Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 666

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-14/2-PT

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 16 février 1999

4

5 L'audience est ouverte à 14 h 00.

6 M. le Président (interprétation). - Le Greffier peut-il citer

7 l'affaire ?

8 M. Bos (interprétation). - Bonjour messieurs les Juges, il

9 s'agit de l’affaire IT-95-14/2-PT, le Procureur contre Dario Kordic, et

10 Mario Cerkez.

11 M. le Président (interprétation). - Les parties peuvent-elles se

12 présenter ?

13 M. Nice (interprétation). - Je m'appelle Jeffrey Nice et j'ai à

14 ma droite Ken Scott, Rod Dixon à ma gauche et Mme Iland Verhaag, qui est

15 notre substitut d’audience.

16 M. Smith (interprétation). - Je m'appelle Turner Smith, je

17 défends Dario Kordic en compagnie de Me Turkovic à ma gauche, il y a aussi

18 mon confrère David Geneson et son coconseil Me Mitko Naumovski.

19 M. Kovacic (interprétation). – Bonjour, monsieur le Président,

20 je suis Bocidar Kovacic, avocat de Riejka, qui défend Mario Cerkez.

21 M. le Président (interprétation). - Les accusés entendent-ils

22 bien les débats dans une langue qu'ils comprennent ?

23 M. Kordic (interprétation). – Messieurs les Juges, je voudrais

24 vous remercier de nous avoir posé cette question sur la langue. Oui,

25 effectivement, on comprend tout à fait en langue croate tout ce qu'on dit.

Page 667

1 M. le Président (interprétation). - Merci. Fort bien.

2 Cette audience est prévue et inscrite au rôle et elle a pour

3 objet l'examen de diverses exceptions préjudicielles qui ont été déposées

4 devant cette Chambre. A notre entrée, nous avons reçu un projet de

5 calendrier. Je ne sais pas qui en est l'auteur, je suppose que c’est

6 Me Smith, mais je n'en suis pas certain.

7 (M. Smith opine du chef)

8 Nous avions sans doute l'intention de suivre le programme que

9 vous avez ici. Est-ce que vous en avez copie, maître Nice ?

10 M. Nice (interprétation). - Oui, monsieur le Président.

11 M. le Président (interprétation). - En vérité, il est peut-être

12 plus facile de s'intéresser à toutes les exceptions traitant de la

13 compétence ensemble. Est-ce qu'il est possible de structurer votre

14 argumentaire de la sorte ? Nous aurons la présentation des arguments de la

15 défense s'agissant de tous les points avec la réponse de l'accusation.

16 Nous pourrions alors passer aux vices de forme invoqués et

17 reprendre la même présentation qui nous est proposée. Nous aurions chacune

18 des parties qui présente tous les arguments à la fois.

19 Dans certains cas, me semble-t-il, il n'y aura pas de

20 présentation d'arguments oraux. La seule question qui pourrait nous

21 préoccuper, c'est l’heure. Il reste peu de temps, d'après ce programme qui

22 nous a été proposé, qui soit réservé à l'exception portant sur l'exécution

23 ou la non-exécution. Elle arrive en dernier lieu alors que ceci, me

24 semble-t-il, est une question importante puisqu'elle porte sur toute la

25 problématique de la communication.

Page 668

1 Lorsque nous arriverons à cette requête, je vous propose ceci :

2 revoyons et faisons le point de la question en matière de communication

3 aujourd'hui, et voyons à partir de ce moment-là ce qui peut se faire pour

4 déterminer quelles sont les questions qui sont à porter à l'appréciation

5 des Juges en matière de communication. Mais commençons par la compétence.

6 Maître Smith, vous pourrez peut-être vous adresser à nous en

7 premier lieu, et je crois qu'il serait utile d'entendre tous ensemble les

8 arguments que vous avez à présenter en matière de compétence. Et puis nous

9 entendrons l'accusation.

10 N'oubliez pas, cependant, que nous avons pris lecture des

11 exceptions et requêtes qui sont assez longues. Donc, je crois que nous

12 sommes au fait des précédents dans le texte des arguments, et je saurais

13 gré à chacune des parties de ne pas répéter ce qui s'est déjà dit par

14 écrit.

15 Une requête ou exception a été déposée hier, je pense, devant la

16 Chambre, demandant… oui c'est la défense qui demande l'autorisation de

17 déposer une réplique s'agissant de l'exception en matière de compétence

18 n° 2. Il se peut que l'accusation ait une objection à formuler, mais si ce

19 n'est pas le cas, nous pourrions dire que nous sommes prêts à vous faire

20 droit et nous avons lu la requête ou plutôt l’écriture que vous avez

21 soumise.

22 Maître Smith, c'est d'abord vous que nous allons entendre sur

23 les questions relatives à la compétence. Vous serez peut-être suivi

24 d'autres avocats de la défense et nous donnerons la parole à l'accusation.

25 M. Smith (interprétation). – Avec votre permission, je

Page 669

1 demanderai d'avoir la possibilité d'intervenir sur la requête n° 2 ; ceci

2 me prendra dix minutes, alors que Me Turkovic présentera les arguments de

3 la requête n° 3 ; ceci prendra cinq minutes et nous aimerions disposer,

4 chacun de nous, de cinq minutes pour répliquer aux arguments après avoir

5 entendu l'accusation pendant 25 minutes sur les deux exceptions.

6 Je peux vous présenter les arguments pour les deux, mais nous

7 nous sommes préparés chacun pour un versant de la question. Si toutefois

8 vous voulez avoir tous les arguments par mon truchement, je le ferai.

9 M. May (interprétation). - Ce n'est pas nécessaire. Vous

10 choisissez l'ordre que vous voulez. Mais il est important que nous ayons

11 la totalité de vos arguments en matière de compétence d'abord. Puis, nous

12 aurons l'accusation.

13 M. Smith (interprétation). – Fort Bien. Nous nous basons sur

14 l’exception n° 1, ainsi que l’exception n° 4 en matière de compétence.

15 Ceci ne signifie pas que nous n’ayons pas confiance dans les arguments que

16 nous avons soumis, mais nous disposons d'un temps très limité alors que

17 l'argumentation est des plus complexes et qu'il y a plusieurs

18 argumentations à soumettre. Il nous paraissait important d'opérer un choix

19 pour retenir les éléments les plus bénéfiques et pour la Chambre de

20 première instance, à la suite de ce choix qui s'est porté sur les 1 et 4

21 pour laisser de côté, pour le moment, les 2 et 3.

22 Commençons par la n° 2. Vous le saurez, messieurs les Juges, ce

23 que nous avançons c'est que, d'abord, les lois et coutume de guerre, en

24 vertu de l'article 3 du Statut, se limitent aux infractions visées par les

25 dispositions mêmes du Statut et visées aussi par la convention de La Haye

Page 670

1 de 1907 ainsi que ses réglementations.

2 L'article 3, d'après nous, ne couvre pas l'article 3 commun

3 ainsi que le protocole. Mais le recours que nous demandons ici semble

4 suggérer que les chefs d'accusation énumérés dans notre exception soient

5 supprimés ou, subsidiairement, que toute référence faite aux Conventions

6 de Genève et à ses protocoles dans ces chefs d'accusation soit supprimée.

7 Ceci nous paraît être une question purement de droit, qui peut

8 et doit être tranchée dès maintenant par la Chambre de première instance.

9 Les articles 2 et 3, et ceci constitue notre deuxième argument, sont

10 limités à des infractions commises dans le contexte d'un conflit armé

11 international. La portée des articles 2 et 3, à cet égard, est, d'après

12 nous, une question qui relève du droit et doit, dès lors, être tranchée

13 avant le début du procès.

14 Ceci est différent de l'application de cette portée aux faits,

15 lorsqu'il s'agira de déterminer, au niveau des faits, si oui ou non il y a

16 conflit armé international. Ce que nous disons ici ou ce qui nous

17 intéresse ici, c'est la question de la portée. Là, le recours serait de

18 supprimer les chefs que nous déterminons dans notre requête parce qu'il

19 n'y a pas de conflit armé international, pas de conflit armé du tout entre

20 les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie dans la région de la

21 vallée de la Lasva pour ce qui est de la période couverte par l'acte

22 d'accusation, que ce recours soit accordé aujourd'hui à un moment

23 déterminé par la Chambre de première instance, moment qui se situera

24 pendant ou après le procès une fois que les faits auront été examinés.

25 J'aimerais maintenant me tourner, me pencher, plus exactement,

Page 671

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 672

1 sur l'argument même. L'article premier du Statut nous dit que le Tribunal

2 est habilité à poursuivre les personnes présumées responsables

3 conformément aux dispositions du présent Statut. Le Secrétaire général,

4 dans son rapport, nous dit: qu’en vertu du principe nullem crimen sine

5 lege, le Tribunal ne peut appliquer des articles qui sont vraiment au-delà

6 de tout doute », je cite, et qui font, sans aucun doute possible, partie

7 du droit international coutumier étayé ou contrôlé en vertu, au regard des

8 normes, et ce sont les éléments essentiels de notre argument.

9 Nous pensons que la décision prise par la Chambre d’appel dans

10 l'affaire Tadic, cette décision est une erreur reconnue par tous pour des

11 raisons et des arguments que nous avons présentés dans notre exception et

12 dans la réplique.

13 L'erreur tient au fait que, dans l'article 3, on parle de toutes

14 violations du droit international humanitaire qui ne sont pas couvertes

15 par les articles 2, 4 et 5. Deuxième erreur, d'après nous, parce que les

16 conclusions tirées ne sont pas fondées. Je cite : il importe peu de

17 savoir si ces violations graves se sont produites dans le contexte d'un

18 conflit armé international ou interne », dit la citation.

19 Alors que, d'après nous, la conclusion de Tadic est correcte,

20 c'est que la portée de l'article 2 se limite dans sa portée à des

21 situations où il y a un conflit armé international. J'aimerais d'abord

22 m'attarder sur ce premier point, monsieur le Président.

23 Cette Chambre de première instance a toute latitude de décider

24 de la question de savoir si l'article 3 est un problème. Le Procureur nous

25 a dit que la décision, prise par la Chambre d'appel de Tadic, avait force

Page 673

1 de loi, était contraignante pour la Chambre de première instance ; pas

2 d'après nous.

3 Pas d’après nous et pourquoi ? D’abord, parce que les Cours et

4 Tribunaux internationaux ne sont pas liés par des Présidents. Ces

5 précédents peuvent aider à établir une décision, mais ne sont pas

6 contraignants.

7 Deuxièmement, rien dans le Statut ni le Règlement du Tribunal

8 n'indique qu'il faudrait qu'il y ait un effet contraignant sur la Chambre

9 d'appel et ses décisions.

10 Troisièmement, la question de savoir si les décisions de la

11 Chambre d'appel ont un effet contraignant sur les Chambres de première

12 instance, qui ne soit pas la Chambre qui a d'abord jugé de l'affaire,

13 cette question n'a pas été résolue par la Chambre d'appel elle-même.

14 Argument suivant : le Procureur cite la Chambre d'appel ; le

15 Procureur dit avoir respecté cette décision prise par la Chambre d'appel

16 Tadic. Dans notre réplique, nous examinons les décisions, mais la Chambre

17 ne s'est pas considérée liée puisqu’elle a réexaminé la décision.

18 Le Tribunal s'intéresse à des questions très complexes,

19 difficiles. Beaucoup de ces questions sont des premières et il est certain

20 qu'il ne faudrait pas rendre rigides les décisions juridiques prises en la

21 matière. Chaque accusé a le droit à faire entendre, honorablement, sa

22 cause face au droit et aux Cours de justice. Et ceci s'oppose à ce que la

23 décision prise dans la Chambre d'appel Tadic ait un effet contraignant.

24 L'importance de la question soulevée par la défense et

25 l'importance de la faute commise, erreur que nous avons démontrée, à notre

Page 674

1 avis, s'agissant de la décision prise par la Chambre d'appel Tadic, montre

2 qu'il n'est pas possible que la Chambre d'appel suive cette décision. Dans

3 l'intérêt de l'économie judiciaire, même si nous sommes protégés par la

4 Règle qui exige que l'on ne voie les faits qu'à une décision antérieure

5 même si l'on se trouve à un degré supérieur de juridiction, nous estimons

6 que cette Chambre de première instance est libre et doit se sentir libre

7 d'entendre nos arguments, de revoir, de revenir sur les décisions prises

8 par la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic à la lueur des arguments que

9 nous présentons ici, arguments qui sont différents de ceux qui furent

10 présentés précédemment.

11 Et nos arguments portent sur le raisonnement même de la décision

12 de l'affaire Tadic et sur les raisons pour lesquelles ces raisons sont

13 erronées.

14 M. le Président (interprétation). - Voyons l'aspect pratique des

15 arguments que vous nous soumettez. Est-ce que ça ne veut pas dire qu'une

16 grosse partie du travail du Tribunal n'aurait pas de sens ni de finalité ?

17 Est-ce que cela veut dire que chaque Chambre de première instance devra

18 jeter un regard nouveau sur chaque question qui lui sera présentée ? Cela

19 voudrait dire qu'on ne terminerait jamais aucun procès et, en plus, qu'il

20 n'y aurait aucune certitude pour les praticiens du droit et ceux qui sont

21 jugés.

22 M. Smith (interprétation). – Avec votre permission, je dirai

23 ceci : si la règle de l'effet persuasif s'applique, comme il faut le faire

24 dans cette enceinte internationale, ceci devrait déboucher sur une

25 certaine certitude au fil du temps, avec le nombre des affaires qui se

Page 675

1 multiplient. Chacun saura d'où vient une Chambre, ce qu'elle fait, ce sur

2 quoi insiste une Chambre d'appel.

3 Si l’on fait preuve de souplesse aux premières heures de

4 l'examen de questions complexes alors que ces questions sont maintenant

5 soulevées et, quelquefois, niées pour la première fois depuis la deuxième

6 guerre mondiale, ce sont là des moments importants. Il faut vider, aller

7 jusqu'au bout des arguments dans ces premières années. Ceci nous amènera à

8 une certaine certitude car les Chambres de première instance ne vont pas

9 faire fi du raisonnement soumis par la Chambre d’appel dans l’affaire

10 Tadic ou dans d'autres affaires. Mais, il faut qu'elles puissent le faire,

11 qu'elles puissent étudier les questions .

12 En tout cas, tant que la Chambre d'appel ne se sera pas

13 prononcée de façon contraire. Ceci me paraît essentiel pour que la justice

14 internationale et ce système, ici représenté, fonctionne bien.

15 Je crois avoir utilisé les quelque dix minutes qui m'étaient

16 réservées et si nous voulons suivre le calendrier et le respecter, ce que

17 nous devons faire si nous voulons avoir une présentation complète de

18 toutes les exceptions prévues, je ne vais faire que m’attarder sur

19 quelques points des autres arguments.

20 Je me contenterai de dire ceci. Je crois que nous avons

21 démontré, de façon générale et en profondeur, les difficultés et l'absence

22 de logique qui caractérisent la décision prise par la Chambre d'appel

23 alors que les questions sont d'une importance stratégique. Car elles

24 conditionnent l'ensemble de l'article 3 et tout le reste du droit

25 international humanitaire permet son application au niveau de la

Page 676

1 responsabilité pénale individuelle à l'égard d'un accusé. Et ceci ne

2 semble pas être conforme au texte de la Convention de 1907 de La Haye ni

3 avec l'intention qu'avait le Conseil de sécurité. Et nous vous exhortons à

4 tenir compte de la discussion qu'il y avait dans le jugement Celebici sur

5 la nécessité d'avoir une interprétation étroite de Statut en matière de

6 crimes et de crimes de guerre.

7 L'ambiguïté et les critiques qui ont plu après la décision de la

8 Chambre d'appel nous le montrent ; il y a une certaine ambiguïté au niveau

9 de l'article 3 sur la question.

10 Je vous remercie, monsieur le Président, et je passe la parole à

11 ma consoeur.

12 M. le Président (interprétation). - Le Juge Bennouna voudrait

13 poser une question.

14 M. Smith (interprétation). – Oui, monsieur le Président.

15 M. Bennouna. – Merci, monsieur le Président. Je vais parler en

16 français. Est-ce que vous m’entendez ?

17 (Me Smith opine du chef)

18 C'est tout simplement pour, je crois, aider le Tribunal -comme

19 vous l'avez proposé vous-même- à voir plus clair dans ces questions de

20 compétence qui sont des questions essentielles, certainement comme vous

21 l'avez dit, sur lesquelles il faut progresser et au sujet desquelles

22 aussi, aussi bien la doctrine que la pratique internationale, a un certain

23 regard sur ce qui se passe ici.

24 Vous nous avez dit que la base, c'est l'article premier sur la

25 compétence de notre Statut, sur la compétence du Tribunal, qui dit que :

Page 677

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 678

1 Le Tribunal est habilité à juger les personnes présumées responsables des

2 violations graves du droit international humanitaire commises sur le

3 territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 . Et vous avez ajouté la

4 fameuse... les travaux préparatoires, et notamment cette citation du

5 Secrétaire général des Nations-Unies au sujet du principe de l'égalité et

6 du principe de nullem crimen sine lege .

7 Donc, est-ce que vous reconnaissez, monsieur Smith, qu'à travers

8 l'article premier et les travaux préparatoires, ce Tribunal applique non

9 seulement le Statut, le droit conventionnel, mais aussi le droit coutumier

10 international ?

11 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Juge, je vous remercie.

12 Je le dirai de cette façon-ci. Le Tribunal applique le texte de ce Statut

13 du Tribunal ; il y a l'article premier qui renvoie au texte des

14 articles 2, 3, 4 et 5. Son application et son interprétation sont limitées

15 au Statut. Ici, je cite ce membre de phrase : Conformément aux

16 dispositions du présent Statut ». Ce texte a pour confins les textes des

17 articles 2, 3, 4 et 5, et se limite au droit coutumier international qui

18 était d'application au moment des faits incriminés, en tout état de cause,

19 se limite au moment où le Statut a été créé.

20 Est-ce que j'ai ainsi répondu à votre question, monsieur le

21 Juge ?

22 M. Bennouna. - Pas tout à fait. C'est-à-dire vous nous dites

23 qu'en fait, l'article premier renvoie bien sûr au Statut, donc aux

24 articles 2, 3, 5 et 7 etc. Et il renvoie aussi au droit coutumier

25 international tel qu'il existait au moment de l'adoption du Statut ? C'est

Page 679

1 bien ce que j'ai compris de votre intervention ?

2 M. Smith (interprétation). - Sur le dernier point, la limitation

3 au droit coutumier international tel qu'il existait au moment des

4 infractions incriminées, sur ce point, je vous renvoie à ce que disait le

5 Secrétaire général dans son rapport. Il disait que l'intention du Conseil

6 de sécurité, c'était qu'au moment où le Tribunal applique le droit

7 international humanitaire qui est incorporé dans le texte des

8 articles 2, 3 et 4, eh bien il se limite à appliquer ce qui était

9 coutumier en droit international au moment où les infractions ont été

10 supposément commises.

11 Est-ce que, maintenant, j'ai été un peu plus clair ?

12 M. Bennouna. - Ecoutez, voilà ce que j'ai compris de ces

13 clarifications. Au moment où l'infraction est commise, le Tribunal est

14 habilité à appliquer le droit positif international, en ce qu'il comporte

15 les dispositions Statutaires et également le droit coutumier international

16 tel qu'il existe au moment où les infractions sont commises. C'est bien

17 cela ? Parce que le Statut est fondé, renvoie au droit coutumier

18 international.

19 C'est une question très importante et de toutes les façons, je

20 voulais vous faire confirmer cela, mais j'allais dire : cela va de soi.

21 Parce qu'en tant que Tribunal international, nous sommes tenus par la

22 coutume internationale, par les règles qui s’appliquent en-dehors même des

23 conventions internationales et du Statut. C'est cela ?

24 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Juge, voici ce que je

25 crois être en train de dire. Vous l'avez dit, vous êtes tenu, limité par

Page 680

1 le droit coutumier international. Mais, au départ, vous êtes aussi tenu et

2 délimité par le texte même fondateur du Tribunal. Dans la mesure où ces

3 termes, ce texte, incorporent le droit coutumier international qui, lui,

4 dérive des Conventions de Genève pour l'article 2, de la convention de

5 La Haye de 1907 pour l'article 3, dans cette mesure-là, le Tribunal est

6 autorisé à appliquer le droit coutumier international.

7 La question qui se pose est celle de savoir si le Tribunal

8 serait autorisé à appliquer le droit coutumier international de façon

9 abstraite, dans le vide, même ne serait-ce qu'aux fins de l'argument.

10 Emettons une hypothèse : même au cas où le Tribunal n'aurait pas

11 de base statutaire dans les articles 2, 3 et 5. Au départ, effectivement,

12 initialement, vous êtes limité par le Statut fondateur du Tribunal et par

13 ses termes. Mais ce Statut, les auteurs l'ont voulu, bien sûr, ont

14 incorporé dans ce Statut les Conventions de Genève, la convention de

15 La Haye de 1907 qui a été façonnée et qui a façonné aussi. Voici

16 l'argument que je présente.

17 Mme Turkovic (interprétation). - Je vais vous présenter les

18 arguments relatifs à la requête 3.

19 Dans son mémoire en réponse à l’exception préjudicielle n° 3,

20 l’accusation n’a présenté aucun argument visant à réfuter la proposition

21 de la défense selon laquelle la planification et la préparation ne

22 devraient pas être soumises à des sanctions en vertu du Statut.

23 Il s'agit donc de planification et de préparation lorsque le

24 crime n'a pas été ultérieurement commis, ou au moins, qu'il n'y a pas eu

25 de tentative.

Page 681

1 L'accusation a confondu deux concepts de droit pénal : celui de

2 la complicité, qui renvoie à des situations dans lesquelles des personnes

3 peuvent participer à la commission d'un crime, un rôle que les différentes

4 parties au crime peuvent assumer, et celui de la préparation, qui est

5 l'une des étapes dans la perpétration d'un crime.

6 Dans tout son mémoire, l'accusation ne cesse de parler de

7 complicité, ou pour être plus précis, de l'encouragement ou de l'aide ; et

8 pour être encore plus précis, sur le fait d'aider ou d'encourager la

9 perpétration d'actes par le biais d'actes préparatoires lorsque le crime

10 se produit à un stade ultérieur.

11 La défense ne nie pas ce fait et est d'accord, en fait, avec

12 l'accusation, avec les affirmations de l'accusation selon lesquelles le

13 fait d'aider et d'encourager lorsqu'il s'agit d'actes préparatoires est un

14 acte sanctionnable si d'autres critères sont remplis, des critères tel

15 qu'un état mental existant ou bien lorsqu'un crime ou une tentative ont

16 effectivement été commis.

17 Dans son exception préjudicielle d'incompétence n° 3, la défense

18 disait simplement la chose suivante : la simple planification et

19 préparation de crime telles que présentées dans le Statut du Tribunal ne

20 sont pas sanctionnables en vertu du droit coutumier, et ne sont pas non

21 plus sanctionnables en vertu des principes généraux de droit, ni en vertu

22 du droit pénal en vigueur dans l'ex-Yougoslavie. J'ai ici un document à

23 vous distribuer, qui vous permettra de mieux suivre mon argument. Je

24 demanderai l'aide de l'huissier, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

25 (L'huissier s'exécute)

Page 682

1 Messieurs les Juges, la défense souhaiterait attirer votre

2 attention sur les parties de l'acte d'accusation dans lesquelles

3 l'accusation accuse les accusés non seulement du fait d'avoir aidé et

4 encouragé la perpétration d'actes préparatoires, mais également de la

5 planification et de la préparation qui n'est pas liée aux actes perpétrés.

6 Je vous demande de garder à l'esprit le fait que l'accusation

7 affirme dans son mémoire en réplique qu'elle accuse les accusés seulement

8 d'avoir participé à la planification et à la préparation des crimes commis

9 ultérieurement.

10 Qu'avez-vous sous les yeux ? Il s'agit du texte même de l'acte

11 d'accusation dans lequel il est dit la chose suivante. Dans le chef

12 d'accusation 1, au paragraphe 36 -c'est d'ailleurs ce que vous avez sous

13 les yeux- à la troisième ligne, il est dit : Dario Kordic a causé,

14 planifié, été à l'origine -ou organisé dans la version française-,

15 ordonné, ou commis, aidé ou encouragé la planification, la préparation ou

16 l'exécution d'un crime ».

17 Cette formulation signifie que chacun des éléments suivants, le

18 fait d'avoir commis ou organisé etc., ces éléments, donc, sont

19 indépendants les uns des autres, et que le Procureur accuse les deux

20 accusés d'avoir commis un crime, planifié un crime, organisé un crime,

21 ordonné ou commis un crime, aidé ou encouragé un crime. C'est le même

22 libellé que le Procureur utilise dans tous les chefs d'accusation.

23 Tout d'abord, la défense voudrait exprimer sa surprise, car même

24 après avoir modifié l'acte d'accusation, le Procureur continue encore de

25 reprocher aux accusés d'avoir causé un crime. Or, ceci n'est absolument

Page 683

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 684

1 pas justifié, aucune responsabilité ne peut émaner du simple fait d'avoir

2 causé un crime. Nous pensons que ceci est tout à fait contraire aux

3 critères qui doivent s'appliquer pour déterminer une intention délictueuse

4 en droit pénal ou pour qu'il y ait responsabilité.

5 Passons maintenant au texte suivant, à la troisième phrase :

6 Dario Kordic a planifié un crime ». Concentrons-nous sur ce mot un

7 instant. Il est clair, étant donné l'utilisation faite des virgules et du

8 ou , que l'accusation accuse les deux accusés d'avoir planifié les

9 crimes, que le crime ait été commis ou non à une phase ultérieure.

10 Ceci permet de présenter la planification comme une préparation,

11 et comme la défense l'a prouvé dans son exception préjudicielle

12 d'incompétence n° 3, ceci est contraire au droit pénal coutumier, ceci est

13 contraire aux principes généraux du droit, et ceci est contraire au droit

14 pénal en vigueur en ex-Yougoslavie, ou tel qu'il existe ou tel qu'il est

15 en vigueur dans les pays nés de la dissolution de l'ex-Yougoslavie.

16 L'accusation affirme dans son mémoire que les accusés sont

17 accusés d'avoir participé à la planification et à la préparation d'un

18 crime qui s'est produit par la suite. Cette affirmation n'enlève rien au

19 fait que la défense doit se plaindre des choses suivantes : tout d'abord,

20 la défense ne saura pas si le Procureur a accusé l'accusé de préparation

21 seulement d'un crime qui a été commis, jusqu'à ce que le Procureur

22 présente ces éléments de preuve. Comment pouvons-nous le savoir ? Il est

23 évident que le texte même de l'acte d'accusation ne nous dit pas quels

24 sont les éléments qui vont être présentés par le Procureur. Par

25 conséquent, le terme planification devrait être éliminé.

Page 685

1 Le terme planification et préparation est également utilisé

2 dans un autre contexte, c'est le quatrième paragraphe que vous voyez sur

3 la liste. Vous voyez que la conjonction de coordination ou est utilisée

4 avant le mot exécution . Par conséquent, les deux accusés se voient

5 reprocher d'avoir aidé et encouragé, puis d'avoir planifié, aidé et

6 encouragé la préparation puis l'exécution. Et les premiers termes employés

7 s'il n'y a pas eu de crime qui a été commis à une date ultérieure », eh

8 bien ces deux termes sont contraires au droit coutumier, au droit

9 international, au droit pénal, aux principes généraux de droit pénal et au

10 droit pénal tel qu'il existait en ex-Yougoslavie et celui qui est en

11 vigueur aujourd'hui.

12 L'accusation ne devrait pouvoir conserver que la troisième

13 proposition, à savoir le fait d'aider et d'encourager l'exécution d'un

14 crime, mais les mots planification » et préparation » devraient être

15 éliminés. En éliminant ces mots, l'accusation pourra encore accuser les

16 deux accusés d'avoir aidé et encouragé par des actes préparatoires à

17 l'exécution d'un crime. Mais le Procureur ne pourra pas se prévaloir de

18 ces accusations, d'avoir aidé et encouragé, et la planification, et la

19 préparation, si le crime n'a pas été commis par la suite ou si aucune

20 tentative n'a été faite.

21 Le résultat auquel nous parvenons aujourd'hui est tout à fait

22 illogique, le résultat que nous pouvons lire dans l'acte d'accusation ;

23 permettre au Procureur de reprocher aux accusés d'avoir aidé et encouragé

24 et planifié est impossible. Dans ce cas-là, le complice -à une telle

25 activité- pourra voir sa responsabilité engagée. Or, nous savons que ceci

Page 686

1 ne peut être le cas que si le crime principal a été commis ou que si une

2 tentative a été faite. Or, nous n'avons pas ce crime sous les yeux. Par

3 conséquent, il serait tout à fait illogique de donner au Procureur la

4 possibilité de faire ceci.

5 Afin de résumer, la défense demande la chose suivante, à savoir

6 que les mots causé , planifié et préparé doivent être éliminés de tous

7 les chefs d'accusation présentés dans l'acte d'accusation. Il faut donc

8 pouvoir lire : Organisé, ordonné ou commis, aidé ou encouragé ». Ainsi,

9 l'acte d'accusation pourra présenter tous les griefs que l'accusation

10 reproche aux accusés et qui figuraient dans son mémoire en réponse à

11 l'exception préjudicielle d'incompétence n° 3 déposée par la défense.

12 M. le Président (interprétation). - Juge Robinson ?

13 M. Robinson (interprétation). - Sur quels arguments vous fondez-

14 vous pour dire que, en vertu du droit coutumier international, la

15 planification d'un crime n'est pas un crime en soi ?

16 Mme Turkovic (interprétation). - Si vous avez lu -et je suppose

17 que c'est le cas- le mémoire en réplique ou en réponse de l'accusation,

18 vous verrez qu'en différents endroits, l'accusation affirme que la

19 planification et la préparation étaient effectivement sanctionnables et

20 l'ont été au cours de la Seconde Guerre mondiale. Si vous le souhaitez,

21 j'ai ici un document qui pourra vous aider à y voir plus clair, si

22 j'arrive à remettre la main dessus.

23 Puis-je demander à l'huissier de distribuer ce document, s'il

24 vous plaît ?

25 (L'huissier s'exécute)

Page 687

1 Si vous regardez le document qui vous est distribué sur le

2 tableau, qui provient du procès de Nüremberg, vous verrez qu'il a été

3 décidé que la planification et la préparation dans une guerre d'agression

4 est pénalisable, sanctionnable. On ne trouve pas ce texte soit lorsqu'il y

5 a des crimes de guerre, soit des crimes contre l'humanité.

6 Par conséquent, ce libellé de planification et de préparation

7 correspond à une criminalisation de ces deux derniers faits en soit et

8 existe lorsque des crimes contre la paix sont commis. D'autre part, dans

9 ce dernier paragraphe qui ne parle pas simplement de simple préparation ou

10 planification, mais de conspiration, il a été décidé au cours des procès

11 que la conspiration ne faisait référence qu'à des crimes contre la paix.

12 L'accusation donne différents exemples dans lesquels il cite le

13 texte faisant référence à de vraisemblables préparations ou de présumées

14 préparations. Et l'accusation dit que, étant donné l'existence de ce

15 texte, le Tribunal sanctionnait, en fait, des actes préparatoires. Je dois

16 dire que j'ai été très satisfaite lorsque j'ai vu la réponse de

17 l'accusation dans son mémoire et je suis heureuse que nous soyons d'accord

18 sur le fait que les exemples donnés sont des actes préparatoires. Et vous

19 le savez, il est très difficile d'établir la frontière entre ce qui est un

20 acte préparatoire et ce qui est une étape substantive de l'exécution d'un

21 crime.

22 Les Juges, lorsqu'ils ont jugé des crimes commis au cours de la

23 Seconde Guerre mondiale, ont estimé que des exemples donnés n'étaient pas

24 des actes préparatoires mais des étapes de l'exécution d'un crime.

25 Cependant, à l'époque, pour moi, il s'agit d'actes préparatoires comme

Page 688

1 pour l'accusation. Mais, à l'époque, ils ont été considérés comme étant

2 des étapes d'exécution. Mais, à l'époque, ils ont été considérés comme

3 étant de tels actes de commission d'un crime.

4 Si l'on regarde le Statut de la Cour pénale internationale, donc

5 permanente, vous ne trouverez pas les termes de planification et de

6 préparation . Si l'on examine le droit en vigueur dans de nombreux pays,

7 on ne trouvera pas non plus ce langage, cette préparation ou cette

8 planification . Et selon ces droits, ces deux actes ne sont pas

9 sanctionnables.

10 On verra même certains droits de certains pays dans lesquels il

11 est expressément interdit de punir la préparation en soit. Pourquoi ? Eh

12 bien, pendant un certain temps, ces actes ont été sanctionnables, et afin

13 d'imposer une limite, certains textes de lois maintenant ont décidé

14 d'interdire expressément que de tels actes soient sanctionnés.

15 M. le Président (interprétation). - Merci. La défense veut-elle

16 s'exprimer par la bouche d'une autre personne ?

17 Eh bien dans ce cas, nous nous tournons vers l'accusation.

18 Pourriez-vous être le plus bref possible ?

19 M. Nice (interprétation). - C'est Me Dixon qui va parler de la

20 première requête et je traiterai la seconde.

21 M. Dixon (interprétation). - Pour répondre, messieurs les Juges,

22 aux arguments de la défense selon lesquels seule la Convention de La Haye

23 de 1907 est incluse dans l'article 3, l'accusation estime qu'il est bien

24 établi que, depuis 1907, l'ensemble du droit humanitaire international

25 s'est élargi de façon tout à fait considérable. Il y a eu les Conventions

Page 689

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 690

1 de Genève de 1929, mais également celles qui ont été adoptées en 1949. Et

2 dans ces Conventions qui étaient applicables uniquement à des conflits

3 armés internationaux, une disposition a été prévue. Il s'agit de

4 l'article 3 commun à toutes les conventions qui s'applique également à des

5 conflits armés qui ne sont pas internationaux.

6 Il est accepté que les dispositions de l'article 3 commun

7 s'appliquent à tous les conflits et la Cour internationale de justice a

8 déclaré que ces dispositions sont des considérations élémentaires

9 d'humanité qui s'appliquent à tous les conflits, qu'il s'agisse de

10 conflits internationaux ou internes.

11 Après l'adoption des Conventions de Genève en 1977, deux

12 Protocoles additionnels ont été adoptés : l'un s'appliquant aux conflits

13 armés internationaux et l'autre, le deuxième Protocole additionnel

14 s'appliquant à des conflits armés internes. L'accusation estime que toutes

15 ces dispositions de droit humanitaire international sont couvertes par les

16 lois et coutumes de la guerre telles que prévues par l'article 3 du

17 Statut. Par conséquent, il ne s'agit pas seulement des dispositions de la

18 Convention de La Haye de 1907.

19 La seule exception est la disposition des infractions graves aux

20 Conventions de Genève de 1949 que reprend le Tribunal et d'ailleurs ce

21 Tribunal a la possibilité de poursuivre des personnes présumées

22 responsables de crimes au titre de l'article 2 de ce Statut à ce titre.

23 Pourquoi ? Pour trois raisons. Tout d'abord, parce que le

24 Tribunal a pour mission de poursuivre toutes les violations graves du

25 droit international humanitaire. Il s'agit du texte qui figure à

Page 691

1 l'article 1 du Statut, et le Tribunal peut le faire en incorporant toutes

2 les violations graves du droit international humanitaire dans l'article 3.

3 D'autre part, il est question des lois et coutumes de la guerre.

4 La liste n'est pas exhaustive. Il y est dit inclus , sens illimité, etc.

5 Troisièmement, des déclarations faites par des membres

6 importants du Conseil de sécurité, lorsque le Statut a été adopté et suite

7 à son adoption, montrent que le Conseil de sécurité avait pour intention

8 d'inclure plus que les simples dispositions présentées dans le Statut. Il

9 est question de l'article 3 commun et des traités et accords contraignants

10 pour les parties au conflit.

11 D'autre part, la Chambre d'appel de ce Tribunal a décidé que

12 l'article 3 englobe, effectivement, toutes les violations graves du droit

13 international humanitaire et cette décision a été reprise par des Chambres

14 de première instance de ce Tribunal et du Tribunal pour le Rwanda.

15 Nous invitons cette Chambre à confirmer l'arrêt de la Chambre

16 d'appel et nous souhaitons affirmer que, si l'une des fonctions

17 principales de la Chambre d'appel est d'assurer la cohérence, la certitude

18 et la finalité des décisions prises dans le cadre de ce Tribunal sur des

19 questions similaires, à savoir sur la compétence du Tribunal et sur sa

20 pratique, eh bien ceci ne peut être réalisé que si le Tribunal donne un

21 effet réel aux décisions et aux arrêts de la Chambre d'appel.

22 La Chambre d'appel a estimé que l'article 3 commun et les

23 dispositions relatives à des attaques dans les Protocoles additionnels 1

24 et 2 -relatives donc à des attaques illégales contre des civils et des

25 biens appartenant à des civils, ces dispositions qui sont reprises dans

Page 692

1 l'acte d'accusation dans sa forme actuelle- la Chambre d'appel a décidé

2 que ces dispositions étaient incluses dans l'article 3 de notre Statut

3 parce qu'elles font partie du droit coutumier international pour les deux

4 conflits au moment où les crimes ont été commis, où les délits ont été

5 commis et qu'ils entraînent l'existence d'une responsabilité pénale

6 individuelle également. Ces traités sont contraignants vis-à-vis des

7 parties existant en ex-Yougoslavie.

8 Pour toutes ces raisons, l'exception préjudicielle de la défense

9 devrait être rejetée et les charges qui sont énoncées au titre de

10 l'article 3 du Statut doivent être maintenues dans l'acte d'accusation.

11 M. Nice (interprétation). - Pour ce qui est de l'exception

12 préjudicielle 3 qui est relative à la planification, nous avons dit que,

13 dans le cadre du droit international humanitaire, ce principe est déjà

14 établi. Nous avons cité des sources de droit. Vous savez qu'aux Cours de

15 Nuremberg, il n'a pas été fait référence directement à la planification,

16 même s'il y a eu des condamnations vis-à-vis de ceux qui avaient participé

17 à la planification, que les crimes aient été commis ou non.

18 Le Tribunal sait également que la loi n° 10 du Conseil de

19 contrôle, la charte en application dans le cadre du tribunal américain

20 pour des procès qui ont eu lieu ultérieurement et dans le Code pénal

21 français, également impliqué dans le cas de procès ultérieurs auxquels

22 nous faisons référence d'ailleurs, il est spécifiquement question de la

23 planification -en utilisant le mot d' association ou des mots similaires.

24 Dans notre Statut, les dispositions et des termes spécifiques sont

25 utilisés.

Page 693

1 Le Tribunal sait que des Chambres de première instance -ici et

2 au Rwanda- qui n'ont qu'une importance persuasive, mais que la Chambre

3 doit néanmoins garder à l'esprit, ces Chambre ont indiqué l'ensemble des

4 situations qui peuvent être potentionnellement couvertes par cet article.

5 La position est la suivante. L'article 7-1 décrit un grand

6 ensemble de situations possibles et de participations possibles.

7 Alternativement, tous ces éléments seraient suffisants, et il n'y a aucune

8 raison à ce stade pour ne pas laisser en l'état l'acte d'accusation parce

9 qu'il s'agit, comme toujours, d'une question mixte, de faits et de droit.

10 M. le Président (interprétation). – Merci. Maître Smith ?

11 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Président, pour

12 répondre aux arguments de l'accusation, nous dirons que nous y avons déjà

13 répondus, dans une large mesure, dans notre mémoire.

14 Je voudrais simplement parler en bref de l'effet persuasif de

15 l'arrêt Tadic. Je dirai que l'accusation a estimé dans son mémoire que sa

16 décision a été unanime, mais en fait, le Juge Lee a exprimé une opinion

17 divergente à la fois sur les deux questions que nous avons abordées, même

18 s'il considère qu'il y a conflit armé international. Nous avons parlé de

19 cela à la page 25 de notre mémoire.

20 D'autre part, pour ce qui est des déclarations des membres du

21 Conseil de sécurité, je dirais qu'elles ont été faites ultérieurement à

22 l’adoption du Statut, et comme nous l’avons dit dans notre mémoire,

23 personne n'aurait pu faire objection lorsque la question s’est posée à

24 l'époque. Les deux décisions citées par l'acte d'accusation doivent faire

25 l'objet d'un examen soigneux. Aucune de ces décisions, à notre avis, ne

Page 694

1 vient soutenir la proposition selon laquelle les déclarations formulées,

2 suite à l'adoption du Statut par des membres du Conseil de sécurité, ne

3 doivent avoir d'effet persuasif.

4 Dans l'affaire Namibi, par exemple, rien n'est dit des

5 résolutions ou du texte qui a été utilisé après les actions du Conseil de

6 sécurité, mais il est simplement question, en termes généraux, de

7 l'interprétation et du texte qui a été utilisé avant l'adoption.

8 Enfin, pour ce qui est de la question des traités en vigueur en

9 Yougoslavie, j’attire votre attention sur la page 39 de notre mémoire

10 préliminaire. Nous parlons de cette question, nous demandons si

11 effectivement il y a des traités qui sont contraignants pour la

12 Yougoslavie, et nous pensons qu'il n'y en a pas. Et ce, pour trois

13 raisons.

14 La raison principale étant que, à mon avis, ces questions

15 abordées dans le droit yougoslave, dans le premier Protocole, dans le

16 deuxième Protocole, dans les Conventions de Genève, ne s'imposent pas

17 d'elles-mêmes et ne sont pas contraignantes sur les individus qui vivent

18 en Yougoslavie.

19 Mme Turkovic (interprétation). - J'aimerais ajouter quelques

20 éléments au sujet de ce dernier point puisque je viens de l'ex-

21 Yougoslavie, donc j'ai une idée peut-être un peu plus clair sur ce sujet.

22 Voyez-vous la constitution de l'ex-Yougoslavie prévoyait une

23 application directe des traités mais pour s’appliquer directement il

24 fallait qu'ils soient exécutoires par eux-mêmes. Dans la Convention de

25 Genève, seules les infractions graves sont exécutables par elles-mêmes,

Page 695

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 696

1 donc seules quelques dispositions sont applicables de cette façon dans le

2 droit yougoslave.

3 C'était une précision que je voulais apporter.

4 Et puis j'aimerais reprendre les éléments qui ont été évoqués eu

5 égard à l'exception préjudicielle n° 3, portant sur la compétence. Nous

6 avons déjà abordé la question de la charte de Nüremberg, et aux propos qui

7 ont déjà été tenus j'aimerais ajouter la chose suivante : le libellé

8 utilisé par le Procureur est un libellé qui porte sur des actes

9 éventuellement préparatoires, mais qui ne sont pas nécessairement des

10 éléments de préparation ; dans le cadre du langage utilisé par le Tribunal

11 de Nüremberg.

12 Le Tribunal de Nüremberg n’a jamais dit nulle part qu'il prenait

13 en compte des actes préparatoires et qu'il sanctionnait des actes

14 préparatoires. Il a dit précisément que des actes préparatoires n'étaient

15 sanctionnables que s'ils étaient liés à des crimes contre la paix. Donc la

16 seule conclusion que nous sommes habilités à en tirer, connaissant le

17 droit international, c'est que ces actes étaient considérés comme des

18 étapes importantes de la commission d'un crime. D'où les exemples que j'ai

19 fournis, exemples d'actes qui étaient sanctionnables à l’époque.

20 Mais s'agissant de la loi de contrôle du conseil n° 10, dans

21 cette loi, article 2, paragraphe 1, nous lisons précisément que : « La

22 planification et la préparation d'un crime contre la paix ne sont

23 punissables qu'en tant que crime contre la paix ». L'article 2

24 paragraphe 2 stipule : « Qu’il est possible de sanctionner des actes liés

25 à la planification ou à des entreprises impliquant la commission ». De ces

Page 697

1 termes, nous pouvons déduire que selon la loi n° 10 du conseil, un acte

2 peut être sanctionnable, s'il s'agit de planification, mais il n'est pas

3 considéré comme préparation nécessairement.

4 Et puis, si l'on reprend encore une fois cette loi n° 10, on se

5 souvient qu'elle a été largement critiquée par la suite. Elle a été

6 considérée comme contredisant les principes fondamentaux de la

7 responsabilité pénale, et c'est ce que l'on peut lire dans les traités qui

8 ont suivis.

9 Par ailleurs, dans certaines affaires, le Juge Blair en

10 particulier, a déclaré que les procès qui ont été jugés, selon la loi de

11 contrôle n° 10, n'avaient pas pour but d'établir sur le plan législatif de

12 nouveaux crimes applicables internationalement. Et vous lirez cette loi

13 n° 10, vous verrez qu'elle n'a aucunement pour but d'établir un nouveau

14 précédent international car elle était considérée comme applicable par un

15 Tribunal allemand et pas par un Tribunal international dans les affaires

16 que je viens d'évoquer.

17 D'autre part, le Procureur cite l'article 60 du Code pénal

18 français. Je dois dire que le Procureur commence la citation au milieu de

19 la phrase en laissant tomber le début de la phrase or, ce début de phrase

20 est important. Le début de la phrase stipule ce qui suit : A aider ou

21 encourager les auteurs d'un crime ou d'un acte préparatoire etc. . Donc,

22 ce document parle de complicité, il ne parle pas simplement de

23 préparation ou simplement de planification . Donc, encore une fois,

24 c'est un exemple qui n'est pas satisfaisant.

25 Et puis on nous donne l'exemple du procès des criminels de

Page 698

1 guerre volume 15, page 49, et le titre du paragraphe est : « Dispositions

2 liées à la complicité ». Donc, tout ce qui est stipulé dans ce texte porte

3 sur la complicité et pas sur une simple préparation ou sur une simple

4 planification considérées comme acte de préparation.

5 J'ai déjà dit qu'au terme du Statut de l’ICC, on ne trouve pas

6 ce libellé. Au début, ce libellé était présent en raison du libellé

7 utilisé dans le Statut actuel. Mais par la suite, il a été constaté que

8 cela n'avait pas de sens et que ces termes n'étaient pas conformes au

9 droit pénal international.

10 Le libellé utilisé dans l'article 7 actuellement est le même que

11 celui utilisé dans l'acte d'accusation mais cela ne signifie pas que ce

12 libellé n'est pas en contradiction avec ce que nous trouvons dans le droit

13 coutumier ou ce que nous trouvons dans le droit pénal. Ce libellé est en

14 fait totalement illogique, comme je vous l’ai montré, il ne comporte rien

15 qui stipule qu’une simple préparation soit sanctionnable. Dans ce libellé,

16 il n'y a rien. Mais, ce qui est stipulé, c'est qu'encourager ou aider à la

17 préparation est sanctionnable. Comment serait-ce possible ? Ce

18 serait contraire à ce tout ce que l'on trouve dans le droit pénal.

19 Malheureusement, il apparaît à la défense que ce Statut a été

20 rédigé par des personnes qui étaient de grands experts en droit pénal

21 international mais qui, parfois, ne connaissaient pas suffisamment bien le

22 droit pénal. D'où les résultats assez insuffisants que l'on constate

23 parfois si on lit ce texte dans la perspective du droit pénal

24 international.

25 M. le Président (interprétation). – Monsieur le Juge Bennouna,

Page 699

1 vous avez la parole.

2 M. Bennouna. – Madame, je voudrais poser une question à Mme

3 Turkovic.

4 D'abord, je constate qu'il y a une certaine contradiction ou

5 vous n'êtes pas tout à fait en harmonie avec ce que nous a dit M. Smith

6 tout à l'heure. C'est-à-dire, qu'en fait, vous nous dites qu'il faut,

7 quels que soient les dispositions du Statut, il faut revenir au droit

8 coutumier. C'est ce que je comprends dans votre intervention. Donc,

9 l'article 7-1 doit être lu à la lumière du droit coutumier ; donc,

10 l'ensemble du Statut doit être lu à la lumière du droit coutumier.

11 Ma question est la suivante : vous dites que, finalement, ceux

12 qui ont élaboré ce Statut ne connaissaient pas le droit criminel ou le

13 droit pénal. Ma question est la suivante : est-ce que vous ne croyez pas

14 qu'il y a une particularité du droit humanitaire international dans ce

15 droit criminel, dans ce droit pénal, et que, normalement, en particulier,

16 et que notamment il y a une grande particularité de ce que l'on appelle

17 les crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité.

18 Et est-ce que ce n'est pas pour cela que l'on parle de

19 planifier, inciter, commettre, ordonner etc. dans ce type de crimes qui,

20 comme vous le savez, parfois, sont des crimes commis à grande échelle et

21 qui nécessitent certains moyens qui ne sont pas ceux des crimes de droit

22 commun ?

23 Voilà ma question. N'y a-t-il pas une particularité dans les

24 crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité ? Je vous remercie.

25 Mme Turkovic (interprétation). - Eh bien, je voudrais commencer

Page 700

1 par la première remarque que vous avez formulée, à savoir que j'ai

2 contredit légèrement les propos de Me Smith. Ce n'est pas mon sentiment,

3 Me Smith a dit que le Statut devait être interprété, que ce que l'on

4 trouvait dans le Statut devait être interprété à la lumière du droit

5 coutumier international. Et c'est exactement ce que j'ai dit, j’ai dit que

6 l'article 7 devait être interprété à la lumière du droit coutumier

7 international.

8 Et puis, voyez-vous -je ne vais pas entrer dans le détail- mais

9 le droit pénal comporte un grand nombre de théories très spécifiques et

10 très élaborées, notamment si l'on se penche sur le droit pénal applicable

11 dans les pays de droit romain.

12 Il est permis de penser que ces personnes, très versées dans les

13 crimes contre l'humanité ou les crimes contre la paix, ne vont pas entrer

14 dans le détail de savoir si la préparation est sanctionnable ; qu'est-ce

15 que aider et encourager en France, en Allemagne ; comment concilier

16 l'ensemble de ces éléments ?

17 Je sais que tous ces crimes sont très complexes et je veux bien

18 croire que les auteurs de la charte de Nüremberg et de la charte de la

19 Cour internationale de justice avaient tout cela à l'esprit. Mais,

20 néanmoins, ils n'ont pas rédigé ces documents en stipulant que la

21 planification de crime de guerre ou la planification d'autres crimes est

22 sanctionnable. Et je pense, très profondément, que les termes utilisés

23 sont ceux du Statut de la Cour internationale de justice. La Cour

24 permanente, pardon.

25 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous allons

Page 701

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 702

1 maintenant passer à l'exception concernant la forme de l'acte

2 d'accusation.

3 Je vois que Me Smith a eu l'amabilité de nous présenter un plan.

4 Maintenant, il vous appartient de décider qui va présenter tel ou tel

5 argument. Mais ce que nous souhaitons, c'est entendre tous les arguments

6 de la défense avant de donner la parole au Procureur.

7 Cela étant, il y a une question que j'aimerais adresser à

8 Me Kovacic.

9 Votre client a demandé, n’est-ce pas, une intervention

10 particulière par rapport au chef de l'acte d'accusation, et je me

11 demandais si vous souhaitiez intervenir sur ce point dans le cours de

12 l'après-midi. Peut-être serait-ce le bon moment, actuellement, pour le

13 faire ? Si tel était votre désir.

14 M. Kovacic (interprétation). – Oui, monsieur le Président, je

15 peux le faire maintenant. La défense de M. Kordic abordera également le

16 problème de la forme de l'acte d'accusation. L'exception préjudicielle

17 concernant les éléments particuliers porte sur des éléments similaires,

18 donc je pense que nos arguments peuvent être présentés en deux parties.

19 Donc, je pourrai prendre la parole au moment où nous arriverons à ce stade

20 des débats.

21 M. le Président (interprétation). - Dans ces conditions, je vous

22 propose, lorsque vous souhaitez prendre la parole, de nous le faire savoir

23 ou de prendre la parole à la fin, après les autres conseils de la défense.

24 Mais, en tout état de cause, il convient de traiter de ce point.

25 M. Kovacic (interprétation). – Eh bien, si vous me donnez le

Page 703

1 choix, j'aimerais parler après Me Geneson. J'aborderai à ce moment-là les

2 éléments du débat qui se distinguent de ceux qui auront été présentés par

3 Me Geneson.

4 M. le Président (interprétation). - Très bien.

5 M. Smith (interprétation). – Merci monsieur le Président.

6 Eh bien, nous présenterons ces exceptions de la façon suivante :

7 je présenterai les arguments relatifs à la multiplicité des charges ;

8 Me Geneson parlera des éléments trop vagues dans l'acte d'accusation ; et

9 Me Kovacic prendra la parole ensuite sur le même sujet. Après quoi,

10 Me Geneson présentera les arguments liés à la requête 7-3 et à la forme de

11 l'acte d'accusation n° 3. Puis, je prendrai la parole pour traiter de

12 l'exception n° 4 et du lien à établir avec un conflit armé international.

13 Comme notre ordre du jour l'indique, nous en terminerons avec

14 l'exception n° 5 qui traite de tous les éléments liés à l'article 2D et à

15 l'absence de plaidoyer.

16 Je souhaiterais que les documents que j'ai entre les mains

17 soient distribués ; j’en ai un certain nombre d'exemplaires pour les Juges

18 et pour les membres du bureau du Procureur.

19 (L'Huissier s'exécute)

20 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Président, l'exception

21 préjudicielle relative à la forme de l'acte d'accusation, l'exception

22 n° 1, traite du fait que le Procureur reproche aux accusés plusieurs

23 infractions relatives au même acte. Nous disons qu'il conviendrait de

24 rejeter l'ensemble de ces charges ou, alternativement, que le Procureur

25 réduise ces accusations en vertu de l'article 5, paragraphe h du Statut du

Page 704

1 Tribunal qui porte sur la persécution.

2 Après quoi, d'autres éléments de l'acte d'accusation devraient

3 être supprimés selon le mémoire que nous avons déposé et la logique de

4 notre argumentation.

5 Donc, monsieur le Président, messieurs les Juges, si vous êtes

6 d'accord avec la logique de notre argumentation, vous en arriverez à la

7 conclusion que nos demandes sont justifiées.

8 Je commencerai par dire que les systèmes pénaux du monde entier

9 ont élaboré des dispositions qui empêchent de poursuivre les mêmes actes

10 de diverses manières et ce, parce qu'ils ont estimé qu'une telle démarche

11 était fondamentalement inéquitable.

12 C'est ce que nous disons dans notre mémoire : les principes de

13 multiplicité présents dans le droit commun sont repris dans les

14 dispositions du droit romain et il en existe plusieurs formes que nous

15 évoquons dans le détail dans notre mémoire écrit.

16 Les pratiques, qui ont été mises en vigueur par des Juges au

17 cours des années, sont également stipulées dans notre mémoire écrit et

18 cherchent à rendre la justice, à défendre l'accusé contre un préjudice

19 tout à fait manifeste que nous évoquons ; l'accusé ne devant donc pas être

20 poursuivi à plusieurs titres pour le même acte. Et enfin, ces dispositions

21 avaient pour but d'éviter tout abus de la part du Procureur.

22 En effet, les Procureurs, dans le monde entier, ont un pouvoir

23 extraordinaire et les Tribunaux sont les institutions les plus appropriées

24 pour garantir que le Procureur présente ses arguments de la façon la plus

25 correcte qui soit, en vertu des dispositions adoptées et applicables dans

Page 705

1 le monde entier.

2 Tout cela, en outre, permet une économie de moyens judiciaires

3 et nous savons bien ici que nous avons affaire à une multiplicité de chefs

4 d'accusation qui s'appuient chacun sur des éléments distincts, qui portent

5 sur des villages et des lieux différents. Dans chacun des cas, tous les

6 éléments compris dans tous les chefs d'accusation et relatifs à tous les

7 lieux évoqués devant faire l'objet d'une preuve apportée par le Procureur

8 au-delà de tout doute raisonnable. Nous indiquons dans notre mémoire écrit

9 les diverses difficultés qu'il peut y avoir à faire le tri de ce qui a

10 effectivement été prouvé, compte tenu du volume gigantesque des éléments

11 de preuve que le Procureur est appelé à présenter puisqu'il doit prouver

12 chacun des points de l'acte d'accusation.

13 J'aimerais, à ce stade, vous apporter quelques arguments qui

14 prouveront qu'il y a bien multiplicité de charges dans cet acte

15 d'accusation, et je voudrais que nous essayions de voir ce qui est

16 illustré dans cet acte. L'article 5 H reprend plusieurs éléments évoqués

17 au paragraphe 37 de l'acte d'accusation, mais également dans le chef n° 1

18 et dans tous les autres chefs de l'acte d'accusation. Nous le démontrons

19 grâce au tableau 1 qui est annexé à notre mémoire écrit, et cette

20 démonstration est également apportée par le tableau que vous voyez ici,

21 sur lequel nous voyons à gauche -je suis sûr que vous ne pouvez pas lire

22 ce qui est inscrit dans cette colonne de gauche-, mais vous y trouverez

23 les éléments relatifs au paragraphe 37 qui établit les différents éléments

24 constitutifs du chef d'accusation de persécution, ces différents éléments

25 étant présentés avec des couleurs différentes.

Page 706

1 Comme vous le voyez, dans les paragraphes liés aux autres chefs

2 d'accusation de l'acte qui sont dans les colonnes situées à droite de la

3 colonne de gauche, vous constaterez qu'il y a reprise de l'accusation

4 portée dans la colonne de gauche. Donc, chaque fois qu'il y a reprise d'un

5 élément présenté dans une couleur déterminée à gauche, vous la voyez

6 reprise avec la même couleur dans les colonnes suivantes. Vous avez

7 d'abord une certaine couleur concernant un élément repris dans le

8 paragraphe 37, puis la même couleur utilisée lorsque cet élément constitue

9 une duplication du chef d'accusation et quelque fois même une troisième

10 reprise de ce chef.

11 Et puis, vous verrez que, selon les différents articles de

12 l'acte d'accusation appuyés sur les articles 2, 3 et 5 du Statut, il

13 arrive qu'un même acte soit poursuivi en vertu de l'article 2 ou de

14 l'article 3, auquel cas il y a encore une fois double emploi. Ces doubles

15 emplois sont présentés dans le tableau 2 annexé à notre mémoire écrit.

16 Ayant donc traité de la question de savoir s'il y a multiplicité

17 des charges, je voudrais maintenant me pencher sur la question de savoir

18 si cette Chambre de première instance a toute liberté pour se pencher sur

19 cette question. Et ma réponse est oui, car il n'existe pas d'arrêt de la

20 Chambre d'appel en vertu des dispositions impliquant la présence de

21 multiplicité de charges. Il y a une décision prise dans l'affaire

22 Kupreskic qui, à mon avis, appuie notre point de vue selon lequel il y a

23 double emploi et multiplicité de charges et que c'est une démarche

24 erronée.

25 C'est sur le Procureur que repose la charge de la preuve, c'est

Page 707

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 708

1 un point très important. C'est le Procureur sur lequel repose la charge de

2 la preuve, c'est à lui qu'il appartient de prouver la réalité de chacun

3 des délits reprochés aux accusés. Et s'il y a multiplicité de charges, il

4 y a différents éléments qui sont pris en compte. Si l'on examine les

5 intérêts impliqués, on trouve un lien entre chacun de ces éléments et le

6 fond des chef d'accusation dans la pratique.

7 Je voudrais redire une nouvelle fois que la forme actuelle de

8 l'acte d'accusation découle de l'article 5 H. C'est ce que l'on constate à

9 la lecture du paragraphe 37. Mais, dans tous les autres chefs

10 d'accusation, les mêmes éléments sont repris. Donc on commence par la

11 lecture du paragraphe 37, on en tire la signification -à savoir qu'il y a

12 eu campagne de persécutions-, ensuite on trouve une liste d'éléments

13 constitutifs et puis, une fois que l'on a cette première liste d'éléments

14 constitutifs, on les trouve repris dans la suite de l'acte.

15 Chaque fois qu'un élément inclut mais n'exclut pas tel autre

16 élément, on le retrouve repris dans la description de ce qui constitue la

17 nature de la persécution.

18 Donc, en bref, c'est une affaire qui s'appuie sur l'article 5 H,

19 tout le reste n'étant qu'addition et multiplication des chefs

20 d'accusation.

21 Nous estimons, comme je l'ai déjà indiqué, que tout cela aboutit

22 à un volume gigantesque d'éléments de preuve que les Juges de cette

23 Chambre auront à prendre en considération. Nous estimons qu'en fait ce

24 procès est exagérément compliqué. C'est un procès qui relève de

25 l'article 5 H, et tous les éléments qui ne relèvent pas de l'article 5 H

Page 709

1 sont des répétitions et doivent être supprimés.

2 Agir de la sorte serait plus juste à l'égard de la défense, plus

3 aisé pour le Tribunal, et n'empêcherait pas le Procureur de présenter tous

4 les éléments de preuve qu'il souhaite soumettre à cette Chambre de

5 première instance et ce, en vertu de l'article 5 H. Car les éléments de ce

6 chef d'accusation ne font que reprendre les accusations portées dans les

7 autres chefs ; l'ensemble des accusations pouvant donc être couvertes par

8 l'article 5 H.

9 Maintenant, si le Procureur ne parvient pas apporter la preuve

10 de ce qu'il prétend -et c'est ce que nous affirmons-, s'il ne parvient pas

11 à prouver ce qu'il prétend en vertu de l'article 5 H, alors nous devons

12 nous pencher sur les autres documents du droit coutumier et du droit

13 romain où nous verrons que le Procureur peut affirmer qu'il a tout de même

14 prouver un certain nombre de choses, un certain nombre d'éléments

15 constitutifs des infractions évoquées. En agissant de cette façon, nous

16 n'aurons pas à nous pencher sur l'ensemble du volume gigantesque des

17 éléments que nous risquons d'avoir sous les yeux, nous traiterons des

18 éléments importants.

19 Et si le Procureur a apporté des preuves par rapport à tel ou

20 tel élément, cet élément sera pris en compte. Maintenant, si le Procureur

21 ne parvient pas apporter les preuves nécessaires -comme nous le pensons-

22 eh bien, le chef d'accusation de persécution ne tiendra plus.

23 Merci, monsieur le Président.

24 M. Robinson (interprétation). - J'ai deux questions à vous

25 adresser, maître Smith. D'abord, vous avez parlé de l'affaire Kupreskic

Page 710

1 qui s'attachait à d'autres intérêts, à d'autres éléments. Et je crois vous

2 avoir entendu dire qu'il y avait cumul des charges. Vous avez affirmé que,

3 si l'on se penchait sur l'acte d'accusation, l'intérêt n'est qu'une

4 reprise d'autres éléments. J'aimerais que vous nous donniez plus de

5 détails à ce sujet.

6 Et puis, en deuxième lieu, vous n'avez pas fait référence à

7 l'affaire Akaïaso qui, à ma connaissance, établit un test très similaire à

8 celui de l'affaire Kupreskic. Mais dans l'alternative, j'aimerais que vous

9 nous parliez de cela également.

10 M. Smith (interprétation). - Eh bien, je cherche une bonne

11 illustration pour répondre à la première partie de votre question,

12 monsieur le Juge. Je crois que la raison pour laquelle dans notre mémoire

13 écrit nous avons stipulé ce que nous avons stipulé, c'est que le droit

14 coutumier et le droit romain ne peuvent se permettre d'être différents sur

15 ce sujet.

16 S'agissant des connaissances que nous avons sur ces points, ces

17 deux droits doivent être cohérents. Et puis, le test est important

18 également parce qu'il permet au Procureur de déterminer les raisons

19 fondamentales de la formulation d'un certain nombre de chefs d'accusation.

20 Cela nous paraît impropre, dirais-je, de recourir à la

21 multiplicité des charges à cette fin.

22 Maintenant si vous le souhaitez, je pourrais chercher une

23 illustration plus valable. Nous pourrions peut-être entendre Me Geneson et

24 je reprendrai la parole ensuite, car je dois trouver dans l'ensemble du

25 mémoire la phrase la plus appropriée.

Page 711

1 M. Robinson (interprétation). - Eh bien je ne vois aucun

2 problème à ce que vous repreniez la parole par la suite.

3 M. le Président (interprétation). – Maître Geneson.

4 M. Geneson (interprétation). – Merci, monsieur le Président, je

5 ferai de mon mieux pour ne pas présenter les arguments qui ont déjà été

6 présentés à ce stade de nos débats et qui figurent dans le texte écrit.

7 Mais je crois qu'il est important pour le Tribunal que l'on montre bien

8 que le rapport du Secrétaire général empêche de formuler des charges

9 fondées uniquement sur l'association.

10 Contrairement à la position adoptée par le Procureur, selon

11 lequel le Tribunal de Nüremberg ne serait pas le fondement du droit

12 applicable dans ce Tribunal, et selon lequel l’association à un parti

13 politique ne serait pas une raison valable pour poursuivre.

14 L'acte d'accusation dans sa forme actuelle établit des charges

15 de Statut, comme je les appellerai, dans les paragraphes 24, 25, 26 ou 27.

16 Peut-être fais-je erreur sur l'un de ces paragraphes, mais en tout cas,

17 dans l'ensemble de ces paragraphes, si je ne m'abuse, il y a une

18 description détaillée d'un certain nombre d’organismes politiques de

19 Bosnie, et il est expliqué que l'accusé Kordic était membre de cet

20 organisme politique pendant quelque temps, et un membre important.

21 Plus loin, dans l'acte d'accusation, nous trouvons des

22 descriptions génériques de comportement répréhensible, et le fondement

23 pour toutes les autres charges se situe au carrefour entre une conduite

24 répréhensible générique et l'appartenance à cet organisme politique. Ce

25 qui n'est pas acceptable.

Page 712

1 Mais il y a pire. Le libellé des charges ne donne aucune

2 description précise des charges qui permettrait à l'accusé de se défendre

3 contre ces accusations. Et je vais maintenant citer des paragraphes

4 précis, notamment les chefs 1 à 13 de l'acte d'accusation qui ont déjà été

5 évoqués par Me Turcovic, et je crois que le Procureur ne les a pas remis

6 en cause.

7 Je ne pense pas que le Procureur prétendrait que l'ensemble de

8 ces éléments doivent être prouvés ensemble, donc je dis bien tous ces

9 éléments et j'insiste sur le terme tous .

10 Si je prends le paragraphe 42, nous lisons : « De janvier 1993 à

11 octobre 1993, approximativement, Dario Kordic, de concert -j'insiste sur

12 ces termes- avec des membres du HZ-HB ou du HR-HB ou du HVO et/ou de

13 concert avec leurs dirigeants, avec les forces armées ou leurs agents, a

14 causé, planifié, incité ou ordonné ou commis ou aidé ou encouragé à

15 planifier ou à préparer ou à exécuter des meurtres, des homicides

16 intentionnels ou de grandes souffrances ou des atteintes graves à

17 l'intégrité physique ou à la santé tant d'un point de vue physique que

18 mental, des actes et des traitements inhumains à l'encontre -et là encore,

19 nous avons un groupe générique que l'on désigne par le terme- de Musulmans

20 de Bosnie dans les villages et les villes suivants ».

21 Je dis, monsieur le Président, que, sur la base de libellés

22 utilisés dans ces chefs d'accusation, personne dans ce prétoire, sauf le

23 Procureur, ne peut savoir qui étaient la ou les victimes. Il s'agit d'un

24 groupe désigné par un terme générique, personne ne peut savoir si ces

25 victimes ont été tuées ou si elles ont été gravement blessées ou si elles

Page 713

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 714

1 ont grandement souffert ou si elles ont subi un traitement inhumain,

2 traitement physique ou mental inhumain, ou de quel traitement il s'agit.

3 Il est impossible de savoir où ces événements se sont déroulés.

4 Hormis 12 villes, il est impossible de savoir dans quelle période ces

5 événements se sont produits, qui les a encouragés, qui a incité à les

6 commettre, qui a aidé ou encouragé à les commettre. Et si on regarde la

7 description des personnes impliquées, on trouve des milliers de personnes

8 puisque les forces armées et leurs agents sont énumérés au nombre de ces

9 personnes.

10 Comment les choses se sont passées ?

11 Dario Kordic est censé avoir été avec ou au côté de ces

12 personnes, de ces centaines de personnes qui appartenaient au même

13 organisme. Donc il est impossible, sur cette base, de savoir comment Dario

14 Kordic a été impliqué dans ces actes. Il s'agit de charges théoriques, il

15 s'agit d'un libellé qui est vague, qui n'est pas précis, on ne peut pas

16 savoir qui a fait quoi, où, quand. Mais Dario Kordic est censé avoir été

17 avec ceux qui ont fait ces choses.

18 Donc, si l'on regarde l'acte d'accusation, on voit immédiatement

19 ce qui manque dans cet acte d'accusation, à savoir une description concise

20 et précise de ce qui s’est passé, c'est-à-dire des faits.

21 Je me suis adressé à ce Tribunal, il y a quelques mois, et j'ai

22 dit quelque chose à ce moment-là, que je répéterai aujourd’hui. Je

23 n’insisterai pas, Me Scott et moi-même, nous venons du même environnement,

24 nous avons été procureurs américains pendant plusieurs années, donc je

25 peux dire que j’ai rédigé des centaines d'actes d'accusation, et un grand

Page 715

1 nombre d'autres d’ailleurs destinés à de jeunes procureurs.

2 Il apparaît un élément très manifeste dans cet acte

3 d'accusation, un élément qui manque, à savoir le lien de cause à effet, et

4 l'article qui représente ce lien. En effet, quand on écrit un acte

5 d'accusation en droit pénal, on dit qu'à telle et telle date, John Dow,

6 par exemple, a violé une disposition du Statut en causant, aidant,

7 encourageant, incitant à la commission d'un acte répréhensible précis. Et

8 puis, ensuite, on poursuit en disant que John Dow a fait telle et telle

9 choses, tel et tel jours, et que ses actes ont causé... qu'il a par

10 exemple demandé à des personnes déterminées d'aller à tel endroit pour

11 chercher cinq kilos d'explosif et d'aller dans telle ville pour placer

12 l’explosif et faire sauter tel et tel bâtiments.

13 Donc, le Procureur montre qu'il sait de quoi il s’agit

14 exactement sinon, il est impossible à l’accusé de se défendre contre ces

15 charges. Et c’est précisément cet élément qui manque dans les chefs

16 d'accusation de cet acte d'accusation.

17 On a une mention qui est faite d'un organisme politique qui est

18 censé être mauvais par nature, en fait, c'est un groupe politique. Et puis

19 on a des charges qui sont portées de façon générique et on a une

20 affirmation non définie qui porte sur un groupe de personnes très

21 important et qui stipule que Dario Kordic est, d'une manière ou d'une

22 autre, lié aux événements qui sont évoqués, mais sans aucune précision.

23 Voilà donc ce que je voudrais dire à l'accusation. Le Procureur

24 semble partir du principe qu'il peut se saisir du terme de persécution et

25 qu'il peut étendre ce terme, étirer ce terme en droit en l'appliquant à

Page 716

1 des actes discriminatoires par nature quels qu'ils soient.

2 La plupart des lois max prohibitum agissent exactement de cette

3 façon. Aux Etats-Unis et dans un grand nombre d’autres pays, les pilotes

4 de compagnies aériennes n'ont pas le droit d'être pilotes commerciaux

5 après l’âge de 60 ans.

6 Bien entendu, la plupart d'entre eux sont très expérimentés, ont

7 derrière eux des années et des années d'expérience et il ne conviendrait

8 pas de les empêcher de continuer à piloter un Boeing 747 automatiquement.

9 Mais, si l'on prend les faits mentionnés par le Procureur, si

10 l'on reprend ce même exemple, on peut se dire que les pilotes américains

11 font partie d'un groupe qui subit une discrimination. Mais quelle est la

12 réalité des faits ?

13 La conférence pénale internationale de cet été a établi,

14 fondamentalement, qu'il ne suffisait pas de parler de droit, de lois anti-

15 discriminatoires pour en faire la base de chefs d'accusation génériques.

16 Il faut être précis en droit pénal. Ce n'est pas ce que dit le procureur,

17 mais il convient de l'être. On ne peut pas créer un environnement

18 générique lié à une loi anti-discriminatoire, ce qui permettrait à cette

19 loi d'être le véhicule de quel que chef d'accusation que ce soit portant

20 sur la persécution. Je vous remercie.

21 M. le Président (interprétation). - Nous allons ménager une

22 pause. Maître Kovacic, vous voudrez peut-être recommencer à 16 heures.

23 (L'audience suspendue à 15 heures 30 est reprise à 16 heures)

24 M. le Président (interprétation). – Maître Kovacic, vous avez la

25 parole.

Page 717

1 M. Kovacic (interprétation). – Eh bien monsieur le Président, je

2 serai bref car nous manquons de temps. Je voudrais dire, pour commencer,

3 que sur l'ensemble, je suis d'accord avec ce qui a été dit par mon

4 collègue David Geneson au sujet de la forme de l'acte d'accusation ; nos

5 points de vue sont très proches. Donc je pense que je pourrai raccourcir

6 mon argumentation. Mais il y a un certain nombre de points que j'aimerais

7 tout de même souligner.

8 D'abord, si nous examinons les fondements du droit, c'est-à-dire

9 ce que nous pouvons considérer comme des lois, il nous faut, je crois,

10 tenir compte de trois éléments. Le premier de ces trois éléments est que

11 l'un des principes fondamentaux élémentaires, dans tous les procès menés

12 par tous les systèmes judiciaires du monde, réside dans le fait que

13 l'accusé doit connaître, dans le détail, les éléments pertinents de l'acte

14 d'accusation. Et par ces termes, éléments principaux de l'acte

15 d'accusation, on entend les détails fournis au sujet de l'acte, de

16 l'endroit, de la date et du rôle joué par l'accusé dans la commission de

17 l'acte qui lui est reproché.

18 Ce sont donc des fondements, des éléments fondamentaux que nous

19 gardons toujours présents à l'esprit et nous savons que l'acte

20 d'accusation doit servir à nous informer au sujet de ces éléments. Car, en

21 l’absence de connaissances au sujet de ces éléments, nous ne savons pas

22 contre quoi nous nous défendons.

23 Bien entendu, je n'ai pas nécessité de souligner que le Statut

24 du Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie, dans ses

25 articles 24 a et autres se conforme à ces principes. Ces articles du

Page 718

1 Statut stipulent qu'il convient d'être informé immédiatement et en détail

2 au sujet de la nature des actes reprochés à l'accusé et des conditions

3 dans lesquelles ces actes ont été commis. L'acte d'accusation doit fournir

4 des détails fondamentaux sur la nature de l'acte, sur les différents

5 éléments constitutifs du délit qui est reproché à l'accusé, également etc.

6 Maintenant, la question qui se pose consiste à savoir comment

7 ces critères sont interprétés dans la pratique par nous, et comment chacun

8 se comporte par rapport aux définitions contenues dans l'acte d'accusation

9 dans un sens positif ou négatif.

10 Bien entendu, je ne reprendrai pas tout ce qui figure dans notre

11 mémoire écrit, à savoir que, de ce point de vue, les définitions figurant

12 dans les conventions internationales des Droits de l'Homme, dans la

13 Convention européenne des droits de l'homme également, on trouve des

14 définitions très précises quant aux détails que l'accusé a le droit de

15 connaître par la lecture de l'acte d'accusation.

16 Il m'apparaît que l'acte d'accusation dont nous parlons ici

17 aujourd'hui est grandement incomplet, et en toute modestie, je dirai que

18 la forme actuelle de l'acte d'accusation diminue les possibilités

19 d'organiser une défense valable et efficace de l'accusé.

20 La défense, en effet, est incapable de se préparer correctement,

21 en raison notamment du fait que l'acte d'accusation, dans un grand nombre

22 des chefs qui y figurent, est très global et qu'il porte sur des dates

23 très nombreuses, de sorte que la défense doit se concentrer sur un très

24 grand nombre de détails sans être capable de comprendre de quoi le

25 Procureur parle dans tel ou tel paragraphe, à moins qu'il ne parle pas de

Page 719

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 720

1 cela.

2 Il me semble que, de cette façon, la défense est placée dans une

3 situation où, a priori, elle est contrainte de s'occuper d'une situation

4 factuelle très large, très vaste, tout cela uniquement pour constater très

5 peu de temps, en entendant les arguments présentés par le Procureur, que

6 le Procureur, en fait, s'occupe de quelque chose de tout à fait différent.

7 Je ne vais pas, bien entendu, reprendre les requêtes qui sont

8 présentées dans les documents de la défense, mais nous demandons à

9 l'accusation de nous fournir plus de détails, d'abord au sujet de la

10 nature des actes qui sont évoqués par le Procureur dans un certain nombre

11 de chefs d'accusation.

12 Nous aimerions également obtenir plus de détails quant à la

13 période durant laquelle certains actes sont reprochés aux accusés. Je n'ai

14 pas besoin de répéter bien sûr que la période qui va d'avril 1992 jusqu'à

15 la fin de septembre 1994 est la période qui concerne mon client. Et

16 pendant cette période, toutes sortes de choses sont arrivées. Donc,

17 lorsqu'on se fonde sur une période aussi longue, il est clair que nous

18 aurons à nous occuper d'un certain nombre de choses qui ne sont pas

19 pertinentes dans ce procès.

20 Par ailleurs, il est évident qu'il conviendrait que nous

21 recevions au moins des éléments minima quant à l'identité des victimes

22 car, le plus souvent, nous ignorons si les victimes sont des civils ou des

23 militaires. C'est tout de même un minimum, car la qualification est tout à

24 fait différente dans un cas ou dans l'autre cas. Si les victimes étaient

25 des soldats, nous ne pouvons aborder la nature du crime de la même façon

Page 721

1 sur le plan juridique.

2 Un autre élément important est le rôle que l'accusé est prétendu

3 avoir joué dans les actes qui lui sont reprochés : quels sont donc

4 exactement les actes qui lui sont reprochés ? Et lorsque je parle du rôle

5 qu'il a éventuellement joué, je pense qu'il convient que des corrections

6 soient apportées à l'acte d'accusation pour qu'ils correspondent aux

7 dispositions de la mens rea car il y a toutes sortes d'incohérences de ce

8 point de vue dans les différents chefs de l'acte d'accusation.

9 Et puis, les auteurs des actes : dans pas mal de chefs

10 d'accusation, il est stipulé par le Procureur que « Mario Cerkez, avec

11 d'autres membres de la HZ-HB, etc., avec leurs dirigeants, leurs agents,

12 etc. ». Qui sont ces agents ? Avec qui Mario Cerkez a agi ? Il importe que

13 ces agents et ces autres personnes soient identifiés. Donc, voilà ce que

14 je voulais dire.

15 Cela figure dans le texte écrit et je demande au Tribunal qu'il

16 exige de l'accusation, du Procureur, qu'il précise l'acte d'accusation à

17 tous les points où c'est indispensable, de façon que nous puissions

18 comprendre véritablement cet acte d'accusation et de façon que nous

19 puissions préparer la défense, eu égard à des actes précis, à des moments

20 précis, à des lieux précis et à un rôle précis joué par l'accusé, et non

21 dans le cadre d'une accusation globale et générale qui peut-être n'est pas

22 tout à fait exacte. Je vous remercie.

23 M. le Président (interprétation). - C'est moi qui vous remercie.

24 M. Smith (interprétation). - Permettez-moi de répondre à la

25 question qui avait été posée par le Juge Robinson.

Page 722

1 M. le Président (interprétation). - Bien sûr, faisons-le

2 maintenant.

3 M. Smith (interprétation). - Je vous renvoie aux paragraphes 10

4 et 11 de la réponse fournie par le Procureur à notre exception

5 préjudicielle sur le vice de forme n° 1.

6 Deux exemples, dernière phrase de chacun de ces paragraphes 10

7 et 11. Je prends la dernière phrase du paragraphe 11, qui parle des

8 infractions graves de l'article 2 : « Ces interdictions ont pour objet de

9 pénaliser certains comportements ». Quand on dit « ont l'intention », je

10 pense que, là, c'est une affirmation, une intention... « visent à

11 pénaliser certains comportements dans le cadre de conflits, surtout

12 s'agissant de personnes protégées », c'est là un élément constitutif de

13 l'infraction, personne qui constitue un élément du crime, mais, là, on

14 mélange les intérêts.

15 Et dans la dernière phrase du paragraphe 11, il est dit : « pour

16 ce qui est de l'article commun n° 3 -nous parlons de l'article 3 du

17 Statut, et là plus exactement de l'article commun 3 des Conventions de

18 Genève-, il a pour but d'assurer la protection de personnes qui ne

19 participent plus aux activités, au conflit . Promouvoir », c'est donc là

20 pour manifester les intérêts de personnes protégées qui ne participent

21 plus à des hostilités. « Ceci constitue un élément, qu'il s'agisse de

22 conflit international ou interne où des formes très extrêmes de

23 traitements inhumains ont été constatées » : là, on renvoie aux éléments

24 constitutifs de certaines des infractions.

25 On peut établir que la charge de la preuve n'a pas été assurée

Page 723

1 par l'accusation, qui n'a pas fourni d'arguments clairs et persuasifs sur

2 ces éléments constitutifs, qui sont d'un intérêt tout particulier au

3 regard du Statut.

4 Je vous remercie.

5 M. Robinson (interprétation). - Est-ce que ce n'est pas le cas

6 parce qu'il y a un certain niveau auquel le concept des éléments

7 constitutifs et le concept d'intérêt se chevauchent ?

8 M. Smith (interprétation). - Cela pourrait être le cas, mais la

9 norme que l'on a établie dans l'affaire Kupreskic, porte sur les intérêts

10 d'un côté, et sur les éléments constitutifs de l'autre.

11 Si j'essayais de manifester les intérêts particuliers, je dirais

12 que toutes les dispositions du Statut de Tribunal poursuivent le même

13 objectif, ont le même intérêt, qui est celui exprimé par Michael Boch dans

14 l'Encyclopédie internationale de droit où il dit que le droit

15 international humanitaire a pour vocation de protéger la civilisation et

16 l'humanité en cours de guerre.

17 Donc là, on retrouve dans toutes les dispositions le même

18 intérêt qui se nuance, se manifeste, s'exprime de façons diverses, mais il

19 faut qu'il y ait les deux, les différents éléments constitutifs et les

20 intérêts, et qu'il ne faudrait pas cumul de charges.

21 M. Geneson (interprétation). - Je vous remercie, monsieur le

22 Président.

23 J'aimerais revenir sur l'article 7, les questions relevant du 7-

24 1 et du 7-3.

25 Plusieurs Chambres se sont penchées sur la question. Nous

Page 724

1 demandons à celle-ci de jeter un regard nouveau sur ce problème.

2 Le point de départ de l'argumentaire remonte au Protocole

3 premier additionnel aux conventions de Genève, article 86 qui est vraiment

4 le fondement même, la base qui amène à cette déclaration assez exclusive

5 qui interdit certains éléments de défense.

6 Je cite certains éléments de cet article 80 : « Le fait que des

7 infractions à cette convention ou à ce protocole aient été commises par un

8 subordonné n'exonère pas un supérieur de responsabilité pénale ou

9 disciplinaire. Le cas échéant, si ce supérieur avait des informations ou

10 savait, au vu de ces informations, que les circonstances de l'époque le

11 poussaient à croire qu'il allait commettre, était sur le point de

12 commettre, une telle infraction, et si ce supérieur n'a pas pris toutes

13 les mesures qui étaient en son pouvoir pour empêcher la commission de

14 cette violation, de cette infraction » .

15 Et ceci donne lieu à ce libellé. L'article 7 demande une autre

16 disposition de la typographie.

17 Première partie -le 7-1, c'est le véhicule grâce auquel

18 l'accusation va lancer des poursuites contre des individus. Mais les

19 alinéas 2, 3 et 4 devraient recevoir un chapeau. Il faudrait intituler

20 cette partie : moyens de défense non disponibles.

21 Dans chacun de ces alinéas, il est dit que ceci n'exonérera pas

22 cette personne de sa responsabilité, et ceci est répété au 3 ainsi

23 qu'au 4.

24 Chacun de ces éléments est associé à une personne de rang

25 supérieur qui ne peut pas éviter les responsabilités pénales, qui part

Page 725

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 726

1 donc ou prend comme hypothèse un moyen de défense qui est déjà atténué par

2 le fait qu'il y a eu violation.

3 Le Procureur semble laisser penser que l'on peut émettre des

4 charges d'accusation au titre du 7-1 et du 7-3 et que ces moyens de

5 défense non disponibles deviennent un moyen d’énoncer des chefs

6 d'accusation.

7 Ceci n'est possible que s'il y a suffisamment d'imprécisions

8 dans l'acte d'accusation, si les charges ne sont pas précisées, à savoir

9 que si on ne dit pas si la personne a commis, incité à commettre ou si une

10 personne est tenue pour responsable parce qu'elle a manqué à l'obligation

11 relevant à un supérieur face à un subordonné au 7-1, obligation d'empêcher

12 qu'il y ait commission, aide ou encouragement, en fait, si on accuse un

13 individu qui était lui-même l'auteur de crime ou qui était le chef de son

14 subordonné. Et ceci est fait simultanément et les deux violations n'en

15 deviennent qu'une au titre du 7-1.

16 En toute hypothèse, on pourra voir du côté de l'accusation,

17 s'agissant du supérieur hiérarchique qui serait l'auteur d'une infraction,

18 que celui-ci soit mis en accusation ainsi que le subordonné, mais le

19 supérieur resterait responsable au titre du 7-1 car il ne pourrait pas se

20 défendre en montrant qu'il n'a pas assumé toutes les activités nécessaires

21 au comportement et qu'il aurait été complice par assistance.

22 Nous demandons aux Juges d’examiner de très près la construction

23 de l'article 7 et de ses fondements. Car ce n'est que parce qu'elle a

24 énoncé ces chefs d’accusation de façon tout à fait vague que l'accusation

25 peut nous dire que le 7 peut servir de base, le 7-1, et non pas un des

Page 727

1 trois autres alinéas déjà cités qui ont été intitulés : Moyens de défense

2 non disponibles .

3 Je vous remercie.

4 M. Smith (interprétation). – Merci, messieurs les Juges.

5 Je vais parler du lien de connexité qui a été visé à la partie 4

6 des exceptions préjudicielles d'incompétence ou de vice de forme.

7 L'accusation doit faire davantage qu'affirmer qu'il y a un

8 conflit armé international. L'accusation doit aussi alléguer et prouver

9 qu'il y a un lien de connexité entre l'objet qui a suscité les chefs

10 d'accusation et le conflit armé international.

11 A cet égard, je vous renvoie, messieurs les Juges, à la loi qui

12 se fait jour à travers plusieurs Chambres de première instance et la

13 Chambre d'appel. Celle de l'affaire Tadic remarque que les infractions

14 doivent avoir présenté un lien étroit « avec les hostilités alléguées,

15 présumées » .

16 Le jugement, l'arrêt Tadic dit, je cite : « qu'il doit y avoir

17 un lien de connexité suffisant qui soit établi », fin de citation. Et dans

18 le jugement Furundzija, la Chambre de première instance a déclaré que la

19 question, je cite : Etait de savoir s'il y avait un lien de connexité ,

20 fin de citation. Et, je cite : s'il y a un lien manifeste entre

21 l'infraction et les hostilités , fin de citation.

22 La question est de savoir de quelles hostilités il s'agit. C'est

23 important car, il faut le savoir, lorsque le Procureur fait des

24 allégations, il faut savoir s'il y a un lien. Il ne peut pas y avoir de

25 lien manifeste si on ne sait pas, de façon manifeste, de quelles

Page 728

1 hostilités le Procureur parle.

2 Sur ce point, en ex-Yougoslavie, comme le procès Tadic l’a bien

3 montré, il est dit dans la décision en matière, l'arrêt en matière de

4 compétence : « le conflit en ex-Yougoslavie peut se caractériser comme

5 étant à la fois interne et international ou, subsidiairement, comme étant

6 un conflit interne allant de pair avec un conflit international ou encore,

7 comme un conflit interne qui s'était internationalisé du fait de l’appui

8 venu de l'extérieur ou encore comme étant un conflit international qui,

9 par la suite, s'était vu substituer par un ou plusieurs conflits internes

10 ou un mélange des deux ». Fin de citation.

11 L'accusation, dans la réponse qu'elle a fournie, nous dit qu'il

12 est possible d'alléguer qu'il y avait un lien de connexité avec un

13 conflit. Or, la défense affirme qu'il faut davantage que cela. Il ne

14 suffit pas d’émettre cette énonciation toute simple selon laquelle il y a

15 un lien de connexité avec un conflit. Le Procureur estime qu'il ne faut

16 pas de détails précis ; elle explique longuement pourquoi elle ne doit pas

17 nous donner tous les détails dès maintenant.

18 Mais il y a d'un côté une affirmation très laconique selon

19 laquelle il y a un lien de connexité avec un conflit et tout ce

20 foisonnement de détails que l'on va recevoir à l'audience. Et je crois

21 qu'il faut trouver un juste milieu entre les deux. La défense affirme

22 qu'il faut davantage de détails qui doivent être fournis à la défense dans

23 un délai raisonnable.

24 L'accusation avance également que la norme juridique qui

25 s'appliquerait ici peut être évoquée seulement à l'audience. Mais la

Page 729

1 question de savoir s'il y a véritablement un lien de connexité, lequel

2 est-il, et s'il a été argumenté, est une question de droit uniquement.

3 Lorsque l'accusation essaie de déférer l'examen de cette

4 question, demande s'il y avait conflit international ou pas, là, c'est une

5 question de fait qu'il faudrait évoquer à l'audience. Mais la question

6 d'argumentation qui est de savoir s'il y a un lien de connexité adéquat,

7 c'est une question de droit pour laquelle il faut se laisser guider par

8 les décisions prises par d'autres Chambres de première instance ; question

9 qui doit être résolue dès maintenant.

10 Le problème principal que rencontre l'accusation, si on examine

11 de plus près le paragraphe 8, ou le paragraphe 13, ou encore le

12 paragraphe 16, de la réponse de l'accusation, elle se contente d'affirmer

13 que la HV, en d'autres termes, des éléments de l'armée croate, sont

14 intervenus et qu’il y avait un conflit armé international. Jamais

15 l'accusation n'a apporté de précisions pour nous dire si la HV serait

16 intervenue en 92 contre les Serbes. Alors que l'on peut affirmer que les

17 éléments de la HV sont intervenus ou sont venus en Herzégovine et pas en

18 Bosnie en 92 pour prêter assistance aux Musulmans dans la lutte qu'ils

19 menaient contre les Serbes. Jamais l’accusation n’a précisé si c’était

20 bien ce qu'elle entendait par l’intervention de la HV, ou voulait-elle

21 dire que le HVO qui, de l'avis de la défense et nous le démontrerons

22 à l'audience... Je m'excuse, si la HV n'est jamais intervenue qu’en

23 Herzégovine si en 1993 et en 1994, la HV était engagée dans un conflit

24 interne séparé intrinsèquement entre la communauté musulmane et

25 la communauté croate de Bosnie, conflit qui a éclaté ultérieurement.

Page 730

1 L'accusation dit que la HV est intervenue dans ce conflit qui les opposait

2 aux Musulmans.

3 Ce n'est pas, là, demander beaucoup de détails, pourtant c'est tout à

4 fait nécessaire pour savoir ce que veut dire l'accusation et si ceci peut

5 être défendu et ceci devrait être la base sur laquelle la défense monte sa

6 défense. Je vous demande d'examiner les paragraphes 13 et 16 pour voir

7 s’il y a suffisamment de spécificités. Ce que nous disons n'est pas le cas.

8 La défense affirme que le Procureur n'est pas en mesure de montrer, n'est

9 pas seulement en défaut, mais n'est pas en mesure de montrer qu'il y a des

10 éléments à l’appui de l'acte d'accusation avant mai 1993.

11 Parce que si la HV s'était trouvée en Bosnie -elle était en

12 Herzégovine- mais elle est intervenue en 1992 contre les Serbes au nom des

13 Musulmans et en vertu d'un accord qui avait été conclu entre la Croatie et

14 la Bosnie. Nous affirmons également que là n'apparaît pas de lien de

15 connexité entre la HV et le HVO, en Herzégovine, en 1992 et en 1993, alors

16 que ceci est une période au cours de laquelle il y avait un conflit

17 interne opposant la communauté musulmane à la communauté croate de Bosnie.

18 Mais même si l'accusation était en mesure de démontrer la connexité

19 avec la HV en Herzégovine contre cet ennemi et au moment de ces faits-là,

20 l'Herzégovine occidentale est un endroit tout à fait différent de la Bosnie

21 centrale, de la région de la rivière Lasva où il y avait un conflit, conflit

22 sur lequel porte ce procès-ci. Je vous remercie, monsieur le Président.

23 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Smith. Est-ce que

24 nous pourrions enlever ce tableau ? Nous pourrons nous débarrasser aussi du

25 chevalet.

Page 731

1 (L'huissier s'exécute)

2 Est-ce qu'on peut aussi retirer le chevalet ?

3 (L'huissier s'exécute)

4 Maître Smith, est-ce qu'il vous serait possible de faire une photocopie

5 plus petite de ces tableaux à l'intention des Juges de la Chambre de

6 première instance? Cela avait l'air d'être quelque chose de tout à fait utile.

7 M. Smith (interprétation). - Tout à fait, je vous laisserai ce tableau-

8 ci, mais j'ai une autre version qui ne porte que sur M. Cerkez, puisque les

9 chefs d'accusation sont quelque peu différents. Je pourrais essayer de mon

10 côté de vous comprimer l'information.

11 M. le Président (interprétation). - Il n'est pas nécessaire que vous

12 nous laissiez cet exemplaire. Donnez-nous en un de taille un peu plus

13 réduite. Je passe la parole à l'accusation.

14 M. Nice (interprétation). - Est-ce que je peux parler du manque de

15 précision ainsi que du lien de connexité ? Ce sont deux points qui

16 restaient en suspens.

17 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

18 M. Nice (interprétation). - Je pourrais être assez succinct pour les

19 deux aspects. Les vices de forme en matière d'acte d'accusation, vous les

20 connaissez ou vous les connaîtrez bientôt. Ces formes d'accusation sont

21 différentes, ou ces questions sont différentes de celles que nous

22 rencontrons dans nos juridictions, dans nos systèmes nationaux.

23 En général, dans ces systèmes, vous avez un acte d'accusation qui peut être

24 très succinct et beaucoup moins précis au niveau des allégations avancées,

25 par exemple celui-ci qui nous intéresse. Vous verrez que, dans cet

Page 732

1 acte d'accusation, il y a pour ainsi dire pratiquement un préambule dans

2 lequel on présente le terrain, les allégations générales de façon à

3 expliquer comment le comportement de l'accusé s'insère dans un comportement

4 général, dans une ligne de conduite qui finira par devenir criminelle,

5 répréhensible. L'affirmation générale qui nous a été avancée, selon laquelle

6 l'accusé n'a pas suffisamment de détails parce qu'il n'y en a pas assez

7 dans l'acte d'accusation, cette affirmation est erronée. Il s'agit d'un

8 acte d'accusation tout à fait exhaustif et c'est devenu une forme

9 pratiquement conventionnelle, utilisée pour présenter les actes d'accusation.

10 Je reviens maintenant aux questions de détails soulevées par mon

11 confrère. Dans chacun des cas -et cela va de soi- vous avez affaire à des

12 personnes qui se trouvent à des échelons plus élevés de la pyramide ou du

13 triangle de responsabilités. C'est une question de logique qui se pose ici

14 et qui est déjà bien étayée par les précédents et les sources, comme nous

15 l’avons dit dans nos écrits. Plus vous montez dans cette pyramide, dans ce

16 triangle, plus il est probable que la spécificité complète -s'agissant de

17 telle ou telle infraction commise sur le terrain- puisse faire l'objet

18 d’une allégation, car ceux qui se trouvent au sommet du commandement

19 ont peut-être créé intentionnellement ou pas une certaine distance entre

20 eux-mêmes et toute la gamme d'infractions qui peuvent être reprochées. Je

21 me permets de vous rappeler ce qui a été dit au paragraphe 25 de la réponse

22 que nous avons fournie à cette exception précise : « Pour ce qui est de ces

23 deux accusés, les dispositions de l'article 18-1 et de l'article 47-B du

24 Règlement ont été respectées ». C'est ce que nous affirmons. Il ne s'agit pas

25 simplement d'un narratif détaillé et circonstancié qui est demandé, mais plutôt

Page 733

1 d'un énoncé précis des faits qui sont reprochés aux accusés. Et les accusés

2 sont pleinement informés de ce qui est retenu contre eux. Ceci grâce à ce

3 qui a été énoncé en matière de chef d'accusation, mais aussi parce qu'il

4 y a eu toute une série de documents précédents qui expliquaient pour Kordic

5 dans quel organisme il faisait office et de quelle façon il est arrivé à

6 assumer telle ou telle fonction.

7 Et selon nous, rien dans les arguments qui nous ont été fournis -à savoir

8 que cet acte d'accusation serait soit extraordinaire devant ce Tribunal

9 ou qu'il serait inapproprié du fait de la précision qu'il n'apporte pas-,

10 je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit dans nos écrits, je répondrai

11 simplement à des questions que vous pourriez avoir.

12 M. le Président (interprétation). - Même si nous étions de votre avis

13 pour ce qui est des arguments avancés, vous avez dit que cet acte

14 d’accusation respecte une forme qui est devenue désormais une convention.

15 Il y aura tôt ou tard un moment où les arguments de la défense auront

16 davantage de force. J'aimerais que vous étudiiez cette question dans votre

17 mémoire préalable au procès.

18 J’aimerais plus précisément que vous établissiez un lien plus

19 étroit entre les allégations et les différents chefs d'accusation. On a

20 parlé des chefs d'accusation 7 à 13. Il s'agit du paragraphe 42.

21 Lorsque vous allez rédiger votre mémoire préalable à ce procès,

22 à cet égard, et face à d'autres chefs similaires retenus contre Mario

23 Cerkez -il s'agit des chefs 14 à 20- je crois que, là, vous devrez

24 admettre qu'il faut fournir davantage de précisions pour que la Chambre

25 sache de quelle façon vous avez l'intention d'administrer la preuve de ces

Page 734

1 allégations-ci face aux accusés.

2 M. Nice (interprétation). - Il en sera ainsi fait. J'avais cette

3 intention, mais je ne pense pas que le mémoire préalable au procès soit

4 une partie intégrante de l'acte d'accusation. Il est certain qu'il a cette

5 fin aussi et il l'aura cette fois-ci aussi.

6 M. le Président (interprétation). - Il faut faire une

7 distinction entre, en fait, l'acte d'accusation, les plaidoiries de ce

8 moment-là, et la thèse que défend l'accusation. Et là, par le truchement

9 du mémoire préalable au procès, ce sera plus détaillé.

10 M. Nice (interprétation). - Deux petits points à relever. Il

11 faut effectivement, lorsque les accusés sont prêts à recevoir un

12 interrogatoire, ils sont informés de tel ou tel point de façon plus

13 détaillée. C'était une chose que je voulais dire.

14 Autre chose : je voudrais peut-être apporter une correction

15 parce que Me Smith a dit qu'il avait des liens, ou un héritage commun,

16 avec Me Scott. Je suppose que c'est parce qu'ils sont américains et que,

17 là, effectivement, on a souvent des actes d'accusation plus concis et des

18 interventions des argumentations plus courtes.

19 M. le Président (interprétation). - Mais ce qui compte, c'est

20 qu'avant l'ouverture du procès, tout soit clair à l'intention des Juges

21 afin que la procédure soit bien gérée, que le procès soit bien conduit, et

22 ceci vaut aussi pour la défense. Nous allons demander à celle-ci un

23 mémoire préalable à sa présentation des témoins à décharge pour que nous

24 sachions quelles sont les grandes questions qui se posent.

25 M. Nice (interprétation). - Il en sera ainsi fait et nous sommes

Page 735

1 déjà à l'oeuvre pour le préparer.

2 M. le Président (interprétation). - Le plus tôt sera le mieux.

3 Nous avons prévu une date.

4 M. Nice (interprétation). - Oui, cette date est inscrite dans

5 tous nos agendas.

6 Pour revenir à l'exception relative au vice de forme, la

7 question de la connexité, c'est la n° 4, nous avons répondu complètement à

8 tout ceci. C'est une question d'administration de la preuve. Les

9 allégations relatives aux conflit armée international, relatif à ce lien

10 de connexité, sont établies ; et il faudra, au moment du procès, grâce à

11 la présentation de moyens de preuve, voir si ceci est prouvé, est avéré.

12 Nous ne pouvons pas maintenant demander que ceci soit supprimé.

13 Vous avez manifesté une inquiétude plus générale, messieurs les

14 Juges. Bien sûr, ceci doit être contenu dans l'acte d'accusation, mais

15 ceci sera précisé à un stade ultérieur, notamment à celui du dépôt du

16 mémoire préalable au procès.

17 Il y a déjà l'article 2, conflit armé international, et

18 l'article 3, conflit armé, et là, je crois que cela suffit. Nous avons

19 énuméré les différents organismes qui sont impliqués dans la partie

20 générale réservée à cet effet dans l'acte d'accusation. C'est peut-être

21 prématuré car c'est une question d'administration de la preuve qui se pose

22 ici. Je crois qu'il est inutile de s'y attarder à ce stade-ci de la

23 procédure. C'est tout ce que nous avions à ajouter.

24 M. Dixon (interprétation). – Messieurs les Juges, s'agissant de

25 l'exception relative au cumul des charges, nous estimons avoir le droit

Page 736

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 737

1 d'agir de la sorte en cumulant les charges à divers titres.

2 Tout d'abord, le Tribunal est habilité à poursuivre pour tous

3 cas de violation ; c'est l'article premier du Statut en matière de droit

4 international humanitaire. Suivent alors des articles plus précis qui

5 énoncent dans le détail les grands principes du droit international

6 humanitaire.

7 D'autre part, ceci ne porte aucunement préjudice aux accusés, le

8 fait que plusieurs infractions soient retenues pour un même comportement

9 ne nuit pas aux accusés. Cette question peut être réglée au moment du

10 prononcé de la peine et il n'y aura pas obligation pour l'accusé de purger

11 deux fois une même peine, pour laquelle il aurait été condamné pour un

12 même comportement.

13 Troisième argument : nous parlons ici d'infractions différentes

14 avec un historique différent englobant d'autres éléments constitutifs et

15 défendant aussi des intérêts différents. Je prends pour exemple

16 l'article 2 qui s'applique uniquement aux infractions commises dans le

17 cadre de conflits armés internationaux et ne s'applique qu’à des personnes

18 qui sont protégées de façon expresse par les Conventions de Genève alors

19 que l'article commun 3 s'applique à toute personne n'ayant pas participé à

20 des hostilités, à quelque conflit, qu'il soit international ou interne.

21 Dans la mesure où il peut y avoir un certain chevauchement entre

22 les articles 2 et 3, nous estimons qu'il est quand même justifié de

23 retenir les deux chefs d'accusation. Car il n'y a que l'article 2 qui nous

24 permette de constater la présence ou l'existence d'un conflit armé

25 international, et que les personnes protégées par les conventions soient

Page 738

1 considérées comme retombant dans la catégorie notamment de prisonniers de

2 guerre.

3 Quatrième argument : il n'y a pas de système reconnu

4 d'infractions mineures dans le Statut, dans le Règlement, ni dans la

5 jurisprudence du Tribunal à ce stade. Il est donc indispensable d'énoncer

6 tous les chefs d'accusation pour couvrir ce comportement que nous estimons

7 répréhensible.

8 A ce jour, toutes les Chambres de première instance -que ce soit

9 au Tribunal du Rwanda ou de l'ex-Yougoslavie- toutes les Chambres ont

10 permis le cumul des charges tel que je viens de le décrire. Il s'agit des

11 Chambres de première affaire dans les affaires Tadic, Blaskic et

12 Kupreskic, par exemple.

13 Nous vous invitons, messieurs les Juges, à suivre l'exemple déjà

14 permis en matière de cumul des charges.

15 Les actes de persécution eux-mêmes peuvent faire l'objet de

16 chefs d'accusation au titre de crime contre l'humanité. Ces actes

17 constituent des infractions différentes reprenant des éléments

18 constitutifs différents et des intérêts différents. La persécution en tant

19 qu'infraction peut reprendre divers actes et comportements, des actes qui

20 sont du domaine judiciaire, économique, physique, qui privent des civils

21 de leurs droits fondamentaux alors que les autres crimes contre l'humanité

22 tels que l’assassinat, le viol, ne s'attachent qu'à ces crimes-là, qu’à

23 ces infractions-là, avec les éléments constitutifs de ces infractions-là.

24 Ce sont les raisons pour lesquelles nous estimons que

25 l'exception relative au cumul de charges doit être rejetée.

Page 739

1 Si vous me le permettez, je poursuivrai en passant à l'exception

2 relative à l'article 7-3. En quelques mots, je dirai que la responsabilité

3 du supérieur hiérarchique est clairement établie et reconnue comme étant

4 une forme indépendante et séparée de responsabilités pénales individuelles

5 en droit international humanitaire.

6 Il n'est pas nécessaire, comme l’a laissé entendre la défense,

7 qu'il faille montrer qu'il y a eu le fait d'ordonner, d'encourager ou de

8 commettre pour permettre l'application de l'article 7-3. Si le supérieur

9 hiérarchique savait ou avait des raisons de savoir que des infractions

10 étaient commises par ses subordonnés, et n'a pas pris les mesures

11 nécessaires à empêcher la commission de ces actes, ceci suffit au titre du

12 droit international humanitaire pour établir la responsabilité pénale

13 individuelle.

14 Nous avons dans nos écritures énuméré les différentes sources de

15 droit à l'appui de cette hypothèse dont des affaires datant de la Seconde

16 Guerre mondiale, les Protocoles additionnels ainsi que des décisions

17 rendues par ce Tribunal, notamment dans l'affaire Celebici et Akaïaso pour

18 le Rwanda.

19 Nous estimons également qu’il est autorisé d’énoncer des charges

20 de façon cumulative pour le 7-1 et pour le 7-3, pour plusieurs raisons.

21 Tout d'abord parce que les actes impliqués peuvent prendre ces

22 deux formes de responsabilité pénale. Ainsi, s'il y a une série d'attaques

23 générales planifiées, il se peut qu'un individu ait planifié une ou

24 plusieurs de ces attaques ; et s'il l'a fait, il peut être accusé au titre

25 du 7-1. Parallèlement, simultanément, s'il n'a pas planifié d'autres

Page 740

1 attaques, il peut être accusé d'avoir manqué à l'obligation de prévenir ou

2 de punir toute attaque pour autant que nous puissions prouver qu'il savait

3 ou aurait dû savoir que ces attaques se produisaient.

4 Seconde raison : les accusés ne se voient pas lésés car, comme

5 nous l'avons déjà dit précédemment, cette question peut se régler au

6 niveau du prononcé de la peine et lorsque la peine est purgée.

7 Troisième argument : les articles 7-1 et 7- 3 sont des formes

8 différentes de responsabilité qui devraient être reconnues si les actes

9 commis doivent être reflétés d'une façon ou d'une autre dans le jugement.

10 Les Chambres de première instance des deux tribunaux ont admis

11 le cumul des charges au titre des 7-1 et 7-3, notamment dans l'affaire

12 Blaskic, dans l’affaire Celebici, ou plus précisément un des coaccusés,

13 M. Music, était responsable d'avoir participé au maintien de conditions

14 inhumaines dans le camp de Celebici, mais il a également été tenu

15 responsable pour avoir manqué à l’obligation d’empêcher des actes qui ont

16 été commis dans les camps.

17 La Chambre d'appel a également déterminé que ces formes de

18 responsabilité peuvent faire l'objet d'un cumul de charges, et nous

19 invitons cette Chambre-ci à suivre cette jurisprudence que le Tribunal a

20 développée.

21 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Smith, vous

22 voulez répondre ?

23 M. Smith (interprétation). – Rapidement. Je répondrai d'abord à

24 l'exception n° 1 puis, à l'exception n° 4.

25 Pour la première, la plupart des points repris dans

Page 741

1 l'argumentaire oral sont évoqués de façon tout à fait adéquate dans les

2 écrits. Mais la question de la pertinence au moment du prononcé de la

3 peine, à ce propos-là, j'aimerais dire trois choses.

4 Tout d'abord, dans notre mémoire, nous avons expliqué quelles

5 étaient les politiques appliquées et qui pouvaient nuire à l'accusé au

6 moment de l'énoncé des charges à l'acte d'accusation et aussi au moment du

7 procès, s'il y a cumul de charges retenues.

8 Mais ces questions ne sont pas évoquées que si on autorise le

9 cumul des charges dès l'acte d'accusation et au moment du procès,

10 simplement, en parlant de sanctions et de sentences simultanées. Ceci ne

11 sert pas vraiment à un accusé lorsqu’il a des condamnations à perpétuité

12 par exemple.

13 Troisième raison : n'ignorez pas les règles élaborées au fil du

14 temps qui disent que les Juges qui ont développé ces règles, ces principes

15 au fil des juridictions et des temps, n'ont pas estimé que c'était

16 satisfaisant. Car ces Juges n'estimaient pas satisfaisant d'appliquer le

17 cumul des charges de toute façon. Puisque, de toute façon, la personne

18 n'aurait à purger qu'une sentence.

19 Pour ce qui est de l'exception n° 4, je me permets de marquer

20 mon désaccord avec mon confrère. Il n'est pas simplement, là, question

21 d'une affaire d’administration de la preuve ; c'est aussi une question de

22 thèse que l'on défend. Pour ce qui est de la question de connexité, comme

23 ailleurs, lorsque nous avons présenté des arguments généraux sur le manque

24 de précision, nous pensons que l'accusation n'a pas suffisamment bien

25 énoncé ses accusations à ce stade. Et nous reprenons, pour notre compte,

Page 742

1 ce que vous avez dit monsieur le Président à propos du mémoire préalable

2 au procès.

3 M. Geneson (interprétation). – Je me contenterai de relever une

4 chose. Ceci a rapport à l'exception portant sur le manque de précision.

5 Je pense que le Tribunal, par votre truchement, a indiqué, a

6 manifesté un certain intérêt allant dans le sens de l'accusation ; a

7 demandé à l'accusation de régler quelques questions relatives au manque de

8 précision. Nous vous en savons gré, mais j'aimerais inscrire au compte

9 rendu d'audience que tant que l’accusation n'aura pas déposé son mémoire

10 préalable au procès, nous serons lésés. Nous n'avons pas cette spécificité

11 qu'attend le Tribunal. Le Tribunal n'a pas cette spécificité et nous non

12 plus.

13 L'accusation admet, dans une certaine mesure, que ses chefs

14 d'accusation sont assez vagues. Car elle dit, comme argument le plus fort,

15 que peu importe, ce qu'on fait ailleurs, c'est comme cela que l'on fait

16 ici. Mais ceci n'est pas solide comme argument pour étayer cette réponse à

17 un manque de précision. Cela reste une question qui lèse la défense tant

18 que nous n'aurons pas ce mémoire préalable au procès.

19 M. le Président (interprétation). – Monsieur le Juge Bennouna,

20 allez-y.

21 M. Bennouna. - Merci Monsieur le Président. Ma question

22 s'adresse aux représentants du bureau du Procureur à propos du cumul des

23 charges. Le Président vient de vous donner le sentiment de la Chambre sur

24 la nécessité de mieux préciser les charges au niveau de la conférence

25 préalable au procès. Et vous en avez convenu.

Page 743

1 Ma question est la suivante, parce que le cumul des charges, ce

2 n'est pas uniquement une affaire de précision, c'est une affaire

3 d’approche : soit on considère que l'on multiplie les charges, comme nous

4 le voyons ici, en reprenant les bases juridiques sur lesquelles ces

5 charges sont fondées-alors on va faire 40 actes d'accusation, 40 charges

6 différentes en fonction des textes ou des fondements juridiques-; soit, ce

7 qui me paraît personnellement beaucoup plus clair -et c'est ce que nous

8 espérons vers quoi vous allez vous orienter- vous fonder sur les

9 comportements criminels.

10 Quels sont les comportements criminels que vous alléguez à

11 l'encontre des accusés ? Et ensuite, pour chacun des comportements, vous

12 indiquez quelles sont les bases juridiques qui peuvent justifier la

13 poursuite ?

14 Car, effectivement, le même comportement criminel peut être

15 poursuivi sous différents titres. C'est ce que nous voyons dans le droit

16 humanitaire, c'est pourquoi il y a cette répétition. Nous trouvons le même

17 crime répété ici mais qui défend des valeurs parfois différentes ou se

18 situe dans un cadre différent.

19 Ma question : est-ce que vous voyez, au niveau du bureau du

20 Procureur, ce que l'on attend de vous dans la conférence préalable au

21 procès ? C'est de montrer à la Chambre quels sont les comportements

22 criminels que vous alléguez, que vous voulez poursuivre. Et quelles sont

23 les bases juridiques, mêmes si elles sont différentes, sur lesquelles vous

24 les fondez ?

25 De manière à ce que le procès soit cadré, comme a dit le

Page 744

1 Président, et que l'on puisse, à ce moment-là, avoir une meilleure

2 maîtrise du procès dans le cadre de la loyauté qui doit être celle de tout

3 procès pénal.

4 Je vous remercie.

5 M. Nice (interprétation). – Puis-je répondre à votre question.

6 Même si c'est Me Dixon qui parlait de cette réponse en particulier, la

7 réponse est oui.

8 Nous comprenons tout à fait quel est votre point de vue et quels

9 sont vos souhaits. Nous les avons gardé à l'esprit depuis un certain

10 temps, depuis que nous préparons nos documents. Vous vous souviendrez sans

11 doute que nous avons l'intention de communiquer, en respectant le

12 calendrier, les informations qui porteront sur chacun des point

13 différents. Par exemple, les événements qui ont eu lieu aux différents

14 endroits mentionnés dans l'accusation, donc ceci fera référence

15 directement au paragraphe 40 qui fait référence aux différents villages.

16 Et dans le mémoire, nous établirons également notre fondement

17 juridique en plus de détails. En parlant des éléments de preuve que nous

18 allons utiliser ou des pièces que nous avons l'intention de verser au

19 dossier.

20 Par conséquent, nous gardons à l'esprit la nécessité, pour le

21 Tribunal et pour les Juges et pour les conseils de la défense, d'obtenir

22 ces documents à ce stade. Et ceci sera fait.

23 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Président ?

24 M. le Président (interprétation). – Maître Smith, voulez-vous

25 formuler d'autres remarques ?

Page 745

1 M. Smith (interprétation). – Mais c'est un point connexe qui

2 pourrait peut-être aider ce Tribunal.

3 L’accusation a déploré que les éléments ou les délits mineurs

4 n'étaient pas encore véritablement reconnus par ce Tribunal. Mais je

5 voudrais vous rappeler que dans la décision Akaïaso prise dans le Tribunal

6 du Rwanda, il a été dit que les délits mineurs ne peuvent pas être

7 présentés dans l’acte d'accusation dès le départ. Et je crois que ceci

8 reconnaît que le concept existe au moins, et comme je l'ai déjà dit, il

9 serait peut-être utile d'éliminer les délits mineurs de l'acte

10 d'accusation afin de le synthétiser.

11 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous voudrions

12 maintenant traiter de la requête aux fins de respect des obligations de

13 communication. C'est une requête de la défense qui est assez vieille, je

14 crois. Elle a été déposée au mois de juillet ; une réponse a suivi,

15 d'ailleurs. Au mois de juillet également.

16 Maître Smith, où en sommes-nous à ce stade ? Je crois que ceci

17 serait utile. Et que demandez-vous de plus par rapport à ce que vous avez

18 déjà reçu ? La majeure partie de la requête est en fait de l'eau qui a

19 déjà coulé sous les ponts. Je crois que vous avez maintenant à votre

20 disposition les déclarations non expurgées.

21 Puisque nous en sommes à ce stade, vous devriez obtenir les

22 documents issus des audiences publiques relatives aux affaires de la

23 vallée de la Lasva. Si vous ne l'avez pas encore, vous l'aurez

24 prochainement.

25 Une décision est en cours de rédaction, vous l'obtiendrez très

Page 746

1 prochainement, décision relative aux documents que vous obtiendrez et qui

2 sont issus des audiences à huis clos partiel, suite aux recommandations

3 formulées par les différentes Chambres de première instance qui

4 connaissent ces affaires.

5 Mais ces documents, vous les obtiendrez également. Il y aura

6 également un calendrier selon lequel le reste des documents vous sera

7 communiqué, notamment les versions non expurgées des déclarations de

8 témoins.

9 Peut-être devrait-on se tourner vers l'accusation ? Y a-t-il

10 d'autres documents qui doivent être communiqués ?

11 M. Nice (interprétation). - Il y a un problème avec la Chambre

12 Blaskic, Monsieur le Président.

13 M. le Président (interprétation). - Résolu. J'ai dit résolu dans

14 le sens où l'ordonnance sur laquelle nous travaillons se conformera à

15 l'opinion de la Chambre de première instance de l'affaire Blaskic.

16 Je pense qu'il vous reviendra alors de prendre certaines

17 décisions quant aux documents sur lesquels vous allez vous appuyer au

18 cours de ce procès et également pour ce qui est des moyens de preuve à

19 décharge.

20 M. Nice (interprétation). - Je pense que l'ordonnance à laquelle

21 vous faîtes référence ne portera que sur les moyens de preuve à décharge.

22 Nous avons formulé une demande à cet égard.

23 M. le Président (interprétation). - Mais cette ordonnance

24 portera également sur les documents sur lesquels vous allez vous fonder.

25 M. Nice (interprétation). - Oui, mais je crois qu'il y a quelque

Page 747

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 748

1 chose qui reste dans l'ombre : c'est le résultat de la question relative

2 aux témoins qui doivent être interrogés par la Section d'aide aux victimes

3 et aux témoins. Je crois que cette question n'a pas été résolue. Que se

4 passe-t-il si le ou les témoins pertinents ne souhaitent pas s'exprimer ?

5 M. le Président (interprétation). - Eh bien, la situation est la

6 suivante : je crois que ces démarches ont été faites dans le cadre de

7 l'affaire Kupreskic et la plupart des témoins ont répondu par

8 l'affirmative.

9 M. Nice (interprétation). - Effectivement.

10 M. le Président (interprétation). - Et nous délivrerons une

11 ordonnance afin que les documents soient communiqués à la défense.

12 D'autre part, pour ce qui est de la Chambre de première instance

13 Blaskic, nous suivrons ces recommandations et ces documents seront

14 également communiqués sous réserve de leur identification par vous-même,

15 bien sûr.

16 Donc, outre ces documents, il s'agit là d'un seul aspect, y a-t-

17 il d'autres documents que vous aurez sans doute à communiquer ?

18 M. Nice (interprétation). - Eh bien, j'allais me tourner vers

19 Me Scott puisque c'est lui qui s'en occupe. Mais je voudrais le consulter,

20 je ne pense pas qu'il y ait d'autres documents. Pouvez-vous me laisser un

21 instant, s'il vous plaît ?

22 M. le Président (interprétation). - Maître Nice, on me rappelle

23 la chose suivante : y a-t-il d'autres témoins sur lesquels vous allez

24 compter et dont les déclarations n'ont pas encore été communiquées ?

25 M. Nice (interprétation). - Oui, l'ordonnance de la Chambre a

Page 749

1 fait l'objet d'une certaine discussion lorsqu'elle a été délivrée, comme

2 vos juristes ont dû vous le faire savoir.

3 La situation est la suivante. La préparation de la comparution

4 ou de la décision finale vis-à-vis de certains témoins prend un certain

5 temps. J'en ai déjà parlé, mais c'est une procédure assez longue qui

6 implique un certain nombre de contacts avec les témoins, puis une

7 évaluation par nos juristes. Nous n'avons pas pris de décision définitive

8 sur les témoins. Nous essayons de travailler à ce qui doit se faire avant

9 le procès, d'après ce que nous avons compris, à savoir de dresser une

10 liste des témoins. Et nous ne pensons pas avoir les ressources nécessaires

11 pour accélérer la prise de décision.

12 Je crois que cette décision-là doit être prise, non pas

13 seulement par moi ou par l'un d'entre nous, mais d'une façon qui

14 permettrait de refléter toutes nos obligations et avec suffisamment de

15 temps pour déterminer une liste définitive de témoins, ce qui sera fait

16 -nous le pensons- d'ici au 11 mars, ou peut-être la veille.

17 Par conséquent, les autres déclarations au-delà de celles déjà

18 communiquées, autres déclarations constituant des éléments d'appui à

19 l'acte d'accusation pour l'acte modifié seront communiquées à moment-là.

20 C'est à ce moment-là que nous pourrons prendre une décision informée.

21 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Nice, mais je

22 crois que nous respectons nos obligations et nous ferons tout ce qui est

23 en notre pouvoir pour le rester et pour continuer à le faire.

24 Après avoir entendu cette explication, Maître Smith,, quel autre

25 document demandez-vous ? S'agit-il là de tous les documents dont vous avez

Page 750

1 parlé dans votre requête du mois de juillet 1998 ?

2 M. Smith (interprétation). - Je voudrais aborder la question

3 séparément. Je voudrais commencer avec les éléments à l'appui de l'acte

4 d'accusation, les pièces jointes.

5 Nous avons reçu des pièces jointes relatives à l'acte

6 d'accusation modifié. Mais nous n'avons pas reçu...et ce que je demande à

7 l'accusation est la chose suivante : avons-nous reçu toutes les pièces

8 jointes qui ont été présentées avec l'acte d'accusation modifié et

9 aux Juges de confirmation ?

10 Nous disons qu'il y a notamment une déclaration de fait qui a

11 été présentée avec les pièces jointes pour l'acte d'accusation original,

12 or nous n'avons pas retrouvé ce document pour l'acte d'accusation modifié.

13 Or, si ce document existe, s'il a été communiqué aux Juges de

14 confirmation avec l'ensemble des pièces jointes, nous affirmons que nous

15 avons le droit de recevoir ce document. Et nous voudrions savoir, et nous

16 voudrions entendre dire aujourd'hui, par la bouche du Bureau du Procureur,

17 que nous avons reçu tous les documents nécessaires, tous les documents qui

18 ont été soumis aux Juges de confirmation. Si ce n'est pas le cas, nous

19 vous demanderons de statuer sur la requête que nous avons présentée et

20 d'ordonner à l'accusation que nous recevions toutes les questions pour en

21 finir avec toutes ces pièces jointes.

22 M. Nice (interprétation). - Il n'y a pas de description des

23 faits telle qu'il y en avait pour l'acte d'accusation original. Mais vous

24 comprendrez, bien entendu, que des requêtes relatives à des propositions

25 d'acte d'accusation sont accompagnées par des documents qui sont remis

Page 751

1 aux Juges de confirmation, des arguments relatifs à certaines requêtes ou

2 qui peuvent contenir des documents similaires.

3 Mais il ne s'agit là que d'une prédiction d'arguments qui

4 pourraient éventuellement être présentés aux Juges de confirmation, ce qui

5 a été le cas, en l'occurrence.

6 La procédure est telle que, en l'occurrence, la défense n'a pas

7 à recevoir certains des documents qui sont communiqués aux Juges, et il ne

8 faudrait pas établir de précédent dans ce domaine. Il est vrai que lorsque

9 l'acte d'accusation d'origine a été confirmé, je ne peux pas vous dire par

10 quelle procédure, une description des faits a été fournie. Mais je crois

11 que ceci s'est produit alors qu'aucun d'entre nous n'était présent à

12 l'époque.

13 C'est pourquoi nous ne savons pas pourquoi cette description a

14 été fournie. Mais il n'y a aucune raison justifiant le fait qu'un document

15 présenté ex parte soit communiqué à la défense. Je dois vous dire que je

16 ne sais pas si je souhaiterais que ce document soit communiqué ou non,

17 parce que je ne pensais pas que cette question allait être soulevée

18 aujourd’hui.

19 M. le Président (interprétation). - Maître Nice, vous nous dites

20 donc que toutes les pièces jointes ont été communiquées ?

21 M. Nice (interprétation). - Oui effectivement, parce qu'il ne

22 s'agit pas d'une pièce jointe, il s'agit d'un document présentant certains

23 arguments et destiné à l'intention d'un juge.

24 M. le Président (interprétation). - Merci.

25 M. Smith (interprétation). - Monsieur le Président, je

Page 752

1 souhaiterais répondre ainsi.

2 Il me semble que la description des faits communiquée avec les

3 pièces jointes de l'acte d'accusation d'origine a été communiquée

4 seulement parce qu'elle faisait partie des pièces jointes. Et étant donné

5 la nature des procédures ex parte devant le juge de confirmation, ce

6 document n’aurait pas été communiqué si cela n'avait pas été une pièce

7 jointe, la procédure n'aurait pas été suivie dans le cas contraire.

8 Et s'il y a un autre document quel que soit son nom qui a les

9 mêmes effets, qui a la même teneur, eh bien il me semble que l'accusation

10 vient d'admettre que ce document faisait partie des pièces jointes et que,

11 par conséquent, il devrait nous être communiqué.

12 M. le Président (interprétation). - Oui.

13 M. Kovacic (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

14 m'exprimer sur ce point. Je pense que c'est une question tout à fait

15 essentielle. Je ne suis pas absolument prêt, pour prendre ma part dans ce

16 débat, mais si j'ai réfléchi, je ne me rappelle pas un seul instant où

17 nous avons discuté dans ce Tribunal du sens réel de l'article 66.

18 Tous les documents remis par le Procureur au Tribunal au moment

19 où il demandait la confirmation de l’acte d’accusation ou dans le cas

20 précis qui nous intéresse une modification de l'acte d'accusation, eh bien

21 chaque fois qu'il a remis ces documents, il s'agissait de documents

22 joints. Et ces documents, nous avons le droit de les recevoir, il

23 n'appartient pas au Procureur de décider "je vais remettre tel document

24 aux Juges parce que ce document correspond aux Juges et cela, je vais le

25 donner à la défense". Les documents à l’appui, à mon avis, sont des

Page 753

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 754

1 documents homogènes qui permettent au Procureur d'appuyer, d'étayer, le

2 contenu de son acte d'accusation.

3 Il ressort des règlements applicables ici que tout ce qu'il a

4 entre les mains, il doit le remettre à la défense pour une meilleure

5 défense des accusés et des victimes. Nous en avons déjà parlé, mais nous

6 n'avons jamais parlé de cette question précise, c'est la première fois. En

7 tout cas, c'est ce qu'il apparaît de ce qui a été dit jusqu'à présent. Je

8 n'ai pas tout à fait peut-être compris la teneur de ce qu'a dit Me Nice,

9 mais il apparaît, semble-t-il, qu'il existe des documents que nous n'avons

10 pas encore reçus.

11 Il y a un retard dans la communication, un retard dans les

12 documents à décharge et maintenant, il apparaît que certains documents

13 supplémentaires ne nous ont pas été remis. Je vous remercie.

14 M. le Président (interprétation). - Qui veut prendre la parole ?

15 M. Nice (interprétation). - Sur cette question, non, je ne ferai

16 que me répéter. Cela ne fait pas partie des pièces jointes, mais il y a

17 une autre question que je voudrais aborder en passant.

18 Le Président qui avait affaire avec l'acte d'accusation modifié

19 a soulevé une question non pas sur les pièces jointes présentées, mais la

20 question sera réglée dans les meilleurs délais. Je voulais simplement

21 ajouter ceci.

22 Cela ne portera pas sur un autre document qui doit être

23 communiqué, mais je voulais simplement attendre sa décision puisqu'il

24 faudra qu’elle prenne encore une décision vis-à-vis de l'acte d'accusation

25 modifié. On ne peut pas traiter de cette question aujourd'hui.

Page 755

1 M. Smith (interprétation). - Monsieur le Président, la défense

2 est sidérée. La défense ne comprend pas quelle est cette décision, quel

3 impact elle peut avoir sur notre argumentation, je ne sais pas quoi faire.

4 M. le Président (interprétation). - Non, je ne pense pas que

5 nous devions vous importuner avec ceci, il s'agit d'une question ex parte,

6 manifestement.

7 Passons à une autre question Maître Smith.

8 M. Smith (interprétation). - Oui.

9 Il s'agit de la déclaration préalable de l'accusé.

10 L'accusation a déclaré qu'il n'y avait pas de déclaration

11 préliminaire de l'accusé puisqu'il n'a pas été interrogé. A la page 15 de

12 notre requête, nous avons étudié la question et nous avons dit que nous

13 étions en droit d'obtenir cette déclaration si elle existait. Il s'agit

14 notamment de comptes rendus écrits, de vidéos, de cassettes audio

15 également, de déclarations faites par l'accusé, de rapports ou de

16 communiqués de presse, de lettres écrites, d'ordres, de registres,

17 d'autres écrits provenant de l'accusé.

18 Je pense qu'une décision est nécessaire sur cette question et si

19 le Procureur n'a pas ce type de documents, eh bien j'aimerais qu'il dise

20 pour le compte rendu qu'il ne nous a pas communiqué tous ces documents.

21 Je sais que l'accusation nous a communiqué un certain nombre de

22 vidéos, donc il n'est pas nécessaire d'obtenir une ordonnance sur ce

23 point, mais il me semble qu'à moins que l'accusation ne soit prête à

24 affirmer qu'il ne dispose pas des documents que nous avons demandés, eh

25 bien qu'une décision devrait être prise sur ce point.

Page 756

1 M. Nice (interprétation). - Je propose que Me Scott traite de

2 cette question.

3 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.

4 M. Scott (interprétation). - Je vous prie, Monsieur le Juge

5 Robinson, de m'excuser car je ne vous vois pas très bien à cause du

6 pilier.

7 Sur ce point, Monsieur le Président, la position du Procureur

8 consiste à dire que c'est l'arrêt de l'affaire Blaskic rendu le

9 27 janvier 1997 et ensuite, l'ordonnance finale sur ce point du

10 15 juillet 1998 qui s'appliquent.

11 Dans ces deux décisions, la Chambre de première instance a

12 décidé que les déclarations préalables, je cite « doivent être comprises

13 comme se référant à toutes les déclarations faites par l'accusé au cours

14 des interrogatoires ou au cours de quelque séance judiciaire que ce soit

15 qui est en la possession du Procureur, mais uniquement à ces

16 déclarations ».

17 Donc nous avons déclaré à la défense, et cela figure dans une

18 lettre d'il y a quelques semaines, qu'il n'existe pas de telles

19 déclarations et qu'il n'y a donc aucune obligation légale pour le

20 Procureur de remettre de tels documents à la défense, documents qui

21 émaneraient d'un officier de police ou d'un enquêteur.

22 Nous avons demandé par lettre de telles déclarations, nous ne

23 les avons pas reçues donc contrairement à ce que dit la défense, il

24 n'existe pas de déclarations que nous serions susceptibles de donner à la

25 défense et apparemment, la défense pense que ce n’est pas le cas.

Page 757

1 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Président, puis-je

2 réagir à cette réponse ? La Chambre de première instance chargée de

3 l'affaire Blaskic, et sa décision, a modifié la position initiale.

4 Nous disons que la première position adoptée par cette Chambre

5 de première instance est la bonne position. Nous pensons que nous avons

6 droit aux documents que nous avons demandés, et nous n'avons pas de

7 position définie quant à la nature des documents dont parle le Procureur,

8 documents qui sont peut-être en sa possession. Mais nous pensons être

9 habilités à recevoir ces déclarations.

10 M. le Président (interprétation). - C'est un devoir de

11 communiquer tout document qui fondera le procès. Il y a obligation

12 également de communiquer toute pièce à décharge. Quelles autres documents

13 pourriez-vous souhaiter recevoir ?

14 M. Smith (interprétation). - Monsieur le Président, nous

15 estimons qu'il existe, ou plutôt que s'il y a des documents que le

16 Procureur possède et qui ne sont pas des pièces, des documents à décharge,

17 mais qui comportent d'autres informations ; documents dont nous pensons

18 qu'ils pourraient être pertinents pour notre travail, mais ce n'est pas au

19 Procureur qu'il appartient de décider qu'ils sont des documents à

20 décharge.

21 Donc que le Procureur ait l'intention ou pas de les utiliser,

22 nous estimons que nous sommes habilités, en vertu des textes fondateurs de

23 ce Tribunal, à les recevoir et qu'il convient donc qu'une mesure soit

24 prise pour que cette obligation soit respectée.

25 M. le Président (interprétation). - Oui. Y a-t-il d'autres

Page 758

1 questions que vous souhaiteriez évoquer ?

2 M. Smith (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. La

3 troisième catégorie d’informations que nous avons demandées au titre de

4 l’article 66 sont les déclarations préalables des témoins.

5 Nous avons reçu un grand nombre de telles déclarations

6 préalables ; la question de l'expurgation, question bien connue, a été

7 traitée ; elle est réglée aujourd'hui par voie de décision. Nous avons

8 donc des documents qui n'ont pas été expurgés, nous avons également des

9 déclarations expurgées, mais il y est stipulé la nécessité de nous

10 remettre les versions non expurgées de ces déclarations.

11 Et le point critique, je crois, est celui qui a fait l'objet

12 d'une discussion entre vous-même, monsieur le Président et le Procureur,

13 il y a quelques instants. De savoir si l’ensemble des déclarations

14 préalables des témoins, qui seront présentés au procès, ont été

15 communiquées.

16 Je crois que la réponse du Procureur sur ce point a été

17 négative. Cela n'a pas été fait, le Procureur n'a pas l'intention de le

18 faire jusqu'à une date qui est celle du 11 mars et jusqu'à la conférence

19 préalable au procès où le Procureur est tenu de présenter sa liste de

20 témoins. Mais cette date est très tardive.

21 Il serait possible, me semble-t-il, au Procureur de fournir des

22 déclarations préalables de personnes qui interviendront vraisemblablement

23 dans le procès et ce, avant une décision définitive. En effet, le

24 règlement prévoit que certaines choses peuvent se passer en cours de

25 procès, que les témoins peuvent changer au fil du procès après

Page 759

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page blanche insérée aux fins d’assurer la correspondance entre la

14 pagination anglaise et la pagination française.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 760

1 notification. Donc, il me semble que le Procureur pourrait communiquer ces

2 documents au stade actuel de notre travail.

3 Et puis, nous avons une préoccupation plus particulière. En

4 effet, s'il n'y avait qu’une ou deux déclarations préalables de témoins

5 que nous devions recevoir le 11 mars, je n'exprimerais pas de

6 préoccupations particulières, mais j'ignore à combien se monte le nombre

7 de ces déclarations préalables. Or, nous serons très près du procès. Donc,

8 si le nombre de déclarations préalables de témoins, que nous recevrons le

9 11 mars, était très important, cela, je crois, justifie une préoccupation

10 importante de notre part.

11 M. le Président (interprétation). - Le Procureur a déjà traité

12 de ce point. Mais peut-être, maître Nice, pouvez-vous apporter une

13 assistance à la Chambre en répondant sur ce dernier point qui est très

14 clair.

15 M. Nice (interprétation). – Eh bien, il a été question de nombre

16 important, je crois que ce nombre sera effectivement important ; c'est

17 inévitable, me semble-t-il. Et puis je dis non ! Il est tout simplement

18 impossible de rendre une décision intermédiaire. La question doit être

19 traitée de façon globale. Nous recevons des informations ; il faut que

20 nous organisions ces informations et il faut donc qu'il y ait décision.

21 M. le Président (interprétation). - Oui c'est exact, mais ne

22 perdez pas de vue le fait que la date du procès est celle du 12 avril.

23 Donc, il faut tout de même que la défense bénéficie d'un délai raisonnable

24 pour se préparer.

25 (Signe affirmatif de la part de Me Nice)

Page 761

1 M. Smith (interprétation). – Je dois dire que je suis assez

2 mécontent. Je constate qu'un nombre assez important de déclarations

3 préalables de personnes qui habitaient dans la vallée et de personnes qui

4 habitaient en dehors de la vallée a déjà été communiqué. Mais il semble

5 qu'il existe encore un volume relativement important de déclarations

6 préalables que le Procureur n’est pas en état de communiquer à l’heure

7 actuelle. Et ce délai place la défense dans une situation très difficile.

8 M. le Président (interprétation). - Le Procureur en est informé,

9 mais il appartient, bien entendu, à la Chambre de première instance de

10 statuer sur ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Le procès doit se

11 maintenir dans des dimensions raisonnables.

12 M. Nice (interprétation). - Je ne sais pas si cela appelle

13 réponse de ma part ?

14 M. le Président (interprétation). – Non.

15 M. Nice (interprétation). - Mais permettez-moi de signaler un

16 autre point toutefois. Il y a ce problème d'ajout à ce que j'appellerai la

17 première liste de témoins. Mais il peut y avoir, également, des

18 soustractions sur cette liste. Alors je tiens compte de ce que vous avez

19 dit, monsieur le Président, mais si un sujet particulier est couvert par

20 plusieurs témoins, et que ce point soit repris au cours des contre-

21 interrogatoires et contesté assez largement, il est possible que nous

22 puissions nous contenter d'un ou deux témoins pour traiter de ce point.

23 Donc, cela nous amènera peut-être dans certains cas à supprimer un certain

24 nombre de témoins de la liste ; il n'y aura pas que des additions, il y

25 aura également des soustractions. Si l'on part de cette première liste

Page 762

1 théorique, elle pourra changer dans les deux sens, avant le 11 mars y

2 compris.

3 M. le Président (interprétation). - Oui. Maître Smith ?

4 M. Smith (interprétation). – Monsieur le Président, il y a une

5 dernière catégorie de documents qui est évoquée dans notre texte écrit. A

6 savoir les documents relatifs à l'article 68 du Règlement portant sur les

7 documents à décharge. Le Procureur a déclaré avoir fourni tous les

8 documents à décharge. Pour ma part, je voudrais revenir sur le sens réel

9 de cet article 68 du Règlement.

10 Il est question dans cet article de documents qui tendraient à

11 suggérer une absence de culpabilité ou à atténuer l'importance de cette

12 culpabilité.

13 Nous avons entendu ce que le Procureur a dit des mesures qu'il a

14 prises eu égard aux document à décharge et nous tenons compte de ce que le

15 Procureur nous a donné ; documents dans lesquels le nom de notre client

16 est mentionné dans les dépositions d'autres témoins.

17 Si la seule chose qu'a fait le Procureur a consisté à effectuer

18 une recherche par ordinateur, je déclare pour ma part que cela n’a guère

19 de chance de concerner l'ensemble des documents à décharge.

20 Et la défense adopte la position dans ce procès que si les

21 documents enregistrés, comme étant censés être utilisés au cours du

22 procès, doivent être communiqués à la défense lorsqu’il s'agit de

23 documents à décharge, nous tenons à rappeler à la Chambre de première

24 instance et au Procureur que ces termes documents à décharge vont plus

25 loin qu'une simple recherche informatique. C'est le dernier point que nous

Page 763

1 avons évoqué dans le texte écrit monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation). – Je pense que le Procureur

3 connaît bien les devoirs qui lui incombent en vertu de cet article, n’est-

4 ce pas ?

5 M. Nice (interprétation). – Oui, bien entendu monsieur le

6 Président et nous avons fait beaucoup plus que procéder simplement à une

7 recherche de noms par ordinateur.

8 Ce que j'ai à l'esprit également, c'est que lorsque la défense

9 aura travaillé un petit peu dans le sens qui est indiqué dans son texte

10 écrit, un certain nombre de sujets, discutés aujourd'hui et relatifs aux

11 documents à décharge, seront peut-être à reprendre dans un sens un petit

12 peu différent lorsque l'orientation générale du travail de la défense sera

13 mieux définie.

14 Et puis j'ajouterai, monsieur le Président, que nous avons

15 répondu à une lettre très longue que nous avons reçue de la défense. Je

16 crois me rappeler que nous avons distingué 28 questions dans cette lettre,

17 dont la défense affirme qu'il peut s'agir d'éléments disculpatoires. Nous

18 ne discutons pas la précision de la défense dans l'établissement de ces

19 catégories, de ces 28 catégories, car nous n'avons aucune intention

20 d'accepter ces catégories tel quel ou de nous sentir liés par

21 l'établissement de ces catégories. Mais, en tout cas, nous avons lu cette

22 lettre et nous avons gardé les éléments inscrits dans cette lettre à

23 l'esprit lorsque nous avons trié les documents pour évaluer la nature

24 éventuellement disculpatoire qu'ils pouvaient comporter.

25 Maintenant, ce jugement apporté sur des documents pour déclarer

Page 764

1 qu'ils sont à décharge -et il s'agit bien d'un jugement- ce jugement nous

2 incombe, bien entendu, avec une recours ex-parte possible au sein de la

3 Chambre de première instance dans des circonstances bien limitées qui sont

4 prévues à cette fin. Ce jugement nous appartient, mais nous l'avons fait,

5 ce jugement, en gardant à l'esprit des détails très fins qui nous avaient

6 été communiqués par la défense et je ne crois pas que nous puissions aller

7 au-delà de cela, faire mieux que cela.

8 M. Bennouna. – Maître Nice, si je comprends bien, vous nous

9 dites que vous avez respecté les dispositions pertinentes de l'article 66,

10 qui vous concernent, et 68. Et que donc, il n'est pas de raison d'aller

11 plus loin, pour l'instant, pour le respect de ces dispositions 66 et 68.

12 C'est cela que vous nous dites ?

13 Pour le moment, selon votre jugement, bien sûr, il y a matière à

14 jugement, surtout pour les preuves à décharge ; vous avez respecté les

15 dispositions et les obligations qui vous incombent au titre des

16 articles 66 et 68.

17 C'est ma question.

18 M. Nice (interprétation). - Oui, j'ai bien compris et j'y

19 répondrai de la façon suivante. Je crois que la réponse doit se diviser en

20 deux parties.

21 S'agissant des obligations de communication, notre argument, et

22 nous l'avons inscrit dans notre texte écrit, consiste à penser que les

23 articles 66 et 68 définissent de façon assez précise ce à quoi la défense

24 a droit. L’article 68, concernant les preuves à décharge, exige de nous

25 que nous exercions notre jugement. Et dans le but d'exercer notre

Page 765

1 jugement, nous devons examiner d'abord les documents que nous considérons

2 pertinents et cela va au-delà, comme je l'ai déjà dit, d'une simple

3 recherche nominative par ordinateur.

4 Cela implique, dirais-je, un test nominal, ou plutôt, c'est

5 peut-être une mauvaise expression que j'ai utilisée, un test beaucoup plus

6 large, beaucoup plus vaste, de façon à juger de la nature disculpatoire ou

7 pas d'un document. Et c'est ce que j'ai fait.

8 M. le Président (interprétation). - Vous souhaitez répondre,

9 Maître Smith ?

10 M. Smith (interprétation). - Le Procureur a raison.

11 Effectivement, la défense essaie d'être utile dans le cas de l'article 68.

12 La défense a fourni au Procureur une liste de questions qui pourraient,

13 selon nous, faire d'un document, un document à décharge. Nous sommes

14 surpris de constater que, compte tenu du volume de documents qui seront

15 présentés dans ce procès, nous n'avons pas reçu plus de documents au titre

16 de l'article 68. Mais nous remercions nos collègues de l'accusation

17 d'avoir passé en revue ces documents, d'avoir exercé leur jugement et de

18 nous avoir communiqué ce qu’ils ont pu nous communiquer, Monsieur le

19 Président.

20 M. le Président (interprétation). - Merci. Il est 17 heures 30,

21 nous devrions suspendre, à moins qu'il y ait d'autres questions urgentes à

22 soulever par l'une ou l'autre des parties.

23 M. Nice (interprétation). - Aucune question urgente, Monsieur le

24 Président.

25 M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il n'y en a

Page 766

1 pas du côté de la défense, Maître Smith.

2 M. Smith (interprétation). - Aucune question urgente du côté de

3 la défense.

4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

5

6 L'audience est levée à 17 heures 30.

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25