Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Vendredi, 15 décembre 2000).

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 9 heures 38.)

  4   (Plaidoirie de Me Smith)

  5   M. le Président (interprétation): Maître Smith, si c'est à vous de

  6   commencer je vous rappelle que vous-même et votre équipe vous avez jusqu'à

  7   la pause qui aura lieu à 11 heures.

  8   M. Smith (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Nous avons décidé de

  9  réserver cinq minutes à notre duplique et une heure et 15 minutes maintenant.

 10   Avec l'autorisation de la Chambre de première instance la défense de

 11   Cerkez a accepté de nous accorder 15 minutes de son temps, dans le cadre

 12   de notre présentation initiale si nous leur demandions de le faire et si

 13   cela vous agrée également.

 14   M. le Président (interprétation): Oui.

 15   M. Smith (interprétation): Je vais revenir là où j'en étais resté au sujet

 16   de la persécution, sur les deux méthodes utilisées pour prouver le chef

 17   d'accusation de persécution généralisée. L'approche municipalité par

 18   municipalité n'a pas été choisie, et il n'y a pas, de toute façon,

 19   d'éléments de preuve en ce qui concerne vingt-deux municipalités.

 20   D'autre part, il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve au sujet de

 21   la persécution, d'une part et de la participation. Ce qui devrait être le

 22   cas pour les autres municipalités et pour Zenica.

 23   Donc j'étais en train de parler de la théorie générale de la persécution

 24   qui nous a été présentée par l'accusation, et j'avais noté qu'il n'y a pas

 25   de participation au niveau les plus élevés du gouvernement des


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  1   institutions croates de Bosnie.

  2   De ce fait, sur ce seul motif, ce motif la persécution ne peut pas être

  3   prouvé. Et j'étais également en train de parler du concept de la

  4   persécution pour savoir si cette persécution avait été prouvée. Il y avait

  5   trois piliers. Le premier c'est l'annexion, une question politique.

  6   Deuxièmement, des institutions mono ethniques discriminatoires, dont il a

  7   été démontré que ce n'était pas le cas par le témoignage de membres

  8   éminents des institutions que l'accusation a cités elle-même.

  9   J'en étais donc arrivé à vous parler du dernier pilier. C'était là où j'en

 10   étais arrivé hier soir et c'est là où je vais reprendre mon argumentation.

 11   Ce pilier a trait à la nature de la guerre civile en Bosnie centrale et

 12   j'ai deux choses à dire à ce sujet.

 13   En premier lieu, cette guerre civile n'était pas dans son intégralité une

 14   campagne unilatérale de persécution.

 15   En deuxième lieu, il y a eu des atrocités ponctuelles des deux côtés

 16   pendant cette guerre civile mais ces atrocités ne constituent pas non plus

 17   une persécution.

 18   Je reviens à mon premier point. C'était donc une guerre civile en Bosnie

 19   centrale et c'est exactement ce que nous a dit le lieutenant-colonel

 20   Stewart, le général Cordy-Simpson, ainsi que le bulletin de renseignements

 21   militaire de l'ECMM n° 1.

 22   Les références que j'ai à vous donner sont D 153/1, "Vies brisées", le

 23   livre que nous nous connaissons, à la page 318 à 319. La déposition du

 24   général au compte rendu d'audience page 10268, lignes 4 à 25. Et le

 25   bulletin de renseignements militaires que je viens de mentionner c'est


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  1   celui qui porte la code D194/1.

  2   Nous avançons que la grande majorité des combats qui ont eu lieu dans le

  3   cadre de cette guerre civile faisaient partie d'une campagne militaire qui

  4   n'avait rien à voir avec les activités, les atrocités qui ont eu lieu des

  5   deux côtés comme Ahmici, Stupni Do, du côté croate et comme un grand

  6   nombre d'atrocités commises par les Musulmans envers la communauté Croate

  7   comme à Miletici, Dusina, Maljine, Cukla, Bikosi et Uzdol.

  8   Deuxième point, Ahmici et Supni Do sont deux cas de figure différente. Et

  9   Ahmici et Supni Do ne peuvent pas en soi...

 10   M. Robinson (interprétation): Avant que vous ne poursuiviez, vous nous

 11   dites que la persécution n'était pas une campagne unilatérale dans son

 12   intégralité. Etes-vous en train de nous dire qu'il s'agissait de quelque

 13   chose qui a été le fait des deux côtés?

 14   M. Smith (interprétation):Je dis qu'il y avait une guerre civile à

 15   laquelle participaient les deux côtés. Et comme vous le verrez dans nos

 16   mémoires, nous avons avançons qu'aucune des deux factions en présence

 17   n'était engagée dans des actes de persécution. Mais s'il y a eu

 18   persécution, si les événements qui ont eu lieu dans la vallée étaient

 19   suffisamment généralisés, les événements de nature discriminatoire, non

 20   pas les combats entre deux groupes ethniques qui avaient des difficultés,

 21   qui menaient donc une guerre civile, donc je pense à ces actes de

 22   discrimination, si on considère qu'il s'agit d'actes de persécution, et

 23   dans notre mémoire nous avançons à ce moment-là, que c'était plutôt les

 24   Musulmans de Bosnie qui persécutaient les Croates que le contraire.

 25   M. Robinson (interprétation): Je le mentionne car il y a des éléments de


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  1   preuve selon lesquels il y avait des actes persécution des deux côtés.

  2   Ceci ne soutient pas et ne vient pas à l'appui de votre argumentation, à

  3   moins que vous nous disiez que la persécution commise par les Croates

  4   était de nature défensive.

  5   M. Smith (interprétation): J'avance, Monsieur le Juge, et nous l'avons dit

  6   au début que les actions des Croates avait un caractère défensif. Je

  7   n'avance pas que les actions des Croates avaient une nature de

  8   persécution. Nous disons que leurs actions étaient des actions de type

  9   défensif et réactif.

 10   Mais je souhaiterais ajouter quelque chose,comme l'a dit Me Sayers, nous

 11   n'avançons pas ici un argument de défense de type "Tu quoque".

 12   Nous examinons les faits pour déterminer s'il est possible d'identifier

 13   des actes de persécution et de discrimination sur la base des faits

 14   incriminés de la liste des événements qui recouvre tous les combats et pas

 15   seulement les offensives musulmanes.

 16   Notre argument est que sur la base de ces faits, on peut constater

 17   premièrement qu'aucune des parties n'a persécuté l'autre. Il s'agissait

 18   d'une guerre civile mais si il y avait effectivement actes de

 19   discrimination suffisamment généralisés pour constituer la persécution, à

 20   ce moment-là nous devons arriver à la conclusion, si nous partons dans

 21   cette hypothèse, que tout pointe dans l'autre direction.

 22   Et moi, j'avance qu'au niveau institutionnel, il n'y avait pas de politique

 23   généralisée, planifiée de persécution du côté des institutions croates de

 24   Bosnie.

 25   M. le Président (interprétation): Mais même si c'est le cas, reconnaissez-


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  1   vous qu'il y a eu prise de contrôle comme l'avance l'accusation? Prise de

  2   contrôle de leur part dans un grand nombre de municipalités au cours de

  3   l'été 1992. Prise de contrôle du fait du HVO. Ceci est avancé en tout cas

  4   pour Busovaca, Vitez, Vares et Kiseljak.

  5   Et ce que nous dit le Procureur, c'est partout sur la totalité du

  6   territoire de la Bosnie centrale, premièrement il y a eu prise de contrôle

  7   par le HVO et que ceci ensuite a été suivi par la persécution de la

  8   population musulmane de Bosnie dans les municipalités concernées.

  9   Quelle est votre réponse à ces allégations?

 10   Il y a des éléments de preuve qui indiquent qu'il y a eu prise de

 11   contrôle.

 12   M. Smith (interprétation): Monsieur le Président, ma réponse c'est qu'à

 13   Busovaca, il y a des éléments qui prouvent, qui indiquent qu'un ordre a

 14   été délivré pendant une situation de crise et que le comité de crise a été

 15   dépassé par un gouvernement du HVO ou remplacé par un gouvernement du HVO

 16   au niveau du municipal.

 17   Mais lorsque vous écouterez mon collègue, Me Naumoski, et lorsque vous

 18   lirez notre mémoire, à ce moment-là vous comprendrez que ce qui a suivi

 19   pendant le reste de l'année 1992, tous les efforts faits pour inclure les

 20   Musulmans et travailler avec les Musulmans montrent que cet ordre original

 21   n'était pas le signe d'une politique de discrimination et qu'il n'y a pas

 22   eu de politique de discrimination dans le fonctionnement du gouvernement

 23   pendant tout le reste de l'année 1992.

 24   En ce qui concerne les autres municipalités, si nous n'avons pas présenté

 25   notre argumentation en détail dans notre mémoire, nous pensons qu'il en va


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  1   à peu près de même et que rien de différent ne s'est passé dans ces

  2   municipalités par rapport à ce qui s'est passé dans les municipalités où

  3   les deux communautés se sont séparées et où les Musulmans tenaient la

  4   barre et où les Croates ont été exclus. Ces deux camps ne se faisaient pas

  5   confiance à l'époque et cette méfiance a été encouragée pour des raisons

  6   tactiques et autres par les Serbes de Bosnie.

  7   Nous estimons ici que nous avons affaire à une question de nature

  8   politique et non pas à une question en rapport avec la responsabilité aux

  9   termes du droit de la persécution.

 10   M. Robinson (interprétation): Oui, mais si l'on regarde la jurisprudence

 11   du Tribunal, on constate une tendance –je ne suis pas forcément d'accord

 12   avec cette tendance- qui semble indiquer que l'on peut presque déduire

 13   qu'il y a persécution du fait de l'existence d'autres crimes de violations

 14   graves, de crimes de guerre. De fait que si vous avez des éléments qui

 15   indiquent qu'il y a eu déportations, infractions graves, des éléments qui

 16   indiquent qu'il y a eu crimes de guerre, on peut presque en déduire qu'il

 17   y a eu persécution sur la base des éléments discriminatoires constitutifs

 18   de ces crimes.

 19   M. Smith (interprétation): Monsieur le Juge, ce nouveau crime de

 20   persécution, qui apparaît dans le cadre du droit international

 21   humanitaire, doit être traité avec beaucoup de prudence.

 22   Le droit pénal, de manière générale, est un instrument qui est contondant

 23   et qui ratisse très large dans beaucoup de… Aux Etats-Unis, nous avons des

 24   lois contre la discrimination mais dans beaucoup de pays, ce n'est pas le

 25   cas. Et nous estimons qu'il ne faut pas faire une déduction, conclure à la


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  1   discrimination uniquement, par exemple, parce qu'il y a eu participation,

  2   que ce soit d'un côté ou de l'autre, à une guerre civile.

  3   Il se trouve que cette guerre civile oppose des membres de communautés

  4   religieuses, ethniques, raciales, etc. différentes ou même politiques.

  5   Le terme de "persécution" est un terme qui recouvre un concept extrêmement

  6   souple, large, élastique. Ce n'est pas un concept comme celui de

  7   "génocide", qui est bien différent et où le seuil de définition du

  8   génocide est très élevé. Et nous avançons que ceci est le cas parce qu'ici

  9   vous avez...immédiatement, vous parlez de liberté civile, la liberté

 10   d'expression, etc., la liberté d'association politique et que ce type de

 11   stratégie peut être utilisé par des groupes majoritaires contre des

 12   minorités en cas de guerre civile.

 13   C'est pourquoi nous estimons qu'il est absolument essentiel de comprendre

 14   qu'il peut y avoir abus de ce type d'accusation et qu'il faut être très

 15   prudent donc.

 16   D'autre part, nous ne sommes pas d'accord avec l'allégation selon laquelle

 17   il faut qu'uniquement des crimes qui sont prévus par le Statut constituent

 18   la base d'un acte discriminatoire. Nous avons pris connaissance de la

 19   jurisprudence du Tribunal et plus on prend en compte les informations au

 20   sujet de la nature du conflit armé international, plus on se penche sur le

 21   comportement des Etats en ce qui concerne la discrimination. Parce que

 22   dans cette affaire, vous avez eu des discriminations. On a prétendu à la

 23   discrimination car des gens avaient été renvoyés de leur travail alors que

 24   dans notre pays c'est considéré comme un acte de discrimination qui se

 25   passe parfois sur le lieu de travail.


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  1   Or, ici on tend à affirmer que cela amène un crime de nature

  2   internationale.

  3   M. le Président (interprétation): Oui, mais il y a des allégations

  4   beaucoup plus sérieuses qui vont beaucoup plus loin que cela.

  5   M. Smith (interprétation): Je suis tout à fait d'accord.

  6   M. Bennouna: Maître Smith, vous dites en fait que, pour vous, la

  7   persécution n'interviendrait que dans un conflit de caractère

  8   international, si j'ai bien compris? Ai-je bien compris que pour vous la

  9   persécution ne devrait intervenir que lorsqu'il y a un conflit de

 10   caractère international?

 11   M. Smith (interprétation): Sur le plan pénal, dans le cadre du Statut de

 12   ce Tribunal, je pense que la compétence du Tribunal est limité aux

 13   conflits internationaux, ou plutôt aux conflits armés, et dans certains

 14   cas aux conflits armés internationaux.

 15   Si je ne l'ai pas fait je vous prie de m'en excuser, mais j'entendais me

 16   concentrer sur les conflits armés et les conflits armés internationaux.

 17   Ai-je répondu à votre question?

 18   M. Bennouna: La persécution dont vous nous parlez en tant que crime rentre

 19   bien dans la catégorie de crime contre l'humanité?

 20   M. Smith (interprétation): Oui, je vous comprends bien, Monsieur le Juge.

 21   M. Bennouna: Pour les crimes contre l'humanité, il suffit que cela

 22   intervienne dans un conflit armé, qu'il soit de caractère international ou

 23   de caractère non international.

 24   M. Smith (interprétation): Tout à fait exact, Monsieur le Juge. Et plus le

 25   concept est large, plus on considère qu'il peut s'appliquer de façon


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  1   large, bien plus il faut faire preuve de prudence dans la mise en place de

  2   la définition de ce concept et dans son implication. En fait, c'est pour

  3   l'essentiel ce que je voulais dire.

  4   Mais quoi qu'il en soit, en ce qui concerne Ahmici et Stupni Do, nous

  5   avançons que ces deux événements sont indépendants l'un de l'autre, qu'ils

  6   se sont passés à des périodes de temps très éloignées, sur des endroits

  7   très éloignés, que ceci est le fait de soldats de troupes différentes,

  8   avec des commandants différents. On ne peut pas considérer que ce sont des

  9   éléments constitutifs d'une politique de persécution systématique.

 10   Maintenant, je vais passer à l'intention de persécution.

 11   Il ne s'agit pas ici, il s'agit du critère qui doit être appliqué pour

 12   déterminer l'intention délictueuse. De nombreux témoins sont venus nous

 13   répéter que M. Kordic n'avait rien contre les Musulmans et qu'il ne les a

 14   pas persécutés. Il en va de même des témoignages qui ont été apportés en

 15   ce qui concerne sa personnalité. Nombre de ses collègues musulmans et de

 16   ses voisins sont venus nous le dire.

 17   En ce qui concerne les discours de M. Kordic en public, on peut constater

 18   que ses interventions sont beaucoup moins agressives, beaucoup moins

 19   violentes que les discours de certains de ses collègues, dont on pourrait

 20   considérer de toute façon qu'ils ont le droit de les prononcer, en vertu

 21   du droit à la liberté expression.

 22   En ce qui concerne le comportement de M. Kordic, nous avançons qu'il n'a

 23   pas fait ce qui lui est reproché au chef 3, A.43 de l'Acte d'accusation.

 24   Son comportement avant le référendum relève d'une activité politique et

 25   légitime. Sa participation aux activités des institutions croates de


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  1   Bosnie ne relève pas d'une pratique discriminatoire. Tout d'abord, parce

  2   que ces institutions n'ont pas fait preuve de discrimination et,

  3   deuxièmement, parce qu'il n'a pas participé à ces institutions au niveau

  4   le plus haut. Troisièmement -et je l'ai déjà dit-, la simple participation

  5   à un crime de guerre, dont il se trouve qu'il oppose des groupes

  6   religieux, ethniques différents, cette simple participation ne peut pas,

  7   en tant que telle, donner lieu à une conclusion d'intention

  8   discriminatoire.

  9   Enfin, M. Kordic n'a participé aucunement aux principaux actes d'atrocités

 10   auxquels cette affaire s'est intéressée.

 11   Je vais conclure.

 12   La vérité a commencé à surgir en ce qui concerne les événements de la

 13   vallée de la Lasva au fil des ans, suite à tous les éléments de preuve qui

 14   ont été présentés. Ce qui est arrivé, c'est qu'après avoir examiné tous

 15   les documents et entendu tous les témoins, on constate que la réalité,

 16   c'est que la Communauté croate de Bosnie en Bosnie centrale a mené une

 17   bataille défensive pour défendre ce qui était à elle. Il y a eu des

 18   atrocités ponctuelles des deux côtés mais, globalement, plus de 100.000

 19   Croates de Bosnie ont été chassés de leurs foyers, dans la plupart du

 20   territoire de Bosnie centrale, par des Musulmans, par des offensives

 21   musulmanes.

 22   Ensuite, ils ont été forcés de se concentrer dans trois ou quatre poches

 23   très restreintes, au fond de vallées, vallées dominées par les Musulmans.

 24   Les Croates de Bosnie centrale étaient encerclés, ils étaient inférieurs

 25   en nombre, dans une proportion de huit pour un. En fait, ce sont les


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  1   Croates de Bosnie centrale et non pas les Musulmans qui, dans ce conflit à

  2   ces endroits, ne pouvaient aller nulle part.

  3   La Communauté croate de Bosnie a résisté, a tout fait pour résister

  4   pendant le long hiver de 1993-1994 jusqu'au moment où les Musulmans, en

  5   février 1994n ont finalement accepté un cessez-le-feu.

  6   Mais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si effectivement il y a

  7   persécution en Bosnie centrale, nous avançons qu'il ne s'agit pas d'une

  8   persécution commise par les Croates de Bosnie, qui étaient en minorité

  9   contre les Musulmans, mais que c'est plutôt le contraire qui est vrai.

 10   Cela, c'est l'histoire, c'est la réalité qui va être inscrite dans les

 11   livres d'histoire. Merci.

 12   M. Naumovski (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Messieurs les

 13   Juges, excusez-moi de ce problème technique.

 14   Monsieur le Président, Messieurs le Juges, pendant 238 jours, la

 15   présentation de toutes sortes de moyens de preuve a eu lieu, 242 témoins

 16   sont venus témoigner directement ici, toute une série de déclarations de

 17   témoins ont été versées au dossier, déclarations émanant d'autres procès,

 18   de même qu'environ trente déclarations sous serment.

 19   Lorsqu'on analyse tous ces moyens de preuve à l'égard du rôle et de la

 20   fonction de M. Kordic, tout ce que l'on peut conclure est que c'était un

 21   homme politique et non pas une personne détenant des compétences

 22   militaires exécutives.

 23   En analysant ses actions, je pense que les Juges tiendront compte

 24   certainement du fait que M. Kordic était un homme politique qui n'était

 25   pas à même de prendre des décisions stratégiques importantes à l'égard du


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  1   peuple croate en Bosnie-Herzégovine. Il ne faisait même pas partie du

  2   cercle des personnes et des hommes politiques qui se trouvaient au sommet

  3   du pouvoir au sein de la Communauté croate d'Herceg-Bosna.

  4   Je souhaite rappeler que les témoins DJ, DK, Srecko Vucina, Zoran Buntic,

  5   Miro Pelivan qui a donné une déclaration sous serment et d'autres ont

  6   témoigné de ceci. Donc, à notre avis, M. Kordic n'exerçait pas les

  7   fonctions politiques de plus haut niveau, ni les fonctions

  8   administratives, c'est-à-dire les fonctions qui sont d'habitude exercées

  9   par les membres du gouvernement puisque, soit dit en passant, une telle

 10   fonction celle du vice-président chargé de la région de la Bosnie centrale

 11   était exercée par M. Anto Valenta.

 12   Je suis convaincu également que les Juges prendront en considération les

 13   circonstances qui régnaient à l'époque, pendant que M. Kordic exerçait ses

 14   fonctions. Et notamment les circonstances au cours de l'année 1993, dans

 15   la vallée de la Lasva, c'est-à-dire la région dans laquelle M. Kordic a

 16   travaillé avec sa famille pendant toute cette période.

 17   Nous avons également entendu dire qu'il aurait travaillé dans un

 18   blockhaus, un endroit caché, etc. Mais il faut souligner que ceci fait

 19   partie des connaissances générales, c'est-à-dire que c'est quelqu'un qui

 20   exerçait ses fonctions de manière absolument publique, avec un contact

 21   constant avec la population. Il n'est pas du tout vrai qu'il avait des

 22   plans cachés derrière et qu'il n'était pas possible de comprendre quelles

 23   étaient ses intentions.

 24   Une habitante de Busovaca nous a dit qu'elle avait rencontré dans la rue

 25   M. Kordic, qu'elle lui a demandé de l'aider afin d'organiser le transport


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  1   de ses amies enceintes jusqu'à Zenica. C'est un simple exemple qui montre

  2   que les gens pouvaient adresser la parole à M. Kordic dans la rue; les

  3   gens le savaient et en profitaient.

  4   M. Kordic, comme je l'ai déjà dit, travaillait avec la population,

  5   partageait leurs problèmes aux moments difficiles de guerre, fêtait les

  6   fêtes religieuses. Père Franjo de Vitez est venu déposer ici récemment et

  7   il a dit que, pendant tous les moments de 1992, pendant l'offensive

  8   violente lancée contre la Bosnie centrale, à minuit, M. Kordic, en

  9   risquant sa vie, est venu dans l'église à Vitez puisqu'il a souhaité y

 10   être avec les personnes religieuses qui y sont allées afin de fêter cette

 11   fête. Ceci est bien démontré par le biais de toute une série de

 12   conférences de presse auxquelles il a participé.

 13   Lors de toutes ces conférences de presse qui suivaient toutes une même

 14   procédure M. Blaskic, en tant que commandant de la zone opérationnelle,

 15   parlait du volet militaire, la situation sur les lignes de front etc.

 16   Ensuite, M. Kordic s'adressait aux personnes présentes en traitant des

 17   problèmes liés à son domaine de compétence, à savoir la situation en

 18   matière humanitaire, les attitudes de la Communauté internationale, les

 19   propositions de la Communauté internationale qui étaient nombreuses, etc.

 20   Je souhaite demander aux Juges de bien vouloir attentivement analyser

 21   toute une série des moyens de preuve dont l'authenticité a été remise en

 22   cause. Et par là, je souhaiterais parler notamment des documents dans les

 23   sources prétendues où les auteurs ne sont pas connus, etc.

 24   Puisque nous avons des raisons de croire que les contenus de ces documents

 25   par exemple Z1380.4 et Z1406.1, font partie des jeux politiques qui se


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  1   poursuivent malheureusement encore aujourd'hui.

  2   Je dois dire devant ce Tribunal qu'à l'encontre de M. Kordic depuis

  3   plusieurs années déjà n a mené et on continue à mener une campagne intense

  4   dans une partie de la presse dans la République de Croatie, pourquoi le

  5   dis je?

  6   M. le Président (interprétation): Maître Naumovski, vous devez vous

  7   limiter aux pièces à conviction, aux moyens de preuve. Vous ne pouvez pas

  8   déposer, témoigner vous-même, présenter de nouveaux éléments de preuve.

  9   Vous n'êtes pas en position de témoin. Ce que vous pouvez faire, ce sont

 10   vos arguments concernant les moyens de preuve qui ont été présentées

 11   devant cette Chambre jusqu'à présent.

 12   Veuillez tenir compte de cela, s'il vous plaît.

 13   M. Naumovski (interprétation): Meric, Monsieur le Président, je vais

 14   essayer de suivre vos instructions. C'est justement ce que je souhaite

 15   faire.

 16   Pourquoi ai-je mentionné ce que j'ai mentionné, puisque certaines thèses

 17   mentionnées dans ces articles de presse proviennent des mêmes sources que

 18   les documents des services secrets qui font partie du dossier, qui ont été

 19   versées au dossier en partie. C'est donc pour cela que je demande qu'un

 20   soin particulier soit donné à ces documents dont l'authenticité n'a pas

 21   été prouvée.

 22   Je veux dire un autre point avant d'aborder Busova. Nous sommes tous

 23   préoccupés dans la défense de Kordic, par le fait qu'il existe une réelle

 24   conspiration, non pas seulement à l'égard de ce Tribunal mais aussi à

 25   l'égard de M. Kordic personnellement dont font partie non pas seulement


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  1   certains avocats des autres affaires, mais aussi certains fonctionnaire de

  2   la République de Croatie. C'est une raison supplémentaire pour laquelle je

  3   demande encore une fois aux Juges de bien vouloir analyser

  4   particulièrement attentivement les documents dont l'authenticité n'a pas

  5   été prouvée.

  6   Maintenant je souhaite aborder la question liée à Busovaca, région dans

  7   laquelle pendant toute la période M. Kordic a vécu et travaillé. En ce qui

  8   concerne la région de Busova, les Juges ont déjà eu location d'en entende

  9   parler, il s'agit d'une région où environ 19 000 habitants vivaient

 10   d'après le recensement de 1991.

 11   Les Juges de la Chambre on eu l'occasion d'entendre que les Croates et les

 12   Musulmans, à savoir leurs deux partis politiques respectifs, le SDA et le

 13   HDZ, et là je pense qu'il s'agissait de l'unique municipalité en Bosnie-

 14   Herzégovine à l'époque où les deux partis politiques ont décidé d'entrer

 15   en coalition avant les élections et à créer les instances de pourvoir de

 16   manière conjointe.

 17   Suite à la création de ce gouvernement conjoint M. Kordic s'est vu

 18   accorder le poste de secrétaire chargé de la défense, il s'agissait d'une

 19   fonction civile au sein du gouvernement municipal.

 20   Je ne souhaite pas dire trop de choses, faire perdre votre temps en disant

 21   trop de choses concernant la situation qui prévalait entre les Croates et

 22   les Musulmans en Bosnie-Herzégovine et à Busovaca tout au début. Mais

 23   quels que soient les contenus des réunions qui ont eu lieu et qui ont été

 24   mentionnées ici hier, nous tenons à dire que M. Kordic avec ses amis et

 25   d'autres membres du HDZ à Busovaca menaient une campagne afin que les


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  1   Croates rejoignent les Musulmans pour répondre au référendum, chose qui a

  2   été faite. Et nous avons versé au dossier un document qui le prouve.

  3   Où commence un niveau un peu plus élevé des malentendus entre les Croates

  4   et les Musulmans à Busovaca? Cela commence avec l'évacuation des casernes

  5   de l'ancienne JNA, de la région, de la municipalité de Busovaca. Il ne

  6   fait aucun doute et nous acceptons le fait que les Croates et les

  7   Musulmans c'étaient mis d'accord afin de répartir de manière équitable les

  8   munitions qui avaient été tenues par la JNA à plusieurs endroits à

  9   l'intérieur de la municipalité de Busovaca. Un accord a été conclu plutôt

 10   rapidement en ce qui concerne deux casernes. La caserne à Busovaca que

 11   devait contrôler le HVO et la caserne de Kacuni appelé Silos que devait

 12   contrôler la défense territoriale.

 13   Un accord a été conclu afin que toutes les armes qui existaient à la

 14   troisième caserne de Kaonik soient réparties de manière équitable entre

 15   les deux partis. Nous considérons que ce sont les membres de la défense

 16   territoriale qui ont été responsables de la rupture de l'accord concernant

 17   la répartition des armes à Kaonik.

 18   Pourquoi? Parce que cet accord a été établi sur un plan local, donc à

 19   l'intérieur de la municipalité de Busovaca et les deux partis ont nommé

 20   deux personnes importantes du parti des Croates. C'était Florijan

 21   Glavocevic et du côté des Musulmans c'était M. Hadzimejlic. Ces deux

 22   personnes devaient faire en sorte que l'accord soit respecté. Mais Dzemo

 23   Merdan qui a déposé ici et d'ailleurs Zoran Maric et Milorad Jovic qui a vu

 24   personnellement M.Merdan sur place, en ont parlé. M. Merdan s'est immiscé

 25   dans tout cela et à ce moment-là un incident a éclaté au cours duquel deux


Page 28397

  1   Croates et un Musulman ont été blessés.

  2   Zoran Maric, Niko Grubecic ont déposé au sujet de cela devant cette

  3   Chambre. Mais je pense qu'il est important d'évoquer Abid Hodzic qui a

  4   donné une déclaration sous serment. Il s'agit d'une personnalité imminente

  5   de confession musulmane venant de Sarajevo, qui a déclaré qu'il est allé à

  6   Busovaca personnellement suite aux instructions du ministre de l'Intérieur

  7   afin d'établir les faits et voir ce qui s'était passé.

  8   En parlant avec le corps musulman, les Musulmans lui avaient dit qu'ils

  9   étaient conscients du fait que c'était eux les coupables de cet incident

 10   et que c'était eux le camp qui avait rompu l'accord concernant la

 11   répartition des armes puisqu'ils considéraient qu'ils avaient plus besoin

 12   des armes que les Croates. C'est toute la vérité et c'est à la lumière de

 13   cet incident, qui a constitué la rupture de cet accord, qu'il faut

 14   examiner la pièce à conviction Z100 et les circonstances dans lesquelles

 15   le document a été rédigé. Le document parle de lui-même mais il ne faut

 16   pas oublier ce que Zoran Maric a dit en déposant devant ce Tribunal: que

 17   ce document a été préparé par l'intégralité des dirigeants croates de

 18   Busovaca à l'époque. Ivo Brnada qui était le commandant de l'état-major

 19   municipal à l'époque l'a signé et il a été cosigné par Dario Kordic qui

 20   était déjà à l'époque un homme politique de haut rang croate dans la

 21   région. C'est ce qui a donné encore plus de poids à ce document, comme les

 22   témoins l'ont déjà déclaré.

 23   Hier, on a décrit toute une série de fonctions qui auraient été exercées

 24   par M. Kordic. Je souhaite souligner que ceci n'est vrai qu'en réalité

 25   puisque M. Kordic a effectivement signé un certain nombre de documents. Il


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  1   a signé ce document-ci avec le titre de vice-Président du HVO, mais il

  2   s'agit d'une fonction qui n'existait même pas.

  3   Visiblement, cette erreur a eu lieu puisque le HVO avait été constitué un

  4   seul mois auparavant. Donc tout simplement, on a fait automatiquement un

  5   transfert entre son ancienne fonction de vice-Président de la HZ-HB en

  6   indiquant "le vice-Président du HVO".

  7   Concernant la pièce à conviction Z111, il s'agit là d'un document que M.

  8   Kordic a signé en sa fonction réelle de vice-Président de la communauté

  9   croate d'Herceg-Bosna. Le document 100 a été constitué le 5 mai 1992 alors

 10   que le document Z111 a été rédigé le 22 mai 1992. Il s'agit là d'une

 11   période pendant laquelle les efforts ont été faits afin de dépasser la

 12   situation qui avait été créée à cause du comportement des Musulmans.

 13   Je souhaite citer encore quelque chose de la déclaration de M. Abid

 14   Hodzic, une déclaration sous serment. Monsieur Abid Hodzic a dit que les

 15   membres de son propre camp, c'est-à-dire les Musulmans de Busovaca, en

 16   parlant de M. Kordic, lui avaient dit qu'il avait empêché qu'un conflit

 17   vaste ne se déclare, car si Kordic n'avait pas agi de cette manière-là, le

 18   sang aurait coulé dans les rues. Ce sont les propos évoqués par ce témoin.

 19   Je souhaite dire encore une fois ce qui a déjà été évoqué par Me Smith.

 20   C'est-à-dire: à Busovaca, compte tenu de la situation qui devenait

 21   complètement chaotique et presque anarchique, le HVO a pris la

 22   responsabilité d'organiser la vie à Busovaca. Mais sur la base du document

 23   Z111 signé par Florijan Glavocevic, le Président de l'état-major municipal

 24   du HVO, il est clair que le HVO ne se comportait pas de manière

 25   discriminatoire vis-à-vis des représentants d'un quelconque peuple,


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  1   puisque le HVO a fait appel à tout le monde pour que tout le monde

  2   retrouve son poste de travail. On a même proposé aux policiers du poste de

  3   police qui ne souhaitaient pas travailler sous le contrôle du HVO -pour

  4   ainsi dire- d'avoir recours à l'exemption de l'obligation de travailler au

  5   sein de ce poste de police.

  6   Donc par le biais de ce document 111, l'ordre et la paix ont été établis à

  7   Busovaca. Aucun employé des instances municipales ou autres ne s'est

  8   retrouvé sans travail, (expurgé) 

  9   d'exister. Mais par le biais de l'intervention de M. Florijan Glavocevic,

 10   il a trouvé un autre emploi dans la société Vatrostalna. Donc personne ne

 11   s'est vu licencier, personne n'a dû prêter serment de loyauté, etc.

 12   Dans toute cette série de documents qui ont été versés au dossier, je

 13   suppose que l'on aurait pu trouver cet acte de loyauté que des témoins

 14   auraient dû signer si ceci existait. Je fais référence ici aux propos

 15   tenus par les témoins Zoran Maric, Niko Grubesic, DE, etc.

 16   Je souhaite dire également quelque chose à l'égard du Témoin M qui

 17   essayait de convaincre les Juges du fait qu'en 1992, il n'exerçait aucune

 18   fonction mais qu'il venait au travail de manière formelle seulement. Je

 19   souhaite dire que ceci est complètement erroné puisque, par exemple, les

 20   documents contenus dans les deux volumes de la pièce à conviction D258/1

 21   et 2 le montrent. Ce que je souhaite dire par le biais de ceci, c'est

 22   qu'après le mois de mai 1992 et jusqu'à la fin de l'année 1992, le

 23   gouvernement civil du HVO se préoccupait du bien-être de toutes les

 24   personnes quelle que soit leur origine ethniques.

 25   Je souhaite maintenant rapidement me référer au document tel que 240/1,


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  1   qui est la décision du gouvernement du HVO à Busovaca selon laquelle les

  2   membres de la Défense territoriale et du Hvo avaient un salaire, une solde

  3   exactement identique.

  4   Puis le document 250/1 est très important puisqu'ici il s'agit du respect

  5   exigé par rapport à toutes les personnes vivant à Busovaca. On exige dans

  6   ce document explicitement que l'on émette aux citoyens les documents

  7   conformes à leur propre souhait. Là, il s'agit de la question de savoir si

  8   les documents allaient avoir l'en-tête portant sur la Bosnie-Herzégovine

  9   seulement ou sur la Bosnie-Herzégovine et le HVO aussi. Ce document prouve

 10   justement qu'il n'y a eu aucune discrimination au cours de l'année 1992.

 11   D'ailleurs, en ce qui concerne les diplômes, ils étaient émis de la même

 12   manière, conformément au souhait des personnes intéressées. Des écoles à

 13   Kacuni et ailleurs étaient créées de manière exactement identique.

 14   En ce qui concerne la coopération entre les Croates et les Musulmans,

 15   celle-ci s'est poursuivie dans tous les secteurs de la société. Je

 16   souhaite attirer votre attention sur les documents D254/1, D255/1 et

 17   D256/1. Ici, il est important également de se référer à un autre document,

 18   D259/1. A savoir la décision du gouvernement du HVO signée par le

 19   Président Zoran Maric en date du 22 décembre 1992, c'est-à-dire un mois et

 20   demi avant le début de la guerre concernant l'attribution de l'aide

 21   financière aux familles des soldats tués à la fois de la défense

 22   territoriale et du HVO.

 23   Donc encore une fois aucune discrimination.

 24   Nous pouvons nous référer également à la pièce à conviction D268/1. Mais

 25   il est impossible de citer tous ces documents de toutes façons.


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  1   Un autre détail important. Dans la région de Busovaca, contrairement à

  2   certaines autres municipalités, deux instances de pouvoir exécutif n'ont

  3   pas été créées. Tout au long de l'année 1992, dans la municipalité de

  4   Busovaca, il n'existait qu'une seule instance de pouvoir exécutif à

  5   laquelle participait à la fois les représentants musulmans, croates et

  6   serbes bien sûr.

  7   Mon collègue me rappelle que le temps passe vite; donc je vais accélérer

  8   en disant quels sont les problèmes supplémentaires qui ont surgi dans la

  9   municipalité de Busovaca, à savoir deux grands flux de réfugiés.

 10   Tout d'abord, en octobre 1992, lorsque les réfugiés de Jajce, Vares et

 11   Kotor-Varos sont venus, cela a été mentionné par le témoin Nesiha

 12   Neslanovic; ensuite, le deuxième flux de réfugiés de Zenica qui ont

 13   commencé à venir en janvier 1993 et surtout au mois d'avril 1993; et le

 14   troisième flux de réfugiés, les milliers d'habitants de la municipalité de

 15   Travnik qui avaient été expulsés par l'armée de Bosnie-Herzégovine, au

 16   mois de juin 1993.

 17   Ces flux de réfugiés incontrôlés ont provoqué une grande croissance du

 18   taux de criminalité. Des membres de la police militaire et d'autres

 19   témoins de Busovaca, de la police civile et d'autres témoins de Busovaca

 20   en ont parlé. Mais il suffit peut-être de dire que les autorités civiles

 21   et militaires aussi, comme M. Grubesic l'a déclaré, faisaient tout afin de

 22   contrôler cette situation. Mais compte tenu des combats qui se déroulaient

 23   à l'époque, il était impossible de réprimer entièrement toutes ces

 24   activités criminelles.

 25   Je souhaite maintenant aborder certains incidents concrets qui ont reçu


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  1   beaucoup d'attention au cours de cette procédure, à savoir l'événement qui

  2   a eu lieu à Kacuni, le 21 janvier 1893.

  3   Le Procureur a insisté en ce qui concerne cet événement-là, je suppose,

  4   parce qu'au moins de manière indirecte, on a essayé d'établir un lien

  5   entre M. Kordic et ce qui s'est passé cette nuit-là à Busovaca.

  6   On a commencé à exposer ce point de vue par le biais du Témoin T, mais

  7   ici, il s'agit d'une déposition de deuxième main, inacceptable, typique.

  8   Il s'agissait en fait de rumeurs, d'ouï-dire, pratiquement de troisième

  9   main. Et comme c'est toujours le cas, s'agissant d'ouï-dire, cette

 10   personne a impliqué d'autres personnes dans cette histoire, non pas

 11   seulement Kordic et Kostroman et aussi Valenta, mais aussi Bozo Rajic, qui

 12   n'était pas du tout en Bosnie centrale à l'époque, et aussi Tihomir

 13   Blaskic. Mais après, au cours du contre interrogatoire, il a accepté le

 14   fait que sa position se basait uniquement sur ses propres conclusions.

 15   Donc, inutile d'en dire plus concernant la qualité de cette déclaration.

 16   Le deuxième témoin était le Témoin AE qui, contrairement au Témoin T, a

 17   été à Kacuni lors de cet incident. Lui, il a déclaré que deux véhicules

 18   étaient venus de la direction de Kiseljak. Et il a déclaré également que

 19   M. Kordic était dans le deuxième véhicule sur quatre.

 20   Le fond de la déclaration du Témoin AE est que le leader du peloton

 21   antisabotage, Miralem Delija, de l'armée de Bosnie-Herzégovine, a saisi le

 22   pistolet de Josip Grubesic, qui était décrit par ce témoin en tant que

 23   leader des Jokeri -alors que cela n'a jamais été déclaré dans le cadre de

 24   cette procédure, même pas par le témoin qui a déposé récemment à ce que

 25   sujet-là- et que, par la suite, M. Kordic l'avait menacé en lui disant


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  1   qu'il allait payer pour cela.

  2   Ce témoin est venu déposer rien que pour cela, afin de citer cette menace

  3   prétendument proférée par M. Kordic.

  4   La défense de M. Kordic, dès le premier jour, n'a cessé de déclarer que M.

  5   Kordic n'a jamais été impliqué dans le cadre de cet incident, n'a rien à

  6   faire avec cet incident. Mais suite à ce que les témoins de l'accusation

  7   avaient déclaré, nous avons dû trouver un témoin oculaire ou des témoins

  8   oculaires, nous aussi, afin de les entendre.

  9   Ivo Arar est venu déposer ici, Josip Grubesic aussi, Milenko Arapovic, et

 10   les déclarations sous serment ont été données par Franjo Kristo et Bogdan

 11   Santic. L'essentiel de leurs déclarations se résument au fait que c'est

 12   seulement le véhicule de M. Kostroman qui a été arrêté à Kacuni, à

 13   l'époque, et que ce véhicule n'allait pas de Kiseljak à Busovaca mais, à

 14   l'inverse, de Busovaca vers Kiseljak.

 15   Lorsque nous, vers la fin, nous avons considéré que ce point avait été

 16   complètement clarifié vis à vis de cette Chambre, le témoin AW est venu

 17   déposer dans le cadre de la réplique du Procureur en corroborant les

 18   éléments avancés par les témoins de la défense, à savoir que les véhicules

 19   venaient de Busovaca vers Kiseljak.

 20   Ce qui est encore plus important, c'est qu'il avait entendu dire que c'est

 21   seulement M. Kostroman qui avait été arrêté. On ne mentionne donc pas du

 22   tout M. Kordic, tout simplement parce qu'il n'y était pas du tout.

 23   Les témoins qui se sont exprimés devant vous vous ont dit de quelle façon

 24   ils ont eu connaissance de cet incident. Ils sont allés aider M. Kostroman

 25   et ceux qui l'accompagnaient sans que M. Kordic en soit informé. Donc il


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  1   ne peut pas être même imaginé que M. Kordic, au moment où ces hommes

  2   partent pour aller aider M. Kostroman… Il ne fait pas le moindre doute que

  3   M. Kordic n'était pas au courant.

  4   Mais pourquoi cette histoire est-elle importante? Elle est importante

  5   parce qu'elle est devenue un véritable leitmotiv du Procureur s'agissant

  6   de démontrer le lien existant entre M. Kordic et ce qui s'est passé ce

  7   soir-là à Busovaca. D'ailleurs, j'aurais peut-être dû, lorsque j'ai

  8   mentionné les dépositions des témoins de l'accusation, j'aurais dû dire

  9   que le deuxième témoin -cela je l'ai gardé en mémoire-, quand on lui a

 10   montré un certain nombre d'affirmations du témoin AE, le témoin AW a dit:

 11   "Tout cela, c'est le fruit de son imagination."

 12   Donc le deuxième témoin de l'accusation a en fait infirmé totalement les

 13   affirmations du premier.

 14   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Kordic n'avait rien à voir

 15   avec ce qui s'est passé à Busovaca le 21 janvier 1993, dans la soirée.

 16   D'ailleurs, le témoin Dusko Grubesic en a parlé ici aussi. Le document

 17   D3161/1, intercalaire 8, le montre bien. Ces témoins ont aussi parlé des

 18   circonstances qui ont entraîné des blessures, ensuite le décès de Miralem

 19   Delija. D'ailleurs, ce fait n'est pas contesté, le fait qu'il ait été tué

 20   avant cet incident.

 21   Donc M. Kordic n'avait rien à voir avec cet incident et ne savait

 22   d'ailleurs pas que quelque chose allait se produire cette soir-là. Ce sont

 23   ces deux éléments qui sont très importants. Et il est important aussi de

 24   mentionner Nosjeta Neslanovic, témoin de l'accusation, qui a dit devant ce

 25   Tribunal que M. Kordic d'ailleurs ne pouvait pas savoir tout ce qui se


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  1   passait à Busovaca. Peut-être que la vérité est tout simplement contenue

  2   dans ces quelques mots.

  3   Mais un détail encore, si vous le voulez bien. Le Procureur s'est efforcé

  4   de démontrer que, le 20 janvier, une réunion avait été organisée à

  5   Fojnica. Cette réunion aurait dû être un motif supplémentaire pour

  6   expliquer que les véhicules en question provenaient de Kiseljak. Or le

  7   témoin DC a totalement infirmé ce fait. C'était d'ailleurs un témoin très

  8   convaincant et très crédible.

  9   Je n'ai donc pas besoin de parler très longuement des dépositions de tous

 10   ces témoins parce que, si nous pensons aussi à cet incident survenu le 24

 11   janvier 1993, donc quelques jours plus tard, le témoin Srecko Kristo,

 12   commissaire aux comptes, a dit tout ce qu'il y avait à dire à ce sujet.

 13   C'est un survivant de l'incident en question.

 14   Alors nous avons atteint le mois de janvier et je vais parler d'un

 15   certains nombre de documents. Je ne m'appesantirai pas, faute de temps.

 16   Nous estimons que les pièces à conviction, les éléments de preuve qui ont

 17   été soumis à cette Chambre montrent qu'à la fin du mois de janvier 1993,

 18   l'armée de Bosnie-Herzégovine a attaqué le HVO à Busovaca. Il n'y a pas

 19   seulement la déposition de Dusko Grubesic qui a parlé de cela, mais il y a

 20   aussi le commandant adjoint de la Brigade Nikola Subic Zrinski et il y a

 21   Zoran Maric. Je pense que tout cela est important si l'on compare

 22   également à ce qu'a dit le colonel Stewart.

 23   Je pense que vous constaterez que tout ce qu'il a affirmé ne peut pas être

 24   considéré comme acceptable, car c'est en fait contraire à la réalité et

 25   totalement illogique.


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  1   Mais ce qu'il est important de faire ici, c'est de bien montrer aux Juge

  2   de cette Chambre qui a attaqué qui. Pour ce faire, il faut que mes Juges

  3   aient à leur disposition la séquence des événements survenus qui ont

  4   abouti à l'attaque en question.

  5   Il y a là un élément tout à fait capital qui est le suivant: les civils,

  6   les femmes, les vieillards, les enfants ont commencé à quitter la

  7   municipalité de Busovaca et, avant tout, la ville de Busovaca, dès le

  8   début du mois de janvier 1993. Je vais vous en donner quelques exemples.

  9   Les témoins de l'accusation AG et AR ont évoqué ce fait. Le témoin AR a

 10   dit avoir évacué sa famille avant ces événements. Le témoin B, qui est

 11   parti le 24 janvier et qui est revenu le 20 mars, en a parlé également

 12   ainsi qu'un certain nombre d'autres témoins. Il est peut-être tout au fait

 13   essentiel de mettre l'accent sur la déposition du témoin DH qui, à son

 14   retour chez lui , le 24 janvier 1994, à Zenica, a rencontré un témoin de

 15   l'armée de Bosnie-Herzégovine qui s'est étonné et qui lui a dit: "Pourquoi

 16   rentrez-vous chez vous?" Manifestement cet homme savait qu'une attaque

 17   allait survenir.

 18   Monsieur le Président, Messieurs le Juges, je suis pressé par le temps,

 19   donc il faut que j'avance assez rapidement. Mais je parlerai simplement de

 20   la déposition du témoin de la Chambre n°1 qui a dit qu'après ces incidents

 21   du mois de janvier, dans la municipalité de Busovaca 2.200 Croates à peu

 22   près ont été chassés de chez eux, dont 1.300 sont allés vers la ville de

 23   Busovaca, les autres se dirigeant vers Kiseljak.

 24   Lors de ce conflit du mois de janvier, un grand nombre de témoins ont dit

 25   avoir rencontré M. Kordic dans le sous-sol du bâtiment de la Poste. La


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  1   défense ne conteste pas que M. Kordic allait de temps en temps dans cet

  2   endroit où la Brigade Nikola Subic Zrinski était installée; le témoin

  3   Grubesic en a parlé en détails. Mais M. Kordic n'avait pas de bureau à cet

  4   endroit-là. Ce qu'il faisait, c'était d'aller à la Poste pour s'informer

  5   des événements de la journée.

  6   Et je rappelle aux Juges de cette Chambre ce qu'a dit M. Dusko Grubesic à

  7   ce sujet, à savoir, parce que l'attaque était subite et inattendue,

  8   qu'elle a provoqué une totale désorganisation au sein de la Brigade Nikola

  9   Subic Zrinski.

 10   Monsieur le Président, Messieurs le Juges, je me contenterai de vous

 11   rappeler que le premier crime de guerre commis sur le territoire de la

 12   Bosnie centrale s'est produit dans le village de Dusina, le 26 janvier

 13   1993, que les victimes en étaient des Croates. Mais je n'ai pas besoin de

 14   parler longuement de cet événement, car vous en avez entendu parler.

 15   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me vois contraint de

 16   m'arrêter quelques instants sur les conséquences, les répercussions du

 17   document Z421.4, cet ordre que M. Dario Kordic, lorsqu'il était vice-

 18   président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, a signé, le 30 janvier

 19   1993.

 20   Le témoin Dusko Kupreskic, je vous le rappelle, a expliqué que ce document

 21   qui, en original croate comporte toute une série de sigles militaires, a

 22   été élaboré par un homme de la Brigade, au moment où, à la demande du

 23   commandant de la Brigade, la Brigade de Busovaca n'a pas reçu les renforts

 24   demandés auprès de la zone opérationnelle de Bosnie centrale parce que la

 25   zone opérationnelle de Bosnie centrale ne les a pas accordés.


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  1   Donc le témoin Dusko Grubesic, le 30 janvier 1993, sur demande de son

  2   commandant intervient personnellement auprès de M. Kordic pour tenter

  3   d'obtenir une aide sous quelque forme que ce soit parce que l'attaque est

  4   très intense et le temps manque pour trouver d'autres solutions. Le témoin

  5   a longuement parlé des circonstances, c'est-à-dire des pressions et des

  6   tensions qui existaient à ce moment-là.

  7   Et M. Kordic a apporté son aide. Sous quelle forme? Eh bien, il a pris le

  8   téléphone et a parlé avec le ministre de la défense, Bruno Stojic donc, en

  9   lui demandant ce qu'il pouvait faire pour apporter ce son aide. Il a

 10   rédigé un ordre mis sur le papier par cet officier de permanence de la

 11   Brigade Nikola Subic Zrinski. Tout cela dans le but d'obtenir une aide

 12   pour la Brigade car il n'y avait pas d'autre moyen de l'obtenir.

 13   Je signale également aux Juges de cette Chambre le document D356/1,

 14   intercalaire 16, qui est lié à cet événement. Mais cet ordre n'a jamais

 15   été exécuté. Pourquoi? Parce qu'en dépit du fait que ce document ait été

 16   déposé à la zone opérationnelle, document D356/1, intercalaire 15, M.

 17   Slavko Marin, officier de permanence à la zone opérationnelle a envoyé à

 18   la Brigade Nikola Subic Zrinski deux ordres émis par le commandant de la

 19   ce zone opérationnelle la nuit précédent, c'est-à-dire la nuit du 29

 20   janvier 1993.

 21   Deux ordres que personne jusqu'à ce moment-là n'avait obtenus, n'avait

 22   tenus entre ses mains, donc que personne ne connaissait. Et lorsqu'il se

 23   rend compte que la zone opérationnelle accepte d'apporter son aide,

 24   qu'elle répond donc positivement aux demandes qui lui sont arrivées, eh

 25   bien, il décide de ne pas expédier l'ordre rédigé à ce moment-là, mis sur


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  1   le papier, celui dont je parle jusqu'à présent.

  2   C'est de cette façon que M. Kordic, à la demande de la direction de la

  3   Brigade, essaie avec l'autorisation du ministre de la défense, d'apporter

  4   une aide concrète dans des circonstances concrètes.

  5   Mais Monsieur le Président, Messieurs les Juges, s'agissant du document

  6   Z437.1 nous tenions à signaler que nous mettons totalement en cause

  7   l'authenticité de ce document car il n'est pas signé, il ne porte pas de

  8   sceau. Il ne porte pas mention montrant que ce document a été transmis par

  9   transmission par paquet. Aucune indication donc qui permette de confirmer

 10   sa crédibilité.

 11   Il y a un autre document qu'il faut analyser également. Le

 12   document Z447.1 que les Juges ont déjà vu hier, il s'agit de ce chef de

 13   l'artillerie de la zone opérationnelle de Bosnie centrale. Je suis

 14   d'accord avec ce qu'a dit un Juge de cette Chambre hier, mais je n'irai

 15   pas dans le détail. Je suis d'accord avec le fait qu'il est possible à la

 16   lecture de ce document d'estimer que M. Kordic a donné, à un moment

 17   déterminé, des ordres au responsable de l'artillerie mais ce pendant une

 18   période très, très courte. C'est-à-dire entre le 26 janvier et peut-être

 19   la fin de la première semaine du mois de février 1993. Mais il faut bien

 20   examiner les circonstances qui ont permis que cela se passe. A savoir la

 21   confusion et le chaos qui régnait à ce moment-là partout dans la

 22   municipalité de Busovaca.

 23   Deuxième élément important, M. Kordic n'est pas devenu un militaire, il

 24   n'est pas devenu commandant, il n'était pas commandant de quelque

 25   formation militaire que ce soit, où que ce soit et pas non plus à


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  1   Busovaca. Donc ces instructions données à l'artillerie n'ont pas fait de

  2   lui un responsable militaire.

  3   Troisième élément important, c'est qu'il n'a pas été prouvé au cours du

  4   présent procès que ces ordres ont été établis en déterminant des cibles

  5   précises, ce qui est également très important. Je pense que si les cibles

  6   étaient militaires à l'époque de cette guerre civile en Bosnie centrale,

  7   eh bien, il est difficile de parler en présence de ces événements d'un

  8   crime de guerre.

  9   Le plus important de tout, c'est sans doute de se poser la question de

 10   savoir qu'est-ce que cela prouve? Admettons éventuellement que M. Kordic

 11   ait émis quelques instructions pendant une dizaine ou une quinzaine de

 12   jours destinées au responsable de l'artillerie. Je pense que ce fait parle

 13   de lui-même et qu'il n'a rien à voir du point de vue du droit pénal.

 14   Par conséquent, M. Kordic n'a pas de responsabilité particulière à cet

 15   égard; même s'il est vrai qu'à un moment tout à fait déterminé, pendant

 16   une période très précise, cela ait eu lieu. Le Procureur n'est pas parvenu

 17   à prouver qu'il existe un rapport de causalité entre ces instructions

 18   fournies par M. Kordic au chef de l'artillerie de la zone opérationnelle

 19   et les quelconques événéments militaires qui se seraient déroulés dans la

 20   vallée de la Lasva avant la conclusion du Traité de cessez-le-feu, c'est-

 21   à-dire avant le printemps 1994.

 22   Il n'y a donc pas de rapport de causalité entre les actions de M. Kordic

 23   en janvier et ce qui s'est passé en septembre 1993 à Grbavica, ou à Vitez

 24   au mois d'avril. Il n'y a évidemment pas de rapport de causalité avec ce

 25   qui s'est passé à Zenica et qui a été évoqué hier.


Page 28411

  1   Je dois me presser un peu, faute de temps.

  2   En conclusion, je dirai que malgré ces quelques éléments isolés, rien n'a

  3   permis de prouver que M. Kordic ait eu le moindre rapport avec des actions

  4   militaires en dehors de ce qui a été provoqué par la désorganisation et le

  5   chaos qui régnait à Busovaca et dans toute la municipalité fin janvier et

  6   début février 1993.

  7   Je pense, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que la défense s'est

  8   déjà longuement exprimé sur le document Z610.1, à savoir le journal intime

  9   du responsable de la zone opérationnelle de l'officier de permanence. Je

 10   ne dirai donc rien de plus à ce sujet, je me contenterai de mentionner

 11   simplement à nouveau le document Z1356.4 daté du 11 janvier 1994 qui, le

 12   moins que l'on puisse dire, est un document issu d'ouï-dires. On ne sait

 13   pas qui a établi ce document. Et si l'on pense à la façon logique dont un

 14   document est élaboré par l'officier de permanence dans une Brigade, il

 15   apparaît manifestement que n'importe qui dans un document de ce genre

 16   aurait pu se présenter comme étant M. Kordic. Simplement, il est un peu

 17   comique de voir ici une mention faite de l'allumage d'un quelconque

 18   appareil ou d'un quelconque appareil d'extinction d'incendie. On ne voit

 19   vraiment pas quel est le rapport possible avec M. Kordic. C'est tout à

 20   fait risible.

 21   Voilà, Monsieur le Président. J'en ai terminé, je rends la parole à Me

 22   Sayers.

 23   M. Sayers (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 24   j'aimerais mettre un point final à notre exposé en abordant trois points.

 25   Le premier point porte sur une question qui a été évoquée hier.


Page 28412

  1   Il s'agit en fait d'une proposition soumise à des témoins militaires. A

  2   savoir, n'est-il pas exact que les responsables politiques donnent des

  3   ordres aux responsables militaires? Ce sera le premier point que je

  4   traiterai.

  5   En deuxième point, je traiterai rapidement de l'enquête d'Ahmici, et je

  6   demanderai un huis clos partiel pour parler du Témoin AT et de sa

  7   déposition.

  8   Enfin, en troisième lieu, je parlerai un peu plus en détail de ce qu'a dit

  9   M. Smith en parlant de l'instigation, de l'incitation et des crimes de

 10   guerre associés à l'intervention de ce principe.

 11   Prenons le premier point. Bien entendu, d'une façon générale, il est vrai

 12   que les responsables politiques d'un pays, d'une entité -par exemple la

 13   communauté croate d'Herceg-Bosna ou la République croate d'Herceg-Bosna-

 14   donnent des ordres aux militaires. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute.

 15   Mais cela n'est vrai que de façon générale.

 16   Il ne fait pas de doute non plus que, dans la présente affaire, vous avez

 17   entendu des responsables militaires de haut rang: le Président de la

 18   Communauté d'Herceg-Bosna et de la République d'Herceg-Bosna, le

 19   commandant suprême des forces armées, un homme à la personnalité très

 20   affirmée qui, effectivement, déterminait les limites stratégiques

 21   fondamentales. C'était un homme jaloux de ses prérogatives et qui ne les

 22   déléguait pas. Tout cela, vous avez pu le constater d'une façon assez

 23   claire.

 24   Le Procureur, pour sa part, défend la thèse que les soldats, les

 25   militaires prennent leurs ordres et leurs instructions auprès des


Page 28413

  1   responsables politiques. La semaine dernière, par exemple, nous avons eu

  2   une illustration tout à fait parlante. Nous avons entendu un responsable

  3   politique musulman important de Travnik qui a joué ce rôle important

  4   pendant toute la guerre. Cette même proposition lui a été soumise: "N'est-

  5   il pas exact que les responsables politiques locaux de Travnik donnaient

  6   des ordres au 3e Corps d'armée, responsable des opérations militaires dans

  7   la région?" Sa réaction a été la suivante: "Tout cela est complètement

  8   absurde. Le 3e Corps d'armée avait sa propre chaîne de commandement, sa

  9   propre hiérarchie."

 10   Et puis la question a ensuite été posée de façon un peu plus générale: "Eh

 11   bien, si cela n'était pas vrai pour Travnik, parlons de la Bosnie

 12   centrale: qui en Bosnie centrale, était le dirigeant qui transmettait ses

 13   ordres au 3e Corps d'armée?". Et le témoin, répondant à cette question

 14   plus générale, n'a pas changé d'avis, il a estimé que cette proposition,

 15   elle aussi, était absurde. Il a souligné que le 3e Corps d'armée avait sa

 16   propre chaîne de commandement et était responsable devant ses instances

 17   propres durant toute la guerre.

 18   Et si nous confrontons ces faits au droit, nous disons que le précédent

 19   juridique le plus important vient du Tribunal du Rwanda.

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Ce Tribunal a analysé

 21   effectivement ce principe de culpabilité pénale appliqué à des dirigeants

 22   civils impliqués dans un conflit.

 23   Prenons, par exemple, la page 269 de notre mémoire, ainsi que la page 270

 24   et les pages suivantes. La situation rwandaise est très caractéristique,

 25   car il y avait là un conflit armé. Mais l'armée a participé à un conflit


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  1   contre le Front patriotique rwandais, sans être vraiment impliquée dans

  2   les opérations militaires, ce qui a finalement débouché sur des crimes de

  3   guerre. C'est la direction politique, civile, qui menait l'action et qui a

  4   perpétré cette campagne de génocide.

  5   Si l'on part de ce principe, il y a deux points particulièrement

  6   importants.

  7   L'observation a été faite que le génocide contre les Tutsis a été

  8   concomitant avec le conflit mais, en fait, était très distinct du conflit,

  9   ce qui crée une différence avec l'affaire dont nous parlons ici. Mais

 10   enfin, il y a tout de même deux exemples intéressants d'application du

 11   principe de responsabilité du supérieur hiérarchique à des civils.

 12   L'affaire Musema: Musema était dirigeant d'une usine de thé; il avait un

 13   grand nombre de salariés sous ses ordres dans cette usine. Il a été

 14   considéré comme responsable des crimes commis à l'intérieur de cette

 15   usine. Mais une tentative a été faite pour étendre à d'autres, qui

 16   n'étaient pas dans l'enceinte de l'usine, le principe de responsabilités

 17   associé à Alfred Musema. Le Tribunal a refusé d'aller aussi loin que cela.

 18   La Chambre de première instance, qui a jugé l'affaire Musema, a estimé que

 19   les éléments de preuve présentés n'étaient pas suffisants pour considérer

 20   que c'est lui qui exerçait le pouvoir, de jure et de facto, sur d'autres

 21   membres de la population de la préfecture de Kibuye, notamment sur les

 22   villageois qui travaillaient sur les plantations.

 23   Cela, c'était un principe très important.

 24   M. le Président (interprétation): Oui, mais tout cela dépendra des

 25   éléments de preuve. La Chambre de première instance aura à décider elle-


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  1   même de l'étendue de l'autorité des dirigeants politiques et militaires

  2   d'ailleurs. Et donc du nombre de crimes que l'on peut attribuer à

  3   l'accusé.

  4   M. Sayers (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Tout à fait. C'est

  5   une question de réflexion très détaillée.

  6   Mais, s'agissant de l'affaire Musema, je pense que des principes de droit

  7   importants ont été démontrés dans cette affaire. Il faut que soit prouvé

  8   un degré de contrôle très important, pratiquement comparable à celui qu'un

  9   commandant militaire exerce sur les forces qui lui sont subordonnées pour

 10   que le principe de culpabilité puisse se dégager. A notre avis, avec le

 11   respect que nous devons à la Chambre, nous estimons que ces éléments

 12   n'existent pas ici.

 13   M. Bennouna : Comment définiriez-vous le contrôle "high degree of

 14   control"? Comment vous le définiriez, qui est effectivement le test admis

 15   aujourd'hui pour la responsabilité du supérieur hiérarchique?

 16   M. Sayers (interprétation): Eh bien, si vous le voulez bien, je vais

 17   immédiatement répondre à cette question en citant des propos tenus dans

 18   l'affaire Kayishema. Clément Kayishema a été jugé responsable en

 19   application de l'équivalent de l'Article 7-3 du Statut de notre Tribunal,

 20   parce que -et je reprends les propos tenus par les Juges-: "Il a exercé un

 21   contrôle clair et incontestable, un contrôle aussi bien de jure que de

 22   facto, sur les assaillants présents dans tous les sites des massacres

 23   évoqués dans l'Acte d'accusation." (Fin de citation.)

 24   Donc c'est le test que nous devrions appliquer: "un contrôle de facto et

 25   de jure clair et incontestable sur les personnes qui ont commis ces crimes


Page 28416

  1   de guerre". A notre avis, lorsqu'on compare les faits de l'affaire

  2   Kayishema et les faits que nous discutons ici, en application du droit

  3   international humanitaire, ce haut degré de contrôle n'est pas prouvé, pas

  4   plus qu'un contrôle incontestable.

  5   M. Robinson (interprétation): Rappelez-moi ceci, Maître Sayers, est-ce que

  6   c'était une Chambre d'appel ou une Chambre de première instance?

  7   M. Sayers (interprétation): Une Chambre de première instance.

  8   M. Bennouna: Dans ce cas que vous nous citez, effectivement, vous savez

  9   très bien que la responsabilité est liée au contrôle effectif de fait et

 10   non pas tellement à un titre juridique. Ceci est un principe général du

 11   droit. Par conséquent, ici, il s'est trouvé que la personne avait en même

 12   temps "de jure et de facto control", mais le simple "de facto control"

 13   suffit, comme vous le savez, dans la jurisprudence internationale.

 14   Maintenant, le problème ici, c'est le pouvoir… Ce qu'on appelle le

 15   contrôle, c'est le pouvoir de prévenir et de punir. C'est une définition

 16   qui est un peu en cercle, qui tourne en rond. C'est-à-dire que le contrôle

 17   vous donnent le pouvoir de prévenir et de punir, et le fait d'avoir le

 18   pouvoir de prévenir et de punir signifie que vous avez le contrôle.

 19   Pour l'instant, on en est là.

 20   M. Sayers (interprétation): Oui, Monsieur le Juge, tout à fait. Il y a des

 21   éléments paradoxaux dans cette affaire, qui finissent par se retrouver au

 22   sommet. D'une certaine façon, tout cela est assez étonnant.

 23   Mais les choses se résument finalement à ce qui suit: à savoir que c'est

 24   le devoir des Juges de procéder à une investigation très méticuleuse, à

 25   une analyse très soigneuse et très attentive des faits pour déterminer


Page 28417

  1   s'il y a effectivement contrôle de facto, clair et incontestable. Et

  2   également "contrôle de jure" qu'il est nécessaire de prouver également sur

  3   les troupes sur le terrain, de la part de ceux qui dirigent les

  4   opérations.

  5   C'est cela qui constitue le test final dans une affaire de ce genre pour

  6   aboutir à une conviction au-delà de tout doute raisonnable.

  7   Maintenant j'aimerais quelques instants à huis clos partiel pour discuter

  8   du témoin AT.

  9                          (Huis clos partiel.)

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 13   Page 28418 – 28422 expurgées – audience à huis clos partiel.

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  9                     (Audience publique.)

 10   M. Sayers (interprétation): Je vais simplement demander que l'on place ce

 11   document sur le rétroprojecteur. Il s'agit du seul document qui a été

 12   présenté par l'accusation, dans lequel apparemment M. Kordic utilise le

 13   terme de "Balija".

 14   Si l'on regarde la première page, on constate, dans la version croate, que

 15   ceci a été imprimé à partir d'un ordinateur et le terme de "Balija"

 16   n'apparaît pas sur cette page. Vous avez ici un texte en interligne

 17   simple. Je vais demander à l'huissier de présenter la page où figure la

 18   signature. Ici, vous avez donc un texte qui est en double interligne, pas

 19   de signature, pas de tampon, rien du tout. Si cela est la meilleure preuve

 20   que peut nous apporter l'accusation, eh bien, cela ne suffit pas.

 21   Les principes qui sous-tendaient les discours politiques ont été présentés

 22   très clairement lors des procès de Nuremberg. Et lorsque Julius Streicher

 23   par exemple ou Hans Frank se prononçaient en faveur de l'extermination

 24   des Juifs, on les a -à juste titre- rendu responsables d'incitation au

 25   crime de persécution et de crime de génocide.


Page 28424

  1   Mais comme nous l'avons dit, à la page 269 de notre mémoire, Frika(?) et

  2   Lanmarsat(?) n'ont -quant à eux- absolument pas été rendus coupables

  3   d'incitation à la haine, dans le cadre de leurs discours car c'étaient des

  4   discours qui avaient un caractère de propagande mais qui n'étaient pas

  5   destinés à inciter le peuple allemand à commettre des atrocités.

  6   Or, nous, nous connaissons très bien les discours de M. Kordic. Pas ce

  7   qu'on a dit au sujet de ses discours, des années après, sur la base des

  8   dires de personnes qui se rappelaient très vaguement ce qui avait été dit,

  9   mais nous avons le discours du 16 janvier 1992: il n'incite nulle personne

 10   à la violence; discours du 1er février: il y a plusieurs traductions qui

 11   ont été faites; Z431A), Z431. Ici, une fois de plus, il n'incite personne

 12   à la violence. Il dit: "Nous avons un cessez-le-feu, nous allons nous y

 13   conformer. Mais ne nous attaquez pas sinon nous allons répondre". Et enfin

 14   le discours de mars, où une fois de plus il n'incite personne à la

 15   violence. Le témoin qui nous en a parlé, le Témoin AQ, nous dit avoir vu

 16   deux discours, l'un à la télévision et l'autre où M. Kordic déclare que

 17   les soldats attendaient ses ordres. Donc le témoin ne se souvient pas de

 18   grand-chose.

 19   En fait, nous avons entendu beaucoup d'éléments de preuve mais nous sommes

 20   très loin de nous avoir convaincus. Quand Mark Twain a vu pour la première

 21   fois le Rio Grande, il a dit: "Je n'ai jamais compris à quel point l'eau

 22   était importante pour une rivière, avant de voir cette rivière-là, ce

 23   fleuve-là".

 24   En tout cas, ce que je veux dire, c'est qu'ici nous n'avons absolument pas

 25   de preuve au-delà de tout doute raisonnable: donc M. Kordic doit être


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  1   libéré parce qu'il n'est pas coupable.

  2   M. le Président (interprétation): Fort bien.

  3   Nous allons maintenant lever l'audience pour vingt minutes.

  4   (L'audience, suspendue à 11 heures 14, est reprise à 11 heures 35.)

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice?

  6   M. Nice (interprétation): Je vous prie, Monsieur le Président, de

  7   m'excuser d'interrompre le rythme des réquisitoires et plaidoiries, mais,

  8   comme je l'ai expliqué au juriste de la Chambre ainsi qu'à Me Kovacic, il

  9   y a eu une erreur dans le dernier paragraphe de notre mémoire relatif à

 10   Cerkez.

 11   Bien qu'il s'agisse d'une phrase qui a trait à un sujet que personne n'a

 12   abordé dans le cadre de nos argumentations orales, il me semble juste de

 13   faire cette correction avant de laisser Me Kovacic parler.

 14   Comme le sait la Chambre de première instance, en ce qui concerne les deux

 15   accusés, l'accusation demande une condamnation à la prison à vie. Mais ce

 16   que nous disons ensuite, c'est qu'il pourrait y avoir une recommandation

 17   de la part de la Chambre de première instance en ce qui concerne une peine

 18   incompressible.

 19   Or il y a une erreur au paragraphe 498, à savoir que nous estimons qu'il

 20   pourrait faire une distinction entre les deux accusés, d'après nous. Si la

 21   Chambre, par exemple, décidait d'appliquer une peine incompressible, à ce

 22   moment-là, nous proposerions une peine minimum incompressible inférieure

 23   en ce qui concerne Cerkez.

 24   M. le Président (interprétation): Avez-vous ceci par écrit, Monsieur Nice?

 25   M. Nice (interprétation): Non, mais je peux le faire préparer assez


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  1   rapidement. Je voulais le signaler de toute façon.

  2   M. le Président (interprétation): Bien. Maître Kovacic?

  3   (Plaidoirie de Me Kovacic.)

  4   M. Kovacic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  5   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais vous présenter

  6   tout d'abord Mme Nika Pinter. C'est notre assistante juridique; elle a

  7   travaillé sur l'affaire Kupreskic, avec beaucoup de réussite, je dois le

  8   dire.

  9   Il est possible que je ne fasse pas preuve d'une cohérence absolue dans le

 10   cadre de la présentation de mon argumentation, mais il y faut savoir mes

 11   collègues de l'équipe de la défense de M. Kordic ont mentionné un grand

 12   nombre de points de nature générale sur lesquels nous nous accordons nous-

 13   mêmes; donc nous joignons à eux en ce qui concerne ces points et nous ne

 14   souhaitons pas répéter ce qui a déjà été dit.

 15   Tout au long de ce procès, le Procureur, par le biais de la présentation

 16   d'un grand volume d'éléments de preuve, a essayé d'évoquer l'atmosphère

 17   qui prévalait lorsqu'ont eu lieu les événements dans la vallée de la

 18   Lasva, en 1992 et 1993.

 19   Et, dans cette ambiance, ils ont essayé, dans le contexte de ce conflit

 20   dont -nous l'avons vu- était  un conflit qui opposaient des parties plus

 21   ou moins égales -si on n'entre pas dans tous les détails-, l'accusation

 22   s'efforce de montrer que tous ceux qui étaient membres du HVO, quel que

 23   soit leur poste, sont a priori responsable d'une manière ou d'une autre.

 24   Je voudrais infirmer cette thèse en présentant une thèse inverse, qui a

 25   été l'étoile qui a guidé, qui a inspiré les Nations Unies dans


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  1   l'établissement de ce Tribunal. Ceci est tout à fait bien exprimé dans le

  2   première rapport annuel du Tribunal, en date du 28 juillet 1994, où il est

  3   indiqué -je cite-: "Si la responsabilité pour les crimes perpétrés dans

  4   l'ex-Yougoslavie n'est pas attribuée à des individus, à ce moment-là, des

  5   groupes religieux et ethniques entiers vont être considérés responsables

  6   de ces crimes et vont être désignés comme étant criminels."

  7   L'objectif de cette entreprise, c'est d'établir la responsabilité des

  8   personnes individuelles. Donc nous estimons que le simple fait

  9   d'appartenir à l'un des groupes ayant participé au conflit ne peut, en

 10   aucune manière, servir de fondement automatique pour déterminer la

 11   culpabilité d'une personne donnée. Mario Cerkez a été mis en accusation

 12   parce qu'il se trouvait qu'il était dans une municipalité où un crime a

 13   été commis; je parle du crime d'Ahmici, dont il est incontestable qu'il a

 14   eu lieu. Nous ne l'avons jamais contesté et ceci a été le cas depuis le

 15   tout début du procès. Donc les événements qui ont eu lieu dans la

 16   municipalité de Vitez ont fait l'objet de notre attention dans ce procès.

 17   Et puis, il s'est passé autre chose: dans cette municipalité, l'unité

 18   spéciale des Vitezovi était en fonction. On a beaucoup entendu parler de

 19   cette unité, une unité très mobile, très active et d'après plusieurs

 20   éléments de preuve qui ont été présentés, cette unité a joué un rôle

 21   positif dans le cadre des opérations d'active et de défense, dans le cadre

 22   des opérations de défense militaire. Mais il semble aussi que ces

 23   participants étaient assez connus et qu'il leur arrivait souvent de se

 24   rendre coupables d'actes délictueux divers.

 25   Cerkez ressemble physiquement à feu M. Kraljevic. En raison des


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  1   difficultés posées par la barrière linguistique, des difficultés de

  2   traduction, on a fait la confusion entre ces deux unités pendant les

  3   premiers entretiens. C'est pourquoi l'accusé Cerkez s'est retrouvé sous le

  4   feu des projecteurs. S'il avait été le commandant d'une brigade dans toute

  5   autre municipalité de la Bosnie centrale où a eu lieu la guerre, personne

  6   n'aurait jamais mentionné son nom. Ce qui veut dire qu'à la base, ce

  7   procès a un rapport direct avec cet environnement que je viens de décrire

  8   mais non pas avec ce qu'il a fait affectivement lui. Pendant toute la

  9   procédure et de plus en plus, je dois dire, après tous les éléments de

 10   preuve qui nous ont été présentés, il est intéressant de constater qu'il y

 11   a de moins en moins de faits qui faisaient l'objet de contestation.

 12   En fait, on trouve ici deux thèses opposées: celle de la défense et celle

 13   de l'accusation. En fait, ceci se résume en une question d'interprétation

 14   d'un certain nombre de faits qui ont été établis.

 15   Je vais faire référence à la pièce Z653 à ce sujet. Je ne pense pas qu'il

 16   soit nécessaire de placer à nouveau cette pièce sur le rétroprojecteur.

 17   Il s'agit d'une des pièces qui a été utilisée le plus souvent, aussi bien

 18   par le Procureur que par la défense, mais cette pièce a été interprétée de

 19   façon différente. Il s'agit d'une évaluation qui émane du SIS, au sein de

 20   la Brigade de Vitez. Le témoin Bertovic nous en a parlé et nous avons

 21   convenu qu'à priori, on peut en déduire deux conclusions. Bien entendu, il

 22   convient de placer ce document dans le contexte des autres documents

 23   présentés et de se rappeler quels étaient les événements qui se

 24   produisaient à l'époque.

 25   Bien entendu, tous les témoins de la défense, d'une manière ou d'une


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  1   autre, ont expliqué qu'en fait, il s'agissait là du potentiel de la

  2   Brigade à ce moment-là et que, jusqu'à ce moment-là, la Brigade n'a jamais

  3   été mobilisée de cette façon.

  4   Ceci montre que la Brigade placée sous le commandement de Mario Cerkez à

  5   la veille du conflit, que cette brigade n'était pas prête. Et il y a

  6   d'autres éléments que je vais également mentionner plus ou moins

  7   fréquemment.

  8   Je souhaite, à ce stade, vous rappeler un fait qui est en rapport direct

  9   avec le procès en tant que tel. Il s'agit du fait que le Procureur a

 10   présenté un Acte d'accusation, ensuite l'a modifié, puis, dans le cadre de

 11   requêtes préalables au procès et ensuite pendant le procès lui-même, donc

 12   le Procureur a promis de présenter un certain nombre de faits et de les

 13   prouver devant cette Chambre. La défense estime que cette promesse n'a pas

 14   été tenue.

 15   En revanche, la défense de Mario Cerkez, dans sa requête préalable au

 16   procès, en dépit du nombre limité de documents qui lui avaient été

 17   communiqués avant le début du procès, en dépit du fait que l'accusé a reçu

 18   des documents qui, pour la plupart, n'avaient aucune pertinence, donc la

 19   défense s'en est toujours tenue aux fondements de sa stratégie et n'a

 20   jamais changé de position à ce sujet.

 21   L'un des points, l'une des questions essentielles en l'espèce, c'est celle

 22   des preuves indirectes. Bien entendu, je ne vais pas ici me lancer dans

 23   des considérations théoriques. Il convient de se pencher sur le poids

 24   qu'il convient d'accorder aux éléments de preuve présentés. Cependant, il

 25   est important de souligner le fait qu'après un procès aussi long, après la


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  1   présentation d'autant d'éléments de preuve, eh bien, il se trouve que nous

  2   n'avons pas d'éléments clairs, d'éléments qui montrent clairement,

  3   d'éléments incontestés, puisqu'il y a trop d'éléments de preuve présentés

  4   qui sont de nature indirecte.

  5   Je souhaiterais vous rappeler des difficultés rencontrées en matière

  6   d'identification. En réalité, le Procureur a modifié l'Acte d'accusation

  7   et les chefs d'accusation pendant le procès. Je ne vais pas élaborer à ce

  8   sujet, mais je souhaiterais mentionner le meurtre de Samir Trako, qui n'a

  9   absolument pas été mentionné dans l'Acte d'accusation et qui a eu lieu en

 10   mai 1992.

 11   Enfin, après la présentation d'un certain nombre d'éléments de preuve, le

 12   Procureur nous a informés que Vukadinovic, l'auteur présumé, c'était lui

 13   le responsable, donc pas Cerkez. Mais ensuite, l'accusation a ajouté une

 14   chose, c'est-à-dire que ce Vukadinovic, si c'était bien lui, était un

 15   membre de la police militaire du HVO en 1992, qui a ensuite été

 16   transformée en police de la brigade. Si l'on se place du point de vue de

 17   la chaîne de commandement, on peut considérer que Cerkez était responsable

 18   parce que cet homme était l'un de ses subordonnés. Or, moi, j'estime qu'il

 19   n'y a absolument rien qui vienne à l'appui de cette thèse. D'ailleurs, je

 20   vais cesser d'en parler.

 21   Maintenant, je vais en venir à un sujet souvent évoqué devant la Chambre

 22   de première instance: celui du problème des noms et des prénoms communs à

 23   plusieurs personnes et à la difficulté d'identifier certaines personnes.

 24   Un autre problème que je souhaite évoquer, c'est que pendant ce procès, le

 25   Procureur a essayé de prouver que les membres de la Brigade de Vitez ont


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  1   participé directement aux crimes d'Ahmici, c'est-à-dire que Mario Cerkez

  2   était sans censé être l'auteur des crimes d'Ahmici du fait de la

  3   responsabilité du supérieur hiérarchique. Il y a quelques mois, dans le

  4   prétoire, le Procureur nous a informés qu'il était possible que la Brigade

  5   de Vitez n'ait pas participé aux crimes d'Ahmici, et il estimait donc que

  6   mon client, Mario Cerkez, a été complice ou a encouragé la perpétration de

  7   ces crimes. Ceci entraîne une modification des charges qui lui sont

  8   reprochées.

  9   Et puis, il y a quelques semaines, le Procureur a de nouveau affirmé que

 10   la Brigade de Vitez avait participé aux événements d'Ahmici. Une fois de

 11   plus, la position juridique de M. Cerkez a évolué. Je ne veux pas entrer

 12   dans le détail des raisons qui ont incité l'accusation à ainsi modifier sa

 13   position. Il y a bien entendu un élément, c'est celui de la déposition du

 14   Témoin AT, qui a précédé tout cela. Il fallait donc bien s'adapter à ce

 15   qu'il venait de raconter.

 16   Autre exemple de modification de l'Acte d'accusation pendant le procès.

 17   Non, je vous prie de m'excuser: je ne vais pas traiter de cette question

 18   plus avant.

 19   En ce qui concerne le crime d'Ahmici, puisque j'en ai parlé, le Procureur

 20   essaie d'allier deux thèses complètement opposées. Je dis que c'est

 21   absolument impossible. D'une part, l'accusation essaie de convaincre la

 22   Chambre de première instance que Cerkez et son unité se trouvaient à

 23   Ahmici, mais, dans le même temps -c'est sans doute dû à la crédibilité du

 24   Témoin AT, ainsi qu'à d'autres éléments de preuve présentés-, d'un autre

 25   côté, l'accusation essaie de confirmer que Mario Cerkez était complice de


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  1   ces événements, parce que son unité se trouvait à Ahmici. Or nous estimons

  2   qu'il n'y a pas de preuve à l'appui de cette thèse.

  3   Et à ce sujet, je voudrais dire la chose suivante: c'est un fait que les

  4   membres de la Brigade de Vitez nouvellement mobilisés sont allés à Ahmici,

  5   au Baklava, le 18 avril 1993, au plus tôt.

  6   Il y a un document qui le prouve: le document D643.1. C'est l'ordre

  7   délivré par Blaskic à la Brigade de Vitez. La cote, c'est 343/1. Je le

  8   signale pour le compte rendu d'audience.

  9   C'est un ordre de M. Blaskic à la Brigade de Vitez et au Département de la

 10   Défense demandant la mobilisation immédiate de quarante soldats. Sur la

 11   base de cet ordre, la Brigade de Vitez est censée envoyer ces hommes sur

 12   la ligne de front qui se trouve au-dessus, littéralement au-dessus

 13   d'Ahmici, sur une colline qui se trouve au nord. Il s'agit d'une ligne qui

 14   a été établie pour se défendre contre les forces de l'armée de Bosnie-

 15   Herzégovine, qui lance une attaque depuis le nord de la vallée de la

 16   Lasva.

 17   Je vous rappelle qu'Anto Pojavnik, qui a témoigné en l'espèce, un témoin

 18   très très crédible, faisait justement partie de cette quarantaine d'hommes

 19   qui ont été envoyés sur la ligne de front. Et je dois dire que ce

 20   témoignage est tout à fait caractéristique car ce témoin nous a dit qu'il

 21   avait été mobilisé après s'être présenté deux fois, le 16, le 17 et, enfin

 22   le 18, on lui a dit qu'il était mobilisé. Et on lui a dit d'aller creuser

 23   des tranchées sur ce point que j'ai indiqué, au-dessus d'Ahmici.

 24   Cependant, quand il est arrivé sur place, il s'est soudain transformé en

 25   combattant puisqu'on lui a assigné une place dans une tranchée.


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  1   Malheureusement, il ne disposait pas d'arme.

  2   Maintenant, je vais revenir à ce témoin. Je dois dire d'emblée d'ailleurs

  3   que ce témoin a dit qu'il a tenu dans ses mains le journal qui a été

  4   trouvé, journal d'un commandant de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qui

  5   illustrait très clairement le plan d'attaque de l'armée de Bosnie-

  6   Herzégovine. Ce journal a ensuite été récupéré par le SIS des mains de ce

  7   témoin; le SIS est donc le service de renseignement. Malheureusement, on

  8   n'a pas retrouvé ce journal. Et il y a eu des manipulations, des

  9   falsifications de documents, particulièrement ceux qui se trouvaient entre

 10   les mains du SIS. Cela est devenu tout à fait évident lorsqu'on a commencé

 11   à s'intéresser aux documents de Zagreb.

 12   Mais revenons à ce qui nous intéresse en premier lieu, à savoir ce qui

 13   s'est passé à Ahmici avant cette journée, soit avant le 18 avril 1993.

 14   D'autres éléments de preuve indiquent que la Brigade de Vitez n'était pas

 15   ou ne pouvait pas se trouver à Ahmici, le 16 avril au matin. Ceci pour des

 16   raisons tout à fait objectives, à savoir qu'il semble que les crimes qui

 17   ont été commis à Ahmici l'ont été pendant une période de temps

 18   remarquablement limitée, très, très courte et que tout était déjà fini tôt

 19   dans la matinée.

 20   En ce qui concerne l'absence de la Brigade de Vitez à Ahmici et

 21   l'impossibilité de sa présence à Ahmici, ceci est montré dans la pièce

 22   D60/2. Il s'agit d'un ordre de Blaskic, délivré à l'attention de la

 23   Brigade de Vitez, afin d'ériger un barrage sur les routes allant de

 24   Vranjska, Kruscica vers le centre-ville. Cet ordre a été délivré à 1 heure

 25   30 du matin. C'est un ordre dont plusieurs témoins nous ont parlé. Cerkez


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  1   leur avait dit que c'était l'ordre qu'il avait donné oralement,

  2   verbalement et ensuite cet ordre a été confirmé par un ordre écrit.

  3   En ce qui concerne ce cas, je souhaiterais mentionner le document D343/1,

  4   intercalaire n°7. Il s'agit de la même chose, essentiellement en ce qui

  5   concerne sa disposition, sa forme, l'heure. Il s'agit de l'ordre délivré

  6   par M. Blaskic à l'intention de Kraljevic, c’est-à-dire aux Vitezovi. Dans

  7   cet ordre, il décrit les missions des Vitezovi qui sont de nature

  8   défensive et qui se concentrent au centre de la ville.

  9   Puis il y a également un autre ordre qui ressemble comme un frère au

 10   précédent: c'est l'ordre D343/1, intercalaire n°8. C'est un ordre de

 11   Blaskic à l'intention de la police civile. Ici encore, il donne l'ordre

 12   d'établir un certains nombre de positions au centre ville, notamment près

 13   de Stari Vitez.

 14   Le quatrième ordre qui est dans cet ordre d'idée, c'est celui qui porte la

 15   cote D343/1, intercalaire n°6, ordre adressé par Blaskic à la police

 16   militaire. Le secteur d'Ahmici Nadioci, la route entre Ahmici et

 17   Nadioci, c'est le secteur qui est mentionné dans cet ordre. Et ceci

 18   également pour le matin du 16 avril.

 19   Si l'on examine les quatre ordres ensemble, du point de vue de la défense,

 20   il est clair qu'il s'agit d'ordres préventifs. Chacune des unités s'est vu

 21   attribuer une tâche, une mission. Sur la base d'autres éléments de preuve,

 22   nous pouvons conclure que, sur toutes ces localités, ce que Blaskic avait

 23   ordonné a été exactement effectué. C'est-à-dire la défense est la

 24   prévention de l'attaque, sauf à Ahmici. Sur la base de toute une série

 25   d'autres éléments de preuve, nous pouvons trouver une claire confirmation


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  1   du fait que c'est la police militaire qui se trouvait à Ahmici. Il s'agit

  2   donc très exactement des mêmes unités qui devaient y être, conformément à

  3   l'ordre de M. Blaskic.

  4   C'est pour cela que je ne vois aucune raison pour laquelle, si l'on

  5   examine l'intégralité de ces ordres, on n'y croit pas. C'est Blaskic qui a

  6   donné ces ordres, c'est  un fait. Et c'est un fait qui n'a jamais été

  7   contesté.

  8   Même si les trois autre unités, c’est-à-dire les autres unités par rapport

  9   à l'unité de Viteska, en ce qui concerne ces unité-là, nous n'avons pas eu

 10   l'occasion de voir où elles se trouvaient pendant cette procédure. En ce

 11   qui concerne les autres unités, sur la base des déclarations de plusieurs

 12   témoins, il est possible de savoir où elles se trouvaient. Là, il

 13   s'agissait surtout de témoins de l'accusation qui déposaient au début.

 14   D'autre part, même si, vers la fin de la présentation des moyens de

 15   preuve, l'image est devenue claire -et nous considérons que cette image

 16   reste claire- en ce qui concerne les positions de la Brigade à la veille

 17   du conflit.

 18   Mais malgré tout cela, le Procureur s'appuie sur les documents de Zagreb

 19   et présente quelques autres document, dont trois sont peut-être

 20   importants, afin d'y trouver le fondement pour sa dernière thèse modifiée,

 21   en indiquant encore une fois que la Brigade de Vitez aurait été à Ahmici

 22   au moment des faits. Il s'agit du document Z67.7, le rapport de Cerkez de

 23   10 heures où il dit -je cite-: "Nos forces avancent: Donja Veceriska,

 24   Ahmici, Sivrino Selo, Vrhovine." Et, entre autres choses, il déclare:

 25   "Nous avons trois morts."


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  1   Ensuite, le Procureur a présenté la pièce à conviction Z671.4, le rapport

  2   de Cerkez du 16 avril. D'après le numéro de référence, on dirait que cela

  3   a été rédigé dans l'après-midi et il est écrit -je cite-: "Donja Veceriska

  4   et Ahmici ont été traitées à 70%." Et puis, il est également écrit "que 14

  5   personnes ont été arrêtées à Nadioci.

  6   Puis, le dernier document de cette série de documents: Z692.3, l'ordre

  7   donné par Blaskic à la Brigade de Vitez de s'emparer entièrement des

  8   villages de Donja Veceriska, Ahmici, Sivrino Selo et Vrhovine. Cet ordre-

  9   là a été émis vers 10 heures du matin.

 10   A première vue, il s'agit là des documents sérieux à charge, à l'encontre

 11   de mon client. Cependant, la défense conteste le véritable poids des

 12   conclusions que l'on peut tirer sur la base de ces documents pour

 13   plusieurs raisons.

 14   Tout d'abord, les trois documents viennent des dites archives de Zagreb.

 15   La défense considère -et continue à affirmer- qu'il s'agit là de documents

 16   falsifiés, immiscés délibérément. Nous considérons que les Juges doivent

 17   tout particulièrement peser le poids à donner à ces documents-là, surtout

 18   étant donné qu'ils vont à l'encontre de l'image d'ensemble qui a été créée

 19   auparavant.

 20   Pourquoi qui que ce soit aurait eu intérêt à immiscer ce genre de

 21   documents? Ces archives de Zagreb, du HVO de Zagreb sont restés pendant

 22   six à sept ans sous le contrôle des trois services de renseignement. En ce

 23   qui concerne au moins l'un de ces services, il disposait des motivations

 24   et des raisons qui les pousseraient à essayer de protéger la police

 25   militaire par rapport à la divulgation des documents indiquant que c'est


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  1   eux qui ont participé aux événements à Ahmici. Il fallait donc trouver

  2   quelqu'un d'autre et placer quelqu'un d'autre à Ahmici.

  3   Je souhaite simplement attirer votre attention sur la pièce à conviction

  4   Z692.3, l'ordre de Blaskic à la Brigade de Vitez concernant le village...

  5   M. Bennouna: Si je comprends bien, vous nous dites que ces documents de

  6   Zagreb à charge contre votre client, contre l'accusé M. Cerkez, ne sont

  7   pas authentiques et ont été placés là par quelqu'un au cours de cette

  8   période de six ou sept ans, pour essayer de disculper la police militaire,

  9   pour placer la Brigade de Vitez dans..., pour introduire la Brigade de

 10   Vitez dans l'affaire d'Ahmici et disculper la police militaire.

 11   Je ne vois pas en quoi cela disculpe la police militaire, le fait de

 12   placer ces documents. Parce que c'est cela, en fait, l'alibi ou le motif

 13   éventuel ou l'intérêt qu'aurait quelqu'un à placer ces documents là,

 14   d'après vous?

 15   Mais je ne vois pas en quoi cela disculpe la police militaire.

 16   M. Kovacic (interprétation): La personne qui a effectué cela a

 17   certainement tenu compte de deux points. D'un côté, à ce moment-là, que la

 18   procédure à l'encontre de M. Blaskic était en cours. Donc pendant cette

 19   période, au moment où ils ont constaté quelle était la direction de la

 20   défense de Blaskic, quelqu'un a pu comprendre que la police militaire a

 21   été citée comme la première parmi les auteurs de crimes d'Ahmici.

 22   Quelqu'un devait protéger la police militaire, ils devaient se protéger

 23   eux-mêmes et la police militaire est la plus proche justement de ces

 24   structures du SIS en Bosnie. Ceci est clair d'après les documents que nous

 25   avons vus lorsque nous avons discuté de la question de savoir lesquels


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  1   devaient être versés au dossier. La plupart de ces documents n'ont pas été

  2   admis. La personne qui avait planifié cela a essayé également de manipuler

  3   les moyens de preuve et, rétroactivement, ce qui est impossible, changer

  4   les événements qui se sont déjà produits dans le passé.

  5   Il a fallu trouver quelqu'un d'autre qui aurait pu être à Ahmici. Qui est

  6   le premier candidat logique? La brigade municipale.

  7   Voici ma position à ce sujet. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre

  8   question.

  9   M. le Président (interprétation): Non, pas vraiment, Maître Kovacic.

 10   Réfléchissons à votre suggestion. La première question que je soulève

 11   devant vous ou un autre conseil au moment de la prise en considération de

 12   l'admissibilité de ces documents, et nous avons délivré une ordonnance en

 13   ce qui concerne ces documents-là et compte tenu de la manière dont se

 14   déroule la procédure, nous avons exclu une certaine partie de ces

 15   documents. Mais quels sont ces moyens de preuves sur lesquels vous vous

 16   appuyez afin d'exprimer ce genre d'allégation? Il n'y a pas de moyens de

 17   preuve.

 18   Deuxièmement, si effectivement, en réalité, quelqu'un avait falsifié ces

 19   documents-là, afin d'essayer de disculper la police militaire et de faire

 20   la Brigade de Vitez porter le blâme, pourquoi dans ce cas-là, se trouve

 21   parmi ces document l'ordre de Blaskic que vous avez mentionné? L'ordre de

 22   Blaskic se réfère au 4e Bataillon de la police militaire. Si ce que vous

 23   dites était vrai, si une telle opération avait eu lieu, ces documents-là

 24   auraient été soit retirés, soit modifiés afin de suggérer que c'est la

 25   Brigade de Vitez qui avait été déployée mais ces documents restent parmi


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  1   la liasse des documents, et d'ailleurs vous y faites référence. Donc, j'ai

  2   l'impression que vous essayez de tirer profit des deux approches.

  3   M. Kovacic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  4   la pièce à conviction 343/1, intercalaire 6, c'est-à-dire l'ordre de M.

  5   Blaskic donné à la police militaire de se déployer sur secteur Ahmici

  6   Nadioci, il s'agit là d'un document versé au dossier dans le cadre de

  7   notre présentation des moyens de preuve.

  8   Bien évidemment, malheureusement, nous ne sommes pas à même de prouver que

  9   quelqu'un avait immiscé délibérément un document falsifié parmi les

 10   documents émanant de Zagreb mais, si l'on analyse ces deux groupes de

 11   documents, donc les documents portant sur la situation qui régnait sur le

 12   terrain tel que nous avons pu l'établir à travers l'ensemble de la

 13   procédure, d'un côté, et les deux ou trois documents que nous avons reçus

 14   plus récemment de Zagreb, de l'autre, nous pouvons voir les

 15   contradictions. Il est donc logique de se poser la question: qui avait des

 16   raisons d'immiscer cela de manière délibérée?

 17   Mais permettez-moi d'ajouter certains autres points. Déjà sur la base de

 18   l'aspect physique même de cet ordre de Blaskic, provenant de Zagreb et

 19   donnant la mission à la Brigade de Vitez, nous pouvons voir qu'il n'y a

 20   aucune similitude avec les autres. Cet ordre a trois lignes au total. Les

 21   ordres de M. Blaskic, même normalement lorsqu'ils ont été donnés et

 22   rédigés aux moments d'urgence, contiennent au moins une dizaine de lignes.

 23   Deuxièmement, les témoins à qui l'on a montré ces ordres. Je parle de

 24   l'ordre 692.3: tout d'abord, cela a été montré au témoin Bertovic. Il

 25   s'agit d'un témoin tout à fait fiable et il a dit, dès qu'il a vu l'ordre:


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  1   "Mais j'aurais dû disposer d'au moins trois bataillons de la taille dont

  2   je disposais, mais je ne disposais que d'un seul, donc c'était une

  3   situation complètement impossible". Bertovic était un commandant sur le

  4   terrain, il connaissait la situation, il a expliqué en détail ses

  5   capacités, ses possibilités, les troupes dont il disposait et je pense que

  6   ces exemples illustrent bien ce que je souhaite expliquer, c'est-à-dire

  7   c'était la première fois qu'il avait vu ce document et il a eu une

  8   réaction spontanée.

  9   Je souhaite également dire qu'il est difficile de croire que Blaskic

 10   n'était pas du tout au courant de la situation sur le terrain. Bien sûr,

 11   tout était dans le désordre, etc. Nous avons vu tout un nombre de

 12   documents et entendu plusieurs dépositions allant dans ce sens, mais il

 13   est difficile de savoir quelle est l'étendue de ses connaissances et de

 14   son ignorance. Mais tout simplement, nous ne croyons pas que Blaskic

 15   aurait pu donner un tel ordre dans la matinée. C'est tout simplement

 16   absurde.

 17   Lorsque nous avons cité à la barre le témoin Zuljevic, qui a déposé le 7

 18   septembre et nous l'avons cité à la barre, justement à cause de cela, nous

 19   lui avons posé la question de savoir pourquoi dans les rapports de cette

 20   matinée là, en parlant de la Brigade, dans les rapports émanant de la

 21   Brigade, il est indiqué souvent "les nôtres, nos forces, etc." Inutile de

 22   dire que la réponse n'est pas très claire puisque s'il s'agit là d'un

 23   document émanant de Brigade de Vitez, lorsque l'on lit dans ce document

 24   "nous, nos forces, etc.", il serait logique de conclure qu'il s'agit des

 25   soldats de la Brigade de Vitez. Mais après, suite à l'analyse approfondie


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  1   de ces documents, nous pouvons constater que ceci n'est pas du tout

  2   conforme à la réalité du déploiement des soldats de la Brigade à ce

  3   moment-là.

  4   Donc quelle est la seule explication, compte tenu du chaos qui s'est

  5   installé? Visiblement, Blaskic demande de nouvelles informations et il

  6   demande à la Brigade de lui servir d'oreille, c'est-à-dire de l'informer

  7   de tout ce qu'il se passait et ensuite les officiers opérationnels de

  8   Blaskic allaient ensuite apprécier et examiner, analyser ces documents-là.

  9   Aux témoins Godron Abradrovko, Josip Zuljevic, on leur a posé la question

 10   de savoir si ces documents étaient semblables à ceux auxquels ils étaient

 11   habitués; ils ont dit qu'il était difficile pour eux de s'exprimer. Quant

 12   au style des documents, ils ont exprimé leur réserve par rapport à la

 13   possibilité d'accepter que c'était effectivement les documents

 14   authentiques. Bien sûr, nous devons constater six, sept: il est presque

 15   impossible à ces personnes de dire: Voilà moi, je suis sûr que c'est un

 16   document authentique. Peut-être parfois il existe ce genre de documents

 17   mais pour la plupart des documents ceci est entièrement impossible.

 18   Le document suivant pour lequel je dis qu'il fait partie de ces trois

 19   documents qui ne peuvent absolument confirmer la thèse selon laquelle la

 20   Brigade était à Ahmici, prouve le manque de moyens de preuve indiquant que

 21   Mario Cerkez aurait émis un quelconque ordre exécutif sur la base de

 22   l'ordre de Blaskic. Or ceci aurait été normal, peut-être tout d'abord un

 23   ordre verbal et ensuite un ordre par écrit, mais un tel ordre n'existe pas

 24   malgré un grand nombre de documents dont on dispose et malgré les dires du

 25   témoin Prelec qui a dit qu'à Zagreb, pratiquement l'ensemble de l'archive


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  1   concernant la Brigade de Vitez a été découvert. Nous avons effectivement

  2   pu trouver un grand nombre des documents émanant de la Brigade de Vitez de

  3   l'époque.

  4   Ensuite le témoin Jucevic a expliqué de quelle manière il faut interpréter

  5   les propos tels que "nos forces, les nôtres, etc". Il explique qu'il faut

  6   comprendre cela comme les forces croates ou le peuple croate en général.

  7   Ensuite, à l'égard du document Z673.3, nous pouvons voir que l'on fait

  8   mention de, je cite: "trois de nos membres morts". Et cette phrase, "trois

  9   de nos membres morts" apparaît encore une fois dans le rapport de la

 10   Brigade de Vitez du 16 avril, à 17 heures 35 de l'après-midi; donc c'est

 11   dans l'après-midi, lorsque la situation s'est calmée un peu. Il s'agit de

 12   la pièce à conviction D162/2.

 13   Ce serait peut-être mieux de placer cela sur le rétroprojecteur.

 14   Dans ce rapport, on mentionne les noms. Voyons tout d'abord l'en-tête: il

 15   s'agit donc de 17 heures 35, le 16 avril. Et ici, nous voyons dans ce

 16   rapport, dans le rapport envoyé quelques heures plus tôt, il est écrit

 17   "trois des nôtres". Donc on dirait les membres de la Brigade de Vitez

 18   puisqu'il dit "nos combattants".

 19   Je vais vous montrer brièvement l'aspect de la version en langue croate.

 20   Je pense qu'il n'est pas prématuré de conclure que, même après avoir

 21   rédigé et tapé cela à la machine, on ajoute, parce que de nouvelles

 22   informations arrivent. Ici, les personnes tuées sont identifiées et on

 23   identifie de qui il s'agit. Alors qu'il a été dit auparavant "nos

 24   soldats", on voit ici qu'il y a deux membres de la police régionale. Le

 25   nom mentionné au n°5 a été cité par un témoin protégé, donc je ne souhaite


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  1   pas citer le nom de ce témoin. Et nous pouvons voir les civils entre les

  2   points 6 et 11; ceci a été ajouté à la main. Il est donc clair que ce

  3   document confirme que la Brigade, à ce moment-là -au moment où elle est en

  4   cours de constitution-, est en train de rédiger un rapport concernant tout

  5   ce qui se passe en employant les mots tels que "nos forces", "les nôtres",

  6   etc. C'est par la suite que les choses se clarifient un peu plus.

  7   Je souhaite également rappeler le contenu de la déposition de Zeljko

  8   Sajevic, qui était pratiquement le n°2 de la Brigade et dont la déposition

  9   allait dans le même sens. Lorsqu'on lui a montré le document Z751, il

 10   s'agissait là d'un autre rapport de la Brigade où il était écrit que

 11   Gacice avait été nettoyée à 70%. Et encore une fois, la Brigade a fait un

 12   rapport sur les activités à cet endroit. Sajevic nous a donné une

 13   explication, tout comme d'autres témoins: Nikola Mlakic, le 21 septembre,

 14   en disant: "Qui sont les unités qui étaient à Gacice?"

 15   Mais nous avons un document qui le prouve, c'est-à-dire le rapport de

 16   Darko Kraljevic, D89/2, et dans ce document, cette unité elle-même

 17   mentionne que c'est à Gacice qu'elle a effectué son opération ce jour-là.

 18   Tout d'abord, auparavant, M. Sajevic, en tant que témoin, nous a expliqué

 19   qu'en disant "nos forces", on pensait à toutes les forces du HVO. Ensuite,

 20   nous avons l'exemple du rapport émanant de cette unité qui affirme, elle-

 21   même, qu'à ce moment-là, elle a été à Gacice. Il s'agit là d'une unité qui

 22   n'était pas placée sous le commandement de l'accusé Cerkez.

 23   Pour terminer en ce qui concerne cette partie-là, la position de la

 24   défense et la proposition de la défense est de confronter très

 25   attentivement, d'un côté, les moyens de preuve indiquant que la Brigade de


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  1   Vitez n'était pas à Ahmici au moment des faits et, d'autre part, les trois

  2   documents émanant de Zagreb. Suite à une analyse approfondie -et je suis

  3   convaincu que les Juges arriveront à la même conclusion que celle que j'ai

  4   exprimée dans la thèse au début, à savoir qu'une partie des documents

  5   émanant des archives de Zagreb, et j'affirme qu'il s'agit de ces trois

  6   document-là, ont été immiscés de manière délibérée afin d'induire les

  7   Juges en erreur- je suis sûr que c'est sur la base de cette analyse que

  8   les Juges pourront décider du poids à donner à ces documents-là.

  9   Ensuite, le Procureur affirme qu'à Ahmici, certaines personnes ont été

 10   tuées et blessées pour lesquelles il est possible d'établir qu'il

 11   s'agissait de membres de la Brigade.

 12   Mais là, il s'agit d'une affirmation qui n'a tout simplement pas été

 13   prouvée et qui n'est pas exacte. Nous avons déjà mentionné la pièce à

 14   conviction D162/2 où c'est clair… Il est énoncé quelles sont les personnes

 15   qui sont mortes le 16 avril. Cela veut dire que ceci englobe également les

 16   personnes tuées à Ahmici.

 17   Deuxièmement, nous avons fait venir un témoin, Ivica Semren, qui illustre

 18   bien une telle affirmation du Procureur. Par exemple, je souhaite dire que

 19   le document D130/2 porte sur cette personne et, sur la base de cela, il

 20   est possible de conclure qu'il a été blessé à Ahmici en tant que membre de

 21   la Brigade, Ivica Semren. Je dois souligner ici qu'il a subi un contre-

 22   interrogatoire très intense et agressif mais Ivica Semren nous a expliqué

 23   ce qui s'est passé. Il a effectivement été blessé à Ahmici le 16 avril,

 24   mais devant sa propre maison.

 25   La question qui se pose porte sur les preuves, comme les preuves à l'égard


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  1   de cet Ivica Semren et les autres.

  2   Où est la preuve portant sur l'endroit où se trouve Ivica Semren et les

  3   autres membre de la Brigade, justement dans la matinée du 16 avril? Nous

  4   avons déjà présenté un grand nombre de moyens de preuve portant sur le

  5   niveau de constitution de la Brigade à ce moment-là, et aussi sur

  6   l'organisation des équipes dans le secteur militaire, qui était

  7   caractéristiques non pas seulement de la Brigade de Vitez mais aussi

  8   concernant la situation dans d'autres municipalités, dans d'autres parties

  9   de la Bosnie-Herzégovine, et non pas seulement au sein du HVO.

 10   Donc la question cruciale suivante est la suivante: si l'on affirme le

 11   fait qu'un soldat a été blessé à un certain endroit, à un certain temps,

 12   prouve qu'un crime a été commis par les membres de cette même Brigade et

 13   si ceci doit être la base permettant d'établir la responsabilité de

 14   commandement, dans ce cas-là, il est nécessaire de prouver que cette

 15   personne était à cet endroit-là, à ce moment-là, dans le cadre de ses

 16   fonctions au sein de la Brigade et non pas de son propre gré, en privé

 17   sans qu'aucun ordre n'ait été délivré allant dans ce sens-là.

 18   Ensuite, nous avons entendu beaucoup d'éléments portant sur le caractère

 19   identique de plusieurs noms. Et là, il s'agit d'une situation de fait qui

 20   règne sur le terrain; il est donc possible d'établir la réelle identité

 21   seulement sur la base d'autres coordonnées concernant la personne.

 22   Je vais vous donner quelques exemples: nous avons entendu parler d'au

 23   moins trois Vlado Santic, d'au moins trois Ivica Miskovic. L'un des

 24   derniers témoins, le témoin de moralité, s'appelle Ivica Miskovic mais

 25   avant, nous avions déjà eu un autre témoin qui s'appelle Ivica Miskovic.


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  1   Et ils n'ont pas seulement les mêmes noms et prénoms, les noms de leurs

  2   pères sont les mêmes, ils sont nés la même année, au même endroit.

  3   Quel est donc le poids de la preuve indiquant qu'Ivica Miskovic, fils

  4   d'untel, né en 1958, a commis un crime à cette date-là et qu'il s'agit là

  5   d'un membre de la Brigade de Vitez? Alors que nous ne disposons pas

  6   d'information concernant les membres la Brigade de Vitez sauf la liste

  7   concernant les équipes constituées au sein de la Brigade de Vitez qui

  8   allaient sur la ligne de front contre les Serbes en février 1992, et le

  9   témoin Cengic en a parlé. Ce sont là les seules informations fiables.

 10   Donc l'important est de savoir si la personne, si on réussit à

 11   l'identifier, était effectivement au moment des faits membre des faits de

 12   la Brigade.

 13   Je souhaite également souligner le fait qu'il n'y a pas d'ordre

 14   d'exécution qui aurait été émis par Cerkez afin de donner les instructions

 15   à ses troupes de se rendre à Ahmici.

 16   Il y a une erreur dans le compte rendu: il s'agissait de février 1993 et

 17   non pas février 1992, mais je pense que ceci est clair.

 18   Je souhaite maintenant aborder le contexte général, les circonstances

 19   générales et je souhaite par ce biais traiter de l'intention délictueuse

 20   de la préméditation. Sur la base de cela, nous pouvons tirer des

 21   conclusions concernant la manière dont Cerkez pouvait voir les événements

 22   à partir de 1992. Afin de simplifier les choses, j'ai essayé d'être le

 23   plus bref possible dans cette présentation.

 24   Donc si nous considérons cette période, j'ai parlé des fonctions de Mario

 25   Cerkez dans cette période, je rappelle aux Juges de cette Chambre que,


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  1   dans notre mémoire, nous avons admis l'existence de toutes les fonctions.

  2   Je rappelle également aux Juges de cette Chambre que, dans les documents à

  3   l'appui de l'Acte d'accusation que le Procureur nous a communiqués avant

  4   le procès, ainsi que les documents que nous avons reçus entre-temps, il

  5   n'y avait aucun élément de preuve relatif à la majorité des fonctions

  6   importantes de Mario Cerkez, en tout cas, aucun élément de preuve portant

  7   sur la période où Mario Cerkez exerçait des fonctions importantes.

  8   Je vais vous donner quelques exemples. Selon le Procureur, au cours de

  9   1992 -je ne vais pas citer en détail tous les éléments de preuve existant

 10   en rapport avec cela-, il n'y avait pas de conflit entre les deux groupes

 11   ethniques dans la vallée de la Lasva et je pense plus précisément sur le

 12   territoire de la municipalité de Vitez. Nous convenons qu'à la fin de

 13   cette année, un certain nombre d'incidents ont commencé mais nous

 14   affirmons également que les deux populations, à peu près à égalité, ont

 15   joué le rôle d'auteurs de ces incidents et de victimes de ces incidents,

 16   selon les cas, les deux rôles se répartissant –je le répète- à peu près à

 17   égalité.

 18   Je vous rappelle à cet égard le témoignage que nous citons dans notre

 19   mémoire en conclusion, celui du témoin Mestrovic, qui est tout à fait

 20   convaincant sur ce point.

 21   Lorsque le démantèlement de la Yougoslavie a commencé en 1992, même à la

 22   fin de 1991, lorsque des actes d'agression de la JNA ont commencé, Cerkez

 23   se trouvait dans une petite ville de Bosnie centrale où il était un

 24   citoyen comme les autres. La Communauté européenne, les Etats-Unis et tous

 25   les autres grands pays du monde se sont intéressés de très près, pendant


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  1   deux ou trois ans, au problème de la Bosnie, aux événements dans cette

  2   région et aux événements de la Yougoslavie dans son ensemble en

  3   particulier, mais plus particulièrement aux événements de Bosnie. Nous

  4   avons entendu parler d'un grand nombre de plans de paix et des divers

  5   points de vue défendus par les militaires, les politiques, etc. Les

  6   opinions qui existaient à cette époque étaient très diverses. C'est la

  7   raison pour laquelle il était impossible de faire adopter un plan de paix

  8   aux parties belligérantes, car chacun avait son propre point de vue sur la

  9   question. Donc, les plans ont été élaborés puis modifiés en raison de

 10   l'évolution de la réalité.

 11   Et la question théorique que je pose est la suivante: comment est-ce qu'un

 12   Mario Cerkez, un homme assez peu éduqué, peut, à partir de la petite ville

 13   de Vitez dans laquelle il réside, se faire une idée globale de la

 14   situation?

 15   Je fais référence notamment aux problèmes du conflit international. Si

 16   c'était un conflit international qui a eu lieu dans cette région, ce que

 17   la défense réfute, récuse, et nous avons déjà présenté notre point de vue

 18   à nos collègues de l'autre partie -nous avons déjà parlé de cela, il n'est

 19   pas la peine d'y revenir-, donc quelle aurait été l'intention de Cerkez

 20   dans ce contexte? Qui pouvait-il rejoindre? Les rangs de qui? L'Etat

 21   croate? Le HVO? Comment cet homme pouvait-il prendre sa décision? En se

 22   fondant sur quoi? Comment percevait-il les choses? Sur la base de quels

 23   événements? Rien n'a été dit à ce sujet.

 24   A un niveau moins global, en 1992, il convient de rappeler que Cerkez a

 25   rejoint le HVO lorsque l'identité de l'agresseur est devenu clair ainsi


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  1   que l'identité de la victime, quand il est devenu clair que l'ex-

  2   Yougoslavie, qui fondait son existence sur la fraternité et l'unité, était

  3   en train d'utiliser l'appareil de l'armée populaire yougoslave au

  4   fonctionnement de laquelle tout le monde contribuait pour attaquer son

  5   propre peuple chez lui. N'était-ce pas un bon motif? Est-ce que qui que ce

  6   soit aurait dû avoir honte de l'action entreprise par lui en 1992? Tout

  7   cela a un rapport direct avec l'intention.

  8   Cependant, finalement -et c'est très important car cela implique l'aspect

  9   juridique des choses-, sur le plan juridique, Cerkez n'a jamais –et il n'y

 10   a pas un élément qui le prouve- occupé de poste particulier à ce moment-

 11   là. Il a simplement monté les échelons à l'intérieur des forces armées, ce

 12   qui ne constitue pas une organisation en tant que telle. Fondamentalement,

 13   c'était plutôt un groupe de volontaires regroupant des hommes qui

 14   s'étaient portés volontaires. Cela ne constitue donc pas une preuve

 15   suffisante dans la procédure actuelle. Il est devenu le numéro 2 mais des

 16   éléments de preuve très nombreux nous montrent qu'en décembre, très peu de

 17   ses collègues restaient dans ces forces armées plus d'une ou de trois

 18   semaines. Ils étaient membres des forces armées au moment où la création

 19   de la Brigade a été annoncée. Au début du mois de décembre, lorsque la

 20   Brigade a été créée, Cerkez en est devenu le commandant ou plutôt le

 21   commandant adjoint de cette Brigade Stjepan Tomasevic. Là encore, il

 22   n'avait pas de poste particulièrement important sur le plan juridique. Ce

 23   poste n'avait pas de signification particulière.

 24   Donc si quelque chose s'est passé à Novi Travnik entre le moment où Cerkez

 25   y est arrivé, à savoir le début du mois de décembre 1992 et le début de


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  1   février 1993, quand il est devenu commandant dans les faits de la Brigade

  2   Stjepan Tomasevic, Cerkez n'était pas responsable de cela, parce qu'il

  3   n'occupait pas poste significatif à ce moment-là. Sur le plan juridique,

  4   il n'était pas commandant d'une formation armée dans cette période-là et,

  5   de facto, il ne la commandait pas non plus.

  6   Le plus important d'ailleurs à cette époque, à Novi Travnik, c'est qu'il y

  7   a aucun élément de preuve qui permette de prouver que des actes

  8   répréhensifs ont été commis ou que les membres de la Brigade Stjepan

  9   Tomasevic ont été impliqués dans de tels incidents. A ce moment-là, la

 10   Brigade avait pour seule mission de tenir le front au dessus de Novi

 11   Travnik face aux Serbes. Si elle n'avait pas tenu ce front fermement,

 12   Ahmici ne serait pas survenu parce que les Serbes ne se seraient pas

 13   emparés de tout ce territoire.

 14   Mon client est fier de sa participation à tous les combats contre les

 15   Serbes, en 1992, et s'agissant de 1992, si le Procureur s'efforce

 16   effectivement de dire ce qu'il me semble qu'il s'efforce de dire, je dirai

 17   qu'aucune raison ne permet de soutenir les accusations portées pour 1992.

 18   Le HVO et mon client, en 1992, ne se préparaient absolument pas à attaquer

 19   les Musulmans. Nous n'avons pas vu un seul élément de preuve qui le

 20   démontre. Et je ne dirai pas simplement qu'ils ne se préparaient à de tels

 21   actes en 1992 mais que, même le 15 avril dans la soirée, à la veille de

 22   l'éclatement du conflit, ils ne se préparaient pas à une telle action.

 23   Quant aux actes qui ont été retenues contre mon client, aux fins de

 24   prouver les allégations de persécutions en 1992, je pense qu'aucun élément

 25   de preuve ne permet de les étayer. Je ne vais donc pas abuser de votre


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  1   temps en appelant exagérément votre attention sur cela. L'élément de

  2   preuve 162 vous permettra de revenir sur cette question. Le fait que Vitez

  3   était un endroit très stratégique a été prouvé abondamment, il me semble,

  4   au cours de ce procès.

  5   Je voudrais simplement vous signaler plus précisément deux rapports: en

  6   tout cas, le bulletin d'information militaire D121/1 ainsi que le D122/1,

  7   qui ont été les motifs utilisés par l'armée de Bosnie-Herzégovine pour se

  8   rendre à Vitez. Bien entendu, nous savons bien tout ce qui s'est passé:

  9   l'incident de l'usine d'explosifs sur lequel je ne m'appesantirai pas,

 10   ainsi que la position stratégique de Vitez au carrefour des routes menant

 11   vers l'est, l'ouest, le nord et le sud. Je n'insisterai donc pas.

 12   Je pense que la période pendant laquelle Cerkez occupait tel ou tel poste

 13   n'est plus contestable et qu'un grand nombre d'éléments de preuve le

 14   prouvent.

 15   Mais je n'ai peut-être pas suffisamment parlé de la situation qui

 16   prévalait juste avant le conflit. Donc avant le conflit, entre les deux

 17   groupes, les deux armées qui existaient dans la vallée de la Lasva, la

 18   situation était ce qu'elle était, la Brigade de Vitez a été créée en aide

 19   –nous en avons abondamment parlé, je n'y reviendrai pas- mais elle s'est

 20   trouvée à un moment déterminé dans les premiers temps de son existence.

 21   Ce qui est intéressant, même si l'on admet que cette Brigade a

 22   effectivement été créée, c'est qu'il s'agissait donc d'une formation

 23   organisée. Nous constatons, au vu de la séquence des événements qui sont

 24   survenus, que le but principal de cette Brigade était de se battre contre

 25   l'agresseur. Autrement dit, la Brigade a été mise en place pour répondre


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  1   aux besoins de la ligne de front qui existait, qui avait été créée sur le

  2   plan tactique sur les flancs de la montagne qui domine Travnik, et il

  3   fallait que des hommes puissent tenir ce front. C'est la raison de la

  4   création de la Brigade sur le territoire de la municipalité.

  5   Je parle du témoignage de Zlatko Senkic; je crois que c'était notre

  6   premier témoin, qui a expliqué quelle était la composition de la Brigade R

  7   à l'époque, Brigade qui existait dans le contexte de l'ancienne armée

  8   populaire yougoslave.

  9   Toutes les forces qui ont participé à cette guerre tragique de Bosnie ont

 10   copié la structure de la JNA car elles n'avaient rien d'autre à leur

 11   disposition. Le HVO a repris totalement dans ses structures propres la

 12   conception des Brigades R. Ces Brigades R n'étaient pas des formations

 13   militaires mobiles, mais de par leur nature même, par leur composition,

 14   par leur structure, elles étaient destinées à assurer la défense de

 15   certaines positions. Cela faisait partie de la grande conception de

 16   l'armée populaire yougoslave qui avait également des forces de réserve,

 17   des forces de réserves qui renforçaient les forces régulières de la JNA

 18   lorsque le besoin s'en faisait sentir, la JNA étant, elle, l'armée

 19   professionnelle mobile et la réserve étant destinée à défendre des

 20   positions de façon statique.

 21   Donc la Brigade n'était pas organisée pour pouvoir correspondre à la

 22   dénomination d'une formation militaire classique en bonne et due forme.

 23   Vous avez eu sous les yeux un grand nombre d'éléments de preuve qui vous

 24   montrent que, depuis le début du conflit, depuis le 16 avril, les fronts

 25   ont été constitués et que jusqu'à l'accord de paix du printemps 1994, à


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  1   partir donc du mois d'avril en question, la Brigade s'est contentée

  2   d'essayer de tenir les fronts existants. Il n'y a pas la moindre preuve

  3   pendant toute la guerre en question qui permette de penser que la Brigade

  4   s'est déplacée ici ou là pour faire telle ou telle chose à d'autres

  5   endroits que là où elle tenait les fronts.

  6   Et je vous indique la pièce à conviction D160/2, intercalaire 3, des

  7   documents relatifs à la mobilisation qui montrent que la mobilisation de

  8   la Brigade, à la date du 16 avril, n'était pas planifiée.

  9   Je vous indique également le document D57/2, le rapport du bureau de la

 10   défense relatif à la mobilisation qui montre à quel moment a été décrétée

 11   la mobilisation, qui montre qu'il s'agissait d'un processus de longue

 12   haleine, qui montre combien de temps a duré cette mobilisation et quelles

 13   en ont été les conclusions numériques. Un grand nombre de témoins vous ont

 14   parlé de tout cela. Le dernier document dont je viens de parler est le

 15   document D57/2; je le dis pour qu'il y ait correction au compte rendu

 16   d'audience en anglais.

 17   Donc, à la veille du conflit, s'il était vraiment question de planifier

 18   une action agressive du HVO pour attaquer la partie adverse dans la vallée

 19   de la Lasva, le 16 avril, conformément à ce qu'affirme le Procureur, il

 20   aurait été très étonnant de constater que personne ne s'était rendu compte

 21   de quelconques préparatifs. Et j'ai un certain nombre d'éléments à ma

 22   disposition que je vais vous soumettre pour montrer que de tels

 23   préparatifs n'ont pas existé.

 24   Nous avons entendu des témoins, nous avons également vu le document 131/2

 25   ou plutôt, excusez-moi, D132/2, associé au témoin Perkovic, selon lequel


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  1   une équipe de la Brigade de Vitez se trouvait à l'endroit où elle se

  2   trouvait habituellement, sur les flancs de la montagne au-dessus de

  3   Travnik, sur le front face aux Serbes; alors que la deuxième équipe se

  4   préparait déjà à prendre le départ pour se rendre sur cette même ligne de

  5   front. Ces hommes étaient au motel de Kruscica, comme ils l'avaient été

  6   quelques semaines auparavant. Il s'agissait des forces de la 35e Brigade

  7   de montagne de l'armée de Bosnie-Herzégovine et Cerkez se marie le 15

  8   avril 1993.

  9   Je ne pense pas qu'il aurait pu planifier de se marier précisément ce

 10   jour-là parmi tous les jours qui étaient à sa disposition pour satisfaire

 11   le désir de son épouse, si quiconque avait eu connaissance que, le

 12   lendemain, la guerre aurait éclaté. Cerkez, je vous rappelle les

 13   témoignages qui ont parlé de cela, a assisté au premier anniversaire de la

 14   création de l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ce jour-là, la veille du

 15   conflit, une réunion s'est déroulée entre responsables politiques

 16   musulmans et croates; nous en avons entendu parler tout à fait au début du

 17   procès. Et il nous a été dit que les résultats de cette réunion ont été

 18   très positifs. Le Procureur affirme qu'il s'agissait d'une ruse technique

 19   mais c'est son appréciation.

 20   Nous avons aussi reçu un très grand nombre d'informations, grâce aux

 21   témoignages ainsi qu'à un certain nombre de documents, selon lesquelles,

 22   le 15 avril, quelque chose a déjà eu lieu sur le mont Kuber. La Brigade

 23   n'avait pas d'information précise à cet égard mais il était tout à fait

 24   clair que la Brigade ne se préparait pas à ces événements même s'ils ont

 25   eu lieu. C'était la partie adverse qui s'y préparait. La Brigade Stjepan


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  1   Tomasevic a été mentionnée par un certain nombre de témoins. Ce n'est pas

  2   par hasard si, la veille, le commandant Zivko Totic avait été enlevé à

  3   Travnik. Et toujours la veille du conflit, il y a eu tentative pour

  4   enlever Darko Kraljevic qui était un dirigeant très important.

  5   Nous avons un grand nombre de documents, d'éléments de preuve écrits qui

  6   traitent de ce point. Donc tout cela s'explique très bien. Cerkez, dans

  7   cette période, n'avait aucune information lui permettant de comprendre que

  8   la partie adverse préparait le démarrage d'un affrontement car, dans cette

  9   période, les choses ne cessaient d'aller mal puis de se calmer, puis

 10   d'aller mal de nouveau, etc. Il y avait succession d'incidents et

 11   d'accalmies, et aucun élément de preuve n'indique que Cerkez aurait pu, à

 12   la veille même du conflit, connaître l'existence d'un quelconque plan à ce

 13   sujet. La première information qu'il a reçue, il l'a eue lors de la

 14   réunion bilatérale organisée chez Blaskic. Nous avons entendu des témoins

 15   dire qu'il avait été convoqué à cette réunion. Des témoins, membres de la

 16   Brigade de Vitez, qui ont participé à la réunion avec Cerkez au

 17   commandement de la Brigade, nous ont dit ce que Cerkez leur avait dit. Et

 18   puis nous avons vu également l'ordre qui a été établi à l'issue de cette

 19   rencontre. Pour l'essentiel, même si la formulation était un peu

 20   différente, elle correspond tout de même à ce que Cerkez avait dit à ces

 21   hommes ce soir-là.

 22   L'ordre contient d'ailleurs un élément que le Procureur essaie de déformer

 23   quelque peu. A savoir qu'il est allégué dans la dernière partie de l'ordre

 24   que la Brigade Subic Zrinski se trouve sur le flanc droit, que la police

 25   civile se trouve sur le flanc gauche, que les forces spéciales sont à


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  1   l'avant, etc., etc. Monsieur Sajevic a témoigné à ce sujet, il nous a

  2   montré une carte.

  3   Mais qu'est-ce qui est important? Il n'y a rien de nouveau pour Cerkez

  4   dans cette information parce que la situation correspondant à cette

  5   description existe depuis déjà des semaines. Si nous retournons la carte,

  6   en mettant le nord vers le haut, eh bien, sur le flanc droit de Cerkez,

  7   entre Kruscica et la ville, nous voyons la Brigade en question et, à

  8   gauche, Busovaca. Autrement dit, il n'a pas pu avoir d'informations

  9   nouvelles au sujet de la présence de la police militaire depuis des mois

 10   dans le secteur, sur la base de ce qui a été dit dans ce témoignage.

 11   Je ne vais pas m'appesantir, beaucoup de choses ont été dites. Je vous

 12   rappelle que la Brigade n'avait pas de caserne, qu'elle fonctionnait par

 13   équipes, qu'elle pouvait -comme des témoins l'ont dit-, dans un délai de

 14   24 à 48 heures, mobiliser la majorité de ses effectifs potentiels qui

 15   pouvaient, selon les documents soumis à cette Chambre, se monter à 250 ou

 16   300 hommes.

 17   Récemment, nous avons un rapport de la Brigade qui traite des effectifs de

 18   la Brigade en date du 2 mars 1993, qui font partie des documents de

 19   Zagreb, le document Z569/1. Malheureusement, nous l'avons reçu très tard

 20   et nous n'avons pas pu le soumettre à nos témoins. Il vient des archives

 21   de Zagreb.

 22   Mais s'agissant des lieux comme, par exemple, Kuber et Busovaca, où il a

 23   été dit que trente soldats y étaient présents, nous affirmons qu'il est

 24   possible d'en trouver des confirmations dans les dépositions de certains

 25   témoins, comme Santic par exemple, membre de la garde villageoise, qui a


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  1   dit quelques mots au sujet des effectifs de la Brigade. Nous pouvons

  2   trouver confirmation qu'il y avait des équipes à ces endroits, c'est-à-

  3   dire des groupes de dix hommes et pas trente. Mais en tout cas, si l'on

  4   fait le total, on peut arriver à un total de deux cent cinquante ou trois

  5   cents hommes globalement, mais cela n'aurait été les effectifs réels que

  6   si ces hommes avaient été mobilisés, or ils étaient chez eux à la maison.

  7   Ils allaient travailler par équipe et, lorsqu'ils rentraient chez eux, à

  8   la fin de leur travail, ils redevenaient des civils.

  9   Les tâches de la Brigade, j'en ai déjà parlé au début de mon intervention:

 10   cette tâche de la Brigade, elle était toujours la même. Elle consistait à

 11   empêcher une attaque éventuelle et Blaskic nous a dit qu'il était permis

 12   de s'attendre à une attaque mais le témoin Bertovic a déclaré ensuite que

 13   finalement, il n'y avait pas eu d'attaque. Il ne faut pas perdre de vue

 14   non plus que l'ordre dont je suis en train de parler n'était pas une

 15   appréciation infondée. Nous avons vu un grand nombre d'éléments de preuve

 16   qui indiquent qu'à Kruscica, des forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine

 17   étaient effectivement présentes, des forces de la 35e Brigade de montagne.

 18   Nous avons entendu un grand nombre de témoins, nous avons vu un grand

 19   nombre de documents, pas seulement des témoins de la défense mais

 20   également de l'accusation.

 21   Et puis, il y a eu des renforts de l'armée de Bosnie-Herzégovine, très peu

 22   de temps avant le conflit, ce qui nous semble indiquer que c'est l'armée

 23   de Bosnie-Herzégovine qui préparait un affrontement et donc cela semble

 24   indiquer également que les déclarations de Blaskic étaient exactes à cet

 25   égard. Nous vous rappelons également la déposition du témoin Ljuban Calic,


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  1   qui a dit que, non loin de Kruscica, lui et ses hommes sont tombés par

  2   hasard sur deux hommes endormis, membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

  3   qu'ils les ont faits prisonniers et que ces hommes ont expliqué qu'ils

  4   étaient arrivé la veille à Kruscica avec leur unité de l'armée de Bosnie-

  5   Herzégovine .

  6   Un témoin de l'accusation, qui portait un pseudonyme, a lui aussi confirmé

  7   que, très peu de temps avant le conflit, des forces fraîches de l'armée de

  8   Bosnie-Herzégovine étaient arrivées dans le secteur. Le témoin Kalco,

  9   commandant à Stari Vitez, a confirmé également que la mobilisation avait

 10   été décrétée et que la mise en alerte des unités en question avait été

 11   déclarée.

 12   J'ai déjà mentionné un autre témoin qui a confirmé l'existence de plans.

 13   Et puis il y a un autre document qui nous fournit quelques informations au

 14   sujet des secteurs tenus par les uns et les autres: c'est le document

 15   D87/2, ainsi que les cartes préparées par le témoin Sajevic.

 16   Un grand nombre de témoins nous ont parlé de l'homme de permanence de la

 17   Bosnie centrale, de ce registre qui se trouvait au commandement, document

 18   Z610/1, et pour ma part, j'aimerais souligner quelque chose qui n'a pas

 19   été dit par ces témoins. Bien sûr, ce registre est un document favorable à

 20   la défense de Cerkez car, à la lecture de ce registre, on s'aperçoit qu'il

 21   n'était pas présent à la réunion des commandants, organisée chez Blaskic,

 22   le 15 avril 1993. Je parle de cette réunion proprement militaire ou aucun

 23   plan n'a été étudié. Il n'était pas présent à cette réunion; apparemment,

 24   il a rencontré Blaskic après cette réunion, donc de façon informelle.

 25   C'est donc une preuve, ce document, qui est favorable à la défense. Même


Page 28459

  1   nous ne voyons pas exactement quelle est l'importance du fait de savoir si

  2   Cerkez a participé à la réunion même ou s'il a simplement rencontré

  3   bilatéralement Blaskic par la suite. Mais quoi qu'il en soit, nous pensons

  4   tout de même que ce document ne comporte pas de valeur probante importante

  5   car, si l'on voit les détails contenus dans un grand nombre de documents

  6   qui nous donnent les effectifs, le positionnement de certaines unités, eh

  7   bien, on ne trouve pas de contradictions.

  8   Je ne peux pas rentrer dans le détail ici, mais en tout cas, aucun témoin

  9   n'a confirmé les détails contenus dans ce document. Ce document d'ailleurs

 10   était en possession d'un grand nombre de services de renseignements depuis

 11   plusieurs années. Beaucoup d'éléments contenus dans ce document ne peuvent

 12   pas être interprétés de façon univoque. Il y en a plusieurs, s'agissant

 13   notamment de qui a dit quoi à qui, qui peuvent être interprétés de façon

 14   multiple.

 15   Et puis dernier point, ce que le Procureur affirme au sujet de ce document

 16   est très contradictoire. D'une part, le Procureur nous dit qu'il s'agit

 17   d'un document de grande valeur et, dans le même souffle, le Procureur nous

 18   dit que ce document a été élaboré par son auteur pour masquer les crimes

 19   d'Ahmici. Donc soit ce document est authentique, soit il est ne l'est pas;

 20   soit il est vrai, soit il n'est pas vrai. Je suis convaincu qu'on ne peut

 21   pas en droit pénal accepter des documents ou des témoignages de témoins

 22   qui sont considérés comme authentiques ou vrais par certains et non

 23   authentiques et pas vrais par d'autres.

 24   M. le Président (interprétation): Maître Kovacic, il est 13 heures. Est-ce

 25   que le moment vous convient?


Page 28460

  1   M. Kovacic (interprétation): Parfaitement, Monsieur le Président, je

  2   voulais justement parler de la suspension, mais j'aurais voulu terminer ce

  3   que j'étais en train de dire.

  4   M. le Président (interprétation): Terminez, terminez.

  5   M. Kovacic (interprétation): Donc je voulais dire que ce document vient de

  6   Zagreb et je dirai quelques mots, quelques phrases des persécutions en

  7   droit pénal, mais c'est tout ce qu'il me reste avant ma conclusion.

  8   M. le Président (interprétation): Et ensuite, c'est Me Mikulicic qui

  9   prendra la parole?

 10   M. Kovacic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 11   M. le Président (interprétation): Je crois qu'il vous reste à peine plus

 12   d'une heure, mais vous n'êtes pas obligé de parler pendant tout ce temps-

 13   là.

 14   Nous levons donc la séance jusqu'à 14 heures 30.

 15   (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 36.)

 16   M. le Président (interprétation):Maître Kovacic, c'est à vous

 17   M. Kovacic (interprétation):Monsieur le Président, j'en ai à peu près pour

 18   5 minutes quant à moi et ensuite mon confrère Me Mikulicic prendra le

 19   relais et parlera pendant le reste du temps qui nous est imparti.

 20   Pour finir et conclure, je souhaiterais dire qu'en ce qui concerne la

 21   situation de la Brigade à la veille du conflit, il y a encore une question

 22   qui se pose, à savoir est-ce que Cerkez aurait pu commandé une telle

 23   unité, une unité qui n'était pas organisée? Ceci dans le cas d'une

 24   confrontation et avec l'armée de Bosnie-Herzégovine? De jure, il n'y a pas

 25   de contestation, nous reconnaissons qu'il était effectivement commandant


Page 28461

  1   de la Brigade, mais en ce qui concerne le commandement de facto d'une

  2   brigade qui n'était pas organisée, nous affirmons, nous estimons que ceci

  3   n'est pas prouvé, qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve qui

  4   permettent de se forger une opinion au delà de tout doute raisonnable. En

  5   ce qui concerne la persécution, nous en avons longuement parlé dans notre

  6   mémoire en clôture donc je ne vais pas répéter ce que nous avons dit.

  7   D'autre part nous joignons également à ce qui a été avancé par nos

  8   confrères de la défense de Kordic, mais je souhaiterais attirer votre

  9   attention sur deux documents qui ne sont peut-être pas d'une importance

 10   capitale mais qui sont quand même très caractéristiques. Le premier, c'est

 11   celui qui figure sur le rétroprojecteur D126/2.

 12   En ce qui concerne la période pendant laquelle il semble qu'il y ait eu

 13   des incidents dans la ville de Vitez, et où on peut parler de persécution

 14   pendant cette période, je dois dire que le gouvernement du HVO a fait

 15   appel, a engagé Akija Jengic à l'école, donc un emploi pour lequel il

 16   remplissait toutes les conditions. Qui auparavant, donc Akija Jengic était

 17   commandant de la défense territoriale à Vitez qui était entièrement sous

 18   le contrôle des Musulmans, donc voici un document dont nous souhaitions

 19   que la Chambre prenne connaissance. En ce qui concerne les allégations

 20   faites par un certain nombre de témoins, en particulier au début du

 21   procès, allégations selon lesquelles généralement c'étaient les Musulmans

 22   qui étaient renvoyés de leur travail, eh bien aucun témoin ne nous a parlé

 23   de licenciements de SPS, or c'était le plus gros employeur de la région,

 24   et licenciements en raison d'une baisse de la production du fait de la

 25   guerre. C'est le document que nous avons déjà versé au dossier document


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  1   D93/2 et ce document montre que Cerkez lui aussi était une de ces

  2   personnes qui était en congé. Et le témoin S l'a également dit, le témoin

  3   Ceko l'a également dit. Enfin un dernier document en ce qui concerne la

  4   persécution D92/2. Voici ici la version en anglais. C'est un document qui

  5   montre qu'à la veille de la guerre, la famille de Cerkez en 1990 a fait

  6   une contribution volontaire aux fins de la construction de la mosquée à

  7   Kruscica. Je pense que ce document nous parle très clairement d'intentions

  8   délictueuses et il aurait été très difficile dans dans une telle famille

  9   d'imaginer un autre type de façon de se conduire. Je voudrais également

 10   parler de deux autres témoins pour lesquels je pense qu'il convient de

 11   fournir des explications supplémentaires. Le colonel Morsink tout d'abord

 12   et je pense qu'il faut donner un certain nombre de détails pour placer sa

 13   déposition dans le contexte approprié. Une chose qui m'a vraiment

 14   époustouflé et je n'étais pas le seul, c'est que le colonel Morsink au

 15   tout début de sa déposition, émet des jugements de valeur au sujet de la

 16   position de Mario Cerkez dans la Brigade et ceci s'est passé le 17 avril

 17   1993. Pour que les choses soient extrêmement claires dans l'affaire qui

 18   nous intéresse, nous avons eu cent quarante journées d'audience et

 19   beaucoup de choses on évolué au fil du temps et d'après son propre

 20   témoignage Morsink savait de l'ex-Yougoslavie ce qu'il en a appris

 21   lorsqu'il s'y était rendu avec ses parents quand il était enfant. Et puis

 22   ensuite, il est allé à Zagreb où il a passé deux jours à une réunion pour

 23   les observateurs de l'ECMM. Il a participé à un séminaire et nous avons

 24   des éléments qui indiquent donc la façon dont les observateurs était

 25   préparés à leur mission. Donc quoi qu'il en soit, dès le premier jour de


Page 28463

  1   sa présence, Morsink, apparemment, soit disant savait tout. Or,

  2   premièrement il ne connaissait même pas le nom de la Brigade. Il dit que

  3   Cerkez était le commandant de la Brigade Stepan Tomacevic, il s'agissait

  4   d'une formation qui à l'époque existait au moins depuis sept ou huit

  5   semaines. Quand il parle des réfugiés, son rapport sur les réfugies, pièce

  6   Z882 et on parle ici notamment de deux familles, deux familles qui ont été

  7   expulsées de leur domicile par des criminels si vous me permettez

  8   d'utiliser ce terme. Donc, nous avons fait venir Anto Miketa, digne de

  9   foi, qui a expliqué que ceci était impossible parce qu'à l'époque il était

 10   impossible, pour les réfugiés, de rester à l'école, car l'école était sur

 11   la ligne de front. Bien entendu il se peut que le colonel Morsink se soit

 12   trompé de localité étant donné la confusion qui régnait, c'est la seule

 13   explication que je peux imaginer. Ensuite, il nous a dit, en ce qui

 14   concerne l'église catholique de Vitez, le Père Franjic nous en a parlé.

 15   l'ECMM est venu à plusieurs reprises dans l'église catholique et selon les

 16   informations reçues il y avait environ trois cents détenus dans l'église.

 17   Vous en avez entendu parler, je voudrais également attirer votre attention

 18   sur les schémas qui ont été utilisés. C'est la pièce Z2535.1, et Z283.3.

 19   Il est évident que l'ECMM ne connaissait rien du tout, par exemple dans un

 20   de ces documents à Novi Travnik au moment du début du conflit Esad Landzo

 21   et nous en avons entendu à plusieurs reprises, il était le commandant de

 22   l'unité de l'armée de Bosnie-Herzégovine à Travnik. Or, selon

 23   l'organigramme qui était fourni, le schéma fourni par l'ECMM, il était

 24   commandant de la défense territoriale à Travnik, or ce n'est pas possible.

 25   Quoi qu'il en soit le colonel Morsink quand il est venu pour être contre


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  1   interrogé il y a quelques jours, donc nous avons essayé d'expliquer la

  2   discordance entre les deux déclarations, à savoir soixante douze détenus

  3   ou bien trois cents détenus et il a reconnu que Josic était le

  4   représentant du HVO dans la commission chargée des échanges, et qu'il

  5   n'était pas membre de la Brigade parce que la commission se situait à un

  6   niveau plus élevé et sur cette base nous avons présenté une liste de

  7   détenus qui montrait que Dubrevica se trouvait sous le contrôle des

  8   Vitezovi et on voit…, nous avons également des listes de l'armée de

  9   Bosnie-Herzégovine qui montre des détenus à l'époque de l'armée.

 10   En ce qui concerne le témoin Zlotrg, qui présente une image tout à fait

 11   partiale de la situation, je voudrais dire, signaler que Cerkez avec un

 12   groupe de soldats s'est emparé du café de Cikovica. Nous avons fait venir

 13   un témoin qui a expliqué ce qu'il s'était passé dans ce café. C'est Dragan

 14   Sliskovic, ce témoin Zlotrg c'était également celui-ci qui était

 15   responsable de répandre les rumeurs, en tout cas c'est lui qui a dit qu'il

 16   avait entendu des rumeurs au sujet du meurtre à l'hôtel et selon cette

 17   rumeur, c'était Cerkez qui était l'auteur. L'accusation ultérieurement a

 18   abandonné cette thèse mais il est intéressant de voir qu'il s'agit d'un

 19   spécialiste de la police scientifique et que, dans le cadre de son

 20   enquête, il s'est appuyé sur la rumeur plutôt que sur les faits.

 21   Malheureusement, pendant la guerre, son frère et sa sœur, sa belle-sœur

 22   ont été tués. Je pense que c'est la raison pour laquelle il a parlé de ce

 23   qu'il savait et aussi de ce qu'il ne savait pas.

 24   Je ne veux pas m'appesantir à ce sujet, nous avons traité de cette

 25   question au mieux dans notre mémoire en clôture et je vais demander


Page 28465

  1   maintenant à mon confrère de poursuivre notre intervention.

  2   (Plaidoirie de Me Mikulicic.)

  3   M. Mikulicic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

  4   Juges.

  5   Le 12 avril 1999, dans ce même prétoire, nous avons entamé la procédure,

  6   le procès avec la déclaration liminaire de Me Nice qui a exprimé sa

  7   conviction selon laquelle cette procédure n'allait pas être encombrée de

  8   documents. Ceci fait suite à la thèse qui existait déjà dans le mémoire

  9   préalable au procès du Procureur. A savoir, je vais citer le fait que ces

 10   genres de crimes ont été commis peut entraîner comme conséquence le fait

 11   qu'il y aura peu de documents à l'appui.

 12   Maintenant, à la fin du procès, nous pouvons constater que les estimations

 13   du Procureur ont été tout à fait erronées. Effectivement, un nombre énorme

 14   de documents et d'autres moyens de preuve ont été utilisés lors de cette

 15   procédure. Aucun des procès qui se sont déroulés devant ce Tribunal n'a eu

 16   un nombre aussi élevé de documents, d'éléments de preuve et de témoins. Il

 17   s'agit de plusieurs centaines de milliers de pages de documents, et de

 18   plusieurs heures, des dizaines d'heures de cassette vidéo. Il s'agit donc

 19   de la situation objective qui a lésé le plus notre équipe, fortement

 20   limitée en personnel de la défense de l'accusé Cerkez. Surtout ces

 21   derniers temps, mais aussi tout au long du procès, nous avons ressenti

 22   très fortement ce fardeau. Il est clair que la partie qui dispose de plus

 23   de personnel et de plus de ressources est dans une situation favorable par

 24   rapport à l'autre partie dans la même procédure qui ne peut s'appuyer que

 25   sur un nombre extrêmement limité de personnes, que ce soient des avocats


Page 28466

  1   ou des associés.

  2   Je ne suis pas en train de dire cela afin de me plaindre des conditions de

  3   travail de l'équipe Cerkez mais parce que je considère que ces

  4   circonstances-là sont également extrêmement importantes pour pouvoir

  5   entièrement comprendre et arriver à une image complète, d'ensemble de tout

  6   ce qui s'est déroulé dans l'affaire qui nous concerne et aussi dans le

  7   cadre du procès qui s'est déroulé.

  8   Il est incontestable que le Bureau du Procureur dispose d'un énorme

  9   appareil qui peut envoyer des personnes sur le terrain afin de recueillir

 10   un grand nombre de moyens de preuve et qui peut, par la suite, analyser de

 11   manière la plus appropriée ces moyens de preuve-là. En ce qui concerne cet

 12   appareil-là, il faut reconnaître au Procureur qu'il y a fait recours de

 13   manière tout à fait habile tout au long du procès et s'en est servi comme

 14   d'une sorte d'instrument au cours de la procédure. Comment? De deux

 15   manières. Tout d'abord, il faut constater que les documents étaient

 16   divulgués à la défense pratiquement à chaque fois au moment où ceci était

 17   le plus convenable pour le Procureur. Par définition, c'était à la veille

 18   d'une déposition importante au moment où la défense devait s'y préparer.

 19   M. le Président (interprétation): Maître Mikulicic, vous avez dit que vous

 20   ne vous plaigniez pas mais c'est justement ce que vous êtes en train de

 21   faire. Si le Procureur avait adopté une approche inéquitable, les Juges de

 22   la Chambre de première instance l'aurait arrêté. C'est le rôle des Juges

 23   de la Chambre. Le procès s'est maintenant terminé et vous devez vous

 24   focaliser sur les moyens de preuve et les points juridiques.

 25   Je pense que le fait de se plaindre par rapport à la procédure, c'est non


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  1   pas seulement inutile mais, à mon avis, à ce stade-là erroné aussi.

  2   M. Mikulicic (interprétation): J'accepte votre point de vue, mais avec

  3   tout le respect que je vous dois, Monsieur le Président, je dois dire que

  4   du point de vue de la défense de M. Cerkez, ces circonstances-là sont

  5   également très importantes et il est important de les comprendre. Mais je

  6   ne vais plus m'attarder à ce sujet-là.

  7   Je souhaite donner une illustration de ce que je viens de dire par le

  8   biais d'un exemple. Lorsque Angus Hay, un témoin de l'accusation, a

  9   déposé ici, à ce moment-là, la défense a reçu une certaine partie des

 10   moyens de preuve qui ont été marqués en tant que partie intégrante des

 11   pièces accompagnant la déposition d'Angus Hay. Et la cassette V000V137 a

 12   fait partie de ces documents-là, de ces pièces-là. Il était marqué sur la

 13   cassette vidéo qu'il s'agissait d'une combinaison des reportages de la BBC

 14   à l'égard des événements qui se sont produits en Bosnie.

 15   Je vais attirer votre attention sur un point d'actualité préparé par

 16   Martin Bell, d'une durée d'environ 50 secondes seulement.

 17   A première vue, il s'agit d'un point d'actualité extrêmement important,

 18   car il y est dit qu'une patrouille croate en mission au sud de la ville de

 19   Vitez est en train de regagner les territoires dont s'étaient emparés les

 20   Musulmans. Il y est question du fait que le leader du HVO avait été blessé

 21   et que, malgré l'interdiction des vols, une équipe médicale essaie de

 22   fournir l'aide par le biais des envois de personnel en hélicoptère. Donc

 23   nous avons considéré que ceci était une illustration de l'affirmation du

 24   Procureur selon laquelle la République de Croatie envoyait de l'aide par

 25   hélicoptère. Mais vous allez voir de quelle situation il s'agissait et


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  1   quel était le but du Procureur.

  2   Je souhaite que l'on montre maintenant cette cassette vidéo.

  3   (Diffusion de la cassette vidéo.)

  4   Nous pouvons poursuivre jusqu'à la fin, s'il vous plaît.

  5   (Poursuite de la cassette vidéo.)

  6   Merci.

  7   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit ici d'une

  8   illustration d'une partie des pièces que nous avons reçues lors de la

  9   procédure. Vous pouvez constater vous-mêmes, Monsieur le Président,

 10   Messieurs les Juges, qu'il est question ici d'une séquence pour laquelle

 11   il est dit que cela a été préparé par Martin Bell alors que ceci montre

 12   une séquence où joue l'acteur connu Arnold Schwarzeneger.

 13   Il s'agissait donc de quelque chose sans pertinence.

 14   Mais je montre cela afin illustrer tout un tas de sujets sur lesquels la

 15   défense a dû se pencher. Bien sûr, en dépensant son énergie sur des

 16   éléments aussi peu importants que ceux-là, la défense a dû détourner son

 17   attention des choses plus importantes.

 18   Bien sûr, c'était l'exemple le plus dramatique.

 19   M. Le Président (interprétation): Mais quel est votre but, Maître

 20   Mikulicic? Souhaitez-vous vous plaindre du fait qu'il s'agissait là d'un

 21   procès difficile. Nous avons constaté nous-mêmes plusieurs fois que la

 22   quantité de documents que nous avions devant nous; nous a posé problème, à

 23   tout le monde. Et pareillement, si les documents n'avaient pas été

 24   divulgués à la défense certainement c'est la défense qui aurait été la

 25   première à se plaindre. Donc il est difficile de trouver la juste moyenne


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  1   entre les intérêts de la justice et du caractère rapide et équitable du

  2   procès.

  3   Mais pour le moment, encore une fois je vous appelle à consacrer le temps

  4   qui vous reste à l'analyse des moyens de preuve et des points juridiques

  5   relatifs à votre client.

  6   M. Robinson (interprétation): Maître Mikulicic, si vous souhaitez dire que

  7   le fait qu'il y a eu une telle quantité de documents, le résultat en était

  8   le fait que votre client n'a pas reçu un traitement équitable, il faudra

  9   que vous en parliez à un autre endroit devant une autre instance.

 10   M. Mikulicic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

 11   Juges, pour vos commentaires. Il y a deux raisons pour lesquelles je dis

 12   cela. Tout d'abord, j'ai montré cet exemple le plus dramatique pour faire

 13   comprendre à quel point il nous a été difficile dans notre tâche

 14   d'analyser tous les documents et j'espère que les Juges tiendront compte

 15   de cela.

 16   Deuxièmement, j'ai dit cela afin d'indiquer qu'à cause de ce déséquilibre,

 17   la défense s'est retrouvée dans une situation défavorable qui a provoqué

 18   et influencé le procès équitable qui devrait être garanti à la défense et

 19   le principe de l'égalité des armes entre les deux partis.

 20   Mais je ne vais plus traiter de ce sujet-là.

 21   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le conflit armé qui a eu lieu

 22   dans la région de Vitez et ses environs fait l'objet de ce procès. Ce

 23   conflit armé sans doute a été caractérisé par le Procureur en tant que

 24   conflit armé international. Nous contestons une telle caractérisation, une

 25   telle qualification. Nous considérons qu'il s'agit sans aucun doute d'un


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  1   conflit interne, d'un conflit local entre deux composantes armées de même

  2   force armée, à savoir l'armée de Bosnie-Herzégovine.

  3   Je souhaite attirer l'attention des Juges sur le fait que plusieurs

  4   documents ont été versés au dossier qui corroborent cette thèse-là.

  5   J'attire votre attention sur l'accord Petkovic-Kralilovic qui a été conclu

  6   en présence du représentant de la Forpronu, le général Morillon est le

  7   représentant de l'ECMM, (expurgé). Il s'agit de la pièce à

  8   conviction D24/1.

  9   Je souhaite également attirer l'attention sur l'accord, sur l'amitié

 10   conclue entre le Président de la Croatie M. Tudjam et le Président de la

 11   présidence de le Bosnie-Herzégovine, M. Izetbegovic, sous la cote D98/1.

 12   Ensuite, je souhaite également attirer votre attention sur la déclaration

 13   conjointe faite par les deux Présidents Messieurs Izetbegovic et Tudjman

 14   qui a été versée au dossier en tant que pièce à conviction D50/2.

 15   Tous ces documents dans leur contenu démontrent entre autres choses que le

 16   HVO fait partie intégrante des forces armées de l'armée de Bosnie-

 17   Herzégovine. Ces documents-là ont été signés par les Présidents des deux

 18   soi-disant parties en conflit.

 19   Conformément aux conventions de Genève de 1949, le conflit international,

 20   le conflit armé international, exige absolument qu'il y ait existence de

 21   conflit armé international entre deux ou plusieurs des parties au conflit

 22   concerné.

 23   En ce qui concerne la Bosnie centrale, concrètement parlant, quelle a été

 24   la cause des problèmes entre les Croates et les Musulmans? Il n'y en avait

 25   qu'une. C'était l'agression de l'armée de l'ex-Yougoslavie et de l'armée


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  1   de la Republika Srpska à l'encontre de la population de Bosnie-Herzégovine

  2   . Le résultat de cette agression a été le nettoyage ethnique et le flux

  3   des réfugiés qui ont fui les territoires occupés par la JNA et l'armée de

  4   la Republika Srpska et qui sont venus dans des territoires qui n'avaient

  5   pas été occupés, en provoquant un déséquilibre démographique dans une

  6   structure de la société qui jusqu'alors était différente du point de vue

  7   culturel, social et autres.

  8   Ceci a également créé les conditions pour faire croître à la fois la

  9   criminalité et les nouvelles tensions qui ont commencé à monter entre les

 10   deux peuples, à savoir entre les Musulmans et les Croates en Bosnie-

 11   Herzégovine.

 12   Je souhaite reparler maintenant de la question liée au conflit

 13   international. Contrairement à ce qu'affirme le Procureur, la défense

 14   maintient que le conflit armé international n'existait pas au moment des

 15   faits au moment invoqué dans l'Acte d'accusation. Il est important de se

 16   pencher sur l'Article 4-2 de la quatrième Convention de Genève où il est

 17   stipulé que les citoyens de l'Etat recouvert par la Convention ne sont pas

 18   protégés par la Convention s'ils se trouvent sur le territoire du pays

 19   contre lequel la guerre est en train d'être menée, si les rapports normaux

 20   diplomatiques continuent à exister entre les deux Etats. Un nombre de

 21   documents relatifs à cela ont déjà été versés au dossier.

 22   Mais je souhaite également attirer votre attention sur l'Article 2

 23   paragraphe 1 de la Convention de Genève de 1949 où il est stipulé que la

 24   guerre ne doit pas nécessairement être déclarée, mais ce qui est

 25   important, il y est dit également qu'au moins l'une des parties au conflit


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  1   international armé doit être consciente du caractère de ce conflit.

  2   Dans la pratique, ceci veut dire qu'à moins qu'il y ait des déclarations

  3   faites explicitement par un Etat qui indique qu'il considère qu'il se

  4   trouve dans une situation de conflit armé international, qu'il faut qu'il

  5   existe au moins d'autres signes indiquant cela. Par exemple, les rapports

  6   diplomatiques sont coupés, on procède à la saisie de la propriété de la

  7   partie opposée, on commence à expulser les citoyens appartenant à l'ethnie

  8   citée de l'autre partie au conflit. Rien de tout cela n'a été le cas en ce

  9   qui concerne les rapports entre la Croatie et la Bosnie. En ce qui

 10   concerne les rapports diplomatiques ils n'ont jamais cessé d'exister et

 11   existent encore aujourd'hui.

 12   En ce qui concerne les accords commerciaux qui avaient été conclu, ils

 13   n'ont pas été rompus et ils ont continué à être respectés. Aucun des camps

 14   n'a procédé aux expulsions des ressortissants de l'autre partie. Il n'y a

 15   pas eu de confiscation de la propriété des ressortissants de l'autre

 16   partie. C'est à cause de tout cela que la défense tire la conclusion

 17   qu'aucune des parties au conflit n'était consciente du fait qu'elle se

 18   trouvait dans le cadre d'un conflit armé.

 19   Pourquoi? Parce que ce conflit armé était de caractère extrêmement limité,

 20   extrêmement local.

 21   Compte tenu de ces circonstances, maintenant, il est temps de se poser la

 22   question de savoir comment a réagi l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

 23   M. Bennouna: Je m'excuse de vous interrompre un moment très bref. Je crois

 24   que la Chambre aurait besoin de votre part de savoir quel est le critère

 25   que vous utilisez pour dire qu'un conflit a un caractère international ou


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  1   non. Ce que vous nous avez décrit ici, c'est ce qu'on appelle une guerre

  2   de type classique entre deux Etats, un conflit de type classique, avec

  3   rupture des relations diplomatiques, etc. Très bien, mais il n'y a pas que

  4   cela. D'autant plus que les guerres de type classique se font, comme vous

  5   savez, de plus en plus rares: ce n'est plus comme dans le temps, d'abord

  6   parce que l'agression est devenue un acte illégal, interdit par la charte

  7   des Nations Unies, de même que le recours à la force.

  8   Il y a donc ce qu'on appelle des conflits internationalisés. Cela par d'un

  9   caractère interne et cela s'internationalise. Ce n'est pas de Jure mais de

 10   facto. Il faut en revenir à ce critère-là, au critère du conflit de

 11   caractère international, critère déposé par la jurisprudence, et nous le

 12   dire rapidement pour qu'on puisse vous suivre.

 13   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Juge, bien évidemment, je vais

 14   aborder ce sujet-là également, mais je souhaitais rappeler l'attention des

 15   Juges sur la situation de fait. Puisque chaque conclusion juridique,

 16   chaque opinion juridiquese base sur la réalité, sur la situation de fait,

 17   le droit n'est pas une fin en soit, mais se réalise lorsqu'il s'applique

 18   sur une situation concrète, sur la vie.

 19   M. Bennouna: Je vais vous dire quels sont les deux critères qui sont

 20   utilisés par la jurisprudence de ce Tribunal et la jurisprudence de la

 21   Chambre d'appel.

 22   C'est tout d'abord l'existence d'une intervention directe d'un Etat

 23   étranger, de troupes étrangères dans le territoire d'un autre Etat, qui

 24   est le sujet de troubles internes. Deuxièmement, c'est le fait qu'une des

 25   parties au conflit interne est sous le contrôle global d'un Etat étranger.


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  1   Voilà les deux critères que nous avons dans la jurisprudence.

  2   Si vous voulez contester l'internationalisation de ce conflit, vous

  3   devriez contester l'existence de ces deux critères ou la réalisation de

  4   ces deux tests, comme on dit, dans l'actuelle situation où les deux

  5   accusés ont été mêlés, dans le conflit qui a opposé l'entité croate, ou

  6   les Croates de Bosnie, aux Musulmans de Bosnie.

  7   M. Mikulicic (interprétation): Monsieur le Juge, dans notre mémoire, nous

  8   avons essayé d'aborder ce sujet-là dans la mesure du possible, compte tenu

  9   des circonstances. Lors de ma plaidoirie, j'essaie simplement de rappeler

 10   une série de faits en ce qui concerne lesquels je considère que les Juges

 11   devraient les prendre en considération, au moment de la prise de la

 12   décision, afin de savoir quelle est la qualification juridique qui doit

 13   être appliquée le moment venu dans l'affaire présente.

 14   Bien sûr, je suis conscient de la décision dans l'affaire Tadic, je suis

 15   conscient également du critère du contrôle global qui a été établi, je

 16   suis également conscient du fait que ceci, à partir de ce moment-là, a

 17   commencé à constituer une sorte de précédent dans le cadre du travail de

 18   ce Tribunal. Mais la défense conteste, oppose ce test-là également, non

 19   parce que nous considérons que le test en lui-même est erroné; au

 20   contraire, il est tout à fait applicable. Mais dans le cadre d'un certain

 21   nombre de procès concrets qui seraient tout à fait semblables, de manière

 22   intrinsèque, au procès Tadic.

 23   Mais, en ce qui concerne l'essentiel du conflit entre les Croates de

 24   Bosnie et les Musulmans de Bosnie, qu'il n'existe pas entre ce conflit-là

 25   suffisamment de points communs avec le conflit qui a eu lieu entre les


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  1   Musulmans de Bosnie et la JNA et les Serbes de Bosnie. Nous considérons

  2   que de grandes différences existent entre les deux cas. Nous avons

  3   d'ailleurs traité de cela en détail dans notre mémoire. Et nous

  4   considérons que le précédent de l'affaire Tadic ne peut pas être projeté

  5   pour ainsi dire dans le contexte de ce procès-là.

  6   Compte tenu d'une telle décision de la défense, j'invite les Juges de la

  7   Chambre de se pencher sur la situation de fait, spécifique, qui est

  8   valable dans l'affaire présente avant de décider si les critères établis

  9   par le biais du précédent Tadic peuvent être appliqués ou non.

 10   Je souhaite attirer l'attention de la Chambre sur la position officielle

 11   de la Bosnie-Herzégovine, reflétée par le biais de la lettre du BH aux

 12   Nations Unies, M. Muhamed Sacirbey qui, en parlant des conflits en Bosnie

 13   centrale, a dit qu'il s'agissait, à son avis, des conflits entre les

 14   leaders locaux qui ont été provoqués à cause de la situation difficile en

 15   matière de l'aide humanitaire, le manque d'armement, etc.

 16   Si un Etat, devant l'assemblée générale des Nations Unies, par le biais de

 17   son représentant officiel, articule d'une telle manière sa position sur un

 18   conflit armé qui se déroule au cœur de son territoire, je considère que,

 19   dans ce cas-là, cet Etat, concrètement l'Etat de Bosnie-Herzégovine, ne

 20   considère pas qu'il s'agit d'un conflit armé international.

 21   Maintenant je voudrais dire quelques mots au sujet de la détention.

 22   Bien entendu, dans notre mémoire en clôture, nous en avons parlé. Je ne

 23   souhaite pas répéter ce que nous avons indiqué dans ce mémoire mais je

 24   souhaiterais souligner un certain nombre de points importants. L'Acte

 25   d'accusation fait la liste des centres de détention Kaonik, le cinéma de


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  1   Vitez, la clinique vétérinaire de Vitez, les bureaux du SDK à Vitez, le

  2   club d'échecs de Vitez, ainsi que l'école primaire de Dubravica.

  3   Ces centres sont indiqués dans l'Acte d'accusation en disant qu'il

  4   s'agissait de centres où étaient internés des Musulmans de Bosnie. La

  5   défense souhaite dire la chose suivante à ce sujet. Ni la prison de Kaonik

  6   ni le centre vétérinaire de Vitez ni le club d'échecs de Vitez, l'immeuble

  7   du SDK de Vitez ou l'école primaire de Dubravica, aucun de ces lieux, sur

  8   la base des éléments présentés, aucun de ces lieux ne peut être rattaché à

  9   notre client, M. Cerkez, commandant de la Brigade de Vitez.

 10   Dans le cadre de cette affaire, on a présenté des éléments qui indiquent

 11   que, par exemple, la prison de Kaonik était sous la supervision du 4e

 12   Bataillon de la police militaire; ils ont également recruté des gardes

 13   pour cette prison et, dans le même temps, ils se trouvaient sous la

 14   compétence du Tribunal militaire de Travnik.

 15   (Pas d'interprétation)

 16   M. Bennouna: Excusez-moi Monsieur Mikulicic, j'avais un problème de

 17   traduction, en tout cas en français.

 18   L'interprète: Je vous prie de m'excuser, je n'avais pas branché le micro.

 19   Est-ce que cela va maintenant, Monsieur le Juge.

 20   M. Bennouna: Oui, merci.

 21   M. Mikulicic (interprétation): Des éléments de preuve existent au sujet de

 22   Vitez qui montrent que c'était un endroit où les membres de l'unité

 23   spéciale Vitezovi amenaient diverses personnes. La même remarque vaut pour

 24   le Bureau du SDK, le club d'échecs et l'école de Dubravica.

 25   Quant au bâtiment du cinéma de Vitez, chacun le connaît. Les Juges de


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  1   cette Chambre ont eu la possibilité d'entendre des témoins et de voir des

  2   documents stipulant ce fait et décrivant ce bâtiment. Il n'est contesté

  3   que ce bâtiment était le quartier général de la Brigade de Vitez et que M.

  4   Cerkez y avait son bureau au premier étage. Il n'est pas contesté non plus

  5   que la station de radio se trouvait dans ce même bâtiment ainsi qu'une

  6   cafétéria et le quartier général de plusieurs partis politiques, et même

  7   la station de télévision pendant quelque temps.

  8   Donc c'était un bâtiment qui abritait divers organismes si nous les

  9   appelons ainsi. Il n'est pas possible non plus de nier le fait que le 16

 10   avril 1993 la police militaire a commencé à amener des Musulmans de Bosnie

 11   dans le bâtiment de l'école, des personnes qui étaient toutes des hommes

 12   en âge de combattre.

 13   Un grand nombre de témoins ont dit devant cette Chambre de première

 14   instance, donc des gens qui étaient dans cette situation, qu'en général

 15   ces personnes étaient placées sous la garde de membres de la police

 16   militaire. Il ne fait aucun doute non plus que la police militaire a

 17   assuré la garde de ces personnes, le niveau de discipline ayant pu être

 18   variable ou en tout cas décrit de façon variable par les différents

 19   témoins, comme étant dans certains cas dur et dans d'autres cas un peu

 20   moins dur.

 21   Cependant, le Procureur affirme que la police militaire, ce que l'on a

 22   appelé ici la Brigade de la police militaire était sous le contrôle du

 23   commandant de la Brigade de Vitez à savoir notre client M. Cerkez. Nous

 24   n'admettons pas cette proposition. Nous affirmons que la Brigade de la

 25   police militaire à partir de la mi-avril et jusqu'à la fin, c'est-à-dire


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  1   jusqu'au mois de juillet de cette même année, n'était pas sous le

  2   commandement du commandant de la Brigade de Vitez.

  3   Je rappelle que nous avons soumis ici un grand nombre de documents et

  4   présenté des témoins qui permettent de tirer la conclusion que je viens de

  5   dire et je ne souhaite pas revenir en détail sur la question. Mais

  6   j'aimerais tout de même dire quelques mots d'un fondement, de l'éventuel

  7   fondement juridique qui permet de s'exprimer ainsi.

  8   Il est tout à fait clair que toute personne qui par la force est

  9   contrainte de perdre sa liberté, et donc le fait de priver quelqu'un de sa

 10   liberté est un acte inopportun, disons. Et très souvent d'ailleurs un acte

 11   illégal. Alors est-ce que c'était bien le cas dans la situation dont nous

 12   sommes en train de parler. Il appartient bien entendu aux Juges de se

 13   prononcer là-dessus. Mais il est de mon devoir de présenter la position de

 14   la défense sur ce point, et je vais m'efforcer de le faire.

 15   C'est un fait que le 16 avril, un conflit armé a éclaté entre les Croates

 16   et les Musulmans de Bosnie à Vitez. C'est un fait également que la ville

 17   de Vitez a été pilonnée et attaquée par l'armée de Bosnie-Herzégovine, et

 18   que dans le même temps, dans cette ville de Vitez qui a toujours toujours

 19   était peuplée par une population mixte, se sont trouvés un grand nombre de

 20   jeunes gens en âge de porter les armes. C'est également un fait que ces

 21   jeunes gens ont été dans leur grande majorité internés dans les centres

 22   dont il vient d'être question.

 23   Quel aurait pu être le fondement juridique expliquant un tel internement?

 24   Dans cette Chambre de première instance, j'aimerais rappeler deux affaires

 25   que je vous suggère de bien vouloir réexaminer en tant que source


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  1   intéressante d'enseignement. Par exemple, il s'agit de l'affaire Korematsu

  2   de 1943 contre les Etats-Unis et de l'affaire Hirabashi contre les Etats-

  3   Unis jugée en 1994.

  4   L'affaire Korematsu contre les Etats-Unis a été justifiée par

  5   l'internement sur la côte ouest des Etats-Unis des citoyens américains

  6   d'origine japonaise en 1942. A ce moment-là, les Etats-Unis étaient en

  7   guerre avec le Japon. Mais indépendamment du fait qu'aucune des opérations

  8   liées à cette guerre ne s'est déroulée sur les rives de la Californie, le

  9   commandant militaire de la côte Ouest des Etats-Unis a tout de même émis

 10   un ordre selon lequel les citoyens américains d'origine japonaise devaient

 11   être internés dans divers lieux prévus à cette fin à ce moment-là. C'est

 12   donc ce qui s'est passé.

 13   Mais je tiens à vous rappeler qu'aucune opération militaire, je le répète,

 14   ne s'est déroulée ni sur la côte californienne, ni même aux abords de

 15   cette côte.

 16   Alors que s'est-il passé par la suite? A la fin de la guerre, quand le

 17   danger de guerre a disparu, M. Korematsu a porté plainte contre les Etats-

 18   Unis. Je ne vais pas rentrer dans les détails. Sa plainte a été rejetée au

 19   motif que le fait de fermer les Etats-Unis aux citoyens américains

 20   d'origine japonaise n'était pas un acte discriminatoire mais un acte

 21   motivé par des considérations de sécurité.

 22   Comment cela? Eh bien, la sécurité des Etats-Unis était censée devoir être

 23   protégée contre des actes éventuels de cette population d'origine

 24   japonaise, actes de sabotage ou d'espionnage ou actes dirigés contre

 25   certains bâtiments d'intérêt national, etc. Y compris plus tard le congrès


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  1   des Etats-Unis, la Cour suprême des Etats-Unis, ont confirmé cette thèse

  2   juridique, cette opinion juridique.

  3   Qu'est-ce que tout cela nous permet de comprendre? Quelle est la

  4   conclusion que nous pouvons tirer de tout cela? La défense tire de tout

  5   cela la conclusion que dans des circonstances déterminées, à savoir, des

  6   circonstances de guerre et sans le moindre doute, une des parties au

  7   conflit peut dans certaines circonstances de façon temporaire, pendant une

  8   période brève et sans violer la légalité, placer en détention un certain

  9   nombre de membres de la population en âge de combattre qui pourraient

 10   donner lieu à des craintes d'actions d'espionnage ou d'actions

 11   subversives.

 12   Que s'est-il passé à Vitez? Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à

 13   recueillir le moindre élément de preuve. Notamment nous ne sommes parvenus

 14   à recueillir aucun ordre écrit dans lequel aurait figuré l'ordre de placer

 15   des personnes en détention. Donc sur le plan de jure, la situation à Vitez

 16   est restée assez peu claire pour ce Tribunal dans le cadre de ce procès.

 17   Mais de facto les choses sont tout à fait claires et ce qui s'est passé à

 18   Vitez correspond tout à fait à ce qui vient d'être dit.

 19   Il appartient donc à cette Chambre de première instance d'apprécier le

 20   caractère légal ou illégal d'un tel comportement.

 21   En ce qui nous concerne, du côté de la défense nous affirmons que cet

 22   internement de brève durée n'a été motivé que par des considération de

 23   sécurité. J'ajouterai d'ailleurs autre chose. Sans nous inspirer du

 24   principe "Tu quoque" mais en utilisant ce principe à titre illustratif, je

 25   rappellerai que l'on a pu constater une situation identique de l'autre


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  1   côté, dans le camp de l'autre partie au conflit, à savoir les Musulmans de

  2   Bosnie.

  3   Les Croates de Bosnie, dans les zones affectées par les combats ont

  4   également été placés en détention et internés de façon temporaire. Nous

  5   avons entendu un témoin qui a déclaré avoir demandé aux Croates de

  6   s'expliquer sur sa mise en détention et avoir entendu pour seule réponse

  7   que cette mise en détention avait été justifiée par des considérations de

  8   sécurité.

  9   Si nous examinons la région de la Bosnie centrale et que nous la

 10   considérons comme le théâtre d'un conflit armé entre deux parties

 11   opposées, nous constatons que de facto les événements se sont déroulés un

 12   petit peu comme sur les deux faces d'un miroir. Pourquoi? Eh bien parce

 13   que il ne s'agissait pas de deux mondes complètement différents. Il

 14   s'agissait en un mot d'un seul et même monde, c'est-à-dire de personnes

 15   qui ont vécu pendant des années et des dizaines d'années dans les mêmes

 16   circonstances politiques et historiques, qui ont partagé un territoire,

 17   qui ont coopéré l'une avec l'autre, qui ont noué des amitiés, se sont

 18   mariés les uns avec les autres et ont créé toutes sortes de relations tout

 19   à fait naturelles les uns avec les autres quelle que soit leur religion ou

 20   leur origine ethnique.

 21   Donc de facto, ces personnes partagent le même patrimoine historique et

 22   ont vécu de façon assez comparable.

 23   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on peut d'ailleurs appliquer

 24   un peu la même démarche mentale pour parler d'un autre élément qui a été

 25   évoqué au cours de ce procès, à savoir le travail forcé. Je vais à présent


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  1   en dire quelques mots même si la défense rejette toute association de

  2   notre client à une quelconque contrainte de travail appliqué à des

  3   personnes.

  4   Je voudrais tout de même, et nous en traitons abondamment dans notre

  5   mémoire en clôture, appeler l'attention des Juges de cette Chambre sur un

  6   certain nombre de bases qui devraient être prises en compte par les Juges

  7   du point de vue de la défense de M. Cerkez.

  8   Je parlerai d'abord de l'article de droit commun des Conventions de Genève

  9   de 1949, je parlerai également du protocole additionnel 2 de 1997 à ces

 10   conventions. Je parlerai de la législation nationale qui régissait

 11   l'obligation de travail dans l'ex-Yougoslavie et notamment dans la

 12   République de Bosnie-Herzégovine en tant que l'une des républiques

 13   constituant cet Etat.

 14   Le travail forcé n'est pas interdit par les Conventions de Genève pas plus

 15   que par le protocole additionnel.

 16   Il est autorisé dans certaines circonstances et quelles sont-elles au

 17   cours d'un conflit interne?

 18   Alors première circonstance, il faut que les personnes qui se chargent de

 19   ce travail obligatoire accomplissent ce travail dans les mêmes conditions

 20   que la population locale. Et lorsqu'on parle de population locale, on

 21   pense bien sûr avant tout à une population locale n'appartenant pas à la

 22   partie opposée au conflit. C'est tout à fait cela que nous avons vu se

 23   dérouler dans les circonstances dont nous parlons.

 24   Un grand nombre de témoins sont venus s'exprimer ici, des Croates, des

 25   Musulmans, des Serbes donc des représentants de toute la population de


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  1   Vitez et des environs de Vitez qui ont décrit dans le détail la façon dont

  2   ils ont été recrutés pour effectuer ce travail obligatoire, de quelle

  3   façon ce travail obligatoire a été accompli et quel en était l'objet.

  4   La législation nationale de l'ex Yougoslavie, qui a été reprise comme

  5   législation nationale de la Bosnie-Herzégovine après la déclaration de

  6   l'indépendance, prévoit qu'en cas de danger imminent de guerre, c'est-à-

  7   dire au moment où une guerre éclate, l'armée au sens large du terme peut

  8   de façon légitime faire ce qu'il convient de faire pour construire des

  9   forteresse, des fortifications militaires, creuser des tranchées etc, et

 10   qu'à cette fin elle peut donc recruter un certain nombre de personnes

 11   selon ses besoins.

 12   M. Halid Genjac a fait partie des témoins en réplique qui ont parlé à la

 13   barre de ce prétoire. C'était un membre de la présidence de la République

 14   de Bosnie-Herzégovine. Il a remplacé l'ancien Président de la présidence,

 15   donc celui qui l'a précédé à ce poste M. Alija Izetbegovic et il est le

 16   futur Président de la présidence.

 17   Il ne fait aucun doute que c'était donc l'un des personnages de plus haut

 18   rang parmi les responsables politiques de la République de Bosnie-

 19   Herzégovine et également un témoin tout à fait capital pour parler des

 20   événements survenus dans cette période critique.

 21   M. Genjac s'est vu soumettre un pièce à conviction, bulletin d'information

 22   militaire, qui a été versée au dossier de ce procès sous la cote D354/1 et

 23   où on lit que l'armée de Bosnie-Herzégovine a utilisé des Croates de

 24   Bosnie pour creuser des tranchées.

 25   On a demandé au témoin de commenter ce fait et il l'a fait. Il l'a fait en


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  1   disant que bien entendu tout cela était vrai, mais que si des hommes on

  2   été utilisés pour creuser des tranchées, ce n'était pas à des fins

  3   criminelles ou pour commettre un acte répréhensible selon le droit mais

  4   qu'il s'agissait d'hommes en âge de combattre qui avaient été mobilisés

  5   pour participer à l'action d'unités armées.

  6   Donc les uns étaient versés dans les formations militaires pour participer

  7   au combat et les autres étaient envoyés étaient envoyés en certains lieux

  8   pour creuser des tranchées. Rien de discriminatoire dans une telle

  9   décision. Bien sûr, il convenait avant de diriger ces hommes dans un sens

 10   ou dans l'autre d'évaluer leurs aptitudes.

 11   Mais en tout cas nous voyons que responsables politiques de l'époque et

 12   d'aujourd'hui s'entendent pour interpréter la chose de la même façon.

 13   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, indépendamment de la thèse de

 14   M. Nice que nous avons entendue hier, la défense aimerait en allant plus

 15   loin donc que les éléments prima facie, la défense aimerait mettre

 16   l'accent sur trois points importants.

 17   Le colonel Bob Stewart a témoigné devant cette Chambre en tant que témoin

 18   de l'accusation le 17 janvier de cette année. Il était colonel, commandant

 19   du 1e Bataillon du régiment du Cheshire stationné à Vitez du 22 août 1992

 20   jusqu'au 11 mai 1993. Dans cette période donc le colonel Stewart était le

 21   n° 1 de la Forpronu et il était le n° 1 de la Forpronu sur le terrain.

 22   C'est un témoin dont la crédibilité ne fait absolument aucun doute et dans

 23   les circonstances, dans des circonstances déterminées, c'est certainement

 24   un homme qui s'informe autant qu'il lui est possible de le faire. Il est

 25   par ailleurs l'auteur de l'ouvrage intitulé "Broken Lives" des "Vie


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  1   brisées" qui décrit l'expérience acquise par lui sur le terrain dans la

  2   période qui nous intéresse.

  3   J'appelle l'attention des Juges de cette Chambre sur le fait que cet

  4   ouvrage comporte au total 327 pages et le nom de Mario Cerkez est

  5   mentionné six fois. Dans cet ouvrage il est mentionné dans quinze lignes

  6   au total et pas la moindre référence n'est faite aux traits particuliers

  7   de sa personnalité ou à la façon précise dont il se comportait sur le plan

  8   personnel.

  9   Alors qu'elle est la conclusion que l'on peut tirer de ce fait? Eh bien,

 10   il est permis d'en tirer la conclusion que le colonel Stewart ne

 11   considérait pas M. Cerkez comme une figure publique importante sur le

 12   territoire de Vitez Ceci est confirmé également par son témoignage devant

 13   ce Tribunal.

 14   C'est M. Nice qui a interrogé ce témoin pendant deux heures à peu près et

 15   mettre M. Sayers a ensuite procédé au contre-interrogatoire. Me Sayers

 16   s'est présenté au colonel Stewart en disant qu'il assurait la défense de

 17   M. Kordic et puis il s'est tourné vers nous en disant: "Quant à la défense

 18   de M. Cerkez, elle est assurée par Me Kovacic votre serviteur."

 19   La réaction du colonel Stewart qui était assis ici sur la chaise des

 20   témoins a consisté a prendre un air étonné en disant: "Pourquoi, est-ce

 21   que M. Cerkez est ici dans ce prétoire?" Autrement dit, après avoir passé

 22   deux heures dans le prétoire, il n'était même pas conscient du fait que M.

 23   Cerkez était dans le prétoire.

 24   Or, ce qui est jugé ici c'est une série d'évènements qui sont survenus

 25   dans la vallée de la Lavsa en Bosnie centrale et à Ahmici avant tout. Donc


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  1   ce fait au yeux de la défense est un fait très parlant, très intéressant.

  2   J'aurais un autre point à souligner: le 13 octobre de l'année dernière, un

  3   autre témoin de l'accusation M. Rebicic a été entendu dans ce prétoire. En

  4   quelques mots, je vous rappellerai que M. Rebicic appartenait au 3e Corps

  5   d'armée de Bosnie-Herzégovine stationné à Vitez et qu'il en était le

  6   responsable n° 1 pour le service de sécurité.

  7   Dans une telle fonction, il est tout à fait indispensable d'avoir des

  8   informations précises au sujet d'éventuels crimes commis dans la zone de

  9   responsabilité et au sujet des auteurs de ces crimes, s'ils ont eu lieu.

 10   Et de façon générale au sujet des événements survenus dans la région.

 11   Accomplissant les tâches qui étaient les siennes, ce témoin le 2 juin 1993

 12   a établi une liste qui rend compte, qui énumère les suspects de crimes de

 13   guerre. Lui-même a employé le mot de "génocide", crime de guerre donc

 14   commis sur le territoire de Vitez.

 15   Dans cette liste, dans ce document des services de sécurité du 3e Corps

 16   d'armée de Bosnie-Herzégovine à Zenica et portant la cote Z1009.1, nous

 17   voyons la liste de vingt suspects originaires de Vitez.

 18   Mario Cerkez ne figure pas dans cette liste. Son nom n'est donc pas

 19   mentionné dans ce document. Mais peut-être M. Rebicic a-t-il simplement

 20   oublié de mentionner le nom de M. Cerkez.

 21   Cela dit, huit jours plus tard, il dresse une nouvelle liste, une autre

 22   liste qui est censée venir en complément de la première liste établie par

 23   lui. Dans cette nouvelle liste, il mentionne vingt nouveaux noms de

 24   suspects.

 25   Là encore, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on ne trouve pas le


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  1   nom de M Cerkez.

  2   La défense estime que ceci, encore une fois, est un élément très parlant

  3   car ce témoin qui était membre du 3e Corps d'armée de Bosnie-Herzégovine

  4   et responsable du renseignement au sein de ce Corps d'armée, basé à Vitez,

  5   envoie un rapport au secteur chargé du renseignement dans la zone de

  6   responsabilité de Vitez, et le nom de M. Cerkez ne figure pas sur cette

  7   liste.

  8   Troisième élément que la défense considère comme très intéressant. Je

  9   parlerai du document qui porte la cote Z1406.1. Je rappellerai aux Juges

 10   de cette Chambre que ce document émane du HIS, service de sécurité suprême

 11   de la République de Croatie. Il est daté du 21 mars 1994, il a été écrit

 12   par le chef des services de sécurité pour être envoyé au Président de la

 13   République de Croatie, M. Miroslav Tudjman.

 14   Ce document signale, je cite: "Il est permis de dire avec certitude que

 15   Mario Cerkez n'a pas participé au massacre du village d'Ahmici et n'a

 16   participé à aucun des événements survenus dans ce secteur". Fin de

 17   citation.

 18   Donc les trois faits que je viens de mentionner sont aux yeux de la

 19   défense tout à fait fondamentaux. Ils montrent à eux seuls que M. Mario

 20   Cerkez n'était pas un criminel de guerre car il n'en n'avait pas la

 21   possibilité. Le colonel Stewart, rappelons-le, ne l'a pas considéré comme

 22   un personnage important dans la région et les rapports envoyés au service

 23   de sécurité suprême ne le mentionnent pas non plus.

 24   Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Mario Cerkez est

 25   assis ici devant vous, sur le siège de l'accusé.


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  1   Je crois que trois circonstances doivent être rappelées à ce stade de mon

  2   intervention. D'abord, que le jour du 16 avril 1993, dans le village

  3   d'Ahmici, sur le territoire de Vitez, un crime atroce a été commis contre

  4   la population civile. Deuxièmement, que M. Mario Cerkez commandait à

  5   l'époque la brigade locale du HVO, qui était tout de même la formation

  6   militaire la plus nombreuse existant sur ce territoire, même si sa

  7   structuration n'était pas encore achevée. Et troisième point qu'il

  8   convient de rappeler, c'est qu'en juillet 1995, le commandant de l'unité

  9   spéciale des Vitezovi, Darko Kraljevic, a trouvé la mort.

 10   Pour être complet, il faut dire qu'au mois de juillet 1995, la préparation

 11   du premier Acte d'accusation dressé pour l'affaire qui nous intéresse ici

 12   était en voie d'achèvement puisque ce premier Acte d'accusation est paru

 13   le 2 novembre 1995. A en juger par les premières déclarations des témoins

 14   potentiels, communiquées à la défense par l'accusation, il ressort que le

 15   premier fauteur de troubles sur le territoire de Vitez était à l'époque

 16   Darko Kraljevic. Mais une fois que celui-ci a trouvé la mort, l'enquête

 17   s'est détournée ou plutôt s'est réorientée vers le commandant de la

 18   brigade de Vitez, M. Cerkez.

 19   Et ce, en partie en raison d'une espèce de malentendu ou en tout cas d'une

 20   fausse interprétation ou de l'impression qu'il y avait une similitude,

 21   tout à fait erronée, entre les Vitezovi et les membres de la Viteska,

 22   c'est-à-dire les membres de l'unité des Vitezovi, d'une part, et les

 23   membres de la Brigade de Vitez, d'autre part.

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la défense estime sincèrement

 25   que M. Cerkez ne devrait pas se trouver ici aujourd'hui, assis sur la


Page 28489

  1   chaise des accusés et que la pièce à conviction Z1406.1, qui est ce

  2   rapport au sujet du massacre d'Ahmici, établie un an et demi avant la

  3   parution du premier Acte d'accusation de la présente affaire, n'aurait pas

  4   dû être associée de quelque façon que ce soit à cet homme.

  5   Monsieur Tudjman, le responsable des services de renseignement croates, a

  6   signé ce rapport. Il l'a transporté trois mois sur lui et il a rencontré

  7   M. Cerkez.

  8   M. le Président (interprétation): Maître Mikulicic, je l'ai déjà dit à Me

  9   Naumovski et je vous le répète: ce qu'on attend de vous dans la présente

 10   affaire, c'est de parler des éléments de preuve présentés au cours du

 11   procès plutôt que de créer des éléments de preuve vous-même.

 12   Quelles que soient les raisons qui ont pu motiver le Procureur dans cette

 13   affaire, ce qui est la réalité, c'est que nous sommes en train de

 14   participer à un procès et que la Chambre de première instance est appelée

 15   à se prononcer sur les éléments de preuve qui lui ont été soumis.

 16   Peut-être serait-il bon que je vous rappelle qu'il vous reste dix minutes

 17   et que vous êtes invité à vous occuper des éléments de preuve.

 18   M. Mikulicic (interprétation): Bien sûr, Monsieur le Président, j'accepte

 19   vos commentaires.

 20   M. Nice (interprétation): Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

 21   Président, mais j'espère que vous n'avez pas oublié nous avons vingt

 22   minutes après Me Mikulicic.

 23   M. le Président (interprétation): Rassurez-vous, je ne l'ai pas oublié.

 24   M. Mikulicic (interprétation): Je vais terminer. J'ai presque terminé,

 25   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.


Page 28490

  1   Voilà ce que je souhaite ajouter pour finir. Ce rapport a été caché de la

  2   vue de notre client, de ce Tribunal, de la défense et de toutes les

  3   parties ici, alors qu'il s'agit visiblement d'un document à décharge.

  4   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, d'après la position de la

  5   défense, c'est seulement un jugement qui disculperait notre client, M.

  6   Cerkez, qui pourrait le satisfaire puisqu'il est venu, à l'écoute de sa

  7   propre conscience et de son propre gré, se rendre devant ce Tribunal.

  8   Depuis trois ans, patiemment, il est en détention et il attend le jugement

  9   de ce Tribunal. Je vous remercie.

 10   M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, il est 15 heures moins 5,

 11   mais nous allons devoir faire une pause. De combien de temps avez-vous

 12   besoin?

 13   M. Nice (interprétation): En fait, je vais avoir besoin de vingt minutes,

 14   puisque j'ai bien respecté le temps qui m'était imparti jusqu'à présent,

 15   mais je ne pense pas avoir besoin de plus de temps.

 16   Je crois que la défense de Kordic a eu droit à cinq minutes également.

 17   M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause de cinq

 18   minutes maintenant.

 19   (L'audience, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 4.)

 20   M. Le Président (interprétation): Monsieur Nice c'est à vous.

 21   (Réplique du Procureur.)

 22   M. Nice (interprétation): Je vais être aussi succinct que possible.

 23   Puisque ceci a été mentionné publiquement, et uniquement pour cette

 24   raison, je souhaiterais dire la chose suivante au sujet de ce qu'a dit Me

 25   Mikulicic en ce qui concerne les rapports des services secrets qui ont été


Page 28491

  1   communiqués comme cela a été confirmé par Me Kovacic aussi bien à la

  2   défense qu'à l'accusation en raison de son contenu. Ce document a été

  3   communiqué aux deux parties en même temps et du fait de son contenu

  4   l'accusation l'a présenté aux premiers témoins disponibles.

  5   Je vous prie de m'excuser.

  6   L'accusation l'a pris aux premiers témoins disponibles et avancé que

  7   quiconque a essayé de procéder à une rétention d'informations, à

  8   l'exception, bien entendu de l'Etat de Croatie. Ceci est totalement

  9   inacceptable.

 10   Maintenant je souhaiterais aborder un certain nombre de points brièvement.

 11   La référence à l'absence ou à la présence de témoins oculaires tels que AO

 12   ainsi qu'un autre témoin: se concentrer sur ces faits revient à omettre le

 13   fait que si on s'en rapporte au paragraphe 6 du mémoire préalable au

 14   procès, on peut déduire un certain nombre de choses du contexte, dont on

 15   peut déduire qu'il y a eu participation.

 16   C'était notre thèse, c'est notre thèse telle qu'elle se présentait au

 17   début et c'est la façon dont notre thèse a continué à se présenter

 18   jusqu'au bout, maintenant sans le témoin AO. Et c'était également l'état

 19   de la thèse de l'accusation au moment de décision prise suite à la fin de

 20   la présentation des éléments à charge. Au paragraphe 32 de cette décision,

 21   il est stipulé que sur la base des critères applicables à ce moment-là, la

 22   Chambre estime qu'il y a des éléments de preuve substantiels quant au rôle

 23   de l'accusé Kordic au niveau du gouvernement, et du contrôle de la HZ-HB

 24   et de la HR-HB.

 25   Je dis ceci pour la raison suivante: suite aux argumentations qui ont été


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  1   présentées, le fait qu'il y ait maintenant des documents supplémentaires,

  2   des éléments de preuve supplémentaires, documentaires ou non, dans

  3   certains domaines ne modifie pas les critères appliqués dans d'autres

  4   domaines. Cela ne signifie pas qu'il faille essayer de trouver d'autres

  5   éléments de preuve à l'appui d'autres parties de l'affaire.

  6   Je pense que nous avons suffisamment prouvé notre thèse, notre cause et

  7   ceci aurait été le cas même sans les documents et les témoins

  8   supplémentaires qui ont été disponibles. Ils se sont contentés de

  9   renforcer notre thèse.

 10   M. Bennouna: Maître Nice que tirez-vous comme conclusion en soi du fait

 11   quand vous dites: "that there is a substantial evidence of the role of the

 12   accused Kordic in the overall government and control of HZ-HB and HR-HB."

 13   Quelle conclusion en tirez-vous?

 14   M. Nice (interprétation): Monsieur le Juge, je ne tirerai pas de ce point

 15   une conclusion en tant que telle. Mais ce que je faisais, je pense que

 16   c'était approprié. Ce je faisais c'était de rappeler à la Chambre que les

 17   éléments de preuves sans témoins oculaires ont toujours été suffisants

 18   dans le cadre de notre affaire. Je ne vais pas plus loin.

 19   Mais ceci souligne le danger qui consiste à estimer que les éléments de

 20   preuve présentés par des témoins oculaires doivent inciter à modifier les

 21   critères appliqués dans l'ensemble de l'affaire. C'est tout ce que je

 22   voulais dire et je ne souhaite pas aller plus loin à ce sujet.

 23   Autre chose, quant à savoir s'il faut tirer des conclusions significatives

 24   du fait que la totalité de la Bosnie centrale a été mentionnée dans l'Acte

 25   d'accusation, ceci on y a répondu de façon tout à fait convaincante dans


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  1   une décision qui a été prise par la Chambre d'appel à ce sujet.

  2   Ensuite, la qualification par Me Smith de l'acte de persécution avec ces

  3   trois piliers ne correspond pas du tout à notre vision de la chose.

  4   Page 142, paragraphe 436 de notre mémoire en clôture: "Nous avons ici

  5   affaire à un plan de persécution de la population de Bosnie centrale ceci

  6   aux fins de remplir ou d'accomplir des ambitions territoriales et

  7   politiques de la HZ-HB et ceci en privant une certaine partie de la

  8   population de ses droits les plus fondamentaux."

  9   En gardant ceci à l'esprit, je voudrais me consacrer rapidement à l'une

 10   des interventions de M. le Juge Robinson au cours des argumentations.

 11   M. le Juge Robinson a parlé d'une tendance qui consistait à déduire, à

 12   conclure qu'il y avait persécution à partir d'un certain nombre de crimes.

 13   C'est une tendance que l'on constate au sein du Tribunal.

 14   Je dois dire que si effectivement il y a une tendance, elle répond bien

 15   entendu, à l'administration de la justice, mais ce qui doit se passer en

 16   l'espèce d'après nous c'est qu'il ne faut déduire la persécution à partir

 17   d'un crime individuel ou même d'une série de crimes, mais il faut déduire

 18   cette persécution d'un système d'événements.

 19   C'est pourquoi, eh bien que je sache que cela soit une tâche

 20   qu'extrêmement difficile et parfois pénible, c'est pourquoi nous demandons

 21   respectueusement à la Chambre, dans le cadre de ces délibérations de se

 22   référer parfois à nos annexes. Notamment à l'Annexe 11 ainsi qu'aux autres

 23   outils dont dispose la Chambre de première instance. La Chambre pourra

 24   ainsi voir dans ces documents que l'on a examiné, étudié un certain nombre

 25   périodes de façon chronologique. Si par exemple vous étudiez quelques


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  1   pages de l'Anexe 11, vous pourrez voir quels ont été les éléments dans

  2   différentes municipalités, les propos de l'accusé.

  3   Ceci met en lumière le caractère systématique des événements. Et de cela

  4   on doit, on peut, nous l'estimons, déduire qu'il y a eu persécution. Bien

  5   entendu il y a eu évolution dans cette persécution entre le début et la

  6   fin où on a vu des actes de violence extrêmement atroce.

  7   Ensuite dans le cadre des argumentations présentées par la défense de M.

  8   Kordic, à trois reprises, je crois, on a fait référence au terme ad hoc.

  9   On a parlé d'artillerie ad hoc, on a parlé d'atrocités ad hoc. Tout ceci

 10   en parlant d'un dirigeant politique régional qui prenait des actions ad

 11   hoc comme c'est le cas pour des dirigeants politiques régionaux.

 12   Moi, malheureusement je ne comprends pas très bien ce que cela signifie,

 13   l'utilisation ad hoc de l'artillerie ou les massacres ad hoc. Il se peut

 14   que la Chambre accepte cette argumentation une fois que l'on biffe le mot

 15   ad hoc. Et qu'en effet ici vous aviez des dirigeants politiques régionaux

 16   qui se rendaient coupables d'atrocités et qui utilisaient l'artillerie,

 17   qui avaient recours à l'artillerie.

 18   Même problème ou problème similaire dans les argumentations des accusés,

 19   du côté de Cerkez. Puisqu'on nous dit qu'il ignorait ce qui s'était passé

 20   à Ahmici et qu'il ignorait également quelle était la composition de sa

 21   Brigade. Je pense à Bralo notamment.

 22   D'autre part apparemment, il ignorait qu'on faisait appel à son unité pour

 23   détenir des prisonniers. Mais prétendre ainsi l'ignorance de ces trois

 24   façons ce n'est pas crédible.

 25   Maintenant je vais passer à des questions que nous abordons, bien entendu,


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  1   dans notre mémoire en clôture. Des questions ont été abordées dans les

  2   argumentations orales. Il s'agit notamment du rôle de Kordic en ce qui

  3   concerne les affaires militaires. On a parlé de Boban. Boban, bien

  4   entendu, est décédé. Il n'y a aucun élément qui a été présenté devant

  5   cette Chambre et qui indique que Boban ait délivré des ordres au quotidien

  6   et qu'il ait contrôlé des événements qui se sont déroulés dans la vallée.

  7   Il n'y a personne d'autre à l'exception de Boban ou entre Boban et Kordic

  8   qui nous a été présenté comme étant le détenteur du pouvoir actif dans la

  9   région, et auquel un homme politique régional se serait référé pour agir.

 10   En fait, la Chambre se souviendra que ce qui s'est passé dans la période

 11   qui nous intéresse est reflété dans la pièce 1134, non pas en ce qui

 12   concerne l'accusé lui-même mais en ce qui concerne la police militaire. Ce

 13   qui s'est passé c'est la chose suivante, on peut le voir dans les

 14   documents. Ce que je vais dire concerne la période de janvier à juin 1993,

 15   je cite: "Du fait de l'isolation de la zone opérationnelle de Bosnie

 16   centrale les contacts entre la police militaire de Mostar et le 4e

 17   Bataillon n'ont été possible que par communication radio, ou

 18   communications de ce type. Tous les pouvoirs du chef de la police

 19   militaire dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale ont été

 20   transférés à l'adjoint du chef de la zone opérationnelle, Ljubicic. Fin de

 21   citation.

 22   Nous vous invitons à conclure, Messieurs les Juges, que ce même transfert

 23   de pouvoir a été appliqué en ce qui concerne M. Kordic. Vous vous

 24   souviendrez du tableau qui montre tous les titres qui ont été ceux de M.

 25   Kordic, qui montre qu'il a été vice-Président pendant les périodes qui


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  1   nous intéressent. Ceci est surligné en jaune.

  2   D'autre part, je peux également vous montrer une lettre en date du 7

  3   décembre 1993, lettre de Kordic à Boban. Ceci concerne une période

  4   ultérieure. 343/1, intercalaire n° 18, où il dit, je cite: "Nous nous

  5   sommes donnés le droit de nous appeler les représentants officiels de la

  6   Bosnie du bureau du Président. Et nous vous demandons vos instructions."

  7   Fin de citation.

  8   Pièce suivante D356/1, intercalaire n° 39 du 15 juillet. On voit que le

  9   bureau de la présidence a été déplacé et on voit que le nom de la personne

 10   qui figure sur ce document est Dario Kordic. Le premier témoin de la

 11   Chambre a peut-être accidentellement confirmé ceci lorsqu'il a déclaré que

 12   Kordic était un homme politique en Bosnie centrale qui, d'après le témoin,

 13   s'imposait politiquement à ses collègues et qui a fini par devenir

 14   l'adjoint au Président de la communauté croate.

 15   Le témoin a dit que Kordic se trouvait peut-être au-dessus des autres

 16   hommes politiques.

 17   Et nous avançons que tout ceci montre qu'il avait des pouvoirs exécutifs

 18   et que tous les arguments qui vont dans le sens contraire sont sans

 19   valeur.

 20   Maintenant, je voudrais passer brièvement à un document du 22 septembre.

 21   Il a été avancé, je ne suis pas très sûr de l'argumentation présentée mais

 22   en tout cas, on nous a cité un document et nous allons l'examiner ce

 23   document cité par Me Smith, document relatif à M. Kordic. Il s'agit du

 24   document 141.1, intercalaire 9.

 25   Donc, le premier passage relatif à la coopération, les deux


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  1   autres passages n'ont pas été lus. On peut y lire notamment: "Le peuple

  2   croate ne reconnaît pas les représentants croates dans le gouvernement de

  3   Bosnie-Herzégovine." Ensuite on parle du blason, de l'emblème du drapeau,

  4   etc. Merci.

  5   Donc 22 septembre 1992, il s'agit là d'un des nombreux documents

  6   qui sont Orelatifs à Kordic, vice-Président du HVO. Il s'agit, je pense,

  7   du document auquel pensait M. le Président, en parlant des diverses

  8   municipalités car c'est le document qui indique quels sont les progrès

  9   effectués à ce moment-là, en ce qui concerne la prise de contrôle par le

 10   HVO.

 11   Il vaut donc la peine de relire ce document car ce document

 12   montre exactement ce qu'il s'est passé et montre qu'il faut étudier ce

 13   qu'il s'est passé dans le contexte et en sachant que l'objectif était de

 14   prendre le contrôle de toutes les municipalités qui les intéressaient.

 15   Sur le même point, je donnerai la référence plus tard car le

 16   temps m'est compté, donc document du 8 avril, 624.1, donc quelques jours

 17   seulement avant Ahmici. Cest un document que l'on doit examiner dans le

 18   même contexte. Un passage de ce document intéressant, je cite: "Il est

 19   nécessaire d'accélérer la mise en place de l'autorité du HVO dans toutes

 20   les municipalités et d'informer chaque mois le bureau du HVO à Travnik par

 21   écrit, etc., etc."

 22   Ensuite, on peut lire: "Les autorités militaires doivent travailler le

 23   plus possible au renforcement de l'organisation militaire." Fin de

 24   citation. Tout ceci correspond à une méthode, un système que la Chambre

 25   connaît bien.


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  1   Avant de passer à l'allégation selon laquelle Kordic était personnellement

  2   intéressé à la coopération, son absence des accords de cessez-le-feu

  3   s'explique sans doute car ce genre d'activité ne l'intéressait pas. Le

  4   général de brigade Cordy-Simpson nous a dit lors d'une réunion: "Kordic a

  5   fait une demande si peu réaliste qu'il était impossible qu'elle soit

  6   acceptée."

  7   Mais la Chambre de première instance pourra trouver des éléments à l'appui

  8   du fait que la coopération était quelque chose qui ne l'intéressait pas.

  9   On peut le trouver dans des paroles qu'il a prononcées lui-même. Je pense

 10   à la cassette que nous avons écoutée qui est très intéressante surtout en

 11   ce qui concerne la première transcription. Mais il y a d'autres documents

 12   qui vont dans ce sens qu'il est difficile de prendre en compte car cela

 13   prend beaucoup de temps.

 14   En tout cas, il y a un document où quelque chose que l'on peut voir à la

 15   page 22, je vais le passer sur le rétroprojecteur et en donner lecture.

 16   Donc, ainsi cela concerne le 25 février, c'est un peu plus bas. Vous avez

 17   ici une discussion entre Blaskic et Kordic. La partie surlignée en rouge

 18   dit la chose suivante. Donc Blaskic parle de l'agression et de

 19   l'occupation par l'ennemi. On va voir ce qui se passe plus tard. Kordic

 20   répond, je cite: "Comment est-ce qu'on peut avoir un commandement conjoint

 21   avec l'ennemi, je ne sais pas ce que cela veut dire cela." Fin de

 22   citation.

 23   Donc ceci est extrêmement clair et vu le moment où cela se passe et le

 24   reste de la conversation, on voit qu'on parle des Musulmans et qu'il

 25   n'était absolument pas intéressé à la mise en place d'un commandement


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  1   conjoint.

  2   C'est pourquoi il était absent des négociations de cessez-le-feu, point

  3   sur lequel la défense a tant insisté.

  4   M. Bennouna: Quelle est la relation que vous faites entre le "joint

  5   command" et le "cess-fire".

  6   M. Nice (interprétation): Ceci a un rapport avec l'allégation de la

  7   défense selon laquelle Kordic souhaitait entretenir des relations de

  8   coopération avec les Musulmans.

  9   M. Bennouna: Le commandement conjoint c'est le fait de commander ensemble.

 10   Le cessez-le-feu, c'est le fait d'arrêter provisoirement les hostilités.

 11   Je ne vois pas pourquoi vous déduisez du refus du commandement conjoint le

 12   fait que M. Kordic n'était pas dans toutes les négociations sur le cessez-

 13   le-feu.

 14   M. Nice (interprétation): Commandement conjoint avec les Musulmans c'est

 15   ce dont je parle. Donc ce qu'il montre ici c'est que cela ne l'intéressait

 16   absolument pas de travailler de concert avec les Musulmans. La raison pour

 17   laquelle j'ai mentionné les cessez-le-feu, c'est pour dire que la raison

 18   pour laquelle peut-être il était absent des négociations de cessez-le-feu,

 19   c'était la même raison, à savoir que cela ne l'intéressait absolument pas.

 20   Il en va de même de ce qu'a dit Cordy-Simpson à ce sujet. Donc voici le

 21   thème que je souhaitais aborder et illustrer par mes propos.

 22   Chose suivante. Non, je passe à autre chose.

 23   Permettez-moi, s'il vous plaît, de passer à huis partiel très rapidement.

 24                          (Huis clos partiel.)

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 17                     (Audience publique.)

 18   M. Nice (interprétation): Une seule chose au sujet des allégations

 19   concernant les documents falsifiés qui ont été faits par Cerkez, il ne

 20   faut pas oublier que certains des documents les plus importants portent la

 21   signature de Cerkez. Ces documents ont été présentés au premier témoin

 22   disponible Badrov qui a reconnu ces documents. Il n'a jamais été avancé

 23   que ces signatures étaient des faux et aucun élément n'a indiqué qu'il

 24   s'agit là d'autre chose que sa signature, c'est sa signature sur tous ces

 25   documents et tous les arguments qui reposent sur la thèse de la


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  1   falsification tout ceci est nul et non avenu. En effet, il faudrait avoir

  2   recours à un processus extrêmement complexe. Puisque la défense semble

  3   avancer que certains documents ont été falsifiées et d'autres non. C'est

  4   tout à fait inconcevable et ceci est complètement par le fait que c'est sa

  5   signature qui figure sur ces documents et que personne ne l'a contestée.

  6   En ce qui concerne Kordic, la façon dont les choses ont été présentées par

  7   la défense, c'est que ce n'était pas un militaire, de jure et dès qu'il

  8   voit un document de ce type, il le rejette, et dés qu'on les confronte à

  9   des éléments de preuve qui vont dans le sens contraire, il rejette cela.

 10   Or il n'y a absolument aucune manière de nier le fait que cet homme

 11   disposait d'une grande autorité, d'une autorité qui s'exprimait de

 12   diverses manières dans le cadre de ce qu'on peut qualifier de campagne, et

 13   ceci comportait notamment la persécution ainsi que d'autres crimes

 14   extrêmement graves.

 15   Je ne veux pas abuser du temps qui m'avait été imparti, je vais m'arrêter

 16   mais il ne faudrait pas en conclure que j'ai abordé tous les thèmes que

 17   j'aurai pu, qui auraient été dignes d'être abordés dans le cadre d'une

 18   réplique.

 19   M. Sayers (interprétation): Trois choses à dire de notre côté très

 20   brièvement.

 21   En ce qui concerne premièrement le commandement conjoint avec l'ennemi,

 22   c'est justement ce qu'il s'est produit. C'est le témoignage du témoin de

 23   Chambre I, la Chambre s'en souvient sans doute à la perfection. On devait

 24   normalement mettre en place un commandement conjoint après les

 25   négociations qui ont réuni le Président Izetbegovic et le Président Boban,


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  1   mais il s'est trouvé que cela n'a mené à rien, et la pièce des D194/1, le

  2   bulletin de renseignements militaire du 9 juin montre que cela n'a pas été

  3   possible.

  4   Deuxièmement, la raison pour laquelle M. Kordic ne participe aux

  5   participations de cessez-le-feu et il n'était pas là, personne ne le

  6   conteste, c'est qu'il n'avait pas le type de pouvoirs que lui attribue

  7   l'accusation. Il n'y a pas d'autre manière de voir les choses.

  8   Troisièmement, l'accusation invite la Chambre de première instance à

  9   imaginer sans aucun argument à l'appui de cette supposition le Président

 10   Boban devait avoir délégué certains de ses pouvoirs ou de ses prérogatives

 11   militaires à M. Kordic, mais aucun élément ne va dans ce sens. Donc il n'y

 12   a aucun élément de preuve qui va dans ce sens et on vous demande

 13   simplement de faire une déduction qui ne repose sur aucun élément de

 14   preuve.

 15   Je souhaiterais pour finir la chose suivante. Les fantômes des victimes

 16   d'Ahmici hantent toutes les affaires qui ont trait à la vallée de la

 17   Lasva, c'est indéniable et ces victimes, on retrouve leurs ombres dans ce

 18   Tribunal. Ces victimes sont en droit d'attendre la justice, mais il ne

 19   s'agit pas ici de vengeances. Or, il ne convient pas de s'en prendre à un

 20   homme innocent pour en faire un bouc émissaire.

 21   Sur la base des éléments de preuve présentés dans ce procès, il n'est pas

 22   possible de conclure à la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable en

 23   ce qui concerne chacune des charges présentées dans cet acte d'accusation

 24   à la portée extrêmement large. Et vous pourrez vous en convaincre sur la

 25   base de l'analyse très attentive que nous avons fait de tous les éléments


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  1   de preuve présentés.

  2   Le processus de réconciliation ne sera pas renforcé en envoyant des

  3   innocents en prison et M. Kordic n'est coupable d'aucun des chefs

  4   d'accusation qui lui sont reprochés et il doit être acquitté au titre de

  5   tous ces chefs d'accusation.

  6   M. Kovacic (interprétation): Nous ne dirons que deux phrases Monsieur le

  7   Président, Messieurs les Juges, nous souhaitons tout d'abord, nous excuser

  8   auprès de notre éminent collègue de l'accusation en expliquant ce que

  9   souhaitait dire Maître Mikulicic, il souhaitait accuser M. Tudjman de la

 10   manipulation liée aux documents et non pas l'accusation. Le document était

 11   dans la poche de M. Tudjman pendant trois ans et non pas trois mois, comme

 12   c'était consigné au compte rendu.

 13   Une phrase seulement encore en ce qui concerne ce qui a été dit sur les

 14   documents falsifiés. Nous avons vu jusqu'à maintenant plus d'un millier de

 15   documents. Chaque fois ils ont été versés au dossier sous forme de copies.

 16   Nous venons de systèmes juridiques différents, mais nous savons à quel

 17   point il est facile de faire des falsifications lorsqu'il ne s'agit pas

 18   des originaux mais des copies. Il suffit de le faire à l'aide d'une

 19   photocopieuse, mais le problème se pose seulement au moment où quelqu'un

 20   conteste l'authenticité du document et c'est à ce moment-là que la

 21   personne qui présente le document doit identifier les sources et permettre

 22   l'authentification. C'est là que le problème se pose et c'est la manière

 23   de le résoudre. Moi, je peux proposer de présenter une copie si l'autre

 24   partie est d'accord. Mais à partir du moment où l'autre partie conteste

 25   cela, je dois prouver l'authenticité du document. Il est possible de


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  1   parler des problèmes avec les autorités croates ou avec la conspiration

  2   etc, mais cela ce n'est pas mon problème. C'est à eux de prouver. Merci.

  3   M. le Président (interprétation): Merci. Le procès se termine ainsi et le

  4   jugement sera rendu le jour qui sera déterminé par la suite. Vous en serez

  5   informé.

  6   Monsieur Nice, je souhaite m'adresser à vous, pour dire que la Chambre de

  7   première instance souhaite exprimer sa reconnaissance par rapport à toutes

  8   les personnes qui ont collaboré avec nous.

  9   Nous souhaitons tout d'abord remercier toutes les personnes, les deux

 10   parties qui ont collaboré de manière tout à fait efficace avec nous

 11   jusqu'à maintenant.

 12   Ensuite, nous tenons à remercier tout le monde ici présent, à savoir les

 13   membres du greffe, l'huissier et la sécurité pour l'assistance qu'il nous

 14   ont fournie au cours de cette procédure qui a duré plus de vingt mois.

 15   Nous souhaitons également remercier les sténotypistes du travail qu'elles

 16   ont fait en écrivant plus de 28 000 pages de compte rendu d'audience.

 17   Et pour finir, nous souhaitons remercier les interprètes que l'on ne voit

 18   pas mais que l'on entend beaucoup et qui nous ont énormément aidé dans le

 19   déroulement de cette procédure et qui ont interprété pendant les

 20   dépositions de plus de 240 témoins.

 21   Nous sommes reconnaissants également à tous ceux qui ne sont pas présents

 22   ici aujourd'hui mais qui nous ont fourni leur aide à travers cette

 23   procédure. Je vous remercie tous.

 24   (L'audience est levée à 16 heures 38.)

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