Affaire n° : IT-00-39-T
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le
Juge Alphons Orie
M. le Juge Joaquín Martín Canivell
M. le Juge Claude Hanoteau
Assistée de :
M. Hans
Holthuis, Greffier
Ordonnance rendue le :
18 mai 2005
LE PROCUREUR
c/
MOMCILO KRAJISNIK
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EX PARTE
ORDONNANCE RELATIVE À LA DEMANDE DE MODIFICATION DES MESURES DE PROTECTION PRÉSENTÉE PAR L’ACCUSATION
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Le Bureau du Procureur :
Mme Carla Del Ponte
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I (LA « CHAMBRE ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »), est saisie d’une requête de l’Accusation tendant à obtenir une modification des mesures de protection (Prosecution’s Application for Variation of Protective Measures, la « Requête »), déposée à titre confidentiel et ex parte le 22 avril 2005.
Rappel de la procédure
1. Les 11 et 22 février 2005, le Procureur général du parquet de Bosnie-Herzégovine (le « Procureur de la Bosnie-Herzégovine ») a sollicité l’aide du Greffier du Tribunal pour obtenir que lui soient communiqués les noms de certains témoins, les dépositions qu’ils ont faites et les adresses auxquelles on peut les joindre, ainsi que d’autres éléments de preuve les concernant, pour les besoins d’une enquête que le Procureur de la Bosnie-Herzégovine mène au sujet d’un suspect actuellement sous la garde des autorités de Bosnie-Herzégovine (le « Suspect »). Le 31 mars 2005, le Greffier a demandé l’avis du Président du Tribunal à propos de la Requête. Le 6 avril 2005, en application de l’article 75 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), le Président a déclaré que « seules les parties, définies à l’article 2 du Règlement comme étant l’Accusation et la Défense, peuvent introduire auprès d’une Chambre une demande de modification1 ». Le 13 avril 2005, le Procureur de la Bosnie-Herzégovine a demandé l’aide du Bureau du Procureur du Tribunal pour obtenir les informations confidentielles en question.
2. Le Bureau du Procureur a déposé sa Requête le 22 avril 2005. Il prie la Chambre, en application de l’article 75 du Règlement :
1) de demander à la section d’aide aux victimes et aux témoins de consulter les témoins protégés afin de savoir s’ils acceptent que leur identité, leur adresse actuelle, les comptes rendus de leurs dépositions et leurs déclarations soient communiqués au Procureur de la Bosnie-Herzégovine ;
2) de demander à la section d’aide aux victimes et aux témoins de rendre compte à la Chambre du résultat de ses consultations ; et
3) d’enjoindre au Procureur de la Bosnie-Herzégovine de prendre l’engagement que l’identité des témoins et les pièces demeureront confidentielles, d’ordonner que seuls les membres de la section spécialisée dans les crimes de guerre du Bureau du Procureur général de Bosnie-Herzégovine seront autorisés à accéder à ces pièces et que celles-ci ne seront communiquées à aucune autre personne ou tierce partie, et d’imposer au Procureur de la Bosnie-Herzégovine de prendre toutes les mesures, tant juridiques que pratiques, nécessaires pour garantir la protection et la sécurité des témoins.
3. Le 25 avril 2005, la Chambre a prié la section d’aide aux victimes et aux témoins : 1) de se mettre en rapport avec les témoins mentionnés dans l’annexe à la Requête, pour leur demander s’ils consentent à ce que leur identité, leur adresse actuelle, les comptes rendus de leurs dépositions et leurs déclarations soient communiqués au Procureur de la Bosnie-Herzégovine, dans le cadre de l’enquête en cours dont il est question à l’annexe A à la Requête ; et 2) de rendre compte à la Chambre du résultat de ses consultations. La section d’aide aux victimes et aux témoins a joint les témoins visés par la Requête (le témoin 482, le témoin 343 et le témoin 194), qui ont accepté que leur nom, leur adresse et leurs déclarations soient communiqués au Procureur de la Bosnie-Herzégovine.
Examen
4. La Chambre prend note du fait que le Bureau du Procureur a déposé des requêtes analogues devant d’autres chambres du Tribunal5.
5. L’Accusation a subordonné la mesure demandée dans la Requête au consentement des témoins, et la Chambre a enjoint à la section d’aide aux victimes et aux témoins d’expliquer aux témoins le contexte et le contenu de la Requête et de leur demander s’ils acceptaient que les informations demandées soient communiquées.
6. Au Tribunal, une chambre saisie d’une affaire dispose par là même du pouvoir de modifier les ordonnances précédemment rendues dans cette affaire, y compris celles rendues en application de l’article 75 A) du Règlement. Il relève donc de la compétence d’une chambre du Tribunal de modifier des mesures de protection ordonnées dans une affaire dont elle est saisie, si la partie qui les a sollicitées en fait la demande en justifiant d’un but légitime. En l’espèce, la Chambre est d’avis que le but exposé par l’Accusation dans sa Requête est légitime. Le fait que des motifs convaincants soient nécessaires pour justifier de modifier les mesures de protection ordonnées à l’audience est aussi souligné par les résolutions du Conseil de sécurité selon lesquelles les institutions nationales qui poursuivent les auteurs de violations du droit international humanitaire commises en ex-Yougoslavie doivent être assistées dans leur travail6.
7. La Chambre fait observer que si l’enquête menée actuellement par le Procureur de la Bosnie-Herzégovine le conduit à exercer des poursuites, il sera peut-être nécessaire de communiquer les informations confidentielles à l’accusé dans cette affaire.
8. Enfin, le Bureau du Procureur précise que la Requête a été déposée à titre confidentiel afin de ne pas porter préjudice aux enquêtes actuellement menées par le Procureur de la Bosnie-Herzégovine. Les annexes A et B contiennent des informations confidentielles, mais la Requête elle-même ne contient aucune information sensible et devrait donc être accessible au public. En outre, le Président a examiné le fond de la question dans sa Décision, qui n’est pas confidentielle. Il n’y avait donc aucune raison de déposer la Requête à titre confidentiel, pas plus qu’il n’y en a de la maintenir sous scellés.
9. En application des articles 54 et 75 du Règlement, la Chambre :
DEMANDE au Greffe du Tribunal de lever la confidentialité de la Requête (mais pas des annexes qui lui sont jointes) afin qu’elle soit accessible au public,
FAIT DROIT à la Requête,
MODIFIE les mesures de protection concernant les témoins,
ET ORDONNE ce qui suit :
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
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Alphons Orie
Le 18 mai 2005
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal international]