Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 25526

  1    Le mardi, 26 septembre 2000

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 37.)

  3   (Questions relatives à la procédure – Huis clos partiel.)

  4   [expurgée]

  5   [expurgée]

  6   [expurgée]

  7   [expurgée]

  8   [expurgée]

  9   [expurgée]

 10   [expurgée]

 11   [expurgée]

 12   [expurgée]

 13   [expurgée]

 14   [expurgée]

 15   [expurgée]

 16   [expurgée]

 17   [expurgée]

 18   [expurgée]

 19   [expurgée]

 20   [expurgée]

 21   [expurgée]

 22   [expurgée]

 23   [expurgée]

 24   [expurgée]

 25   [expurgée]


Page 25527

  1  

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   Page 25527 expurgée – audience à huis clos partiel.

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 25528

  1  

  2  

  3  

  4   

  5  

  6   

  7  

  8   

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   Page 25528 expurgée – audience à huis clos partiel.

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 25529

  1  

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7   

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   Page 25529 expurgée – audience à huis clos partiel.

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 25530

  1   [expurgée]

  2   [expurgée]

  3   [expurgée]

  4   [expurgée]

  5   [expurgée]

  6   [expurgée]

  7   [expurgée]

  8   [expurgée]

  9   [expurgée]

 10   [expurgée]

 11   [expurgée]

 12   [expurgée]

 13   [expurgée]

 14   [expurgée]

 15   (Audience publique.)

 16   (Le témoin, M. Jozo Pokrajcic, est introduit dans le prétoire.)

 17   (Interrogatoire principal de M. Jozo Pokrajcic par Me Mikulicic, suite.)

 18   M. le Président (interprétation): Oui, excusez-moi. Vous pouvez procéder,

 19   Maître Mikulicic.

 20   M. Mikulicic (interprétation): Bonjour, Monsieur Pokrajcic.

 21   M. Pokrajcic (interprétation): Bonjour.

 22   Question:   Monsieur Pokrajcic, nous allons continuer là où on s'est

 23   arrêté hier. Mais une question, toute petite, pour clarifier un peu les

 24   choses: vous avez dit que vous étiez devenu commandant de cette unité de

 25   volontaires rassemblés à Zagreb et transportés à Tomislavgrad puis vers


Page 25531

  1   l'aire de combat de Jajce. Qui vous a nommé commandant?

  2   Réponse:    J'ai été pratiquement élu commandant par des individuels qui

  3   étaient de l'armée croate et qui étaient originaires de Kotor Varos.

  4   Question:   Donc, ce sont les membres de cette unité-là?

  5   Réponse:    C'est très exact.

  6   Question:   Merci. Lorsque vous êtes venu en Bosnie centrale, à Dobratic,

  7   à qui vous êtes-vous présenté comme étant votre supérieur?

  8   Réponse:    Je me suis présenté au général Blaskic, à Dobratic.

  9   Question:   Donc le colonel Blaskic, à l'époque, était commandant de la

 10   zone opérationnelle de Bosnie centrale et c'était votre supérieur,

 11   commandant direct, n'est-ce pas?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Vous étiez en communication régulière avec lui par le système

 14   de transmission, liaison?

 15   Réponse:    Il n'y avait pas de liaison. C'était bien rare.

 16   Question:   Dites-nous, Monsieur Pokrajcic, quelle était la composition

 17   nationale, ethnique, de cette unité dont vous avez été le commandant?

 18   Réponse:    Ils étaient 50% de Croates et 50% de Musulmans.

 19   Question:   Les Musulmans membres de l'unité que vous avez commandée ont-

 20   il eu, peut-être, des postes davantage favorables ou étaient-ils de

 21   simples soldats? Avaient-ils des fonctions de commandement à exécuter?

 22   Réponse:    Ils étaient à égalité, Croates et Musulmans. Disons que parmi

 23   les cadres du commandement, les Musulmans et les Croates étaient encore

 24   sur un pied d'égalité.

 25   Question:   Quelle était la région du front, face à l'armée des Serbes de


Page 25532

  1   Bosnie-Herzégovine, que votre unité a tenue?

  2   Réponse:    C'était la région de Dobravica.

  3   Question:   Par conséquent Jajce, Dobravica?

  4   Réponse:    Oui. C'est bien Jajce, Dobravica, Vlacic.

  5   Question:   Vous avez été participant direct face aux Serbes de Bosnie sur

  6   cette ligne de défense de Jajce et face à la JNA. Qui a défendu cette

  7   ligne, de l'autre côté?

  8   Réponse:    Cette ligne a été défendue -je dirais- de l'ordre de 80% de la

  9   totalité de la ligne par le HVO.

 10   Question:   Le restant du front, donc, étant contrôlé par qui? Par l'armée

 11   de Bosnie-Herzégovine?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Je suppose que vous avez dû consentir d'énormes efforts, là?

 14   Réponse:    C'est bien cela.

 15   Question:   Comment tout cela s'est-il répercuté sur votre santé physique,

 16   votre condition générale?

 17   Réponse:    Je dois dire qu'en venant sur le front de Jajce, je pesais 102

 18   kilos et que quelques mois plus tard seulement, je me suis retrouvé à 71

 19   kilos.

 20   Question:   Donc vous avez été, physiquement parlant, exténué? Avez-vous

 21   demandé une visite médicale, un traitement médical?

 22   Réponse:    Oui, j'ai été enfin traité, mais à des intervalles très

 23   courts. Je prenais des dragées, etc..

 24   Question:   Donc fin octobre 1992, vous êtes allé à l'hôpital. Vous avez

 25   été hospitalisé?


Page 25533

  1   Réponse:    Oui, c'est bien cela. Je ne pouvais plus tenir le coup.

  2   Question:   Pendant combien de temps avez-vous été traité, hospitalisé?

  3   Réponse:    Environ six mois.

  4   Question:   Donc, vous n'étiez plus présent sur la ligne de front lors de

  5   la chute de Jajce?

  6   Réponse:    Non.

  7   Question:   Pouvez-vous nous dire, étant donné votre expérience et votre

  8   façon de voir les combats qui se sont déroulés lors de la défense de

  9   Jajce, comment se présentaient vos estimations quant à la chute de Jajce?

 10   Réponse:    Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises: Jajce est tombée, étant

 11   donné que les forces des Musulmans se sont retirées dans la vaste région

 12   de Turbe. Le tout était pratiquement condamné à être défendu par le HVO.

 13   Par conséquent, notre ligne a craqué.

 14   Question:   Donc la chute de Jajce est due à la prédominance des Serbes de

 15   Bosnie, militairement parlant?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Monsieur Pokrajcic, lors de ce procès, nous avons entendu les

 18   dépositions qui suggéraient que la chute de Jajce aurait été due au fait

 19   que le HVO et la JNA auraient été d'intelligence, en quelque sorte, qu'il

 20   y avait une certaine concertation et un accord. Pouvez-vous dire que ceci

 21   pouvait être la vérité?

 22   Réponse:    Je n'ai vraiment aucun commentaire à faire là-dessus. Ceci ne

 23   peut pas être la vérité. Les temps étaient très durs et pendant ce temps-

 24   là, j'étais partout, dans chaque tranchée, auprès de chaque soldat. Je

 25   sais très bien la raison de la chute de Jajce.


Page 25534

  1   Question:   Bon. Outre cette unité que vous avez décrite et dont vous avez

  2   été le commandant au front, y a-t-il eu des unités régulières de l'armée

  3   croate?

  4   Réponse:    Non.

  5   Question:   Monsieur Pokrajcic, nous allons revenir un peu en arrière,

  6   vers l'époque où vous avez été engagé à rassembler cette unité de

  7   volontaires ou lorsque vous avez été encore officier de l'armée croate en

  8   République de Croatie. A cette époque-là, avez-vous connu un monsieur qui

  9   s'appelait Fikret Cuskic?

 10   Réponse:    Je dois vous reprendre un peu. Ces gens-là étaient déjà

 11   rassemblés, je n'ai pas dû les rassembler. Fikret Cuskic? Je l'ai connu; à

 12   plusieurs reprises j'ai été avec lui.

 13   Question:   Fikret Cuskic était un Musulman, n'est-ce pas?

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   Quelles étaient ses occupations avant que la guerre n'éclate

 16   en Yougoslavie?

 17   Réponse:    Il était officier de la JNA. Plus tard, il est devenu officier

 18   dans l'armée croate. Plus précisément, il était officier de l'armée de

 19   Croatie.

 20   Question:   Je vous prie, Monsieur Pokrajcic, d'examiner un peu ces

 21   documents. Je prie l'huissier de bien vouloir m'aider.

 22   A titre de clarification, Monsieur le Président, le conseil de la défense

 23   de M. Cerkez a obtenu de la part du ministère de la défense de la

 24   République de Croatie un dossier spécial portant sur Fikret Cuskic et M.

 25   Jasmin Jaganjac, ce dont on parlera ultérieurement.


Page 25535

  1   Je demanderai à ce témoin de prêter attention à quelques faits que

  2   contiennent ces dossiers. Pour ce qui est de l'ensemble, je vous prie de

  3   le verser au dossier en tant que pièce à conviction.

  4   Mme Ameerali (interprétation): Le document portera la cote 128/2.

  5   M. Mikulicic (interprétation): Je prie l'huissier de mettre l'original, la

  6   première page, sur le rétroprojecteur et de remettre une copie au témoin.

  7   Vous avez, Monsieur Pokrajcic, un document que nous avons reçu du

  8   ministère de la Défense de la République de Croatie et qui est la somme

  9   même du dossier de M. Fikret Cuskic. Juste à titre d'identification,

 10   s'agit-il de la même personne que celle dont nous avons fait mention tout

 11   à l'heure?

 12   Vous pouvez voir sa biographie. Il s'agit de Fikret Cuskic, fils de Imzo,

 13   né le 29 février 1956 à Prijedor, Bosnie-Herzégovine, résidant à cette

 14   époque-là à Varazdin, militaire de formation, commandant du premier

 15   bataillon de l'unité mécanisée de Varazdin pour la période du 13 janvier

 16   1992 au 31 décembre 1992. S'agit-il bien de ce Fikret Cuskic?

 17   M. Pokrajcic (interprétation): Oui, il s'agit bien de ce membre de ces

 18   forces armées.

 19   Question:   S'agissant de son occupation, on ne parlera évidemment pas de

 20   tout ce qu'il a fait dans le cadre de la garde nationale, de même que l'on

 21   ne citera pas tout ce qu'il a fait dans l'armée de Croatie. Dans ce

 22   dossier, il y a aussi un certificat attestant qu'il était en République de

 23   Croatie du 13 janvier au 31 décembre 1992.

 24   Ma question est la suivante: Monsieur Pokrajcic, pouvez-vous en juger,

 25   déduire qu'il s'agit de la personne qui a été un officier d'active de


Page 25536

  1   l'armée de Croatie?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Savez-vous que lui a emprunté à peu près un chemin similaire

  4   au vôtre pour devenir membre de ces forces-là qui ont participé à la

  5   défense de la Bosnie-Herzégovine contre la JNA?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Que pouvez-vous nous dire sur lui?

  8   Réponse:    Comme lui, comme M. Jaganjac... Au moment où j'étais venu, ils

  9   se trouvaient à la foire.

 10   Question:   Excusez-moi de vous interrompre, vous devez dire ce qu'est la

 11   grande foire.

 12   Réponse:    C'est une grande foire, une aire importante où beaucoup de

 13   gens peuvent être rassemblés et un lieu de rassemblement fort propice pour

 14   un nombre important de personnes.

 15   Question:   C'est donc sur ce site-là que ces gens-là se sont rassemblés

 16   pour partir en Bosnie-Herzégovine pour combattre la JNA, n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Oui, c'est bien cela.

 18   Question:   Vous avez fait mention de Jasmin Jaganjac. Que pouvez-vous

 19   nous dire sur lui?

 20   Réponse:    MM. Jasmin Jaganjac et Fikret Cuskic ont eu la même fonction

 21   que moi.

 22   Question:   Donc, Monsieur Jasmin Jaganjac lui aussi a été officier

 23   d'active de l'armée de Croatie à cette époque-là?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Eux, tout comme vous, ont-ils dû demander une autorisation de


Page 25537

  1   se rendre en Bosnie-Herzégovine pour s'engager dans la lutte contre la

  2   JNA?

  3   Réponse:    Somme toute, ils ont dû le faire.

  4   Question:   Ont-ils été eux aussi à la tête d'unités qui se sont rendues

  5   en Bosnie-Herzégovine?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Il y a quand même une différence, pour parler des formations,

  8   entre l'unité que vous avez commandée vous-même et les unités commandées

  9   par ces deux personnes?

 10   Réponse:    Oui, il y a une différence.

 11   Question:   En quoi consiste cette différence?

 12   Réponse:    Eh bien, la différence, c'est que j'ai eu dans mes unités 50 %

 13   de Croates et 50 % de Musulmans. Chez eux, il y avait 90 % de Musulmans et

 14   10 % de Croates respectivement. La différence consiste en ce que moi-même,

 15   avec toute mon équipe, sans armes, sans équipements, j'ai dû passer vers

 16   le territoire de la Bosnie-Herzégovine alors que Fikret Cuskic, lui, en

 17   Croatie encore a été complètement armé, doté de toute la logistique et de

 18   même évidemment que de cours de formation. C’est ainsi qu'il a pu passer

 19   vers le territoire de Bosnie-Herzégovine.

 20   Question:   De concert avec son unité?

 21   Réponse:    Oui, avec ses 700 combattants.

 22   Question:   Je prie l'huissier de bien vouloir distribuer également le

 23   document que je lui présente maintenant. Il s'agit une fois de plus d'un

 24   dossier portant sur Jasmin Jaganjac.

 25   M. Nice (interprétation): Il me serait utile de savoir si ce dossier


Page 25538

  1   personnel a été délivré par la Croatie ou bien composé par le conseil de

  2   la défense. Si j'ai bien compris, Me Mikulicic a dit que ceci avait été

  3   délivré par l'Etat.

  4   M. le Président (interprétation): Oui bien sûr, c'est ce que la défense a

  5   dit. Est-ce vrai, Maître Mikulicic?

  6   M. Mikulicic (interprétation): Oui, le conseil de la défense l’a demandé

  7   par écrit et le ministère de la Défense a mis à notre disposition ces

  8   dossiers portant sur Fikret Cuskic et Jasmin Jaganjac. Il s'agit donc de

  9   ces documents qui m'ont été délivrés par le ministère de la Défense.

 10   Nous allons faire très vite sur ce second dossier. Il s'agit donc de ces

 11   documents portant sur Jasmin Jaganjac, fils de Fadil. Il est né à

 12   Titograd, résidant à Zagreb, officier de l'armée de Croatie. Il a été

 13   chargé de conférences à l'Académie militaire de Croatie. S'agit-il bien de

 14   cette personne-là?

 15   Réponse:    Oui, c'est bien lui.

 16   Question:   A en juger d'après ce dossier personnel, on peut dire à quel

 17   moment il a signé un contrat pour être engagé par la garde nationale de la

 18   République de Croatie et on voit également qu'en date du 12 mars 1993, il

 19   a demandé l'arrêt de son service à titre d'officier de l'armée de Croatie

 20   et que ceci lui a été autorisé à la date du 12 avril 1993.

 21   Je ne veux plus m'attarder là-dessus. Je demande à la secrétaire greffière

 22   de nous donner la cote.

 23   Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la cote D129/2.

 24   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur Pokrajcic, étiez-vous témoin

 25   oculaire de la venue de ces unités commandées par MM. Cuskic et Jaganjac


Page 25539

  1   dans la région du front de Jajce?

  2   M. Pokrajcic (interprétation): Oui, j'ai été témoin oculaire de la venue

  3   de ces unités, pas dans la région de Jajce, mais dans la ville de Travnik.

  4   Question:   Bon. Alors pouvez-vous nous dire ce qu’il s'est passé là-bas?

  5   Réponse:    Tout simplement c'était par force qu'ils sont entrés dans la

  6   caserne et ils ont d'ailleurs expulsé une partie des effectifs de la force

  7   armée de Croatie.

  8   Question:   Voulez-vous dire par là que cette unité ne s'est pas incluse

  9   dans les luttes pour la défense de la ville de Jajce?

 10   Réponse:    Non.

 11   Question:   Ils étaient donc stationnés dans la ville de Travnik?

 12   Réponse:    C'est exact.

 13   Question:   Et ils ont donc été établis, installés dans la caserne de

 14   cette ville-là?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Après avoir expulsé de cette caserne les effectifs du HVO?

 17   Réponse: Oui, une partie enfin de ces effectifs qui étaient là.

 18   Question:   A quel moment cela s’est-il passé?

 19   Réponse:    Cela s’est passé au mois d’août 1992.

 20   Question:   Bon. Je prie l'huissier de présenter au témoin le document

 21   D58/2.

 22   Mes collègues attirent notre attention sur le fait qu'à deux reprises, on

 23   n'a pas fait mention dans le transcript de la ville de Travnik où se sont

 24   installés les unités de Fikret Cuskic.

 25   Il s'agit bien de la ville de Travnik?


Page 25540

  1   Réponse:    Oui, bien sûr.

  2   Question:   Monsieur Pokrajcic, il s'agit d'un document que la Forpronu a

  3   délivré le 6 juillet 1993 en Bosnie-Herzégovine. Il s'agit de l'un de la

  4   série des documents que la Forpronu a délivrés pour juger des événements

  5   suivis. Je vais vous donner lecture du texte du point 4: "On a dit que

  6   Fikret Cuskic était le commandant de la dix-septième brigade de Krajina."

  7   Est-ce vrai? Il s'agit du mois de juillet 1993.

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la ligne

 10   d'avancement de cette personne, parce qu'il est venu donc à Jajce pour

 11   combattre la JNA pour devenir le commandant de la dix-septième brigade de

 12   Krajina.

 13   Réponse:    Il est difficile de décrire la carrière des anciens officiers

 14   de la JNA parce que ces gens-là ont été bien formés. Ainsi en est-il de

 15   Fikret Cuskic. Lui nous a dit par exemple que nous n'avons pas été

 16   suffisamment mûrs comme eux par exemple pour connaître ce que c'était

 17   qu'une guerre psychologique. Par conséquent, on ne peut pas savoir les

 18   intentions de ces gens-là et le reste.

 19   Question:   Donc, il vous a dit que lui a connu aussi un cours de

 20   formation et est passé par un cours de formation en matière de guerre

 21   psychologique?

 22   Réponse:    Oui, je crois qu'ils ont tous fait cela.

 23   Question:   Est-ce un peu inhabituel ou s'agit-il d'une partie régulière

 24   des cours de formation?

 25   Réponse:    Pour l'époque qui était la nôtre, c'était inhabituel, mais


Page 25541

  1   pour ce qui est de l'armée yougoslave, c'était tout à fait habituel.

  2   Question:   Plus tard dans le document, on dit que c'est notamment ce M.

  3   Fikret Cuskic dont vous parliez qui soutenait que Mario Cerkez, le

  4   commandant de la Brigade de Vitez, aurait donné l'ordre à ses effectifs, à

  5   ses soldats que chaque soldat serait primé pour toute oreille découpée de

  6   l'ordre de 400 marks et de l'ordre de 50 marks pour tout doigt coupé

  7   évidemment de la main d'un soldat musulman.

  8   Que pourriez-vous dire, en guise de commentaire?

  9   Réponse:    Je crois que je n'ai guère de commentaire à faire; ceci est

 10   loin d'être la vérité. Ce que je viens de dire, il s'agissait bien d'une

 11   guerre de propagande et psychologique.

 12   Question:   En commentaire de ce document, on peut dire qu'il est

 13   difficile de confirmer de telles allégations, mais cela n'est pas sans

 14   renforcer la paranoïa et ce manque de confiance qui existaient dans les

 15   deux camps respectivement. Partagez-vous ce sentiment, ce commentaire?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   J'aimerais bien soumettre un autre document. Il s'agit du

 18   Z1225.1.

 19   Il s'agit de ce document Z1225.1. Il s’agit bien de ce document du 30

 20   septembre 1993.

 21   Question:   Monsieur Pokrajcic, j'allais dire Cuskic, ici, point 3 du même

 22   document du 30 septembre 1993, il est dit entre autres que M. Fikret

 23   Cuskic, le commandant de la célèbre 17ème Brigade, a positionné son

 24   quartier général dans le village de Kruscica. On dit, entre autres, que

 25   c'est là qu'on a aménagé un terrain d'atterrissage pour hélicoptères.


Page 25542

  1   Cela correspond-il aux connaissances qui sont les vôtres quant au

  2   développement de la carrière de M. Cuskic et à son avancement depuis

  3   Travnik jusqu'aux dates ultérieures?

  4   Réponse:    Oui, cela correspond parfaitement.

  5   Question:   Au moment où MM. Cuskic et Jaganjac sont venus à Travnik -et

  6   vous avez dit auparavant que vous et votre unité, vous vous étiez mis à la

  7   disposition du commandant de la zone opérationnelle de la Bosnie centrale,

  8   à savoir M. Blaskic- pour combattre les Serbes de Bosnie, qui avait

  9   contacté MM. Cuskic et Jaganjac?

 10   Réponse:    Sefer Halilovic.

 11   Question:   Qui était Sefer Halilovic?

 12   Réponse:    Je pense qu'il était le commandant des forces armées de la

 13   Défense territoriale et de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 14   Question:   Est-ce qu'à quelque moment que ce soit, ils avaient coordonné

 15   leurs actions avec votre unité ou avec d'autres unités sur le front de

 16   Jajce?

 17   Réponse:    Ils les ont coordonnées avec moi à deux reprises et deux fois

 18   ils se sont montrés faux, je suis resté seul.

 19   Question:   Pourriez-vous vous expliquer?

 20   Réponse:    Nous avions préparé une opération et on demandait à ce qu'eux

 21   se retirent de 500 mètres pour que mes unités puissent prendre leur place.

 22   Ils n'ont jamais fait cela, ce qu'ils auraient dû.

 23   Question:   Monsieur Pokrajcic, sur le front de Jajce, mise à part votre

 24   unité, il y a eu beaucoup de volontaires qui venaient de toutes les

 25   parties de la Bosnie centrale?


Page 25543

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   De quelles parties de la Bosnie centrale venaient ces

  3   volontaires?

  4   Réponse:    De Novi Travnik, de Vitez et de Busovaca.

  5   Question:   Est-ce qu'à l'époque, vous avez rencontré M. Mario Cerkez?

  6   Réponse:    Oui, je l'ai vu à plusieurs occasions.

  7   Question:   Que faisait-il?

  8   Réponse:    C'était lui qui était à la tête des personnes qui venaient là-

  9   bas.

 10   Question:   De quelle ville?

 11   Réponse:    De Novi Travnik.

 12   Question:   Qu'est-ce que vous entendiez par là quand vous disiez qu'il

 13   était à la tête des gens qui venaient?

 14   Réponse:    En fait, ce n'étaient pas de vrais soldats qu'il menait. Je

 15   pense que... Pour moi, j'entends par vrai soldat quelqu'un qui porte un

 16   uniforme et qui a des armes, alors que M. Cerkez amenait des gens qui

 17   venaient remplacer d'autres gens qui étaient sur la ligne de front et qui

 18   ne portaient ni uniformes ni armes.

 19   Question:   Et ces gens, à quel moment recevaient-ils des armes?

 20   Réponse:    Eh bien, au moment où ils venaient sur la ligne de front.

 21   Question:   Et ils passaient combien de temps sur la ligne de front?

 22   Réponse:    Entre sept et dix jours.

 23   Question:   Et par la suite, ils allaient où?

 24   Réponse:    Ces gens-là partaient et d'autres gens venaient les remplacer.

 25   Question:   Vous n'avez pas eu beaucoup plus de contacts avec Cerkez, plus


Page 25544

  1   que vous ne l'avez mentionné maintenant. Mais est-ce que lors de ces

  2   contacts, vous avez jamais entendu qu'il disait quoi que ce soit contre

  3   les Musulmans ou qu'il disait quoi que ce soit de mauvais sur les ennemis,

  4   quel que soit l'ennemi?

  5   Réponse:    Non.

  6   Question:   Nous l'avons entendu dans le cadre de ce procès: le 16 avril

  7   1993, le conflit a augmenté dans la vallée de la Lasva. Ce jour-là, le 16

  8   avril, est-ce que ces soldats de remplacement venaient toujours sur la

  9   ligne de front pour combattre la JNA?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Savez-vous quel a été le sort d'un de ces groupes de

 12   remplaçants qui venaient combattre la JNA?

 13   Réponse:    Eh bien, ils ont eu des problèmes à Ahmici. Ils n'ont pas pu

 14   passer et retourner. Ce qui veut dire qu'à l'époque, il y avait

 15   probablement une unité des soldats Musulmans qui se trouvait à Ahmici.

 16   M. le Président (interprétation): Avant de pouvoir démontrer des preuves

 17   de ce genre-là... Ce témoin était à l'hôpital à l'époque, donc sur la base

 18   de quoi peut-il donner ce témoignage? Au mieux, c'est de l'ouï-dire.

 19   M. Mikulicic (interprétation): J'essaierai de poser les bases pour ce type

 20   de témoignage.

 21   Monsieur, vous nous avez dit qu'avant la chute de Jajce, vous vous êtes

 22   trouvé à l'hôpital?

 23   M. Pokrajcic (interprétation): Oui.

 24   Question:   Est-ce que, par la suite, vous avez eu des contacts avec les

 25   gens de la région?


Page 25545

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Est-ce qu'en parlant avec ces gens-là, vous avez pu apprendre

  3   des choses?

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   Monsieur Pokrajcic, je parle maintenant du groupe de

  6   remplaçants qui a été envoyé sur la ligne de front à Vlasic contre la JNA

  7   et les unités des Serbes de Bosnie. Avez-vous entendu ce qui s'est passé

  8   avec le groupe de remplaçants à Vlasic, au moment où le conflit a éclaté

  9   dans la vallée de la Lasva?

 10   Réponse:    Ils n'ont pas pu rentrer. Trois de mes soldats me l'ont dit

 11   ultérieurement, quand ils sont venus à Zagreb.

 12   M. Mikulicic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur.

 13   On a dû, à un moment, ne pas trop bien se comprendre et c'est entièrement

 14   ma faute. Cela étant dit, je n'ai plus d'autres questions pour vous.

 15   M. Sayers (interprétation): Nous n'avons pas de questions pour le

 16   brigadier Pokrajcic.

 17   (Contre-interrogatoire de M. Jozo Pokrajcic par Me Nice.)

 18   M. Nice (interprétation): Est-ce que vous avez pris des notes sur

 19   lesquelles vous avez basé ce que vous venez de dire?

 20   M. Pokrajcic (interprétation): Non.

 21   Question:   Quand vous a-t-on demandé pour la première fois d'essayer de

 22   réfléchir au 16 avril? A quel moment les conseils de la défense vous ont-

 23   ils demandé pour la première fois de réfléchir sur la date du 16 avril?

 24   Réponse:    C'était il y a quatre ou cinq mois.

 25   Question:   Est-ce que, à l'époque, vous avez pensé à cette dernière


Page 25546

  1   relève d'hommes qui s'était rendue à Jajce et à ce qu'ils vous avaient dit

  2   lorsque vous les avez vus par la suite, plus tard?

  3   Réponse:    J'y pense tout le temps. Je n'ai jamais arrêté de penser à ces

  4   événements. Ces gens m'en avaient parlé peu de temps après les événements;

  5   ils m'ont décrit ce qui leur était arrivé.

  6   Question:   Comment avez-vous réussi à dire à ce Tribunal qu'ils avaient

  7   été bloqués à Ahmici? Ils n'ont jamais été à Ahmici, n'est-ce pas?

  8   Apparemment, c'est cela qui a été dit?

  9   Réponse:    J'avais pensé au mois d'octobre 1992.

 10   Question:   Dites-moi, en fait, que ces soldats vous ont-ils dit? Vous

 11   êtes en train de nous dire que ces soldats ont été bloqués à Ahmici au

 12   mois d'octobre 1992?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Et au mois d'avril 1993, ils avaient été bloqués où?

 15   Réponse:    Ils n'ont pas pu rentrer au mois d'avril 1993. En fait, il

 16   s'agit de deux périodes différentes et de deux unités militaires

 17   différentes. Ils n'ont pas pu rentrer dans la région de Vitez.

 18   Question:   Est-ce qu'il s'agissait en fait des mêmes soldats? Est-ce que

 19   les mêmes soldats ont été bloqués à un moment à Ahmici et à un autre

 20   moment à Jajce?

 21   Réponse:    Non, c'étaient des soldats différents. Les premiers... A

 22   l'époque, je me trouvais encore sur le territoire de la Bosnie centrale,

 23   donc en octobre 1992.

 24   Question:   Et c'était simplement une erreur lorsque vous avez dit à la

 25   Chambre qu'ils avaient été arrêtés à Ahmici lorsqu'on a parlé du 16 avril?


Page 25547

  1   C'était simplement une erreur comme cela, un lapsus?

  2   Réponse:    Ce qui était une erreur, c'était la date du 16 avril. Mais là

  3   où je n'ai pas fait erreur, c'est qu'un groupe a été bloqué au mois

  4   d'octobre 1992.

  5   Question:   Parlons d'autre chose dont vous nous avez parlé. Parlons de

  6   Cuskic et de Jaganjac. Quand avez-vous appris, la première fois, qu'on

  7   allait vous poser des questions à leur propos?

  8   Réponse:    Récemment.

  9   Question:   Hier, avant-hier? Quand?

 10   Réponse:    Il y a à peu près deux à trois semaines de cela.

 11   Question:   Je vois. Où étiez-vous en juillet 1993? Cela n'apparaît pas

 12   très clairement à la lecture de votre résumé ou de votre déclaration.

 13   Réponse:    J'étais à Zagreb.

 14   Question:   Ce qui veut dire que vous n'avez aucune connaissance, dans un

 15   sens ou dans un autre, de ce qui se passait à ce moment-là en Bosnie

 16   centrale?

 17   Réponse:    J'ai pu avoir des déclarations de mes hommes, donc des gens

 18   que je commandais.

 19   Question:   Est-ce qu'ils se trouvaient dans la même zone que Cerkez ou

 20   que Cuskic? Qu'en est-il?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Quelle connaissance, de première ou de deuxième main, avez-

 23   vous de ce que Cuskic aurait dit que Cerkez avait émis un ordre disant

 24   qu'il fallait capturer les personnes sans oreilles ou qu'il fallait plutôt

 25   se saisir de leurs oreilles? Quelle est votre connaissance de cela?


Page 25548

  1   Réponse:    De la presse.

  2   Question:   Et je vois que... Qu'est-ce que la presse, qu'est-ce que les

  3   médias ont dit de tout cela?

  4   Réponse:    Les avocats...

  5   Question:   Excusez-moi. Je ne comprends pas votre réponse. Vous avez

  6   d'abord répondu que vous aviez appris ceci des médias et puis vous dites

  7   des avocats. Est-ce que vous pourriez expliquer ces deux réponses

  8   différentes?

  9   Réponse:    Je pense que ce que l'avocat m'a montré, en fait, il s'agit là

 10   de la presse britannique. Cela vient de la presse britannique.

 11   Question:   Qu'est-ce que c'était? Est-ce que cela voulait dire que des

 12   gens se voyaient couper les oreilles?

 13   Réponse:    Ce qui était écrit, c'était que M. Cuskic avait fait une

 14   déclaration dans le sens que M. Mario Cerkez aurait donné des prix si

 15   quelqu'un apportait des oreilles et des doigts.

 16   Question:   Comment savez-vous que ce n'est pas vrai? N'oubliez pas que

 17   vous avez fait une déclaration solennelle devant cette Chambre et

 18   maintenant, vous dites que ce n'est pas vrai. Alors, il faut que vous

 19   justifiez cette position que vous adoptez.

 20   Réponse:    Je peux le justifier en ce sens que les soldats croates sont

 21   des soldats honorables et ils ne pensent jamais à de telles choses.

 22   Question:   Je crois que vous avez laissé entendre aux Juges que c'était

 23   là une facette de la propagande dont s'occupait ou que faisait Cuskic,

 24   n'est-ce pas?

 25   Réponse:    C'est vrai.


Page 25549

  1   Question:   De sorte que, pour enchaîner sur votre réponse précédente, il

  2   ne s'agit pas ici d'oreilles coupées par Cerkez ou sur les ordres de

  3   Cerkez, mais c'est tout simplement qu'aucun soldat croate n'aurait jamais

  4   fait cela, n'aurait jamais coupé l'oreille de qui que ce soit. C'est bien

  5   ce que vous nous dites? C'est votre démarche?

  6   Réponse:    Pourriez-vous répéter votre question?

  7   Question:   Volontiers. Ce qui est sous-jacent à cette suggestion que vous

  8   avez faite à la Chambre, à savoir que le récit de Cuskic n'était pas

  9   correct, c'est l'idée qu'aucun soldat croate n'aurait jamais fait cela, à

 10   savoir couper les oreilles à qui que ce que soit. C'est bien votre

 11   réponse? C'est ce qui est sous-jacent, dans celle-ci?

 12   Réponse:    Oui, c'est vrai.

 13   Question:   En fait, ce que vous disiez, au fond, aux Juges, tout

 14   simplement, c'est ceci: "Voilà, à mon avis, cela doit être faux". Parce

 15   que vous n'avez aucune preuve réelle pour montrer que c'est faux. Pas la

 16   moindre, n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Jamais aucun soldat croate ne l'a fait. On ne sait pas que de

 18   telles choses sont arrivées. Il n'y a jamais eu un rapport sur un massacre

 19   ou bien des récits d'événements où quelqu'un avait coupé des doigts ou des

 20   oreilles.

 21   Question:   Vous n'avez jamais entendu dire que l'on avait trouvé

 22   quelqu'un qui avait autour de son cou, en guise de collier, tout un

 23   chapelet d'oreilles? En guise de trophée?

 24   Réponse:    Que ce soit porté par un soldat croate, non.

 25   Question:   Dernière question sur ce sujet: vous avez donné un avis sur


Page 25550

  1   l'intégrité de tous les soldats croates, mais est-ce que celui-ci ne

  2   serait pas entamé si vous voyiez un soldat, sur une cassette, dans un

  3   film, qui non seulement aurait confessé, avoué qu'il avait coupé des

  4   oreilles mais aurait d'ailleurs une oreille sur la table en face de lui,

  5   qu'il aurait sortie de sa poche? Est-ce que ceci pourrait entamer votre

  6   opinion, celle que vous venez d'émettre?

  7   Réponse:    Oui, cela pourrait l'influencer.

  8   Question:   Je ne devais pas demander la diffusion de cet extrait.

  9   Rappelez-vous, Messieurs les Juges, il n'avait pas été considéré comme

 10   admissible à l'époque, mais il avait été soumis pour être versé au

 11   dossier. Mais je ne vais pas vous importuner sur ce point, Messieurs les

 12   Juges. Je n'ai que quelques questions supplémentaires à vous poser...

 13   M. Mikulicic (interprétation): Je m'excuse d'intervenir...

 14   M. le Président (interprétation): Maître Milulicic, le fait que le

 15   substitut dise quelque chose ne constitue pas pour autant une preuve.

 16   N'oubliez pas que nous sommes des Juges de métier. Le fait que l'on fasse

 17   une référence à quelque chose qui pourrait porter préjudice à un accusé,

 18   mais qui n'est pas versé au dossier, ne va pas nous faire changer d'avis.

 19   Nous ne sommes pas ici des membres d'un jury. Nous ne sommes pas des

 20   profanes. Nous sommes des professionnels.

 21   M. Mikulicic (interprétation): Oui, bien sûr, je le respecte et je ne

 22   remets pas cela en question. Mais il y a un autre aspect, un autre volet

 23   de l'affaire, à savoir que l'on peut confondre le témoin. Le témoin est

 24   confus après. Je sais que vous, bien sûr, vous n'allez pas en tenir compte

 25   parce que vous êtes des Juges de métier. Mais le témoin n'en est pas


Page 25551

  1   conscient et c'est pour cela que je souhaiterais demander très

  2   respectueusement à mon collègue le Procureur de ne pas poser de telles

  3   questions au témoin.

  4   M. Robinson (interprétation): Je suis tout à fait d'accord avec ce que

  5   vient de dire Me Mikulicic. Nous avons déclaré que ce document était

  6   inadmissible et même si nous sommes des Juges professionnels, nous ne

  7   serons pas influencés par ce que vous dites. Vous ne devriez pas agir de

  8   la sorte.

  9   M. Nice (interprétation): Permettez-moi de ne pas être d'accord avec vous,

 10   Monsieur le Juge. Je vous précise que si j'ai adopté cette démarche, cette

 11   voie, c'est uniquement pour gagner du temps. Vous savez que l'on avait

 12   discuté à l'époque de l'admissibilité de cette pièce mais votre décision,

 13   Messieurs les Juges, ne visait pas à dire que cette pièce ne serait jamais

 14   admise. Ce témoin est venu ici pour fournir un avis, à mon avis de façon

 15   inadéquate. Je crois que j'ai toujours essayé de gagner du temps, j'ai

 16   laissé passer des avis d'ouï-dire. Je n'ai jamais élevé d'objection à ce

 17   propos. Mais s'agissant de la pièce précise qui vient d'être présentée au

 18   témoin, elle pourrait fort bien le faire changer d'avis. Je suis tout à

 19   fait prêt à retirer cette pièce et à demander de nouveau l'autorisation de

 20   la lui présenter. Mais je trouve ici que c'est un aspect de la question

 21   que la Chambre devrait examiner.

 22   M. le Président (interprétation): Il peut donner son avis, il peut dire

 23   ceci: "A mon avis, rien de la sorte ne s'est passé", mais il ne peut pas

 24   dire ce qui s'est passé partout au cours de la guerre. Ceci relève du

 25   simple bon sens et si la pièce, ou plus exactement si le réexamen de cet


Page 25552

  1   extrait de film s'avère pertinent, nous allons bien sûr examiner la chose

  2   à nouveau. Mais je pense que votre question avait surtout pour objectif

  3   d'être un peu polémique. Si un témoin voit un tel film, bien sûr qu'il

  4   sera obligé de dire: "Bien sûr, ceci semble correct".

  5   Mais ne perdons pas plus de temps.

  6   M. Nice (interprétation): Oui, je voulais simplement gagner du temps.

  7   C'est la raison pour laquelle j'avais essayé de procéder de la sorte.

  8   Monsieur le témoin, vous nous avez parlé des différentes forces à Jajce,

  9   mais ceci a semé quelque peu la confusion dans mon esprit. Aidez-moi! Vos

 10   troupes étaient pour la majorité d'entre elles, le HVO, et les autres

 11   troupes étaient pour l'essentiel musulmanes. Est-ce que c'est exact?

 12   M. Pokrajcic (interprétation): Non, cela n'est pas exact.

 13   Question:   Alors, sérions les problèmes en deux paliers. Vos troupes

 14   étaient pour l'essentiel croates, ou plutôt du HVO?

 15   Réponse:    Mes troupes, c'étaient à moitié des Musulmans et à moitié des

 16   Croates.

 17   Question:   Moitié moitié. Pour ce qui est d'autres troupes? Par exemple

 18   lorsque Cuskic et Jaganjac vous ont rejoint, pour ce qui est de leurs

 19   troupes, elles étaient surtout musulmanes, n'est-ce pas?

 20   Réponse:    Ils n'ont pas rejoint les troupes à Jajce. Ils sont restés à

 21   Travnik.

 22   Question:   Vous parlez des proportions ou des parties du front qui sont

 23   tenues soit par le HVO, soit par les Musulmans. Vous ne comptez pas dans

 24   ces effectifs ces hommes-ci, ces troupes-ci; vous comptez d'autres troupes

 25   musulmanes qui tenaient les lignes de front?


Page 25553

  1   Réponse:    Oui, c'est exact.

  2   Question:   De quel tronçon, de quelle partie de la ligne de front

  3   parlons-nous lorsque vous donniez une idée de la partie qui était défendue

  4   par telle ou telle troupe? Ici, de quelle longueur de ligne de front

  5   parlons-nous?

  6   Réponse:    Cela fait déjà huit ans, donc je ne peux pas vous dire

  7   exactement quelle a été la longueur de la ligne de front. Mais en

  8   pourcentage, je dirais qu'entre 75 et 85% était tenus par les Croates et

  9   peut-être quelques 25% étaient tenus par les Musulmans. Est-ce qu'il

 10   s'agissait de tel ou tel nombre de kilomètres? Ce n'est pas important.

 11   Question:   Evidemment, si l'on prend des segments, des tronçons

 12   différents de la ligne de front, vous aurez peut-être des pourcentages

 13   différents. On peut donner une image favorable de la participation des

 14   Croates en choisissant telle ou telle partie de la ligne de front, n'est-

 15   ce pas?

 16   Réponse:    Non.

 17   Question:   D'accord. Je ne vais pas insister sur ce point.

 18   Parlons maintenant du rôle joué par Cerkez. Quel était son rôle au moment

 19   où il est arrivé avec ses effectifs? Quel était ce rôle?

 20   Réponse:    Il était à la tête de gens qui faisaient de la relève, de

 21   l'équipe de relève. C'était son seul rôle. Il était là tout simplement

 22   pour accompagner la relève et puis pour ceux qui terminaient leur relève,

 23   il les raccompagnait.

 24   Question:   Mais c'était un soldat, n'est-ce pas?

 25   Réponse:    Oui.


Page 25554

  1   Question:   Est-ce qu'il avait un titre, un grade, une fonction

  2   particulière qui vous aurait été connue à l'époque?

  3   Réponse:    Non, je ne le connaissais pas. La seule chose que je savais,

  4   c'était qu'il était à la tête de l'équipe de relève. Donc, c'étaient des

  5   gens qui venaient pour prendre la relève.

  6   Question:   Vous parlez peut-être d'équipe de relève, mais en tout cas,

  7   c'étaient des hommes qui venaient combattre sur la ligne de front. Tout

  8   comme vous et vos hommes, vous étiez venus de Croatie pour faire la même

  9   chose, lutter sur la ligne de front.

 10   Réponse:    Non. Mes hommes qui venaient de la ligne de front, c'étaient

 11   des gens qui étaient sous les armes et ils sont passés par une formation,

 12   par un entraînement de trois ou quatre semaines, alors que les gens qui

 13   étaient menés par Cerkez, raccompagnés par Cerkez, ils n'avaient rien. Ils

 14   n'avaient pas d'uniformes, ils n'avaient pas d'armes. C'était tout

 15   simplement une espèce de bluff que nous faisions envers les Serbes de

 16   Bosnie pour prétendre que nous avions beaucoup d'hommes. C'était cela, le

 17   but de l'opération.

 18   Question:   A combien de reprises M. Cerkez aurait-il amené ces hommes de

 19   renfort ou de relève sur la ligne de front et sur quelle période ces

 20   activités ont-elles porté?

 21   Réponse:    Je pense qu'il s'agit des mois de septembre et d'octobre,

 22   jusqu'à la fin octobre, au moment où je me suis retrouvé à l'hôpital.

 23   Donc, je pense qu'il s'agit bien de la période septembre/octobre 1992.

 24   Question:   Et vous vous êtes trouvé à l'hôpital avant la chute définitive

 25   de Jajce?


Page 25555

  1   Réponse:    Oui, mais j'ai été en contact tous les jours, quotidiennement.

  2   Question:   Peut-être que oui, mais vous ne vous trouviez pas, de fait,

  3   sur la ligne de front au moment de la chute de Jajce.

  4   Réponse:    Fallait-il réellement que j'y sois personnellement puisque je

  5   savais exactement ce qu'il s'est passé. J'ai tout de même été le

  6   commandant de la région et je savais exactement l'état de fait puisque

  7   c'était ma région. Donc puisque c'était ma région, je ne devais pas être

  8   personnellement présent.

  9   Question:   Vous étiez invalide. Combien de temps avez-vous passé à

 10   l'hôpital, où qu'il ait été?

 11   Réponse:    J'ai été à l'hôpital à Zagreb et j'y ai passé six mois.

 12   Question:   Il ne s'agissait pas de blessures physiques. Il s'agissait

 13   plutôt d'épuisement.

 14   Réponse:    Oui.

 15   Question:   C'est plutôt que vous avez été relevé de votre poste par vos

 16   supérieurs et que vous n'avez pas été en mesure de combattre pendant

 17   quelque six mois.

 18   Réponse:    Quand on a vu l'état dans lequel je me trouvais, il était tout

 19   à fait clair que mes supérieurs allaient me démettre de mes fonctions.

 20   Question:   Effectivement, vous avez été relevé de votre poste.

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Je suppose que vous allez vous souvenir de Ted Vuljami (?), un

 23   journaliste. Est-ce que vous vous souvenez de lui?

 24   Réponse:    Non.

 25   Question:   Voyons l'aspect historique d'un peu plus près. Peut-on


Page 25556

  1   soumettre au témoin la pièce 206.2? Monsieur Pokrajcic, je vous suggère

  2   ceci: à l'époque vous pensiez et vous croyiez qu'en fait, en Bosnie-

  3   Herzégovine, tout le monde avait le droit d'habiter, chacun de ses peuples

  4   constitutifs?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Vous vous êtes trouvé ce jour-là... Veuillez examiner ce

  7   document, vous disposerez de l'original. C'est un document qui porte la

  8   date du 5 septembre 92. Posons la première page du document sur le

  9   rétroprojecteur et nous allons voir la liste des personnes présentes. Dans

 10   la version anglaise, à la cinquième ligne, et je suppose que ce sera à peu

 11   près la même chose pour vous, on voit votre nom qui figure comme une des

 12   personnes présentes à cette réunion du HVO à Travnik. Il s'agit de la

 13   présidence du HVO et vous y êtes présent en qualité de nouveau commandant

 14   de quartier général récemment désigné. C'est bien de vous qu'il s'agit,

 15   "Pokrajcic"?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Vous veniez tout juste de prendre vos fonctions, vous

 18   assistiez à cette réunion. Il s'agit d'un résumé de cette réunion: on

 19   accueille d'abord les personnes présentes et puis vous, vous avez

 20   participé aux discussions. Est-ce que je peux parcourir avec vous les

 21   conclusions prises lors de cette réunion? Pour ce qui est de la

 22   municipalité de Travnik, il n'y avait que le gouvernement du HVO, personne

 23   d'autre que les Musulmans pourrait participer à raison de 50 %. Est-ce que

 24   vous vous souvenez de cette décision?

 25   Réponse:    Non.


Page 25557

  1   Question:   Point 2: "La seule option ouverte au peuple croate, c'est

  2   l'unité constitutionnelle que nous appelons la communauté croate de

  3   Herceg-Bosna" dont on précise la nature. Vous souvenez-vous du fait qu'on

  4   ait pris à cette réunion cette décision-là?

  5   Réponse:    Cette décision existait déjà auparavant, la communauté croate

  6   d'Herceg-Bosna, HZ-HB.

  7   Question:   Au point 3, on précise que la HZ-HB était, sur le plan

  8   idéologique et sur le plan politique, soutenue par l'Union démocratique

  9   croate.

 10   Point 4: "Un accord définitif concernant la Bosnie-Herzégovine doit être

 11   conclu avec l'accord des trois peuples constitutifs".

 12   Mais examinons le point 5: "La HZ-HB et le peuple croate n'acceptent pas

 13   l'idée d'un Etat d'Herceg-Bosna qui soit unitaire et civil. Ils veulent

 14   trouver une solution aux problèmes qui se posent pour l'ethnie croate dans

 15   cette guerre en vertu de ses besoins et des besoins des autres peuples".

 16   Vous souvenez vous de cette discussion?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Parce que cette discussion était pour vous assez peu

 19   confortable, n'est-ce pas?

 20   Réponse:    Non, le quatrième et le cinquième points n'ont rien à voir

 21   parce que le quatrième point déjà donnait la solution à tout. Donc on

 22   parle des trois peuples constituants.

 23   Question:   Oui, mais au numéro 5, il est dit clairement que l'Herceg-

 24   Bosna et le peuple croate ne veulent pas de cette idée d'un Etat de

 25   Bosnie-Herzégovine unitaire et civil. Ils voulaient que les Croates


Page 25558

  1   s'occupent d'eux-mêmes. Ils voulaient qu'on résolve le problème par le

  2   biais de cette guerre.

  3   Réponse:    Non, cela n'est pas vrai.

  4   Question:   Et est-ce que vous ne vous souvenez d'aucune partie de cette

  5   discussion dont vous avez fait partie apparemment puisque vous étiez ce

  6   commandant qui venait d'être nommé? Veuillez vous remémorer les

  7   événements. Est-ce qu'en réalité, ce que vous entendiez sur le plan

  8   politique qui se disait à cette réunion ne vous plaisait pas?

  9   Réponse:    Cela n'est pas vrai.

 10   Question:   Fort bien. Eh bien, examinons une partie d'un rapport de

 11   journaliste. C'est un rapport préparé par Ted Vuljami qui vous est très

 12   favorable. Ici, nous parlons de la pièce 213.1, pour essayer de continuer

 13   à mieux saisir la situation. Désolé, c'est en anglais. Vous parlez un peu

 14   l'anglais?

 15   Réponse:    Non, je parle allemand.

 16   Question:   Excusez-moi. De toute façon, l'extrait que je vais lire est

 17   tout à fait court. Il pourra être interprété. J'espère que vous pourrez me

 18   suivre. En fait, on reprend ici un extrait du journal anglais "The

 19   Guardian" pour ce qui est du numéro du 15 septembre 92. Est-ce que vous

 20   vous souvenez du fait que ce reporter, Ted Vuljami, se serait entretenu

 21   avec vous au cours du mois de septembre 92?

 22   Réponse:    Je ne me rappelle pas de cela.

 23   Question:   Dans la version anglaise, examinons la troisième page. Voilà.

 24   Le passage qui vous concerne directement est celui-ci: "A Travnik, deux

 25   hommes d'une capacité tout à fait inhabituelle viennent de s'installer


Page 25559

  1   dans la région pour essayer d'aider le commandant de l'armée de Bosnie,

  2   Azo Rebo (?), pour l'aider à éviter des divisions. Un de ces nouveaux

  3   commandants pour le HVO croate est Jozo Pokrajcic, 30 ans, vétéran de la

  4   guerre croate, qui dit que son devoir est "d'assurer la protection des

  5   victimes et des deux peuples qui sont victimes de cette guerre: quelles

  6   que soient les pressions qui émanent de part et d'autre, je défendrai

  7   cette ligne tant que je suis vivant". Et on dit aussi que l'autre nouveau-

  8   venu est un peu une surprise.

  9   Monsieur Vuljami fait cette description de vous, est-ce qu'elle est

 10   correcte, en septembre 92?

 11   Réponse:    C'est bien exact, mais il n'y a pas eu de pression. Pas du

 12   tout.

 13   Question:   Qu'est-ce que vous voulez dire par "il n'y a pas eu de

 14   pressions"?

 15   Réponse:    De la part du HVO.

 16   Question:   Pensez-vous que vous avez tenu ces propos, à savoir que vous

 17   étiez là pour protéger les deux peuples victimes de cette guerre?

 18   Réponse:    C'est pour cela que je me suis rendu dans cette région, pour

 19   protéger les deux peuples de l'agression serbe.

 20   Question:   Mais est-ce que vous avez peut-être eu des propos qui auraient

 21   été considérés par le journaliste comme allant dans le sens de dire que

 22   c'était indépendamment de pressions exercées de part et d'autre? Je pense

 23   que ceci cadre bien avec ce que nous venons de voir à cette réunion

 24   politique à laquelle vous assistiez peu de temps auparavant.

 25   Réponse:    Non.


Page 25560

  1   Question:   Les Croates et l'Herceg-Bosna tenaient manifestement à

  2   utiliser cette guerre pour diviser la nation et cela ne vous plaisait pas.

  3   Réponse:    Non. Non, ce n'est pas vrai.

  4   Question:   Et c'est la raison pour laquelle, même si ceci ne figure pas

  5   dans l'article, Ted Vuljami a pu dire que peu de temps après, vous avez

  6   été relevé de vos fonctions. Vous n'étiez tout simplement pas assez

  7   extrémiste, vous étiez trop modéré. Est-ce que ce n'est pas cela, la

  8   vérité?

  9   Réponse:    Non, ce n'est pas vrai. J'ai été relevé de mes fonctions tout

 10   simplement parce que j'ai été hospitalisé pendant longtemps, et non à

 11   cause de ce qui a pu être écrit par M. Vuljami.

 12   Question:   Veuillez examiner un autre document, qui est court lui aussi,

 13   qui concerne la même période de temps. Il s'agit de la cote 215.1.

 14   J'espère pouvoir en terminer d'ici à la pause, Monsieur le Président.

 15   Il s'agit ici d'un document que vous signez, Monsieur, le 17 septembre.

 16   L'intitulé, ou plutôt l'en-tête, c'est la Croatie; c'est un en-tête

 17   croate. Celui-ci ne représente pas l'Herceg-Bosna ou la Bosnie-

 18   Herzégovine. On parle ici de la communauté croate d'Herceg-Bosna, Conseil

 19   croate de défense. Et vous envoyez une requête à la brigade de la

 20   République de Croatie qui dit la chose suivante: "Etant donné la situation

 21   particulièrement difficile qui prévaut dans notre région de Travnik,

 22   Dobradici, Kotor Varos et Jajce et l'attaque ennemie de plus en plus

 23   forte, nous vous demandons de nous aider en envoyant en renfort du

 24   matériel et de l'équipement. Merci de votre aide".

 25   Et puis vous avez ici une signature. Est-ce que vous vous rappelez avoir


Page 25561

  1   signé ce type de requête, de demande?

  2   Réponse:    Oui, je me souviens de cela.

  3   Question:   Lorsque vous étiez à Jajce, vous étiez doté en matériel qui

  4   venait de la République de Croatie?

  5   Réponse:    Non. J'ai été membre de la brigade en question et en cette

  6   qualité j'ai demandé, une fois Dubrovnik libérée, s'ils pouvaient le

  7   faire. Cela voulait dire que nous, du HVO, dans la région de Travnik, nous

  8   n'avions rien: ni munitions, ni hommes ni armes. Et il est bien clair que

  9   c'est cette requête que j'avais faite.

 10   Question:   Voyons si je comprends bien votre réponse. C'est peut-être moi

 11   qui ai mal compris, tout simplement. On parle ici de la communauté croate

 12   d'Herceg-Bosna, du HVO. Et vous, vous signez cette lettre au nom de ces

 13   entités, n'est-ce pas?

 14   Réponse:    Je l'ai signée en mon propre nom.

 15   Question:   Oui, mais voyez l'en-tête de la lettre; je crois qu'on ne

 16   pourrait pas être plus clair.

 17   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Président, excusez-moi de

 18   devoir interrompre mais il s'agit là bien d'un entendu. Dans la traduction

 19   anglaise de ce document, il y a une partie du texte qui ne figure pas. Il

 20   est vrai qu'en version c'est très très pâle, on le voit mal. Mais on voit

 21   qu'au-dessus de "la République croate de Herceg-Bosna" figurent les mots

 22   "la République de Bosnie-Herzégovine". Je vois que dans la version

 23   anglaise, dans la traduction anglaise du document, ces mots-là ont été

 24   omis.

 25   De même, dans la version croate du document, au deuxième alinéa, on dit:


Page 25562

  1   "nous vous prions", ce qui a été traduit en anglais par "we asked you to

  2   assist". Cela pourrait peut-être être un peu mieux traduit parce qu'il

  3   s'agit là d'une requête, d'une demande, comme on le voit par l'intitulé.

  4   J'espère avoir pu clarifier les circonstances de ce document.

  5   M. Nice (interprétation): Je vous suis gré de ces précisions, Maître

  6   Mikulicic. Je vois effectivement une ligne au-dessus de l'en-tête qui n'a

  7   pas été traduite. Mais si, comme vous le suggérez, on parle de la

  8   République d'Herzégovine, je vous pose malgré tout la question, Monsieur

  9   Pokrajcic: comment se fait-il que vous utilisiez ce papier à en-tête pour

 10   écrire une lettre à l'adresse d'une brigade croate à laquelle vous

 11   demandez de l'aide?

 12   M. Pokrajcic (interprétation): Cela n'a rien à voir avec la requête que

 13   j'ai faite, quel que soit l'en-tête, est-ce que on y marque Bosnie-

 14   Herzégovine ou rien du tout? Tout simplement, je demandais de l'aide. Je

 15   voulais savoir s'ils pouvaient nous aider. Je n'avais pas du tout regardé

 16   l'en-tête, si c'était la République de Bosnie-Herzégovine ou la communauté

 17   croate d'Herceg-Bosna.

 18   M. Nice (interprétation): Encore quelques questions, Monsieur le

 19   Président, mais peut-être pourrai-je les poser après la pause. Je ne

 20   prendrai pas beaucoup de temps.

 21   M. le Président (interprétation): Fort bien. 11 heures 30.

 22   (L'audience, suspendue à 11 heures 02, est reprise à 11 heures 35.)

 23   M. Nice (interprétation): Trois thèmes très courts, Monsieur Pokrajcic.

 24   D'abord, pour une seconde, revenons à cette réunion à laquelle vous

 25   assistiez le 5 septembre 1992. Je ne vous demande pas d'examiner encore


Page 25563

  1   une fois ce document, mais dites-moi, s'il vous plaît: est-il exact que ni

  2   Jajce ni Dobratici ni Kotor Varos n'étaient dans les régions où il y avait

  3   une majorité ethnique croate?

  4   M. Pokrajcic (interprétation): Je n'ai pas compris de quel pourcentage et

  5   de quelles proportions vous parlez.

  6   Question:   Aucune de ces quatre municipalités que je viens de citer ne

  7   pouvait avoir une majorité naturelle de Croates. Par conséquent, à en

  8   juger d'après chacune de ces municipalités, les Croates n'étaient pas

  9   majoritaires?

 10   Réponse:    Ils étaient à moitié, 50/50. Peut-être y a-t-il eu des

 11   municipalités où les Croates étaient en majorité.

 12   Question:   Ne rentrons pas dans les détails quant aux chiffres, mais

 13   n'avez-vous pas été inquiété du fait que ces régions qui, d'après vous,

 14   sont à égalité quant aux Croates et aux Musulmans, devraient faire partie

 15   d'Herceg-Bosna? C'était une provocation de proclamer ceci comme une partie

 16   d'Herceg-Bosna? Est-ce que cela n'a pas été inquiétant pour vous?

 17   Réponse:    Cela n'a pas été inquiétant pour moi car j'avais autant de

 18   Croates que de Musulmans dans mes unités.

 19   Question:   Un second point: en octobre 1992, par conséquent avant que

 20   vous ne quittiez votre fonction, avez-vous eu connaissance du fait que,

 21   dans la région, il y a eu un cessez-le-feu entre Serbes et Croates?

 22   Réponse:    Non, je n'en ai pas eu connaissance.

 23   Question:   Quel était le dernier jour de votre service actif?

 24   Réponse:    Je ne m'en souviens pas.

 25   Question:   Mais oui, disons vers la mi-octobre ou fin octobre, avant la


Page 25564

  1   chute de Jajce? Donnez-nous une idée, ne serait-ce qu'une idée.

  2   Réponse:    Je ne peux pas le dire avec exactitude. C'était en octobre.

  3   Question:   Peut-être le témoin pourrait-il nous aider au sujet du

  4   document 234.1?

  5   Je m'excuse, Monsieur Pokrajcic, l'original n'est pas très lisible. Je

  6   tâcherai de vous en donner lecture à partir de l'anglais. Vous trouverez

  7   approximativement une version en votre langue. Il s'agit d'un ordre urgent

  8   donné par général Tadic. Il s'agit donc du mois d'octobre 1992, du 7

  9   octobre 1992. "Urgent. Cessez-le feu et rétablissement des lignes

 10   d'électricité".

 11   Ce qui m'intéresse, c'est d'abord: "Exécutez le cessez-le-feu dans la

 12   région du front, près de Bosanski Brod, Jajce, Bugojno, Livno, Travnik,

 13   Kupres et en Herzégovine. Le cessez-le-feu entrera en vigueur le 7 octobre

 14   à 24 heures."

 15   Puis on évoque les détails comme quoi cela portait sur la cessation des

 16   hostilités à Bosanski Brod et sur la rive de la rivière Sava, mais le

 17   cessez-le-feu dont on parle concernait la région qui était la vôtre, Jajce

 18   Bugojno. Si nous regardons l'autre partie, l'autre page, la seconde page,

 19   le deuxième paragraphe de la version anglaise, il me semble que cela

 20   coïncide avec l'original.

 21   Ce lieutenant général serbe dit entre autres: "Notre délégation aura à sa

 22   tête Mladen Arezina de Mrkonjic Grad, alors que le chef de la délégation

 23   croate sera Nikola Bilic de Jajce. Avez-vous connu Nikola Bilic?

 24   Réponse:    Non.

 25   Question:   D'après ce document, il semble qu'il s'agissait d'un accord


Page 25565

  1   bilatéral sur le cessez-le feu entre Serbes et HVO. A en juger d'après le

  2   paragraphe dont je viens de vous donner lecture, il s'agit évidemment de

  3   Serbes et de Croates. Comment se fait-il qu'un tel accord bilatéral ait pu

  4   se produire, portant cessez-le-feu dans la région où vous étiez?

  5   Réponse:    C'est vraiment la première fois que je vois une chose

  6   pareille. Il n'a jamais été question d'accord sur le cessez-le-feu à cette

  7   époque-là, pendant que j'étais là. Aucunement.

  8   Question:   Je voulais tout simplement vous demander comme suit. Je vous

  9   remercie. Vous pouvez déplacer ce document du rétroprojecteur.

 10   Nous avons entendu une déposition sur Jajce. J'aimerais bien savoir votre

 11   commentaire. On peut le résumer. Nous avons entendu comme suit, d'après

 12   les estimations des observateurs internationaux tels Brian Watters (?),

 13   page 5904. C'est l'un des soldats du bataillon groupe britannique qui,

 14   lui, estimait que les Serbes avaient les capacités de nettoyer Jajce,

 15   purement et simplement, s'ils voulaient le faire. c'est-à-dire qu'ils

 16   étaient dotés de suffisamment d'effectifs et de ressources pour l'emporter

 17   quant à Jajce.

 18   De même Allister Roll (?) et d'autres soldats du bataillon britannique,

 19   page 5375, à savoir que la situation de Jajce a été détériorée étant donné

 20   le retrait des soldats croates. Le témoin D nous en a parlé également.

 21   Voilà donc deux éléments à titre d'évidence, c'est-à-dire que les Croates

 22   se sont retirés et que les Serbes étaient trop forts. Bon, vous n'étiez

 23   pas là à ce moment-là, mais pouvez-vous nous faire un commentaire quant

 24   aux assertions de ces deux témoins?

 25   Réponse:    Ecoutez, ces deux témoignages sont loin de la vérité. Ce n'est


Page 25566

  1   pas vrai. Je vais commenter comme avant: ce ne sont pas les Croates qui se

  2   sont retirés, mais c'est l'armée de Bosnie-Herzégovine qui s'est retirée.

  3   Les Croates ont été les derniers à quitter la région de Jajce.

  4   Question:   Naturellement, vous n'y étiez pas, à la fin même des

  5   événements. Par conséquent, vous ne savez même pas nous dire combien de

  6   jours avant la chute finale de Jajce vous étiez parti. Vous ne pouvez pas

  7   dire s'il s'agissait d'une semaine ou de deux semaines?

  8   Réponse:    Je peux vous être de quelque utilité. Je n'avais guère besoin

  9   d'être in situ. Je ne peux pas être partout: à Jajce, Travnik, Dobratici

 10   ou Kotor Varos. Mais je sais avec exactitude que les Musulmans ont quitté

 11   la région de Jajce avant les Croates.

 12   Question:   Nous avons entendu parler aussi des Tigres; ils ont été

 13   remarqués par le bataillon britannique en Bosnie. Que pouvez-vous nous

 14   dire là-dessus?

 15   Réponse:    Ce n'est que moi qu'ils pouvaient voir.

 16   Question:   Je parle d'un groupe nommé "les Tigres". C'était une unité.

 17   Que pouvez-vous nous dire là-dessus?

 18   Réponse:    C'étaient les membres de l'armée de Croatie, membres de la

 19   garde nationale et première garde de la première brigade de l'armée de

 20   Croatie. Moi, j'étais avec eux. Nous étions d'ailleurs à Kotor Varos pour

 21   pratiquement servir dans les Tigres.

 22   Question:   Vous avez porté un uniforme des Tigres?

 23   Réponse:    Oui, portant les insignes clairs du HVO.

 24   Question:   A la fin, connaissiez-vous l'homme connu sous le nom de

 25   Miroslav Bralo? Pouvez-vous nous dire si cette personne a été blessée à


Page 25567

  1   Jajce?

  2   Réponse:    Non, je ne le connais pas.

  3   Question:   Je vous remercie.

  4   (Questions supplémentaires de Me Mikulicic à M. Jozo Pokrajcic.)

  5   M. Mikulicic (interprétation): Quelques questions très brèves, Monsieur

  6   Pokrajcic.

  7   Le document qui vous a été montré, cote 215.1, c'était justement cette

  8   requête, cette demande que vous avez envoyée. La situation étant

  9   difficile, vous avez demandé, prié qu'on vous livre certains moyens

 10   techniques.

 11   Première question: votre demande a-t-elle été exaucée?

 12   M. Pokrajcic (interprétation): Non.

 13   Question:   Cette demande que vous avez envoyée à la brigade de la garde

 14   nationale, à vos collègues du front, est-ce la seule demande que vous ayez

 15   adressée ou y a-t-il eu plusieurs demandes que vous ayez envoyées à

 16   d'autres adresses?

 17   Réponse:    Il y avait plusieurs demandes de ma part qui n'ont jamais été

 18   exaucées.

 19   Question:   Je vous remercie.

 20   On a mentionné une réunion du 5 septembre. Il s'agit du document Z206.2.

 21   En effet, vous étiez avec Ivica Stojak. Il a été le commandant adjoint du

 22   quartier général. Quel a été son destin?

 23   Réponse:    Il a été assassiné par les Musulmans lorsqu'il a été, une fois

 24   de plus, nommé chef de l'état-major général de Travnik.

 25   Question:   Quel était votre rôle à cette réunion? Avez-vous pris la


Page 25568

  1   parole? Etes-vous intervenu?

  2   Réponse:    Non, car j'étais venu à cette réunion vers la fin de la

  3   réunion elle-même.

  4   Question:   On vous a suggéré certaines conclusions issues de cette

  5   réunion et on vous a demandé des commentaires là-dessus, notamment au

  6   sujet de la conclusion, point 4, qui dit qu'il y avait lieu de parler

  7   définitivement d'un accord sur la Bosnie-Herzégovine et qu'on devait faire

  8   refléter la composition de toutes les ethnies de peuples. Vous aviez dit

  9   que vous étiez d'accord. Ensuite, on a présenté le point 5 de ce document,

 10   on a dit que le peuple croate et la communauté croate d'Herceg-Bosna

 11   n'acceptaient pas Herceg-Bosna, mais lorsqu'on vous a demandé de faire un

 12   commentaire, on a laissé tomber le mot "unitaire", un Etat unitaire.

 13   Monsieur Pokrajcic, je vais poser la même question mais je vais essayer de

 14   citer certainement les mots qui figurent dans le cadre du point 5. Donc

 15   vous, en tant que participant aux événements de l'époque, pouvez-vous

 16   confirmer que le peuple croate n'acceptait vraiment pas la Bosnie-

 17   Herzégovine en tant qu'un Etat unitaire mais non pas comme un Etat de

 18   peuples qui le constituaient?

 19   Réponse:    Le peuple croate acceptait uniquement un Etat constitué par

 20   les trois peuples en question.

 21   Question:   Je vous remercie. On vous a montré aussi le document Z234.1

 22   qui, entre autres, dit que l'ordre a été donné de la part de l'armée de la

 23   Republika Srpska portant cessez-le-feu. Entre autres et en préambule, on

 24   dit que ceci concernait la mise en service de la centrale hydroélectrique

 25   Jajce-2. Pouvez-vous nous dire s'il vous plaît, pour nous aider, qui a


Page 25569

  1   contrôlé les travaux de construction de la centrale hydraulique Jajce-2?

  2   Réponse:    Jajce-2? Je ne peux pas m'en souvenir.

  3   M. Mikulicic (interprétation): Je ne veux pas vraiment insister là-dessus,

  4   je vous remercie de vos réponses. Monsieur le Président, je n'ai plus de

  5   questions à poser à ce témoin.

  6   M. le Président (interprétation): Monsieur Pokrajcic, c'est avec ceci que

  7   se termine votre déposition. Merci d'être venu pour témoigner devant le

  8   Tribunal international. Vous pouvez disposer.

  9   M. Pokrajcic (interprétation): C'est moi qui vous remercie.

 10   (M. Jozo Pokrajcic est reconduit hors du prétoire.)

 11   M. le Président (interprétation): Votre prochain témoin?...

 12   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, notre prochain témoin

 13   sera sera M. Anto Pojavnik.

 14   (Le témoin, M. Anto Pojavnik, est introduit dans le prétoire.)

 15   M. le Président (interprétation): Je prie le témoin de faire la

 16   déclaration solennelle.

 17   M. Pojavnik (interprétation): Je déclare qu'au solennellement que je dirai

 18   la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

 20   M. Pojavnik (interprétation): Je vous remercie.

 21   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Kovacic, vous pouvez

 22   procéder.

 23   (Interrogatoire principal de M. Anto Pojavnik par Me Kovacic.)

 24   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie. Monsieur Pojavnik, merci

 25   d'avoir répondu à notre appel. Une fois de plus, pour le Greffe, veuillez


Page 25570

  1   s'il vous plaît décliner votre identité: nom, lieu et date de naissance.

  2   M. Pojavnik (interprétation): Je suis Anto Pojavnik, né à Zenica le 13

  3   janvier 1953.

  4   Question:   Monsieur Pojavnik, vous êtes marié et vous avez cinq enfants?

  5   Réponse:    Oui.

  6   Question:   Pour ce qui est des tranches d'âge de ces enfants, cela va de

  7   deux à vingt-quatre ans?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Quelle est votre nationalité?

 10   Réponse:    Je suis croate.

 11   Question:   De quelle confession?

 12   Réponse:    Catholique.

 13   Question:   Vous êtes citoyen de Bosnie-Herzégovine et de la République de

 14   Croatie.

 15   Réponse:    Exact.

 16   Question:   En 1993 et avant, vous étiez donc propriétaire d'un restaurant

 17   à Vitez?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Votre épouse est-elle croate de nationalité?

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   De quelle nationalité est-elle?

 22   Réponse:    Elle est musulmane.

 23   Question:   Comment s'appelle-t-elle?

 24   Réponse:    Hatifa.

 25   Question:   Pour profiter de l'occasion, ce n'est pas que nous soyons


Page 25571

  1   indiscrets pour savoir quelque chose de vos affaires personnelles, mais

  2   est-il inhabituel de voir un mariage mixte dans la région où vous êtes?

  3   Réponse:    Non, ce n'est pas inhabituel.

  4   Question:   Je vous remercie. Où se trouvait votre local, votre restaurant

  5   avant la guerre?

  6   Réponse:    Encore aujourd'hui, face à la gare routière.

  7   M. le Président (interprétation): Nous prions le témoin de s'approcher du

  8   micro. Je vous prie de bien vouloir comprendre que ce que vous dites doit

  9   être traduit, par conséquent il serait bon de vous rapprocher du micro,

 10   s'il vous plaît. Voilà. Déplacez un peu votre siège de sorte que vous

 11   puissiez parler dans le micro. Je vous remercie.

 12   M. Kovacic (interprétation): En 1992, votre restaurant fonctionnait sans

 13   trêve, donc non stop.

 14   Réponse:    C'est bien cela.

 15   Question:   Pas mal de temps vous l'avez passé dans votre restaurant,

 16   n'est-ce pas?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Vous souvenez-vous d'un événement en 1992, dans votre

 19   restaurant, où il y aurait eu un incident, des bagarres, des querelles,

 20   des rixtes causées par une intransigeance d'ordre ethnique?

 21   Réponse:    Non. Peut-être qu'il y a eu ailleurs des cas pareils, mais pas

 22   chez moi.

 23   Question:   Au cours de cette année 92, y a-t-il eu généralement parlant

 24   des incidents dont on pourrait dire qu'ils avaient pour origine cette

 25   intransigeance entre différentes ethnies et si oui, quand cela a-t-il


Page 25572

  1   commencé?

  2   Réponse:    Ecoutez, pour dire vrai, cela peut se faire partout, surtout

  3   si des gens boivent un peu trop. Mais disons qu'il y aurait plutôt lieu de

  4   parler de bandits, de criminels que de querelles qui auraient été

  5   évidemment faites entre représentants de différentes ethnies.

  6   Question:   Si je comprends bien, vous attribuez tout incident à des

  7   individuels?

  8   Réponse:    Mais oui.

  9   Question:   Est-ce que, sur la base de quelque connaissance que ce soit,

 10   vous avez pu avoir l'idée du fait que ceci aurait pu être planifié d'une

 11   certaine partie ou qu'il y aurait une attitude de ce genre?

 12   Réponse:    Non, je n'ai pas eu cette idée-là.

 13   Question:   Avez-vous jamais entendu parler qu'au cours de 1992, fin 92,

 14   dans la région de Vitez, on pouvait voir des unités du HVO pour y rester

 15   quelque temps et qui venaient de la région de Bosnie centrale, par

 16   conséquent ces gens étaient tout à fait des étrangers?

 17   Réponse:    Oui, ce n'étaient pas des étrangers, c'étaient des gens qui

 18   étaient citoyens de Bosnie-Herzégovine. Ils venaient de l'Herzégovine de

 19   l'ouest, je ne sais pas s'ils s'étaient vraiment des soldats, mais

 20   c'étaient les gens de la brigade Ludvik Pavlovic et Bruno Busic.

 21   Question:   De quelle période pouvez-vous parler lorsque vous dites que

 22   vous les avez vus à Vitez?

 23   Réponse:    Fin 92, début 93. Ils venaient dans mon restaurant, mais sans

 24   excès aucun, alors qu'on a entendu dire qu'ils étaient capables de faire

 25   des excès et provoquaient des incidents dans d'autres restaurants croates


Page 25573

  1   et musulmans. Par exemple, ils étaient capables de faire des commandes

  2   énormes et puis après...

  3   Question:   Pardon de vous interrompre. Est-ce qu'on peut dire que ceci

  4   était une provocation?

  5   Réponse:    Oui, c'était bien une provocation, peu importe s'ils venaient

  6   dans un restaurant croate ou musulman.

  7   Question:   Monsieur Pojavnik, avez-vous entendu parler d'autres

  8   particuliers, il n'y a pas qu'eux, mais que de tels particuliers

  9   existaient de côté, qui avaient de tels comportements?

 10   Réponse:    Oui, vous savez que c'était déjà la guerre contre les Serbes

 11   en Bosnie-Herzégovine, par conséquent c'était chose normale d'avoir des

 12   excès

 13   du genre. Et un peu partout, je dirais.

 14   Question:   En 1992, avez-vous jamais été appelé pour faire un service

 15   militaire dans les groupes qui s'étaient formés pour se défendre contre

 16   l'agression de la JNA?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   N'avez-vous jamais reçu une telle convocation?

 19   Réponse:    Non.

 20   Question:   Passons maintenant à 1993. S'il vous plaît, vous souvenez-vous

 21   du jour du début du conflit général à Vitez?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Quel jour?

 24   Réponse:    Le 16 avril au matin, j'ai été réveillé par les obus qui sont

 25   tombés sur Vitez.


Page 25574

  1   Question:   Qu'avez-vous fait?

  2   Réponse:    Je pensais me rendre au travail. Cependant, vu que c'était

  3   dangereux, je suis resté dans l'immeuble où j'habitais et je suis descendu

  4   chez mon voisin Ken Smailkadic, de nationalité musulmane. Nous nous

  5   trouvions au rez-de-chaussée et c'était plus sûr à cause des obus qui

  6   tombaient. Il y avait aussi des Croates, des Serbes et des Musulmans. Tout

  7   le monde avait peur des obus.

  8   Question:   Est-ce que ce danger d'obus était –disons- général ou bien y

  9   a-t-il eu des obus qui étaient tombés près de la maison?

 10   Réponse:    Mon immeuble se trouve relativement près du bureau de la

 11   Poste. Et par conséquent, il y a eu des obus qui sont tombés pas loin. Le

 12   bureau de la Poste de la municipalité et d'autres immeubles importants ont

 13   été pris sous les obus.

 14   Question:   Vous avez mentionné un dénommé Smailkadic, vous êtes arrivé

 15   dans son appartement. Quelle est sa nationalité?

 16   Réponse:    Il est musulman.

 17   Question:   Et vous aviez de bonnes relations avec lui?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Est-ce que les premiers jours du conflit, cet homme est resté

 20   chez lui dans son appartement?

 21   Réponse:    Il y est resté jusqu'à l'automne 1993 et après, il est parti

 22   pour la Forpronu. Maintenant, c'est la Sfor. En fait, il est allé y

 23   travailler en tant que garagiste et il y travaille encore aujourd'hui.

 24   Question:   Cela veut-il dire qu'il est parti de la ville à l'automne

 25   1993?


Page 25575

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Et maintenant, il travaille à l'étranger?

  3   Réponse:    Oui, je crois bien qu'il travaille en Malaisie. Je n'en suis

  4   pas sûr, mais je crois qu'il travaille en Malaisie.

  5   Question:   Rentre-t-il de temps à autres?

  6   Réponse:    Oui. A chaque fois qu'il revient, il vient me rendre visite et

  7   on sort prendre un café.

  8   Question:   Restons maintenant encore un peu sur ce 16 avril. Le 15 avril

  9   au soir ou bien la journée du 15 avril, la veille du conflit, avez-vous

 10   donc ce jour-là reçu un renseignement soit oral, soit écrit vous demandant

 11   de fermer votre établissement plus tôt? Réponse:     Non.

 12   Question:   Avez-vous entendu des rumeurs selon lesquelles il faudrait

 13   fermer plus tôt que d'habitude?

 14   Réponse:    Non, je me suis trouvé dans mon restaurant jusqu'à 10 ou 11

 15   heures du soir.

 16   Question:   Ces jours-là, juste avant le début du conflit, est-ce que

 17   votre restaurant travaillait comme d'habitude?

 18   Réponse:    Oui, j'ai toujours tenu l'établissement ouvert tant qu'il y

 19   avait des clients. Je ne sais pas à quelle heure le serveur a fermé

 20   l'établissement. Je suis parti vers 10 heures et demie ou 11 heures du

 21   soir. Toujours est-il que le lendemain, je n'ai pas pu m'y rendre.

 22   Question:   Merci. Est-ce que vous avez appris à ce moment-là qu'une

 23   mobilisation générale avait été proclamée par la radio de Vitez?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Pourriez-vous attendre un petit instant avant de me répondre


Page 25576

  1   pour donner le temps aux interprètes de traduire vos propos.

  2   Il faut que nous répétions la question? Il semble que non.

  3   Pourriez-vous nous dire à quel moment de la journée vous avez entendu

  4   parler de cette proclamation de mobilisation?

  5   Réponse:    C'était le matin. On a dû l'entendre à plusieurs reprises. On

  6   a appris qu'il y a eu une agression sur Vitez et tous les hommes en âge de

  7   combattre devaient se rendre au bureau de la Poste. Dans cet immeuble-là,

  8   on a transféré la section du service militaire -comme cela s'appelait-; en

  9   tout cas, on nous a demandé de nous y rendre pour y recevoir des

 10   instructions.

 11   Question:   A quel moment y êtes-vous allé?

 12   Réponse:    Dans le courant de l'après-midi, quand il y a eu moins d'obus.

 13   Question:   Quelle a été l'instance qui vous a demandé de vous rendre à

 14   cette section du service militaire? Est-ce que cela ne s'appelait pas le

 15   bureau pour la défense de la municipalité de Vitez?

 16   Réponse:    Je pense bien que c'était cela.

 17   Question:   Ce dont vous parliez "section du service militaire", d'où cela

 18   vient-il? Pour les gens qui ne comprennent pas notre système?

 19   Réponse:    Cela date encore de l'époque communiste. Quand j'ai fait mon

 20   service militaire, c'est comme cela que cela s'appelait.

 21   Question:   Vous vous êtes donc rendu au bureau de la Poste où l'on vous

 22   demandait d'aller. Que vous a-t-on dit à cet endroit-là?

 23   Réponse:    On nous avait dit qu'il y avait eu une agression sur Vitez,

 24   que nous devions nous déclarer auprès d'eux et qu'ils décideraient ce que

 25   nous devrions faire. Certains iront creuser des tranchées, d'autres iront


Page 25577

  1   sur la ligne de front et ainsi de suite.

  2   Question:   Cela veut-il dire que vous avez été enregistré et que l'on

  3   vous a dit: "Vous pouvez rentrer chez vous en attendant une convocation"?

  4   Réponse:    J'y allais tous les jours pour me présenter.

  5   Question:   Et les instructions vous demandaient de vous y rendre quand?

  6   Réponse:    J'y suis allé le 17 et le 18 aussi.

  7   Question:   Attendez! Nous allons procéder par étape. Vous y êtes allé le

  8   17. Que vous a-t-on dit?

  9   Réponse:    Rien. On m'a dit de rentrer chez moi puisqu'il n'y avait aucun

 10   endroit où l'on pouvait se rendre pour creuser des tranchées et étant

 11   donné que nous n'avions pas d'armes, nous ne pouvions pas aller sur la

 12   ligne de front.

 13   Question:   Quand y êtes-vous allé par la suite?

 14   Réponse:    Le 18.

 15   Question:   Que vous a-t-on dit ce jour-là?

 16   Réponse:    M. Marijan Vinac nous a dit que dans une heure, nous devions

 17   aller creuser des tranchées dans la région de Kuber et de Pirici.

 18   Question:   Vous a-t-il dit cela personnellement?

 19   Réponse:    Non, pas uniquement à moi. A nous tous.

 20   Question:   Combien étiez-vous à l'époque, à peu près?

 21   Réponse:    Nous devions être autour d'une centaine, mais on était 40 qui

 22   devaient aller creuser des tranchées.

 23   Réponse:    Est-ce que cela veut dire qu'un groupe a été séparé?

 24   Réponse:    Oui. Ils faisaient l'appel et certains devaient aller creuser

 25   des tranchées, d'autres devaient aller sur la première ligne de front.


Page 25578

  1   Question:   Donc, vous êtes rentré chez vous vous préparer ou bien êtes-

  2   vous allé directement là où l'on vous a envoyé?

  3   Réponse:    Je connaissais cette personne et donc, j'ai demandé où l'on

  4   devait aller. On nous a dit que l'on allait creuser des tranchées. Il n'y

  5   avait aucune raison que je rentre me préparer chez moi. Je portais une

  6   veste blanche, j'avais un pantalon court et j'avais des chaussures

  7   ordinaires de ville.

  8   Question:   Où êtes-vous allés?

  9   Réponse:    Vers Pirici, dans un minibus et après, nous sommes allés à

 10   pied jusqu'à la première ligne de front.

 11   Question:   Que s'est-il passé là-bas?

 12   Réponse:    Le commandant, feu Slavko Papic, y était.

 13   Question:   Est-ce que c'est à ce moment-là uniquement que vous avez

 14   compris que vous alliez être combattant, soldat?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Je suppose qu'on vous a donné un fusil?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Qu'est-ce que Papic vous a dit de faire?

 19   Réponse:    Il nous a alignés et nous a dit que nous allions aller sur la

 20   première ligne de front. Nous n'étions pas préparés à cela. Nous étions en

 21   civil. Tout simplement, il nous a répartis dans des tranchées. Une ou deux

 22   personnes selon les cas.

 23   Question:   Comment était la tranchée où l'on vous a mis?

 24   Réponse:    C'était une tranchée qui arrivait jusqu'aux genoux, d'un demi-

 25   mètre par un mètre, à peu près.


Page 25579

  1   Question:   Est-ce que l'on vous a donné des armes dans cette tranchée?

  2   Réponse:    Non.

  3   Question:   Est-ce que l'on vous a donné un ordre sur ce qu'il fallait

  4   faire?

  5   Réponse:    On nous a dit qu'il fallait se cacher s'il y avait des obus et

  6   qu'il fallait aller à Kupres.

  7   Question:   Qu'avez-vous fait?

  8   Réponse:    Je suis allé jusqu'aux premières maisons où il y avait des

  9   maisons de vacances et on a essayé de trouver de quoi creuser. J'étais

 10   avec Markovic.

 11   Question:   Donc, vous et M. Markovic étiez là? Qui était M. Markovic?

 12   Réponse:    C'était un homme d'affaires qui produisait des appareils

 13   Poker.

 14   Question:   C'était un homme qui était tout à fait connu à Vitez?

 15   Réponse:    Oui.

 16   Question:   Est-ce vrai que c'était parmi les personnes les plus riches à

 17   Vitez?

 18   Réponse:    Je pense que oui. A l'époque, certainement.

 19   Question:   Donc, vous deux, vous avez creusé une tranchée pour vous?

 20   Réponse:    Oui.

 21   Question:   Que s'est-il passé le troisième jour, une fois que vous avez

 22   creusé votre tranchée?

 23   Réponse:    Le troisième jour, il y a eu une attaque générale sur toute la

 24   ligne de front. Pas loin de ma tranchée, on a essayé de faire une percée.

 25   Cette attaque a dû durer à peu près 2 heures ou 2 heures et demie. Cela


Page 25580

  1   s'était un peu calmé vers 8 heures.

  2   Devant le cimetière musulman, la situation était la plus difficile. C'est

  3   un endroit que nous appelions le cimetière. Ce sont les soldats qui

  4   avaient essayé de faire une percée par là alors qu'ailleurs, il n'y avait

  5   eu que des coups de feu. Nous avons remarqué qu'un homme y gisait. Il

  6   était mort. Un musulman. Nous l'avons dit à M. Papic et il en a informé,

  7   je suppose, les supérieurs. Toujours est-il que deux jeunes hommes sont

  8   venus, je crois qu'ils devaient appartenir aux Vitezit. Donc, ils ont vu

  9   cet homme qui était mort. D'après les documents, j'ai vu que c'était Fuad

 10   Sahman qui venait de Jajce. Je me souviendrai toujours, il était le

 11   commandant de l'équipe de diversion appelée les Coyotes. Il devait avoir

 12   vingt-cinq ou vingt-six ans. On a trouvé sur lui un petit sac. Dans ce

 13   petit sac se trouvait une espèce d'agenda. Dans cet agenda, il y avait

 14   marqué toute la ligne de front de la route de Vjetrenicka jusqu'à Putis

 15   qui se trouve vers Busovaca, donc route de Vjetrenicka, Bucine, Sivrino

 16   Selo, Pirici, Krc, Kuber et là-bas jusqu'à Putis.

 17   Question:   Cet officier qui était mort et dont vous disiez qu'il

 18   appartenait aux Coyotes, portait-il un uniforme?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Est-ce qu'il avait des insignes?

 21   Réponse:    Je crois, oui. Ceux de l'armée de Bosnie-Herzégovine, mais je

 22   ne pourrais pas vous le confirmer.

 23   Question:   Comment saviez-vous qu'il appartenait à l'unité appelée les

 24   Coyotes?

 25   Réponse:    Parce qu'il portait les documents qui l'indiquaient.


Page 25581

  1   Question:   Donc les documents que vous avez pu voir vous indiquaient que

  2   son unité s'appelait les Coyotes?

  3   Réponse:    Oui.

  4   M. le Président (interprétation): Ce n'est pas clair pour moi. Qu'était-il

  5   marqué dans ces documents?

  6   M. Mikulicic (interprétation): S'il vous plaît, ce journal que vous avez

  7   mentionné?

  8   Réponse:    Ce qui était marqué dans ce journal, c'était le groupe de

  9   diversion appelé Coyotes, et on voyait que c'était le commandant, son nom,

 10   et qu'il était originaire de Jajce, Fuad Sahman.

 11   Question:   Comment avez-vous pu le déduire? Est-ce que c'était bien

 12   marqué clairement?

 13   M. le Président (interprétation): Maître Kovacic, vous devrez faire

 14   attention. La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est que

 15   personne ne mentionne un plan d'attaque. Tout ce que le témoin nous a dit

 16   jusqu'à présent, c'est qu'il y avait là toute la ligne de la défense et il

 17   nous a donné beaucoup de détails. Nous devions faire en sorte que les

 18   témoins nous donnent des éléments de preuve.

 19   Monsieur Pojavnik, qu'était-il écrit dans ce document? Vous nous avez

 20   donné le nom de la personne en question, mais qu'est-ce qui était marqué,

 21   mis à part cela, dans ce document?

 22   Question:   Dans ce document, il y avait le dessin de toute la ligne de

 23   front qui allait de la route de Vjetrenicka jusqu'à Putis qui se trouve

 24   dans la municipalité de Busovaca. Je vous ai déjà précisé les différentes

 25   parties de cette ligne de front et à chaque endroit était marqué le


Page 25582

  1   nombres de personnes qui allaient attaquer, et il y avait les initiales ou

  2   bien le surnom du commandant du groupe qui allait procéder à l'attaque.

  3   M. le Président (interprétation): Comment saviez-vous qu'il s'agissait là

  4   des initiales de la personne qui allait procéder à l'attaque?

  5   M. Pojavnik (interprétation): Parce que, avec lui, il avait une espèce de

  6   carte d'identité où il y avait la photo et cela précisait que c'était

  7   l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  8   M. le Président (interprétation): Mais vous dites que le document

  9   contenait une liste et le nombre de personnes qui allaient attaquer et les

 10   initiales de la personne qui allait être commandant de cette attaque ou

 11   qui mènerait l'attaque.

 12   M. Pojavnik (interprétation): Un instant s'il vous plaît. Sur cette carte,

 13   ce que nous pouvions savoir, il y avait d'un côté l'indication que

 14   c'étaient des Coyotes et lui, il portait une pièce d'identité qui

 15   indiquait qu'il s'appelait Fuad Sahman. Il a dû être en 62 ou 63 à Jajce

 16   et il y avait marqué aussi que c'étaient des Coyotes, c'est-à-dire qu'il

 17   était marqué que vers nos lignes de défense, c'était bien l'unité appelée

 18   les Coyotes qui devait mener l'attaque.

 19   M. le Président (interprétation): Maître Kovacic?

 20   M. Kovacic (interprétation): Je ne souhaiterais pas là m'excuser, mais je

 21   ne voulais pas poser des questions tendancieuses, mais ce témoin a utilisé

 22   un mot en croate qui indiquait bien les préparatifs de l'attaque et je ne

 23   sais pas... Pour moi, c'était clair, c'était impliqué dans sa réponse.

 24   Une autre question, Monsieur le témoin. Est-ce que par la suite, pendant

 25   la guerre, on mentionnait cette unité de l'armée de la Bosnie-Herzégovine,


Page 25583

  1   les Coyotes, plus tard?

  2   Réponse:    Non.

  3   Question:   Avez-vous plus de détails sur cette unité?

  4   Réponse:    Non.

  5   Question:   Vous nous avez dit que certains soldats que vous pensiez être

  6   membres de l'unité Vitezovi sont venus vers chez vous... Est-ce qu'il y en

  7   avait d'autres qui étaient sur la ligne de front, là où vous étiez?

  8   Réponse:    Il y avait là deux brancards sur lesquels se trouvait un

  9   lance-roquettes, comme on l'appelle de nos jours, un RPG. C'était

 10   probablement une version un peu plus moderne. Il y avait un certain nombre

 11   de grenades, d'obus et de munitions pour la mitrailleuse et il y avait un

 12   certain nombre de fusils automatiques. A cette occasion-là, on m'a donné

 13   un fusil. Quand nous avons donc pris cela, le commandant Papic nous a

 14   donné un fusil.

 15   Question:   Est-ce que votre collègue Markovic a reçu aussi un fusil, M.

 16   Markovic qui se trouvait avec vous dans les tranchées?

 17   Réponse:    Non, non, non. Il s'agissait juste d'un fusil.

 18   Question:   Combien de jours êtes-vous resté dans cette tranchée?

 19   Réponse:    Je suis resté là. Il se trouve que cette tranchée est restée

 20   en vigueur jusqu'à ce qu'ils n'essayent d'avoir une côte, Barin Gaj. Je ne

 21   sais pas... Je sais qu'ils n'ont pas réussi à s'emparer de la côte

 22   complètement. Ce n'est qu'au moment où on a eu Barin Gaj que j'ai été

 23   transféré dans une autre tranchée, là où on avait trouvé Fuad Sahman. Mais

 24   ça  ne devait être qu'au mois d'août.

 25   Question:   Et pendant combien de temps êtes-vous resté sur la ligne de


Page 25584

  1   front vers Pirici?

  2   Réponse:    Jusqu'à la mi-janvier 1994.

  3   Question:   Vous avez mentionné jusqu'à présent à plusieurs reprises le

  4   terme "ligne de défense". A quoi pensez-vous quand vous parlez de la ligne

  5   de défense? Elle appartenait à qui, cette ligne de défense?

  6   Réponse:    Je ne vous comprends pas. Quelle ligne de défense? C'était la

  7   ligne de défense de l'armée croate. Je ne sais pas si on peut l'appeler

  8   une armée.

  9   Question:   Est-ce que par là, vous entendez les lignes où vous vous

 10   trouviez vous-même avec vos collègues?

 11   Réponse:    Oui.

 12   Question:   Vous venez déjà de nous parler de l'unité des Vitezovi, les

 13   Vitezovi, lors de l'incident à Pirici. Savez-vous, Monsieur, qui était le

 14   commandant de l'unité de Vitez?

 15   Réponse:    Oui, feu Darko Kraljevic.

 16   Question:   Et qui aurait pu être son supérieur?

 17   Réponse:    Dieu en personne.

 18   Question:   Pensez-vous que c'était le commandant de la Brigade de Vitez

 19   qui aurait pu être son commandant ou lui donner des ordres?

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Je n'ai plus d'autres questions pour vous. Merci, Monsieur

 22   Pojavnik.

 23   Réponse:    Merci.

 24   M. Naumovski (interprétation): La défense de M. Kordic n'a pas de

 25   questions à poser à ce témoin.


Page 25585

  1   (Contre-interrogatoire de M. Pojavnik par M. Nice.)

  2   M. Nice (interprétation): Quand êtes-vous arrivé à La Haye, Monsieur?

  3   M. Pojavnik (interprétation): Le 21.

  4   Question:   Cela fait bien cinq jours alors?

  5   Réponse:    Oui, je suis arrivé jeudi dernier, le 21 je pense.

  6   Question:   Quand avez-vous rencontré pour la première fois les conseils

  7   de défense de M. Cerkez? C'était il y a combien de mois ou d'années?

  8   Réponse:    J'ai dû les rencontrer pour la première fois il y a à peu près

  9   un an et demi.

 10   Question:   Répondez par oui ou non. Est-ce qu'on a pris des notes sur ce

 11   que vous leur avez dit?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Quand vous êtes arrivé à La Haye jeudi dernier, vous avez

 14   rencontré les conseils de la défense. Quel jour les avez-vous rencontrés?

 15   Vendredi, samedi ou dimanche?

 16   Réponse:    Vendredi.

 17   Question:   Est-ce qu'un résumé ou un projet de résumé de votre témoignage

 18   a été préparé vendredi dernier?

 19   Réponse:    Oui.

 20   Question:   Avez-vous eu la possibilité, vendredi dernier, de revoir ce

 21   qui a été noté pour donner votre accord et dire que cela correspondait à

 22   ce que vous veniez de dire?

 23   Réponse:    Oui.

 24   Question:   C'était bien vendredi dernier que vous avez revu ce qui a été

 25   noté?


Page 25586

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Et hier, il n'a pas été nécessaire de le revoir une fois de

  3   plus, pour y apporter d'éventuelles corrections?

  4   Réponse:    Non.

  5   M. le Président (interprétation): Maître Mikulicic, vous avez la parole.

  6   M. Kovacic (interprétation): Non, je crois que cela n'est fait que pour

  7   intimider le témoin. Je m'excuse. Nous avons une traduction. Vous savez

  8   qu'il y a des traductions et nous avons fait tout notre possible. Nous

  9   l'avons fait samedi soir ou dimanche matin.

 10   M. le Président (interprétation): Mais ce n'étaient pas encore des vraies

 11   questions. On lui a tout simplement demandé s'il avait eu la possibilité

 12   de revoir cela. Entendons d'abord la question.

 13   M. Nice (interprétation): Quand vous avez rencontré les avocats pour la

 14   première fois, il y a un an et demi, est-ce que l'incident concernant Fuad

 15   Sahman -est-ce que vous vous souvenez de cela?- vous en avez parlé, il y a

 16   un an et demi?

 17   M. Pojavnik (interprétation): Bien sûr que je m'en souviens. C'était la

 18   première fois que je voyais un homme mort de toute ma vie, quelqu'un qui

 19   gisait et qui était mort.

 20   Question:   Si j'ai bien compris, et s'il vous plaît corrigez-moi si j'ai

 21   tort, l'importance de cette trouvaille qui a été faite sur le corps de

 22   Fuad Sahman... Il était tout à fait évident qu'il s'agissait là d'un

 23   document important que vous aviez trouvé sur lui?

 24   Réponse:    Pourquoi ce serait un document? Quand il y a un accident de la

 25   route et que vous avez quelqu'un qui est mort, est-ce que vous risquez de


Page 25587

  1   l'oublier?

  2   Question:   Excusez-moi, ma question n'a pas été claire. Ce que vous avez

  3   pu trouver sur Fuad Sahman et que vous avez pu lire, c'était certainement

  4   quelque chose d'important dans des précisions sur les combats que vous

  5   étiez là à mener.

  6   Réponse:    Ce n'était pas si important pour moi parce que je n'étais pas

  7   soldat. Quand j'étais dans l'armée yougoslave, j'étais ambulancier dans

  8   l'équipe médicale. Mais si je me souviens de cela, c'est parce c'était la

  9   première fois de ma vie que je voyais un mort. Nous avons regardé cet

 10   agenda jusqu'à ce que les policiers arrivent.

 11   Question:   Et vous l'avez donné à qui?

 12   Réponse:    Je crois que c'étaient les gens du SIS. Je ne sais pas

 13   exactement, c'est une voiture de police qui est venue.

 14   Question:   A votre connaissance, ces documents peuvent bien toujours

 15   exister?

 16   M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que le témoin soit en

 17   mesure de nous éclaircir là-dessus.

 18   M. Nice (interprétation): Un instant, je vous prie. Il y a une cote ici

 19   que j'essaie de trouver, la cote attribuée par le greffe.

 20   Avez-vous pu rencontrer des avocats entre la première fois, il y a un an

 21   et demi, et puis jeudi ou vendredi dernier?

 22   M. Pojavnik (interprétation): Oui.

 23   Question:   Combien de fois?

 24   Réponse:    Une fois de plus.

 25   Question:   Et c'était quand?


Page 25588

  1   Réponse:    Il y a un mois.

  2   Question:   Est-ce que des notes ont été prises à cette occasion-là?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Et une fois de plus, l'incident qui concernait cet homme,

  5   Sahman, est-ce que cet incident était bien présent dans votre esprit?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Saviez-vous que les avocats auxquels vous parliez avaient

  8   préparé, il y a quelques mois de cela, un résumé de votre témoignage que

  9   vous allez donner ici?

 10   Réponse:    Non.

 11   Question:   Je demande à ce que ce document soit placé sur le

 12   rétroprojecteur. Je voudrais démontrer que cela a été fait en même temps

 13   que les notes, sinon je passerai à autre chose.

 14   Vous ne parlez pas l'anglais, je suppose. Je vais vous donner lecture de

 15   ces documents. La première fois que nous avons été informés de ce que l'on

 16   s'attendait à ce que vous disiez lors de votre déposition, c'était il y a

 17   quelques mois. On nous a dit, et vous voyez cela en anglais sur l'écran,

 18   ce qui suit: quand le conflit a éclaté le 16 avril, vous étiez sur la

 19   ligne de front à Pirici et "le 17 avril 1993, le témoin a entendu parler

 20   d'une mobilisation générale qui venait du bureau pour la défense. Il a été

 21   attribué à la ligne de front à Pirici où il est resté sept jours jusqu'à

 22   ce que les choses s'organisent mieux. Il avait aussi un peu de temps

 23   libre. Il est resté là jusqu'en 1994".

 24   Dans ce bref résumé, il n'y a pas un mot sur l'incident concernant cet

 25   homme, Sahman. Cela aurait été quand même quelque chose dont vous avez


Page 25589

  1   parlé avec les avocats lors de ces deux entretiens? Répondez, s'il vous

  2   plaît, par oui ou non.

  3   Réponse:    Excusez-moi, je ne suis pas arrivé sur la ligne de front le

  4   19, mais le 18.

  5   Question:   Nous allons y venir plus tard. Ce qui m'intéresse maintenant,

  6   c'est ce que vous avez pu dire au Tribunal par rapport à ce document. Je

  7   ne pense pas ici tellement à la date à laquelle vous avez pu vous rendre

  8   sur la ligne de front.

  9   D'après ce que vous dites, il y a à peu près un an et demi et à peu près

 10   un mois, vous pensiez à cette possibilité de déposer sur le document

 11   trouvé sur ce dénommé Sahman?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Ce n'est absolument pas de votre faute, Monsieur Pojavnik.

 14   Même si vous avez préparé ce résumé samedi dernier, je l'ai vu pour la

 15   première fois ce matin. Et de ce fait, je n'ai pas pu préparer les

 16   questions à vous poser, celles que j'aurais souhaité vous poser si jamais

 17   j'avais pu avoir ce résumé avant.

 18   Mais tout de même, je voudrais savoir... Dites-nous, avec vos propres

 19   paroles, quelle était la nature du document trouvé sur cet homme, Sahman?

 20   Réponse:    Chaque membre de l'armée de Bosnie-Herzégovine portait sur lui

 21   un livret matricule. Et dans ce livret matricule, on voyait très bien

 22   l'identité de cet homme: nom et prénom, grade, affectation dans l'armée.

 23   C'était son document personnel.

 24   Mais il avait sur lui une espèce d'agenda, journal tenu où, comme je l'ai

 25   expliqué tout à l'heure, on a expliqué comment se présentait une partie de


Page 25590

  1   cette ligne de défense, les périodes, de même qu'ont été évoqués les

  2   groupes qui devaient être lancés à l'attaque.

  3   Question:   Vous nous avez parlé, ou du moins c'est cela dans la

  4   traduction, du mot "agenda". Est-ce que vous pourriez nous dire, avec

  5   beaucoup de précision, ce que vous entendez par le terme "agenda"?

  6   Réponse:    Comment dirais-je? C'était un cahier, peut-être un peu plus

  7   beau, mieux fait.

  8   Question:   Comment? De quelle taille?

  9   Réponse:    Peut-être 15 sur 10 ou 12 centimètres.

 10   Question:   Et il y avait une liste de quoi? Qu'est-ce qui était marqué?

 11   Réponse:    Il y avait d'abord, dessinée à la main, la ligne de la défense

 12   que nous avons contrôlée à ce moment-là. Et puis, il y avait également

 13   inscrites les dates et les lieux portant sur les attaques à faire à

 14   Pirici, à Kirtina Mahala, Krc, etc..

 15   Question:   Pourriez-vous nous donner les dates, s'il vous plaît, les

 16   dates de l'attaque de la ligne de défense?

 17   Réponse:    C'était à peu près la date du 16, depuis les heures matinales.

 18   Question:   Un instant, s'il vous plaît. Pour que nous soyons tout à fait

 19   clairs, à peu près le 16, le matin... Que voulez-vous dire quand vous

 20   dites "à peu près le 16"?

 21   Réponse:    Oui, c'est ce que je voulais dire.

 22   Question:   Qu'entendez-vous par "à peu près le 16"?

 23   Réponse:    Vous savez, il y a huit ans, on avait convoqué telle ou telle

 24   réunion. Est-ce que vous pouvez vous en souvenir avec exactitude? Je dis:

 25   à peu près 5 ou 6 heures du matin. Autrement, je mentirais. Je ne peux pas


Page 25591

  1   dire: "à 5 heures et quart, l'attaque devait être lancée contre tel ou tel

  2   site".

  3   Question:   Vous êtes en train de déposer ici. Vous avez fait une

  4   déclaration solennelle et vous êtes en train de dire aux Juges ce dont

  5   vous vous souvenez.

  6   Vous nous avez dit que ce document était important. Vous en avez parlé

  7   avec les avocats, à plusieurs reprises. Revenons maintenant à la question:

  8   quelles étaient les dates qui figuraient sur le document? Quelles dates?

  9   Réponse:    Le 16 avril. Encore que c'était déjà une date révolue car nous

 10   avons évacué son corps le 21 avril. Le 16 avril, attaque à telle ou telle

 11   heure, tel ou tel endroit. Groupe de diversion et sabotage Coyotes,

 12   commandant tel et tel, mais les initiales ou surnom du commandant.

 13   Question:   Très bien. S'il vous plaît, n'essayez pas de dire quelque

 14   chose dont vous ne vous souvenez pas. Prenez votre temps. Est-ce qu'on

 15   précisait une heure pour ce jour-là, une heure à laquelle l'attaque devait

 16   être faite?

 17   Réponse:    Oui.

 18   Question:   Donc quelle était cette heure, s'il vous plaît?

 19   Réponse:    Que vous dirai-je maintenant? Je ne me souviens plus du temps

 20   car tout était espacé, disons, de 20 ou de 30 minutes d'un site à l'autre,

 21   d'un point à l'autre, d'un village à l'autre. Les attaques devaient donc

 22   être espacées dans le temps.

 23   Question:   Je vois. Donc, c'étaient des attaques espacées tout le long de

 24   la ligne de défense? Est-ce bien cela que vous voulez nous dire?

 25   Réponse:    Non. Il n'y avait pas un certain ordre. Je crois que c'était


Page 25592

  1   plutôt improvisé, par exemple pour Pirici on disait 6 heures. Ensuite, non

  2   loin de Pirici, le mont Kuber, on disait 8 heures. Et de 6 à 8 heures, on

  3   devait parler de Putis ou la route de Vjetrenicka. Je ne peux pas vous

  4   évoquer maintenant les détails très exacts, non plus que la coïncidence

  5   des détails et du temps.

  6   Question:   Un simple rappel pour tous grâce à l'examen de cette pièce

  7   2271, pour parler de cette zone dont vous parliez.

  8   (L'huissier installe la carte sur le rétroprojecteur.)

  9   Prenez votre temps. C'est un témoignage important que le vôtre et je ne

 10   voudrais pas ici vous desservir. Dites-nous simplement... Il faudra sans

 11   doute déplacer un peu la carte.

 12   Aidez-nous s'agissant de ces endroits que vous avez mentionnés, Monsieur.

 13   Réponse:    Une seconde.

 14   (Le témoin désigne l'écran.)

 15   Voilà, c'est cette route-là. Ici, on longe la route de Vjetrenicka qui

 16   mène vers Zenica. Maintenant, je ne vois pas ce que je cherche, cette

 17   ligne de défense où je me trouvais moi-même dans la tranchée. Attendez une

 18   seconde. Oui... Vjetrenicka, Poculica, Sivrino Selo, tout est là. Depuis

 19   ce point-là s'étend la ligne de défense, mais il m'est difficile de me

 20   débrouiller. Voilà, comme cela.

 21   Vidovici, vers Vidovici, Pirici... Je ne sais pas si c'est inscrit sur

 22   cette carte. Je crois que Vidovici est d'abord et puis après Pirici, je

 23   n'en puis pas sûr. En tout cas, la ligne passait au-dessus d'Ahmici par le

 24   mont Kuber, Ovcar (?) et puis après... Je ne peux pas m'y retrouver

 25   maintenant mais en tout cas, la ligne menait jusqu'à Putis. Ici se trouve


Page 25593

  1   Putis, mais je n'y suis jamais allé. Voilà comment longer cette ligne de

  2   défense.

  3   Question:   Bien. Et dans l'ordre du jour ou dans le document que vous

  4   avez examiné, combien y en avait-il qui étaient cités et combien de

  5   moments différents d'attaques y avait-il?

  6   Réponse:    Je ne peux pas vous le dire avec exactitude, mais disons qu'on

  7   avait cité de six à sept sites.

  8   Question:   Fort bien. Pourriez-vous m'expliquer une chose, Monsieur? Des

  9   questions vous ont été posées par M. le Président de la Chambre d'instance

 10   et en réponse, vous avez dit ceci. Il vous a demandé si, dans le document,

 11   on précisait le nombre de personnes qui étaient censées attaquer à chaque

 12   point et vous avez dit: "sur la carte, on donnait le nom du groupe

 13   "Kojoti" et puis, il y avait une carte d'identité et le nom de "Fuad

 14   Sahman". Puis, vous avez parlé de votre ligne de défense de votre secteur

 15   et du groupe des Coyotes qui étaient censés nous attaquer.

 16   Tout d'abord, dans le cadre de cette réponse, vous faisiez allusion à une

 17   carte. Parliez-vous de cette carte?

 18   Réponse:    Non, non, excusez-moi, je n'ai pas parlé de carte. J'ai dit

 19   que dans l'agenda, ce jour-là a été dessinée la ligne de défense. Je n'ai

 20   jamais mentionné une carte topographique quelconque. Surtout que M. Fuad

 21   Sahman en avait. C'était tout simplement dessiné à la main, Sivrino Selo,

 22   et puis la situation de la ligne, commandant A. P. Puis après, on devait

 23   dire par exemple Anto Pojavnic. On a parlé de je ne sais pas combien

 24   d’hommes.

 25   Encore une fois les initiales du commandant A.P. et puis, dix hommes sous


Page 25594

  1   son commandement. Et puis suivez la ligne de défense, comme cela à la

  2   main, il n'y avait pas de carte. Il s'agissait de la page 2 de cet agenda.

  3   Quand on ouvrait, il y avait une première page et puis sur la page 2.

  4   Question:   Et dans cet agenda, on trouvait aussi un numéro d’identité.

  5   C’est bien ce que vous sembliez dire à M. le Président, ou plutôt un

  6   numéro de carte d’identité?

  7   Réponse:    Que vouliez-vous dire par la carte d'identité?

  8   Question:   En tout état de cause, ce document révèle complètement si j’ai

  9   bien compris qu’il y avait une attaque qui était planifiée dans ce qui

 10   était écrit dans l'agenda de M. Sahman et ceci devait commencer dans les

 11   premières heures du 16 avril, est-ce bien exact?

 12   Réponse:    Oui.

 13   Question:   Cette information, ces renseignements qui donnaient le détail

 14   des moments différents où devaient être lancées les attaques et par quels

 15   groupes elles devaient être organisées, a été remis tout d'abord au SIS

 16   pour autant que cela l’ait été pour la première fois en avril 1993. Est-ce

 17   exact?

 18   Réponse:    Le jour même où ce document a été pris. Il y avait un véhicule

 19   de la police, je crois que c'étaient les gens du SIS. Je ne sais pas très

 20   exactement. Et puis nous, on a joué avec cet agenda-là en buvant du café.

 21   On n'avait pas grand-chose à faire avec et ils l'ont pris.

 22   Question:   Ces renseignements étaient disponibles sur place à l’époque en

 23   avril 1993. De plus, il y a un an et demi de cela, vous avez mis ceci à la

 24   disposition des avocats de M. Cerkez. Vous avez fourni le détail de cette

 25   attaque musulmane.


Page 25595

  1   Réponse:    Avant qu'il me demande quoi que ce soit, j'avais fait une

  2   déposition, mais maintenant à partir de cette date-là, un an et demi, je

  3   ne peux plus me souvenir. Ce dont on a parlé, c'est ce que j'ai dit dans

  4   ma déposition. C'est ce que je leur ai dit.

  5   Question:   Fuad Shaman, comment a-t-il trouvé la mort d'après ce que vous

  6   avez pu en juger?

  7   Réponse:    Cela devait être en plein combat. Il était venu à une distance

  8   de trois ou quatre mètres de notre tranchée.

  9   Il était couché par là et lorsque les Vitezovi étaient venus, ils ont

 10   récupéré les armes. Ils ont évacué son corps, il a été assez criblé de

 11   balles.

 12   Question:   Il avait été touché par des balles?

 13   Réponse:    Oui.

 14   Question:   Vous l'avez vu de vos propres yeux, n'est-ce pas?

 15   Réponse:    Comment l'aurais-je vu? En plus, ce n'était pas devant ma

 16   tranchée.

 17   Question:   Vous avez vu qu'il avait été tué par balles?

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Malheureusement, je ne pourrais pas terminer ce contre-

 20   interrogatoire avant la pause. J'aurai d'autres questions car je dois

 21   encore étudier telle ou telle question. J'ai eu peu de temps vu l'heure à

 22   laquelle nous avons reçu ce résumé.

 23   Je reviendrai sur ce sujet, Monsieur, après la pause du déjeuner mais

 24   auparavant, j'aimerais que vous me fournissiez d'autres détails.

 25   Revenons au tout début de votre déposition, au moment où vous évoquiez des


Page 25596

  1   tensions qui prévalaient à Vitez entre différents groupes techniques,

  2   surtout s’il y avait de l’alcool dans les environs. Dressons un tableau

  3   complet. Ne remontons pas à 1992, 1993, mais à 1991 ou à 1990, pour nous

  4   faire une meilleure idée.

  5   Là, à Vitez, à ce moment-là dans un bar, est-ce que des personnes

  6   s’invectivaient si elles étaient ivres, du fait de leur appartenance

  7   ethnique ou bien n'était-ce pas le cas?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   En règle générale, qui injuriait? Etait-ce les Musulmans quand

 10   ils avaient bu quelques verres de trop qui commençaient à insulter les

 11   Croates ou étaient-ce les Croates qui faisaient pareil quand ils avaient

 12   bu un peu trop?

 13   Comment cela se passait-il?

 14   Réponse:    On ne peut pas dire autant pour parler de différentes ethnies,

 15   mais on ne peut parler que de certains caractères particuliers. Un homme

 16   de bon caractère ne touchera certainement pas au bien d'autrui.

 17   Evidemment, il préserve et chérit son propre bien et respecte celui de

 18   l'autre. Pourquoi y toucherait-il?

 19   Question:   Voulez-vous bien répondre à ma question?

 20   Vous avez déjà été prié de parler de la vie à Vitez et j'ai une autre

 21   question de nature générale après. Mais répondez d’abord à celle-ci.

 22   Avant le conflit, est-ce que c'étaient les Croates qui insultaient les

 23   Musulmans quand ils avaient bu ou est-ce que c'était l'inverse, les

 24   Musulmans qui insultaient les Croates?

 25   Réponse:    Je crois que ma réponse a été très claire. Tout dépend de


Page 25597

  1   l'homme, de son caractère. Il ne s'agit pas de parler Musulman ou Croate,

  2   mais de parler de caractère et d'éducation des gens.

  3   Question:   Revenons au Vitez d’aujourd’hui, puisque vous y habitez

  4   toujours et que vous avez un emploi, ce qui veut dire que vous avez des

  5   contacts avec le public. Même aujourd’hui, en dépit de tout ce qu'il s'est

  6   passé pendant la guerre et de toutes les leçons qu’on a pu tirer, Vitez

  7   est encore une ville surtout croate, n'est-ce pas?

  8   Réponse:    Oui, de nos jours, ce n'est pas le cas.

  9   Question:   Mais aujourd'hui dans votre ville, on voit que des sentiments

 10   anti-musulmans s’expriment par le biais de graffitis par exemple, n’est-ce

 11   pas, dans votre ville même?

 12   Réponse:    Je ne pourrais pas vous le dire. Je ne sais pas de quelle

 13   façon on pourrait le dire ainsi dans votre question. La moitié de la

 14   police est musulmane, la moitié des cadres de la municipalité sont des

 15   Musulmans. Dans mon café, ce sont des Musulmans.

 16   Dans les bus de transports en commun, il y a des Musulmans et des Croates.

 17   Comment pouvez-vous poser la question de savoir si, aujourd’hui encore, on

 18   peut avoir des sentiments?

 19   Question:   Revenons à la période antérieure au conflit puisque des

 20   questions ont été posées.

 21   Voulez-vous dire qu’en 1992, il y a eu une recrudescence notable des

 22   tensions ethniques, par exemple dans les locaux où vous travaillez, dans

 23   ce bar "T&T"?

 24   Question:   Quand avez-vous commencé à vous rendre compte qu’il y avait

 25   des modifications au niveau des tensions ethniques?


Page 25598

  1   Réponse:    Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par la

  2   tension, quand cela a été observé pour la première fois. Il y avait peut-

  3   être quelques excès en automne 1992. Par exemple, un incident où une garde

  4   de l'armée de Bosnie-Herzégovine a arrêté un Croate, des Croates de

  5   Busovaca qui étaient partis vers la ligne de défense à Jajce.

  6   Voilà. Des incidents du genre se sont produits à deux ou trois reprise à

  7   Stari Vitez, à Mahala. Cela dure comme cela un jour et puis, c’est fini.

  8   Question:   Que s'est-il passé à quelques reprises à Stari Vitez ou à

  9   Mahala? Pourriez-vous le préciser?

 10   Réponse:    Mais rien de spécial. Nous, on les appelait les divisions de

 11   troncs d’arbres car ils établissaient des barrages puis tant que la police

 12   n'arrive ou quelqu'un d'autre pour déblayer…

 13   Question:   Votre épouse est musulmane? Est-ce que votre beau-père vit

 14   toujours?

 15   Réponse:    Non.

 16   Question:   Etait-il vivant au moment du conflit?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Est-ce que votre femme a des parents de sexe masculin qui

 19   vivent toujours à Vitez? Vivent-ils près de chez vous? Où vivent-ils?

 20   Réponse:    Eh bien, elle a quatre frères, beaucoup de cousins de sa

 21   parenté dans les banlieues de Vitez et évidemment, ils ont quitté la ville

 22   pendant le conflit et sont retournés à Vitez.

 23   Question:   Ils ont quitté Vitez pendant le conflit, mais le jour du 16,

 24   ils ont été arrêtés, n’est-ce pas? Le 16 ou le 17?

 25   Réponse:    Non. Ils n’ont pas été arrêtés.


Page 25599

  1   Question:   Vous n'étiez pas au courant du fait que des gens ont été

  2   arrêtés à Vitez le 16?

  3   Réponse:    Je ne sais pas ce que vous voulez dire par "arrêtés". Il y a

  4   des gens qui ont tout simplement été mis à l'abri dans les locaux de

  5   comptabilité sociale, la SDK, je ne sais pas où encore.

  6   Question:   Y avait-il, parmi les personnes qui ont été emmenées, des

  7   parents de votre femme qui ont été emmenés?

  8   Réponse:    Je ne sais pas.

  9   Question:   Est-ce que ce sont tous des Musulmans qui ont été emmenés,

 10   Monsieur Pokrajcic?

 11   Réponse:    Non.

 12   Question:   Alors quelles sont les autres personnes qui, elles aussi,

 13   furent emmenées? Des Roms?

 14   Réponse:    Non, je crois qu'on ne s’est pas bien compris.

 15   Est-ce que vous avez voulu savoir par là si tous les Musulmans ou

 16   uniquement des Musulmans?

 17   Question:   Uniquement des Musulmans.

 18   Réponse:    Oui.

 19   Question:   Pourquoi a-t-on arrêté des Musulmans et les a-t-on emmenés

 20   dans votre ville le 16?

 21   Réponse:    Ils n'ont pas été arrêtés. Voyons les choses de plus près.

 22   Vous savez qu'à Vitez, en une seule journée arrivent 10 000 hommes,

 23   femmes, enfants de réfugiés, expulsés de Zenica.

 24   Or, ces gens-là qui ont été expulsés de Zenica ont été bannis par les

 25   Musulmans. Alors, il est tout à fait normal de les voir maintenant bannir


Page 25600

  1   à leur tour des Musulmans et les expulser de leurs appartements.

  2   Voilà pourquoi les gens devaient être mis en sécurité pour qu'il n'y ait

  3   pas de conflit entre ces deux populations. Il ne s’agit pas

  4   d'arrestations. Pourquoi?

  5   Question:   Il est naturel qu’ils expulsent les Musulmans de leurs

  6   appartements. Et la meilleure façon d’assurer la sécurité de ces

  7   Musulmans, c'est de les mettre en prison. C'est bien cela? Car à part les

  8   femmes musulmanes, pratiquement, ces appartements étaient vides?

  9   Réponse:    Je crois que c’était un malentendu entre nous. Ils ont été mis

 10   à l'abri pour éviter tout excès, pour éviter des incidents. Mais si

 11   quelqu'un vient me chasser de ma maison, évidemment je ne peux pas laisser

 12   mes cinq enfants couchés sur la route car il faut faire preuve d'humanité.

 13   Comment voulez-vous que je sois maintenant un homme humaniste si l'autre

 14   est inhumain?

 15   Question:   Dernière question avant la pause. Mais le 16 avril, il n'y

 16   avait pas de réfugiés en provenant de Zenica?

 17   Réponse:    Qui a soutenu cela? Peut-être que vous connaissiez mieux la

 18   situation que moi qui étais in situ? Le 16 avril, la ville de Vitez était

 19   pleine de réfugiés, de femmes et d'enfants de la région de Ovnak, Travnik

 20   et puis de Brajkovici, Ovnaci, Stranjani, toutes ces localités de la

 21   municipalité de Travnik et de Zenica. C'était un nettoyage ethnique, le 15

 22   et le 16. Nova Bila, Stara Bila etc.. Ils devaient y passer.

 23   M. le Président (interprétation): Fort bien, nous allons suspendre

 24   l'audience.

 25   Monsieur Pojavnik, l'audience va être suspendue pour la pause du déjeuner.


Page 25601

  1   Veuillez être de retour ici à l'audience à 14 heures 30 pour poursuivre

  2   votre déposition. Au cours de la pause et tant que votre déposition ne

  3   sera pas terminée, veillez à ne vous entretenir avec personne de celle-ci.

  4   Ceci concerne aussi les avocats de la défense.

  5   (L'audience, suspendue à 13 heures 02 minutes, est reprise à 14 heures

  6   35.)

  7   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice, vous pouvez

  8   procéder.

  9   M. Nice (interprétation): L'homme dont vous nous avez dit qu'il a été tué,

 10   que s'est-il passé avec lui au moment où vous avez cessé de jouer avec

 11   l'agenda? Que s'est-il passé avec l'homme?

 12   M. Pokrajcic (interprétation): Il a été enterré non loin de là, non loin

 13   de la localité. Il y avait une espèce de bâtiment du commandement, il y

 14   avait une espèce de guérite, à une vingtaine, une trentaine de mètres de

 15   là.

 16   Question:   Est-ce que c'était un endroit où il a été enterré de façon

 17   provisoire et par la suite il a été déplacé de là-bas?

 18   Réponse:    Autant que je sache, il a été exhumé quinze ou vingt jours

 19   après pour être objet d'échange.

 20   Question:   Merci. Oui, je peux tout à fait accepter ce type d'historique

 21   et que c'était suffisant comme identité de la personne.

 22   Quant à ce journal ou cet agenda, savez-vous si quelqu'un avait essayé de

 23   s'emparer de ce document?

 24   Réponse:    Non.

 25   Question:   Merci. Vous nous avez dit aujourd'hui quelle a été la date


Page 25602

  1   quand vous avez appris la mobilisation générale. Quelle a été la date au

  2   moment où vous avez appris la mobilisation générale?

  3   Réponse:    C'était le 16 avril.

  4   Question:   Et vous-même, quand avez-vous répondu à cet appel?

  5   Réponse:    Le 16 avril, dans les heures d'après-midi.

  6   Question:   Et quand est-ce qu'on vous a envoyé à Pirici?

  7   Réponse:    Le 18, vers midi.

  8   Question:   Vous le savez puisqu'on l'avait vu, c'est que le premier

  9   résumé qui a été envoyé par le conseil de la défense a été envoyé le 19,

 10   figurait la date du 19. Préalablement, c'était marqué le 18. Donc y a-t-il

 11   une raison particulière pour que ces deux dates soient différentes?

 12   Réponse:    Je n'ai aucune raison de le faire ainsi, je n'ai jamais dit

 13   que j'ai été mobilisé le 19, mais bien le 18. Je n'ai aucune raison de

 14   faire autrement d'ailleurs.

 15   Question:   Et les Coyotes, que pouvez-vous me dire de plus là-dessus? Les

 16   Coyotes, vous nous avez dit que c'était ça le nom de l'unité à laquelle

 17   appartenait cet homme.

 18   Réponse:    Je ne sais rien.

 19   Question:   Il y a là deux documents. D'un côté, vous nous avez dit que

 20   Darko Kraljevic ne s'adressait qu'à Dieu. Est-ce bien cela que vous nous

 21   avez dit?

 22   Réponse:    Oui.

 23   Question:   Il ne s'adressait qu'à Dieu et personne d'autre ne lui donnait

 24   des ordres, il ne prenait des ordres de quiconque d'autre.

 25   Réponse:    Je crois que personne n'aurait su lui donner des ordres. Peut-


Page 25603

  1   être des gens de Herzégovine, mais même pas eux.

  2   Question:   Vous étiez à Buhine Kuce assez longtemps, depuis le mois

  3   d'avril 1994.

  4   Réponse:    Je suis venu à Buhine Kuce vers la mi-janvier, le 15 janvier

  5   très exactement, pour y rester jusqu'à l'armistice.

  6   Question:   Donc entre le mois d'avril et le mois de janvier, vous étiez

  7   où, Monsieur?

  8   Réponse:    J'étais à Pirici.

  9   Question:   A Pirici, bien. Entre Pirici et Buhine Kuce, il y a quelle

 10   distance?

 11   Réponse:    Dans des temps normaux, disons que ça fait un kilomètre, mais

 12   au temps des conflits, des combats, il y avait 5 kilomètres parce qu'il a

 13   fallu faire la route de Santici et puis à Radakovamos (?), Rijeka , de

 14   Rijeka vers la gare de chemin de fer et après à Buhine Kuce.

 15   Question:   Est-ce que vous pourriez distinguer l'une localité de l'autre?

 16   Réponse:    Eh bien, oui. Il y a des sites du haut de Pirici où on peut

 17   les voir.

 18   Question:   Regardez, s'il vous plaît, ce document 891.1. Ce document

 19   vient de l'accusé Mario Cerkez, il est daté du 7 mai et s'adresse à Slavko

 20   Badrov, commandant de la brigade de Vitez. Il y est dit ce qui suit:

 21   "Fondé sur la nécessité d'engager la police militaire et par rapport à

 22   quinze soldats qui doivent remplacer la police militaire sur la ligne de

 23   défense à Kratine". Est-ce que c'était bien la ligne de défense où vous

 24   étiez stationné vous-même?

 25   Réponse:    Je vois pour la première fois de ma vie ce document. Quant à


Page 25604

  1   M. Slavko Badrov, je n'en ai jamais entendu parler.

  2   Question:   La seule chose qui m'intéresse en ce moment, c'est la ligne de

  3   défense Kratine/ Pirici. C'était bien à cet endroit-là que vous

  4   travailliez, que vous étiez posté? Vous étiez à Pirici?

  5   Réponse:    C'est exact.

  6   Question:   Et on dit dans le deuxième paragraphe: "A midi, le 8 mai, un

  7   groupe de quinze soldats est arrivé jusqu'à la maison et ils ont déterminé

  8   qui serait le commandant du groupe, qui serait responsable des tâches à

  9   effectuer par le groupe et qu'ils allaient rester sur la ligne de défense

 10   pendant une semaine". Est-ce que la police militaire qui venait de cette

 11   maison travaillait sur la ligne de défense de Pirici? Est-ce que c'était

 12   le cas comme cet ordre semble l'indiquer?

 13   Réponse:    Il n'y avait aucune armée sur la ligne de défense. Il y avait

 14   des villageois de Santici, de Pirici et, pour la plupart, ces gens-là

 15   venaient de Vitez, de la ville même. C'est la première fois que j'entends

 16   dire que sur la ligne s'amenait aussi une unité de police militaire,

 17   surtout des gens du bungalow, on ne sait pas qui ils sont.

 18   Question:   Mais vous saviez où se trouvait le bungalow?

 19   Réponse:    Bien sûr que oui.

 20   Question:   Et vous saviez que c'était là-bas que se trouvaient les

 21   Jokeri.

 22   Réponse:    Je ne savais pas que c'était leur quartier général. Je sais

 23   que les Jokeri étaient là et je sais qu'ils étaient dans les bungalows.

 24   Question:   Avez-vous parlé avec les Jokeri pendant le temps que vous vous

 25   trouviez sur la ligne de défense à Pirici?


Page 25605

  1   Réponse:    Non.

  2   Question:   Avez-vous jamais découvert qui a fait l'attaque sur Pirici?

  3   Est-ce que vous avez jamais appris qui a attaqué Ahmici?

  4   Réponse:    Je ne peux pas dire avec certitude qui a attaqué Ahmici. Pour

  5   en juger d'après leurs uniformes, je crois que c'étaient les Jokeri et la

  6   police militaire.

  7   Question:   Vous les avez vus le faire. D'après leurs uniformes?

  8   Réponse:    Oui, d'après leurs uniformes, je dirais que c'était eux.

  9   Question:   Qu'est-ce que vous avez vu de leur attaque sur Ahmici, s'il

 10   vous plaît? Qu'est-ce que vous les avez vu faire?

 11   Réponse:    Moi, je suis venu le 18. Il y avait déjà la ligne de front

 12   établie, les tranchées creusées. Je dis tranchées creusées parce que

 13   c'était un mètre sur un mètre, et puis un demi-mètre de profondeur. Par

 14   conséquent, je n'ai pas vu grand-chose.

 15   Question:   Monsieur Pokrajcic, je pense vous avoir posé une question bien

 16   claire que je vais répéter. Je vous ai posé la question suivante: "Avez-

 17   vous jamais appris qui avait attaqué Ahmici?", et vous m'avez dit: "Je ne

 18   sais pas qui a attaqué Ahmici, mais à vrai dire, d'après leurs uniformes,

 19   c'étaient les Jokeri et la police militaire".

 20   Pourriez-vous nous expliquer comment, d'après les uniformes, vous avez pu

 21   conclure que c'étaient les Jokeri et la police militaire qui l'avaient

 22   fait, à moins que vous ne les ayez pas vu faire? Comprenez-vous ma

 23   question? Ce que je vous demande, c'est d'expliquer l'une de vos réponses

 24   qui concernait les uniformes.

 25   Réponse:    Je crois que j'ai été clair dans ma réponse. Une fois que nous


Page 25606

  1   sommes venus sur la ligne, il y avait des gens en uniforme noir que

  2   portaient les Jokeri. Et puis apparaissent ensuite les gens en uniforme de

  3   police militaire que seuls les membres de la police militaire portaient,

  4   parce que nous sommes venus le 18.

  5   Question:   Est-ce que vous avez jamais parlé avec eux et est-ce que vous

  6   leur avez posé la question quant aux choses qu'ils ont faites?

  7   Réponse:    Non.

  8   Question:   J'ai encore deux documents et après j'aurai terminé.

  9   Regardez, s'il vous plaît, le 114.7 maintenant. Je crois que c'est l'un

 10   des documents que nous avons déjà vus ici. Il faut le placer sur le

 11   rétroprojecteur. Je ne dis pas, Monsieur Pojavnik, que vous avez déjà vu

 12   ce document. C'est le contenu qui nous intéresse. Celui-ci est daté du 20

 13   juillet 1993, signé par Blaskic. C'est un ordre de combat. Nous voyons,

 14   dans le paragraphe 1, que cela concerne le fait d'envoyer un peloton de

 15   votre unité pour reprendre la ligne qui a été coupée sur la ligne d'accès

 16   vers Polje et Zadrono. Mais cela n'est pas tout à fait là où vous étiez.

 17   Cependant, ce n'est pas loin de l'endroit où vous vous trouviez. Ce n'est

 18   pas très loin d'où vous étiez, vers Orlovo Polje et Zabilje?

 19   Réponse:    Je ne sais pas.

 20   Question:   Vous ne le savez pas du tout?

 21   Réponse:    Je sais où se trouve Zabilje, mais je n'ai jamais entendu

 22   parler de Orlovo Polje.

 23   Question:   Merci. Je n'insiste plus là-dessus.

 24   Le prochain document est le 156.4. Vous êtes allé à Buhine Kuce au mois de

 25   janvier 1994, est-ce exact?


Page 25607

  1   Réponse:    Oui.

  2   Question:   Donc, avant cela, vous avez pu voir quelque chose qui s'y est

  3   passé et une fois que vous êtes arrivé à Buhine Kuce, vous avez dû

  4   apprendre par d'autres ce qui s'était passé avant que vous n'y soyez allé?

  5   Réponse:    Pour vous dire vrai, je ne peux pas savoir tout ce qui s'est

  6   passé. Je sais qu'une attaque a été faite vers le Nouvel An et que la

  7   route a été bloquée, coupée, celle qui reliait Vitez à Busovaca. L'armée

  8   de Bosnie-Herzégovine entre dans la maison de Mme Buha, je ne sais pas

  9   comment elle s'appelle, dont la maison se trouve donc du côté droit de la

 10   route de Vitez à Busovaca. Lorsque j'étais venu là-bas, c'était toujours

 11   comme ça.

 12   Question:   Est-ce que vous savez -nous l'avons entendu par le témoin

 13   Vurljac(?)- que M. Kordic avait personnellement participé à la défense à

 14   Buhine Kuce?

 15   Réponse:    Il n'y était certainement pas. Je sais qu'il n'y a pas pris

 16   part. M. Dario Kordic n'a pas pris part aux combats près de Buhine Kuce.

 17   Question:   Comment pouvez-vous dire qu'il est bien connu qu'il ne l'a pas

 18   fait? Comment peut-il être réellement bien connu que quelqu'un n'a pas

 19   fait quelque chose? Pourriez-vous me l'expliquer, s'il vous plaît?

 20   Réponse:    Moi, j'étais là lorsqu'il était de retour à Buhine Kuce.

 21   Buhine Kuce n'est pas à une distance d'un kilomètre ou deux, mais il

 22   s'agit d'une ligne de 150 mètres, 200 mètres à peu près.

 23   Question:   Est-il exact... Le document 104 s'y réfère, mais c'est bien

 24   l'endroit où 80 membres du HVO ont été tués, et c'est à la suite de cela

 25   que Cerkez a perdu son poste?


Page 25608

  1   Réponse:    Non.

  2   Question:   Vous ne savez rien sur les circonstances dans lesquelles

  3   Cerkez a perdu son poste? Vous-même, vous étiez à Buhine Kuce, n'est-ce

  4   pas?

  5   Réponse:    Je ne sais pas si M. Cerkez avait perdu ce poste-là. J'entends

  6   dire pour la première fois par vous-même qu'à Buhine Kuce ont été tués

  7   environ une dizaine de gens, pour la plupart des civils.

  8   M. le Président (interprétation): Je pensais personnellement qu'il

  9   s'agissait de Sivrino selo.

 10   M. Nice (interprétation): Les deux apparaissent sur le document, le

 11   document 156.4. S'il vous plaît, passez l'original au témoin.

 12   Regardez bien ce document et sa teneur. C'est un document daté du 11

 13   janvier 1994, du commandant de la Brigade de Vitez, signé par un dénommé

 14   Jozo Grgic. Le connaissez-vous?

 15   Réponse:    Je ne connais pas M. Jozo Grgic.

 16   Question:   La deuxième feuille en anglais, et pour vous, Monsieur, c'est

 17   toujours la première page...

 18   M. le Président (interprétation): Je vois ce que dit ce document. D'où

 19   est-ce qu'il vient?

 20   M. Nice (interprétation): C'est un document de Zagreb.

 21   M. le Président (interprétation): Un document de Zagreb?

 22   M. Nice (interprétation): Ce que nous avons ici pour Buhine Kuce dit qu'il

 23   y a trois...

 24   M. Sayers (interprétation): Monsieur le Président, nous pouvons lui poser

 25   les questions sur Buhine Kuce mais pas sur la ligne suivante.


Page 25609

  1   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous pouvez poser la

  2   question à ce témoin par rapport à Buhine Kuce, mais pas pour la prochaine

  3   ligne.

  4   M. Nice (interprétation): Il est noté ici qu'il y a trois extincteurs qui

  5   ont été à Buhine Kuce, dont un qui n'a pas explosé. Est-ce que, d'après ce

  6   que vous avez fait vous-même ou d'après ce que vous avez pu voir, ces

  7   trois bombes extincteurs, est-ce que vous vous souvenez qu'ils ont été

  8   utilisés à Buhine Kuce?

  9   M. Pojavnik (interprétation): On utilisait normalement ces bombes parce

 10   que nous n'avions pas d'artillerie. C'était le seul moyen de défense pour

 11   nous. Mais dire maintenant à quel point c'était défectueux ou pas, cela...

 12   Question:   Allons maintenant au paragraphe 3. C'est à la troisième page

 13   en anglais, mais vous-même vous pouvez rester sur la même page de

 14   l'original. On voit qu'il y a une note pour un jour, c'est qu'à 22 heures

 15   23, le ZP a été informé que les lignes de front ont été abandonnées à

 16   Buhine Kuce. Vous veniez, à l'époque, juste d'y arriver. Est-ce que les

 17   Vitezovi étaient bien ceux qui gardaient les lignes à Buhine Kuce?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   Excusez-moi? Non? Il n'avait rien à voir avec cette ligne de

 20   front, rien du tout?

 21   Réponse:    Buhine Kuce était contrôlée par les Domobrani, c'est-à-dire

 22   les gens du village, les gens de Vitez qui venaient.

 23   Question:   Et le paragraphe suivant, pourriez-vous nous aider là-dessus?

 24   Il y avait un véhicule du 7ème bataillon qui, à 23 heures 25, est allé au

 25   café Pican qui devait aller à Impregnacija où il y avait des soldats qui


Page 25610

  1   devaient par la suite aller à Buhine Kuce. Est-ce que c'était bien cela:

  2   il y avait des soldats qui sont venus du café Pican?

  3   Réponse:    Autant que je sache, aucun restaurant, aucun café à Vitez ne

  4   fonctionnait pendant le conflit. Vraiment, je n'en ai jamais entendu

  5   parler. Je m'excuse. Je ne sais pas vraiment pour les restaurants qui

  6   auraient été ouverts. Pour ce qui est de ce bistrot-là, peut-être qu'il y

  7   avait des gens de Domobrani qui étaient venus pour aider à la ligne de

  8   front et puis après, lorsqu'ils étaient de retour, peut-être qu'ils

  9   pouvaient y passer. Mais certainement, rien ne s'est passé

 10   d'extraordinaire dans les bistrots pendant le conflit.

 11   Question:   Et à Pirici, vous y avez emmené des Musulmans pour qu'ils y

 12   creusent des tranchées. Vous vous en souvenez?

 13   Réponse:    A vous dire vrai, pour parler de ce peloton de travail qui a

 14   creusé des tranchées, jamais il n'y a eu de ces gens-là qui ont creusé un

 15   seul mètre quant à ma tranchée à moi. Mais pour ce qui est du peloton de

 16   travail, il y avait des Musulmans, même des personnes âgées et des Roms.

 17   Il y avait surtout des Roms. On disait des blagues, on disait: "Il y a le

 18   Rom qui se fait tuer pour son Dom", c'est-à-dire pour sa maison, sa

 19   patrie.

 20   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, le document Z346.4, quant

 21   à la partie de la page où M. Sayers a une objection, si vous vouliez

 22   l'inclure, il faut d'abord jeter des bases préalables.

 23   M. Nice (interprétation): Nous allons en parler avec le prochain témoin,

 24   bien sûr.

 25   M. le Président (interprétation): Oui, mais pour le moment je voulais vous


Page 25611

  1   préciser cela.

  2   (Questions supplémentaires de Me Kovacic à M. Anto Pojavnik.)

  3   M. Kovacic (interprétation): Monsieur Pojavnik, je serai très bref pour

  4   tirer au clair certains éléments qui me semblent un peu confondus. Tout à

  5   l'heure, on vous a montré le document Z891.1 où l'on parlait de la ligne

  6   Kratine/Pirici, on parlait de police militaire, etc..

  7   Voyons un petit peu plus clair. Lorsqu'on parle de Kratine/Pirici, de

  8   cette ligne, de quelle distance s'agit-il? Avez-vous une idée?

  9   M. Pojavnik (interprétation): Cette ligne-là, de Kratine à Pirici, s'étend

 10   sur un kilomètre à peu près. Pour l'autre, je ne peux pas le dire

 11   exactement, mais peut-être à Kratine il y a environ 500 ou 600 mètres.

 12   C'est-à-dire que c'est une ligne qui, d'ailleurs, fait la prolongation, en

 13   quelque sorte, de la ligne de Pirici.

 14   Question:   Par conséquent, si on peut conclure, tout cela fait un

 15   kilomètre et quelque?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   En d'autres termes, Monsieur Pojavnik, à tout moment de cette

 18   malheureuse guerre, avez-vous pu savoir ce qu’il se passait sur l'un ou

 19   l'autre site de la ligne de front qui était éloigné de vous?

 20   Réponse:    Non.

 21   Question:   Je vous remercie. Il y avait aussi pas mal de confusion autour

 22   du terme "Journal". Vous avez dit "agenda" à un moment donné. Est-ce peut-

 23   être ce type-là d'agenda?

 24   (Maître Kovacic montre au témoin.)

 25   Réponse:    Oui, peut-être un petit peu…, disons moins en largeur, et


Page 25612

  1   peut-être de la même longueur.

  2   Question:   Cela, chez vous, on appelle cela un agenda?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Je vous remercie. Pour le compte rendu. Laissons quelques

  5   traces que le conseil de la défense a présenté pour identifier, enfin, ne

  6   serait-ce qu'une forme de cet agenda au témoin, un agenda pour dire dans

  7   quelle page c'était.

  8   M. le Président (interprétation): Ce sera versé au dossier.

  9   M. Kovacic (interprétation): Non, tout simplement, je voulais vous montrer

 10   ce que chez nous, les gens ont l'habitude d'appeler un agenda.

 11   Pendant combien de temps avez-vous eu vous-même entre les mains cet agenda

 12   de Sahman?

 13   Réponse:    Pendant deux ou trois heures.

 14   Question:   Et vous l'avez eu en mains vous-même?

 15   Réponse:    Oui, moi et tous les autres, tous ceux qui étaient là

 16   pouvaient le voir. Ce n'était pas un objet secret, pas plus que cela ne

 17   signifiait quelque chose d'exceptionnel. Tout simplement, on le regardait

 18   et c'est tout.

 19   Question:   Je vous remercie. Il y a eu aussi un manque de clarté quant à

 20   un chiffre, un ordre de série. C'est-à-dire que le livret matricule de feu

 21   Sahman devait porter une photo. De quoi s'agissait-il?

 22   Réponse:    C'était tout simplement un livret matricule.

 23   Question:   Y avait-il eu un numéro de série?

 24   Réponse:    Non.

 25   Tout simplement, il y avait nom et prénom, Sahman Fuad, né en 1962 ou 1963


Page 25613

  1   à Jajce, et puis affectation, unité des Coyotes, groupe de sabotage, de

  2   diversion de Coyotes.

  3   Question:   Je vous remercie.

  4   A moment donné, on vous a posé une question sur Stari Vitez et vous avez

  5   vous-même dit littéralement que c'est là où il y avait des troncs d'arbres

  6   qui étaient érigés en barrage. Vous avez parlé de cette révolution des

  7   troncs d'arbre. Qui est-ce qui avait érigé ces barrages sur la route?

  8   Réponse:    Partout, il y avait des barrages sur la route, dans chaque

  9   village. Peu importe. Quiconque pouvait avoir une idée, il en faisait tout

 10   de suite réalisation sous forme de barrage. Il n'y avait pas de soldats

 11   réguliers, pas d'armée régulière.

 12   Question:   Et pour parler population, quelle était la composition

 13   ethnique dans Stari Vitez?

 14   Réponse:    C'étaient des Musulmans à 90%.

 15   Question:   Je vous remercie. On parlait du fait que des Musulmans avaient

 16   été emmenés à différents endroits, par exemple dans le bâtiment du SDK que

 17   vous avez mentionné. Quant au sexe des personnes, qui était emmené?

 18   Réponse:    C'étaient des hommes.

 19   Question:   Avez-vous jamais entendu dire qu'une femme y avait été

 20   emmenée?

 21   Réponse:    Non.

 22   Question:   Avez-vous jamais entendu dire qu'il y a eu des gens qui s'y

 23   sont rendus personnellement?

 24   Réponse:    Oui.

 25   Question:   Qu'est-ce que vous en savez?


Page 25614

  1   Réponse:    Monsieur Puric y est allé de son plein gré. Il habitait dans

  2   mon immeuble. Il y est allé le 17, vers 10 heures et après, il est rentré.

  3   On lui a dit qu'il n'y avait aucun problème et qu'il pouvait rentrer chez

  4   lui.

  5   Question:   Et cet homme, Puric, il était de quelle nationalité?

  6   Réponse:    Il était musulman.

  7   Question:   Connaissez-vous son prénom?

  8   Réponse:    C'est vrai que c'est mon voisin, mais je ne connais pas son

  9   prénom. Je sais bien que son nom est Puric et qu'il habitait au premier

 10   étage de mon immeuble.

 11   Question:   Donc, il habitait dans le même immeuble.

 12   Réponse:    Oui. Oui. Ses enfants étaient avec moi dans l'appartement de

 13   M. Smailkadic.

 14   Question:   Avez-vous entendu dire que cela n'était pas quelque chose

 15   d'unique?

 16   Réponse:    Je ne crois pas que c'était unique.

 17   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 18   je n'ai plus de questions à poser au témoin.

 19   M. le Président (interprétation): Monsieur Pojavnik, ainsi s'achève votre

 20   déposition. Merci d'être venu au Tribunal. Vous pouvez disposer.

 21   M. Pojavnik (interprétation): C'est moi qui vous remercie.

 22   (Le témoin, M. Anto Pojavnik, est reconduit hors du prétoire.)

 23   M. le Président (interprétation):  Le prochain témoin?

 24   M. Kovacic (interprétation): Le prochain témoin est M. Ivica Miskovic.

 25   Monsieur le Président, si vous me permettez, j'aimerais bien rajouter


Page 25615

  1   quelques mots. Je ne sais pas du tout si ceci est important ou non, mais

  2   puisqu'on l'a mentionné, je me sens obligé d'en parler. Pendant les

  3   enquêtes que nous menions en 1998 et 1999, nous avons entendu parler de

  4   cet agenda de Fuad Sahman, non seulement de la part de ce témoin, mais

  5   également de la part d'autres témoins. Nous avons bien sûr reconnu

  6   l'importance du document. Je souhaiterais tout simplement informer la

  7   Chambre de première instance que nous avons passé beaucoup de temps à

  8   essayer de le trouver. Entre autres, nous avons envoyé beaucoup de lettres

  9   officielles au ministère de la Défense croate. Au moment où nous avions

 10   appris qu'un certain nombre de documents se trouvaient à Zagreb, on nous a

 11   informés qu'un tel document ne se trouvait pas à Zagreb, ou du moins qu'à

 12   l'heure où ils nous écrivaient, ce document n’avait pas été retrouvé.

 13   Nous espérons toujours que ce document sera peut-être retrouvé et peut-

 14   être pourrions-nous faire appeler d'autres témoins qui y étaient. Il est

 15   vrai qu'à l'origine, nous ne pensions pas parler de ce document à travers

 16   ce témoin, mais il semble bien que c'était le seul qui y était parmi nos

 17   témoins. Donc, c'était tout à fait naturel qu'il en parle.

 18   M. le Président (interprétation): Merci.

 19   (Le témoin, M. Ivica Miskovic, est introduit dans le prétoire.)

 20   M. le Président (interprétation): Pas de traduction.

 21   M. Miskovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 22   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 23   M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

 24   (Interrogatoire principal de M. Ivica Miskovic par Me Kovacic.)

 25   M. Kovacic (interprétation): Bonjour, Monsieur Miskovic.


Page 25616

  1   M. Miskovic (interprétation): Bonjour.

  2   Question:   Je vous remercie d'être venu et tout d'abord, pourriez-vous

  3   répéter votre nom, votre prénom, la date et le lieu de votre naissance

  4   pour le procès-verbal?

  5   Réponse: Je suis Ivica Miskovic. Je suis né le 8 novembre 1957 à Vitez.

  6   Question:   Etes-vous marié, Monsieur Miskovic?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Avez-vous des enfants?

  9   Réponse:    Deux.

 10   Question:   Quelle est votre profession?

 11   Réponse:    Je suis technicien en deux matières: d'un côté le génie

 12   mécanique et de l'autre côté le génie agricole.

 13   Question:   Qu'est-ce que vous avez fait jusqu'au conflit à Vitez, le 16

 14   avril 1993?

 15   Réponse:    J'étais commerçant, j'avais ma propre entreprise.

 16   Question:   Où se trouvaient les locaux de votre entreprise?

 17   Réponse:    Les locaux de mon entreprise se trouvaient à l'entrée de

 18   Mahala quand on venait de Vitez.

 19   Question:   Est-ce que du temps de la République socialiste fédérale de

 20   Yougoslavie, vous avez fait votre service militaire à la JNA?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Avez-vous eu un grade?

 23   Réponse:    Non.

 24   Question:   Quel est votre métier aujourd'hui?

 25   Réponse:    Je fais à nouveau ce que je faisais avant, je suis commerçant


Page 25617

  1   et j'ai une pharmacie agricole.

  2   Question:   A Vitez?

  3   Réponse:    Oui, à la gare de Vitez.

  4   Question:   En 1992, au moment où l'agression de la JNA était déjà

  5   commencée en Bosnie, est-ce que vous avez été appelé ou mobilisé ou bien

  6   vous êtes-vous porté volontaire?

  7   Réponse:    Non, je n'ai pas été convoqué et je ne me suis pas porté

  8   volontaire en 1992.

  9   Question:   Est-ce que votre commerce était votre seule activité?

 10   Réponse:    Oui, c'était la seule chose qui m'intéressait.

 11   Question:   A quel moment votre pharmacie agricole a-t-elle fermé?

 12   Réponse:    Le 12 avril 1993 parce que la veille, mon commerce a été pillé

 13   ou cambriolé.

 14   Question:   Qui est-ce qui avait cambriolé votre magasin?

 15   Réponse:    Pas loin se trouvait le point de contrôle de l'armée de la

 16   BIH. Je ne sais pas, soit ce sont eux qui l'ont pillé eux-mêmes ou bien

 17   ils avaient des gens qui l'avaient fait à leur place, mais ils auraient

 18   très bien pu voir qui a pu le faire.

 19   Question:   Donc, les personnes qui tenaient un point de contrôle devant

 20   votre magasin y étaient 24 heures sur 24?

 21   Réponse:    Oui.

 22   Question:   Est-ce que vous leur avez posé la question par la suite s'ils

 23   en savaient quelque chose?

 24   Réponse:    Non, mais quand je suis allé au travail le 12, ils m’ont

 25   arrêté à une centaine de mètres du magasin et ils m'ont dit qu'il fallait


Page 25618

  1   que je fasse demi-tour. Il ne m'ont pas laissé m'approcher de mon magasin.

  2   Question:   Et donc ce jour-là, vous ne vous êtes pas rapproché du

  3   magasin?

  4   Réponse:    Non, ni ce jour-là ni plus tard.

  5   Question:   Donc, jamais pendant la guerre?

  6   Réponse:    Non, je ne me suis plus rapproché du magasin pendant toute la

  7   guerre.

  8   Question:   Que vous est-il arrivé après le 16 avril 1993, quand le

  9   conflit a éclaté à Vitez?

 10   Réponse:    Le matin du conflit, je me suis trouvé dans mon appartement.

 11   Je me suis réveillé et je ne savais pas ce qu’il se passait. Mes voisins

 12   non plus, ils sont venus dans mon appartement. Nous étions tous là et nous

 13   nous demandions ce qu’il se passait à l'extérieur. Personne n'osait sortir

 14   de l’appartement pour vérifier ce qui se passait à l'extérieur. Nous

 15   sommes restés comme cela à attendre jusqu'à 11 heures. C'est à ce moment-

 16   là que la police militaire est arrivée. Ils ont emmené avec eux mes

 17   voisins, ils leur ont demandé de les suivre en leur disant qu'ils

 18   n'avaient rien à craindre car rien n'allait leur arriver, et ils les ont

 19   emmenés.

 20   Question:   Toutes les personnes qu'ils ont emmenées étaient des

 21   Musulmans?

 22   Réponse:    Oui, ils étaient tous musulmans.

 23   Question:   Est-ce que quoi que ce soit est arrivé à l'un d'entre eux?

 24   Réponse:    Non, rien ne leur est arrivé. Quelques jours plus tard, j'ai

 25   appris où ils étaient. J'avais entendu qu'on les avait emmenés dans les


Page 25619

  1   salles du cinéma. Je les ai vus après la guerre, ils étaient tous en vie.

  2   Question:   Merci. A peu près huit jours après le début du conflit, vous

  3   avez rencontré la police militaire. Pourriez-vous nous en dire plus?

  4   Réponse:    Oui. Je passais par la ville et la police militaire m'a

  5   arrêté. Ils m'ont fait monter dans leur voiture, ils m'ont emmené sur la

  6   ligne de front. C'était à côté de l'église, à Dubravica.

  7   Question:   Monsieur Miskovic, est-ce qu'avant cela vous avez entendu

  8   qu'une proclamation... qu'il y a eu proclamation de la mobilisation

  9   générale?

 10   Réponse:    Oui, j'en ai entendu parler, mais je n'avais pas fait... Je

 11   n'y suis pas allé volontairement. Tout simplement, on m'a pris comme cela,

 12   dans la rue, une semaine plus tard.

 13   Question:   Est-ce que vous avez essayé d'éviter de vous rendre sur la

 14   ligne de front en guerre?

 15   Réponse:    Tout simplement, je n'avais aucune envie de partir à la

 16   guerre. Tout simplement, j'étais là à attendre ce qui allait arriver.

 17   Question:   Est-ce qu'à ce moment-là vous avez eu une idée sur quelle

 18   serait la longueur de la guerre? Est-ce que vous en aviez idée?

 19   Réponse:    Non, pas vraiment. Je pensais que c'était passager, tout comme

 20   l'étaient les incidents qui avaient pu avoir lieu auparavant. Je pensais

 21   que tout cela allait se calmer.

 22   Question:   Où la police militaire vous a-t-elle emmené?

 23   Réponse:    Sur la ligne de front, vers l'église, à Dubravica. C'était la

 24   ligne de front vers Sivrino Selo.

 25   Question:   Est-ce que la police vous a dit quoi que ce soit pendant


Page 25620

  1   qu'elle vous emmenait? Est-ce qu'elle vous a donné des raisons pour cela?

  2   Réponse:    Ils m'ont tout simplement dit qu'il m'emmenaient sur la ligne

  3   de front.

  4   Question:   Et une fois sur la ligne de front, est-ce qu'on vous a donné

  5   des détails: qui serait votre commandant, quelle serait votre tâche?

  6   Réponse:    Tout ce qu'on m'a dit, c'était que nous devrions garder la

  7   ligne de front vers Sivrino Selo de toute attaque et c'était tout, que

  8   nous allions nous défendre à cet endroit-là.

  9   Question:   Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, comment vous étiez

 10   habillé à ce moment-là?

 11   Réponse:    J'étais en vêtements civils.

 12   Question:   Etiez-vous armé?

 13   Réponse:    Non.

 14   Question:   Et une fois que vous êtes arrivé sur la ligne de front, est-ce

 15   qu'on vous a donné des armes?

 16   Réponse:    On nous donnait à chaque fois les armes quand on changeait la

 17   relève, quand on montait la garde. C'est la personne qui était là, devant

 18   moi, qui me donnait le fusil.

 19   Question:   Et quand vous partiez?

 20   Réponse:    A ce moment-là, je transmettais le fusil à la personne qui

 21   venait me relever.

 22   Question:   Quand, pour la première fois, avez-vous eu un fusil à vous?

 23   Réponse:    Peut-être quelques 20 ou 25 jours après mon arrivée.

 24   Question:   Dans les tranchées où vous vous trouviez, de quelle direction

 25   on attendait l'attaque de la force adverse?


Page 25621

  1   Réponse:    De Sivrino Selo.

  2   Question:   Et est-ce qu'il y a eu une attaque les premiers jours où vous

  3   vous y trouviez?

  4   Réponse:    Non. On entendait des tirs qui venaient de loin, mais il n'y a

  5   pas eu d'attaque.

  6   Question:   Est-ce que par là vous voulez dire qu'il n'y a pas eu

  7   d'attaque directe d'infanterie?

  8   Réponse:    Non. Les jours que j'ai passés là-bas, il n'y a pas eu

  9   d'attaque directe sur la ligne où je me trouvais.

 10   Question:   Pourriez-vous nous dire, cette position où vous vous trouviez,

 11   à quelle distance se trouvait cette cote par rapport à l'école de

 12   Dubravica?

 13   Réponse:    A quelques 300 ou 400 mètres.

 14   Question:   Pourriez-vous nous dire quelle était l'armée qui s'y trouvait,

 15   dans cette école?

 16   Réponse:    A l'école se trouvaient les Vitezovi.

 17   Question:   Quelque temps plus tard, vous avez été transféré. quand et où?

 18   Réponse:    Quelques 20 jours plus tard, j'ai été transféré avec tout le

 19   peloton sur la ligne de front à Kacuni.

 20   Question:   Ce serait à peu près vers quelle date?

 21   Réponse:    Vers le 20 mai, à peu près.

 22   Question:   Et avec tout le peloton, il y avait à peu près combien de

 23   personnes?

 24   Réponse:    Une vingtaine. Nous étions une vingtaine à être transférés à

 25   Krcevine.


Page 25622

  1   Question:   Au moment où vous êtes partis de Dubravica vers Krcevine, qui

  2   était votre commandant?

  3   Réponse:    Le commandant était Ivan Tomic.

  4   Question:   Et qui était votre commandant quand vous êtes arrivé sur la

  5   ligne de front à Krcevine?

  6   Réponse:    A Krcevine, c'était Blaz Totic qui était le commandant. Tout

  7   d'abord il y avait Ivan Tomic qui le remplaçait.

  8   Question:   Pendant combien de temps êtes-vous resté sur les positions à

  9   Krcevine?

 10   Réponse:    Jusqu'en janvier 1994.

 11   Question:   Où est-ce que vous avez été transféré par la suite?

 12   Réponse:    Tout le peloton a été transféré vers Buhine Kuce.

 13   Question: Avant d'entrer dans les détails, je souhaiterais faire un

 14   éclaircissement. La ligne de front où vous vous trouviez à Krcevine,

 15   quelle était la longueur des tranchées dans le secteur où vous étiez?

 16   Dites-nous à peu près, je sais très bien que vous ne pouvez pas le dire

 17   avec précision.

 18   Réponse:    Cela devait être d'une longueur de 300 ou 400 mètres, là où se

 19   trouvait le peloton, donc là où je me trouvais.

 20   Question:   Est-ce que, sur les flancs, vous aviez d'autres tranchées, à

 21   votre droite et à votre gauche?

 22   Réponse:    Oui, à droite et à gauche.

 23   Question:   Jusqu'à quand êtes-vous resté à Buhine Kuce?

 24   Réponse:    Je suis resté à Buhine Kuce jusqu'au moment où on a signé la

 25   trêve.


Page 25623

  1   Question:   Donc jusqu'au mois d'avril 1994?

  2   Réponse:    Oui.

  3   Question:   Est-ce qu'il y a eu des combats directs pratiquement jusqu'aux

  4   tranchées?

  5   Réponse:    Oui, il y a eu des tirs, des échanges de coups de feu car ces

  6   lignes se trouvaient non loin les unes des autres.

  7   Question:   Monsieur Miskovic, dites-nous... La Chambre a déjà entendu

  8   beaucoup parler des événements à Buhine Kuce. Je ne souhaite pas rentrer

  9   dans le détail et cela ne concerne pas la période de l'acte d'accusation.

 10   Mais, juste pour préciser, à quel moment êtes-vous arrivé à Buhine Kuce?

 11   Au moment où le HVO avait déjà repris ces lignes, ou bien quand le HVO les

 12   avait perdues?

 13   Réponse:    Je suis arrivé à Buhine Kuce quand le HVO les avait perdues.

 14   Plus tard, ils ont repris Buhine Kuce.

 15   Question:   Est-il exact que l'armée de Bosnie-Herzégovine était déjà

 16   passée, au moment où vous y étiez, du côté sud de la route?

 17   Réponse:    Non.

 18   Question:   Et vous avez participé aux combats pour reprendre la cote?

 19   Réponse:    Oui, j'y étais.

 20   Question:   Monsieur Miskovic, pourriez-vous nous dire quelques mots sur

 21   la façon dont on s'approvisionnait sur la ligne de front en nourriture et

 22   en d'autres vivres?

 23   Réponse:    La nourriture était mauvaise. La plupart du temps, c'étaient

 24   des conserves ou bien on mangeait des choses cuites, mais il n'y avait pas

 25   de viande. Ce n'était pas quelque chose avec beaucoup de calories, mais


Page 25624

  1   nous essayions de nous débrouiller.

  2   Question:   A quoi pensez-vous, exactement?

  3   Réponse:    Eh bien, nous nous fournissions dans la nature: quelques...

  4   des choses que nous trouvions dans les bois.

  5   Question:   Est-ce que cela veut dire qu'il y avait des moments où vous

  6   aviez faim?

  7   Réponse:    Il y a eu des moments où cet approvisionnement était

  8   réellement très mauvais. Parfois, nous avons eu un peu faim, mais pas

  9   trop.

 10   Question:   Et en ce qui concerne la munition et d'autres choses dont un

 11   soldat a besoin... Par exemple, quand avez-vous eu un uniforme pour la

 12   première fois?

 13   Réponse:    Je ne saurai pas vous le dire exactement. Quelques deux ou

 14   trois mois plus tard.

 15   Question:   Etait-ce au moment où vous étiez déjà à Krcevine?

 16   Réponse:    Oui.

 17   Question:   Vous nous avez déjà parlé des premiers jours des combats; nous

 18   pourrions revenir là-dessus parce que nous n'avons pas encore tout dit. Au

 19   moment où les gens ont été emmenés de l'immeuble, vous avez entendu qu'on

 20   les avait détenus à quels endroits, dans la ville?

 21   Réponse:    D'après ce que j'ai entendu, ils étaient détenus dans le

 22   cinéma, à SDK et dans le club d'échecs.

 23   Question:   Avez-vous entendu pourquoi on les avait gardés là-bas?

 24   Réponse:    Oui, j'ai essayé de le savoir puisqu'il s'agissait de mes

 25   voisins.


Page 25625

  1   Question:   Et qu'avez-vous appris?

  2   Réponse:    On m'a dit qu'ils avaient été emmenés pour des raisons de

  3   sécurité étant donné qu'à l'époque, dans la ville, il y avait beaucoup de

  4   groupes, comment dirais-je... C'étaient des groupes armés, des gens qui

  5   venaient d'ailleurs. Et on les avait emmenés parce que ces gens-là... 

  6   Bon, il y a eu des cambriolages, des pillages, et on les a emmenés pour

  7   leur propre sécurité; c'est cela qu'on m'avait dit. Et aussi, j'ai entendu

  8   qu'un grand nombre de ceux qui ont été emmenés, on avait trouvé des armes

  9   dans leurs appartements et c'était aussi pour des raisons de sécurité,

 10   pour l'armée qui était dans la ville.

 11   Question:   Est-ce que cela veut dire que quelqu'un vous avait expliqué

 12   tout cela directement, ou l'avez-vous appris au fur et à mesure?

 13   Réponse:    Au fur et à mesure. J'avais posé des questions par ci par là

 14   dans la ville. Je posais des questions quant au sort qui était réservé à

 15   mes voisins, et c'est comme cela que je suis arrivé à cette conclusion-là.

 16   Question:   Monsieur Miskovic, vous sortiez quand même un peu dans la

 17   ville, ce jour-là? Etait-il facile d'y laisser la tête si quelqu'un

 18   n'appréciait pas, ne vous appréciait pas?

 19   Réponse:    Oui, c'était très facile d'y perdre la tête. Il y avait

 20   beaucoup de gens qui étaient ivres, qui pillaient, cambriolaient les

 21   cafés, les appartements. Il y avait beaucoup d'inconnus. Il y avait pas

 22   mal de groupes qui venaient d'ailleurs. Nous ne les connaissions même pas.

 23   Il y avait beaucoup de monde que je ne connaissais pas du tout et que je

 24   voyais pour la première fois.

 25   Question:   Est-ce que, dans votre immeuble, avant que le conflit


Page 25626

  1   n'éclate, vous avez organisé une façon de garder l'immeuble?

  2   Réponse:    Non, c'est venu seulement plus tard. Après qu'on ait emmené

  3   ces gens, nous nous sommes organisés pour protéger l'entrée de l'immeuble,

  4   surtout de ces groupes qui cambriolaient et pillaient. Nous ne leur avons

  5   pas autorisé l'entrée dans l'immeuble, pour notre propre sécurité et pour

  6   la sécurité de nos enfants.

  7   Question:   Monsieur Miskovic, pendant que vous étiez de garde dans votre

  8   immeuble, est-ce que qui que ce soit a pu rentrer dans l'appartement?

  9   Réponse:    Non, dans notre immeuble nous n'avons permis à personne de

 10   rentrer.

 11   Question:   Monsieur Miskovic, où habitaient votre mère et vos frères au

 12   moment où le conflit a éclaté?

 13   Réponse:    A ce moment-là, ils étaient à Sivrino selo.

 14   Question:   D'après la composition ethnique, ce village était comment?

 15   Réponse:    95% étaient des Musulmans à Sivrino selo et il y avait 5 % de

 16   Croates à peu près.

 17   Question:   Qu'est-il advenu de votre mère et de vos frères à Sivrino selo

 18   au moment où il y a eu des tirs à Sivrino selo?

 19   Réponse:    Ils ont été surpris par ces coups de feu et ils ont eu peur,

 20   ils sont allés tous dans la maison d'Anto Santic. Les gens de six ou sept

 21   maisons y sont allés et ils ont attendu ce qui allait se passer. Entre-

 22   temps, ils ont été encerclés par les membres de l'armée de Bosnie-

 23   Herzégovine qui leur ont demandé de rendre les armes. C'est bien ce qu'ils

 24   ont fait. Ils possédaient peut-être deux ou trois fusils.

 25   Question:   Dans la maison d'Anto Santic, tous les Croates du village se


Page 25627

  1   sont réunis ou bien ceux qui venaient des maisons avoisinantes?

  2   Réponse:    Mais ce n'était qu'un petit hameau où il n'y avait que six ou

  3   sept maisons.

  4   Question:   Quand est-ce que votre famille est arrivée à Vitez?

  5   Réponse:    Leurs voisins musulmans les ont laissés partir le lendemain.

  6   Ils sont allés jusqu'à Buhine Kuce et par la suite à Vitez.

  7   Question:   Vous le savez, bien sûr, uniquement d'après ce qu'ils vous ont

  8   dit?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Est-ce qu'ils vous ont dit que quelqu'un avait

 11   particulièrement plaidé en leur faveur ou bien on les a laissés partir

 12   tout simplement?

 13   Réponse:    Oui, c'étaient Meho Kablar et Dzevad Sivro qui ont essayé de

 14   faire quelque chose en leur faveur et donc on les a laissés partir.

 15   Question:   Monsieur Kablar dont vous parlez, il demandait quoi? Il avait

 16   une fonction particulière ou c'était un homme qui était de renom?

 17   Réponse:    Oui, c'était un homme respecté.

 18   Question:   Est-ce que vous avez entendu dire que quelqu'un aurait voulu

 19   garder votre famille par là?

 20   Réponse:    Il y avait des gens qui voulaient les garder, mais l'influence

 21   que ces autres ont pu exercer a été prépondérante.

 22   Question:   Qu'est-il advenu à vos frères au moment où ils sont arrivés

 23   dans la partie de la ville où se trouvait le HVO?

 24   Réponse:    Quand ils sont arrivés dans cette partie-là de la ville, on

 25   les a fait retourner sur la ligne de front de Buhine Kuce, alors que ma


Page 25628

  1   mère, ma belle-soeur et les enfants sont arrivés chez moi, dans mon

  2   appartement.

  3   Question:   Qu'est-ce que vous voulez dire, "on les a fait retourner"? On

  4   les a arrêtés?

  5   Réponse:    Je pense qu'ils ont été mobilisés à partir de ce moment-là

  6   parce que la police militaire les avait fait venir sur la ligne de front.

  7   Question:   Exactement ce qui vous était arrivé à vous-même le 23, n'est-

  8   ce pas?

  9   Réponse:    Oui.

 10   Question:   Ce qui veut dire que leurs femmes, leurs enfants sont restés

 11   dans votre appartement?

 12   Réponse:    Oui, ils sont restés chez moi.

 13   Question:   Monsieur Miskovic, je n'ai plus que quelques petites questions

 14   à vous poser. Concernant la personnalité de M. Mario Cerkez, est-ce que

 15   vous le connaissez?

 16   Réponse:    Oui, je connais Mario Cerkez depuis l'école professionnelle où

 17   nous étions ensemble. Nous sommes de la même génération. Nous faisons

 18   partie d'une génération qui est sortie de l'école de Novi Travnik.

 19   Question:   Et comment pourriez-vous le décrire en quelques mots?

 20   Réponse:    C'est un type formidable. Très intègre. Un bon ami. Je n'ai

 21   que de bonnes choses à dire à son propos. C'était un athlète, il était

 22   toujours de bonne humeur, d'humeur égale.

 23   Question:   Dites-moi une chose, puisque vous étiez amis pendant toutes

 24   ces années, est-ce qu'il vous est arrivé de constater qu'il avait des

 25   préjugés de nature ethnique disons à propos de qui que ce soit?


Page 25629

  1   Réponse:    Pas du tout, je n'ai jamais rien vu de la sorte. Il était

  2   toujours en compagnie de Serbes, de Musulmans. Son ami Jozo Grcic était

  3   toujours avec lui, c'étaient vraiment deux hommes inséparables.

  4   Question:   Est-ce que vous auriez constaté qu'il avait fait preuve

  5   d'agressivité et qu'il était toujours en train de rechercher la querelle,

  6   la provocation?

  7   Réponse:    Pas du tout, il était toujours d'excellente humeur, toujours

  8   prêt à faire une plaisanterie, il adorait sortir, ce genre de chose.

  9   M. Kovacic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Miskovic.

 10   Je n'ai plus de questions à poser à ce témoin, Monsieur le Président.

 11   M. Sayers (interprétation): Nous n'avons pas de questions à poser à ce

 12   témoin, je vous remercie Monsieur le Président.

 13   (Contre-interrogatoire de Ivica Miskovic par M. Nice.)

 14   M. Nice (interprétation): J'ai pu examiner le résumé de ce témoin

 15   seulement après la pause déjeuner, je n'ai que quelques questions à lui

 16   poser. Cependant, je n'aurai pas ma fluidité habituelle dans les questions

 17   que je vais poser.

 18   Monsieur Miskovic, le 16, ou plutôt parlons de la veille. Votre magasin

 19   était fermé, la veille, du fait de l'attaque qu'il avait subie?

 20   Réponse:    Ma pharmacie était fermée déjà depuis le 12 avril.

 21   Question:   Précisons ceci. Vous aviez un magasin d'engrais et vous ne

 22   voulez pas dire, par exemple, qu'on aurait provoqué et qu'on aurait fait

 23   cet attentat sur votre magasin simplement pour voler des engrais, pour

 24   utiliser les produits pour faire des bombes. Cela a été ciblé pour

 25   d'autres raisons, n'est-ce pas?


Page 25630

  1   Réponse:    Cette pharmacie était bien achalandée, pleine de marchandises

  2   parce qu'il a fallu évidemment organiser les travaux de semence, etc.

  3   C'était vraiment bien achalandé, cela regorgeait de semences et du reste.

  4   Mais quelle est la raison de ce cambriolage, de ce pillage? Est-ce que

  5   c'étaient des voleurs tout court ou les gens de l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine? Je ne peux pas le savoir.

  7   Question:   Pourquoi dites-vous armée de Bosnie-Herzégovine? Aidez-nous.

  8   Cela aurait pu être le HVO après tout. Pourquoi dites-vous armée de

  9   Bosnie-Herzégovine?

 10   Réponse:    En face de chez moi se trouvait ce point de contrôle de

 11   l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ses soldats étaient là pour contrôler, il

 12   n'y avait personne d'autre.

 13   Question:   Et vous pensez que ce sont soit des voleurs, soit l'armée de

 14   Bosnie-Herzégovine. Est-ce que vous avez déposé plainte?

 15   Réponse:    Je ne veux pas dire par là que c'étaient vraiment les soldats

 16   de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Je veux dire que ces soldats auraient dû

 17   voir s'il y avait quelqu'un d'autre qui était venu pour cambrioler parce

 18   que c'était vraiment très près, comme maintenant pour parler de la

 19   distance qui nous sépare, Monsieur.

 20   Question:   Est-ce que vous avez déposé plainte auprès de la police?

 21   Réponse:    Oui, oui, j'ai déposé une plainte auprès de la police, de la

 22   police civile.

 23   Question:   Et est-ce que la police civile vous a fait part des résultats

 24   de l'enquête qu'elle aurait menée?

 25   Réponse:    Je n'ai pas été informé quant aux résultats quelconques de


Page 25631

  1   cette enquête.

  2   Question:   Vous êtes le seul Ivica Miskovic qui vive à Vitez à votre

  3   connaissance?

  4   Réponse:    Autant que je sache, il y en a trois ou quatre, même plus

  5   peut-être. J'en connais au moins trois.

  6   Question:   Et ces trois autres personnes, elles vivent à Vitez même ou

  7   dans les villages environnants?

  8   Réponse:    Il y en a un qui habite à Kruscica, l'autre à Veceriska et

  9   puis à Krtina Mahala, à Santici.

 10   Question:   Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui répond au nom d'Ante

 11   Miskovic?

 12   Réponse:    Oui, il y en a. Il y a plusieurs Ante Miskovic. Il doit y en

 13   avoir au moins quatre ou cinq.

 14   Question:   Votre père, comment s'appelait-il?

 15   Réponse:    Mon père s'appelle Marko.

 16   Question:   Marko. Et alors, un de ces Ante Miskovic, est-ce que cela

 17   pourrait être votre frère?

 18   Réponse:    Non.

 19   Question:   Mais de toute façon, vous connaissez un certain Anto ou Ante

 20   Miskovic?

 21   Réponse:    Oui. J'en connais deux. Deux Ante Miskovic.

 22   Question:   J'y reviendrai par la suite dans la chronologie des

 23   événements. Je n'ai pas tout à fait compris, c'est tout à fait de ma

 24   faute, je n'ai pas tout à fait compris où vous habitiez. Et selon vous,

 25   dans quel quartier de Vitez habitiez-vous? Juste à côté de Mahala?


Page 25632

  1   Réponse:    J'habite les immeubles, les blocs d'habitation de Vitez et

  2   quant à ma pharmacie, elle se trouve à l'entrée de Mahala, c'est-à-dire

  3   depuis Vitez à Mahala. C'est là où elle se situe, par conséquent à

  4   l'entrée même de Mahala.

  5   Question:   Le 15, lors de la nuit qui a précédé le déclenchement, est-ce

  6   que vous étiez dans votre appartement? Où étiez-vous?

  7   Réponse:    Oui.

  8   Question:   Et est-ce que vous étiez au courant d'un quelconque couvre-feu

  9   ou du fait que des magasins étaient fermés le 15?

 10   Réponse:    Le couvre-feu a été décrété préalablement, avant le 15. On

 11   travaillait normalement jusqu'au couvre-feu.

 12   Question:   Et le couvre-feu, il commençait à quelle heure?

 13   Réponse:    Il me semble que le commencement du couvre-feu était à 21

 14   heures ou peut-être à 20 heures. Je n'en suis pas sûr maintenant.

 15   Question:   Afin que nous ayons une meilleure idée de la situation, après

 16   9 ou 10 heures le soir, les seules personnes à se trouver dehors dans la

 17   rue, c'étaient ceux qui avaient des tâches officielles à remplir, des

 18   soldats ou des civils qui avaient une raison particulière d'être à

 19   l'extérieur. Est-ce exact?

 20   Réponse:    Je suppose. Je n'ai pas vraiment trop circulé à ce moment-là.

 21   Question:   Et les personnes de la partie croate de Vitez, ce jour-là, à

 22   cette heure-là, le 15, je suppose que ces personnes qui se trouvaient dans

 23   la partie croate auraient fait l'objet de contrôles, de surveillance aux

 24   points de contrôle tenu par le HVO, n'est-ce pas?

 25   Réponse:    Je n'ai pas très bien compris la question. Dans la ville même


Page 25633

  1   habitaient Serbes, Musulmans, Croates ensemble. Par conséquent, il n'y

  2   avait pas à proprement parler une partie réservée aux Croates, une autre

  3   aux Serbes ou une autre aux Musulmans.

  4   Question:   Vous dites qu'il y avait un couvre-feu. Mais qui en

  5   surveillait la bonne application?

  6   Réponse:    Eh bien, je ne peux pas vous dire en détail, mais la police

  7   militaire. Je ne sais pas.

  8   Question:   La police militaire, la police militaire du HVO alors, n'est-

  9   ce pas?

 10   Réponse:    De même à Mahala, ça aurait pu être la police militaire de

 11   l'autre partie. Je ne sais pas, je suppose.

 12   Question:   Et le matin, vous avez tout simplement été réveillé par le

 13   bruit du pilonnage ou le bruit de coups de feu. Est-ce exact?

 14   Réponse:    Les deux: les obus et les coups de feu qu'on tirait en pleine

 15   ville.

 16   Question:   Vous n'avez jamais vraiment appris ce qu’il s'était passé ou

 17   alors est-ce que peut-être vous l'avez appris?

 18   Réponse:    J’ai entendu des détonations, enfin de toutes parts. Ça venait

 19   de toutes parts. Plus tard, j'ai entendu dire que la ville de Vitez avait

 20   été attaquée.

 21   Question:   Vous dites que Vitez avait été attaquée ou n'est-ce pas plutôt

 22   Mahala qui avait été attaquée?

 23   Réponse:    Non, j'ai dit que Vitez a été attaquée parce qu'on a entendu

 24   des explosions, des détonations en pleine ville.

 25   Question:   Et, bien sûr, vous n'étiez pas du tout au courant d'attaques


Page 25634

  1   menées sur Ahmici ou Santici? Vous m'aiderez si je me trompe là-dessus.

  2   Réponse:    Non, je n'en ai rien su.

  3   Question:   Vous êtes Ivica fils de Marko Miskovic.

  4   Réponse:    Oui.

  5   Question:   N'êtes-vous pas un ami de Zoran Kupreskic?

  6   Réponse:    Oui.

  7   Question:   Et vous le connaissiez assez bien?

  8   Réponse:    Oui.

  9   Question:   Et vous avez parlé avec lui après le conflit?

 10   Réponse:    Oui.

 11   Question:   Et selon lui, d'après ce qu'il vous a dit, qu'est-ce qu’il

 12   s'est passé à Ahmici?

 13   Réponse:    Vous ne me croirez pas, cet homme s'est mis à pleurer lorsque,

 14   plus tard, il a appris ce qu’il s'était passé. Il a pleuré parce que lui-

 15   même, il n'a pas pu comprendre vraiment ce qui s'était passé.

 16   Question:   Lui n'était au courant de rien du tout, il ne savait pas du

 17   tout ce qu’il s'était passé à Ahmici?

 18   Réponse:    Non, il ne savait rien. Il n'en savait rien du tout parce

 19   qu'il n'était pas présent.

 20   Question:   Un peu plus tard, dans le cours de l'année, en mai 1993, vous

 21   avez rencontré Ibrahim et Jozo Filjak (?), deux frères, n'est-ce pas? Vous

 22   vous en souvenez?

 23   Réponse:    Non, je ne les ai pas rencontrés.

 24   Question:   Bien. Je vous pose la question suivante: est-ce que vous vous

 25   êtes rendu à Novaci au cours du mois de mai 1993?


Page 25635

  1   Réponse:    Non.

  2   Question:   Est-ce qu'avec Ivica Miskovic... Excusez-moi, est-ce qu'avec

  3   Ante Miskovic, vous avez participé au transport de personnes qui étaient

  4   emmenées au centre de détention de Dubravica?

  5   Réponse:    Non, quant à moi je n'ai jamais incarcéré qui que ce soit, non

  6   plus que je n'ai aidé aucun membre d'une unité de concert avec Anto

  7   Miskovic.

  8   Question:   Mais vous avez des personnes qui étaient en détention, en

  9   prison...

 10   M. le Président (interprétation): Il y a une objection.

 11   M. Kovacic (interprétation): On présente des faits au témoin, une fois de

 12   plus faits dont n'est pas du tout informée la défense. Si de tels

 13   documents existent, nous aimerions les obtenir.

 14   M. le Président (interprétation): Le témoin dit ne rien savoir à ce

 15   propos.

 16   M. Nice (interprétation): Eh bien, je passe à autre chose. Un instant,

 17   s'il vous plaît.

 18   Vous avez des personnes qui étaient en train d'être arrêtées. Par qui ces

 19   personnes étaient-elles arrêtées? Par la police militaire?

 20   Réponse:    Si vous pensez à la première journée, c'était la police

 21   militaire. Je ne vois pas qui d'autre serait compétent aux fins de toutes

 22   ces arrestations. Et puis, je n'en ai jamais entendu parler, sauf que ces

 23   personnes ont été emmenées.

 24   Question:   Pourriez-vous nous donner le nom de membres de la police

 25   militaire qui procédaient aux arrestations?


Page 25636

  1   Réponse:    Je ne saurais vraiment vous dire les noms. Je n'y ai pas pris

  2   part, à ces unités, avant cette date du 23.

  3   Question:   Et est-ce que vous pouvez dire quelque chose à propos de ces

  4   hommes détenus? Est-ce qu'il y aurait eu des rumeurs selon lesquelles ils

  5   auraient eu des armes? Est-ce que c'était la raison avancée pour justifier

  6   leur arrestation?

  7   Réponse:    Ah non, ces personnes ont été arrêtées tout simplement pour ne

  8   pas que quelque chose leur arrive. Un chaos régnait dans la ville, il y

  9   avait différents groupes qui rôdaient dans la ville, pas mal de gens en

 10   ébriété et qui étaient faciles à l'arme. Plus tard, j'ai entendu dire,

 11   j'ai entendu parler que dans certaines maisons, on avait retrouvé des

 12   armes dans certaine maisons. Mais ultérieurement seulement je l'ai appris,

 13   après coup.

 14   Question:   Mais ceci n'a pas d'importance pour les personnes arrêtées,

 15   n'est-ce pas?

 16   Réponse:    Je ne sais pas dans quel sens ceci pourrait avoir une

 17   l'importance.

 18   Question:   Ceci ne justifie pas leur arrestation, c'est cela que je veux

 19   entendre, et on n'aurait pas dit à l'époque, n'est-ce pas, que le fait

 20   qu'ils aient éventuellement des armes à la maison soit une justification

 21   de leur arrestation?

 22   Réponse:    Je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai appris plus tard qu'ils

 23   étaient arrêtés pour des raisons de leur propre sécurité et surtout enfin

 24   étant donné que ces soldats se trouvaient en ville.

 25   Question:   Est-ce qu'à Vitez, les personnes déambulaient de par la ville


Page 25637

  1   en se demandant l'un à l'autre: "Est-ce que tu es croate?" ou "Est-ce que

  2   tu es musulman?" Est-ce que c'est ce qu’il se passait en 1993?

  3   Réponse:    Non.

  4   Question:   Est-ce qu'ils portaient par hasard un badge à la manche

  5   montrant ou proclamant qu'ils étaient croates ou musulmans? Ils faisaient

  6   cela?

  7   Réponse:    Pour ce qui est des insignes, seuls les soldats qui venaient

  8   de l'extérieur, des brigades Pavlovic et Busica (?), ces soldats-là,

  9   avaient des insignes. Les autres personnes, les civils, évidemment ne

 10   portaient aucun insigne. Jusqu'au 16, là on était toujours ensemble à se

 11   mettre à table, à bavarder et boire, à jouer aux cartes. On vivait une vie

 12   normale. La situation était un petit peu tendue, mais quand même.

 13   Question:   Je comprends. Mais même s'il peut y avoir des zones comme

 14   Mahala qui ont une population à majorité musulmane, disons que les maisons

 15   ne présentaient pas de signes particuliers sur la façade montrant qu'elles

 16   appartenaient à un Croate ou à un Musulman, je suppose?

 17   Réponse:    Je ne sais pas si les maisons ont été marquées de signes

 18   quelconques. Cela, je n'ai jamais eu connaissance de cela.

 19   Question:   La seule façon pour quelqu'un de savoir si quelqu'un était

 20   musulman, c'était d'avoir une liste dans laquelle figuraient les noms des

 21   Musulmans et l'endroit où ils vivaient, n'est-ce pas?

 22   Réponse:    Vitez est une petite ville, nous nous connaissons tous entre

 23   nous. Par conséquent je n'y vois pas de problème.

 24   Question:   Et si vous avez quelqu'un, un soldat pas très régulier qui

 25   arrive en visite, s'il se promène dans la rue et qu'il voit deux


Page 25638

  1   personnes, est-ce qu'il peut savoir si l'une est musulmane plutôt que

  2   croate?

  3   Réponse:    Pour ce qui est des gens qui viennent de l'extérieur, eux

  4   évidemment ils faisaient peur à la fois aux Musulmans, aux Croates et aux

  5   Serbes parce que ces gens-là étaient violents, très sujets à faire des

  6   provocations et des troubles, et chaque être normal évidemment aurait

  7   souhaité les éviter sur la route.

  8   Question:   Je comprends bien ce que vous nous dites, Monsieur. Malgré

  9   tout, je voudrais que vous m'expliquiez pourquoi il était nécessaire

 10   d'enfermer des personnes qui ressemblaient comme deux gouttes d'eau à un

 11   Croate. Alors comment se pourrait-il qu'on trouve nécessaire d'enfermer de

 12   telles personnes pour les protéger d'étrangers qui n'auraient pas su de

 13   toute façon qui ils étaient?

 14   Réponse:    Oui, probablement tout simplement pour les protéger, pour

 15   protéger ces gens-là contre les unités auxquelles personne ne saurait

 16   résister. Parce que vous savez, lorsque vous tombez sur des gens saoulés,

 17   lorsqu'ils sont armés, partout où ils font irruption, évidemment ils

 18   irradient vraiment une peur sans bornes.

 19   Question:   Vous dites que tout le monde connaît tout le monde à Vitez.

 20   Encore deux noms: est-ce que vous connaissez Marijan Strukar et Nikola

 21   Bilic qui vivaient à proximité de Mahala?

 22   Réponse:    Je connais Marijan Strukar. Comment avez-vous dit pour

 23   l'autre?

 24   Réponse:    Nikola Bilic.

 25   Réponse:    Quant à Nikola Bilic, je ne le connais pas.


Page 25639

  1   Question:   La veille du début des combats, Marijan Strukar est allé dans

  2   un abri. Vous aviez un magasin à proximité de Mahala, même si vos locaux

  3   se trouvaient en ville. Est-ce que vous avez reçu un avertissement vous

  4   encourageant à aller dans l'abri la veille?

  5   Réponse:    Non, je n'ai reçu aucune information là-dessus. Tout

  6   simplement, le lendemain j'ai été surpris par les coups de feu qu'on a

  7   entendus et pratiquement je me suis levé de mon lit. La veille, j'étais

  8   avec mes voisins pour jouer aux cartes.

  9   (Questions supplémentaires de M. Kovacic à M. Ivica Miskovic.)

 10   M. Kovacevic (interprétation): Je n'aurai que trois toutes petites

 11   questions à poser à ce témoin, Monsieur le Président.

 12   D'abord cette toute dernière question qui vous a été adressée par mon

 13   confrère de l'accusation. Vous avez dit que vous connaissiez M. Marijan

 14   Strukar puisque déjà on en a fait mention. Avez-vous une raison quelconque

 15   pour douter de l'honnêteté et de la sincérité de cette personne?

 16   Réponse:    Eh bien, écoutez, cet homme-là je le connais enfin

 17   généralement parlant, je le connais comme j'en connais d'autres, mais on

 18   n'est pas si familier que cela pour savoir maintenant qu'il faut juger de

 19   ce que vous me demandez. Je le connais de vue.

 20   Question:   Autant que vous le connaissiez, a-t-il une réputation d'homme

 21   de bonne qualité, d'un brave gars?

 22   Réponse:    Je n'y ai vraiment pas réfléchi.

 23   Question:   Donc vous ne le connaissez pas, enfin avec précision pour

 24   ainsi dire?

 25   Réponse:    Non.


Page 25640

  1   Question:   Ce point de contrôle tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine

  2   non loin de votre pharmacies était-il préalablement installé là?

  3   Réponse:    Oui.

  4   Question:   Pendant combien de temps? Dites une semaine, deux, dix?

  5   Réponse:    Je ne peux pas dire avec exactitude. Peut-être pendant deux

  6   semaines. En tout cas, il y était déjà installé.

  7   Question:   Je vous remercie. Les policiers militaires qui vous ont emmené

  8   sur la ligne de front, vous les avez connus personnellement?

  9   Réponse:    Non.

 10   M. Kovacic (interprétation): Merci. C'est tout, Monsieur le Président

 11   comme questions pour ce témoin.

 12   M. le Président (interprétation): Monsieur, vous avez ainsi terminé votre

 13   déposition. Merci d'être venu déposer. Vous pouvez désormais disposer.

 14   M. Miskovic (interprétation): Je vous en prie.

 15   (Le témoin, M. Ivica Miskovic, est reconduit hors du prétoire.)

 16   M. le Président (interprétation): Une précision à propos de l'audience de

 17   demain. Je crois qu'il faudra avoir une pause déjeuner à une heure

 18   différente; il faudra réaménager l'emploi du temps de la journée. Nous

 19   aurons une pause entre 12 heures 30 et 14 heures 15. J'espère que ceci ne

 20   dérangera personne.

 21   M. Nice (interprétation): Puis-je évoquer une question d'ordre

 22   administrative à huis clos partiel ou huis clos complet, Monsieur le

 23   Président?

 24   (Questions relatives à la procédure.) 

 25   (Huis clos partiel.)


Page 25641

  1  

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   Page 25641 expurgée – audience à huis clos partiel.

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 25642

  1  

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   Page 25642 expurgée – audience à huis clos partiel.

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 25643

  1  

  2  

  3  

  4  

  5  

  6  

  7  

  8  

  9  

 10  

 11  

 12  

 13   Page 25643 expurgée – audience à huis clos partiel.

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23  

 24  

 25  


Page 25644

  1   [expurgée]

  2   [expurgée]

  3   [expurgée]

  4   [expurgée]

  5   [expurgée]

  6   [expurgée]

  7  (L'audience est levée à 16 heures 05.)

  8

  9

 10

 11

 12

 13

 14

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25