Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 17 mai 2004

  2   [Audience d'appel]

  3   [Audience publique]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je salue tout le monde ici présent

  7   dans le prétoire. Je vais demander à Mme la Greffière d'appeler le numéro

  8   de l'affaire.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro IT-95-14/2-A, le Procureur

 10   contre Dario Kordic et Mario Cerkez.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je vais demander

 12   aux parties de se présenter. Nous allons commencer par le bureau du

 13   Procureur.

 14   M. FARRELL : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs les Juges. Je

 15   m'appelle Norman Farrell. Il y a Mme Helen Brady, Mme Michelle Jarvis, Mme

 16   Marie-Ursula Kind et M. Geoffrey Nice, premier substitut qui va être

 17   présent ici. Il était représentant du bureau du Procureur au moment du

 18   procès. Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais demander aux avocats de M.

 20   Kordic de se présenter.

 21   M. SAYERS : [interprétation] Je m'appelle Stephen Sayers. C'est en présence

 22   de Turner Smith et de mon confrère croate, Me Mitko Naumovski, pour

 23   défendre les intérêts de M. Kordic. Notre commis aux audiences est

 24   également présent.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je m'adresse


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  1   maintenant aux avocats de M. Cerkez.

  2   M. KOVACIC : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs les Juges. Me

  3   Goran Mikulicic est avec moi, Me Bozidar Kovacic, pour défendre les

  4   intérêts de M. Cerkez.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais me tourner vers M. Kordic,

  6   ainsi que M. Cerkez. Est-ce que vous êtes à même aujourd'hui, tout d'abord,

  7   de suivre les débats et surtout dans une langue que vous comprenez ?

  8   L'APPELANT KORDIC : [interprétation] Bonjour. Merci de me poser la

  9   question. Effectivement, je suis les débats sans aucun problème.

 10   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

 11   Monsieur Cerkez.

 12   L'APPELANT CERKEZ : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs les

 13   Juges. Je me sens très bien et je suis tout à fait à même de suivre les

 14   débats.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Veuillez vous rasseoir.

 16   Avant de commencer, permettez-moi de faire quelques remarques liminaires.

 17   En octobre 1997, M. Dario Kordic et M. Mario Cerkez se sont rendus de leur

 18   plein gré au Tribunal. Le procès a commencé en avril 1999 et s'est terminé

 19   en décembre 2000. Le 26 février 2001, la Chambre de première instance III a

 20   rendu un jugement condamnant M. Dario Kordic à 25 ans de réclusion et M.

 21   Mario Cerkez à 15 ans de réclusion. Tous deux ont été jugés coupable de la

 22   plupart des 44 chefs d'accusation compris dans l'acte d'accusation modifié

 23   du 30 septembre 1998, notamment, pour crimes contre l'humanité, violations

 24   graves des conventions de Genève de 1949, et violations des lois ou

 25   coutumes de la guerre, y compris, notamment, les persécutions, assassinats,


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  1   attaques illicites sur des personnes et des biens civils, traitements

  2   inhumains et la destruction ou les dégâts causés sciemment à des

  3   établissements du culte ou de l'éducation.

  4   La Chambre a jugé que des crimes avaient été commis au cours du conflit

  5   armé opposant les Musulmans et les Croates de Bosnie en 1992 et en 1993 en

  6   Bosnie centrale, surtout dans la vallée de la Lasva. La population de cette

  7   région en 1991 représentait près de 470 000 citoyens dont 48 % était des

  8   Musulmans, 32 % des Croates et 10 % des Serbes.

  9   De l'avis de la Chambre de première instance, fin de l'année 1991, l'Union

 10   démocratique de Bosnie-Herzégovine, qui était une partie de l'Union

 11   démocratique croate de la République de Croatie, a établi la communauté

 12   croate d'Herceg-Bosna, une entité, une communauté croate séparée au sein de

 13   la Bosnie-Herzégovine, et ceci, dans l'intention de lui permettre une

 14   adhésion à la République de Croatie. Par la suite, le HVO, conseil croate

 15   de la Défense, a été établi en tant que l'autorité exécutive et aussi de

 16   défense de la communauté croate en Bosnie-Herzégovine.

 17   Dario Kordic, d'après la Chambre d'appel, était un dirigeant politique dans

 18   l'Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine. Il était le président de

 19   l'Union démocratique croate à Busovaca, et enfin, il était vice-président

 20   de la communauté croate d'Herceg-Bosna.

 21   Mario Cerkez, quant à lui, ce fut l'un des fondateurs du HVO à Vitez et,

 22   enfin, il a été commandant de la Brigade de Vitez, la Viteska.

 23   La Chambre de première instance a estimé qu'il y avait eu une campagne de

 24   persécutions visant les Musulmans de Bosnie en Bosnie centrale, dont

 25   attaques dirigées sur des villes et des villages avec la destruction, le


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  1   pillage et la détention de Musulmans de Bosnie. D'après la Chambre de

  2   première instance, la campagne de nettoyage ethnique des Musulmans dans la

  3   vallée de la Lasva a été menée par l'Union démocratique croate de Bosnie-

  4   Herzégovine et effectuée par le truchement de la communauté croate

  5   d'Herceg-Bosna, le HVO et elle a été orchestrée depuis Zagreb.

  6   La Chambre de première instance a jugé que Dario Kordic était un dirigeant

  7   politique qui avait joué un rôle de premier plan en planifiant, préparant

  8   et ordonnant ces actes faisant partie de la campagne qui s'inscrivait dans

  9   son domaine d'autorité.

 10   Mario Cerkez a participé à l'exécution du plan. Il était le commandant de

 11   la brigade Viteska au cours des attaques dirigées sur Vitez, Stari Vitez,

 12   et Donja Veceriska.

 13   Dario Kordic, comme Mario Cerkez, ont été jugés pénalement responsables, à

 14   titre individuels, en application de l'Article 7(1) du statut. De surcroît,

 15   Mario Cerkez a également été jugé coupable en application du 7(3) du statut

 16   du Tribunal, vu sa responsabilité de supérieur hiérarchique et le fait

 17   qu'il n'a pas empêché les crimes qui ont été commis au cours de ces

 18   attaques et qu'il n'a pas puni les auteurs de ces crimes.

 19   La Chambre de première instance a estimé qu'il y avait eu une campagne, des

 20   attaques bien organisées et planifiées du HVO qui ont trouvé comme point

 21   culminant le massacre du village d'Ahmici le 16 avril 1993, là où plus de

 22   100 Musulmans de Bosnie ont été massacrés, assassinés, dont il y avait 32

 23   femmes et 11 enfants. La Chambre a estimé que Dario Kordic était présent à

 24   l'occasion de réunions qui ont autorisé le massacre d'Ahmici et qu'il était

 25   associé à un ordre visant à tuer tous les hommes en âge de combattre, à


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  1   chasser les civils de leurs foyers et à incendier les maisons d'Ahmici.

  2   S'agissant de Mario Cerkez, cependant, la Chambre de première instance n'a

  3   pas conclu qu'il avait de responsabilité s'agissait de l'attaque d'Ahmici.

  4   La Chambre de première instance a estimé, au-delà de tout doute

  5   raisonnable, que, dans l'offensive du HVO, plusieurs centaines de civils

  6   ont été détenus de façon arbitraire et illégale dans des lieux de détention

  7   de fortune, dans des camps de fortune et que ceci s'inscrivait dans un plan

  8   commun et qu'ils ont été détenus dans des conditions inhumaines. La Chambre

  9   a estimé que Dario Kordic était responsable de l'emprisonnement illégal des

 10   détenus dans la zone pour lequel il était responsable. En tant que

 11   commandant de la Brigade de Vitez, il a été jugé responsable de ces

 12   internements illégaux et des traitements inhumains qui furent commis dans

 13   ces lieux.

 14   De plus, la Chambre a estimé qu'il y avait une structure systématique de

 15   pillage injustifiée dans les localités attaquées par le HVO dans les lieux

 16   du culte et des lieux consacrés à l'éducation qui furent délibérément

 17   ciblés. Il fut conclu que Mario Cerkez et Dario Kordic avaient pris part à

 18   ces infractions et dans les lieux où ces attaques ont eu lieu.

 19   Toutes les parties ont interjeté appel pour des raisons qui se chevauchent

 20   parfois. Dario Kordic et Mario Cerkez appuient leurs motifs principaux des

 21   plusieurs erreurs de droit et de fait qu'ils allèguent. De leur avis, ces

 22   sentences, ces peines ne sont pas justifiées. L'Accusation a interjeté

 23   appel de l'acquittement de Mario Cerkez pour ce qui est des crimes commis à

 24   Ahmici. Mme le Procureur interjette également appel des décisions rendues

 25   pour ce qui est de Dario Kordic et Mario Cerkez.


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  1   Plusieurs motifs et moyens d'appel ont été retirés au cours de la phase de

  2   mise en appel, notamment, vu la jurisprudence constante qui s'est

  3   développée depuis 2001 dans ce Tribunal. Pour ce qui est de certains lieux

  4   retenus dans les chefs d'accusation, l'Accusation concède que le jugement

  5   ne contient pas de conclusion factuelle. A cet égard, je vous renvoie

  6   surtout aux pages 163 à 165 du compte rendu de la Conférence de mise en

  7   appel du 6 mai 2004.

  8   Je dois vous rappeler une fois de plus qu'une audience en appel n'est pas

  9   le lieu où se refait un procès. S'agissant de la portée d'une telle

 10   audience, toutes les parties ont reçu toutes les parties pertinentes de

 11   l'arrêt Kunarac. Je réitère la demande que j'avais formulée à toutes les

 12   parties : si vous faites référence à un document, un compte rendu

 13   d'audience, veuillez donner le numéro de la page ou du paragraphe dès que

 14   vous commencez à présenter vos conclusions; ce qui veut dire que nous

 15   aurons le même document sous les yeux. Veuillez également indiquer lorsque

 16   vous avez terminé la présentation de vos conclusions sur un point précis;

 17   ce qui permettra aux Juges de vous poser des questions en tant que de

 18   besoin sans interrompre votre raisonnement.

 19   La Chambre d'appel se concentrera aujourd'hui à examiner, à se saisir de

 20   l'appel interjeté par Dario Kordic. La journée de demain sera consacrée à

 21   celui interjeté par Mario Cerkez. Enfin, mercredi nous entendrons l'appel

 22   du Procureur.

 23   Je ne vais pas paraphraser les différents moyens présentés par les

 24   différentes parties à cette audience. Sans pus tarder, je vais donner la

 25   parole à la Défense de Dario Kordic.


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  1   Maître Sayers, je crois comprendre que vous allez scinder vos

  2   interventions. Qui veut commencer, Maître Sayers ?

  3   M. SAYERS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  4   En guise d'introduction, je dirais que les mémoires en appel ont été

  5   déposés il y a trois ans. Franchement, ils ont pris un coup de vieux vu la

  6   jurisprudence qui s'est développée par la Chambre d'appel au cours de ces

  7   trois années. Ils ont un côté un peu vieillot. C'est la raison pour

  8   laquelle nous avons préparé une présentation visuelle qui se concentre sur

  9   les moyens d'appel qui nous semblent les plus essentiels. Vous allez avoir

 10   ces clichés qui vont s'afficher sur vos écrans. Vous retrouverez des

 11   références détaillées aux numéros de pièce, aux numéros de page du compte

 12   rendu d'audience, et de façon plus pertinentes aux numéros et paragraphes

 13   d'arrêt rendus depuis trois ans ainsi qu'aux jugements qui ont été rendus.

 14   Vous le savez, Mesdames et Messieurs les Juges, la jurisprudence a

 15   considérablement évoluée s'agissant du degré de précision requis. Le

 16   concept de l'entreprise criminelle s'est pratiquement développé depuis

 17   2001. Je ne pense pas qu'auparavant, on n'eut jamais fait référence de

 18   cette façon-là à ce concept de la responsabilité. Je suis sûr qu'il est

 19   inutile de vous rappeler, Mesdames et Messieurs les Juges, l'ampleur de ce

 20   procès. D'après un représentant du Tribunal, cela a été le plus long procès

 21   de crimes de guerre qu'il n'y a jamais eu, du moins avant le procès

 22   Milosevic. Je crois que ce dernier est pratiquement à mi-parcours.

 23   Il y a eu plus de 241 témoins. Beaucoup ont été des témoins dont le compte

 24   rendu a été produit venant d'autres procès. Il y a eu 4 665 pièces. Vous le

 25   savez, nombre de ces pièces sont apparues, ont surgi au milieu du procès,


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  1   vers la fin du procès, et tout à fait à la fin du procès. J'irais même

  2   jusqu'à dire que le processus d'appel a été retardé et s'est prolongé sur

  3   trois ans en grande partie. Là, je cherche le terme qui convient. Je dirai

  4   que c'est une période prolongée qu'il y a eu de communication en

  5   application d'un article qui est essentiel en l'espèce, l'Article 68. Ne

  6   serait-ce que jeudi dernier, nous avons reçu deux documents. Il y a eu de

  7   nouvelles communications; l'une concernant le plan de l'ABiH d'attaquer les

  8   Croates dans la vallée de Lasva, et l'autre en matière de détention Zlatko

  9   Aleksovski, rapport qu'il présent à son colonel, le colonel Blaskic pour ce

 10   qui est des conditions qui prévalent dans les lieux de détention.

 11   Vendredi, le 14 mai, on est même allé plus loin. Nous avons reçu une

 12   synthèse détaillée des procédures qui se tenaient dans le Tribunal

 13   militaire de district préparé par le parquet militaire du HVO et son

 14   procureur Zeljko Percinlic.

 15   Nos plaidoiries sont organisées d'une façon claire qui vous apparaît à

 16   l'écran. Nous allons baser nos plaidoiries sur l'équité du procès. Dario

 17   Kordic n'a pas bénéficié de la légalité des armes. Il y a eu plusieurs

 18   violations de l'Article 68, davantage que cela ne fut jamais le cas dans ce

 19   Tribunal, dans un aucun procès, et plus grave que ce ne fut le cas dans

 20   aucun système national que je connaisse. Ces infractions vont à la base

 21   même, au cœur même du principe de l'équité du procès.

 22   Je passerai, ensuite, à l'examen du point suivant : le caractère trop vague

 23   -- excessivement vague de l'acte d'accusation. Effectivement, l'Accusation

 24   n'a pas résisté à la tentation d'avoir un procès en cible mouvante. Nous ne

 25   savions pas d'un mois à l'autre quelle serait l'accusation retenue, la


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  1   thèse d'accusation pour ce qui est de la responsabilité. Cela a changé

  2   juste à la fin du procès. On est parti au départ d'un énorme champ

  3   d'action, 31 municipalités sur une très longue période de temps. Cela s'est

  4   réduit comme peau de chagrin à une seule réunion, un après-midi au cours

  5   d'une seule journée, ce qui n'avait jamais été allégué dans l'acte

  6   d'accusation modifié.

  7   Il y a deux paragraphes qui sont essentiels pour les conclusions de la

  8   Chambre de première instance. Il s'agit des paragraphes 630 et 631 du

  9   jugement. Nous allons y consacrer beaucoup de temps ainsi qu'au Témoin AT.

 10   Outre cela, à notre connaissance, il n'y a pas le moindre procès, la

 11   moindre affaire où on a basé la culpabilité sur un ouï-dire tout à fait non

 12   corroboré d'un seul Témoin, surtout un Témoin tel que celui-ci, à quelqu'un

 13   qui a été condamné pour meurtre et qui est un menteur notoire, un homme qui

 14   a trompé ce Tribunal, trompé sa Chambre de première instance et la Chambre

 15   d'appel. Nous dirons aussi que ce Témoin a trompé la Chambre d'appel

 16   Kordic.

 17   Je parlerai de la certification, de l'authentification. Je

 18   m'adresserai surtout à une pièce, la pièce Z610.1 où on en a

 19   l'identification d'un officier de permanence qui n'a pas été identifié, qui

 20   était présenté et préparé à une période non connue par des personnes

 21   inconnues et pour lesquelles il n'y a pas d'authentification, ce qui veut

 22   dire qu'on ne peut pas expliquer ces anomalies. Nous dirons, deuxièmement,

 23   qu'il y a eu fabrication de toutes pièces, et troisièmement que ce n'est

 24   pas du tout un document militaire comme on les connaît. Si j'en ai le

 25   temps, je viendrai aux questions relevant du 98 bis et à la question du


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  1   conflit armé international. La Chambre d'appel nous a demandé d'évoquer,

  2   chef d'accusation par chef d'accusation, les conclusions tirées par la

  3   Chambre de première instance. La Chambre d'appel sait que c'est

  4   pratiquement une tâche impossible à réaliser. En effet, chaque chef

  5   d'accusation reprend plusieurs lieux singuliers. Nous avons essayé de

  6   ventiler les éléments constitutifs des infractions et d'analyser localité

  7   par localité. Ainsi pour chacune de ces localités, ont avaient prouvé les

  8   éléments constitutifs des infractions. Me Smith va vous parler également du

  9   droit régissant les persécutions. Vous l'avez remarqué, c'est le chef le

 10   plus vaste s'agissant de sa portée dans l'acte d'accusation. Je crois que

 11   c'est là un véritable euphémisme.

 12   Me Naumovski poursuivra, ensuite, pour examiner la même chose s'agissant de

 13   certains endroits précis, de villages particuliers. En fait, ici, à l'écran

 14   c'est inversé. Il va d'abord parler de Kiseljak. Là, manifestement, les

 15   condamnations s'appuient sur les dires d'un seul Témoin non corroboré, le

 16   Témoin Y pour établir quoi ? Que

 17   M. Kordic était présent à un lieu précis, à un moment précis. Non qu'il

 18   fasse quoi que ce soit, ce Témoin n'a pas entendu M. Kordic dire quoi que

 19   ce soit faire, quoi que ce soit; c'est sa seule présence qui a suffi. Vu la

 20   jurisprudence de ce Tribunal établi dans l'arrêt Krstic, notamment,

 21   s'agissant de l'incident de Potocari, paragraphes 248, 98 et 148 de cet

 22   arrêt. C'est une conclusion qui aura une pertinence particulière pour nous.

 23   J'en parlerai au moment de la situation régissant la peine.

 24   Critère de déclamage, je voulais y consacrer beaucoup de temps au départ,

 25   mais je suis heureux de pouvoir vous dire que nous avons l'arrêt Kunarac


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  1   qui nous donne les critères qui nous régissent ici; je ne vais pas

  2   m'attarder sur ce point. Nous reconnaissons que s'agissant d'erreurs de

  3   droit, il nous revient de prouver qu'il y aurait eu erreur de droit qui

  4   aurait une incidence sur l'issue. Nous allons voir les erreurs de droit

  5   matériel ainsi que les erreurs de droit de procédure commises par la

  6   Chambre de première instance.

  7   Pour ce qui est des erreurs de fait, nous le concédons, toutes les

  8   erreurs de fait n'ont pas nécessairement entraîné acquittement ou

  9   renversement de la peine, annulation de la peine. Nous devons prouver qu'il

 10   y a eu erreur judiciaire ou déni de justice. Il y a déni de justice ou

 11   erreur judiciaire lorsqu'il y a une issue qui est grossièrement injuste,

 12   par exemple, lorsqu'un accusé est condamné pour des infractions en

 13   l'absence de conclusions factuelles, ce qui est le cas lorsqu'il n'y a pas

 14   ici suffisamment de preuves pour ce qui est des éléments constitutifs du

 15   crime. Le concept-clé, dans une affaire comme celle-ci, au fond il est

 16   simple. C'est le lien à établir, c'est la connexité.

 17   Arrêt Delalic, la Chambre d'appel souligne qu'il revient à

 18   l'Accusation de prouver qu'il y a au niveau du contrôle et qu'il faut

 19   prendre grand soin afin d'éviter une injustice. Il ne faut pas estimer

 20   quelqu'un responsable lorsque ce lien est trop éloigné ou trop ténu. Il n'y

 21   a pas mystère en l'espèce parce que, dans les réquisitoires et plaidoiries

 22   du 14 décembre 2002, c'est précisément ce qui a été dit par le Président de

 23   la Chambre à l'Accusation, ce que l'Accusation a contesté. C'était la

 24   question qui se pose ici. C'est la question comme le dit le Président du

 25   lien entre les crimes et l'établissement de l'intention délictueuse


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  1   nécessaire pour imposer la responsabilité pénale au regard de ces crimes.

  2   L'Accusation l'a reconnu elle-même dans son mémoire; ce qui compte c'est le

  3   lien en l'espèce. Kordic estime qu'il n'y a aucun lien qui a été établi.

  4   Je souhaite simplement ajouter que dans le jugement Galic émis en

  5   décembre de l'année dernière, il est constaté que seulement deux affaires

  6   se portent sur le concept des attaques contre les civils; Blaskic et

  7   Kordic. Il est vrai que Galic constitue probablement la troisième affaire,

  8   mais il n'y a pas de jurisprudence devant ces Chambres concernant les

  9   attaques contre les civils, même s'il existe des éléments de preuve

 10   présentés devant la Chambre d'appel de Kunarac, établissant qu'afin

 11   d'établir une attaque contre les civils, la population civile doit être la

 12   cible primaire et non pas secondaire de l'attaque; quelque chose concernant

 13   le fardeau de la preuve qui revient toujours au Procureur même en appel.

 14   Il faut que le Procureur prouve ces arguments au-delà de tout doute

 15   raisonnable, notamment, prouver tous les éléments car, si tous les éléments

 16   ne sont pas prouvés, il est nécessaire d'acquitter la personne accusée et

 17   condamnée. Il faut savoir que, même lorsque la suspicion est très grave, il

 18   s'est avéré dans le jugement Simic, où

 19   M. Avramovic a été reconnu non coupable du déni d'outrage à ce Tribunal,

 20   malgré les suspicions extrêmement graves à son encontre, les éléments de

 21   preuve indirects, paragraphe 13 du jugement dans cette affaire décrits par

 22   le Procureur en tant que souples, difficiles et complexes. Le Procureur

 23   doit communiquer à temps les éléments à décharge dès que ceci est possible

 24   conformément au règlement de procédure et de preuve car il revient au

 25   Procureur de prouver sa version des faits. Ceci a d'ailleurs été souligné


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  1   par le Président de la Chambre au TR28306. En effet, au cours du

  2   réquisitoire, le Juge présidant a dit au Procureur que c'est une affaire

  3   qui s'appuie dans de nombreux éléments aux conclusions indirectes.

  4   Il faut savoir que sur la base des mêmes éléments de preuve, s'il

  5   n'est pas possible de constater la culpabilité de la personne au-delà de

  6   tout doute raisonnable, la Chambre de première instance est tenue de

  7   prononcer un acquittement.

  8   Ce qui est également important dans le jugement en appel de

  9   Vasiljevic qui a été rendu cette année, dans la partie portant sur

 10   l'intention délictueuse, il est dit qu'une attention spéciale doit être

 11   prêtée aux actes de l'accusé car, si les actes de l'accusé sont ambiguës,

 12   la personne ne peut pas être condamnée. Ici, il est difficile de dire sur

 13   la base de quoi M. Kordic a été condamné, puisque aucun acte, agissement de

 14   M. Kordic n'a vraiment été précisé dans les paragraphes les plus

 15   importants, à savoir, le paragraphe 630 et 631 du jugement. Nous savons

 16   cela à même du Témoin AT que, prétendument, M. Kordic était à un certain

 17   endroit à un certain moment, mais nous ne savons pas du tout ce qui a été

 18   fait. Nous n'avons aucune idée car personne n'a assisté à cette réunion la

 19   plus importante. Il n'y a pas de preuve corroborant cela.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît.

 21   M. SAYERS : [interprétation] Le 14 décembre 2001, cette loi portant sur les

 22   conclusions indirectes a été appliquée. Je souhaite simplement attirer

 23   votre attention aux diapositives 28303 et 304.

 24   Ensuite, notre premier commentaire concernant le motif d'appel 1-D, au

 25   cours du stade préalable à l'appel, on nous a demandé de parler de cela. M.


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  1   Kordic considère que, même si l'égalité des armes veut dire tout simplement

  2   l'accès égal aux remèdes, en vertu de la procédure, apparemment, c'est la

  3   loi qui régit cette procédure ici, même s'il s'agit d'une définition si

  4   étroite de l'égalité des armes, M. Kordic n'y a pas eu accès. Il a présenté

  5   une requête afin d'obtenir accès aux documents présentés en huis clos en ce

  6   qui concerne les affaires liées à la vallée de Lasva, mais il n'a pas

  7   obtenu cet accès. Au cours de procès, il a demandé cela deux fois sans

  8   résultat. Pourquoi ? Parce que le président a dit à la Chambre, deux fois,

  9   que tous les éléments à décharge avaient déjà été communiqués et le

 10   Procureur a affirmé à la Chambre d'appel de cela également. Or, les

 11   éléments de preuve à décharge, émanant du général Blaskic, qui disait que

 12   M. Kordic ne figurait pas du tout au sein de la chaîne de commandement du

 13   HVO, n'ont pas été présentés. Il a été dit par Blaskic que Kordic était un

 14   civil.

 15   Le général Blaskic n'était pas subordonné à M. Kordic. L'égalité des

 16   armes est un concept extrêmement important qui sert à s'assurer que les

 17   parties peuvent présenter leurs arguments dans les conditions qui ne vont

 18   pas être défavorables pour une partie par rapport à l'autre.

 19   Dans l'affaire Hadzihasanovic, la Chambre de première instance a

 20   souligné le fait que la Défense avait toujours le droit de demander des

 21   faits matériels émanant de toute source afin de s'appuyer sur ces éléments

 22   dans le cadre de la présentation de ces éléments de preuve. M. Kordic a

 23   demandé cela sans succès malheureusement.

 24   Quelle est la version des faits de la part du Procureur ? Nous savons

 25   que ceci est décrit en tant qu'un épisode troublant d'après le mémoire en


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  1   réponse du Procureur, paragraphe 2, 226789 [comme interprété]. Prenons

  2   l'exemple de la déclaration préalable du Témoin AT. Quand ce Témoin a-t-il

  3   déposé ? Une semaine avant la fin de la présentation de tous les éléments

  4   de preuve, pièce à conviction Z610.1. Cet élément de preuve, quand est-ce

  5   qu'elle a été versée au dossier ? Le 1er décembre 2000, c'est-à-dire, une

  6   semaine avant la fin du procès.

  7   En vertu de l'Article 21(4)(A) et (B), il est dit qu'un accusé a le

  8   droit de bénéficier d'un procès équitable, et pour ce faire, il a le droit

  9   d'être au courant de toutes les charges retenues contre lui pour qu'il

 10   puisse avoir suffisamment de temps pour préparer sa défense. Nous avons

 11   également l'Article 68 du Règlement de procédure et de preuve qui parle de

 12   son droit à avoir accès à temps à tous les éléments à décharge, à un moment

 13   où l'accusé bénéficie encore de la présomption de l'innocence. Il revient,

 14   bien sûr, au Procureur de prouver sa culpabilité.

 15   Avant le procès, une ordonnance a été rendue qui demandait au

 16   Procureur de communiquer les éléments à décharge et les déclarations de

 17   témoins. Pourquoi ? A cause de la protection des droits de l'accusé. Cet

 18   ordre était tout à fait approprié car, comme nous l'avons déjà dit tout à

 19   l'heure, le Procureur avait suffisamment de temps de se préparer. L'enquête

 20   a duré cinq ans avant le début du procès comme ceci a été dit par M.

 21   Goldstone au Juge McDonald en 1995. Il a bénéficié du soutien total des

 22   autorités musulmanes, de la Fédération, et ces autorités l'ont réitéré,

 23   encore une fois, devant la Chambre de première instance en 1995. Ensuite,

 24   quatre procès avaient eu lieu : Furundzija, Aleksovski, Kupreskic, Blaskic.

 25   Des témoins, des centaines de témoins, des milliers de pièces à conviction.


Page 195

  1   Il est complètement inexcusable de la part du Procureur de se lancer dans

  2   un rythme aussi frénétique s'agissant de la communication des dizaines de

  3   milliers de pages à Kordic alors qu'il aurait pu préparer tout cela bien

  4   avant le procès.

  5   Pourquoi est-ce qu'il est important de communiquer ces pièces à

  6   temps ? L'ordre s'appuyait sur les Articles 68 et 66. C'est l'ordre rendu

  7   le 26 février 1999. Il y est dit qu'il est nécessaire de permettre à la

  8   Défense d'avoir une vision claire et cohérente du point de vue de Procureur

  9   afin de se préparer d'une manière appropriée. Nous n'avons jamais eu cette

 10   opportunité.

 11   Malgré la demande, le Procureur a demandé des prolongations des

 12   délais juste avant le procès et les a obtenues. Nous avons reçu 361

 13   déclarations de témoins et les pièces jointes simplement un mois, seulement

 14   un mois, non pas avant le procès, mais après le début du procès. Dans le

 15   jugement en appel Kupreskic, les observations appropriées ont été faites

 16   par rapport à une telle procédure.

 17   Je pense que les déclarations du Témoin H, le Témoin clé, ont été

 18   fournies à la Défense seulement un mois avant le procès.

 19   Les déclarations du Témoin AT, quand est-ce qu'elles ont été

 20   transmises à l'équipe Kordic ? Septembre 2000 et début octobre 2000, un an

 21   et demi après le début du procès.

 22   La cible mouvante soulève des questions de l'équité de la procédure.

 23   Comme le Juge Président a déjà constaté, il est important que la Chambre

 24   soit au courant du point de vue du Procureur avant la fin de la

 25   présentation des éléments de preuve du Procureur. Bien sûr, la Chambre doit


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  1   être au courant de cela, mais certainement la Défense devrait être informée

  2   également de tout ce qui est retenu contre son client. Nous allons nous

  3   appuyer sur notre mémoire.

  4   Je vais maintenant parler de la partie concernant l'Article 68. Il

  5   existe plusieurs interprétations de cet article, mais cela ne change pas

  6   grand-chose au fond, car les droits et les obligations sont les mêmes. Le

  7   Procureur doit communiquer, dès que possible, tous les éléments à décharge.

  8   Il n'est pas difficile de comprendre ce concept.

  9   Comme je l'ai déjà constaté dans ma déclaration liminaire, le

 10   manquement à communiquer les éléments à décharge dans cette affaire ont été

 11   bien plus graves que dans l'affaire Krstic, il y un mois seulement, pire

 12   que dans toutes les affaires dans tout système juridique national dont je

 13   suis au courant. C'est même pire que dans l'affaire qui a fait l'objet

 14   d'une procédure devant la Cour suprême des Etats-Unis, il y a deux mois,

 15   contre Banks.

 16   Il ne s'agit par simplement de l'application de l'Article 68. Nous avons

 17   deux ordonnances qui ont été rendues par deux Chambres de première instance

 18   séparées. Il s'agit de la Chambre Blaskic, ordonnance rendue avant le début

 19   du procès, portant sur la communication de tous les éléments à décharge

 20   concernant Kordic contenus dans les éléments versés à huis clos dans

 21   l'affaire Blaskic et dans les autres affaires.

 22   Les éléments à décharge auraient dû être disponibles à la Défense avant le

 23   procès.

 24   Quelle est l'importance de l'Article 68 ? Dans l'appel Tadic, il est

 25   constaté que le droit à un procès équitable est un droit central, clé


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  1   s'agissant du respect de la loi. Le Procureur a reconnu que ces obligations

  2   de la communication doivent être remplies, et que ceci est essentiel pour

  3   avoir un procès équitable. Mais, malheureusement, le Procureur a dit cela

  4   verbalement deux mois avant le mémoire du Procureur dans l'affaire présente

  5   où le Procureur a constaté qu'il n'avait pas du tout violé l'Article 68 du

  6   Règlement de procédure et de preuve.

  7   Il y a trois ans également nous avons parlé de cela, et il a été

  8   réitéré devant la Chambre d'appel Blaskic qu'il existe cette obligation de

  9   la part du Procureur de communiquer tous les éléments à décharge. Cette

 10   obligation est aussi importante que l'obligation de poursuivre le suspect.

 11   Mais, apparemment, le Procureur ne le considérait pas dans l'affaire qui

 12   nous considère. Je peux dire même que le Procureur a délibérément omis de

 13   nous communiquer certains éléments à décharge absolument cruciaux.

 14   L'importance des obligations du Procureur en vertu de l'Article 68 ne

 15   peut être trop soulignée. Il s'agit du principe du procès équitable. Le

 16   Procureur a répondu à cela : "Mais nous avons tellement de documents, et il

 17   est très difficile de les trier, s'il vous plaît, ayez un peu plus de

 18   compréhension par rapport à la communication de notre part, compte tenu de

 19   l'ampleur des documents que nous devons trier." Mais dans cette affaire, la

 20   Chambre d'appel sait qu'il ne s'agissait pas là d'une erreur mais d'une

 21   décision prise délibérément, car l'équipe du Procureur, dans le procès

 22   Blaskic, avait préparé le résumé de la déposition très longue du général

 23   Blaskic. Ils les ont rendues, ils les ont transmis à l'équipe du Procureur

 24   dans l'affaire présente. Le Procureur a observé et analysé ces documents et

 25   décidé de manière délibérée de ne pas les communiquer à la Défense Kordic.


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  1   La question qui se pose est de savoir si un tel comportement devant ce

  2   Tribunal est acceptable. Si la réponse est oui, la question qui se pose

  3   ensuite est comment est-ce possible que les éléments à décharge aussi

  4   importants ont été retenus.

  5   Le Procureur est responsable de cela et je peux vous dire que dans ma

  6   juridiction nationale, même la cour, toute cour de base tiendrait le

  7   Procureur pour responsable de cela et le soumettrait à des sanctions

  8   disciplinaires les plus sévères certainement. L'Article 68 porte également

  9   sur toutes les informations obtenues et qui sont pertinentes pour l'affaire

 10   présente.

 11   Les documents à décharge doivent bien sûr être communiqués à la

 12   Défense pour que celle-ci puisse se préparer et ceci a été observé

 13   également par la Chambre de première instance dans l'affaire de Delalic. Il

 14   faut toujours donner une interprétation vaste, et non pas trop étroite, à

 15   l'Article 68 du règlement de procédure et de preuve.

 16   Pourquoi ? Car le concept de la culpabilité par association n'est pas

 17   acceptable devant de ce Tribunal ou devant tout autre tribunal. Le

 18   Procureur reconnaît cela lui-même, le Procureur de cette affaire a demandé

 19   une peine d'emprisonnement à vie en vertu de l'Article 7(3), qui se fonde

 20   sur l'affirmation que M. Kordic aurait été un commandant militaire. Cette

 21   information a été absolument rejetée, réfutée par le général Blaskic, mais

 22   cette réfutation a été supprimée. La déposition du général Blaskic était

 23   disponible au Procureur à tout moment. La déposition à huis clos était

 24   disponible au Procureur à tout moment, mais pas à l'équipe de la Défense de

 25   Kordic.


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  1   Comment avons-nous appris cela ? Tout d'abord, nous avons demandé

  2   d'avoir accès aux arguments présentés en appel de manière confidentielle

  3   dans les autres affaires liées à cela, et nous avons constaté deux choses :

  4   Dans l'affaire Kupreskic, le Procureur s'agissant du Témoin AT, dit : "Il

  5   ne pouvait pas être au courant de la nature et du contenu de la réunion des

  6   leaders politiques qui a eu lieu dans le bureau de Blaskic le 15 avril." Le

  7   Témoin AT ne savait pas du tout le contenu de cette réunion du 15 avril.

  8   Ensuite, dans l'affaire Blaskic, nous pouvons lire que le Procureur

  9   se fonde sur la déposition du général lui-même pour dire que Kordic

 10   n'exerçait aucun pouvoir militaire.

 11   Blaskic rejette l'affirmation selon laquelle Kordic exerçait le

 12   contrôle militaire d'après les arguments présentés par le Procureur de

 13   manière confidentielle. Il a dit également à huis clos que Kordic

 14   personnellement ne faisait pas partie de la chaîne de commandement et qu'il

 15   n'avait pas de fonctions au sein de la chaîne de commandement entre la

 16   police militaire et le bataillon non plus. Il faisait partie des autorités

 17   civiles simplement.

 18   Malgré cela, dans son appel, le Procureur demande à la Chambre d'appel

 19   d'augmenter la peine prononcée à l'encontre de M. Kordic car, dit le

 20   Procureur, la Chambre de première instance n'a pas pris en compte de

 21   manière appropriée les pouvoirs, les positions et les responsabilités de M.

 22   Kordic.

 23   Le Procureur a eu des postions incohérentes dans des appels différents. Par

 24   exemple, en ce qui concerne Novi Travnik, le général Blaskic n'a pas été

 25   condamné pour les événements qui se sont déroulés à Novi Travnik en octobre


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  1   1992. C'était Kordic qui a été condamné. Prenez en compte maintenant la

  2   déposition qui n'a pas été communiquée du général Blaskic concernant ces

  3   événements. Comme je l'ai dit, Kordic ne faisait pas partie de la chaîne du

  4   commandement. Vous pouvez voir cela sur l'écran. Concernant Novi Travnik et

  5   les combats qui s'y sont déroulés, le général souligne : "Personnellement,

  6   j'étais à la tête des opérations et c'est moi qui les ai menées. Lorsque

  7   j'ai dit que j'étais à la tête des opérations, je souhaite dire que je

  8   commandais au cours des opérations militaires lorsque j'étais sur place,

  9   alors que Kordic n'était pas à la tête d'opérations militaires."

 10   Maintenant est-ce que ceci a jamais été communiqué ? Est-ce que ceci a été

 11   communiqué à l'équipe Kordic ? Non. Le Procureur a cité à la barre nombre

 12   de témoins, dont le colonel Stewart afin de constater que Kordic exerçait,

 13   effectivement, le contrôle militaire à cet emplacement. Or, ceci est réfuté

 14   par les déclarations du général Blaskic et, dans sa réponse à la question

 15   du Juge, présidant dans la Chambre d'appel Blaskic, voici ce que le général

 16   a dit au sujet de Kordic : "Je n'étais pas subordonné à Kordic du tout. Ses

 17   déclarations et ses opinions n'étaient jamais contraignantes pour moi, et

 18   je ne les ai jamais prises comme cela." Ceci n'a jamais été communiqué à la

 19   Défense.

 20   Voyant maintenant Banks versus Dretke, je ne vais pas vous faire perdre

 21   beaucoup de temps car il s'agit là d'une affaire via une juridiction

 22   nationale. Nous reconnaissons cela. Ici, qu'est-ce qui a été supprimé ? Il

 23   s'agit d'une affaire où l'accusé a déjà été condamné pour meurtre, mais ce

 24   n'était pas cela le problème. Le problème c'était que la peine capitale a

 25   été prononcée contre Banks lors d'une audience du prononcé de la peine.


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  1   Lors de cette audience, le Procureur n'a pas communiqué à Banks le fait que

  2   le Témoin principal, dans le cadre de cette audience, Robert Farr, était un

  3   informateur payé, ce qui a directement miné la crédibilité du Témoin

  4   principal du Procureur. Qu'a dit la Cour suprême ? "La suppression de la

  5   part du Procureur des éléments de preuve favorables à un accusé qui a

  6   demandé de les obtenir, viole la bonne procédure selon laquelle il est

  7   nécessaire de communiquer à la Défense ce genre de document."

  8   "La Cour suprême a également constaté qu'il est nécessaire de présenter ces

  9   éléments dès que possible. Cela veut dire qu'il est nécessaire de

 10   communiquer ces documents dès que ceci est possible dans la pratique." Par

 11   conséquent, de cette façon, la Défense pourra se servir de ces documents

 12   dans le contre-interrogatoire de témoins cités par l'Accusation à la barre.

 13   J'insiste sur ce point au moment "du procès".

 14   Je vous ai dit que la décision de ne pas communiquer était une décision

 15   sciemment prise. Quelle est la preuve de tout cela, allez-vous peut-être

 16   dire. Prenez l'annexe 10, confidentiel, du

 17   8 mai. En fait, c'est le 8 mars 2004. C'est la réponse fournie à ce moment-

 18   là par le bureau du Procureur. L'Accusation savait ce que le général avait

 19   dit à huis clos. Ils savaient parfaitement ce que le général avait dit. Le

 20   Procureur a décidé de supprimer cette information.

 21   Que dit l'arrêt Krstic, il y a de cela à peine un mois : "La communication

 22   de documents à décharge est essentiel à l'équité des débats qui se tiennent

 23   dans ce Tribunal, l'équité étant un facteur déterminant. On se demande si

 24   ce principe déterminant a été violé." Vous constaterez ceci aux paragraphes

 25   180 et 211 : "Ce sont les principes généraux qui soulignent la nécessité de


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  1   mettre en œuvre cet article, cette règle comme étant un ingrédient

  2   essentiel à un procès équitable."

  3   Voilà les questions qui se posent à vous. Est-ce que ce sont simplement des

  4   mots vides de sens ici, ou est-ce qu'ils ont une signification ? Les

  5   principes de droit que la Chambre d'appel ne cessent de formuler et, de

  6   façon très affirmative dans l'arrêt Krstic, est-ce qu'il faut les

  7   appliquer ? S'il faut les appliquer, il faut les appliquer ici en l'espèce.

  8   Quel que soit le système de justice civilisé, il est inacceptable que

  9   l'Accusation retienne des éléments de preuve pour dire ensuite à la Chambre

 10   de première instance qu'elle ne les a pas dissimulés.

 11   Ici, il y a eu deux arguments présentés expressément par le bureau du

 12   Procureur : la première fois le 20 juillet -- le 20 janvier, non pas le

 13   mois de juillet, mais 20 janvier 1993; et, la deuxième fois, le 3 août.

 14   Qu'est-ce que j'ai dit -- excusez-moi, j'ai dit 1993, je voulais dire, bien

 15   sûr, le 20 janvier 2000 et le 1er août 2000. C'est ce qui rend la violation

 16   ici excessive et inacceptable. Nous voulions obtenir la recevabilité de

 17   documents qui avaient été présentés à huis clos par des témoins dans le

 18   procès consacré à la vallée de la Lasva, notamment dans le procès Blaskic.

 19   Le 20 janvier, deux jours à peine après la fin de la déposition du

 20   lieutenant-colonel, à propos de cette question, il a dit : "Inutile de

 21   communiquer ceci, ma parole suffit. Si ce n'est pas suffisant, j'aimerais

 22   savoir pourquoi." Voilà précisément ce qu'a dit le Procureur à la Chambre

 23   de première instance. Elle a marqué son accord, puisqu'elle nous a débouté

 24   de notre requête.

 25   La même chose s'est reproduite le 1er août 2000, [comme interprété]


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  1   après la débâcle du Témoin AO. Il y avait eu déposition de ce Témoin. Il

  2   est apparu, à ce moment-là, qu'il y avait des documents qui existaient, qui

  3   étaient d'une importance capitale que connaissait le Procureur, qu'il avait

  4   dans ses dossiers depuis des années. Ces documents m'ont été communiqués

  5   qu'après la fin déjà de la déposition de ce Témoin, alors qu'il était déjà

  6   parti de La Haye. Nous avons demandé une certification en application de

  7   l'arrêt Krnojelac, montrant que l'Accusation s'était acquittée de toutes

  8   ses obligations. C'est ce qui a été répété à la Chambre de première

  9   instance. On a dit : "Croyez-moi sur parole. Si vous ne le croyez pas,

 10   dites-moi pourquoi." La Chambre l'a crue une fois de plus, et notre requête

 11   en vue d'accès a été rejetée au moment du procès.

 12   Parce qu'à ce moment-là, déjà la décision de ne pas communiquer avait

 13   été prise. Nous estimons, Mesdames et Messieurs les Juges, que c'est là une

 14   situation inacceptable.

 15   J'en arrive au vice de forme de l'acte d'accusation. Il est trop

 16   vague; ce qui entraîne la confusion et un jugement qu'il est aussi confus

 17   et désorganisé. Ce qui permet à l'Accusation de changer de thèse sans

 18   arrêt, ce qui rend la tâche de la Défense impossible. A la dernière

 19   Conférence de mise en état, il a été dit qu'il est difficile de se frayer

 20   un chemin dans le jugement rendu le

 21   26 février 2001.

 22   L'obligation de dresser un acte d'accusation précis, c'est une des

 23   garanties minimales dont peut jouir un accusé dans ce Tribunal pour assurer

 24   l'équité du procès, Article 21(4)(A). Il doit être informé promptement;

 25   cela veut dire avant l'ouverture du procès et de façon détaillée de la


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  1   nature et de l'origine des chefs retenus contre lui. Pourquoi ? De façon à

  2   ce qu'il dispose suffisamment de temps et de moyens pour préparer sa

  3   défense.

  4   L'acte d'accusation, c'est un instrument d'accusation primordial et

  5   primaire dans ce Tribunal. Il doit énoncer de façon détaillée les faits

  6   matériels à la base des accusations et des charges retenues contre un

  7   accusé. C'est ce qui a été dit de façon dépourvue d'ambiguïté dans l'arrêt

  8   Kupreskic, il y a trois ans.

  9   Ici, il y a eu cinq ans d'enquête avant le début du procès pour ces

 10   quatre procès de la Lasva. Il y avait suffisamment d'occasions pour

 11   modifier, s'il y avait apparition de nouveaux moyens au moment du procès

 12   pour modifier le degré de précision requis par la loi. Il n'en demeure pas

 13   moins que l'acte d'accusation n'a pas été modifié. La requête déposée par

 14   Kordic afin de rejeter l'acte d'accusation pas pour un caractère trop

 15   vague, cette requête a été rejetée.

 16   Quelle était la nature des charges retenues contre Kordic ? La

 17   Chambre d'appel devrait se pencher avec soin sur le procès intenté à

 18   Kordic, comme il est consigné dans cet acte d'accusation. Paragraphe 35 :

 19   Campagne politique et militaire afin de persécuter et de terroriser les

 20   Musulmans de Bosnie. Où ? Des les trentaines de municipalités de la

 21   communauté croate d'Herceg-Bosna ainsi que dans la municipalité de Zenica.

 22   Quelle serait la participation alléguée de Kordic ? Quelle attention

 23   attachez-vous aux paragraphes 25 et 26 de l'acte d'accusation modifié ?

 24   Ici, on parle de la participation de Kordic et de l'avis de

 25   l'Accusation avant le procès. Il avait différents postes de haut niveau. Il


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  1   faisait partie de façon intégrante, et c'était une figure de proue de toute

  2   la campagne. Il avait le pouvoir, l'autorité et la responsabilité de

  3   diriger, de contrôler et de former la politique et sa mise en œuvre,

  4   d'empêcher, de limiter les crimes, les exactions et les excès qui se sont

  5   commis au cours de cette campagne. Voilà ce qui est retenu contre Kordic.

  6   Qu'est-ce que cela veut dire ? A quoi devons-nous répondre ? Nous le

  7   savons, parce que la Chambre, elle a dit de façon parfaite dans sa décision

  8   du 6 avril 2000 : "La thèse retenue par l'Accusation porte sur la

  9   participation de l'accusé, Dario Kordic, aux niveaux les plus élevés du

 10   gouvernement et la Défense devrait se préparer à l'avenant."

 11   C'est précisément, exactement, ce que nous avons fait. Nous avons

 12   appelé à la barre des hommes politiques nationaux. Nous avons appelé deux

 13   anciens premiers ministres, le chef d'état-major du HVO, de nombreux

 14   officiers de l'état-major de la zone opérationnelle de Bosnie centrale : le

 15   commandant Filipovic; le second de Blaskic, Nakic; le chef d'état-major; et

 16   plusieurs officiers, plusieurs commandants de brigades, pas seulement de la

 17   zone opérationnelle de Bosnie centrale, mais d'autres zones

 18   opérationnelles.

 19   Vu la thèse retenue contre M. Kordic, que conclu le jugement de première

 20   instance ? Ce n'était pas un commandant. Ce n'était pas un supérieur

 21   hiérarchique. Il n'avait aucun poste dans la voie hiérarchique, la chaîne

 22   de commandant du HVO. Il n'avait pas le pouvoir de donner des ordres à des

 23   unités militaires du HVO. Il n'avait pas le pouvoir d'empêcher la

 24   commission de crimes. Il n'avait pas le contrôle effectif des forces

 25   militaires du HVO. Il n'avait pas le pouvoir de sanctionner, de punir. Il


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  1   ne se trouvait pas dans les échelons suprêmes du gouvernement, de

  2   l'exécutif. Ce n'était pas un artisan de la campagne de persécution. Ce

  3   n'est pas lui qui était le moteur, la locomotive de cette campagne. C'était

  4   un civil. C'était un dirigeant politique local, mais il n'était pas le seul

  5   à l'être.

  6   Pourquoi l'a-t-on condamné ? De quoi a-t-il été condamné ? Pas pour sa

  7   participation aux échelons suprêmes du gouvernement, pas pour la conclusion

  8   de droit qu'il aurait eu la responsabilité ou le pouvoir de diriger, de

  9   contrôle ou de former, de configurer la politique du HVO ou de la

 10   communauté croate d'Herceg-Bosna, comme on le dit dans l'acte d'accusation.

 11   Au contraire, il a été condamné d'infractions et de participation à des

 12   événements qu'on ne trouve nulle part dans l'acte d'accusation modifié. Où

 13   que vous cherchiez, vous ne trouverez pas la moindre référence à cette

 14   réunion du 15 avril 1993. C'est là la base, l'essieu même de tous ces

 15   paragraphes 630 et 631. On ne trouve nulle part un chef d'accusation

 16   portant sur ces chefs d'accusation de l'acte d'accusation. A fortiori, ils

 17   ne sont pas de façon suffisamment détaillée, comme le requiert la norme.

 18   C'est sans arrêt que Kordic s'est opposé au fait que l'Accusation

 19   n'eut cessé de changer de thèse. Il l'a dit, le

 20   20 juillet, le 3 août, le 25 septembre, le 12 octobre 2000. Vous trouverez

 21   l'énumération d'autres dates dans notre document. Ce n'est pas un argument

 22   qui aurait été concocté uniquement pour l'appel; c'est une objection qui a

 23   été faite au moment du procès et à plusieurs reprises. On ne saurait mieux

 24   décrire ce procès qu'en reprenant un des mémos de la Chambre de première

 25   instance où il a dit qu'il s'agissait ici d'un procès d'impressionnisme


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  1   judiciaire. C'est là une formulation des plus illustratives et éloquentes.

  2   On ne peut pas élaborer sa thèse au fur et à mesure; ce l'a été. C'est

  3   précisément ce qui s'est passé.

  4   Voici quelques exemples. Le convoi de la Joie. Dix paragraphes du

  5   jugement y sont consacrés en juin 1993, bien des mois après les événements

  6   principaux qui sont question dans ce procès. On ne le dit nulle part, on ne

  7   le mentionne nulle part dans l'acte d'accusation modifié. Le meilleur

  8   exemple, c'est celui de l'affaire de meurtre qu'on a intenté à M. Kordic,

  9   le meurtre dans le meurtre, celui de Mirsad Delija, le 25 janvier 1993.

 10   D'après le jugement, l'Accusation a soutenu que quelque part Kordic était

 11   impliqué dans ce meurtre. Apparemment, sa participation alléguée n'avait

 12   pas été prouvée. Alléguée où ? Pas dans l'acte d'accusation modifié.

 13   Je crois que le droit est assez simple. Il est clair, il devait

 14   l'être en la matière. Il nous vient de l'arrêt Kupreskic où on dit qu'il y

 15   avait des vices de forme dans l'acte d'accusation. On a l'impression

 16   qu'ici, et on donne un détail supplémentaire dans l'arrêt Kupreskic qui

 17   compte tout particulièrement ici. La Chambre d'appel a dit qu'elle

 18   répugnerait peut-être à acquitter un accusé qui avait été condamné

 19   simplement pour vices de forme dans l'acte d'accusation. Ceci a été

 20   conforté, la Chambre a été confortée dans ses conclusions qui allaient dans

 21   le sens de dire que ce devrait néanmoins être le cas, parce que la base

 22   dans cette affaire, cela a été une seule déposition, un Témoin qui n'a pas

 23   été corroboré, le Témoin H, comme c'est le cas ici, aussi.

 24   Cependant, le Témoin H, ce n'était pas un condamné. C'était une

 25   victime, une jeune femme sans casier judiciaire, qui n'a pas rapporté de


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  1   l'ouï-dire, qui était un Témoin oculaire, qui a été Témoin des événements.

  2   Pourtant, la Chambre d'appel a estimé ce que n'était pas suffisant pour

  3   emporter condamnation et réclusion criminelle. Je crois que les

  4   comparaisons entre l'affaire Kupreskic et ceci sont assez frappantes.

  5   Quels sont les tests, les critères en droit ? Il faut voir si cet

  6   acte d'accusation présente les faits matériels de la thèse retenue par

  7   l'Accusation, avec suffisamment de détails pour permettre à l'accusé de

  8   savoir s'il est bien informé et pour préparer sa défense en conséquence.

  9   Revenons à la déclaration en application du 98 bis, tout du moins

 10   pour ce qui est de la requête déposée en application du 98 bis. Quelle

 11   était d'après la Chambre de première instance, la situation qui se

 12   présentait ? Participation au plus haut niveau du gouvernement. "Il faut

 13   préparer son affaire."

 14   Si on connaît l'identité d'une victime, le lieu, le moment des

 15   événements, il faut l'alléguer. Ici, c'était le quatrième procès de la

 16   vallée de Lasva. On n'a pas précisé les événements. On n'a pas identifié

 17   les victimes alléguées en donnant leur nom, rien.

 18   Il faut donner des détails. Ce qui compte en plus, c'est la

 19   déclaration Rasevic prise il y a quelques jours à peine; qui dit et

 20   souligne qu'il est essentiel que l'accusé sache à partir de l'acte

 21   d'accusation, quel est le degré de proximité qui est allégué entre lui et

 22   les événements. Il doit le savoir, si on prétend qu'il a commis des crimes.

 23   Il doit savoir quels sont ces crimes, quand ils auraient été commis et

 24   comment ils auraient été commis. On pourrait croire que c'est là une idée

 25   assez élémentaire. Cela devrait être élémentaire à notre avis. C'est


Page 209

  1   précisément ce qu'est censé fournir comme information un acte d'accusation.

  2   Il doit vous dire voilà : "Vous avez commis tel ou tel crimes, comme ceci,

  3   à ce moment-là. Voilà les modalités de l'action." L'acte d'accusation ici

  4   présent ne le fait pas.

  5   La seule exception à cette règle en matière d'argumentation, nous le

  6   concédons aisément, c'est que lorsque l'ampleur des crimes allégués est tel

  7   qu'il n'est pas praticable, qu'il n'est pas possible de donner le degré de

  8   détails requis, à ce moment-là, il ne faut pas le fournir. Ici, ce n'était

  9   pas le cas, c'était loin de l'être. Je vous ai dit qu'il y avait déjà eu

 10   auparavant quatre procès complets.

 11   A mi-parcours, l'Accusation a changé de thèse d'accusation. Au

 12   départ, on accusait l'accusé de participation, participation plus haut

 13   niveau, 31 municipalités plus Zenica, et plus haut niveau de gouvernement

 14   sur une période de trois ans, et on en est revenu à deux heurs au cours

 15   d'un seul après-midi, une seule journée dans la bureau du général Blaskic.

 16   Qu'est-ce qui s'est passé à cet endroit ? Qui sait ? Aucune preuve n'a été

 17   apportée à ce propos. Qui a dit quoi ? Qui sait. La Chambre de première

 18   instance ne le savait pas. La présente Chambre d'appel ne le sait pas.

 19   Personne ne le sait. Qui a vu Kordic à cette réunion ? Aucun Témoin direct.

 20   Nous n'avons qu'un Témoin par oui dire, le Témoin AT.

 21   Voilà les faits matériels : une réunion se serait tenue dans le bureau du

 22   général Blaskic le 15 avril 1993, au cours de laquelle il y aurait eu

 23   planification, instigation et ordre donné pour que des crimes soient

 24   commis. Voilà les faits. Est-ce qu'ils étaient allégués quelque part ? Non,

 25   non, dans l'acte d'accusation modifié, non, ils l'y ont été dans un acte


Page 210

  1   d'accusation modifié dans l'affaire Ljubicic. Paragraphe 23, là on allègue

  2   précisément cette réunion, qui s'est tenue le 15 avril 1993, et,

  3   apparemment, maintenant on se repose sur la déclaration, les dires du

  4   Témoin AT.

  5   L'Accusation est censée savoir ce qu'elle accuse avant de commencer un

  6   procès. C'est un principe élémentaire que rappelle l'arrêt Kupreskic : "En

  7   l'absence suffisamment de précisions pour des faits matériels on peut se

  8   demander si le procès peut se continuer. Il n'est pas acceptable que

  9   l'Accusation omette les aspects matériels des allégations principales qu'il

 10   présente afin de moduler son accusation au fil du procès, alors que pour le

 11   procès il faut savoir comment se présente les moyens de preuve."

 12   Finalement, ici l'Accusation a fait ce que l'arrêt Kupreskic déclare

 13   irrecevable. Il a modulé les pièces et les accusations retenues contre

 14   Kordic au fil du procès en fonction de la situation. Voilà ce qui s'est

 15   passé.

 16   Dans Kupreskic, comme ici, des allégations étaient larges et imprécises,

 17   mais si vous regardez le procès Kupreskic, les allégations étaient encore

 18   plus précises et en ont été dans cet acte d'accusation. On donnait dans

 19   l'acte d'accusation modifié Kupreskic des dates précises à propos de

 20   l'implication alléguée de l'accusé au paragraphe 9, dudit acte accusation.

 21   C'était beaucoup plus précis que dans notre acte d'accusation modifié.

 22   L'identité des victimes était connue dans le procès Kupreskic. Ce n'était

 23   pas le cas ici. Si vous voyez Zoran et Mirjan Kupreskic : "On ait passé

 24   d'une participation intégrale à une simple présence au moment de la

 25   commission des faits." C'est précisément ce genre de transformation qui est


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  1   intervenu ici. L'acte d'accusation ne précise pas la forme de

  2   participation, pas plus qu'il ne le fait dans le procès Kordic.

  3   De même et là, je vais passer la parole à Me Smith sur ce point, les

  4   charges de persécutions sont formulées de la façon la plus vague, la plus

  5   large possible. Ce sont des charges génériques mais dans le procès

  6   Kupreskic la charge des persécutions elle, a été définie au paragraphe 28

  7   du jugement comme étant la charge la plus vaste portée dans l'acte

  8   d'accusation.

  9   L'Accusation doit préciser les faits lorsqu'elle accuse de persécution. Si

 10   elle ne le fait pas, l'acte d'accusation présente un vice de forme. La

 11   persécution, vu son caractère nébuleux, ne peut pas être prise comme une

 12   charge générale qui englobe tout. Pour ce qui est de principe, il faut que

 13   l'acte d'accusation donne des détails particuliers, et ne pas se livrer à

 14   des caractérisations génériques. Or, c'est ce qui se passe ici, c'est un

 15   acte d'accusation présenté en vice de forme.

 16   Voici des exemples de vices de forme, et c'est assez ironique, c'est

 17   davantage le cas ici. Il y avait ce Témoin FWS-50 dans le procès Kunarac,

 18   et cela n'avait été indiqué nulle part dans l'acte d'accusation. Ce

 19   témoignage n'a pas été pris en compte par la Chambre de première instance.

 20   Pareil dans Naletelic lorsqu'on parlait de la destruction des mosquées à

 21   Mostar. Notamment, ceci n'a pas été pris en compte parce que ce n'était pas

 22   repris dans l'acte d'accusation. Doljani et Mostar, ces incidents n'ont pas

 23   été pris en compte comme je le disais dans le procès Naletelic.

 24   Nous reprenons une partie des réquisitoires et plaidoiries Kupreskic

 25   où le bureau du Procureur dit : "Il faut donner la liste des victimes," car


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  1   c'est la conséquence des chefs dans l'acte d'accusation or, l'Accusation ne

  2   l'a pas fait ici dans le procès Kordic.

  3   Qu'est-ce que c'est qu'un fait matériel ? Nous sommes tout à fait

  4   prêts à retenir l'avis de l'Accusation en la matière. Un fait matériel,

  5   c'est un fait dont dépend de façon critique le jugement. C'est ce que dit

  6   l'Accusation dans l'appel Blaskic en 2002, nous sommes tout à fait d'accord

  7   avec l'Accusation. Dans le mémoire de l'intimé, il est dit que l'acte

  8   d'accusation doit énoncer de façon précise le comportement, les actes de

  9   l'accusé qui semblent être constitutifs de responsabilité retenue. On dit

 10   qu'il faut les identifier, les circonscrire de façon précise. Nous sommes

 11   d'accord. Examinons maintenant l'acte d'accusation modifié et demandez-vous 

 12   si ces critères sont appliqués ou pas. A notre avis, ils ne le sont pas.

 13   Prenez un bon acte d'accusation : Hadzihasanovic. On allègue les

 14   massacres commis par l'ABiH, les dates et les noms des victimes.  Vous avez

 15   ici une pièce Z1190. C'est assez ironique parce que c'est un acte

 16   d'accusation préparé par les autorités de l'ABiH contre M. Kordic et 29

 17   autres Croates de Bosnie. Vu les circonstances difficiles dans lesquelles

 18   il a été préparé, puisque c'était la guerre, il est assez précis. Il y a le

 19   nom des victimes, des incidents et des allégations sont formulées, de façon

 20   précise, quant à ce qu'aurait fait M. Kordic, participation à une réunion

 21   vers la mi-avril en 1993. C'est beaucoup plus précis que l'acte

 22   d'accusation que nous avions ici.

 23   Blagojevic, les dates sont données, détails des réunions, mais aussi

 24   dans Krstic, dans l'acte d'accusation, il est allégué qu'il y avait eu

 25   trois réunions, pas à tel ou tel jour, mais on donne les heures de ces


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  1   réunions : à 20 heures, le 11 juillet 1995, trois heures plus tard le même

  2   jour, et 10 heures du matin le lendemain.

  3   Acte d'accusation modifié de Ljubicic, c'est un modèle de précision.

  4   On plaide, de façon précise, des détails matériels.

  5   Comme l'exige l'Article 21.4(A) du statut, planification de la

  6   réunion à l'hôtel Vitez, c'est précisé. Au moins Ljubicic, il est avisé des

  7   faits à la base des charges retenues contre lui. C'est un privilège auquel

  8   n'a pas eu le droit M. Kordic.

  9   Si l'on voit le critère déterminé par l'arrêt Kupreskic et par les

 10   autres arrêts qui élaborent la jurisprudence de ce Tribunal, nous faisons

 11   valoir que l'acte d'accusation modifié est excessivement vague. Du coup, M.

 12   Kordic a été victime d'impressionnisme judiciaire, l'affaire, elle s'est

 13   bâtie au fil du temps, pour reprendre les termes de M. Kordic, cela a été

 14   un procès de cible mouvante.

 15   L'Accusation a eu la possibilité de modifier et de moduler sa thèse

 16   en fonction des moyens de preuve présentés, ce qui est injuste. C'est

 17   incompatible avec des garanties fondamentales qui sont données à un accusé,

 18   celle d'un procès équitable.

 19   Prenons maintenant le Témoin AT.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce que vous pouvez le

 21   présenter en cinq minutes ? Je ne pense pas que ce soit utile que vous

 22   deviez vous interrompre dans votre présentation.

 23   M. SAYERS : [interprétation] Je comprends bien que vous receviez

 24   énormément d'informations et je pense que le moment se prête davantage à

 25   une pause maintenant.


Page 214

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Fort bien. Encore une question

  2   auparavant. Vous avez présenté plusieurs clichés; est-ce que vous avez

  3   l'intention de remettre un exemplaire de cette présentation à l'Accusation

  4   et aux Juges ?

  5   M. SAYERS : [interprétation] Nous avions espéré, Monsieur le Président, que

  6   c'est ce que vous demanderiez parce qu'il y a énormément d'informations que

  7   vous recevez. Nous avons préparé un CD qui contient toutes ces informations

  8   et ce CD pourra être distribué aux Juges et à l'Accusation.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous en parlerons pendant la pause.

 10   Les débats reprendront à 11 heures précise.

 11   --- L'audience est suspendue à 10 heures 28.

 12   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Monsieur Sayers, avant de

 14   continuer, j'aimerais vous prier d'avoir l'amabilité de fournir aux parties

 15   en présence ainsi qu'aux Juges, des exemplaires de cette décision de la

 16   Cour suprême des Etats-Unis pour ce qui est de l'affaire Banks contre

 17   Dretke, étant donné que cela ne figure pas dans le livre.

 18   M. SAYERS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est attaché à la

 19   pièce à conviction numéro 1 de la réponse versée par la Défense de M.

 20   Kordic en février de cette année, concernant la réplique supplémentaire

 21   conformément à la disposition de l'Article 68. Nous serons tout à fait

 22   disposés à vous refournir des copies une fois de plus.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous allons nous repencher sur ce

 24   livre pour essayer de le retrouver. Merci.

 25   M. SAYERS : [interprétation] Je vous en prie.


Page 215

  1   Messieurs les Juges, je me propose de parler maintenant du Témoin AT qui, à

  2   certains aspects, constitue la partie centrale de l'appel Kordic.

  3   L'importance du témoignage de ce Témoin ne serait être soulignée par trop

  4   ou de façon excessive. Ce Témoin a été crucial pour ce qui est de l'élément

  5   de planification d'instigation ou d'encouragement et des ordres à donner.

  6   Il a été indiqué que ce témoignage a été des plus importants de même que

  7   dans les arguments présentés pour ce qui est de l'affaire Kupreskic. Je

  8   crois que le témoignage ne doit pas être sous-estimé.

  9   Par ailleurs, la Chambre d'appel a également reconnu il y a un mois

 10   ou deux dans l'affaire Blaskic dans son arrêt 2004. Il a été 

 11   établi que, dans l'affaire Kordic, ce témoignage du Témoin AT a permis de

 12   condamner Kordic pour les crimes à Ahmici.

 13   Partant du témoignage par ouï-dire qu'a effectué ce Témoin, comme je l'ai

 14   dit, un homme qui a été accusé et condamné pour meurtre, un homme pour qui

 15   il a été établi qu'il avait menti devant la Chambre d'appel ainsi que

 16   devant la Chambre de première instance dans sa propre affaire. Nous avons

 17   fondé sur le témoignage de ce Témoin, les conclusions qui suivent.

 18   Il a été conclu que M. Kordic avait pris part à l'élaboration des plans

 19   faits à l'occasion de la réunion du 15 avril 1992. On a indiqué que Kordic

 20   aurait été associé aux ordres donnés d'exécuter et de mettre en détention.

 21   Il aurait approuvé les ordres du général Blaskic, ordres qui n'auraient pas

 22   été donnés sans l'approbation politique de la part de la direction locale.

 23   Nous estimons que cela est tout à fait erroné. Pour ce qui est de la chaîne

 24   de commandement du HVO, la chose a été complètement démontrée. Nous allons

 25   parler de cette question sous peu, et nous disposons de pièces à conviction


Page 216

  1   que nous proposons de la Chambre.

  2   La chaîne de commandement a été une chaîne de commandement conventionnelle,

  3   verticale. Au sommet, il se trouvait un commandant suprême de cette

  4   communauté croate de l'Herceg-Bosna, à savoir, Mate Boban. Il était le

  5   commandant suprême. Il se trouvait être le président. Dans mes remarques

  6   liminaires, j'ai constaté que la Chambre d'appel avait été d'avis que M.

  7   Kordic était le vice-président du HZ HB. Ce n'est pas la réalité. Il était

  8   vice-président de la Présidence du HZ HB. Cela peut sembler être une

  9   distinction artificielle, mais cela ne l'est pas. Le commandant suprême du

 10   HZ HB se trouvait être le président de cette communauté croate d'Herceg-

 11   Bosna. Le président de la HZ HB se trouvait être le président de cet organe

 12   législatif où se trouvait M. Kordic également en sa qualité de l'un des

 13   deux vice-présidents. Le commandant suprême avait un département de la

 14   Défense à la tête duquel il y avait Bruno Stojic. Sous ce département, il y

 15   avait un QG, un état-major du HVO où il y avait les généraux de brigade

 16   Petkovic, Praljak et Roso.  A l'état-major, pour ce qui est des zones

 17   opérationnelles, il y avait le général Blaskic. En dessous de lui, il y

 18   avait des zones opérationnelles et divers commandants de brigades de la

 19   police militaire, et cetera.

 20   Est-ce que la chaîne de commandement fonctionnait sur la ligne

 21   verticale ? Oui, c'est le cas, mais les leaders politiques locaux n'avaient

 22   aucun rôle à jouer pour ce qui est des négociations de cessez-le-feu. Voici

 23   un exemple d'accord de cessez-le-feu qui a conduit à la conclusion d'une

 24   interruption ou d'un cessez-le-feu en avril 1993. La pièce D83/1 est un

 25   ordre du commandant suprême du HVO, de Mate Boban, à l'intention de l'état-


Page 217

  1   major du HVO à Mostar. Le même jour, ayant reçu cet ordre, l'état-major

  2   donne des ordres à l'intention de chacun des commandants des zones

  3   opérationnelles. Je parle là de la pièce à conviction D84/1. Le même jour,

  4   après avoir reçu les ordres de la part de son supérieur militaire direct du

  5   général de brigade, Petkovic, dans le cas de la zone opérationnelle de

  6   Bosnie centrale, le colonel Blaskic, à ce moment-là, donne l'ordre Z715 à

  7   l'intention de tous les généraux de brigades subordonnés, y compris le 4e

  8   Bataillon de la police militaire. Il s'agit d'ordre de cessez-le-feu.

  9   Vous l'avez, vous le savez. Une chaîne de commandement qui fonctionne

 10   de la façon conventionnelle sans qu'il y ait implication quelque qu'elle

 11   soit de la part des dirigeants politiques locaux. Il n'apparaît pas

 12   clairement pourquoi la Chambre de première instance a conclu que les

 13   dirigeants politiques locaux avaient quelque influence que ce soit pour ce

 14   qui est du fonctionnement de cette chaîne verticale de commandement.

 15   J'aimerais à présent que nous passions à une session à huis clos partiel.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] A huis clos partiel, je vous prie.

 17   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez continuer à présent.

 15   M. SAYERS : [interprétation] Comme je l'ai déjà indiqué dans l'arrêt

 16   Kunarac, il a été souligné l'importance, l'importance cruciale des

 17   objections présentées au moment opportun lors du témoignage du Témoin qui

 18   soit fait de façon écrite ou orale. Le témoignage de deuxième main est

 19   admissible en vertu des dispositions régissant le fonctionnement de ce

 20   Tribunal, mais il faut qu'il y ait un témoignage fiable. La Chambre a été

 21   sollicitée pour ce qui est de prêter attention aux indices de fiabilité de

 22   ce témoignage par ouï-dire. C'est là qu'il s'agit de procéder à une espèce

 23   d'examen minutieux de ce témoignage, quoiqu'il soit admissible.

 24   Au Tribunal international pénal pour le Rwanda, il y a eu un

 25   témoignage de ce type. Ceci relève de l'arrêt Akayesu. Les commentateurs de


Page 219

  1   cette Cour européenne des droits de l'homme a dit qu'il ne serait

  2   inéquitable de condamner un accusé rien que sur des éléments de témoignage

  3   par ouï-dire. Il s'agit de contre-interroger le Témoin.

  4   Qui est le Témoin dans cette affaire ? Le Témoin dans cette affaire était

  5   en réalité Ljubicic et non pas le Témoin AT. Je sais que dans ce

  6   témoignage, les éléments du témoignage viennent de Pasko Ljubicic. Je tiens

  7   à dire qu'il y a eu pour cela un témoignage parfaitement isolé. Il serait

  8   erroné de tirer des conclusions uniquement à partir de ce témoignage que

  9   l'on a présenté ici en Chambre de première instance, un récit qui n'était

 10   pas vérifiable. Comme l'a dit M. Ljubicic, à l'époque, il n'était pas

 11   disponible. Il s'était constitué fugitif à l'égard de la justice.

 12   Quel est le témoignage de ce qu'on dit les uns ou les autres à l'occasion

 13   de ce témoignage. Je l'ai dit et je le répète; il n'y pas de preuve à ce

 14   sujet. Il y a eu des éléments de preuve par contre qui ont contredit ces

 15   dires. L'une des personnes potentiellement présente a présenté un

 16   témoignage à l'opposé du témoignage du Témoin AT. Il s'agit de Zoran Maric.

 17   Nous avons entendu son témoignage. Quel est le type de Témoin ce M. Maric ?

 18   Il n'a aucun dossier judiciaire. Il était président du parlement du canton

 19   de la Bosnie centrale dans la fédération. Je crois qu'il est actuellement

 20   député au sein du parlement de la fédération de Bosnie-Herzégovine. Aucune

 21   décision récente de la part de la Chambre de première instance ne se trouve

 22   étayée par le témoignage de ce Témoin qui s'est vu rejeté.

 23   La deuxième personne identifiée comme étant présente, c'était Jozo Sekic.

 24   Il a nié avoir été présent, quoique ayant été président du HVO, du

 25   gouvernement civil, à Novi Travnik. Il n'a jamais eu vent de cette réunion.


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  1   "A ma connaissance, jamais personne de Novi Travnik," a-t-il dit, "n'a été

  2   là-bas."

  3   Une fois de plus, je tiens à mentionner que la pratique judiciaire en cet

  4   élément-ci a une importance particulière. Le seul témoignage qui se trouve

  5   non corroboré, notamment, lorsqu'il s'agit d'un témoignage par ouï-dire,

  6   doit être examiné de façon rigoureuse. Cela a été indiqué par la Chambre de

  7   première instance dans l'affaire Kupreskic lors de l'appel. Il doit être

  8   analysé la crédibilité de ce témoignage. Comme l'arrêt le dit, il n'y a

  9   aucun élément de preuve direct à l'appui du témoignage du Témoin AT pour ce

 10   qui est de cette réunion.

 11   Maintenant, pour ce qui est du droit et des éléments de droit corroborant

 12   les éléments de corroboration, des témoignages sont relativement connus. Il

 13   y a une déclaration générale qui régit cette partie-là de l'appel Kordic.

 14   Il est absolument clair que lorsque les Chambres d'appel se sont penchées

 15   sur cette question de nécessité de corroborer ou absence d'éléments

 16   corroborants deviennent particulièrement significatifs.

 17   Lorsque les éléments factuels dans d'autres affaires ont été rejetés,

 18   je crois que nous avons eu des cas de ce genre dans l'affaire de Delalic,

 19   la Chambre d'appel a rejeté certains éléments de faits en dépit des

 20   éléments à charge présentés par l'appelant.

 21   La Chambre d'appel n'est pas en corroboration, parce qu'elle doit être

 22   spécifique; elle ne peut pas être générale. Par conséquent, la déposition

 23   du Témoin JY [comme interprété] n'était pas de nature à corroborer en

 24   droit. Par conséquent, la Chambre d'appel a été confortée dans sa décision

 25   de rejeter l'acte d'accusation ou tout du moins d'acquitter Zoran et Mirjan


Page 221

  1   Kupreskic car il y avait vice de forme dans l'acte d'accusation. De

  2   surplus, la présence du témoignage central, le témoignage essentiel a été

  3   jugé dépourvu de fiabilité

  4   De même dans Krnojelac, Vasiljevic, et dans Krstic, les conclusions

  5   factuelles ont été renversées.

  6   Nous sommes tout à fait conscients de la jurisprudence qui régit et

  7   qui exige de cette Chambre qu'elle renverse les conclusions factuelles

  8   prises par la Chambre de première instance. Paragraphe 63, de l'arrêt

  9   Aleksovski. Dans l'affaire Delalic, par exemple, même s'il y avait

 10   énormément d'éléments de preuve sur les mauvais comportements de Delalic et

 11   le nombre de participations à des sévices, et même en dépit du nombre de

 12   ces incidents, la Chambre d'appel a dit que, vu ce qui a été présenté au

 13   procès, aucun élément raisonnable ne montre qu'il aurait participé à cet

 14   incident.

 15   Dans l'affaire Kupreskic, même si le Témoin oculaire a été considéré comme

 16   ayant force, on n'a pas retenu ce qu'il avait dit au paragraphe 630 du

 17   jugement en la présente affaire. J'ajouterais pour le Témoin Y, le

 18   paragraphe 725, en dépit du fait qu'elle n'avait pas de casier judiciaire,

 19   en dépit du fait que c'était un Témoin oculaire et non un Témoin par oui

 20   dire, la base n'a pas été jugée suffisamment raisonnable pour entraîner

 21   condamnation.

 22   Il y avait des contradictions dans ses déclarations préalables. Elle

 23   avait ajouté de nouveaux détails dans sa déposition, ce que l'on ne

 24   trouvait pas dans ses déclarations au préalable. C'est important, vous le

 25   saurez. Si on compare les déclarations au préalable du Témoin AT, avec son


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  1   audition : "Il a ajouté des détails, il a ajouté des éléments d'information

  2   destinés à l'audience de nouveaux détails à l'appui de ces affirmations,"

  3   pour reprendre les termes de l'arrêt Kupreskic. Ce n'est pas là toute une

  4   évolution ou simplement une évolution par degré, c'est un ensemble

  5   d'évolution comme cela a été le cas dans le jugement pour outrage Simic,

  6   s'agissant du Témoin Agnes.

  7   Le revers de la médaille de cette analyse, on le trouve dans

  8   l'affaire Krnojelac. Le commandant du KP Dom a été acquitté de certains

  9   chefs d'accusation en rapport avec les lieux de détention et la Chambre

 10   d'appel dit : un instant, cet homme c'était un commandant et il commandait

 11   cet établissement. Il est passé par des murs qui étaient criblés de trous

 12   de balles et il y avait des taches de sang partout. Il avait une

 13   responsabilité de supervision et aucune Chambre de première instance

 14   raisonnable n'aurait pu l'acquitter de ces chefs.

 15   Dans l'affaire Vasiljevic, un exemple particulièrement effroyable de

 16   meurtre de sang froid, il y avait des gens à genoux qui suppliaient pour

 17   qu'on les laisse en vie et on les a tués de sang froid. En dépit de cela,

 18   pour ce qui est de certains incidents entraînant condamnations par exemple,

 19   la possibilité de tuer des travailleurs de l'usine Varda, un Tribunal

 20   n'aurait pu, au vu des faits, conclure à une culpabilité. Nous avons aussi

 21   le témoignage non corroboré du Témoin VG14, dans l'affaire Vasiljevic et ce

 22   témoignage partiel n'était pas corroboré, n'a pas suffit.

 23   Dans Krstic, nous avons quelques déductions d'intention délictueuse

 24   et si vous voyez l'arrêt Krstic, il est très pertinent à cet égard. Il faut

 25   la preuve directe de l'intention délictueuse précise et si ce n'est pas le


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  1   cas, si vous vous appuyez sur les actes de l'accusé qu'on peut interpréter

  2   différemment, on pourrait décider qu'il y a culpabilité et d'autres

  3   interprétations pencheront en faveur de l'innocence. A ce moment-là, il

  4   faut accorder le doute à l'accusé.

  5   Les éléments de preuve n'ont pas prouvé la participation directe du

  6   Corps de la Drina et par conséquent ne peuvent pas être considérés comme

  7   des éléments prouvant la participation de Krstic aux exécutions. Cette

  8   formulation très vague doit avoir eu connaissance, cela a été rejeté parce

  9   que le général Mladic avait un plan homicide et on a conclu que le général

 10   Krstic devait avoir connaissance de ce plan. Par conséquent on pouvait

 11   déduire une intention délictueuse. Mais la Chambre fort adéquatement a

 12   rejeté cette formulation très vague et a franchement critiqué la mauvaise

 13   phraséologie retenue par la Chambre de première instance à cet égard.

 14   Il devrait être désormais clair qu'en dépit des affirmations de la

 15   Chambre de première instance que le général Mladic avait connaissance des

 16   tueries. Le général Krstic devait le savoir aussi.  Ceci n'a pas été établi

 17   à la lueur des contacts du général Krstic avec le général Mladic s'agissant

 18   de l'intention d'exécuter. Ce même principe de droit s'applique aux

 19   déductions ici aussi en espèce.

 20   Le Témoin AT en personne ne se trouvait pas à la réunion du 15 avril.

 21   Il n'a pas entendu ce qu'ont dit les participants. Il ne pouvait pas

 22   témoigner à ce propos. Il n'a pas vu Kordic à quelque moment que ce soit.

 23   Il n'a pas entendu, il n'a pas parlé à Blaskic. Mis à part son audition,

 24   rien ne prouve que le général Blaskic aurait donné l'ordre de tuer. La même

 25   situation se retrouve que dans l'arrêt Krstic au paragraphe 98, il y a


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  1   moins d'un mois de cela.

  2   Ce Témoin, je lui ai dit, a témoigné à peine un peu plus d'une

  3   semaine avant la clôture du procès. En fait c'est par surprise qu'il a été

  4   présenté à Kordic bien des mois après la fin de la présentation des moyens

  5   à charge. Ce Témoin n'a rien réfuté des dires de Kordic. Il n'a rien réfuté

  6   des éléments de preuve apportés par Kordic. Ce Témoin donnait des éléments

  7   de preuve nouveaux et ceci à notre avis n'était pas juste car cela s'est

  8   passé juste à la fin du procès.

  9   Décisions en appel à cet égard, la décision Haskic en juin 2000.

 10   L'Accusation avait plusieurs thèses quant au lieu où se trouvait M. Kordic

 11   le 15 avril. L'une de ces thèses, c'est qu'il n'était pas QG de la ZOBC,

 12   qu'il était à Donja Veceriska, apparemment d'après les dires d'un Témoin

 13   défunt, Midhat Haskic. La Chambre d'appel a dit que ceci ne suffisait pas

 14   pour prouver la présence de l'accusé à un lieu et à un moment donné et

 15   qu'il ne serait pas possible de condamner Kordic à partir de cette seule

 16   déclaration, s'il n'y avait pas corroboration de ces faits ou de ces dires.

 17   Décision suivante en appel, celle qui porte sur les déclarations sous

 18   serment en application du 94 ter, qui a été supprimée depuis, mais qui a

 19   été soutenue à l'époque car nous avons pu présenter les déclarations sous

 20   serment pour attester de faits qui avaient été établis au moment de la

 21   déposition de témoins. La Chambre d'appel a dit ceci : ce qui est prime,

 22   c'est la protection des droits de l'accusé. Mais pour qu'il y ait

 23   corroboration, s'il y a déclaration sous serment, il faut qu'il y ait un

 24   lien très précis entre les faits décrits dans sa déclaration et les faits

 25   entendus au moment de l'audition du Témoin. Le contexte général ne


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  1   représente pas la corroboration.

  2   La même chose a été dite dans l'arrêt Krstic.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous demande de ralentir, s'il

  4   vous plaît.

  5   M. SAYERS : [interprétation] Je sais que je suis un délinquant notoire en

  6   matière de célérité. Je vais faire de mon mieux et essayer de ralentir mon

  7   débit.

  8   Il y a un mois eu égard à un incident particulier de l'affaire Krstic, la

  9   Chambre fort pertinemment, a retenu qu'il ne fallait pas se baser sur le

 10   témoignage de M. Deronjic en l'absence d'éléments de corroboration. Si l'on

 11   conjugue ces circonstances de cette affaire- là, la Chambre a pris beaucoup

 12   de soins à ne pas simplement s'appuyer sur cette seule déclaration.

 13   Un exemple particulièrement frappant du rôle que joue la

 14   corroboration. Ceci nous vient du jugement Naletilic. Nous vous le

 15   recommandons pour lecture. J'ai pris un extrait d'une série d'observations

 16   de décisions rendues par la Chambre de première instance. La Chambre a

 17   repris la règle générale; si vous avez un seul Témoin sur un fait matériel,

 18   cela veut dire qu'il faut corroboration ou qu'il ne faut pas corroboration

 19   en droit. Voyons comment la Chambre a utilisé ceci.

 20   Nous avons ici des rapports de membres préparés par un bataillon en

 21   particulier. C'est corroboré. C'est fiable. Si vous avez ici le journal de

 22   Rados, c'est corroboré, fiable, crédible. Vous avez des déclarations du

 23   Témoin PP, des témoins de la MCCE et de la FORPRONU, ceci a été corroboré

 24   par beaucoup de témoins oculaires, et cela se poursuit. Un exemple après

 25   l'autre d'un témoignage qui est déclaré recevable parce qu'il était


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  1   corroboré.

  2   Que se passe-t-il lorsque ce n'est pas le cas ? En voici deux

  3   exemples : nous avons le Témoin AF, qui a dit que le Naletilic était

  4   l'auteur de tortures et de sévices à l'école Sovici parce que ceci n'avait

  5   pas été corroboré par d'autres témoignages. De même, il y avait un seul

  6   Témoin qui a parlé de sévices, je pense que c'est à Dobrkovici et la

  7   Chambre a dit que ceci n'avait pas suffisamment de valeur probante pour

  8   être retenu comme conclusion par la Chambre.

  9   Dans l'affaire Kunarac, déposition du Témoin AS. Elle a dit

 10   qu'elle avait subi des viols multiples de Kovac et ceci a été corroboré par

 11   le Témoin FWS-87. Ceci a été reconnu inévitablement, parce que c'étaient

 12   des circonstances effroyables. La Chambre a dit que s'agissant du Témoin

 13   FWS-48, rien ne venait appuyer ses dires pour évacuer des doutes soulevés.

 14   Par conséquent, la condamnation ne s'est pas appuyée sur ce témoignage.

 15   Dans l'affaire Vasiljevic, le jugement de première instance reprenait

 16   pratiquement les mêmes observations. Nous avons déjà repris le jugement en

 17   outrage Simic et même s'il y a des soupçons graves, ceci ne suffit pas à

 18   établir la preuve au-delà de tout doute raisonnable. Il faudrait beaucoup

 19   plus pour que M. Avramovic soit reconnu coupable.

 20   Pareil pour le Tribunal pour le Rwanda. Nous avons résumé ceci au

 21   184, l'appel Musema. J'espère que je ne prononce pas mal Ntakirutimana. La

 22   décision dans la Chambre. Rutaganda, le jugement Niyitegeka, c'est un cas

 23   tout particulièrement intéressant parce que Niyitegeka a été jugé coupable

 24   d'avoir kidnappé une jeune gamine, d'avoir passé une demi-heure avec elle

 25   dans sa voiture, de l'avoir fait sortir de la voiture, de la battre, et vu


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  1   le témoignage par ouï-dire d'un Témoin, qui a dit que cet accusé aurait

  2   violé la gamine pendant qu'elle se trouvait dans la voiture, l'Accusation a

  3   demandé à la Chambre de première instance de penser qu'il y avait eu

  4   infraction de viol. Nonobstant le meurtre et nonobstant les circonstances,

  5   la Chambre a dit : cela ne suffit pas. Ce n'est pas corroboré. C'est un

  6   témoignage par ouïe-dire qui ne suffit pas pour établir qu'il y a eu viol.

  7   Ceci vaut également pour ce qui est de l'argument pour notre

  8   jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Il faut que s'il

  9   n'y pas de corroboration de l'ouï-dire, ceci ne suffit pas. Nous avons ici

 10   l'affaire Kostovski, l'affaire Saidi et l'affaire Unterpertinger, où il y

 11   avait énormément de preuve, un rapport de police, dossiers de divorce,

 12   ainsi que des rapports médicaux. Mais là, vous aviez deux déclarations

 13   faites en dehors du prétoire par deux témoins qui étaient au cœur même de

 14   la condamnation, et cela a été considéré comme étant insuffisant.

 15   Quelle fût la décision de la Chambre de première instance ? Parce que

 16   je pense que c'est là quelque chose qui est très parlant.

 17   Le Témoin K parle de ce qu'aurait dit M. Kordic dans une émission de radio

 18   télévisée. Cela a été rejeté. On n'a pas produit de cassette, donc la

 19   Chambre ne s'est pas appuyée sur cet ouï-dire. Nura Pezer : pas de

 20   corroboration, le témoignage est rejeté. Témoin AC : sans appui de ce

 21   qu'aurait dit M. Kordic dans une conférence de presse, aucune chance qu'on

 22   aurait pu se baser sur ceci. Pour ce qui est du Témoin H, du Témoin AP, et

 23   du Témoin I, la même chose vaut. La seule exception en l'occurrence est le

 24   Témoin AT. Là on applique un critère différent. Pourtant la Chambre

 25   reconnaît que ce Témoin n'a pas pu dire toute la vérité quant à sa propre


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  1   participation. Ce que la Chambre voulait dire c'est qu'il mentait à propos

  2   de ce qu'il faisait, lui à Ahmici le 16 avril 1993. Comme vous le saurez,

  3   c'est précisément ce qu'il a fait. Il a menti s'agissant de ce qu'il

  4   faisait lui dans ce village ce jour-là.

  5   Pour ce qui est de la Défense fondée sur l'alibi, la Chambre considérait

  6   que l'alibi ne pouvait pas être acceptée. Avec tout le respect que je dois

  7   à la Chambre de première instance, je pense qu'elle s'est précipitée

  8   lorsqu'elle a ainsi décidé. Réfléchissons. Apparemment, la Chambre de

  9   première instance a essayé de faire une distinction entre les mensonges

 10   dits par les avocats représentants un accusé et l'accusé lui-même. Or, peu

 11   importe, qui a menti, qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un accusé, car le

 12   principe de l'unité du conseil et du client est un concept important et

 13   fondamental dans le cadre du procès devant ce Tribunal, c'est le Procureur

 14   lui-même qui l'a dit, à deux reprises, en décembre 2001 et le 6 février

 15   2004. Je peux dire que cette affirmation de décembre 2001 a été faite deux

 16   mois après le mémoire de l'intimé de la part du Procureur dans la présente

 17   affaire où les arguments de Kordic ont été décrits en tant qu'exagérations.

 18   Cependant, il ne fait aucun doute que le principe de l'unité entre le

 19   client et le conseil est indispensable pour toutes procédures devant cette

 20   institution, peu importe qui a dit un mensonge, si c'est le conseil de la

 21   Défense ou le client lui-même.

 22   Peut-on passer brièvement à un huis clos partiel, s'il vous plaît ?

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui.

 24   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître

 20   Sayers.

 21   M. SAYERS : [interprétation] Puisque je n'ai pas tellement de temps, je

 22   vais abrégé ce qu'il me reste à dire. Je vais d'abord traiter de la

 23   première réunion. Il y a eu trois réunions. La Chambre d'appel doit en être

 24   au courant. La première réunion était une réunion des leaders politiques.

 25   Ensuite, il y avait une réunion des commandants militaires et, ensuite, un


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  1   regroupement de la police militaire dans la salle de la télévision à

  2   l'hôtel Vitez. Comme je l'ai dit, personne ne savait qui a dit quoi, le

  3   colonel Grubesic, qui, prétendument était seulement à la deuxième réunion.

  4   Il a dit qu'il n'a jamais entendu parler d'une telle réunion. Il s'agissait

  5   des ordres visant à donner qui sont les ordres clés dans cette affaire.

  6   Où ces ordres-là ont été donnés ? Voici la conclusion de la Chambre

  7   de première instance : "Nous concluons qu'il y a eu deux séries d'ordres,

  8   des ordres de tuer, et des ordres visant à tuer des hommes aptes à

  9   combattre, et des ordres visant à ne pas laisser de témoins vivants. Nous

 10   concluons que l'un de ces ordres a été lors de la première réunion de

 11   leaders politiques et militaires, mais nous ne sommes pas sûrs en ce qui

 12   concerne le deuxième ordre."

 13   Voici la déposition clé et c'est le Témoin qui le dit lui-même, il

 14   dit : "Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la première fois que

 15   j'ai entendu parler de cette ordre concernant les Musulmans aptes à

 16   combattre qui devaient être tués, c'était dans le 'Bungalow'." Comment la

 17   Chambre de première instance peut conclure que la première série d'ordres a

 18   été donnée lors de la première réunion, alors que la deuxième série

 19   d'ordres, ils n'étaient pas sûrs si ces ordres-là ont été donnés lors de la

 20   première réunion ? Tout simplement, il n'y a pas suffisamment de fondements

 21   pour permettre à la Chambre de première instance de tirer une telle

 22   conclusion.

 23   Ensuite, en ce qui concerne l'endroit où se trouvait M. Kordic, les

 24   éléments de preuve ont été présentés concernant le fait qu'il était présent

 25   dans son QG et qu'il y ait rentré après une conférence de presse, le 15


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  1   avril, conférence qu'il a eu avec le brigadier Grubesic. Nous avons fait un

  2   résumé de cela sur le cliché de 210, ce qui soulève des questions

  3   importantes concernant la question de l'alibi. Quand est-ce que l'accusé

  4   doit faire part de son intention d'avoir recours à un alibi. Apparemment,

  5   il faut le faire dès que possible, c'est-à-dire, avant le début du procès.

  6   Mais comment est-ce vous pouvez savoir que vous avez besoin de faire cela

  7   si l'allégation, en question, n'est pas contenue dans l'acte d'accusation ?

  8   Ce n'est pas possible dans ce cas-là. Kordic constate que les éléments de

  9   preuve, qui ont été versés au dossier, montrent qu'il serait, au moins,

 10   raisonnablement possible de conclure que s'il avait eu l'occasion de

 11   présenter une défense d'alibi, il l'aurait fait.

 12   Ensuite, quelques commentaires concernant le Témoin AT. Il y a

 13   énormément d'incohérences entre ses déclarations au préalable et la

 14   déposition devant la Chambre de première instance. Il a dit, dans sa

 15   première déclaration au préalable du 25 mai 2000, que peut-être Kordic

 16   était présent à l'hôtel Vitez au QG, le 15 avril 1993. Dans sa deuxième

 17   déclaration, en fait -- non, c'était dans sa première déclaration, excusez-

 18   moi : "Je ne me souviens pas avoir mentionné la présence de Dario Kordic."

 19   C'est ce qu'il a dit dans sa première déclaration. C'est ce qu'il a dit,

 20   c'est tout ce qu'il a dit dans sa première déclaration concernant la

 21   présence de Kordic à l'époque.

 22   Dans sa deuxième déclaration au préalable : "C'est possible que

 23   Kordic était présent au cours de cette réunion." Pendant le procès, pour la

 24   première fois, le Témoin AT dit : "Bien, Ljubicic m'a dit qu'il a assisté à

 25   cette réunion." On peut voir l'évolution de l'affaire depuis la position


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  1   selon laquelle il ne savait pas que Kordic y était jusqu'à la position,

  2   selon laquelle, Kordic y était certainement. Cela, c'est très exactement

  3   l'exemple de l'évaluation d'un récit qui a fait l'objet de l'arrêt en appel

  4   Kupreskic et Simic.

  5   Autres incohérences, je ne souhaite pas passer beaucoup de temps en

  6   parlant des déclarations au préalable, et du fait qu'il a dit qu'il ne

  7   parlait pas la langue croate. Il a dit, encore aujourd'hui, il ne parle pas

  8   croate. Il a dit cela le 17 août 2000. Pourquoi ? Parce qu'il a émis un

  9   ordre aux Croates, à ses Unités subordonnés de Jokeri, qu'il commandait, la

 10   pièce D348/1. Examinons la date. La date de cette pièce à conviction est

 11   celle du 8 avril 1993, une semaine avant Ahmici. Ce qu'il dit concernant ce

 12   document, c'est une fiction, c'est un faux, c'est un coup monté. Mais au

 13   procès, il a reconnu que c'était bien sa signature.

 14   Peut-on passer en huis clos partiel, s'il vous plaît.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui.

 16   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   M. SAYERS : [interprétation] Excusez-moi, je parle vite, mais Me

 11   Smith va prendre la parole d'ici dix minutes. La fiabilité est vraiment

 12   quelque chose d'important dont cette discussion concerne précisément la

 13   pièce à conviction Z610-1. Si un élément de preuve n'est pas fiable,

 14   comment est-ce qu'il peut être versé au dossier ?

 15   L'Article 89(C) demande que les éléments de preuve soient fiables et qui

 16   doit prouver cela ? C'est la partie elle-même qui doit authentifier les

 17   documents qu'elle verse au dossier et ironiquement au cours de

 18   l'interrogatoire principal de ce premier Témoin qui a été cité à la barre

 19   dans l'affaire Kordic, on a soulevé ce point et auprès de moi, je dois le

 20   dire, il m'a été dit que je devais jeter les bases sur lesquelles il faut

 21   verser au dossier un élément de preuve. Nous avons un bon exemple de ce

 22   problème lié à la pièce Z437.1 et ceci figure au jugement dans la note en

 23   bas de page 1 052. La Défense suggère que ce document n'a ni de cachet, ni

 24   de signature et même si le Témoin a authentifié, personne n'a dit qu'il

 25   s'agissait d'un document exact.


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  1  (expurgé) je ne reconnais pas ce document. Apparemment,

  2   ce n'est pas un document véridique, mais que dit la Chambre de première

  3   instance de cela ? Si la Défense verse au dossier un document, elle a

  4   l'obligation de prouver qu'il s'agit là d'un document fiable et véridique.

  5   Mais il ne revient pas à la Défense de prouver l'authenticité ou le manque

  6   de l'authenticité d'un document émanant de l'Accusation. D'après la

  7   pratique judiciaire devant ce Tribunal, la fiabilité constitue un élément

  8   clé de la recevabilité.

  9   Comme je l'ai déjà dit dans la décision Tadic, les documents ont été

 10   admis de manière provisoire, mais il a été décidé que par la suite il était

 11   possible de les exclure si les documents s'avéraient être non fiables.

 12   Kordic pourrait demander très exactement la même chose en ce qui concerne

 13   deux documents précis. La pièce Z1406-1 et 1380.4, mais ces efforts n'ont

 14   pas été couronnés de succès.

 15   Le 22 septembre 2000, une décision stipule qu'il n'y a pas de

 16   fondement juridique permettant que l'on prouve le manque de l'authenticité

 17   de ce document. Mais si l'on se penche sur la décision dessus Delalic, nous

 18   pouvons voir que la Chambre a pris une autre approche et, effectivement,

 19   elle revient à la partie qui verse un document au dossier de prouver son

 20   authenticité.

 21   Qui plus est, dans cette affaire, il faut tenir compte de l'Article

 22   89(E) car la Chambre de première instance a pu demander au Procureur de

 23   prouver son authenticité. La Chambre n'a pas exercé ses pouvoirs en vertu

 24   de l'Article 89(E) et il est difficile d'imaginer une affaire dans laquelle

 25   il serait plus approprié qu'ici d'exercer ces pouvoirs-là, s'agissant de la


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  1   pièce Z610.1.

  2   C'est très exactement le type de la situation où une Chambre aurait

  3   du avoir la même approche que celle qui a été employée par le Juge Robinson

  4   dans l'affaire Aleksovski.

  5   Ensuite, nous avons des documents émanant du HCR et d'autres

  6   commentateurs connus. Le rapport [comme interprété] est trouvé inadmissible

  7   car il n'a pas été constaté qu'il était suffisamment précis et exact. En ce

  8   qui concerne le centre hospitalier de Vise Grad [comme interprété], il a

  9   été constaté qu'à cause du manque de fiabilité, les documents ne devaient

 10   pas être admis, donc la situation était la même que celle concernant la

 11   pièce 610.1.

 12   Il y avait une partie manuscrite par "Lukic" et, ensuite, "Bogic" a

 13   écrit quelque chose au-dessus. Dans cette situation, il s'agissait là du

 14   "journal du 15 avril 1993" et quelqu'un a écrit quelque chose au-dessus, --

 15   de quelque chose qui avait été écrit par quelqu'un d'autre le 29 janvier

 16   1993. Qui a fait cela ? On ne le sait pas. Nous avons souligné cela sur le

 17   cliché. Il s'agit ici de la traduction en anglais. Nous avons très

 18   exactement la même situation que celle concernant les archives du centre

 19   hospitalier de Vise Grad dans le cadre de l'affaire Vasiljevic, mais ici la

 20   Chambre a pris une approche différente.

 21   Le Procureur a fait beaucoup d'objections, concernant l'authenticité

 22   et, dans les clichés qui viennent, nous allons faire un résumé des

 23   arguments avancés par le Procureur. Vous allez voir que le Procureur dit

 24   lui-même que nous faisons des objections concernant les documents qu'ils

 25   sont assignés, dont l'auteur n'est pas connu, dont l'auteur n'a pas pu être


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  1   soumis à notre contre-interrogatoire. Dans l'affaire présente, le Procureur

  2   a dit : "Nous faisons objection à tout document concernant lequel nous ne

  3   pouvons pas contester l'authenticité ou se poser à leur emploi." Par

  4   exemple, sur la base de la jurisprudence devant la Cour européenne des

  5   droits de l'homme ou dans l'affaire Allan. Nous sommes d'accord avec cela.

  6   C'est vrai en ce qui concerne le Tribunal pour le Rwanda où la

  7   Chambre d'appel, dans un jugement, a constaté que la partie qui s'appuie

  8   sur document, doit établir suffisamment d'indices de fiabilité concernant

  9   ce document. Il revient à cette partie qui verse au dossier un document, de

 10   prouver son authenticité. Nous avons formulé nos objections au moment où

 11   l'on proposait le versement au dossier de la pièce 610.1. En ce qui

 12   concerne ce qui a été écrit sur le texte, je dis moi-même que je n'avais

 13   aucune idée de qui en était l'auteur, qui était l'officier de garde. Le

 14   Témoin AT ne le savait pas non plus. AT a dit que certaines parties du

 15   document sont des faux. Le Témoin de l'Accusation lui-même dit que des

 16   parties du document versé au dossier par l'Accusation sont des fausses, des

 17   parties ne sont pas fiables. Le général de brigade Grubesic a dit la même

 18   chose. Lorsqu'on a posé la question de savoir d'où émane ce document, il

 19   n'y a pas eu de réponse. Le Juge a constaté cela lui-même. Pourquoi la

 20   Chambre a admis ce document ? C'est un document qui a été fait à l'époque,

 21   qui a été signé par le général Blaskic.

 22   Penchons-nous pour quelques minutes sur ce qui est dit. Il n'y a aucune

 23   preuve disant qu'un document est contemporain. Dans les écritures

 24   préalables, l'Accusation a indiqué que le bureau du Procureur n'était pas

 25   capable de confirmer le fait que la signature sur le document appartenait


Page 239

  1   bel et bien au colonel Blaskic. Le bureau du Procureur a lui-même fait

  2   objection. Ils ont dit qu'ils ne savaient pas que le document a été signé

  3   par le colonel Blaskic ou pas. Qui a authentifié la signature sur le

  4   document dans ce cas, dans cette affaire ? Je parle de la pièce Z610.1.

  5   Personne. Regardez la signature en bas de page. Il y en a deux. Les deux

  6   semblent être celles du général Blaskic, mais les deux signatures sont

  7   différentes. Laquelle est la bonne ?

  8   Penchons-nous sur un autre document, si vous vouliez bien. Nous parlons ici

  9   d'un document qui est accompagné d'un témoignage authentique du général

 10   Blaskic, qui a confirmé qu'il avait là un ordre signé par ses soins en date

 11   du 16 avril. Il y a trois signatures; une, deux, trois, et qui sont

 12   différentes. Laquelle est la bonne ?

 13   En conclusion, je ne peux pas vous le dire. La Chambre de première

 14   instance n'a pas pu vous le dire. Le Procureur n'a pas pu vous le dire, il

 15   n'a même pas essayé. Comment allez-vous vous, prendre cette décision ? Quel

 16   est le droit à mettre en œuvre ici ? Cela me semble assez simple. Le fait

 17   que ce document ressemble à d'autres documents émanant de la cellule de

 18   Crise, ne suffit pas à déterminer quel en est l'auteur, à savoir,

 19   l'authenticité de ce document, ce qui a été dit dans le jugement Simic. Il

 20   n'y aucun élément de preuve identifiant qu'il s'agit bel et bien de la

 21   signature du président de Blagoje Simic. C'est par conséquent, la décision

 22   qui devrait être prise ici. Ce document n'est pas admissible. Il devrait

 23   être décidé ainsi, parce qu'il a été versé à un grand nombre de documents

 24   le 1er décembre 2000. La Défense n'a pas eu la possibilité de contre-

 25   interroger qui que ce soit au sujet de ces éléments de preuve. Le document


Page 240

  1   en question a été traité de façon autre. Pourquoi ? Pour aucune raison

  2   valable. Ce document devait également être soumis aux mêmes objections,

  3   parce que personne n'a authentifié les documents, personne n'a identifié

  4   les signatures comme étant authentiques et personne n'a confirmé que

  5   c'était un document datant de l'époque. Le Témoin AT n'a pas pu confirmé la

  6   fiabilité du document. Comment a-t-on pu se fonder sur ce document ? Dans

  7   la pratique du Tribunal, qui est-ce qui a la charge de prouver les choses ?

  8   Je crois que la preuve de la charge appartient à ceux qui versent un

  9   document au dossier ou qui essaient de le verser au dossier. Merci

 10   beaucoup.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je pourrais peut-être poser la

 12   question à mes collègues pour ce qui est de savoir s'il y a des questions à

 13   poser pour ce qui est de ce chapitre de procès équitable, soit Article 68,

 14   le Témoin AT et le document 610.

 15   Juge Guney.

 16   M. LE JUGE GUNEY : Maître Sayers, je vous remercie pour la soumission que

 17   vous venez de faire. J'ai suivi avec un grand intérêt. Ceci étant, j'espère

 18   que vous serez d'accord avec moi pour dire d'avoir une identification

 19   précise de certaines erreurs alléguées par votre client, M. Kordic, dans

 20   son mémoire.

 21   Dans son quatrième motif d'appel, M. Kordic, soutient que la Chambre

 22   de première instance l'a trouvé responsable de crime sans établir

 23   préalablement de conclusions factuelles. Il pourrait être utile de demander

 24   de préciser et identifier les chefs auxquels il a fait référence. Je vous

 25   serais reconnaissant si vous pouvez rapporter des éclaircissements à cette


Page 241

  1   fin. Merci.

  2   M. SAYERS : [interprétation] Monsieur le Juge Guney, je serais ravi

  3   de répondre à votre question. Avec l'autorisation de la Chambre d'appel, je

  4   préférerais confier ce soin à Me Smith qui s'est préparé à répondre à ce

  5   type de question justement.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Je pense que le Juge Guney

  7   sera d'accord.

  8   Juge Weinberg de Roca, s'il vous plaît.

  9   Mme LE JUGE WEINBERG DE ROCA : [interprétation] Maître Sayers, pour ce qui

 10   est de l'authenticité, est-ce que l'on a posé la question à M. Blaskic pour

 11   savoir si c'était bien sa signature ?

 12   M. SAYERS : [interprétation] Non, absolument pas, Madame Le Juge Weinberg

 13   de Roca. Nulle part dans le courant de son témoignage, pas plus qu'à

 14   l'occasion de l'audition en appel, il n'y a eu d'éléments de preuve de

 15   présentés ce sujet.

 16   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le Juge Mumba.

 17   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Merci, Conseil, pour nous avoir

 18   apporté des éclaircissements sur ces points-là, sur ces éléments concernant

 19   l'absence de respect de l'article affairant à la communication des pièces

 20   par les soins de l'Accusation. Est-ce que vous acceptez une assertion, à

 21   savoir qu'en dépit des provisions rigoureuses prononcées par les

 22   différentes Chambres de première instance et les Chambres d'appel pour ce

 23   qui est de cette obligation du bureau du Procureur, disant qu'en tout état

 24   de cause les éléments de preuve publics devaient être mis à disposition de

 25   tout à chacun, y compris l'accusé ?


Page 242

  1   M. SAYERS : [interprétation] Je pense que le Juge est en train de me

  2   demander s'il a accès à la documentation en provenance des audiences

  3   publiques avaient allégé l'obligation ou a1moindri l'obligation de

  4   l'Accusation pour ce qui est de la communication des pièces.

  5   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Oui.

  6   M. SAYERS : [interprétation] Notre position dit que ce n'est pas le cas.

  7   Les documents qui sont mis à la disposition en audience publique doivent

  8   également être communiqués aussitôt que possible, parce que la

  9   réglementation ne les exonère pas de cette obligation. Dans notre

 10   expérience, nous avons connu des délais extraordinaires pour ce qui est de

 11   la communication de certaines portions du témoignage du général en audience

 12   publique. Je ne suis pas tout à fait sûr de nos jours encore d'avoir reçu

 13   la totalité. Nous avons reçu des éléments, et ce, au fil de périodes

 14   prolongées sans qu'il y ait un ordre de suivi, en particulier. La

 15   numérotation de la page a été extrêmement difficile. Il a été très

 16   difficile de comparer et de mettre tout en place. Nous avions reçu des fois

 17   des transcriptions officielles, des fois des transcriptions officieuses. Je

 18   dois dire d'une manière générale, qu'il a été extraordinairement difficile

 19   d'affirmer que nous avons eu accès à la totalité. Aujourd'hui, nous avons

 20   accès à tout, parce que c'est sur Internet. A l'époque du procès, cela a

 21   été extrêmement difficile. Il nous a été difficile de suivre. Quand bien

 22   même cela eut été le cas, nous avons été soumis à des délais énormes pour

 23   ce qui était de se procurer la documentation. C'était de l'obligation de

 24   l'Accusation pour ce qui était de nous communiquer les documents à décharge

 25   aussitôt que possible.


Page 243

  1   Permettez-moi de conclure en disant ceci : Là où l'Accusation a

  2   demandé une peine d'emprisonnement à vie à l'encontre de notre client pour

  3   sa responsabilité de commandement en vertu de l'Article 7(3). Songez à ceci

  4   : Le témoignage du commandant militaire pour ce qui est de ce secteur où

  5   notre client n'a aucune responsabilité militaire, cela n'a jamais été

  6   communiqué. Quand bien même nous ayons eu accès au témoignage du général en

  7   audience publique, est-ce qu'on a eu accès ? Non, jamais. Pour ce qui est

  8   du Témoin C-1 dans l'affaire Kupreskic du 14 juillet 2000, quand est-ce

  9   qu'on a reçu ce témoignage ? Jamais nous ne l'avons reçu. Comme je l'ai

 10   déjà dit, les témoignages à huis clos partiel ou à huis clos total pour ce

 11   qui est de ce Témoin, cela concerne une portion considérable, 426 pages,

 12   cela nous a été communiqué en trois phases. La première phase s'est faite

 13   le 23 mai 2003.

 14   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je crois que les autres détails vous

 15   les avez présentés dans votre exposé principal. Je voulais juste vous poser

 16   une question découlant de ce que vous avez dit. Indépendamment de votre

 17   position disant que l'acte d'accusation amendé n'a pas été suffisamment

 18   clair et n'a pas concrétisé certaines allégations, que partant de là, la

 19   Chambre de première instance avait des difficultés pour ce qui est

 20   d'établir ces constatations, indépendamment de tout cela, acceptez-vous,

 21   Conseil, de dire que le devoir d'un accusé qui s'est vu donné un acte

 22   d'accusation, quelles que soient les allégations et l'ampleur de ces

 23   allégations concernant sa conduite, il se doit d'abord de rechercher dans

 24   sa mémoire et d'essayer au sujet de ces chefs d'accusation variés,

 25   rechercher les éléments de preuve qui viendraient à l'appui de sa défense,


Page 244

  1   parce qu'il a également l'obligation de se défendre de toutes les façons à

  2   sa disposition pour répondre, pour être à même de contre-interroger de

  3   façon efficace les témoins de l'Accusation dès le début de ce procès ?

  4   M. SAYERS : [interprétation] Pour répondre à votre question, Juge Mumba, je

  5   dirais que c'est absolument le cas. L'accusé a pour devoir de rechercher

  6   dans sa mémoire, lorsqu'un Témoin dit qu'il a été présent à un moment donné

  7   à un endroit particulier. Il doit conduire des enquêtes. Cela ne s'est pas

  8   passé ici. N'oubliez pas que l'acte d'accusation amendé n'a pas affirmé

  9   qu'il fût présent à un moment à un endroit donné. Il s'agit ici d'un cas ou

 10   d'un chef qui indique qu'il a une responsabilité politique de commandement

 11   sur une portion de territoire au fil d'une période de trois ans. Ceci est

 12   exact. Nous avons indiqué à la Chambre de première instance que cela était

 13   le cas. Nous l'avons dit.

 14   Mme LE JUGE MUMBA : [interprétation] Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le Juge Pocar.

 16   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître, je vous remercie de

 17   l'argumentation que vous avez présentée au sujet de plusieurs questions. Il

 18   y a, toutefois, un point où j'aimerais vous demander des éclaircissements

 19   concernant, notamment le Témoin AT. Il s'agit de ce qui suit : quoique

 20   d'une manière générale, le témoignage d'un Témoin ne nécessite pas une

 21   corroboration en soi, vous êtes en train de dire si j'ai bien compris ce

 22   que vous avez dit, que ce témoignage requiert précisément une corroboration

 23   pour pouvoir être considéré admissible.

 24   Dites-nous, est-ce que c'est parce qu'il s'agissait d'un témoignage

 25   par ouï-dire et les éléments de preuve par ouï-dire, requièrent-ils


Page 245

  1   corroboration lorsqu'il y a un seul Témoin, ou alors est-ce parce que dans

  2   ce cas concret, nous avons le fait que ce Témoin est un Témoin qui pouvait

  3   avoir un certain intérêt dans toute l'affaire, et c'est la raison pour

  4   laquelle il faudrait y avoir corroboration ?

  5   M. SAYERS : [interprétation] Je crois que pour répondre à votre question,

  6   Monsieur le Juge, je crois que les deux seraient exacts. Le témoignage par

  7   ouï-dire, d'une manière générale, a moins de poids qu'un témoignage direct.

  8   Est-ce qu'il requiert une corroboration parce qu'il y a un seul Témoin ?

  9   Non. Cela fait partie de la jurisprudence de ce Tribunal. Nous devons le

 10   reconnaître clairement.

 11   Prenons les circonstances de ce témoignage, en raison des circonstances

 12   présentées pour ce qui est des affaires nombreuses au sujet desquelles il y

 13   a eu des décisions de Chambres de première instance et de Chambres d'appel,

 14   si l'on se penche sur les témoignages de chacun des témoins, les

 15   circonstances de ce témoignage doivent renforcer la conviction de la

 16   Chambre de première instance au terme de laquelle le Témoin dit absolument

 17   la vérité. Si les circonstances, qui mettent en péril ce type de fiabilité,

 18   il y a nécessité de corroborer ces éléments de preuve présentés par

 19   témoignage. Comme je l'ai dit, je ne pense pas avoir eu vent de jugement

 20   qui se fonderait sur des témoignages par ouï-dire non corroborés,

 21   notamment, lorsqu'ils viennent de la bouche d'un seul et même Témoin.

 22   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ce que vous êtes en train de nous dire,

 23   est en train d'être accepté par la Chambre de première instance dans un

 24   jugement, à savoir, dans le paragraphe 630. La Chambre de première instance

 25   essaie de voir quels sont ces éléments corroborant. Elle estime qu'il


Page 246

  1   s'agit d'éléments de preuve circonstanciels. A votre avis, aux fins de

  2   corroboration d'un Témoin qui est seul Témoin, Témoin unique, et qui plus

  3   est, un Témoin par ouï-dire au sujet des circonstances dont il vient

  4   témoigner, à votre avis, s'appuyer sur des éléments de preuve

  5   circonstanciels ne suffit pas ou en termes généraux, êtes-vous en train de

  6   remettre en question la valeur de ces éléments de preuve circonstanciels

  7   devant la Chambre ou les deux ?

  8   M. SAYERS : [interprétation] Pour répondre à vos questions, Monsieur le

  9   Juge Pocar, nous présentons toute une variété d'arguments. Les plus

 10   importants sont les suivants : La loi portant corroboration devant ce

 11   Tribunal porte sur la corroboration des circonstances générales, et un

 12   témoignage d'un seul Témoin n'est pas suffisant. La corroboration doit se

 13   centrer sur les éléments de faits présentés par ce Témoin. Les éléments

 14   factuels présentés par ce Témoin, parlent de la présence de M. Kordic à

 15   cette réunion. Quel est l'élément de corroboration que nous avons à ce

 16   sujet ? Pas un seul, il n'y en a pas un seul. Je crois que cela n'est pas

 17   contesté par l'Accusation. Ce que la Chambre de première instance a essayé

 18   de faire, c'est de relier plusieurs conclusions et dire que la totalité de

 19   ce qui s'était présenté et les différentes versions des événements

 20   présentées par les autres témoins ainsi que par AT, confirment la véracité

 21   des dires, mais cela n'est pas une corroboration directe. Ce n'est pas une

 22   corroboration du tout, notamment en vertu de ce qui régit le fonctionnement

 23   de la Chambre d'appel, ce que nous voulons démontrer justement.

 24   Deuxièmement, l'importance de cette corroboration se fonde sur ce que j'ai

 25   déjà indiqué.


Page 247

  1   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Les choses sont plus

  2   claires à présent.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais enchaîner. Je crois que

  4   nous sommes tous conscients de ce que la Chambre de première instance a

  5   présenté comme avertissement en rédigeant les paragraphes 619 à 630. Pour

  6   finir, en viendriez-vous et pourquoi à la conclusion au terme de laquelle

  7   aucun élément de fait, à savoir, aucune Chambre de première instance ne

  8   saurait fonder ses conclusions sur des faits ou sur des éléments de preuve

  9   circonstanciels telles que décrites dans ces paragraphes. Ce qui fait

 10   qu'aucune Chambre de première instance ne saurait aboutir à la conclusion

 11   qu'elle se trouvait satisfaite et convaincue que M. Kordic était présent à

 12   cette réunion d'hommes politiques.

 13   M. SAYERS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Pour ce qui est de cette question, je crois qu'il y est plutôt aisé d'y

 15   répondre, du moins, je le pense. Quelle est la corroboration qui existe

 16   pour ce qui est des éléments de fait, qui font l'objet d'un témoignage ?

 17   Nous avons cette réunion et il y a deux témoins en réplique qui ont dit le

 18   contraire. Ni l'un, ni l'autre n'ont des casiers judiciaires et ce sont des

 19   personnes honorables.

 20   Deuxièmement, on dit qu'à cette réunion, il y a des ordres d'exécution.

 21   Quel est le fondement possible parce que de cette conclusion ? Aucun

 22   tribunal raisonnable ne saurait conclure de la sorte, au-delà de tout doute

 23   raisonnable, parce qu'il n'y a pas un seul élément de preuve à l'appui.

 24   Troisièmement, quelle est la preuve qui vient à l'appui de cette version

 25   des éléments alors que les autres témoins ont témoigné ? Il y a 31


Page 248

  1   transcripts de témoins, des centaines de témoins dans quatre autres

  2   affaires, des milliers de pièces à conviction, et ironie, comble de

  3   l'ironie, la pièce Z610.1. En fait, j'ai été interrompu à l'occasion du

  4   contre-interrogatoire et le Témoin a dit qu'il a eu une réunion entre les

  5   responsables politiques et militaires. Je crois pouvoir dire qu'il n'y

  6   aucun fait matériel à l'appui de ces circonstances générales, notamment,

  7   lorsque nous parlons d'un Témoin qui porte un bagage qui fait qu'aucun

  8   tribunal raisonnable ne saurait aboutir à la conclusion disant que cette

  9   réunion s'est déroulée telle que présentée au-delà de doute raisonnable.

 10   Quel est l'élément de preuve qui vient le confirmer ? Il n'a même pas vu

 11   Kordic, il ne l'a pas entendu. Il n'a entendu aucune personne présente à

 12   cette réunion. Cela ne constitue pas une preuve. Nous ne savons pas ce qui

 13   s'est passé à cette réunion.

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie pour ces

 15   argumentations additionnelles. Nous allons, à présent, je pense, donner la

 16   parole à Me Smith.

 17   M. SMITH : [interprétation] Merci, Messieurs, Mesdames les Juges. Je me

 18   propose, pour cette partie de l'audience, parler de la question des

 19   constatations et voir et me pencher sur la bonne conclusion, les

 20   conclusions rédigées en bonne et due forme. Pour le faire, je me propose de

 21   parler de deux éléments : D'abord, de la nature de la sentence. Tout

 22   d'abord, ce qui est porté à charge dans l'acte d'accusation amendé à

 23   l'encontre de notre client, et qui figure dans le jugement, porte sur une

 24   forme de persécution. Vous avez vu la formulation auparavant. Il s'agit de

 25   la Bosnie centrale et de persécution au niveau national. Ce que la Chambre


Page 249

  1   de première instance a pris en considération, c'est une persécution bien

  2   plus étroite, à savoir, les persécutions et les attaques au niveau des

  3   villages situés dans la vallée de la Lasva, et non pas, comme dans d'autres

  4   cas, où les persécutions avaient pour cible le déplacement forcé de la

  5   population. Il s'agissait d'attaques lancées contre des villages. Je me

  6   propose d'en parler plus en longueur dans le courant de l'après-midi.

  7   Le deuxième élément, faisant partie de la sentence, est la catégorie de

  8   l'intention de réaliser une entreprise criminelle commune, et à notre avis,

  9   cela fait partie de la catégorie numéro 3, étant donné que la Chambre de

 10   première instance n'adopte une conclusion au paragraphe 829, disant que

 11   Kordic avait partagé une intention discriminatoire, que nous avons sur les

 12   écrans. J'ai dit catégorie 3, mais je voulais dire catégorie 1. Catégorie

 13   1, pour ce qui est du jugement portant sur l'entreprise criminelle

 14   conjointe, porte sur le chef 1 et chefs 3 à 43. Pour ce qui est des pages

 15   du jugement, paragraphe 834, il s'avère que l'on parle de la participation

 16   à la planification à l'encouragement et aux ordres donnés pour perpétrer,

 17   mais je crois qu'il est difficile de déterminer les choses en partant de la

 18   terminologie utilisée par la Chambre de première instance.

 19   Je vais me référer aux conclusions. Est-ce que la Chambre de première

 20   instance a abouti aux conclusions appropriées pour chaque élément, de

 21   chaque crime, de chaque chef d'accusation, de chaque site et de chaque

 22   date ? La réponse brève à cette question, Messieurs et Madame les Juges,

 23   est négative. Parlons d'abord de deux choses : premièrement, le jugement

 24   devrait être annulé sur ces fondements et, deuxièmement, la déclaration de

 25   la Chambre de première instance ne peut pas être qualifiée comme étant une


Page 250

  1   décision raisonnable.

  2   Je me propose de procéder point par point de l'analyse et je me

  3   propose de vous distribuer des tableaux à cette fin.

  4   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous avez des objections ? Je

  5   m'adresse à l'Accusation.

  6   M. FARRELL : [interprétation] Je voudrais d'abord voir ce tableau

  7   avant de me prononcer

  8   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez remettre ce document

  9   à l'Accusation.

 10   M. SMITH : [interprétation] Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous

 11   fournir une explication pendant que l'Accusation examine le document.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Bien sûr.

 13   M. SMITH : [interprétation] Nous avons présenté les éléments consécutifs de

 14   l'Article 7(1), participation individuelle, commettre, ordonner, préparer

 15   ou être à la base d'ordres. Nous avons aussi repris l'Article 7 au titre de

 16   la théorie de l'entreprise criminelle commune. Nous avons repris, à gauche,

 17   les éléments, horizontalement, les lieux présumés. Nous avons également

 18   présenté les éléments constitutifs pour chacun des chefs d'accusation par

 19   pages séparées avec, à gauche, les éléments constitutifs, et

 20   horizontalement, pour chacun des chefs, les villages repris dans l'acte

 21   d'accusation. Nous avons, du mieux que nous pouvions, rempli ce tableau en

 22   présentant les lieux où d'après nous, une conclusion a été tirée. Lorsqu'il

 23   y a un blanc, cela veut dire qu'aucune conclusion n'a été tirée et nous

 24   faisons un commentaire sur la nature des conclusions. Parce qu'en général,

 25   ce ne sont que des conclusions, pas des jugements. Ce sont, si vous voulez,


Page 251

  1   des conclusions techniques. La Chambre de première instance va dire :

  2   voilà, les chefs suivants ont été prouvés.

  3   Quelque part, il y a une décision, un jugement parce qu'implicitement, il

  4   aurait fallu tenir compte de chaque élément conceptiste, mais, à notre

  5   avis, c'est une déduction et ceci n'est pas une conclusion spécifique. Nous

  6   faisons la somme en bas des documents. Nous indiquons les déductions, les

  7   conclusions implicites ou afférées.

  8   Je veux vous expliquer un autre élément à propos de ce tableau : la

  9   question de l'intention délictueuse est reprise pour les auteurs présumés à

 10   la base pour chaque chef par page séparée, mais nous abordons la question

 11   de l'intention délictueuse de M. Kordic qui, n'est pour aucun de ces chefs,

 12   l'auteur initial. Nous avons repris ceci sous l'entête d'intention

 13   délictueuse, Article 7(1), planifié, préparé, ordonnant et pour la

 14   persécution. Ceci relève dans le tableau de la partie consacrée à

 15   l'entreprise criminelle commune, responsabilité pénale.

 16   Est-ce que l'Accusation est prête à répondre ?

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] S'il vous plaît.

 18   M. FARRELL : [interprétation] Si ceci peut vous aider, bien sûr, si

 19   vous souhaitez voir ce document, d'accord. Mais, franchement, il est

 20   impossible, en ce moment, même d'évaluer ce document, sauf le respect que

 21   je dois à Me Smith, ceci est un document très lourd. Je ne peux pas vous

 22   dire si je suis d'accord ou pas. Mais j'ai constaté dans l'affaire Krstic,

 23   je ne sais pas si c'est spécifique à chaque affaire, l'Accusation a demandé

 24   le dépôt d'un document analogue et la Chambre Krstic a rejeté cette

 25   proposition. Mais si ceci peut vous aider, d'accord. D'une part, je ne peux


Page 252

  1   pas vous dire si ceci peut vous aider, impossible de le dire. Deuxièmement,

  2   je ne sais pas si ceci reprend les éléments contenus dans le mémoire,

  3   impossible d'y répondre.

  4   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Cela pourrait être votre --

  5   utile dans la réponse que vous allez fournir plus tard. Nous savons qu'il

  6   est difficile de circonscrire tel ou tel endroit ou localité particulière

  7   en l'absence d'objection de l'Accusation compte tenu du temps, je pense que

  8   nous pourrons prendre une décision après la pause, mais je vois qu'une

  9   question est posée. Non. Oui.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous reviendrons à cette question

 12   après la pause. Je ne pense pas qu'il soit utile que vous commenciez vos

 13   plaidoiries dès maintenant, Maître Smith. Nous allons suspendre nos travaux

 14   qui reprendront à 14 heures.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 28.

 16   --- L'audience est reprise à 14 heures 02.

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez vous asseoir. Avant de

 18   vous donner la parole, Maître Smith, je voudrais vous signaler que pendant

 19   la pause, nous nous sommes entretenus sur ce tableau que vous souhaitiez

 20   nous communiquer.

 21   Le règlement prévoit que les arguments sont présentés de manière écrite

 22   avant le procès et au procès, à l'audience de manière orale. Si votre

 23   intention est d'appuyer ou de confirmer vos dires au moyen de ce tableau

 24   comme l'a fait Me Sayers avec sa présentation visuelle, il n'y a aucun

 25   problème. De la même manière que nous demanderons à l'Accusation s'il y


Page 253

  1   aura des objections à ce que des exemplaires de la présentation de Me

  2   Sayers soient remis à la Chambre et à l'Accusation. Il ne faut pas que cela

  3   soit un moyen pour présenter des arguments supplémentaires sous forme

  4   écrite.

  5   Je voudrais que vous nous disiez comment vous avez l'intention de

  6   procéder ?

  7   M. SMITH : [interprétation] Il s'agit pour nous d'un instrument qui nous

  8   permet de mieux présenter nos arguments. Nous avons préparé ce tableau

  9   suite à une suggestion faite avant l'audience pour traiter d'une série

 10   extrêmement complexe de conclusions et d'opinions. J'ai l'intention de

 11   revenir sur les conclusions, de parler des conclusions pour répondre à la

 12   question de M. le Juge Guney à partir de ce tableau. L'Accusation et la

 13   Chambre pourront s'y reporter également.

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si cela a pour objectif de

 15   permettre de mieux comprendre vos arguments, si cela a été évoqué pendant

 16   la préparation de cette audience, oui. Bien entendu, je n'ai pas demandé au

 17   départ qu'on procède chef d'accusation par chef d'accusation. Je souhaite

 18   simplement que tout le monde soit très précis sur ce qui se retrouve dans

 19   le jugement et ce qui ne s'y trouve pas. Je pense qu'il n'y a aucune

 20   objection à ce que l'on procède de la manière dont vous proposez de

 21   procéder. Demain peut-être, nous demanderons à l'Accusation si elle a des

 22   objections quant à elle. Nous verrons bien.

 23   Nous avons reçu d'autre part une communication de l'Accusation qui

 24   nous a fait savoir qu'elle aurait peut-être besoin d'un peu plus de temps

 25   que prévu. Si vous aussi vous avez besoin de plus de temps, n'hésitez pas à


Page 254

  1   nous le faire savoir. Il vaut mieux faire abus de précision que de

  2   célérité.

  3   M. SMITH : [interprétation] Merci. Je vais continuer mon propos en me

  4   penchant sur les conclusions de l'espèce pour répondre à la question posée

  5   par M. le Juge Guney.

  6   Comme vous le constaterez, la Chambre de première instance a rendu des

  7   conclusions qui reposaient sur un grand nombre d'arguments. A de nombreuses

  8   reprises, la Chambre de première instance a fait des erreurs souvent en

  9   reprenant les éléments de preuve qui avaient été présentés par les parties.

 10   Ceci a été fait souvent. On rappelait les arguments de l'Accusation, les

 11   arguments de la Défense. Après cette longue liste, la Chambre de première

 12   instance a eu souvent eu pour tendance d'ajouter des paragraphes brefs dans

 13   lesquels elle présentait ses propres conclusions. Ce sont des conclusions

 14   brèves qui sont un peu squelettiques sur le plan de l'argumentation, qui ne

 15   permettent pas d'éclairer le raisonnement suivi par la Chambre de première

 16   instance et de fournir les explications qu'il requiert à

 17   M. Kordic ou à la Chambre d'appel. On n'arrive pas à déterminer les

 18   fondements qui ont permis d'arriver aux conclusions de la Chambre de

 19   première instance.

 20   Des exemples. Nous n'avons pas de conclusions expresses et expressément

 21   présentées dans ce jugement pour la plupart des sites, pour la plupart des

 22   éléments. L'exemple le plus frappant, on le trouve peut-être au paragraphe

 23   649 du jugement. Il s'agit ici de l'endroit où l'on trouve le plus de

 24   conclusions sur les faits, sur le principal crime sous-jacent pour le cycle

 25   plus important de ce procès. Ce paragraphe a trait aux chefs 3, 4 de l'acte


Page 255

  1   d'accusation ainsi que des chefs 7 à 20, et traite également des villages

  2   de la vallée de la Lasva, qui sont au centre de cette affaire; Ahmici,

  3   Nadioci, Pirici, Santici, Vitez, Stari Vitez et Veceriska. Il s'agit d'un

  4   paragraphe qui compte sept lignes, et dans lequel on présente six

  5   arguments-clés.

  6   Premièrement, la Chambre de première instance rejette la version des faits

  7   présentés par la Défense purement et simplement. Deuxièmement, elle affirme

  8   que les éléments de preuve indiquent clairement que le HVO a lancé des

  9   attaques organisées dans ces secteurs. La Défense peut en convenir.

 10   Effectivement, il y a eu des attaques lancées par le HVO également au

 11   moment des attaques de l'ABiH. Ceci ne signifie pourtant pas que ces

 12   attaques étaient complètement illégales ou dirigées contre des civils. Il

 13   s'agissait d'attaques militaires, d'offensive militaire, rien de plus dans

 14   cette phrase.

 15   La Chambre déclare également que tous ces événements doivent être examinés

 16   dans le contexte de l'expiration de l'ultimatum du

 17   15 avril 1993. Il s'agit là d'une affirmation qui est infirmée par la

 18   conclusion du jugement Naletelic, au paragraphe 23, selon lequel il n'y

 19   avait pas d'ultimatum concernant le 15 avril 1993, ultimatum pourtant

 20   repris par la Chambre de première instance.

 21   En plus de cela, la Chambre nous dit que ces événements doivent être

 22   examinés comme s'inscrivant dans le cadre d'une offensive plus large contre

 23   Vitez et les villages musulmans de la vallée de la Lasva. C'est justement

 24   ce qui est au cœur de cette conclusion, selon laquelle ici, il est un peu

 25   bizarre de voir que l'on n'appuie la conclusion sur la base des faits qui


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  1   l'a constitue.

  2   Ensuite, dans cette conclusion, répertorie les localités concernées, les

  3   sept villages, la Chambre essaie de limiter ou de remédier au manque de

  4   conclusion factuelle, en disant que : "Les infractions matérielles sont

  5   prouvées." C'est tout ce qu'on peut lire. Il n'y a aucun raisonnement,

  6   aucune justification, aucune conclusion expresse, aucune raison qui appuie

  7   ces conclusions alors que l'on a énuméré ici un nombre considérable

  8   d'éléments constitutifs des chefs d'accusation. On a énuméré un nombre

  9   considérable de villages. Ceci est repris lapidairement dans un membre de

 10   phrase.

 11   Allons plus loin que cet exemple. Passons à d'autres exemples qui se

 12   trouvent dans le jugement.

 13   Il n'y a, par exemple, pas de conclusions expresses relatives à l'Article 5

 14   et à son application dans l'opinion qui figure dans le jugement. Il n'y a

 15   pas de conclusion qui stipule qu'il y a eu une offensive contre la

 16   population civile. Il n'y a pas de conclusion selon laquelle il y a eu une

 17   attaque généralisée. Aucune conclusion de type n'est raisonnée, n'est

 18   présentée de manière raisonnée.

 19   D'autre part, on ne trouve pas non plus conclusion selon laquelle ces

 20   crimes ont été commis contre des "civils", ou contre des "objets civils",

 21   ou encore contre "des personnes protégées". Ceci est absolument important,

 22   parce que pour ce qui est des crimes de détention, on parle simplement des

 23   "Musulmans de Bosnie", des Musulmans de Bosnie qui ont été détenus. Les

 24   Juges de la Chambre ne stipulent nullement si à leur avis il s'agit de

 25   personnes protégées, de civils ou de combattants, ni si les accusés ont été


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  1   dans la possibilité de faire la différence entre ces trois types de

  2   catégorie au moment où ces personnes ont été placée en détention. D'autre

  3   part, il n'y a aucune conclusion expresse expressément formulée au sujet du

  4   fondement discriminatoire de chacune des offensives de nature persécutoire

  5   contre les villages, qui sont pourtant énumérés de manière individuelle aux

  6   chefs 3 à 43.

  7   Il n'y a pas non plus de conclusion présentée "expressément" au sujet du

  8   chef d'accusation numéro 4 selon lequel il y a eu des dégâts considérables

  9   au niveau des biens des civils. D'autre part, nous n'avons pas non plus de

 10   conclusion expressément formulée au sujet du chef 38, selon lequel il y a

 11   eu des dégâts sur les lieux qui avaient une "grande ampleur" ou que "ces

 12   dégâts n'étaient pas justifiés par la nécessité militaires", ou encore que

 13   cela a eu "des conséquences graves pour les victimes".

 14   Pas non plus de conclusion exprimée de manière détaillée au sujet des chefs

 15   21 à 22, selon lesquels ce sont des civils ou des personnes protégées qui

 16   ont été détenues. On nous dit simplement qu'il s'agissait de Musulmans de

 17   Bosnie. Pas non plus de conclusion présentée de manière détaillée au sujet

 18   du chef numéro 39 selon lequel il existait une intention de dépouiller les

 19   victimes. D'autre part, nous n'avons pas de conclusion expliquant ou

 20   montrant que ce que l'on a pris à cette victime était de valeur suffisante

 21   pour constituer une "conséquence grave" pour cette victime.

 22   L'exemple que je vais vous donner maintenant est particulièrement grave.

 23   Paragraphe 834(C), à la fin de l'opinion, pour les crimes 3 à 43, M. Kordic

 24   est reconnu coupable des chefs 38 et 39 sur un certain nombre de sites. Si

 25   on regarde le paragraphe 809 qui sous-tend les conclusions des chefs 38 et


Page 258

  1   39 au paragraphe 834(C), si on compare les conclusions, on constate qu'il y

  2   existe

  3   15 villages pour lesquels Kordic a été reconnu coupable au titre du chef 38

  4   ou 39 ou des deux, alors que l'on a pas au paragraphe 809 fourni des

  5   conclusions sur les faits à ce sujet, puisque la Chambre de première

  6   instance n'en parle pas. Au paragraphe 809, Kiseljak, Visnjica, Svinjarevo,

  7   Gomionica, Gromiljak, Polje Visnjica, Rotilj, Tulica, Han Ploca, Grahovci,

  8   Veceriska, Donji Veceriska et Jajce.

  9   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous interromps, je m'en excuse.

 10   Il faut bien se souvenir ce dont est saisi la Chambre d'appel à ce stade de

 11   la procédure. Vous savez sans doute que s'agissant du chef 39, la Chambre

 12   de première instance dans sa décision du 6 avril 2000, en vertu de

 13   l'Article 98 bis, au paragraphe 35, que pour un certain nombre de villages

 14   ou de hameaux, il y avait lieu de rejeter les charges présentées contre les

 15   accusés. De même lors de la Conférence de mise en état du 6 mai 2004,

 16   l'Accusation a reconnu que la Chambre de première instance n'avait pas

 17   rendu de connaissance sur les faits s'agissant de Vitez et de Donja

 18   Veceriska. Il convient de faire preuve de beaucoup de prudence et de se

 19   souvenir de ce dont la Chambre d'appel est saisie.

 20   M. SMITH : [interprétation] Oui, mais je vous demande de voir les villages

 21   que j'ai cités, qui sont communs aux paragraphes 809 et 834(C), pour être

 22   sûr que je ne me suis pas trompé et que je n'ai rien oublié. Comme je l'ai

 23   dit d'ores et déjà, cette affaire est extrêmement complexe. Nous avons

 24   répondu de la manière la plus rapide possible à la demande qui nous a été

 25   faite par la Chambre.


Page 259

  1   Il n'existe dans ce jugement aucune conclusion exprimée expressément au

  2   sujet de l'intention délictueuse de Kordic s'agissant des chefs 3 à 43 pour

  3   les villages de Kiseljak, Novi Travnik, Busovaca, et Merdani. Nous ne

  4   trouvons pas non plus de conclusion expressément stipulée au sujet de

  5   l'intention délictueuse de Kordic pour les chefs de 3 à 33 pour Ahmici,

  6   tous les autres villages de la vallée de la Lasva, pour les crimes de

  7   détention et les chefs 38 et 39 ainsi que 43. La seule conclusion

  8   expressément présentée au sujet de l'attention délictueuse, a trait au chef

  9   1, persécution. On la trouve au paragraphe 829 du jugement. Là, il est dit

 10   que Kordic partageait l'intention délictueuse ou "l'intention

 11   discriminatoire" de l'entreprise criminelle commune. C'est à partir de

 12   cette affirmation que l'on considère que ces activités relèvent de la

 13   catégorie 1 de l'entreprise criminelle commune.

 14   D'autre part, souvent, les conclusions imprécises et vagues. A titre

 15   d'exemple, seulement, paragraphe 586, au sujet de Busovaca, on nous dit que

 16   Kordic "a été impliqué" dans l'attaque, qu'en tant de dirigeant exerçant,

 17   je cite : "Un pouvoir à la fois politique et militaire." A partir de cette

 18   conclusion, il est impossible de déterminer si la Chambre de première

 19   instance veut dire que Dario Kordic a commis ces crimes parce qu'il était

 20   présent à Busovaca pendant les combats, or le plus souvent, il n'était pas

 21   présent, pour la plupart des sites qui nous intéressent et la plupart des

 22   événements. Est-ce que la Chambre de première instance avait à l'esprit le

 23   fait qu'il avait commis directement ces crimes ? Est-ce qu'elle pensait

 24   plutôt qu'il en avait assuré la planification, qu'il avait incité à les

 25   commettre ou qu'il les avait ordonnés ? On n'arrive pas à le déterminer.


Page 260

  1   Comme je vais vous l'expliquer ultérieurement, il n'y a aucun élément de

  2   preuve qui aille dans ce sens, pour aucun de ces événements.

  3   Au paragraphe 631, on nous dit que Kordic "est associé" à un ordre. Cela, à

  4   nouveau, c'est imprécis, c'est vague.

  5   Paragraphe 669, on nous dit que Kordic "est impliqué" dans une offensive

  6   parce qu'il était associé, je cite encore, "aux ordres". Paragraphe 726, on

  7   nous dit que Kordic "est associé" à la décision de donner l'ordre. Au

  8   paragraphe 800, on nous dit que les "Musulmans de Bosnie" ont été

  9   arbitrairement emprisonnés. Ici, non plus, comme je l'ai déjà dit

 10   précédemment, on ne nous dit pas de quelle catégorie de personnes il

 11   s'agit.

 12   Troisièmement, parfois, nous n'avons absolument de conclusions qui ne sont

 13   pas concluantes. Nous avons, dans la deuxième catégorie de conclusions que

 14   je viens d'aborder, les conclusions qui sont imprécises, vagues. Nous avons

 15   aussi des conclusions qui ne sont pas logiques, qui ne sont pas

 16   pertinentes.

 17   Paragraphe 576 pour Merdani, la Chambre nous dit qu'il n'y a pas

 18   suffisamment d'éléments de preuve pour conclure à une attaque sur des

 19   civils ou des objets civils pour Merdani. Pourtant, la Chambre a estimé que

 20   ces éléments étaient suffisants pour justifier une déclaration de

 21   culpabilité au titre de l'Article 38, destruction sans motif et ceci a été

 22   basé sur la déclaration d'un seul Témoin qui avait vu, au loin, Merdani

 23   subir un pilonnage. Aucun élément de preuve, sur tous les éléments

 24   nécessaires, pour établir qu'il y a eu crime, effectivement.

 25   J'ai déjà mentionné les incohérences qu'on trouve au paragraphe 809 et


Page 261

  1   834(C) quand on les compare et quand on compare la liste des villages

  2   concernés.

  3   Au paragraphe 842, on nous dit que Kordic est responsable de crimes

  4   de détention dans les zones, nous dit-on, où il avait une "responsabilité

  5   politique". Il n'y a aucun élément qui indique qu'il avait une telle

  6   responsabilité pour Kiseljak, et même les témoins à charge ont convenu

  7   qu'il n'exerçait aucune autorité politique au sens réel du terme à Vitez,

  8   ce qui fait que la prémisse nécessaire à une déclaration de culpabilité

  9   pour les crimes de détention, n'est pas là, n'est pas respectée pour tous

 10   les lieux à l'exception de Kaonik dans la municipalité de Busovaca.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Excusez-moi de vous

 12   interrompre. Vous nous parlez du paragraphe 842. C'est ce qu'on voit au

 13   compte rendu d'audience.

 14   M. SMITH : [interprétation] En fait, il faut lire 802. C'est le

 15   paragraphe 802.

 16   Une autre incohérence potentielle que je peux vous mentionner. S'il

 17   fallait reconnaître ou accepter le chef d'accusation de l'Accusation, et

 18   Kordic est tout à fait contre ce fait, bien entendu, à ce moment-là, est-ce

 19   que les chefs d'accusation 7, 10 et 21 sont cumulatifs si l'on regarde la

 20   jurisprudence récente de la Chambre d'appel parce qu'il s'agit de crimes

 21   individuels qui relèvent de l'Article 5 qui peuvent également être

 22   considérés comme des actes de persécution. S'il y a déclaration de

 23   culpabilité pour ces actes de persécution, à ce moment-là, on voit dans

 24   l'arrêt d'appel Krstic, au paragraphe 230 à 233 qu'il y a là, des chefs

 25   d'accusation cumulatifs.


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  1   Dans ce jugement, on trouve un certain nombre de conclusions

  2   juridiques qui ne sont pas confortées les faits. Vous en avez évoqué un

  3   certain nombre dans la phase préparatoire à cette audience. Il y a un

  4   élément supplémentaire que je souhaiterais mentionner. Cela se trouve au

  5   paragraphe 669. Ici, on dit que Kordic "a participé" à l'attaque d'avril

  6   sur tous les villages de Kiseljak pour lesquels il était censé, déjà, être

  7   coupable en avril, parce qu'il y a deux périodes qui sont concernées pour

  8   Kiseljak et la région, les mois d'avril et de juin. Le principal fondement

  9   de cette décision, c'est un ordre donné par Blaskic, un ordre dont

 10   l'Accusation nous dit qu'il permet de déduire qu'il s'applique également à

 11   Kordic, qu'il fait référence à Kordic. Cet ordre s'applique uniquement au

 12   village de Gomjonica. Pourtant, cet ordre est utilisé comme élément

 13   fondateur permettant d'appuyer la déclaration de culpabilité de M. Kordic

 14   pour tous les autres villages se situant dans la région de Kiseljak au

 15   cours de mois d'avril.

 16   Voici l'essentiel de mes arguments à partir du tableau. Il y a

 17   également un certain nombre d'autres conclusions que nous avons repérées,

 18   mais je n'ai pas le temps de toutes vous les montrer. Souvent, un certain

 19   nombre de conclusions reposent sur des déductions, et la Chambre le dit

 20   d'ailleurs. Par exemple, tout ce qui est dit au sujet du plan, de

 21   l'entreprise criminelle commune, aux fins de mener une campagne de

 22   persécution, repose sur une déduction et des preuves indirectes.

 23   L'intention de Kordic, elle est établie uniquement de manière indirecte,

 24   par déduction.

 25   En résumé, les conclusions nécessaires n'ont pas été rendues dans ce


Page 263

  1   jugement. Elles n'ont pas été rendues de manière appropriée, ces

  2   conclusions. Souvent, ces conclusions sont incohérentes. Pour cette raison,

  3   nous estimons que lorsque l'on examine l'affaire, la cause, chef par chef,

  4   l'on constate qu'aucun chef ne tient debout. On peut dire que ce jugement

  5   ne constitue pas une opinion raisonnée. Ceci ne donne pas à M. Kordic la

  6   possibilité, au stade de l'appel, de traiter de son cas tel qu'il a été

  7   étudié par la Chambre de première instance. Il ne peut pas présenter la

  8   logique qui a sous-tendu les déclarations de culpabilité qui ont été

  9   prononcées contre lui. Ceci ne peut pas permettre à la Chambre d'appel, non

 10   plus, de se pencher sur l'affaire correctement pour examiner la validité

 11   des déclarations de culpabilité et empêcher la perpétration d'un délit de

 12   justice.

 13   Je vais maintenant passer aux erreurs de faits, aux erreurs

 14   essentielles commises par la Chambre de première instance lorsqu'elle s'est

 15   penchée sur les chefs 3 à 43. Ensuite, je passerai au chef 1, persécution.

 16   Ceci sera après la pause.

 17   D'abord, je veux indiquer, très brièvement, la nature des erreurs

 18   commises par la Chambre de première instance. Ceci afin de vous montrer que

 19   nous ne sommes pas en train de plaider à nouveau l'affaire telle que nous

 20   l'avons faite devant la Chambre de première instance. Si vous examinez les

 21   documents que vous nous avons communiqués, vous pourrez constater que le

 22   premier type d'erreurs que nous faisons valoir à différents endroits, à

 23   différents passages de notre mémoire et dans nos arguments, c'est que

 24   souvent, il n'y avait pas de conclusions, il n'y avait pas d'éléments de

 25   preuve fiables et pas suffisamment d'éléments de preuve présentés à l'appui


Page 264

  1   des conclusions rendues par la Chambre de première instance.

  2   Il nous est apparu, deuxièmement, que souvent la Chambre de première

  3   instance n'a pas tenu compte des éléments de preuve absolument cruciaux. Je

  4   ne vais pas vous donner d'exemples parce que je n'ai pas le temps.

  5   Troisièmement, je reviens un petit peu en arrière. Il arrive que la

  6   Chambre de première instance se trompe lorsqu'elle évalue les éléments de

  7   preuve qui lui ont été présentés. Enfin, il arrive souvent qu'à partir des

  8   faits présentés, on n'ait pu arriver à des conclusions raisonnables,

  9   différentes ou à un sujet précis. Il arrive très souvent que la Chambre de

 10   première instance n'opte pas pour

 11   pour la conclusion la plus favorable à l'accusé. Or ceci constitue une

 12   erreur sur les faits, une erreur de droit car aucun Juge des faits

 13   raisonnables n'aurait dû adopter la même conclusion.

 14   Toutes ces erreurs ont trait à des conclusions essentielles sur les

 15   éléments constitutifs des crimes commis dans les différents sites concernés

 16   par cette affaire et par les chefs d'accusation. Tout ceci montre qu'il y a

 17   eu erreur judiciaire et que les déclarations de culpabilité au prononcé ne

 18   sont pas valables.

 19   Je vais maintenant passer à l'essentiel de tous les chefs d'accusation

 20   aussi bien pour la persécution que les crimes individuels. Il s'agit des

 21   allégations selon lesquelles il y a eu des offensives illégales de la part

 22   des hommes du HVO sur des villages. Ceci constitue le fondement, à la fois

 23   des conclusions rendues sur les crimes individuels et sur les crimes de

 24   persécution. La question centrale du point de vue juridique qui se pose ici

 25   pour ce qui est de ces attaques, c'est de savoir si oui ou non, il


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  1   s'agissait d'attaques qui visaient des objectifs militaires légitimes et

  2   qui n'ont pas entraîné des pertes parmi les civils qui soient

  3   disproportionnées par rapport aux objectifs militaires obtenus, qu'il

  4   s'agit d'attaques militaires lancées par des soldats. La première question

  5   qui se pose consiste à savoir s'il s'agit d'une attaque légitime contre un

  6   objectif militaire ou si au contraire, comme l'affirme l'Accusation, il

  7   s'agissait d'une attaque qui visait principalement les civils ou des biens

  8   civils en fonction du chef d'accusation concerné, auquel cas cette attaque

  9   n'était pas une attaque visant un objectif militaire légitime.

 10   Si les opérations en question étaient des opérations militaires légitimes

 11   qui n'ont pas provoqué de dégâts disproportionnés parmi les civils, dans ce

 12   cas, il ne s'agit pas d'actes de guerre et il ne s'agit pas d'actes de

 13   persécution, non plus.

 14   En bref, même avant les combats de l'année 1993, les Musulmans, et là je

 15   reviens sur le contexte général dans lequel se situe ces combats, les

 16   Musulmans comprenaient une grande partie des quatre municipalités les plus

 17   importantes en Bosnie centrale au sujet desquelles la Chambre de première

 18   instance a parlé de persécution de Croates. Depuis juin 1993, les Musulmans

 19   contrôlaient pratiquement toutes les municipalités de Bosnie centrale

 20   hormis quatre petites poches croates, dont Vares, qui plus tard au cours de

 21   l'automne, est tombée. La communauté croate dépassée en nombre et

 22   complètement encerclée dans les poches de Vitez, Busovaca et dans d'autres

 23   poches, au nombre de deux, a souffert beaucoup au cours de l'hiver 1993-

 24   1994, et a finalement été totalement vaincue avant la signature de l'accord

 25   de paix au printemps 1994.


Page 266

  1   Il est important -- et je souligne, je répète -- il est important de

  2   bien définir le contexte général qui existait sur le plan militaire avant

  3   de se demander, de se poser la seule question qui est justifiée, à savoir,

  4   est-il plausible -- est-il raisonnable de penser que la communauté et ses

  5   institutions de Bosnie centrale, si l'on accepte l'idée des allégations de

  6   persécution, si cette communauté croate se serait lancée dans des

  7   persécutions à l'encontre des Musulmans beaucoup plus nombreux qui les

  8   encerclaient et qui la coupaient du reste de la communauté croate

  9   d'Herzégovine.

 10   En bref, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, nous parlons

 11   ici de Bosnie centrale. Ce qui aurait pu se passer en Herzégovine est autre

 12   chose. La question à laquelle vous êtes confrontés, c'est de déterminer

 13   s'il est vraisemblable qu'un plan criminel ait été élaboré, un plan

 14   d'entreprise criminelle commune destiné à lancer une campagne de

 15   persécution en Bosnie centrale et ce, de la part de cette communauté

 16   croate. Avant de rentrer dans les détails, c'est la première question à

 17   laquelle il convient de répondre.

 18   A présent, j'aimerais parler d'un certain ombre de villages que je prendrai

 19   un par un et je parlerai de la question de la détention,   d'emprisonnement

 20   d'un certain nombre de personnes et des destructions de bâtiments religieux

 21   pendant le reste de l'heure qui commence.

 22   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Si vous avez besoin d'un horaire un

 23   peu différent, je vous indique d'emblée que nous pouvons poursuivre jusqu'à

 24   15 heures 30. Nous aimerions ne pas vous interrompre indûment.

 25   M. SMITH : [interprétation] Est-ce que cela nous mettra en retard pour la


Page 267

  1   suite, Monsieur le Président ? Je vous pose cette question parce que je

  2   dispose de 30 minutes, à partir de 15 heures 30  jusqu'à 16 heures pour

  3   traiter de la persécution et de l'intention délictueuse.

  4   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] C'est à vous qu'il appartient de

  5   décider de ce qui vous convient le mieux.

  6   M. SMITH : [interprétation] Si l'on m'accorde quelques minutes

  7   supplémentaires, je les prendrai avec plaisir, mais cela signifie un

  8   réaménagement de l'horaire. Je pense que la pause pourrait se tenir à 15

  9   heures et que nous pourrions commencer à parler de persécution et

 10   d'intention délictueuse à 15 heures 30.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Très bien.

 12   M. SMITH : [interprétation] Je pense que je m'arrêterai à 15 heures.

 13   Parlons de ces attaques sur un certain nombre de villages. Me Sayers

 14   a déjà parlé d'Ahmici et des éléments de preuve liés à ce village. Pour ma

 15   part, je vais parler de Pirici, Santici, Nadioci et d'autres villages, je

 16   le ferai en énumérant les infractions alléguées. Chacun pourra garder cela

 17   à l'esprit avant de revenir sur la nature même du jugement rendu par la

 18   Chambre de première instance et comprendre les raisonnements que les Juges

 19   ont suivis. Je répéterai oralement un certain nombre d'arguments. Je le dis

 20   d'emblée, les arguments seront les mêmes pour chaque village. Je parlerai

 21   du rôle de dirigeant politique allégué pour l'accusé. Je parlerai des

 22   éléments de preuve mentionnés au paragraphe 834 et je reviendrai sur un

 23   certain nombre de chefs d'accusation précis. Je dirai que la Chambre de

 24   première instance s'est fondée sur des éléments de preuve relatifs à la

 25   persécution pour lesquels des crimes précis n'ont pas été décrits en


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  1   détails. En fait, les arguments de la Défense ont été rejetés dans d'autres

  2   procès.

  3   Je ne reviendrai pas sur chacun des arguments défendus par les Juges

  4   de la Chambre de première instance dont j'ai déjà parlés mais je parlerai

  5   tout de suite si vous le voulez bien des éléments de preuve que l'on trouve

  6   dans le jugement et en particulier en rapport direct avec la culpabilité

  7   prononcée par les Juges.

  8   Ces villages étaient des villages gardés et défendus. La Chambre a

  9   cité des éléments de preuve relatifs à Ahmici mais pas relatifs à Nadioci,

 10   Pirici ou Santici. Elle n'a jamais parlé de massacres dans ces trois

 11   villages, en tout cas pas à la même échelle qu'à Ahmici. Le même argument

 12   s'applique au sujet du travail préalable au procès fait par les Juges quant

 13   aux conclusions matérielles que l'on pouvait avancer à l'appui des chefs

 14   d'accusation 7, 8, 10 et 12 dans ces villages à l'encontre de Kordic.

 15   Nous disons que ces crimes n'ont pas existé en dépit des arguments de

 16   l'Accusation, développés dans son mémoire, nous parlons de ces trois

 17   villages comme étant des villages distincts. Je vous renvoie au jugement où

 18   ces trois villages sont traités manifestement de façon distincte par

 19   rapport à Ahmici. La situation d'Ahmici n'a aucun rapport avec celle qui

 20   prévalait dans ces trois autres villages totalement différents.

 21   Très honnêtement, je dois vous dire, Mesdames, Messieurs les Juges, que

 22   certains arguments n'ont pas été cités par les Juges dans leur jugement, à

 23   savoir que les hommes en âge de porter les armes, en tout cas certains

 24   d'entre eux, avaient été postés dans des patrouilles la nuit du 15 et le

 25   matin du 16 et ont été apparemment tués au cours des combats. Des éléments


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  1   de preuve indirects assez imprécis permettent de penser que certaines

  2   pertes ont été enregistrées également parmi les civils dans ces villages ou

  3   aux alentours. Ceci est important, parce que les Juges de la Chambre

  4   d'appel devront se concentrer sur le fait de déterminer si oui ou non ces

  5   éléments de preuve qui traitent de civils, permettent de confirmer

  6   l'allégation de crimes. A Ahmici, manifestement, il y avait des civils.

  7   Cela ne fait aucun doute. Ce qui a été commis à Ahmici est très

  8   manifestement un crime de guerre. La question qui se pose si l'on parle du

  9   processus de planification, c'est de déterminer si M. Kordic était

 10   impliqué, si oui, dans quelle mesure. Je dirais simplement qu'à Ahmici,

 11   nous l'avons décrit amplement dans nos écritures, était un lieu tout à fait

 12   stratégique. Nonobstant, l'attaque telle qu'elle a été exécutée, constitue

 13   sans aucun doute un crime de guerre.

 14   La participation de Kordic qui est évoquée s'agissant des attaques sur

 15   Nadioci, Perici et Santici, n'était étayée par aucun élément de preuve

 16   indiquant qu'il y a eu planification d'un crime dans ces trois villages en

 17   dépit de l'existence de cette réunion du 15, que si elle a prévu une

 18   planification pour Ahmici, ne l'a pas fait pour les autres villages de la

 19   vallée de la Lasva. En tout cas, aucune preuve n'existe à ce sujet.

 20   En bref, s'agissant des éléments de preuve qui ont été cités, la question

 21   qui se pose est la suivante : Où se situent les erreurs commises par la

 22   Chambre de première instance ? Nous avons essayé de répondre à cette

 23   question dans chacun de nos arguments. Aucune décision récente que je viens

 24   de citer ne sera reprise. Aucune preuve n'existe de là de tout doute

 25   raisonnable qui indique l'implication de Kordic dans ces villages, parce


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  1   qu'il n'existe aucune preuve de la planification d'un crime pour ce

  2   village.

  3   Je résume ceci en quelques mots : aucune preuve n'indique qu'un crime ait

  4   été commis. Aucune preuve n'indique qu'aucune autorité quelconque ait

  5   ordonné à ce crime d'être commis et aucun élément de preuve n'indique qu'un

  6   ordre précis aurait été donné par Kordic pour qu'un quelconque crime soit

  7   commis dans ces villages.En effet, aucune preuve ne montre l'intention ou

  8   le désir et encore moins la connaissance que pouvait avoir Kordic du fait

  9   qu'un crime s'apprêtait à être commis.

 10   Ceci est vrai s'agissant de la réunion où il a été question d'Ahmici,

 11   et ceci est vrai pour tous les lieux que j'ai cités. Bien entendu, nous

 12   affirmons que les éléments de preuve sont insuffisants si l'on se contente

 13   de citer cette réunion relative à Ahmici pour justifier ou prouver

 14   l'implication de M. Kordic.

 15   De même, aucune preuve n'indique qu'il y ait instigation à ce niveau.

 16   Il n'y a tout simplement aucune preuve. Où est-ce que l'on retrouve M.

 17   Kordic dans tout cela ? Aucune preuve de l'intention délictueuse.

 18   Maintenant, je parlerai de Vitez et Stari Vitez. Je vais parler de cela

 19   très rapidement, car l'histoire est là. Nous voyons clairement quand une

 20   preuve n'existe de la présence de M. Kordic à Vitez ou Stari Vitez au cours

 21   des combats. Aucune preuve n'indique qu'il y avait une intention

 22   délictueuse par rapport à ces combats. Je remarque que les dégâts subis par

 23   la mosquée d'Ahmici, ou plutôt de Stari Vitez ont été dus à un tireur

 24   embusqué. Voilà ce que nous démontre les éléments de preuve qui ont été

 25   cités.


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  1   Parlons maintenant de Novi Travnik. Vous avez entendu parler de Novi

  2   Travnik. Beaucoup a été également écrit à ce sujet dans les écritures. La

  3   question qui se pose, est celle de savoir qui était responsable de Novi

  4   Travnik. Parce que Mesdames, Messieurs les Juges, je pense que vous savez

  5   que ceci pose problème. Je ne vais pas revenir dans les détails sur cette

  6   question. Je pense toutefois que c'est une question très importante.

  7   Vous remarquez que seuls deux chefs d'accusation évoquent Novi Travnik; les

  8   chefs 38 et 39 qui portent sur la destruction aveugle et les pillages. La

  9   conclusion consiste tant à affirmer qu'il y a eu destruction aveugle,

 10   nécessite que des éléments de preuve sont cités à l'appui de cette

 11   conclusion. Des éléments de preuve démontrent qu'au cours du conflit, un

 12   certain nombre de bâtiments qui étaient propriétés de Musulmans ont été

 13   incendiés ou détruits. Cependant, les éléments de preuve cités par la

 14   Chambre de première instance à cet égard, apparaissent comme étant des

 15   preuves indirectes. Un homme, par exemple, dit qu'il pense que ces dégâts

 16   ont eu lieu, mais il ne dit pas avoir établi avec certitude que ces

 17   bâtiments ont été endommagés. Il n'a pas établi que les troupes du HVO ont

 18   été responsables de ces dégâts. Il n'a pas établi que ces dégâts se situent

 19   dans la zone des combats ou dans quelle zone exactement. Il apparaît que

 20   ces dégâts n'ont pas été commis au cours des combats, parce que les combats

 21   ont eu lieu au centre de la ville alors que les dégâts semblent avoir été

 22   provoqués ailleurs. Ceci n'indique pas l'existence de dégâts à grande

 23   échelle. En bref, toutes les conclusions citées dans le jugement semblent

 24   ne pas tenir si l'on y regarde d'un peu plus près sur le plan factuel. En

 25   fait, ces conclusions s'évaporent d'elles-mêmes.


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  1   Novi Travnik a été un épisode que l'on peut comparer à un feu de forêt sur

  2   le plan des combats stratégiques militaires au cours de cette période.

  3   Aucune preuve suffisante n'existe que les obligations indiquées aux chefs

  4   38 et 39 aient été violées d'une quelconque façon. Quoique l'on pense de la

  5   participation de Kordic, nous savons bien pour notre part qu'il n'exerçait

  6   aucun commandement, ce fait demeure.

  7   Je parlerai maintenant de Busovaca et Merdani. Nous affirmons qu'à

  8   Busovaca, l'attaque a bel et bien eu lieu. Il y a eu des combats en

  9   janvier, ceci est absolument indubitable. La question qui se pose, c'est si

 10   oui ou non il y a eu crimes de guerre, en quel cas il faut les prouver, et 

 11   si Kordic peut être lié à un quelconque crime de guerre avéré et prouvé. Il

 12   convient de prouver son intention délictueuse à cet égard. Il faut prouver

 13   l'existence d'une intention délictueuse de sa part par rapport à un crime

 14   de guerre précisément défini.

 15   La conclusion selon laquelle des crimes de guerre ont été commis à

 16   Busovaca, s'appuie sur plusieurs arguments : D'abord la déclaration du

 17   Témoin AS; ensuite, le rapport de la FORPRONU; troisièmement la Chambre de

 18   première instance cite l'ultimatum présumé du 20 janvier, et en tire la

 19   conclusion que le HVO a attaqué l'ABiH en utilisant ce qui s'était passé la

 20   veille à la Kacuni comme justification. La Chambre de première instance

 21   conclut qu'il existait un "certain degré de défense", et déclare que les

 22   Croates ont été les premiers à attaquer, que les Musulmans ne disposaient

 23   que d'une défense limitée. Regardons les faits d'un peu plus près.

 24   S'agissant de la culpabilité de Kordic, et pas de la question du crime de

 25   guerre mais uniquement de la culpabilité de Kordic, la Chambre de première


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  1   instance cite trois éléments de preuve

  2   importants : D'abord, un enregistrement d'une conversation téléphonique

  3   entre le colonel Blaskic et M. Kordic; deuxièmement, divers documents

  4   militaires où le nom de Kordic est cité, et qui semblerait lier qu'à

  5   différentes allégations; troisièmement, le témoignage selon lequel Kordic,

  6   au moment des faits, au moment des combats, était à un autre endroit qu'à

  7   l'endroit où il aurait dû se trouver, c'est-à-dire, dans la cave du QG des

  8   unités du bâtiment de la poste, dans les sous-sols de ce bâtiment.

  9   La Chambre de première instance s'appuie également de façon très vague. Là,

 10   je relève encore une fois la précision de l'analyse sur le fait que Kordic

 11   serait présumé avoir contrôlé les routes, mais sans aucune précision à ce

 12   sujet. La Chambre de première instance estime que Kordic, est impliqué dans

 13   cette attaque. Comme je l'ai déjà indiqué, ce fondement ne peut pas

 14   justifier une telle déclaration que ce soit au titre de responsable du

 15   crime, de planificateur, d'instigateur ou de personne ayant ordonné le

 16   crime.

 17   Revenons si vous voulez bien sur le témoignage du Témoin AS. C'était un

 18   Témoin de l'Accusation. Le Témoin principal, à la fin de la présentation

 19   des éléments de preuve de l'Accusation, qui a dit que Blaskic exerçait

 20   personnellement son commandement sur les opérations militaires du mois du

 21   mois de janvier. Le Témoin AS a énuméré un certain nombre d'opérations

 22   militaires qui se sont déroulées en divers lieux auxquels il a participé,

 23   mais il n'a apporté aucun détail sur ces diverses opérations. Il a dit dans

 24   sa déposition que son unité de police n'a jamais délibérément attaqué des

 25   civils et n'a jamais reçu l'ordre d'attaquer des civils sans défense, donc


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  1   n'a jamais reçu l'ordre d'attaquer ou d'incendier des villages musulmans.

  2   Le Témoin AS n'a jamais prononcé le nom de Kordic en rapport avec ces

  3   opérations militaires.

  4   Le Témoin AS a déclaré dans sa déposition que ces opérations étaient liées

  5   à Ljubicic, commandant de son unité policière, qui a reçu ses ordres du

  6   colonel Blaskic par téléphone pour les raisons que j'indiquerai dans

  7   quelques instants. En bref, Blaskic était le dirigeant militaire d'après ce

  8   Témoin, et Kordic exerçait les responsabilités politiques.

  9   Venons-en maintenant à un point un peu antérieur si vous me le permettez.

 10   Le Témoin AS a utilisé le mot "nettoyage". C'est le mot que les Juges

 11   de la Chambre de première instance ont saisi. C'est ce mot sur lequel ils

 12   se sont concentrés, le mot "cleansing" dans la traduction anglaise. Si vous

 13   lisez attentivement le compte rendu d'audience, vous verrez que ce mot a

 14   été placé dans la bouche du Témoin par une question de l'Accusation, que

 15   c'est de cette question, de la façon dont la question a été formulée qu'a

 16   découlé l'utilisation de ce terme par le Témoin. Il faut bien étudier le

 17   contexte militaire général du propos du Témoin. A ce moment-là, il était

 18   question de ratissage du terrain, il était question de combats de rue dans

 19   la ville. Il est permis d'en tirer par déduction, la conclusion que le

 20   Témoin s'est contenté de répondre à une question de l'Accusation, qui avait

 21   pour but de le forcer à contredire l'intégralité de son témoignage jusqu' à

 22   ce moment-là, en laissant entendre que son unité et lui-même avaient

 23   participé à un crime de guerre lié à du nettoyage ethnique.

 24   Revenons sur ce rapport de la FORPRONU à présent. Ce rapport est un

 25   rapport de l'époque, qui émane du QG de Kiseljak, assez loin du lieu où se


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  1   déroulaient les opérations. C'est un rapport de la MCEE qui nous donne un

  2   certain nombre d'appréciations au sujet des combats. Les Croates ne sont

  3   pas blâmés dans ce rapport de la FORPRONU. Il n'y est aucunement fait

  4   mention de la "déclaration" de janvier 1993 comme étant la raison des

  5   combats de Busovaca en janvier.

  6   Revenons plus en détail sur cette déclaration. Le texte de cette

  7   déclaration d'abord qui traite de la nécessité de mettre en oeuvre le plan

  8   Vance-Owen. Si vous regardez bien le libellé de ce rapport, vous verrez

  9   d'abord qu'il n'y est pas question d'ultimatum. On y trouve une proposition

 10   avancée sur une base réciproque, destinée à obtenir le détachement de deux

 11   formations qui se trouvaient sur le terrain en même temps, confrontées à de

 12   grandes difficultés ce qui, finalement, a eu pour résultat la guerre civile

 13   qui s'est déclenchée plus tard au mois d'avril.

 14   Les Croates, par ailleurs, ont accepté la "date limite" qui était

 15   mentionnée, date limite de retrait, qui ensuite a été considérée comme un

 16   ultimatum. Les combats ont commencé à Gornji Vakuf le 11. Ceci s'est passé

 17   à un moment antérieur à la fin du délai fixé dans cette date limite.

 18   L'interprétation donnée par la Chambre de cette date limite est erronée. La

 19   "déclaration" de janvier n'a pas eu pour résultat direct les combats de

 20   Gornji Vakuf.

 21   J'aimerais maintenant très brièvement revenir sur les détails des

 22   opérations militaires à cet endroit. Le compte rendu d'audience est tout à

 23   fait clair au sujet des préparatifs importants de la part de l'ABiH dans

 24   les environs de Busovaca. Concentration de troupes, la zone a été séparée,

 25   coupée de Kiseljak et restée coupée de Kiseljak jusqu'à la fin de la


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  1   guerre. La plupart des habitants musulmans de la région ont quitté Busovaca

  2   dès le début des combats en secret, et l'ABiH a capturé 16 soldats du HVO

  3   sur le plateau de Busovaca. Comme je le dis, Busovaca était isolé par

  4   rapport à Vitez et Kiseljak, et les combats ont commencé le 24 à Kacuni.

  5   Revenons sur les éléments de preuve liés aux observateurs du

  6   Bataillon britannique. Le lieutenant-colonel Stewart, le commandant

  7   Jennings concordent dans leur témoignage pour parler de prétextes

  8   s'agissant des combats à Busovaca. Cette conclusion n'a pas été retenue par

  9   la Chambre de première instance. Les combats commencent le 25 janvier,

 10   c'est ce que nous démontrent les éléments de preuve, par des tirs et des

 11   pilonnages des deux côtés. Les Croates se déplacent ensuite le matin du 25

 12   janvier pour désarmer

 13   50 à 100 membres de la Défense territoriale, combattants musulmans, qui

 14   occupaient des positions fortifiées. Si vous regardez la carte, vous

 15   pourrez voir où se trouve cette zone musulmane sur le colline surplombant

 16   la ville de Busovaca, un endroit à partir duquel ils étaient à portée de

 17   canons du centre de la ville de Busovaca. Les Musulmans ont reçu un

 18   avertissement, ils ont refusé de se rendre, et les combats ont commencé.

 19   Les Croates ont attaqué ce groupe d'hommes afin de supprimer la menace qui

 20   pesait sur le centre de Busovaca.

 21   Ceci transparaît très clairement de la lecture d'un certain nombre de

 22   documents d'informations militaires et du témoignage de

 23   M. Grubesic. L'ABiH attaque les Croates. A partir du 17, les attaques de

 24   l'ABiH se poursuivent pendant plusieurs jours. Le colonel Blaskic donne ses

 25   ordres par téléphone en provenance de Kiseljak, où il se trouve totalement


Page 277

  1   isolé.

  2   A la question de savoir s'il y a eu une attaque croate face à une

  3   certaine défense des Musulmans, il convient de se pencher sur le journal

  4   intime du colonel Stewart pour voir de quelle façon les opérations se sont

  5   déroulées sur le plan stratégique. Les Musulmans avaient pour objectif de

  6   couper toute communication le premier jour avec Kacuni, et d'isoler une

  7   poche de façon à ce que Kiseljak soit isolée de Vitez et de Busovaca. Le

  8   HVO a contre-attaqué. Ce sont ces contre-attaques qui ont été évoquées par

  9   le Témoin AS dans sa déposition, et ce sont ces contre-attaques auxquelles

 10   il dit avoir participé. Son unité s'est efforcée d'obtenir l'objectif

 11   qu'elle poursuivait, mais elle a échoué en date du 27. Pendant toute la

 12   durée des attaques, la situation était tout à fait imprécise.

 13   Le lieutenant-colonel Stewart reproche aux Musulmans cette situation

 14   dans son livre ainsi que dans sa déposition. Le commandant Jennings partage

 15   le point de vue du colonel Stewart et déclare que les Musulmans ont refusé

 16   toute discussion au sujet de Kacuni. Ils ont fait preuve d'une absence

 17   totale de coopération. Ce qui est encore plus important, c'est que Blaskic

 18   a été déstabilisé. Si les Croates avaient établi un plan délibéré

 19   d'attaquer les Musulmans dans le cadre d'une campagne de persécution prévue

 20   à l'avance et destinée à être menée au mois de janvier à Busovaca, il est

 21   permis de se demander pourquoi Blaskic se trouvait à Kiseljak alors que les

 22   combats ont commencé, et que son QG se trouvait à Vitez ? Aucun commandant

 23   militaire responsable n'aurait organisé un plan d'attaque de cette façon,

 24   surtout s'il s'agissait d'une campagne de persécution, aucun commandant

 25   militaire n'aurait permis une telle déstabilisation de sa part par rapport


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  1   à son QG alors que les opérations avaient déjà commencé. Ce n'est pas le

  2   seul point que la Chambre de première instance a discuté; elle n'en a même

  3   pratiquement pas tenu compte. Ceci est tout à fait significatif.

  4   S'agissant de déterminer maintenant le rôle de Kordic, les officiers

  5   du Bataillon britannique disent avoir été informés par Kordic du fait qu'il

  6   n'existait aucune autorité militaire dans la région à ce moment-là.

  7   Blaskic, lui-même déclare qu'il était commandant à partir du 1er janvier, à

  8   la date du 1er janvier [comme interprété] et que Kordic n'exerçait aucune

  9   autorité militaire comme nous le voyons à la lecture du rapport de la

 10   FORPRONU également. Voilà où nous en sommes. Kordic a-t-il, oui ou non,

 11   participé activement à cette attaque ? A-t-il joué un rôle actif ? Aucune

 12   question ne peut se poser à ce sujet. Les combats se déroulaient tout près

 13   de l'endroit où il était lui-même. Sa famille habitait à Busovaca. Il était

 14   le dirigeant politique le plus important de la région à ce moment-là alors

 15   que Blaskic était déstabilisé à l'endroit où il se trouvait. Il avait des

 16   rapports quotidiens avec la presse. Il passait un certain temps dans son

 17   bureau. Il communiquait beaucoup à ce moment-là. Il a utilisé son influence

 18   pour essayer d'aider le HVO à recevoir des renforts. Il a eu des

 19   conversations téléphoniques avec le colonel Blaskic, aucun doute à ce

 20   sujet. Il lisait très attentivement le contenu de ces conversations

 21   téléphoniques. Il est question d'attaque d'artillerie et pas de crime de

 22   guerre. Kordic demande à Blaskic d'envisager un certain nombre de mesures

 23   sur le plan militaire. Ensuite, on voit très clairement dans le texte de

 24   ces conversations que les officiers du HVO n'obéissent pas à Kordic. Je

 25   cite : "Je le lui ai dit, mais il n'a rien entrepris suite à cela." J'y


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  1   reviendrai dans un instant. Voilà quelle est la situation.

  2   Je conclus rapidement en quelques mots, en disant que Kordic s'est

  3   efforcé, à plusieurs reprises, d'intervenir sur les actions de l'artillerie

  4   mais qu'en général ces interventions ont été repoussées.  C'est là que le

  5   texte des enregistrements téléphoniques est important. C'est ce que l'on

  6   voit dans un certain nombre de documents. Si on les analyse attentivement

  7   ce que nous faisons dans nos écritures.

  8   J'affirme pour ma part qu'à Busovaca aucun élément de preuve ne

  9   permet de démontrer qu'il y a eu crimes de guerre. La Chambre de première

 10   instance a fait erreur sur les faits, en déclarant que les Croates avaient

 11   attaqué les Musulmans dans le cadre d'une campagne coordonnée de

 12   persécution, au moment où Blaskic était déstabilisé, et que Kordic aurait

 13   participé, en tant que dirigeant politique actif, en faisant des

 14   déclarations publiques et en étant présent à son QG de temps en temps alors

 15   qu'il s'efforçait simplement d'obtenir une assistance logistique, et

 16   d'aider Blaskic à sortir de cette situation de déstabilisation. Kordic

 17   n'était pas le commandant militaire. Il n'avait aucune responsabilité vis-

 18   à-vis des combats. Aucun crime de guerre n'a été prouvé. Si vous regardez

 19   précisément le déroulement des faits à partir de cet événement, si vous

 20   examinez les rapports de la Commission conjointe de Busovaca, vous verrez

 21   que les Croates ont subi les dégâts les plus importants aussi bien sur le

 22   plan des pertes humaines que sur le plan des dommages matériels au cours

 23   des combats de Busovaca.

 24   J'en resterais là pour le moment. Avant d'aborder la question des

 25   détentions illégales et des destructions de monuments religieux et


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  1   d'éducation après la pause pour évoquer l'intention délictueuse

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci beaucoup. La Chambre d'appel

  3   suspend ses travaux jusqu'à 15 heures 30.

  4   --- L'audience est suspendue à 15 heures 00.

  5   --- L'audience est reprise à 15 heures 32.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

  7   Avant de vous redonner la parole, Maître Smith, puis-je vous poser

  8   une question, à savoir, il semblerait que ce soit l'ordre propre qui est

  9   supposé de suivre avant d'aborder la question de l'intention délictueuse ?

 10   Dans votre mémoire, du 9 août de l'an 2001, la note de bas de page 211,

 11   vous dites : "Que la déclaration de culpabilité prononcée par la Chambre de

 12   première instance est une erreur au vu de toutes les raisons, et cetera."

 13   Pendant la conférence de mise en état, qui a été tenue le 6 mai, nous

 14   nous sommes penchés sur cette question parce qu'en réalité, et à en juger

 15   d'après le jugement prononcé en l'espèce, votre client a été déclaré non

 16   coupable sous le chef d'accusation 37. L'Accusation, quant à elle, a

 17   précisé que ceci n'était pas disputé, que Kordic a bien été acquitté du

 18   crime de destruction des biens non justifiée par des besoins militaires

 19   même si au paragraphe 576 de la Chambre de première instance la conclusion

 20   qui est représentée est celle que le crime en question a été commis à

 21   Merdani.

 22   Alors que faut-il en penser ? Votre client a été déclaré non

 23   coupable. Apparemment, vous interjetez appel de cette déclaration de non

 24   culpabilité. Puis-je considérer que vous retirez cet élément d'appel ou ce

 25   motif d'appel ?


Page 281

  1   M. SMITH : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] L'Accusation l'accepte-t-elle ?

  3   M. FARRELL : [interprétation] Bien entendu.

  4   [La Chambre de première instance se concerte]

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] La Chambre l'accepte elle aussi. Je

  6   vous en prie, vous avez la parole.

  7   M. SMITH : [interprétation] Je voudrais aborder tout d'abord deux points

  8   pratiques et après j'aurais la parole jusqu'à 16 heures. Alors nous avons

  9   communiqué à la fois à l'Accusation et autres conseils ces CD-ROM qui

 10   contiennent le matériel vidéo, et je voudrais à présent les verser au

 11   procès officiellement, si vous l'acceptez.

 12   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je pense que la meilleure façon de

 13   procéder serait de le remettre à plus tard. Sinon, l'Accusation serait

 14   prête à répondre peut-être.

 15   M. FARRELL : [interprétation] Si vous me donnez la parole, Monsieur le

 16   Président. Comme ceci vient d'être dit par mon collègue de l'Appelant, la

 17   caractérisation des éléments quant à savoir si la Chambre de première

 18   instance est arrivée à certaines conclusions ou n'est pas arrivée à

 19   certaines conclusions comme vous l'imaginez. Nous ne sommes pas d'accord

 20   avec l'autre partie. Nous n'acceptons pas les conclusions qui ont été

 21   tirées par la Chambre sur un certain nombre d'éléments de preuve ou de

 22   chefs. Evidemment, ceci fait l'objet de notre appel. Nous estimons que nous

 23   avons déjà présenté cela par écrit puisque nous vous demandons

 24   l'autorisation de présenter cela par écrit, la manière de laquelle nous

 25   estimons que le jugement doit être lu.


Page 282

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Essayons de prendre ces décisions

  2   un peu plus tard. Je vous prie de prendre en considération le fait que je

  3   dois recueillir l'avis de mes collègues là-dessus. Je vous prie aussi

  4   d'entendre très clairement une chose : Je pense que ce que vous proposez

  5   c'est de verser tout d'abord au dossier le CD-ROM avec les tableaux qui ont

  6   été présentés et qui étaient surlignés ce matin. Est-ce que cela pose

  7   problème à l'Accusation pour l'ensemble du CD-ROM ? Il s'agit là des

  8   arguments présentés par M. Sayers.

  9   M. SMITH : [interprétation] Des miens aussi, Monsieur le Président.

 10   [La Chambre d'appel se concerte]

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Cela est la première partie.

 12   Ensuite, vous vouliez nous communiquer à la fois les tableaux, et en plus,

 13   les images, les diapositives que nous avons vues pendant votre présentation

 14   ce matin ou à la dernière heure de votre présentation. Est-ce que cela pose

 15   problème ? Je pense qu'il faut être très précis là-dessus.

 16   M. FARRELL : [interprétation] Jusqu'à un certain point, effectivement, il

 17   s'agit de diapositives qui illustrent leurs arguments. Nous les avons vues,

 18   ceci ne nous pose aucun problème.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Ceci est versé.  Je demanderais que

 20   l'on distribue les exemplaires à l'Accusation et à la Chambre.

 21   M. SMITH : [interprétation] Nous avons des exemplaires. Je pense que

 22   l'Accusation a déjà un exemplaire. Nous allons retenir ceux-ci jusqu'au

 23   matin, Monsieur le Président, d'après ce que j'ai compris. Ou vous voulez

 24   qu'on les distribue maintenant ?

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] On décidera plus tard pour ce qui


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  1   est des tableaux, parce qu'ils n'ont pas encore fait partie de vos

  2   arguments présentés oralement. Attendons un petit peu jusqu'à la fin.

  3   M. FARRELL : [interprétation] Juste un point de précision, si je puis

  4   demander. Est-ce que le CD contient la diapositive, ou plus ce qui a été

  5   dit ou argumenté ce matin par M. Sayers ? Je voudrais simplement pouvoir

  6   vérifier cela. Je parle de ce qui a été présenté ce matin, mais je ne sais

  7   pas ce qui figure sur le CD.

  8   M. SMITH : [interprétation] Je pense qu'on a sur le CD les

  9   diapositives qui concernent l'argument portant sur la peine, l'argument qui

 10   sera prononcé cet après-midi. Je pense que cela ne contient pas la réponse

 11   à votre appel, les choses dont nous arguons mercredi. C'est prévu pour

 12   mercredi, Maître Sayers.

 13   M. SAYERS : [interprétation] En fait, tout y est contenu. Toutes les

 14   diapositives concernant tous les arguments que nous avons l'intention de

 15   présenter devant la Chambre d'appel.

 16   [La Chambre d'appel se concerte]

 17   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Compte tenu du fait que ceci

 18   comprend aussi la réponse à l'appel par l'Accusation, je pense qu'il

 19   faudrait attendre jusqu'à la fin pour décider de leur recevabilité. Je vous

 20   remercie.

 21   M. SMITH : [interprétation] Une bonne partie de ce que j'ai déjà dit

 22   concerne directement de nombreuses erreurs commises par la Chambre de

 23   première instance, des erreurs matérielles qui concernent à la fois la

 24   persécution et la question de l'intention délictueuse.  C'est de ces deux

 25   points que je me propose de parler à présent.


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  1   Je commencerai par la persécution et la première question qui

  2   m'intéressera sera la question du caractère adéquat de l'acte d'accusation

  3   dans la mesure où il concerne spécifiquement la persécution et l'entreprise

  4   criminelle conjointe. Il s'agit de citations qui sont semblables à celles

  5   sur lesquelles s'est appuyé Me Sayers ce matin. Il s'agit là du jugement

  6   Vasiljevic et également de l'arrêt de la Chambre d'appel dans l'affaire

  7   Kupreskic.

  8   Le point premier est que l'acte d'accusation modifié est déficient, à

  9   notre avis, parce que tout d'abord il reproche à notre client une campagne

 10   de persécution au sens trop large et apprécié du terme; et au point deux,

 11   ceci s'étend aux zones pour lesquelles il n'y a pas eu de présentation

 12   d'éléments de preuve où Kordic n'a exercé aucune influence politique et

 13   pour lesquels Kordic n'a pas été déclaré coupable ou plutôt a été déclaré

 14   non coupable.

 15   La Chambre d'appel a estimé, puisque maintenant nous passons à la

 16   notion de l'entreprise criminelle commune, que le fait de s'appuyer sur ce

 17   concept pour définir la responsabilité individuelle, il est requis de

 18   définir de manière stricte l'objectif commun et que les personnes qui font

 19   partie du groupe doivent être identifiées de la manière la plus précise

 20   possible. Bref, l'arrêt Krnojelac a établi quatre critères pour que

 21   l'Accusation puisse plaider l'entreprise criminelle commune.

 22   Tout d'abord, il doit plaider l'existence de l'objectif commun de

 23   manière précise. Ceci n'a pas été fait en l'espèce. Dans la terminologie de

 24   l'acte d'accusation et j'ai cité des paragraphes, il est dit seulement que

 25   Kordic, en somme avec d'autres personnes, a commis des choses X, Y ou Z. Il


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  1   n'est pas fait mention de l'objectif commun ou dessin. 

  2   Un deuxième point, l'Accusation doit préciser les objectifs communs

  3   et ici l'allégation est très généralisée. Il s'agit d'une campagne de

  4   persécution et on devrait aussi identifier, de la manière la plus précise

  5   possible, les auteurs principaux. Lorsque vous vous penchez sur l'acte

  6   d'accusation modifié, vous verrez qu'il reproche des actes de manière très

  7   générale, Kordic se voit reprocher d'avoir agi en somme avec d'autres

  8   membres de la HDZ, l'ABiH, HZ HB, HR HB, ainsi que leurs dirigeants des

  9   forces armées, des agents, et cetera. C'est très vague et c'est imprécis.

 10   Un quatrième point, l'Accusation doit reprocher une catégorie

 11   spécifique de l'entreprise criminelle commune ou du plan commun comme ceci

 12   était appelé à l'époque, qui est allégué. Ceci n'est pas fait ici dans

 13   l'acte d'accusation et ceci n'a pas été fait non plus dans le mémoire

 14   préalable au procès. Au paragraphe 26, de l'acte d'accusation modifié, il

 15   est mentionné le caractère prévisible, mais pas spécifiquement pour ce qui

 16   est de l'objectif du plan commun pour l'entreprise criminelle commune et le

 17   caractère prévisible et pertinent pour de nombreuses raisons eu égard à de

 18   nombreux événements.

 19   Même si l'acte d'accusation modifié était interprété comme si la

 20   catégorie 3 de l'entreprise criminelle commune y était alléguée, ceci n'est

 21   pas ce dont Kordic a été déclaré coupable. Il n'y a pas de concordance

 22   entre la thèse ou les chefs tels que formulés et la déclaration de

 23   culpabilité parce qu'il a été déclaré coupable pour la catégorie 1 de

 24   l'entreprise criminelle commune.

 25   A présent, pour ce qui est de la persécution, ce qui est reproché


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  1   c'est une campagne militaire et politique de persécution et en soi, il

  2   s'agit là d'un concept très vague. J'ai abordé le volet militaire, je pense

  3   tout en détails, et je vais revenir à cela très brièvement. A présent c'est

  4   le volet politique qui va m'intéresser.

  5   Dans le jugement de la Chambre de première instance, Kordic s'est

  6   déclaré responsable d'avoir pris part à cette campagne de persécution

  7   essentiellement pour deux raisons : dû à son statut et dû au rôle qu'il a

  8   joué. Pour ce qui est de son statut, il a été constaté qu'il était le

  9   dirigeant politique des Croates de Bosnie en Bosnie centrale mais, bien

 10   entendu, comme Me Sayers l'a dit, il était seulement un dirigeant local et

 11   il ne participait au pouvoir aux échelons les plus élevés. Bien entendu,

 12   comme on pourrait s'y attendre de la part de tous dirigeants politiques, il

 13   était, à l'époque des opérations militaires, associé aux dirigeants

 14   militaires et ceci n'est pas en soi étonnant et n'est pas en soi criminel

 15   non plus.

 16   Pour ce qui est de son rôle quand on a dit que Kordic a participé à

 17   certains événements politiques en tant que dirigeant politique; la prise de

 18   pouvoir du HVO dans les municipalités et un certain nombre d'événements

 19   militaires, les attaques que j'ai déjà abordées.

 20   Pour ce qui est des éléments de preuve sur lesquels on s'est appuyé

 21   pour déterminer le rôle joué par l'accusé. Les positions occupées par

 22   l'accusé et celles sur lesquelles s'est appuyée la Chambre de première

 23   instance, sont ces positions occupées au sein du parti politique et non au

 24   sein d'un gouvernement et non plus au sein des structures militaires. Me

 25   Sayers a déjà soulevé ces points. Les éléments de preuve en l'espèce


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  1   cependant montrent par l'entremise de la déposition de M. Vucina, qui est

  2   un Témoin tout à fait éminent et crédible, qui était un haut représentant

  3   au sein de la Chambre des représentants de la Fédération de Bosnie-

  4   Herzégovine et qui était bien placé pour connaître la réalité des choses,

  5   des choses sur lesquelles il a déposé, parce qu'il était le président du

  6   comité exécutif du HDZ de Bosnie-Herzégovine pendant la guerre.

  7   Tel qu'il dit, il a dit que pendant la guerre comme dans la période

  8   qui est concernée par l'acte d'accusation, le parti politique n'était pas

  9   actif et que les événements étaient en fait conséquence des actions prises

 10   par le gouvernement et par des militaires en temps de guerre.

 11   A présent, je vais me pencher sur les aspects politiques des faits

 12   reprochés par l'Accusation et je vais commencer en revenant à la

 13   déclaration qui a été faite par le Juge qui a présidé en l'espèce. Il a

 14   déclaré, je le cite : "J'espère que ceci ne deviendra pas un procès

 15   politique." Mais ceci a fini, en effet, par être un procès politique et

 16   ceci s'est passé à cause de la manière de laquelle l'Accusation a plaidé sa

 17   cause et la manière de laquelle l'Accusation a présenté sa cause.

 18   Passons aux événements politiques. Il y a deux jeux d'événements politiques

 19   principaux sur lesquels s'est polarisée la Chambre de première instance,

 20   qui ont été abordés pendant la présentation des éléments de preuve.

 21   Un premier est la création de la Hadzic, Herceg-Bosna, en

 22   particulier, son objectif. Cela se passe au niveau national. C'est pourquoi

 23   je vais m'en occuper tout d'abord. Un deuxième point, ce sont les attaques

 24   du HVO, excusez-moi, ce sont des prises de pouvoir dans les municipalités

 25   tel qu'alléguées, des prises de pouvoir par le HVO et je vais m'en occuper


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  1   également.

  2   Je vais procéder dans l'ordre. Tout d'abord, l'objectif de la HZ

  3   Herceg-Bosna. Cela se passe au niveau national. Comme je l'ai déjà dit,

  4   Kordic a été déclaré comme n'ayant pas pris part au gouvernement sur le

  5   plan national. Il n'empêche que la Chambre de première instance tire la

  6   conclusion que les institutions des Croates de Bosnie avaient l'intention

  7   d'effectuer une sécession de la part de la République de Bosnie-Herzégovine

  8   et de se rattacher à la Croatie. C'est que nous devons examiner. Les

  9   conclusions de la Chambre de première instance sur ce point, se penche

 10   avant tout aux événements qui concernent la première période couverte par

 11   l'acte d'accusation, à savoir, automne 1991, un petit peu même avant cette

 12   période qui est couverte par l'acte d'accusation modifié, même si la

 13   Chambre mentionne en effet un certain nombre d'événements qui se sont

 14   produits début 1992.

 15   L'analyse conduite par la Chambre de première instance sur ces points qui

 16   sont en substance historiques et politiques avant tout que nous avons

 17   examinés très en détail dans notre mémoire et en annexe de notre mémoire,

 18   mais nous n'avons pas eu suffisamment de possibilité de nous occuper de

 19   cela dans notre mémoire en appel, comporte des erreurs matérielles qui sont

 20   décisives. La Chambre d'appel, en exemple, on est arrivée à la conclusion

 21   que Mate Boban est devenu le président de la HZ HB un mois après la

 22   démission de M. Kljuic; ceci tout simplement n'était pas le cas. La Chambre

 23   est arrivée à la conclusion que les Croates ont profité des Musulmans en se

 24   procurant des armes pendant une période où la JNA était en train de quitter

 25   ses installations dans la caserne de Slimena. C'est une erreur pour les


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  1   raisons que j'ai avancées.

  2   La crédibilité de la compréhension ou de l'interprétation que la Chambre de

  3   première instance fait de la situation politique au niveau national, était

  4   entravée par une erreur grossière qu'elle commet lorsqu'elle conclut que M.

  5   Kordic a exercé un pouvoir politique et qu'il est devenu vice-président de

  6   la République Croate de Herceg-Bosnie, le successeur politique. Simplement

  7   ce n'était pas le cas.

  8   La Chambre de première instance, pour ce qui est de cette question dans son

  9   ensemble au niveau national, n'a pas prêté attention pour la plupart aux

 10   documents officiels sur lesquels s'est appuyé Kordic ainsi qu'un Témoin

 11   crédible que Kordic a cité à la barre qui, par exemple, disent que les

 12   Croates de Bosnie s'étaient fixés un objectif politique légitime, que leurs

 13   institutions n'étaient que temporaires, qu'ils n'étaient pas indépendants

 14   de la République de Bosnie-Herzégovine, n'ont jamais demandé

 15   l'indépendance, n'ont jamais insisté sur leur attachement à la Croatie par

 16   la force. Jamais ils n'ont demandé ou se sont présentés comme un

 17   gouvernement souverain au terme du droit international, qu'il y avait

 18   beaucoup de confusion pour ce qui est de l'utilisation du terme

 19   "souveraineté" signifiant souveraineté d'un peuple constitutif au sein

 20   d'une communauté politique dans les Balkans par rapport à la souveraineté

 21   au sens de droit international, à laquelle ils n'ont pas prétendu. Les

 22   éléments de preuve montrent qu'il n'y avait pas de discrimination de jure

 23   et qu'il n'y avait pas des discriminations de fait non plus.

 24   Il y a eu des éléments de preuve qui sont, par exemple, les transcripts

 25   Tudjman. Les éléments de preuve qui ont été présentés par l'Accusation et


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  1   qui concernent la réunion qui s'est tenue dans le bureau de Tudjman le 27

  2   décembre 1991, la Chambre de première instance a considéré qu'il s'agissait

  3   là des éléments à charge.

  4   Il n'empêche que ceci n'établit pas que même si on a rêvé de la sécession à

  5   ses premiers stades du démembrement à l'automne et en hiver 1991, qu'il

  6   existait l'intention de poursuivre cet objectif ou de le faire par la

  7   force. Il faut considérer que ceci n'était concevable qu'en dernière

  8   instance. Tudjman a dit aux dirigeants croates de Bosnie de négocier avec

  9   les Musulmans en décembre 1991. Il n'a jamais donné d'instruction disant

 10   que la Bosnie-Herzégovine devait être partagée. Il n'a jamais donné

 11   d'instruction disant que les Croates devaient opérer une sécession à

 12   l'époque, n'a jamais non plus montré un souhait que les Croates de Bosnie

 13   aient recours à la force ou à la menace de la force.

 14   Nonobstant l'ensemble de ces éléments de preuve, la Chambre de première

 15   instance est arrivée à la conclusion et ce, sans explication aucune, que

 16   l'intention d'effectuer une sécession a existé. Même si c'était le cas,

 17   ceci correspondrait tout simplement à des objectifs politiques légitimes.

 18   Il est clair que cette conclusion ne peut pas étayé la conclusion qu'il y a

 19   eu discrimination ou persécution. Il n'y a pas ici de contestation de fait

 20   qu'il y avait une intention d'avoir recours à la force, même s'il y en

 21   avait eu d'avoir recours à la force afin d'aboutir à des objectifs

 22   politiques légitimes, même ceci ne constitue pas un crime de guerre au sens

 23   de ce Tribunal.

 24   Passons maintenant aux prises de pouvoir par le HVO. Ce Tribunal est arrivé

 25   à la conclusion que, et ce, à plusieurs occasions que la prise de pouvoir


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  1   par la force dans une ville, une municipalité ne constitue pas un crime de

  2   guerre au terme de l'Article 5. Il y a beaucoup d'éléments de preuve que je

  3   ne pourrais pas examiner à présent, parce que je n'ai pas de temps qui

  4   concerne la prise de pouvoir à Busovaca, et qui établissent point par point

  5   dans nos mémoires que d'allégation après la prise de pouvoir ne peut pas

  6   être défendue compte tenu des faits. Nous avons déjà argué du fait que la

  7   prise de pouvoir en soi-même était une réponse politique raisonnable par le

  8   groupe qui contrôlait le gouvernement à l'époque, sa réponse raisonnable à

  9   une situation créée par des Musulmans dans leur tentative de s'emparer des

 10   armes à la caserne de Kaonik.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : Serait-ce approprié ? Mme le Juge Weinberg de Roca a

 12   une question.

 13   M. SMITH : Certainement.

 14   Mme LE JUGE WEINBURG DE ROCA : [interprétation] Vous avez répété que M.

 15   Kordic a été déclaré responsable pour des zones où il n'avait aucune

 16   influence politique. Je vous en saurais gré de préciser de quelles zones

 17   parlez-vous ? Quelles sont les zones qui, à votre avis, devraient être

 18   rayées de la liste ?

 19   M. SMITH: [interprétation] Il a exercé une influence politique à Busovaca.

 20   Plus tard, pendant la guerre, il a eu une influence politique dans cette

 21   région, dans cette poche, la zone de

 22   Vitez-Busovaca. Pour ce qui est de l'influence politique à Vitez, par

 23   exemple, au printemps 1992, lorsque la prise de pouvoir s'est produite, ce

 24   n'était absolument pas l'endroit où il avait, lui, une accise. Il faudrait

 25   peut-être un petit moment pour que je puisse retrouvé exactement. Je pense


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  1   que l'Accusation a présenté des éléments à cet effet. Il a été complètement

  2   coupé de Kiseljak. C'était très clairement à en juger d'après les éléments

  3   de preuve un secteur où Ivica Rajic avait le pouvoir.

  4   Puis-je continuer pour ce qui est de l'intention délictuelle ?

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous en prie.

  6   M. SMITH : [interprétation] Il convient de se pencher avec une intention

  7   toute particulière sur les conclusions qui concernent l'intention

  8   délictueuse. La Chambre d'appel a considéré qu'une déduction de l'existence

  9   de l'intention doit toujours être une déduction raisonnée. Dans l'affaire

 10   Krstic, Me Sayers en a parlé ce matin. Il est dit que les déductions qui

 11   sont faites sur la base de la simple présence, les déductions d'intention

 12   partagées qui ne se fondent que sur cela, même si la personne était

 13   présente pendant la réunion. Par conséquent, était au courant de ce qui

 14   était en train de se passer. Ceci n'est pas suffisant. Il faut qu'il y ait

 15   des éléments de preuve eu égard à l'intention délictueuse.

 16   Très brièvement, que [imperceptible] nous au compte rendu d'audience pour

 17   ce qui est de l'intention délictuelle. Un examen très bref des faits nous

 18   montre très clairement qu'il n'y a pas d'éléments de preuve montrant que M.

 19   Kordic avait l'intention de faire un tort quel qu'il soit aux Musulmans,

 20   encore moins qu'il avait l'intention de provoquer leur déplacement tout

 21   simplement parce que c'étaient des Musulmans. Plutôt, on voit que des

 22   personnes qui étaient politiquement ou militairement opposées à mon client,

 23   à sa communauté, dans des conditions qui étaient celles qui les affectaient

 24   tous, ne partageaient pas son avis. On voit quel était son comportement de

 25   par son caractère, ses propos, ses écritures ou ses actions eu égard aux


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  1   Musulmans; ces actions à l'appui de la paix. Nous avons souligné cela dans

  2   nos mémoires en détail.

  3   Tout simplement, permettez-moi de dire, j'insiste là-dessus, lorsque tout a

  4   été dit, lorsque tout a été fait, à la fin du conflit, M. Kordic occupait

  5   un poste de dirigeant en ayant à sa disposition des solutions politiques

  6   qui avaient été adoptées par la communauté croate de Bosnie centrale, qui

  7   n'était pas satisfaite de l'accord qui était passé, parce que la communauté

  8   croate était dominée politiquement par des personnes en Bosnie-Herzégovine.

  9   M. Kordic a pris la tête même au risque de sa vie. Dans une position

 10   officielle, il a aidé à ce que la paix soit mise en œuvre. C'est un point

 11   extrêmement significatif.

 12   Pour conclure, Monsieur le Président, la Chambre de première instance a mal

 13   interprété des événements, qu'ils soient politiques ou militaires, en

 14   concluant qu'il y a eu une entreprise criminelle commune et une campagne de

 15   persécution à l'encontre des Croates de Bosnie centrale, alors que tout

 16   simplement il n'y en a eu aucune. Par conséquent, pour quelle raison ?

 17   Parce que tout simplement, il n'y aucun élément de preuve à l'appui de

 18   cela. Pour ce qui est des événements politiques qui se sont produits, il y

 19   a toute une série d'autres déductions raisonnées qui peuvent en être

 20   tirées, comme nous l'avons dit.

 21   On était dans une situation où il y avait beaucoup de réfugiés.

 22   C'était le chaos sur le plan de l'état de droit. Ce n'est pas une situation

 23   qui a été le fait de M. Kordic et des autres dirigeants de ces communautés.

 24   Il a fallu, eux, qu'ils y répondent, qu'ils y réagissent du mieux qu'ils

 25   peuvent. Finalement, ces deux communautés sont entrées en conflit. Il y a


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  1   eu des événements politiques et militaires que nous avons déjà explicités.

  2   Les conclusions logiques que l'on peut en déduire ont été complètement

  3   passées sous le silence, ignorées par la Chambre de première instance,

  4   surtout celles qui sont favorables à l'accusé. C'est vraiment essentiel.

  5   La Chambre d'appel doit rétablir la crédibilité du Tribunal et

  6   l'évolution, l'application d'un nouveau droit pénal international en pleine

  7   évolution. Aux yeux de l'histoire et aux yeux du monde entier, il convient

  8   de faire preuve d'extrêmement de prudence en décidant qu'il y a lieu

  9   d'appliquer le concept de persécution à des événements politiques et

 10   militaires pour lesquels on peut trouver d'autres explications, et où l'on

 11   peut trouver d'autres conclusions sur la base des comportements des acteurs

 12   de ces événements. Ici, je parle plus précisément de la Bosnie centrale.

 13   Il n'y a pas eu d'entreprise criminelle commune, pas de campagne de

 14   persécution en Bosnie centrale. Il y a eu des combats. Il y a eu beaucoup

 15   d'événements regrettables qui ont eu lieu. Dire qu'il y a eu un plan de

 16   persécution mené par une communauté minoritaire, cela ne tient pas la

 17   route. Dario Kordic était un dirigeant politique responsable, ceci pendant

 18   une période extrêmement difficile. Il a fait de son mieux. Il n'était pas

 19   animé de l'intention discriminatoire requise qui aurait dû être là pour que

 20   la Chambre de première instance puisse en toute logique déduire des

 21   événements politiques et militaires, qu'il a participé à tout cela et qu'il

 22   y a joué un rôle de dirigeant politique. Il n'est pas responsable des

 23   crimes qui ont eu lieu à Ahmici.

 24   Me Naumovski, maintenant, va vous parler de trois séries de villages

 25   que je n'ai pas moi-même abordées au cours de la présentation de mes


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  1   arguments.

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, Maître Smith. Est-ce

  3   qu'il y a des questions ? Non.

  4   Dans ces conditions, je vais donner la parole à Me Naumovski.

  5   M. NAUMOVSKI : [interprétation] Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

  6   Président. Est-ce que je peux avoir deux secondes pour me préparer

  7   correctement ? Cela y est, maintenant, je suis prêt. Je vous prie de

  8   m'excuser.

  9   Je vais poursuivre la présentation des arguments de la Défense. Je vais

 10   quant à moi me concentrer sur la zone de Kiseljak et sur les événements qui

 11   se sont déroulés dans ce secteur. La Défense avance, et vous le verrez à la

 12   lumière des arguments que je vais maintenant vous présenter, nous faisons

 13   valoir que les conclusions de la Chambre de première instance, s'agissant

 14   de la responsabilité pénale de

 15   M. Kordic à Kiseljak, quand je dis "Kiseljak", je pense à la totalité de la

 16   municipalité ainsi qu'à la ville même de Kiseljak,

 17   c'est-à-dire, plus de dix villages ainsi que la ville de Kiseljak elle-

 18   même. Nous faisons valoir que les éléments de preuve présentés sont

 19   extrêmement maigres si l'on peut dire, et que les conclusions, pratiquement

 20   toutes les conclusions sur les faits qui se sont déroulés à Kiseljak, sont

 21   résumés aux paragraphes 668 et 669 du jugement et au paragraphes 724 et

 22   725, et qu'ils ne tiennent pas.

 23   J'ai préparé un certain nombre de transparents. J'espère que cela vous

 24   permettra de suivre avec plus de facilité la logique de mes arguments.

 25   Tous les éléments de preuve, toutes les conclusions de la Chambre de


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  1   première instance reviennent à une seule conclusion, un seul élément pour

  2   chacun des éléments. Il n'y a pas de lien établi s'agissant de M. Kordic et

  3   des événements qui ont eu lieu à Kiseljak. Aucun élément n'indique

  4   l'intention délictueuse de M. Kordic. M. Kordic a été reconnu coupable du

  5   chef 3 ainsi que du chef 4 de l'acte d'accusation pour le village de

  6   Rotilj, attaque illégale contre des civils pour le mois d'avril 1993; ainsi

  7   que pour Rotilj, Tulica, Han Ploca, Grahovci, s'agissant des chefs

  8   d'accusation 7, 8, 10 et 12. Je ne vais pas donner lecture dans leur

  9   intégralité de chacun des chefs d'accusation.

 10   De plus, s'agissant de la ville de Kiseljak et des villages de Svinjarevo,

 11   Gomionica, Polje Visnjica, Rotilj, Tulica et Han Ploca, chefs 38 et 39.

 12   Même chose également pour le village de Visnjica et autres. On se référera

 13   aux chefs 38 et 39 de l'acte d'accusation, ainsi que le village de Han

 14   Ploca qui est concerné par des événements s'étant déroulés au cours du mois

 15   de juin 1993.

 16   Que nous dit le jugement au sujet des événements qui se sont déroulés au

 17   cours du mois d'avril 1993 ? La Chambre a établi au paragraphe 753 de son

 18   jugement, que les éléments de preuve n'établissent pas que M. Kordic

 19   contrôlait Kiseljak, parce que son influence et son autorité s'exerçaient

 20   principalement dans la vallée de la Lasva. Dans ce même paragraphe du

 21   jugement, on dit : "Le fait que Kordic était le principal dirigeant

 22   politique de Bosnie centrale, ne suffit pas en soi à prouver sa

 23   participation à cette infraction." Il y est dit également que l'attaque ne

 24   s'inscrivait pas dans le cadre d'un dessein commun auquel il participait.

 25   L'attaque dans la vallée de Lepenica, qui se trouve à environ 25


Page 297

  1   kilomètres de la vallée de la Lasva, la vallée de Lepenica. Il faut savoir

  2   que ces vallées étaient complètement isolées et ceci dès le 24 janvier

  3   1993. Ces offensives, si l'on veut bien en croire le jugement, et ici je me

  4   rapporte au paragraphe 669, ces attaques ont été lancées deux jours après

  5   celles qui avaient lieu dans la vallée de la Lasva. Toujours pour reprendre

  6   les conclusions données par la Chambre de première instance. Au paragraphe

  7   753, on nous explique que ces attaques faisaient partie de toute une série

  8   d'attaques dans la vallée de la Lasva.

  9   Au paragraphe 753, la Chambre conclut que s'agissant de Stupni Do,

 10   l'attaque des forces étant venues de Kiseljak, ne s'inscrivait pas dans un

 11   plan général auquel M. Kordic participait et d'ailleurs M. Kordic a été

 12   acquitté de cette accusation.

 13   S'agissant maintenant des événements d'avril, le jugement nous dit que

 14   l'ordre de Blaskic du 24 septembre, pièce Z733, je ne veux pas ici me

 15   lancer dans toutes les questions de l'authentification de cet ordre parce

 16   que Blaskic a dit que ce n'est pas lui qui a rédigé cet ordre parce qu'il

 17   ne l'a pas signé lui-même, mais tout le monde désigne cet ordre de cette

 18   manière, comme l'ordre de Blaskic. Au paragraphe 668, il est dit que

 19   Blaskic a informé les dirigeants du HZ HB de tout ce qui se passait. Je

 20   dois dire que le document original en croate est différent car ce document

 21   dit, je cite : "Nous avons informé les plus hauts dirigeants de la HZ HB de

 22   tout cela."

 23   Il est possible, si les Juges de la Chambre le souhaitent, de placer le

 24   document sur le rétroprojecteur. J'ai pris soin de remettre un exemplaire

 25   aux cabines. Cependant, sur ce document Z733, c'est ce document et ce seul


Page 298

  1   document qui a permis à la Chambre de première instance de conclure au

  2   paragraphe 669 que Blaskic n'aurait pas lancé ces attaques sans

  3   l'approbation du pouvoir politique, et d'autre part la Chambre conclut que

  4   ce sont les dirigeants locaux, en la personne de Dario Kordic, qui ont

  5   fourni leur approbation. Il est dit que Blaskic n'aurait pas pu avoir des

  6   communications faciles avec quelqu'un comme Mate Boban à Mostar. Ce qui a

  7   été accepté par la Chambre de première instance.

  8   A partir de ces éléments, la Chambre en a conclu que Kordic est associé à

  9   l'ordre d'attaquer les villages notamment Rotilj. Paragraphe 669 du

 10   jugement. Je répéterai ici ce qu'a dit mon confrère, Me Smith. Ce document

 11   ne fait référence qu'au village de Gomionica, qui n'est qu'un des villages

 12   et il y en a en tout une dizaine dans la municipalité de Busovaca. J'ai un

 13   petit peu de mal à voir le lien qu'on établit entre ce document et les

 14   autres villages dont Rotilj. La Chambre est arrivée à des conclusions

 15   semblables pour ce qui est des événements de 1993.

 16   Je souhaiterais simplement vous rappeler que l'acte d'accusation et le

 17   jugement s'appuient sur deux événements ou plutôt deux périodes, la période

 18   d'avril et la période de juin. On a conclu que les villages de Tulica, Han

 19   Ploca et p115 Grahovci, au sud de l'enclave de Kiseljak, ont été attaqués

 20   en juin 1993. La Chambre de première instance, sur la base des événements

 21   d'avril, de ce qu'il lui a été présenté à ce sujet, a conclu que ces

 22   attaques faisaient l'objet d'un effort offensif inlassable de la part du

 23   HVO.

 24   La Chambre de première instance a accepté la véracité de la déclaration

 25   d'un Témoin qui s'est exprimé au sujet de la présence de Kordic à Kiseljak


Page 299

  1   le 14 juin. Ce Témoin a dit qu'il l'avait vu en passant pendant une durée

  2   de cinq ou six secondes. Je dois dire que depuis que nous avons commencé à

  3   travailler dans cette affaire, il y a bien longtemps maintenant en 1997,

  4   depuis ce jour, et depuis lors, la jurisprudence du Tribunal a beaucoup

  5   évoluée. Nous en sommes ravis et il nous semble que cela ne fait

  6   qu'augmenter la crédibilité du Tribunal pénal. Me Sayers d'ailleurs l'a

  7   déjà mentionné au sujet des déclarations de témoins qui n'ont jamais été

  8   corroborées de quelque manière que ce soit.

  9   C'est aussi bien que pour l'attaque de juin, où intervenait la déclaration

 10   de ce Témoin qui avait dit avoir vu M. Kordic pendant six secondes. D'après

 11   la Chambre de première instance jamais cette attaque n'aurait pu avoir lieu

 12   sans l'approbation de Dario Kordic, paragraphe 726 parce qu'il représentait

 13   la direction politique locale. C'est pourquoi on a dit qu'il y avait un

 14   lien entre Kordic et l'ordre qui a été donné d'attaquer,

 15   Cependant, voici ce que nous disent les éléments de preuve. Kiseljak

 16   était sous le commandement d'Ivica Rajic. Le major Baggesen à la page 7 759

 17   du compte rendu d'audience nous l'a dit.

 18   De même que le général de brigade Wingfield-Hayes, qui a déposé deux jours

 19   avant la fin de la présentation des éléments à charge, qui était le

 20   troisième dans l'échelon hiérarchique de la FORPRONU à Kiseljak et qui a

 21   dit ne jamais avoir vu Kordic à Kiseljak. Page 16 168 du compte rendu

 22   d'audience. Il a dit d'autre part que, quand il y avait des problèmes à

 23   Kiseljak, ce n'est pas à Kordic que l'on s'adressait car c'était Rahic qui

 24   était le commandant de la place.

 25   Je ne vais pas m'engager plus avant dans l'analyse de ces faits. Je


Page 300

  1   souhaiterais simplement vous renvoyer à la déposition du général de brigade

  2   Wingfield-Hayes, un Témoin à charge.

  3   Permettez-moi d'intervenir rapidement maintenant au sujet de l'endroit où

  4   se situent les villages concernés. Rotilj comme on peut le voir facilement

  5   sur une carte, Rotilj, la carte qui est en annexe du jugement, Rotilj était

  6   à l'ouest de Kiseljak, dans une vallée qui domine la ville. Tulica avait

  7   également une importance militaire car ce site se trouvait entre les lignes

  8   du HVO et de l'ABiH. Han Ploca/ Grahovci, ce sont deux villages qui sont à

  9   proximité immédiate, avaient une importance également parce qu'ils se

 10   trouvaient à côté d'un carrefour extrêmement important avec des artères

 11   allant de Sarajevo à Mostar. Je dois dire que la Chambre de première

 12   instance n'a pas tenu compte de ces éléments militaires. Tous ces villages

 13   que je viens de mentionner et d'autres villages aussi se trouvaient sur un

 14   théâtre de guerre. Certains de ces villages se trouvaient carrément sur la

 15   ligne de front, d'autres étaient défendus. Par exemple, le Témoin AL, page

 16   15 554 du compte rendu d'audience, nous a expliqué que la population civile

 17   avait quitté Behrici, mais que 50 à 60 Musulmans étaient restés sur place

 18   et avaient pris le contrôle du village, ceci pendant plus de deux mois.

 19   Behrici se trouvait sur la ligne de front entre l'ABiH et le HVO.

 20   Le Témoin D nous a dit que Gomionica était occupée par les hommes de l'ABiH

 21   et le Témoin à charge AM, le commandant Baggesen, ainsi que d'autres ont

 22   abondé dans ce sens.

 23   La Chambre de première instance, à partir de la pièce Z733 et des

 24   déclarations du Témoin Y, a estimé qu'il y avait un lien entre

 25   M. Kordic et les attaques qui avaient lieu dans la municipalité de


Page 301

  1   Kiseljak. Elle a estimé qu'il était responsable de ce fait, sans pour

  2   autant mentionner aucun fait, prouvant que M. Kordic avait participé à ces

  3   attaques, les avait planifiées, sans nous donner non plus aucun élément

  4   attestant de son intention délictueuse.

  5   Je ne veux pas faire perdre à la Chambre trop de temps. Je pense qu'il est

  6   temps de passer au transparent numéro 21.

  7   Pour revenir sur la pièce à conviction à charge Z733 qui a trait

  8   uniquement au village de Gomionica, comme cela d'ailleurs est indiqué au

  9   paragraphe 1 du document Z733. Dans cet ordre, Blaskic --

 10   [La Chambre d'appel et le Juriste se concertent]

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] S'il vous plaît continuez.

 12   M. NAUMOSKI : [interprétation] Dans cet ordre, Blaskic, notamment au

 13   paragraphe 4, sur lequel repose les conclusions de la Chambre de première

 14   instance, Blaskic nous dit, je cite : "Nous avons informé le plus haut

 15   dirigeant du HZ HB avec qui nous sommes en contact permanent."

 16   Le jugement nous dit que M. Kordic, un homme politique local représente

 17   cette direction, ces dirigeants. Or, jamais dans le dossier à aucun moment

 18   dans le dossier, on ne trouve de document où Blaskic utilise ce terme "les

 19   dirigeants les plus hauts." Cela ne peut en aucun cas faire référence à M.

 20   Kordic parce qu'il n'était nullement au sommet de la communauté croate de

 21   Herceg-Bosna.

 22   Quand on voit la manière dont M. Blaskic s'adresse à M. Kordic, on ne peut

 23   en tirer qu'une conclusion. Cela  ne peut que représenter le président de

 24   la communauté Herceg-Bosna et ses collaborateurs à Mostar, parce que chaque

 25   fois qu'il a fait référence à M. Kordic, ou il lui a parlé en lui disant


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  1   "M. Kordic," mais il n'a jamais laissé penser qu'il représentait les

  2   échelons supérieurs. Ce n'est pas M. Kordic qui était au sommet comme l'a

  3   conclu la Chambre de première instance, en disant qu'il se trouvait au

  4   sommet de la hiérarchie du pouvoir parmi les Croates de Bosnie. C'est

  5   pourquoi nous faisons valoir que dire que Blaskic faisait référence à

  6   Kordic est vraiment tiré par les cheveux.

  7   Que nous montre ce document ? Ceci nous montre M. Blaskic a informé les

  8   plus hauts dirigeants de la communauté croate de Herceg-Bosna, cela ne

  9   signifie pas pour autant qu'il a demandé aux plus dirigeants de la

 10   communauté croate de Herceg-Bosna leur autorisation avant de lancer une

 11   offensive dans le village Gomionica et uniquement dans ce village. Nous

 12   n'arrivons pas, du côté de la Défense, à comprendre le paragraphe 769 du

 13   compte rendu d'audience où on nous dit que Blaskic n'aurait jamais lancé

 14   une offensive militaire sans l'approbation de M. Kordic. Il s'agit

 15   seulement d'une demande d'approbation de cette attaque; il s'agissait

 16   simplement d'information au sujet de ce qui se passe à Gomionica.

 17   Au paragraphe 839, comme je l'ai dit, comme le jugement estime que Kordic

 18   ne se trouvait pas au sommet de la hiérarchie.

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Maître Naumovski, il faut que les

 20   choses soient bien claires, s'agissant du document 733. Vous avez eu

 21   l'amabilité de nous fournir un exemplaire. Malheureusement, il semble que

 22   la traduction en français ne corresponde pas à la traduction en anglais.

 23   Enfin pas de concordance entre la traduction française et à la traduction

 24   en anglais du document. Je vous serais bien reconnaissant de bien vouloir

 25   donner lecture du paragraphe auquel vous faites référence. Cela pourra nous


Page 303

  1   aider.

  2   Je m'excuse d'avance auprès des interprètes à qui j'ai demandé de faire

  3   ainsi un travail de traduction.

  4   M. NAUMOVSKI : [interprétation] Je pense que j'ai facilité le travail des

  5   interprètes parce que j'ai fait en sorte qu'il dispose tous du texte dans

  6   les trois langues. Je suis désolé que nous n'ayons pas remarqué nous-mêmes

  7   l'erreur de traduction pendant tout ce travail préparatoire, mais je vais

  8   lire le texte, paragraphe 1 : "Vous devez prendre Gomionica ce soir ou très

  9   tôt dans la matinée." Bon, cela suffit pour ce qui est du paragraphe 1,

 10   parce qu'on ne mentionne aucun lieu et ensuite, on mentionne l'opération.

 11   Après nous passons directement au paragraphe 4 qui dit, je

 12   cite : "Règle générale, nous contrôlons la situation sur toutes les

 13   positions. Nous avons informé le sommet de la communauté croate

 14   d'Herceg-Bosna de tous les événements, nous sommes constamment en rapport

 15   avec eux."

 16   Ce paragraphe 4 explique pourquoi, j'en ai la conviction,  pourquoi M.

 17   Kordic a été reconnu coupable de tout ce qui s'est passé à Kiseljak au

 18   cours d'avril 1993, car il n'y aucun autre élément de preuve qui aille dans

 19   ce sens.

 20   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie, et je remercie

 21   également les interprètes.

 22   M. NAUMOVSKI : [interprétation] En conséquence, ce qu'a dit mon confrère

 23   précédemment, c'est la chose suivante : C'est une chose de présenter un

 24   élément de preuve pour établir ce qu'a fait un accusé, mais c'est autre

 25   chose que d'établir son intention délictueuse. La Chambre en est arrivée, à


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  1   partir de cet élément, à la conclusion que Blaskic n'aurait jamais lancé

  2   les attaques qui ont été lancées sans l'approbation politique de Kordic,

  3   paragraphe 669 du compte rendu d'audience. Ceci est complètement

  4   inacceptable parce que l'argument ne tient pas. Il n'y a pas d'élément de

  5   preuve qui en atteste. Ce texte a trait uniquement à Gomionica et à partir

  6   de ce seul village, on généralise pour toute une région, et on utilise le

  7   terme d'information que l'on transforme pour expliciter qu'il avait demandé

  8   une approbation des politiques.

  9   Je ne vais pas insister lourdement sur ce point. Je voudrais maintenant

 10   passer au document suivant, qui est également essentiel pour nous.

 11   Tout ce qui s'est passé en juin 1993, on s'est appuyé sur la déclaration

 12   préalable du Témoin Y, qui a déposé le 3 et le 4 décembre 1999. A la page

 13   11 000 du compte rendu d'audience à peu près.

 14   Qu'est-ce qu'il nous a dit ce Témoin Y ? Il dit avoir vu M. Kordic à la

 15   caserne de Kiseljak et il nous dit qu'à ce moment-là, M. Kordic était

 16   entouré de personnes non identifiées. Ensuite, il nous dit qu'il a vu M.

 17   Kordic marcher à cet endroit. Il l'a vu en passant  alors qu'il allait se

 18   laver les mains. Il nous dit qu'il était à peu près à huit ou 10 mètres de

 19   M. Kordic, et nous avons établi que les deux hommes en question étaient en

 20   train de se déplacer, ils se sont croisés, et ceci a duré cinq ou six

 21   secondes. Voilà ce que dit le Témoin.

 22   Je ne vais pas insister lourdement sur la question. Je ne vais pas répéter

 23   encore une fois ce qui a été dit par Me Sayers, mais comme je l'ai déjà

 24   mentionné précédemment, on a vu le Tribunal faire évoluer dans le bon sens

 25   sa jurisprudence. Cet élément dont je viens de parler, n'a été confirmé par


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  1   aucun élément de preuve, n'a été confirmé par aucun autre Témoin. Je veux

  2   parler de la présence de M. Kordic à Kiseljak. M. Kordic était quelqu'un de

  3   bien connu. On le voyait souvent à la télévision. Tout le monde connaissait

  4   son apparence. Dans le jugement, on mentionne le fait que la Défense n'a

  5   pas prouvé que M. Kordic n'était pas à Kiseljak au moment des faits, c'est-

  6   à-dire au cours du mois de juin 1993.

  7    J'accepte tout à fait les affirmations de Mme Le Juge Mumba selon

  8   lesquelles il appartient à la Défense de se préparer, de présenter son

  9   dossier, et d'être prête au moment du procès. Cependant, je dois aussi dire

 10   qu'il est pratiquement impossible enfin presque impossible de se défendre

 11   face à une affirmation de nature négative. C'est pratiquement impossible.

 12   Il était impossible de prouver que M. Kordic n'était pas à Kiseljak du 4 au

 13   8, enfin, peu importe la date, comme cela a été dit, n'était pas à

 14   Kiseljak. Parce que, de toute façon, il ne pouvait pas y être, à Kiseljak.

 15   Même s'il s'était trouvé à la caserne, cela aurait dû tirer la sonnette

 16   d'alarme auprès des Juges de la Chambre parce que Kiseljak se trouvait au

 17   centre du QG de la FORPRONU. Cela avait un intérêt névralgique du point de

 18   vue du renseignement militaire. Personne n'a vu M. Kordic. Dans aucun

 19   document, dans aucun bulletin de renseignements militaires, dans aucun

 20   bulletin de renseignement on n'a jamais mentionné la venue de M. Kordic à

 21   Kiseljak au cours de l'été 1993.

 22   Finalement, même si on regarde la déposition de M. Wingfield-Hayes, celui

 23   qui était le numéro 3 de la FORPRONU, on ne trouve pas cette notion, alors

 24   qu'il aurait seulement dit que M. Kordic était présent au moment où il a

 25   été interrogé dans le prétoire.


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  1   Il est tout à fait inexplicable de voir que les Juges de la Chambre ont

  2   admis la présence de M. Kordic dans des circonstances tout à fait inconnues

  3   de lui à cet endroit, et la Chambre de première instance, je le rappelle,

  4   alors qu'elle se trouvait confrontée aux mêmes circonstances,  n'a pas

  5   admis la déposition de cinq, six, si ce n'est de sept ou huit témoins qui

  6   parlent de la présence de M. Kordic ailleurs. Cela montre très bien que ces

  7   arguments ne suffisent pas.

  8   Avançons et faisons un pas de plus. Le Témoin Y dit avoir vu M. Kordic.

  9   Nous admettons qu'il peut le penser, même s'il se trompe, d'après nous.

 10   Mais en tout état de cause, ce Témoin Y n'a rien dit de ce que M. Kordic

 11   aurait fait à cet endroit. Est-ce qu'il donnait des ordres ? Est-ce qu'il

 12   aurait commis un quelconque crime ? Est-ce qu'il aurait planifié ou ordonné

 13   un crime ou quelque acte que ce soit ? Il dit ne dit qu'avoir vu Kordic en

 14   passant, alors qu'il marchait dans un sens et Kordic dans l'autre.

 15   Je considère, et c'est la thèse de la Défense, que la Chambre de première

 16   instance aurait dû regarder de très près la déposition du Témoin Y avec

 17   beaucoup d'inquiétude d'ailleurs. Notamment, lorsqu'elle constate que ce

 18   Témoin fonde sa conclusion quant au fait que M. Kordic aurait commis des

 19   crimes, ce qui indiquerait qu'il existait une intention délictueuse de la

 20   part de M. Kordic. La Chambre, en fait, ne s'est même pas intéressée au

 21   fait de savoir comment M. Kordic aurait pu arriver à cet endroit alors

 22   qu'il est incontesté, et c'est le Témoin de l'Accusation qui l'a dit lors

 23   d'un contre-interrogatoire, il est incontestable que Busovaca était coupée

 24   de Kiseljak depuis le 24 janvier 1993 et ce, jusqu'à la signature des

 25   accords de Washington au printemps 1994. Ceci est un fait indubitable.


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  1   Je ne voudrais imposer une liste trop longue de faits aux Juges de la

  2   Chambre d'appel, mais je rappellerais simplement que Me Sayers a déjà parlé

  3   des éléments d'identification. Nous nous sommes appuyés sur l'arrêt de la

  4   Chambre d'appel dans l'affaire Kupreskic, et cetera, et cetera, entre

  5   autres, ainsi que dans l'affaire Vasiljevic. Mais je reviens sur ce

  6   document Z733. Ce document ne démontre pas que M. Kordic avait besoin d'une

  7   quelconque autorisation politique et ne démontre pas que M. Kordic aurait

  8   participé à quoi que ce soit s'agissant des événements survenus dans les

  9   villages cités dans l'acte d'accusation en avril 1993. Sur la base de la

 10   déposition du Témoin Y, même si l'on accepte la conclusion de la Chambre de

 11   première instance quant au fait qu'il aurait vu M. Kordic, la seule

 12   possibilité de conclusion c'est que ce Témoin aurait vu M. Kordic à cet

 13   endroit-là et absolument rien d'autre. C'est la raison pour laquelle, dans

 14   l'affaire Krstic, nous invitons les Juges à revenir sur l'arrêt de la

 15   Chambre d'appel rendu dans cette affaire au sujet des événements de

 16   Potocari, car nous pensons que c'est la seule solution raisonnable dans des

 17   situations de ce genre. En effet, il n'y a pas la moindre preuve qui

 18   démontre quoi que ce soit d'autre que le fait qu'une personne se trouve à

 19   un certain endroit à un certain moment, et rien d'autre. Je vous prie de

 20   m'excuser d'user cette comparaison, mais, si nous pouvons nous trouver

 21   quelque part par hasard, alors, les conclusions qui sont tirées sont

 22   absolument inacceptables.

 23   En tout état de cause, les éléments de preuve ne suffisent pas pour tirer

 24   une telle conclusion. De façon tout à fait claire, il n'existe pas de

 25   preuves démontrant que M. Kordic aurait pu avoir l'autorité ou l'influence


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  1   nécessaire pour justifier les attaques dans les villages aux environs de

  2   Kiseljak. Les attaques qui se sont produites dans la région de Kiseljak,

  3   comme je l'ai déjà dit, étaient justifiées compte tenu de la nature des

  4   cibles militaires qui y existaient. Il n'a pas été prouvé, au-delà de tout

  5   doute raisonnable, que ces opérations étaient illégales ou illégitimes et

  6   que ces attaques ont visé des civils ou des installations, des bâtiments

  7   appartenant à des civils. Il n'y a pas la moindre preuve que ces opérations

  8   étaient menées en l'absence de nécessité militaire. Pour toutes ces

  9   raisons, et je pense que j'aurais accompli mon devoir sur le plan de la

 10   présentation des éléments relatifs à ce point, la seule conclusion

 11   raisonnable que l'on peut tirer, c'est que rien ne prouvait un quelconque

 12   lien entre M. Kordic et la réalité de ces événements, surtout pas les deux

 13   éléments de preuve que j'ai cités, à savoir le document Z733 et la

 14   déposition du Témoin Y, qui ne suffisent pas à établir sa culpabilité.

 15   Je pense que j'ai un peu débordé sur le temps qui m'était imparti. J'avais

 16   encore quelques points à traiter au sujet des événements survenus dans le

 17   village de Loncari et de Donja Veceriska ainsi que le Gacice, mais je vais

 18   tout de même maintenant céder la parole à Me Sayers, et nous verrons si

 19   j'aurai le temps de revenir sur ces points plus tard. Je vous remercie.

 20   Excusez-moi. Je ne vous ai pas demandé si vous aviez des questions.

 21   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le Juge Guney a une question.

 22   M. LE JUGE GUNEY : Maître Naumovski, je dois dire je suis un peu perplexe

 23   de voir les termes qui ont été utilisés par vous ainsi que par vos

 24   collègues lors de la soumission pour faire ressortir le pouvoir et la

 25   prérogative de M. Kordic. Essayons de nous aider, de nous mettre un peu


Page 309

  1   plus au clair parce que, d'une part, il était en politique. Dario Kordic

  2   était un civil exerçant une influence et un pouvoir considérable en Bosnie

  3   centrale, selon le paragraphe 838 du jugement et 839, bien qu'il ait joué

  4   un rôle important dans les affaires militaires, allant même, parfois,

  5   jusqu'à émettre des ordres et de contrôler des forces du HVO.

  6   Finalement, le document Z733, dans ce quatrième paragraphe, on parle

  7   que : "Nous contrôlons la situation sur toutes les positions et nous avons

  8   informé les dirigeants. Nous sommes constamment en rapport avec les

  9   dirigeants." Maintenant, je crois que vous avez dit il y avait une

 10   influence. Des fois, vous avez utilisé "l'autorité". Vos collègues

 11   également ont utilisé des termes similaires. Donc, je crois qu'il est la

 12   peine de cerner, de manière un peu plus claire, quelle était l'autorité,

 13   quel était le pouvoir et la prérogative de M. Kordic à la lumière des

 14   éléments que je viens de citer. Auriez-vous la bonté de nous aider sur ce

 15   point et de développer là-dessus spécialement. Merci.

 16   M. NAUMOVSKI : [interprétation] Avec grand plaisir, Monsieur le Juge Guney.

 17   Mais si vous me le permettez, j'aimerais tout de même faire une

 18   introduction d'une phrase ou deux. La communauté d'Herceg-Bosna, comme mes

 19   confrères l'ont déjà dit, possédait une structure de pouvoir civile et un

 20   volet militaire de ce pouvoir. M. Dario Kordic, n'avait aucun pouvoir

 21   administratif sur le territoire de la Bosnie centrale. Pourquoi ? Parce que

 22   le représentant du pouvoir civil, à savoir M. Brnik, avait un adjoint, Ante

 23   Valenta, qui était basé également dans la vallée de la Lasva. Tous ces

 24   organes civils du pouvoir à Busovaca, Vitez et Novi Travnik, étaient en

 25   fait subordonnés, je parle bien d'instances civiles, subordonnés à M.


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  1   Vallenta, qui remplaçait le président du "gouvernement" dans la Communauté

  2   croate d'Herceg-Bosna. De là découle ce que j'ai l'impression de vous dire

  3   maintenant : M. Kordic était un représentant politique qui n'avait aucune

  4   prérogative administrative ou militaire. Il a commencé ce que j'appellerais

  5   sa carrière politique à l'intérieur du parti politique, qui existait au

  6   début de 1991, déjà fin 1990 d'ailleurs. Par la suite, les éléments l'ont

  7   poussé, si je puis me permettre cette expression, en le transformant en

  8   tribun populaire, local dans la vallée de la Lasva, au paragraphe 839 du

  9   jugement, on voit bien qu'il est dit qu'il est demeuré un civil. Il est

 10   demeuré un civil parce qu'il n'avait pas de prérogative. Il ne pouvait, par

 11   exemple, remplacer le président du HVO dans la municipalité de Busovaca,

 12   qui était M. Maric. Il n'avait pas l'autorité pour ce faire, par exemple.

 13   Par conséquent, c'était une représentant politicien qui sortait des rangs

 14   du parti et qui est devenu un tribun très populaire avec une reconnaissance

 15   importante de la part de la population. Les gens venaient lui demander de

 16   l'aide et c'est de cette façon que M. Kordic s'est trouvé impliqué dans

 17   certains événements. Du convoi de la Joie par exemple, au cours de juin

 18   1993, non loin de Vitez où M. Kordic a joué de son autorité pour essayer de

 19   résoudre certains problèmes. Les gens venaient lui demander de l'aide.

 20   C'était une personne qui n'avait, cela dit, aucune prérogative, aucune

 21   autorité sur le plan administratif. Voilà ce qu'était M. Kordic. Lorsque

 22   moi-même et mes confrères parlent d'autorité ou d'influence, nous pensons à

 23   une influence politique de sa part mais pas à un pouvoir réel qu'il aurait

 24   effectivement exercé d'une façon ou d'une autre au niveau administratif ou

 25   militaire.


Page 311

  1   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Une question encore si vous me le

  2   permettez. Je me rends bien compte que vous avez traité de Kiseljak et des

  3   municipalités environnantes. J'aimerais que nous revenions sur le

  4   paragraphe 577 du jugement. Je vous prie d'accepter ma question dans la

  5   rubrique "du droit à être entendu." Est-il exact que M. Blaskic et M.

  6   Kordic agissaient apparemment au même niveau; il est question, dans ce

  7   paragraphe du jugement, d'une cassette et d'une conversation interceptée et

  8   Kordic aurait dit à M. Blaskic : "100 hommes doivent être tués pour chacun

  9   de nos amis." Est-ce qu'il y avait un lien étroit entre les politiciens et

 10   les militaires.

 11   M. NAUMOVSKI : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas entendu ce qui

 12   vient d'être dit. Quelle était la citation ?

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'ai cité une conversation

 14   interceptée datant de janvier 1993. Vous la trouverez au paragraphe 577 du

 15   jugement.

 16   M. NAUMOVSKI : [interprétation] Oui. J'ai vu. Monsieur le Président,

 17   s'agissant de la Défense de M. Kordic, la situation est tout à fait simple

 18   à cet égard. Ce qui est important, c'est la date. Me Smith a déjà dit, il y

 19   a quelques instants qui avait attaqué qui, au cours du mois de janvier

 20   1993. Des effectifs importants de l'ABiH qui se préparaient depuis

 21   longtemps, comme nous l'avons démontré dans la présentation de nos éléments

 22   de preuve, ont lancé l'offensive. Bien entendu, la situation des gens qui

 23   se trouvaient à l'intérieur de cette poche a fait que ces personnes ont

 24   essayé de faire quelque chose. M. Kordic et M. Blaskic parlent dans cette

 25   conversation du fait qu'il se trouvait de l'autre côté de la poche


Page 312

  1   Kiseljak. Il était allé rendre visite à son père, si je comprends bien, et

  2   je pense que nous avons bien indiqué dans notre réponse qu'il s'agissait là

  3   d'une plaisanterie, d'une situation tout à fait hypothétique. Ceci n'a

  4   jamais eu lieu effectivement. Cet événement n'a pas existé. Il n'y a pas eu

  5   d'attaques dans ces conditions et elle n'a eu aucune conséquence réelle,

  6   par conséquent. Le ton de la conversation est un ton de plaisanterie et on

  7   voit bien qu'il ne s'agit pas d'une conversation entre des gens qui

  8   prévoient de lancer une attaque de la façon la plus sérieuse qu'il soit sur

  9   le plan militaire. C'est ce que nous avons affirmé tout au long de la

 10   présentation de nos éléments de preuve et la cassette le prouve bien. Il

 11   n'y a pas eu de conséquences et cet événement, en tant que tel, n'a pas eu

 12   lieu non plus ce pilonnage, je veux dire, il n'a jamais eu lieu.

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci. Madame le Juge Weinberg de

 14   Roca.

 15   Mme LE JUGE WEINBURG DE ROCA : [interprétation] Merci. J'ai une question à

 16   vous poser suite à celle que vient de vous poser M. le Juge Guney. Vous-

 17   même et vos confrères parlez d'autorité ou d'influence administrative, vous

 18   parlez d'autorité ou d'influence politique et vous parlez d'autorité ou

 19   d'influence militaire. Si j'ai bien compris vous affirmez que M. Kordic

 20   jouissait d'une autorité politique mais pas d'une autorité administrative

 21   ou militaire. Cette autorité politique, signifie-t-elle qu'il exerçait

 22   cette autorité sur les groupes paramilitaires ?

 23   M. NAUMOVSKI : [interprétation] Absolument pas, Madame le Juge. Il est

 24   exact que nous affirmons que M. Kordic n'avait aucune compétence sur le

 25   plan administratif mais nous affirmons également qu'il n'avait aucune


Page 313

  1   compétence sur le plan militaire et les témoins l'ont confirmé. Il y avait

  2   là quelque chose qui semble illogique mais parmi les témoins nous avons

  3   cité à la barre un grand nombre d'adjoints directs de M. Blaskic, un

  4   certain nombre de commandants des brigades, qui étaient sous les ordres de

  5   Blaskic ainsi que son premier adjoint, le chef d'état major et d'autres

  6   commandants de rangs. Ces témoins ont bien montré que M. Kordic n'exerçait

  7   ce que j'appellerais aucun pouvoir, le pouvoir est sans doute plus

  8   approprié sur les paramilitaires. La différence entre compétence politique

  9   et compétence administrative est une différence tout à fait capitale. Je

 10   vais vous donner un exemple. A Busovaca, il y avait pénurie de vivres. Les

 11   autorités locales de Busovaca ont mis en œuvre des mécanismes qu'ils ont

 12   établis par rapport à cette situation pour obtenir des vivres. Lorsque

 13   l'approvisionnement alimentaire n'a pas pu se faire à partir des sources

 14   normales, si je peux utiliser ce terme, ou à partir de la FORPRONU, ils

 15   sont allés voir M. Kordic pour lui demander, puisqu'ils avaient confiance

 16   en lui, d'utiliser son autorité pour envoyer un télégramme à Mostar, aller

 17   voir quelqu'un à la FORPRONU ou agir d'une autre manière de façon à ce que

 18   les approvisionnements alimentaires puissent se faire. M. Kordic a résolu

 19   le problème, les vivres sont arrivés en quelques jours et les gens ont été

 20   ravis. Bien sûr, il ne pouvait donner d'ordres à personne à cette fin.

 21   Voilà ce que nous entendons par ce terme, c'était un représentant politique

 22   qui jouissait d'une bonne réputation. Il n'avait aucune autorité militaire

 23   à proprement parler et évidemment aucune autorité sur les formations

 24   paramilitaires.

 25   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Plus de questions. Maître Sayers,


Page 314

  1   ce sera de nouveau à vous mais nous allons essayer d'être équitable. Vous

  2   avez prévu de vous exprimer pendant une demi-heure après quoi suivront 15

  3   minutes qui nous mèneront à 17 heures.  Vous avez encore 15 minutes jusqu'à

  4   17 heures, et interviendra la pause et vous disposerez de 15 minutes après

  5   la pause.

  6   M. SAYERS : [interprétation] J'aimerais reprendre le fil à partir des

  7   questions du Juge Weinberg de Roca en faisant des références à des

  8   témoignages particuliers. D'abord, j'appelle l'attention des Juges de la

  9   Chambre d'appel sur le transparent que nous mettons à l'écran en ce moment.

 10   Il s'agit, vous voyez, du général de Brigade Franjo Nakic, qui a témoigné

 11   sans aucune équivoque lors du procès, en disant que M. Kordic n'exerçait

 12   aucun rôle militaire.

 13   Ensuite, le général de brigade Darko Gelic, c'était l'officier de liaison

 14   de la FORPRONU. On l'a interrogé, en lui posant précisément la question que

 15   le Juge Weinberg de Roca vient de poser : M. Kordic, exerçait-il une

 16   autorité militaire sur les unités de la police militaire ou sur les unités

 17   spéciales et notamment les unités paramilitaires. Je cite : "Avez-vous

 18   jamais vu M. Kordic donner des ordres ?" "Non." Ensuite, "Avez-vous jamais

 19   vu M. Kordic donner des ordres à M. Blaskic ou tenter de l'influencer dans

 20   ses décisions militaires de quelque façon que ce soit ?" "Non." "Est-ce

 21   qu'il exerçait une quelconque autorité sur les Jokeri, les Vitezovi, le 4e

 22   Bataillon de la police militaire ?" "Non."

 23   Mais qui aurait pu savoir, mieux que le commandant de la police militaire

 24   qui avait autorité pour donner des ordres à cette police militaire ? Le

 25   colonel Marinko Palavra, le successeur de Ljubicic. Il a témoigné en disant


Page 315

  1   qu'il était subordonné dans la zone opérationnelle et subordonné au

  2   commandant de la zone opérationnelle. "Est-ce exact ?" "Oui." "Est-ce que

  3   vous avez reçu des ordres à quelque moment que ce soit ou des directives ou

  4   consignes de Dario Kordic ?" "Monsieur le Président, non, jamais."

  5   Ensuite TR27014. "Kordic a-t-il, à quelque moment que ce soit, essayé

  6   d'exercer un commandement sur les soldats sous votre commandement à votre

  7   connaissance ?" "Absolument pas. Kordic n'avait aucune autorité quelle

  8   qu'elle soit sur la police militaire ?" Le Témoin est d'accord avec cette

  9   proposition. La question lui est posée, on lui dit qu'il a été dit qu'il

 10   recevait ses ordres du commandant supérieur et on lui demande si ce

 11   commandant supérieur était bien le colonel Blaskic, et à ce moment-là, il

 12   répond "Oui." Il répond "Oui, absolument, Kordic n'avait rien à voir avec

 13   la direction des unités pas même la police militaire." Je vous demande

 14   maintenant un huis clos partiel.

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous en prie, Maître Sayers.

 16   [Audience à huis clos partiel]

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)


Page 316

  1  (expurgé)

  2   [Audience publique]

  3   M. SAYERS : [interprétation] Mesdames et Messieurs les Juges, c'est ainsi

  4   qu'il en était.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous pourrez continuer.

  6   M. SAYERS : [interprétation] Je voulais simplement que le compte rendu

  7   d'audience soit clair.

  8   Il y a trois points que j'aimerais préciser, le conflit armé. Le conflit

  9   armé international également et prononcé de la sentence.

 10   Conflit armé. Il n'y avait pas de conflit armé jusqu'en avril 1993. Comment

 11   le savons-nous ? Nous le savons parce que la Chambre de première instance

 12   nous l'a dit. Nous savons que ceci est très important dans la jurisprudence

 13   du Tribunal car l'exigence qu'il y ait conflit armé est une exigence de

 14   base pour fonder la commission de quelques crimes que ce soit en

 15   application de l'Article 3 ou de l'Article 4 [comme interprété].

 16   D'ailleurs, de l'Article 2, également, mais l'Article 2 prévoit l'existence

 17   d'un conflit armé international. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela

 18   signifie que des forces armées de de différents états interviennent l'une

 19   contre l'autre, ce qui n'est pas le cas ici, et il faut qu'il y ait

 20   également violence par les armes et prolongée.

 21   Je cite ici le paragraphe 31 du jugement. C'est seulement en avril 1993

 22   qu'une situation généralisée de conflit armé, sous la forme de violence

 23   durable, a commencé sur le territoire de Bosnie centrale entre le HVO et

 24   l'ABiH. La Chambre de première instance affirme ensuite qu'il y avait des

 25   zones de conflit localisées. On affirme qu'un état de conflit armé peut


Page 317

  1   exister dans ces circonstances. Mais ce n'est pas possible. Si un conflit

  2   armé existe, il faut qu'il s'agisse de violence durable comme le dit le

  3   paragraphe 31 du jugement; des violences importantes et durables qui

  4   n'éclatent en Bosnie centrale qu'en avril 1993.

  5   Je ne vais pas insister sur la définition du terme. Nous avons utilisé

  6   plusieurs dictionnaires pour voir quelle était la définition exacte de ce

  7   terme. Kordic affirme, avec le respect qu'il doit au Tribunal, que les

  8   violences très ponctuelles de Novi Travnik ne peuvent être considérées

  9   comme violence durable. Nous savons de quoi il s'est agi à Novi Travnik.

 10   L'Accusation elle-même a déclaré que le 16 avril 1993, une attaque du HVO a

 11   eu lieu, qui a été tout à fait différente de celle qui s'était produite par

 12   le passé. L'Accusation a parlé d'une façon tout à fait éloquente et a cité

 13   le témoignage d'un Témoin militaire du Bataillon britannique, subordonné du

 14   lieutenant-colonel Stewart, le commandant Watters, qui décrit ce qui s'est

 15   passé avant la violence armée durable qui a éclaté en avril 1993 comme

 16   "étant simplement des feux de brindilles opposant tel ou tel village à tel

 17   autre." C'est exactement ce à quoi nous avons assisté à Novi Travnik et à

 18   Busovaca en janvier 1993, des espèces de flambées de violence ponctuelles

 19   entre communautés, des espèces d'escarmouches. Il n'y a aucune possibilité

 20   de parler de conflit armé dans ce cadre-là.

 21   La Chambre de première instance dans son jugement abouti à la même

 22   conclusion que celle que nous soumettons à la Chambre d'appel aujourd'hui,

 23   à savoir que malgré la présence de tension qui augmentait progressivement

 24   entre le HVO et l'ABiH à Mostar, et pas en Bosnie centrale, ce conflit

 25   n'est devenu un réel conflit armé qu'à partir de la mi-avril 1993. La


Page 318

  1   Chambre de première instance exclut toute possibilité d'existence de

  2   conflit armé jusqu'à la date du 17 avril 1993 dans la zone concernée.

  3   J'aimerais maintenant parler du conflit armé international. Nous déclarons

  4   que la définition de ce terme est très précise et très étroite.

  5   Premièrement, les conséquences juridiques de la qualification du conflit

  6   sont d'une importance particulière comme l'indique l'arrêt en appel Tadic.

  7   A l'Article 2 du Statut, nous voyons que la seule définition possible est

  8   celle de l'existence d'un conflit armé international. Les chefs

  9   d'accusation concernés dans notre affaire, quels sont-ils ? Le chef numéro

 10   8, le chef numéro 12, le chef numéro 22, à notre avis.

 11   Quel est le critère le plus important pour déterminer s'il y a conflit armé

 12   avant le 15 janvier 1999 ? Nous savons de quoi il est question. La Cour

 13   internationale de Justice dans l'affaire Nicaragua du 27 juin a rendu sa

 14   décision à cet égard. Quels sont les critères requis ? D'abord un degré de

 15   contrôle important et même si l'état présumait avoir internationalisé un

 16   conflit et ce, en participant au financement, à l'organisation, à

 17   l'entraînement, à la résolution des problèmes logistiques, et même à

 18   l'influence internationale dans la sélection des cibles militaires ou

 19   paramilitaires de la part d'un état, cet état, même s'il a participé à la

 20   planification des opérations de la part des unités paramilitaires, même

 21   s'il a planifié les opérations de ces unités, même s'il a agi dans le cadre

 22   de la jurisprudence établit par ce Tribunal, s'il n'y a pas entité

 23   étrangère exerçant un contrôle effectif sur les troupes, il ne peut être

 24   question de conflit armé international, c'est la loi qui existe depuis

 25   1986.


Page 319

  1   Ce critère a été modifié le 15 juillet 1999, dans l'arrêt Tadic où la

  2   Chambre a estimé que le critère Nicaragua était le critère qui

  3   s'appliquait. Ayant conclu que ce critère ne correspondait pas à l'état de

  4   responsabilité pour un état, la Chambre d'appel s'est écartée de ce

  5   critère. C'est exactement ce que l'arrêt en jugement de la Chambre a fait

  6   observé.

  7   En réalité, un nouveau critère a été créé à savoir le contrôle

  8   global. Quelle est la différence entre les deux critères ? D'abord la

  9   différence, c'est que le deuxième critère est beaucoup moins exigeant que

 10   le premier. L'exigence d'un contrôle global n'a rien aussi rigoureux que le

 11   critère d'un contrôle effectif qui était évoqué dans l'arrêt en appel

 12   Aleksovski, paragraphe 145, et la distinction entre les deux critères est

 13   établie et le critère du contrôle généralisé est remplacé par un critère

 14   moins exigeant.

 15   Etant donné le principe de nullum crimen sine lege, une infraction ne

 16   tombe que sur la compétence du Tribunal que si elle est reconnue comme une

 17   forme de responsabilité au terme du droit international coutumier à

 18   l'époque où l'infraction a été commise, à savoir 1992 ou 1993, alors que le

 19   critère ancien était encore en vigueur et que la loi n'avait pas été encore

 20   changée par l'arrêt Tadic.

 21   J'aimerais également dire que l'erreur dans l'acte d'accusation

 22   modifié, dans la présente affaire, porte sur l'identité de l'entité qui est

 23   censée avoir exercé un contrôle global sur les forces du HVO en Bosnie

 24   centrale. Conséquence, les mêmes omissions ont abouti au jugement dans

 25   l'affaire Simic où la Chambre de première instance a rejeté toute prise en


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  1   compte d'un présumé conflit international armé parce que l'acte

  2   d'accusation n'avait pas allégué l'identité précise de l'entité étrangère

  3   qui était censée avoir exercé un contrôle global. Nous avons également

  4   Hadzihasanovic où le résultat est à peu près le même, parce que

  5   l'Accusation devait évoquer, dans son acte d'accusation, l'identité de

  6   l'entité qui était censée avoir exercé un contrôle global dans la région

  7   concernée par cette affaire.

  8   Notre conclusion est très simple : il y a aujourd'hui un nouveau

  9   critère, moins rigoureux, qui date du 15 juillet 1999 et qui régit tout

 10   examen de la situation à partir de cette date, cela ne fait aucun doute.

 11   Pour conclure, un principe à la violation d'un principe de légalité, c'est

 12   ce nouveau critère qui s'applique.

 13   Avec l'autorisation de la Chambre d'appel, je pense que la pause

 14   devrait survenir maintenant, n'est-ce pas ?

 15   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je pense que c'est le moment

 16   opportun. Je pense que nous entendrons les autres arguments ensuite.

 17   M. SAYERS : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous demandez le versement au

 19   dossier de l'affidavit de M. Kordic du 10 mai 2004 ?

 20   M. SAYERS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Des objections ?

 22   M. FARRELL : [interprétation] Nous présenterons nos arguments en temps

 23   utile.

 24   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Le document est versé au dossier.

 25   Quelle sera sa cote ?


Page 321

  1   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction DAK1.

  2   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

  3   Suspension jusqu'à 17 heures 30. 

  4   --- L'audience est suspendue à 17 heures 01.

  5   --- L'audience est reprise à 17 heures 33.

  6   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Maître Sayers, je vous en

  7   prie.

  8   M. SAYERS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'en

  9   ai pour 15 minutes encore avant de conclure en présentant les arguments de

 10   l'appelant M. Kordic au sujet de la peine.

 11   C'est le paragraphe 854 du jugement qui est pertinent pour les points que

 12   je souhaite aborder. Il est dit qu'il n'y a aucune circonstance atténuante

 13   pour Dario Kordic qui est retenue. La position de Dario Kordic en appel est

 14   que cette conclusion est erronée. Il y a eu une quantité considérable

 15   d'éléments de preuve eu égard aux circonstances atténuantes qui ont été

 16   présentés pendant le procès en première instance. La culpabilité et les

 17   questions de peine doivent, ici, devant ce Tribunal, être abordées

 18   simultanément, et c'est ce que nous avons fait, c'est que M. Kordic a fait.

 19   Tout simplement, la Chambre de première instance n'a pas pris en compte les

 20   éléments portant sur les circonstances atténuantes.

 21   D'un point de vue de droit, ceci est également une erreur, compte

 22   tenu de l'arrêt dans l'affaire Kunarac qui a été rendu le 12 juin 2002.

 23   Paragraphe 362 de cet arrêt, qui dit que des circonstances familiales

 24   constituent des circonstances atténuantes et que ceci est un point de

 25   droit. La raison en ait qu'il y a deux points dans l'Article 24(2) du


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  1   Statut de ce Tribunal qui doit être pris en considération. De toute

  2   évidence, la Chambre de première instance doit prendre en considération la

  3   gravité d'une infraction, mais, aussi, elle est obligée de prendre en

  4   considération les circonstances personnelles de la personne condamnée. De

  5   toute évidence, la Chambre de première instance a omis de prendre en

  6   considération la gravité de l'infraction et elle a commis une erreur de

  7   droit se faisant. Elle n'a pas non plus pris en considération les

  8   circonstances familiales et personnelles de l'accusé, ce qui constitue une

  9   erreur de droit.

 10   M. Kordic était l'aîné de cinq enfants. Ces circonstances personnelles

 11   n'ont pas vraiment été contestées. Son père est un vétérinaire à la

 12   retraite. Sa mère est pédiatre à la retraite. Elle est paralysée

 13   aujourd'hui, mais elle ne l'était pas au moment de la guerre à Busovaca.

 14   Elle est restée pédiatre pendant toute la durée du -- elle a exercé pendant

 15   toute la durée du conflit. Kordic est un homme qui a une famille. Il a

 16   trois enfants. Lui et son épouse se sont mariés en 1986 à Busovaca. C'est

 17   là qu'ils ont résidé tout au long de la guerre. Leurs trois enfants,

 18   Vladimir, Marija et Elizabeth, sont tous nés à différents moments après. Le

 19   premier enfant en 1987, puis à différents moments par la suite. Ceci a été

 20   établi grâce à l'affidavit de Pero Kordic -- pendant les conférences de

 21   mise en état, on nous a demandé de présenter d'autres éléments concernant

 22   la vie familiale, ce que nous avons fait. Nous sommes allés au-delà de ce

 23   qui était requis. L'affidavit de M. Kordic vient d'être reçu. Nous avons

 24   également demandé à l'officier qui commande l'unité de Détention des

 25   Nations Unies, à M. Timothy McFadden, de présenter un rapport à la Chambre


Page 323

  1   d'appel concernant le bon comportement -- la bonne conduite de M. Kordic

  2   tout au long de ses sept années de détention. Je voudrais demander à la

  3   Chambre d'appel l'autorisation de verser cela au dossier.

  4   Je pense que la loi est tout à fait simple là-dessus. Dans l'arrêt Kunarac,

  5   il est précisément dit que les circonstances personnelles constituent une

  6   circonstance atténuante et que ceci constitue un point de droit --

  7   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le conseil ralentisse. La

  8   cabine française signale qu'il y a eu un problème technique parce que les

  9   cabines anglaise et B/C/S interférait sur un autre canal.

 10   M. SAYERS : [aucune interprétation]

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [aucune interprétation]

 12   M. SAYERS : [interprétation] Je vous remercie. Puis-je continuer ?

 13   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui. Je vous entends en anglais

 14   maintenant. Je vous remercie.

 15   M. SAYERS : [interprétation] Comme l'a fait observé la Chambre d'appel

 16   Kunarac, il n'est pas clair pour quelle raison la Chambre de première

 17   instance n'a pas pris en considération les circonstances personnelles de

 18   l'accusé en l'espèce et c'est la raison pour laquelle son appel devait être

 19   partiellement réussi. La même raison s'applique en l'espèce pour ce qui est

 20   des questions de droit.

 21   Pour conclure, de manière assez expéditive, je voudrais revenir à

 22   quelques éléments qui concernent la personnalité de M. Kordic et les

 23   éléments de preuve à cet effet qui ont été présentés pendant le procès. Il

 24   s'agit d'un homme profondément religieux. Après l'attaque menée par l'ABiH

 25   à la veille de Noël de 1993, ce qui a donné lieu à des morts -- à la mort


Page 324

  1   d'à peu près 30 Croates de Bosnie, dans un village qui se situe au nord-est

  2   de Vitez, M. Kordic était à la messe de Noël. C'était le seul protagoniste

  3   politique qui l'a fait dans le sous-sol de l'église de Vitez, et ceci a été

  4   confirmé par M. Pranjes. C'est un seul parmi de nombreux exemples de ce

  5   type.

  6   Nous avons présenté un certain nombre de témoins pour témoigner au

  7   sujet du caractère de l'accusé. Nous avons présenté des affidavits

  8   concernant les éléments d'information portant sur sa famille. Nous l'avons

  9   fait le 14 juillet de l'an 2000. Nous ne pensons pas que ceci soit repris

 10   dans le jugement. Deux exemples, ce serait M. Mustafa Tafic et M. Tuco,

 11   deux Musulmans qui résidaient à Busovaca pendant la guerre et auxquels M.

 12   Kordic a apporté de l'aide.

 13   M. Tafic est venu déposer en disant que M. Kordic était quelqu'un de

 14   tolérant et d'aimable et qu'il n'a jamais opéré de distinction entre les

 15   personnes à quelque groupe ethnique qu'elles appartiennent, qu'il a

 16   toujours pris en charge -- s'est occupé des personnes de Busovaca et a tout

 17   fait pour le faire et qu'il est intervenu afin que les non Croates puissent

 18   rester à Busovaca et qu'il leur a fourni de l'aide personnelle.

 19   Mme Tuco connaissait M. Kordic depuis 30 ans. Elle a grandi avec lui,

 20   ils étaient des camarades d'école. Elle est venue déposer au sujet de son

 21   caractère. Il est intervenu pour -- au moment où les autorités du SDA ont

 22   voulu fermer son restaurant pendant la guerre. Il a pu y parvenir. Il a

 23   pris des dispositions pour qu'elle puisse être transportée pendant sa

 24   grossesse, qui était un peu difficile, qu'elle puisse être transportée à

 25   l'hôpital de Travnik.


Page 325

  1   Ceci est important puisque M. Kordic et ces témoins l'ont confirmé,

  2   ainsi que d'autres auxquels je vais me référer dans une seconde, montrant

  3   qu'il a tout fait, tout fait pour aider tout le monde à Busovaca, et il ne

  4   s'agit pas seulement des Croates, pour les aider pendant la guerre. Il a

  5   assumé une responsabilité très importante à un moment de chaos et de

  6   troubles. Cette affaire montre qu'il a payé le prix pour avoir accepté

  7   d'aller au devant de la scène et de faire ce qu'il pensait avoir été son

  8   devoir.

  9   De quelle manière peut-on espérer sa réhabilitation ? Ses discours

 10   étaient positifs. Son message était positif, tout à fait allant dans la

 11   voie de désamorçage des tensions, dans le sens de contribuer à reconstituer

 12   la communauté au sein de -- en Bosnie centrale.

 13   Nous avons présenté des lettres de remerciement, de l'Efendi Muslija

 14   et d'un médecin musulman de l'hôpital musulman de Jajce, qui montrent que

 15   Kordic leur a apporté de l'aide pendant la guerre. Niko Grubesic est un

 16   membre du parlement de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, ex-maire de la

 17   municipalité de Busovaca. Il connaissait M. Kordic depuis longtemps et il

 18   est venu déposer au sujet de ses circonstances personnelles et familiales.

 19   Il n'a jamais entendu dire du mal -- jamais proféré des propos haineux ou

 20   des propos étant préjudiciables à l'encontre des membres du groupe ethnique

 21   non croate.

 22   Permettez-moi simplement de faire une digression ici. Nous avons versé au

 23   dossier dans cette affaire 4 665 pièces à conviction. Où sont les pièces à

 24   conviction qui montrent que M. Kordic ait proféré des commentaires

 25   péjoratifs à l'encontre de l'autre partie qui aurait été persécutée ? Il y


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  1   a eu beaucoup de caractérisation de ce que M. Kordic aurait dit. Par

  2   exemple, pendant la conférence de presse du 15 avril 1993, suite à

  3   l'exécution de quatre des gardes du corps du général Totic et son

  4   enlèvement par les forces de l'ABiH dans la municipalité de Zenica. Ceci

  5   faisait partie de la politique des enlèvements des leaders politiques et

  6   militaires qui précédaient toute attaque, et c'était un modèle de

  7   comportement de l'ABiH et plutôt efficace on doit le dire.

  8   Nous n'avons jamais -- nous n'avions pas vraiment besoin de

  9   caractérisations de ce qu'il aurait prétendument dit parce que nous avons

 10   la pièce Z665. Franchement, lorsque vous examinez par exemple la déposition

 11   du Témoin AK et du Témoin AQ, je pense qu'ils ont essayé de dire que M.

 12   Kordic aurait déclaré telle ou telle chose. Cette déposition a été rejetée

 13   par la Chambre de première instance puisque nous savons exactement ce que

 14   M. Kordic a dit. Nous avons le compte rendu de ce qu'il a dit. A l'époque

 15   de l'escalade de la tension -- de l'exacerbation de la tension avant que la

 16   guerre n'éclate, est-ce que nous avons entendu des propos belliqueux de la

 17   part de M. Kordic au sujet du mal, au sujet de l'incarnation du mal ? De

 18   l'autre côté, nous ne l'avons pas entendu, et cela c'est un fait. Ces

 19   discours n'étaient pas incendiaires, et il n'incitait pas à la violence,

 20   comme M. Grubesic l'a dit.

 21   Zoran Maric a décrit M. Kordic comme un homme très correct, qui voulait

 22   aider toute personne. Est-ce qu'il a jamais, en privé, exprimé des propos

 23   préjudiciables à l'encontre des membres d'un autre groupe ethnique ? Non.

 24   C'était plutôt au contraire. Il souhaitait que les gens se présentent de

 25   manière unie pour combattre pour l'unité de Bosnie-Herzégovine.


Page 327

  1   Le général Totic dit que ses discours étaient positifs et non négatifs. Le

  2   chef du bureau du président -- du bureau de Mate Boban

  3   -- est décrit par l'Accusation comme pratiquement le seul Témoin. Cet homme

  4   connaissait Dario Kordic. A-t-il jamais entendu Dario Kordic dire quoi que

  5   ce soit d'injurieux au sujet de qui que ce soit y compris les Musulmans ?

  6   "Il le connaissait bien", comme l'a dit M. Vucina, "il connaissait son

  7   éducation, il connaissait sa sincérité, la manière dont il se dévouait à sa

  8   famille, et je dois dire que ceci était impossible."

  9   Vous formulerez vos propres conclusions. Vous arriverez à vos propres

 10   décisions, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges. Vous avez le

 11   texte de ces discours sous les yeux et vous avez la déposition des témoins

 12   sous vos yeux. Est-ce qu'il a incité à la violence ? Non.

 13   Nous devrions passer à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 14   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui.

 15   Vous pouvez poursuivre à présent. Nous sommes à huis clos partiel.

 16   [Audience à huis clos partiel] 

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11  Page 328 expurgée. Audience à huis clos partiel

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 17   [Audience publique]

 18   M. SAYERS : [interprétation] Trois points pour conclure. Les éléments

 19   de preuve présentés par le général Roderick Cordy-Simpson, qui a eu des

 20   contacts avec M. Kordic. Il a déposé en disant qu'il a rencontré M. Kordic,

 21   et M. Kordic lui a dit qu'il n'était pas un militaire, qu'il n'avait pas de

 22   formation militaire, qu'il était journaliste de formation.

 23   Il convient d'apprécier cette déposition qui vient du numéro deux

 24   dans la chaîne de commandement de la FORPRONU à Kiseljak, le deuxième

 25   officier de l'ensemble de Bosnie-Herzégovine. "Est-ce que vous avez


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  1   considéré que les points de vue de Kordic était moins que complètement

  2   sincères et honnêtes pour ce qui est de ses préoccupations eu égard à ces

  3   compatriotes croates ?" La réponse qu'il a donné était la suivante : "Je

  4   pense que sa position était ce qu'à quoi je me serais attendu de la part de

  5   quelqu'un qui essaie de s'occuper de sa propre population au milieu de la

  6   guerre qui était une guerre civile acharnée."

  7   Cela c'est un commentaire très éloquent du numéro deux de la FORPRONU

  8   en Bosnie-Herzégovine.

  9   Pour conclure, les circonstances atténuantes montrent que

 10   M. Kordic était un homme religieux. Il venait d'une famille religieuse. Il

 11   n'a pas fait preuve de préjudice eu égard à la communauté musulmane de

 12   Busovaca. Il était courageux. Sa personnalité, pour utiliser la

 13   phraséologie qui est reprise à la note de bas de page 870 du jugement,

 14   n'était pas véhémente.

 15   C'est, en particulier, le cas compte tenu des conclusions de la Chambre de

 16   première instance, et la Chambre d'appel doivent prendre en considération

 17   très attentivement ceci. Il n'a eu aucun pouvoir d'empêcher les crimes. Il

 18   n'a pas eu de pouvoir de sanctionner les crimes, et il n'avait pas de

 19   contrôle effectif. C'était un homme de famille qui avait un casier

 20   judiciaire vide, et ceci doit être pris en considération comme élément

 21   atténuant au terme de l'arrêt dans l'affaire Kunarac.

 22   Je vous remercie.

 23   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie. Je pense que vous

 24   présenterez à l'Accusation tous les transparents à l'appui. Bien entendu,

 25   il ne s'agit pas d'éléments de preuve, mais vous remettrez, s'il vous


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  1   plaît, à la Chambre et à l'Accusation tout ceci pour que nous puissions les

  2   examiner au cas où il y aurait une objection.

  3   M. SAYERS : [interprétation] Il n'y a pas de secrets ici. L'Accusation a

  4   tout ce que nous avons montré à la Chambre d'appel aujourd'hui. Tout.

  5   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Nous pouvons espérer avoir cela

  6   mercredi, n'est-ce pas. L'Accusation devrait pouvoir se prononcer mercredi

  7   à ce sujet. Je vous remercie.

  8   Je sais que nous avons dépassé de 25 minutes le temps prévu, mais il est

  9   clair que nous allons donner plus de temps à l'Accusation demain.

 10   M. FARRELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Avec votre permission, je vais commencer. Vous avez entendu des arguments

 12   tout à fait intéressants en faveur de l'appelant. Un de mes confrères nous

 13   a dit, me semble-t-il, que tout revient ici à une réunion de deux heures un

 14   bel après-midi en Bosnie centrale. Or, nous du côté de l'Accusation, nous

 15   estimons que le jugement de l'espèce commence au début de mai 1992, de

 16   nombreux éléments montrent quel est le rôle qu'a joué l'appelant à partir

 17   de mai 1992 jusqu'à la fin de la période couvrant les faits pour lesquels

 18   il a été reconnu coupable.

 19   La réunion à laquelle on a fait référence ainsi, j'y reviendrais, et je

 20   suis sûr que mes collègues également y feront référence si cela s'avèrerait

 21   nécessaire. Je suis sûr que les Juges qui ont rédigé le jugement ont passé

 22   de longues heures à le faire. Il s'agit d'une affaire qui a trait à des

 23   acteurs politiques du plus haut niveau, et également il y a des acteurs

 24   impliqués au niveau pratique, au niveau opérationnel. Nous estimons que

 25   l'on ne peut, lorsque l'on examine les aboutissements de cette affaire, la


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  1   regarder par le petit bout de l'onglet, il faut prendre les choses dans une

  2   perspective plus large.

  3   Je vais commencer mon intervention en reprenant à ce qui a été dit par Me

  4   Sayers, certains de ces arguments au sujet de la procédure, l'accès aux

  5   documents, la communication des pièces, de l'Article 68, l'acte

  6   d'accusation, puis j'aborderais un certain nombre de points concernant le

  7   Témoin AT. Si j'en ai le temps, j'espère pouvoir vous présenter la totalité

  8   de mes arguments d'ici la fin de l'audience de ce soir, et d'autres

  9   représentants de l'équipe du Procureur prendront le relais ensuite demain.

 10   Je vais commencer par évoquer la question de l'accès au document de la

 11   communication des pièces. Les mémoires sont exhaustifs. Vous le savez bien.

 12   Je vais essayer de me concentrer uniquement sur les questions qui ont été

 13   évoquées dans le prétoire aujourd'hui en évoquant peut-être des questions

 14   qui peuvent se révéler utiles pour les Juges de la Chambre.

 15   Premièrement, mon éminent confrère nous a dit, de manière générale, qu'il

 16   n'avait pas eu accès à tous les éléments qui avaient été présentés lors du

 17   huis clos si bien qu'il y a eu un certain nombre de pièces auxquelles il

 18   n'a pas eu accès. En fait, il y a simplement deux affaires de la vallée de

 19   la  Lasva, pour lesquelles il a eu un accès limité aux pièces. Dans

 20   l'affaire Blaskic, en tout cas, il a eu accès à des documents, une partie

 21   des documents. Ceci fait partie de ce qu'il nous dit au sujet de l'Article

 22   68. Il ne faut pas qu'il dise qu'il n'a pas reçu tous les documents

 23   concernés. Les autres documents lui ont été remis, suite à une ordonnance

 24   de la Chambre dans les affaires Kupreskic, Aleksovski, et cetera. Il a été

 25   décidé qu'il fallait renvoyer les questions à la Chambre d'appel originale,


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  1   pour statuer pour savoir si la Défense pouvait avoir accès ou non aux

  2   éléments présentés lors du huis clos. Ces Chambres de première instance,

  3   celle de Kupreskic, ou celles des affaires de la vallée de Lasva, ont eu

  4   leurs derniers mots, quant à savoir s'il convenait de fournir ces pièces ou

  5   non. Ce n'est pas la responsabilité de l'Accusation ici, qui est en jeu. En

  6   tout cas, pas en ce qui concerne l'Article 68.

  7   Deuxièmement, au sujet des huis clos et des éléments présentés à huis clos,

  8   on voit dans les arguments de la Défense ainsi que dans le mémoire, que

  9   l'on accuse l'Accusation de ne pas avoir fourni des éléments de preuve, ou

 10   que l'Accusation n'a pas permis d'avoir accès à des éléments présentés à

 11   huis clos. Or, il faut se souvenir qu'à l'époque, le droit concernant

 12   l'accès aux éléments présentés lors des huis clos était très différent de

 13   celui qu'il est de nos jours. L'obligation de mon éminent confrère est de

 14   mettre en lumière les erreurs commises par la Chambre de première instance

 15   et le rôle de la Chambre d'appel, c'est d'évaluer de telles erreurs, et de

 16   voir quel en était l'impact.

 17   S'agissant de ce que nous a dit le Témoin AT, de la communication des

 18   pièces ayant trait au Témoin AT, on nous dit du côté de l'appellent, qu'il

 19   n'est apparu qu'à la fin du procès, qu'il a déposé une semaine avant la fin

 20   du procès. Ici, une fois de plus, on insinue que le Procureur a essayé de

 21   se livrer à des manœuvres inacceptables en violation de ses obligations de

 22   communication des pièces. Je vous prie de vous référer à la décision de la

 23   Chambre de première instance à ce sujet, la Chambre de première instance,

 24   le 26 septembre 2000. Il s'agit de choses qui ont été déclarés, dites, lors

 25   d'un huis clos, je voudrais simplement vous renvoyer à la décision de la


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  1   Chambre de première instance au sujet de la requête destinée à la

  2   convocation du Témoin AT, le 26 septembre 2000. Dans cette décision, on

  3   explique du côté de l'Accusation que lorsqu'il a été décidé de citer le

  4   Témoin AT à la barre, la Chambre de première instance l'a accepté, il n'y a

  5   pas eu d'objection, de la part du conseil de Kordic, de nous dire

  6   maintenant qu'il y a eu violation des obligations de communication, alors

  7   que jamais on a soulevé cet élément au moment de l'audition de ce Témoin ne

  8   vaut pas.

  9   D'autre part, on a décidé que le Témoin AT ne sera entendu qu'à la fin du

 10   procès, afin que la Défense ait deux mois pour se préparer. J'aimerais que

 11   vous examiniez ce qu'a dit la Chambre de première instance le 26 septembre,

 12   dans sa décision. Elle précise, elle indique, que le conseil de M. Kordic a

 13   reconnu, tout à fait à juste titre, qu'il ne pouvait s'opposer à ce que

 14   l'Accusation cite à la barre ce Témoin, et que ce Témoin devrait être

 15   entendu dans le cas de la réplique. La Chambre en a convenu et elle a dit

 16   que cela permettrait d'éviter toute impression d'iniquité. Je demanderais

 17   aux Juges de la Chambre de toujours penser aux décisions qui ont été

 18   rendues par la Chambre de première instance en réfléchissant aux

 19   allégations faites à ce sujet par la Défense.

 20   Voici deux éléments qui ont été mentionnés par la Défense au sujet de la

 21   communication des pièces. Le reste de notre réponse on le retrouvera dans

 22   nos mémoires.

 23   Maintenant, j'aimerais bien parler de ce que nous dit la Défense au sujet

 24   de l'Article 68. Comme le savent pertinemment les Juges de la Chambre

 25   d'appel, dans l'affaire Krstic, il y a deux niveaux. Premièrement, il faut


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  1   prouver qu'il y a une violation de cet article, et deuxièmement, il faut

  2   prouver que les documents concernés ont entraîné un préjudice pour

  3   l'appellant ou l'accusé.

  4   Dans Krstic et dans Akayesu, la Chambre d'appel a précisé, a décidé, que

  5   s'il y a un violation de cet article, il faut, pour y remédier, que les

  6   éléments de preuve qui ont été exclus soient présentés par le truchement de

  7   la présentation de nouveaux éléments de preuve. C'est clair dans Krstic.

  8   Dans Krstic, la Défense a pu bénéficier de cela. La Défense a d'autre part

  9   présenté une des requêtes et des allégations relevants de l'Article 68 et

 10   115, et ces éléments ont été présentés à la Chambre. La Chambre a pu

 11   déterminer s'il s'agissait des éléments de preuve à décharge.

 12   Je vous signale que vous n'avez pas sous les yeux les éléments de preuve

 13   venant de l'affaire Blaskic. Je ne sais pas si vous allez pouvoir

 14   déterminer si ces éléments sont à décharge ou pas. Les allégations de la

 15   Défense ne peuvent être faites dans le vide. Je ne parle pas d'une requête

 16   Article 115, parce que ce n'est pas ce qui a été fait pour présenter ces

 17   documents. D'ailleurs, quand le Juge de la mise en état de l'appel a

 18   demandé à la Défense si elle voulait s'appuyer sur ces documents, les

 19   déposer comme éléments de preuve supplémentaires, la réponse a été

 20   négative.

 21   Vous vous souviendrez des écritures de M. Kordic. Tout de suite après la

 22   requête 115, la requête Article 115 de M. Kordic, [comme interprété] M.

 23   Kordic lui a pris une position un peu différente de celle de M. Kordic

 24   [comme interprété], s'agissant des éléments de preuve supplémentaires. En

 25   fait, les deux appelants n'étaient pas tout à fait sur la même longueur


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  1   d'onde. Il a indiqué, dans une de ces requêtes, qu'il se réservait le droit

  2   de fournir des éléments de preuve, et en particulier les dépositions à huis

  3   clos du colonel Blaskic. Il se réservait le droit de les présenter si ces

  4   éléments de preuve pouvaient avoir un caractère crucial pour l'affaire, et

  5   pouvait affecter le verdict. Ici la Défense appuie, il faut bien

  6   reconnaître, sur le libellé de l'Article 115. Une fois qu'ils ont eu les

  7   dépositions de Blaskic à huis clos, ils n'ont pas demandé à présenter ces

  8   nouveaux éléments de preuve à la Chambre d'appel, même en vertu des

  9   allégations qu'ils avaient faites au sujet de l'application et de la

 10   violation de l'Article 68. Comme vous n'avez pas ces éléments sous les

 11   yeux, vous ne pouvez pas déterminer s'il relève de l'Article 68.

 12   Deuxièmement, comme nous l'avons dit dans nos écritures, il faut que la

 13   Défense fournisse au moins des éléments de départ qui puissent sous-tendre

 14   et appuyer leurs allégations. En d'autres termes, s'il s'agit d'éléments

 15   tellement convaincants qu'ils ont un caractère à décharge que l'on voit

 16   immédiatement, et montrant que M. Kordic n'exerçait aucun contrôle en

 17   Bosnie centrale, pourquoi est-ce que ces éléments de preuve cruciaux n'ont

 18   pas été versés au dossier ? Si ces éléments sont si cruciaux que cela

 19   aurait pu entraîner une modification du contre-interrogatoire du Témoin, il

 20   faudrait nous expliquer comment ce Témoin aurait été contre-interrogé de

 21   manière différente, et la manière dont cela aurait affecté le verdict. On

 22   peut dire que, s'agissant de l'application de l'Article 68, s'agissant de

 23   l'Article 115, s'agissant de tous ces éléments, il n'y a eu aucun préjudice

 24   pour l'appellant. J'en resterais à ce qui a été évoqué aujourd'hui à ce

 25   sujet c'est-à-dire, la déposition de Blaskic.


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  1   L'appellant a fait référence à deux des arguments de l'Accusation au sujet

  2   de la déposition. Premièrement, les arguments de l'Accusation dans l'appel

  3   Blaskic, qui avaient dit que Kordic ne faisait pas partie de la chaîne de

  4   commandement militaire. La Défense nous dit que l'Accusation a pris

  5   connaissance de sa déposition à l'époque et aurait dû la faire connaître.

  6   J'ai bien compris, c'est sa position. Il semble donner une certaine

  7   interprétation de la façon dont l'Accusation appréhendait cette déposition.

  8   Alors nous, nous estimons que Blaskic n'a pas dit la vérité à ce sujet dans

  9   sa déposition et que cela ne reflétait pas la véritable situation sur

 10   place, s'agissant du rôle de Kordic dans la région. D'autre part, le

 11   colonel Blaskic a considérablement changé sa position au niveau de l'appel,

 12   si on regarde ses écritures et les éléments qui ont été présentés plus tard

 13   à l'audience.

 14   Si ces éléments devaient être admis en tant qu'éléments de preuve

 15   supplémentaires, notre position serait à ce moment-là de le convoquer afin

 16   qu'il dépose au sujet de cette allégation que lui prête la Défense.

 17   Dans l'appel Kupreskic, on nous renvoie à un paragraphe au sujet

 18   d'AT, de ce qu'il savait, de la teneur de cette réunion politique. Ces

 19   arguments ont été présentés en rapport avec Vlatko Kupreskic. Il s'agissait

 20   de savoir si Vlatko Kupreskic appartenait à la hiérarchie militaire. Dans

 21   le paragraphe précédent, on parle de la structure militaire, de la

 22   structure politique, de structures dans lesquelles s'inscrivaient les

 23   ordres, les décisions, et cetera. Le Témoin, bien entendu, n'était pas à la

 24   réunion. Le Témoin AT ne pouvait connaître la nature politique de cette

 25   réunion. Mais nonobstant ce fait, cela n'a pas empêché la Chambre dans


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  1   Kordic ou cette Chambre d'appel d'accepter la conclusion selon laquelle

  2   cette réunion d'hommes politiques a habilité les ordres qui ensuite ont eu

  3   une implication militaire.

  4   Maintenant, je voudrais parler de la violation qui a un caractère

  5   soi-disant délibéré. Le terme "délibéré," qui est utilisé, semble vouloir

  6   faire entendre que l'Accusation délibérément a décidé de ne pas communiquer

  7   la déposition de Blaskic. Or, il n'y a nullement eu, de la part de

  8   l'Accusation, le désir de ne pas communiquer des éléments dont elle savait

  9   pertinemment qu'ils avaient un caractère disculpatoire [phon], mais ces

 10   éléments de preuve n'ont pas été communiqués parce que nous n'estimions pas

 11   qu'ils avaient un caractère de preuve à décharge. Il ne s'agissait

 12   nullement d'une intention délibérée de l'Accusation de ne pas communiquer

 13   des éléments de preuve de ce type.

 14   Nous estimions qu'il ne s'agissait pas d'éléments de preuve relevant

 15   de l'Article 68, comme nous l'expliquons dans des écritures, dans l'annexe

 16   de nos écritures, ainsi que dans nos arguments.

 17   Je pense quant à moi que la Chambre d'appel doit répondre à la

 18   question de la crédibilité. Dans quelle mesure la crédibilité d'un Témoin

 19   peut-elle affecter les obligations de l'Accusation en vertu de l'Article

 20   68 ? Est-ce qu'il faut accepter le critère qui découle de l'application de

 21   l'Article 115 au sujet de la crédibilité des éléments de preuve. Est-ce que

 22   ce sont ces critères qu'il faut appliquer afin de déterminer si

 23   l'Accusation doit ou non communiquer un certain nombre d'éléments ? Je

 24   pense que dans la majorité des cas, la crédibilité est une question qu'il

 25   convient à la Chambre de trancher. Ce sont aux Juges d'en décider. Mais en


Page 339

  1   l'espèce, et vu les circonstances que nous indiquons dans notre mémoire, ce

  2   n'était pas un facteur qui devait entrer en ligne de compte pour déterminer

  3   si ces éléments devaient être communiqués en vertu de l'Article 68.

  4   D'autre part, l'examen de ces éléments a été fait, il y a de

  5   nombreuses années. Depuis, le droit a beaucoup évolué. A l'époque, il y

  6   avait très peu de décisions qui avaient été rendues par le Tribunal au

  7   sujet de l'Article 68. Ceci ne justifie rien, mais ceci montre qu'à

  8   l'époque, il n'y avait pas de lignes très claires, de lignes directrices

  9   très claires que l'on pouvait suivre. Je ne connais pas très bien le

 10   système de droit romano-germanique. Si j'ai bien compris, dans ce système,

 11   un accusé et un co-accusé ne peuvent pas être considérés comme des témoins.

 12   Dans l'Article 68, on parle d'éléments de preuve, d'informations. Si

 13   la Chambre estime que la crédibilité n'est pas un facteur que l'Accusation

 14   doit prendre en compte pour déterminer si les éléments sont à communiquer

 15   ou pas, il en sera ainsi. On nous accuse d'avoir délibérément procédé à la

 16   rétention d'informations, mais je voulais vous faire comprendre quelle

 17   était notre position et la situation, s'agissant de cette allégation de

 18   rétention délibérée d'éléments relevant de l'Article 68.

 19   Deux autres exemples : on nous a parlé du Témoin AO. Dans ses

 20   arguments, mon collègue en a parlé, en parlant de violation en vertu de

 21   l'Article 68. J'aimerais que vous vous référiez à ce sujet à nos arguments

 22   présentés dans notre mémoire ainsi que qu'aux interventions du premier

 23   substitut du Procureur pendant le procès. C'était une partie du procès qui

 24   se déroulait à huis clos partiel, je ne vais pas les citer. Il s'agissait

 25   de la page 27143 du compte rendu d'audience. L'Accusation avait indiqué,


Page 340

  1   après la déposition du Témoin AO, avait demandé à ce qu'on procède à des

  2   enquêtes supplémentaires, des recherches supplémentaires et dès que ces

  3   recherches ont porté leurs fruits, ils ont fait suivi une communication de

  4   pièces supplémentaires à la Défense. La Chambre ensuite a statué et a exclu

  5   la déposition du Témoin AO car le Témoin AO avait refusé de venir subir un

  6   contre-interrogatoire une fois que ces éléments avaient été fournis à la

  7   Défense et qu'ils avaient demandé à pouvoir le contre-interroger plus

  8   avant.

  9   Ceci montre que l'Accusation a rempli ses obligations, a fait tout ce

 10   qu'on pouvait s'attendre d'elle, et que la Chambre de première instance a

 11   pris les mesures qui s'imposaient pour éviter tout préjudice envers

 12   l'accusé.

 13   Dernier exemple que je souhaiterais porter à votre attention. Il

 14   s'agit de quelque chose que l'on trouve dans le mémoire de l'appelant et

 15   qui a trait au Témoin EE. Ceux qui connaissent l'affaire Kupreskic savent

 16   que EE a déposé dans Kupreskic. Il s'agit d'une victime qui a déposé à huis

 17   clos. A un moment donné, il va falloir que je passe moi-même à huis clos

 18   partiel afin de ne pas révéler la teneur d'une discussion qui a eu lieu au

 19   cours des débats dans l'affaire Kordic.

 20   Le Témoin EE est un Témoin qui a parlé de la participation de AT à

 21   l'offensive contre Ahmici. Le Témoin EE pouvait fournir des éléments que la

 22   Défense souhaitait avoir afin de contre-interroger le Témoin AT. Il pensait

 23   qu'on pouvait utiliser ce qu'il avait à dire pour discréditer le Témoin AT.

 24   Le 13 octobre 2000, six semaines avant de venir, la Chambre a ordonné

 25   à ce que le Témoin AT soit convoqué. Elle a dit que le témoignage du Témoin


Page 341

  1   EE ne pouvait pas être communiqué à la Défense même si cela pouvait avoir

  2   un intérêt vu la déposition du Témoin AT, la déposition à venir du Témoin

  3   AT. La Chambre de première instance a dit qu'il n'était pas possible de

  4   communiquer sa déposition parce que EE n'avait pas donné son accord pour ce

  5   fait. La Chambre de première instance a refusé une demande aux fins d'accès

  6   à la déposition du Témoin EE et elle a dit à la Défense qu'il faudrait

  7   qu'elle contre- interroge le Témoin AT sans bénéficier du transcript de la

  8   déposition du Témoin EE.

  9   A ce stade de mon intervention, je souhaiterais pouvoir bénéficier de

 10   quelques instants à huis clos partiel, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Oui.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 20   M. FARRELL : [interprétation] Merci.

 21   Je voulais, simplement, dire la chose suivante, dire que quand on

 22   examine les obligations de l'Accusation en matière de communication des

 23   pièces en l'espèce. Ceci montre l'équité et la justesse du comportement de

 24   l'Accusation pour garantir un procès équitable. On avait, également, avec

 25   le Témoin AT, cité par l'Accusation au sujet de la réunion, et à ce sujet,


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  1   nous avons fait en sorte que la Défense ait suffisamment de pièces pour lui

  2   permettre de contre-interroger correctement ce témoin.

  3   Si vous me le permettez maintenant, je souhaiterais parler de l'acte

  4   d'accusation. Ici, l'élément essentiel et l'élément de base c'est de savoir

  5   s'il y a eu des griefs exprimés lors du procès au sujet de l'acte

  6   d'accusation; et, deuxièmement, s'il y a eu des griefs exprimés et qu'il y

  7   a eu une décision, est-ce que cette décision a été erronée s'il y a eu

  8   décision ? Cela, c'est le point de départ de mes arguments devant vous.

  9   En dépit de ce qui a été dit par mon éminent confrère, jamais il n'a essayé

 10   de déterminer que la Chambre de première instance s'était trompée

 11   lorsqu'elle avait décidé qu'il ne convenait pas d'ajouter des détails

 12   supplémentaires dans l'acte d'accusation modifié, cette décision ressort

 13   d'une audience qui s'est tenue le 16 février 1999.  Je vais paraphraser ce

 14   qu'a dit M. le Juge May, les arguments de la Défense peuvent se révéler

 15   plus convaincants avec l'éminence du procès et l'Accusation devrait

 16   envisager d'inclure, dans son mémoire préalable au procès, les éléments

 17   relatifs aux différents chefs d'accusation avec des précisions

 18   supplémentaires. A ce moment-là, le conseil de la Défense, Me Geneson a

 19   indiqué qu'il reconnaissait les efforts de la Chambre pour demander à

 20   l'Accusation de préciser plus, l'acte d'accusation, pour le rendre moins

 21   vague.

 22   Il précise, ensuite, que jusqu'au moment où le mémoire préalable au

 23   procès sera déposé, l'Accusation sera toujours handicapée, parce qu'elle

 24   n'aura toujours pas les moyens de préparer sa thèse efficacement. Il dit

 25   que ce handicap disparaîtra dès le dépôt du mémoire préalable au procès de


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  1   l'Accusation. Suite à cela, la Défense n'a jamais déposé de requêtes

  2   supplémentaires en demandant un exposé plus détaillé des faits reprochés à

  3   son client.

  4   Ensuite, s'agissant de la notification faite à la Défense, du type de

  5   responsabilité pénale plaidée, je ne sais pas si c'est Me Sayers ou Me

  6   Smith qui l'a dit mais l'un d'entre eux, en tout cas, a soulevé cette

  7   question. Cette notification, elle a bien été donnée, il s'agissait pour ce

  8   qui est du mode ou de la catégorie de responsabilité pénale, de celle du

  9   plan criminel commun.

 10   Dans tout l'acte d'accusation, on dit que M. Kordic agit de concert avec

 11   d'autres personnes, dans le cas d'une campagne politique militaire, et

 12   cetera. Ceci est repris également dans les différents chefs de l'acte

 13   d'accusation. La Défense fait référence au paragraphe 26 de l'acte

 14   d'accusation en nous disant qu'on voit ici vaguement, en filigrane,

 15   apparaître la troisième forme de l'entreprise criminelle commune, il nous

 16   dit que c'est insuffisant.

 17   Or, je dois dire que, à l'époque, la Chambre d'appel n'avait pas stipulé

 18   quel était le libellé nécessaire pour notifier la Défense suffisamment à

 19   l'avance de ce type d'éléments, mais je dois dire que quand on regarde

 20   l'acte d'accusation, on voit que nous utilisons les termes "ensemble",

 21   "agir de concert" et quand on regarde le paragraphe 26, au sujet des actes

 22   qui sont reprochés à M. Kordic, on voit "qu'il savait et qu'il avait toutes

 23   les raisons de savoir que les dangers, les abus et les conséquences que ne

 24   manqueraient pas de provoquer les politiques objectives de cette campagne,

 25   et cetera, et cetera."


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  1   Ensuite, on donne une liste de ce qui allait se passer et ceci c'est

  2   très proche de la définition de l'entreprise criminelle commune version 3,

  3   et les décisions prises dans l'affaire Tadic et dans d'autres affaires vont

  4   tout à fait dans ce sens.

  5   Lorsque le mémoire préalable au procès a été communiqué le 25 mars,

  6   la catégorie de responsabilité pénale imputée à l'intéressé est apparue de

  7   façon lumineuse. Je vous demanderais de vous reporter au paragraphe 24 du

  8   mémoire préalable du procès. Je ne vais pas passer en revue la totalité de

  9   ce paragraphe, mais le paragraphe 24 est intéressant, ainsi que le

 10   paragraphe 118, le paragraphe 119 et le paragraphe 120. Il s'agit de

 11   passages de notre mémoire au préalable au procès qui montrent clairement

 12   que nous avons fait connaître à l'accusé, en temps utile, quel était le

 13   type de responsabilité pénale que nous lui imputions. Au paragraphe 119,

 14   nous citons, d'ailleurs, le jugement Furundzija en parlant de la

 15   reconnaissance, de la notion de dessin commun et d'entreprise criminelle

 16   commune. Il y est signalé, également, que "le participant à un plan commun

 17   ou un dessin commun est connu," et que, par conséquent, "la responsabilité

 18   est assumée pour tous les actes qui découlent de ce plan, indépendamment du

 19   fait qu'il ait participé aux actes concernés."

 20   Il y a également une mention du jugement de la Chambre Celebici qui fait

 21   référence à un plan ou à un dessin commun dans lequel des membres d'un

 22   groupe agissent avec un but criminel commun. Il est clair que le mémoire

 23   préalable au procès a recouru à toutes ces définitions en menant, dans un

 24   même souffle, plan criminel commun et l'entreprise criminelle commune.

 25   Il est intéressant de voir le mémoire préalable au procès de la


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  1   Défense qui a décidé de le déposer avant le début du procès. C'était son

  2   droit, et elle l'a fait à peu près une semaine avant le démarrage du

  3   procès. Dans ce mémoire de la Défense avant le début du procès, on trouve

  4   un certain nombre d'arguments juridiques portant sur les formes de

  5   commission de crime, sur différentes formes de principes communs qui

  6   constituent, indirectement, une forme de responsabilité, et met en cause le

  7   plan criminel commun ou cette catégorie de responsabilité. Il est, tout à

  8   fait, clair avant le début du procès que chacun défendait sa propre thèse.

  9   L'un de mes collègues de la Défense a parlé du fait que la liste des

 10   victimes n'avait pas été communiquée à l'avance. C'est, également, un signe

 11   de l'importance de cette affaire. En effet, faire la liste de l'ensemble

 12   des victimes reviendrait finalement à reprendre tous les noms qu'on

 13   retrouve en annexe 3, je vous la montre, en ce moment, dans le mémoire

 14   préalable au procès. Cette annexe 3 se compose d'une page de liste de noms

 15   où on trouve les noms, les accusations, les chefs d'accusation, les lieux,

 16   les dates, et chacun des lieux dont parlera tel ou tel témoin. Le mot de

 17   victime n'est pas prononcé précisément, mais cela ressemble, tout à fait, à

 18   cela, si l'on confronte cette liste à la liste des victimes, compte tenu

 19   des crimes qui ont eu lieu.

 20   Une autre question annoncée à l'avance, la participation à une

 21   entreprise commune en rapport spécifique avec l'appelant, l'acte

 22   d'accusation mentionne la direction des Croates de Bosnie et le HVO. Il ne

 23   fait aucun doute que le HVO comptait dans ses rangs le colonel Blaskic, à

 24   l'époque. Vous vous souviendrez que dans l'acte d'accusation initial, le

 25   colonel Blaskic n'était pas mentionné, car il était, déjà, sous la garde du


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  1   Tribunal et que son procès a commencé avant le procès Kordic. Si vous

  2   regardez l'acte d'accusation initial, vous verrez que Blaskic et Kordic

  3   étaient, conjointement, accusés d'attaques illégales. Les charges retenues

  4   étaient contre Kordic et Blaskic auxquels il était reproché d'avoir

  5   planifié et exécuté une campagne systématique. Blaskic, Kordic et Cerkez

  6   étaient accusés d'attaques illégales et de destruction dans la municipalité

  7   de Vitez sous la direction des forces du HVO, sous la responsabilité de

  8   Cerkez. Il était question des forces du HVO sous la direction de Kordic et

  9   de Blaskic qui avaient arrêté et placé en détention un certain nombre de

 10   personnes, y compris des membres de la brigade de Vitez et Mario Cerkez,

 11   dont certaines ont été emprisonnées sous la responsabilité de la brigade de

 12   Vitez et de Mario Cerkez. Dans le mémoire préalable au procès, nous

 13   trouvons la liste des membres du groupe au nombre desquels on trouve des

 14   dirigeants importants de la présidence. Ceci figure au paragraphe 65 du

 15   mémoire préalable au procès.

 16   Dans le mémoire préalable au procès de la Défense déposé le 6 avril,

 17   on trouve une discussion relative à la communauté d'Herceg-Bosna et à sa

 18   constitution. Il est, également, question de répartition des rôles entre le

 19   président et le vice-président, le HVO, et des rapports entre ces diverses

 20   entités. On trouve, également, l'organigramme de la communauté croate

 21   d'Herceg-Bosna après la création du HVO et un rapport du président Mate

 22   Boban, président de l'Herceg-Bosna portant sur la Bosnie-Herzégovine entre

 23   1991 et 1993. A mon avis, il ne peut y avoir aucun doute du fait que M.

 24   Kordic savait que les membres les plus importants des dirigeants croates de

 25   Bosnie se trouvaient en Herceg-Bosna au sein du HDZ et au sein du HVO.


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  1   Enfin, il est possible que vous ne soyez pas au courant, mais lorsque

  2   l'acte d'accusation initial a été rédigé, on y trouvait les charges

  3   initiales, les documents à l'appui de cet acte d'accusation, et une

  4   déclaration des faits. Cette déclaration se composait de 40 pages annexées

  5   à l'acte d'accusation initial qui a, ensuite, été déposée une nouvelle fois

  6   le 9 mars par l'Accusation avec un certain nombre d'autres documents qui

  7   faisaient partie du mémoire préalable au procès de l'Accusation.

  8   Finalement, il existe deux mémoires préalables au procès de l'Accusation,

  9   l'un datant du 25 mars, l'autre du 9 mars qui tous s'accompagnent de

 10   documents à l'appui de ces actes d'accusations. Cette déclaration de fait

 11   énumère les membres les plus importants qui ont participé aux actes retenus

 12   contre Blaskic et Kordic. Il y est question des membres de la présidence

 13   d'Herceg-Bosna, de Kordic, de Kostroman, et d'autres et, également, du rôle

 14   joué par Kordic qui est, bien entendu, mis en accusation conjointement avec

 15   Blaskic et il est question du contrôle de jure exercé par Kordic.

 16   Sans entrer dans tous les détails de la participation à l'entreprise

 17   commune, je reviens sur cet acte d'accusation initial qui établit le rôle

 18   de Kordic au paragraphe 9, 10, 24 et 40. On y trouve la liste des actes qui

 19   lui sont imputés au paragraphe 10, y compris les négociations de cessez-le-

 20   feu, les émissions d'ordres de nature militaire, les autorisations de

 21   déplacement et de voyage et les négociations du passage de convois. Puis,

 22   dans un même acte d'accusation initiale que la Défense a obtenu, on précise

 23   la nature de la planification de l'exécution ou de la direction de cette

 24   exécution par Kordic et Blaskic. Ensuite, on trouve la déclaration de fait.

 25   Sans entrer dans les détails, j'aimerais, pour aider les Juges, les


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  1   renvoyer à ce document qu'ils ont reçu avec les documents à l'appui de

  2   l'acte d'accusation, et où l'on trouve, entre autre, au paragraphe 8, la

  3   liste des membres les plus importants de l'Herceg-Bosna, et où figure le

  4   nom de Kordic et de Blaskic. On y trouve, également, les autres membres de

  5   la direction de l'Herceg-Bosna qui sont mis en accusation dans cet acte

  6   d'accusation; Kordic, Blaskic, Cerkez, Santic, Skopljak et Aleksovski. On y

  7   trouve la liste dans un certain nombre de paragraphes des pouvoirs de facto

  8   exercés par ces hommes, ainsi que d'exemples qui montrent que Kordic avait

  9   la possibilité d'exercer ces pouvoirs de facto. Ce qui est intéressant,

 10   c'est qu'on y trouve une mention de l'incident d'octobre 1992 à Novi

 11   Travnik, ainsi que le nombre d'occurrence d'ordres donnés par Blaskic. On y

 12   trouve les dates des négociations par Blaskic de la remise en liberté de

 13   trois jeunes femmes musulmanes détenues. On y trouve trois ou quatre autres

 14   allégations portant sur le mois d'avril, et la participation de Blaskic au

 15   convoi de la joie en juin 1993, date à laquelle des soldats ont fini par

 16   autoriser la circulation de ce convoi, une fois qu'ils ont obtenu des

 17   ordres de Kordic.

 18   Enfin, dans le mémoire préalable au procès, l'Accusation présente

 19   l'annexe numéro 1 qui expose, de façon chronologique, jour, date par date,

 20   lieu par lieu, un certain nombre d'événements et de faits, ainsi que la

 21   source des informations y affairant, et tous les éléments de preuve

 22   montrant la participation de Kordic et Cerkez aux actes qui leur sont

 23   reprochés. Cette annexe traite de leur participation. Je pense qu'elle

 24   compte à peu près 56 pages et qu'elle comporte à peu près 600 rubriques.

 25   Avec le respect que je dois à la Chambre d'appel, je dirais que ceci


Page 351

  1   constitue une quantité tout à fait -- amplement suffisante d'éléments de

  2   preuve montrant que l'accusé était tout à fait au courant du contenu de

  3   l'acte d'accusation dans les délais, ce qui a été reconnu, d'ailleurs, par

  4   la Chambre d'appel Kupreskic, s'agissant de ce même problème.

  5   J'ai déjà dit quelques mots d'un autre aspect de la thèse de la Défense,

  6   sur laquelle je veux revenir maintenant. D'abord, la Défense affirme que la

  7   réunion du 15 avril constitue un fait matériel, au sens où il s'agirait

  8   d'un élément qui est évoqué en toute lettre dans l'acte d'accusation.

  9   L'Accusation pour sa part, sans entrer dans tous les détails, estime que

 10   cette réunion ne constitue pas un fait matériel. Qu'est-ce que peut avoir -

 11   - qu'est-ce que l'acte d'accusation peut à voir avec un fait matériel

 12   relatif au rôle et à la participation de l'accusé où au fait que ce rôle

 13   ait été annoncé. D'autres réunions ont eu lieu. Il y a eu la réunion de

 14   Novi Travnik, au cours de laquelle Blaskic a émis l'ordre de lancer

 15   certaines opérations militaires. Il y a eu la réunion avec le colonel

 16   Duncan au cours de laquelle des civils ont refusé -- le problème des civils

 17   qui ont refusé de bouger sans un ordre express de Kordic a été évoqué, il y

 18   a eu la réunion, en tout cas, la communication relative à Kiseljak où il a

 19   été question des rapports Blaskic, à savoir, lesquels il avait informé la

 20   direction de la communauté croate d'Herceg-Bosna, des actions qui allaient

 21   se dérouler à Kiseljak. Je pourrais vous citer 10 ou à 15 exemples de

 22   situation dans laquelle la Chambre a pris en compte des réunions montrant à

 23   son avis la participation directe de M. Kordic aux événements, d'ailleurs

 24   la Chambre de première instance a fait référence à un certain nombre de ces

 25   réunions dans son jugement. L'Accusation déclare que toutes ces réunions


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  1   ont eu lieu, et qu'elles ont bien montré sa participation directe à ce que

  2   l'on peut qualifier d'accès militaire ou politique qui entérine les

  3   allégations de l'Accusation indiquées dans l'acte d'accusation, et qui --

  4   sans mentionner également dans la mémoire préalable au procès de

  5   l'Accusation.

  6   Je fais remarquer que, lorsque le Témoin AT a été cité à la barre, et

  7   lorsque la requête au fin d'audition du Témoin AT a été présentée le 25

  8   septembre, la Défense de M. Cerkez a soulevé l'argument selon lequel il

  9   s'agirait d'un fait matériel. Au cours des débats, le conseil de Cerkez a

 10   déclaré que les preuves, avancées et exposées par le Témoin AT, au sujet de

 11   cette réunion, constituaient un fait matériel et aurait dû figurer dans

 12   l'acte d'accusation. Le Juge May a exprimé son désaccord sur ce point, en

 13   déclarant qu'il ne s'agissait pas d'un fait matériel.

 14   Au cours de l'audition du 25, lorsque la Défense s'est exprimée, le conseil

 15   de Kordic n'a pas soutenu les arguments du conseil de Cerkez. Le conseil de

 16   Kordic n'a pas adopté la même position et n'a pas affirmé qu'il s'agisse

 17   d'un fait matériel. Dans son opposition écrite ultérieure aux éléments de

 18   preuve en réplique de l'Accusation, il n'a pas défendu la position selon

 19   laquelle il s'agirait d'un fait matériel qui aurait dû figurer à l'acte

 20   d'accusation.

 21   L'appelant a indiqué dans ses écritures que la déposition du Témoin AT

 22   représentait une modification à la présentation de l'Accusation par rapport

 23   aux Articles 79(3) et 7(1), déviation par rapport à la définition de la

 24   responsabilité comme étant une participation aux opérations -- une

 25   participation directe aux opérations et à la planification qui avait eu


Page 353

  1   lieu le matin du 15. Je voudrais revenir en quelques instants sur ce point.

  2   Je ferais remarquer d'abord que l'Article 98 bis du règlement, comme on

  3   l'appelle aujourd'hui, qui traite de la requête d'acquittement a été

  4   déposée au nom de Dario Kordic le 17 mars 2000, et qu'il n'y a jamais été

  5   avancée que cette requête couvrait totalement l'Article 7(3). En fait, 130

  6   pages de déclarations au sujet des éléments de responsabilité se trouvent

  7   verser en application de l'Article 7(1). La Défense l'a fait parce qu'à ce

  8   moment-là, l'arrêt Tadic avait déjà été rendu. La requête consacre 90 pages

  9   à développer la position de la Défense sur cette définition des formes de

 10   responsabilité à l'usager à l'Article 7(1) du règlement. Il n'apparaît pas

 11   que la Défense ait estimé qu'à l'époque que l'Article 7(3) pouvait être

 12   pertinent.

 13   La décision de la Chambre de première instance, s'agissant de cette requête

 14   en vue d'acquittement, la Chambre de première instance a, effectivement,

 15   fait référence à cette requête le 6 avril, et il est vrai qu'elle a

 16   considéré que les éléments de preuve étaient suffisants pour démontrer que

 17   l'accusé avait fait partie des plus haut niveaux de responsabilités au sein

 18   de la communauté d'Herceg-Bosna, mais la Chambre de première instance a

 19   également déclaré qu'aucun élément de preuve n'indiquait sa participation

 20   directe aux événements survenus dans neuf municipalités. Elle a déclaré à

 21   la Défense que ces éléments n'étaient pas indispensables pour traiter des

 22   22 autres municipalités, hormis ces neuf municipalités.

 23   Ces neuf municipalités et les éléments de preuve, présentés à leur sujet,

 24   démontrent tout à fait clairement que M.Kordic a été impliqué directement

 25   dans les événements. Il ne s'agit pas d'appliquer l'Article 7(3) ou de


Page 354

  1   d'évier de la définition de la responsabilité. Il s'agit d'appliquer

  2   l'Article 7(1) qui évoque le plan criminel commun.

  3   Il a été indiqué que c'était la seule réunion qui permettait d'établir un

  4   lien avec Dario Kordic par rapport aux accès sur le terrain. En fait, la

  5   Chambre de première instance a estimé que de nombreux autres exemples de sa

  6   participation directe existaient.

  7   Dans la nuit du 16 avril 1993, il y a la rencontre de Dario Kordic avec

  8   Kraljevic, le commandant de Vitezovi, aux abords de Vitez, au QG de

  9   Vitezovi, et les Juges de la Chambre de première instance ont estimé que le

 10   fait qu'une carte ait été présentée, suffisait à prouver la réalité de

 11   cette participation. Il y a également les opérations militaires de Novi

 12   Travnik en 1992. Il y a le rôle joué par l'accusé dans le transport d'armes

 13   et les opérations y affairant. Ceci figure au paragraphe 553 du jugement.

 14   Il y a le rapport de novembre 1992 au sujet de l'arrestation d'un policier

 15   militaire du HVO à Kruscica et la présence de Kordic au QG du HVO, là où

 16   les décisions se prenaient de lancer une opération -- où la décision a été

 17   prise de lancer une opération afin de libérer la patrouille.

 18   Il est clair que tout cela n'avait rien avoir avec une déviation de la

 19   définition de la responsabilité à l'Article 7(3). Il était question de

 20   participation directe en tant que planificateur, en tant que responsable de

 21   l'ordre, en tant qu'instigateur, mais également en tant que participant à

 22   part pleine et entière à une entreprise à un plan criminel commun en Bosnie

 23   centrale.

 24   Mon collègue de la Défense peut répondre à tout cela. Il peut nous dire

 25   quelle est sa définition du fait de s'écarter de la définition de la


Page 355

  1   responsabilité, mais ceci n'a rien à voir avec ce qui s'est passé sur le

  2   terrain. Il ne s'agit pas de définir qui a commis le crime. Mais il est

  3   question de planification lors d'une rencontre tenue 15 avril, et pas du

  4   fait que Dario Kordic aurait lui-même commis le crime en question. La

  5   planification du 15 avril qui fait partie des éléments retenus par

  6   l'Accusation est un élément de preuve supplémentaire évoqué pour démontrer

  7   son rôle dans la planification et l'instigation ou le fait d'avoir donné un

  8   ordre pour quelque chose survienne.

  9   J'aimerais maintenant parler du Témoin AT. Comme je l'ai indiqué, ce, en

 10   prenant le contre-pied des arguments de la Défense, arguments d'ailleurs

 11   très énergiques, cette affaire ne se résume pas à une réunion de deux

 12   heures, un après-midi d'avril. Cette approche microscopique ne rend pas

 13   justice au jugement de la Chambre de première instance qui s'est efforcé de

 14   prendre compte l'ensemble des actes survenus, à partir de mai 1992. 

 15   Dans mes écritures, je donne une liste d'exemples qui montrent la

 16   participation directe de M. Kordic aux événements de Travnik, et à la

 17   libération des prisonniers. Par exemple, vous avez la conclusion selon

 18   laquelle il a participé aux réunions militaires conjointes, aux réunions du

 19   groupe de travail militaire conjoint. Je fais remarquer que ces groupes

 20   avaient une activité purement militaire. Il ne s'agissait pas de rencontre

 21   politique, et l'officier qui était présent à cette réunion était considéré

 22   comme étant y compris le supérieur de Blaskic.

 23   Les éléments de preuve abondent en provenance de Buscovaca en Bosnie

 24   centrale, en provenance de Kisejlak qui montrent sa participation directe

 25   pendant une période assez prolongée aux événements de la région. Il ne


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  1   s’agit pas de se limiter à une seule réunion. En fait, la Chambre aurait

  2   facilement pu condamner M. Kordic même en l'absence de la déposition du

  3   Témoin AT. On rencontre souvent des témoins qui ne permettent pas d'établir

  4   un lien direct avec des responsables de rang supérieur, et qui tout de même

  5   sont considérés comme des éléments de preuve indirects démontrant la

  6   participation d'une personne à tel ou tel acte et aboutissant à la prise en

  7   compte d'une responsabilité pénale. En fait, la déposition du Témoin AT

  8   corrobore l'ensemble des autres dépositions et ce n'est pas l'inverse qui

  9   s'applique. Je souhaiterais à présent plus en détail sur ce concept de

 10   corroboration. D'abord, je ferais remarquer que ce Tribunal ne requiert pas

 11   une corroboration. Je pense que ceci est tout à fait évident. L'ouï-dire

 12   est admissible et il est permis de condamner un accusé dans ce Tribunal sur

 13   la simple base d'éléments de preuve indirects, y compris sur la base d'ouï-

 14   dire. Je fais remarquer que la décision a été rendue dans le Kunarac, par

 15   la Chambre d'instance chargée de cette affaire, qui a condamné M. Kovac

 16   pour le viol du Témoin AB. Le Témoin AB était une jeune femme qui après

 17   avoir été violée a été vendue à des soldats et que l'on n'a pu jamais

 18   revoir. C'est très certainement un incident extrêmement tragique, mais le

 19   principe juridique demeure néanmoins et n'est en rien différent en raison

 20   de la nature de cette déposition.

 21   La Chambre de première instance a condamné M. Kovac suite à la

 22   déposition d'un autre Témoin qui a expliqué que le Témoin AB lui faisait

 23   confiance. Ce Témoin, le Témoin FWS-75, a dit dans sa déposition qu'AB lui

 24   avait parlé, s'était confié à elle pour lui parler de son viol, mais AB n'a

 25   pas témoigné en personne.


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  1   De très nombreuses dépositions montrent que le Témoin FWS-75, était un

  2   Témoin tout à fait crédible, mais rien n'a été présenté qui permette de

  3   corroborer son témoignage crédible. Cela dit il y a une autre déposition où

  4   il a été question de viol et de la réalité de ces actes de viol.

  5   L'arrêt de la Chambre d'appel au paragraphe 267, et 268 réaffirme la

  6   jurisprudence établie selon laquelle il n'y a aucune exigence juridique de

  7   corroboration et que la corroboration ne peut intervenir qu'au niveau du

  8   poids accordé au témoignage.

  9   L'appelant s'est concentré sur deux incidents, dans son pouvoir en appel

 10   l'un étant la déposition du Témoin FSW-75, et l'autre étant la déposition

 11   du Témoin AB, et il y est question d'autres témoignages antérieurs, qui

 12   indiquent qu'AB a fait confiance au Témoin 75, et que le viol a eu lieu, en

 13   lui disant que le viol avait eu lieu.

 14   La Chambre d'appel a maintenu la condamnation pour viol du Témoin AB, en se

 15   fondant sur des dépositions, sur des témoignages par ouï-dire, en se

 16   fondant sur la déposition d'un Témoin tiers.

 17   L'Accusation est d'un avis un peu différent, exprime un avis un peu

 18   différent dans ces écritures au sujet de ce qui constituait un élément de

 19   corroboration. Pour l'essentiel l'appelant commence par dire que la

 20   corroboration doit s'appliquer à un type de documents en particulier, ou à

 21   un type de faits particuliers, et affirme qu'il n'y a aucun élément

 22   corroborant la réalité de la réunion du 15 avril. A cet égard aucun élément

 23   corroborateur n´est nécessaire dans le sens de démontrer l'existence de

 24   cette réunion du 15 avril. Si tel était le cas nous aurions des éléments de

 25   preuve répétitifs. Il ne s'agirait pas de corroboration mais simplement


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  1   d'éléments de preuve multiples indiquant la réalité de cette rencontre du

  2   15 avril. 

  3   Une corroboration ne se limite pas à un témoignage qui reprendrait les

  4   éléments du témoignage du Témoin AT, une corroboration c'est un élément de

  5   preuve qui s'efforce de convaincre celui qui juge les faits, qu'un Témoin a

  6   dit la vérité. C'est un élément de preuve différent d'un simple élément de

  7   preuve, et c'est la raison pour laquelle il est considéré comme

  8   corroborateur, ou corroboratif, mais il ne se limite pas à prouver que

  9   l'accusé a commis le crime.

 10   L'appelant dans son pouvoir en appel interlocutoire en l'an 2000, défend

 11   une position un peu différente quant à la définition de l'élément qui est

 12   susceptible de corroborer à un fait matériel particulier. Même si cette

 13   définition se divise en plusieurs stades, l'Accusation estime que la

 14   position de la Défense que la Défense doit prouver la réalité de cette

 15   réunion du 15 avril, pour qu'il puisse être question de corroboration.

 16   L'appel interlocuteur dans Kordic s'appuyait sur l'Article 94 ter du

 17   règlement de l'époque et mettait l'accent sur le fait que l'affidavit qu'un

 18   affidavit à l'appui de la réalité de cette réunion, avait été admis au

 19   dossier du procès. Le sujet consistait à savoir si cet élément de preuve

 20   est réglé à un problème existant. Une constatation existante compte tenu

 21   des exigences stipulées dans cet article du règlement. L'Article 94 stipule

 22   que toute contestation doit être réglée. L'accent a été mis sur le fait

 23   qu'il faisait contestation. Il ne s'agissait pas de décider de ce qui était

 24   ou qui n'était pas un élément de corroboration, et même si le mot est

 25   utilisé il est question d'appuyer un affidavit en application des


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  1   dispositions de l'Article 94 ter en se fondant sur des faits, c'est-à-dire,

  2   en lisant le libellé de l'Article 94 ter, tel qu'il est avec le respect que

  3   je dois à la Chambre. Je pense que ceci n'avait rien à voir avec la

  4   définition de la corroboration, et qu'aucun élément de corroboration n'est

  5   requis par les règles de ce Tribunal.

  6   Sans entrer dans tous les détails, des dépositions entendues au cours du

  7   procès, il est tout à fait clair, à mon avis, que, d'abord, des éléments de

  8   preuve très nombreux montrent que le Témoin AT dit la vérité; que,

  9   deuxièmement, des éléments de preuve très nombreux montrent que la

 10   déposition du Témoin AT corroborera et qu'un lien est établi avec la

 11   participation de Kordic aux crimes invoqués, et ceci compte tenu de la

 12   nature même de la campagne. On a également le journal intime de guerre, on

 13   a les réunions dont j'ai fait la liste il y a un instant. Par exemple, les

 14   réunions avec le Vitezovic et on a les ordres d'attaque.

 15   J'en arrive à la fin de mon exposé pour laisser quelque temps à mon

 16   confrère demain, mais je souhaiterais tout de même formuler un certain

 17   nombre de commentaires, à l'issue de cet exposé.

 18   D'abord nous avons entendu le conseil Kordic dire que le Témoin AT avait

 19   demandé à la Chambre de ne pas tenir compte d'un mensonge de sa part, la

 20   Chambre aurait obtempéré. AT n'aurait -- or, AT n'a jamais demandé à la

 21   Chambre de ne pas tenir compte de ses mensonges. La Défense a présenté cela

 22   sous un jour un peu déformé. A cet égard je ne vois aucun rapport avec les

 23   propos des Juges de la Chambre qui permettent de penser que les Juges

 24   étaient d'accord pour admettre l'existence d'un faux alibi de la part du

 25   Témoin AT.


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  1   Il y a également la référence aux Témoins Grubesic et Maric. Il y a

  2   d'autres de la même catégorie. Je vous demanderais de vous pencher sur la

  3   réponse de l'Accusation à M. Grubesic, paragraphe 3, point 8, à 3.18, où on

  4   trouve la liste des différentes occasions où la Chambre de première

  5   instance a estimé que M. Grubesic n'était pas digne de confiance.

  6   Pour M. Maric, on a sa déposition qui est encore plus incroyable. Si l'on

  7   regardait le paragraphe 3.194 de la réponse de l'Accusation, vous voyez que

  8   M. Maric, président de Busovaca, à l'époque de l'attaque, déclare que,

  9   lorsque sa ville a été attaquée, et lorsque des plans ont été établis pour

 10   mener à bien des opérations dans cette région, il est rentré chez lui à 15

 11   heures de l'après-midi. Il n'était pas au courant de l'importante

 12   conférence de presse organisée par Kordic et Blaskic, son supérieur

 13   politique et militaire, et qu'il n'est jamais revenu depuis son domicile

 14   pour voir quelle était la réponse des militaires à la situation de la ville

 15   à ce moment-là, ville dont il était le maire. Personne n'est venu le voir,

 16   rien ne lui a été dit, et il ne savait rien de cette réunion puisqu'il

 17   avait passé toute la journée chez lui. Tout cela est extrêmement

 18   improbable.

 19   Enfin, s'agissant du Témoin AT, la Chambre de première instance était tout

 20   à fait au courant de la nature particulière de sa déposition et des

 21   difficultés qu'il y aurait à apprécier la fiabilité de cette déposition. La

 22   Défense a eu toutes les occasions du monde pour s'exprimer sur ce point.

 23   Elle l'a fait aujourd'hui. Elle l'a fait devant la Chambre de première

 24   instance au cours du contre-interrogatoire du Témoin AT. La Chambre ne

 25   s'est pas appuyée uniquement sur la déposition d'AT, et elle a tenu compte


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  1   d'autres éléments de corroboration. Elle a interrogé les motifs qui ont

  2   poussé le Témoin à témoigner et, manifestement, l'exactitude de son

  3   témoignage a été vérifiée, ainsi que sa fiabilité, sa cohérence et le fait

  4   que le Témoin s'est porté volontaire pour témoigner a également été pris en

  5   compte. La Chambre a examiné les motivations de tous les témoins qui ont

  6   contacté l'Accusation. Aucun accord, aucune négociation n'a eu lieu avec

  7   l'Accusation. Aucune promesse d'immunité n'a été faite, et aucune réduction

  8   de peine promise.

  9   Le Témoin a parlé du danger que couraient les gens qui acceptaient de

 10   témoigner, mais rien de trop. Il ne connaissait pas les autres témoins dans

 11   l'affaire et il est venu témoigner de son plein gré. Maric et Grubesic

 12   l'ont fait également. Cette déposition correspond à tout ce que

 13   l'Accusation a avancé dans ses allégations, et à mon avis, avec le respect

 14   que je dois à la Chambre, cet élément a également été pris en compte. En

 15   fait, l'Accusation a lancé ses poursuites contre M. Cerkez en rapport avec

 16   la mort d'un individu répondant au nom de Trako, et AT a expliqué que

 17   l'Accusation estimait que M. Cerkez n'était pas responsable de cet

 18   incident, imputable à un autre individu, et M. Cerkez a été exonéré de ce

 19   fait.

 20   Finalement, la Chambre de première instance a entendu le

 21   Témoin AT du début à la fin. Le contre-interrogatoire a été long.

 22   Manifestement, la Chambre d'appel doit également prendre cela en compte, en

 23   jugeant de la crédibilité de ce Témoin et tenir compte de la position des

 24   Juges de la Chambre de première instance. Il s'agit d'une déposition contre

 25   laquelle il ne faut pas s'élever. Ceci est tout à fait manifeste puisqu'il


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  1   s'agit d'un minimum de corroboration.

  2   Je vous remercie.

  3   M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci, M. Farrell.

  4   L'audience est levée jusqu'à demain à 9 heures tapantes, dans cette

  5   salle d'audience.

  6   --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mardi 18 mai 2004,

  7   à 9 heures.

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