Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL             

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

  3                           Lundi 31 Mai 1999

  4                              LE PROCUREUR

  5                               du TRIBUNAL

  6                                    c/

  7                     Dario KORDIC et Mario CERKEZ

  8                  L'audience est ouverte à 15 heures.

  9   M. le Greffier. - Affaire IT-95-14/2, le Procureur contre

 10   Dario Kordic et Mario Cerkez.

 11   M. Smith (interprétation). - If I may addres you, this is your

 12   application as I understand it, to excludes evidence obtained from a

 13   search executed in september... *** de perquisition, mandat qui a été

 14   exécuté en septembre dernier, à Vitez, par des représentants du Bureau du

 15   Procureur de ce Tribunal.

 16   Peut-être arriverons-nous à simplifier quelque peu les choses

 17   si, pour ce qui me concerne, je fais valoir quels sont les problèmes qui

 18   sont au cœur de l'audience d'aujourd'hui.

 19   La défense, au nom de M. Kordic, avance un certain nombre

 20   d'arguments. Tout d'abord, que le Bureau du Procureur a mené à bien une

 21   perquisition illégale qui a eu lieu dans une agence du gouvernement de

 22   Bosnie. Des éléments de preuve ont été saisis en violation des droits de

 23   la République de Bosnie-Herzégovine. Vous affirmez, Monsieur Smith, que

 24   les principes fondamentaux de la procédure pénale n'ont pas été

 25   respectés : ils ont été violés, d'après vous.


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  1   La coopération et l'aide des autorités de Bosnie n'ont pas été

  2   demandées au préalable, comme cela est précisé dans la législation

  3   bosniaque qui porte sur la coopération de cet Etat avec le Tribunal. Et

  4   c'est également quelque chose qui est établi dans le droit coutumier

  5   international. Ce mandat de perquisition a été exécuté hors des limites

  6   qui régissent normalement les perquisitions dans de tels locaux.

  7   Vous dites également que les documents n'ont pas été rendus

  8   après la perquisition et que vous n'avez pas reçu d'inventaire détaillé

  9   des documents qui ont été saisis. Donc vous avancez que tous les documents

 10   qui ont été obtenus de la sorte doivent être exclus du dossier de cette

 11   affaire.

 12   Il semble que personne ne conteste réellement ce qui s'est

 13   passé. J'aimerais d'ailleurs que vous nous fassiez part de ce qui, d'après

 14   vous, est contesté ou de ce qui est mis en cause. Nous disposons des

 15   déclarations sous serment de M. Zigojnic, le responsable du Bureau du

 16   Procureur... pardon du Bureau de la défense, à Vitez, avec les pièces qui

 17   sont jointes. Nous disposons également des déclarations sous serment de

 18   M. Stipo Zigojnic et de M. Vinko Antunovic, celle de M. Tadic également,

 19   qui est le ministre de la justice de la fédération. M. Antunovic, lui, est

 20   le responsable de l'administration de la défense à Travnik.

 21   Vous demandez également -et je ne sais pas s'il y a eu accord

 22   entre les parties sur ce point- qu'un inventaire de tous les documents qui

 23   ont été saisis lors de la perquisition soit dressé.

 24   Le 5 février dernier, l'accusation a répondu à vos demandes

 25   déclarant que votre client n'a pas la possibilité de contester cette


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  1   perquisition car ses droits n'ont pas été touchés ; de même que

  2   l'accusation affirme que les droits du gouvernement non plus n'ont pas été

  3   violés. Le Bureau du Procureur indique qu'il est en droit de mener à bien

  4   cette perquisition. Se fondant sur l'article 18-2 du Statut, l'accusation

  5   déclare qu'il lui revient de rassembler les éléments de preuve et, ce

  6   faisant, le Bureau du Procureur peut, si elle le juge nécessaire, demander

  7   l'assistance et la coopération des Etats.

  8   L'article 39 du Règlement autorise le Procureur à rassembler des

  9   éléments de preuve et à prendre toutes les mesures qui lui semblent

 10   nécessaires au bon déroulement de l'enquête. Il peut notamment, pour

 11   veiller au bon déroulement l'enquête, demander l'assistance de certains

 12   Etats.

 13   Le Bureau du Procureur affirme, d'autre part, qu'il a agi dans

 14   le cadre de ce qui est établi entre ledit Tribunal et les autorités de la

 15   fédération de Bosnie.

 16   En conséquence, d'après le Bureau du Procureur, ces éléments de

 17   preuve ne doivent pas être exclus puisque la perquisition a eu lieu dans

 18   un cadre parfaitement légal. Le Bureau du Procureur indique qu'il est tout

 19   à fait prêt à fournir une liste par écrit des documents qui sont

 20   pertinents, mais il ne souhaite pas communiquer un inventaire complet des

 21   documents saisis.

 22   Ensuite, nous avons entre nos mains un résumé des éléments de

 23   preuve qui sont relatifs à cette perquisition.

 24   Monsieur Nice, je me tourne vers vous ; il est exact que vous

 25   nous aviez fait parvenir préalablement un autre sommaire d'éléments de


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  1   preuve, mais -là, je parle en mon nom-, ce sommaire-ci ne m'a été remis

  2   que ce matin. Or, c'est le 17 mai que nous avons fait la demande de ce

  3   document ; et il date du 28.

  4   M. Nice (interprétation). - J'ai peut-être mal compris ce que

  5   vous nous demandiez. Ce qui est certain, c'est que nous pensions

  6   sincèrement que nous étions dans les temps. Nous avons déposé ce document

  7   la semaine dernière et je suis vraiment désolé s'ils ne vous ont atteint

  8   qu'aujourd'hui, Monsieur le Président. Mais c'est bien ce que nous avions

  9   compris que vous souhaitiez nous voir faire.

 10   M. Président (interprétation). – Fort bien. Monsieur Smith, je

 11   me tourne à nouveau vers vous. C'est à vous de commencer. Nous disposons

 12   des différentes écritures des parties et je vous invite à revenir sur ce

 13   sujet aussi brièvement et rapidement que possible.

 14   Faites tout ce que vous pouvez et n'oublions pas que nous avons un témoin

 15   qui -je crois- est présent aujourd'hui. S'il est effectivement présent,

 16   nous souhaitons donner la priorité à ce témoin ; nous souhaitons

 17   l'entendre aussi rapidement que possible.

 18   M. Smith (interprétation). – Merci Monsieur le Président.

 19   Cette requête soulève trois problèmes fondamentaux, des problèmes

 20   cruciaux à mes yeux, notamment en ce qui concerne le premier

 21   d'entre eux. Le premier problème soulevé est le suivant : est-ce que le

 22   Conseil de sécurité des Nations Unies a autorisé le Procureur de ce

 23   Tribunal à exécuter des perquisitions armées dans des Etats souverains ?

 24   Un sujet qui me semble particulièrement important.

 25   Deuxième problème soulevé : si le Conseil de sécurité a


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  1   effectivement donné ces compétences au Bureau du Procureur, celui-ci a-t-

  2   il fait bon usage de ces compétences dans le cas qui nous intéresse ici ?

  3   Troisième problème : le problème du locus standi. Revenons sur

  4   ce qui a été dit dans le cadre de l'arrêt d'appel de l'affaire Tadic. Ce

  5   document est très complet sur la question et je n'y reviendrai pas moi-

  6   même puisque vous avez ce document à votre disposition et, à moins que

  7   vous ne le souhaitiez, je ne reviendrai pas sur ce sujet. Je vais

  8   simplement revenir si vous me permettez, sur les faits qui me semblent

  9   pertinents.

 10   M. Président (interprétation). – Eh bien, Monsieur Smith, sauf

 11   s'ils vous semblent particulièrement pertinents dans le cadre de votre

 12   requête, je vous rappelle que nous avons pu la lire, cette requête. Et je

 13   ne sais pas si vous avez besoin de répéter.

 14   M. Smith (interprétation).- Dans ce cas, Monsieur le Président,

 15   je vais vous soumettre tout de suite nos arguments. Tout d’abord, la

 16   question de l’autorité du Bureau du Procureur ou de ses compétences en la

 17   matière : ni le Statut, d'après nous, ni le Règlement de procédures et de

 18   preuve, n'octroie au Bureau du Procureur des compétences lui permettant de

 19   prendre des mesures d'exécution, notamment exécution de perquisitions dans

 20   le cadre des

 21   frontières d'Etats souverains. Le Bureau du Procureur ne peut le faire

 22   sans l'accord et la participation de l'Etat souverain concerné.

 23   Nous partons d'une proposition qui est la suivante : le

 24   Tribunal, ainsi que le Bureau du Procureur en tant qu'institution

 25   internationale, est une entité qui jouit de certaines compétences, mais


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  1   qui sont bien délimitées et bien précisées. Et nous vous référons à un

  2   avis de la Cour internationale de Justice de 1996, avis qui porte sur

  3   l'utilisation des armes nucléaires. Nous citons ce document dans notre

  4   requête.

  5   La Cour internationale de Justice parle dans ce cadre de la

  6   Communauté européenne qui est en soi une institution extrêmement

  7   développée au plan international. Je vais citer ce que dit la Cour

  8   internationale de Justice : "Etant donné que la Commission européenne ne

  9   constitue pas un Etat, mais une institution internationale dotée d'une

 10   mission bien précise, elle ne dispose que, -et je souligne ce mot que-

 11   elle apparaît dans notre requête, mais dans la réponse du Procureur, la

 12   citation est incomplète, donc je reprends la citation : "La Commission

 13   européenne ne bénéficie que des fonctions qui lui sont attribuées par un

 14   Statut très précis. La Commission européenne a le droit d'exercer ses

 15   compétences dans leur intégralité dans la mesure où il n'est pas indiqué

 16   dans le Statut qu'elle doit s'imposer des restrictions dans l'exécution de

 17   ces compétences. "

 18   Ceci établit que le Tribunal n'est pas un Etat et n'est pas une

 19   entité souveraine. Cela établit également qu'il s'agit en fait d'une

 20   entité qui jouit de compétences limitées et précises. C'est bien dans ce

 21   cadre que le Conseil de sécurité s'est exprimé dans le cadre de

 22   l'élaboration du Statut. Troisièmement, je crois qu'il est vrai que le

 23   Tribunal et le Procureur sont tenus de respecter les limitations qui lui

 24   sont imposées par le droit international.

 25   Le Conseil de sécurité des Nations Unies, en votant le statut du


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  1   Tribunal, décide de ce simple fait de faire du Statut le corps de lois qui

  2   s'applique et qui est contraignant, à savoir ici le droit international.

  3   Dans la mesure où le Tribunal et le Bureau du Procureur sont

  4   autorisés à exercer les fonctions qui lui sont attribuées dans leur

  5   intégralité, qu'est-ce que ça veut dire dans leur intégralité ? Cela veut

  6   dire dans l'intégralité de ce qui est permis par la loi, à savoir ici le

  7   droit international.

  8   Je ne reviendrai pas sur les principes du droit international

  9   qui sont relatifs à l'usage de la force dans des opérations de

 10   perquisition et de saisie qui ont lieu sur le territoire d'un état

 11   souverain car ce sujet, nous l'abordons assez exhaustivement dans notre

 12   mémoire. Mais ce qui est clair, c'est que, d'après le droit international,

 13   toute entité autre que l'Etat souverain lui-même qui souhaite exercer ce

 14   qui sont, en fait, des compétences exécutives de souveraineté au sein d'un

 15   Etat souverain et de ses frontières, toute entité de ce type doit

 16   bénéficier du consentement et de l'assistance de l'Etat souverain,

 17   assistance et consentement qui peuvent être consacrés par des traités

 18   multilatéraux, qui peuvent être consacrés par des conventions modèles, par

 19   des documents écrits qui établissent quels seront les principes de

 20   l'assistance mutuelle qui devront s'appliquer.

 21   Si nous nous penchons tout d'abord sur ce qui est dit dans le

 22   Statut, nous remarquons de façon générale que le Tribunal a reçu un

 23   certain nombre de compétences juridiques, mais non pas des compétences

 24   exécutives. Il est également important de noter ce que dit le droit

 25   international, droit international qui interdit que des opérations de


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  1   saisie et de perquisitions armées soient menées à bien dans le territoire

  2   d'un état souverain.

  3   Nous nous pencherons dans un instant sur ce que dit très

  4   précisément le Statut, mais si celui-ci prévoyait la possibilité pour le

  5   Tribunal de mener à bien de telles perquisitions, il le dirait très

  6   clairement et très explicitement parce que, si le Statut consacrait une

  7   telle compétence au Tribunal, il irait à l'encontre de tout ce qui est

  8   établi dans le droit international, dans tout ce qui est établi dans le

  9   cadre des Nations Unies, dans tout ce qui est établi dans le Statut, en

 10   l'occurrence, Statut qui a été mis sur pied notamment par l'intervention

 11   du Conseil de sécurité.

 12   Je crois qu'il est important et intéressant de voir ce qui est

 13   dit à propos de ces compétences qui sont celles du Tribunal. A la page 11

 14   de notre mémoire, nous réunissons un certain nombre de déclarations tirées

 15   d'un des premiers rapports traitant du TPIY, nous faisons notamment valoir

 16   ce qui a été dit par la Chambre d'appel dans le cas de l'arrêt Blaskic sur

 17   les injonctions de produire.

 18   Le Président du Tribunal d'alors, le Président Cassese, s'est

 19   exprimé dans le cadre de cet arrêt notamment. Nous avons également fait

 20   valoir les commentaires de Mme le Président McDonald, commentaire fait

 21   aussi récemment que novembre 1998, c'est-à-dire peu de temps après la

 22   perquisition qui nous intéresse ici.

 23   Dans un autre de nos mémoires, celui qui demande à ce qu'un

 24   inventaire des documents saisis nous soit remis, dans ce mémoire-ci, nous

 25   citons Mme le Procureur elle-même qui, dans le cadre d'un entretien,


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  1   s'exprime sur ce sujet quelques jours avant la perquisition.

  2   Toutes ces déclarations viennent à l'appui de ce qui est dit

  3   dans le Statut, à savoir que celui-ci ne prévoit aucune compétence

  4   permettant au Tribunal de mener à bien des perquisitions ou des saisies

  5   armées, et exécutées unilatéralement dans des Etats souverains.

  6   M. le Président (interprétation). - Je vous interromps,

  7   Maître Smith. Où vous trouvez-vous dans ce mémoire ? Vous nous dites que

  8   nous pouvons trouver ces différents commentaires, mais où ?

  9   M. Smith (interprétation). - Pages 11 et 12. Je voulais les

 10   lire, Monsieur le Président, mais vous me demandez d'être bref. Alors, je

 11   ne vais pas le faire.

 12   M. le Président (interprétation). - C'est simplement pour que

 13   nous puissions nous y retrouver.

 14   M. Smith (interprétation). - Oui. 11 et 12 pour les pages,

 15   note 22. Il y a également M. Frederik Harhoff qui s'est exprimé dans la

 16   Revue internationale de la Croix-

 17   Rouge ; vous trouverez son commentaire à la page 21 de notre mémoire.

 18   M. le Président (interprétation). - Vous faites également

 19   référence à cette motion aux fins d'obtention d'un inventaire ?

 20   M. Smith (interprétation). - Absolument. Donnez-moi un instant,

 21   Monsieur le Président. Je vous suggère de m'autoriser à continuer et mon

 22   collègue essaiera de retrouver la citation dont je vous ai fait part. Nous

 23   vous ferons parvenir le numéro de la page dès que nous le pourrons ; dans

 24   un instant, je l'espère.

 25   Si vous me permettez, j'en viens à l'article 16 qui est repris


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  1   par Mme le Procureur comme étant la base a priori des compétences qu'elle

  2   s'est octroyées en l'espèce. L'article 16 prévoit que le Bureau du

  3   Procureur est responsable de mener les enquêtes relatives aux crimes de

  4   guerre. Mais, pour moi, il ne s'agit pas là d'un principe qui octroie au

  5   Tribunal des compétences qui vont à l'encontre du droit souverain des

  6   pays.

  7   Il est également précisé dans cet article que le Bureau du

  8   Procureur agira -je cite- "indépendamment", mais cela ne peut pas

  9   signifier que le Bureau du Procureur travaillera arbitrairement ou

 10   illégalement. C'est cette Chambre de première instance devant laquelle

 11   nous nous trouvons qui doit se prononcer sur le caractère légal de la

 12   conduite du Procureur au titre de l'article 95 du Règlement.

 13   Je me tourne vers l'article 18 que vous avez mentionné tout à

 14   l'heure, Monsieur le Président. L'article 18 précise que le Bureau du

 15   Procureur doit commencer à mener les enquêtes et, je cite, "Evaluer les

 16   informations qui lui parviennent par le biais de ces enquêtes".

 17   (L'interprète ne cite pas mot pour mot le Règlement).

 18   D'après nous, ceci ne constitue pas un principe suffisamment

 19   solide pour que le Bureau du Procureur puisse se lancer dans des saisies

 20   et des perquisitions armées dans un Etat souverain, sans bénéficier au

 21   préalable de l'accord dudit Etat.

 22   A l'article 18-2 du Statut, nous disposons d'un article qui

 23   précise que le Bureau du Procureur est habilité à mener des enquêtes sur

 24   le terrain et à rassembler des éléments de preuve.

 25   Cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, est tout ce


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  1   que le Statut dit sur ce type d'activité. Dans un certain nombre de

  2   mémoires, le Bureau du Procureur indique que ce type d'activité constitue

  3   des enquêtes menées sur le terrain et constitue un rassemblement

  4   d'éléments de preuve. Dans les différentes déclarations qui ont été

  5   faites, cependant, les membres du Bureau du Procureur se réfèrent encore

  6   et encore à ces activités comme étant des activités qui comprennent la

  7   perquisition. Ainsi, par exemple, dans la déclaration de Mlle Pantz, le

  8   terme "saisie" "est utilisé pour caractériser la mesure entreprise. Je

  9   vous renvoie aux paragraphes 30, 32, 37, 47, 48, 49, 55, 56, et 57.

 10   De même, dans la déclaration de M. Dornan, le mot "saisie" est

 11   utilisé. On parle de "documents rassemblés et saisis" au paragraphes 21.

 12   Et la même chose est dite dans la déclaration de M. Guy Lesson (?) au

 13   paragraphe 15.

 14   En bref, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ceci

 15   n'était pas un rassemblement consensuel d'éléments de preuve. Il ne

 16   s'agissait pas là d'une enquête menée sur le terrain. Ceci était une

 17   action coercitive, une action d'intrusion, une action qui visait à saisir

 18   et perquisitionner certains locaux ; une opération qui était accompagnée

 19   de l'usage de la force armée.

 20   Ce qui a donc été effectué ici, c'est un exercice de compétence.

 21   Par exemple, le recours à la force directe...

 22   M. le Président (interprétation). - Très bien. Vous parlez de

 23   l'article 18, mais vous ne parlez pas du paragraphe 2. Vous pourriez peut-

 24   être nous aider quant à la deuxième phrase de ce paragraphe. Peut-être que

 25   vous alliez en parler, mais vous ne l'avez pas fait pour le moment.


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  1   Il est indiqué, dans l'article 2 de l'article 18 du Statut -je

  2   cite- : "Dans l'exécution de ces tâches, à savoir réunir des preuves et

  3   procéder sur place à des mesures d'instruction, le Procureur peut, selon

  4   que de besoin, solliciter le concours des autorités de l'Etat concerné".

  5   Vous, Monsieur Smith, vous avancez qu'il faudrait lire au lieu

  6   de "peut", "doit". C'est bien ce que vous dites, Maître Smith ?

  7   M. Smith (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Ce que

  8   je pense, c'est que cela doit être fait, qu'il est bon que cela soit fait,

  9   non pas parce que cela est dit dans le Statut, mais parce qu'il faut

 10   respecter les principes du droit international, qui sont contraignants

 11   ici, dès lors que l'on parle de saisies et de perquisitions.

 12   Et c'est bien ce type de perquisition et de saisie qui a été

 13   utilisé pour rassembler des éléments de preuve dans le cas qui nous

 14   intéresse. Les éléments de preuve n'ont pas besoin d'être rassemblés

 15   forcément par une saisie ou par une perquisition.

 16   Je vous renvoie à une décision de la Cour constitutionnelle

 17   française, la plus haute instance juridique française. Une décision qui

 18   n'apparaît pas dans notre mémoire, c'est pourquoi je la fais valoir à vos

 19   yeux et aux yeux des membres du Bureau du Procureur. Dans le cadre de

 20   cette décision, les dispositions relatives à l'enquête menée sur la

 21   convention qui devait régir la Cour pénale internationale, le débat, donc

 22   qui portait sur ces dispositions, portait en fait également sur la

 23   question de savoir si la Constitution française devait être amendée avant

 24   de pouvoir ratifier le traité fondateur de la Cour pénale internationale.

 25   La Cour constitutionnelle française a déterminé que même dans le


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  1   cas d'enquêtes qui n'avaient pas recours à des mesures de coercition, il y

  2   aurait violation de la Constitution dès lors que le Procureur de la Cour

  3   pénale international procédait sans se conformer aux exigences de la

  4   législation française.

  5   Mais, je crois que ce qui est dit par les institutions

  6   françaises est dit par nombre

  7   d'autres pays. Dès lors que le Bureau du Procureur s'octroie certains

  8   attributs qui sont ceux en fait d'un Etat souverain, pour avoir recours à

  9   la force, dans le cadre d'une saisie et d'une perquisition - chose que

 10   jamais les conseils de la défense de quelque pays que ce soit pourraient

 11   faire - c'est dès que cette situation se présente qu'il faut se poser la

 12   question de savoir si c'est légal ou pas.

 13   Nous, ce que nous disons, c'est que le Tribunal et le Bureau du

 14   Procureur doivent se conformer aux principes fondateurs du droit

 15   international, qui sont pour nous violés en l'espèce.

 16   M. le Président (interprétation). - Mais voyons si vous avez

 17   raison dans le cadre de votre argumentation. Il n'est pas du tout

 18   nécessaire d'introduire la phrase sur laquelle nous nous penchons dans

 19   l'article 18.

 20   M. Smith (interprétation). - Eh bien si, parce que cela met la

 21   puce à l'oreille du Bureau du Procureur. Cela lui indique que dans nombre

 22   de cas, il ne sera peut-être pas seulement approprié mais nécessaire de

 23   procéder comme indiqué. Le Bureau du Procureur peut être amené à s'engager

 24   dans un champ très élargi de procédures d'enquête. En France, par exemple,

 25   on fait valoir aux yeux du Procureur qu'il doit parfois se lancer dans des


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  1   activités de type consensuel, et il doit donc notifier aux autorités

  2   françaises ce qu'il désire faire.

  3   Dans ce cas, il s'agit d'une perquisition et d'une saisie armée,

  4   agressive. Donc on leur indique ici quelles sont les contraintes qu'ils

  5   doivent respecter au titre des dispositions du droit international.

  6   M. Robinson (interprétation). - Monsieur Smith, la deuxième

  7   phrase du paragraphe 2 de l'article 18 du statut ne traite pas du

  8   consentement des Etats, elle traite du concours des autorités de l'Etat

  9   concerné. C'est assez différent, n'est-ce pas ?

 10   M. Smith (interprétation). - Vous avez parfaitement raison sur

 11   ce point, Monsieur le Juge. Et il me semble que l'on peut en fait

 12   présenter toute mon argumentation sur le principe

 13   que vous venez de soulever.

 14   Par ailleurs, l'article 29 du statut touche également au

 15   problème qui nous occupe, parce qu'il indique qu'il y a un devoir de

 16   coopération des Etats. Et d'après nous, ceci ne serait pas stipulé si ce

 17   type de coopération n’était pas nécessaire. D'après nous, l'introduction

 18   de cet article confirme l'interprétation que nous faisons du statut.

 19   Il n'y aurait pas nécessité de demander coopération, il n'y

 20   aurait pas nécessité d'imposer un devoir aux Etats de coopérer avec le

 21   Tribunal si le Bureau du Procureur avait toute liberté dans l'exécution de

 22   ses activités, par exemple la perquisition et la saisie armée de certains

 23   documents.

 24   M. le Président (interprétation). - Bien. Si nous vous suivons

 25   sur cette ligne de raisonnement, vous déclarez que tout Etat qui souhaite


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  1   empêcher le Bureau du Procureur de mener à bien ses activités est en droit

  2   de le faire ; et contre un tel refus, le Tribunal ne peut rien faire.

  3   C'est bien cela ?

  4   M. Smith (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président,

  5   mais ce n'est pas la situation à laquelle nous sommes confrontés ici,

  6   parce qu'il y a dans la législation internationale des dispositions qui

  7   sont pertinentes, et il y a un protocole d'accord sur lequel je reviendrai

  8   tout à l’heure, protocole d'accord qui premièrement régit l'assistance qui

  9   doit être fournie au Bureau du Procureur et au Tribunal, et deuxièmement

 10   qui régit les principes méthodologiques qui doivent être utilisés et qui

 11   sont très similaires à ceux qui sont utilisés dans les traités bilatéraux

 12   en matière d’entraide judiciaire.

 13   Donc je ne pense pas que nous ayons à nous poser la question que

 14   vous soulevez, sur la base des faits qui nous intéressent ici.

 15   M. le Président (interprétation). - Donc, vous pensez que le

 16   Bureau du Procureur aurait dû se tourner vers la fédération de Bosnie,

 17   pour lui demander si elle pouvait exécuter son mandat de perquisition ?

 18   M. Smith (interprétation). - Tout à fait. C'est la méthodologie

 19   fondamentale qui est toujours utilisée dans les traités bilatéraux en

 20   matière d’entraide judiciaire.

 21   M. le Président (interprétation). - Et que se passe-t-il si

 22   l'entité en question refuse ?

 23   M. Smith (interprétation). - Eh bien, dans ce cas le Bureau du

 24   Procureur, le Tribunal ont certains recours, à savoir ce qui lui permet de

 25   se présenter devant le Conseil de sécurité.


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  1   M. le Président (interprétation). - Et qu'adviendrait-il des

  2   documents qui auraient dû être saisis pendant ce temps-là ?

  3   M. Smith (interprétation). - Eh bien, peut-être resteront-ils

  4   dans leurs locaux d'origine, peut-être pas, cela est évident, je le

  5   reconnais et je l'admets.

  6   Ceci étant dit, il me semble que ce qui est au coeur de la

  7   question aujourd'hui, au coeur de la question présentée par le Bureau du

  8   Procureur, est de savoir si la fin justifie les moyens. Or, les moyens ici

  9   n'ont pas été établis sur les principes consacrés par le Statut. Ils ne se

 10   basent pas sur les principes internationaux de consentement et de

 11   souveraineté.

 12   Par exemple, si le Bureau du Procureur se lançait dans ce type

 13   d'activité en France, aux Etats-Unis ou en Allemagne, le Procureur se

 14   retrouverait dans une situation assez épineuse. Et les Etats concernés ne

 15   diraient pas du tout qu'ils ont donné leur consentement au Bureau du

 16   Procureur ou au Tribunal pour que celui-ci s'engage sur leur territoire

 17   dans une perquisition, une saisie armée.

 18   Si vous me le permettez, Monsieur le Président, j'en viens

 19   maintenant à l'interprétation du Règlement.

 20   M. le Président (interprétation). - Mais certainement.

 21   M. Smith (interprétation). – Eh bien, la première chose à dire,

 22   bien évidemment, c'est que le Règlement n'ajoute rien aux pouvoirs

 23   stipulés dans le Statut. L'article 39 autorise le

 24   Procureur "à enregistrer des déclarations, à recueillir tout

 25   élément de preuve et à enquêter sur les lieux". Il permet également au


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  1   Procureur –je cite- "de prendre toute mesure jugée nécessaire aux fins de

  2   l'enquête". Ceci signifie, d'après nous, prendre toutes autres mesures qui

  3   sont autorisés par le Statut et qui sont jugées nécessaires.

  4   Parce que le Règlement ne veut pas aller au-delà de ce qui est

  5   dit dans le Statut, l'article 39 ne peut pas et ne doit pas donner au

  6   Procureur plus de compétences que ce que ne fait le Statut. Or, le Statut

  7   n'autorise pas le Bureau du Procureur à obtenir un mandat de perquisition,

  8   à le présenter à l'Etat et à passer outre le consentement de l'Etat pour

  9   l'exécuter. Il doit le présenter et bénéficier du concours de cet Etat

 10   avant de pouvoir l'exécuter.

 11   Je me tourne maintenant vers la Bosnie et la législation en

 12   vigueur dans ce pays.

 13   La Bosnie n'autorise pas des opérations de perquisition et de

 14   saisie armée sur son territoire. Premier point : cela d'ailleurs n'aurait

 15   pas d'importance dans notre procès si la Bosnie le faisait. Cela

 16   n'octroierait pas l'autorité que le Tribunal possède en vertu du statut à

 17   ce même Tribunal.

 18   Deuxième point : même si nous étions dans la situation inverse,

 19   il peut être utile d'examiner un certain nombre de documents que nous

 20   avons cités, que le Procureur a cités également dans les mémoires que vous

 21   avez entre les mains, afin de vérifier si ces documents fournissent au

 22   Tribunal ou au Procureur la compétence nécessaire pour s'engager dans une

 23   perquisition armée sur le territoire bosniaque sans tenir compte de la loi

 24   bosniaque et sans demander le moindre consentement à l'avance. Je

 25   commencerai, Monsieur le Président, si vous le voulez bien, par le


Page 2993

  1   protocole d'accord du 3 décembre 1994.

  2   M. le Président (interprétation). - Où est-ce que nous le

  3   trouvons ?

  4   M. Smith (interprétation). – Il est cité dans notre mémoire ;

  5   j'en ai des exemplaires sur moi. Si les Juges ne possèdent pas ce

  6   document, j'aurai grand plaisir à le distribuer.

  7   M. le Président (interprétation). - Cela pourrait être assez

  8   utile si vous nous le redistribuiez, Monsieur Smith.

  9         (L'huissier s'exécute.)

 10   M. Smith (interprétation). - Monsieur le Président,

 11   Messieurs les Juges, s'agissant de ce protocole d'accord, le premier point

 12   qu'il convient de remarquer est qu'il s'agit d'un document qui a été

 13   établi avant l'accord de Dayton. Et le deuxième point qu'il importe de

 14   remarquer est que ce protocole d'accord n'est qu'un protocole d'accord. Il

 15   ne s'agit aucunement d'un traité. Ce protocole d'accord a été signé par le

 16   ministre des Affaires étrangères, au nom de son gouvernement, quelques

 17   mois à peine après la constitution d'un gouvernent mixte.

 18   Des efforts ont été déployés, tant par les Croates que par les

 19   Serbes de Bosnie, pour obtenir une modification de ce gouvernement et de

 20   ce texte, car ils n'avaient pas participé aux négociations qui ont conduit

 21   à sa signature. Un nouveau protocole d'accord a donc été publié, mais n'a

 22   jamais été signé par le gouvernement britannique. Car, comme vous le savez

 23   sans doute, il y a un certain nombre de questions dont le Règlement est

 24   bloqué au sein du gouvernement bosniaque dès lors que l'une ou l'autre des

 25   parties constituant ce gouvernement fait objection à son application.


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  1   Donc maintenant, j'aimerais examiner le libellé de ce protocole

  2   d'accord, en me penchant d'abord sur le préambule qui parle d'accord "en

  3   vue d'une coopération pleine et entière avec le Procureur du Tribunal,

  4   coopération inconditionnelle dans l'exécution de ses droits, devoirs et

  5   obligations".

  6   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce libellé

  7   prévoit une coopération qui existe en fonction du droit bosniaque, qui

  8   s'appuie sur le droit bosniaque. Donc tout représentant gouvernemental

  9   s'appuyant sur le droit bosniaque, et qui a la discrétion nécessaire

 10   d'exercer pleinement sa coopération sans condition, peut le faire sans

 11   contrainte légale.

 12   Deuxième point : j'aimerais souligner qu'au paragraphe 11 de ce

 13   document, il est prévu que le Procureur peut envoyer des enquêteurs pour

 14   examiner des documents, etc. réunis par les autorités de Bosnie-

 15   Herzégovine et portant sur des violations potentielles du droit

 16   international, donc sur des crimes de guerre éventuels. Et il est prévu

 17   dans ce texte que les autorités coopéreront avec les enquêteurs, leur

 18   permettront d'accéder à ces documents, ainsi que tout autre élément

 19   nécessaire qu'ils pourront reproduire, examiner, ou copier d'une autre

 20   façon. Mais il n'est pas question de saisie ou de perquisition.

 21   Je poursuis la lecture du texte. "Si des documents originaux

 22   sont nécessaires, une disposition prévoit que les enquêteurs et les

 23   autorités peuvent prendre des mesures exceptionnelles permettant la

 24   transmission en toute sécurité des documents originaux à La Haye. Dans ce

 25   cas, les documents originaux sont saisis."


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  1   Or, dans le cas qui nous intéresse, les documents originaux ont

  2   été saisis et envoyés par une décision unilatérale à La Haye. Donc,

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce paragraphe, si tant est

  4   qu'il traite de la perquisition et de la saisie, a été violé dans son

  5   contenu. Et j'affirme que l'objet de ce paragraphe consistait à traiter

  6   d'une coopération consensuelle et non d'une perquisition et d'une saisie.

  7         (Les Juges se consultent sur le Siège.)

  8   M. le Président (interprétation). - Maître Smith, je vous prie

  9   de nous excuser pour cette interruption, mais nous avions un point à

 10   discuter. Je vous demanderais de bien vouloir poursuivre.

 11   M. Smith (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 12   Les paragraphes grand 5 et grand 6 du protocole d'accord, cités

 13   par le Procureur, traitent -je le répète- uniquement de la réunion des

 14   éléments de preuve et de l'enquête menée par une partie, et ne traitent

 15   absolument pas de perquisition et de saisie armée.

 16   La loi applicable en Bosnie exige, pour que des mandats de

 17   perquisition soient

 18   appliqués, des mandats de perquisition en provenance de l'étranger, un

 19   certain nombre de dispositions qui sont citées dans notre texte. Et c'est

 20   le texte de 1996 qui s'applique à la coopération avec le Tribunal pénal

 21   international, donc un texte ultérieur au protocole d'accord dont nous

 22   parlons actuellement. C'est ce texte postérieur qui est une loi ayant

 23   préséance sur le protocole d'accord, qui n'est lui-même pas un traité.

 24   Dans l'article 27 que nous citons, toute ordonnance définitive

 25   relative à la réunion d'éléments de preuve doit être exécutée par le


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  1   ministère de la Justice en collaboration avec le ministère des Affaires

  2   étrangères et un autre ministère du pays, le ministère de l'Intérieur.

  3   L'article 6 de cette loi désigne le code de procédure pénale de

  4   la Bosnie comme instrument réglementant les détails de l'entraide

  5   judiciaire. Le code de procédure pénale est également cité dans notre

  6   mémoire ; il contient notamment l'article 518 qui traite de la question

  7   des mandats destinés à permettre la réunion d'éléments de preuve à

  8   soumettre au ministère des Affaires étrangères. L'article 512.1 exige du

  9   ministère des Affaires étrangères qu'il soumette de telles demandes aux

 10   tribunaux compétents, en général un tribunal de première instance. Et

 11   c'est en fait la méthode qui est traditionnellement suivie dans toute

 12   situation d’entraide judiciaire dans le monde.

 13   Cette pratique est nettement en contradiction avec ce qui vient

 14   de se faire, au moins s'agissant d'un des Etats issu de l'ex-Yougoslavie,

 15   qui interdit par exemple l'extradition. Mais ce n'est pas la situation à

 16   laquelle nous nous intéressons aujourd'hui. Ce qui nous intéresse

 17   aujourd'hui, c'est le respect par la Bosnie des dispositions qui sont

 18   contraignantes dans le cadre du droit applicable dans ce pays. Et dans la

 19   constitution bosniaque, il y a une disposition qui prévoit les mêmes

 20   obligations.

 21   M. Robinson (interprétation). - Maître Smith, vous avez fait

 22   référence aux pratiques traditionnelles et à la méthode internationale

 23   applicable à l'entraide judiciaire. Alors cette méthode traite donc de

 24   l'assistance mutuelle, je parle bien d'assistance judiciaire quel que

 25   soit le nom qu'on veut lui donner, mais en tout cas une assistance, une


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  1   entraide qui implique l'intervention de plusieurs Etats, donc une

  2   assistance inter-Etats.

  3   Mais ici, nous ne parlons pas d’entraide judiciaire impliquant

  4   plusieurs Etats. L'exercice qui nous réunit ici aujourd'hui a pour but de

  5   résoudre le problème de l'action du Conseil de sécurité en vertu du

  6   chapitre 7 de la Charte des Nations Unies. Donc, à mon avis, l'analogie

  7   que vous établissez avec l'entraide judiciaire qui est une entraide

  8   mutuelle entre Etat, fondée sur des traités, va un tout petit peu loin.

  9   Je crois que dans le cas qui nous intéresse, nous devons aboutir

 10   à une solution consensuelle. Ici, nous n'avons pas pour but d'examiner un

 11   traité ou d'appliquer un traité. Nous avons pour but de permettre

 12   l'application d'un texte établi par le Conseil de sécurité dans le cadre

 13   du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies ; il y a une petite

 14   différence.

 15   M. Smith (interprétation). - Ce que je dirai, c'est que les

 16   procédures applicables au terme du droit international concernent tout de

 17   même un Etat souverain, un Etat souverain qui subit des pouvoirs

 18   coercitifs éventuellement sur son territoire. Et la notion de souveraineté

 19   me paraît un principe utile à examiner lorsque nous parlons des intentions

 20   du Conseil de sécurité, en nous fondant sur la lecture du Statut. Car le

 21   libellé qui est contenu dans le statut s'applique à tous les Etats membres

 22   des Nations Unies. Et si nous partons du principe que des pouvoirs sont

 23   octroyés en vertu de ce Statut, des pouvoirs permettant de mener une

 24   perquisition et une saisie armée dans n'importe quel pays membre des

 25   Nations Unies, et en n'oubliant pas, bien sûr, le mode de fonctionnement


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  1   normal des rapports entre états, je dis que ce Tribunal en tant

  2   qu'institution n'est pas une entité souveraine. Ce Tribunal est une entité

  3   internationale, comme l'indique la jurisprudence de la Cour internationale

  4   de justice. Donc, ce Tribunal n'a que les pouvoirs qui lui ont été

  5   délégués en vertu du Statut. Il m'apparaît donc que, dans le cadre d'une

  6   application normale du droit international, il importe au plus haut point

  7   de se poser la question de savoir quelles étaient les intentions

  8   au moins du Conseil de sécurité en octroyant ses

  9   pouvoirs au Tribunal. Il me semble également que

 10   le droit international doit avoir la possibilité de se référer au droit

 11   coutumier, à la *** Custom Law internationale. Il me semble que Custom Law

 12   possède des dispositions de fond et de forme allant dans le sens de ce que

 13   je suis en train d'indiquer et qui, en tout cas s'appliquent davantage aux

 14   aspects consensuels du droit international qu'à d'autres aspects

 15   éventuellement contraignants.

 16   J'aimerais poursuivre en reprenant les différents arguments

 17   évoqués par le Procureur lorsqu'il parle du pouvoir octroyé au Tribunal.

 18   D'abord, la compétence du Tribunal pénal international en

 19   matière d'exercice de pouvoirs qui, pour l'essentiel, sont des pouvoirs

 20   exécutifs non judiciaires... Je veux parler d'opérations de perquisition

 21   et de saisie. Le simple commentaire que je voudrais faire, c'est que nous

 22   avons présenté un certain nombre d'arguments qui expliquent notre

 23   position, à savoir que ces pouvoirs, s'ils ont été octroyés au Tribunal,

 24   ne s'appliquent pas à l'activité dont nous parlons ici -saisie et

 25   perquisition-, mais à des opérations d'adjudication.


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  1   La Chambre d'appel Blaskic a également été citée. J'ai déjà

  2   évoqué la citation d'un passage de l'arrêt de la Chambre d'arrêt Blaskic

  3   selon laquelle la perquisition et la saisie doivent être menées dans le

  4   cadre des activités prévues par l'Etat impliqué, l'Etat concerné, c'est-à-

  5   dire en tenant compte des mesures de protection nécessaires pour les

  6   témoins, ainsi que des interrogatoires, des auditions de témoins qui

  7   constituent un point différent du recueil d'éléments de preuve par

  8   perquisition et saisie à proprement parler.

  9   Le Procureur a également évoqué le statut. Nous allons lui

 10   répondre sur ce point en disant que ce n'est pas l'article 7 qui donne

 11   compétence d'exécution, compétence exécutoire au Tribunal ; ce n'est pas

 12   cet article qui permet de faire ce que le procureur dit qu'il permet de

 13   faire au Tribunal pénal international.

 14   Le Procureur a apporté plusieurs réponses implicites dans son

 15   mémoire quant aux arguments que

 16   nous avons avancés sur les faits. Dans la situation dans

 17   laquelle nous sommes, j'aimerais revenir à l'argument que j'ai déjà

 18   présenté en réponse à une question qui m'a été posée. Quelle que soit la

 19   façon dont on aborde le problème, la fin ne justifie pas les moyens si les

 20   moyens ne sont pas accordés. J'ai déjà dit cela lorsque je me suis penché

 21   sur le libellé utilisé dans le Statut du Tribunal.

 22   Deuxième point : nous ne cessons de dire et de redire que le

 23   Procureur a agi avec la plus grande politesse, disons, lorsque l'enquête a

 24   été entamée. Lorsque les documents ont été recueillis et saisis, le

 25   gouvernement bosniaque a offert un café, mais ce que je dis ici, Monsieur


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  1   le Président et Messieurs les Juges, c'est que quel que soit le degré de

  2   politesse que l'on manifeste au cours d'un hold-up, cette politesse ne

  3   justifie pas le hold-up ; elle ne peut pas contrevenir à l'autorité

  4   existante.

  5   S'agissant de cette opération de saisie et de perquisition, il

  6   n'y a aucun doute sur la question. Lorsque les Croates de Bosnie ont

  7   décidé que ce point ne pouvait faire l'objet d'aucune discussion, ils ont

  8   apporté la preuve qu'ils n'étaient absolument pas aussi difficiles, qu'ils

  9   ne créaient pas l'obstruction dont parle l'accusation dans ses écrits.

 10   Le procureur a encore présenté d'autres arguments, qui n'ont

 11   fait l'objet d'aucune objection par les responsables gouvernementaux

 12   croates de Bosnie. Mais, en fait, le Procureur a mis la charrue avant les

 13   bœufs. Ce qui constitue une violation des droits bosniaques, c'est qu'il y

 14   a eu absence de consensus. Le fait qu'il n'y ait pas eu d'objection depuis

 15   la date de ce non respect du consensus n'a rien à voir avec le fait de

 16   savoir si oui ou non, le consensus était indispensable.

 17   Je suis certain, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

 18   vous admettrez - comme le fera, je pense, le Procureur - que procéder à

 19   une perquisition et à une saisie sans en avoir averti les victimes à

 20   l'avance est une manière de contrevenir au consensus et à la nécessité de

 21   consentement par la personne concernée.

 22   Par ailleurs, les documents saisis ne sont pas des documents

 23   personnels, mais l'insulte qui est faite à la souveraineté n'en est rendue

 24   que plus grave, comme nous le disons dans notre mémoire écrit. Ces

 25   documents n'étaient pas uniquement des documents gouvernementaux ;


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  1   c'étaient des documents relatifs à la sécurité, à la sécurité sociale, à

  2   un certain nombre de droits qui sont des droits fondamentaux de la

  3   personne. Nous allons donc plus loin que l'aspect gouvernemental.

  4   Enfin, il a été dit que les Croates de Bosnie n'ont pas coopéré

  5   avec le Tribunal, en ne mettant pas à sa disposition les documents et

  6   éléments de preuve dont il a besoin. Ce que je dirais pour commencer, afin

  7   de répondre à cet argument, c'est qu'il importe de bien se rendre compte

  8   que cette affaire concerne deux individus et pas les Croates de Bosnie de

  9   façon générale. Le deuxième point qui me paraît important, c'est que les

 10   exemples de défaut de coopération cités par le Procureur n'ont été qu'un

 11   seul exemple avant la perquisition et la saisie. Les trois autres exemples

 12   cités ont eu lieu après la perquisition et la saisie, donc ils n'ont rien

 13   à voir avec la période antérieure à cette perquisition et à cette saisie.

 14   Autre point : nous n'avons connu l'importance de cet argument

 15   que vendredi dernier, lorsque le Procureur a mis à notre disposition une

 16   déclaration relative au défaut de coopération. Et cette déclaration allait

 17   bien au-delà de ce qui était écrit dans le résumé des éléments de preuve.

 18   Nous avons examiné la question, nous avons étudié la coopération

 19   qui a été fournie depuis pas mal de temps déjà, depuis au moins trois ans

 20   puisque c'est un point qui est avancé par le Procureur officiellement

 21   devant ce Tribunal.

 22   Et lorsque nous avons examiné cette question -c'est d'ailleurs

 23   une information que nous venons de recevoir aujourd'hui- j'ai appelé mes

 24   collègues de la partie adverse. Mais apparemment, quelque temps avant la

 25   perquisition, et je dirais même qu'à mon avis il doit s'agir de


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 14   pagination anglaise et la pagination française.

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  1   l'année 1997, le Procureur a envoyé un représentant auprès de

  2   M. Ante Jelavic, qui à l’époque

  3   était ministre de la Défense du gouvernement bosniaque.

  4   La demande consistait à consulter les archives du HVO, et étant

  5   donné que l’accord de Dayton avait déjà été conclu, ces archives du HVO

  6   étaient donc devenues des archives officielles de la Bosnie.

  7   M. Jelavic a rendu une ordonnance autorisant cette consultation,

  8   et a envoyé les représentants du Procureur à Grude, je crois, pour qu'ils

  9   puissent examiner les archives. Les représentants du Procureur ont trouvé

 10   les archives à Grude ; apparemment elles étaient très volumineuses, et il

 11   semblerait que les représentants du Procureur aient décidé que les

 12   représentants gouvernementaux bosniaques devaient fournir des informations

 13   très précises et pas des informations aussi générales.

 14   Donc après avoir dit cela, les représentants du Procureur ont

 15   quitté les lieux. La situation telle que je viens de la décrire, a été

 16   résumée par M. Jelavic dans une lettre qu'il a envoyée à M. Blowit. Je ne

 17   suis pas en possession de cette lettre aujourd'hui, je l’avais pas ce

 18   matin, mais le Procureur a eu la bonté de me la communiquer. Je n’en ai

 19   d'ailleurs qu'un seul exemplaire. Cette lettre de M. Jelavic, pour

 20   l'essentiel, se contente de décrire les faits. Il est possible que le

 21   Procureur ait davantage d'informations au sujet de ces faits. En ce qui me

 22   concerne, j'ai essayé d'acquérir un maximum d'informations au cours du

 23   week-end quant à ce qui figure dans cette lettre.

 24   Mais en tout cas, ce que dit cette lettre, c’est que le

 25   ministère de la Défense a été informé, je cite que : "Pour des raisons qui


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  1   me sont inconnues, Silvy Pantz n’a pas voulu ou plutôt a refusé d'examiner

  2   les dossiers mis à sa disposition et n'a accepté aucune des offres qui lui

  3   étaient faites pour accéder à d'autres documents de ces archives".

  4   Je ne comprends pas très bien quels sont les faits relatifs à la

  5   situation concrète dont nous parlons ici, mais il me semble que

  6   l'affirmation que l'on trouve dans la déclaration de Mlle Pantz,

  7   paragraphe 4, je cite : "Toutes demandes, y compris celles

  8   qui ont été faites en 1997 et au

  9   début de 1998, ont complètement été laissées de côté et

 10   rejetées par le gouvernement bosniaque qui n'a fourni aucune forme

 11   d'assistance". Je pense tout de même que nous pouvons dire que les propos

 12   tenus par Mlle Pantz sont un tout petit peu exagérés.

 13   Et en conclusion, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

 14   dirai que l'affaire qui nous intéresse aujourd'hui est très simple.

 15   Premièrement, le Procureur n'a pas le droit d'agir illégalement,

 16   comme nous affirmons qu'il l’a fait.

 17   Deuxièmement, la fin ne peut pas justifier les moyens s'agissant

 18   d'entamer un certain nombre d'activités liées à une perquisition et à une

 19   saisie sur le territoire souverain d'un Etat, car cette possibilité n'est

 20   pas octroyée au Tribunal par le statut du Tribunal.

 21   Troisièmement, et je crois qu'il s'agit d'un élément très

 22   important, la Bosnie, si elle doit réellement devenir un Etat reconnu à

 23   part entière, c'est bien sûr déjà le cas, mais si la Bosnie doit se

 24   développer encore dans ce sens, elle doit remplir ses obligations par

 25   rapport au dispositions des Nations Unies, mais elle doit aussi voir sa


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  1   souveraineté reconnue en vertu des dispositions des Nations Unies y

  2   compris, comme tout pays doit respecter la Bosnie, les Nations Unies

  3   doivent le faire également.

  4   Enfin, agir autrement que supprimer les éléments de preuve

  5   recueillis à l'issue de cette perquisition et de cette saisie illégales,

  6   serait -en tout cas, c'est ce que nous affirmons- pour le Procureur une

  7   manière d'envoyer un message erroné au monde quant à la nature de l'entité

  8   bosniaque et de l'Etat bosniaque en tant que tel.

  9   Et j'aimerais maintenant dire quelques mots, si vous le voulez

 10   bien, de l'exécution du mandat de perquisition.

 11   M. Bennouna. - Avant de passer au point suivant, Maître Smith,

 12   j'ai une question à vous adresser. A ce stade de votre argumentation, vous

 13   vous êtes fondé expressément sur la nécessité ou l'obligation où se trouve

 14   notre Tribunal de respecter la souveraineté des Etats. Et

 15   pour cela, vous vous êtes référé au statut du Tribunal, mais vous avez

 16   quand même reconnu que le Tribunal a été fondé sur la base du chapitre 7

 17   des Nations Unies, qui donne au Conseil de sécurité le pouvoir de prendre

 18   des décisions obligatoires pour tous les Etats membres des Nations Unies,

 19   comme vous le savez, et même les Etats non membres doivent faire en sorte

 20   de suivre les décisions du Conseil de sécurité.

 21   Et en ce qui concerne la souveraineté, je voudrais simplement

 22   vous demander votre réaction sur le fait que vous avez négligé

 23   l'article 2, paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies, article

 24   extrêmement important parce que c'est lui qui garantit la compétence

 25   nationale des Etats. C'est ce qu'on appelle l'exception sur la compétence


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  1   nationale. Les Nations Unies, c'est une organisation internationale ;

  2   c'est vrai, elle n'est pas souveraine, ce n'est pas un super Etat, comme

  3   l’a reconnu la Cour internationale de justice. Vous l'avez rappelé

  4   d'ailleurs dans votre brief, dans l'affaire de certains dommages 49, mais

  5   elle doit donc éviter d'intervenir dans les affaires qui relèvent

  6   essentiellement de la compétence nationale des Etats.

  7   L'article 2, paragraphe 7, est rédigé comme suit, je cite en

  8   anglais parce que c'est tout ce que j’ai, mais cette exception ne doit pas

  9   être la règle, donc je vais m’exprimer en anglais pour citer cet article :

 10   "Rien de ce qui apparaît dans la présente Charte n'autorise les Nations

 11   Unies à intervenir dans des questions qui relèvent fondamentalement des

 12   compétences internes d'un Etat. Si tel devait être le cas, les membres

 13   doivent soumettre la question à trancher au titre de la présente Charte".

 14   D'autre part, il est indiqué, je cite : "Ce principe n'entraîne

 15   aucun préjudice ou ne préjuge pas des mesures d'application du

 16   chapitre 7".

 17   La compétence nationale est reconnue par la Charte, à

 18   l'exception clairement mentionnée dans l'article 2, paragraphe 7, qui est

 19   quand même un article sur les principes. L'article 2, paragraphe 7, des

 20   Nations Unies est l'article qui cite les principes sur lesquels sont

 21   fondées les Nations Unies, à l'exception de l'article du chapitre 7.

 22   Donc l'argument de souveraineté nationale ne résiste pas au

 23   chapitre 7. Or, en 1997, nous sommes encore sur le chapitre 7, puisque la

 24   SFOR va être autorisée, qui est intervenue dans cette affaire, dans le

 25   cadre du chapitre 7 et ceci par une décision du Conseil de sécurité, qui


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  1   est venue après les accords de Dayton. Les accords de Dayton étaient sous

  2   réserve d'être légitimés par une décision du Conseil de sécurité.

  3   Je voudrais aussi attirer votre attention sur l'article 103 de

  4   la Charte, qui est quelque chose d'important, parce que vous nous avez

  5   rappelé un accord qui a été conclu entre les Nations Unies et un Etat, ou

  6   des accords conclus entre des Etats, etc.. L'article 103 de la Charte dit

  7   ceci, et c'est l'article sur la suprématie de la Charte :"Dans

  8   l'éventualité d'un conflit entraînant les intérêts des Etats membres des

  9   Nations Unies, au titre de la présente Charte, et entraînant leurs

 10   obligations, au titre de tout accord international, leurs obligations au

 11   titre de ladite Charte des Nations Unies doivent prévaloir".

 12   C'est un article essentiel, bien sûr. Qu’est-ce que cela veut

 13   dire, c’est que simplement que quels que soient les accords qui pourraient

 14   être conclus, il y a une primauté de la charte sur tout autre accord

 15   international qui viendrait à être conclu après l'adoption de la charte.

 16   Qu'il y ait une obligation de coopération avec l'Etat de Bosnie,

 17   cela est évident pour des raisons pratiques, avec les autorités de Bosnie

 18   pour des raisons pratiques parce qu'on ne voit pas comment on peut agir

 19   pratiquement sans passer par les autorités de Bosnie-Herzégovine.

 20   Que ceci soit une obligation légale exclusive de coopération

 21   avec elle, ceci est moins sûr parce que nous ne sommes pas dans une

 22   situation normale. Nous sommes dans une situation qui est couverte par le

 23   chapitre 7 de la charte qui donne un pouvoir de décision au Conseil de

 24   sécurité nonobstant la compétence nationale. La compétence nationale ne

 25   peut plus être invoquée, ni donc la souveraineté. La souveraineté est


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  1   entre parenthèses lorsque nous

  2   sommes dans le chapitre 7 parce qu'il y a priorité du chapitre 7. Ceci est

  3   clairement exprimé dans l'article 2, paragraphe 7. Et la Sfor intervenait

  4   dans le cadre du chapitre 7.

  5   Alors voilà les éléments que je voulais ajouter à ce débat parce

  6   que vous ne les avez pas évoqués, je crois, dans votre "brief". Je voulais

  7   les évoquer ici pour avoir un peu votre réaction à ce sujet, si vous en

  8   avez une, évidemment ; vous n'êtes pas obligé d'en avoir une.

  9   M. Smith (interprétation). - Mais j'ai une opinion à formuler,

 10   Monsieur le Juge, et je m'excuse si je n'ai pas été très clair dans le

 11   cadre des différents arguments que j'ai avancés. Je ne dis pas que le

 12   Conseil de sécurité n'aurait pas pu autoriser de telles mesures

 13   d'exécution, mesures d'exécution qui allaient au-delà ou qui dépassaient

 14   les principes de souveraineté nationale, au titre des principes que vous

 15   avez invoqués. Moi, ce que je dis, c'est que cela n'a pas été fait et que,

 16   s'il devait le faire, face à tout ce qui est établi par le droit coutumier

 17   international en la matière, cela aurait dû être expressément exprimé dans

 18   le cadre de l'attribution de compétence de ce Tribunal.

 19   Parce que l'on pourrait atteindre, dans des situations comme

 20   celle-ci, des attributions de compétence assez impressionnantes qui

 21   pourraient, par exemple, autoriser le Tribunal à mener des perquisitions

 22   armées en Russie. Je vous renvoie à l'article 18, paragraphe 2 du Statut,

 23   qui a été cité par le Juge Robinson. Il me semble que cet article précise

 24   bien qu'il faut bénéficier du concours des autorités de l'Etat concernées.

 25   Sans ce concours, sans cette autorisation, les Etats membres n'auraient


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  1   aucun outil à leur disposition pour faire face au Bureau du Procureur. Il

  2   faut qu'ils sachent, les Etats membres, que le Bureau du Procureur a

  3   compétence pour requérir leur entraide au titre de l'article 29.

  4   D'autre part, je préciserai que le Statut a été interprété

  5   pratiquement de la même façon par tous les Etats membres des Nations Unies

  6   comme précisant qu'il traitait de l'entraide judiciaire, en matière des

  7   saisies et des perquisitions, qui se présente ici : 22 Etats membres ont

  8   passé des lois très précises sur la coopération et l'entraide judiciaire

  9   qui doivent être apportées au TPI-Y. La législation de ces Etats régit

 10   l'assistance mutuelle, conformément aux principes des modèles qui

 11   existaient en droit international, les modèles qui régissent l'assistance

 12   mutuelle et consensuelle. Vous en avez parlé, Monsieur le Juge.

 13   Donc je crois que l'opinion des Etats membres, ainsi que

 14   l'opinion du Président actuel du Tribunal, du Président précédent du

 15   Tribunal, tous ces points de vue convergent.

 16   J'espère vous avoir répondu, Monsieur le Juge. Je ne dis pas que

 17   le Conseil de sécurité ne pouvait pas, s'il choisissait de le faire, aller

 18   au-delà du principe de la souveraineté des Etats en invoquant le

 19   chapitre 7 ; bien sûr que le Conseil de sécurité peut le faire. Et la

 20   situation dans laquelle nous nous trouvons en est un exemple.

 21   Mais, sur ce point précis, j'affirme qu'étant donné l'étendue

 22   des compétences qui sont celles du Procureur à l'heure actuelle, le

 23   Conseil de sécurité n'a pas pris les mesures qui permettaient au Bureau du

 24   Procureur d'agir comme il l'a fait. Il y a là une mauvaise interprétation

 25   de l'intention qui était celle du Conseil de sécurité. Le Bureau du


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  1   Procureur va au-delà de ce qui lui est permis en matière de rassemblement

  2   et de collecte des éléments de preuve. Il n'était en aucun cas habilité à

  3   pratiquer le type de saisie ou de perquisition armée auquel il s'est livré

  4   sur le territoire d'un Etat souverain.

  5   J'en viens maintenant au caractère…

  6   M. Bennouna (interprétation). – On peut peut-être encore nous

  7   attarder une minute sur ce point, Maître Smith.

  8   L'article 18, paragraphe 2, vous avez dit que mon collègue, le

  9   Juge Robinson, l'a cité. Oui, il l'a cité pour vous dire tout simplement

 10   que le Procureur peut solliciter, lorsque de besoin, le concours des

 11   autorités nationales de l'Etat concerné. C'est pour cela qu'il l'a cité.

 12   Donc, normalement, il est autorisé à réunir les documents, à réunir les

 13   preuves et à procéder sur place aux mesures d'exécution, mais pour des

 14   raisons pratiques, parce que le Procureur n'a

 15   pas de force à sa disposition : il peut requérir une autorisation ou une

 16   assistance de l'Etat concerné.

 17   Est-ce que vous voulez dire que le Procureur ne peut pas

 18   requérir l'assistance de la Sfor, Maître Smith ? Parce que c'est à cela

 19   que vous nous menez, finalement, depuis tout à l'heure. Vous nous menez à

 20   cette conclusion que vous émettez que le Procureur qui, lui, a la

 21   responsabilité, d'après l'article 18, mais il n'a pas de force à sa

 22   disposition, il peut requérir l'assistance des Etats et vous semblez dire

 23   qu'il ne peut pas requérir l'assistance d'une force internationale ; est-

 24   ce que c'est cela, votre position ?

 25   M. Smith (interprétation). – Non, Monsieur le Juge. Je pense que


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  1   je n'ai pas été clair et je m'en excuse.

  2   Ce que je dis, c'est que, bien sûr, le Bureau du Procureur peut

  3   faire appel à la Sfor pour mener à bien les activités qui sont autorisées

  4   par l'article du Statut. Et nous avons cité le fait que la Sfor a

  5   compétence pour fournir la sécurité et l'assistance. La Sfor n'a pas la

  6   compétence pour s'engager dans une perquisition armée, dans une saisie

  7   armée. Peut-être qu'elle a compétence pour mener à bien des arrestations,

  8   mais elle n'a pas compétence pour saisir et perquisitionner. Et, dans ce

  9   cas précis, le Procureur ne l'avait pas non plus. Donc aucune des deux

 10   entités en présence n'avait compétence pour pénétrer sur le territoire de

 11   la Bosnie. C'est ce que je dis. Je crois qu'il faut établir une

 12   distinction entre l'arrestation et l'article 59 bis. Il n'y a aucun

 13   équivalent de l'article 59 bis pour ce qui est de la saisie et de la

 14   perquisition, même si on part du principe que l'article 59 bis ne va pas

 15   au-delà de ce qui est prévu par le statut. Mais ce n'est pas ce qui nous

 16   intéresse ici de toute façon. Nous ne parlons pas non plus ici du refus

 17   d'un Etat, la République fédérale de Yougoslavie, de respecter la

 18   compétence de ce Tribunal en matière d'arrestation, en matière

 19   d'extradition.

 20   M. Robinson (interprétation). – Eh bien, quant à moi, j'aimerais

 21   revenir sur la question de l'entraide mutuelle et les traités d'assistance

 22   mutuelle et les différentes règles qui

 23   régissent ce type de situation.

 24   Dans ces traités, généralement, le libellé indique que, en tout

 25   cas, c'est bien certain en matière de perquisition armée, l'assistance


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  1   doit être menée conformément aux lois internes des Etats concernés, en

  2   tout cas, la loi interne de l'Etat dans lequel la perquisition est

  3   effectuée. Donc un Etat qui passe des lois pour permettre l'exécution de

  4   ce type de traité aurait parfaitement raison de passer des lois qui

  5   exigent que le consentement de l'Etat soit demandé avant que ce type de

  6   saisie ou perquisition armée soit menée à bien.

  7   Ce que j'essaie de vous dire depuis un moment, c'est que la

  8   situation dans laquelle nous nous trouvons est assez différente pour les

  9   raisons avancées notamment par le Juge Bennouna et par moi-même. Nous

 10   essayons de vous expliquer quelle est la nature même du chapitre 7. Si

 11   vous regardez par exemple l'article 29 sur l'assistance, la coopération et

 12   l'entraide judiciaire, l'article 29 découle directement … est une

 13   dérogation du principe du droit coutumier international. Au titre du droit

 14   coutumier international, les Etats ne sont pas obligés de coopérer en

 15   matière judiciaire, notamment en ce qui concerne les principes de leur

 16   souveraineté. Mais comme le dit le jugement Blaskic lui-même, cet article

 17   déroge au droit international coutumier.

 18   Un Etat qui promulgue des lois doit se conformer à l'article 29,

 19   mais il ne peut pas promulguer des textes législatifs qui exigeraient son

 20   consentement pour l'exécution de l'article 29. C'est ce qu'un ou deux

 21   Etats ont fait, d'ailleurs. Je ne vais pas les citer, mais l'arrêt d'appel

 22   de Blaskic déclare que ceci n'est pas possible. Ce type de loi, si elle

 23   n'est pas passée conformément à l'article 29, n'a aucun caractère

 24   contraignant vis-à-vis du Tribunal. Le fait qu'un Etat précise dans sa

 25   législation qu'il faut que son consentement soit requis et donné pour que


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  1   l'article 29 puisse s'appliquer, cette législation n'est absolument pas

  2   valable au regard du Tribunal.

  3   Ce que le Juge Bennouna et moi-même essayons de vous faire

  4   comprendre, Maître,

  5   c'est que la base qui permet d'intervenir en l'espèce est entièrement

  6   différente de la base à respecter dans le cadre de traités traditionnels

  7   d’entraide judiciaire qui reposent sur le principe du consensus et de

  8   l'accord mutuel.

  9   Ici, nous fonctionnons sur ce qui est dit dans la charte des

 10   Nations Unies, charte qui impose une certaine méthodologie et qui a

 11   caractère de suprématie par rapport à tout autre régime gouvernant la

 12   rédaction de traités, même les traités auxquels vous nous avez renvoyés et

 13   qui sont en rapport avec l'article 103. Lorsque j'ai montré du doigt la

 14   deuxième phrase de l'article 18-2, je crois que je vous ai tout de suite

 15   vu interpréter ce que je disais de la façon qui vous convenait le mieux.

 16   Ce que j'essayais de dire, c'est que ce que le Procureur est en droit de

 17   demander, c'est l'assistance de l'Etat et non pas son accord. Il n'est pas

 18   dit que le Procureur doit demander le consentement de l'Etat. On parle

 19   simplement de coopération d'assistance ; nous ne parlons pas d'accord,

 20   c'est assez différent.

 21   M. Smith (interprétation). – Monsieur le Juge, ce que j'affirme,

 22   c'est que, ni l'article 18, ni l'article 29 tels qu'interprétés dans

 23   l'article 7 relatif aux compétences, n'exigent que les Etats renoncent

 24   ipso facto à leurs droits en matière de souveraineté pour faire objection

 25   à une perquisition et à une saisie armée menée par le Procureur sur leur


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  1   territoire. Si l'article 18 accordait très clairement cette compétence et

  2   si l'article 29 reflétait clairement le fait que la coopération qui est

  3   recherchée est celle qui suppose que l'Etat renonce à sa souveraineté,

  4   alors nous nous trouverions dans une situation très différente, mais

  5   22 pays ont été unanimes dans leur interprétation en matière d'obligation

  6   de coopération.

  7   Ils comprennent cela comme voulant dire qu'ils doivent donner ou

  8   refuser leur accord. Mais l'accord est exigé avant que des opérations de

  9   saisie et de perquisition ne soient exécutées sur leur territoire. Voilà

 10   pour moi quelque chose de très révélateur. Il y a très peu de choses dans

 11   l'article 18 qui traite de saisies et de perquisitions, très peu de choses

 12   qui nous permettent d'affirmer que le Procureur pouvait avoir recours à ce

 13   type de compétence parce

 14   que cela lui était accordé par le Conseil de sécurité.

 15   Voilà l'argument que j'ai essayé de vous communiquer et je

 16   m'excuse si je ne l'ai pas bien fait. Vous êtes bien plus expert que je ne

 17   le suis moi-même en matière d'interprétation des traités et de droit

 18   coutumier, mais je crois qu'il peut être utile de revenir à cet arrêt de

 19   l'affaire Blaskic, arrêt qui porte sur ce trait et nous soulevons le

 20   problème à la page 11 de notre mémoire. Il est dit, je cite : "Il est

 21   indubitable que les Etats auxquels s’adresse l’article 29, relatif à la

 22   coopération et l’entraide judiciaire, ont une certaine marge de manœuvre

 23   en matière d'identification. Les personnes qui sont responsables de

 24   l'exécution et du respect de l'article 29. S'il revient à chaque Etat de

 25   déterminer quels sont les organes nationaux compétents en matière


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  1   d'exécution de l'ordre, il s'ensuit que si un Juge ou une Chambre prévoit

  2   d'ordonner la production de documents, la saisie de documents ou

  3   l'arrestation de suspects, etc., qui sont des actes qui supposent

  4   l'intervention de l'Etat, lesdites institutions judiciaires doivent se

  5   tourner vers l'Etat pertinent et vers ces autorités".

  6   C'est ce qui est précisé dans l'arrêt et d'après nous, nous

  7   traitons précisément du texte législatif de coopération qui est fourni par

  8   le Tribunal pénal international.

  9   Pour ce qui est de la Bosnie, comme dans un certain nombre

 10   d'Etats, il existe un mécanisme qui permet l'assistance judiciaire, et qui

 11   est le mécanisme qui existe dans des traités bilatéraux dont je comprends

 12   qu'ils ont fait l'objet d'un consensus.

 13   Si vous ne bénéficiez pas du consentement de l'Etat souverain,

 14   vous n'avez pas -et par aucun traité- le droit d'exécuter un mandat de

 15   perquisition dans un autre pays.

 16   M. le Président (interprétation). - Monsieur Smith, je sais bien

 17   que vous êtes très occupé, mais vous avez eu une heure et demie de temps

 18   de parole. Pouvez-vous finir votre argumentation avant que nous ne

 19   prenions une pause ?

 20   M. Smith (interprétation). - Je vais me dépêcher pour le faire,

 21   Monsieur le Président.

 22   Je voulais également parler de la méthode d'exécution qui a été

 23   adoptée ici. Nous parlons en fait des déclarations factuelles du Bureau du

 24   Procureur et des déclarations sous serment. Je voudrais dire tout d'abord

 25   que les trois déclarations sous serment qui nous ont été soumises sont des


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 14   pagination anglaise et la pagination française.

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  1   documents extrêmement importants qui arrivent de témoins directs. La

  2   personne qui témoigne sous serment était présente au moment des faits.

  3   D'après les déclarations de l'accusation, deux des témoins

  4   n'étaient pas des témoins immédiats. Mlle Pantz n'était pas sur les lieux

  5   de l'enquête ; peut-être qu'elle était à Sarajevo, mais elle se penchait

  6   sur des questions légales et sur d'autres sujets. Quant à M. Dornan,

  7   apparemment, il n'était pas non plus directement présent.

  8   Il est intéressant de noter que la personne qui était présente

  9   lors de l'enquête était M. Zigojnic ; il était présent sur les locaux. Or,

 10   lui n'a pas fourni de déclaration sous serment. Moi, j'aurais pensé qu'il

 11   était tout à fait normal que cette personne qui était présente, fournisse

 12   une déclaration sous serment. Or, cette déclaration n'existe pas.

 13   A la page 7, note 10 de notre mémoire, nous déclarons que, dès

 14   lors que la perquisition a eu lieu, nous devions nous aussi être présents.

 15   Dès que nous avons eu connaissance du fait que la perquisition allait être

 16   menée à bien, nous avons demandé à ce que nous soient communiqués tous les

 17   documents y afférents. Nous avons demandé à obtenir un duplicata du mandat

 18   de perquisition ; nous avons également demandé à bénéficier des documents

 19   qui servaient de base à ce mandat de perquisition. Après avoir fait cette

 20   demande, nous nous sommes vu répondre que ces documents ne pouvaient pas

 21   nous être remis.

 22   Deuxièmement, un mandat de perquisition doit généralement

 23   préciser très spécifiquement quels seront les locaux qui seront

 24   perquisitionnés et quels seront les objets qui seront recherchés, objets

 25   qui doivent avoir un lien direct avec les chefs d'accusation. Or nous


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  1   avons là sous les yeux une ordonnance de caractère extrêmement général. Un

  2   certain nombre de personnes apparaissent au dos de cette ordonnance ;

  3   certaines sont des personnes qui sont

  4   encore en poste, d'autres ne font pas montre d'un lien direct entre les

  5   personnes qui sont au cœur de cette affaire et les personnes pour

  6   lesquelles nous avons besoin d'obtenir des informations.

  7   Pour ce qui est de la déclaration de M. Antunovic, il apparaît

  8   que les représentants du Bureau du Procureur ont tout pris. Ils sont

  9   entrés dans le bureau et ils ont pris d'énormes quantités de documents

 10   -44 boîtes de documents, me semble-t-il- notamment des disques durs et des

 11   disquettes qui sont susceptibles de rassembler nombre d'éléments de preuve

 12   en un espace très réduit ; une disquette, ce n'est pas grand.

 13   Pour ce qui est des éléments qui ont été saisis, nous remarquons

 14   que des armes ont été saisies et confisquées. Or, ceci n'était pas prévu

 15   dans le mandat de perquisition. Nous pouvons comprendre que, pendant la

 16   perquisition, ces armes soient placées sous scellés, mais nous ne voyons

 17   pas sur quelles bases légales ces armes peuvent être confisquées et

 18   retenues après la fin de la perquisition.

 19   L'inventaire qui nous a été présenté était beaucoup trop

 20   général. Il était rédigé dans une langue relativement obscure et qui ne

 21   pouvait pas être comprise par la personne qui devait signer cet

 22   inventaire. Il y a aussi certaines divergences entre ce qui est dit par

 23   nos déclarations sous serment et par ce qui a été dit par le Bureau du

 24   Procureur. Je remarque simplement qu'il n'y a pas concordance, sur

 25   certains points, entre ces différentes sources.


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  1   Il y a également une question grave qui se pose, celle de la

  2   filière de conservation des documents, celle de la validité des différents

  3   documents. D'autre part, nous remarquons que le Procureur -ou plutôt le

  4   propriétaire- ne peut pas nous dire ce qui a été saisi, alors que nous

  5   sommes dans une affaire qui traite de la sécurité de la société et des

  6   allocations sociales qui peuvent être remises à certains individus.

  7   Enfin, les matériaux qui ont été saisis, après huit mois, ne

  8   nous ont pas été rendus, n'ont pas été rendus à leur propriétaire. Nous

  9   n'avons même pas reçu copie de ces documents ;

 10   une copie de ces documents saisis n'a même pas été renvoyée aux bureaux

 11   dans lesquels ils ont été saisis, ce qui aurait permis à ces bureaux de

 12   continuer à traiter les affaires courantes. Moi, je dis ici qu'il y a eu

 13   violation des principes fondamentaux du droit international, qui supposent

 14   notamment que tous les matériaux perquisitionnés doivent être rendus.

 15   Je vous renvoie à l'article 6 de la Convention européenne des

 16   droits de l'Homme. Il y a des dispositions similaires qui existent dans la

 17   déclaration des Nations Unies sur l'assistance mutuelle ; il y a également

 18   le Commonwealth qui stipule un certain nombre de choses en la matière.

 19   Nous pensons qu'il y a eu ici perquisition qui a été menée sur

 20   des bases illégales, que ces documents devraient être, au titre de

 21   l'article 95 du règlement, exclus du dossier sur la base du fait qu'ils

 22   ont été acquis par des méthodes parfaitement contestables. Nous déclarons

 23   que la perquisition a été rédigée de façon beaucoup trop générale, que ce

 24   caractère général jette un doute considérable sur le caractère recevable

 25   et fiable des éléments de preuve. D'autre part, nous remettons en cause la


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  1   méthode d'exécution de cette perquisition qui, d'après nous, outrepasse de

  2   loin les compétences qui sont celles de ce Tribunal en matière d'opération

  3   de saisie et de perquisition, puisque le Bureau du Procureur n'a pas

  4   respecté les exigences de la législation bosniaque en la matière.

  5   Je crois que ceci jette un doute considérable sur l'intégrité

  6   des procédures mises en place par ce Tribunal. Je crois que, si la Chambre

  7   autorisait le Procureur à se servir de ces documents, elle jetterait

  8   également un doute sur le caractère fiable des procédures qui sont mises

  9   en œuvre ici.

 10   Voilà ce que j'avais à dire, Monsieur le Président, Messieurs

 11   les Juges. J'ajouterai qu'il faut absolument que le Tribunal exerce son

 12   contrôle sur les pouvoirs qui sont utilisés par ses avocats et par le

 13   Bureau du Procureur qui travaille pour lui. Il doit s'assurer de la

 14   licéité de ces agissements.

 15   M. le Président (interprétation). - Nous allons prendre la pause

 16   habituelle, un quart d'heure de pause.

 17         L'audience, suspendue à 16 heures 30, est reprise à

 18         16 heures 50.

 19   M. Nice (interprétation). - Je crois que M. Kovacic n'a peut-

 20   être pas compris ce que je viens de dire. Apparemment, ce n'est pas le

 21   cas. Quoi qu'il en soit, je peux traiter des points que j'ai à traiter

 22   rapidement.

 23   Les pouvoirs qui sont considérés par le Procureur comme lui

 24   ayant été octroyés sont, disons- nous, explicitement octroyés

 25   effectivement au Procureur. Le pouvoir des Etats en rapport à ce mandat,


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  1   comme à d’autres mandats d'ailleurs exécutés sur ce territoire, n'est pas

  2   insignifiant ; il montre bien que l’Etat considère comme légal ce qui a

  3   été fait. L'Etat n'a pas cherché à supprimer les autres éléments de preuve

  4   restants, par utilisation de quelque pouvoir obligatoire que ce soit, et

  5   n'a pas mis en cause l'application de l'article 103 du Règlement par le

  6   Tribunal.

  7   S'agissant des points évoqués par Me Smith, la non-coopération a

  8   été traitée non seulement dans la déclaration signée par Mlle Pantz, mais

  9   également dans le mémoire du Procureur en pages 9 et 10, où, en note en

 10   bas de page, on trouve une référence faite au rapport annuel du Conseil de

 11   sécurité qui donne tous les détails au sujet de l'historique de la non-

 12   coopération.

 13   Maître Smith, aujourd'hui, a évoqué lourdement, plus lourdement,

 14   d'ailleurs, que dans la requête originale, la notion de perquisition

 15   armée. J'affirme qu'il ne s'agit pas de cela. Et j'invite les Juges à lire

 16   tous les documents présents dans la documentation qui leur est soumise

 17   aujourd'hui. Cette perquisition était autorisée par un mandat du Tribunal,

 18   et qui a été exécutée par les gens dont l'obligation consistait à assurer

 19   la sécurité des personnes présentes sur le

 20   territoire concerné. Donc ce sont les responsables de la sécurité locaux

 21   et eux seuls qui ont établi le niveau de sécurité nécessaire, sans prendre

 22   part à la perquisition.

 23   L'exemple qui a été fourni, à savoir des pouvoirs similaires

 24   exercés éventuellement en France ou aux Etats-Unis d'Amérique, mérite -je

 25   suppose- quelques commentaires. Au départ, bien entendu, lorsque ces


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  1   pouvoirs ont été octroyés, le territoire était en état de guerre. Et ce

  2   dont il a été parlé aujourd'hui était tout à fait inapproprié, ce serait

  3   déroulé de façon en tout état de cause très différente que ce que l'on

  4   peut s'attendre à voir se dérouler sur le territoire d'un état en paix.

  5   Mais bien que cela n'ait aucune importance au vu de notre

  6   jugement d'aujourd'hui, cela a pu avoir quelques effets négatifs sur la

  7   possibilité de mettre en oeuvre le mandat de perquisition sur le terrain,

  8   comme on le dit au paragraphe 2 de l'article 18. Mais même si, dans

  9   l'exemple fourni, à savoir celui de la France et des Etats-Unis

 10   d'Amérique, il aurait pu y avoir un problème, le Procureur, s'agissant des

 11   mandats de perquisition, a toujours demandé que ce mandat soit étayé par

 12   une ordonnance des Juges du Tribunal. Et cela peut lui permettre d'exercer

 13   son pouvoir sur le territoire d'un pays dont on peut s'attendre à une

 14   coopération entière au cas où ce pays refuserait cette coopération.

 15   Maintenant, j'aimerais revenir sur le mémoire qui a été

 16   distribué qui, en fait, n'a pratiquement aucun rapport avec notre affaire,

 17   puisqu'il traite de quelque chose de tout à fait différent, y compris sur

 18   le détail, le protocole d'accord dont il a été question. Mais en page 10,

 19   paragraphe 7, les Juges trouveront sans doute un passage intéressant, que

 20   je m'apprête à citer dans ce protocole d'accord, distribué aujourd'hui

 21   dans ce prétoire.

 22   Page 10, paragraphe 7, donc je cite : "Des enquêteurs peuvent

 23   entrer en possession de documents et d'autres éléments de preuve physique

 24   fournis à eux par des témoins au cours des auditions".

 25   Là, il s'agit donc d'établir les méthodes utilisées pour les


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  1   auditions.

  2   Suite de la citation, je cite : "Mais ne pourront pas, sans un

  3   mandat ou autre ordonnance d'un Juge du Tribunal international, chercher à

  4   exercer leur pouvoir de perquisition et de saisie".

  5   Tout cela semble bien permettre de penser que ces mandats sont

  6   assortis d'un pouvoir d'exécution.

  7   J'en passerai maintenant à la page 17 de la requête de l'accusé,

  8   pour dire quelques mots du droit bosniaque auquel il a été fait référence

  9   dans ce passage du texte.

 10   C'est seulement récemment que j'ai pu trouver certaines

 11   références qui m'intéressaient à ce sujet. Et je découvre que la citation

 12   n'est pas aussi précise que les Juges auraient peut-être pu l'espérer.

 13   Au paragraphe 32 du texte, il est fait référence à la

 14   coopération de la Bosnie en vertu de sa législation avec le Tribunal pénal

 15   international et la note en bas de page 33 traite du statut de 1996. Ce

 16   Statut, apparemment, porte exclusivement et spécifiquement sur le droit

 17   d'extradition ; ce n'est pas un statut portant sur la coopération. J'en ai

 18   été informé aujourd'hui, mais apparemment, je suis le seul à l'avoir été.

 19   Dans cette note en bas de page, il est écrit que l'article 37

 20   exige d'être assorti à une ordonnance définitive pour le recueil

 21   d'éléments de preuve et que ce recueil doit se faire en présence du

 22   ministre de la Justice, etc.

 23   Eh bien nous répondons que l'article 27 porte sur le retour d’une

 24   personne qui a subi une mesure d'extradition et que l'article 28

 25   traite du recueil ou de la production de biens appartenant à une


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  1   personne ; il stipule que la méthode utilisée pour l'obtention de ces

  2   éléments doit être conforme au contenu de l'article 27.

  3   Enfin, là où il est dit que l'article 6 du droit de coopération

  4   désigne explicitement le Code de procédure comme étant la loi régissant

  5   les procédures judiciaires en la matière, moi, ce que je comprends, c'est

  6   que le Code de procédure pénale est invoqué en tant que code

  7   résiduel, c'est-à-dire applicable lorsque d'autres détails ne sont pas

  8   stipulés.

  9   Mais tout cela ne porte, en tout état de cause, que sur les

 10   mesures d'extradition. Et, en tout état de cause, comme cela a été établi

 11   clairement, je crois, les lois unilatérales ne s'appliquent pas lorsque

 12   des pouvoirs très explicites correspondant aux pouvoirs nécessaires ont

 13   été octroyés au Bureau du Procureur de ce Tribunal par son Statut.

 14   En page 7 de notre version du document, nous citons un passage

 15   de l'arrêt de la Chambre d'appel Blaskic qui traite de ces activités

 16   unilatérales et sans préavis qui, parfois, sont nécessaires, en

 17   correspondance pleine et entière avec les pouvoirs dont nous disons qu'ils

 18   ont été octroyés au Bureau du Procureur.

 19   S'agissant maintenant des articles 18 et 29 du Statut, nous

 20   disons que cette question est régie par l'article 18 –je n'ai pas besoin

 21   de revenir sur la citation déjà faite-, qu'il convient de distinguer entre

 22   la première et la deuxième phrase de cet article et que l'article 29

 23   traite de coopération. Donc il n'est pas question dans cet article

 24   d'obtenir ou de demander des actes de coopération. Il est vrai qu'un

 25   préavis a été donné en même temps que le mandat a été exécuté ; donc il


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  1   est permis de dire qu'à partir de ce moment-là, la coopération était

  2   exigée et qu'elle a été accordée en s'appuyant sur la formulation très

  3   détaillée et très précise de l'article 18.

  4   Maintenant, j'aimerais dire quelques mots des faits. J'ai

  5   expliqué à Me Smith, et je suis sûr qu'il a accepté mes explications, quel

  6   était le seul motif pour lequel la déclaration signée et produite ne

  7   comporte pas de déclaration signée de la part de l'enquêteur qui a

  8   travaillé sur le terrain et qui a laissé sur place le mauvais mandat,

  9   malgré le fait qu'il avait lu le bon mandat. La seule raison pour cela,

 10   c'est que c'est un enquêteur qui est mort au début de cette année, d'une

 11   maladie tropicale, si je ne m'abuse : il est mort au cours de l'hiver

 12   1998-1999 ; c'est la seule raison pour laquelle vous n'avez pas la version

 13   originale de sa déclaration signée.

 14   Ce mandat montre bien que, sur le plan des faits, il ne se

 15   limitait pas à une enquête relative à un seul accusé. Il allait bien au-

 16   delà de cela. Le problème posé était un problème relevant de la

 17   responsabilité de la Sfor. Si j'ai bien compris, la Sfor, dans des

 18   endroits différents, a pris des décisions différentes eu égard aux armes

 19   découvertes par la Sfor. Mais, de toute façon, ce problème est un problème

 20   qui relève de la discrétion de la Sfor et de personne d'autre.

 21   Les documents recherchés étaient très variés et, bien entendu,

 22   lorsque le mandat a été délivré par le Tribunal, le Tribunal a accepté, a

 23   admis la nécessité de se procurer l'ensemble de ces documents. Il n'y

 24   avait aucun problème quant à la nature des documents recherchés. Les

 25   préparatifs, la préparation d'un inventaire a constitué un travail lourd,


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  1   mais nécessaire ; les statistiques montrant l'importance de ce travail

  2   figurent, si je ne m'abuse, dans les dernières pages de la déclaration

  3   signée de Mlle Pantz. La défense a reçu, le 1er avril, un extrait de

  4   l'inventaire complet, qui n'était pas encore achevé à cette date. Cet

  5   extrait comporte 88 pages et énumère les documents identifiés comme

  6   particulièrement ou potentiellement importants pour l'accusé, pour les

  7   accusés.

  8   Le processus d'achèvement de cet inventaire n'est pas encore

  9   terminé et l'inventaire complet ne sera pas envoyé aux accusés, mais aux

 10   dépositaires, aux gardiens responsables de ces accusés, le 14 mai de cette

 11   année. Certains de ces documents, si j'ai bien compris, n'ont pas encore

 12   atteint leurs destinataires définitifs.

 13   Enfin, bien que je n'aie pas grand-chose à ajouter -je n'ai

 14   d'ailleurs rien d'autre à ajouter au contenu de notre mémoire écrit-, je

 15   dirai pour résumer que ce mandat, selon nous, a été octroyé dans le

 16   respect des dispositions applicables, que son exécution -comme le montre

 17   la nature des documents saisis que vous avez devant vous- s'est faite de

 18   façon tout à fait appropriée et qu'il n'y a aucune raison d'exclure

 19   l'admission d'aucun de ces éléments de preuve sur la base d'un argument

 20   consistant à mettre en cause les méthodes d'obtention du mandat

 21   d'arrêt ou de ces documents saisis.

 22   Je dirai simplement que des documents émanant d'une

 23   perquisition, obtenus grâce à un mandat de perquisition, ont déjà été

 24   admis dans d'autres procès comme éléments de preuve. Il est, bien sûr,

 25   impossible d'en déterminer l'utilité concrète dans le cadre d'un procès


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  1   avant que ces documents n'aient passé le seuil de ce Tribunal. Mais il

  2   était possible de prévoir leur utilité sur la base des propos tenus par la

  3   Sfor, la Sfor ayant dit que ces documents ne constitueraient un matériau

  4   de travail que pour une journée de travail. Donc c'est en un jour qu'il a

  5   fallu s'occuper de tout cela. Et, au vu de la réalité des choses, je dis

  6   qu'il a été impossible de réaliser l'inventaire de ces documents en un

  7   seul jour, car ils étaient beaucoup plus volumineux que nous n'avions pu

  8   le penser et nécessairement devaient donner lieu à davantage qu'un jour de

  9   travail.

 10   On peut donner des exemples en se fondant sur cette perquisition

 11   particulière, peut-être que cela n'intéressera pas Me Smith, mais je peux

 12   donner des exemples de tout ce qui peut se passer dans le domaine

 13   informatique, même s'il y a préavis fourni à l'avance.

 14   Je reviendrai rapidement sur les arguments juridiques qui ont

 15   été présentés ici par rapport à l’octroi de ce mandat de perquisition et à

 16   l'exercice de ce mandat de façon générale.

 17   Si les arguments de la défense étaient justifiés, eh bien, en

 18   cas d'entrée de forces terrestres au Kosovo, alors que le Kosovo fait

 19   encore partie de la Serbie, il ne serait pas légal qu'une force

 20   représentant le Bureau du Procureur suive les forces armées pour

 21   perquisitionner à la recherche de documents parce que ces représentants du

 22   Procureur devraient opérer sur le territoire de l'ensemble de l'Etat en

 23   question.

 24   Avec tout le respect que je dois aux uns et aux autres dans ce

 25   prétoire, je dirai que les choses sont un peu plus compliquées que cela.


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  1   Les pouvoirs, qui ont été octroyés, l'ont été dans une situation donnée et

  2   connue, et l'exercice de ces pouvoirs s’est fait de la façon la plus

  3   appropriée qui soit. C'est ce que nous affirmons. Je vous remercie de

  4   votre attention.

  5   M. le Président (interprétation). - Maître Smith ?

  6   M. Smith (interprétation). - Nous serons très brefs, Monsieur le

  7   Président.

  8   D'abord, la citation de Louise Arbour, qui comporte une

  9   comparaison avec le Tribunal de Nuremberg, je cite : "Il est en vigueur

 10   sur l'ensemble du territoire. Je ne peux qu’imaginer à quelle vitesse nous

 11   aurions terminé notre travail, si nous pouvions procéder sur l'ensemble du

 12   territoire yougoslave et nous saisir de tous les documents qui nous

 13   intéressent".

 14   Voilà, cela se trouvait en note en bas de page numéro 2, page 4

 15   de notre requête, demandant une information à l'avance. C'était mon

 16   premier point.

 17   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi. Quel est le

 18   passage que vous avez cité, votre référence ?

 19   M. Smith (interprétation). - Page 4, note en bas de page

 20   numéro 2 relatif à la deuxième série de documents concernant l'affaire

 21   dont nous parlons ici. C'est-à-dire la requête demandant une information à

 22   l'avance, un préavis quant à l'intention du Procureur de présenter des

 23   éléments de preuve. Et ce document est daté du 8 mars 1999.

 24   Page 4, note en bas de page 2.

 25   M. le Président (interprétation). - Mais c'est un commentaire


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  1   entièrement factuel, me semble-t-il, par lequel la situation du Tribunal

  2   de Nuremberg est comparée à la situation de ce Tribunal. Ce commentaire ne

  3   porte pas sur les pouvoirs ou les garanties de ces pouvoirs.

  4   M. Smith (interprétation). - Je l’ai lu et j'ai estimé que cette

  5   phrase comportait une notion implicite, à savoir qu'elle ne pouvait pas

  6   découvrir, se procurer les documents qu'elle recherchait et qu'elle ne

  7   pouvait aborder aucun ministère pour ce faire. Mais si je me trompe dans

  8   mon interprétation, Monsieur le Président, à vous d'en décider.

  9   M. le Président (interprétation). - C'est un problème factuel

 10   simplement, pas un problème juridique.

 11   M. Smith (interprétation). - Monsieur le Président,

 12   Messieurs les Juges, s'agissant de l'absence de plainte, j'en ai déjà

 13   parlé : le problème ne se pose pas. C'est l'absence de consentement, de

 14   consensus qui est en cause. Mais quant à savoir s'il y a eu emploi de la

 15   force armée au cours de cette perquisition, je pense que la déclaration

 16   signée sous serment que nous avons soumise à cette Chambre ne laisse aucun

 17   doute sur le sujet. La Sfor était présente pour des raisons de sécurité,

 18   mais le mandat de perquisition mentionné au paragraphe 8 autorisait

 19   expressément le recours à la force. Et il a été remis aux personnes

 20   présentes sur le site.

 21   Dans plusieurs paragraphes, des déclarations faites sous

 22   serment, notamment celles de M. Antunovic... enfin dans les déclarations

 23   ,sous serment et contresignées, qui ont déjà été citées au cours de cet

 24   après-midi, nous trouvons des indications que la présence des troupes

 25   armées a été prévue pour semer la terreur.


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 14   pagination anglaise et la pagination française.

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  1   C'est donc manifestement sous la menace de la force que le

  2   mandat de perquisition a été exécuté. On a dit aux personnes présentes

  3   qu'elles n'avaient aucune autre alternative que d'accepter ce mandat et

  4   que toute résistance entraînerait le recours à la force.

  5   La deuxième déclaration sous serment était celle de Stipe

  6   Zigojnic. Je peux, si vous le voulez, vous citer quelques paragraphes en

  7   particulier ; sinon, je pense que vous pourrez voir la déposition des

  8   personnes contre lesquelles la menace de recours à la force au cours de la

  9   saisie et de la perquisition a été utilisée.

 10   En fait, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il s'agit

 11   d'une personne dont vous avez indiqué tout à l'heure qu'elle a été

 12   ministre pendant quelque temps, mais qu'elle ne l’est plus aujourd'hui,

 13   donc, l'ancien ministre de la Justice.

 14   Le paragraphe 6 de la déclaration sous serment est contresigné ;

 15   je cite : "J'ai contacté le ministre de la Défense pour voir quelle était

 16   la procédure à suivre. On m’a dit qu'un représentant du Procureur était

 17   déjà venu au ministère et qu’il a reçu les mandats demandés. Une certaine

 18   surprise a également été exprimée quant au fait que la SFOR était

 19   armée et s'était déployée dans des véhicules blindés. Nous, ministres de

 20   la Justice et de la Défense, décidons de ne pas réagir afin d'éviter tout

 21   échange de feu. Et en outre, il n'y a eu aucune résistance à l'exécution

 22   du mandat puisque la perquisition était déjà commencée".

 23   Donc la saisie des armes montre bien que la Sfor a désarmé les

 24   personnes et les a fouillées. Et je pense qu'il est impossible de

 25   mentionner un tel acte, en employant d'autres termes que perquisition et


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  1   saisie avec usage des armes.

  2   Si le Procureur américain allait en un lieu déterminé avec

  3   l'aide de la police, il me semble que cela constituerait le recours à la

  4   menace de la force. Et c'est exactement ce qui s'est passé dans la

  5   situation dont nous parlons.

  6   Quand au fait de savoir si ce pouvoir aurait pu être utilisé

  7   contre les Etats-Unis ou la Russie ou la France ou tout autre grande

  8   puissance, je pense qu’il a été dit que les Etats-Unis refuseraient très

  9   nettement mais qu’ici il n’y avait pas cette possibilité.

 10   Le pouvoir en question a été utilisé en dehors de toute

 11   possibilité de s’y opposer. Ce qui a été dit, c'est qu'un pouvoir

 12   unilatéral, donc sans consultation, et impliquant l'usage de la force,

 13   destiné à saisir des éléments de preuve où que ce soit, aux Etats-Unis, au

 14   Royaume-Uni, en France ou en Russie -et je dirai même dans d'autres pays

 15   tels la Chine- Monsieur le Président, Messieurs les Juges, entraînerait à

 16   mon avis une certaine surprise pour le moins, même s’il était appuyé sur

 17   un mandat de perquisition.

 18   Un mandat de perquisition a été établi dans l'affaire qui nous

 19   intéresse, mais c’est l’exécution de ce mandat de perquisition sans le

 20   consentement de l’Etat souverain concerné qui constitue une faute, et pas

 21   le mandat de perquisition en tant que tel. Le mandat de perquisition est

 22   tout à fait parfait du point de vue des pouvoirs qu'il implique. Je ne

 23   parle pas de cause probable ; je n'entre pas dans les détails, mais ce que

 24   je dis, c'est que c'est l'exécution unilatérale sur le territoire d'un

 25   état souverain qui, à notre avis, n'est pas autorisée par le Statut du


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  1   Tribunal.

  2   Dans le protocole d'accord que j'ai cité, le Procureur est

  3   revenu sur une disposition relative à l’audition d'un témoin. D'abord, je

  4   ne dirai pas que sa description correspond à la réalité. Dans ce passage

  5   du protocole d'accord, il s'agit de plusieurs témoins et de leur situation

  6   à eux, mais pas de la situation générale. En tout état de cause, le

  7   libellé utilisé indique qu'il est question d'un mandat.

  8   "Le procureur doit demander à exercer ce mandat ; il doit

  9   s'appuyer sur le consentement de la partie concernée dans le cadre de la

 10   législation applicable à la coopération avec le Tribunal", (fin de

 11   citation).

 12   Par ailleurs, dans ce même passage où il est question des

 13   témoins au paragraphe 5, il est stipulé que les enquêteurs n'ont pas le

 14   droit d'être armés. C'est une disposition qui ne s'applique pas à la

 15   situation dont nous parlons. A la question de l'arrêt de la Chambre

 16   d'appel Blaskic, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez lu

 17   les passages relatifs à la perquisition et à la saisie. Ce sont des

 18   passages pertinents qui traitent donc d'une activité qui nous intéresse,

 19   le Procureur et nous-mêmes. Quant aux statistiques citées dans la

 20   déclaration sous serment de Mlle Pantz, nous y trouvons 45 cases et à la

 21   question relative aux inventaires et à la restitution des documents

 22   saisis, j'affirme, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 23   qu'indépendamment des difficultés qu'il y a à établir un inventaire

 24   détaillé, en tout cas, les documents ont été présentés il y a huit mois et

 25   avaient tout le temps d'être restitués dans leurs originaux.


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  1   M. Président (interprétation). – Pouvez-vous ralentir, je vous

  2   prie ?

  3   M. Smith (interprétation). – Oui. Si vous examinez les

  4   déclarations sous serments qui ont été fournies par M. Antunovic

  5   notamment, vous verrez que ce sont des documents qui font partie des

  6   documents saisis et ne figurent pas apparemment en copie dans

  7   l'inventaire. Il faudrait que ce soit le cas.

  8   La question des pouvoirs au Kosovo : je ne suis pas un expert

  9   sur le droit des

 10   conflits, mais j'affirme, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

 11   si l'OTAN occupe le Kosovo et si elle le fait en vertu de l'article 7 de

 12   la Charte et dans le cadre de pouvoirs d'exécution qui lui seraient

 13   octroyés, la situation transformerait l'OTAN dans ce cas en une puissance

 14   occupante et si le Procureur examine attentivement le droit, il découvrira

 15   que le consentement du gouvernement yougoslave n'aura pas été demandé, en

 16   tout cas pas celui du gouvernement serbe.

 17   Dans le cadre de l'article 59 bis du Règlement, il s'agirait

 18   d'un pouvoir dont le Tribunal se serait investi et qui serait en

 19   contradiction avec l'ensemble des statuts et des lois relatifs à la

 20   coopération avec le Tribunal. Notamment avec l'existence des 22 pays qui

 21   ont une législation en la matière. Alors, Monsieur le Président,

 22   Messieurs les Juges, à ce stade de mon exposé, j'aimerais demander à ma

 23   collègue Maître Turkovic de revenir sur les dispositions de la loi de 1996

 24   et du code de procédure qui a été cité par… en tout cas auquel le

 25   procureur a fait référence dans son exposé.


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  1   M. Président (interprétation). – Un instant, je vous prie, pour

  2   les interprètes. Vous avez la parole.

  3   Mme Turkovic (interprétation). – Oui. Comme le Procureur l’a

  4   indiqué, l'intitulé de la loi -et je vais le dire en croate pour que

  5   l'interprète fasse son travail, je ne vais pas moi-même le faire en

  6   anglais- Décret sur la proclamation de la loi concernant l'extradition des

  7   personnes coupables selon l'ordonnance, la requête du Tribunal pénal

  8   international. Mais le titre du chapitre 3 est le suivant : "Fait l'objet

  9   de cette affaire". Moi, je vois "extradite" en anglais dans le compte

 10   rendu, mais moi je dirais plutôt "remettre entre les mains de" ("handing

 11   over").

 12   Je continue : "En ce qui concerne la solution concernant

 13   l’extradition est exécutée par le ministère de la Justice de Bosnie-

 14   Herzégovine en coopération avec le ministère des affaires intérieures de

 15   la fédération de Bosnie-Herzégovine, en coopération avec le ministère

 16   des affaires étrangères et portant sur l'extradition des personnes et des

 17   documents, prise conjointement avec des ministres compétents. Ces règles

 18   seront adoptées dans un délai de 15 jours à partir de la date de mise en

 19   vigueur de ce décret, de cette loi".

 20   Article 28, premier paragraphe : "Les documents qui portent sur

 21   les crimes de guerre ou qui, éventuellement, peuvent être également des

 22   pièces à convictions qui sont requises par le Tribunal Pénal International

 23   seront soumises à ce Tribunal Pénal International conformément à la

 24   réglementation en vigueur de l'article 27 de la loi en question".

 25   Je dois faire remarquer que ce Règlement n'a jamais été exécuté


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  1   dans les faits. Peut-être savez-vous qu'en Bosnie aujourd'hui, il est

  2   extrêmement difficile d'obtenir l'accord ou la mise en application de

  3   nombre de textes de loi, notamment des lois qui présentent un caractère

  4   particulier assez délicate en matière d'application puisqu'elles sont

  5   liées à la coopération avec le Tribunal pénal international.

  6   Pour ce qui est du Code criminel, je vais à nouveau citer en

  7   croate la procédure concernant l'entraide internationale. Nous ne parlons

  8   d'extradition mais d'entente judiciaire.

  9   L'article 518 déclare, je cite : "Les plaintes portées devant

 10   les tribunaux internes concernant l'entraide juridique en matière pénale

 11   sont soumises...".

 12   Ensuite, il faut aller un peu plus loin, à l'article 519 qui

 13   stipule le droit international d'entraide.

 14   Si vous le souhaitez, Monsieur le Président, Messieurs

 15   les Juges, nous pouvons vous faire parvenir ces différents articles.

 16   M. Smith (interprétation). - Pour conclure, Monsieur

 17   le Président, Messieurs les Juges, comme vous l'aurez compris, ces

 18   questions des pouvoirs octroyés au Procureur ont une importance

 19   particulièrement cruciale. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à

 20   ce que ce débat ait lieu.

 21   Je crois que j'ai déjà précisé, au début de notre affaire, quel

 22   est le degré de gravité que la défense attribue à cette question des

 23   saisies et des perquisitions et de la façon dont elles sont réalisées.

 24   Nous affirmons que les compétences telles qu'elles ont été utilisées par

 25   le Bureau du Procureur dans cette situation qui nous intéresse ici, ne


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  1   sont pas précisées dans le statut, ne sont pas régies par le Règlement de

  2   Procédure et de Preuve, qu'elles sont par là-même illégales et qu'elles

  3   ont été exécutées en violation totale de tous les principes qui régissent

  4   cet institution. Merci.

  5   M. le Président (interprétation). - Un dernier point,

  6   Maître Smith. Même si vous aviez raison, et même si vos arguments étaient

  7   justifiés, vous devriez également démontrer que l'admission de ces

  8   documents jetterait un doute sur la recevabilité de ces documents, et nous

  9   parlons ici de documents écrits. Admettre ces éléments de preuve serait

 10   tout à fait antithétique et irait tout à fait à l'encontre de l'intégrité

 11   de la procédure. Quand on parle de procédure on parle de procès, en fait.

 12   Vous êtes bien d'accord ?

 13   M. Smith (interprétation). - Oui, absolument, Monsieur

 14   le Président.

 15   M. le Président (interprétation). - Alors pourquoi dites-vous

 16   que ceci aurait un effet très préjudiciable à la régularité et à la

 17   fiabilité de ce procès, si je suis votre ligne de raisonnement ?

 18   M. Smith (interprétation). - Eh bien, pour des raisons

 19   fondamentales, Monsieur le Président. Si le comportement est illégal, si

 20   le comportement du Procureur est en violation de tous les principes

 21   juridiques qui s'appliquent, ce Tribunal ne peut pas, d'après nous, et ne

 22   devrait pas s'autoriser à utiliser ces éléments de preuve. Moralement

 23   parlant, il est parfaitement incohérent que le Tribunal avance

 24   simultanément les éléments suivants, à la fois que les criminels qui

 25   paraissent devant lui devraient respecter la loi alors que le Bureau du


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  1   Procureur, lui, peut se permettre de la violer ; deuxièmement, il faut

  2   absolument respecter l'état de droit. Pour que l'état de droit soit

  3   respecté, il faut que ces différents éléments de preuve soient

  4   exclus, Monsieur le Président.

  5   Troisièmement, l'équité du système dépend intégralement du

  6   comportement adopté par le Bureau du Procureur qui doit en tout point être

  7   conforme à la loi. La légitimité du jugement qui sera rendu doit être

  8   prise en compte. Un jugement s'appuyant sur des éléments de preuve qui ont

  9   été saisis de façon illégale, qui ont été saisis par le biais d'une action

 10   illégale du Bureau du Procureur, un tel jugement serait perçu comme

 11   illégitime par nombre de personne.

 12   Enfin je dirai qu'une fois encore, les fins ne peuvent pas

 13   justifier les moyens. Ce Tribunal a besoin de se doter des instruments qui

 14   lui permettent de fonctionner efficacement. Je ne doute pas qu'il puisse

 15   le faire, mais ce que j'affirme, c'est que ce Tribunal - qui se trouve au

 16   tout début de sa vie, qui en est encore à une époque de création de ces

 17   instruments - délivre des actes d'accusations qui ont un retentissement

 18   international. A un tel moment, ce Tribunal doit s'assurer que des

 19   éléments de preuve aussi illégalement saisis soient exclus. C'est le

 20   Tribunal qui doit régir cette situation, c'est lui qui a les rênes et qui

 21   doit établir les règles à suivre.

 22   M. Robinson (interprétation). - Maître Nice, je voulais vous

 23   poser une question. Quelle est votre réaction aux arguments de Me Smith

 24   selon lesquels, dans une situation telle que celle-ci, on s'attend à

 25   trouver une disposition explicite, que ce soit dans le Règlement ou dans


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  1   le statut, disposition prévoyant des perquisitions et des saisies ?

  2   Maître Smith affirme qu'aucune disposition de ce type, aussi explicite,

  3   n'existe dans nos textes fondateurs.

  4   M. Nice (interprétation). - Eh bien, nous répondons très

  5   simplement qu'il y a une disposition explicite, et qu'il y a compétence

  6   octroyée au Bureau du Procureur. Je vous renvoie à l'article 18-2 qui

  7   couvre exactement la situation qui nous intéresse ici.

  8   Je vais repréciser ce qui est dit : "Le Procureur a le droit de

  9   rassembler des éléments de preuve et de mener des enquêtes sur place".

 10   Vous aurez également à l'esprit, Monsieur le Juge, l'article 19 qui

 11   stipule, je cite : "Si confirme l'acte d'accusation, le Juge saisi

 12   sur réquisition du Procureur décerne les ordonnances et mandats d'arrêts,

 13   etc. qui sont nécessaires pour la conduite du procès".

 14   Ceci renforce ce qui est dit dans l'article 18/2 et c'est pour

 15   nous l'article 18/2 qui est le plus explicite en la matière. L'article 54

 16   du statut vaut également la peine d'être pris, lu et pris en compte...

 17   Pardon, pas l'article 54, mais l'article 54 du règlement. L'article 54 est

 18   d'application très large puisqu'il stipule, je cite : "A la demande d'une

 19   des parties ou d’office, un Juge ou une Chambre de première instance peut

 20   délivrer les ordonnances et citations à comparaître, ordonnances de

 21   production et de comparution forcée, mandats et ordres de transfert

 22   nécessaires aux fins de l'enquête, de la préparation ou de la conduite du

 23   procès".

 24   Aucun doute n'existe, ces compétences nous sont nécessaires,

 25   elles sont nécessaires à notre fonctionnement. La Chambre de première


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  1   instance n'a pas à hésiter sur ce point. Nous avons besoin de documents

  2   écrits, d'éléments de preuve écrits. Nous savons quelles sont les

  3   difficultés auxquelles nous sommes confrontés en matière d’obtention de

  4   ces documents parce qu'il y a absence de coopération et parce qu'il y a

  5   d'autres problèmes qui surgissent.

  6   Nous dépendons terriblement de ce type de dispositions qui

  7   prévoient des perquisitions et des saisies parce que ces outils nous

  8   permettent d'obtenir les éléments dont nous avons besoin.

  9   Mais tout de même, ma réponse reste la même : ces activités sont

 10   prévues. Elles ne portent pas explicitement le nom de perquisition ou de

 11   mandat de perquisition, mais elles sont spécifiquement prévues par les

 12   articles fondateurs de cette institution.

 13   M. le Président (interprétation). - Vous avez deux minutes,

 14   Maître Smith.

 15   M. Smith (interprétation). - Il me faudra moins que cela,

 16   Monsieur le Président. L'article 54 du règlement autorise un Juge ou une

 17   Chambre de première instance à délivrer des ordonnances, etc. Ce n'est pas

 18   la question qui se pose ici. Ici, un mandat de perquisition a été délivré.

 19   Le problème est qu'il a été exécuté de façon illégale. Le Procureur s'est

 20   octroyé des

 21   pouvoirs qui ne lui revenaient pas en matière d'exécution du mandat. Il

 22   n'a pas respecté les dispositions de la législation de l’Etat souverain

 23   sur le territoire duquel la perquisition a été réalisée. Et d'ailleurs, le

 24   mandat de perquisition ne précise en aucun cas que la législation doit

 25   être respectée.


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  1   La Chambre de première instance et le Juge, qui sont

  2   responsables de l'émission de ce mandat de perquisition, n'ont pas eu à se

  3   poser la question. C'est simplement le Procureur qui s'est octroyé le

  4   droit de l'exécuter de la façon dont il l'a fait. Et l'article 54 est très

  5   précis sur ce point.

  6   M. Bennouna. - Maître Nice, il me semble qu'il y a eu une partie

  7   de l'intervention de Me Smith au sujet de laquelle vous n'avez pas tout à

  8   fait répondu. C'est au sujet de la possibilité de retourner ou de remettre

  9   ou de rendre certains des documents, de rendre certains des documents que

 10   vous avez pris dans la perquisition. Est-ce que vous pourrez répondre à

 11   cela ? Concernant la possibilité de rendre ou de retourner certains

 12   documents ?

 13   M. Nice (interprétation). - J'apporterai deux réponses à ces

 14   arguments. Tout d'abord, du point de vue du principe, je ne suis pas bien

 15   sûr de ce qui doit se passer après la réalisation ou après l'exécution,

 16   plutôt, d'un mandat de perquisition.

 17   En quoi ce qui se passe après l'exécution de cette perquisition

 18   a-t-il une influence sur le caractère légal ou pas dudit mandat ?

 19   Je crois qu'en fait, le recours qui peut être à la disposition

 20   de la partie offensée, c'est soit de s'adresser directement à une Chambre

 21   de première instance pour obtenir des mesures en réparation ou si comme

 22   dans le cas présent il s’agit d’un accusé dans un procès, il faut qu’il

 23   avance des arguments fondés et faisant objections à la recevabilité des

 24   éléments de preuve saisis. Dans ce cas précis, nous savons que non

 25   seulement, il n'y a pas eu d'objection officielle émanant du gouvernement


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  1   concerné quant à l’exécution du mandat de perquisition, mais de plus, la

  2   seule complainte qu'il y a eu, c'est celle émanant de façon officieuse

  3   d'une

  4   personne qui n'est plus en poste à l'heure actuelle et qui a été démise de

  5   ses fonctions peu de temps après l'exécution du mandat de perquisition.

  6   Hormis cette plainte, aucune plainte officielle n'a été déposée. Donc

  7   c'est une première chose.

  8   La deuxième chose, c'est ce qui se passe du point de vue

  9   pratique. Il s'agit ici de dresser un inventaire de tous les documents

 10   saisis avant de les rendre. Or, le fait de dresser un tel inventaire ne

 11   relève pas directement des pouvoirs et des compétences qui sont celles

 12   d'un Bureau du Procureur. Comme je l'ai déjà expliqué précédemment, ces

 13   différents documents nous nous y intéressions non seulement pour ce

 14   procès-ci, mais pour d'autres encore. Donc, la décision qui revient à

 15   déterminer la date du renvoi de certains documents revient à des personnes

 16   qui sont plus compétentes que moi et des personnes qui ont une vue plus

 17   large que celles qui se contenteraient de ce qui se passe dans ce procès-

 18   ci.

 19   Ceci étant dit, maintenant que l'inventaire complet a été

 20   dressé, la décision relative au renvoi de certains documents va

 21   certainement être prise dans un délai relativement court. Mais il s'agit

 22   là d'une question pratique à opposer à une question de principe, sur

 23   laquelle repose votre faculté de rendre une décision aujourd'hui ou un peu

 24   plus tard.

 25   M. Smith (interprétation). - Tout simplement, Monsieur le


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  1   Président, Messieurs les Juges, je vous renvoie à l'article 7 du traité

  2   modèle des Nations Unies sur l'assistance mutuelle en matière pénale. On

  3   parle du renvoi de documents à l'Etat dans lequel ils ont été saisis et du

  4   retour à l'Etat dans lequel il a été saisi de tous les biens qui ont été

  5   perquisitionnés.

  6   Il est déclaré, je cite : "Tout bien ainsi que les archives et

  7   les documents originaux doivent être remis à l'Etat qui en fait la

  8   demande, conformément aux dispositions du présent traité. Ces documents

  9   doivent être retournés à l'Etat qui en fait la demande dès que possible

 10   sauf si ledit Etat renonce à son droit de demander le renvoi des

 11   documents."

 12   Et je vous suggère que c'est ce qui est fait de façon coutumière

 13   au niveau

 14   international, et ce n'est pas une réponse que de dire que cette

 15   disposition n'a pas été respectée en l'espèce et qu'il n'y a aucun autre

 16   recours possible.

 17   M. le Président (interprétation). - Eh bien la Chambre de

 18   première instance va se prononcer sur la question. Nous nous prononcerons

 19   en temps opportun.

 20   Nous allons suspendre nos travaux et nous reprendrons demain à

 21   14 heures 30. L'audience est suspendue.

 22               L'audience est suspendue à 17 heures 35.

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