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1 (Mercredi 20 septembre 2000.)
2 (Audience publique)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 40.)
4 (Contre-interrogatoire de M. Dragan Tomic par Me Nice.)
5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous avez la parole.
6 M. Nice (interprétation): Monsieur Tomic, vous ai-je compris hier comme
7 ayant dit que votre principal motif d'être entré dans la police était la
8 possibilité d'entrer en possession d'une arme à feu?
9 M. Tomic (interprétation): Oui.
10 Question: Etait-ce, selon vous, un point de vue de nombreux policiers à
11 l'époque, la volonté d'avoir une arme?
12 Réponse: Pour nous tous, là-bas, c'était une manière de nous défendre
13 parce que la Serbie déjà, enfin... La guerre avait déjà commencé; nous qui
14 n'avions pas d'armes, nous souhaitions en avoir une pour pouvoir nous
15 défendre, défendre nos maisons, nos familles.
16 Question: Nous avons entendu un grand nombre de personnes qui
17 n'appartenaient pas à la police militaire et, apparemment, n'appartenaient
18 pas non plus à des unités de l'armée, ces personnes avaient une arme et
19 patrouillaient dans les gardes villageoises. Mais vous, vous vouliez faire
20 partie d'une unité structurée, n'est-ce pas? Vous ne vouliez pas rester à
21 ce niveau-là?
22 Réponse: Je voulais avoir une arme pour pouvoir protéger ma famille. Je
23 n'étais pas chasseur, je n'avais donc même pas un fusil de chasse et, par
24 conséquent, il fallait que je trouve un moyen d'assurer ma sécurité.
25 Question: Vous nous dites que, lorsque vous travailliez aux côtés des
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1 Musulmans, quelqu'un a dit quelque chose au sujet d'un Etat islamique,
2 d'une "Jamahirija". Qui a dit cela, je vous prie?
3 Réponse: Ce n'est pas une personne qui a dit cela, c'était quelque
4 chose que les gens étaient nombreux à dire. Comment est-ce que je pourrais
5 dire? On était déjà habitué à ce que l'on rie de nous de cette façon, cela
6 faisait 500 ans qu'ils nous saluaient de cette façon, comme cela.
7 (Le témoin lève la main droite.)
8 Question: Mais se rire de quelqu'un, se moquer de quelqu'un ou dire cela
9 sérieusement, ce n'est pas la même chose. Hier vous n'avez pas parlé d'une
10 plaisanterie; or est-ce en fait ce que c'était: une plaisanterie?
11 Réponse: Après, c'est devenu quotidien. Un jour, un de mes collègues
12 qui était avec moi m'a dit de regarder le ciel. Nous étions dans la
13 troisième équipe au barrage entre la municipalité de Vitez et la
14 municipalité de Busovaca. Il m'a dit: "Tomic, regarde là-haut. Qu'est-ce
15 que tu vois?"
16 J'ai dit: "Qu'est-ce que je vois? Les étoiles et la lune". Il m'a dit:
17 "Quand il y aura l'échiquier ici, vous aurez une place ici mais tant que
18 ce sera la lune et les étoiles, on sait qui commande dans la région". Et
19 il m'a dit cela de la façon la plus sérieuse qui soit; c'était comme un
20 avertissement de façon à ce que je fasse attention à ne jamais me trouver
21 sur sa route quand le moment viendrait.
22 Question: Pouvez-vous nous donner le nom de cette personne? Si vous
23 dites que ce sont des remarques qui ont été proférées de façon sérieuse,
24 dites-nous ces noms.
25 Réponse: Je ne me rappelle pas le nom mais il travaille aujourd'hui
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1 dans la police civile à Vitez, avec les Croates. Je sais qu'il est
2 originaire de Sivrino Selo, mais je ne me rappelle pas le nom.
3 Question: Je vois. Quand cela s'est-il passé, Monsieur Tomic? A
4 l'automne 1992, si je me trompe pas, ou bien plus tôt?
5 Réponse: Oui, oui.
6 Question: A l'automne 1992?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Avant d'être blessé au mois de novembre, cela faisait combien
9 de temps que vous étiez membre actif de la police militaire, je vous prie?
10 Réponse: Deux mois.
11 Question: Et vous aviez subi un entraînement, n'est-ce pas?
12 Réponse: Oui, pendant un mois. Ensuite, après un mois, j'ai été blessé.
13 Question: Oui. Et vous nous dites que vous étiez policier d'active ou
14 réserviste de la police?
15 Réponse: A ce moment-là, au moment de ma blessure, j'étais membre de la
16 police militaire. A ce moment-là, nous étions déjà installés dans quelque
17 chose qui ressemble à une caserne, à Kruscica.
18 Question: Prenons la pièce à conviction 511. C'est une pièce volumineuse
19 et j'aurai deux extraits de cette pièce à vous présenter, que j'ai déjà
20 surlignés.
21 Monsieur l'Huissier, pourriez-vous remettre ce document?
22 (L'huissier s'exécute.)
23 Ce document que l'on vous remet est un registre de travail de la police
24 militaire pour 1992. J'aimerais que vous me donniez votre point de vue sur
25 deux passages de ce texte. J'ai placé un post-it vert sur la version
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1 destinée au témoin et sur la version destinée à l'accusation. Je crois que
2 le passage se trouve à la page 12 de la version anglaise.
3 On voit donc ici un registre de travail indiquant les activités de la
4 police militaire en 1992, dans lequel on lit ce qui suit -je cite-; c'est
5 un petit paragraphe que l'on trouve à côté du post-it vert: "Les unités de
6 la police militaire comprennent des bataillons, des compagnies et des
7 pelotons qui, selon le principe d'organisation territoriale, couvrent les
8 différentes zones de travail ou de fonctionnement. Le 1er Bataillon de la
9 police militaire, constitué exclusivement d'officiers d'active, se compose
10 de trois compagnies. La 1re Compagnie est basée à Vitez".
11 Ensuite, il est question de la 2e Compagnie et de la 3e Compagnie. Et le
12 texte se poursuit comme suit: "Les membres de ce bataillon sont entraînés
13 aux tâches les plus difficiles et les plus importantes pour la police
14 militaire". Fin de citation.
15 Etes-vous d'accord avec cette description de ce que vous faisiez en 1992,
16 Monsieur Tomic?
17 Réponse: Je ne suis pas d'accord.
18 Question: En quoi dites-vous que cette description est inexacte?
19 Réponse: Eh bien, ma tâche principale, puisque j'étais dans le peloton
20 chargé de la circulation, consistait à assurer la circulation des biens et
21 des personnes parce qu'à ce moment-là, de l'aide humanitaire arrivait déjà
22 et des médicaments provenant de la République de Croatie et de toutes
23 sortes d'autres endroits. Ma tâche à moi et celle de mon département
24 consistait donc exclusivement à assurer la circulation des personnes et
25 des biens, c'est-à-dire de cette aide humanitaire.
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1 Question: Mais vous devez bien avoir eu une idée de ce que faisaient les
2 autres pelotons de la 1re Compagnie de la police militaire à Vitez? La
3 description de leur travail que l'on trouve dans ce texte correspond-elle
4 à ce qu'eux faisaient dans ce cas-là?
5 Réponse: Je ne sais pas.
6 Question: Vous ne savez pas du tout; vous n'avez pas la moindre idée de
7 ce que faisaient les autres membres de la police militaire: c'est bien ce
8 que vous nous dites, Monsieur Tomic?
9 Réponse: Je ne pourrais que faire des suppositions.
10 Question: Prenons maintenant le deuxième post-it vert dans ce texte,
11 dans votre version, Monsieur Tomic, page 13.
12 Nous avons ici un paragraphe qui traite de la formation, de
13 l'entraînement. Je cite: "Confrontés au problème de la formation
14 professionnelle et du choix des hommes, des efforts ont été accomplis pour
15 assurer une formation permanente aux membres de la police militaire dans
16 un centre de formation. Un programme a été mis au point, en coopération
17 avec les organes professionnels du RH du MUP -c'est un sigle croate qui
18 signifie le ministère de l'Intérieur de la République de Croatie-; le 20
19 septembre 1992, le centre de formation de la police militaire a été créé à
20 Neum. La conduite, ou plutôt cette formation professionnelle a été confiée
21 à des instructeurs émanant du ministère de l'Intérieur de la République de
22 Croatie. A partir de sa création, près de 300 membres la police militaire
23 ont reçu un entraînement dans ce centre. Tous les participants qui ont
24 achevé leur entraînement avec succès sont envoyés dans des unités d'active
25 de la police militaire où ils s'avèrent constituer les piliers de la
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1 police militaire par la qualité de leur travail."
2 Etes-vous d'accord avec cela? Avez-vous subi cet entraînement?
3 Réponse: Oui.
4 Question: La description ici correspond sans doute à votre souvenir.
5 Vous avez été formé par des instructeurs venant de Croatie, n'est-ce pas?
6 Réponse: Non.
7 Question: Par qui avez-vous été entraîné dans ce cas-là?
8 Réponse: Ce n'est pas ce qui est écrit là.
9 Question: Je vois. Eh bien, si ce n'étaient pas des inspecteurs de
10 Croatie, qui étaient-ce?
11 Réponse: Ils étaient d'Herzégovine.
12 Question: Pouvez-vous nous donner leurs noms?
13 Réponse: Je suis incapable de me rappeler exactement leurs noms
14 aujourd'hui, mais je sais que c'étaient des hommes originaires
15 d'Herzégovine et qui n'étaient pas de la République de Croatie.
16 Question: Ce document, les seuls auteurs en sont des membres de la
17 police militaire et personne d'autre. Pourriez-vous nous expliquer comment
18 il serait permis de penser que la République de Croatie vous formait alors
19 qu'en fait, vous auriez été formés par quelqu'un d'autre, Monsieur Tomic?
20 M. le Président (interprétation): C'est sans doute un commentaire que vous
21 venez de faire, Monsieur Nice?
22 M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Eh bien, je reprends
23 ce document et je vais voir si vous pouvez nous apporter une aide sur
24 d'autres questions liées à la police militaire.
25 Pasko Ljubicic était bien le commandant, n'est-ce pas?
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1 M. Tomic (interprétation): Oui.
2 Question: Ne nous occupons pas du sommet de la hiérarchie pour le
3 moment, mais simplement des gens qui étaient à votre niveau: il n'y a
4 aucun doute, n'est-ce pas, que vous avez rencontré des gens avec qui vous
5 avez fait connaissance, que vous avez donc noué des liens et que vous vous
6 êtes fait de nouveaux amis, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Pouvez-vous nous dire qui étaient vos amies au sein de la
9 police militaire lorsque vous y avez travaillé à l'automne de l'année
10 1992?
11 Réponse: Ils étaient six ou sept. Enfin, leur nombre correspondait au
12 nombre de départements et nous avions de nombreux contacts parce que nous
13 étions toujours dans la même équipe; donc nous étions ensemble.
14 Question: Très bien. Leurs noms, Monsieur Tomic, je vous prie?
15 Réponse: Par exemple, Dusko Prusac de Busovaca, Glavas Mladen -je crois
16 que son prénom est Mladen- de Busovaca également. Srecko et je ne me
17 rappelle pas son nom de famille: il est de Dusina, de Lasva, dans la
18 direction de Zenica.
19 Question: D'autres noms?
20 Réponse: Franjo Ramljak, de Zenica. Tikvic, de Zenica lui aussi.
21 Question: Très bien. Ce sera suffisant pour le moment. L'un quelconque
22 de ces hommes a-t-il été tué au cours des combats ou bien ont-ils tous
23 survécu?
24 Réponse: Ces hommes étaient avec moi, cette nuit-là, quand nous avons
25 été arrêtés à Kruscica.
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1 Question: Oui?
2 Réponse: Et je pense… Je ne les vois pas, enfin je n'en vois que deux;
3 les autres, je ne les vois plus. Je vois Franjo Ramljak et l'autre, Tikvic
4 de temps en temps, parce qu'ils habitent à Vitez.
5 Question: Merci. Passons maintenant au sommet de la hiérarchie de la
6 police militaire et parlons de son organisation également. Pouvez-vous
7 nous parler, je vous prie, des Jokeri qui font, qui faisaient partie de la
8 police militaire? Dites nous ce que vous en savez.
9 Réponse: A ce sujet, je ne peux rien vous dire parce que je ne sais
10 rien.
11 Question: Vous connaissez le nom: ils faisaient partie de la police
12 militaire?
13 Réponse: Ça, oui, mais savoir quoi que ce soit, non.
14 Question: Merci. Qui faisait partie des Jokeri?
15 Réponse: Je ne sais pas.
16 Question: Combien y avait-il de policiers militaires au total dans cette
17 structure dont vous faisiez partie? Un chiffre pourrait nous en donner une
18 idée.
19 Réponse: Eh bien, je crois 120 peut-être. A peu près.
20 Question: Oui. Et les Jokeri faisaient partie de ces 120 hommes, n'est-
21 ce pas?
22 Réponse: Je crois que oui.
23 Question: Ce n'est pas une structure très importante, Monsieur Tomic.
24 Alors, repensez y. Ne pouvez-vous vraiment pas nous donner la moindre idée
25 du moment où le mot Jokeri a été utilisé pour la première fois, ou encore
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1 de l'identité de ceux qui faisaient partie des Jokeri? Dites-le nous, je
2 vous prie.
3 Réponse: Je ne peux pas vous aider parce que moi, j'étais à la maison.
4 Et, s'agissant de tous ces événements qui ont eu lieu dans les premiers
5 jours de la guerre, je n'en ai rien su. Par la suite, si quelqu'un savait
6 quelque chose, on n'en parlait pas beaucoup parce que c'est quelque
7 chose...
8 Question: Je reviendrai là-dessus plus tard. Je propose maintenant que
9 nous examinions deux documents qui traitent de l'attaque dont vous avez
10 été victime. Vous avez sans doute découvert, à ce moment-là ou un peu plus
11 tard, que vous avez été attaqués parce que des Musulmans avaient été tués
12 par des Croates, la veille? Avez-vous découvert cela?
13 Réponse: Nous ne savions rien.
14 Question: Mais avez-vous découvert, par la suite, que telle était bien
15 la raison, en tout cas la raison probable de l'attaque que vous avez
16 subie?
17 Question: J'ai entendu parler d'un incident, mais je ne sais pas.
18 Question: Merci beaucoup. Monsieur, le Président, vous trouverez cela
19 dans la déposition de Nihad Nebisic, à la page 8342. Et, pour le moment,
20 j'ai deux documents qui traitent de cet incident, le premier étant le
21 document 287.5.
22 L'original au témoin, je vous prie; la version anglaise sur le
23 rétroprojecteur, page 1.
24 Monsieur Tomic, ce document qui, comme vous le voyez, est signé par
25 Ljubicic porte la date du 20 novembre et est adressé au ministère de la
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1 Défense de Mostar. Il indique qu'aux environs de 1 heure 20, le 20
2 novembre 1992, sur la route locale reliant Vitez à Kruscica, des membres
3 de l'armée de Bosnie-Herzégovine de Vitez ont arrêté un véhicule officiel
4 de l'armée d'active qui revenait d'une équipe de travail régulier,
5 véhicule occupé par..."
6 Ensuite, nous voyons la liste de six noms dont le vôtre. Avant que nous
7 parlions précisément des deux hommes dont les noms figurent ici et
8 auxquels vous continuez à parler aujourd'hui, pouvez-vous nous les
9 rappeler?
10 Réponse: Le n° 5, Vinko Tikvic, et le n° 6, Franjo Ramljak.
11 Question: Ensuite, le texte indique que "après l'arrêt de ce véhicule,
12 les policiers militaires ont été désarmés et emmenés dans les locaux de la
13 Bosnie-Herzégovine à Kruscica. Dragan Botic, cuisinier dans notre unité,
14 était avec les policiers militaires". Le texte se poursuit comme suit: "A
15 1 heure 30, le commandant de l'unité d'active de Vitez a appelé au
16 téléphone Sefkija Dzidic, le commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine à
17 Vitez, pour lui demander la libération immédiate des policiers militaires
18 appréhendés. Sefkija Dzidic a déclaré qu'il n'y aurait pas de problème,
19 que ses hommes avaient agi par rage en raison du meurtre survenu la nuit
20 précédente. Il a ajouté qu'il ne serait fait aucun mal à nos hommes.
21 Immédiatement après cette conversation téléphonique, le commandant de
22 l'unité d'active a appelé le général Slobodan Praljak pour l'informer de
23 l'incident. Après cela, un contact a été établi toutes les 15 minutes avec
24 le quartier général du HVO à Travnik.
25 Etaient présents le général Slobodan Praljak, le colonel Tihomir Blaskic
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1 et M. Dario Kordic, vice-président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna,
2 qui n'a pas autorisé l'opération destinée à obtenir la libération de nos
3 hommes". Fin de citation.
4 Je vous demande donc si vous avez-vous découvert pourquoi un général
5 croate était présent à ce moment-là, à cet endroit, et a participé à cette
6 affaire?
7 Réponse: Je n'en ai pas la moindre idée. Je n'avais pas la moindre idée
8 de ce qui se passait en dehors du garage.
9 Question: Avez-vous jamais découvert ou, en tout cas, vous êtes-vous
10 jamais intéressé à ce qui s'est passé lorsque vous avez repris conscience
11 et que vous avez appris ces événements? Avez-vous découvert pourquoi M.
12 Kordic n'avait pas autorisé l'opération destinée à vous libérer?
13 M. Sayers (interprétation): Monsieur le Président, j'ai une objection par
14 rapport à ce document au fondement que ce document n'est pas signé et que
15 le Procureur n'a pas établi les bases de sa recevabilité. Or, c'est son
16 obligation.
17 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord traiter de
18 l'objection et, ensuite, nous ferons le commentaire que ces deux documents
19 parlent d'eux-mêmes. Le fait est qu'il n'y a pas de signature bien qu'un
20 nom soit inscrit au bas de ce document. Nous voyons qu'il s'agit du nom du
21 commandant du bataillon, Ljubicic, qui apparaît dans le texte.
22 Normalement, des documents de ce genre sont considérés par nous comme
23 recevables, charge à nous bien sûr de leur accorder le poids que nous
24 jugerons utiles. Nous admettons donc ce document.
25 M.Nice (interprétation): La question que je vous posais était celle-ci:
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1 après avoir repris conscience, avez-vous appris pourquoi Dario Kordic
2 n'avait pas ordonné le lancement d'une opération destinée à obtenir votre
3 libération?
4 Réponse: Je ne sais rien à propos de ce document. Je n'ai pas la
5 moindre idée de ce qui se passait.
6 Question: Fort bien. Je voulais simplement que vous examiniez le reste
7 du document –cela ne durera pas longtemps- afin que vous nous disiez, pour
8 autant que vous puissiez en juger, si c'est un document authentique.
9 "Vers 6 heures 45, les policiers appréhendés et Rahic ainsi qu'une autre
10 personne sont arrivés aux locaux de la police militaire d'active à Vitez.
11 Ils se trouvaient tous en mauvais état physique, vu les blessures qu'ils
12 avaient subies de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Kruscica.
13 Quatre policiers ont été emmenés en toute urgence à l'hôpital de Travnik
14 parce qu'ils avaient reçu des blessures très graves, mortelles. Par la
15 suite, le reste des policiers a été emmené à ce même hôpital. Nous avons
16 enregistré sur vidéo cet événement et nous avons une cassette qui vous
17 montre ces événements. C'est un exemple classique de barbarisme parce que
18 nos hommes ont été sauvagement lacérés. Ils ont reçu des coups et les
19 lettres HVO ont été inscrites en diverses parties de leurs corps".
20 Est-ce que ceci cadre bien avec le souvenir que vous avez de ce qui vous
21 est arrivé à vous et à vos collègues?
22 Réponse: Comment dire? Oui, il y avait toutes ces choses, mais tout
23 n'est pas tout à fait exact. Je ne sais pas. Moi, j'ai un souvenir
24 jusqu'au moment du deuxième traitement -c'est comme cela que je
25 l'appelle-, au moment où j'ai été frappé avec la crosse d'un fusil-
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1 mitrailleur. C'est à moment-là que j'ai subi toutes ces fractures et que
2 j'ai perdu connaissance. A quel moment c'était? Je ne sais pas. Quand je
3 me suis réveillé, c'était à Nova Bila.
4 Question: D'autres lignes disent ceci: "Les registres médicaux font
5 apparaître que tous les blessés ont été grièvement blessés. Deux policiers
6 militaires ont été renvoyés chez eux pour y être soignés. Quatre sont
7 restés à l'hôpital du HVO à Nova Bila pour y être traités et un autre,
8 Dragan Tomic, a été renvoyé de toute urgence à Split parce qu'il se
9 trouvait en situation extrêmement grave. Du fait de l'incident, il y a eu
10 une augmentation de la tension, surtout parmi les hommes de notre unité,
11 mais aussi parmi les autres membres du HVO, que ce soit à Vitez ou à
12 Busovaca".
13 Dans la mesure où l'on parle de votre traitement médical, ce qui est
14 relaté est-il bien exact?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Examinons rapidement un autre document sur le même sujet. Il
17 porte la cote 289.2. Je ne suppose pas et je ne laisse pas entendre que
18 vous ayez déjà vu ce document. Il porte sur le lendemain et il vient de
19 Valentin Coric. Pour autant que vous connaissiez cet homme, pourriez-vous
20 nous dire qui il est? Si ce n'est pas le cas, dites-le.
21 Réponse: Je ne sais rien à propos de ce document. C'est la première
22 fois que je le vois.
23 Question: Mais vous connaissez le nom du signataire?
24 Réponse: Oui, je connais le nom de cet homme. C'est par les médias
25 qu'on le connaissait.
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1 Question: Et que faisait-il?
2 Réponse: Je crois qu'il était ministre des Affaires étrangères, ou
3 quelque chose de ce genre, en Bosnie-Herzégovine, mais je ne s'en suis pas
4 tout à fait sûr.
5 Question: Parcourez rapidement ce document. Il est adressé à la 1re
6 Compagnie d'active de la police militaire à Vitez.
7 "Nous avons été informés de votre rapport." C'est le dernier document que
8 nous avons examiné. Le texte se poursuit en disant "qu'il fallait éviter
9 des actes de revanche de la part de nos soldats parce que ceci pourrait
10 déclencher de nouveaux conflits dont les conséquences ne sont pas
11 prévisibles. Il faut prendre des mesures contre les auteurs du meurtre des
12 Musulmans d'hier soir s'il s'agit de soldats du HVO. Si vous n'avez pas
13 fait rapport sur ce point, il faut que vous le fassiez. Nous allons
14 prendre des mesures contre les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine
15 par le biais de leur commandement."
16 Après avoir repris conscience, avez-vous été au courant de meurtres
17 perpétrés sur des Musulmans, au moment où vous, vous avez été blessé, et
18 qui étaient peut-être à relier aux blessures que vous avez subies?
19 Réponse: Eh bien, pendant mon séjour à l'hôpital, je ne me souvenais
20 même pas de mon propre nom. Il m'était impossible de manger, je n'ai pas
21 mangé pendant deux semaines. Je ne m'intéressais à rien. J'ai vu ma femme,
22 mes enfants à travers une espèce de brouillard. Je n'étais pas du tout au
23 courant du document.
24 Question: La question que je vous pose est celle-ci: est-ce que par la
25 suite, au moment où vous vous êtes remis dans une certaine mesure, est-ce
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1 que par la suite, vous avez découvert qu'il y avait eu un meurtre ou une
2 occasion où des Musulmans avaient été tués et que tout ceci avait peut-
3 être un rapport avec l'attaque que vous avez subie?
4 Réponse: Non. Mais il y avait toutes sortes de rumeurs qui circulaient,
5 certaines vraies, d'autres fausses.
6 J'ai trois fils, j'en avais deux à l'époque. Je ne voulais pas trop
7 insister là-dessus parce que vous savez, on vit dans un village mixte.
8 J'ai des voisins musulmans dans mon hameau, il y a des Musulmans qui y
9 vivent. Si quelqu'un me faisait quelque chose, je m'en occuperais moi-
10 même, je n'avais besoin de personne pour régler l'histoire. Je ne suis pas
11 un enquêteur. Et si je voyais quelque chose, je ne sais pas ce que je
12 ferais.
13 Question: Encore quelques sujets que je voudrais rapidement aborder avec
14 vous. Lorsque vous êtes sorti de l'hôpital, je pense que vous vous êtes
15 présenté à deux reprises auprès de votre commandement de la police
16 militaire parce que vous vouliez rejoindre ses rangs mais vous avez été
17 renvoyé chez vous, n'est-ce pas?
18 Réponse: Je me suis présenté parce que c'était ce que j'étais censé
19 faire.
20 Question: Mais est-ce que ceci vous a permis de garder le contact avec
21 vos collègues, dont Tikvic et Franjo Ramljak? Est-ce que ceci vous a
22 permis de rester en contact avec ces hommes?
23 Réponse: Oui.
24 Question: Le 16 avril, bien sûr, vous avez été réveillé par les
25 détonations et vous nous avez dit que vous étiez allé directement à
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1 Lazine?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et vos propres observations ne vous permettent pas de nous
4 dire quoi que ce soit à propos de ce qui s'est passé à Ahmici, le 16
5 avril?
6 Réponse: Non, je ne sais rien.
7 Question: Fort bien. C'est ce que vous dites dans votre déposition. Mais
8 est-ce qu'en fait vous avez emmené un fusil avec vous au moment où vous
9 êtes allé à Lazine?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Est-ce que c'était un fusil de la police?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Même si vous ne travailliez pas pour la police, vous étiez
14 autorisé à garder votre fusil de police à la maison?
15 Réponse: Eh bien, j'avais insisté pour garder mon arme étant donné ces
16 événements. J'avais donc un fusil.
17 Question: Et qui vous avait donné cette autorisation de garder votre
18 arme?
19 Réponse: Eh bien, vous savez, dans ce chaos qui régnait, on ne me l'a
20 même pas demandé: j'avais reçu cette arme, donc je l'ai simplement gardée.
21 Question: Est-ce que tous les membres de la police militaire emmenaient
22 leurs armes à la maison? Est-ce qu'il y avait suffisamment d'armes pour
23 que tous emportent la leur?
24 Réponse: C'était une arme qui m'avait été remise à moi, c'est moi qui
25 l'avait reçue. C'était la mienne.
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1 Question: Je vois. Vous dites être resté à Lazine jusqu'à quand?
2 Réponse: Eh bien, jusqu'à la fin du mois de septembre, à peu près.
3 Question: Et comment s'appelle votre père?
4 Réponse: Franjo.
5 Question: Nous le savons pour avoir examiné la carte, votre village se
6 trouve tout près de Dubravica, n'est-ce pas?
7 Réponse: Oui.
8 M. Nice (interprétation): Est-ce que nous pourrions passer rapidement à
9 huis clos partiel pour parler de l'identité de quelqu'un?
10 (Huis clos partiel.)
11 [expurgée]
12 [expurgée]
13 [expurgée]
14 [expurgée]
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16 [expurgée]
17 [expurgée]
18 [expurgée]
19 [expurgée]
20 [expurgée]
21 [expurgée]
22 (Audience publique.)
23 Je viens de vous donner le nom de quelqu'un. Cette personne a quitté la
24 zone de Donja Dubravica, ceci en juin 1993, avant même que vous ne soyez
25 revenu à la police militaire. Est-ce que vous vous souvenez de son départ?
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1 Répondez par oui ou par non sans citer le nom de cette personne.
2 Réponse: Non.
3 Question: Mais il est exact de dire, n'est-ce pas, que cet homme a signé
4 un document et que, de ce fait, l'essentiel de ses biens, de sa propriété
5 a été transféré à plusieurs personnes, dont vous-même? Il a quitté la
6 région avec à peine plus que son camion, son seul camion?
7 Réponse: Mais cet homme est aujourd'hui revenu, nous sommes redevenus
8 voisins. Il a de nouveau tout et il n'a que de bonnes paroles à notre
9 égard. Je n'étais pas là quand il est parti mais, effectivement, nous nous
10 sommes rencontrés au moment de ces tragiques événements. Effectivement, il
11 nous est arrivé de nous rencontrer de temps à autre. Pour ce qui est de
12 ses biens, afin de les sauvegarder, il les avait donnés à des gens. En
13 fait, il a été dressé une espèce de contrat.
14 Question: Peu importe ce qui s'est passé par la suite, ce contrat de
15 transfert de ses biens à certaines personnes s'est fait, bien sûr, sous
16 contrainte, sous la pression exercée par certains à l'époque, n'est-ce
17 pas?
18 Réponse: Non.
19 Question: Et même si, comme vous le dites, vous vous trouviez à Lazine à
20 défendre ce village, il vous était tout à fait possible de participer au
21 nettoyage de la région, nettoyage d'hommes tels que celui dont j'ai cité
22 le nom il y a un instant et dont nous ne reparlerons pas de façon précise?
23 Réponse: Ce n'est pas exact. Je n'ai pas passé tout mon temps dans les
24 tranchées. Il m'est arrivé de rentrer chez moi.
25 Question: Dernière sujet: vous avez fini par rejoindre les rangs de la
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1 police en octobre 1993?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Et, comme nous le savons, vous avez maintenant pu vous
4 informer de ce qui s'était passé et garder le contact en discutant avec
5 des gens comme Vinko Tikvic et Franjo Ramljak?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Je suppose qu'à ce moment-là, personne ne pouvait plus ignorer
8 l'attaque qui avait été perpétrée à Ahmici. Vous le reconnaissez, n'est-ce
9 pas? Tout le monde était au courant de l'attaque sur Ahmici?
10 Réponse: C'était une tragédie et les gens n'aiment pas trop en parler.
11 Question: Il se peut qu'ils soient réticents à l'idée d'en parler, mais
12 prenons ceci par paliers: au moment où vous avez rejoint la police
13 militaire, toutes les personnes que vous connaissiez savaient qu'il y
14 avait eu un massacre à Ahmici, une attaque du HVO, n'est-ce pas?
15 Réponse: Je savais mais uniquement à partir de rumeurs qui circulaient.
16 C'est comme cela que je savais que cela s'était passé. Et, quels qu'en
17 soient les auteurs, il faut qu'ils soient traduits en justice pour ce
18 qu'ils ont fait.
19 Question: Vous étiez un membre de la police militaire; dans la nuit du
20 15 au 16, vous étiez détenu ailleurs. Mais Vinko Tikvic et Franjo Ramljak
21 sont des policiers militaires tout à fait en bonne santé et qui, eux,
22 travaillaient ce soir-là, n'est-ce pas?
23 Réponse: Je ne sais pas.
24 Question: Lorsque vous avez rejoint la police militaire, est-ce que vous
25 n'avez jamais demandé à ces hommes ce qu'ils avaient fait cette nuit-là,
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1 ce qui s'était et passé cette nuit-là?
2 Réponse: Non.
3 Question: Pas une seule fois, vous n'avez posé cette question à un seul
4 des membres de la police militaire, vous n'avez pas demandé ce qui s'était
5 passé, ce que Ljubicic avait fait, ce qui n'avait pas marché?
6 Réponse: Je n'ai jamais posé de questions à qui que ce soit à ce
7 propos.
8 M. Nice (interprétation): Merci.
9 M. le Président (interprétation): Maître Mikulicic?
10 (Questions supplémentaires de Me Mikulicic au témoin Dragan Tomic.)
11 M. Mikulicic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
12 Juges. Je n'ai que quelques questions à poser afin de tirer certains
13 éléments au clair.
14 Monsieur Tomic, au début de l'interrogatoire, il a été suggéré que vous
15 aviez rejoint la police militaire afin d'obtenir une arme. Vous en
16 souvenez-vous? C'est du moins le Procureur qui a dit cela.
17 M. Tomic (interprétation): Eh bien, c'est plutôt à la police civile que je
18 me suis joint pour obtenir une arme.
19 Question: Tirons les choses au clair: vous n'avez pas réussi à faire
20 partie de l'armée de la Croatie pour lutter contre la JNA; c'est pour cela
21 que vous avez rejoint les forces de police à Vitez?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Pendant combien de temps êtes-vous resté dans les forces de
24 réserve de la police civile à Vitez?
25 Réponse: Moins d'un an.
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1 Question: Ensuite, vous avez rejoint la police militaire?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Pour ce qui est de l'instruction, elle s'est passée à Neum?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Vous dites que c'est une ville de la République de Bosnie-
6 Herzégovine?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Nous parlons de septembre 1992: à l'époque, il n'y avait qu'un
9 ennemi pour la République de Bosnie-Herzégovine, lequel était-il?
10 Réponse: Les Serbes, l'armée des Serbes.
11 Question: On vous a montré un document; il s'agissait d'un rapport
12 concernant les incidents qui vous concernaient, le fait que vous et vos
13 collègues aviez été passés à tabac à FatinaVodice par des membres de
14 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Est-ce qu'à cette occasion, vous avez été
15 contactés par un organe de l'armée de Bosnie-Herzégovine afin d'établir
16 l'identité des auteurs de ces faits ou avez-vous été contactés par des
17 représentants de ce Tribunal?
18 Réponse: Non.
19 Question: On a parlé d'une unité, celle des Jokeri. Vous avez dit ne pas
20 savoir grand-chose à ce propos. Messieurs les Juges, j'aimerais attirer
21 votre attention sur le fait que le témoin AS a déclaré que cette unité
22 avait été constituée fin janvier ou début février 1993; à l'époque,
23 Monsieur, vous étiez en congé maladie?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Cet homme dont nous ne dirons pas le nom mais dont le nom
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1 était évoqué, il a fait un contrat de transfert de propriétés, de ses
2 biens à ses voisins?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Il est revenu?
5 Réponse: Oui.
6 Question: A-t-il récupéré tous ses biens?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Est-ce qu'il est reconnaissant aux autres villageois pour
9 l'aide qu'ils lui ont apportée?
10 Réponse: Oui.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Tomic, vous avez ainsi terminé
12 votre déposition. Merci d'être venu au Tribunal international pour
13 déposer. Vous pouvez disposer.
14 M. Tomic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,
15 Messieurs les Juges.
16 (Le témoin, M. Dragan Tomic, est reconduit hors du prétoire.)
17 M. le Président (interprétation): Monsieur Mikulicic, qui est votre
18 prochain témoin?
19 M. Mikulicic (interprétation): Ce sera Marijan Strukar.
20 Messieurs les Juges, avant l'arrivée du témoin, permettez-moi de vous
21 fournir une brève explication et une demande.
22 Marijan Strukar est arrivé hier soir à La Haye; il apportait avec lui
23 trois courts documents, pertinents en l'espèce, et j'aimerais les verser
24 au dossier. Malheureusement, ils n'ont pas été traduits, mais ce sont des
25 textes courts; je propose donc de les placer tous les trois sur le
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1 rétroprojecteur. Les interprètes ont reçu des copies; il pourra ainsi y
2 avoir traduction simultanée et ceci sera versé au dossier.
3 M. le Président (interprétation): Quels sont ces documents?
4 M. Mikulicic (interprétation): Il s'agit de deux citations à rejoindre la
5 protection civile ainsi qu'un certificat appartenant à la Brigade de
6 Vitez.
7 (Le témoin, M. Marijan Strukar, est introduit dans le prétoire.)
8 M. le Président (interprétation): Fort bien. Le témoin peut-il donner
9 lecture de la déclaration solennelle.
10 M. Strukar (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Monsieur.
13 (Interrogatoire principal du témoin, Marijan Strukar, par Me Mikulicic.)
14 M. Mikulicic (interprétation): Bonjour, Monsieur Strukar.
15 M. Strukar (interprétation): Bonjour.
16 Question: La défense de Mario Cerkez va vous poser des questions dans le
17 cadre de l'interrogatoire principal. Je vais vous demander d'essayer de
18 vous remémorer du mieux que vous pourrez ces événements; nous savons que
19 beaucoup de temps a passé depuis 1993. N'oubliez pas non plus qu'il vous
20 faut parler lentement et ménager des pauses avant de répondre à mes
21 questions, ce qui permet aux interprètes de s'acquitter de leur tâche.
22 Pour le compte rendu d'audience, pourriez-vous nous préciser votre
23 identité, vos lieu et date de naissance?
24 Question: Je m'appelle Marijan Strukar. Je suis né le 6 mai 1956 à
25 Travnik.
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1 Question: Vous habitez Vitez?
2 Réponse: Oui. Je suis né à Travnik mais j'habite Vitez. Il n'y avait
3 pas d'hôpital à Vitez ce qui explique le fait que je sois né à Travnik,
4 mais j'ai passé toute ma vie à Vitez.
5 Question: Vous estimez donc que vous êtes vraiment de Vitez depuis
6 l'origine?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Vous êtes de nationalité croate, catholique aussi?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous êtes citoyen de la Bosnie-Herzégovine et de la République
11 de Croatie?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Vous avez terminé l'école secondaire pour l'ingénierie, à Novi
14 Travnik?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Et vous êtes technicien ingénieur de métier?
17 Réponse: Oui.
18 Question: Et vous êtes aujourd'hui employé dans une compagnie
19 d'assurance qui s'appelle "Euroherc"?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Vous êtes le chef du bureau de Vitez?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Vous êtes marié, vous avez deux enfants?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Vous n'êtes pas membre d'un parti politique?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Vous avez deux sœurs et un frère?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Est-ce que vous avez fait votre service dans l'ex-JNA?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Est-ce qu'après votre service militaire, vous aviez un grade
7 particulier?
8 Réponse: C'est difficile de parler un grade, parce que j'étais un
9 soldat ordinaire de première classe.
10 Question: Cela s'est passé après la fin d'un cours?
11 Réponse: Oui.
12 Question: C'était là l'échelon le plus bas de la hiérarchie militaire?
13 Réponse: Oui. On ne peut pas parler d'un véritable grade.
14 Question: Depuis 1979 jusqu'au début de la guerre, vous aviez un emploi,
15 n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Vous travailliez à Vitezit, en qualité de chef d'entretien et
18 de maintenance et, par la suite, comme chef de la production?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Et quelle était la composition ethnique du personnel à
21 Vitezit?
22 Réponse: Je ne peux pas vous dire exactement parce que personne n'y
23 réfléchissait, à l'époque, à ce genre de chose. La composition ethnique
24 était un petit peu le reflet de la population telle qu'elle se composait à
25 Vitez. Est-ce qu'il y avait il plus de Croates ou de Serbes? Je ne sais
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1 pas. C'était une bonne image de ce qui se présentait comme population à
2 Vitez. C'était une très grosse, la plus grosse usine de Vitez avec 3000
3 personnes qui y travaillaient. On y retrouvait tous les groupes ethniques.
4 Question: Merci. Hormis cet emploi, vous aviez une autre activité,
5 n'est-ce pas? Pourriez-vous nous la préciser?
6 Réponse: Mon père était pompier volontaire et, très tôt, il a voulu que
7 je lui emboîte le pas. Quand la guerre a éclaté, j'avais été volontaire
8 pompier pendant 21 ans.
9 Question: Et est-ce que toutes ces années de service ont fait que vous
10 avez obtenu un poste particulier parmi les pompiers?
11 Réponse: Mais je vous le disais, ce n'était pas une unité
12 professionnelle. On n'était pas rémunéré pour le travail, on acquérait
13 simplement de l'expérience. Depuis sept ans, avant le début de la guerre,
14 j'étais le chef de l'unité des pompiers.
15 Question: Et est-ce que vous aviez un supérieur, pour ainsi dire?
16 Réponse: Je ne sais pas si vous voyez bien ce que je veux dire quand je
17 dis "chef d'une unité". C'est un chef qui est à la tête des hommes
18 lorsqu'il s'agit d'éteindre un feu, un incendie. Mais il n'y a que 24
19 heures dans un jour. Vous savez, quand on intervient en cas d'incendie,
20 cela ne dure qu'une heure ou deux. Mais de toute façon il y avait le
21 président, le secrétaire de l'association, et ce sont eux qui avaient des
22 responsabilités purement administratives.
23 Question: Vous étiez donc un pompier de terrain, si j'ose dire?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Vous avez parlé du président de l'association. Qui était-il?
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1 Réponse: Eh bien, il fallait de temps en temps procéder à l'élection de
2 ce président. Cela se faisait tous les ans, cela changeait tous les ans.
3 Je ne sais plus exactement qui c'était à l'époque ou qui cela a été à
4 chaque fois. En tout cas, c'était quelqu'un qui avait le même nom que moi.
5 Il s'appelle lui aussi Strukar mais je ne sais pas s'il y a un lien de
6 parenté entre lui et moi, peut-être qu'il y a un lien assez distant. Il
7 s'appelait Anto. Mais il y en avait un autre qui était plus important pour
8 nous, c'était Smrik. Le président n'était là que pour signer les papiers.
9 Question: Donc la personne que vous estimiez être l'homme le plus
10 important était Smrik?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Et c'est un Musulman?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pendant un certain temps, vous avez aussi participé à la
15 conférence de l'association de jeunesse à Vitez?
16 Réponse: Oui. J'ai même été pendant un moment, pendant un an, président
17 de la conférence municipale des associations de jeunesse.
18 Question: Monsieur Strukar, dites-nous où se trouvait votre maison
19 familiale, celle qui appartenait à vos parents et où vous avez grandi, à
20 Vitez?
21 Réponse: Si l'on regarde le centre de la ville proprement dit et si
22 l'on se déplace en direction des quartiers plus extérieurs, on arrive à la
23 maison familiale au nord-ouest du centre de la ville. C'est en direction
24 de Travnik et de l'église catholique, à peu près à un kilomètre du centre.
25 Question: Plus tard, vous avez fait construire votre propre maison près
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1 de votre maison familiale, n'est-ce pas?
2 Réponse: Oui, à une centaine de mètres de la maison familiale. C'est un
3 petit lopin de terre où j'ai eu le permis de construire.
4 Question: Vous avez dit, dans la description de la situation de votre
5 maison, que vous n'êtes pas loin de l'église catholique et que celle-ci se
6 trouvait aussi dans cette partie de la ville de Vitez, près de la rivière
7 Lasva. Comment appelle-t-on ce quartier de Vitez?
8 Réponse: Vous voulez dire comment on l'appelait, nous les gens de
9 Vitez? On l'appelait Mahala. Il serait peut-être bon et utile de vous dire
10 que, ces derniers temps, au cours de la guerre et depuis la guerre jusqu'à
11 ce jour, nombreux sont les gens -il y en a ici dans ce prétoire- qui
12 appelleraient cela plutôt volontiers Stari Vitez. Nous qui avons connu la
13 ville, nous savons très bien que cette partie de la ville n'a jamais été
14 intitulée Stari Vitez.
15 Question: Excusez-moi de vous interrompre. Lorsque vous parlez de
16 Mahala, c'est le quartier de Vitez où résident pour la plupart des
17 Musulmans. Il y a un peu de Croates, mais pour la plupart ce sont des
18 Musulmans qui l'habitent?
19 Réponse: Oui, c'est bien cela.
20 Question: Et ce quartier-là de Vitez, vous l'intitulez Mahala, comme
21 tous les autres habitants de Vitez?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Mais, au cours de la guerre, apparaît aussi l'appellation de
24 Stari Vitez, l'ancienne Vitez, qui devient en quelque sorte le synonyme de
25 ce quartier connu sous le nom de Mahala?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Vous dites que ce n'est pas exact?
3 Réponse: Non. Les gens qui sont originaires de Vitez savent bien que
4 pour parler de l'origine, depuis le temps des Autrichiens, on parlait de
5 "Han Company" (?). Dans les vieilles cartes on peut le lire, c'est
6 l'ancienne Vitez; en haut du quartier, on l'appelait toujours Mahala. Mais
7 au cours de la guerre, nous avons entendu dire par la radio que le code
8 utilisé par l'armée musulmane pour le quartier de Mahala était le code de
9 Stari Grad. Alors cela tournait comme cela, cela circulait et il était
10 intéressant pour nous, il était étonnant pour nous d'entendre que si
11 quelqu'un attaquait Stari Vitez, c'est que l'on devait attaquer maintenant
12 le noyau-là, qui a donné naissance à l'ensemble de la ville de Vitez.
13 Question: Si je vous ai bien compris, Monsieur Strukar, par Stari Vitez,
14 vous considérez cette partie de la ville qui va depuis la gare en haut?
15 Réponse: Oui, c'est toujours Stari Vitez.
16 Question: Par rapport à Mahala, cette partie de la ville se trouve à
17 quelle distance?
18 Réponse: Je l'évalue à peu près à trois kilomètres.
19 Question: Par conséquent, il n'y a aucun point commun entre ces deux
20 quartiers?
21 Réponse: Non.
22 Question: Bon. Peut-être que vous avez un petit peu clarifié ce sujet.
23 Monsieur Strukar, avez-vous eu quelque devoir que ce que soit, du point de
24 vue militaire, ou étiez-vous membre d'une unité quelconque jusqu'à
25 l'éclatement du conflit de Vitez?
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1 Réponse: On ne peut pas parler d'unité militaire. Je vous ai dit que
2 j'étais sapeur-pompier volontaire; par conséquent je ne considère pas ceci
3 comme étant du ressort des militaires.
4 Question: Mais les pompiers étaient pour ainsi dire de la compétence de
5 la protection civile, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui, c'est bien cela.
7 Question: Où se trouvait le foyer, le centre des sapeurs-pompiers?
8 Réponse: Si vous m'avez bien compris, parlant de ma maison familiale, à
9 200 ou 300 mètres en dessous de ma maison familiale, notamment dans le
10 quartier qui s'appelle Mahala.
11 Question: Donc le centre des sapeurs-pompiers volontaires où se
12 trouvaient l'équipement, les véhicules, etc. se trouvait situé dans le
13 quartier de la ville intitulé Mahala, n'est-ce pas?
14 Réponse: C'est bien cela.
15 Question: Au début, j'ai voulu savoir quelque chose quant à la
16 composition nationale du personnel de Vitezit où vous avez été employé.
17 Vous avez dit que celle-ci correspondait à peu près à la composition
18 nationale des habitants de Vitez. Maintenant, je vais vous poser la
19 question concernant la composition nationale des sapeurs-pompiers
20 volontaires où vous avez été membre?
21 Réponse: Je dois dire encore une fois qu'à cette époque-là, on ne se
22 faisait pas de grande idée, ce n'était important pour nous, ce n'était pas
23 l'objet de nos conversations. Mais lorsqu'on a commencé à se décompter
24 parmi nous pour voir qui appartenait à quoi, alors... Je dois dire une
25 fois de plus que la société de sapeurs-pompiers volontaires, c'étaient des
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1 gens qui, moyennant leur cœur, maîtrisaient le feu; ils n'étaient pas
2 rémunérés. Par conséquent, c'est de l'abnégation de chacun de nous que
3 l'on parle. Et c'est ainsi que, dans les années 1992, l'unité proprement
4 dite était composée d'environ 18 ou 19 Croates et 5 ou 6 Musulmans.
5 Question: Lors des interventions qui étaient les vôtres, en cette 1992
6 et plus tard en 1993, lorsque qu'il y avait lieu d'intervenir, vous êtes-
7 vous toujours demandé si vous deviez maîtriser le feu dans une maison
8 croate, musulmane, etc.?
9 Réponse: On ne s'est jamais fait d'idée du genre.
10 Question: Monsieur Strukar, dites-nous, votre société de pompiers
11 bénévoles est-elle intervenue en cette année 1992, au mois d'octobre, dans
12 le village d'Ahmici?
13 Réponse: Nos interventions avaient lieu un peu partout et presque
14 quotidiennement pendant ces dernières années. Quand je dis ces dernières
15 années, je parle du début de la guerre en Slovénie, etc. Par conséquent,
16 il y avait plusieurs interventions à faire. Je suppose que vous pensez à
17 cet événement où un premier conflit a éclaté, à cette époque-là; c'est en
18 fait le conflit avec l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO. C'est peut-
19 être à cet événement-là que vous vous référez?
20 M. le Président (interprétation): Je vous prie de bien vouloir vous
21 dépêcher un peu.
22 M. Mikulicic (interprétation): Je tâcherai de le faire, Monsieur le
23 Président.
24 Devant ce prétoire, on a tellement entendu parler de problèmes du
25 cimetière catholique et les événements où quelques maisons catholiques ont
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1 été incendiées: êtes-vous intervenus?
2 M. Strukar (interprétation): Oui, nous sommes intervenus, nous sommes
3 venus en plein village. Des balles sifflaient encore autour de nous; comme
4 je n'étais pas combattant, j'ai dit simplement, en tant que commandant,
5 qu'il fallait rebrousser chemin car on n'aurait simplement pas pu
6 maîtriser le feu.
7 Question: Nous parlons donc de la seconde moitié de l'année 1992; nous
8 avons entendu pas mal de dépositions là-dessus: dans la ville de Vitez, il
9 y a eu pas mal d'incidents, de bombes probablement, de voitures piégées,
10 etc. Y a-t-il eu lieu pour vous d'intervenir, en tant que société de
11 pompiers bénévoles?
12 Réponse: D'ordinaire, quand on entend une explosion -pour la majeure
13 partie des cas, c'était la nuit-, quand on entend une explosion, le feu se
14 manifeste et les gens faisaient évidemment tout de suite appel à notre
15 société. Nous nous rendions toujours sur place, pour éteindre le feu,
16 évidemment partout où cela était possible. On a dû parfois déblayer pas
17 mal de décombres, etc.
18 Question: Vous êtes originaire de Vitez. Je suppose que vous connaissiez
19 bien les propriétaires des locaux et maisons où vous êtes intervenus.
20 Peut-on dire que c'étaient des maisons de Croates, de Musulmans ou de
21 Serbes?
22 Réponse: Je ne peux pas dire que ceci était exclusivement propriété
23 d'un tel, d'une seule nationalité; quelquefois, on ne se posait même pas
24 la question, quelquefois même on l'ignorait tout simplement.
25 Question: Monsieur Strukar, nous avons pu entendre parler de deux
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1 explosions caractéristiques: il s'agit d'explosions à "Borovo" et dans les
2 locaux de la "Postlovna (?) Privredna Banka" de Vitez.
3 Question: Etes-vous intervenus dans ces deux cas-là.
4 Réponse: Est-ce que je peux les dissocier?
5 Question: Non, dites-nous oui ou non.
6 Réponse: Oui, pour la banque: nous sommes intervenus. Pas pour Borovo.
7 Question: Pour Borovo, vous avez appris après coup seulement ce qui
8 s'était passé. A titre d'illustration, dites-nous ce que vous avez appris:
9 qui a projeté cette grenade dans les locaux, le magasin de Borovo?
10 Réponse: Cette explosion a eu lieu la nuit, lorsque Jajce a chuté. Il y
11 a eu beaucoup de réfugiés de Jajce, de misère et de désolation partout;
12 hommes, femmes, enfants mouillés sous la pluie: nous avons dû nous en
13 occuper pour les installer dans le gymnase, dans le centre de sport. Nous
14 avons dit simplement: "Seuls des gens fous auraient pu commettre des
15 crimes pareils". Plus tard, quand j'ai été de service de concert avec un
16 garçon de Zenica, comme j'ai entendu que c'étaient les gens de Cajnice (?)
17 qui l'ont fait, je lui ai posé la question: "Pourquoi avez-vous commis
18 tout cela?" L'autre m'a répondu: "Parce qu'il y avait un portrait de Tito
19 accroché sur le mur. Et on voulait tout simplement faire quelque chose
20 contre…!"
21 Question: Au sujet de votre intervention dans la "Privredna Banka" de
22 Travnik, il y avait quelque chose d'inhabituel qui s'est produit? Dites-
23 nous brièvement ce qui s'est passé.
24 Réponse: Pour expliquer tout cela, je dois dire que la situation qui
25 est la mienne, en qualité de commandant de cette unité opérationnelle de
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1 sapeurs-pompiers bénévoles, et pour parler du siège de la police à cette
2 époque-là, police musulmane, c'est que ces deux sites sont l'un à côté de
3 l'autre.
4 Question: Je vous prie de parler un peu plus lentement, s'il vous plaît.
5 Réponse: Je m'en excuse. Donc, les sièges étaient l'un à côté de
6 l'autre et il n'y avait pratiquement pas de problème. A ce moment-là, au
7 moment de l'événement, je me suis trouvé près de notre foyer; il y avait
8 deux ou trois équipes de garde parce que les feux était un phénomène
9 quotidien. On a entendu le téléphone sonner. Smrik Sead nous a téléphoné:
10 il voulait savoir si Mario était là. Alors, lorsque j'ai décroché, j'ai
11 entendu seulement: "Dépêchez-vous; la banque est en flammes!" Cela veut
12 dire qu'il y avait du feu là-bas. Evidemment, on est sorti tout de suite
13 avec du camion-citerne plein d'eau; l'alarme fut donnée pour simplement
14 organiser le rassemblement des autres membres pour leur donner la consigne
15 de tous se rendre à la banque.
16 Question: Donc vous êtes intervenus après l'appel de M. Smrik, peut-être
17 une minute ou deux plus tard, et vous avez dit à vos autres collègues de
18 venir en aide?
19 Réponse: Oui, bien sûr. Tout devait se passer dans un intervalle de
20 quatre à sept minutes.
21 Question: Vous êtes donc venus sur le lieu de l'événement?
22 Réponse: Oui, on était venus là-bas, on a vu Smrik; lui était en pyjama
23 parce que c'était tard dans la nuit, il était prêt à se coucher. Moi, par
24 radio émetteur, je voulais avoir au téléphone le président directeur,
25 c'est-à-dire mon adjoint. Lui, il m'a répondu simplement: "Marijan,
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1 occupe-toi toi-même de l'affaire; moi, je ne peux pas venir".
2 Question: Vous avez demandé de l'assistance, un véhicule de sapeurs-
3 pompiers de plus, parce que vous avez craint la propagation du feu. On
4 vous a dit simplement: "Débrouillez-vous vous-même, on ne pourra pas vous
5 venir en aide"?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et vous avez maîtrisé le feu?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Et vous êtes revenu encore une fois à votre centre de sapeurs-
10 pompiers?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Je suppose que vous vous êtes intéressé à la raison pour
13 laquelle vous n'avez pas reçu d'aide?
14 Réponse: Oui, parce que j'étais un peu en colère; j'ai vu des gens
15 assis là-bas. Vous savez, après une intervention, quant on rentre chez
16 nous, on s'occupe de l'équipement pour le remettre en état en sorte de
17 pouvoir intervenir à nouveau, vu qu'il y avait tout le temps du feu.
18 Alors, je les ai vus comme cela, assis, et j'ai dit:"Que faites-vous là?"
19 Les autres me répondent: "Nous sommes tous pratiquement écroués!" Je leur
20 ai dit: "Mais par qui et pourquoi?" Ils m'ont dit, en montrant du doigt:
21 "Mais par la police." Tous était surpris de me voir pour me demander d'où
22 je venais, etc. J'ai dit simplement: "Parce que la banque était en
23 flammes, nous sommes allés évidemment éteindre le feu". Ils ne
24 s'attendaient pas à me voir si tôt. Après, ils ont essayé de me présenter
25 des excuses. Je n'ai jamais su la vraie raison de la situation.
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1 Question: Donc cette assistance que vous avez demandée pour éteindre le
2 feu dans la "Privredna Banka de Travnik", c'était simplement dû au fait
3 que votre équipage était pour ainsi dire écroué par la police musulmane ?
4 Réponse: C'est exact.
5 Question: Vous a-t-on expliqué, à n'importe quel moment, la raison pour
6 laquelle il y a eu la réaction de cette police musulmane?
7 Réponse: Formellement, jamais.
8 Question: Et informellement?
9 Réponse: Informellement, comme cela m'a intéressé -je trouve d'ailleurs
10 cette explication ridicule-, d'aucuns disaient que nous sommes allés là-
11 bas non pas pour éteindre le feu mais pour y mettre du feu.
12 Question: Nous avons dit, au début, Monsieur Strukar, que cette activité
13 qui était la vôtre en qualité de sapeur-pompier se trouvait de la
14 compétence de la protection civile. Vous avez apporté avec vous deux
15 documents dans leur langue originale. Je prie l'huissier de placer ces
16 deux documents sur le rétroprojecteur et je vous prie de le lire. Je vais
17 demander aux traducteurs de le traduire et je voudrais bien que vous
18 fassiez un commentaire là-dessus.
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Mikulicic, les interprètes vous
20 demandent de bien vouloir donner lecture de ce document.
21 Mme Thompson (interprétation): Le document portera la cote D119/2.
22 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Strukar…
23 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une objection?
24 M. Lopez-Terres: Nous avons la traduction de ces documents à laquelle nous
25 avons déjà procédé pour la bonne et simple raison qu'ils ont déjà été
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1 utilisés dans une précédente affaire.
2 M. le Président (interprétation): Oui, si vous en avez déjà une
3 traduction, vous pouvez nous la passer.
4 M. Mikulicic (interprétation): C'est l'autre document, s'il vous plaît.
5 C'est bien le premier document.
6 M. le Président (interprétation): Avons-nous la traduction de ce document?
7 M. Mikulicic (interprétation): Oui. Il s'agit de cette incitation qui vous
8 a été envoyée par Dragan Strbac -nous avons entendu dire qu'il a été
9 chargé de la protection civile de la municipalité-, le 29 novembre 1992, à
10 l'en-tête du HVO de Vitez. Vous avez été invité à rejoindre les unités de
11 sapeurs-pompiers de la municipalité de Vitez, de la protection civile de
12 la municipalité de Vitez. Une même incitation vous a été envoyée par une
13 autre autorité, le même jour. Je prie l'huissier de bien vouloir prendre
14 ce document.
15 Placez la version anglaise sur le rétroprojecteur et passez la version
16 originale au témoin.
17 Mme Thompson (interprétation): Il s'agit des pièces à conviction du
18 conseil de la défense cotées D120/2.
19 M. Mikulicic (interprétation): Il s'agit d'une incitation à rejoindre la
20 protection civile, sapeurs-pompiers, centre de Vitez, en cette même date
21 du 23 novembre, n'est-ce pas?
22 M. Strukar (interprétation): Oui.
23 Question: Mais cette incitation vous a été envoyée par l'armée de
24 Bosnie-Herzégovine?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Pouvez-vous reconnaître la signature?
2 Réponse: Oui. Je pense que cet homme s'appelle Sulejman Kalco. Il était
3 président des sapeurs-pompiers de Vitez.
4 Question: Je n'ai pas bien entendu.
5 Réponse: Je crois que son vrai nom est Sulejman Kalco.
6 Question: Vous avez reçu, de la part de la protection civile et de
7 l'armée de Bosnie-Herzégovine, deux incitations pour une même profession
8 et qualité qui sont les vôtres: comment interprétez-vous cela?
9 Réponse: C'est tout simplement que nous avons dû nous rendre dans
10 Vitez. Quelquefois, il y avait des villages à majorité croate et à
11 majorité musulmane. C'est pour pouvoir circuler dans les deux quartiers.
12 Question: Si je vous ai bien compris, cette double convocation, vous
13 l'avez considérée comme une possibilité de circuler dans cette communauté,
14 déjà quelque peu désunie, de Vitez?
15 Réponse: Oui. Tout simplement, il fallait quelqu'un pour s'en occuper.
16 Question: Je vous remercie.
17 Monsieur le Président, j'ai sur moi des versions originales. Je ne sais
18 pas s'il faut les verser en tant que pièces à conviction ou les rendre au
19 témoin.
20 M. le Président (interprétation): A moins que quelqu'un ne souhaite garder
21 la version originale, je crois que, dans notre cas, il suffit de garder
22 les copies et de rendre les versions originales au témoin.
23 M. Mikulicic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Allons de l'avant! Vous vous êtes engagé en tant que bénévole dans cette
25 société de sapeurs-pompiers et vous avez eu connaissance qu'à cette
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1 époque-là, des gardes villageoises ont été formées. Etait-ce le cas
2 également dans la partie de Vitez que vous avez habitée?
3 M. Strukar (interprétation): Oui. Toutes les fois où je me rendais en
4 intervention, je rencontrais des gardes villageoises et je savais qu'elles
5 étaient aussi autour de ma maison.
6 Question: Quelle était la composition ethnique de ces gardes
7 villageoises? Que s'est-il produit ensuite avec le temps?
8 Réponse: Au début -on peut se poser la question de ce que c'est qu'un
9 début- et je suppose que vous vous intéressez à cette composition mixte
10 croate, musulmane et serbe qui existait encore.
11 Question: A quelles fins ont été organisées ces gardes villageoise, si
12 vous vous en souvenez?
13 Réponse: Il y avait eu des incidents dans ces différents villages. On a
14 parlé de ce conflit avec les Serbes qui étaient à Vlasic, Vlasic n'étant
15 pas très loin; on devait se protéger de peur de voir une grenade projetée
16 dans votre maison, etc. Tout simplement, quelques maisons se rassemblent
17 et les gens étaient de garde.
18 Question: Etiez-vous également engagé dans le cadre des gardes
19 villageoises?
20 Réponse: J'ai été longtemps engagé dans les unités de sapeurs-pompiers.
21 Etant donné que les gens qui devaient également prendre leur tour de garde
22 rouspétaient quelquefois, disant que peut-être mon activité était moins
23 importante et qu'eux, par contre, ils devaient passer une nuit blanche,
24 ils me demandaient: "Monsieur, peut-être que vous pourriez faire quelque
25 chose également et être de concert avec nous?" C'est pourquoi,
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1 quelquefois, j'y venais toutes les deux ou trois nuits pour être de garde
2 avec un de mes collègues, etc.
3 Question: Par qui ces gardes ont-elles été organisées autour de votre
4 maison?
5 Réponse: Pour l'organisation à proprement parler, je ne dirais pas
6 qu'elles étaient organisées. On a vu déjà sur les écrans TV qu'à Sarajevo,
7 les gens en faisaient autant et de même pour organiser la protection de
8 leur bloc d'habitations.
9 Question: Y a-t-il eu un commandant pour s'imposer en tant que chef?
10 Réponse: Non, pas à cette époque-là, encore que nous souhaitions avoir
11 un chef. On me disait par exemple que, peut-être, je pourrais être le
12 chef. Je me tournais vers un autre pour en dire autant, etc.
13 Question: Vous nous avez dit que vous résidiez tout près de Mahala. Au
14 début de l'année 1993, avez-vous remarqué quelque chose d'inhabituel dans
15 ce quartier de la ville, non loin du terrain de football?
16 Réponse: Mon fils, de retour de l'école, m'a dit avoir vu une tranchée.
17 Je lui ai dit: "Tu dis n'importe quoi! Quelle tranchée?" Après, en passant
18 en voiture, j'ai aperçu une tranchée, une espèce de couverture de fortune
19 en planches, non loin de ces maisons musulmanes de Mahala. Après, je me
20 suis rendu compte que c'était une tranchée, toute cette affaire des
21 tranchées creusées en face des Croates.
22 Question: Avez-vous essayé de connaître la raison pour laquelle ces
23 tranchées ont été creusées à Mahala?
24 Réponse: Oui, nous avons essayé de le faire parce que ce n'était pas
25 encore la guerre. Nous vivions ensemble; c'était une cohabitation. Les
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1 Musulmans, quant à eux, nous disaient: "Voilà, c'est de peur d'être
2 attaqués par les Serbes, etc." Cela m'a paru un peu ridicule.
3 Question: Monsieur Strukar, vous dites "ridicule"; vous avez souri quand
4 même un peu. Pourquoi ridicule?
5 Réponse: Parce que, pendant tout ce temps, jusqu'en 1995, je n'ai
6 jamais vu un soldat serbe à moins que ce ne soit sur un écran de
7 télévision. On savait qu'ils étaient à Vlasic, 14 ou 20 ou 25 kilomètres
8 jusqu'à Turbe encore où se trouvait l'armée de la Republika Srpska.
9 Question: Ces tranchées étaient-elles en direction de Vlasic, de Travnik
10 ou en direction d'autres quartiers de la ville?
11 Réponse: Pas en direction de Vlasic, mais en direction du terrain de
12 football, par conséquent vers Mlakici, Kamenica, etc.
13 Question: Quelle était la composition ethnique de ceux qui résidaient à
14 Mlakici, vers où se tournaient justement ces tranchées?
15 Réponse: C'étaient des Croates.
16 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président, je crois que c'est
17 le moment propice pour ordonner une suspension d'audience.
18 M. le Président (interprétation): Oui. Nous allons avoir une suspension
19 d'audience, nous allons continuer quelques minutes après 11 heures 30.
20 Monsieur Strukar, nous allons avoir une suspension d'audience. Je vous
21 prie de ne pas parler à qui que ce soit tant que vous n'avez pas terminé
22 votre déposition. Ne permettez surtout à personne de vous en parler, y
23 compris les membres du conseil de la défense.
24 Je vous prie de revenir dans ce prétoire dans une demi-heure.
25 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 35.)
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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Mikulicic, vous pouvez
2 procéder.
3 M. Mikulicic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
4 Avant de parler des événements des 15 et 16 avril 1993, voyons d'abord
5 comme suit: vous avez parlé d'incidents d'explosifs, de voitures piégées.
6 Avez-vous connu l'incident où le magasin de Nikola Krizanac, qui n'est pas
7 loin de chez vous, a été plastiqué?
8 M. Strukar (interprétation): Je sais que ceci a eu lieu à deux reprises.
9 Je ne sais pas à quel incident vous pensez. Il y avait une fois un
10 incident avant la guerre et puis, après, au début de la guerre.
11 Question: M. Nikola Krizanac est un Croate, n'est-ce pas?
12 Réponse: Oui.
13 Question: A-t-on pu confirmer et trouver l'auteur des incidents?
14 Réponse: Pour les deux cas, il s'agissait de Musulmans.
15 Question: Je vous remercie.
16 Monsieur Strukar, qu'avez-vous fait pendant la nuit du 15 au 16 avril
17 1993?
18 Réponse: Il y avait d'abord ces gardes villageoises organisées et,
19 cette nuit-là, j'étais éveillé, de concert avec quelques-uns de mes
20 voisins.
21 Question: Cette nuit-là était-elle une nuit ordinaire, comme avant, ou
22 au cours de la soirée ou de la nuit quelque chose d'inhabituel s'est-il
23 produit?
24 Réponse: Il n'y avait rien d'inhabituel, d'exceptionnel parce que,
25 peut-être pendant six mois, il y avait quelque chose dans l'air, vous
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1 comprenez. Il y a des gens qui ont peur, d'autres qui ont été intimidés,
2 d'autres qui ont les yeux grossis par la peur, etc., par conséquent, plus
3 on s'approchait de l'année 1993, dans ces gardes villageoises qui étaient
4 quelquefois mixtes aussi. Et puis on savait que les Musulmans se
5 préparaient à quelque chose. Vous avez mentionné le magasin de Nikola
6 Krizanac et, après, on a parlé des barrages établis sur la route.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Strukar, vous savez, nous avons
8 entendu tant de dépositions dans le cadre de cette affaire, nous vous
9 serions redevables de vous limiter dans votre déposition. Autant que je
10 puisse comprendre, il n'y a rien d'inhabituel en ce qui vous concernait
11 qui se serait produit cette nuit-là.
12 M. Strukar (interprétation): Oui, c'est cela.
13 M. Mikulicic (interprétation): Mais au cours de cette nuit, votre garde a
14 été informée par téléphone d'un événement, est-ce vrai?
15 M. Strukar (interprétation): Oui. Je dois me répéter: ce n'était pas la
16 première fois que quelqu'un téléphonait pour dire que quelque chose
17 n'allait pas bien. Il a fallu redoubler de vigilance. Au cours de cette
18 soirée-là, il me semble qu'il n'y avait rien de spécial, rien de nouveau
19 qui se serait produit.
20 Question: Vous avez déjà dit que de telles informations vous parvenaient
21 avant, mais que vous ne les avez pas prises trop au sérieux, n'est-ce pas?
22 Réponse: C'est tout à fait cela.
23 Question: Avez-vous passé toute la nuit comme étant de garde?
24 Réponse: Pour ce qui est de ces gardes villageoises, nous avons réglé
25 l'affaire de sorte que nous étions cinq ou six à monter la garde jusqu'à
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1 minuit et, puis, d'autres prenaient la relève. Voilà, cela me
2 correspondait peut-être.
3 Question: Donc après minuit, vous vous êtes couché?
4 Réponse: Non, c'est jusqu'à minuit que j'étais couché.
5 Question: Puis-je vous demander si, à l'entrée ou à la sortie de Mahala,
6 il y a eu des points de contrôle à cette époque-là?
7 Réponse: Vous pensez pendant cette soirée-là?
8 Question: Non. Mais pendant les tout premiers mois de l'année 1993?
9 Réponse: Il y avait des points de contrôle à plusieurs reprises. Cela a
10 duré pendant deux ou trois jours, puis on les déplaçait. Je ne sais pas
11 par qui ils étaient organisés. Je ne sais pas qui a établi et déplacé ces
12 points de contrôle.
13 Question: Revenons à cette soirée-là. Donc, après minuit seulement, vous
14 avez été de garde. Qu'avez-vous entendu ou vu le matin du jour suivant?
15 Réponse: Je me souviens, nous étions assis près d'une maison. Vers 5
16 heures 30 le matin, on a entendu une explosion venant depuis une pompe à
17 essence privée. On a regardé depuis le centre ville de ma maison vers la
18 route de déviation qui contournait la ville de Vitez que se trouvait peut-
19 être le site de cette explosion. Nous ne savions pas très bien de quoi il
20 s'agissait à ce moment-là. Mes expériences me disaient que toutes les
21 explosions étaient pareilles mais, quelques minutes après, on a entendu
22 des coups de fusil ou de revolver. On les a entendus venant de toutes
23 parts.
24 Question: Avez-vous pu vous orienter pour bien situer le lieu d'où on
25 tirait et qui tirait sur qui?
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1 Réponse: A cette époque-là, non. Je dis que j'ai eu très peu
2 d'expérience. On entend peut-être des coups tirés, mais cela semble venir
3 de toutes parts.
4 Question: Avez-vous été informé de ce qui se passait?
5 Réponse: On n'a pas eu le temps de s'informer. J'ai dû me rendre à la
6 maison et, étant donné qu'ils considéraient que j'étais éveillé et que
7 j'en savais plus, mais je dois dire que c'était une véritable mêlée qu'il
8 était difficile de décrire.
9 Question: A ce moment-là, étiez-vous conscient du fait que c'est la
10 guerre qui recommençait?
11 Réponse: Non. Comme je l'ai dit, avant on a entendu des coups de fusil.
12 Ensuite, cela se calmait, on s'attendait à ce que ce soient vraiment des
13 gens dont les têtes étaient un petit peu échauffées, etc.
14 Question: Mais cette fois-ci, les coups de fusil ne se sont pas apaisés,
15 n'est-ce pas? Cela n'arrêtait pas?
16 Réponse: Malheureusement pas.
17 Question: C'était plutôt une intensification des coups de feu que vous
18 avez dû entendre?
19 Réponse: Oui, c'était bien cela.
20 Question: Est-ce en résultat de cette mêlée-là, de ces coups de feu que
21 vous avez entendus que vous avez pu ensuite constater des feux, des
22 maisons en flammes non loin de chez vous?
23 Réponse: Oui, on doit dire qu'on s'en est aperçu. Il y avait des
24 maisons en flammes mais on ne pouvait pas savoir ce qui brûlait. Tout
25 simplement, on ne pouvait que supposer que des maisons étaient en flammes.
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1 A ce moment-là, je ne pouvais même pas savoir si ce n'était pas ma maison
2 qui était en flammes, car j'étais loin de ma maison.
3 Question: A ce moment-là, avez-vous pu peut-être penser, étant donné que
4 vous avez été très actif dans cette société de pompiers bénévoles, que
5 votre devoir était évidemment de répondre à votre devoir et d'aller
6 maîtriser ce feu? Etait-ce possible, d'abord, à ce moment-là?
7 Réponse: Peut-être que j'ai eu une idée là-dessus. Je me souviens bien
8 de mon état d'âme à cette époque-là. J'aurais plutôt aimé pleurer parce
9 que les gens qui sont restés dans la société de pompiers étaient en
10 difficulté. Tout était en panne, les téléphones; je ne savais pas ce qui
11 se passait à ce moment-là avec les équipements. Donc il n'y avait vraiment
12 pas de moyen technique pour intervenir et pour éteindre le feu.
13 Question: Et qu'avez-vous fait à ce moment-là?
14 Réponse: Rien. Tout simplement, on essayait de s'occuper chacun de sa
15 famille. D'abord, il fallait être avec eux pendant quelques minutes pour
16 les calmer et essayer ensuite de s'informer. Mon père et mon père étaient
17 là, je ne pouvais pas les joindre. C'était vraiment une mêlée dans
18 laquelle nous nous sommes trouvés, une confusion régnait.
19 Question: Pendant ce premier temps qui s'est écoulé depuis le conflit,
20 où étiez-vous?
21 Réponse: Pendant un premier temps? Vous pensez peut-être à ces deux ou
22 trois jours, je suppose?
23 Question: Non, non, non, je pense à la seconde journée, par exemple.
24 Avez-vous mis en sécurité votre famille, ou quoi?
25 Réponse: Oui, je les ai mis à l'abri à 200 mètres de ma maison, là où
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1 nous nous rassemblions, dans la maison d'un de nos cousins, là où on était
2 avec les gardes villageoises. Là, on tirait moins, semble-t-il. Au début
3 de la guerre, près de ma maison, donc à 200 mètres de cette du cousin, on
4 tirait beaucoup plus. Je devais m'y rendre de temps en temps pour
5 récupérer des vivres, de la nourriture, des habits, etc. Et puis on ne
6 pouvait même plus parler, ni de jour ni de nuit; j'étais confus, tout me
7 semblait pareil. Enfin, peu importe l'heure de la journée ou de la nuit où
8 je devais m'y rendre.
9 Question: Si je comprends bien, vous étiez dans l'impossibilité de vous
10 rendre dans votre propre maison ou dans celle de votre père, pour un
11 premier temps?
12 Réponse: C'est exact.
13 Question: Mais après quelque temps, vous avez tout de même pu regagner
14 la maison de votre père? Qu'avez-vous trouvé là-bas?
15 Réponse: Une fois venu à la maison, je me suis d'abord rendu compte du
16 fait que la maison était intacte. J'ai supposé que mon père était à l'abri
17 dans la cave; c'était le seul endroit où l'on pouvait se réfugier car, là-
18 haut, on ne pouvait pas, étant donné que les balles sifflaient partout.
19 J'y ai trouvé en effet mon père en bonne santé, sain et sauf. On a cherché
20 ensemble un abri derrière la maison. Lui, en colère, il m'a dit tout
21 simplement de lui ficher la paix; il y avait tant de morts autour de lui,
22 comme il l'a dit lui-même.
23 Je ne savais pas, à ce moment-là, que des gens étaient touchés ou morts.
24 On a vu de loin des maisons en flammes mais on ne pouvait pas savoir que
25 des gens étaient morts. Alors il m'a montré du doigt que, derrière sa
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1 maison à lui, il y avait des gens morts.
2 Question: Et que s'est-il passé avec votre maison à vous?
3 Réponse: Quant à ma maison, pendant ces premières journées qui ont
4 suivi, elle a été touchée par un obus d'un mortier multitube.
5 Question: Est-ce que vous pouvez savoir de quelle direction cet obus a
6 pu être tiré?
7 Réponse: Je ne peux pas dire, je n'ai pas d'expérience. Je ne peux pas
8 dire depuis quel site il a pu être tiré. Ma maison se trouve en parallèle
9 par rapport à Mahala; il y avait donc des maisons touchées par les mêmes
10 armes, de l'autre côté de ma maison.
11 Question: Quels ont été les dégâts ressentis par la maison-là?
12 Réponse: Cet obus devait avoir un détonateur spécial; par conséquent,
13 lorsque l'obus a pénétré dans la pièce où se trouvent les installations de
14 chauffage, il y a eu des dégâts assez importants.
15 Question: Vous avez dit avoir mis à l'abri, en sécurité votre famille
16 dans la maison de ce cousin. Qu'avez-vous fait vous-même? Etes-vous resté
17 chez vous ou les avez-vous rejoints?
18 Réponse: Là où se trouvait ma famille, près de nos maisons, à côté, il
19 y avait des maisons musulmanes et croates en flammes, tous voyaient une
20 certaine sécurité lorsqu'ils étaient dans une cave. C'est ainsi que 60, 70
21 personnes se trouvaient dans des caves. Il y avait des femmes et des
22 enfants, mais nous, hommes, nous avons eu un peu honte de les rejoindre.
23 Mais nous avons voulu réfléchir à ce qu'il convenait de faire. Faute
24 d'information, faute de fin quelconque, que veut dire être homme, à ce
25 moment-là, pour faire quelque chose d'intelligent?
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1 Question: Avez-vous eu une arme quelconque?
2 Réponse: Jusqu'à ce jour-là, je n'ai pas eu d'arme. Mais ce cousin où
3 j'ai mis en sécurité ma famille était chasseur; il m'a proposé comme quoi
4 il serait intelligent d'avoir ne serait-ce qu'un fusil de chasse parce
5 que, tout simplement, c'était la guerre.
6 Question: Comme vous l'avez décrit vous-même, près de cette maison-là,
7 vous et quelques autres hommes, vous rôdiez sans information, sans savoir
8 ce qu'il fallait faire, etc. Etait-ce bien la situation?
9 Réponse: C'est tout à fait la situation qui régnait.
10 Etant donné vos voisins, étant que vos voisins musulmans et en pensant à
11 l'armée de Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous avez eu l'idée, est-ce que
12 vous vous êtes fait une idée comme quoi pourrait tirer sur vous, vous
13 attaquer?
14 Réponse: Non. Mais il me semble que les tirs venaient justement de ces
15 directions-là.
16 Question: De quelles directions?
17 Réponse: De la direction de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
18 Question: Combien d'hommes étiez-vous à cet endroit-là?
19 Réponse: Près de ma maison, c'est la route départementale qui passe,
20 empruntée toujours comme la route de déviation en direction de Vitez.
21 Mais, tout près, se trouve Mahala. Comme on tirait beaucoup, nous étions
22 alors une dizaine qui nous rassemblions près de ma maison pour y monter la
23 garde. Nous ne savions pas ce qui se passait de l'autre côté; alors que de
24 l'autre côté, ils ont fait de même. Nous étions donc une vingtaine de
25 voisins qui avons fait de même pendant ces quelques jours.
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1 Question: Vous vous êtes donc occupés de la garde de vos propres
2 maisons, dans la mesure du possible, pendant ces jours-là?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Pendant ce temps-là, la guerre éclate. Vous vous êtes
5 organisés tant bien que mal. Etiez-vous une espèce d'unité militaire? Ou
6 étiez-vous membre d'une armée quelconque? Quel était votre sentiment?
7 Réponse: Notre sentiment était plutôt misérable, parce que nous
8 n'avions pas d'information, nous ne savions pas ce qu'il convenait de
9 faire. Ceux qui avaient une notion vague ou autre concernant l'armée et la
10 vie militaire, ils voulaient faire quelque chose, ils voulaient joindre
11 quelqu'un, ils voulaient faire élire, choisir un commandant, un chef, etc.
12 Avec toutes ces maisons qui étaient en flammes, il y a eu beaucoup de
13 pertes en nourriture, etc. Par conséquent, il a fallu se mettre à parler
14 un peu pour essayer de résoudre ces problèmes.
15 Question: Avez-vous pu recevoir des munitions ou des uniformes ou
16 quelque assistance que ce soit en armes?
17 Réponse: Non. Pendant une période assez longue, depuis le début de la
18 guerre, nous n'avons jamais rien reçu.
19 Question: Monsieur Strukar, les interprètes nous prient de parler moins
20 rapidement.
21 Ainsi, tout un mois se passe comme vous venez de le dire. Après quoi,
22 quelque chose est arrivé quand même, à vous-même, aux hommes qui étaient
23 avec vous dans ce quartier de la ville. Un militaire est venu, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: Je ne sais pas à qui vous pensez. Pendant le premier mois qui
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1 s'est écoulé, il n'y avait pas de militaires, tout se passait de la sorte.
2 Mais il y en a qui ont mis une pièce d'uniforme militaire, que ce soit le
3 pantalon ou le gilet, une jaquette, etc.
4 Question: Soyons concrets, Monsieur Strukar. Vous avez apporté un
5 document que j'aimerais faire voir à ce prétoire; j'ai une question à
6 poser là-dessus.
7 Je vais donner lecture de ce texte court. Ce document est intitulé:
8 "Attestation". Dans l'en-tête, on lit qu'il est émis par le HVO de la
9 Brigade de Vitez, portant la cote 340. Dans le document, il est dit que
10 "par ce certificat, on atteste que M. Strukar Marijan, de père Vlado, né
11 en 1956, résidant à StariVitez, est affecté dans les effectifs de la
12 Brigade de Vitez, 5e secteur, région Stari Vitez, en date du 18 mai 1993."
13 Laquelle attestation est émise et signée par le commandant de la Brigade,
14 Mario Cerkez.
15 Dites-nous, Monsieur Strukar, à quel moment et dans quelles conditions
16 vous avez reçu ce document, cette attestation?
17 Réponse: Autant que je m'en souvienne, j'ai déjà dit que, lors de nos
18 conversations, nous avons pensé qu'il fallait organiser quelque chose,
19 faire quelque chose d'intelligent. Je ne sais pas par quel biais, ces
20 conversations ont pu atteindre jusqu'au quartier général du commandant de
21 la brigade; je ne peux même pas me rappeler le mois où cette attestation
22 m'était parvenue. Je crois que cela s'est fait comme cela. C'est ainsi que
23 nous l'avons vécu et senti nous tous. Je l'ai reçue au mois de mai 1993,
24 mais rien n'avait changé dans l'organisation. Nous avons simplement eu
25 connaissance maintenant de l'existence d'une certaine brigade et de
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1 l'existence de tel ou tel secteur, de telle ou telle région.
2 Question: Et à quel moment les choses ont-elles pu évoluer?
3 Réponse: Les choses ont évolué depuis la seconde moitié du mois de
4 juillet. Tout à l'heure, vous m'avez demandé si un militaire était venu
5 nous voir. Je ne peux pas me rappeler la date mais je sais qu'il
6 s'agissait de la deuxième moitié du mois de juillet. Un homme était venu
7 pour dire: "Voilà, nous allons nous mettre à organiser une unité. Je serai
8 votre commandant". C'est ainsi que cela a démarré.
9 M. le Président (interprétation): La cote du document?
10 Mme Thompson (interprétation): Le dernier document portera la cote D121/2.
11 M. Mikulicic (interprétation): Si je vous ai bien compris, Monsieur
12 Strukar, c'est la date du 18 mai 1993 que l'on trouve sur ce document, ce
13 certificat, mais vous n'êtes pas sûr de l'avoir reçu à ce moment-là,
14 n'est-ce pas?
15 M. Strukar (interprétation): Je peux même dire que je suis sûr de l'avoir
16 reçu plus tard.
17 Question: Mais sans davantage de détails? Vous ne vous rappelez pas?
18 Réponse: Non.
19 Question: Nous avons parlé du commandant de la brigade Mario Cerkez.
20 Connaissez-vous M. Mario Cerkez?
21 Réponse: Oui. Vitez est une petite ville et pratiquement tout le monde
22 se connaissait. Comme j'ai à peu près le même âge que Mario et que ses
23 parents sont assez connus à Vitez, je le connais depuis l'école. Ensuite,
24 nous avons travaillé dans la même organisation de travail.
25 Question: L'avez-vous jamais vu présenter des tendances agressives ou
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1 asociales, au sens général du terme?
2 Réponse: Non. Mario a toujours été quelqu'un de très sociable. Je ne
3 l'ai jamais vu se disputer avec qui que ce soit et encore moins se battre.
4 Question: Avez-vous jamais été présent lorsqu'il aurait prononcé des
5 mots négatifs à l'égard des Musulmans ou des membres d'une autre
6 nationalité, qu'il aurait mal agi à leur égard? Ou en avez-vous entendu
7 parler?
8 Réponse: Ecoutez, pendant la guerre, pendant longtemps, je n'ai pas vu
9 Mario. Mais, puisque je suis devant ce Tribunal, je dois dire que je me
10 rappelle un événement: cela s'est passé à la fin de la guerre à Vitez, la
11 guerre contre les Croates et les Musulmans. Nous sommes déjà en 1994 ou
12 1995, je ne me souviens pas exactement; la brigade nous a envoyés sur une
13 autre ligne de front. Nous devions aller à Kupres, sur le front qui
14 faisait face à l'armée de la Republika Srpska. Nous étions une centaine,
15 déployés à cet endroit, et Mario devait nous donner les dernières
16 instructions. Dès notre départ de Vitez, nous devions passer sur le
17 territoire musulman. Donc leur police militaire nous a accompagnés jusqu'à
18 la sortie.
19 Quand nous avons terminé les préparatifs du départ, Mario nous a dit:
20 "J'ai encore quelque chose à vous dire". A voix forte, justement, il a
21 dit: "Il n'est pas question que j'entende dire que l'un quelconque d'entre
22 vous aurait dit quelque chose de négatif à l'égard des Musulmans". J'ai
23 même été très heureux d'entendre cela à ce moment-là, compte tenu de la
24 situation et de ce que je savais pendant la guerre.
25 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Strukar, merci. Je n'ai pas
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1 d'autres questions à vous poser.
2 M. Naumovski (interprétation): Monsieur le Président, la défense de
3 monsieur Kordic n'a pas de questions à poser à ce témoin.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Strukar, j'aimerais un
5 éclaircissement de votre part, si c'est possible. Le soir du 15 avril,
6 quand avez-vous patrouillé?
7 M. Strukar (interprétation): Je vais m'efforcer de répondre brièvement. A
8 cette fin, je dirai que les patrouilles étaient divisées en deux parties.
9 Un certain nombre de membres de la patrouille étaient de service jusqu'à
10 minuit et ensuite, c'était la deuxième partie de la patrouille qui prenait
11 le relais. Moi, j'ai été libre pendant la première partie de la soirée
12 jusqu'à minuit; c'est après minuit que je devais être de garde et je l'ai
13 été.
14 M. le Président (interprétation): Très bien, merci.
15 Vous avez la parole, du côté de l'accusation.
16 (Contre-interrogatoire de M. Marijan Strukar par Me Lopez-Terres.)
17 M. Lopez-Terres: Monsieur Marijan Strukar, la première question que je
18 veux vous poser d'abord est: est-ce qu'il existe plusieurs Marijan
19 Strukar, fils de Vlado, à Vitez?
20 M. Strukar (interprétation): Je crois que non. Le prénom de mon père est
21 Vladimir mais il y a pas mal de gens à Vitez qui l'appellent Vlado; donc
22 vous trouverez des documents dans lesquels l'inscription est Vlado et
23 d'autres où l'inscription est Vladimir.
24 Question: Je voudrais que nous reprenions les faits dans la chronologie
25 qui a été un peu celle utilisée par Me Mikulicic lors de son
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1 interrogatoire principal.
2 Vous nous avez dit que vous étiez le responsable de la caserne des
3 pompiers puisque vous aviez été pompier volontaire pendant plus de vingt
4 ans?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Nous avons vu deux documents qui ont été présentés tout à
7 l'heure, dont le bureau du Procureur a fourni la traduction en langue
8 anglaise pour l'un d'entre eux, document D122, la traduction étant, en ce
9 qui nous concerne, numérotée Z291.3.
10 Vous avez donc reçu, le 23 novembre 1992, deux convocations pour vous
11 présenter à la caserne des pompiers: l'une émanait du HVO, l'autre émanait
12 de l'armée de Bosnie. Pouvez-vous nous indiquer à laquelle de ces
13 convocations vous avez déféré?
14 Réponse: Le simple fait d'envoyer une convocation se faisait dans nos
15 régions, à ce moment-là, selon ces modalités: on recevait une convocation
16 et on y déférait. Mais c'était une procédure d'urgence. Je n'ai donc pas
17 eu besoin de répondre à cette convocation pour aller quelque part, à ce
18 moment-là.
19 D'ailleurs, je n'étais pas le seul à recevoir cette convocation; toute mon
20 unité l'a reçue. Nous avions le sentiment qu'il existait deux pouvoirs à
21 ce moment-là. Donc je ne suis allé nulle part, mais nous nous sommes mis
22 d'accord pour faire partie de cette brigade de pompiers. Autrement dit, je
23 ne suis allé nulle part, auprès d'aucune administration. Simplement, nous
24 avons décidé de faire partie de cette brigade de pompiers.
25 Question: Vous nous avez indiqué que votre impression était, à l'époque,
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1 qu'il existait deux pouvoirs qui se mettaient en place, deux pouvoirs
2 parallèles: un pouvoir croate, si je comprends bien, le HVO, et le pouvoir
3 musulman, celui qui vous a envoyé la deuxième convocation.
4 Avez-vous pris contact, oui ou non, avec les responsables de cette
5 convocation pour l'armée de Bosnie qui, si je vous ai bien compris,
6 avaient la date du 28 septembre 1993, nous sommes d'accord?
7 Réponse: Oui.
8 Question Une petite question au passage: la signature qui apparaît sur
9 la partie supérieure droite, vous la reconnaissez?
10 Réponse: Non.
11 Question Elle ressemble beaucoup à la signature de M. Cerkez. Vous avez
12 donc exercé des fonctions d'assistant, chargé -je le répète- de ce que
13 l'on appelait à l'époque IPD, c'est-à-dire la propagande et l'information.
14 Je suppose qu'on ne confiait pas ces fonctions à n'importe qui au sein
15 d'une unité militaire? Quand il s'agit de s'occuper de la propagande, ne
16 s'agit-il pas de faire passer un message vis-à-vis des autres militaires,
17 de faire passer des directives, de faire passer une politique vis-à-vis
18 des autres militaires?
19 Réponse: Eh bien, ce serait à peu près cela, mais je ne suis pas
20 entièrement d'accord avec vous en raison de quelque chose que je n'ai
21 jamais dit dans ce prétoire encore. Chez nous, dans notre pays, dans le
22 système qui avait cours avant, donc dans l'armée précédente, j'étais une
23 espèce d'adjoint chargé de l'IPD. Cela s'appelait un commissaire à
24 l'époque. Quelqu'un qui avait quelques connaissances à ce sujet au cours
25 d'une guerre. Lorsqu'une certaine politique s'est modifiée en Bosnie-
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1 Herzégovine et en Yougoslavie, bien entendu, je n'étais pas d'accord avec
2 cette politique, car j'étais un homme politique appartenant à l'ancienne
3 armée. Lorsqu'à Vitez, la situation est devenue telle que l'on ne savait
4 plus si l'on resterait en vie, mon commandant qui est venu me voir au mois
5 de juillet m'a demandé au mois de septembre de rédiger un document de ce
6 genre, c'est-à-dire une évaluation de la sécurité de notre unité.
7 Je vois ce qui est écrit ici. Je vois qu'il est écrit "Unité de ligne de
8 défense, 3e Compagnie, 3e Bataillon". J'ai écrit cela parce que je n'étais
9 pas encore expert. C'est plus tard que ce commandant, mon commandant m'a
10 dit que la bataillon avait été créé. Il est allé à la brigade, il a lu
11 cela. Il a dit: "Oui, effectivement, les gens là-haut, il faut qu'ils
12 s'organisent". C'était tout simplement une question de papiers. C'est à ce
13 moment-là, qu'on nous a donné le nom de 4e Bataillon.
14 Peut-être que j'ai écrit 4e Bataillon dans ce texte parce que, pour moi,
15 cela me semblait logique parce qu'à ce moment-là, la brigade avait quatre
16 bataillons, il me semblait logique que nous soyons la dernière. C'était
17 pour cette raison. Autrement dit, jusqu'à ce moment-là, je n'étais rien de
18 spécial. Ce texte, je l'ai écrit en qualité de simple soldat. Et ensuite,
19 je l'ai recopié quand nous sommes devenus un bataillon.
20 Question Vous l'avez écrit comme simple soldat mais il est quand même
21 signé comme adjoint chargé de la propagande et de l'information?
22 Réponse: Sans doute, quand cela a été dactylographié.
23 Question Ce bataillon, auquel vous apparteniez, qu'il s'agisse du
24 quatrième ou du cinquième, était bien dans la zone de Stari Vitez, ce que
25 vous appeliez Mahala?
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1 Réponse: Oui.
2 Question Cette Chambre a reçu de nombreuses informations et témoignages
3 selon lesquels la zone de Stari Vitez, après le 16 avril 1993 et jusqu'à
4 en février 1994, a été encerclée par les soldats du HVO et a fait l'objet
5 de nombreuses attaques par les forces du HVO? Etes-vous d'accord avec moi?
6 Réponse: Je ne suis pas d'accord avec les termes que vous avez utilisés
7 "attaque sur Mahala" car, pendant une grande partie de notre guerre, il
8 était dangereux pour nous et pour eux… Le danger régnait des deux côtés,
9 quand quelqu'un tirait une balle de notre côté, en face, on en retirait
10 deux et quand eux tiraient une balle, ils en recevaient deux chez nous.
11 C'était difficile de distinguer.
12 Question Qui encerclait qui à Stari Vitez?
13 Réponse: Je me souviens d'une réponse que j'ai entendue. Une femme a
14 posé par téléphone à sa sœur la question que vous venez vous-même de
15 poser. La réponse a été: "Comme, dans l'œuf, on a le blanc, c'est une
16 chose, on a le jaune, c'est une deuxième, et puis il y a l'œuf". Par
17 exemple, là où était ma maison…
18 Question Non, le jaune, c'étaient les Musulmans, le blanc, c'étaient
19 nous, à Vitez, les Croates, et la coquille était encore les Musulmans.
20 Question Vous avez participé à ces opérations militaires sur Stari
21 Vitez pendant toute cette période, puisque vous étiez affecté sur cette
22 zone?
23 Réponse: La ligne passait par ma maison, j'y suis resté pratiquement
24 tout le temps.
25 Question Au mois de juillet 1993, il y a eu une attaque importante qui
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1 a été menée contre Mahala ou Stari Vitez par les forces du HVO. Avez-vous
2 participé à cette opération?
3 Réponse: Oui. Nous avons tous participé, tous qui étions là-bas.
4 Question Quelles étaient les unités qui ont participé à cette
5 opération, à votre connaissance?
6 Réponse: Autant que je m'en souvienne, je me trouvais là où il y avait
7 mes collègues, mes voisins. Et notre tâche…
8 Question Monsieur Strukar, ne me parlez pas toujours des voisins. Nous
9 sommes dans une structure militaire. Vous nous avez dit que vous
10 apparteniez à un bataillon, vous rédigez des rapports pour une compagnie.
11 Vous allez devenir officier adjoint chargé de la propagande et de
12 l'information, donc cessez de nous parler de ces gardes avec les voisins.
13 Réponse: Oui je sais mais je crois que vous avez un peu confondu avec
14 les événements qui se sont déroulés quatre mois avant la formation du
15 bataillon.
16 Question Je parle du mois de juillet, avez-vous, oui ou non, participé
17 à cette attaque au mois de juillet menée contre Stari Vitez?
18 Réponse: Ce jour-là, pendant ces tirs qu'on a entendus, j'y ai
19 participé. Je crois que vos termes sont beaucoup trop lourds, nous avons
20 reçu un commandant, uniquement lors de la seconde moitié du mois de
21 juillet. Cela s'est passé après les coups de feu entendus, après ce jour-
22 là, nous avons eu beaucoup de morts, nous avons eu seulement notre
23 commandant, quelqu'un qui est venu de la brigade pour organiser le tout.
24 Je n'étais qu'un simple soldat avec mes voisins.
25 Question Vous aviez un uniforme, une arme, des insignes du HVO ou pas?
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1 Réponse: Non, ni arme ni uniforme ni insigne du HVO.
2 Question Vous êtes désigné le 18 juillet 1993, comme faisant partie de
3 la Brigade de Vitez, et on ne vous équipe ni d'un uniforme ni d'une arme?
4 Réponse: C'est bien cela.
5 Question Il en allait de même pour vos voisins de nationalité croate?
6 Réponse: Je dois dire que oui…, disons, pour expliquer l'ordre de
7 valeur et de grandeur de 80 à 93%. Il y avait peut-être un élément
8 seulement d'uniforme, cela devrait rassembler à un soldat n'est-ce pas?
9 Question Vous pouvez nous parler et nous donner quelques informations
10 sur ces voisins avec lesquels vous étiez de garde de temps à autres?
11 Pouvez-vous nous donner quelques noms de ces personnes?
12 Réponse: Pourquoi pas? Tous mes voisins étaient là. A commencer… Par
13 ordre, que ce soit d'un côté ou de l'autre, à commencer par moi.
14 Question Pour activer les choses, si vous le voulez bien, monsieur, je
15 vais vous proposer des noms et vous allez m'indiquer si vous connaissez
16 ces noms?
17 Réponse: Oui.
18 Question Monsieur Nikola Banic?
19 Réponse: Oui.
20 Question Ljuban Pavlovic?
21 Réponse: Ljuban Pavlovic, c'est un voisin, juste de l'autre côté de la
22 route.
23 Question: Monsieur Zvonko Mlakic?
24 Réponse: Oui, lui aussi, il résidait de l'autre côté de la route.
25 Question Monsieur Zoran Grabovac.
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1 Réponse: Oui, il résidait du côté qui était le mien quant à la route.
2 Question Connaissez-vous également un dénommé Vlado Drmic?
3 Réponse: Oui. Lui, il est peut-être le plus éloignée de chez moi, pour
4 parler de mes voisins.
5 Question Avait-il un surnom ce monsieur?
6 Réponse: Oui. Beli.
7 Question Bijeli?
8 Réponse: Non, tout simplement Beli.
9 Question Cela a une signification particulière?
10 Réponse: Il était ainsi surnommé par sa mère. Il était blond.
11 Question Toutes ces personnes dont nous venons de parler, que vous
12 confirmez être vos, les avez-vous rencontrés au cours de la nuit du 15 au
13 16 avril 1993?
14 Réponse: Oui. Nikola Banic, étant donné que j'ai justement installé ma
15 famille dans la maison à lui, c'est là que se rassemblaient- les gens, de
16 60 à 70 personnes. Quant à Zvonko, lui, je ne sais pas… C'est quelqu'un
17 qui était souvent querelleur quand ces jeux militaires...
18 Question Au cours de la nuit du 15 au 16 avril?
19 Réponse: Oui. Mais je n'ai pas vu Ljubomir Pavlovic, mais quant à
20 Zvonko Mlakic, lui je l'ai vu.
21 Question Beli, Vlado Drmic?
22 Réponse: Je ne l'ai pas vu lui, pendant les première journée qui ont
23 suivi.
24 Question Avait-il une responsabilité particulière quant à
25 l'organisation de ces gardes dans le quartier?
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1 Réponse: Je ne sais pas à quoi vous pensez très exactement?
2 Question Est-ce qu'il avait une autorité hiérarchique sur les autres
3 habitants du quartier?
4 Réponse: Non. je pouvais peut-être sentir qu'il y avait là une
5 hiérarchie, jusqu'au moment où je n'y étais pas inclus, étant donné que
6 j'étais un peu politicien dans l'ancienne armée, mais comme j'étais
7 simplement sapeur-pompier bénévole. Une fois inclus, j'ai senti cela comme
8 une charge.
9 Question Est-ce que ce monsieur, Vlado Drmic, Beli, est devenu à un
10 moment donn, en 1993, l'un de vos supérieurs?
11 Réponse: Supérieur, dans la véritable acceptation du terme, non. Il est
12 vrai que c'est quelqu'un qui aime jouer la comédie pour faire l'important.
13 Pour la formation de cette unité militaire formelle, il a été déchargé du
14 déminage.
15 Réponse: Non, il ne l'a pas expliqué à la radio.
16 Question: D'après ce que vous avez indiqué tout à l'heure aussi, si je
17 vous ai bien compris, vous avez appris, le lendemain ou quelques temps
18 plus tard, qu'en fait la police musulmane avait retenu prisonniers vos
19 collègues pompiers, cette nuit-là. C'est bien exact?
20 Réponse: J'ai appris un peu plus tard, autrement dit quand je suis
21 retourné à la caserne des pompiers, ce qui aurait été normal, c'est que
22 les gens qui n'auraient pas participé à l'intervention, participent au
23 nettoyage des lieux et au remplissage des pompes, parce que, dans une
24 demi-heure, il pouvait y avoir une autre intervention.
25 Moi, quand je suis arrivé, j'ai vu que tout le monde était assis et que la
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1 porte était fermée. J'ai donc commencé à parler. J'ai dit: "Mai que se
2 passe-t-il?" Normalement, le travail se fait de façon différente. J'ai
3 parlé à Dragan à cette fin; il m'a dit qu'il ne pouvait pas parler avec
4 moi. Il y avait un policier à côté de lui; moi, ce policier, je n'ai pas
5 considéré que c'était un ennemi et cela ne me dérangeait pas qu'il soit
6 là. Mais lui ne voulait pas parler en sa présence. Ensuite, il s'est mis
7 de côté et il m'a dit: "Mais on nous a forcés à rentrer à l'intérieur, on
8 a été retenus prisonniers". Les autres étaient libres. C'est seulement au
9 moment de cette intervention, à laquelle nous avons participé, que cela
10 s'est passé.
11 Question: Cette Chambre a reçu, au cours de ce procès, des informations
12 -en particulier du témoin Edib Zlotrg, un des policiers présents, qui
13 faisait partie du commissariat musulman- selon lesquelles au cours de
14 cette nuit, de cette nuit où la banque a été détruite, les Croates de
15 Vitez, les membres de la caserne de pompiers qui étaient croates avaient
16 tenté de s'emparer des véhicules qu'ils voulaient récupérer et faire venir
17 dans la partie croate de Vitez. Il a indiqué que vous étiez l'une des
18 personnes les plus actives dans cette opération.
19 Ce n'est pas du tout la version que vous êtes en train de nous décrire. Je
20 peux lire ce à quoi je fais référence: "La banque de Sarajevo a explosé.
21 Darko Kraljevic était en charge de cette opération -c'est à cela que j'ai
22 fait référence tout à l'heure. Au même moment, des membres croates de la
23 brigade des pompiers volontaires de Vitez ont essayé d'entrer dans les
24 locaux de la caserne et de s'emparer des véhicules. Marijan Strukar, de
25 Stari Vitez, et quelques autres ont joué un rôle essentiel dans cette
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1 opération."
2 Je précise à la Chambre qu'il s'agit d'un document déjà admis sous la
3 référence Z332.2.
4 Un rapide commentaire sur cette explication fournie par un enquêteur de
5 police, présent sur les lieux à l'époque, et qui ne nous raconte pas du
6 tout la même histoire que celle que vous êtes en train de nous indiquer?
7 M. Mikulicic: Monsieur le Président, il serait peut-être bon, lorsqu'on
8 demande au témoin de commenter un document, de lui soumettre ce document.
9 M. le Président (interprétation): Essayons d'accélérer un peu.
10 Monsieur Strukar, les allégations faites en moment consistent à dire que
11 vous avez participé à la prise d'un certain nombre de véhicules. Dites-
12 nous simplement oui ou non, est-ce vrai?
13 M. Strukar (interprétation): Non.
14 M. le Président (interprétation): Très bien.
15 M. Strukar (interprétation): J'aimerais pouvoir apporter des explications
16 pendant une minute.
17 M. le Président (interprétation): Non, non. Essayons d'avancer.
18 Maître Lopez-Terres, vous avez la parole.
19 M. Lopez-Terres: Vous avez indiqué qu'avec des voisins de votre quartier
20 de Stari Vitez, vous preniez à tour de rôle des tours de garde dans le
21 quartier, au cours des mois qui ont précédé le mois d'avril 1993 et le
22 mois d'avril 1993 lui-même. A l'époque, vous n'aviez donc aucun lien avec
23 la Brigade de Vitez, vous n'apparteniez à aucune unité militaire: nous
24 sommes bien d'accord?
25 M. Strukar (interprétation): C'est exact à condition que vous ne
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1 considériez pas les sapeurs-pompiers comme une unité militaire.
2 Question: Je parle des tours de garde; je ne parle plus de vos autres
3 fonctions de sapeur-pompier. Lorsque vous preniez ces tours de garde avec
4 vos collègues, vous le faisiez de façon spontanée et sans recevoir
5 d'instruction d'une quelconque autorité militaire?
6 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)
7 Réponse: C'est exact.
8 Question: Vous nous avez dit, et avez produit un document à cet effet il
9 y a quelques instants, n'avoir officiellement enregistré comme membre de
10 la Brigade de Vitez qu'à partir du 18 mai 1993 et, ensuite, vous êtes
11 resté dans cette brigade pendant tout la période jusqu'à la fin du
12 conflit: nous sommes bien d'accord?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Pouvez-vous nous donner des précisions sur l'unité à laquelle
15 vous apparteniez, la compagnie, le bataillon?
16 Réponse: Il me faudra peut-être deux minutes. Jusqu'à la deuxième
17 quinzaine du mois de juillet...
18 Question: Vous avez été militaire de la Brigade de Vitez: vous devez
19 pouvoir me dire à quel bataillon, à quelle compagnie vous apparteniez,
20 dans ce secteur n°5 de Stari Vitez?
21 Réponse: C'est exact. Mais j'étais prêt à vous le dire, mais je
22 voudrais vous présenter les choses de la façon suivante: jusqu'à la
23 deuxième quinzaine du mois de juillet 1993, il n'y a pas eu de véritable
24 structure militaires. A ce moment-là, nous avons reçu un commandant et les
25 choses ont un peu changé. Je crois que c'est d'ailleurs seulement dans la
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1 deuxième quinzaine du mois de novembre que cette unité a été formée, dont
2 j'ai fait partie et qui s'appelait le 5e Bataillon.
3 C'étaient des structures militaires auxquelles nous donnions des noms et
4 qui gravitaient dans le secteur de Mahala. C'est donc seulement vers la
5 fin du mois de novembre qu'au sein de la Brigade de Vitez, une unité a été
6 créée qui s'appelait le 5e Bataillon. Je faisais partie de ce 5e
7 Bataillon.
8 Question: Avez-vous exercé des fonctions particulières au sein de la
9 brigade ou étiez-vous un simple soldat?
10 Réponse: Jusqu'à la création du bataillon, j'étais simple soldat. Au
11 moment où le 5e Bataillon a été créé, j'ai reçu le poste d'adjoint au
12 commandant du bataillon, chargé de ce que l'on appelait à l'époque la
13 politique, c'est-à-dire la formation.
14 Question: Je vais peut-être vous rafraîchir un peu la mémoire par le
15 document que je vais vous présenter. C'est un document signé par M.
16 Marijan Strukar, qui est effectivement adjoint du commandant, chargé de la
17 propagande et de l'information. Mais il s'agit du 4e Bataillon et de la 3e
18 Compagnie.
19 Je voudrais que vous regardiez ce document: il s'agit du document Z1220.1.
20 Peut-on présenter la version en langue BCS à M. Strukar? Et mettre la
21 version anglaise sur le rétroprojecteur? Vous avez ce document sous les
22 yeux.
23 Monsieur Strukar, est-ce un document que vous reconnaissez et que vous
24 avez signé?
25 Réponse: Oui, je le reconnais, je l'ai écrit à la main. Je ne me
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1 rappelle pas à quel moment ce manuscrit a été dactylographié. Mais c'est
2 ma signature.
3 Question: Le document porte bien la date du 28 septembre 1993, nous
4 sommes d'accord?
5 Réponse: Oui.
6 Question Une petite question au passage: la signature qui apparaît sur
7 la partie supérieure droite, vous la reconnaissez?
8 Réponse: Non.
9 Question Elle ressemble beaucoup à la signature de M. Cerkez. Vous avez
10 donc exercé des fonctions d'assistant, chargé -je le répète- de ce que
11 l'on appelait à l'époque IPD, c'est-à-dire la propagande et l'information.
12 Je suppose qu'on ne confiait pas ces fonctions à n'importe qui au sein
13 d'une unité militaire? Quand il s'agit de s'occuper de la propagande, ne
14 s'agit-il pas de faire passer un message vis-à-vis des autres militaires,
15 de faire passer des directives, de faire passer une politique vis-à-vis
16 des autres militaires?
17 Réponse: Eh bien, ce serait à peu près cela, mais je ne suis pas
18 entièrement d'accord avec vous en raison de quelque chose que je n'ai
19 jamais dit dans ce prétoire encore. Chez nous, dans notre pays, dans le
20 système qui avait cours avant, donc dans l'armée précédente, j'étais une
21 espèce d'adjoint chargé de l'IPD. Cela s'appelait un commissaire à
22 l'époque. Quelqu'un qui avait quelques connaissances à ce sujet au cours
23 d'une guerre. Lorsqu'une certaine politique s'est modifiée en Bosnie-
24 Herzégovine et en Yougoslavie, bien entendu, je n'étais pas d'accord avec
25 cette politique, car j'étais un homme politique appartenant à l'ancienne
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1 armée. Lorsqu'à Vitez, la situation est devenue telle que l'on ne savait
2 plus si l'on resterait en vie, mon commandant qui est venu me voir au mois
3 de juillet m'a demandé au mois de septembre de rédiger un document de ce
4 genre, c'est-à-dire une évaluation de la sécurité de notre unité.
5 Je vois ce qui est écrit ici. Je vois qu'il est écrit "Unité de ligne de
6 défense, 3e Compagnie, 3e Bataillon". J'ai écrit cela parce que je n'étais
7 pas encore expert. C'est plus tard que ce commandant, mon commandant m'a
8 dit que la bataillon avait été créé. Il est allé à la brigade, il a lu
9 cela. Il a dit: "Oui, effectivement, les gens là-haut, il faut qu'ils
10 s'organisent". C'était tout simplement une question de papiers. C'est à ce
11 moment-là, qu'on nous a donné le nom de 4e Bataillon.
12 Peut-être que j'ai écrit 4e Bataillon dans ce texte parce que, pour moi,
13 cela me semblait logique parce qu'à ce moment-là, la brigade avait quatre
14 bataillons, il me semblait logique que nous soyons la dernière. C'était
15 pour cette raison. Autrement dit, jusqu'à ce moment-là, je n'étais rien de
16 spécial. Ce texte, je l'ai écrit en qualité de simple soldat. Et ensuite,
17 je l'ai recopié quand nous sommes devenus un bataillon.
18 Question Vous l'avez écrit comme simple soldat mais il est quand même
19 signé comme adjoint chargé de la propagande et de l'information?
20 Réponse: Sans doute, quand cela a été dactylographié.
21 Question Ce bataillon, auquel vous apparteniez, qu'il s'agisse du
22 quatrième ou du cinquième, était bien dans la zone de Stari Vitez, ce que
23 vous appeliez Mahala?
24 Réponse: Oui.
25 Question Cette Chambre a reçu de nombreuses informations et témoignages
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1 selon lesquels la zone de Stari Vitez, après le 16 avril 1993 et jusqu'à
2 en février 1994, a été encerclée par les soldats du HVO et a fait l'objet
3 de nombreuses attaques par les forces du HVO? Etes-vous d'accord avec moi?
4 Réponse: Je ne suis pas d'accord avec les termes que vous avez utilisés
5 "attaque sur Mahala" car, pendant une grande partie de notre guerre, il
6 était dangereux pour nous et pour eux… Le danger régnait des deux côtés,
7 quand quelqu'un tirait une balle de notre côté, en face, on en retirait
8 deux et quand eux tiraient une balle, ils en recevaient deux chez nous.
9 C'était difficile de distinguer.
10 Question Qui encerclait qui à Stari Vitez?
11 Réponse: Je me souviens d'une réponse que j'ai entendue. Une femme a
12 posé par téléphone à sa sœur la question que vous venez vous-même de
13 poser. La réponse a été: "Comme, dans l'œuf, on a le blanc, c'est une
14 chose, on a le jaune, c'est une deuxième, et puis il y a l'œuf". Par
15 exemple, là où était ma maison…
16 Question Non, le jaune, c'étaient les Musulmans, le blanc, c'étaient
17 nous, à Vitez, les Croates, et la coquille était encore les Musulmans.
18 Question Vous avez participé à ces opérations militaires sur Stari
19 Vitez pendant toute cette période, puisque vous étiez affecté sur cette
20 zone?
21 Réponse: La ligne passait par ma maison, j'y suis resté pratiquement
22 tout le temps.
23 Question Au mois de juillet 1993, il y a eu une attaque importante qui
24 a été menée contre Mahala ou Stari Vitez par les forces du HVO. Avez-vous
25 participé à cette opération?
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1 Réponse: Oui. Nous avons tous participé, tous qui étions là-bas.
2 Question Quelles étaient les unités qui ont participé à cette
3 opération, à votre connaissance?
4 Réponse: Autant que je m'en souvienne, je me trouvais là où il y avait
5 mes collègues, mes voisins. Et notre tâche…
6 Question Monsieur Strukar, ne me parlez pas toujours des voisins. Nous
7 sommes dans une structure militaire. Vous nous avez dit que vous
8 apparteniez à un bataillon, vous rédigez des rapports pour une compagnie.
9 Vous allez devenir officier adjoint chargé de la propagande et de
10 l'information, donc cessez de nous parler de ces gardes avec les voisins.
11 Réponse: Oui, je sais mais je crois que vous avez un peu confondu avec
12 les événements qui se sont déroulés quatre mois avant la formation du
13 bataillon.
14 Question Je parle du mois de juillet: avez-vous, oui ou non, participé
15 à cette attaque au mois de juillet, menée contre Stari Vitez?
16 Réponse: Ce jour-là, pendant ces tirs qu'on a entendus, j'y ai
17 participé. Je crois que vos termes sont beaucoup trop lourds. Nous avons
18 reçu un commandant, uniquement lors de la seconde moitié du mois de
19 juillet. Cela s'est passé après les coups de feu entendus: après ce jour-
20 là, nous avons eu beaucoup de morts, nous avons eu seulement notre
21 commandant, quelqu'un qui est venu de la brigade pour organiser le tout.
22 Je n'étais qu'un simple soldat avec mes voisins.
23 Question Vous aviez un uniforme, une arme, des insignes du HVO ou pas?
24 Réponse: Non, ni arme ni uniforme ni insigne du HVO.
25 Question Vous êtes désigné le 18 juillet 1993, comme faisant partie de
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1 la Brigade de Vitez, et l'on ne vous équipe ni d'un uniforme ni d'une
2 arme?
3 Réponse: C'est bien cela.
4 Question Il en allait de même pour vos voisins de nationalité croate?
5 Réponse: Je dois dire que oui, disons, pour expliquer l'ordre de valeur
6 et de grandeur de 80 à 93%. Il y avait peut-être un élément seulement
7 d'uniforme; cela devrait rassembler à un soldat n'est-ce pas?
8 Question Vous pouvez nous parler et nous donner quelques informations
9 sur ces voisins avec lesquels vous étiez de garde de temps à autres?
10 Pouvez-vous nous donner quelques noms de ces personnes?
11 Réponse: Pourquoi pas? Tous mes voisins étaient là. A commencer… Par
12 ordre, que ce soit d'un côté ou de l'autre, à commencer par moi.
13 Question Pour activer les choses, si vous le voulez bien, Monsieur, je
14 vais vous proposer des noms et vous allez m'indiquer si vous connaissez
15 ces noms?
16 Réponse: Oui.
17 Question Monsieur Nikola Banic?
18 Réponse: Oui.
19 Question Ljuban Pavlovic?
20 Réponse: Ljuban Pavlovic, c'est un voisin, juste de l'autre côté de la
21 route.
22 Question: Monsieur Zvonko Mlakic?
23 Réponse: Oui, lui aussi, il résidait de l'autre côté de la route.
24 Question Monsieur Zoran Grabovac?
25 Réponse: Oui, il résidait du côté qui était le mien quant à la route.
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1 Question Connaissez-vous également un dénommé Vlado Drmic?
2 Réponse: Oui. Lui, il est peut-être le plus éloigné de chez moi, pour
3 parler de mes voisins.
4 Question Avait-il un surnom ce monsieur?
5 Réponse: Oui. Beli.
6 Question Bijeli?
7 Réponse: Non, tout simplement Beli.
8 Question Cela a une signification particulière?
9 Réponse: Il était ainsi surnommé par sa mère. Il était blond.
10 Question Toutes ces personnes dont nous venons de parler, que vous
11 confirmez être vos voisins, les avez-vous rencontrés au cours de la nuit
12 du 15 au 16 avril 1993?
13 Réponse: Oui. Nikola Banic, étant donné que j'ai justement installé ma
14 famille dans la maison à lui, c'est là que se rassemblaient les gens, de
15 60 à 70 personnes. Quant à Zvonko, lui, je ne sais pas… C'est quelqu'un
16 qui était souvent querelleur quand ces jeux militaires...
17 Question Au cours de la nuit du 15 au 16 avril?
18 Réponse: Oui. Mais je n'ai pas vu Ljubomir Pavlovic. Mais quant à
19 Zvonko Mlakic, lui, je l'ai vu.
20 Question Beli, Vlado Drmic?
21 Réponse: Je ne l'ai pas vu lui, pendant les premières journées qui ont
22 suivi.
23 Question Avait-il une responsabilité particulière quant à
24 l'organisation de ces gardes dans le quartier?
25 Réponse: Je ne sais pas à quoi vous pensez très exactement?
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1 Question Est-ce qu'il avait une autorité hiérarchique sur les autres
2 habitants du quartier?
3 Réponse: Non. je pouvais peut-être sentir qu'il y avait là une
4 hiérarchie, jusqu'au moment où je n'y étais pas inclus, étant donné que
5 j'étais un peu politicien dans l'ancienne armée. Mais comme j'étais
6 simplement sapeur-pompier bénévole, une fois inclus, j'ai senti cela comme
7 une charge.
8 Question Est-ce que ce monsieur, Vlado Drmic, Beli, est devenu à un
9 moment donné, en 1993, l'un de vos supérieurs?
10 Réponse: Supérieur, dans la véritable acceptation du terme, non. Il est
11 vrai que c'est quelqu'un qui aime jouer la comédie pour faire l'important.
12 Pour la formation de cette unité militaire formelle, il a été chargé du
13 déminage.
14 Question: Les noms que vous venez de nous indiquer correspondent-ils à
15 des personnes qui, elles aussi, ont été intégrées dans la Brigade de Vitez
16 au moment où vous, vous l'avez été?
17 Réponse: Encore une fois, je dois un peu essayer de tirer au clair:
18 s'agit-il du nom que je viens de mentionner ou bien des noms?
19 Question: MM. Drmic, Pavlovic, Grabovac, Banic, Mlakic ont-ils aussi
20 reçu un document de la Brigade de Vitez disant qu'ils étaient affectés à
21 la brigade?
22 Réponse: Je crois que oui. Quant à moi-même, je viens seulement de
23 retrouver ce papier quelque part dans ma maison.
24 Question: Nous avons commencé à parler de cette journée du 15 et du 16
25 avril, et donc du témoignage que vous avez donné tout à l'heure. Une
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1 première question me vient à l'esprit, Monsieur Strukar: vous avez déjà
2 déposé dans ce Tribunal, dans le cadre d'une autre affaire?
3 Réponse: Oui.
4 Question: C'est bien le 14 janvier 1999 que vous avez déposé ici, comme
5 témoin de la défense, dans l'affaire du général Blaskic?
6 Réponse: Je sais que c'était au mois de janvier, peut-être le 14,
7 probablement vos informations sont plus précises.
8 Question: Vous étiez bien témoin de la défense?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous avez déposé publiquement, comme vous le faites
11 aujourd'hui?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Avez-vous eu la possibilité de relire les déclarations que
14 vous aviez faites à l'époque, donc le 14 janvier 1999, avant de venir
15 déposer aujourd'hui?
16 Réponse: Non.
17 Question: Le 14 janvier, comme vous l'avez fait aujourd'hui, vous avez
18 prêté serment devant la Chambre qui vous entendait alors?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Je vais donc être obligé de reprendre cette déposition avec
21 vous parce que, depuis le 14 janvier 1999, il semble que vous ayez des
22 problèmes de mémoire.
23 Un premier point, d'abord: vous nous avez indiqué avoir constaté la
24 création d'une tranchée à proximité du quartier dans lequel vous habitiez.
25 Aviez-vous fait état de cette information lors de votre déposition dans
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1 l'affaire Blaskic?
2 Réponse: Je ne m'en souviens pas. Vous venez de dire "à proximité du
3 quartier où je résidais". C'est vrai qu'il s'agit de Mahala mais je n'ai
4 pas dit "à côté de ma maison", j'ai dit "près du terrain de football". Je
5 ne savais pas si les questions allaient dans ce sens.
6 Question: La question que je vous pose, c'est: avez-vous le souvenir
7 d'avoir parlé, lorsque vous avez déposé dans l'affaire Blaskic, de
8 l'existence d'une tranchée creusée par des Musulmans à proximité de votre
9 quartier?
10 Réponse: Je ne m'en souviens vraiment pas. Peut-être que c'était une
11 première fois, pour moi, de déposer devant un Tribunal.
12 Question: Vous ne pouvez pas vous en souvenir puisque vous ne l'avez pas
13 fait à l'époque. La question que je vous pose est: pour quelle raison
14 n'avez-vous pas signalé l'existence de cette tranchée que des Musulmans
15 auraient creusée en direction des Croates, comme vous venez de nous le
16 dire aujourd'hui? C'est la première fois que vous en parlez.
17 Réponse: Oui. Voyez-vous, autant que je puisse faire un effort pour
18 expliquer, vous-même et M. le conseil de la défense, vous référez à des
19 réponses que j'aurais données à telle ou telle question. Mais peut-être
20 que jamais personne ne m'a posé une question de ce genre, à cette époque-
21 là.
22 Question: Et la présence de cette tranchée ne vous était pas apparue
23 comme suffisamment grave ou importante pour que vous la signaliez
24 spontanément au conseil de la défense à l'époque?
25 Réponse: Je ne sais pas. Les avocats de la défense ne m'ont pas demandé
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1 de raconter toute ma vie pour que l'on puisse faire un choix de ce qui
2 intéresse ici les gens. Tout simplement, j'ai essayé de donner des
3 réponses à des questions qui m'ont été posées. Mais, en 1992, il y avait
4 tant de détails, des centaines de détails...
5 M. Lopez-Terres: J'ai donc indiqué que vous aviez ajouté (inaudible)...
6 Je voudrais que nous parlions maintenant des éléments qui ne figurent plus
7 dans la version que vous avez donnée aujourd'hui de ce qui s'est passé les
8 15 et 16 avril et les jours suivants. Tout d'abord, est-il exact, oui ou
9 non, que le soir du 15 avril vers 19 heures 30, quelqu'un est venu vous
10 voir en vous disant: "Les Musulmans sont en train de préparer quelque
11 chose"?
12 Réponse: Oui, à peu près. Ce serait une phrase que j'aurais prononcée
13 lors de cette première déposition mais tout dépend de la façon dont on
14 l'interprète. Pendant ces gardes villageoises, j'avais dit notamment que
15 ces gardes duraient pendant quelques jours et puis il n'y avait pas de
16 gardes pendant quelques jours. Après, on les reprenait encore, etc.
17 Pendant cette période-là, ce n'était pas si fréquent que cela. Et ce soir,
18 peut-être qu'un ami était venu pour me dire: "Allez, tu vas faire ton tour
19 de garde". Oui, probablement quelqu'un, par mes voisins, est venu me le
20 dire. Il n'y avait pas une liste d'après laquelle on devait dire: "Voilà,
21 c'est ton tour de garde maintenant".
22 Question: Au cours de la même nuit, avez-vous eu d'autres voisins qui
23 sont venus vous donner des informations sur ce qui était susceptible de se
24 passer? Vous n'en avez pas parlé, aujourd'hui.
25 Réponse: J'ai dit qu'il y avait un lieu de rassemblement à une distance
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1 de 200 ou 300 mètres de chez moi où encore, quand on était jeunes gens, on
2 se rassemblait. C'est là que des gens venaient, on entendait des rumeurs
3 comme quoi il avait fallu faire ceci ou cela, prendre telle ou telle
4 initiative.
5 Peut-être que j'ai appris que, pour un premier tour de rôle, j'étais
6 libre. Par conséquent, j'ai pu rentrer chez moi. Vous comprenez, ce n'est
7 pas une institution, un bâtiment ici comme ici à La Haye; il s'agit de
8 maisons à quelques mètres les unes des autres.
9 Question: Au cours de la nuit dont nous parlons, vous avez déclaré,
10 lorsque vous avez déposé en janvier 1999, que quelqu'un était venu chez
11 vous en pleine nuit, aux environs de 3 heures ou 3 heures 30. Et à la
12 suite de cette visite, vous aviez réveillé vos enfants, réveillé votre
13 femme et vous étiez partis chez un voisin qui était M. Nikola Banic. Vous
14 nous avez dit aujourd'hui que vous avez passé la nuit chez vous; vous
15 n'avez absolument pas parlé ni de votre femme ni de vos enfants.
16 La question que je vous pose est: est-ce que, oui ou non, au cours de la
17 nuit, vous avez transféré, vous avez réveillé votre femme et vos enfants
18 et leur avez demandé de se rendre dans un bâtiment où ils seraient en plus
19 grande sûreté?
20 Réponse: Il est difficile de répondre par oui ou non. Si j'apparais une
21 troisième fois pour déposer, quelqu'un pourrait me dire qu'évidemment,
22 précédemment, je n'avais rien dit là-dessus. Il est vrai d'abord que je
23 m'y suis rendu.
24 M. Bennouna: La question qui est posée est très simple. Vous devriez
25 pouvoir répondre par oui ou non. C'est une question de fait, ce n'est pas
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1 une question qui va évoluer dans le temps: que s'est-il passé cette nuit-
2 là? Avez-vous passé la nuit... La question qui vous est posée par le
3 Procureur est: est-ce que vous avez passé la nuit chez vous ou est-ce que
4 vous avez quitté avec votre famille au cours de la nuit?
5 Vous devriez pouvoir répondre à cette question de façon précise.
6 M. Strukar (interprétation): Nous pourrions, en ce qui nous concerne,
7 hommes de Vitez, répondre à de telles questions s'il s'agissait
8 d'événements qui s'étaient produits ici dans le prétoire. Mais une autre
9 réponse simple, par oui ou par non, fait qu'on serait dans son tort.
10 Lorsque j'ai dit que j'étais éveillé et que j'avais eu la permission de me
11 rendre jusqu'à minuit chez moi, et qu'après minuit, je devais être
12 éveillé... Je dois dire que chez nous, là-bas, on ne se couche jamais
13 avant 11 heures du soir ou minuit. Tout simplement, on a été un petit peu
14 agités et...
15 M. Lopez-Terres: Puisque vous ne paraissez pas comprendre ni la question
16 que je vous pose ni celle que M. le Juge Bennouna a bien voulu vous
17 reposer, avez-vous déclaré, oui ou non, le 14 janvier 1999, qu'au cours de
18 la nuit, après qu'un voisin fut passé à votre maison, vous avez réveillé
19 votre femme, vos enfants et vous êtes parti avec eux vous abriter dans la
20 maison de M. Nikola Banic?
21 Vous avez indiqué à l'époque que cela se passait aux environs de 3 heures
22 ou de 3 heures 30 du matin. Vous n'avez pas du tout passé la nuit comme
23 vous l'avez affirmé aujourd'hui dans votre maison?
24 Réponse: A aucun moment, je n'ai dit avoir passé la nuit dans ma
25 maison. Je vous avais dit tout à l'heure "pour nous mettre à l'abri".
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1 Après minuit, j'étais éveillé. Mon collègue, avec qui j'étais assis, m'a
2 dit: "Ecoute, il serait plus intelligent de transférer les tiens chez moi.
3 On ne sait jamais ce qui peut se passer." C'était la vingt et unième fois
4 que j'en faisais autant pendant ces trois mois qui se sont écoulés de la
5 sorte. Il n'y avait rien de nouveau là-dedans.
6 Question: Simplement, vous nous confirmez ce que vous nous avez dit en
7 janvier. Il s'agit de quelque chose que vous n'avez absolument pas signalé
8 aujourd'hui et qui ne figure pas non plus dans le résumé écrit qui a été
9 présenté en votre nom, où il est indiqué que vous avez passé la nuit à
10 monter la garde et que vous êtes resté ensuite dans votre cave à l'abri. A
11 aucun moment, vous ne faites état de ce déplacement et du réveil de votre
12 famille ni de la maison de M. Banic. C'est parce que j'insiste que vous en
13 parlez, Monsieur Strukar.
14 M. le Président (interprétation): Une seconde, s'il vous plaît. Monsieur
15 Lopez-Terres, nous avons bien saisi cette différence dans la déposition.
16 Je crois qu'il n'y a guère besoin d'y aller plus avant. Je vous prie de
17 bien vouloir achever cet interrogatoire. Nous avons encore cinq témoins à
18 entendre.
19 M. Lopez-Terres: Il y a de telles contradictions entre la version donnée
20 devant le procès M. Blaskic et la version qui vous est donnée par le
21 résumé et par le témoin aujourd'hui, qu'il me paraît de mon devoir de
22 faire état de ces contradictions. Si, pour des raisons de rapidité, il est
23 nécessaire d'aller plus vite, je ne vois pas d'autre solution que de vous
24 demander d'admettre le transcript du témoin comme pièce à conviction. Il y
25 a des éléments d'information sur lesquels je vais insister parce qu'ils me
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1 paraissent fondamentaux. Celui-ci n'était qu'un premier élément.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Lopez-Terres, nous sommes en
3 quelque sorte entre vos mains. S'il y a quelque chose d'important, bien
4 sûr, vous devez le dire. mais ayez toujours à l'esprit que vraiment le
5 temps nous est précieux.
6 M. Lopez-Terres: Je vais résumer rapidement ce que j'ai retiré de la
7 déclaration du témoin, M. Strukar, en janvier 1999, dans le cadre du
8 procès Blaskic.
9 M. Mikulicic (interprétation): Je prie, Monsieur le Président, que mon
10 collègue veuille bien se référer au numéro de la page.
11 M. le Président (interprétation): Oui, lorsque vous le dites, Monsieur
12 Lopez-Terres, je vous prie de vous référer à la numérotation du
13 transcript.
14 M. Lopez-Terres: Il s'agit de la pagination de la version anglaise dont je
15 disposais. L'événement dont je viens de parler, c'est-à-dire le réveil de
16 votre épouse et de vos enfants, figure à la page 16899.
17 N'avez-vous pas indiqué, au cours de cette même déposition dans le cadre
18 du procès Blaskic, à la page 16900, que quelqu'un -que vous n'avez pas
19 précisé- est venu au cours de la nuit et vous a indiqué, après que vous
20 avez eu transféré votre famille, alors que vous étiez avec ces autres
21 hommes de quartier: "Ne vous inquiétez pas: un groupe de jeunes gens de
22 Nova Bila est arrivé. Ce sont des soldats aguerris". Page 16900.
23 L'avez-vous dit oui ou non?
24 Réponse: Vous voulez que je réponde toujours par oui ou par non. Cela
25 s'est passé vers l'aube où l'on ne sait pas exactement ce que l'on fait.
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1 La peur est présente. Quelqu'un a dit: "N'ayez aucune crainte, des jeunes
2 gens viendront pour arranger tout cela."
3 Question: Il ne s'agit pas de gens qui viendront. La personne est venue
4 vous dire: "Ne vous inquiétez pas, des jeunes gens sont arrivés de Nova
5 Bila. Ce sont de bons soldats." C'est ce qui est indiqué.
6 Réponse: Mais lorsque vous le prononcez de la sorte, cela ne correspond
7 pas à la réalité.
8 Question: Je ne fais que relire ce que vous avez dit en janvier 1999. A
9 propos de ces mêmes gens, de ces mêmes hommes de Nova Bila, vous avez
10 indiqué également que vous les avez vus au cours de la nuit. Vous les avez
11 vu rôder autour de vos maisons, vous avez vu qu'ils étaient en uniformes.
12 Je vais indiquer toutes les références, monsieur le Président. Vous avez
13 vu qu'ils expulsaient les Musulmans de leurs maisons, vous avez vu qu'ils
14 disposaient d'un canon avec lequel ils tiraient, vous avez même décrit ce
15 canon. Vous avez indiqué que, comme ils expulsaient les Musulmans de leurs
16 maisons, ils les ont poussés vers vos maisons à vous. Ces Musulmans ont
17 été regroupés dans quatre maisons croates du quartier.
18 Je peux donner les références maintenant, Monsieur le Président. Page
19 16902, à propos des Musulmans qui sont expulsés de leurs maisons par ces
20 hommes de Nova Bila, ces hommes de Nova Bila qui avaient un canon. Vous
21 avez dit avoir entendu tirer ce canon. Vous l'avez décrit: un canon de 20
22 millimètres. C'était un canon monté sur un plateau, un canon anti-aérien à
23 trois tubes. Vous avez vu ce canon, page 16970. "Les Musulmans ont été
24 regroupés dans les maisons de Nikola Banic, Slavko Blaz, Slavko Batinic,
25 Ivan Tihi (?), page 16935.
Page 25124
1 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant avoir une
2 suspension d'audience pour que le témoin puisse répondre à toutes ces
3 questions.
4 Avez-vous vu ces jeunes gens expulser les Musulmans de leur maison?
5 Réponse: Excusez-moi, Monsieur le Juge. C'est à peu près cela, mais je
6 ne peux pas répondre à l'avocat de l'accusation par oui ou non. On veut se
7 référer à ce que j'aurais pu ou n'aurais pas pu voir au cours de la nuit.
8 C'était donc après, le lendemain, une fois le jour levé, lorsque l'on a pu
9 voir quelque chose si jamais quelque chose est arrivé.
10 M. le Président (interprétation): Vous avez vu les Musulmans expulsés de
11 leurs maisons, n'est-ce pas?
12 M. Strukar (interprétation): Non.
13 M. le Président (interprétation): Pourquoi l'avez-vous dit?
14 M. Strukar (interprétation): Je ne sais pas ce qui est écrit dans le
15 procès-verbal. Je ne l'ai pas vu. Mais les Musulmans disaient ainsi, ceux
16 qui sortaient de leur maison et allaient vers des maisons où se trouvaient
17 déjà regroupés des civils. Si on appelle cela expulsion…!
18 Je ne sais pas si je me fais bien entendre. Il ne s'agit pas de distances
19 de plusieurs kilomètres, mais de quelques dizaines de mètres.
20 M. Lopez-Terres: La page 16902 est formelle sur ce point, Monsieur le
21 Président.
22 M. le Président (interprétation): Je crois que nous allons adopter le
23 transcript et nous allons entendre également ce que Me Mikulicic a à dire
24 là-dessus, après la suspension d'audience. Pour économie de temps, vous
25 pouvez peut-être nous renvoyer à des parties du transcript, telles que
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1 vous les avez visées. Nous n'avons pas le temps de faire la lecture de
2 l'ensemble du transcript. Autrement, on ne s'en tirera jamais. Nous devons
3 nous dépêcher.
4 Ce que vous pouvez faire, c'est indiquer là où il y a le plus de
5 désaccords, pas ceux que vous considérez comme minimes: les désaccords
6 considérés comme les plus importants.
7 Suspension d'audience jusqu'à 14 heures 30.
8 Monsieur Strukar, ne parlez à personne de votre déposition.
9 (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 40.)
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Lopez-Terres?
11 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président?
12 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Mikulicic.
13 (Questions relatives à la procédure.)
14 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le
15 permettez, j'aimerais conformément à votre décision parler de la situation
16 dans laquelle nous nous trouverons et je le ferai le plus brièvement
17 possible.
18 Il est manifeste que le collègue de l'accusation provoque un témoin qui
19 dit la vérité. Il le fait en présentant des éléments émanant du témoignage
20 de M. Blaskic et au sujet desquels je ne lui ai posé aucune question lors
21 de mon interrogatoire principal. Dans ce sens, le contre-interrogatoire ne
22 correspond pas à l'article 90(a) du Règlement, car il ne s'appuie pas sur
23 l'interrogatoire principal. Cela étant, je n'ai pas élevé d'objections à
24 ce sujet jusqu'à présent car je considérais qu'une telle manière
25 d'interroger le témoin pouvait être acceptable dans la mesure où il
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1 s'agissait de vérifier la crédibilité du témoin.
2 Cependant, M. Lopez-Terres tient à montrer des contradictions dans la
3 déposition de ce témoin, et, sur le fond, il ne compare pas deux
4 affirmations ou deux déclarations de natures différentes. Il se contente
5 d'invoquer une seule déclaration, une seule affirmation, celle dans
6 laquelle le témoin, au cours de l'interrogatoire principal, n'a reçu
7 aucune question de ma part.
8 Le concept d'interrogatoire contradictoire implique l'existence, au moins,
9 de deux affirmations différentes et en aucun cas l'existence d'une seule
10 affirmation. Donc, à mon avis, M. Lopez-Terres aurait dû d'abord
11 interroger le témoin sur un fait particulier et, ensuite, lui soumettre
12 une déclaration faite antérieurement et éventuellement contradictoire et
13 ce, en plaçant le texte sur le rétroprojecteur de façon à ce que chacun
14 d'entre nous dans le prétoire, et notamment les Juges, puisse voir de quoi
15 il est question exactement. C'est seulement dans un deuxième temps qu'il
16 aurait fallu permettre au témoin de se prononcer au sujet de cette
17 éventuelle contradiction.
18 Or, les choses ne se sont absolument pas passées de cette façon. Au lieu
19 de cette façon de procéder qui, à mon avis, constitue une manière
20 équitable de s'adresser au témoin, M. Lopez-Terres a lu une partie d'une
21 déclaration du témoin qui sort du champ de l'interrogatoire principal.
22 De cette façon, il a proposé au témoin ses propres commentaires sur ce
23 passage.
24 Je m'oppose donc à cette façon de procéder et à l'admission de cet élément
25 de preuve, car je considère que cette façon d'interroger le témoin n'est
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1 pas conforme au Règlement de procédure et de preuve de ce Tribunal.
2 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas exact. En fait, il a été
3 conforme au Règlement du Tribunal, sinon nous l'aurions exclu. Vous pouvez
4 contredire un témoin en lui soumettant ce qu'il a dit dans une situation
5 antérieure et ce, surtout lorsque cette déclaration a été faite avec
6 déclaration solennelle. Ce n'est donc pas contraire au Règlement. Il est
7 tout à fait normal de tester la crédibilité du témoin. La méthode utilisée
8 permet de vérifier ce qu'a dit le témoin mais cette méthode est une
9 question différente. Nous pouvons discuter de la méthode.
10 Monsieur Lopez-Terres, avez-vous encore beaucoup de questions à poser à ce
11 témoin?
12 M. Lopez-Terres: Beaucoup de questions, non. Puisqu'il s'agit d'une
13 question de méthode, je tiens à rappeler encore une fois que je n'étais
14 pas en mesure de faire apparaître des contradictions puisqu'en l'espèce,
15 il n'y a pas de contradiction mais simplement des omissions. La Chambre
16 s'est vu remettre un résumé et aujourd'hui un témoignage, qui ne
17 comportent pas un grand nombre de faits que le témoin avait évoqués dans
18 le cadre du procès Blaskic. L'objet principal était de faire apparaître
19 ces omissions. Conformément à votre demande, Monsieur le Président, j'ai
20 au cours des instants qui ont séparé la pause...
21 M. Bennouna: Pardon, Maître Lopez-Terres. Avant d'aller plus loin, vous
22 pouvez faire… Je crois qu'il y a un point qui me paraît fondé dans ce que
23 Me Mikulicic vient de nous dire, c'est que vous devez quand même fonder
24 votre contre-interrogatoire à partir de l'interrogatoire principal, du
25 témoignage principal. Cela, c'est le Règlement de preuve et de procédure.
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1 Vous contre-interrogez le témoin à partir de ce qui a été dit au
2 principal. Alors, vous pouvez effectivement rappeler certains éléments que
3 Me Mikulicic lui a posés, certaines questions, certaines de ses réponses
4 et les confronter à un transcript antérieur.
5 Maintenant, vous nous dites qu'il y a des omissions. Le témoignage n'est
6 pas obligé de porter sur l'ensemble de ce qui a été dit dans Blaskic, le
7 témoignage dans ce procès. Il n'est pas obligé de se comporter, à moins
8 que ce qui a été dit là-bas, dans un autre ailleurs, comme vient de le
9 dire le Président, vienne en contradiction totale de ce qui vient d'être
10 dit ici.
11 Je crois qu'il y a quand même une chose à distinguer. S'il y a une
12 omission qui n'a rien à voir avec notre procès; ceci ne doit pas
13 normalement faire partie du contre-interrogatoire. Par contre, je crois
14 que Me Mikulicic a raison sur un point: c'est qu'à partir de ce que vient
15 de dire le témoin, du témoignage principal, que vous pouvez amener un
16 témoignage antérieur qui viendrait soit mettre en cause sa crédibilité,
17 soit le contredire totalement.
18 Je crois que cette précision au niveau de l'omission est importante. Mais
19 on ne peut comparer que des choses comparables. Là, on est dans la
20 logique.
21 M. Lopez-Terres: Tout à fait, Monsieur le Juge. Il est clair que tous les
22 faits sur lesquels je peux effectivement poser des questions au témoin
23 sont des faits qui concernent ce qui s'est passé les 15, 16 avril et les
24 jours suivants, c'est-à-dire il m'apparaît que cela rentre exactement dans
25 le cadre des faits sur lesquels il a déjà déposé. Il ne s'agit pas de
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1 faits nouveaux; ce sont des faits dont votre Tribunal a déjà entendu
2 parler et qui font partie de l'acte de poursuite.
3 (Les Juges se consultent sur le siège.)
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Lopez-Terres, nous vous
5 laisserons poursuivre votre contre-interrogatoire au sujet des questions
6 liées aux 15 et 16 mais, je vous en prie, faites-le de façon succincte en
7 mettant le témoin en position de répondre, s'il a une réponse, et en
8 avançant ensuite comme il se doit. Je vous en prie.
9 M. Lopez-Terres: Merci, Monsieur le Président.
10 Je tenais à indiquer que, conformément à vos instructions, nous avons
11 préparé des copies à l'usage la Chambre du transcript du témoignage de M.
12 Strukar dans l'autre affaire. J'ai également, avec l'aide d'une
13 assistante, sélectionné les passages qui me paraissaient importants en
14 fonction des thèmes que j'avais retenus et des points sur lesquels le
15 témoin ne s'est pas exprimé.
16 L'un a été évoqué avant la pause: le fait que sa famille est partie dans
17 un abri.
18 Ensuite, la présence de ces jeunes gens de Nova Bila, que nous avons déjà
19 évoquée, la présence de membres du groupe des Vitezovi et de Darko
20 Kraljevic, également aperçus par le témoin; les informations qu'il avait
21 pu donner sur les Musulmans qu'il a vu arriver, qui avaient été expulsés.
22 Et, enfin, quelque chose qu'il avait indiqué et qui s'est passé quelques
23 jours plus tard à propos de l'explosion du camion, ce que l'on appelle
24 habituellement dans ce procès, selon la formule anglaise, le "truck bomb".
25 C'étaient les point que j'ai identifiés comme étant les points principaux
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1 qui me paraissaient mériter votre attention dans le transcript du procès
2 Blaskic. Vous avez le transcript dans son intégralité et les extraits par
3 thèmes que j'ai sélectionnés.
4 M. le Président (interprétation): Très bien. Eh bien, voyons cela.
5 M. Lopez-Terres: Le transcript porte la référence Z2829 et les extraits
6 par thèmes Z2829A.
7 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président, je demanderai
8 simplement que ce transcript soit mis à disposition du témoin de façon à
9 ce qu'il puisse voir sur quels sujets il va devoir s'exprimer.
10 M. le Président (interprétation): Oui. Le témoin lit-il l'anglais?
11 M. Mikulicic (interprétation): Non.
12 M. le Président (interprétation): Oui, cela semble tout à fait juste mais
13 je ne vois pas quelle serait l'utilité si le témoin ne peut pas le lire.
14 M. Mikulicic (interprétation): Mais ce n'est pas juste, si le témoin ne
15 peut pas lire ce texte. Il importe de donner au témoin la possibilité de
16 prendre connaissance de ce sur quoi il va devoir s'exprimer.
17 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je ne vous suis pas. Il ne
18 comprend pas l'anglais?
19 M. Mikulicic (interprétation): Il ne comprend pas l'anglais mais il est
20 possible de placer sur le rétroprojecteur la partie du texte en anglais
21 auquel M. Lopez-Terres fait référence, de façon à ce que cela soit traduit
22 et qu'il comprenne de quoi il est question. Il faut qu'il ait la
23 possibilité de savoir sur quoi il va devoir s'exprimer.
24 M. le Président (interprétation): J'aimerais voir le document d'abord.
25 Oui, les interprètes auront besoin d'un exemplaire. Tout le monde doit
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1 avoir un exemplaire.
2 Monsieur Lopez-Terres, pouvez-vous nous aider à nous y retrouver dans ces
3 extraits? Quelles sont les pages au sujet desquelles vous souhaitez
4 interroger le témoin? Nous en sommes arrivés à la page 16958 où il est
5 question d'un homme de Nova Bila.
6 M. Lopez-Terres: Monsieur le Président, j'ai essayé, dans le temps que
7 j'avais entre la pause et maintenant, de regrouper les extraits qui me
8 paraissaient les plus importants. J'ai sélectionné ces thèmes. Je peux
9 très bien, comme cela m'a été suggéré il y a quelques instants, demander
10 au témoin ce qu'il peut nous dire à partir de questions que je lui poserai
11 sur ces thèmes-là et sur ce qu'il a vu et ce qu'il fait au cours de la
12 soirée.
13 M. Bennouna: Monsieur Lopez-Terres, nous sommes quand même un peu
14 inquiets, ce qui est normal, au niveau du temps. Vous comptez prendre
15 combien de temps pour cet exercice?
16 M. Lopez-Terres: Monsieur le Président, Monsieur le Juge, si je pose
17 disons deux questions pour chaque thème, en fonction des réponses qui
18 seront faites, évidemment, on peut passer au thème suivant.
19 M. Bennouna: Mais vous devez vous limiter au niveau temps pour cet
20 exercice-là. C'est un contre-interrogatoire. Cela ne doit pas...
21 M. Lopez-Terres: Un quart d'heure?
22 M. Bennouna: Si c'est dans une limite raisonnable, à ce moment-là, si
23 c'est un quart d'heure ou vingt minutes, oui.
24 (Les Juges se consultent sur le siège.)
25 M. le Président (interprétation): Eh bien, vous disposez d'un quart
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1 d'heure pour votre contre-interrogatoire sur ces sujets. Pour le moment,
2 nous ne pensons pas à l'admission du documents en tant qu'éléments de
3 preuve. Nous nous contentons d'entendre ce qui sera dit en réponse aux
4 questions du Procureur.
5 Maître Mikulicic, vous avez demandé à ce que ce témoin ait le document
6 sous les yeux, même s'il est en langue étrangère?
7 M. Mikulicic (interprétation): Bien sûr que non, Monsieur le Président. La
8 seule chose que je souhaite, c'est que les extraits du document auxquels
9 mon collègue, M. Lopez-Terres, fait référence soient traduits pour le
10 Témoin, c'est à dire que, par le biais des interprètes, il ait la
11 possibilité de savoir de quoi il est question.
12 M. le Président (interprétation): Très bien. Oui, Monsieur Lopez Terres,
13 eh bien, je vous demanderai de vous contenter de vous concentrer sur les
14 points les plus importants.
15 M. Lopez-Terres: Monsieur Strukar, est-il exact qu'au cours de la nuit du
16 15 au 16 avril, aux environs de 3 heures du matin, vous avez réveillé
17 votre épouse et vos enfants et que vous les avez conduits chez l'un de vos
18 voisins qui s'appelait M. Nikola Banic?
19 Réponse: …
20 Question Oui ou non?
21 Réponse: Vous me demandez encore une fois de répondre par oui ou par
22 non. Le fait de devoir répondre par oui ou non modifie terriblement le
23 fond de ce que je vais dire.
24 M. le Président (interprétation): N'argumentez pas. Arrêtez d'argumenter,
25 Monsieur Strukar. La question est très simple: avez-vous, à 3 heures et
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1 demie, emmené votre femme et vos enfants jusqu'à la maison de M. Banic? Si
2 l'heure était différente, dites-le nous.
3 Réponse: Excusez-moi. Oui.
4 M. le Président (interprétation): Merci.
5 M. Lopez-Terres: Est-ce que d'autres Croates du quartier de Mahala dans
6 lequel vous habitiez ont également fait la même chose, ont conduit leur
7 femme et leurs enfants au même endroit, chez M. Banic?
8 Réponse: C'est encore une question à laquelle je suis dans l'incapacité
9 de répondre par oui ou par non. Certains l'ont fait, certains ne l'ont pas
10 fait.
11 M. Lopez-Terres: Avez-vous retrouvé d'autres femmes, d'autres enfants
12 croates chez M. Banic, lorsque vous y avez conduit votre famille?
13 Réponse: A ce moment-là, non.
14 M. Bennouna: Vous devriez tout de même vous plier à la règle qui a été
15 posée par le Tribunal, parce que vous êtes en train de porter atteinte
16 vous-même à votre crédibilité.
17 La question qui vous a été posée ce n'est pas: est-ce que tous les Croates
18 sont allés chez M. Banic? Est-ce que d'autres familles croates sont allées
19 chez M. Banic? C'est oui ou non? C'est tout. Vous le savez ou vous ne le
20 savez pas. On ne vous a pas demandé… Vous dites: "Il y en a qui sont allés
21 et d'autres qui ne sont pas allés". Ce n'est pas une réponse. On vous a
22 dit: "Est-ce que certaines autres familles, en dehors de vous, y sont
23 allées?" Alors, vous devez répondre par oui ou par non.
24 Réponse: Je ne comprends vraiment pas votre question quand vous dites:
25 vous devez répondre par oui ou par non.
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1 M. Bennouna: Est-ce que, en dehors de vous-même, d'autres familles croates
2 sont allées chez M. Banic cette nuit-là?
3 Réponse: Cette nuit-là, oui.
4 Mais je vous en prie, je vous en prie, ma maison est parmi les maisons qui
5 sont le plus près de Mahala. Certaines maisons étaient déjà là.
6 M. Lopez-Terres: Vous avez bien dit -et c'est la référence à la page
7 16899-: "Tout ceci s'est passé vers 3 heures ou 3 heures et demie;
8 quelques-uns de mes voisins les plus proches ont également conduit leur
9 famille chez M. Banic".
10 C'est bien ce qui figure dans le transcript?
11 Réponse: Si c'est écrit, je ne peux rien dire, mais de la même façon
12 que cela se passe ici dans ce prétoire, à l'époque, on m'a mis des mots
13 dans la bouche qui n'étaient pas les miens, parce que je ne les ai pas
14 emmenés dans cette maison. Ce ne sont pas mon épouse et mes enfants qui
15 n'ont pas deux ou trois ans d'âge, donc je ne les ai pas mis au lit!
16 Question Alors que vous étiez regroupés dans cette maison Banic, vous
17 et d'autre familles croates, est-ce que quelqu'un est arrivé et vous a dit
18 quelque chose pour vous rassurer, puisque vous étiez inquiets à ce moment-
19 là?
20 Réponse: La question porte toujours sur l'heure. Moi, je n'étais pas
21 dans cette maison, j'étais à l'extérieur, j'étais en patrouille. Quand
22 l'aube arrive, personne n'est indifférent. Je sais qu'il y en avait qui
23 avaient peur et qui disaient qu'il faut faire attention.
24 M. Lopez-Terres: Est-ce que quelqu'un a dit que des jeunes gens de Nova
25 Bila était arrivés?
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1 Réponse: A l'instant, je ne me rappelle pas si les choses ont été dites
2 exactement de cette façon. Je ne me souviens pas si l'avocat m'a présenté
3 la chose de cette façon et si j'ai répondu oui, parce que je crois même
4 avoir dit, avoir parlé d'une direction Travnik/Stari Bila/Nova Bila. Je
5 pense avoir parlé d'une direction.
6 Question Vous avez, quand vous le voulez, une bonne mémoire: vous
7 faites exactement référence à la page qui m'intéresse, la page 16900.
8 Vous avez dit: "Je me rappelle qu'à un moment donné, quelqu'un a dit: Vous
9 ne devrez plus vous inquiéter. Et quelqu'un a dit: Ne vous inquiétez plus,
10 car des jeunes gens de Nova Bila sont arrivés".
11 Vous avez dit -c'est ce que vous vous rappelez maintenant-: "Nova Bila est
12 du côté de Travnik. Quelqu'un a dit, ou on a dit, qu'il s'agissait de
13 soldats aguerris et qu'ils allaient nous protéger".
14 Est-ce que, oui ou non, vous avez dit cela le 14 janvier 1999?
15 Réponse: J'essaie de me rappeler exactement ce que j'ai dit. Maintenant
16 ce qui a été consigné au compte rendu d'audience, il est probable que ce
17 soit approximativement la même chose.
18 Question Qui étaient ces jeunes gens de Nova Bila dont on vous a parlé?
19 Réponse: Maintenant, vous me reposez une question et vous direz
20 ensuite: Mais c'est vous qui avez dit qu'ils étaient de Nova Bila. Moi,
21 j'ai simplement dit qu'il y en a qui sont arrivés et, chez nous, tout le
22 monde savait porter un fusil; en tout cas, s'il y avait quelque chose à
23 entreprendre car nous avions peur. Nous avions peur et il est normal, dans
24 une situation de ce genre, d'avoir peur.
25 Question Vous ne répondez pas à la question que je vous pose. Je vous
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1 demande: lorsqu'on vous a dit que des jeunes gens de Nova Bila étaient
2 arrivés et allaient vous protéger, qui étaient ces jeunes gens de Nova
3 Bila? Monsieur Strukar, que représentaient-ils pour vous?
4 Réponse: J'ai essayé d'interrompre tout à l'heure et je vous prie de
5 m'excuser. Vous me dites: "quand on vous a dit", mais je ne sais pas si
6 vous vous rendez compte de ce que cela représente. Cinq ou six hommes et,
7 tout d'un coup, quelqu'un arrive et dit: "N'ayez pas peur". Personne ne
8 m'a parlé à moi, personnellement, vous me comprenez? Mais je me rappelle
9 que quelqu'un a dit cela pour nous rassurer.
10 Question Un peu plus tard, après qu'on vous ait donné cette
11 information, une fois que…
12 Réponse: Là encore, vous dites que j'ai reçu une information.
13 M. le Président (interprétation): N'interrompez pas. Veuillez poursuivre,
14 Monsieur Lopez-Terres.
15 M. Lopez-Terres: …que vous ayez reçu cette information, de qui qu'elle
16 émane -vous ne l'avez pas précisé-, une fois que les combats ont commencé,
17 vous avez pu voir ces jeunes gens de Nova Bila, vous-même? Oui ou non?
18 Réponse: Encore une fois, on me demande de répondre par oui ou par non.
19 Pas à ce moment-là! C'est-à-dire il faisait un petit peu jour, mais pas
20 complètement. C'est seulement après, quand quelqu'un a tiré, que j'ai vu.
21 Mais je ne voyais pas cette personne comme je vous vois ici aujourd'hui,
22 je voyais simplement quelque part, au loin, quelqu'un qui tirait à 50 ou
23 100 mètres. Je ne sais pas exactement combien. Vous comprenez, ce n'était
24 pas quelqu'un qui était allongé au sol, à côté de moi, et qui tirait et
25 que je voyais bien.
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1 Question: Ces jeunes gens de Nova Bila, est-ce que c'étaient des gens du
2 HVO ou des Musulmans?
3 Réponse: Il est normal que j'ai supposé qu'ils étaient du HVO.
4 Question: Avez-vous vu s'ils étaient en uniforme? De quel armement
5 disposaient-ils?
6 Réponse: Nous parlons de nouveau de ma déclaration. Moi, je vous
7 demanderai simplement que nous parlions maintenant des deux ou trois
8 premiers jours de notre guerre, parce que c'est de cela dont nous
9 parlions. J'ai dit dans ma déposition que ces deux ou trois premiers
10 jours...
11 Question: Ce n'est pas à vous de dire quelles sont les questions que je
12 dois vous poser. Je vous pose une question simple: avez-vous vu si ces
13 gens de Nova Bila, dont vous nous dites qu'ils étaient du HVO, portaient
14 des uniformes? Avez-vous vu de quel armement ils disposaient?
15 Réponse: Monsieur le Président, je me vois contraint de me plaindre ici
16 parce que M. le Procureur me dit de nouveau "dont vous avez dit" et moi,
17 j'ai dit que je supposais qu'ils étaient du HVO. Je n'ai pas dit qu'ils
18 étaient du HVO. Il est normal que je suppose qu'ils étaient du HVO, mais
19 je n'en savais rien ce jour-là, quand l'aube est venue et que quelque
20 chose s'est passé. C'est seulement plus tard que j'ai vu qu'ils avaient
21 des uniformes, mais je ne les ai pas vus tous. Je n'en ai vu qu'un ou
22 deux. Moi, j'avais la tête dans le sable.
23 M. le Président (interprétation): Ont-ils expulsé les Musulmans de leurs
24 maisons?
25 M. Strukar (interprétation): Cela, je ne l'ai pas vu, mais au cours de la
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1 journée, j'ai entendu dire qu'ils l'avaient fait, parce que les Musulmans
2 venaient dans ces maisons où se trouvaient aussi nos familles. Cela aussi,
3 je l'ai entendu dire.
4 M. Lopez-Terres: Je vous ai parlé de l'armement il y a quelques instants.
5 Est-ce que oui ou non, vous avez vu de quel équipement ces personnes
6 étaient dotées? Disposaient-ils d'un canon par exemple?
7 Réponse: Ce jour-là -le deuxième jour, le troisième jour, je ne sais
8 plus-, j'ai vu un canon et je suppose que je l'ai même entendu tirer.
9 C'était un canon qui était monté sur un camion et qui servait normalement
10 à tirer sur les avions. Je l'ai vu. Je ne l'ai pas vu tirer, mais j'ai
11 supposé qu'il avait tiré et, par la suite, je l'ai même vu tirer parce
12 qu'il était stationné non loin. Est-ce que c'était un jour, deux jours ou
13 trois jours plus tard, je ne saurais le dire, mais j'ai supposé que c'est
14 ce canon qui tirait.
15 Question: Dans votre déposition précédente, c'est le premier jour que
16 vous avez vu ce canon. Ce n'est pas plus tard.
17 Réponse: Je ne cesse de dire que, dans cette déposition-là aussi, j'ai
18 dit que je n'avais aucune certitude quant à ce qui s'était passé le
19 premier, le deuxième, le troisième, le quatrième jour ou le cinquième. On
20 ne dort pas, les gens sont fatigués. Ils ont l'esprit un peu troublé, je
21 crois l'avoir dit.
22 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président, excusez-moi
23 d'interrompre. Je sais que ce n'est pas une façon positive d'avancer, mais
24 je dois interrompre. Monsieur Patrick Lopez-Terres a dit au témoin que,
25 dans une déclaration précédente, il avait dit avoir vu le canon le premier
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1 jour. Or, ce n'est pas écrit dans le compte rendu d'audience. Il est écrit
2 que le témoin a entendu le canon, mais pas qu'il l'a vu. Donc, cela
3 correspond tout à fait à ce qu'il dit aujourd'hui. Je crois que c'est une
4 différence très importante et que la façon d'interroger de la part de
5 l'accusation n'est pas équitable.
6 M. le Président (interprétation): Oui, je vous en prie, veuillez
7 poursuivre, Monsieur Lopez-Terres
8 M. Lopez-Terres: Monsieur Strukar, ce canon, si vous avez pu le décrire en
9 janvier 1999, c'est parce que vous l'avez vu?
10 Réponse: Mais je viens de dire à l'instant aussi que je l'ai vu par la
11 suite. Je l'ai vu, stationné quelque part dans une rue, non loin, et j'ai
12 supposé que c'était ce canon qui avait tiré.
13 Question: Ces jeunes gens de Nova Bila, avez-vous une idée de qui ils
14 pouvaient être?
15 Réponse: Eh bien, j'ai déjà dit que nous avons tout simplement pensé
16 qu'ils étaient de la direction de Travnik, un peu plus haut de Nova Bila,
17 de cette direction-là. Parce que ces jeunes gens, je ne les ai vus qu'une
18 fois et je ne les ai plus revus ensuite.
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Lopez-Terres, vous avez été
20 interrompu. Donc, vous devriez disposer d'un temps plus long, mais peut-
21 être serait-il bon que vous parliez de points plus importants si vous
22 souhaitez les montrer. Il vous reste à peu près cinq minutes.
23 M. Lopez-Terres: Est-ce que votre voiture a disparu au cours de la soirée?
24 Réponse: Oui. En fait, est-ce que c'est le soir ou le matin?
25 Question: Dans quelles circonstances?
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1 Réponse: J'ai appris ce que m'a dit mon père. Ma voiture était garée au
2 garage et l'un des jeunes gens qui étaient là était blessé. Ils ont cassé
3 la porte du garage pour prendre le véhicule. Mon père a donné la clef et
4 ils ont emporté la voiture. Ils ont emmené donc le blessé dans cette
5 voiture.
6 Question: Est-ce que vous avez entendu parler d'une unité qui
7 s'appelait Zuti?
8 Réponse: Eh bien, je n'ai entendu parler de Zuti qu'après la guerre.
9 Question: Savez-vous où cette unité était stationnée?
10 Réponse: Cela non.
11 Question: Connaissez-vous le nom de Zdravko Andric?
12 Réponse: Non.
13 Question: Vous avez vu les Musulmans qui étaient expulsés par ces jeunes
14 gens au cours de la nuit. Vous les avez vu arriver vers l'endroit où vous-
15 même vous trouviez, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui, j'ai vu des Musulmans qui arrivaient. J'ai entendu ce
17 qu'ils ont raconté. Ils ont dit qu'ils avaient été expulsés et que l'on
18 avait incendié leurs maisons. Je ne les ai pas vus quand ils se sont faits
19 expulser, mais je les ai vus quand ils sont arrivés à l'endroit où étaient
20 installées nos familles. Ce sont eux qui ont dit que les choses s'étaient
21 passées de cette façon.
22 Question: Dans quel état étaient ces Musulmans?
23 Réponse: Eh bien, comme nous. Enfin, je veux dire paniqués. Certains
24 étaient habillés, d'autres pas.
25 Question: Avez-vous eu l'impression qu'ils avaient été sortis de leurs
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1 lits?
2 Réponse: Pour certains d'entre eux, oui, vraiment.
3 Question: Pour quelle raison, selon vous, a-t-on envoyé ces Musulmans
4 vers la partie de Mahala où vous vous trouviez vous-même?
5 Réponse: Vous avez utilisé l'expression "dans la partie de Mahala". Or
6 l'endroit où j'habite ne s'appelle pas Mahala. Mais je ne sais vraiment
7 pas pourquoi. Est-ce que les tirs étaient moins nourris? Nous, nous étions
8 cachés -c'est le terme que j'utiliserais- à cet endroit, dans une partie
9 du terrain qui était un petit peu en contrebas. Donc, c'est peut-être pour
10 cela qu'ils sont venus dans ces maisons. Ils ont pris cette décision
11 seuls. Je ne vois pas très bien. Je réfléchis mais je ne vois pas.
12 Question: Savez-vous ce qu'il est advenu de ces Musulmans que vous avez
13 vus au cours de la nuit? Ont-ils pu regagner leurs maisons?
14 Réponse: Non, ils ne sont pas retournés chez eux parce que toutes les
15 familles, les familles croates et les familles musulmanes... Mais les
16 hommes musulmans sont restés dans ces maisons, je crois, dix ou douze
17 jours, je ne sais pas exactement combien de temps. Je sais qu'à la fin,
18 tout le monde a quitté ces maisons pour aller chercher de la nourriture
19 ailleurs, mais ils sont sûrement restés dans ces maisons dix ou douze
20 jours. Certains d'entre eux sont restés jusqu'à la fin de la guerre.
21 Question: Savez-vous si certains ont été conduits dans des centres de
22 détention, par la suite?
23 Réponse: Moi, je ne sais pas et je ne crois pas qu'ils l'aient été.
24 Question: Vous avez indiqué, ce matin, avoir constaté la présence de
25 cadavres.
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1 Réponse: Oui. Au moment où je suis arrivé jusqu'à la maison de mon
2 père, il me l'a dit. J'ai regardé la route et, à ce moment-là, j'ai vu des
3 cadavres.
4 Question: Ces cadavres étaient-ils des cadavres de Musulmans ou de
5 Croates?
6 Réponse: Mon père m'a dit le nom de celui qu'on voyait depuis sa maison
7 et il m'a dit que c'était un Musulman.
8 Question: Le nom dont vous nous parlez, c'est M. Sadibasic Sulejman?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous avez vu d'autres cadavres que celui de M. Sadibasic
11 Sulejman?
12 Réponse: Eh bien, non, mais mon père m'a dit à peu près l'endroit où il
13 y avait d'autres cadavres. Mais je ne sais pas si vous me comprendrez:
14 quand on n'a pas l'habitude de regarder des cadavres et que l'on en voit
15 un, c'est déjà trop. Je ne sais pas si vous me comprenez: je n'avais pas
16 le désir de regarder. Il m'était suffisant que mon père me dise qu'il
17 avait vu des cadavres. J'en ai vu un et cela a suffi pour que j'ai envie
18 de m'enfuir parce qu'après tout, c'était tout de même un voisin immédiat.
19 Et de toute façon, il n'y avait pas la possibilité de se lever et de
20 regarder autour de soi parce qu'il y avait encore des balles qui volaient.
21 Question: Le fils de ce M. Sulejman Sadibasic a été tué aussi et son
22 cadavre se trouvait à proximité, n'est-ce pas?
23 Réponse: Je vous ai dit que j'avais entendu dire que d'autres avaient
24 été tués aussi, mon père me l'a dit. Son corps -je l'ai appris plus tard-
25 était de l'autre côté de la route que je ne pouvais tout simplement pas
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1 voir pendant cinq ou six jours à partir de ce moment-là.
2 Question: Est-ce qu'au cours de la nuit du 15 au 16 avril 1993, à votre
3 connaissance, il y a eu des Croates de votre quartier qui ont été tués?
4 Réponse: Non.
5 Question: Beaucoup de maisons ont été détruites dans le quartier. La
6 plupart de ces maisons, sinon la majorité, étaient-elles des maisons
7 musulmanes ou des maisons croates?
8 Réponse: Eh bien, je vais vous dire. Je dois montrer avec les mains,
9 n'est-ce pas. Si ma main droite indique la frontière, Mahala, comme on
10 l'appelle, et ma main gauche l'emplacement de l'église catholique, de ce
11 côté de Mahala, il y avait surtout des maisons catholiques ou croates qui
12 avaient été incendiées et de ce côté-ci, du côté de ma main gauche, une
13 majorité de maisons musulmanes. De sorte que c'est au niveau de ma maison
14 qu'il y avait une ligne de démarcation avec des maisons qui n'avaient pas
15 brûlé.
16 Question: Vous n'avez pas répondu précisément à ma question. Y avait-il
17 plus de maisons musulmanes ou de maisons croates détruites, au cours de
18 cette nuit-là?
19 Réponse: Plus de maisons musulmanes.
20 Question: Dans la matinée du 17 avril et les jours suivants, avez-vous
21 constaté la présence de Darko Kraljevic à proximité de votre habitation et
22 des autres maisons croates du quartier?
23 Réponse: J'ai beaucoup réfléchi à cela. Il y en a qui m'en ont même
24 parlé au moment de ma déposition antérieure, en me disant que c'était ce
25 jour-là. Mais moi, je suis incapable de déterminer si c'était le 17, le
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1 18, le 19 ou aux environs de ces dates. Et pour autant que je le sache,
2 ils n'étaient pas du côté de la rue dont j'ai déjà parlé, où je me
3 trouvais moi-même, de sorte que je ne les ai pas vus jusqu'à je ne sais
4 pas quel jour, le troisième, le quatrième, le cinquième jour. Ils étaient
5 de l'autre côté de la rue et on ne pouvait pas regarder de l'autre côté de
6 la rue à cause des balles qui volaient. On ne marchait pas dans la rue, on
7 fuyait en longeant les maisons pour arriver jusqu'à chez soi.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Lopez-Terres, je crois que le
9 moment est arrivé.
10 M. Lopez-Terres: Un dernier point, Monsieur le Président. Alors que vous
11 vous trouviez, nous avez-vous dit, dans votre maison, le 18 avril
12 exactement, avez-vous entendu une grande explosion à proximité de votre
13 habitation?
14 M. Strukar (interprétation): Eh bien, oui, j'ai entendu une grande
15 explosion. A ce moment-là, je n'étais pas dans ma maison mais plus haut,
16 plus près de là où se trouvait ma famille. L'explosion est venue de la
17 direction de ma maison.
18 Question: Savez-vous ce qui avait provoqué cette grande explosion?
19 Réponse: Aujourd'hui, je le sais, je dois répondre de cette façon: je
20 l'ai appris peut-être dix ou quinze jours plus tard, parce que les Croates
21 qui étaient restés en bas, à Mahala, quand ils sont sortis de Mahala,
22 quand on les a laissés sortir, ils nous ont dit ce qu'il en était.
23 Question: Vous n'avez toujours pas répondu à la question: de quoi
24 s'agissait-il?
25 Réponse: Il s'agissait d'une espèce de camion, en tout cas, c'est ce
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1 que j'ai entendu dire parce que je ne l'ai pas vu. Je répète -et je fais
2 attention puisqu'il faut maintenant que je fasse attention à ce que je
3 dis-: on m'a dit qu'il était question d'un camion citerne qui est passé
4 dans la rue et qui a explosé.
5 Question: Il a explosé par accident ou on l'a fait exploser?
6 Réponse: Eh bien, cela je ne le sais pas.
7 Question: Avant que cette explosion ne se produise, est-ce que quelqu'un
8 vous a prévenu qu'une explosion allait se produire et qu'il fallait aller
9 aux abris?
10 Réponse: Eh bien, nous avons passé tout le temps dans un abri ou un
11 autre. Je me rappelle que, dans cette situation, quelqu'un a dit à peu
12 près quelque chose qui voulait dire que quelque chose allait exploser.
13 Cela, je me rappelle.
14 Question: Ce n'est pas exactement ce que vous avez indiqué au mois de
15 janvier 1999. Je vais vous relire le transcript et vous me direz si vous
16 êtes d'accord avec cette transcription: "A un moment donné, dans la maison
17 dans laquelle je me trouvais, un des hommes est entré... -page 16933- un
18 des hommes est entré et nous a dit d'aller nous mettre à l'abri parce
19 qu'il allait y avoir une grande explosion".
20 On vous a demandé ensuite qui vous avait dit cela. Vous ne l'avez pas
21 précisé et vous avez expliqué que, trois ou quatre minutes après que cet
22 homme vous a prévenu, il y a eu effectivement cette grande explosion.
23 Avez-vous, oui ou non, déclaré ce que je viens d'indiquer le 14 janvier
24 1999?
25 Réponse: Encore une fois, on me demande de répondre par oui ou par non,
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1 mais je viens de dire exactement la même chose: que nous étions dans une
2 espèce d'abri, que quelqu'un est venu et que quelqu'un a dit quelque
3 chose. Mais vraiment, est-ce que vous imaginez que la situation était
4 comme ici dans le prétoire? Que toute le monde se tait et que je parle et
5 que vous prenez note, n'est-ce pas? Rendez-vous compte que c'était un
6 endroit où il n'y avait pas de chaise, c'était une cave. Et si je dois
7 être particulièrement cru, je dirai que c'est une cave avec des rats et
8 des souris.
9 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas la question.
10 Merci, Monsieur Lopez-Terres. Vous avez disposé d'une heure et demie. Je
11 pense que cela doit être suffisant pour votre contre-interrogatoire.
12 Y a-t-il des questions supplémentaires de la part de la défense?
13 (Questions supplémentaires de Me Mikulicic au témoin Marijan Strukar.)
14 M. Mikulicic (interprétation): Quelques questions simplement, Monsieur le
15 Président, si vous le voulez bien.
16 Monsieur Strukar, on vous a présenté la pièce Z385; c'était ce rapport du
17 bataillon britannique qui a parlé de l'explosion qui s'était produite dans
18 la banque de Vitez. Dans ce document…
19 Réponse: Excusez-moi, quand, à quel moment?
20 Question Aujourd'hui même. Je vais vous poser la question pour
21 rafraîchir votre mémoire. C'est un document en anglais qui a été établi
22 par le bataillon britannique. Il était dit, entre autres, qu'à Vitez, une
23 bombe a été posée à la banque "Komercialna Banka de Sarajevo". Une telle
24 banque existe-t-elle à Vitez?
25 Réponse: Actuellement, elle n'existe pas mais, dans le temps, je crois
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1 pouvoir me souvenir que c'était écrit "Privredna Banka Travnik".
2 Question Merci. On dit aussi que la journée suivante, on a vu la
3 formation d'une banque "Zagrebaska de Vitez". Premièrement, à Vitez, y a-
4 t-il jamais eu une "Zagrebaska Banka"?
5 Réponse: Non.
6 Question Après l'explosion de la bombe posée à "Travniska Banka", a-t-
7 on jamais vu la formation d'une banque "Zagrebaska" ou d'une autre banque?
8 Réponse: Non.
9 Question Merci. A titre de référence, je rappelle la déposition du
10 témoin Zdenko Tibolt qui a parlé sur ce thème.
11 Monsieur Strukar, une très brève question, encore qu'il me semble que vous
12 avez déjà répondu à cette question. Avant la nuit du 15 au 16 avril, à
13 combien de reprises avez-vous dû évacuer votre femme et vos enfants vers
14 un abri plus sûr?
15 Réponse: Je ne m'attendais vraiment pas à des questions pareilles, mais
16 je n'ai pas compté, peut-être une vingtaine de fois.
17 Question Merci, c'est déjà une réponse. Donc, cette nuit du 15 au 16,
18 ce n'était pas une exception, ce n'était pas une première fois?
19 Réponse: Non.
20 Question Je vous remercie de vos réponses. Je n'ai plus de questions
21 pour ce témoin.
22 M. le Président (interprétation):Monsieur Strukar, c'est avec ceci que se
23 termine votre déposition. Merci d'être venu au Tribunal international pour
24 témoigner. Vous pouvez disposer.
25 M. Strukar (interprétation): Je vous remercie.
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1 (Le témoin, M.Marijan Strukar, est reconduit hors du prétoire.)
2 M. le Président (interprétation):Monsieur Lopez-Terres: après mûre
3 réflexion, après avoir suivi le contre-interrogatoire, et après avoir eu
4 l'occasion de voir ce témoin, je pense qu'il n'est pas nécessaire de
5 verser ces documents au dossier parce que cela ne ferait que semer
6 davantage la confusion. Nous allons les remettre.
7 Est-ce que nous pouvons avoir votre prochain témoin, Maître Mikulicic?
8 M. Mikulicic (interprétation): Tout à fait, il s'agira de Dusan Lukovic.
9 (Le témoin, M. Dusan Lukovic, est introduit dans le prétoire.)
10 M. le Président (interprétation): Le témoin peut-il donner lecture de la
11 déclaration solennelle?
12 M. Lukovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.
15 M. Lukovic (interprétation): Je vous remercie.
16 (Interrogatoire principal du témoin, Dusan Lukovic, par Me Mikulicic.)
17 M. Mikulicic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Bonjour.
18 M. Lukovic (interprétation): Bonjour.
19 Question: Au nom du conseil de la défense de M. Cerkez, j'ai quelques
20 questions à vous poser. Je vous prie d'y répondre selon votre mémoire
21 aussi bonne que possible et je vous prie d'essayer d'y répondre à un
22 rythme aussi lent que possible pour permettre aux interprètes de traduire
23 tout ce qui fait l'objet de votre déposition et de nos conversations.
24 D'abord, dites, pour le compte rendu du Tribunal, votre nom, votre prénom
25 et vos date et lieu de naissance.
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1 Réponse: Je m'appelle Dusan Lukovic et je suis né le 22 septembre 1935,
2 à Banja Luka.
3 Question Monsieur Lukovic, vous êtes serbe de nationalité?
4 Réponse: Oui.
5 Question Vous avez une double nationalité, celle de Bosnie-Herzégovine
6 et de Croatie?
7 Réponse: Oui.
8 Question Vous êtes athée?
9 Réponse: Oui.
10 Question Vous avez fait l'école professionnelle de Travnik. Après quoi,
11 vous avez fait la faculté de sciences politiques de Sarajevo?
12 Réponse: Oui.
13 Question Vous êtes marié, vous avez deux enfants et cinq petits-
14 enfants?
15 Réponse: Cela est exact.
16 Question Vous n'adhérez à aucun parti?
17 Réponse: Non.
18 Question Vous avez fait votre service militaire?
19 Réponse: Oui, en 1955 et 1956.
20 Question Vous avez eu un grade dans l'armée?
21 Réponse: Oui, celui de sergent.
22 Question Monsieur Lukovic, pour ce qui est de votre formation et des
23 fonctions qui étaient les vôtres pendant que vous étiez employé, c'est en
24 1970 que vous avez eu un diplôme à la faculté de sciences politiques de
25 Sarajevo; après quoi, vous avez trouvé un emploi à Vitez, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, à l'université ouvrière Mosa Pijade de Vitez.
2 Question On intitulait cette université ouvrière comme un centre de
3 formation, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui, plus précisément un centre de formation se trouvait dans
5 le cadre de l'université ouvrière.
6 Question Bon, en quelle qualité?
7 Réponse: En qualité de professeur de sociologie en matière d'éducation
8 dans le centre de formation.
9 Question Et vous y avez travaillé jusqu'à quel moment?
10 Réponse: Jusqu'en 1972, lorsque je me suis présenté au concours pour
11 avoir le poste de directeur de l'école de Vitez.
12 Question Est-ce vous êtes devenu directeur ainsi?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Et jusqu'à quel moment accomplissez-vous cette fonction?
15 Réponse: Jusqu'en 1976.
16 Question: Ensuite, pour passer où?
17 Réponse: Pour passer au Slobodan Principe Selo pour être responsable du
18 problème de l'encadrement, questions juridiques de l'entreprise, etc.
19 Question: Depuis 1977, 1981, vous étiez encore de retour?
20 Réponse: Oui, c'est-à-dire qu'il a fallu suivre une certaine
21 instruction qui m'a été donnée. C'est ainsi que je reviens à l'université
22 ouvrière "Mosa Pijade".
23 Question: Et c'est là que vous travaillez jusqu'en 1981?
24 Réponse: Oui.
25 Question: A cette époque-là, à titre de bénévole, vous avez accompli la
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1 fonction de vice-président de la municipalité de Vitez?
2 Réponse: Oui, c'est bien cela.
3 Question: Depuis 1981 jusqu'à l'éclatement des conflits de Vitez, vous
4 vous trouviez donc à cette fonction de directeur de votre organisation, ce
5 qui est la branche de l'entreprise chargée de la protection et de la
6 formation?
7 Réponse: Oui.
8 Question: A cette époque-là, vous avez également eu la fonction de
9 président de la municipalité de Vitez avec deux mandats?
10 Réponse: Oui, j'ai eu deux mandats à remplir, c'est-à-dire en 1980
11 jusqu'à 1996.
12 Question: Et, à la fin, vous avez pris votre retraite en 1996?
13 Réponse: Oui et j'y suis toujours!
14 Question: Au début de 1992, puisque déjà en Slovénie et en Croatie il y
15 avait la guerre, due à l'attaque perpétrée par la JNA contre cette
16 République, comment ceci se répercutait-il sur la production de l'usine
17 SPS?
18 Réponse: Tout de suite, dans cette période dont vous parlez, il y a eu
19 une chute dramatique du volume des productions. D'abord, il y a eu une
20 pénurie sensible de matières premières dont il fallait s'approvisionner
21 pour produire des explosifs. Ainsi l'ensemble des travailleurs ne pouvait
22 être gardé à l'usine et, par analogie, étant donné la chute de la
23 production, il y a eu évidemment une diminution du nombre des employés.
24 Question: Donc, il y a eu pas mal de gens qui sont restés sans emploi,
25 c'est-à-dire ont été mis en chômage technique?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Monsieur Lukovic, étant donné que c'est une catégorie quelque
3 part inconnue en dehors de nos régions, qu'est-ce que cela veut dire: être
4 mis sur une liste d'attente d'emploi?
5 Réponse: Etant donné qu'on ne fonctionnait pas bien, la firme ne
6 travaillait pas dans toutes ses capacités. La production a été diminuée
7 dans certain de ses secteurs. Le "board", le conseil de direction a eu une
8 réunion qui devait décider ce qu'il convenait de faire pour ce qui est du
9 surplus de la main d'œuvre. C'est ainsi qu'il a été décidé qu'une partie
10 du personnel devait être mise sur une liste d'attente; d'autres devaient
11 travailler. Et puis, un mois ou un peu plus tard, un outre groupe pourrait
12 être engagé et avoir une espèce de tour de rôle, à chacun de ces groupes,
13 pour éviter toute tension, tout mécontentement et le reste.
14 Question: Bon. Si je vous ai bien compris, il s'agit pas de parler de
15 licenciement des travailleurs, mais tout simplement, il s'agissait de les
16 envoyer à leur domicile jusqu'au moment où on ressentirait encore une fois
17 le besoin de les employer?
18 Réponse: Oui, c'est bien cela, mais excusez-moi, il y a eu des cas
19 spécifiques où il y a eu un surplus de main d'œuvre. Par exemple, mon fils
20 qui était juriste, lorsque la période de mise en chômage a expiré, il a
21 été employé. Il n'était plus employé, mais il a été mis tout simplement au
22 bureau du travail.
23 Question: Durant ce processus, avez-vous pu remarquer certaines
24 intentions discriminatoires par rapport et à la lumière de différentes
25 nationalités des travailleurs et du personnel?
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1 Réponse: Je n'en ai pas observé un seul exemple du genre. Parce que…
2 Ecoutez, regardez mon exemple: j'ai été moi aussi mis sur cette liste
3 d'attente et il a été dit comme quoi certains responsables de certains
4 secteurs, de certaines unités et ateliers pouvaient, eux aussi, être mis
5 sur la liste d'attente.
6 Question: Et c'est ainsi aussi donc que vous avez été mis sur cette
7 liste d'attente?
8 Réponse: Et bien oui. C'est cela.
9 Question: Vous n'avez pas été licencié. Pratiquement, vous êtes toujours
10 aux fonctions qui ont été les vôtres mais pratiquement, vous ne veniez pas
11 sur le lieu de travail?
12 Réponse: Oui, mais pas toujours. J'étais en contact par téléphone avec
13 certaines gens des services qui étaient les miens. Quelquefois, je devais
14 m'y rendre pour signer tel ou tel document concernant leurs fiches de
15 paye, etc. ou bien pour m'occuper de l'organisation de l'encadrement de
16 ceux qui étaient au travail en équipe et, de même, organiser la liste
17 d'attente d'autres qui viendraient plus tard. Mais souvent, ces gens-là
18 pouvaient se mettre d'accord entre eux, mais ils avaient besoin de mon
19 consentement.
20 Question: Monsieur Lukovic, dites-nous si la composition nationale des
21 personnes employées au SPS correspondait à celle des habitants de la
22 municipalité?
23 Réponse: Je ne pourrais pas vous répondre avec certitude et je n'aime
24 pas me perdre dans des commentaires.
25 Question: Est-ce que, dans le SPS, il y avait peut-être plus de Croates
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1 que de Musulmans ou peut-être étaient-ils à égalité ou il y avait peut-
2 être plus de Musulmans employés? Pourriez-vous nous dire quelque chose là-
3 dessus, d'après l'expérience que vous avez?
4 Réponse: Encore une fois, je m'excuse: je ne détiens pas les faits, par
5 conséquent, je ne peux pas répondre explicitement. Peut-être qu'il y avait
6 quelquefois dans une unité ou dans un atelier, plus de Musulmans que de
7 Croates. Ailleurs, c'était le contraire qui se produisait. Il s'agit de
8 situations qui ne me semblent pas pertinentes et ceci n'avait rien à voir
9 avec la politique des structures politiques, c'est-à-dire de direction.
10 Question: En quelque sorte, vous devinez et vous anticipez sur une
11 question que j'ai à poser maintenant: la structure, celle qui s'occupait
12 de la politique de la société, avait-elle une politique discriminatoire
13 quelconque à l'égard des Croates et des Musulmans?
14 Réponse: Autant que je sache, non. Pendant que j'étais mis sur la liste
15 d'attente d'emploi, un de mes collaborateurs, quelqu'un qui était chargé
16 de la sécurité physique même, vigile, etc., lui, il est resté sans emploi.
17 D'autres étaient restés employés toujours. Une personne que je connaissais
18 bien et qui était un des directeurs techniques était toujours en emploi.
19 Par conséquent, moi qui suis serbe et mis sur la liste, je ne pouvais pas
20 dire que l'autre ne l'a pas été parce qu'il est croate ou musulman, etc.
21 Tout simplement, on devait se mettre d'accord souvent pour discuter si
22 notre politique était bonne ou pas, du point de vue production, mais on ne
23 peut pas parler de discrimination pour autant que je m'en souvienne.
24 Question: Y a-t-il eu quelqu'un de l'enceinte de la compagnie du SPS qui
25 a pu demander aux Musulmans de signer une quelconque déclaration
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1 d'allégeance aux Croates?
2 Réponse: Non, je n'en ai jamais eu écho, pas plus que l'on ne m'a
3 jamais demandé de signer une déclaration quelconque de ce genre.
4 Question: Monsieur Lukovic, le 16 avril 1993, un conflit armé ouvert a
5 éclaté à Vitez. Où étiez-vous ce matin-là?
6 Réponse: Ce matin-là, j'étais dans mon appartement avec mon épouse,
7 avec mon fils, ma belle-fille et mes deux petits-enfants.
8 Question: Qu'avez-vous fait lorsque vous avez entendu des tirs?
9 Réponse: Rien, nous avons été surpris. Nous avons été vraiment
10 paniqués. Tout simplement, nous essayions de nous éloigner un peu des
11 fenêtres et nous nous sommes mis à attendre.
12 Question: Y a-t-il eu quelqu'un qui serait venu dans votre bâtiment pour
13 vous donner des instructions quelconques?
14 Réponse: Il y a eu quelqu'un qui a frappé à la porte. Lorsque j'ai
15 ouvert la porte, c'était un membre de la police militaire. Lui nous disait
16 qu'il fallait nous rendre dans la cave, descendre dans la cave. Je me
17 souviens que, préalablement, nous l'avions un petit peu emménagée, cette
18 cave, parce qu'il y avait eu deux raids perpétrés par les forces de la
19 JNA, surtout lorsque des ateliers de fabrication à affectation spéciale de
20 nos usines ont été attaqués.
21 Question: Le bâtiment où vous résidez a combien d'étages?
22 Réponse: Un rez-de-chaussée et quatre étages.
23 Question: Dans la cave, donc, pouvaient venir tous les locataires, tous
24 les habitants du bâtiment, pour s'en servir comme d'une espèce d'abri,
25 n'est-ce pas, comme en état de guerre?
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1 Réponse: Oui, parce que c'était une cave comme une autre. Il y a eu
2 plusieurs pièces, l'une mieux aménagée que l'autre, mais en tout cas nous
3 y étions à l'abri.
4 Question: Vous avez dit que c'est déjà en 1992 que vous vous en êtes
5 servi, lorsque l'aviation de la JNA avait bombardé Vitez?
6 Réponse: Oui, lorsqu'il y a eu en ce temps-là des raids d'aviation
7 serbes.
8 Question: Que s'est-il produit ensuite, depuis ce premier jour et
9 pendant les journées qui ont suivi?
10 Réponse: J'étais mis sur la liste d'attente d'emploi et comme on tirait
11 de tous côtés, il y avait toujours un danger à sortir. Nous gardions notre
12 domicile, on n'avait guère besoin de sortir. On ne savait où sortir et
13 puis, vous savez, dans ces situations-là, on est plutôt là pour veiller
14 sur sa famille. J'étais vraiment en attente et pas seulement sur la liste
15 d'attente d'emploi. Je n'avais guère besoin de penser à l'usine ou à quoi
16 que ce soit ayant trait à la production.
17 Question: Monsieur Lukovic, avec cette question, je dois d'abord
18 m'excuser parce que, dans le paragraphe 3.2, au lieu de "automne", il faut
19 dire: "au mois de juin". Nous parlons donc du mois de juin, M. Lukovic.
20 Qui était venu dans votre appartement?
21 Réponse: C'était, encore une fois, un membre de la police militaire qui
22 s'est présenté à la porte. Il tenait entre les mains une liste, il a fait
23 une espèce d'appel. Il a dit: "C'est vous, Dusan Lukovic?" J'ai dit: "Oui,
24 c'est bien moi". Alors il m'a dit que je devais tout de suite répondre à
25 une convocation pour me rendre à la bibliothèque municipale. Je m'y suis
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1 rendu aussitôt, j'ai trouvé un responsable chargé de ce peloton de
2 travail, chargé de la protection civile et de tout ce qui était unité de
3 travail.
4 Question: Bon, d'accord. Vous vous êtes donc rendu à la bibliothèque
5 municipale, vous avez rencontré un responsable. Pouvez-vous vous souvenir
6 de son nom?
7 Réponse: Je crois qu'il s'appelait Males.
8 Question: Et vous vous êtes présenté?
9 Réponse: C'est bien cela.
10 Question: Et que vous a-t-il dit?
11 Réponse: Il m'a dit que j'étais désigné membre du peloton de travail et
12 que nous devions nous rendre pour creuser des tranchées.
13 Question: Bon. Alors à ce moment-là, il vous a dit que vous étiez donc
14 devenu membre du peloton de travail?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Est-ce que ce fait-là, cette affectation vous était connue
17 d'avant?
18 Réponse: Non, parce que tout simplement je n'étais plus apte au
19 travail. Je ne suis pas un conscrit, j'avais dépassé l'âge de 60 ans. Je
20 ne m'attendais pas à être envoyé en tant que membre du peloton de travail.
21 Peut-être pensais-je que j'aurais pu avoir une autre affectation mais, en
22 tout stoïcisme qui était le mien, j'ai accepté ce qu'il m'a été dit de
23 faire.
24 Question: Mais avant cette journée-là, vous n'avez pas eu d'affectation
25 comme membre de ce peloton de travail?
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1 Réponse: Non.
2 Question: Donc on vous a dit que telle était votre affectation et que
3 vous deviez vous aller creuser des tranchées sur le site de Zabrdje. Je ne
4 vous demande pas de le montrer sur la carte géographique, mais où se
5 trouve ce site par rapport à la ville de Vitez?
6 Réponse: Par rapport à la ville de Vitez, au sud-ouest. Il s'agit du
7 mont Kruscica, le village Bobasi, etc.. Je crois que, pour parler
8 altitude, il s'agit de 1400 mètres d'altitude.
9 Question: C'est une côte dominante?
10 Réponse: Oui. Je sais, parce que j'avais une seconde résidence dans ce
11 coin-là. Je connais bien.
12 Question: A quelle distance se trouve justement le lieu de votre
13 affectation par rapport à la bibliothèque municipale?
14 Réponse: Si l'on devait s'y rendre en voiture, on devait faire 14
15 kilomètres. Tout dépend de la route que vous preniez, mais pour y aller à
16 pied on pouvait le faire en traversant de 6 à 7 kilomètres.
17 Question: Et comment avez-vous fait pour vous y rendre?
18 Réponse: On a assuré à notre intention un bus, une fourgonnette. C'est
19 un nommé Vinac qui a eu cette camionnette, parmi les frères Vinac. Après,
20 on se rendait évidemment dans cette camionnette jusqu'à Zabrdje.
21 Question: Et combien étiez-vous dans ce peloton de travail?
22 Réponse: Ecoutez, c'est difficile parce que je puise maintenant dans ma
23 mémoire, mais disons de 15 à 20 personnes.
24 Question: Et lorsque vous êtes arrivé à cet endroit... D'abord,
25 j'aimerais vous demander ceci: est-ce que vous aviez une escorte, une
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1 garde?
2 Réponse: Ils m'ont demandé: "Est-ce que tu sais où cela se trouve,
3 Zabrdje, Dusko? Est-ce que tu veux une escorte?" Ce n'est pas que le
4 terrain est dangereux, j'ai dit que ce n'était pas nécessaire parce que
5 j'avais coutume d'y aller à pied. Quand j'étais jeune, j'y allais souvent
6 à pied. J'ai donc dit que je n'avais pas besoin d'escorte, mais ils nous
7 ont dit de nous présenter au commandement de la ligne à Zabrdje; c'est ce
8 que nous avons fait. Lorsque nous sommes arrivés là, nous nous sommes
9 présentés devant le commandant.
10 Question: Je vais répéter une question que je vous ai déjà posée par
11 rapport au SPS: quelle était la composition nationale du peloton de
12 travail dont vous faisiez partie?
13 Réponse: Difficile de vous donner un pourcentage exact, mais je pense
14 que c'était un peloton multiethnique. Où que soit l'endroit où je me suis
15 trouvé, il y avait des Croates, des Musulmans, des Roms, il y avait même
16 un Slovène parmi nous.
17 Question: Et quel était l'âge de ces hommes qui faisaient partie de
18 votre peloton de travail?
19 Réponse: Les plus jeunes étaient des Musulmans. La plupart était plus
20 âgés. Moi, j'étais le doyen en âge. Il y avait des gens, des habitants
21 locaux, des Croates qui s'étaient portés volontaires et qui venaient de
22 l'endroit d'où venaient ma belle-fille et sa famille. Il y avait des gens
23 qui avaient, à l'époque, déjà 65 ans. Mais ils n'étaient pas obligés de le
24 faire, ils n'étaient pas contraints ni forcés à le faire. Mais moi, j'ai
25 reçu une affectation de travail.
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1 Question: Vous avez reçu une affectation de travail?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Combien de temps avez-vous passé à Zabrdje, la première fois
4 que vous y êtes allé?
5 Réponse: Une journée et demie. Nous y avons passé la nuit.
6 Question: Alors que vous vous trouviez à Zabrdje, occupé à creuser ces
7 tranchées, qui s'occupait de vous?
8 Réponse: Lorsque nous nous sommes présentés au commandant sur place, il
9 a désigné deux ou trois soldats qui se trouvaient là aussi. Certains se
10 sont éloignés de l'endroit où nous, nous avons creusé, mais certains sont
11 toujours restés à nos côtés. Et ils étaient armés, ceci pour assurer notre
12 sécurité, notre protection. C'étaient des jeunes hommes que tous nous
13 connaissions.
14 Question Merci. Monsieur, pourriez-vous nous dire à quelle unité vous
15 apparteniez et qui était le commandant de cette unité?
16 Réponse: Je ne pourrais pas vous dire. Je ne me rappelle plus du nom et
17 de la désignation. Est-ce que je me souviens de tous les hommes? Je ne
18 suis pas sûr, je ne sais pas s'il y avait un nom à cette unité. On nous a
19 simplement dit d'aller à Zabrde pour creuser les tranchées.
20 Question Vous dites avoir passer un jour et demi; cela veut dire que,
21 le lendemain, vous êtes rentré; dans quelles conditions et dans quelles
22 circonstances?
23 Réponse: Nous avons passé la nuit, nous avons eu notre petit déjeuner
24 et nous avons commencé à creuser. Vers midi ou 13 heures, le soldat est
25 venu et il a dit: "Dusko, dis à tes hommes d'arrêter de creuser". J'ai
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1 demandé pourquoi. Il m'a répondu: "Eh bien, arrête de creuser et emporte
2 tous tes outils" Par la suite, il m'a dit qu'ils avaient été informés
3 qu'ils pouvaient s'attendre à une attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine
4 et que nous étions censés, nous, rentrer chez nous. Ce que nous avons
5 fait: nous avons emporté tous nos outils.
6 Question Et est-ce qu'il y a eu une attaque?
7 Réponse: Je ne sais pas. En tout cas, quatre hommes armés du HVO nous
8 ont escortés jusqu'au village de Zaselje. Ils étaient devant nous et ils
9 avaient leurs armes prêtes à être utilisées, car il y avait une forêt
10 toute proche et ils ne voulaient pas tomber dans une embuscade. Et nous,
11 nous sommes descendus de ces hauteurs avec eux.
12 Question Et vous êtes rentré chez vous par la suite?
13 Réponse: Oui.
14 Question Combien de temps avez-vous passé chez vous avant de recevoir
15 votre deuxième désignation?
16 Réponse: Le 2 juillet, notre peloton de travail s'est rendu à Zaselje.
17 Question C'était bien au début de juillet? Comment saviez-vous que vous
18 deviez, de nouveau, vous rendre sur des sites à creuser des tranchées?
19 Réponse: Des gens sont venus à notre porte et j'ai reçu une
20 notification officielle.
21 Question Est-ce que c'était quelqu'un qui vous l'avait apportée?
22 Réponse: Oui, on a sans doute envoyé quelqu'un du département de
23 défense civile pour nous informer qu'il fallait y aller. Et notre point de
24 rassemblement, c'était la bibliothèque. Notre peloton de travail
25 s'appelait "peloton de travail de la colonie".
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1 Question Et vous avez été envoyé à Zaselje?
2 Réponse: Oui.
3 Question A combien de reprises êtes-vous allé creuser des tranchées?
4 Réponse: Et bien, après Zaselje, j'ai été à Bobasi; puis, juste à côté
5 de Bobasi, il y avait Brdjani. Puis, je suis allé en direction de
6 Tolovici. Il y a une localité qui porte le nom de Lazine. Par la suite,
7 nous sommes allés à Baringaj et, plus tard, j'ai été mobilisé par le
8 département de défense civile. C'est au cours du mois d'août que j'ai eu
9 un mauvais rhume; j'ai eu des problèmes de reins, également de vessie. Ils
10 se sont dit que j'avais peut-être la jaunisse. J'ai donc eu un congé de
11 maladie d'un mois et, puis par la suite, j'ai quitté la localité en
12 novembre et j'ai été déployé pour des fonctions de garde à Vitez parce que
13 j'avais perdu vingt kilos au cours de ces derniers mois. Ils se sont dit
14 que j'aurais des difficultés à continuer à creuser des tranchées, que je
15 ferai meilleur à faire ailleurs.
16 Il y avait beaucoup de matériel de construction, je devais veiller sur la
17 sécurité des ambulances, parce qu'il fallait veiller à ce qu'il y ait
18 suffisamment de ravitaillement de carburant. Il y avait aussi une morgue,
19 ce qui veut dire que toutes les personnes qui avaient été tuées, qui
20 étaient amenées à la morgue étaient préparées en vue des funérailles. Ces
21 funérailles avaient lieu le soir, à 10 heures, pas pendant la journée.
22 Nous étions cinq à faire ce type de travail.
23 Question Vous nous avez donné tous ces détails. Pourquoi dites-vous que
24 les funérailles n'avaient pas lieu pendant la journée?
25 Réponse: La totalité de Vitez était une ligne de front. On ne savait
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1 pas d'où venaient les coups de feu. Vraiment, il y avait des balles qui
2 sifflaient de partout.
3 Question Donc c'était pour des raisons de sécurité?
4 Réponse: Oui, les parents d'enfants, par exemple, qui avaient été tués
5 n'assistaient pas à ces funérailles. Il y avait des fonctionnaires qui
6 s'en occupaient. Disons qu'ils prenaient congé de leurs enfants chez eux
7 et puis c'était le département de défense civile qui s'occupait des
8 funérailles parce que c'était évidemment un moment pénible pour les
9 parents.
10 Question C'est à cet endroit que vous vous trouviez au moment où la
11 guerre s'est terminée?
12 Réponse: Oui.
13 Question Monsieur Lukovic, étant donné votre participation à l'effort
14 de guerre, vous avez bénéficié de certains droits, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question Je vais vous montrer un document, Monsieur Lukovic. Dites-nous
17 si c'est bien un document que vous avez ou des papiers d'identité que vous
18 avez reçus en votre qualité de membre d'un peloton de travail?
19 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira du document D122/2.
20 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur l'huissier, veuillez remettre
21 l'original au témoin et la version en anglais sur le rétroprojecteur.
22 Monsieur Lukovic, est-ce bien cette carte de membre que vous avez reçue au
23 moment où vous êtes devenu membre d'un peloton de travail?
24 M. Lukovic (interprétation): Oui, j'ai d'ailleurs apporté l'original. Ce
25 que vous avez, c'est une photocopie. Mais je n'ai pas ma photographie. Je
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1 l'ai enlevée de la carte.
2 Question Je vois. Mon confrère, Me Naumovski, vient de me dire qu'il y
3 a peut-être une erreur qui s'est glissée dans la traduction de cette carte
4 de membre, qu'il s'agissait du 14 janvier 1993 plutôt que de 1994, ce qui
5 figure dans l'original. Donc il y a une erreur au niveau de l'année.
6 Réponse: Oui, excusez-moi, c'est bien cela. Je n'avais pas mis mes
7 lunettes: c'est bien le 14 janvier 1994. Cela, c'est la bonne date.
8 Question Etant donné votre affectation à un peloton de travail, vous
9 avez aussi reçu le droit de recevoir des certificats ou actions, n'est-ce
10 pas?
11 Réponse: Oui.
12 Question Vous avez reçu un document de ce genre; je vais vous demander
13 de l'examiner. Vous nous direz ce dont il s'agit.
14 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira du document D123/2.
15 M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Lukovic, c'est bien le certificat
16 dont nous parlions. Il a été délivré le 7 mai 1996 par le commandement du
17 92e Régiment des Domobrani, et qui confirme que "M. Lukovic, fils Bosko,
18 est né en 1935". C'est bien vous, n'est-ce pas?
19 M. Lukovic (interprétation): Oui.
20 Question: "Qu'il était membre du 92e Régiment Viteska du 16 au 20 avril
21 1994".
22 J'ai quelques questions à vous poser à l'encontre de ce document. D'abord
23 est-ce que vous avez été membre du 92e Régiment Viteska?
24 Réponse: Eh bien, j'ai appris cela la première fois, lorsque j'ai reçu
25 ce certificat…
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1 Question Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur Lukovic, mais
2 pourriez-vous répondre à ma question? Avez-vous jamais été membre du 92e
3 Régiment?
4 Réponse: Jamais. J'étais civil dans un peloton de travail; je n'avais
5 ni uniforme ni arme.
6 Question Vous avez reçu ce certificat pour l'utiliser pour vos
7 certificats ou actions?
8 Réponse: Oui. C'est à cause de cela que j'ai pu bénéficier d'années de
9 service supplémentaires. De cette façon-là, au moment de ma retraite, eh
10 bien, ces années ont compté double.
11 Question Monsieur Lukovic, l'employé qui vous a remis ce certificat,
12 est-ce que vous lui avez dit, à cet homme, que vous n'étiez pas membre du
13 92e Régiment des Domobrani?
14 Réponse: Non, je n'ai jamais fourni ce type d'information.
15 Question: Monsieur Lukovic, abordons le dernier sujet qui sera le nôtre
16 aujourd'hui.
17 Messieurs les Juges, il me faudra peut-être dix minutes en tout. Au
18 maximum. Pouvons-nous poursuivre?
19 M. Lukovic (interprétation): J'aimerais dire quelque chose. Puis-je le
20 faire?
21 M. le Président (interprétation): Oui.
22 M. Lukovic (interprétation): Je ne savais même pas qu'il existait un 92e
23 Régiment Viteska. J'ai trouvé cela bizarre de me retrouver tout d'un coup
24 membre de ce régiment. J'en ai parlé à ma famille, mais je n'ai appris
25 l'existence de tout ceci qu'au moment où j'ai reçu ce document.
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1 M. Mikulicic (interprétation): Merci. Je dois intervenir pour la
2 traduction, une fois de plus. Merci, Maître Naumovski de m'avoir indiqué
3 ceci: on dit dans la traduction que M. Lukovic était membre du 92e
4 Régiment Viteska du 16 au 20 avril 1994, alors qu'il devrait s'agir du 16
5 avril 1993 au 20 avril 1994. Donc, il en aurait été membre pendant une
6 année et pas pendant quatre jours, comme l'indiquait ce document ou du
7 moins, la traduction de ce document.
8 Monsieur Lukovic, en guise d'introduction, vous avez dit que votre fils
9 était diplômé de la faculté de droit, mais qu'il avait perdu son travail
10 et qu'après, il avait rejoint une unité du HVO?
11 Réponse: Non, il n'a pas rejoint les unités du HVO. Il a été mobilisé.
12 En effet, il était tout comme moi un conscrit mais, bien sûr, plus jeune.
13 Et c'est ainsi qu'il est devenu membre du HVA, du moins, de la composante
14 armée du HVO.
15 Question: Il a été blessé au cours de la guerre?
16 Réponse: Oui, à Bobasi.
17 Question: Il est invalide à 30%?
18 Réponse: Oui, exact. Il a encore des éclats d'obus ou de balle à la
19 main gauche. Du coup, il est considéré comme invalide et reçoit une
20 pension d'environ 300 deutsche marks.
21 Question: Et ceci l'autorisait aussi à recevoir des certificats?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Votre femme faisait-elle partie d'une composante armée ou d'un
24 peloton de travail?
25 Réponse: Ma femme, c'était ma femme. C'était une ménagère, une grand-
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1 mère. Elle passait tout son temps à la maison. Elle était vraiment la
2 cheville ouvrière de notre maison parce que l'un partait d'un côté,
3 l'autre de l'autre. Puisque son mari était parti et son fils aussi, elle
4 est restée chez elle avec sa belle-fille.
5 Question: La situation était difficile?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Elle aussi a bénéficié de certificats?
8 Réponse: Oui, parce que nous tous, nous avons reçu des certificats du
9 fait de la privatisation des entreprises sociales et des usines qui
10 existaient auparavant. Il y a des pensionnés, des retraités qui recevaient
11 une pension un peu plus importante, ceux qui avaient des comptes d'épargne
12 et qui avaient perdu toutes leurs épargnes ont reçu des certificats comme
13 quoi ils étaient membres du HVO en fonction des années de service dans le
14 HVO, ou, si c'étaient des civils, qu'ils auraient travaillé à la défense
15 civile. Ce qui veut dire qu'outre ceci, ma femme a reçu à peu près mille
16 marks ou l'équivalent de mille marks en certificats en qualité de
17 citoyenne qui se trouvait dans cette zone au moment où la guerre
18 sévissait. Les femmes ont participé à l'effort de guerre par le truchement
19 de la Croix-Rouge: elles cuisaient du pain, elles préparaient à manger,
20 elles fournissaient des draps pour les hôpitaux ou pour les morgues. Des
21 choses de ce genre.
22 Question: Merci, Monsieur Lukovic. Je crois que nous avons maintenant
23 une meilleure idée de la situation. Est-ce que vous connaissez Mario
24 Cerkez?
25 Réponse: Oui, très bien.
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1 Question: Comment se fait-il que vous le connaissiez? A cause de ses
2 parents? Vous les connaissiez?
3 Réponse: Oui, nous avons été amis pendant des années. Surtout dans les
4 années 60, 70. Nous étions très bons amis. Nous nous voyions souvent. On
5 allait camper ensemble. On a fait cela pendant dix ans. On allait à
6 Makarska, sur la côte, ensemble. Ce qui veut dire que Davoran, le frère de
7 Mario, Mario, les parents, tous les enfants, on partait tous sur la côte
8 ensemble.
9 Question: Etant donné ces liens d'amitié avec la famille Cerkez, est-ce
10 que vous pensez que la famille Cerkez et Mario aussi, personnellement,
11 avaient des préjugés à l'égard des Musulmans ou d'autres groupes ethniques
12 qui vivaient en Bosnie-Herzégovine?
13 Réponse: A ma connaissance, la famille Cerkez était plus respectée,
14 surtout Dugomir l'était, le père qui est décédé, ainsi que la mère. Ils
15 travaillaient tous les deux à la poste. C'étaient des gens très aimables
16 qui avaient beaucoup d'amis, de connaissances et, jamais, je n'ai constaté
17 un tel comportement. Parce que si j'avais constaté un tel comportement,
18 j'aurais cessé d'être leur ami. Il est important que je le dise pour les
19 deux, et surtout la mère de Mario, elle était très religieuse.
20 Question: Est-ce que vous avez constaté peut-être que Mario avait un
21 comportement agressif? Est-ce qu'il aimait chercher la bagarre?
22 Réponse: Difficile de répondre. Je vous l'ai dit, nous sommes amis. A
23 vous de juger dans quelle mesure je peux être objectif puisque nous étions
24 vraiment des amis intimes. Mais comment qualifier mes sentiments à son
25 égard? C'était un homme exemplaire, très bien élevé, très cultivé. Il est
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1 allé à l'école des officiers de réserve à Biledza (?). Il était
2 lieutenant, il a travaillé pendant tout un temps à la Poste, puis au
3 secrétariat pour la défense nationale, ainsi que dans les services de
4 défense civile de la municipalité. Plus tard, lorsque je suis passé à
5 l'usine SPS où j'étais directeur, il y avait un secteur de défense
6 nationale. J'ai demandé à Mario de venir parce que nous avions des
7 difficultés pour la manutention d'un équipement particulier. Lui qui était
8 technicien officier a fini par venir travailler à l'usine. Il était
9 responsable des ressources et matériaux techniques, MTS.
10 Question: Comment s'est-il acquitté de sa tâche?
11 Réponse: De façon excellente. Il était très minutieux. Nous avons pu
12 faire le travail rapidement grâce à lui. Bon, peut-être que mon évaluation
13 n'aura pas beaucoup de poids, mais je sais qu'il y a eu plusieurs
14 inspections militaires qui sont venues sur les lieux pour voir le travail.
15 Il y avait eu une délégation fédérale, avec à sa tête un amiral, et ils
16 ont vraiment félicité le travail fait non seulement par Mario, mais aussi
17 par la défense civile dans la localité.
18 Question: Merci d'être venu comparaître ici à ce Tribunal. Je n'ai plus
19 de questions à poser au témoin.
20 (Questions du Juge May.)
21 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, puis-je vous
22 demander quelque chose? Je veux être sûr de ce que j'ai bien compris votre
23 témoignage. Vous avez dit avoir creusé des tranchées. Vous avez parlé de
24 Bobasi ainsi que de Lazine, endroits où vous seriez allé creuser ces
25 tranchées. Mais vous avez mentionné d'autres endroits. Est-ce que vous
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1 pourriez me dire ce qu'ils représentaient? Lesquels c'étaient?
2 M. Lukovic (interprétation): Vous voulez que je vous les donne tous?
3 Question: Ceux que vous avez mentionnés. Vous avez parlé de Zabrdje, de
4 Bobasi. Outre ceux-là, quels étaient les autres endroits?
5 Réponse: Brdjani, ainsi que Barin Gaj . Cela en fait six en tout, je
6 pense.
7 Question: Merci.
8 Réponse: Je vous en prie.
9 Question: Pourriez-vous nous aider sur certains autres éléments de
10 géographie. L'université ouvrière -ou centre d'éducation- apparemment
11 était aussi appelé autre chose: Centre culturel. Est-ce exact?
12 Réponse: Je me trouvais à l'université ouvrière en 1959. C'était une
13 institution autonome et il y avait -et c'était quelque chose de séparé- un
14 centre. C'était une partie de l'usine SPS. Par la suite, le centre
15 culturel et l'université ouvrière ont fusionné. C'est devenu une
16 organisation que l'on a appelée l'université ouvrière "Mosa Pijade". Il y
17 avait un théâtre, un cinéma.
18 Question: Fort bien. Et c'est là qu'il y avait le cinéma alors?
19 Réponse: Oui.
20 Question: Autre chose. On a parlé de "La Colonie" ou de "Colonie". Cela
21 faisait partie de Vitez? C'était un quartier?
22 Réponse: Tout à fait. Novi Vitez, c'est le nouveau Vitez. Et c'est là
23 qu'il y a eu des tours résidentielles. C'est-à-dire que les entreprises
24 ont bâti des appartements pour les ouvriers à cet endroit. Au moment où
25 l'on a construit l'usine militaire, on a appelé cet endroit La Colonie.
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1 Dès que s'érigeait un nouveau bâtiment, on appelait cet endroit La
2 Colonie. Mais je peux vous dire qu'il fut un temps où Vitez était belle,
3 où il y avait beaucoup d'endroits verts, de parcs.
4 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Pourriez-vous vous
5 retrouver à l'audience? Est-ce qu'il y aura contre-interrogatoire de votre
6 part, Maître Sayers?
7 M. Sayers (interprétation): Pas pour M. Kordic.
8 M. le Président (interprétation): L'accusation va procéder au contre-
9 interrogatoire. Je vous demanderai donc d'être présent à l'audience demain
10 à 9 heures 30. Vous pourrez ainsi poursuivre votre déposition.
11 Veillez à ne vous entretenir avec personne de votre déposition tant
12 qu'elle n'est pas terminée. Ceci concerne également les membres des
13 équipes de la défense.
14 J'ai besoin de parler avec Mme Featherstone.
15 L'audience est suspendue jusque demain, 9 heures 30.
16 (L'audience est levée à 16 heures 12.)
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