produit d'événements contingents,

  3   après que la guerre a éclaté en Bosnie-Herzégovine, en 1992. Pour moi, ce

  4   n'est pas le produit d'un plan délibéré de la part du gouvernement croate,

  5   plan qui aurait visé à embraser le conflit ou à promouvoir ce conflit

  6   entre les Musulmans et les Serbes. Je n'ai pas vu de preuve allant dans ce

  7   sens et en réponse à cela.

  8   Evidemment, je ne suis pas tout à fait compétent -l'accusation en

  9   conviendra sûrement- pour vous parler d'événements particuliers, pour

 10   savoir qui a tué qui, dans quel contexte en 1993. Si vous examinez le

 11   contexte de la naissance de ce conflit, je pense que si l'on l'isole du

 12   conflit entre les Musulmans et les Serbes, et du conflit général qui a

 13   éclaté en Juin 1991, dans le cas de la Croatie avec la quasi sécession, en

 14   Août 1992, je crois que si l'on isole ces conflits et le conflit qui a

 15   éclaté en Bosnie centrale, ceci peut induire en erreur. Parce qu'en fait,

 16   il s'agit là d'une conséquence tragique de l'offensive des Serbes de

 17   Bosnie, en l'espèce, surtout contre les Musulmans, et de l'imbrication que

 18   ceci a avec les territoires vers lesquels les réfugiés ont été poussés.

 19   M. Robinson (interprétation): Je vous remercie.

 20   M. Nice (interprétation): Avant d'abandonner ce point, on peut dire en une

 21   phrase que le conflit éclate parce qu'il est le fruit d'événements

 22   contingents après que la guerre a éclaté. J'y reviendrai, mais c'est en

 23   tout cas l'analyse que vous formulez : vous parlez d'événements

 24   contingents après que la guerre a déjà éclaté?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Examinons la pièce 2717. Peut-on la remettre au témoin?

  2   C'est un document en anglais. Etant donné que les Juges n'ont pas de copie

  3   personnelle -c'est un document assez volumineux-, nous allons nous

  4   contenter de le placer sur le rétroprojecteur pour l'examiner. Nous allons

  5   examiner divers extraits, divers passages de ce document.

  6   Dites-nous comment ceci s'insère dans la théorie que vous exposez. Vous

  7   connaissez ce document: c'est le procès-verbal de la réunion du 27

  8   Décembre 1991, dans le bureau de Tudjman. Nous allons parler de ce

  9   contenu, sujet par sujet.

 10   Page 8, tout d'abord.

 11   Je suppose, Monsieur Almond, que vous avez étudié la totalité de ce beau

 12   document, n'est-ce pas?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Ceci étant, je vais aborder rapidement ces passages. Si vous

 15   pensez que des questions de contexte sont soulevées, dites-le.

 16   Page 8, nous voyons le Président alors qu'il interrompt Klujic.

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Dites-moi, dans ces discussions à propos du partage, êtes-vous

 19   arrivé au coeur de la question?

 20   Klujic répond: "Non, il ne voulait pas s'engager. Nous essayions

 21   d'insister sur ce qu'il disait, de le prendre au mot".

 22   Et puis page suivante: "Le Président ajoute non"; il s'agit ici de la

 23   question du partage, de la division.

 24   Page 21, le Président intervient, c'est un passage assez long. Troisième

 25   ligne depuis le début, c'est une question qui découle, il dit: "Il me


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  1   semble que tout comme nous avons tiré partie de ce moment historique pour

  2   établir un état indépendant de Croatie reconnu par la communauté

  3   internationale"...

  4   Réponse:    Excusez-moi, j'ai un texte différent sous les yeux.

  5   Question:   Oui, c'est plus haut, c'est tout en haut de la page. Voilà, je

  6   cite: "Il me semble par conséquent que puisque nous avons tiré partie de

  7   ce moment historique pour établir un état, une Croatie indépendante et

  8   reconnue par la communauté internationale, je crois qu'il est temps de

  9   saisir l'occasion qui nous est donnée pour rassembler la population croate

 10   dans les confins des frontières les plus larges possibles". Fin de

 11   citation.

 12   Au bas de la même page, suite à une intervention ou à une contribution de

 13   M. Boban, le Président dit ceci: "Un instant, permettez-moi de terminer

 14   afin que la discussion puisse se poursuivre. Il me semble par conséquent

 15   qu'avec une politique prudente, une démarcation intelligente et un accord

 16   avec les Serbes en Bosnie, il nous est même possible d'y parvenir plutôt

 17   que de faire que la guerre, guerre qui menace étant donné que la question

 18   n'est toujours pas résolue, que l'armée se renforce, et l'armée servira de

 19   garant pour la mise en oeuvre d'une telle démarcation". Fin de citation.

 20   Avant de passer à l'extrait suivant, est-ce que l'un quelconque de ces

 21   passages ne vous porte pas à croire que Tudjman avait à l'esprit la

 22   démarcation, le partage?

 23   Réponse:    Eh bien, le dernier passage que vous venez de citer. Il me

 24   semble qu'il n'y avait pas d'accord avec les Serbes; c'est une chose. Il

 25   pense que s'il était possible de parvenir à un accord avec les Serbes, et


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  1   ici nous parlons d'une époque où il n'est pas clair que la Bosnie-

  2   Herzégovine va devenir un état indépendant...

  3   Question:   Excusez-moi, je vous en prie. Est-ce qu'il n'avait pas à

  4   l'esprit l'annexion ou le partage? Qu'en pensez-vous?

  5   Réponse:    Eh bien un partage, c'était une possibilité qui avait fait

  6   l'objet de discussions, qui avait été envisagée et je pense que c'était un

  7   point qui avait rallié la plupart des personnes à qui on a demandé de se

  8   prononcer sur ces aspects. C'était un dilemme pour des personnes qui

  9   avaient vécu dans un seul et même état pendant longtemps: si on en

 10   arrivait à créer des frontières entre ces personnes, allait-on diviser des

 11   populations qui auparavant avaient vécu ensemble? N'oublions pas le

 12   conflit armé en Croatie même; ce conflit devait être au mieux gelé à ce

 13   stade.

 14   Question:   Examinons les pages 25 et 26 pour replacer ceci dans le

 15   contexte. Prenons le bas de la page 25. Là, le Président demande si

 16   quelqu'un d'autre veut parler. Il dit que la discussion a montré que cette

 17   réunion était nécessaire et que les différences qui ont émergé à cette

 18   réunion ne sont pas dûes au hasard, qu'elles sont conditionnées par le

 19   problème qu'il y a en Bosnie-Herzégovine même.

 20   Passons à la page 26. Il dit: "Toute l'histoire a montré que la Bosnie-

 21   Herzégovine n'est pas une solution pour le peuple croate. Tout d'abord,

 22   Messieurs, n'oublions pas qu'elle, la Bosnie, a été créée dans le cadre

 23   des conquêtes coloniales d'une puissance asiatique aux dépens du peuple

 24   croate et des territoires croates entre les XVe et XVIIIe siècles. Toutes

 25   les créations coloniales au travers de l'Histoire sont tombées que ce soit


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  1   en Afrique ou en Asie. La Bosnie-Herzégovine n'a pas existé pendant les

  2   deux guerres mondiales. Les communistes l'ont inventée, l'ont replacée sur

  3   la carte après la Deuxième Guerre mondiale et ont même déclaré que les

  4   Musulmans étaient une nation afin, supposément, de trouver une solution

  5   entre les différents peuples serbe et croate. Y sont-ils parvenus? Non au

  6   contraire. Par conséquent, la Bosnie-Herzégovine ne devrait pas être

  7   considérée comme quelque chose qui a été donné par Dieu et qu'il faut

  8   préserver. Nous ne devons surtout pas oublier à quel point elle risque de

  9   faire du mal". Fin de citation.

 10   Que pensez-vous de cet extrait?

 11   Réponse:    Si vous voyez le paragraphe suivant, il insiste sur le fait que

 12   l'existence de la Bosnie-Herzégovine crée une situation qu'il estime

 13   impossible pour ce qui est notamment de la défense et qu'il n'est pas

 14   possible d'établir une Bosnie-Herzégovine en tant que telle. Vous savez,

 15   si l'on regarde la carte, l'un des problèmes qui apparaît serait de dire

 16   que la forme territoriale de la Croatie est problématique à bien des

 17   égards, et surtout ici, dans ce contexte où nous avions la guerre avec la

 18   Serbie qui a utilisé la Bosnie-Herzégovine.

 19   Question:   Mais précisément, Monsieur Almond, ce que le Président disait,

 20   c'était ceci: "Nous avons besoin d'un morceau de la Bosnie pour être plus

 21   viables". C'est aussi simple que cela.

 22   Réponse:    Ce n'est pas du tout aussi simple que cela. Si nous examinons

 23   les différentes propositions, à divers moments, les dirigeants croates

 24   s'étaient prononcés comme si l'intégration des Croates en Bosnie était la

 25   seule solution étant donné la situation de guerre. A d'autres moments, ils


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  1   ont envisagé un état commun.

  2   Je me souviens, par exemple, d'en avoir discuté avec Muhamed Sacirbej, qui

  3   a été le premier ambassadeur de la Bosnie aux Nations-Unies au moment du

  4   conflit au Montana en 1996. Il a dit que les Croates avaient proposé

  5   diverses formes d'intégration entre la Bosnie et la Croatie pour avoir par

  6   exemple une devise commune. Il avait estimé que ceci aurait pour

  7   répercution qu'il y aurait intégration complète des deux états. Quant à

  8   savoir si ceci était nécessairement quelque chose de dangereux, cela reste

  9   sujet à conjectures.

 10   Question:   Examinons la page 27, puisque nous essayons de procéder avec la

 11   plus grande vitesse possible tout en vous laissant la possibilité de faire

 12   des commentaires sur les différents extraits. Je vais vous démontrer que

 13   votre théorie est tout à fait dénuée de sens et de fondement.

 14   Nous commençons un nouveau paragraphe. Le Président dit:

 15   "L'union démocratique croate et les dirigeants de l'Etat de Croatie n'ont

 16   pas changé, il n'y a pas eu de changement. Non, mais du fait que nous -et

 17   je ne vais pas répéter ce que vous avez tous dit-, nous avons dit que,

 18   pour des raisons tactiques, nous étions en faveur d'une Bosnie souveraine

 19   tant qu'elle existait, mais il n'y a plus de Bosnie souveraine.".

 20   Ceci, qu'est-ce que cela vous suggère dans le cadre de la partition? Est-

 21   ce qu'il a à l'esprit cet cette annexion, cette partition?

 22   Réponse:   Il dit aussi que les Serbes ont fait sécession: "Vous n'avez pas

 23   de pouvoir. Le gouvernement de Bosnie n'a pas de pouvoir sur les parties

 24   serbes." Et je crois qu'au paragraphe précédent, il insiste sur le fait

 25   qu'il a eu des entretiens privés avec Izetbegovic et Milosevic, et qu'il y


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  1   a eu des discussions pour voir s'il était possible de trouver une solution

  2   qui soit satisfaisante pour les Serbes comme pour les Croates comme pour

  3   les Musulmans.

  4   Je crois que, dans le document cité par l'accusation, il faut le voir

  5   comme étant plus complexe. Et ceci découle de la citation que vous venez

  6   de faire. Les autorités ou le pouvoir du gouvernement de Sarajevo sur les

  7   territoires de Bosnie-Herzégovine étaient en déclin, étaient en

  8   démantèlement. Je sais qu'il y a beaucoup de juristes ici, vous savez, en

  9   droit international; le gouvernement disons britannique ne reconnaît un

 10   gouvernement que si celui-ci contrôle le territoire de l'Etat. Ceci peut

 11   avoir changé, évolué après les événements, pas à ce moment-ci dont nous

 12   parlons. Par conséquent, la situation que  vous attribuez ou la

 13   connotation que vous attribuez à cette citation donne une tonalité plus

 14   agressive qu'elle n'a été en réalité.

 15   Question:   Monsieur Almond, les mots que je vous ai cités -et je suis ravi

 16   que vous les replaciez dans leur contexte-, mais ces termes montrent bien

 17   que ce qui était dit en public en faveur d'une Bosnie-Herzégovine ne

 18   s'appliquait plus et que Tudjman avait un autre objectif en tête, n'est-ce

 19   pas?

 20   Réponse:    Je crois que Tudjman n'avait pas la maîtrise des événements. Il

 21   observait l'évolution des événements. Il y a un espoir implicite dans ses

 22   propos. Il dit qu'il faudrait qu'il y ait une Bosnie-Herzégovine

 23   souveraine et que ceci ne devrait pas être une rampe de lancement pour une

 24   puissance ou un pouvoir serbe par rapport à la Croatie. Mais à ce stade,

 25   en décembre, cela ne semble plus être une hypothèse viable.


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  1   Question:   Nous allons maintenant examiner la page 66. C'est un extrait

  2   assez court, le contexte peut donc être aisément dressé. Voici ce que dit

  3   le Président: "Ce qu'on dit dans certains milieux, à savoir qu'ils ont

  4   créé l'Herceg-Bosna de leur propre volonté ou sur mes instructions, n'est

  5   pas exact. Ce n'est pas vrai. Eux et vous aussi, et chacun de façon

  6   unilatérale, sans suffisamment de coordination ont mis en œuvre la

  7   politique générale, et cette politique générale consistait à préserver et

  8   à maintenir la souveraineté jusqu'à un moment donné, aussi longtemps que

  9   ceci était quelque chose de commode pour la Croatie. Maintenant, ce n'est

 10   plus commode, par conséquent ce qu'ils ont fait est exactement ce que vous

 11   êtes en train de dire: les Croates ne veulent pas rejoindre la Serbo-

 12   Slavie. C'est par conséquent la voie qu'il faut emprunter si nous voulons

 13   réaliser un Etat croate qui sera bien meilleur à tous égards."

 14   Pouvez-vous intégrer ceci dans quelque chose d'autre que l'expression

 15   nette et manifeste de l'intention visant à utiliser certains des profits

 16   tirés de la Bosnie-Herzégovine?

 17   Réponse:   Pour moi, le Président dit ici que la Serbo-Slavie, dénomination

 18   couramment utilisée pour parler de la Serbie de Milosevic, était un Etat

 19   auquel ne voulait pas se rallier la Croatie. Dès lors, dans le contexte de

 20   l'effondrement immanent de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat, il était

 21   peu probable que la Bosnie devienne un Etat souverain. Cela voulait dire

 22   que les parties essentiellement peuplées par des Croates allaient

 23   naturellement, à son avis, souhaiter rejoindre la Croatie.

 24   Question:   Enfin, vous acceptez qu'il y a, dans l'esprit du Président, la

 25   possibilité de rattacher certaines parties de la Bosnie à la Croatie?


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  1   Réponse:   Ce que je dis, c'est que, si le choix se résume à un choix entre

  2   une Bosnie-Herzégovine qui reste une partie d'un Etat yougoslave dominé

  3   militairement et politiquement par les personnes qui viennent d'attaquer

  4   Dubrovnik et Vukovar et autres choses, il ne serait ni souhaitable ni

  5   désirable pour les Croates que ceci se passe parce qu'il suffit de

  6   regarder la carte pour savoir que ceci constitue une menace pour ce qui

  7   reste des Etats croates occupés à raison de 30% par les Serbes. Après

  8   tout, ils ne disent pas qu'ils veulent faire partie de la Serbo-Slavie,

  9   cela ne veut pas dire qu'ils ne veulent pas faire partie nécessairement de

 10   la Bosnie-Herzégovine.

 11   Question:   Acceptez-vous le fait que la possibilité du rattachement d'une

 12   partie de la Bosnie-Herzégovine à la Croatie soit discutée?

 13   Réponse:    Dans le contexte de l'effondrement de la Bosnie-Herzégovine qui

 14   se trouve sous le contrôle de la Yougoslavie, de l'Etat de Yougoslavie qui

 15   existe encore. Et je suppose que c'est ce qu'il entend par là quand il

 16   parle de Serbo-Slavie.

 17   Question:   Quand avez-vous commencé à reconnaître par écrit que ce type

 18   d'annexion était envisagé?

 19   Réponse:    Je ne sais pas s'il s'agit là d'une forme d'annexion. Ce n'est

 20   pas comme cela que je comprends ce processus en puissance, potentiel. Les

 21   habitants croates au départ, ceux qui habitent en Bosnie-Herzégovine, ne

 22   vont pas nécessairement vouloir vivre dans un tel Etat. Ils vont peut-être

 23   vouloir rechercher la protection, qui tombe sous le sens, de la Croatie et

 24   il prend ceci comme pour acquis.

 25   Question:   Mais écoutez ma question une fois de plus et reformulez-la


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  1   comme vous voulez. Où, dans vos écrits, avez-vous jamais admis qu'il y

  2   aurait peut-être un rassemblement, un rattachement de parties de la Bosnie-

  3   Herzégovine à la Croatie? Est-ce que ceci se trouverait tout d'abord dans

  4   votre rapport?

  5   Réponse:    Non, ce n'est pas dit de façon explicite dans ce rapport

  6   puisque ce dernier se penche sur la question de savoir pourquoi, du moins

  7   dans ses parties pertinentes, il y avait des tensions entre le... Pourquoi

  8   les Croates peuvent craindre la préservation d'un Etat yougoslave, même

  9   réduit, en Bosnie-Herzégovine?

 10   Question:   Vous avez lu au moins certaines parties de ce document. Vous

 11   savez comment nous utilisons le terme ou la notion "d'annexion" et vous

 12   savez comment ceci a été examiné dans ce procès verbal. Vous avez

 13   maintenant donné des explications sur la façon dont cela a vu le jour.

 14   Est-ce que vous ne pensez pas qu'il est important, vu que vous divergez

 15   d'avis par rapport à ce que disait M. Donia, qu'il aurait été utile de

 16   parler dans ce rapport de la genèse de cette discussion?

 17   Réponse:    Eh bien, ce document était à la disposition des Juges de cette

 18   Chambre.

 19   Question:   Oui, mais ces Juges sont prêts à entendre votre avis sur la

 20   question. C'est la raison de votre présence ici. Est-ce que je peux penser

 21   -et puis je passerai à autre chose- que nulle part dans vos écrits, vous

 22   n'avez consigné votre avis, à savoir qu'il aurait été possible d'avoir un

 23   rattachement de certaines parties de la Bosnie à la Croatie?

 24   Réponse:    Je ne sais pas si je n'en ai jamais discuté que ce soit par

 25   écrit ou dans des entretiens oraux, si je n'ai pas dit qu'effectivement ce


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  1   type de perspective n'a pas été discuté. Ceci relève tout à fait du

  2   possible. On m'a posé une question précise relative aux allégations selon

  3   lesquelles à partir de Karadjordjevo, il y a eu une politique persistante

  4   et cohérente. Il me semble que, même à l'examen de ce document que vous

  5   citez, on montre que cette discussion tournait autour du dilemme qui se

  6   posait fin 1991, alors que la guerre entre la Serbie et la Croatie ne

  7   s'est pas arrêtée et où il n'est pas encore très net et clair qu'il va y

  8   avoir la création d'une Bosnie-Herzégovine indépendante.

  9   Question:   Je suppose que vous avez tenu compte du fait que ceci se

 10   produit cinq jours après que la présidence ait demandé l'indépendance?

 11   Réponse:    Je pense que, plus tôt dans le document, un des protagonistes à

 12   la réunion ne pense pas que ce sera le cas. Et vous-même, vous avez attiré

 13   l'attention des Juges sur la disparité existant entre les déclarations

 14   publiques et les intentions privées. J'ai bien peur. Si l'on se souvient

 15   aussi du contexte international, il n'était pas du tout clair que soit les

 16   Etats de la communauté internationale ou les Etats-Unis aient

 17   nécessairement reconnu la Bosnie-Herzégovine. L'absence de reconnaissance,

 18   l'absence d'une telle reconnaissance à l'époque signifierait que la

 19   viabilité de la République en tant qu'Etat serait encore plus compromise

 20   qu'elle n'a malheureusement été par la suite des opérations des Serbes de

 21   Bosnie-Herzégovine qui étaient déjà en cours à l'époque.

 22   Question:   Je vais en rester sur ce sujet par le biais d'une autre pièce à

 23   conviction. Veuillez garder de côté ce document que nous venons

 24   d'examiner. Nous y reviendrons. Une de vos sources d'information est sans

 25   doute ce qui se dit ici dans ce procès?


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  1   Réponse:    J'ai lu certains rapports dans la presse mais, à l'exception de

  2   l'intervention du Dr Donia que j'ai ensuite utilisée comme texte, je n'ai

  3   pas eu accès aux comptes rendus d'audience. Je me base donc surtout sur ce

  4   qu'a dit la presse.

  5   Question:   Certains événements évoqués dans ce procès ont fait l'objet

  6   d'une certaine publicité. Pourrait-on présenter au témoin la pièce 2486?

  7   Dans l'attente de ce document, je vous pose la question suivante: vous

  8   vous souvenez sans doute du témoignage Paddy, lorsqu'il a parlé du banquet

  9   auquel il a assisté le 6 Mai? Ceci vient en droite ligne de Tudjman. Je

 10   crois que le croquis est vraiment des plus simples. Il ne peut pas être

 11   plus clair. En plus, là, on a la date du banquet au cours duquel Tudjman a

 12   dessiné ce croquis. Examinez-le. Est-ce que vous l'avez déjà vu?

 13   Réponse:    Oui, je crois que la presse l'a publié à l'époque.

 14   Question:   Examinez-le. Ce n'est peut-être pas aussi facile que cela à

 15   voir. La frontière actuelle de la Bosnie-Herzégovine –évidemment, c'est

 16   tout à fait approximatif-, mais c'est la ligne qui est barrée de croix. Et

 17   la future frontière qu'il devrait y avoir entre la Bosnie et la Serbie a

 18   la forme d'uns "S". Ce sont là les lignes de front qui existaient à

 19   l'époque avec Sarajevo. Est-ce que ce n'est pas un cas tout simple

 20   d'annexion, qui est encore plus généreux pour la Croatie que les Banovina,

 21   n'est-ce pas?

 22   Réponse:    C'est peut-être le cas pour ce qui est de cette division

 23   territoriale. Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que c'est un cas

 24   simple d'annexion. Pour le dire, il faudrait savoir quelle est

 25   l'explication fournie devant cette carte.


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  1   Permettez-moi, Messieurs les Juges, d'attirer votre attention sur le

  2   contexte. En mai 1995, les forces serbes de Bosnie semblaient avoir une

  3   formation stratégique encore supérieure à celle qu'elles avaient

  4   auparavant. L'élimination des territoires encore occupés, contrôlés par le

  5   gouvernement de Bosnie, allait être tout à fait dépassée. Rappelez-vous ce

  6   qui s'est passé en Juillet 1995: Srebrenica et leurs conséquences

  7   tragiques.

  8   Par conséquent, le fait de dessiner cette division territoriale très

  9   approximative, à mes yeux, pourrait indiquer -je n'étais pas présent à

 10   cette discussion et je ne sais pas ce qui s'est dit exactement- mais il se

 11   pourrait que Tudjman était déjà en train d'envisager ces opérations

 12   militaires qui allaient avoir lieu pour renverser la situation en Krajina

 13   serbe pour terminer son intervention aux côtés du gouvernement de Bosnie,

 14   dans le contexte qui se présentait à l'époque, à savoir que la communauté

 15   internationale, en dépit de la reconnaissance qu'elle avait faite de

 16   l'Etat de Bosnie-Herzégovine, avait laissé, abandonné la Bosnie à son

 17   sort.

 18   Question:   Vous n'avez pas étudié ce qu'avait dit M. Ashdonn?

 19   Réponse:    J'ai vu des rapports de presse à ce propos.

 20   Question:   Et qu'a-t-il dit, qu'a dit Paddy Ashdonn, parce que vous fondez

 21   votre avis sur des sources qui vous sont disponibles, alors qu'ici, vous

 22   ne pouvez pas, avec ce croquis, être plus près de l'esprit de Tudjman

 23   qu'autrement?

 24   M. Sayers (interprétation): Ce témoignage a été présenté à huis clos: il

 25   faut garder cela à l'esprit dans le cadre du contre-interrogatoire.


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  1   M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si ceci nous est d'une

  2   grande aide? Je ne sais pas si les commentaires du témoin ou du souvenir

  3   qu'il a de ce qu'a pu dire M. Ashdonn a pu dire nous est utile. Ce qui

  4   compte, c'est que nous avons la déposition sous forme de compte rendu

  5   d'audience de M. Ashdonn. Nous avons ce plan et nous avons aussi les

  6   commentaires du témoin.

  7   M. Nice (interprétation): Fort bien. Hormis le fait que je vais peut-être

  8   revenir à la réunion de 1991, revenons à Graz. Dites-nous, qu'en savez-

  9   vous? Vous pourrez nous dire à ce moment-là ce que vous en comprenez?

 10   Réponse:    Boban et Karadzic se sont rencontrés; apparemment, ils ont eu

 11   des entretiens, sans pour autant parvenir à un accord quant à la forme que

 12   devrait prendre à l'avenir la Bosnie-Herzégovine.

 13   Question:  Mais s'il y avait accord, sur quoi se seraient-ils mis d'accord?

 14   Réponse:    Je ne sais pas. Je n'en suis pas sûr.

 15   Question:   Est-ce que je me trompe en pensant que votre démarche ne permet

 16   pas l'idée qu'il y a eu des accords bilatéraux entre la Serbie et la

 17   Croatie, à l'époque, n'est-ce pas?

 18   Réponse:    Pas entre la Serbie et la Croatie, mais entre les Serbes et les

 19   Croates de Bosnie. J'ajoute qu'il y a eu des contacts par le truchement de

 20   réunions directes ou de conversations téléphoniques entre divers

 21   représentants du côté du gouvernement de Bosnie et de leurs opposants.

 22   Cela a été reconnu de façon générale.

 23   Question:   Votre analyse des événements n'autorise pas, ne permet pas de

 24   dire qu'il y a eu des accords conclus entre les Serbes et les Croates de

 25   Bosnie?


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  1   Réponse:    Mon analyse ne permet pas qu'il y a eu mise en œuvre et

  2   collaboration systématique ou cohérente, parce que je ne pense pas que

  3   cela ait eu lieu. Je pense que la réalité du terrain a prouvé qu'il n'y a

  4   pas eu de tels accords.

  5   Question:   Pièce 92.1, s'il vous plaît.

  6   Au début de ce document, nous pouvons voir qu'il s'agit d'un message

  7   transmis par un télécopieur à Sarajevo, au sein du travail de l'ECMM. Nous

  8   tournons la page maintenant: "De Cutileiro, un collègue. Vous, en tant que

  9   conférencier, est-ce que vous pouvez nous expliquer quels étaient les

 10   termes et les principes exacts et la signification de leur prétendu

 11   accord, et puis également l'avis des Musulmans sur cela? Nous n'avons pas

 12   pu parler au téléphone depuis plusieurs jours. Vous avez les regards les

 13   plus chaleureux et les félicitations concernant votre travail de la part

 14   de lord Carrington et moi-même".

 15   En ensuite, nous voyons à la page suivante, en date du 7 Mai, qu'il est

 16   indiqué: "Boban et Karadzic ont passé un accord lors d'une réunion qui a

 17   concerné la solution de toutes les différences entre les deux nations de

 18   manière basée sur la réconciliation, y compris la délimitation

 19   territoriale sous les auspices de la communauté européenne.

 20   Ils ont fermement réaffirmé l'accord de principe qui a été défini lors de

 21   la conférence de Lisbonne. Il n'y a plus de raison de poursuivre le

 22   conflit armé entre les Serbes et les Croates. La délimitation territoriale

 23   entre ces nations sera effectuée le 15 mai; le cessez-le-feu sera proclamé

 24   à partir d'aujourd'hui."

 25   Veuillez tourner la page encore une fois. Nous voyons ici l'accord.


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  1   "Nous avons l'intention de résoudre de manière paisible, par le biais de

  2   l'accord, toutes les questions qui restent ouvertes, y compris la question

  3   des frontières entre nos deux entités constitutives, etc."

  4   Ensuite, il est écrit "Point 1: La ville de Mostar. Numéro 2, nous voyons

  5   la région délimitée en 1939. Au point 3, nous voyons que les deux camps

  6   sont d'accord pour définir la frontière entre les deux unités, compte tenu

  7   du caractère compact des régions. Quatrièmement, les deux parties ont

  8   résolu d'adopter les principes de la conférence. Cinquièmement, l'accord

  9   invalide les raisons pour la suspension de la conférence de la communauté

 10   européenne, etc.. Et puis, sixièmement, compte tenu du reste de l'accord,

 11   il n'y a plus de raison de poursuivre le conflit armé entre les Croates et

 12   les Serbes sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine."

 13   Réponse:    Eh bien, ce que je peux dire, c'est que ces accords ont été mis

 14   en œuvre, et c'est cela la différence. En fait, il faut savoir si les

 15   accords ont été mis en œuvre ou pas. C'est la vraie question, c'est la

 16   question qu'il faut poser.

 17   M. Nice (interprétation): Je vais essayer de trouver quelle a été ma

 18   question. Je pense que je vous ai demandé s'il n'y a pas eu de fondement

 19   permettant à ces personnes de signer un tel accord?

 20   Réponse:    Il s'agissait d'un accord qui est resté lettre morte.

 21   Question:   Ce n'est donc pas un accord dont vous vous souveniez lorsque je

 22   vous ai posé la question-là dessus?

 23   Réponse:    Je ne l'ai pas reconnu maintenant.

 24   Question:   Mais avez-vous déjà vu ce document?

 25   Réponse:    J'ai vu des rapports concernant la question, mais je n'ai pas


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  1   vu le document lui-même.

  2   Question:   Nous allons passer à autre chose; nous n'avons pas beaucoup de

  3   temps. Maintenant, nous allons voir un article de presse. Il s'agit d'un

  4   communiqué de presse.

  5   Après la réunion de Graz, M. Karadzic, leader des Serbes de Bosnie a signé

  6   un accord de paix. C'est ce qui figure dans ce rapport. Et il est écrit

  7   également dans le rapport que, de toute façon, un accord a été conclu.

  8   Qu'est-ce que cela veut dire pour vous, en ce qui concerne l'attitude des

  9   Croates vis-à-vis des Musulmans de Bosnie ?

 10   Réponse:    Vous parlez de la partie où il est dit que les principes de la

 11   communauté européenne seront respectés. Et même dans ce rapport de M.

 12   Greer, concernant la réunion de Graz, on mentionne trois Etats séparés.

 13   Donc, il ne s'agit pas là d'un partage entre les Serbes et les Croates

 14   seulement. Auparavant, je n'ai pas vu ce rapport de M. Grers, de toute

 15   façon, ce personnage fait l'objet de quelques controverses à cause de ses

 16   activités en fonction de la personne chargée des relations publiques

 17   auprès des Serbes de Bosnie seulement.

 18   Question:   Je ne peux pas vous montrer ces documents en anglais, puisque

 19   je viens de les recevoir et ils ne sont pas traduits, mais vous savez

 20   certainement qu'en ce moment, à Zagreb, beaucoup de documents sont rendus

 21   publics?

 22   Réponse:    Je sais qu'en ce moment, il y a eu beaucoup de rapports dans la

 23   presse au sujet de cela.

 24   Question:   Et vous savez qu'en 1993, un homme appelé Rajic, à Kiseljak, a

 25   dit clairement qu'il négociait directement avec les Serbes concernant la


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  1   fourniture en armes; il avait même une liste des prix. Que dites-vous de

  2   cela?

  3   Réponse:    Je n'ai pas fait de commentaire à ce sujet. Je pense que, dans

  4   mon livre, vous pouvez voir mon commentaire où je dis que la guerre

  5   entraîne beaucoup de corruptions. Ceci est vrai non pas seulement pour

  6   cette guerre. Je ne connais pas les documents que vous citez mais, malgré

  7   cela, en ce qui concerne leurs sources et leur vérification, je ne sais

  8   rien à ce sujet. Je ne pense pas que je devrais perdre le temps de ce

  9   Tribunal en faisant des commentaires sur ce genre de documents.

 10   Question:   De toute façon, je vais vous poser la question puisqu'il s'agit

 11   de documents fournis à la défense et au Procureur par Zagreb. Toutes les

 12   parties ont reçu ces documents. Je ne sais pas si les Juges ont eu le

 13   temps de les lire. Si, au cours de l'année 1993, si ce Rajic, à Kiseljak,

 14   négociait directement avec les Serbes concernant la fourniture en armes,

 15   qu'est-ce que cela signifie pour vous? Comment cela correspond-il à votre

 16   théorie à vous?

 17   Réponse:    Encore, une fois, je ne suis pas au courant de ces documents.

 18   Peut-être que les individus avaient un certain comportement. C'est clair

 19   sur la base de tout ce qui a été dit déjà dans le cadre de ce procès.

 20   Mais, en ce qui concerne les documents, alors qu'il s'agit là de documents

 21   concernant des éléments dont je ne sais rien du point de vue de leur

 22   source et/ou de leur authenticité, je peux dire que je ne peux pas me

 23   prononcer à ce sujet.

 24   M. Sayers (interprétation): Je souhaite ajouter que nous n'avons pas du

 25   tout reçu ce genre de document, contrairement à ce qu'affirme le


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  1   Procureur. Je pense qu'il ne faut pas poser de question au témoin

  2   concernant les documents que nous, nous n'avons pas et qui n'ont même pas

  3   été traduits.

  4   M. le Président (interprétation): Oui, poursuivez, s'il vous plaît.

  5   M. Nice (interprétation): Je souhaite poser quelques questions seulement

  6   encore avant la pause du déjeuner. Après, je poserai un nombre limité de

  7   questions. Je vais limiter le nombre de mes questions pendant la pause.

  8   M. le Président (interprétation): Je pense que ces documents posent un

  9   problème. Il s'agit de documents qui existent dans une langue qui n'est

 10   pas une des langues officielles de ce Tribunal et il est nécessaire de les

 11   traduire avant de demander au témoin de faire un commentaire. De toute

 12   façon, l'autre partie doit disposer d'un exemplaire de ce même document.

 13   A moins qu'il s'agisse de circonstances exceptionnelles, je pense qu'une

 14   meilleure manière de procéder serait de se référer à ces documents lors de

 15   la réplique. A moins qu'un autre témoin puisse être le témoin le mieux à

 16   même d'en parler.

 17   M. Nice (interprétation): Oui, je souhaite donner la possibilité aux

 18   experts de faire des commentaires sur les documents, si ceci peut nous

 19   être utile. C'est tout.

 20   Est-ce que je puis maintenant? Avant la pause du déjeuner, j'ai encore

 21   quelques questions. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, prendre

 22   votre rapport et examiner la page 31?

 23   Vous dites, dans l'avant-dernier paragraphe de cette page: "Il a été

 24   allégué que les interprètes..."

 25   Réponse:    Page 31?


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  1   Question:   Page 31 de votre rapport: "…que les interprètes et le personnel

  2   local employés par le Bataillon britannique de même que d'autres agences

  3   internationales et les agences non gouvernementales dans la région étaient

  4   majoritairement d'origine musulmane. Souvent, les officiers masculins et

  5   les membres du personnel féminin avaient leurs rapports émotionnels

  6   complexes, ce qui déformait parfois leur perception du développement des

  7   événements."

  8   Est-ce que c'est vraiment ce que vous maintenez?

  9   Réponse:    Oui, je pense que, dans le rapport rendu public par une

 10   commission de la Chambre des représentants, il a été question de ce

 11   problème auquel faisait face l'armée britannique lors du recrutement et de

 12   la formation des gens. Parce qu'il s'agissait de gens qui devaient être

 13   séparés pendant longtemps de leur famille ou de leur époux. C'était un

 14   phénomène sociologique réel.

 15   Question:   Vous suggérez réellement que les soldats professionnels,

 16   lorsqu'ils parlaient de la situation, même s'ils en parlaient de manière

 17   consistante, conséquente, étaient peut-être affectés par leur implication

 18   personnelle émotionnelle?

 19   Réponse:    Je ne suggère pas cela en ce qui concerne tous les récits

 20   qu’ils ont fait sur la situation sur le terrain. Mais, de toute façon, j'ai

 21   entendu une suggestion allant dans ce sens de la part des personnes qui

 22   étaient complètement neutres vis-à-vis de ce territoire. Ce sont eux qui

 23   m'ont dit que les membres du personnel avait des idées préconçues allant à

 24   l'encontre des Croates. En ce qui concerne la perception, il faut savoir

 25   que parfois, les gens sont partiaux sans être malhonnêtes. Parfois,


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  1   certains sont malhonnêtes et vont servir la propagande. Mais, souvent, les

  2   gens croient réellement ce qu'ils disent et ils sont partiaux, et ils ont

  3   tort.

  4   Question:   Vous-même, s'il vous plaît, est-ce que vous avez tiré cette

  5   conclusion sur la base d'un seul briefing, à ce sujet qui a eu lieu à

  6   Camberley, comment avez-vous conclu qu'il y avait cette attitude partiale,

  7   ce parti pris, même s'il n'était pas malhonnête?

  8   Réponse:    Eh bien, à cause de l'expression concernant les déclarations

  9   sur ce que les Croates avaient fait pendant la guerre précédente, sur le

 10   caractère fasciste de leur règne, etc., ce genre de déclarations.

 11   Question:   Qui parlait ainsi, s'il vous plaît?

 12   Réponse:   Souvent, lors des conversations en privé, conversations courtes.

 13   Question:   Vous avez parlé avec ces personnes, avec les personnes qui vous

 14   ont posé des questions et vous avez eu l'impression qu'elles se

 15   trompaient?

 16   Réponse:    Oui, et c'est ce que j'ai écrit.

 17   Question:   Parlons de nouveau de ces interprètes. Vous avez parlé de

 18   plusieurs interprètes: quels sont leurs noms et quels sont les noms de ces

 19   officiers?

 20   M. Browning (interprétation): Monsieur le Président, si nous voulons

 21   aborder ce type de sujet, si une question de telle nature fait l'objet de

 22   questions de la part de M. Nice, il serait peut-être utile de passer

 23   rapidement à huis clos ou huis clos partiel.

 24   M. le Présidente (interprétation): Pourquoi?

 25   M. Browning (interprétation): Parce que l'on parle de données personnelles


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  1   d'officiers ou de d'interprètes.

  2   M. le Président (interprétation): Je ne vois pas la raison de passer à

  3   huis clos. A moins que le témoin ne le veuille. S'il estime qu'il s'agit

  4   de questions embarrassantes, nous pourrons le faire. Ce n'est pas, à mon

  5   avis, une question qui nous pousse à passer à huis clos partiel. Est-ce

  6   que vous pourriez répondre à cette question?

  7   Réponse:    Dans les rapports de presse à ce sujet, par exemple, ou bien le

  8   drame documentaire qui a été diffusée par les "warriors" de la BBC.

  9   Question:   Ce sont les "warriors"?

 10   Réponse:    Non, il y avait plusieurs rapports à ce sujet. Moi-même, j'ai

 11   recours aux interprètes, non pas seulement en ex-Yougoslavie mais

 12   ailleurs. Souvent, il y a une difficulté professionnelle liée à

 13   l'objectivité. Je pense que je peux dire raisonnablement que tel a été le

 14   cas, sans nécessairement citer les noms de manière individuelle.

 15   M. le Président (interprétation): Je pense que nous n'allons pas aller

 16   plus loin avec cela. Avez-vous d'autres questions à ce sujet?

 17   M. Nice (interprétation): Non pas à ce sujet. Je pense que nous pouvons

 18   faire une pause maintenant.

 19   M. le Président (interprétation): Très bien, à 14 heures 30.

 20         (L'audience, suspendu à 12 heures 55, est reprise à 14 heures 38.)

 21   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, poursuivez.

 22   M. Nice (interprétation): Je pense que c'est une réalité de dire, n'est-ce

 23   pas, que vous avez des avis très arrêtés, personnels pour que ce qui est

 24   de l'avis que vous avez sur les affaires politiques. Vous avez des avis

 25   arrêtés très personnels, par exemple, sur l'implication britannique ou la


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  1   participation des Britanniques en ex-Yougoslavie?

  2   Réponse:    Oui, j'ai mes avis personnels.

  3   Question:   Vous pensiez notamment qu'il était tout à fait erroné… Pensez-

  4   vous que les Anglais aient fait ce qu'ils ont fait, poussés qu'ils

  5   l'étaient par la communauté européenne.

  6   Réponse:    Peu de gens auraient tendance de dire que les conséquences

  7   soient bénéfiques. Je pense qu'il était donc erroné de...

  8   M. Nice (interprétation): Plus précisément, vous vous êtes opposé à la

  9   participation des Britanniques au sein de la Communauté européenne.

 10   Réponse:    En Yougoslavie?

 11   Question:   Oui.

 12   Réponse:    Je pense que la Grande-Bretagne a effectivement joué un rôle

 13   important et que c'est un processus sans doute erroné.

 14   M. Nice (interprétation): Maintenant, vous affirmez carrément que la

 15   Croatie n'est pas sage lorsqu'elle essaie de se vendre à l'Union

 16   européenne?

 17   Réponse:    Je ne sais pas si ceci est pertinent en l'espèce, mais il y a

 18   d'autres pays qui demandent à rejoindre l'Union européenne. Mais il y a

 19   une série de conditions assorties à cette admission, qui sont

 20   significatives de difficultés économiques négatives pour toute la série

 21   des pays intéressés. Je pense que ceci s'applique à tous ces Etats. Je ne

 22   sais pas si c'est important pour le procès.

 23   Question:   Vous pensez également, personnellement -et je voudrais

 24   simplement dire quelques éléments dont vous avez parlé dans une des

 25   interviews que vous avez données avant-, vous dites qu'une fois que le


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  1   communisme a chuté, l'Occident est devenu beaucoup moins tolérant et moins

  2   libéral. Par conséquent, en ce moment, il y a une mentalité socialiste

  3   libérale qui pénètre l'Europe.

  4   Réponse:    Je pense que c'est une grande ironie. Après la guerre froide,

  5   je considère qu'il y a beaucoup moins de différences dans les débats

  6   concernant les différentes questions, y compris la politique extérieure.

  7   Question:   Par conséquent, vous êtes quelqu'un qui est tout à fait à

  8   droite?

  9   M. le Président (interprétation): Je pense que cela ne sera pas utile.

 10   M. Nice (interprétation): Mais je voudrais simplement vous expliquer

 11   quelles sont les raisons pour lesquelles il réagit ainsi.

 12   Par conséquent, dans votre livre publié en 1994, vous remerciez Franglic?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Elle était vice-présidente du HDZ?

 15   Réponse:    Elle était vice-présidente?

 16   Question:   Si elle ne l'était pas, elle l'est.

 17   Réponse:    A mon avis, elle l'est depuis très peu de temps: elle s'est

 18   intégrée en politique, il y a deux ou trois mois.

 19   Question:   Elle aussi appartient à l'aile extrémiste?

 20   Réponse:    Je pense que vous pouvez représenter une minorité, ce n'est pas

 21   pour cela que vous êtes qualifié comme quelqu'un d'extrémiste ou

 22   d'antidémocratique. Il est possible également d'être différent par rapport

 23   à la majorité.

 24   Réponse:   Est-ce que, depuis le tout début, depuis que vous avez travaillé

 25   sur la question de la Yougoslavie, vous étiez en relation très étroite


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  1   avec le HDZ parce que vous partagez une partie de leur idéologie

  2   politique?

  3   Réponse:    Eh bien, moi, je n'ai aucune relation très concrète avec aucun

  4   parti politique. J'ai eu l'occasion de parler avec un grand nombre de

  5   personnes qui appartenaient à pratiquement tous les partis politiques.

  6   Question:   J'aimerais, si vous le voulez bien, voir une partie de votre

  7   rapport, vers la fin, où vous-même, vous dites -si je ne m'abuse- vos

  8   points de vue qui sont assez critiques face à l'Angleterre. C'est la page

  9   31.

 10   Nous avons déjà eu la possibilité de voir ce rapport et ce paragraphe plus

 11   particulièrement. Nous pouvons regarder la page 32, mais avant, je

 12   voudrais encore préciser un autre point: êtes-vous d'accord avec moi pour

 13   dire que l'armée britannique, chaque fois qu'il y a eu des réunions très

 14   importantes, avait fait appel à ses propres interprètes?

 15   Réponse:    Je pense effectivement qu'ils avaient les deux hommes, dont la

 16   langue maternelle était le BCS, le serbo-croate. Je pense que Milos Takic

 17   était l'un des deux et qu'il a même écrit des mémoires.

 18   Question:   Est-ce que vous acceptez que l'autre interprète, femme -qui

 19   malheureusement a perdu la vie tragiquement-, n'était pas musulmane, mais

 20   était une interprète senior sur le plan du niveau d'interprétation?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   A la page 32, vous parlez d'Ahmici. Nous pouvons en conclure

 23   que vous ne pouvez pas dire grand-chose sur Ahmici?

 24   Réponse:    Oui, effectivement, mon rapport traite de cet événement, de la

 25   manière dont il a été présenté dans les mass media.


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  1   Question:   Vous ne voulez donc pas nous dire votre point de vue sur ce qui

  2   s'est passé là-bas?

  3   Réponse:    Moi, je considère que ce Tribunal est mieux qualifié que moi

  4   pour dire ce qui s'est passé là-bas.

  5   Question:   Maintenant, si l'on se réfère au milieu de la phrase, nous

  6   voyons un paragraphe: "Dans les jours qui ont précédé la découverte et le

  7   cirque publicitaire qui ont entouré le massacre d'Ahmici, l'offensive

  8   serbe autour de Srebrenica avait placé les gouvernements occidentaux

  9   réticents, surtout le gouvernement britannique, sous pression d'utiliser

 10   la force militaire pour empêcher les gains territoriaux des Serbes. Il

 11   était sans doute commode que plus qu'un seul méchant n'apparaisse sur le

 12   terrain pour troubler les eaux bosniennes."

 13   Qu'est-ce que cela veut dire?

 14   Réponse:    Cela veut dire tout simplement que le gouvernement britannique

 15   ainsi que d'autres gouvernements qui contribuaient aux forces de la

 16   Forpronu, que leurs ministres ont tout simplement dit qu'ils ne voulaient

 17   pas être intégrés dans le conflit. Ils ne voulaient pas que les soldats

 18   britanniques qui n'étaient bien armés soient exposés au moment du conflit.

 19   Tout à fait en bas, un peu plus loin dans le même texte, il est également

 20   dit qu'à cause de l'offensive des Serbes de Bosnie sur Srebrenica, il y

 21   avait des perturbations au sein du parlement britannique et au sein

 22   d'autres gouvernements. On a également parlé énormément de ces événements

 23   dans les mass média. Ce n'était pas en faveur des Serbes de Bosnie de

 24   faire face à l'intervention des forces de l'OTAN, car ces forces qui

 25   étaient sur le terrain n'étaient pas bien armées: elles étaient armées


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  1   légèrement t il y en aurait éventuellement eu d'autres un peu mieux

  2   équipées.

  3   C'est pourquoi je veux dire ici que ce massacre horrible était quelque

  4   chose qui, indépendamment du fait qu'il s'agissait d'une horreur, a en

  5   quelque sorte créé un soulagement dans le public.

  6   Question:   Qu'en est-il sorti par la suite?

  7   Réponse:    Le reste de la page 32, et ensuite les pages 33 et 34, toutes

  8   ces pages contiennent les informations -peut-être ai-je tort- sur la

  9   manière dont on a découvert Ahmici, tout ce qui s'est passé au moment où

 10   on a commencé à parler du massacre d'Ahmici dans les mass media.

 11   Question:   Pensez-vous qu'il y a eu éventuellement un retard à vouloir

 12   publier ces informations? Où est la vérité?

 13   Réponse:    Il est vrai qu'il y avait un retard.

 14   Question:   Quoi, par exemple?

 15   Réponse:    Les journalistes sont allés sur place. Les conséquences de ce

 16   massacre du point de vue d'un conflit global en Bosnie-Herzégovine, y

 17   compris les Serbes de Bosnie et tout ce qu'ils ont fait, ces conséquences

 18   ont été telles que les choses avaient changé; c'est cela qui a fait

 19   l'objet principal des mass media. Ensuite, il y avait les Serbes de

 20   Bosnie, et l'offensive sur Srebrenica qui a été quelque peu effacée ou

 21   mise à l'écart.

 22   Question:   Mais ce qui m'intéresse, et ce que j'aimerais savoir, c'est ce

 23   que vous pensez dire sur, éventuellement, les ficelles qui ont été tirées

 24   et qui ont éventuellement été à l'origine de ces informations publiées en

 25   retard.


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  1   Réponse:   Oui. Je tiens à vous dire que, même si ces événements avaient eu

  2   lieu quelques jours avant que les médias aient pu véritablement en parler,

  3   que les journalistes se rendent place. Ils ont pu donc informer l'opinion

  4   publique en utilisant les satellites, que bien avant le gouvernement

  5   britannique a en quelque sorte confirmé ce qui avait déjà été dit

  6   auparavant. En d'autres termes, dans le conflit en Bosnie-Herzégovine, une

  7   partie ne pouvait pas être considérée comme responsable en grande

  8   envergure de tout ce qui s'est passé à ce niveau-là.

  9   Question:   Cependant, ceci n'aurait pas quand même véritablement eu un

 10   impact sur le report d'information.

 11   Regardez la page 34 et les dernières phrases: Lord Owen et tout ce qu'il

 12   avait dit, la coïncidence de la découverte du massacre d'Ahmici avec la

 13   spirale, la recrudescence ou l'importance croissante que prenaient les

 14   inquiétudes de la communauté internationale autour du sort réservé à

 15   Srebrenica. Le dilemme qui se posait à ce moment-là pour le gouvernement

 16   britannique était quelque chose de péniblement manifeste à l'époque.

 17   Je voulais vous demander... En quelques pages, vous vous contentez de

 18   présenter un bref historique des observations, puis vous dites que la

 19   découverte est pénible. Alors, que dites-vous vraiment?

 20   Réponse:    Ce que je tiens à dire est la chose suivante: en avril 1993,

 21   les gouvernements qui contribuaient aux forces de la Forpronu ont subi une

 22   pression pour intervenir militairement. Ils ont alors répondu non, ils ne

 23   souhaitaient pas le faire, jusqu'au moment où le conflit s'est déclenché

 24   entre les Musulmans et les Croates et où le crime a été commis à Ahmici.

 25   Les arguments des porte-parole et des ministres en Grande-Bretagne


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  1   répétaient que toutes les parties, dans la guerre des Balkans, étaient

  2   responsables de la même manière. C'est la raison pour laquelle cet

  3   argument était quelque peu blessant. Il n'y avait pas eu de tels massacres

  4   jusqu'à cette époque-là.

  5   Bien évidemment, vous pouvez nous dire qu'ils avaient raison, car

  6   effectivement les Serbes n'étaient pas les seuls coupables. Ce que je veux

  7   dire, c'est que ce crime a été présenté dans les mass média pour expliquer

  8   soi-disant que les gens qui ne voulaient pas intervenir avaient

  9   effectivement raison. En d'autres termes, je veux dire que ceci a été

 10   expliqué et présenté de cette manière-là pour lever l'embargo sur les

 11   armes, pour que les Musulmans également puissent eux-mêmes mener une autre

 12   guerre, une guerre secondaire si l'on peut dire. Mais on peut également

 13   préciser que les forces britanniques ont aidé à découvrir ce qui s'est

 14   passé, cet événement, plus particulièrement dans les médias.

 15   Question:   Mais si l'on fait exception de Martin Bell, de Bob Stewart,

 16   s’il n'y avait pas de telles personnes, les Croates n'auraient jamais

 17   parlé de ce qui s'était passé à Ahmici?

 18   M. le Président (interprétation): Je pense qu'il s'agit d'un commentaire.

 19   M. Nice (interprétation): Nous pouvons passer à la page 34, dernier

 20   paragraphe.

 21   Je vais revenir à ce que vous dites en matière de coïncidence. Toute

 22   compréhension que l'on peut avoir des événements tragiques du mois d'avril

 23   1993 ne peut pas être estimée à la seule affirmation des participants.

 24   Tous ces participants, y compris manifestement les protagonistes

 25   militaires du Bataillon britannique à la Forpronu, avaient et ont peut


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  1   être encore des intentions politiques propres. Le parti pris était

  2   présent, prévalait de tous les côtés et privilégiait le témoignage d'un

  3   protagoniste contre les autres a fortiori, et est contraire à la preuve.

  4   Alors ce que vous nous dites ici, est-ce que vous nous dites que les

  5   témoins qui viennent du Bataillon britannique ou de la Forpronu ne sont

  6   pas fiables ou n'ont pas bien fait état de ce qui s'était passé à Ahmici?

  7   Réponse:    Je reviens à ce que je disais. Le parti pris n'est pas

  8   nécessairement une forme consciente de malhonnêteté. C'est la première

  9   chose que je voulais dire. En plus, c'était la position officielle non

 10   seulement du gouvernement britannique mais par extension de tout

 11   participant militaire britannique. On leur disait qu'ils ne devraient ni

 12   faire ni dire quoi que ce soit qui soit contraire à la politique

 13   officielle britannique parce que, bien sûr, tout citoyen a le droit de

 14   critiquer une telle politique mais le personnel militaire, lui, se trouve

 15   dans une situation difficile si ce personnel n'est pas nécessairement

 16   d'accord avec la politique officielle du gouvernement.

 17   Question:   Vous n'avez pas la moindre trace de preuve qui vous permette de

 18   suggérer que les observateurs militaires fassent preuve de parti pris, et

 19   vous n'avez pas non plus la moindre preuve que les interprètes aient fait

 20   preuve de parti pris et déformé les preuves, n'est-ce pas?

 21   Réponse:   Je pense, comme je l'ai déjà précisé, qu'il y a des preuves dans

 22   le livre du colonel Stewart. Il a compris véritablement quelles étaient

 23   les origines du conflit, mais d'un autre côté, je considère que cela a été

 24   trop simplifié et partial. D'un autre côté, je ne souhaite pas contester

 25   l'honneur du colonel. Je pense qu'il aurait pu être très patriote et ne


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  1   pas être d'accord avec la politique du gouvernement.

  2   Question:   Mais il faut que je fasse une pression sur vous parce que tout

  3   ce que vous avez dit dans votre rapport est autre chose.

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Vous n'avez aucune preuve pour suggérer que les observateurs

  6   étaient partiaux en informant l'opinion publique et vous n'avez pas de

  7   preuve non plus qu'ils étaient éventuellement sous l'influence des

  8   interprètes?

  9   Réponse:    Mais dans un certain nombre de leurs déclarations après les

 10   événements, le colonel dit qu'il n'est pas sûr, qu'il ne sait pas qui

 11   avait fait de tels crimes. Par la suite, il devient sûr de ce qui a été

 12   fait. Ceci dit, personne de ceux qui ont participé à ces événements n'a

 13   été accusé. Mon point de vue sur le point de vue de ces gens-là n'est

 14   peut-être pas pertinent.

 15   Question:  Et avant de passer au sujet suivant, la question que je voudrais

 16   vous poser est de savoir si c'était véritablement votre affirmation

 17   principale. Il y a un officier qui a enquêté sur les événements, qui était

 18   d'abord peu sûr, ensuite tout à fait sûr; et c'est de là que vous avancez

 19   une affirmation. C'est pour cela que vous dites qu'il était partial et

 20   qu'il est partial?

 21   Réponse:    Mais il y a beaucoup de preuves là-dessus et la manière dont

 22   les forces en Bosnie-Herzégovine ont donné des informations. Ils ont été

 23   briefés par exemple par des personnes qui étaient par la suite membres du

 24   gouvernement à Pale. C'est pourquoi il y avait bien évidemment cette

 25   approche partiale. Il est parfaitement clair que le gouvernement


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  1   britannique ne voulait pas intervenir activement du point de vue

  2   militaire, que ce gouvernement était critique vis-à-vis de n'importe qui,

  3   qui aurait proposé une intervention. Dans une petite armée comme l'armée

  4   britannique, il est clair que les leaders ou les maîtres politiques ou le

  5   gouvernement qui est élu donne le ton. Par conséquent, ce qu'il souhaite,

  6   c'est la politique qui est mise en application.

  7   Question:   Je ne vais pas insister, mais qu'est-ce que c'était que le HZ-

  8   HB, s'il vous plaît?

  9   Réponse:    L'Herceg-Bosna.

 10   Question:   Excusez-moi, mais je vais chercher le terme exact. Je voudrais

 11   vous donner lecture de quelque chose et, entre temps, vous pourrez

 12   éventuellement y réfléchir. Vous avez écrit sur HZ-HB, c'est la raison

 13   pour laquelle je voulais savoir également ce que c'est d'après vous?

 14   Réponse:    Tout d'un coup, j'ai un trou noir. Est-ce que vous pouvez me

 15   dire, s'il vous plaît, de quelle page il s'agit?

 16   Question:   C'est la page 28.

 17   Réponse:    J'y ai parlé à cet endroit de la communauté croate, c'est comme

 18   cela qu'on traduisait. Par conséquent, il s'agissait des institutions qui

 19   ont été créées.

 20   Question:   Excusez-moi, j'aimerais savoir d'abord de quelles institutions

 21   il s'agissait, de quelles structures? Et quand ces structures ont-elles

 22   été créées? Quand je  vous ai posé la question au début, vous n'étiez pas

 23   au courant. Mais nous allons d'abord voir la page 20 puis nous allons

 24   parcourir la page 28.

 25   En bas de la page 20, vous dites, vous citez le Dr Malcolm: "L'homologue


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  1   croate ou la contrepartie croate de la communauté croate d'Herceg-Bosna

  2   n'a pas été proclamée avant le mois de Juillet 1992, après trois mois

  3   d'offensives serbe en Bosnie", et Malcolm continue et dit: "Les Croates

  4   d'Herzégovine devaient et avaient de bonnes raisons d'être plus radicaux".

  5   Et vous dites que le Dr Malcolm est considéré comme étant le personnage le

  6   plus informé. Et puis vous mentionnez d'autres éléments. Vous parlez donc

  7   de la création de la communauté croate d'Herceg-Bosna en Juillet 1992 et,

  8   à la page 28, vous faites référence à la HZ-HB créée en Novembre 1991?

  9   Réponse:    Si je comprends bien la situation, il y a eu d'abord ces formes

 10   préliminaires de communauté croate en 1991. Mais c'était une espèce

 11   d'entité politique qui reliait les Croates de Bosnie-Herzégovine et qu'on

 12   accoutume de présenter comme étant l'Herceg-Bosna. Mais celle-ci aurait

 13   été formée plus tard.

 14   Question:   Quelle était la vocation, la fonction de cette première

 15   instance que vous avez qualifiée de sous-entité politique ou d'entité sous-

 16   politique?

 17   Réponse:    Si je comprends bien, au cours de ces événements de Novembre

 18   1991, au moment où les forces serbes assiégeaient toujours Vukovar entre

 19   autres, elles ont servi de préparatifs face à un conflit éventuel en

 20   Bosnie-Herzégovine dont le statut n'était toujours pas établi. Et des

 21   groupes croates se sont organisés au niveau politique, à un niveau

 22   préliminaire sous l'angle militaire.

 23   Question:   Et avez-vous des connaissances, avez-vous lu quoi que ce soit à

 24   propos d'une réunion de Juin 1991, qui a précédé ce que vous appelez ces

 25   "entités sous-politiques ou sub-politiques"? Est-ce que vous avez la


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  1   moindre connaissance de ces réunions du 16 et du 20 Juin?

  2   Réponse:    Non, d'après les dates que vous fournissez, elles sont

  3   postérieures à la constitution des municipalité serbes.

  4   Question:   S'il s'agissait là de réunions tenues à Zagreb au cours

  5   desquelles différentes factions du HDZ local, de Bosnie, était sondées par

  6   Tudjman, c'étaient sans doute des réunions importantes. Or vous n'en

  7   connaissez rien?

  8   Réponse:    Je ne pas vu de documents relatifs à ces réunions, non.

  9   Question:   Et ces entités sub-politiques, si c'était une entité du HDZ, il

 10   était inévitable qu'elles aient à leur tête un monsieur comme Klujic?

 11   Réponse:    Cela aurait été possible, mais je ne suis pas sûr que cela ait

 12   été une nécessité.

 13   Question:   Et vous n'êtes pas en mesure de dire aux Juges comment il se

 14   faisait que Klujic n'ait pas été tenu au courant de la création de cet

 15   événement?

 16   Réponse:    Je ne suis pas au courant.

 17   Question:   Je vais vous demander d'examiner rapidement… Malheureusement,

 18   le document a été enlevé. Il s'agit d'un document qui porte la cote 2717,

 19   dont vous nous avez dit que c'est un document que vous avez déjà étudié.

 20   Plaçons la page 13 sur le rétroprojecteur. Mais commençons d'abord par la

 21   page 12. Son contenu nous intéresse.

 22   C'est toujours la même réunion à laquelle participent notamment Tudjman et

 23   Klujic. Ce qui se passe -et vous le voyez à la page 12-, c'est que

 24   Kostroman était chargé du procès-verbal; il a pris des notes. Je vais

 25   m'assurer que je ne me trompe pas. Oui, il a pris des notes.


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  1   Puis, à la page 13, c'est la le procès-verbal d'une réunion antérieure, de

  2   quelque chose que l'on appelle l'Herceg-Bosna. Ici, il y a deux passages

  3   qui sont peut-être intéressants.

  4   Point 2: "La Communauté croate d'Herceg-Bosna a une fois de plus confirmé

  5   la volonté du peuple croate d'Herceg-Bosna tout entier, qui s'est exprimé

  6   le 18 novembre 1991 à Grude, en prenant la décision historique d'établir

  7   la Communauté croate d'Herceg-Bosna qui sert de fondement juridique à

  8   l'intégration de ses territoires dans la République de Croatie".

  9   Alors, dites-moi l'interprétation que vous fournissez de cet événement?

 10   Réponse:    Eh bien, cette décision, ces décisions de Novembre 1991

 11   partaient d'une situation qui préexistait, à savoir le conflit des Serbes

 12   et Croates, l'occupation de grosses portions du territoire de la Croatie

 13   et de l'incertitude qui planait sur l'avenir constitutionnel de la Bosnie-

 14   Herzégovine et, pour beaucoup de Croates qui étaient sans doute des

 15   partisans du HDZ, si la Bosnie-Herzégovine se désintégrait, qu'il y aurait

 16   réunification. C'est ce qui semblait se passer. Ce qui a frappé, ici,

 17   c'est que, par la suite, cela ne s'est pas passé: il n'y a pas eu

 18   d'annexion à la Croatie, quelles qu'eussent été les aspirations dans ce

 19   sens?

 20   Question:   Avant de quitter ce document, j'aimerais vous rappeler, par le

 21   biais de la Chambre, qu'il y a eu Karadjordjevo: deux réunions avec

 22   Tudjman et des factions du HDZ -dont vous n'êtes pas au courant- et puis

 23   cette réunion qui a lieu peu de temps après la création de ce groupe sub-

 24   politique, où ce dernier dit qu'il va servir de base à l'intégration de

 25   ces territoires dans la République de Croatie.


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  1   Veuillez examiner également le point 3. "La Communauté croate d'Herceg-

  2   Bosna reconnaît la pleine légitimité du Dr Franjo Tudjman -je saute

  3   quelques mots- afin de promouvoir les intérêts de la Communauté croate

  4   d'Herceg-Bosna tant au sein des facteurs internationaux que dans les

  5   accords interpartites et intérêts publics sur l'établissement des

  6   frontières définitives de la République de Croatie".

  7   Ne pensez-vous pas, par hasard, que ce soit là la traduction de ce que

  8   tous les partis pensaient, à savoir que le partage ou l'annexion, si elle

  9   devait se produire, seraient confiés au Dr Tudjman?

 10   Réponse:    Vous parlez de la représentation de leurs intérêts? Vous avez

 11   omis les termes où il était précisé qu'il était président du parti

 12   politique. Vous savez que Tudjman était, à plusieurs reprises, invité à

 13   faire fonction de représentant, puisqu'il était Président de l'Etat,

 14   représentant notamment à Dayton. Dans ce contexte, ici, cela veut dire

 15   qu'on prend les devants sur un rôle qui allait devenir explicite par la

 16   suite. On parle des accords entre les partis et entre les républiques.

 17   Question:   Pour que je comprenne bien, dites-nous: non seulement vous

 18   n'avez pas examiné ceci dans le détail auparavant, mais maintenant, vous

 19   nous donnez une impression sur le moment qui nous dit que c'est parce

 20   qu'il est président du parti et non pas parce qu'il était Président de

 21   l'Etat?

 22   Réponse:    Il était à la tête de la Croatie mais aussi à la tête du parti

 23   politique. C'était le cas de plusieurs autres instances qui franchissaient

 24   les frontières. En fait, le HDZ n'était pas le seul dans le cas. Je pense

 25   que la construction que l'accusation fait ici est celle-ci: vous dites


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  1   qu'inévitablement, forcément, ceci implique un partage de la Bosnie-

  2   Herzégovine contre la volonté de ses habitants. Alors qu'on pourrait dire

  3   que, si la Bosnie-Herzégovine n'était pas appelée à survivre, surtout et

  4   en premier lieu du fait des actions serbes, n'était-il pas normal et

  5   raisonnable que les Croates, et surtout ceux qui appartenaient au même

  6   parti politique, se tournent vers Tudjman comme étant leur représentant?

  7   Il y a eu beaucoup d'efforts de médiation internationale, à Dayton aussi.

  8   Dans ces cas, c'est de cette façon-là qu'on a traité Tudjman, tout comme

  9   on a traité Milosevic comme étant le représentant des Serbes. Cela n'a pas

 10   toujours été le cas.

 11   Question:   Vous n'avez pas d'autres explications à fournir sur ce qui

 12   s’est passé entre Novembre 1991 et ce qui a été créé en Juillet 1992? Vous

 13   n'avez pas d'autres informations, d'autres connaissances à ce sujet?

 14   Réponse:    Rien qui serait de nature à changer mon argumentation.

 15   Question:   Et, toujours à la même page, je voudrais aussi, par votre

 16   biais,attirer l'attention des Juges. Point 4 : "Boban, Kordic et Kostroman

 17   sont autorisés à représenter en toute légitimité la Communauté croate

 18   d'Herceg-Bosna à la réunion du 27 décembre 1991 à Zagreb". Que dites-vous à

 19   ce propos? Est-ce que ceci vous aide à mieux comprendre le sujet?

 20   Réponse:    Eh bien ils sont autorisés par cette réunion, ils sont

 21   autorisés à être les représentants.

 22   Question:   A Zagreb.

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   Fort bien. Je passe à autre chose parce que je voudrais votre

 25   réponse à ma question suivante: ce matin, vous avez dit, en réponse à une


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  1   question posée par le Juge Robinson, je pense, que les combats étaient le

  2   produit d'événements contingents alors que la guerre avait déjà éclaté.

  3   Selon vous, quand la guerre a-t-elle éclaté?

  4   Réponse:    La guerre entre les Serbes de Bosnie et la République de

  5   Bosnie-Herzégovine?

  6   Question:   Non.

  7   Réponse:    La guerre entre...

  8   Question:   Non, nous parlons ici des combats entre les Croates et les

  9   Musulmans de Bosnie. Je peux me tromper mais...

 10   Réponse:    Non, non, excusez-moi. Ce que je faisais valoir, c'est ceci. Au

 11   cours de la période qui a précédé cette période et aussi avec la

 12   détérioration des rapports et des relations au cours de l'hiver 1992, donc

 13   au cours de la période qui a précédé ces événements faisant l'objet de ce

 14   procès, il y avait une pression accrue provoquée par l'afflux de réfugiés

 15   et le déplacement d'unités de l'armée de Bosnie. Tout ceci a donc produit

 16   des tensions qui ont ensuite débouché sur un conflit ou qui était le

 17   contexte d'événements particuliers.

 18   Question:   Ce sont donc là les événements que vous qualifiez de

 19   contingents, à savoir les réfugiés, le problème de ce genre, déplacement

 20   des unités de l'armée?

 21   Réponse:    Oui, la lutte pour obtenir du logement, pour avoir de la

 22   nourriture, pour avoir du courant.

 23   Question:   Mais tout ceci n'exclut pas qu'il avait fallu avoir un esprit

 24   qui contrôle toutes les opérations militaires qui se sont déroulées,

 25   n'est-ce pas?


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  1   Réponse:    Il y avait toute sorte d'esprit derrière les actions

  2   militaires.  C'est manifeste. Pourquoi les décisions qui furent

  3   prises, l'ont-elles été? Moi-même, j'ai peine à penser que ce conflit

  4   ait été minutieusement planifié depuis deux ans, à ce moment-là, étant

  5   donné les événements environnants et aussi la situation géostratégique

  6   et géopolitique des Croates et des Musulmans. Ni les uns ni les autres

  7   n'avaient d'intérêt particulier à ce qu'il y ait ce conflit.

  8   Question:   Il faut donc peut-être remonter davantage dans le temps. Vous

  9   ne pouvez aucunement nous aider à dire depuis quand ce conflit était

 10   planifié, comment il l'était et par qui et comment il a été exécuté, que

 11   ce soit d'un côté ou de l'autre?

 12   Réponse:    Je crois qu'il y a de meilleurs témoins que moi dont les

 13   participants actifs.

 14   Question:   Mais pour en terminer sur ce point. Vous nous avez dit être

 15   expert mais vos connaissances et expertises ne portent que sur

 16   l'évaluation extérieure de la part d'Européens notamment, évaluation des

 17   événements. Mais il est certain que vous ne pouvez pas nous aider pour ce

 18   qui est de ce qui s'est passé à l'intérieur?

 19   Réponse:    Je me suis surtout penché sur les événements extérieurs, sur

 20   l'intervention de la communauté internationale. Mais il est certain qu'il

 21   faut s'efforcer de suivre les événements qui étaient très confus et qui

 22   restent toujours peu clairs. Et c'est vrai aussi pour ce procès.

 23   Question:   Vous n'affirmez pas être expert, je veux m'assurer de ceci?

 24   Vous n'êtes pas expert pour essayer de démêler cet écheveau d'événements?

 25   Lorsque je vous ai posé la question de la planification, par qui elle


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  1   avait été faite et depuis quand, sur ce point, vous n'avez aucun savoir

  2   d'expert, n'est-ce pas?

  3   Réponse:    Non.

  4   Question:   Merci. Est-ce que nous avons toujours ce document sur le

  5   rétroprojecteur? Je demanderais l'aide de l'huissier pour qu'il y place la

  6   page 10.

  7   M. Nice (interprétation): Page 10. Un instant, s'il vous plaît.

  8   Revenons... Excusez-moi, je me suis trompé.

  9   Réponse:    Est-ce que je garderai la page 10 de côté.

 10   Question:   Oui. Mais prenons la page 60 du rapport.

 11   M. Robinson (interprétation): La Chambre s'inquiète de la durée du contre-

 12   interrogatoire, je crois qu'il a été suffisamment long, il est temps

 13   terminer.

 14   M. Nice (interprétation): J'allais le faire de toute façon, Monsieur le

 15   Juge, j'en suis à mon avant-dernier sujet.

 16   Témoin Almond (interprétation): Je me permets d'attirer l'attention des

 17   Juges sur le paragraphe de l'intervention de Mate Boban qui est à l'appui

 18   de l'interprétation que je vous fournis, mais je ne veux pas retarder la

 19   procédure.

 20   M. le Président (interprétation): Puisque vous en parlez, voyons où se

 21   trouve ce paragraphe.

 22   Témoin Almond (interprétation): Vers le milieu de ce paragraphe, il est

 23   cité comme disant ceci: "Si la Bosnie-Herzégovine devait rester un état

 24   indépendant sans aucun lien avec l'Etat en voie de désintégration..."

 25   M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on peut remonter le texte?


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  1   Voilà.

  2   Témoin Almond (interprétation): La zone où quelque 650 000 Croates vivent,

  3   mettrait en oeuvre les méthodes démocratiques reconnues au plan

  4   international pour proclamer ce terrain "territoire croate indépendant".

  5   M. Nice (interprétation): Et la phrase suivante?

  6   Témoin Almond (interprétation): "Qui accédera à l'Etat de Croatie mais

  7   seulement au moment où la direction croate décidera que le temps et le

  8   moment sont venus." Là, on parle des méthodes démocratiques et de la

  9   désintégration.

 10   M. Nice (interprétation): Est-ce que je peux passer à la page 60, nous

 11   avons le Président Tudjman qui s'adresse à M. Klujic, et je passe

 12   directement au paragraphe complet de cette page où il dit ceci: "Par

 13   conséquent, nous avons voulu finalement, et ce n'était pas par hasard, que

 14   dans le préambule de la constitution croate, nous avons mentionné la

 15   Banovina de Croatie."

 16   Reprenons la page 10 de votre rapport. Vers le milieu de la page, vous

 17   dites ceci: "L'accord d'Août 1939 entre l'homme politique, le dirigeant

 18   politique croate, Vlatko Macek, et le premier ministre serbe, Cvetkovic,

 19   qui à toutes fins utiles a concédé une partie importante de la Bosnie à

 20   l'unité récemment créée de Croatie au sein d'une Yougoslavie réformée,

 21   était d'une signification toute particulière parce que les frontières

 22   délimitées à l'époque ont joué un rôle important dans la pensée qui est à

 23   la base du plan Vance-Owen et des débats du printemps 1993."

 24   Effectivement, les Banovina jouaient un rôle capital comme Lord Owen l'a

 25   dit, et ceci est repris dans ce rapport. Vous parlez d'une signification


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   1   cruciale pour ce qui est des préoccupations de Tudjman et des Croates.

  2   Réponse:    Je l'ai déjà dit, beaucoup de Croates estimaient que cet

  3   accord, qui était en fait un accord suite à des négociations et non pas le

  4   produit de la force, était pour eux, pour leur nation une solution idéale.

  5   Je n'ai pas dit que Tudjman ou d'autres Croates voulaient nécessairement en

  6   revenir à ce modèle et que c'était dire là, de manière implicite, qu'il y

  7   avait eu une collusion, un complot cohérent de coopération avec les

  8   Serbes.

  9   Question:   J'ai un projet de traduction depuis ce matin, projet de

 10   traduction du document de Kiseljak auquel j'ai fait référence et que nous

 11   n'avons reçu que récemment. Puis-je le soumettre au témoin ou le

 12   soumettrai-je à un autre témoin au moment de la réplique?

 13   M. le Président (interprétation): Je pense que nous en savons suffisamment

 14   pour aujourd'hui. Vous pourrez le présenter à une date ultérieure.

 15   M. Nice (interprétation): Je vous remercie.

 16   M. le Président (interprétation): Interrogatoire supplémentaire?

 17         (Questions supplémentaires de M. Browning au témoin Mark Almond.)

 18   M. Browning (interprétation): Je vais reprendre là où l'accusation s'est

 19   arrêtée.

 20   Nous allons parler de la pièce 27-17-A. Mais il faut la recadrer, la

 21   replacer dans son contexte historique. Elle date du 27 Décembre 1991, ou

 22   du moins fait référence à cette date?

 23   M. Almond (interprétation): Oui.

 24   Question:   Et le référendum sur l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine

 25   s'était passé les 29 Février et 1er mars 1992?


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  1   Réponse:    Plus tard.

  2   Question:   Donc ce document relatif à cette réunion porte sur une réunion

  3   qui s'est produite trois mois avant que le sort de la Bosnie-Herzégovine

  4   ne soit décidé?

  5   Réponse:    Oui. Et le rythme des événements était tel que ces quelques

  6   mois ont représenté comme une éternité pour beaucoup.

  7   Question:   Au moment où a eu lieu cette réunion, la Bosnie-Herzégovine ne

  8   connaissait pas son sort, n'est-ce pas? C'était vrai pour beaucoup de

  9   pays?

 10   Réponse:    Oui. En fait, les Etats-Unis n'avaient pas suivi la majorité

 11   des pays de la communauté européenne pour reconnaître la Slovénie ou la

 12   Croatie à ce stade. Par conséquent, la notion d'une Bosnie-Herzégovine

 13   indépendante n'était pas très claire.

 14   Question:   Après le référendum de Février/Mars 1992, y avait-il des

 15   indications claires montrant que Tudjman et Milosevic s'étaient jamais

 16   rencontrés pour discuter d'une éventuelle division, d'un éventuel partage

 17   de la Bosnie-Herzégovine?

 18   Réponse:    Je ne suis pas au courant de telles réunions, du moins à de

 19   telles fins. Je sais qu'ils se sont souvent rencontrés, mais ceci s'est

 20   toujours passé sous les auspices de médiateurs internationaux. Il se peut

 21   aussi qu'ils aient eu d'autres entretiens téléphoniques, comme c'est le

 22   cas d'autres dirigeants.

 23   Question:   Mais rien n'indique qu'ils aient eu des discussions sur le

 24   partage après le référendum?

 25   Réponse:    Non. Et, comme je le souligne dans mon rapport, on a critiqué


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  1   Tudjman en Croatie parce qu'on a reproché à cet homme de ne pas avoir

  2   résisté à l'occupation du territoire croate et de ne pas avoir renversé la

  3   vapeur à cet égard, pour ne pas parler des Serbes en Bosnie.

  4   Question:   Avant le référendum de Février/Mars 1992, était-il certain que

  5   la Bosnie-Herzégovine allait opter pour l'indépendance?

  6   Réponse:    Loin de là. D'ailleurs, la communauté internationale ne le

  7   souhaitait pas.

  8   Question:   Avez-vous vu quelque indication que ce soit selon laquelle le

  9   Président Tudjman, à quelque moment que ce soit, aurait prôné

 10   l'utilisation de la force en Bosnie-Herzégovine pour encourager le

 11   partage?

 12   Réponse:    Non. La preuve a été apportée qu'il a utilisé la force pour

 13   empêcher que les Serbes n'emportent les Musulmans et les Croates de Bosnie

 14   au cours de l'été 1995.

 15   Question:   Au moment de la réunion de Karadjordjevo, la Bosnie-Herzégovine

 16   était-elle un Etat, comme l'a suggéré l'accusation?

 17   Réponse:    C'était une République constitutive de la SFRY.

 18   Question:   Mais pour ce qui est de la création d'un Etat indépendant,

 19   n'était-ce pas encore une question fort compromise, en tout cas ouverte?

 20   Réponse:    Tout à fait. Les dirigeants politiques de la Communauté

 21   européenne et des Etats-Unis étaient très réticents à l'idée de la

 22   création d'une telle République indépendante.

 23   Question:   S'agissant de Karadjordjevo, peu de temps après cette réunion,

 24   en Août 1991, il y a eu une offensive de grande envergure par la Serbie

 25   sur la République de la Croatie?


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  1   Réponse:    Elle avait commencé avant cela, au mois de Juillet.

  2   Question:   Et que faudrait-il en conclure si l'on veut savoir si des

  3   accords avaient été passés à Karadjordjevo?

  4   Réponse:    Il serait fort étrange que cela ait été le cas, car la Croatie

  5   n'a gagné aucun territoire en Bosnie, alors qu'elle a perdu 30% de son

  6   propre territoire.

  7   Question:   On vous a montré une carte, le menu d'un banquet auquel

  8   participaient Paddy Ashdonn et Tudjman.

  9   Tudjman a-t-il dit que c'est l'apparence qu'aurait la Bosnie-Herzégovine

 10   dans dix ans, ou bien ce sont simplement des propos que l'on a relatés à

 11   la presse?

 12   Réponse:    De toute façon, ces commentaires, du moins ce que l'on en a

 13   dit, n'ont été transmis que de seconde main ou à travers les souvenirs

 14   qu’en avait Paddy Ashdonn. Bien sûr il y a des inscriptions, des mots sont

 15   écrits, cette carte est donc intéressante même si elle n'est pas

 16   nécessairement exacte. Mais vous verrez qu'il n'y a aucun espace réservé

 17   sur cette carte pour les forces militaires serbes de Krajina. Et ceci me

 18   porte à croire que le président Tudjman, qui était à ce moment-là le

 19   commandant en chef des forces armées de Croatie, essayait d'anticiper sur

 20   ce qui allait se passer quelques jours plus tard à peine en Slavonie

 21   occidentale et puis en Krajina; à savoir une action militaire contre les

 22   Serbes. Ce qui a fait que par la suite il y a eu aussi une intervention

 23   contre les Serbes de Bosnie en Août 1995.

 24   Question:   La Croatie a été le premier pays à reconnaître l'indépendance

 25   de la Bosnie-Herzégovine? Et une fois ceci fait, est-ce que des efforts


Page 21537

  1   ont été déployés par la Croatie de quelque façon que ce soit pour annexer

  2   des territoires de la Bosnie-Herzégovine?

  3   Réponse:    Il n'y a pas eu d'annexion de territoire même quand la

  4   situation militaire du gouvernement de Bosnie, qui était impuissant,

  5   l’aurait permis tout à fait facilement.

  6   Question:   Je vais terminer par l'examen de la pièce Z82.1. On dit que

  7   c'est là prétendûment un accord passé le 7 Mai 1992. Peu de temps après

  8   cette réunion, est-ce que les Serbes ont attaqué les Croates de Bosnie à

  9   Mostar?

 10   Réponse:    Oui, cet accord était malheureusement un peu comme la plupart

 11   des accords négociés par la communauté internationale, quelque chose qui

 12   est resté lettre morte. C'est pourquoi je ne peux pas imaginer la moindre

 13   coopération avec les Serbes de Bosnie.

 14   Question:   Avez-vous quelque raison que ce soit de penser que c'était

 15   davantage et simplement un simulacre d'accord?

 16   Réponse:    En tout cas, cet accord n'a eu aucun effet.

 17   Question:   Vous avez été soumis à toutes sortes de questions, on vous a

 18   montré plusieurs documents, mais votre avis a-t-il changé à la suite de

 19   l'examen des pièces qui vous ont été montrées ici, dans ce prétoire,

 20   aujourd'hui?

 21   Réponse:    Non. Pour moi, les preuves corroborent ce que je pensais dans

 22   cette situation tragique. La Yougoslavie s'est désintégrée, et le

 23   gouvernement serbe, les forces de Serbie ont poursuivi leurs propres

 24   objectifs en ayant recours à la force militaire. Mais il n'y a pas la

 25   moindre suggestion d'un complot qui ait été mis en oeuvre.


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   1   Question:  Je vous remercie, je n'ai plus de questions à vous poser.

  2   M. le Président (interprétation): Monsieur Almond, vous en avez ainsi

  3   terminé de votre déposition. Merci d'être venu déposer devant le Tribunal

  4   pénal international, vous pouvez disposer.

  5   Témoin Almond (interprétation): Je vous remercie.

  6         (Le témoin, M. Almond, est reconduit hors du prétoire.)

  7   M. le Président (interprétation): Quel sera votre prochain témoin?

  8   M. Sayers (interprétation): Le Dr Stjepan Mestrovic. Il est présent, c'est

  9   un témoin expert qui va se présenter sur les avis en matière de sociologie

 10   présentés par l'accusation. Ici, aussi ce sera Me Browning qui va poser

 11   les question à l'interrogatoire principal.

 12   M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons travailler jusqu'à

 13   16 heures 15 pour voir s'il peut terminer l'interrogatoire principal.

 14   M. Nice (interprétation): J'allais poser quelques questions de calendrier,

 15   je les aborderai plus tard, à la fin de l'audience.

 16         (Le témoin, M. Mestrovic, est introduit dans le prétoire.)

 17   M. le Président (interprétation): Si le témoin peut faire la déclaration

 18   solennelle.

 19   M. Mestrovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 20   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 21   M. le Président (interprétation): Asseyez-vous, je vous en prie.

 22   Maître Browning, est-ce que vous pouvez parler dans le micro, s'il vous

 23   plaît? J'ai eu des problèmes en vous écoutant, d'autres en ont donc encore

 24   davantage.

 25         (Le témoin, M. Mestrovic, est interrogé par M. Browning.)


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  1   M. Browning (interprétation): Je vais essayer de faire de mon mieux et de

  2   ménager des pauses.

  3   Docteur Mestrovic, pourriez-vous décliner votre identité?

  4   M. Mestrovic (interprétation): Je m'appelle Stjepan Gabriel Mestrovic.

  5   Question:   Je ne voudrais pas rester trop longtemps sur votre CV,

  6   j'aimerais quand même dire quelques mots. Vous êtes diplômé de

  7   l'université de Harvard. Vous avez trois diplômes?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   L'un des diplômes est celui de maître de théologie, et ce sont

 10   les religions mondiales qui vous ont intéressé.

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Vous avez également un doctorat en sociologie?

 13   Réponse:    Oui, à Syracuse.

 14   Question:   Vous avez également fait une série de documents sur l'Europe de

 15   l'est, et vous avez publié quelques livres à ce sujet-là en 1992?

 16   Réponse:    Effectivement, oui, nous avons publié plus de quinze travaux

 17   sur l'Europe post-communiste: Pologne et autres pays de l'Europe, etc.

 18   Question:   Vous êtes l'un des académiciens qui s'est rendu par Fullbright

 19   en Croatie?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   Combien de livres avez-vous publiés?

 22   Réponse:    Quatorze, je pense qu'il y a quelques livres concernant les

 23   Balkans et cette guerre.

 24   Question:   Vous avez publié également plusieurs publications?

 25   Réponse:    Oui. Dans une chronique d'enseignement supérieur, j'ai expliqué


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  1   pourquoi les Balkans ont été pris par surprise au moment de l'effondrement

  2   du communisme. J'ai publié dans la revue internationale "Psychiatrie", et

  3   j'ai parlé aussi des normes de dangerosité.

  4   M. Bennouna: Je crois qu'il faut déplacer votre micro car vous voyez, vous

  5   vous tournez vers le témoin. Il faut que le micro soit vraiment devant

  6   vous.

  7   M. Browning (interprétation): Je vous remercie. Docteur Mestrovic, vous

  8   êtes apparu à la CNN dans des programmes de radio internationaux, vous

  9   allez nous en parler. Mais d'abord, pourriez-vous nous expliquer ce qu'est

 10   la radio publique internationale?

 11   M. Mestrovic (interprétation): C'est une radio sans but lucratif de grand

 12   prestige aux Etats-Unis. J'ai discuté sur cette radio de mon ouvrage sur

 13   les Balkans, sur la signification aussi de la mort de Milovan Zilas (?).

 14   Question:   Ou êtes-vous né?

 15   Réponse:    A Zagreb.

 16   Question:   Aujourd'hui, vous vivez aux Etats-Unis?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Et vous êtes citoyen américain?

 19   Réponse:    Oui, je suis citoyen américain.

 20   Question:   Quand êtes-vous parti de Zagreb?

 21   Réponse:    En 1963, j'avais huit ans. Je me suis installé aux Etats-Unis.

 22   Question:   Vous avez préparé un rapport qui a été déposé en l'espèce, est-

 23   ce que c'est un rapport complet et qui traduit finalement vos conclusions

 24   et votre avis sur le sujet?

 25   Réponse:    Oui.


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  1   Question:   Et vous avez préparé ce rapport vous-même, n'est-ce pas?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Pourriez-vous expliquer à la Chambre de première instance le

  4   concept de la distance ethnique, terme sociologique?

  5   Réponse:    Il s'agit d'un concept qui date des années 20, dans le

  6   département de sociologie, Chicago. On enquête depuis, on essaie de

  7   mesurer le degré de l'étroitesse des relations entre les gens, entre les

  8   groupes ethnique, la proximité par conséquent. C'est un indice de

  9   tolérance qui est extrêmement intéressant et bon.

 10   Question:   Est-ce que vous pouvez, de manière très concrète, nous dire si

 11   des enquêtes ont été organisées?

 12   Réponse:    Oui, il y a une échelle quantitative. Les enquêtes sont faites

 13   sur les échantillons, et ceci pour pouvoir valoriser les conclusions.

 14   Ensuite, il y a des analyses qui comprennent des variables différentes.

 15   Question:   Pouvez-vous également nous dire quelle est la distance ethnique

 16   et dans quel sens elle a changé avant le déclenchement de la guerre?

 17   Réponse:    Mais moi, je ne peux pas vous parler de la Bosnie-Herzégovine

 18   mais je peux vous parler de la Croatie étant donné que nous avons organisé

 19   cette enquête avec, justement, cette échelle de la distance ethnique en

 20   1984. Ensuite, nous avons refait la même expérience dans l'ensemble de la

 21   Yougoslavie, y compris la Bosnie-Herzégovine en 1989. Par conséquent, nous

 22   ne pouvons pas faire des comparaisons, sauf pour la Croatie, étant donné

 23   que ceci a été fait en 1984. Et puis, il y a également cet aspect des

 24   recherches, car toute une équipe a travaillé, entre autres, Dusko Sekulic,

 25   Mladen Lasic, Vjeran Katunaric. Cette enquête, cette recherche démontre


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  1   que la distance ethnique a augmenté en 1984 jusqu'à 1989. Je pense que

  2   ceci est important, car tout ceci s'est pratiquement passé avant que

  3   Tudjman arrive au pouvoir, avant qu'il soit le maître du pouvoir, pendant

  4   l'ère du communisme.

  5   Question:   Est-ce que ces données empiriques, en effet, sont des éléments

  6   sur lesquels se repose un sociologue: l'estimation du conflit, par

  7   exemple, en ex-Yougoslavie?

  8   Réponse:    Oui, tout à fait. Premièrement, ceci confirme certaines

  9   questions soulevées devant ce Tribunal. Deuxièmement, la recherche publiée

 10   par Dusko Sekulic a été publié dans des revues de sociologie, en 1984;

 11   ensuite, dans "American Sociologic Review", en 1984 et, en 1989, dans une

 12   autre revue. Il s'agit de revues de sociologie de grande renommée. C'est

 13   un article également qui a été analysé; c'est certainement une recherche

 14   extrêmement importante qui donne du poids à cet article.

 15   Question:   Ces éléments, ces données empiriques, qu'est-ce qu'ils prouvent

 16   à vous, qui êtes sociologue, sur le nationalisme qui s'est accru en

 17   Croatie?

 18   Réponse:    Par différence à ce qui a été dit par le Dr Allcock, qui parle

 19   d'un processus d'"ethnogenèse" et qui dit que Franjo Tudjman lui-même a

 20   essayé de créer des tensions en Croatie, des tensions ethniques, les

 21   données suggèrent que, même avant que le Dr Tudjman vienne sur la scène en

 22   Croatie, il y avait ce sentiment de distance ethnique qui est né, qu'il

 23   montait. Par conséquent, tout ce qui s'est passé ne peut pas lui être

 24   attribué.

 25   Question:   Avant d'être d'accord pour venir ici, devant le Tribunal,


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  1   aviez-vous connu le docteur Allcock?

  2   Réponse:    Non, pas avant.

  3   Question:   Pour la Chambre, pourriez-vous dire quelles sont les

  4   différences entre les conclusions auxquelles vous êtes parvenu et les

  5   conclusions du docteur Alcock?

  6   Réponse:    Le Dr Allcock ne cite pas des études empiriques, il ne cite pas

  7   d'autres études non plus. Il y a beaucoup d'affirmations qui n'ont pas de

  8   fondement. Par conséquent, il affirme un certain nombre de choses mais qui

  9   n'ont pas de fondement. A titre d'exemple, il dit que Franjo Tudjman a mis

 10   en œuvre quelque chose qu'il appelle "ethnogenèse". Moi, je m'appuie sur

 11   les données empiriques et j'essaie de prouver que ce qui s'est passé en

 12   ex-Yougoslavie, s'est passé à cause de la structure sociologique et des

 13   forces qui n'ont rien à voir avec le docteur Franjo Tudjman.

 14   M. Bennouna (interprétation): Le témoin nous dit que les choses évoluaient

 15   vers le haut.

 16   (Le Juge Bennouna continue en français): Je voudrais demander une chose au

 17   témoin. Le témoin nous dit que les choses évoluaient vers le haut. Est-ce

 18   qu'historiquement, il peut situer le point de départ de cette opposition

 19   ethnique? Est-ce qu'il peut nous donner des dates?

 20   Pouvez-vous nous donner des dates de ce que vous avancez, tout au moins

 21   une période historique déterminée, à laquelle vous rattachez cette

 22   opposition ethnique que vous estimez indépendante de M. Tudjman?

 23   M. Mestrovic (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Cette structure

 24   sociologique a des dimensions qui sont différentes. Tout premièrement, il

 25   y a l'histoire, l'historique, l'évolution des groupements ethniques,


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  1   physiquement. Ce sont des groupements qui sont ensemble, mais qui vivent

  2   quand même séparément, dans des mondes séparés. Par conséquent, il y a une

  3   certaine tolérance, mais ce n'est pas pour cela qu'il y a la compréhension

  4   et des sentiments. Il y a donc ce facteur où les groupes ethniques vivent

  5   l'un à côté de l'autre, mais sans compassion l'un pour l'autre.

  6   Ensuite, il y a le facteur social. Le docteur Allcock en parle dans un

  7   certain nombre de ses articles. Il est parfaitement justifié: le

  8   communisme a promu en quelque sorte ces divisions ethniques mais, en même

  9   temps, il a essayé de les affaisser. Au nom de l'égalité et de la

 10   fraternité, les gens devaient se sentir des Yougoslaves et pas des

 11   Croates, pas des Serbes, pas des Musulmans de Bosnie. Cependant, en même

 12   temps, ils ont promu des divisions ethniques; ils les ont encouragées. Ces

 13   divisions existaient dans la conscience désormais.

 14   Troisièmement, quand je dis que cela évoluait du bas vers le haut, dans

 15   les actions de tous les jours, dans des interactions, indépendamment du

 16   régime titiste, les gens en Croatie ont remarqué que les Croates

 17   obtenaient des appartements qui étaient des appartements de prestige. Ils

 18   ont remarqué également que les Serbes de Croatie étaient promus généraux;

 19   ce n'était pas le cas des Croates. Les gens ont remarqué aussi que les

 20   appartements, le travail et plein d'autres choses appartenaient plutôt aux

 21   Serbes. Malgré ce slogan de fraternité et d'égalité, la recherche,

 22   l'enquête nous démontre que, quand vous demandez aux gens ce qu'ils

 23   pensent, ces perceptions existent indépendamment d'une propagande

 24   officielle qui est menée de Belgrade, de la capitale de la Yougoslavie.

 25   Voilà comment je peux vous répondre.


Page 21545

  1   M. Bennouna: Ces différenciations ethniques, on savait qu'elles

  2   existaient. Est-ce que le nouveau nationalisme qui est né avec la fin de

  3   la guerre froide, les nouveaux nationalismes, dont celui qui était promu

  4   par M. Tudjman, le nationalisme croate, la renaissance de ce nationalisme

  5   ne s'est pas appuyée justement sur ces différenciations ethniques pour

  6   s'imposer et imposer un nouvel Etat?

  7   C'est cela la thèse qui a été avancée ici: ces nationalismes ont utilisé

  8   ces facteurs, ils les ont même réactivés parce qu'ils étaient en sommeil

  9   et ils les ont excités en quelque sorte, développés outre mesure pour un

 10   profit politique, pour s'imposer politiquement dans une nouvelle structure

 11   étatique. Que pensez-vous de cela?

 12   Réponse:    Monsieur le Juge, je pense que les données démontrent, non

 13   seulement pour l'ex-Yougoslavie mais aussi en général, que le nationalisme

 14   a aidé la chute du communisme: il n'a pas chuté par lui-même. Le

 15   nationalisme, du point de vue sociologique, est un phénomène qui est dû au

 16   fait que les nations qui vivaient sous le communisme n'avaient pas la

 17   tradition des droits de l'homme, de la démocratie, des droits individuels,

 18   etc. Il s'agissait de sociétés traditionnelles qui n'ont pas traversé ces

 19   étapes. Par conséquent, du point de vue structurel, à partir du moment où

 20   l'on a commencé à se référer à l'hypocrisie, à l'exploitation, etc., comme

 21   ils n'avaient pas de traditions, ils ne pouvaient que se reposer sur le

 22   nationalisme.

 23   En même temps, l'Occident traversait pendant ce temps-là une étape

 24   chaotique et n'était pas prêt pour de telles évolutions. C'est l'Occident

 25   qui voulait maintenir l'Union Soviétique, car il était dans la terreur et


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  1   dans la peur. Vis-à-vis de ces nouvelles républiques, de ces nouveaux

  2   Etats qui ont été créées en ex-Yougoslavie, l'Occident ne savait pas

  3   comment s'y prendre et ne pouvait pas orienter l'évolution. C'est pourquoi

  4   le nationalisme était en quelque sorte une alternative. Mais ce que

  5   j'affirme, c'est qu'il est né à partir de la base, vers le haut. En

  6   Occident, il n'y avait pas d'idées très précises. Même l'Occident a été

  7   très confus.

  8   Question:   Vous vous rattachez à une doctrine ou à une doctrine de pensée

  9   en sociologie qui s'appelle le structuralisme?

 10   Réponse:    Tout à fait. Je l'ai utilisée et, en ce sens, j'y appartiens.

 11   Mais j'utilise aussi d'autres théories en sociologie. Mais il est exact de

 12   dire que vous pouvez me qualifier de structuraliste, de fonctionnaliste.

 13   Question:   Est-ce que cette doctrine accorde moins d'importance à la

 14   volonté des personnes et des leaders, et beaucoup plus, bien sûr, aux

 15   structures sociales?

 16   Réponse:    Effectivement, cette théorie tend à dire que les soi-disant

 17   directeurs sont produits par les groupes dans le feu de l'action, par

 18   opposition à la théorie qui dit que ce sont les dirigeants qui produisent

 19   des changements dans les groupes sociaux.

 20   M. Browning (interprétation): Pourrions-nous maintenant nous pencher sur

 21   les conclusions tirées par le docteur Donia?

 22   Pourriez-vous résumer les conclusions que vous avez tirées et dire dans

 23   quelle mesure elles sont différentes de celles du Dr Donia?

 24   M. Almond (interprétation): L'affirmation principale du Dr Donia semble

 25   être que la Bosnie-Herzégovine était une nation pacifique, multiethnique


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  1   pendant des siècles, pendant de nombreux siècles, avant la montée au

  2   pouvoir de Franjo Tudjman. Il ajoute qu'il n'y avait pas de violence

  3   attribuable à des différences ethniques dans l'histoire de la Bosnie-

  4   Herzégovine. M. Donia, même dans ses écrits qui ne sont pas utilisés dans

  5   son rapport, cite des cas de violence ethnique dans l'histoire de la

  6   Bosnie-Herzégovine. De surcroît, d'autres historiens, d'autres experts de

  7   la région montrent une histoire qui regorge d'insurrections et de conflits

  8   ethniques. Contrairement aux affirmations du Dr Donia, moi, j'affirme que

  9   l'histoire de la Bosnie-Herzégovine est une histoire ponctuée de tensions

 10   et de guerres, d'insurrections ethniques. C'est là que je me démarque de

 11   ses conclusions.

 12   Question:   Le Dr Donia est un historien, vous êtes sociologue. Pourquoi

 13   vous penchez-vous sur les opinions et les conclusions tirées par un

 14   historien?

 15   Réponse:    Je pense que c'est à la page 4 de son ouvrage qu'il dit qu'il

 16   ne fait pas de l'histoire conventionnelle. Il ne fait pas de chronologie,

 17   d'analyse des événements; il fait des généralisations qui ne sont pas

 18   typiques d'un historien. A cet égard, il pénètre dans le domaine qui est

 19   l'apanage du sociologue. Je le conteste pour cela, quand il entre dans le

 20   domaine de la sociologie.

 21   Je remarque que, dans son rapport, il condense beaucoup d'éléments de

 22   l'histoire, histoire contemporaine de 1991 et 1992, en l'espace de

 23   quelques pages, alors que moi, je prends la chronologie de la commission

 24   Carnegie qui fait le récit des événements. Je pense qu'une telle

 25   chronologie aurait été plus appropriée pour un historien. Je pense donc,


Page 21548

  1   pour répondre à votre question, qu'il s'écarte de l'histoire

  2   conventionnelle.

  3   Question:   Excusez-moi de pécher par simplicité ou par simplisme, mais je

  4   pense que votre rapport parle aussi de la façon dont on voit les

  5   événements depuis les Etats-Unis et l'Union européenne, en comparaison

  6   avec la vision, la conception du monde telle qu'elle prévaut dans les

  7   Balkans. Pourriez-vous expliquer cela?

  8   Réponse:    Oui. Les sociologues sont très sensibles aux perceptions que

  9   l'on peut avoir, et surtout à la perception occidentale de la façon dont

 10   celle-ci va peut-être obscurcir la vision du monde. Une des choses que je

 11   remarque en tant que sociologue, c'est que, dans le mémoire préalable au

 12   procès de l'accusation, ainsi que dans les témoignages des Dr Donia et Dr

 13   Allcock, on se base sans cesse sur le thème de la planification, de la

 14   coordination qu'ils disent systématique, sur des choses de ce genre qui

 15   montrent que l'on prend un avis rationnel, une vision rationnelle qui est

 16   prise pour acquise en Occident, mais qui est plus problématique dans des

 17   sociétés non occidentales. Je trouve donc qu'il y a un parti pris culturel

 18   dans la démarche, dans l'approche du problème.

 19   Question:   Je vais vous demander de résumer en quelques mots les

 20   conclusions auxquelles vous êtes parvenu à partir des principes de

 21   sociologie et des données empiriques sur lesquelles vous vous êtes fondé

 22   pour établir ce rapport.

 23   Réponse:    Je me suis basé sur des recherches empiriques menées par Dusko

 24   Sekulic, Mladen Lazic, Vjeran Katunaric et d'autres de ce groupe dont j'ai

 25   déjà parlé, lesquels suggèrent que la distance ethnique apparaît en


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  1   Croatie entre 1984 et 1989, depuis la base et, en tout cas, avant

  2   l'arrivée au pouvoir de Franjo Tudjman. Je cite des sources qui ne sont

  3   pas citées par le Dr Donia, dans certains de ses propres écrits qui

  4   semblent suggérer qu'il y a eu beaucoup de conflits ethniques en Bosnie-

  5   Herzégovine.

  6   J'avance des recherches effectuées par Sekulic, qui tendent à montrer

  7   qu'il n'y a pas nécessairement d'interaction entre l'intolérance et la

  8   violence. Les républiques les plus intolérantes de l'ex-Yougoslavie

  9   étaient le Kosovo et l'Herzégovine, qui ont échappé à la situation. La

 10   république la plus tolérante était la Bosnie-Herzégovine qui a été plongée

 11   dans la violence la plus brutale. Ce qui fait que, si l'on examine

 12   minutieusement la situation, cela ne corrobore pas les thèses de

 13   l'accusation.

 14   Question:   Je vous remercie. Je n'ai plus de questions à vous poser.

 15   M. Mikulicic (interprétation): Nous n'avons pas de question à poser à ce

 16   témoin, Monsieur le Président.

 17   M. Nice (interprétation): Je préférerais commencer demain. A vous d'en

 18   décider.

 19   M. le Président (interprétation): Vous pourriez peut-être commencer pour

 20   gagner du temps demain?

 21   M. Nice (interprétation): Je ne sais pas si d'autres témoins sont prévus

 22   pour demain, mais je peux commencer.

 23         (Le témoin, M. Mestrovic, est contre-interrogé par M. Nice.)

 24   Docteur, quelle est la signification...

 25   M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.


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  1   M. Nice (interprétation): Quelle est la signification de vos résultats

  2   pour les conclusions que va peut-être tirer cette Chambre pour ce qui est

  3   des accusés et des actes commis en 1993?

  4   Réponse:    Eh bien cette signification est que vos experts n'ont pas

  5   prouvé que ces personnes auraient pu être à l'origine de cette

  6   ethnogenèse qui leur est attribuée à la lumière de principe de sociologie

  7   généralement admis.

  8   Question:   Ce qui va être prouvé est à déterminer en fin de compte par les

  9   Juges. Mais êtes-vous en train de dire que, du fait de ces différences

 10   culturelles, du fait de cette démarche ou de ce potentiel de nationalisme

 11   venant de la base, ces individus ne sont pas en mesure de planifier ni

 12   d'organiser? Est-ce bien ce que vous nous dites?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   Alors veuillez nous expliquer -et là je veux replacer votre

 15   réponse dans son contexte-, veuillez expliquer comment les différences

 16   sociologiques ou culturelles vont empêcher le processus de planification?

 17   Réponse:    Eh bien, je réagis aux arguments avancés par vos témoins

 18   experts: je dis que la façon dont ils ont énoncé le problème et la façon

 19   dont ils ont dit que Tudjman aurait pu être à la base de cette ethnogenèse

 20   n'est pas corroborée par la recherche qui montre que la distance ethnique

 21   était là avant même que Tudjman n'arrive au pouvoir.

 22   Question:   Demain, nous allons explorer davantage cette hypothèse que nous

 23   avons avancée ou qu'ont avancée les témoins de l'accusation. Mais je

 24   reviens à la première question: ce que vous consignez dans votre rapport

 25   n'interdit aucunement que des personnes auraient pu planifier certaines


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  1   choses, ce qui est en partie la thèse de l'accusation, n'est-ce pas?

  2   Réponse:    Non, ce n'était pas impossible.

  3   Question:   Est-ce que vous dites que, du fait des différences culturelles,

  4   à certains égards, il est moins probable, des gens comme Tudjman aient

  5   planifié quoi que ce soit parce que culturellement, ils seraient

  6   incapables de le faire?

  7   Réponse:    Pas tout à fait de cette façon-là parce que vous le présentez

  8   comme étant un individu. Ce que moi, je dis, c'est que la culture de toute

  9   l'ex-Yougoslavie était telle que le niveau de systématisation, de

 10   coordination, de planification que vous attribuez à l'un quelconque des

 11   protagonistes serait rendu plus problématique.

 12   Question:   J'ai besoin davantage d'aide de votre part parce que j'avoue

 13   être ignorant dans ce domaine. Il y a une difficulté: êtes-vous vraiment

 14   en train d'affirmer que, lorsqu'on passe de l'Autriche à l'ex-Yougoslavie

 15   ou d'une partie de l'ex-Yougoslavie à une autre partie de l'ex-

 16   Yougoslavie, nous franchissons des frontières et nous passons d'une

 17   population qui pourrait aisément planifier, tromper à une population qui

 18   serait moins capable de le faire?

 19   Réponse:    Non, Monsieur Nice, ce que j'affirme, c'est qu'il y a des

 20   livres en sociologie -par exemple, celui de Zigman sur l'holocauste

 21   notamment-qui affirment qu'effectivement les Allemands pouvaient s'engager

 22   dans des actes de génocide systématique et généralisé parce qu'ils

 23   avaient déjà une inclination, une attitude qui les poussaient à accepter

 24   la rationalisation, la coordination, et l'efficacité et l'administration.

 25   Nous savons, par exemple, que l'holocauste s'est poursuivi à un rythme


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  1   systématique en dépit des événements qui se produisaient tout autour.

  2   Et si l'on se déplace davantage à l'Est, on peut dire que, bien sûr, il y

  3   aura des tueries en masse, il y aura de la planification et des actions

  4   qui seront entreprises, mais qu'elles ne pourront pas avoir ce même degré

  5   de coordination, de planification et d'efficacité, que sans doute plus à

  6   l'Est, il sera plus difficile de faire cela.

  7   Question:   Reprenons un point plus précis. Est-ce que vous dites que, pour

  8   un dirigeant politique, il sera plus difficile pour lui d'être déviant en

  9   ex-Yougoslavie, de dire quelque chose en public davantage qu'ailleurs en

 10   privé?

 11   Réponse:    Je dois vous dire que la sociologie n'a rien à voir avec ce

 12   type de comportement. Je ne peux pas vous dire.

 13   Question:   Nous n'avons pas à parler heureusement, ici, de l'organisation

 14   des camps puisque cette question ne se pose pas dans ce procès. Mais vous

 15   dites que, dans les camps, il est probable qu'ils soient moins organisés,

 16   moins efficaces sur ce territoire qu'ils le seraient dans les places

 17   d'exécution et de punition en Allemagne?

 18   Réponse:    Moi, je me base sur les données empiriques. Le seul ouvrage en

 19   anglais qui parle de l'organisation de ces camps, c'est "Le dixième cercle

 20   de l'enfer" de Hakunovic. Il parle des événements qui se sont produits à

 21   Omarska. Et Eli Wiesel en préface de ce livre dit qu'en dépit des horreurs

 22   qui se sont commises à Omarska, Omarska n'était pas Auswitz. Et les

 23   descriptions dans ce livre, 'Le dixième cercle de l'enfer", suggèrent que

 24   la façon dont les exactions et les brutalités ont été commises par les

 25   Serbes n'étaient pas du même style, de la même efficacité et de la même


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  1   coordination que ce que vous décrivez.

  2   Par exemple, les survivants ont décrit, ils ont dit que les Serbes

  3   s'enivraient la nuit, qu'ils buvaient beaucoup de slibovic, qu'ils

  4   prenaient au hasard telle ou telle personne qu'ils tabassaient la nuit

  5   mais qu'il n'y avait pas de systématisation, qu'ils ne disaient pas:

  6   "Voilà, il y aura autant de morts cette nuit-ci". Je me fonde sur les

  7   données empiriques qui sont sur le terrain.

  8   Et je vous recommande ce livre "Le dixième cercle de l'enfer". C'est un

  9   document important pour nous faire comprendre comment les Serbes ont en

 10   fait dirigé l'un de ces camps. Effectivement, il suggère des différences

 11   culturelles sur la façon de commettre un meurtre.

 12   Question:   Nous comprenons tous la façon dont toute culture, par exemple

 13   où il y a beaucoup de consommation d'alcool, va avoir moins d'efficacité

 14   dans les modalités d'action. Mais si nous laissons l'alcool de côté et

 15   si nous avons affaire à des personnes intelligentes, y a-t-il une raison

 16   particulière qui voudrait que ces hommes intelligents ne sont pas en

 17   mesure d'organiser et de planifier de la même façon qu'on le fait dans

 18   d'autres pays?

 19   Réponse:    Vous savez que le fait même qu'il y ait eu beaucoup

 20   d'absorption d'alcool trahit une différence culturelle, c'est-à-dire que

 21   l'intempérance était autorisée parmi les détenus et parmi les gardes.

 22   Question:  Excusez-moi, abandonnons les camps et revenons aux circonstances

 23   propres à des hommes politiques, à des chefs militaires. Rien ne prouve

 24   que l'un ou l'autre de ces dirigeants politiques ou chefs militaires ait

 25   péché par excès d'alcool. Y a-t-il une raison culturelle, quel que soit le


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  1   cas, qui explique pourquoi une telle personne serait moins apte à

  2   planifier de tels plans, à les exécuter moins que disons quelqu'un qui est

  3   aux Etats-Unis?

  4   Réponse:    Monsieur Nice, un dirigeant individuel ne sera pas

  5   biologiquement, de façon innée, différent d'un autre dirigeant dans une

  6   autre partie du monde. Les différences sont au niveau des ressources

  7   structurelles et culturelles disponibles à ce dirigeant. C'est ce que vous

  8   dira un sociologue au premier coup d'œil.

  9   Question:   Je pense que vous nous dites, que vous laissez entendre ou que

 10   l'accusation suggère -je ne sais pas si c'est moi qui l'ai dit ou l'un de

 11   nos témoins- selon vous, nous disons et nous suggérons que la tension

 12   ethnique a été manigancée, instillée délibérément par feu le Président

 13   Tudjman. Où trouvez-vous une telle affirmation?

 14   Réponse:    Dans la partie du rapport où le Dr Allcock introduit la notion

 15   d'ethnogenèse et puis, par la suite, lorsqu'il relie ceci aux actions

 16   entreprises par le Président Tudjman.

 17   Question:   Eh bien, examinons ce rapport. Avez-vous ce rapport sous les

 18   yeux? Je suppose que, quelque part, il y aura une copie de ce rapport du

 19   Dr Allcock.

 20   M. Sayers (interprétation): Nous avons une version annotée.

 21   M. le Président (interprétation): Oui, remettez-la au témoin.

 22   M. Mestrovic (interprétation): Est-ce que je suis censé répondre à la

 23   question?

 24   M. Nice (interprétation): Oui, montrez-moi quel est ce passage.

 25   M. Mestrovic (interprétation): Oui, page 2, premier paragraphe: "Le


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  1   nettoyage ethnique n'est pas une manifestation spontanée d'une tradition

  2   ancienne ancrée dans les communautés, mais plutôt un instrument de

  3   politique. Dans le présent et le passé, l'hostilité interethnique et le

  4   nettoyage ont été des caractéristiques de manipulation des dirigeants

  5   politiques dans le cadre de l'édification d'Etats, plutôt que l'expression

  6   depuis la base d'un sentiment d'une population ou d'une région". Vers la

  7   fin de cette même page, on établit le lien explicite entre ceci et le

  8   Président Tudjman qui a établi des structures qui semblent correspondre de

  9   façon étroite avec ce que faisait le Président Tito.

 10   Le reste du rapport découle de ceci.

 11   Question:   Ce que l'on dit au sommet de la page, à moins que je n'aie pas

 12   bien compris le texte moi-même, c'est toujours possible, c'est qu'ici nous

 13   avons affaire à une hostilité interethnique et à un nettoyage ethnique,

 14   qu'il s'agit d'action. N'est-ce pas cela dont on parle?

 15   Réponse:    Eh bien, l'hostilité n'est pas nécessairement une action, cela

 16   peut être un comportement, une attitude.

 17   Question:   Eventuellement, mais dans le contexte de ce rapport?

 18   Réponse:   Je ne suis pas prêt à marquer mon accord avec vous sur ce point.

 19   Question:   Dans le cadre du nettoyage ethnique, ce que des gens font à

 20   d'autres, il faut que quelqu'un quelque part prenne une décision. Ne le

 21   pensez-vous pas? Vous ne voulez pas faire croire qu'il y a eu, comme cela,

 22   spontanément un exercice presque auto spontané venant de la base, de

 23   nettoyage ethnique, de quelque partie de cet Etat en démantèlement que ce

 24   soit?

 25   Réponse:    Exact.


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  1   Question:   Est-ce que tout ce qui s'est passé n'était pas dirigé par un

  2   dirigeant politique ou militaire, ou par les deux?

  3   Réponse:    En plus d'autres facteurs qui interviennent également.

  4   Question:   Je prends note de votre désaccord pour le moment, j'y

  5   reviendrai demain; ce qui veut dire que si l'hostilité peut se comprendre

  6   un peu plus facilement, du fait d'hostilité interethnique, il y a des actes

  7   d'agression qui débouchent sur la guerre. Rien, dans ce paragraphe du

  8   rapport du Dr Allcock ne dit que Tudjman ait entraîné de façon expresse et

  9   exclusive la tension ethnique et le malheur ethnique?

 10   Réponse:    Pas dans ce paragraphe, mais quand on rassemble les différents

 11   éléments, les différents passages, il est clair que le docteur Allcock

 12   impute tout ceci, toute l'éthnogénèse à Franjo Tudjman, le dirigeant?

 13   Question:   Je ne suis pas d'accord sur ce point avec vous.

 14   M. le Président (interprétation): Est-ce que ce moment se prête bien à

 15   cela?

 16   M. Nice (interprétation): Il y a aussi des questions d'intendance à

 17   soulever.

 18   M. le Président (interprétation): Docteur Mestrovic, nous allons

 19   maintenant suspendre l'audience. Veillez à être de retour ici, à

 20   l'audience, demain à 9 heures 30.

 21   M Mestrovic (interprétation):Oui.

 22   M. le Président (interprétation): Je vous mets en garde, comme je le fais

 23   avec tous les témoins, n'ayez de contact avec personne pendant cette

 24   interruption. Ceci comprend aussi les représentants de la défense. Soyez

 25   de retour à l'audience demain matin à 9 heures 30.


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  1   M. Mestrovic (interprétation): Merci.

  2         (Le témoin, M. Mestrovic, est reconduit hors du prétoire.)

  3         (Questions relatives à la procédure)

  4   M. Nice (interprétation): Quelques points à titre d'information et, dans

  5   une certaine mesure, une requête.

  6   Voici l'information, pour ce qui est du docteur Pavlovic, il va venir se

  7   pencher sur certaines questions d'ordre médical. La semaine dernière, on

  8   nous a demandé s'il était possible de l'entendre aujourd'hui. Pendant le

  9   week-end, j'ai fait beaucoup d'efforts, j'avais écrit à M. Sayers pour

 10   dire que ce n'était pas possible pour demain. Il disait pourtant qu'il

 11   pourrait demain mais, apparemment, M. Pavlovic ne vient pas avant

 12   mercredi. Je ne voudrais pas que cela soit plus tard, parce que j'ai

 13   essayé de prendre mes dispositions. Je crois qu'il ne pourrait comparaître

 14   que mercredi au plus tard.

 15   M. Sayers (interprétation): L'accusation nous a fait croire qu'elle n'en

 16   terminerait pas du témoin Almon avant demain, qu'elle aimerait que le

 17   docteur Pavlovic vienne. Nous l'avions prévu mercredi matin, il n'a pas de

 18   téléphone cellulaire, on va essayer de le contacter. J'espère que nous

 19   pourrons l'avoir demain après-midi, si l'accusation en a terminé du

 20   contre-interrogatoire de ce témoin.

 21   M. le Président (interprétation): Est-il ici, à La Haye?

 22   M. Sayers (interprétation): Je crois qu'il est arrivé samedi.

 23   M. Nice (interprétation): Lundi prochain, nous aurons le témoin de la

 24   défense qui est un expert pour les cassette audio, je ne n'en suis pas

 25   sûr, mais je pense que l'expert néerlandais sera libre ce jour-là. Il


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  1   avait deux autres engagements dont une audience dans un autre Tribunal,

  2   qui pourrait être annulée. Il devait aller à une conférence mais il était

  3   prêt à reporter son déplacement afin d'aider ce Tribunal. J'ai informé

  4   M. Sayers de ce que ce monsieur serait disponible. Je lui ai demandé de

  5   voir si, selon les circonstances, on pourrait avoir les deux témoins

  6   prochains si cette comparution est annulée pour ce témoin. Je sais que

  7   d'autres comparutions ont été prévues par la défense mais si j'apprends

  8   cet après-midi, que notre expert néerlandais est disponible lundi, ce

  9   serait fort bien,.

 10   M. le Président (interprétation): Enquerrez-vous et nous verrons notre

 11   calendrier la semaine prochaine.

 12   M. Sayers (interprétation): Sur ce point, je me trompe peut-être, nous

 13   avons déjà utilisé la question, il avait été décidé que vu la règle des 21

 14   jours, puisque monsieur Krnik va déposer en tenant ce délai, que le 24

 15   juillet serait la date réservée. Ce serait aussi le jour où nous aurions

 16   la déposition du témoin du laboratoire néerlandais. Je crois que la

 17   décision avait été prise il y a une semaine.

 18   M. le Président (interprétation): Je ne m'en souviens pas pour le moment.

 19   Nous verrons. Nous réétudierons la question en fin de semaine.

 20   Nous reprendrons l'audience demain matin à 9 heures 30.

 21               (L'audience est levée à 16 heures 19.)

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