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1 (Lundi 26 février 2001.)
2 (Jugement de l'Affaire Kordic-Cerkez.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Veuillez annoncer l'affaire, s'il vous
5 plaît.
6 Mme Ameerali (interprétation): Bonjour. Affaire IT-95-14/2-T, le Procureur
7 contre Dario Kordic et Mario Cerkez.
8 M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance rend
9 aujourd’hui son jugement. Il s’agit de la cinquième affaire dont le
10 Tribunal a eu à connaître concernant les événements qui se sont produits
11 en 1992 et 1993 dans la vallée de la Lašva. Cependant, il s'agit de la
12 première affaire qui mette en cause un homme politique de haut niveau.
13 Cette affaire s’inscrit dans le cadre du conflit qui a opposé à l’époque
14 les Musulmans de Bosnie aux Croates de Bosnie en Bosnie centrale. Les
15 accusés ont tous deux joué un rôle éminent dans ce conflit. Dario Kordic
16 était un homme politique, décrit comme le plus important de la région.
17 Mario Cerkez était un militaire et il commandait une brigade des forces
18 armées croates de Bosnie. Les accusations portées contre eux découlent des
19 événements qui se sont produits pendant le conflit.
20 L’Acte d’accusation renferme 44 chefs d'accusation; il retient, à
21 l’encontre de chacun des accusés, huit infractions graves aux Conventions
22 de Genève, dix violations des lois ou coutumes de la guerre et quatre
23 crimes contre l’humanité. Les deux premiers chefs d’accusation reprochent
24 aux accusés des persécutions, un crime contre l’humanité. Les autres
25 chefs portent sur des infractions telles que les meurtres, les
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1 traitements inhumains, les mises en détention et les destructions. Il est
2 allégué dans l’Acte d’accusation que les accusés ont participé à une
3 campagne généralisée ou systématique de persécution contre les Musulmans
4 de Bosnie de cette région, campagne qui a culminé avec la série
5 d’attaques dont des villes et villages de la vallée de la Lašva et des
6 environs ont été la cible pendant deux ans. De nombreux civils musulmans
7 ont été tués, gravement blessés ou placés en détention. Dans le même
8 temps, leurs maisons étaient incendiées, leurs villes, villages et lieux
9 de culte détruits et leurs biens pillés.
10 La défense des deux accusés a consisté à nier purement et simplement les
11 accusations portées contre eux. Ils ont non seulement décliné toute
12 responsabilité dans les crimes qui leur sont reprochés mais ils ont même
13 nié que les crimes aient été commis. En conséquence, la Chambre de
14 première instance a dû déterminer si ces crimes avaient été commis et, le
15 cas échéant, si les accusés sont coupables de ceux qui leur sont
16 reprochés.
17 Il s’en est suivi un procès extrêmement long, qui a duré vingt mois et au
18 cours duquel de très nombreux éléments de preuve ont été soumis à la
19 Chambre. Au total, ce sont 241 témoins qui ont déposé et quelque 4.500
20 pièces à conviction qui ont été produites. Le compte rendu d’audience
21 compte 28.000 pages.
22 Ce qui suit est un résumé du Jugement écrit, mais ne fait pas partie de ce
23 Jugement. Ce Jugement est disponible aujourd’hui.
24 Tout d’abord, quelques points de droit. La Chambre de première instance
25 conclut qu’à l’époque visée, il existait en Bosnie centrale un état
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1 général de conflit armé. Elle conclut également qu’il y a manifestement un
2 lien entre ce conflit et les crimes recensés dans l’Acte d’accusation. La
3 Chambre de première instance conclut qu’en raison de l’intervention de la
4 République de Croatie, ce conflit était international.
5 La Chambre de première instance estime également que peuvent être
6 qualifiés de persécution des actes qui ne sont pas explicitement énumérés
7 en tant que crimes contre l’humanité à l’Article 5 du Statut du Tribunal
8 international. Cependant, ces actes doivent présenter le même degré de
9 gravité que ceux énumérés dans l’Article. En l'espèce, la Chambre de
10 première instance conclut que deux actes allégués ne présentent pas ce
11 degré de gravité, à savoir les persécutions prenant la forme d’incitation
12 à la haine par la propagande et d’autres moyens, et les persécutions dans
13 le travail.
14 S’agissant maintenant des faits. L’histoire qui nous intéresse commence
15 avec la création en 1990 d’un parti politique croate de Bosnie, l’Union
16 démocratique croate de Bosnie-Herzégovine, ou "HDZ-BiH", qui est une
17 émanation d’une organisation créée en Croatie, le parti nationaliste HDZ.
18 Fin 1991, le HDZ-BiH a instauré en Bosnie une communauté croate distincte,
19 la HZ-HB, dont la Chambre de première instance conclut qu’elle a été créée
20 dans l’intention de l’intégrer, en temps opportun, à la République de
21 Croatie. À son tour, la HZ H-B a créé un autre organe, le Conseil de
22 défense croate, ou "HVO", qui constituait l’instance exécutive et de
23 défense de la communauté croate de Bosnie. Des HVO municipaux ont alors
24 été créés pour exercer le pouvoir exécutif et militaire à l’échelon local.
25 Pendant ce temps, Dario Kordic a rapidement gravi les échelons du parti
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1 politique HDZ-BiH: il est devenu président de ce parti dans sa ville,
2 Busovaca, président de sa communauté régionale et vice-président de la HZ
3 H-B. De son côté, Mario Cerkez a participé à la fondation du HVO à Vitez
4 et il commandait sa brigade locale, connue sous le nom de Brigade Viteska.
5 En 1992, le HVO a commencé à prendre le pouvoir dans toutes les
6 municipalités de Bosnie centrale, en particulier à Busovaca, Vitez et
7 Kiseljak. Il n’a rencontré qu’une faible résistance armée, sauf à Novi
8 Travnik et dans le village d’Ahmici. Lors de ces incidents, Dario Kordic a
9 fait la preuve de son pouvoir tant politique que militaire. La Chambre de
10 première instance conclut que fin 1992, à la veille du conflit, Dario
11 Kordic détenait ces deux pouvoirs. Son pouvoir militaire ne tenait pas à
12 un grade formel mais à une position à laquelle il s’était hissé de lui-
13 même. Partant, on ne peut lui attribuer de position précise dans la chaîne
14 de commandement; il n’est pas suggéré qu’il détenait le pouvoir de mettre
15 au pas ou de sanctionner les soldats, et la Chambre de première instance
16 conclut que sa responsabilité n’est pas engagée en tant que supérieur
17 hiérarchique aux termes de l’Article 7.3) du Statut.
18 Venons-en maintenant à 1993, l’année la plus importante du conflit. Elle
19 s’est ouverte par des négociations de paix et le Plan Vance-Owen.
20 Cependant, la situation a rapidement dégénéré en conflit, d’abord à Gornji
21 Vakuf puis à Busovaca. Le HVO a attaqué cette dernière municipalité en
22 janvier 1993, utilisant l’artillerie et l’infanterie contre des cibles
23 civiles et inaugurant une ligne de conduite pour les attaques
24 ultérieurement lancées contre les villes et les villages. Les preuves
25 produites montrent que Dario Kordic était impliqué dans cette attaque. En
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1 avril 1993, à leur tour, Vitez et les villages musulmans de la vallée de
2 la Lašva ont été attaqués. La Chambre de première instance conclut que les
3 preuves indiquent que ces lieux ont été la cible d’une attaque bien
4 organisée et planifiée de la part du HVO, en particulier l'attaque
5 d’Ahmici qui, à l’aube du 16 avril, a conduit au massacre de plus de 100
6 personnes, dont 32 femmes et 11 enfants, et à la destruction du village.
7 Des attaques similaires ont été menées contre les villages de toute la
8 vallée de la Lašva et contre la ville de Vitez. La Chambre de première
9 instance conclut que ces attaques participaient d’un dessein ou d'un plan
10 commun conçu et exécuté par les dirigeants croates de Bosnie afin de
11 procéder au nettoyage ethnique des Musulmans de la vallée.
12 Dario Kordic, en tant que dirigeant politique local, a été partie prenante
13 à ce dessein ou plan, son principal rôle étant celui de planificateur et
14 d’instigateur. En outre, la Chambre de première instance conclut que Dario
15 Kordic était présent lors d’une réunion d’hommes politiques au quartier
16 général du colonel Blaskic, le 15 avril, lorsque les attaques d’Ahmici et
17 des autres villages ont été autorisées; la Chambre conclut que Mario
18 Cerkez était présent à une réunion militaire ultérieure lorsqu’ont été
19 élaborés les plans; et elle conclut également que Dario Kordic avait
20 partie liée avec l’ordre donné par le colonel Blaskic de tuer tous les
21 hommes en âge de porter les armes, d’expulser les civils et d’incendier
22 les maisons d’Ahmici.
23 Quant au rôle joué par Mario Cerkez le 16 avril, la Chambre de première
24 instance conclut qu’à cette période, la Brigade Viteska était au cœur des
25 combats et que Mario Cerkez la commandait. En tant que commandant, il a
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1 participé aux attaques de Vitez, Stari Vitez et Veceriska. Cependant, en
2 dépit de sa présence lors de la réunion militaire du 15 avril, la Chambre
3 de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute
4 raisonnable qu’il ait une quelconque responsabilité dans l’attaque
5 d’Ahmici. Cette attaque a été le fait du 4e Bataillon de police militaire,
6 qui n’était pas placé sous son commandement.
7 Les combats autour de Vitez se sont poursuivis après le 16 avril. Le 18
8 avril, un camion piégé a explosé près de la mosquée de Stari Vitez, tuant
9 au moins 6 personnes et faisant 50 blessés. La Chambre de première
10 instance conclut qu’il s’agissait là d’un acte de terrorisme pur et
11 simple, commis par des éléments du HVO de Vitez, mais qu’aucune preuve ne
12 permet d’établir un lien entre cette action et l’un ou l’autre des
13 accusés.
14 Le 18 avril, le HVO a attaqué les villages de la municipalité de Kiseljak.
15 Ces attaques faisaient partie de l’offensive générale lancée par le HVO
16 contre les Musulmans de cette région et Dario Kordic, en tant que
17 dirigeant politique, était impliqué dans ces attaques.
18 El 19 avril, la place du marché de Zenica a été bombardée, faisant ainsi
19 quinze morts et de nombreux blessés. La Chambre de première instance
20 conclut que le HVO était responsable de ces bombardements mais que ceux-
21 ci ne s’inscrivaient pas dans le droit fil des autres attaques, non plus
22 que dans le cadre du plan ou du dessein commun. Aucun lien politique n’a
23 été établi et, en conséquence, la Chambre de première instance ne saurait
24 donc conclure à l’implication de Dario Kordic dans cette attaque
25 illégale.
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1 À la fin du mois d’avril, un cessez-le-feu était mis en place, mais, en
2 juin, les combats ont repris en Bosnie centrale. El HVO a lancé une autre
3 série d’attaques, cette fois-ci contre les villages de la municipalité de
4 Kiseljak, et notamment sur le village de Tulica, village qui a été
5 détruit et où 12 personnes ont trouvé la mort. La Chambre de première
6 instance conclut que ces offensives étaient une nouvelle concrétisation
7 du plan du HVO qui visait à assujettir les Musulmans de Bosnie centrale.
8 S’agissant des offensives menées contre les villages au cours du mois
9 d’avril, la Chambre de première instance conclut que les attaques
10 n’auraient pas été lancées sans l’autorisation de la direction politique
11 locale, à savoir Dario Kordic.
12 En octobre 1993, les événements se sont étendus à la municipalité de
13 Vares. Le village de Stupni Do se trouve à environ un kilomètre au sud de
14 la ville de Vares. Le 23 octobre, le village a été attaqué et 38
15 personnes ont trouvé la mort. La responsabilité d’Ivica Rajic et de ses
16 troupes de Kiseljak dans le massacre n’a pas été contestée. Le village a
17 opposé une certaine résistance, mais rien ne saurait justifier ce qui
18 s’est passé. Cependant, la Chambre de première instance conclut que
19 l’influence et l’autorité de Dario Kordic, qui s’exerçaient avant tout
20 dans la vallée de la Lasva, ne s’étendaient pas jusqu’à Stupni Do. Ce
21 village ne se trouvait donc pas dans sa sphère de responsabilité et
22 l’attaque contre le village ne s’inscrivait dans le cadre d’un plan ou
23 d’un dessein commun auquel il aurait participé.
24 Lors des offensives lancées par le HVO, des centaines de civils musulmans
25 de Bosnie ont été rassemblés et détenus dans des camps improvisés où les
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1 conditions étaient certes variables, mais de manière générale inhumaines.
2 La Chambre de première instance conclut que ces détentions étaient
3 arbitraires et illégales (ce qui s’inscrivait dans le cadre du plan ou
4 dessein commun). En outre, les détenus étaient contraints, sans raison, de
5 creuser des tranchées et ils étaient utilisés comme otages et comme
6 boucliers humains. La Chambre de première instance conclut également qu’en
7 tant que commandant de la brigade de Vitez, Mario Cerkez était responsable
8 de la détention illégale et du traitement inhumain des personnes détenues
9 dans les centres de détention de Vitez, et la Chambre conclut que Dario
10 Kordic était responsable de la détention illégale de personnes dans les
11 secteurs relevant de sa responsabilité. Cependant, les camps étaient
12 dirigés par l’armée et l’on ne saurait déduire des éléments de preuve
13 produits que Dario Kordic était responsable de la façon dont les détenus
14 étaient traités, ou que ce traitement faisait partie du plan ou du dessein
15 commun.
16 La Chambre de première instance conclut qu’on retrouve les mêmes
17 destructions et pillages dans tous les endroits attaqués par le HVO.
18 Celui-ci prenait délibérément pour cible les mosquées et autres édifices
19 religieux et scolaires. Ces actes s’inscrivaient dans le cadre du plan
20 commun et les accusés sont impliqués dans ces infractions commises là où
21 ils sont reconnus responsables des attaques.
22 S’agissant des persécutions, la Chambre de première instance conclut, sur
23 la base de nombreux éléments de preuve, que tout au long de la période
24 couverte dans l’Acte d’accusation les Musulmans de Bosnie ont été victimes
25 d’une campagne de persécutions en Bosnie centrale. Ces persécutions ont
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1 revêtu les formes les plus extrêmes: il s’agit de l’attaque de villes et
2 de villages, accompagnées de destructions, de pillages, de meurtres, de
3 sévices et de détentions. Cette campagne visait à assujettir la population
4 musulmane de Bosnie.
5 En conséquence, la Chambre de première instance décide de rejeter
6 l’argument de la Défense selon lequel les événements en cause se sont
7 produits dans le cadre d’une guerre civile, que les Croates de Bosnie se
8 défendaient et qu’ils étaient eux-mêmes victimes d’actes de persécution.
9 Le fait que les Croates de Bosnie aient été victimes d’atrocités à titre
10 individuel n’est pas pertinent en l’espèce, même s’il est possible que
11 ces crimes fassent l’objet d’autres poursuites pénales.
12 S’agissant de la participation des accusés à la campagne de persécution,
13 la Chambre de première instance rend les conclusions suivantes.
14 Quelle que soit la position qu’il ait pu occuper, les éléments de preuve
15 ne permettent pas d’établir que Dario Kordic faisait partie des plus
16 hautes instances dirigeantes des Croates de Bosnie ou qu’il a conçu la
17 campagne de persécution. Dario Kordic était un dirigeant régional et s’est
18 rallié avec enthousiasme au but commun de cette campagne en planifiant, en
19 préparant et en ordonnant les actes de persécution qui relevaient de son
20 autorité.
21 Nous l’avons dit, la Chambre a conclu que Mario Cerkez, en tant que
22 commandant de la Brigade de Vitez, a participé aux attaques contre Vitez,
23 Stari Vitez et Veceriska. Ces attaques ont marqué l’un des points
24 culminants de la campagne de persécution. L’accusé a pris part à cette
25 campagne en commandant les troupes impliquées dans certains incidents
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1 durant ces attaques; en tant que tel l’accusé était coauteur de ces actes.
2 Venons-en maintenant aux allégations selon lesquelles la responsabilité
3 des accusés serait engagée en tant que supérieurs hiérarchiques, parce
4 qu’ils n’auraient pas empêché les crimes en cause et puni leurs auteurs.
5 La Chambre de première instance fait remarquer que des civils peuvent être
6 ainsi mis en cause s’il est établi qu’ils avaient l’autorité nécessaire
7 pour empêcher que des crimes ne soient commis et pour en punir les
8 auteurs.
9 Cependant, comme il a déjà été indiqué, la Chambre de première instance a
10 conclu que Dario Kordic n’avait pas le pouvoir de prévenir ces crimes ou
11 d’en punir les auteurs et qu’en conséquence, sa responsabilité ne pouvait
12 être engagée en application de l’Article 7 3) du Statut.
13 En revanche, Mario Cerkez avait connaissance des attaques menaçant Vitez,
14 Stari Vitez et Veceriska, attaques menées par les troupes placées sous son
15 commandement. Il n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher que
16 ces attaques ne soient commises et n’a pas puni les personnes qui en
17 étaient responsables; par conséquent, il est responsable des infractions
18 commises dans le cadre des attaques contre ces trois localités, en vertu
19 de l’Article 7 3) du Règlement.
20 En dernier lieu, la Chambre de première instance décide de suivre la
21 pratique récemment dégagée par la Chambre d’appel concernant le cumul de
22 déclarations de culpabilité. Partant, les accusés seront acquittés des
23 chefs d’accusation pour lesquels un cumul des déclarations de culpabilité
24 n’est pas envisageable.
25 La Chambre de première instance se prononce comme suit sur les chefs de
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1 l’acte d’accusation:
2 Chefs d’accusation 1 et 2: crimes contre l’humanité: persécutions
3 Chef 1: Dario Kordic - COUPABLE
4 Chef 2: Mario Cerkez - COUPABLE
5 Chefs d’accusation 3 à 6: violations des lois ou coutumes de la guerre
6 (attaque illicite de civils).
7 Chefs 3 et 4: Dario Kordic - COUPABLE
8 Chefs 5 et 6: Mario Cerkez - COUPABLE
9 Chefs d’accusation 7 à 20: crimes contre l’humanité, infractions graves
10 aux Conventions de Genève et violations des lois et coutumes de la guerre
11 (meurtre, homicide intentionnel, actes inhumains, le fait de causer
12 intentionnellement de grandes souffrances ou de porter des atteintes
13 graves, traitements inhumains).
14 Dario Kordic:
15 Chefs 7, 8, 10 et 12: - COUPABLE
16 Chefs 9, 11, 13: - NON COUPABLE
17 Mario Cerkez:
18 Chefs 14, 15, 17 et 19: - COUPABLE
19 Chefs 16, 18 et 20: - NON COUPABLE
20 Chefs d’accusation 21 et 22: crime contre l’humanité et infractions grave
21 aux Conventions de Genève (emprisonnement, détention illégale de civils).
22 Dario Kordic - COUPABLE
23 Chefs d’accusation 23 à 28: infractions graves aux Conventions de Genève
24 et violations des lois ou coutumes de la guerre (traitements inhumains,
25 utilisation de boucliers humains et prise d’otages).
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1 Dario Kordic - NON COUPABLE
2 Chefs d’accusation 29 à 31: crime contre l’humanité et infractions graves
3 aux Conventions de Genève (emprisonnement, détention illégale de civils,
4 traitements inhumains).
5 Mario Cerkez - COUPABLE
6 Chefs d’accusation 32 à 36:violations des lois ou coutumes de la guerre et
7 infractions graves aux Conventions de Genève (traitements cruels, prise
8 d’otages, traitements inhumains).
9 Mario Cerkez:
10 Chefs 32, 34 et 36: - NON COUPABLE
11 Chefs 33 et 35: - COUPABLE
12 Chefs d’accusation 37 à 42: infractions graves aux Conventions de Genève,
13 violations des lois ou coutumes de la guerre (destructions de biens à
14 grande échelle, destruction sans motif, pillage).
15 Chef 37: Dario Kordic - NON COUPABLE
16 Chefs 38 et 39: Dario Kordic - COUPABLE
17 Chef 40: Mario Cerkez - NON COUPABLE
18 Chefs 41 et 42: Mario Cerkez - COUPABLE
19 Chefs 43 et 44: violations des lois ou coutumes de la guerre (destruction
20 ou endommagement d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement).
21 Chef 43: Dario Kordic - COUPABLE
22 Chef 44: Mario Cerkez - COUPABLE
23 S’agissant maintenant de la peine, la Chambre de première instance
24 souhaite faire plusieurs remarques d’ordre général. Elle déterminera les
25 peines appropriées pour chacun des accusés en soulignant que celles-ci
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1 tiennent compte des éléments de preuve en l’espèce et du rôle de ces
2 accusés tel que la Chambre a pu l’établir. Les deux accusés ont été
3 reconnus coupables de nombreux crimes qui participent tous du même dessein
4 commun qui a abouti à la persécution et au "nettoyage ethnique" des
5 Musulmans de Bosnie dans la vallée de la Lasva et dans ses environs. La
6 campagne soutenue qui en est résultée a comporté une série d’attaques
7 aveugles et sauvages contre des villages et des villes, attaques durant
8 lesquelles aucune différence n’était faite entre les victimes: jeunes et
9 vieux étaient tués ou expulsés et leurs maisons incendiées. Il est
10 possible qu’on ne connaisse jamais le nombre exact de morts, mais ils se
11 comptent de toute façon par centaines et celui des expulsés, par milliers.
12 On ne peut imaginer crimes d’une plus grande barbarie. Ceux qui y ont
13 participé doivent s’attendre à des peines d’une sévérité proportionnée à
14 l’outrage ressenti par la communauté internationale.
15 Dario Kordic, je vous demande de vous lever.
16 Vous avez joué un rôle important dans les crimes commis. En tant que
17 dirigeant politique régional en Bosnie centrale, investi d’une autorité
18 particulière dans la vallée de la Lašva, vous étiez commandant politique
19 de facto dans la zone où la plupart des crimes ont été commis. Nous
20 l’avons déjà fait observer, la Chambre de première instance n’a pas
21 accepté les dossiers de l’accusation dans leur ensemble et a conclu que
22 vous ne faisiez pas partie des principaux dirigeants de la campagne de
23 persécution. De même, vous avez été acquitté de certaines des infractions
24 qui trouvent leur origine dans des actes individuels de terreur et
25 acquitté aussi du massacre de Stupni Do. C’est pourquoi, vous n’êtes pas
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1 condamné pour avoir orchestré la campagne ni pour en avoir été
2 l’instigateur. Toutefois, vous vous êtes associé à la campagne avec
3 enthousiasme et avez largement contribué aux offensives lancées dans la
4 vallée de la Lašva en 1993, notamment en répondant aux ordres donnés
5 d’attaquer Ahmici et les autres villages en avril 1993. Pour la part que
6 vous avez prise à ce terrible épisode, vous méritez un châtiment
7 approprié. Le fait que vous étiez un homme politique et que vous n’avez
8 aucunement participé en fait à l’exécution des crimes ne fait aucune
9 différence. Vous y avez aussi sûrement participé que les hommes qui ont
10 tiré. Le fait que vous étiez un dirigeant rend même les crimes plus
11 graves. Vous n’avez présenté aucune circonstance atténuante et il n’en
12 existe pas. La Chambre considère que l’ensemble de votre comportement
13 criminel est mieux pris en compte par le prononcé d'une peine unique.
14 Dario Kordic, vous êtes condamné à 25 années d’emprisonnement.
15 Vous pouvez vous rasseoir.
16 Mario Cerkez, je vous demande de vous lever.
17 Votre situation est différente de celle de votre coaccusé. Vous étiez un
18 soldat et un commandant de rang intermédiaire du HVO. La Chambre de
19 première instance prend note du fait que vous n’aviez aucune expérience
20 préalable du commandement et que rien dans votre vie antérieure ne vous y
21 préparait. Toutefois, vous étiez le Commandant de la brigade Viteska
22 durant les terribles événements qui se sont déroulés dans la vallée de la
23 Lašva, et vous avez mené les assauts qui ont provoqués la mort de civils
24 et la destruction de biens appartenant à ceux-ci. La Chambre de première
25 instance a conclu que vos troupes n’ont pas participé au massacre
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1 d’Ahmici, mais vous avez joué un rôle, aggravé du fait de votre position
2 de commandant, dans la campagne de persécutions. Les témoignages
3 favorables concernant votre moralité et votre personnalité, présentés
4 comme circonstances atténuantes, ne peuvent être retenus comme telles dans
5 le cadre de ces crimes internationaux. La Chambre de première instance
6 considère que l’ensemble de votre comportement criminel est mieux pris en
7 compte par le prononcé d'une peine unique. Mario Cerkez, vous êtes
8 condamné à 15 années d’emprisonnement.
9 Vous pouvez vous rasseoir.
10 Le temps que les accusés ont passé sous la garde du Tribunal
11 international, à savoir du 6 octobre 1997 à la date du présent Jugement,
12 sera déduit de la durée des peines à purger.
13 Nous suspendons l'audience.
14 (L'audience est suspendue à 14 heures 40.)
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