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1 Le jeudi 2 septembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs.
6 Monsieur Hannis, je vous vois lever et je me demandais si vous aviez
7 quelque chose à nous dire.
8 M. HANNIS : [interprétation] Non, Monsieur le Président. C'est simplement
9 que j'avais peur de disparaître derrière le podium si jamais je m'assoyais.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, je vois. Est-ce que
11 l'Accusation est prête à faire appeler son nouveau témoin ?
12 M. HANNIS : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. S'agit-il d'un témoin qui n'a pas
14 demandé de mesures de protection particulières ?
15 M. HANNIS : [interprétation] Non, justement.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il s'agirait de M. Crncalo.
17 J'espère que la prononciation est bonne. Mais avant cela, je demanderais à
18 Madame la Greffière d'appeler l'affaire, car j'ai oublié de lui demander.
19 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-00-39-T, le
20 Procureur contre Momcilo Krajisnik.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Madame
22 l'Huissière, je vous prie de faire entrer le prochain témoin. Monsieur
23 Hannis, c'est vous qui procèderez à l'interrogatoire du témoin ?
24 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, car je vois
3 que votre nom est épelé, de façon différente, dans les diverses
4 déclarations, nous avons recueillies de vous-même et je vous demanderais
5 peut-être de nous épeler votre nom et nous vous demanderons de prononcer
6 votre nom plus tard. Nous avons de témoigner devant cette Chambre le
7 règlement de procédure et de preuve, exige que vous prononcez une
8 déclaration solennelle, disons que vous direz la vérité, rien que la vérité
9 et toute la vérité. Le texte de cette déclaration solennelle vous sera
10 remis par Mme l'Huissière.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
13 LE TÉMOIN : SULEJMAN CRNCALO [Assermenté]
14 [Le témoin répond par l'interprète]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Hannis nous
16 dira sans doute sous peu, si le nom du témoin est bien Sulejman Crncalo ou
17 Crnaclo ou Crncajlo.
18 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
19 Interrogatoire principal par M. Hannis:
20 Q. Bonjour, Monsieur Crncalo. Simplement pour être tout à fait sûr de bien
21 prononcer votre nom, nous vous demanderons de bien épeler votre nom de
22 famille et de dire comment vous le prononcer.
23 R. Crncalo Sulejman.
24 Q. Pourriez-vous épeler votre nom de famille, je vous prie ?
25 R. Crncalo.
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1 Q. Je vous remercie.
2 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
3 commencer par les déclarations du témoin. Je souhaiterais que l'on montre
4 au témoin ses deux déclarations. La première, ayant été recueilli le 8 juin
5 2001, il s'agit également d'une deuxième déclaration qui a été recueillie
6 au Tribunal, ou la Cour supérieure de Sarajevo. Cette deuxième déclaration
7 est datée du 23 août 1995. Je souhaiterais que l'on montre les deux
8 déclarations au témoin au même temps.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La déclaration du témoin qui porte la
11 date du 8 juin 2001, portera la cote P270, et le compte rendu d'une
12 interview, d'une conversation qui a eu lieu avec le témoin datée du 23 août
13 1995, portera la cote P271.
14 M. HANNIS : [interprétation] Merci.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la déclaration du
16 Tribunal pénal international, l'original en langue anglaise existe, et pour
17 ce qui est de la déclaration de la Cour supérieure, l'original est en
18 B/C/S, si je ne m'abuse.
19 M. HANNIS : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
20 Q. Monsieur Crncalo, je souhaiterais vous demander d'examiner le document
21 qui est en fait une déclaration émanant de la Cour suprême de Sarajevo, et
22 elle a été faite au mois d'août 1995. Est-ce que vous l'avez sous les
23 yeux ?
24 R. Oui.
25 Q. Un nom qui apparaît sur cette première page est épelé légèrement de
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1 façon différente. Je voudrais demander s'il s'agit bien de votre propre
2 nom, ou y a-t-il une erreur de frappe, ou parle-t-on d'une autre personne ?
3 R. Il s'agit d'une erreur de frappe. Il est évident que c'est mon nom à
4 moi. On a interchangé les lettres A et C accent.
5 Q. Reconnaissez-vous néanmoins la signature en bas de page, en fait de ce
6 document ? Effectivement, je vois que chaque page a été signée.
7 R. Oui, il s'agit de ma signature à moi.
8 Q. Est-ce que vous avez eu le temps de regarder ces déclarations hier
9 avant de venir au Tribunal ce matin ?
10 R. Oui, j'ai pu lire la déclaration vers la fin de la journée, hier.
11 Q. Merci. Est-ce que vous avez eu l'occasion de lire l'autre déclaration
12 qui se trouve sous vos yeux ?
13 R. Oui, tout à fait. J'ai pu relire les deux déclarations.
14 Q. Est-ce que vous les avez relues au complet, et est-ce que cela vous a
15 permis de vous remémorer les deux déclarations, et de conclure qu'il s'agit
16 bien de vos déclarations à vous, que vous avez données vous-même ?
17 R. Oui, j'ai lu les deux déclarations. Il s'agit bien de déclarations que
18 j'ai données moi-même.
19 Q. Outre quelques questions mineures que nous avons discutées hier, est-ce
20 que vous pourriez confirmer à cette Chambre qu'il s'agit de deux
21 déclarations qui sont véridiques, et qui reflètent de façon précise les
22 événements tels que vous les avez relatés, au moment où vous avez fourni
23 ces déclarations ?
24 R. Je peux confirmer ce qui est indiqué ici. Il s'agit bien de mes
25 déclarations. Je souhaite -- en fait, hier j'ai fait certains ajouts, mais
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1 je reste fermement derrière ces déclarations. Vous pouvez me poser toutes
2 les questions que vous souhaitez, et je vous donnerais les réponses
3 également précises.
4 Q. Merci.
5 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais attirer
6 l'attention de la Chambre que j'ai envoyé à M. De Hemptinne et à la Chambre
7 une feuille supplémentaire, contenant de nouveaux éléments d'information
8 qui ont été recueillis lors de la session de récolement, et il y a quelques
9 erreurs de frappe également dans la version anglaise de la déclaration que
10 le témoin a donnée aux enquêteurs du Tribunal. Je vais attirer l'attention
11 de la Chambre lorsque nous trouverons ces erreurs de frappe dans le texte.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien, je vous ne remercie.
13 M. HANNIS : [interprétation] Eu égard à tout cela, Monsieur le Président,
14 je propose qu'on lise le résumé de la déclaration du témoin.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ceci conformément à l'Article
16 89(F). Très bien, nous avons reçu le résumé et vous l'avez, je présume,
17 communiqué à la Défense.
18 M. HANNIS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vais procéder à
19 la lecture de ce résumé.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci.
21 M. HANNIS : [interprétation] Il s'agit d'un résumé des événements qu'a
22 fourni M. Crncalo. Le témoin était un Musulman, il était un employé dans
23 une usine, il vivait à Pale depuis 1978 jusqu'au moment où il a été expulsé
24 de l'usine le 2 juillet 1992. Il nous décrit que les Musulmans font l'objet
25 de persécution à Pale depuis 1991, jusqu'en juillet 1992 et c'est à ce
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1 moment-là que tous les Musulmans, qui sont restés, ont été transférés à
2 l'extérieur de la municipalité. C'était avec la participation, en fait, des
3 forces bosniennes serbes de Bosnie, y inclus, en particulier, la police qui
4 a agi en coopération avec les Unités paramilitaires. Il s'agissait d'une
5 campagne d'expulsion.
6 Il décrit également des rencontres qui ont eu lieu avec des
7 représentants musulmans, entre les représentant musulmans et les
8 représentants serbes, y compris le chef de la police, Malkon Koroman, et il
9 nous parle d'une réunion qui a eu lieu avec un membre de la présidence
10 collective serbe de Bosnie, Nikola Koljevic, concernant les persécutions et
11 le transport involontaire des Musulmans de Pale.
12 Monsieur Crncalo décrit que, pendant l'année 1991 et au début de l'année
13 1992, il avait remarqué que des manifestations de nationalisme serbe
14 avaient commencé à ce faire voir à Pale, et plus particulièrement, au mois
15 de mai 1991, il y avait une cérémonie organisée par M. Vojislav Seselj. Il
16 a distribué, à ce moment-là, des armes à la population locale serbe, et la
17 mobilisation des employés de Sesko [phon] avait également été faite. En
18 réponse à cela, la communauté musulmane s'est sentie menacée et a commencé
19 à protéger leurs biens.
20 Le 3 mars 1992, le témoin s'est arrêté par la police serbe pendant
21 qu'il défendait sa maison, montait la garde devant sa maison, et il a été
22 amené au poste de police locale de Pale. Il a été menotté, il a été
23 interrogé par la police également. Il a été menacé de mort, et il a été
24 battu pendant trois heures.
25 M. Crncalo décrit également qu'au début du mois de mars 1992, la cellule de
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1 Crise de la municipalité de Pale a été établie, et qu'elle a, à ce moment-
2 là, pris le contrôle des activités municipales. C'était le QG de la police
3 qui était composé des représentants du SDS, y compris le président du SDS,
4 le chef de la police, ainsi que le président de la municipalité.
5 Le témoin décrit plus loin qu'au mois de mars 1992, il y a eu un appel
6 public fait par la télévision dirigé à tous les non-Serbes, leur disant de
7 rendre toutes leurs armes à la police. Les hommes paramilitaires ont menés
8 des opérations de fouille dans les maisons musulmanes. Les Serbes (y
9 compris, en particulier, la police et le commandant des Unités
10 paramilitaires, Radomir Kojic) ont participé à cette fouille, et ont tout
11 commencé, à ce moment-là, une campagne qui visait à ce que tous les non-
12 Serbes quittent la municipalité de Pale. Des points de contrôle ont été
13 érigés, et ils étaient tenus par des soldats de réserve et par les soldats
14 paramilitaires qui empêchaient le mouvement des musulmans de façon libre,
15 et les coupaient de leurs voisins musulmans dans d'autres communautés
16 musulmanes.
17 Pendant le mois de mai 1992, il a vu trois camions de transport pleins de
18 civils, remplis de musulmans. C'était des hommes de Bratunac qui sont
19 arrivés à Pale, escortés par des paramilitaires serbes. Les camions se sont
20 arrêtés devant le poste de police et le bâtiment de la municipalité. Le
21 président Starcevic est sorti, et c'est à ce moment-là qu'il a dit qu'il
22 n'avait pas suffisamment de place pour tous les détenus. Il a envoyé les
23 hommes musulmans dans un cinéma qui se trouvait non loin de là.
24 Au mois d'avril et au mois de mai 1992, le service de téléphone
25 musulman a été coupé pour les musulmans. Plus tard, le 15 mai 1992, le
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1 témoin et ses collègues musulmans, qui travaillaient avec lui, ont été
2 renvoyés de leurs emplois. Ils ont perdu leurs emplois pendant le mois de
3 mai et juin 1992. Il a remarqué des concentrations très aiguës de beaucoup
4 d'équipement militaire. Il avait un grand nombre de soldats également dans
5 la zone de Pale, y compris des centaines de représentants paramilitaires. A
6 partir du mois d'avril, on a procédé à des arrestations des Musulmans, et
7 en juin et en juillet, plusieurs hommes musulmans se sont faits arrêtés
8 dans leurs maisons par les paramilitaires, et plusieurs personnes ont été
9 tués.
10 Finalement, vers la fin du mois de juin, au début du mois de juillet,
11 les autorités serbes, en particulier, la cellule de Crise du SDS, a
12 organisé des convois pour transférer les Musulmans de cette zone. Après que
13 lui et sa famille ont été transférés, le 2 juin 1992, le témoin a appris
14 que trois mosquées de Pale avaient été détruites, et que des Musulmans
15 avaient refusé de partir de Pale. Tous ces Musulmans, qui avaient refusé de
16 partir de Pale au mois de juillet 1992, ont été tués.
17 Au mois de mai, le témoin et d'autres musulmans ont demandé au chef
18 de police d'organiser une réunion avec les autorités compétentes, afin
19 qu'ils puissent déterminer si les Serbes les forçaient de partir et de
20 quitter leurs maisons. La réunion devait aborder au poste de police.
21 Lorsque les Musulmans sont arrivés au poste de police, on leur a dit qu'ils
22 doivent se rendre au café qui était tenu par un Musulman, Fadil Kujovic.
23 Après approximativement dix minutes, Nikola Koljevic était accompagné par
24 deux officiers d'actives de policier, Stanar et Jovicic. C'est à ce moment-
25 là qu'ils sont arrivés. Le témoin était un membre de la délégation, ce qui
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1 explique pourquoi les Musulmans n'ont pas quitté leurs maisons et voulaient
2 rester à Pale. M. Koljevic a répliqué : "Cela ne fait absolument rien. Vous
3 pouvez vivre avec nous. Les Serbes ne vont pas vous faire du mal." [comme
4 interprété]
5 [aucune interprétation]
6 Q. Monsieur Crncalo, maintenant, je voudrais vous poser quelques questions
7 concernant votre déclaration, mais avant cela, je vous demanderais, si vous
8 le pouvez, de répondre à mes questions de façon très précise. Si vous devez
9 vous référer à la déclaration, vous pouvez le faire.
10 R. Oui. Vous pouvez me poser toutes les questions que vous voulez.
11 Q. Très bien. Je vais d'abord vous poser quelques questions concernant les
12 évènements qui ont eu lieux, et votre propre curriculum vitae. Dites-moi,
13 Monsieur : est-ce que vous êtes né à Pale et vous avez reçu une formation
14 en métallurgie ? Est-ce que c'est exact ?
15 R. Oui.
16 Q. Vous avez fait votre service militaire obligatoire pendant l'année 1965
17 et 1966 ?
18 R. Oui.
19 Q. Ensuite, après avoir fait votre service militaire obligatoire, vous
20 avez travaillé dans la compagnie Zrak pendant quatre ans ?
21 R. Oui.
22 Q. Par la suite, ce n'est pas consigné dans votre déclaration, mais vous
23 avez travaillé à l'extérieur du pays pendant un certain temps ?
24 R. Oui.
25 Q. C'était en Allemagne, et ce jusqu'en 1978 ?
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1 R. Oui, effectivement. C'était en Allemagne. Je suis revenu de l'Allemagne
2 en 1978. C'est à ce moment-là que j'ai regagné ma maison.
3 Q. Lorsque vous êtes revenu en 1978 dans votre pays, est-ce que vous avez
4 construit une maison, et vous avez trouvé un emploi dans l'usine Famos ?
5 R. Oui, l'usine Famos à Pale.
6 Q. Quel genre de travail est-ce que vous avez fait à l'usine Famos ?
7 R. Je travaillais sur la construction de pièces pour les chars.
8 Q. Pourriez-vous nous dire combien de personnes vivaient approximativement
9 dans la municipalité de Pale en 1991 et 1992 ?
10 R. Avant le début de la guerre, pour toutes les municipalités de Pale, y
11 compris les deux villages, il y avait environ 15 000 d'habitants.
12 Q. Combien de personnes vivaient dans la ville même de Pale ?
13 R. Environ 5 000.
14 Q. Est-ce que vous savez quelle était la composition des trois groupes
15 ethniques principaux à Pale en 1991 et 1992, en fait, avant le début de la
16 guerre ?
17 R. Il y avait des Serbes, des Musulmans et des Croates. Le pourcentage de
18 Croates était assez petit.
19 Q. Est-ce que vous savez quel était le pourcentage pour ce qui est des
20 Serbes et des Musulmans ?
21 R. Je n'ai pas de données statistiques. J'ai su, après la guerre, de par
22 la bouche d'autres personnes qu'il y avait 28 % de Musulmans. Conformément
23 à d'autres sources, il y en avait 33 % de Musulmans. Je ne peux pas être
24 responsable pour les 5 % de différence dans le sens où je ne suis pas tout
25 à fait certain des données que j'avance. Je ne sais pas d'où vient la
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1 différence entre le 33 % et le 28 %. Il y a à peu près 5 % de Croates et
2 les autres, c'étaient des Serbes.
3 Q. Très bien. Je comprends de par votre déclaration que vous n'étiez pas
4 un membre d'un parti politique quelconque. Vous n'étiez pas impliqué de
5 façon active dans la vie politique, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Dans votre déclaration donnée au Tribunal pénal international en 2001,
8 vous parlez de changements qui ont eu lieu au début de 1991 dans la
9 municipalité, et vous vous concentrez surtout sur la question du
10 nationalisme. Je voudrais vous demander en particulier de nous parler du
11 paragraphe 11 de votre déclaration fournie aux enquêteurs du Tribunal. Vous
12 faites une référence, le 6 mai 1991, à un événement concernant une fête
13 serbe. Vous vous souvenez-vous de cet événement ?
14 R. Oui, tout à fait. Je me souviens très bien de cet événement.
15 Q. Pourriez-vous relater aux Juges de quoi il s'agit, de quelle façon vous
16 aviez entendu parler de cette histoire ?
17 R. Sur la municipalité de Pale, il y a un mont qui s'appelle Romanija. Il
18 s'agit d'un mont presque mythique pour ce qui est du peuple serbe, car les
19 Hajduks se cachaient sur cette montagne à Romanija. Il y a une grotte et,
20 selon certains dires et certaines légendes, le Hajduk, Starina Novak, avait
21 séjourné dans cette grotte. C'est ainsi que cette grotte était très
22 importante pour le peuple serbe, car ce héros avait passé un certain nombre
23 d'années dans cette grotte. C'est ainsi que dans l'histoire, on parle de
24 cette grotte de façon très positive. Maintenant, lorsque dans ma
25 déclaration je parle de Seselj, on avait entendu dire qu'il viendrait le
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1 6 mai, dans cette grotte. Selon une certaine tradition, les Hajduks se
2 rassemblent dans la nature. Ils vont sur les montagnes. Seselj voulait sans
3 doute renouveler ces écrits historiques de cette façon-là. Il avait créé un
4 parti radical, et 90 % du programme de son parti a été établi selon
5 certaines formations chetniks.
6 Q. Je vous arrête ici, Monsieur Crncalo, pour vous demander quelle était
7 la source des informations reçues concernant ces événements qui a impliqué
8 M. Seselj ?
9 R. Nous l'avons appris, je ne sais pas comment. L'histoire est arrivée
10 jusqu'à nos oreilles. On avait entendu dire que Seselj allait venir dans la
11 grotte de Novak pour y organiser un rassemblement politique de son parti.
12 Dès que nous avons pris connaissance de cela, à savoir, l'arrivée de
13 Seselj, nous savions d'où venait le vent. Nous savions ce que son parti
14 ainsi que ses partisans allaient faire. Nous pensions qu'ils allaient
15 boire. C'étaient des gens qui avaient des positions radicales, et que s'il
16 y avait de la boisson mise à leur disposition, cela engendrerait
17 certainement des crimes, en tout cas, cèderait au chaos.
18 Q. Savez-vous s'il y a eu un tel rassemblement en date du 6 mai 1991 à cet
19 endroit-là ?
20 R. Oui, effectivement. Il y a un rassemblement de ce type, et à la fin de
21 ce rassemblement, c'est quelque chose que je n'ai jamais dit auparavant,
22 mais cela me revient en mémoire. Il est parti à cheval. Il est tombé de son
23 cheval, et il s'est blessé au visage. Ces hommes, si je peux les appeler
24 ainsi, ses partisans dans le village qu'il a traversé à cheval, étaient des
25 membres de son parti. Ils ont plaisanté à ce sujet. Ils ont dit que Seselj
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1 s'est blessé à la tête, alors qu'il présidait la réunion dans la grotte de
2 Novak.
3 Q. Vous avez évoqué un peu plus tôt le terme de "chetniks". Qu'entendez-
4 vous par là ? Je suppose que vous ne faites pas référence à tous les Serbes
5 lorsque vous utilisez ce terme ?
6 R. Les personnes qui avaient opté pour faire partie de ce type de
7 formations paramilitaires étaient des gens qui avaient des positions très
8 radicales. Ils avaient leurs traditions, et à une occasion, à une station
9 d'essence, ce sont les Serbes qui m'ont montré cela, je remplissais ma
10 voiture d'essence et j'ai vu des hommes portant des vêtements qui avaient
11 été cousus à la main. C'étaient des vêtements noirs. C'étaient des
12 pantalons et une chemise. Ils portaient un insigne sur leurs chemises. Je
13 n'ai pas pu reconnaître l'insigne, car je n'étais pas assez prêt. Ils
14 portaient un Subara, qui était un chapeau de fourrure et qui comportait
15 également un insigne avec une tête de lard.
16 Q. En vue de ce nationalisme qui s'intensifiait, au vu de ce
17 rassemblement, vous, les Musulmans, vous vous sentiez concernés et
18 inquiets ?
19 R. Oui, bien sûr, parce qu'au cours de la Deuxième Guerre mondiale, nous
20 savons exactement à quelles exactions se sont livrées les paramilitaires,
21 que ce soit des Croates ou des Musulmans. Nous estimions et nous pensions
22 qu'ils pouvaient faire la même chose dans cette guerre, qui a éclaté, par
23 la suite, dans cette autre guerre. Nous avions peur.
24 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui vous inquiétait par rapport à la
25 Première et à la Deuxième guerre mondiale ?
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1 R. Au cours de ces deux guerres, à tous les endroits où sont passées les
2 formations chetnik, il y a eu beaucoup de souffrance infligée aux Musulmans
3 et aux Croates. Bien que ces unités n'aient pas accès à des communautés qui
4 étaient à 100 % croates, en général, ces groupes sévissaient dans la partie
5 orientale de la Bosnie. Je ne peux pas l'assurer à 100 %. Je ne peux pas
6 dire qu'ils ne se sont pas rendus à ces endroits-là à d'autres moments,
7 l'Herzégovine par exemple, l'Herzégovine occidentale, mais dans une moindre
8 mesure.
9 Q. Au mois de mai 1991, lorsque cet événement a eu lieu, est-ce que vous-
10 même et vos voisins vous avez fait quelque chose en réaction à vos
11 craintes ?
12 R. Oui, bien sûr, nous avons essayé de faire quelque chose. Nous avons
13 essayé de faire attention à ce qui se passait dans les rues, dans les
14 maisons, de scruter un peu les rues. C'est ce que j'ai fait moi-même
15 jusqu'à mon arrestation. Lorsque j'ai été arrêté, nous n'avons pas pu nous
16 positionner devant nos maisons pour scruter la région. Nous nous trouvions,
17 à ce moment-là, à l'intérieur. Nous étions deux à trois familles regroupées
18 dans une même maison et nous restions éveillés. Sinon, des familles
19 entières disparaissaient au cours de ces nuits terribles. Il était plus
20 facile de voir de jour, et on pouvait voir plus aisément quelqu'un
21 approcher vers une maison pendant la journée, ou quelqu'un qui passait dans
22 la rue. De toute façon, il y avait beaucoup de visages inconnus qui se
23 promenaient dans la rue à ce moment-là.
24 Q. Je vais avancer un petit peu dans le temps maintenant, par rapport à
25 notre ordre chronologique, et je vais vous demander à quel moment vous avez
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1 été arrêté lorsque vous montiez la garde devant votre maison ?
2 R. Le 3 mars.
3 Q. De quelle année ? 1992 ?
4 R. 1992. Oui, c'est exact.
5 Q. Vous nous avez dit -- je crois que vous avez dit que -- cela figure
6 peut-être dans votre déclaration, que vous montiez la garde devant vos
7 maisons autour de la date du 6 mai 1991, lorsque cet événement impliquant
8 Seselj a eu lieu; est-ce exact ?
9 R. Oui, c'est exact.
10 Q. Est-ce que vous continuiez à monter la garde toutes les nuits entre le
11 mois de mai 1991, et ce jusqu'au mois de mars 1992 ?
12 R. Non, non. Seselj s'est rendu dans la grotte de Novak le 6 mai, et cette
13 même nuit, la patrouille m'a trouvé montant la garde devant ma maison.
14 C'est un policier qui s'appelait Milan Simovic. Lorsqu'il m'a vu devant la
15 maison -- nous étions à l'école ensemble
16 -- et il m'a dit : Pourquoi ne dors-tu pas ? Il m'a parlé comme-ci j'étais
17 un de ses amis de classe. Je lui ai dit que Seselj était dans la grotte de
18 Novak, et nous sommes, par conséquent, inquiets. Nous craignons qu'il nous
19 arrive quelque chose.
20 Il m'a répondu, en disant : ce soir, trois communes locales sont
21 éveillées dans notre municipalité, Hrenovica, Podgrad, et cette région ici
22 à Pale, la partie musulmane de Pale.
23 Après quoi, il a m'a dit : tu peux aller dormir, et s'il arrive
24 quelque chose, tu peux m'appeler et je viendrais. Ne t'inquiète pas.
25 Nous nous sommes dit au revoir, et il a poursuivi sa route et
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1 continuer à patrouiller la rue. Je ne me suis pas endormi cette nuit-là, et
2 je suis resté éveillé jusqu'au lendemain matin. Mais il ne s'est rien passé
3 cette nuit-là.
4 Mais, pour ce qui est de votre question, vous avez parlé de la garde
5 que nous montions entre 1991 et 1992. Nous ne montions pas la garde tout le
6 temps. Pendant un mois et au courant du mois de mai, nous étions de garde.
7 Mais il y a eu moins de tension et, à ce moment-là, nous avons, un petit
8 peu, relâché notre attention à cet égard. Mais les manifestations ont
9 repris après Noël, et à ce moment-là, nous avons à nouveau monté la garde.
10 Il y avait des manifestations en faveur du Kosovo. On ne voulait pas
11 abandonner le Kosovo. Nous avons repris nos gardes suite à ces
12 manifestations pour le Kosovo. A ce moment-là, j'ai été placé en détention
13 et arrêté, lorsque je montais la garde.
14 Q. Merci beaucoup. Vous avez évoqué les Chetniks un petit peu. Je crois
15 que, dans votre déclaration, vous avez parlé des Serbes de la région. Vous
16 avez parlé des Chetniks qui étaient armés. Avez-vous -- faisiez-vous
17 référence à des individus, en particulier, dont vous pourriez donner le nom
18 ou qui dépendaient d'un quelconque dirigeant dans la région ?
19 R. Il y a quelques instants, j'ai dit que Seselj avait mis en place ce
20 Parti radical. Parmi cette formation politique radicale, il y avait des
21 gens qui étaient en faveur du mouvement chetnik, mais je ne peux pas vous
22 donner les noms des personnes dont je viens de vous faire une description
23 il y a quelques instants. Les autres Serbes m'ont appelé par moment et ils
24 m'ont dit : Sulejman, maintenant, tu peux voir à quoi ressemble un Chetnik
25 car, jusque-là, je n'avais jamais eu l'occasion de voir quels vêtements ils
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1 portaient, par exemple.
2 Q. A quel moment vous a-t-on montré ces deux hommes de plus près ?
3 R. Je ne peux pas vous donner de date exacte, mais je peux vous citer le
4 mois. Il s'agissait du mois de mars. Nous manquions de combustible, et je
5 me suis rendu à la station essence pour remplir ma voiture d'essence, et
6 ces deux hommes sont arrivés, alors que je me trouvais là. On me les a
7 indiqués. On m'a dit que c'était ces deux hommes-là.
8 Q. Il s'agit du mois de mars de quelle année, s'il vous plaît ?
9 R. 1992.
10 Q. Dans la déclaration que vous avez faite auprès du TPY, au paragraphe
11 17, vous évoquez la distribution d'armes aux Serbes. Vous évoquez la
12 participation d'un Stjepan Koroman dans cette activité là. Vous dites que
13 ceci vous a été reporté par Esad Basic. Pourriez-vous dire au Tribunal
14 exactement ce que vous a dit Basic à ce propos ?
15 R. Esad Basic, est un parent proche -- est un de mes parents proches. Il
16 vivait dans le village de Kamenica près de Jahorina, la montagne. Il est
17 parti un jour en direction de Pale. Il avait une voiture et au chemin vers
18 Podrava [phon] autrement dit, entre Kamenica et Podrava, il est tombé sur -
19 - comme il me l'a dit à l'époque -- il est tombé sur une voiture qui
20 ressemblait à un petit camion. Il y avait la cabine du conducteur et,
21 derrière, le camion était recouvert par une bâche. La route était cabossée,
22 il pleuvait beaucoup. Lorsque les deux voitures se sont croisées, étant
23 donné que la route était cabossée, la voiture hoquetait sur la route, et la
24 bâche s'est soulevée, à ce moment-là, et on pouvait voir ce qu'il y avait à
25 l'intérieur du camion. Lorsque ces deux voitures se sont croisées, la
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1 voiture d'Esad a dû toucher -- tomber dans une flaque d'eau et a éclaboussé
2 sa voiture avec de l'eau. Les deux voitures se sont arrêtées. Stejpan
3 Koroman est sorti de son camion, et Esad lui a demandé pourquoi il avait
4 éclaboussé sa voiture. L'autre homme n'a pas répondu. Mais les deux hommes
5 sont sortis de leurs véhicules, Esad Basic et Stjepan Koroman. Lorsqu'ils
6 se sont vus, il a pu voir qu'il y avait des fusils à l'arrière du camion.
7 Ceci, il pouvait le voir, car une partie de la bâche s'était détachée.
8 Stjepan lui a dit : Ne parle à personne de ce que tu viens de voir. Il a
9 dit que Stjepan était en colère lorsqu'il lui a dit cela. C'est ce que m'a
10 rapporté Esad à propos de cet incident.
11 Q. Vous a-t-il dit combien d'armes il y avait à l'intérieur -- combien de
12 fusils il y avait à l'intérieur de ce camion ?
13 R. Il n'a pas cité de chiffre, mais il a simplement dit qu'il a vu que
14 l'arrière de la voiture était chargée de ces armes, que ces armes venaient
15 de l'usine de Crna Zastava, la société drapeau rouge qui fabriquait ces
16 fusils. Nous tous qui avions accompli notre service militaire, nous étions
17 capables de reconnaître ces fusils au premier coup d'œil. Ceci remplissait
18 la moitié du camion.
19 Q. De quel type de fusil s'agit-il ? Il s'agit d'un fusil de chasse ?
20 R. Non, il s'agit d'un fusil automatique capable de charger 30 balles. On
21 peut tirer un premier coup. C'étaient des fusils extrêmement élégants, et
22 nous les appelions les gitanes, et on pouvait les mettre sur des
23 dispositifs antiaériens.
24 Q. Où se trouvait l'usine qui fabriquait ces fusils, s'il vous plaît ?
25 R. En Serbie, dans la ville de Kragujevac.
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1 Q. Stjepan Koroman, avait-il un lien de parenté avec quelqu'un qui
2 travaillait à Pale, un représentant officiel de l'équipe
3 dirigeante de Pale?
4 R. Oui. Certains membres de cette famille étaient engagés dans la vie
5 politique dans la municipalité, à Famos également. Un de ses parents était
6 un des directeurs, et un parent proche était Malko Koroman, qui dirigeait
7 les services de police à Pale en 1992.
8 Q. Vous souvenez-vous, à peu près, de la date à laquelle cet homme a vu
9 ces fusils dans le camion ?
10 R. C'était entre Noël et mars. Il pouvait s'agir du mois de février. Je
11 n'en suis pas tout à fait certain. Ne me demandez pas de vous donner une
12 date avec certitude, je ne peux pas. A cette période. De toute façon, c'est
13 à ce moment-là qu'avaient commencé les premiers bombardements de Sarajevo.
14 Les premières déclarations commençaient à sortir et précisaient que la
15 guerre avait officiellement commencé le 6 avril, déclaration émanant de
16 Sarajevo. Moi-même, le 5 avril, de ma maison, c'était la nuit -- c'était la
17 nuit du samedi au dimanche. J'ai entendu le début des bombardements de
18 Sarajevo cette nuit-là.
19 Q. Monsieur Crncalo, je souhaite vous poser une autre question sur
20 l'armement des personnes autour de vous. Au paragraphe 18, vous dites que
21 c'était de : "Notoriété publique que ma commune et moi-même, nous savions
22 que les Serbes avaient obtenu leurs armes des différentes casernes de
23 l'armée de la région de Pale."
24 Pourquoi dites-vous qu'il s'agissait d'un fait de notoriété publique ?
25 Quelle est votre source à cet égard, s'il vous plaît ?
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1 R. En général, on parle d'un secret de polichinelle lorsque les bruits
2 vont bon train dans ces cas-là. Ce n'était pas quelque chose qui est arrivé
3 du jour au lendemain. J'ai entendu souvent des rumeurs circulées lorsque je
4 travaillais, et je leur posais la question : qu'est-ce que vous avez eu
5 hier soir, combien de morceaux vous a-t-on remis ? Je ne faisais pas très
6 attention à ces questions parce que, comme Noël approchait et que les
7 vacances serbes, les vacances religieuses, approchaient, je n'ai pas prêté
8 attention à cela. Quelqu'un disait : j'ai un fusil. L'autre disait : j'ai
9 deux fusils. L'autre s'en plaignait parce qu'on lui avait remis un vieux
10 fusil qui remontait à la Deuxième guerre mondiale. Ce n'étaient pas des
11 fusils automatiques. Il fallait les charger à la main, donc ils se
12 plaignaient d'avoir reçu de tels fusils.
13 Q. Avec quels collègues parlez-vous ?
14 R. Les gens avec lesquels je travaillais à Famos.
15 Q. Ces collègues faisaient-ils tous partie d'un même groupe ethnique ?
16 R. Oui. Ils étaient tous serbes.
17 Q. En ce qui concerne vos collègues serbes que vous évoquez dans votre
18 déclaration faite auprès du TPY au paragraphe 19, vous dites qu'en janvier
19 1992 vos collègues commençaient à être mobilisés. Est-ce qu'aucun
20 travailleur musulman à Famos n'était mobilisé ?
21 R. A ce moment-là, lorsque tout le dossier a commencé, lorsque différents
22 événements se sont produits, nous avions un plan. Ce plan devait être
23 appliqué au bout d'un mois, et nous devions remettre les produits fabriqués
24 à nos clients. Mais, lorsque la mobilisation a commencé, il n'y avait pas
25 assez d'hommes. Il n'y avait pas suffisamment de main-d'œuvre, et l'usine
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1 de production n'a pas pu travailler à pleine capacité. Nous avons abordé
2 cette question entre nous lorsque les premiers hommes sont partis à
3 l'armée. Nous nous demandions où se trouvaient tous les hommes, où se
4 trouvaient les directeurs. Ils hochaient simplement la tête. Ils disaient
5 qu'ils ne le savaient pas. Nous ne recevions pas de salaire. Nous n'étions
6 pas en mesure de réaliser les objectifs de production. Ensuite, il y a eu
7 une deuxième vague de mobilisation, et les niveaux de production ont encore
8 baissé. Tout à chacun était mobilisé, mais il n'y avait pas un seul
9 Musulman parmi eux. A une occasion, je rentrais de mon travail et j'ai
10 reconnu quelqu'un que je connaissais très bien, Nedeljko Vukovic, un
11 collègue avec lequel je travaillais, il portait un uniforme. Il était
12 debout devant un véhicule. Je lui ai demandé, je lui ai dit : "Que fais-tu
13 là ?" Il m'a répondu : "J'ai été mobilisé, et je me rends à Capljina en
14 voiture." On lui avait mis à sa disposition un véhicule, un véhicule
15 militaire que l'on appelait un Cam.
16 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il serait peut-être
17 utile de rappeler certains évènements à ce témoin, et pour aider le témoin
18 à comprendre quelle réponse il doit fournir.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, puis-je vous demander,
20 s'il vous plaît, de prêter attention à la question qui vous est posée, et
21 de répondre à la question et uniquement à la question ? Si on vous demande
22 des éléments complémentaires, des choses qui sont importantes pour nous, à
23 ce moment-là, M. Hannis vous posera d'autres questions.
24 Monsieur Hannis, je vous demande, s'il vous plaît, de vous poser vos
25 questions au témoin en ce sens. Nous avons des limites de temps. Nous
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1 savons, Monsieur, que vous avez beaucoup de choses à nous dire, mais,
2 Monsieur Hannis, l'Accusation et la Défense s'intéressent à des points bien
3 précis. Je vous prie au premier lieu de répondre à la question qui vous est
4 posée. Si nous avons besoin d'éléments d'informations supplémentaires, nous
5 vous le demanderons.
6 M. HANNIS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.
7 Q. Monsieur Crncalo, je vais maintenant essayer de venir au point à la
8 question qui nous concerne. Vous dites que vos collègues serbes étaient
9 mobilisés à ce moment-là; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Vos collègues musulmans, ont-ils été mobilisés à ce moment-là ou non ?
12 R. Non.
13 Q. J'aimerais que vous soyez très précis à cet égard. Nous savons que dans
14 cette région de Bosnie, il y avait des appels à la mobilisation, et
15 certains Musulmans ont été appelés, mais ont simplement refusé de partir.
16 Je souhaite voir si à Pale et dans l'usine de Famos, les travailleurs
17 musulmans ont été appelés sous le drapeau, et qu'ils ne souhaitaient pas
18 simplement répondre à ces appels, ou que les musulmans n'ont tout
19 simplement pas été appelés ?
20 R. Ils n'ont pas reçu d'appels à la mobilisation.
21 Q. Je vais maintenant vous poser cette question. Répondre par oui ou par
22 non, je vous prie. J'ai une question à vous poser. D'après vous, pensez-
23 vous que les Musulmans auraient pu être mobilisés s'ils étaient portés
24 volontaires, sans pour autant recevant un appel à la mobilisation à Pale ?
25 Oui ou non ? Quel est votre point de vue, s'il vous plaît ?
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1 R. Non.
2 Q. Vous n'avez pas d'opinion sur la question, ou vous répondez par la
3 négative à ma question ?
4 R. Non, ils n'auraient pas pu être appelés sous le drapeau.
5 Q. Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela ? Y avait-il un quelconque
6 incident qui explique votre point de vue ?
7 R. Il n'y avait aucun cas de ce type, et si je peux expliquer pourquoi --
8 Q. Si vous pouvez nous donner une brève explication, je vous en prie.
9 R. Lorsqu'il y a une mobilisation, ceux sont les officiers qui sont
10 mobilisés en premier lieu et, ensuite, sont les soldats. Ceci ne s'est pas
11 produit ainsi.
12 Q. Très bien, merci. Pendant que vous étiez à l'armée ou dans les
13 réserves, est-ce que vous avez un grade ?
14 R. Oui, en effet.
15 Q. Je vais à présent parler de ce que vous avez dit au sujet du mois de
16 mars 1992, quand vous gardez votre maison. Vous avez dit que vous avez été
17 arrêté cette nuit-là. Pourriez-vous nous donner les circonstances de cette
18 arrestation, nous dire comment cela s'est passée, qui vous a arrêté, et
19 cetera ? Où est-ce qu'il vous amenait, également ?
20 R. Oui, j'étais devant ma maison, et tout d'un coup, trois policiers sont
21 arrivés. Ils ont braqués leurs fusils sur moi, tous les trois. Ils m'ont
22 menottés, et ils m'ont amené directement au poste de police. J'avais un
23 fusil de chasse qui était vraiment à côté de ma maison. Je ne l'avais pas
24 dans mes mains. Ils ont pris mon fusil de chasse, et m'ont amené au poste
25 de police. Souhaitez-vous que je vous décrive ce que j'ai vécu au poste de
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1 police ?
2 Q. Je vais vous poser quelques questions précises, et ceci vous aidera
3 peut-être pour comprendre que nous avons versé au dossier votre déclaration
4 préalable, et les Juges de la Chambre vont le lire. Nous n'avons pas besoin
5 de répéter tout ce qui figure. Je vais tout simplement essayer de remplir
6 les vides, et de vous poser quelques questions supplémentaires à ce sujet.
7 Pourriez-vous nous dire tout d'abord quelle était l'appartenance ethnique
8 des trois policiers qui vous ont arrêté ?
9 R. Ils étaient Serbes.
10 Q. Savez-vous si c'était des Serbes du cru ? Est-ce que vous les avez
11 reconnus ?
12 R. Je ne connaissais pas ces réservistes de la police. Je ne connaissais
13 aucun des trois. D'ailleurs, leurs accents indiquaient qu'ils venaient de
14 la même région de Bosnie, mais je ne les ai pas reconnus. Je ne saurais
15 vous donner leurs noms.
16 Q. Dans votre déclaration préalable, vous dites comment on vous a amené
17 dans ce poste de police, comment vous avez été interrogé et passé à tabac
18 par une personne qui répondait au prénom d'Hrsum. Quelle était son
19 appartenance ethnique ?
20 R. C'était son nom de famille, et il était Serbe.
21 Q. Savez-vous s'il a été membre du poste de police de Pale, si c'était un
22 policier ordinaire employé au poste de police, ou un réserviste ?
23 R. Il était membre de la réserve. Excusez moi. Est-ce que vous m'avez posé
24 la question au sujet des personnes qui m'ont arrêté, ou au sujet de la
25 personne qui m'a interrogé, à savoir, Hrsum ?
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1 Q. Vous nous avez dit que les trois policiers de réserve qui vous ont
2 arrêté étaient de nationalité serbe. Je vous ai posé la question au sujet
3 de M. Hrsum, pour savoir s'il faisait partie de la réserve, ou si c'était
4 un policier ordinaire d'active.
5 R. C'était un inspecteur de la police criminelle, un policier d'active.
6 Q. Dans votre déclaration, vous avez décrit ce que vous avez vécu dans ce
7 poste de police, et je ne veux pas vous poser les questions à ce sujet,
8 mais je vais vous poser une question au sujet de ce qui s'est passé plus
9 tard ce soir-là, au petit matin, quand Malko Koroman est venu. A partir du
10 moment où Malko Koroman arrive, est-ce que vous lui avez raconté ce que
11 vous avez vécu avant d'en arriver là ?
12 R. J'étais dans le couloir. J'étais menotté. Quand Malko est entré dans le
13 poste de police, il m'a reconnu et il m'a demandé ce que je faisais là. Je
14 lui ai répondu de poser la question à ses policiers, de leur poser la
15 question à eux, pas à moi. Ensuite, il m'a demandé d'entrer avec lui dans
16 une pièce où il s'apprêtait à entrer. Un voisin à moi y se trouvait déjà.
17 Hrsum était en train de lui poser des questions. Dès que je me suis
18 approché de la porte, il a ordonné à Hrsum de sortir de cette pièce. Il a
19 obéi. C'est là qu'il m'a invité de venir m'asseoir sur un siège qui était
20 libre.
21 Ensuite, il a un peu discuté avec moi, il m'a demandé : "Comment cela
22 se faisait que les policiers m'ont arrêté devant chez moi ?" Il m'a même
23 demandé ceux qu'ils faisaient dans ma rue à moi. Je lui ai répondu que je
24 n'en savais rien, qu'il fallait qu'il leur pose des questions à eux.
25 Ensuite, il m'a montré son fusil automatique, et il a montré aussi
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1 mon fusil de chasse, et les fusils de chasse de mon camarade et mon voisin,
2 car nos fusils de chasse étaient placés sur la table. Je vais être familier
3 là, il a dit que ces fusils n'avaient aucune importance. Il les a
4 ridiculisés. Il a dit si un de ses soldats ou un de ses policiers se fasse
5 blesser dans le centre de ville, dans la Jorcia [phon], qu'il allait raser
6 toute la Jorcia, et qu'il disposait de telles armes lui.
7 Je lui ai dit : "Mais, non, ne le fais pas, Malko. Allez. On va rien
8 raser. On va essayer de vivre comme des hommes. On va essayer de calmer les
9 tensions et on va essayer de trouver un moyen de discuter, s'il faut en
10 rediscuter pendant des journées entières pour essayer de trouver un moyen
11 de vivre ensemble."
12 Nous voulions restaurer la police telle qu'elle était avant, et
13 qu'elle réintègre les Musulmans qui ont été licenciés du poste de police.
14 Voici sa réponse : "Tant qu'il n'y aura de policier serbe dans la vieille
15 ville de Sarajevo, il n'y aura de policier musulman à Pale, non plus."
16 C'était sa réponse.
17 Je me suis dit que cela était une espèce de nettoyage ethnique. Tout
18 d'abord on commence par la police et, ensuite on continue dans l'ordre.
19 Q. Je vais vous arrêter un instant, Monsieur Crncalo. Je vais vous poser
20 un certain nombre de questions. Vous venez de dire qu'il vous a dit que si
21 un seul de ses soldats ou de ses policiers se fasse blessé ou tué, qu'il
22 allait raser la ville entière. Dans la déclaration que vous avez fournie au
23 bureau du Procureur, vous avez dit qu'il a parlé de policiers, et pas de
24 soldats. Est-ce qu'à présent, vous avez l'impression qu'il aussi parlé de
25 soldats puisque vous n'en parlez pas dans votre déclaration préalable ?
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1 R. Je pense que vous devez me comprendre. Je suis un homme et je peux
2 faire une erreur. Peut-être que je me suis trompé. J'accepte cette
3 possibilité.
4 Q. A présent, est-ce que vous pouvez nous dire de quoi vous vous souvenez
5 exactement ? Qu'est-ce qu'il a dit ?
6 R. Je pense qu'il a dit ce que je viens de dire ici dans ce prétoire.
7 Q. Vous avez dit qu'il y a eu des licenciements de policiers musulmans de
8 Pale. Est-ce que vous savez à quel moment cela s'est produit ? Je pense que
9 c'est avant le mois de mars, le 2 ou le 3 mars, n'est-ce pas ?
10 R. Je me souviens très bien de la date, puisque j'ai vécu cela moi aussi.
11 Cela s'est passé le 15 mai. Je suis allé travailler comme tous les autres
12 jours. En arrivant à la porte d'entrée, les personnes chargées de la
13 sécurité de l'entreprise ne me l'ont pas laissé entrer. Ils m'ont dit que
14 je ne pourrais pas entrer. Il y avait des gens qui pouvaient librement
15 entrer. Ceux qui ne pouvaient pas entrer, quand j'ai regardé de plus près,
16 j'ai compris qu'ils étaient tous Musulmans.
17 Q. Nous allons parler de cela dans un instant, mais là j'ai voulu vous
18 poser une question.
19 M. STEWART : [interprétation] Je souhaiterais faire un commentaire. Car
20 j'ai l'impression que là nous courrons le danger d'accepter des
21 suppositions. M. Hannis a demandé au témoin si ceci s'est produit avant le
22 2 ou le 3 mars, et le témoin a répondu clairement que ceci s'est produit le
23 15 mai. J'espère que M. Hannis a bien pris note de cette différence.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, je suis sûr que vous
25 avez remarqué cette différence. Je ne suis pas vraiment sûr que ceci va
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1 vous amener à guider plus le témoin, mais j'espère que vous avez bien pris
2 note de cette différence.
3 M. HANNIS : [interprétation] Oui, effectivement, et je vais essayer
4 d'éclaircir cela.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. HANNIS : [interprétation]
7 Q. Monsieur Crncalo, nous parlions de la nuit de votre arrestation. Vous
8 avez dit que vous avez discuté avec M. Koroman, que vous avez parlé du
9 licenciement des policiers musulmans de Pale, et des policiers serbes du
10 centre ville de Sarajevo. Je voudrais vous demander la chose qui suit : au
11 mois de mars 1992, à savoir, le 2 ou le 3 mars, est-ce qu'il y a déjà eu
12 des policiers musulmans qui ont été licenciés du poste de police de Pale,
13 ou est-ce que ceci se produit plus tard ? Est-ce que vous êtes au courant
14 de cela ? Est-ce que vous pouvez me répondre ?
15 R. Il y a eu des policiers qui ont été licenciés de la direction de police
16 de Pale. Je peux vous parler de Suad Bajnaga [phon].
17 Q. Qui d'autre ?
18 R. Hudo Kadric, Meho Raketa. Il y en avait un autre, Alic. Je sais qu'il
19 est originaire de la commune locale d'Hrenovica. Ils étaient licenciés,
20 ceux-là.
21 Q. M. Koroman vous a parlé d'une région particulière de Sarajevo, n'est-ce
22 pas ? Quand il vous a parlé de policier serbe dans cette partie de
23 Sarajevo. Est-ce que vous savez quel est ce quartier dont il a parlé ?
24 R. Il a parlé de la municipalité de Stari Grad, donc la vieille ville de
25 Sarajevo.
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1 Q. Est-ce que vous connaissiez un événement qui a reçu beaucoup de
2 publicité, ou d'un incident qui s'est produit à cette époque-là dans la
3 vieille ville de Sarajevo au début du mois de mars 1992 ?
4 R. Je me demande si ce n'était pas à la création de la cellule de Crise,
5 ou à la transmission des pouvoirs au niveau de la municipalité. Vous savez,
6 je dois réfléchir. Je ne peux pas vous répondre d'emblée.
7 Q. Tout va bien, tout va bien, Monsieur le Témoin. Je me suis juste
8 demandé si vous ne vous souveniez pas de quelque chose de particulier. Je
9 sais que cela s'est produit il y a longtemps, et je vais passer à un autre
10 sujet.
11 Après cette discussion, d'après votre déclaration préalable, il apparaît
12 que vous avez été libéré du poste de police, et que vous et votre voisin,
13 on vous a ramenés chez vous. Que s'est-il passé avec votre fusil de
14 chasse ? Est-ce qu'on vous l'a restitué ?
15 R. Non, jamais. Il est resté au poste de police.
16 Q. Est-ce que vous avez reçu un reçu pour cela ?
17 R. Non.
18 Q. Est-ce que vous aviez un permis pour ce fusil de chasse ?
19 R. Oui. D'ailleurs, c'était un fusil de chasse qui était enregistré auprès
20 du poste de police.
21 Q. Quand on vous a libéré, quand on vous a dit que vous pouviez rentrer
22 chez vous, pourriez-vous nous raconter ce qui s'est passé exactement ? Est-
23 ce que vous êtes rentré tout simplement à pied avec votre voisin, ou est-ce
24 que quelque chose de plus précis s'est passé autour de cette libération ?
25 Comment êtes-vous rentré chez vous ?
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1 R. Quand Malko en a fini de sa conversation avec nous, on nous a dit que
2 nous pouvions partir. Cela s'est produit au petit matin vers 5 heures et
3 demi. Nous nous sommes dirigés vers la porte, et tout d'un coup, il nous a
4 rappelé. Il nous a demandé de revenir sur nos pas, et il nous a dit : "Non,
5 vous ne pouvez pas sortir tout seul, je dois vous raccompagner."
6 Nous nous sommes regardés avec un grand point d'interrogation, car nous ne
7 savions pas ce qui se passait à l'extérieur. Malko marchait devant nous.
8 Nous sommes sortis devant la porte. En sortant, devant la direction de la
9 police, je pense que je ne me trompe pas si je vous dis qu'il y avait une
10 centaine de policiers de réserve autour du poste de police. Malko marchait
11 devant nous pour nous guider. Parmi tous ces gens, il nous a fait entrer
12 dans son véhicule. Ensuite, il nous a conduit jusque chez nous. A partir
13 d'une station essence et jusqu'à ma rue, à la gauche, à une centaine de
14 mètres de là, il y avait énormément de policiers et de soldats, cela
15 grouillait. Ils étaient tous tournés vers le quartier musulman de Pale.
16 D'ailleurs, ils avaient braqué leurs armes sur ce quartier-là. Je peux vous
17 dire que tous les dix mètres, il y avait un soldat ou un homme muni d'un
18 fusil mitrailleur prêt à tirer en position couchée, allongé. A côté de lui,
19 son collègue lui donnait des chargeurs avec les munitions. Dans les
20 arrières, il y avait une dizaine de personnes en guise de renfort. J'ai été
21 choqué en voyant une telle concentration de la force armée. J'ai demandé à
22 Malko ce que c'était, mais il ne m'a pas répondu. Il m'a tout simplement
23 ramené chez moi. Il a ramené mon voisin chez lui aussi. Nous sommes sortis
24 de sa voiture. Nous étions complètement choqués. Nous avons perdu le
25 souffle tellement étions-nous choqués par ce spectacle.
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1 Q. Je vais vous arrêter et vous poser une question. Dans la déclaration
2 que vous avez fournie au bureau du Procureur, vous avez dit que vous avez
3 été arrêté le 2 mars. Je pense, qu'en revanche, dans la déclaration que
4 vous avez fournie en 1995, vous évoquez la date du 3 et du 4 mars. Est-ce
5 que vous vous souvenez, à présent, si vous avez été arrêté le 2 et libéré
6 le matin du 3, ou si vous avez été arrêté le 3 et libéré le matin du 4 ? Si
7 vous ne vous en souvenez pas à présent, ce n'est pas grave.
8 R. Oui, c'était probablement le 3. J'ai été probablement arrêté le 3 et
9 libéré le 4 au matin.
10 Q. De toute façon, cela s'est produit soit le 2, soit le 3. Est-ce que
11 cela vous convient ?
12 R. Oui.
13 Q. A l'époque, est-ce qu'il y avait un incident particulier qui se serait
14 produit à Sarajevo et qui aurait pu avoir un lien avec une telle présence
15 de soldats et de policiers dans votre municipalité ?
16 R. A l'époque, il y avait un contrôle très strict, aussi bien de l'armée
17 que de la police, la police de réserve et d'active. Nous n'avions même pas
18 le droit de nous déplacer d'une municipalité à une autre. Nous n'avions que
19 très peu d'information concernant Sarajevo.
20 Q. Merci. Dans votre déclaration, par la suite, vous parlez d'un appel
21 public pour remettre vos armes. Est-ce que vous vous souvenez de la date de
22 cet appel ? Est-ce que cela s'est produit après votre arrestation ? Le cas
23 échéant, combien de temps après ?
24 R. Après mon arrestation, pour autant que je m'en souvienne, je ne saurais
25 vous donner la date exacte, mais je dirais une dizaine de jours ou peut-
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1 être deux semaines, au maximum, plus tard. Malko Koroman a fait un appel à
2 la télévision, et il a fait appel à toutes les personnes non-serbes de
3 remettre leurs fusils, les canons longs. Quelque soit le type d'armes, il
4 fallait les remettre à la police, qu'il s'agisse des fusils de sport, de
5 chasse, enregistrés ou non, avec permis ou non. Nous devions tous remettre
6 toutes nos armes.
7 Q. Est-ce que cet appel s'adressait également aux Serbes ?
8 R. Non, uniquement aux non-Serbes.
9 Q. Vous souvenez-vous si Malko Koroman vous a donné une échéance pour
10 rendre vos armes ?
11 R. Oui, effectivement. On nous avait donné une date. Après avoir entendu
12 cette annonce, le lendemain, nous étions cinq ou six à être allés au poste
13 de police, et nous sommes allés voir Milan Simovic pour avoir quelques
14 explications par rapport à cet appel. Il nous a dit : "Ecoutez, vous nous
15 rendez ces armes puisqu'il n'y aura plus de chasse. Nous ne partons plus à
16 la chasse, s'en est fini."
17 Ensuite, nous sommes rentrés chez nous. En ce qui concerne
18 l'échéance, je pense qu'elle était de quatre ou cinq jours, pas plus, vu
19 que nous sommes allés, déjà, le lendemain matin au poste de police pour
20 avoir quelques explications.
21 Q. Vous deviez rendre ces armes où ? Vous deviez les remettre à quel
22 endroit exactement ?
23 R. En ce qui concerne le centre de Pale, il fallait apporter ces armes à
24 la direction de la police. En ce qui concerne les communes locales, aux
25 environs de Pale, et il y avait des lieux déterminés en avance où les
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1 villageois des alentours de Pale devaient apporter leurs fusils.
2 Q. Est-ce que vous vous êtes conformé à cette demande de remettre les
3 armes ?
4 R. Oui, nous étions obligés de le faire. Nous avons été tous enregistrés à
5 la police. La police savait exactement quelle était notre arme et quel
6 était le calibre. Nous avions tous des carabines de chasse, et ce n'était
7 pratiquement pas possible de ne pas rendre son fusil, de le garder, car ils
8 savaient très bien que nous les avions.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, on vous a tout
10 simplement demandé si vous vous êtes conformé à cette demande. Vous n'avez
11 pas besoin de nous donner les raisons pour lesquelles vous n'auriez pas pu
12 faire autrement. Vous devriez tout simplement vous contenter de répondre
13 par un oui ou par un non. Si le Procureur voulait savoir si vous aviez le
14 choix de ne pas faire ce qu'on vous demandait de faire, il vous aurait posé
15 la question dans ce sens. Je ne dis pas que ce n'est pas intéressant
16 d'entendre votre réponse. C'est tout simplement que nous n'avons pas
17 beaucoup de temps, et nous sommes obligés de nous concentrer sur les points
18 les plus importants pour les parties et les Juges de la Chambre.
19 Monsieur Hannis, je pense que nous nous approchons du moment de la pause.
20 Est-ce que cela vous convient de la prendre à présent ?
21 M. HANNIS : [interprétation] Oui, effectivement.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais tout d'abord demander à
23 l'Huissière de conduire le témoin en dehors du prétoire.
24 [Le témoin se retire]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, si l'Article 89(F)
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1 s'applique, en général, nous gagnons du temps. Pourriez-vous nous dire de
2 combien de temps vous avez à peu près besoin pour boucler votre
3 interrogatoire principal ?
4 M. HANNIS : [interprétation] Je dirais que j'en suis à peu près un tiers ou
5 à la moitié.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela veut dire que nous
7 n'allons pas gagner du temps par rapport à quatre heures, qui était prévu
8 au début ?
9 M. HANNIS : [interprétation] Oui, je pense que oui. Je pense que cela va
10 durer peut-être trois heures. En tout cas, moins de quatre heures.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. C'est moins que ce que nous avions
12 normalement gagné en appliquant l'Article 89(F). J'ai entendu beaucoup de
13 détails, et je me demandais quelle est la pertinence de tous ces détails.
14 Par exemple, les témoins qui vous parlent de la Première ou de la Deuxième
15 guerre mondiale, et qu'ils ont peur à cause de cela. Il s'agit d'une peur
16 tout à fait personnelle, et si j'ai bien compris, vous avez posé cette
17 question pour établir que cette peur existait vraiment. Mais peut-être que
18 nous n'avons pas vraiment besoin de tous ces détails, et je peux vous citer
19 d'autres exemples où vous auriez pu être plus précis.
20 Toujours est-il que nous suspendons la séance jusqu'à 10 heures 55, et
21 j'espère que tout le monde sera de retour à l'heure.
22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.
23 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, veuillez reprendre, je
25 vous prie.
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1 M. HANNIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur Crncalo, avant la pause nous parlions de l'appel de Malko
3 Koroman, cet appel qui demandait à ce que les Musulmans de Pale rendent
4 leurs armes. Est-ce que vous savez si les Musulmans ont effectivement rendu
5 leurs armes ?
6 R. Non.
7 Q. Monsieur le Président, je souhaiterais passer au
8 paragraphe 26 de votre déclaration, Monsieur Crncalo. Vous avez parlé de
9 Radomir Kojic et de deux autres hommes qui sont venus. D'abord, pourriez-
10 vous nous dire qui était Radomir Kojic ?
11 M. STEWART : [interprétation] C'est le paragraphe 28, Monsieur le
12 Président. Je ne suis pas tout à fait certain.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il s'agit du paragraphe 26.
14 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, j'ai entendu 26. Je crois
15 que c'est le 28, n'est-ce pas ?
16 M. HANNIS : [interprétation] Non, je crois que c'est le paragraphe 26.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un début de la campagne, et
18 c'est ce que l'on voit au début du paragraphe 26.
19 M. HANNIS : [interprétation] Oui, effectivement. Le paragraphe en anglais
20 stipule que dix jours après son arrestation l'événement est survenu.
21 M. STEWART : [interprétation] Je suis vraiment désolé. Je crois avoir fait
22 une erreur.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez procéder.
24 M. HANNIS : [interprétation]
25 Q. Est-ce que vous vous souvenez de la question, Monsieur ? Pourriez-vous
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1 nous dire qui était Radomir Kojic ?
2 R. Radomir Kojic était avant la guerre une personne qui assurait le
3 transport. Il était chauffeur. Il a probablement été mobilisé au début des
4 événements. Il a été mobilisé pour aller rejoindre les rangs de l'armée
5 serbe. Je crois qu'il appartenait à une unité spéciale et qu'il était
6 membre de la police militaire.
7 Q. Quelle était son appartenance ethnique ?
8 R. Radomir Kojic était Serbe.
9 Q. Pendant cette période, est-ce que vous aviez des informations vous
10 permettant de nous dire à quelle unité il appartenait et quel grade il
11 avait ?
12 R. Je l'ai vu à deux reprises pendant que je séjournais à Pale. Il venait
13 devant ma maison avec ses obligations qu'il avait reçues. Il n'avait pas de
14 grade particulier. On ne pouvait voir quel grade il avait. D'après ce que
15 j'ai pu observer, j'ai pu voir qu'il portait un ceinturon d'officier. C'est
16 une ceinture avec une ganse qui passait sur l'autre épaule. Ce ceinturon
17 ressemblait à cela, mais on ne pouvait pas voir son rang de par sa façon
18 d'être vêtu.
19 Q. Quel uniforme portait-il ? Portait-il un uniforme de camouflage, quel
20 genre d'uniforme portait-il ?
21 R. C'était un uniforme de camouflage, l'uniforme que portaient les forces
22 de stabilisation.
23 Q. Dans le paragraphe 26, vous nous avez dit que 10 heures après votre
24 arrestation, lui-même et deux autres hommes, Jovan Skobo et un autre homme
25 qui s'appelle Stanar, qui sont venus vous parler. Pourriez-vous nous dire
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1 qui était Jovo Skobo ?
2 R. Jovan Skobo était un policier d'active au poste de police de Pale.
3 Q. Vous nous avez dit, enfin vous stipulez dans ce paragraphe, qu'ils sont
4 venus vous dire, vous parlez qu'il fallait quitter la ville. Pourriez-vous
5 nous dire ce qu'il vous disait exactement ?
6 R. Ils nous appelaient à quitter la municipalité de Pale, si je me
7 souviens bien. Skobo m'a dit : "Il est mieux pour vous de partir, monter à
8 bord des autocars. Nous allons vous transporter et vous emmener sur un
9 autre territoire où les Musulmans sont majoritaires plutôt que de fuir dans
10 la forêt et de faire en sorte que l'on vous attrape dans la forêt."
11 Q. Lorsque vous parlez de "vous", est-ce que vous voulez dire qu'il s'est
12 adressé à vous, personnellement, Monsieur Crncalo, ou s'est-il adressé au
13 groupe ?
14 R. J'étais présent lorsque j'ai entendu ces propos. Non, ce n'est pas
15 quelque chose qui m'avait été dit, personnellement à moi, mais ce sont des
16 propos qui étaient dits pour ce qui est de toute la population de la
17 municipalité de Pale.
18 Q. Est-ce que vous avez dit autre chose ? Est-ce que vous avez répondu ?
19 R. Oui, nous avons fait certains commentaires. A chaque fois que nous nous
20 rencontrions, nous essayions de trouver une façon de rester dans nos
21 demeures. Nous tentions de trouver une façon à ce que l'on puisse continuer
22 de cohabiter ensemble comme c'était le cas dans Pale avant le début de la
23 guerre. Nous habitions très bien. Nous cohabitions très bien. Il n'y avait
24 aucun problème. L'atmosphère était harmonieuse. Il n'y a jamais eu de
25 tension ethnique avant le début de la guerre.
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1 Q. Suite à ce que vous avez entendu dire de la bouche de ces hommes, est-
2 ce que vous et vos voisins, est-ce que vous avez contacté les autorités
3 locales pour leur faire part de ce que vous avez entendu ?
4 R. Voyez-vous, maintenant, lorsqu'on parle de cela, je me sens encore une
5 fois mal à l'aise. Mais à l'époque, lorsque l'on nous a dit tout cela, il
6 nous a fallu nous rendre au président de la municipalité. Puis-je
7 poursuivre ?
8 Q. Permettez-moi d'abord de vous poser quelques questions. Si tout n'est
9 pas couvert, je vous donnerai la possibilité d'ajouter quelque chose.
10 Dites-moi combien de personnes s'étaient rendues avec vous pour aller voir
11 le président de la municipalité ?
12 R. Il y avait un groupe d'hommes. Nous nous sommes rendus dans la
13 municipalité à plusieurs reprises. Il y avait environ de neuf à dix hommes
14 à chaque fois. Disons que des fois, il y en avait huit. Je dirais qu'en
15 moyenne, on y allait en groupe de neuf personnes.
16 Q. Qu'avez-vous dit au président de la municipalité ?
17 R. Nous lui avons dit ce que nous avons entendu de Skobo, que l'on nous
18 demandait de quitter nos demeures. Nous voulions savoir quelle était la
19 raison pour cela. Est-ce que nous avions fait quelque chose de mal ? Quelle
20 était la raison pour laquelle on voulait nous chasser de nos demeures ? Il
21 nous disait : "Qui vous a dit cela ? Qui voulait vous faire partir ?" Nous
22 lui avons dit que c'était un policier. Nous lui avons dit de quoi il
23 s'agissait, qu'il y avait un homme qui était allé, en fait, si un homme
24 était allé voir le président de la municipalité. Je crois qu'il n'aurait
25 probablement pas cru. Comme on était nombreux, nous lui avons dit qu'il
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1 devait nous croire. Il nous a répondu qu'il ne pouvait presque pas croire
2 ces propos.
3 Q. Que vous a-t-il répondu ? Vous étiez neuf. Qu'avez-vous reçu comme
4 réponse?
5 R. Il a dit qu'il nous fallait aller voir le chef de la police, qu'il
6 fallait s'adresser à lui.
7 Q. C'est Malko Koroman, si je comprends bien. Vous êtes également devant
8 le chef de la police. Est-ce que vous lui avez dit la même chose ?
9 R. Oui, Malko Koroman. Effectivement, nous sommes allés le voir. Nous lui
10 avons posé les mêmes questions que nous avons posées au président de la
11 municipalité.
12 Q. Qu'a dit M. Koroman ? Que vous a-t-il répondu suite à votre
13 intervention ?
14 R. De nouveau, il nous dirigeait vers le président de la municipalité. Il
15 nous a également dit qu'il ne pouvait pas assurer notre sécurité en tant
16 que citoyens libres de Pale.
17 Q. Est-ce que vous lui aviez dit que vous étiez déjà aller voir le
18 président de la municipalité, que c'était lui qui vous a renvoyé à M.
19 Koroman ?
20 R. Oui, effectivement.
21 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres conseils à vous donner concernant votre
22 demande ?
23 R. Non, il ne nous a pas donné des conseils supplémentaires. Après le chef
24 de la police, nous sommes rentrés chez nous, et nous avons discuté du sort
25 qui allait nous être réservé. Nous ne savions pas quoi faire. Nous avions
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1 décidé d'aller voir de nouveau le président de la municipalité lorsque le
2 moment sera venu.
3 Q. Permettez-moi de vous poser encore quelques questions sur ce sujet
4 avant de passer à autre chose. Lors de la rencontre avec Malko Koroman,
5 vous et les huit autres personnes qui étaient avec vous, est-ce que vous
6 lui avez parlé de la rencontre que vous aviez eue avec Jovan Skobo ?
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce qu'il vous a dit qu'il allait faire quelque chose concernant M.
9 Skobo ? Est-ce qu'il allait entreprendre quelque chose de particulier
10 concernant votre demande ?
11 R. Non.
12 Q. Lorsqu'il vous a dit qu'il ne pouvait pas assurer votre sécurité, est-
13 ce qu'il vous a précisé qu'est-ce vous deviez craindre ?
14 R. Il n'a pas dit s'il y avait un danger. La première fois que nous sommes
15 allés voir le président de la municipalité, il nous a envoyé chez le chef
16 de police. Il n'a pas dit d'où le danger nous menaçait. Il a simplement dit
17 qu'il ne pouvait pas garantir notre sécurité. Lorsque nous avons rencontré
18 ces deux personnes plus tard, ils nous ont réitéré la même chose.
19 Q. Monsieur, je crois que vous avez commencé à nous dire qu'il y a eu
20 d'autres réunions supplémentaires, d'autres discussions qui ont eu lieux
21 avec le président de la municipalité concernant ce problème. Je ne suis pas
22 tout à fait certain si je vous ai bien compris. Est-ce que vous l'avez revu
23 subséquemment ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce que vous avez revu de nouveau Malko Koroman concernant ce
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1 problème ?
2 R. Oui.
3 Q. Si je comprends bien par votre déclaration, que vous n'avez pas obtenu
4 d'autres réponses, de meilleures réponses lors des réunions subséquentes
5 que celles que vous aviez obtenues lors de la réunion initiale ?
6 R. La dernière fois que nous avons parlé à Malko, nous avions reçu une
7 réponse encore "plus directe".
8 Q. Que voulez-vous dire par là ? Quelle était sa réponse ?
9 R. Nous avions demandé que l'on puisse parler à un représentant de la
10 structure du pouvoir, un représentant important. Lorsque nous sommes
11 arrivés au poste de police, nous avons été informés que la réunion aurait
12 lieu dans un café, le café qui appartenait à Fadil Koljevic. Lorsque nous
13 nous sommes rendus au café, Malko est venu également, Malko Koroman. Peu de
14 temps après son arrivée, il a envoyé deux policiers à bord d'un véhicule.
15 Ils sont revenus assez rapidement. M. Nikola Koljevic s'est présenté à
16 cette réunion. Puis-je poursuivre ?
17 Q. Oui.
18 R. Nous avons demandé à M. Koljevic de nous donner quelques certitudes, de
19 nous dire qu'il pouvait assurer notre sécurité afin que nous puissions
20 rester dans Pale. Il nous a dit que nous pouvions rester à Pale si nous
21 voulions, mais que les Serbes ne souhaitaient pas vivre avec nous.
22 Malko nous a dit qu'il ne pouvait pas assurer notre sécurité, qu'il ne
23 pouvait plus garder sous contrôle les Bérets rouges qui étaient venus de
24 Knin. Il nous a dit qu'ils étaient à l'hôtel Panorama, qu'il ne pouvait
25 plus s'occuper d'eux. Il avait dit qu'il y avait d'autres Bérets rouges qui
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1 provenaient d'autres territoires. Il ne nous a pas dit de quels
2 territoires. Il nous a dit la chose suivante, je cite : "Ils sont venus
3 faire leur travail."
4 Q. Permettez-moi de vous poser quelques questions concernant cette
5 réunion. Vous souvenez-vous à quel moment cette réunion
6 a-t-elle eu lieu ? Vous souvenez-vous du mois de l'année 1992 lors duquel
7 cette réunion a eu lieu ?
8 R. Je tenterai si je puis vous donner une date précise. Voyez-vous, le
9 pouvoir serbe avait été transféré sur la municipalité de Pale. Cette
10 réunion a eu lieu vers la fin du mois de mars, dans la deuxième moitié du
11 mois de mars. Je ne pourrais pas vous donner une date plus précise.
12 Q. Vous parlez de la deuxième moitié du mois de mars. Vous parlez du
13 moment où le gouvernement serbe a été transféré à Pale, ou est-ce la date à
14 laquelle la réunion a eu lieu ?
15 R. Le pouvoir serbe a été transféré à Pale avant que Nikola Koljevic ne
16 vienne à notre réunion. C'est simplement un point de repère. C'est la
17 raison pour laquelle je mentionne ceci. J'ai pu voir M. Krajisnik et M.
18 Karadzic à Pale à cette époque.
19 Q. En personne ou à la télévision ?
20 R. Je me trompe peut-être. Non, si j'ai dit "Krajisnik", non, excusez-moi,
21 je n'ai pas vu Krajisnik; Koljevic, oui. Koljevic venait à la réunion.
22 Karadzic, je l'ai vu devant le centre culturel quand il tenait son
23 discours.
24 Q. Cette réunion, a-t-elle eu lieu avant ou après votre arrestation du 2
25 mars 1992 ?
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1 R. Après mon arrestation.
2 Q. Est-ce que cela a également eu lieu après l'appel selon lequel il vous
3 fallait rendre les armes ? Est-ce qu'effectivement, vous avez rendu vos
4 armes ?
5 R. Probablement que oui.
6 Q. Vous avez eu quelques réunions avec le chef de police avant cette
7 réunion à laquelle M. Koljevic s'est présenté ?
8 R. Oui. Oui.
9 Q. Cette réunion a eu lieu certainement après le 2 juillet 1992 puisque
10 c'est la date à laquelle vous avez quitté la municipalité, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Lors de cette réunion, combien de Musulmans y avait-il ?
13 R. Il y avait environ une quinzaine de personnes.
14 Q. Qui était le représentant serbe ? Vous avez parlé du chef de police,
15 vous avez parlé également du président de l'assemblée municipale. Y avait-
16 il d'autre personne outre M. Koljevic présent à cette réunion ?
17 R. Oui. Il y avait probablement des personnes qui assuraient la sécurité.
18 Il y avait les deux policiers.
19 Q. Est-ce que c'était pendant cette réunion-là que M. Koljevic vous a dit
20 ce que vous avez relaté à la Chambre il y a quelques instants ? Est-ce que
21 c'était pendant cette réunion-là que Malko Koroman a parlé des Bérets
22 rouges qui étaient venus à Pale ?
23 R. Oui, effectivement, M. Koljevic était présent lorsque Malko nous a dit
24 qu'il ne pouvait pas assurer notre sécurité car les Bérets rouges n'étaient
25 venus de Knin.
Page 5330
1 Q. A l'époque de l'événement en question, est-ce que vous aviez entendu
2 parler de Bérets rouges qui venaient de Knin?
3 R. Nous n'avions jamais entendu cette information. Nous ne savions pas que
4 les Bérets rouges venaient de Knin. Mais il est certain qu'il y avait des
5 rumeurs. Nous ne croyons toutefois pas toutes les rumeurs que nous
6 entendions, mais, lorsque Malko nous l'a dit, c'était autre chose.
7 Q. Vous ne le croyez pas qu'ils étaient là avant que Malko ne vous le
8 dise. Est-ce que c'est ce que vous voulez dire ?
9 R. Oui.
10 Q. Ce que j'essayais de savoir, Monsieur Crncalo, c'était si vous ou si
11 d'autres Musulmans, d'autres voisins à vous, si vous aviez entendu dire que
12 des Bérets rouges étaient venus de Knin et si vous saviez dans quels genres
13 d'activités ils avaient été impliqués avant leur arrivée ?
14 R. Oui. Nous avions entendu parler de certaines activités autour de Knin
15 et de Gospic en Croatie. Nous avions entendu dire qu'il faisait toute chose
16 là-bas.
17 Q. Je vous arrête ici. Sans entrer en détail concernant ce que vous aviez
18 entendu, mais lorsque vous avez entendu ces propos lorsque M. Koroman vous
19 a informé qu'il ne serait pas en mesure d'assurer votre sécurité et
20 d'établir un contrôle sur ces formations, est-ce que cela vous a inquiété ?
21 R. Oui, nous étions tous très inquiets après avoir entendu cela, et nous
22 avions encore beaucoup plus peur car nous craignions pour ce qui allait
23 nous arriver pour ce qui est des jours suivants. Nous avions peur car nous
24 ne savions ce qui allait nous arriver dans notre sommeil si les Bérets
25 rouges commençaient justement à faire leur travail.
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1 Q. De quoi aviez-vous peur ?
2 R. Nous avions peur de passages à tabac, de meurtres, de mauvais
3 traitement. Nous avions peur de tout cela.
4 Q. Malko Koroman, a-t-il dit ce qu'il vous a dit concernant les Bérets
5 rouges pendant que M. Koljevic était encore présent à la réunion ?
6 R. Oui.
7 Q. La pièce dans laquelle vous vous trouviez était assez petite, et tout
8 le monde pouvait tout entendre de ce qui était dit.
9 R. Oui, c'était une pièce de sept à huit mètres. Ce n'était pas une très
10 grande salle.
11 Q. Est-ce que vous pouviez voir sa réaction ? A-t-il répondu quelque chose
12 suite aux commentaires de M. Koroman concernant les Bérets rouges ?
13 R. Non.
14 Q. Qu'avez-vous fait, vous et vos concitoyens musulmans, suite à ce que
15 vous avez entendu de la bouche de M. Koroman et après avoir entendu les
16 propos de M. Koljevic également ?
17 R. Lorsque nous sommes sortis de cette pièce, nous nous sommes dirigés
18 vers la rue dans laquelle j'habitais. Nous parlions entre nous, et nous ne
19 savions pas ce qui allait nous arriver, mais nous avions dit qu'il ne
20 fallait surtout pas provoqué les Serbes. Il ne fallait pas les provoquer.
21 Il ne fallait surtout pas causer d'incident car nous voulions protéger nos
22 familles.
23 Q. Fort bien.
24 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, puisque nous parlons de
25 cette page-là, de la page 6 de la déclaration du témoin, je souhaiterais
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1 attirer votre attention sur deux erreurs de frappe.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Hannis.
3 M. HANNIS : [interprétation] Au paragraphe 22 [comme interprété], à la
4 dernière ligne, nous pouvons lire : "Après cela, je n'ai jamais là" [comme
5 interprété]. Pour les mots "essayer de me rendre au point de contrôle", il
6 y a une erreur de frappe pour ce qui est du mot "essayer".
7 Au paragraphe 25, la dernière ligne en bas de page, la phrase se luit
8 comme suit : "Ces jeunes soldats étaient partiellement vêtus d'uniforme."
9 Là aussi, il y a une erreur de frappe en anglais.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Veuillez poursuivre.
11 M. HANNIS : [interprétation] Dans la deuxième phrase, lorsqu'on parle de
12 Bérets rouges, en anglais "Red Berets", il y a une erreur de frappe pour ce
13 qui est du mot "bérets". On pourrait peut-être demander au témoin de lire
14 une partie de ces déclarations, et je crois qu'il y a quelques écarts pour
15 ce qui est de la traduction et de ce qui figure dans l'origine.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. HANNIS : [interprétation]
18 Q. Monsieur Crncalo, est-ce que vous pourriez prendre le paragraphe 29, de
19 la déclaration en B/C/S, de votre déclaration qui a été donnée en 2001.
20 Lisez, je vous prie, la deuxième phrase et les interprètes pourront
21 l'interpréter en anglais et en français.
22 R. Vous voulez dire lorsque je parle de la dernière visite ici.
23 Q. Oui, effectivement. Je vous prie de lire ce passage.
24 R. "Lors de sa dernière visite, il a dit que certaines Unités de Bérets
25 rouges étaient venues à Pale et qu'ils ne pouvaient pas assurer la sécurité
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1 des Musulmans qui vivaient sur ce territoire. On m'a dit que c'étaient des
2 Serbes de Knin. Il a dit --"
3 Q. Merci beaucoup, Monsieur. C'est tout ce que j'avais besoin de savoir.
4 Il y avait quelques confusions quant à la dernière visite ou la visite
5 précédente et quant aux mots, "he said", "il a dit", ou "he had said", "il
6 avait dit".
7 R. C'était notre dernière réunion.
8 Q. C'était la réunion à laquelle M. Koljevic était présent où est-ce que
9 c'était une réunion ?
10 R. C'était la réunion à laquelle M. Koljevic était présent.
11 Q. Je vous remercie, Monsieur le Président. C'est tout ce que je voulais
12 savoir en guide de précision.
13 Monsieur Crncalo, je souhaiterais vous poser maintenant quelques
14 questions concernant les points de contrôle. Dans votre déclaration, aux
15 paragraphes 31 et 32, vous parlez de l'existence de points de contrôle qui
16 avaient été érigés autour de Pale qui étaient tenus par des paramilitaires
17 et les membres de la police. Pourriez-vous relater à la Chambre s'il y a eu
18 un incident ou que se passait-il lorsque vous essayiez de passer par des
19 points de contrôle ? Il y a eu un incident lors duquel vous avez essayé de
20 passer par un point de contrôle. Qui tenait ce point de contrôle ?
21 R. J'ai une ferme un peu plus loin de Pale. Je voulais me diriger
22 là. J'avais pris un permis de quitter mon entreprise. Ma famille était
23 venue avec moi. Lorsque je suis arrivé sur le point de contrôle, je me suis
24 fait arrêter par des jeunes policiers que je ne connais pas. Ils m'ont
25 demandé de leur présenter des documents. Immédiatement après avoir vu que
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1 j'avais un nom musulman, le jeune homme qui était à côté de celui qui
2 examinait mes documents a braqué son fusil sur moi pendant toute la période
3 pendant laquelle je montrais ce que j'avais dans mon coffre arrière de la
4 voiture, ce que j'avais à l'intérieur de ma voiture. Il m'a demandé si
5 j'avais des armes. Je lui ai dit que non. Vous pouvez vérifier, je vous en
6 prie. Ils ont vérifié. Ensuite, il y avait d'autres employés qui passaient.
7 Il était 3 heures moins dix. Nous nous connaissions tous très bien.
8 Personne n'a réagi. Tout le monde détournait la tête pour ne pas voir ce
9 qui se passait avec moi.
10 J'ai eu l'impression qu'ils étaient tout à fait indifférents que mes
11 collègues ne s'en faisait pas trop. Ensuite, je suis allé au deuxième point
12 de contrôle. Voulez-vous que je vous raconte ce qui m'est arrivé au
13 deuxième point de contrôle. On m'a laissé partir de là et je suis allé plus
14 loin.
15 Q. Quel type d'uniforme portait ces hommes ?
16 R. Ils portaient l'uniforme communément porté par les soldats en hiver à
17 l'époque de Tito. C'était l'armée de Tito à l'époque, communiste. C'était
18 l'uniforme d'hiver.
19 Q. De quelle origine ethnique étaient-ils ?
20 R. C'étaient des Serbes.
21 Q. Savez-vous s'ils étaient des Serbes de leur région ?
22 R. J'en ai reconnu aucun.
23 Q. Avez-vous pu percevoir quelque chose au niveau de leur accent ?
24 R. Celui qui m'a demandé de lui montrer mes papiers, en tout cas, pour ce
25 qui est de cette personne, je n'ai perçu aucun accent. Celui qui braquait
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1 son arme contre moi n'a pas ouvert la bouche. Je ne peux pas dire s'il
2 avait un accent ou pas.
3 Q. Avez-vous pu vous rendre sur votre lieu de destination ce jour-là ?
4 R. Oui, mais à mi-chemin seulement. J'ai dû revenir sur mes pas après.
5 Q. Pourquoi avez-vous dû revenir sur vos pas ? Que s'est-il passé ?
6 R. Au moment où je suis arrivé au deuxième point de contrôle devant le
7 tunnel de Stambucici [phon], j'ai reconnu les hommes qui s'y trouvaient et
8 ils m'ont également reconnu car nous travaillions autrefois ensemble. L'un
9 d'eux s'est approché de moi et m'a demandé où je me dirigeais. Je lui ai
10 répondu : "Mais tu sais où je vais. Je vais sur ma terre pour labourer la
11 terre."
12 Ces hommes m'ont dit : "Rentre chez toi. Il vaut mieux que tu ne t'y rendes
13 pas. Si tu passes devant l'autre poste de contrôle, tu auras de la chance.
14 Rentre chez toi."
15 Sur le chemin du retour, je suis passé devant le poste de contrôle. Ils ont
16 vérifié mes papiers. Ils m'ont laissé passé, après quoi, je n'ai jamais pu
17 quitter ma maison pour me rendre quelque part.
18 Q. Vos deux anciens collègues au poste de contrôle, de quelle origine
19 ethnique étaient-ils ?
20 R. Ils étaient Serbes.
21 Q. Portaient-ils un quelconque uniforme à cet occasion-là ?
22 R. Oui. Ils portaient l'uniforme d'hiver porté par les soldats de réserve.
23 C'était l'uniforme d'hiver, ce n'était pas un uniforme de camouflage.
24 Q. Nous allons passé à un autre événement qui est cité dans votre
25 déclaration au paragraphe 33 où vous évoquez le moment où certains hommes
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1 musulmans ont été arrêtés près de l'arrêt de bus. Pourriez-vous nous dire,
2 s'il vous plaît, qui étaient ces personnes ? Vous les décrivez comme étant
3 des paramilitaires portant un uniforme de camouflage qui ont arrêté ces
4 hommes. Connaissez-vous l'origine ethnique de ces hommes-là, ceux qui ont
5 procédé à ces arrestations ?
6 R. J'ai vu trois hommes. L'un d'entre eux était quelqu'un que j'ai
7 reconnu, mais je n'ai pas reconnu les deux autres. Les deux autres étaient
8 directement impliqués dans cet incident si je puis dire. Ils ont arrêté un
9 certain nombre de personnes. Ils les ont placés dans une voiture. Ils les
10 ont emmenés jusqu'au poste de police.
11 Q. La personne que vous avez reconnue, a-t-elle également pris part à tout
12 cela ?
13 R. C'était le professeur de ma fille, Zoran Skoba.
14 Q. Est-ce que c'est Skoba ou Skobo ?
15 R. Skobo.
16 Q. A-t-il un lien de parenté avec Jovan Skobo, officier de police que vous
17 avez évoqué un peu plus tôt aujourd'hui ?
18 R. Ce sont deux frères.
19 Q. Connaissez-vous également un certain Rade Skobo à Pale ?
20 R. Je le connais bien. Rade Skobo est leur père, et c'était un apothicaire
21 qui soignait les gens avec des herbes. En général, il réussissait à soigner
22 ses patients.
23 Q. Savez-vous si Rade Skobo était un membre du SDS ?
24 R. Il était, pour sûr, un membre du SDS. Je ne sais pas s'il occupait une
25 autre fonction. Je ne suis pas en mesure de vous le dire.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis, une des questions
2 précédentes n'a pas obtenu de réponse.
3 Vous nous avez dit, Monsieur Crncalo, que les trois paramilitaires
4 qui portaient un uniforme de camouflage, qui ont procédé à ces
5 arrestations, vous nous avez dit que vous connaissiez l'un d'entre eux. La
6 question qui vous a été posée était quelle est l'origine ethnique. Pouvez-
7 vous répondre à cette question, s'il vous plaît.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils étaient Serbes.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On vous a demandé à plusieurs
10 reprises. Je vais d'abord vous poser la question suivante : Vous ne
11 connaissiez pas les deux autres hommes; est-ce exact ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comment saviez-vous que les deux autres
14 personnes étaient Serbes étant donné que vous ne les connaissiez pas ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée de la Republika Srpska ne recrutait
16 personne d'autre. Il n'y avait que les Serbes qui composaient cette armée.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les paramilitaires étaient des membres
18 de l'armée régulière de la Republika Srpska ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous poser une question
21 semblable eu égard aux policiers qui sont venus vous arrêter. Vous dites
22 que vous ne les connaissiez pas, mais vous avez affirmé qu'il s'agissait de
23 Serbes. Comment saviez-vous qu'il s'agissait de Serbes ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ils étaient serbes.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais comment saviez-vous qu'il
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1 s'agissait de Serbes ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a un instant, j'ai évoqué la question de
3 la mobilisation qui a eu lieu au moment où je travaillais toujours à
4 l'usine et au moment où je pouvais encore me rendre à l'usine. Aucun
5 Musulman n'a jamais été appelé sous les drapeaux. Aucun Musulman n'a jamais
6 reçu un appel de ce type. Il n'y avait que les Serbes qui recevaient ces
7 appels à la mobilisation, et personne à Pale, que ce soit un policier ou un
8 soldat -- les policiers et les soldats ne pouvaient être que des Serbes,
9 car tous les Musulmans avaient été renvoyés de leur travail -- licenciés de
10 leur travail, et il n'y avait que les Serbes qui pouvaient être membres --
11 appartenir à l'armée ou faire partie des unités de réserve de la police.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie,
13 Monsieur Hannis.
14 M. HANNIS : [interprétation] Merci beaucoup.
15 Q. Zoran Skobo, que vous avez vu à l'arrêt de bus à cette date-là,
16 portait-il un quelconque uniforme ?
17 R. Oui. Il portait un uniforme de camouflage.
18 Q. Y avait-il une quelconque indication de grade ou portait-il un
19 insigne ?
20 R. Je n'ai vu aucun insigne. Quand bien même il aurait porté un insigne,
21 j'aurais eu beaucoup de mal à le voir.
22 Q. Ensuite, Monsieur Crncalo, je souhaite vous poser une question
23 concernant le paragraphe 34. Vous avez dit qu'au mois d'avril ou au début
24 du mois de mai 1992, votre téléphone a été coupé. Savez-vous si les
25 communications téléphoniques ont été coupées pour toute personne vivant à
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1 Pale, ou si ces téléphones ont été coupés que pour un certain groupe de
2 personnes ?
3 R. Il n'y a qu'un seul groupe de la population qui n'a pas pu se servir de
4 son téléphone. Il y avait des femmes qui sont allées demander aux femmes
5 serbes si elles pouvaient transmettre des messages par téléphone parce
6 qu'elles souhaitaient avoir des nouvelles de leurs parents proches à
7 Sarajevo. C'est la raison pour laquelle je sais qu'il n'y a que les non-
8 Serbes dont les téléphones ont été coupés.
9 Q. Vous-même, est-ce que votre téléphone a été coupé ?
10 R. Oui.
11 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite montrer au
12 témoin la pièce suivante.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui aurait la cote, s'il vous plaît,
14 Madame la Greffière ?
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P272.
16 M. HANNIS : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez allumer votre microphone, s'il
18 vous plaît.
19 M. HANNIS : [interprétation] Le numéro ERN est 0208-9424. Il s'agit d'un
20 ordre comportant une liste de noms.
21 Q. Monsieur Crncalo, je vais d'abord vous demander si vous lisez le
22 cyrillique ?
23 R. Oui, oui.
24 Q. Il s'agit d'un document qui est daté du 7 mai 1992, qui est censé être
25 un ordre communiqué par la cellule de Crise de Pale, portant sur la coupure
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1 de lignes téléphoniques. Pourriez-vous regarder cette liste et me dire si
2 vous reconnaissez la personne dont le nom se trouve au regard du numéro
3 12 ?
4 R. Je reconnais ce nom. J'ai été arrêté en même temps que cette personne,
5 la même nuit, le 3 ou le 4 mai. J'ai été arrêté en premier, et une demi-
6 heure plus tard, on l'a fait entrer. Il s'appelle Munip Kadric.
7 Q. Pourriez-vous nous dire quelle est l'appartenance ethnique des 15
8 personnes dont le nom figure sur cette liste, en regardant simplement les
9 noms ?
10 R. Ce sont des Musulmans.
11 Q. Avez-vous reçu un quelconque préavis vous avertissant de la coupure de
12 votre ligne téléphonique ?
13 R. Non.
14 Q. Merci. Vous pouvez mettre ce document de côté, j'en ai terminé avec le
15 P272.
16 Monsieur Crncalo, vous dites, dans la déclaration que vous avez remise au
17 TPY, au paragraphe 35, vous dites avoir remarqué, au mois de mai et au mois
18 de juin, une forte concentration de matériel militaire et de présence
19 militaire. Pourriez-vous dire aux Juges, s'il vous plaît, ce que vous avez
20 commencé à remarquer à cette époque-là eu égard à une présence renforcée de
21 l'armée ? Quel type de soldats y avait-il et combien de soldats pouviez-
22 vous voir ? Combien de soldats aviez-vous vu que vous n'avez pas vu
23 auparavant ?
24 R. Près de l'usine Famos, il y a un endroit où l'on peut entreposer du
25 blé. Il y avait de gros camions qui passaient par là. On pouvait voir que
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1 ces camions étaient chargés. Je suppose qu'ils étaient chargés de blé. Ces
2 camions étaient escortés par des camions blindés.
3 Plus tard, en place et lieu de ces camions, on voyait de temps en
4 temps un camion, mais on voyait des véhicules militaires qui ne se
5 dirigeaient pas tous vers le silo, mais vers la caserne, ou plutôt vers la
6 caserne de Jahorinski Potok. Ceci a duré des jours et des jours. Plus tard,
7 on a vu des bus qui étaient chargés d'hommes de soldats. La chose la plus
8 difficile pour nous était de constater qu'il y avait des jeunes hommes à
9 moitié vêtus. Ils étaient torse nu. Ils portaient des brassards. Ils
10 portaient des bandeaux autour de la tête. Ils portaient des pistolets, des
11 fusils, des couteaux, des grenades à main. Ils passaient en voiture, dans
12 des coupés, et ils se comportaient de façon très arrogante. Il est vrai que
13 nous avions peur. De temps en temps, on les voyait dans Pale et dans la
14 rue. A deux reprises, ils sont venus chez moi et ils m'ont posé des
15 questions sur le camion de nos voisins. La première fois qu'ils sont venus,
16 j'étais transi de peur. Je ne savais pas ce qui allait arriver. Ils m'ont
17 demandé à qui appartenait la voiture et je n'ai pas pu proférer une seule
18 personne. Mon voisin, à ce moment-là, est venu et m'a fait un signe de la
19 tête. Je lui ai dit qu'ils me posaient des questions sur sa voiture. Il a
20 répondu que ce véhicule lui appartenait, et ils ont dit qu'ils
21 reviendraient par la suite pour poser d'autres questions sur la voiture,
22 car ils ont dit qu'ils en auraient peut-être besoin.
23 Ils se sont comportés comme si personne ne les contrôlait, personne
24 ne pouvait les empêcher de faire quoi que ce soit. C'est l'impression que
25 nous avions. C'est en tout cas de cette manière qu'ils se comportaient.
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1 Q. Je vais vous arrêter quelques instants. Ces deux personnes qui sont
2 venues chez vous, je crois que vous avez dit qu'il s'agissait de deux
3 personnes, avez-vous eu un échange de paroles avec eux ? Est-ce que vous
4 pouviez déceler quelque chose par rapport à leur accent et savoir d'où ils
5 venaient ?
6 R. Non, ce n'était pas des gens du coin. Ils avaient un accent un petit
7 peu différent.
8 Q. Vous avez décrit ce groupe d'hommes -- de soldats qui ne semblaient pas
9 appartenir à une armée régulière. Vous dites qu'ils étaient torse nu,
10 qu'ils portaient des brassards, des bandeaux à la tête, qu'ils portaient
11 des couteaux, et cetera. Combien de jeunes hommes de ce type avez-vous vu
12 déambuler dans la municipalité de Pale à ce moment-là ?
13 R. En vérité, je peux vous donner une estimation, mais je ne peux pas vous
14 donner un chiffre précis. Il y en avait des centaines.
15 Q. Parmi ces jeunes hommes, y avait-il également des soldats qui
16 semblaient davantage appartenir à l'armée régulière à Pale ?
17 R. Vous souhaitez que j'établisse un parallèle entre ceux qui étaient à
18 moitié habillés et les soldats de l'armée régulière ?
19 Q. Oui, si vous pourriez me donner une estimation en vous fondant sur ce
20 parallèle ?
21 R. Il y avait plus de soldats appartenant à l'armée régulière que d'hommes
22 mal habillés, voire à moitié vêtus.
23 Q. Monsieur Crncalo, je vais devoir vous poser une question, une question
24 à laquelle vous pouvez répondre par oui ou par non. Compte tenu de ce que
25 vous avez vu, à savoir, vous avez vu ces soldats qui n'appartenaient pas à
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1 l'armée régulière et vous avez décrit ces hommes faisant partie d'Unités
2 paramilitaires dans votre déclaration, compte tenu de ce que vous avez vu,
3 à ce moment-là, et compte tenu de la taille de Pale, à ce moment-là, et
4 compte tenu de leur comportement, avez-vous un point de vue sur la
5 question ? Autrement dit, pensez-vous que ces hommes auraient pu passer
6 inaperçus aux yeux des habitants ou des gens qui travaillaient à Pale, à ce
7 moment-là ? Oui ou non ? Avez-vous un point de vue sur la question ?
8 R. Ils ne pouvaient certainement pas passer inaperçus. Ils se déplaçaient
9 toute la journée et se déplaçaient en voitures, traversaient Pale,
10 s'arrêtaient près de l'arrêt de bus, ils prenaient un café, prenaient
11 quelque chose à boire, ils remontaient dans leur véhicule et continuaient à
12 remonter et à descendre les rues de Pale en voiture. Toute la ville -- ils
13 étaient très nombreux dans la ville.
14 Q. Vous avez évoqué, un peu plus tôt je crois, il y avait un moment au
15 mois de mai et au mois de juin où le gouvernement de la Republika Srpska
16 avait installé son QG à Pale. Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, à
17 quel endroit se trouvait le QG des dirigeants de la Republika Srpska à
18 Pale ?
19 R. Pour autant que je sache, les studios de télévision étaient près du
20 centre culturel. A un moment donné, j'ai vu Karadzic prononçant un discours
21 dans les studios de la télévision. D'après tout cela, je pense qu'ils
22 devaient être hébergés dans le centre culturel.
23 Q. Avez-vous jamais entendu parler d'un autre endroit par la suite, ou
24 est-ce le seul endroit où vous pensez que le gouvernement de la Republika
25 Srpska avait établi son siège, son QG ?
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1 R. Je -- un détail me revient à l'esprit concernant le centre culturel, et
2 je peux dire avec une plus grande certitude que le gouvernement devait
3 certainement être dans le bâtiment du centre culturel, car il y avait six
4 soldats qui montaient la garde devant le centre culturel. D'après cela, je
5 pense qu'il est tout à fait certain que ce QG avait été établi dans le
6 centre culturel. Ensuite, ils ont changé leur QG d'endroit, près du chemin
7 de fer. L'endroit s'appelle Koran. C'est là qu'il y a un entrepôt et c'est
8 là que se trouvait le QG ou le siège du gouvernement municipal de la
9 Republika Srpska.
10 Q. En premier lieu, pourriez-vous nous dire où se trouve le centre
11 culturel de Pale par rapport au poste de police ? Est-ce tout près ? Quelle
12 distance y a-t-il entre les deux ?
13 R. C'est assez près du poste de police. Je crois ne pas me tromper si je
14 dis qu'il doit s'agir de quelques 300 à 400 mètres entre les deux. C'était
15 le bâtiment qui jouxtait l'église orthodoxe.
16 Q. Vous avez parlé de Koran en fait, à Pale. A quelle distance se trouve
17 le Koran du centre culturel et du poste de police ? Vous dites que le
18 gouvernement a établi son QG à cet endroit-là par la suite.
19 R. Cela se trouve à Pale, dans la ville même de Pale. La commune locale
20 s'appelle également Koran. Cela se trouve entre le centre culturel et le
21 poste de police, et Koran se trouve à un kilomètre environ, peut-être
22 encore moins, environ un kilomètre.
23 Q. Merci. Ensuite, j'aimerais vous poser une question à propos de ce que
24 vous décrivez dans le paragraphe 36 de votre déclaration lorsque vous
25 évoquez un incident au mois de mai 1992. Vous évoquez un événement. Vous
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1 dites qu'il y a des camions -- qu'il y a trois camions au bord desquels se
2 trouvaient des hommes qui sont arrivés en ville et qu'il s'agissait de
3 Musulmans de Bratunac. Quels éléments vous ont permis de dire qu'il
4 s'agissait, effectivement, d'hommes musulmans de Bratunac ? Quelle était
5 votre source ?
6 R. C'est quelque chose que j'ai entendu à ce moment-là. Il y avait des
7 gens qui étaient debout devant ces camions et qui disaient : balija. Des
8 balija avaient été capturés avant Bratunac et emmenés ici à Pale.
9 Q. Est-ce que vous avez vu ces hommes à l'intérieur des camions ?
10 R. Oui. Je les ai vus dans les camions. Certains portaient des cicatrices.
11 Ils avaient des cicatrices, mais qu'on n'est pas du tout certain. Je pense
12 qu'on avait dû les capturer, alors qu'ils étaient dans les champs ou dans
13 leurs granges, car nous étions en printemps. C'était l'époque de semer, et
14 on les avait rassemblés. Il ne s'agissait pas des membres de l'armée, c'est
15 certain.
16 Q. Quel genre de vêtements portaient-ils ?
17 R. Ils étaient en vêtements civils. Ils portaient des vêtements de
18 travail, des bottes, des culots verts. Certains avaient leurs bottes
19 crottées de purin. C'est la raison pour laquelle je sais qu'ils venaient
20 des champs, des étables.
21 Q. Un peu plus tôt, vous dites que certains avaient des cicatrices sur le
22 corps. A mon sens, une cicatrice est, en fait, une blessure qui a guéri.
23 S'agissait-il des blessures nouvelles ou des blessures anciennes ?
24 R. On voyait du sang séché sur leurs visages, ce qui signifie qu'il
25 s'agissait de nouvelles blessures. Il ne s'agissait pas des blessures
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1 mortelles, mais des blessures que les gens avaient eues suite au passage à
2 tabac ou quelque chose.
3 Q. Je vais vous poser une question maintenant, s'il vous
4 plaît : A quel moment du jour ou de la nuit avez-vous vu arriver ces
5 camions, si vous en souvenez ?
6 R. C'était vers midi, ou entre midi et une heure.
7 Q. En quel quartier de la ville étiez-vous lorsque vous avez vu arriver
8 ces camions ?
9 R. J'étais près du poste de police, et près du centre culturel. C'est là
10 que se trouvaient les camions.
11 Q. Vous dites que le président de la municipalité est sorti à ce moment-
12 là, et qu'il a dit quelque chose. Etiez-vous assez près pour entendre ce
13 qu'il disait, à savoir, ce qui devait venir de ces prisonniers ?
14 R. Il est venu et il était gêné, car il ne savait pas quoi faire avec ces
15 prisonniers. Le commentaire qu'il a fait était comme suit : "Je ne sais pas
16 quoi en faire. Je ne sais pas où les mettre. Ramenez-les, ramenez-les d'où
17 ils viennent."
18 Je ne connais pas son non. Je sais que son nom de famille est
19 Starcevic. Je ne connais pas son prénom. Je sais simplement qu'il a dit
20 cela.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, puis-je encore un fois
22 vous demander de prêter attention à la question qui vous est posée parce
23 que ce que la personne a dit figure dans votre déclaration ? La question
24 précise qui vous a été posée est la
25 suivante : étiez-vous assez près de cette personne pour entendre ce qu'il
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1 disait, la conversation entre cette personne et les hommes qui étaient dans
2 le camion ? C'est la réponse qu'attendait M. Hannis. Il ne s'agissait pour
3 lui d'entendre quelque chose qui figure dans votre déclaration. Pourriez-
4 vous répondre à cette question maintenant ? A quelle distance étiez-vous ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il a rien dit aux hommes qui étaient dans
6 le camion. J'étais assez près de lui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il a parlé à qui ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Aux chauffeurs, ceux qui les avaient amenés.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous étiez
10 suffisamment près. Vous vous trouviez à quelle distance, à peu près ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] A peu près une dizaine de mètres.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
13 Vous pouvez continuer, Monsieur Hannis.
14 M. HANNIS : [interprétation]
15 Q. Etiez-vous en mesure de voir qui était les chauffeurs de ces camions,
16 et s'ils étaient vêtus d'uniformes ?
17 R. Non, ils ne portaient pas d'uniformes -- ou plutôt, ils portaient des
18 uniformes de la réserve de l'armée. Je n'ai pas vu des insignes.
19 Q. Où leur a-t-il dit d'amener ces gens-là ? Je parle de
20 M. Starcevic ?
21 R. Si j'ai bien compris ce qu'il a dit, il leur a dit de les amener à
22 Bratunac. De l'autre côté, les gens qui se trouvaient là-bas avaient dit le
23 contraire, à savoir qu'ils avaient amené des balija de Bratunac.
24 Q. Qu'est-ce que vous avez entendu dire M. Starcevic ? Il a dit aux
25 chauffeurs de les amener où exactement à Pale ? Je pense que vous avez
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1 parlé d'une salle de cinéma. Est-ce que c'était cela ? Elle était près du
2 poste de police ?
3 R. Oui, il leur a dit qu'ils devaient les ramener là d'où ils venaient. En
4 même temps, il avait bien dit de les amener dans la salle de cinéma qui est
5 tout près du poste de police, à peu près à 20 mètres du poste de police.
6 Q. Merci. Monsieur Crncalo, je voudrais vous poser quelques questions au
7 sujet de cette fois où vous êtes allé travailler, et on vous a dit que vous
8 ne deviez plus venir travailler. Dans la déclaration que vous avez fournie,
9 vous avez dit que ceci s'est produit le 15 mai 1992. Si je regarde mon
10 calendrier, il s'agit d'un vendredi. Je pense en revanche que dans la
11 déclaration que vous avez fournie en 1995 à la Cour suprême de Sarajevo,
12 vous avez mentionné la date du 27 mai, et là, sur le calendrier, il
13 apparaît qu'il s'agissait d'un mercredi. A présent, est-ce que vous pouvez
14 nous donner la date exacte de cela?
15 R. Je pense que cela s'est produit le 15 mai.
16 Q. Justement pour mieux vous situer dans le temps, est-ce que vous savez
17 si cela s'est produit avant ou après avoir vu ces gens de Bratunac arriver
18 abord d'un camion ?
19 R. C'était après.
20 Q. Est-ce que vous vous souvenez si c'était avant ou après cela que vous
21 et quelques-uns de vos voisins, vous avez rencontré
22 M. Koljevic lors d'une réunion ?
23 R. Cela s'est produit avant cette réunion.
24 Q. Merci. A présent, je voudrais parler du paragraphe 40 de votre
25 déclaration, où vous parlez de la fin du mois de juin, début du mois de
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1 juillet, quand des convois avec des Musulmans ont été organisés. De quelle
2 façon vous a-t-on informé, vous et vos voisins musulmans, du fait que des
3 convois allaient être acheminés pour en sortir les Musulmans de Pale ? Est-
4 ce que vous avez vu cela à la télé ? Est-ce que quelqu'un vous a parlé de
5 cela ? Comment avez-vous appris cela ?
6 R. C'était à la télévision que j'ai vu cela. Je vous ai déjà dit que de
7 temps en temps, il venait nous voir pour nous dire qu'on allait nous
8 déplacer. A l'occasion, ils nous ont dit qu'un quartier de Pale allait être
9 déménagé, vidé, quartier par quartier, que nous allions recevoir ces
10 informations par écrit concernant chaque quartier de Pale.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, est-ce que ceci a été
12 dit à la télévision, ou est-ce que cette information a été diffusée d'une
13 autre manière ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que nous avons appris à la télévision,
15 c'est que ces personnes qui venaient nous voir --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les interprètes ont du mal à vous
17 comprendre où à vous entendre. Est-ce que vous avez vu cela à la
18 télévision ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, est-ce que vous pourriez
21 nous dire où et quand vous avez appris cela ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand Skobo et les autres venaient nous voir,
23 ils nous disaient qu'il fallait absolument que l'on déménage. C'était la
24 première information dans ce sens. Nous, on ne leur faisait pas confiance.
25 Pour aller plus vite, la dernière fois que l'on nous a averti de cela,
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1 c'était une espèce de pancarte qui était affichée dans un endroit en vue
2 dans la ville, où l'on indiquait qu'une rue particulière devait déménager.
3 Il en allait même pour une autre rue, et cetera. Ils venaient tout
4 simplement pour s'assembler à un endroit donné. Ensuite, on les faisait
5 monter dans les bus et on les emmenait ailleurs. C'est comme cela que cela
6 s'est passé. Vous avez une affiche écrite. Le premier quartier à être
7 déménagé était celui autour de l'ambulance, enfin du poste de vétérinaire.
8 Ils ont rassemblé toutes les personnes, et ils les ont emmenées. C'est
9 tout.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez appris tout cela par des
11 affiches. Ensuite, on vous faisait monter dans des bus, et vous partez.
12 Je vois que vous faites un signe affirmatif ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez continuer, Maître
15 Hannis.
16 M. HANNIS : [interprétation]
17 Q. Monsieur Crncalo, si je vous ai bien compris, tout d'abord, il y a eu
18 ragot. On en a parlé d'une façon pas très officielle. Il y a eu des
19 affiches qui étaient collées, affichées dans la rue indiquant aux personnes
20 qu'elles allaient devoir déménager; est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Ces affiches avec les calendriers de départ, est-ce que vous pouviez
23 conclure à partir de cette affiche qui en avait décidé ainsi ? Est-ce qu'il
24 s'agissait tout simplement d'un calendrier en vous indiquant bien : A 9
25 heures, soyez à un endroit donné, ou est-ce qu'il y avait quelqu'un qui
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1 avait signé de telles affiches ?
2 R. Non, aucune structure politique. La municipalité, la police et personne
3 n'a pris la responsabilité de cela. Il y avait tout simplement
4 l'information indiquant qu'il fallait déménager. C'est tout.
5 Q. Est-ce que vous êtes allé voir qui que ce soit pour vérifier qui avait
6 décidé de cela, si vous deviez vraiment partir ?
7 R. Oui, nous l'avons fait à plusieurs reprises. Nous avons discuté avec le
8 chef de la police, avec le maire. Quand le premier convoi est parti pour
9 Sarajevo, un jour ou deux jours plus tard, nous sommes allés voir justement
10 le président de la municipalité pour lui demander pourquoi on a fait cela,
11 pourquoi on a fait partir ces gens. Il nous a répondu qu'ils ont dû sans
12 doute faire quelque chose de mauvais, un acte illégal, illicite. Nous lui
13 avons répondu : "Ecoutez, si un jour, si nous aussi si nous devons partir,
14 quelqu'un va dire derrière notre dos que nous aussi on a fait quelque chose
15 de mauvais, alors que jusqu'à présent, à l'heure qu'il est, on est encore
16 innocent et juste." Les choses changeaient automatiquement à partir du
17 moment où on n'était plus là.
18 Q. Qu'est-ce qu'il vous a répondu ?
19 R. Il n'a rien dit. Il n'a pas fait de commentaire. Quand nous avons dit
20 cela, quand nous avons dit qu'à partir du moment où nous partons, nous
21 aussi on allait être accusé d'avoir contrevenu à la loi.
22 Q. Est-ce que vous savez en fin de compte qui a pris cette décision que
23 les Musulmans devaient partir, quitter Pale ?
24 R. Cela, nous avons essayé d'obtenir une réponse de la part du chef de la
25 police ou du président de la municipalité. A chaque fois, il ne faisait que
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1 nous renvoyer l'un à l'autre, nous faisait aller d'un service à l'autre.
2 Toujours est-il que nous sommes arrivés à la conclusion que la décision a
3 été prise probablement par la cellule de Crise du SDS.
4 Q. Vous avez dit que vous étiez le propriétaire d'une maison à Pale,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Oui, c'est exact. J'ai été le propriétaire.
7 Q. Est-ce qu'avant de quitter Pale, est-ce que vous aviez dû faire quoi
8 que ce soit à ce sujet ? Que s'est-il passé avec ce bien ?
9 R. Une femme est venue me voir pour me dire qu'elle voulait déménager dans
10 ma maison. Elle m'a donné l'adresse de sa maison à Sarajevo. Elle m'a dit
11 qu'il fallait que j'aille avec elle à la municipalité pour signer un
12 papier, une espèce de contrat. Je n'avais pas le choix. Je me suis rendu à
13 la municipalité. J ai été surpris, quelque peu surpris par cela. J'ai
14 trouvé des formulaires tout faits. Ils ont tout simplement saisi les
15 informations me concernant, des informations respectives me concernant moi
16 et la concernant elle, les ont entrées dans ces formulaires, et moi, je
17 l'ai signé en lui remettant les clés.
18 Q. Qui était cette femme, cette femme qui voulait aménager dans votre
19 maison ? Quelle était son appartenance ethnique ?
20 R. Elle s'appelait Dragica Subotic. Elle était Serbe d'origine de
21 nationalité. Elle avait deux fils : Miro et Zoran. J'ai vu Miro, mais Zoran
22 non, je ne l'ai pas vu.
23 Q. Pourquoi a-t-elle choisi justement votre maison ?
24 R. Je ne sais pas, elle ne me l'a pas dit.
25 Q. Est-ce que vous vouliez échanger votre maison contre la sienne ?
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1 R. J'ai déjà dit qu'une fois dans mon entreprise, on m'a demandé à quel
2 moment je voulais quitter ma maison, je pensais quitter ma maison. J'ai
3 répondu que je ne souhaitais pas, je ne voulais pas quitter ma maison de
4 mon vivant. Quand j'ai vu la tournure que prenaient les événements, j'ai
5 préféré rester sain et sauf moi-même et les membres de ma famille, que de
6 garder ma maison.
7 Q. Quand elle est venue vous voir pour vous dire que vous deviez vous
8 rendre quelque part pour signer des papiers, est-ce qu'elle vous a dit que
9 vous aviez un choix, que vous aviez le choix de décider si vous vouliez
10 bien signer ces papier, oui ou non ?
11 R. Une fois, les policiers ont dit que ceux qui ne voulaient pas agir
12 comme cela, devaient tout simplement venir laisser les clés de leur maison
13 dans le poste de police.
14 Q. Est-ce qu'à un moment donné, vous avez vu une affiche indiquant que le
15 tour était venu à votre rue, à votre quartier de déménager, de monter dans
16 le bus et de partir ?
17 R. Oui, en effet, oui.
18 Q. Je pense que vous nous avez dit que vous êtes parti le
19 2 juillet 1992, n'est-ce pas.
20 R. Oui.
21 Q. Saviez-vous combien de convois ont quitté Pale avant le
22 2 juillet ?
23 R. Deux convois. Je faisais partie du troisième convoi.
24 Q. Savez-vous combien de personnes ont quitté Pale à bord de ces deux
25 premiers convois?
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1 R. Ces bus étaient pleins à craquer. Dans le premier convoi, il y en avait
2 sept; sept bus. Dans le deuxième, il y en avait six. En ce qui concerne mon
3 convoi, il y avait cinq bus qui faisaient partie de ce convoi. En ce qui
4 concerne les deux autres convois, je ne saurais vous répondre.
5 Q. S'agissait-il des bus de taille normale ? Il y avait combien de
6 personnes à peu près dans chaque autocar ?
7 R. C'était des autocars de banlieue Vous pouviez faire monter à peu près
8 une centaine de personnes dans un bus, au moins 90 personnes. De toute
9 façon, vous pouvez y faire monter le nombre de personnes correspondant au
10 nombre de sièges.
11 Q. Tout d'abord, aviez-vous un véhicule aussi en plus de votre maison ?
12 R. J'avais une voiture, oui.
13 Q. Qu'est-ce qui s'est passé avec cette voiture ?
14 R. J'ai été obligé de la laisser et les clés aussi de ma voiture, même mes
15 papiers de ma voiture.
16 Q. Vous aviez le droit d'emporter combien de choses avec vous ?
17 R. Nous avions droit de prendre ce qui tenait entre nos mains, ce que nous
18 pouvions emporter avec nous.
19 Q. Après le départ des 18 autocars remplis de Musulmans,
20 est-ce que vous savez s'il y a eu des Musulmans qui sont restés à Pale
21 après votre départ ?
22 R. Oui. Car après encore deux convois sont partis du centre de ville de
23 Pale. Ensuite, ils ont commencé à s'occuper des communes locales et des
24 villages aux environs pour déplacer également cette population-là vers
25 Sarajevo.
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1 Q. Il y a des Musulmans qui sont restés et qui ne sont pas partis à bord
2 de ce convoi ?
3 R. Oui.
4 Q. Ils étaient combien à peu près, d'après ce que vous savez ?
5 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation] Puis-je vous
6 demander --
7 R. Une douzaine, peut-être un peu plus.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous étiez en train de lire
9 votre déclaration, Monsieur Crncalo ? Je vous ai vu regarder quelque chose.
10 Vous avez des notes, quelque chose que vous avez écrit à la main, n'est-ce
11 pas ?
12 Monsieur Hannis, je n'avais pas compris quelle était la source, quel était
13 ce document que le témoin était en train de consulter. Pourriez-vous tirer
14 ceci au clair ?
15 M. HANNIS : [interprétation]
16 Q. Monsieur le Témoin, le Président se demandait quel était ce document
17 auquel vous vous référiez. Pourriez-vous l'expliquer ? Quel est son
18 document ?
19 R. J'ai voulu donner le nombre de gens qui sont restés vivre dans leur
20 maison au Pale.
21 Q. Pouvez-vous me dire ce que représente cette feuille de papier ? Ce que
22 vous étiez en train de vérifier ? Qui a écrit cela ? D'où cela vient ?
23 R. C'est moi qui l'ai écrit.
24 Q. Quant cela ?
25 R. Il y a un an à peu près.
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1 Q. Pourquoi avez-vous écrit cela ?
2 R. J'ai fait une déclaration préalable à l'enquêteur du Tribunal de La
3 Haye, et je me suis basé sur ce même document.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit d'un aide-mémoire en quelque
5 sorte du témoin. Je n'ai pas d'autres questions à ce sujet.
6 M. STEWART : [interprétation] J'en ai, Monsieur le Président. Peut-être
7 serait-il utile de demander au témoin d'enlever ses écouteurs.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, je
9 préfère --
10 M. HANNIS : [interprétation] J'en ai presque terminé.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, attendez un instant.
12 Monsieur Hannis, vous avez encore besoin de combien de questions ?
13 M. HANNIS : [interprétation] Quelques minutes. J'aurai besoin d'encore
14 quelques minutes.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, je vous
16 laisse terminer. Ensuite, nous allons prendre une pause. Juste avant, nous
17 allons demander au témoin de quitter le prétoire.
18 Maître Hannis, vous pouvez continuer.
19 M. HANNIS : [interprétation]
20 Q. Vous étiez en train de regarder ces documents justement pour vous
21 rappeler du nombre exact des personnes ?
22 R. Oui. En effet.
23 Q. Après avoir examiné ces documents, est-ce que vous vous êtes rappelé
24 justement du nombre de personnes ?
25 R. J'ai voulu tout simplement vérifier si ma mémoire correspondait à ce
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1 qui a été écrit sur ce papier.
2 Q. Est-ce que vous avez été capable et quel était ce chiffre ?
3 R. Justement, je vous ai dit 12. Si vous le voulez, je peux vous laisser
4 ce document. Vous pourrez l'examiner.
5 Q. Tout va bien. Par conséquent, avez-vous appris ce qu'il est advenu de
6 cette douzaine de personnes qui est restée à Pale ? Quel est le sort qui
7 leur a été réservé pendant la guerre ? Je n'ai pas besoin d'information
8 particulière au sujet de tout à chacun.
9 R. Ils sont tous morts. Ils ont été tués.
10 Q. Merci. Je voudrais montrer au témoin encore une pièce à conviction. Le
11 numéro ERN en anglais de cette pièce est le numéro 0304-6729 et en B/C/S
12 0207-2618.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P273 pour
14 l'original en B/C/S, et pour la version en anglais P273.1.
15 M. HANNIS : [interprétation]
16 Q. Pendant que nous attendons ce document, pourriez-vous nous dire si vous
17 avez vu des membres des Bérets rouges à Pale. Si oui, où ?
18 R. Quand nous sommes montés dans ce bus, nous sommes passés à côté de
19 l'hôtel de Panorama. Derrière une maison de particulier, j'ai vu des
20 soldats avec des bérets rouges. C'est là que je les ai vus. Ils étaient au
21 nombre de deux.
22 Q. C'était le jour où vous êtes parti, le 2 juillet, n'est-ce pas ?
23 R. Oui, c'était le 2 juillet.
24 Q. Très bien. Maintenant, je vais vous poser une question au sujet de ce
25 document; le document qu'on vient de vous remettre. Je propose de lire un
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1 paragraphe de ce document. Je vais demander au témoin de faire son
2 commentaire. Monsieur Crncalo, il s'agit d'un document en date du 19
3 juillet qui émane soi- disant de la présidence de la République serbe. Dans
4 le premier paragraphe, il est écrit que ce document est adressé à plusieurs
5 municipalités, y compris la municipalité de Sarajevo. Dans le premier
6 paragraphe, il y est dit : "En coopération étroite avec les postes de
7 sécurité publique, on vous demande de bien vouloir procéder aux inventaires
8 de toutes les maisons, des maisons de vacances et des appartements de votre
9 municipalité restés vides après les départs volontaires des Musulmans."
10 Monsieur Crncalo, la question que je vous pose est comme
11 suit : est-ce que vous êtes parti de votre plein gré de Pale ?
12 R. Non, je n'aurais jamais fait de mon plein gré. Comment voulez-vous que
13 je quitte ma maison, que je laisse tous mes biens immobiliers et tous mes
14 biens, tout ce que j'ai pu construire en travaillant toute ma vie ?
15 Pourquoi voulez-vous que je laisse tout cela ?
16 Q. Pourquoi êtes-vous parti ?
17 R. J'ai été forcé de le faire. J'ai été forcé même de signer ce contrat,
18 contrat portant l'échange de nos biens. J'ai été aussi obligé de quitter ma
19 maison.
20 M. HANNIS : [interprétation] Ce sont les questions que je voulais poser. Je
21 n'en ai pas d'autres.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci.
23 Monsieur Crncalo, nous allons faire une pause à présent, et après la pause,
24 c'est le conseil de la Défense qui va vous poser des questions.
25 Madame l'Huissière, je vous prie de bien vouloir conduire le témoin en
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1 dehors de prétoire.
2 Maître Stewart, vous allez avoir l'occasion de faire votre remarque
3 pendant l'absence du témoin.
4 [Le témoin se retire]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Hannis, je vous vois debout.
6 M. HANNIS : [interprétation] Je pense qu'il est utile que l'on parle de ce
7 morceau de papier.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, justement. Je me suis posé la
9 question.
10 M. STEWART : [interprétation] Oui, justement puisque le témoin l'a sorti de
11 sa poche. Je pense que vous l'avez vu.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement, je l'ai vu. C'est pour cela
13 que je vais demander d'où cela vient. Je pense que c'était dans sa poche.
14 M. STEWART : [interprétation] J'aurais préféré en arriver à la conclusion
15 que le témoin, entre-temps, a détruit ce morceau de papier, et comme cela,
16 cela nous éviterait de poser toute question à ce sujet.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne ce document, je pense
20 que nous n'allons plus poser de questions à ce sujet.
21 Est-ce qu'il y a autre chose ?
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, oui. Mais, justement, ce document est
23 sorti du prétoire.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, dans la poche droite du témoin.
25 M. STEWART : [interprétation] C'est juste une question de détail. C'est un
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1 morceau de papier. Mais vous savez, je pense qu'à l'avenir, c'est une
2 question de procédure. Il faudrait que l'on s'assure que le témoin place
3 devant lui, sur le pupitre de témoin, chaque document auquel il allait
4 faire référence au cours de sa déposition. Comme cela, on éviterait tout
5 problème.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement. Je voudrais demander aux
7 parties de veiller à cela. Si jamais Mme l'Huissière voit que le témoin
8 utilise un papier dont nous ne connaissons pas l'existence, il faudrait
9 rester vigilant.
10 M. STEWART : [interprétation] Je n'essaie pas de jeter la responsabilité
11 sur qui que ce soit d'autre.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, Maître Stewart. M. STEWART :
13 [interprétation] Cela peut nous arriver à nous aussi. C'est tout simplement
14 que Mme l'Huissière s'approche plus souvent du témoin que nous. Elle peut
15 peut-être veiller de plus près à tout cela. Cela peut nous permettre de
16 rester plus vigilant et d'éviter de tels problèmes.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après la pause, je vais lui demander de
18 toute façon s'il accepte de nous montrer ce document. Nous pourrions peut-
19 être en faire une pause [comme interprété].
20 M. STEWART : [interprétation] Effectivement, je pense que c'est une très
21 bonne idée, mais nous allons procéder au pas par pas.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est très bien. C'est comme cela que
23 nous allons faire.
24 Nous allons faire une pause de 20 minutes à présent, lever la séance et
25 reprendre nos travaux à 12 heures 50.
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1 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
2 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, vous vous souvenez
5 sans doute que nous avons parlé brièvement d'une petite feuille, un mémo
6 que vous avez consulté, une note. Vous avez offert à M. Hannis de la
7 consulter également. Est-ce que vous pourriez peut-être le remettre au
8 conseil de la Défense afin qu'il puisse en prendre connaissance ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certainement.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Mme l'Huissière pourrait peut-être
11 remettre ce bout de papier à M. Stewart, cette feuille de papier. A ce
12 moment-là, je demanderais peut-être qu'une photocopie soit faite de cette
13 feuille.
14 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, nous aimerions
15 certainement que cette feuille soit photocopiée. Il est peut-être inutile
16 d'en faire un long débat. Nous pourrions peut-être, à ce moment-là, nous
17 arranger à ce qu'une photocopie soit faite.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. Vous pouvez peut-être
19 remettre cette feuille à Mme la Greffière qui nous la montrera à son tour,
20 et ensuite, nous pourrons nous assurer que ce document soit photocopié le
21 plus tôt possible. Ce document restera entre les mains de la Chambre,
22 c'est-à-dire, de l'Huissière, il en fera une photocopie. Monsieur le Témoin
23 et Monsieur Stewart, on vous remettra cette feuille sous peu.
24 M. STEWART : [interprétation] Je crois qu'une photocopie sera tout à fait
25 suffisante. Il n'est pas nécessaire de nous remettre l'original.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'espère que l'Huissière
2 pensera à faire une copie recto verso de ce document.
3 Monsieur Crncalo, c'est au tour maintenant du conseil de la Défense à vous
4 poser des questions dans le cadre du contre-interrogatoire.
5 Veuillez commencer, Monsieur Stewart.
6 M. STEWART : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
7 Contre-interrogatoire par M. Stewart :
8 Q. [interprétation] Monsieur Crncalo, d'abord, je voudrais vous poser une
9 question concernant la mobilisation. Vous avez parlé de la mobilisation ce
10 matin dans le cadre de votre déposition. Vous avez dit que les Musulmans
11 dans votre région étaient, en fait, appelés de façon officielle à rejoindre
12 les rangs de l'armée. Les dirigeants musulmans, par contre, leur ont dit de
13 ne pas répondre à l'appel; est-ce que c'est exact ?
14 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on avoir des
15 dates. Je crois que le témoin a parlé du mois de mai, mais je sais qu'il y
16 a eu plus d'une mobilisation.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrait-on préciser le cadre temporel ?
18 M. HANNIS : [interprétation] En fait, je me suis trompé, car j'ai dit que
19 cela s'est passé au mois de mai, mais, en fait, je voulais dire janvier, en
20 janvier.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a répondu ce matin qu'il y a
22 eu un appel à la mobilisation qui avait été faite. Monsieur Stewart, vous
23 pouvez peut-être poser une question, à savoir à quel moment cela a eu lieu.
24 M. STEWART : [interprétation] Je faisais référence à ce que le témoin a dit
25 ce matin.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
2 Monsieur Crncalo, la question est la suivante : nous voulons savoir à quel
3 moment a-t-on invité les Musulmans de ne pas répondre à l'appel de
4 mobilisation.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas du tout parlé de cela, ce matin.
6 Les soldats serbes ont été mobilisés, mais personne n'a fait d'appel à la
7 mobilisation musulmane, ni par écrit, ni oralement.
8 M. STEWART : [interprétation]
9 Q. Pour être tout à fait limpide, Monsieur Crncalo, dites-nous si vous
10 savez si au cours de l'année 1991 et vers la fin de cette année, et plus
11 précisément au début de 1992 ou tout du moins pour certaines parties de la
12 Bosnie-Herzégovine, s'il y a eu un appel lancé pour rejoindre les rangs de
13 l'armée, qu'il s'agisse de Serbes, de Musulmans ou d'autres. Mais pour ce
14 qui est des Serbes et des Musulmans, est-ce que vous savez si de tels
15 appels avaient été lancés ?
16 R. Oui. J'ai eu connaissance de cela puisque j'ai pu regarder la télé à
17 l'époque. Je l'ai vu à la télé.
18 Q. Je ne veux pas vous arrêter. Vous pouvez poursuivre.
19 R. Oui. Le parti politique de Sarajevo a dit de ne pas répondre à l'appel
20 à la mobilisation. En 1992, Pale et Sarajevo étaient deux lieux
21 complètement différents et distincts et séparés.
22 Q. Bien sûr, qu'il s'agissait de deux villes différentes et de deux
23 endroits séparés. Mais qu'est-ce que vous voulez dire par là lorsque vous
24 dites que Pale et Sarajevo étaient deux endroits bien distincts ?
25 R. Pour ce qui est de ce que Sarajevo nous disait, c'est qu'ils ne
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1 pouvaient, ni nous aider, ni nous faire du tort pour ce qui est de la
2 population à Pale. Je vous parle de ce qui s'est passé à Pale.
3 Q. Monsieur Crncalo, au cours des premiers mois de 1992, pendant les mois
4 de janvier, février et mars, Sarajevo était en Bosnie-Herzégovine. Pale
5 était et se trouve toujours en Bosnie-Herzégovine. Vous saviez, vous dites,
6 car vous l'avez vu à la télévision, car on a fait l'appel à la mobilisation
7 par la JNA à plusieurs endroits en Bosnie-Herzégovine, et cela comprenait
8 les Serbes et les Musulmans. Nous sommes d'accord là-dessus, n'est-ce pas ?
9 R. En 1992, et ce, au début de l'année 1992, si je puis vous expliquer la
10 situation telle qu'elle était à Pale, puis-je ?
11 Q. Pouvez-vous me dire si vous êtes d'accord avec mon affirmation, et on
12 pourrait commencer par là ? Vous souhaiteriez sans doute que je répète la
13 question ?
14 R. Non, ce n'est pas nécessaire. Je l'ai entendu.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hannis.
16 M. HANNIS : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, je
17 voudrais que l'on spécifie le cadre temporel, car si je ne m'abuse, il y a
18 eu deux ou trois appels à la mobilisation en 1992 et en 1991.
19 M. STEWART : [interprétation] Accordez-moi quelques instants, Monsieur le
20 Président, je vous prie.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement.
22 [Le conseil de la Défense se concerte]
23 M. STEWART : [interprétation]
24 Q. J'ai délimité ma question par un cadre temporel, j'ai parlé du mois de
25 janvier, février et mars 1992. Nous estimons que ce matin, le témoin a
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1 répondu à une question concernant la mobilisation, et que la réponse qu'il
2 a donné se rapportait au mois de janvier 1992. Je vais reposer la question
3 de cette façon-ci : en janvier 1992, vous étiez au courant, n'est-ce pas,
4 de par ce que vous avez vu à la télévision, qu'il y a eu un appel à la
5 mobilisation faite par la JNA dans plusieurs parties de la Bosnie-
6 Herzégovine pour que les Musulmans et les Serbes rejoignent les rangs de
7 l'armée. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous en train de nous dire que même si cela a eu lieu dans
10 plusieurs parties de la Bosnie-Herzégovine, qu'à Pale, par contre, cet
11 appel à la mobilisation ne comprenait pas les Musulmans ?
12 R. A Pale, ils recevaient des appels à la mobilisation par écrit, ce
13 n'étaient que des habitants de nationalité serbe.
14 Q. Comment le savez-vous ?
15 R. Parce que quand je travaillais à l'usine, les personnes de nationalité
16 serbe répondaient à l'appel, à la mobilisation, alors que les Musulmans
17 n'avaient jamais reçu d'appel. Personne ne s'est présenté non plus.
18 Q. Lorsqu'on parle des appels à la mobilisation reçus, vous nous dites que
19 grâce aux discussions que vous aviez eues avec vos collègues, vous avez
20 appris que les Serbes recevaient des appels à la mobilisation par écrit,
21 alors que les Musulmans ne le recevaient pas ? Est-ce que c'est ce que vous
22 nous dites ?
23 R. Effectivement, c'est cela. Je peux étoffer si vous me le permettez.
24 Q. Est-ce que vous avez donné une réponse à ma question ? Est-ce que vous
25 voulez ajouter ? Est-ce que cela répond plus à ma question ?
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1 R. Oui.
2 Q. Veuillez nous dire ce que vous voulez nous dire, je vous prie.
3 R. La personne qui avait reçu l'appel à la mobilisation devait répondre à
4 l'appel. Elle n'avait pas de choix car la police militaire existait à ce
5 moment-là. C'était l'ancienne police militaire qui procédait de la même
6 façon qu'avant. Toutes les personnes qui n'avaient pas répondu à l'appel se
7 faisaient arrêter incontestablement.
8 Q. Monsieur Crncalo, est-ce que vous savez si dans certaines parties de la
9 Bosnie-Herzégovine, les Musulmans, à une échelle assez grande, n'ont pas
10 répondu à l'appel à la mobilisation ?
11 R. Pour ce qui est de certaines parties de la Bosnie, je ne le sais pas.
12 Mais je sais ce qui se passait pour ce qui est du territoire de la
13 municipalité de Pale. Pour ce qui est des autres municipalités, je n'ai pas
14 eu connaissance de cela.
15 Q. Est-ce que vous savez si les dirigeants musulmans donnaient certains
16 conseils ou imposaient une certaine ligne de conduite quant au fait de ne
17 pas répondre à l'appel à la mobilisation ?
18 R. J'ai dit tout à l'heure que j'avais entendu, une fois, à la télévision
19 ce genre de commentaires. Mais chaque citoyen qui recevait un appel à la
20 mobilisation, que ce soit pour aller faire son service militaire
21 obligatoire ou non, devait absolument répondre à l'appel. Sinon, le citoyen
22 en question se faisait arrêter.
23 Q. Permettez-moi de vous poser une question sur un autre sujet. Dans votre
24 témoignage, vous nous avez parlé d'un incident du 6 mai de l'année 1991,
25 vous nous avez dit que le 6 mai cette année-là était une fête serbe
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1 traditionnelle ?
2 R. Oui.
3 Q. Dans votre déclaration, au paragraphe 11 de votre déclaration
4 principale, ce qu'on appelle votre déclaration principale, celle qui a été
5 donnée le 8 juin 2001, vous nous dites que Seselj a procédé à, ou a
6 réintroduit les Chetniks sur la montagne de Romanija dans le grotte de
7 Novak. Qu'est-ce que vous voulez dire par là, qu'il a réinstauré les
8 Chetniks ?
9 R. J'ai dit que cette grotte à Romanija était un lieu de rassemblement
10 pour les Hajduk et lorsque les Chetniks, enfin les Chetniks n'existaient
11 plus et ils ont été réinstaurés par Seselj.
12 Q. Mais qu'est-ce qui s'est passé en réalité, de quelle façon a-t-on
13 réinstauré le mouvement Chetnik le 6 mai ou autour de cette date en 1991 ?
14 R. Si vous viviez dans la partie de la Bosnie où se trouve Pale, vous
15 auriez compris certaines choses plus facilement. Ce que je voulais dire par
16 là, c'est que Seselj et ses hommes se sont rendus près de la grotte. Je ne
17 sais pas s'ils sont allés dans la grotte ou autour de la grotte, mais
18 j'avais entendu parler des Serbes, qui habitaient là, que Seselj était
19 tombé du cheval, je ne sais pas s'il était saoul, ivre ou non, mais en tout
20 cas, il avait fracturé son crâne en tombant du cheval.
21 Q. Bien, Monsieur Crncalo. Nous ne nous concentrerons pas sur cette
22 dernière affirmation. Simplement pour que l'on se comprenne bien
23 effectivement, je n'ai pas vécu dans cette partie-là de la Bosnie. Je ne
24 vis pas présentement dans cette partie-là de la Bosnie. La compréhension de
25 la chose n'est pas importante mais je suis là pour vous poser des questions
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1 afin que le Tribunal et les personnes puissent comprendre ce que vous
2 dites. Je vous prie de ne pas porter attention sur mes connaissances de
3 cette région.
4 Dites-moi, que s'est-il passé, effectivement, le 6 mai ou autour de cette
5 date en 1991, pourquoi dites-vous que l'on peut décrire cette date comme la
6 date à laquelle le mouvement Chetnik a été réinstauré ?
7 R. Il y a eu un rassemblement, le Parti radical de Seselj s'est vu élargir
8 et je ne sais pas ce que Seselj voulait en faire plus tard mais il voulait
9 certainement élargir son parti.
10 Q. En réalité, Monsieur Crncalo, comme il y avait chaque année, il y avait
11 dans la grotte de Novak une fête tous les ans. A cette occasion-là, M.
12 Seselj était présent. Il est tombé par terre saoul et il s'est fait mal à
13 la tête, qui sait. Il n'y a rien de plus à dire là-dessus. En tout cas pour
14 ce qui concerne la question des Chetniks, n'est-ce pas ?
15 R. Nous nous attendions à un événement qui aurait été difficile pour nous,
16 mais heureusement cela ne s'est pas produit.
17 Q. Par la suite, vous dites avoir été rassuré par les Serbes, n'est-ce
18 pas ? Autrement dit, il n'y avait rien de grave et pas vraiment de raison
19 de s'inquiéter au début de l'été de l'année 1991 ?
20 R. Il ne s'est rien produit d'important après cela. Seselj est venu. Il a
21 tenu son rassemblement politique. Je ne sais pas où il est allé après cela.
22 De toute façon, après son arrivée et son départ, il n'y a pas eu
23 d'incidents particuliers. Quoi qu'il en soit, cet événement a semé la
24 crainte dans le cœur.
25 Q. C'est ce que vous avez dit. Mais un peu plus tard, vous avez assuré le
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1 rôle de garde et activité que vous avez ensuite laissé tomber en 1991,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Lorsque dans votre déclaration vous décrivez ceci au paragraphe 14 et
5 vous dites qu'à cette époque, à savoir en 1991, la première partie de
6 l'année 1991, c'est ce que vous évoquez au paragraphe précédent, au
7 paragraphe 13, vous dites : "Que si les Chetniks et les Serbes tenaient des
8 réunions, ces réunions ont été tenues en dehors du centre de la ville."
9 Vous ne savez pas si les Chetniks organisaient des réunions dans la
10 deuxième partie de l'année 1991, n'est-ce pas ?
11 R. Je ne sais pas comment répondre à cette question. Le Parti radical de
12 Seselj et ses partisans, qui sont évoqués aujourd'hui, à mon sens ces gens
13 se trouvaient dans la grotte de Novak. Tous les autres rassemblements et
14 toutes les autres manifestations entre 1991 et jusqu'au début de la guerre
15 se tenaient souvent dans le centre-ville de Pale et ils criaient : "Nous
16 n'abandonnerons le Kosovo." Ils portaient un cercueil contenant les
17 ossements de Tsar Lazar. Toutes personnes qui étaient présentes ont dit
18 qu'effectivement ce cercueil contenait des ossements de Tsar Lazar. Ils
19 demandaient aux personnes qui se trouvaient là de se joindre à ces
20 manifestations, à ce rassemblement. Tout ceci se passait au centre de Pale.
21 Q. Puis-je vous suggérer quelque chose ? Vous avez commencé en disant
22 qu'il vous était difficile de répondre à cette question. Puis-je vous
23 souffler, Monsieur Crncalo, que la première chose à faire serait d'écouter
24 ma question et ensuite d'essayer d'y répondre. La question que je vous ai
25 posée est la suivante : vous ne savez pas si les Chetniks ont organisé des
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1 réunions dans la deuxième partie de l'année 1991 ?
2 R. Oui.
3 Q. Après le 6 mai, nous n'allons plus parler de la grotte, mais après le 6
4 mai 1991, d'après vous, quelle est la réunion suivante qui a été organisée
5 par les Chetniks ?
6 R. Le 6 mai, encore une fois.
7 Q. Nous essayons d'être précis. Oubliez le 6 mai. Avançons dans le temps.
8 D'après vous, quand la réunion, la prochaine réunion des Chetniks a-t-elle
9 eu lieu après le 6 mai ?
10 R. Je ne sais pas.
11 Q. En réalité, vous ne savez s'il y a eu d'autres réunions par la suite ?
12 R. Entre le 6 mai et la réunion, le 6 mai de l'année suivante, je ne sais
13 pas si le Parti radical s'est réuni, si ces personnes à tendance radicale
14 se sont réunies.
15 Q. Lorsque vous parlez du Parti radical, vous entendez des Chetniks; est-
16 ce exact.
17 R. Oui.
18 Q. Au paragraphe 14 de votre déclaration, vous dites : "A cette époque-là,
19 il s'agit toujours de la même époque, cela semble évident des membres des
20 organisations chetniks ont commencé à porter des uniformes et des couvre-
21 chefs chetniks."
22 La situation était comme suit, n'est-ce pas ? Il n'y avait pas à
23 proprement parler d'organisation chetnik à Pale entre le mois de mai et la
24 fin de l'année 1991, n'est-ce pas ?
25 R. Lorsque j'ai parlé du 6 mai et de Seselj, j'ai parlé de ce que je
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1 savais. Je ne puis vous fournir aucun document à l'appui. Je ne puis rien
2 vous dire sur la création de cet organe, et vous donnez des dates.
3 Q. Je ne vous demande pas de me fournir des documents, Monsieur Crncalo.
4 Lorsque je souhaitai obtenir des documents, je vous le dirai très
5 clairement. La question que je vous pose est la suivante : Après le 6 mai
6 1991, et je vais même aller jusqu'au mois d'avril 1992, il n'y avait pas
7 d'organisation chetnik à Pale,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Je ne suis pas d'accord.
10 Q. Décrivez, je vous prie, la taille, la portée et le caractère de cette
11 organisation chetnik qui existait à Pale à ce moment-là ?
12 R. Tout ce que je puis dire, c'est ce que j'ai vu à la station essence
13 deux hommes portant l'uniforme que j'ai déjà décrit, et les personnes
14 serbes que je connaissais, alors que nous attendions pour prendre de
15 l'essence. Quelqu'un m'a dit : "Voilà Sulejman à quoi il ressemble."
16 C'étaient les uniformes qu'ils portaient ce matin-là que j'ai décrits.
17 Q. Lorsque dans votre déclaration vous dites que les membres de
18 l'organisation chetnik ont commencé à porter des uniformes spéciaux ainsi
19 que des chapeaux, il ne s'agissait, en fait, que de ces deux hommes que
20 vous avez remarqués à la station essence vous-même, qui portaient ces
21 uniformes chetniks, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez également dit dans votre déclaration, au paragraphe 14 : "Je
24 pense que ces Chetniks portaient des armes, car bon nombre de Chetniks sont
25 allés faire la guerre à Pakrac en Croatie. Ils avaient gardé leurs armes.
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1 Ils avaient toujours leurs armes sur eux lorsqu'ils sont venus dans la
2 région de Pale."
3 Lorsque vous dites bon nombre de Chetniks sont allés se battre en
4 Croatie, vous entendez, bon nombre de Chetniks de Pale ?
5 R. Oui.
6 Q. Combien ? Connaissez-vous la réponse à cette question ? D'après vous,
7 combien d'hommes de Pale sont allés se battre en Croatie ? La guerre en
8 Croatie a duré jusqu'à la fin de l'année 1991. Cela vous donne le cadre
9 temporel.
10 R. En rentrant de ces régions de Croatie, ce qui est actuellement un Etat
11 croate, ils étaient fiers et orgueilleux. Ils s'exprimaient de la sorte.
12 Ils disaient être les Vukovarci, les hommes de Vukovar, qu'ils rentaient de
13 Pakrac.
14 M. STEWART : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, la question qui vous a
16 été posée est la suivante : Combien d'hommes se sont rendus sur le front
17 croate ? Vous avez répondu en parlant des hommes, vous avez répondu en
18 parlant du comportement des hommes qui rentraient du front, si M. Stewart
19 souhaite savoir comment ils se sont comportés à leur tour, il vous posera
20 la question. Pourriez-vous répondre à cette question-ci ? S'il vous plaît,
21 combien d'hommes sont partis de Pale pour aller se battre en Croatie ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas en mesure d'avoir ces chiffres.
23 Je ne sais pas. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit un nombre important,
25 beaucoup. Pourriez-vous nous dire ce que vous entendiez par là ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose que je puis dire, c'est que de
2 temps en temps, Monsieur, si je devais dénombrer tout le monde, on pourrait
3 dire une cinquantaine d'après moi en tout cas. Je sais que je sais très peu
4 de chose par rapport à la totalité.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous nous dites, c'est que vous
6 avez eu connaissance d'une cinquantaine d'hommes, mais qu'il pouvait s'agir
7 d'un plus grand nombre.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.
10 M. STEWART : [interprétation]
11 Q. Oui, Monsieur le Président. Monsieur Crncalo, Mlle Cmeric précise que
12 le témoin a également fait référence à autre chose. "La seule chose que je
13 puis dire si je devais dénombrer tout le monde, je pourrais parler d'une
14 cinquantaine." Mlle Cmeric a précisé que le témoin a dit avoir entendu ce
15 chiffre. De 50 ou d'une cinquantaine que vous avez évoquée, est-ce quelque
16 chose qui vous a été rapporté par d'autres personnes ?
17 R. Lorsque j'étais en présence d'autres personnes, de personnes qui
18 rentraient du front, lorsqu'ils parlaient entre eux, lorsqu'ils parlaient
19 de leur présence sur le champ de bataille, c'est ce que j'en ai déduit.
20 C'est après les avoir entendus que j'ai déduit cela.
21 Q. Il s'agissait de personnes, de collègues de travail ou de personnes que
22 vous rencontriez dans les cafés ?
23 R. Sur mon lieu de travail. Je ne vais pas beaucoup dans les cafés.
24 C'était surtout sur mon lieu de travail.
25 Q. C'étaient des gens sur votre lieu de travail qui sont allés se battre
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1 en Croatie et qui sont rentrés du front croate; c'est exact ?
2 R. Oui.
3 Q. Dans ce cas, Monsieur Crncalo, s'il s'agissait de collègues sur votre
4 lieu de travail, vous devez avoir une idée assez précise sur le nombre de
5 personnes qui sont allées se battre, n'est-ce pas ?
6 R. A l'endroit où je travaillais et dans l'usine où je travaillais, il y
7 avait 300 salariés. Je ne les connaissais pas tous personnellement.
8 Q. Pour l'instant, ce que je vous ai dit, c'est que 3 000 personnes. Vous
9 deviez savoir à peu près parmi ces 3 000 salariés combien de personnes sont
10 allées se battre en Croatie, n'est-ce pas ?
11 R. Je n'avais pas une image très claire de la situation. C'était un fait
12 de notoriété publique. Nous travaillions en trois équipes. C'était un
13 travail posté. Dans mon équipe, il y avait un certain nombre de personnes
14 que je ne connaissais pas. Je ne sais pas s'ils sont partis au front. Ceux
15 qui travaillaient dans mon équipe disaient, d'après ce que les hommes des
16 deux autres équipes disaient, je me fondais là-dessus. Je ne connaissais
17 personne, personnellement.
18 Q. Combien de gens y avait-il dans votre équipe ?
19 R. Quatre-vingt-dix environ.
20 Q. Il s'agissait toujours des mêmes personnes dans votre équipe, grosso
21 modo, toujours les mêmes 90 personnes dans votre équipe, toujours dans la
22 même équipe d'un mois sur l'autre ?
23 R. Oui. En général, oui. Vous savez, quelquefois, il y avait de nouveaux
24 salariés qui étaient recrutés. Certains partaient à la retraite et des plus
25 jeunes arrivaient.
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1 Q. Bien évidemment. C'est normal qu'il y ait des changements. Combien
2 d'hommes dans votre équipe ou de salariés dans votre équipe sont partis se
3 battre en Croatie ?
4 R. Trois.
5 Q. Vous souvenez-vous de leurs noms ?
6 R. Il y en avait un qui s'appelait Jovic. J'ai oublié.
7 Q. Un s'appelait Jovic, et l'autre ?
8 R. Gajovic, non pas Jovic, mais Gajovic.
9 Q. Cela fait une personne, et les autres ?
10 R. Micic.
11 Q. Le troisième ?
12 R. Pour autant que je m'en souvienne, Todorovic.
13 Q. Sont-ils tous rentrés ?
14 R. Oui.
15 Q. Ils sont partis pour combien de temps ? Ils ne sont peut-être pas
16 partis en même temps.
17 R. Ils ne sont pas partis très longtemps, 15 jours, voire un mois. Ils
18 sont rentrés après. Ils ne sont pas allés travailler. Ils s'étaient
19 intégrés à leur unité et faisaient partie de l'armée. Ils ne sont pas
20 revenus travailler.
21 Q. A quelle unité appartenaient-ils ?
22 R. Les Unités de l'armée, je ne connais pas le nom de ces unités.
23 Q. Il ne s'agissait pas de Chetniks, n'est-ce pas ?
24 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas à quel organisme ils appartenaient.
25 Q. Y avait-il quelque chose qui aurait pu vous faire croire que vos
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1 collègues pouvaient être considérés comme des Chetniks ?
2 R. Voilà comment nous abordions la question : les gens qui étaient attirés
3 par ces mouvements radicaux étaient les premiers à partir au front. A
4 savoir si oui ou non, s'ils en étaient bien, je ne sais pas. C'est en tout
5 cas comme cela que nous comprenions les choses. Nous pensions qu'ils en
6 étaient.
7 Q. Je vais essayer de poser ma question clairement. Hormis le fait qu'ils
8 soient allés se battre sur le front en Croatie, avez-vous tout autre
9 élément d'information permettant de croire que ces personnes ou vos
10 collègues pouvaient être considérés comme des Chetniks ?
11 R. Je ne sais pas.
12 Q. N'avez-vous jamais entendu parler de quelqu'un qui porte le nom de Jovo
13 Civkovic -- Svicovic, je crois, est sans doute une prononciation plus
14 appropriée. Jovo Svicovic, n'avez-vous jamais entendu parler de ce nom-là ?
15 R. Le nom de famille ne me dit pas grand-chose. Il est vrai que c'était un
16 nom de famille usuel dans la municipalité de Pale. Peut-être qu'il venait
17 d'une autre région. Non, cela ne me dit rien.
18 Q. Peut-être que vous ne connaissez personne de ce nom-là. C'est cela que
19 vous dites, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, je ne connais personne de ce nom-là, portant ce nom de famille.
21 Q. Car les choses se sont présentées comme suit, n'est-ce pas, Monsieur
22 Crncalo, il n'y a eu qu'un tout petit nombre d'hommes qui est parti en
23 Croatie, n'est-ce pas ? Il y a très peu d'hommes qui sont allés se battre
24 en Croatie, n'est-ce pas, beaucoup moins de cette cinquantaine d'hommes que
25 vous avez évoquée ?
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1 R. Comme je vous l'ai dit, ces 50 hommes sont basés sur ma propre
2 estimation. Je crois que j'ai raison en disant cela. Le fait que je ne
3 puisse pas vous donner le nom et le prénom de chaque personne est quelque
4 chose auquel je ne peux rien.
5 Q. Vous pourriez vous tromper, car il est fort possible qu'un nombre
6 beaucoup moins important d'hommes soit allé sur le front croate; c'est
7 exact ?
8 R. Je m'en tiendrai à ce que j'ai déjà dit.
9 Q. Est-il exact de dire que peu de temps avant l'éclatement de la guerre,
10 deux de vos cousins ont été arrêtés ?
11 R. Oui, c'est exact. C'est vrai.
12 Q. Ils ont été arrêtés car ils avaient pris part à un commerce d'armes
13 illicites ?
14 R. La vente d'armes, je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de cela.
15 Q. Est-ce qu'ils vivaient dans le même village que vous ? Radacici, n'est-
16 ce pas ?
17 R. Non, je n'ai pas vécu là-bas depuis 1969. Je ne vivais pas là-bas.
18 C'est vrai que j'y suis né, mais je ne vivais pas là-bas.
19 Q. Vos cousins, habitaient-ils Radacici en 1992 ?
20 R. J'avais de la famille là-bas.
21 Q. Nous parlons de ces deux cousins qui se sont faits arrêter. Pourriez-
22 vous tout simplement nous donner leurs noms à eux ? Pensez à eux pour qu'il
23 n'y ait pas d'ambiguïté. Quels sont les noms de ces deux cousins à vous,
24 qui ont été arrêtés ?
25 R. Nisad et Emir Crncalo ont été arrêtés à la station d'autocars de Pale.
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1 Ils ont été placés en détention pendant à peu près trois heures. Ensuite,
2 ils ont été libérés.
3 Q. Habitaient-ils Radacici tous les deux ?
4 R. Non, ils habitaient Pale, pas Radacici.
5 Q. Ils étaient frères, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Nisad et Emir étaient frères en effet.
7 Q. Il est exact, n'est-ce pas, qu'ils ont été arrêtés par rapport au
8 commerce d'armes illégal ?
9 M. HANNIS : [interprétation] Objection, puisque la question a déjà été
10 posée.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, mais je ne sais pas
12 comment il a répondu.
13 M. STEWART : [interprétation] Oui, il a répondu, mais pas très précisément.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Crncalo, savez-vous pour quelle
15 raison vos cousins ont-ils été arrêtés ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce matin justement, j'ai dit --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande tout simplement si vous
18 savez pour quelle raison vos cousins ont-ils été arrêtés.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le sais.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quels étaient les motifs de leur
21 arrestation ? Est-ce qu'ils ont été accusés de quelque chose ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] On les a ramassés dans la rue, et on les a
23 amenés. Ils étaient au nombre de 19. Mes deux cousins étaient là. Ce qui
24 les concerne, eux, je connais la raison. Je connais les motifs. Pour les
25 autres, non.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on les a accusés de quoi que
2 ce soit ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ils étaient Musulmans. C'est pour cela
4 qu'on les a amenés dans la prison. Nous avons intervenu et nous sommes
5 allés les voir au poste de police, et on les a libérés. Ils étaient au
6 nombre de 19, depuis ils n'ont jamais été arrêtés à nouveau.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Stewart.
8 M. STEWART : [interprétation]
9 Q. Monsieur Crncalo, ceci n'est pas exact. Vos deux cousins qui ont été
10 arrêtés, ont été amenés à la prison centrale de Sarajevo ?
11 R. Pourrez-vous me donner le nom de ces personnes ?
12 Q. Puisque vous avez d'autres cousins qui ont été arrêtés en 1992, hormis
13 ces deux hommes, les deux frères que vous venez de mentionner ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer d'éclaircir cela. Le
15 témoin a dit : "c'est pour cela qu'ils ont été emprisonnés, parce qu'ils
16 étaient Musulmans." Ensuite, vous lui posez la question qui suit, après que
17 le témoin a dit qu'il s'était rendu lui même au poste de police pour les
18 libérer. Qu'ils ont été libérés, et là vous lui dites, non, ce n'est pas
19 exact, puisque vos deux cousins ont été amenés à la prison centrale de
20 Sarajevo. Qu'est-ce qui n'est pas exact ? Qu'est-ce qui n'est pas vrai ?
21 M. STEWART : [interprétation] Effectivement, je fais une supposition.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le poste de police, ce n'est pas la
23 prison.
24 M. STEWART : [interprétation] Oui, peut-être. Tout d'abord, je vais essayer
25 d'éclaircir cela.
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1 Q. Pourriez-vous nous donner le nom de vos deux cousins qui ont été
2 arrêtés et placés en détention pendant deux ou trois heures. Je pense que
3 c'est ce que vous avez dit ?
4 R. Le poste de police de Pale. C'est là-bas qu'ils ont été amenés.
5 Q. Vous dites qu'on ne les a jamais amenés à la prison de Sarajevo.
6 R. Non, jamais.
7 Q. Je vous dis que ce n'est pas vrai, qu'ils ont été, en effet, arrêtés et
8 emmenés à la prison centrale de Sarajevo.
9 R. Est-ce que vous me permettez de faire un commentaire ?
10 Q. Oui, vous pourrez éventuellement répondre à ma question. C'est le droit
11 que vous avez.
12 R. La question que vous me posez, bien je peux vous répondre avec
13 certitude qu'ils n'ont jamais été amenés à la prison de Sarajevo. C'est les
14 hommes dont je viens de donner les noms qui ont été arrêtés et emmenés au
15 poste de police de Pale avec 17 autres personnes. Ils y sont restés deux ou
16 trois heures. Ils ont été libérés par la suite.
17 Q. Est-ce que vous avez d'autres cousins qui ont été arrêtés en 1992 ?
18 R. Je ne sais pas. J'ai certainement d'autres cousins, mais je ne suis pas
19 au courant qu'ils aient été éventuellement arrêtés.
20 Q. Quand vous avez été arrêté vous-même, vous avez décrit cela ce matin,
21 vous étiez en train de porter un fusil, n'est-ce pas, en réalité ?
22 M. HANNIS : [interprétation] Non, le témoin n'a pas dit cela. Il a dit que
23 le fusil était adossé à sa maison.
24 M. STEWART : [interprétation] Non, non. Moi, je ne cite à tort. Moi, je ne
25 dis pas qu'il a accepté cela, mais je lui donne mon avis. J'avance mon
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1 argument. C'est ma thèse à moi.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai que vous n'avez pas dit
3 qu'il a dit cela. Mais vous avez dit que --
4 M. STEWART : [interprétation] Peut-être c'est la façon dont la question a
5 été posée. Je lui ai posé la question comme suit : quand on vous a arrêté,
6 arrêté comme vous l'avez décrit ce matin, je pense je vous ai dit que
7 contrairement à ce que vous avez dit ce matin, vous portiez un fusil.
8 R. Je n'avais pas de fusil. Mon fusil était contre le mur de ma maison.
9 M. STEWART : [interprétation] Est-ce qu'on peut les laisser à cet endroit
10 jusqu'à demain matin, et lever la séance à présent ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On va les laisser là jusqu'à
12 9 heures demain matin.
13 Monsieur Crncalo, demain nous allons continuer à 9 heures dans un autre
14 prétoire, enfin, dans la salle numéro I. Je vous demande de ne parler avec
15 qui que ce soit au sujet de votre déposition, puisque votre déposition va
16 continuer et va se poursuivre demain. N'en parlez à personne et j'espère
17 vous voir demain à 9 heures. Je vais demander à l'Huissière de conduire le
18 témoin en dehors du prétoire.
19 Maître Stewart, est-ce que vous pouvez nous dire d'ores et déjà si vous
20 avez besoin de l'original du document, si vous souhaitez qu'on le garde ou
21 non.
22 M. STEWART : [interprétation] Je veux dire que je n'en ai pas besoin, mais
23 je pense qu'il serait utile que les Juges de la Chambre l'ont, que ce
24 document soit gardé.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous savons cela, mais je
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1 voudrais savoir si vous en avez besoin, sinon, nous le rendons au témoin.
2 M. STEWART : [interprétation] Il n'y a pas de problème. Si le témoin est
3 là, si on lui demande, si des questions se posent au sujet de ce document,
4 et le document serait là.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, dans ce cas-là, pour que ceci soit
6 parfaitement clair au Procureur, je voudrais savoir quels sont les détails
7 qui pourraient éventuellement s'ajouter à la présentation du Procureur. Il
8 en va de même pour vous Maître Stewart.
9 Monsieur Hannis, est-ce que vous avez d'autre question ?
10 M. HANNIS : [interprétation] C'est concernant l'ordre du jour. Nous n'avons
11 encore qu'un témoin pour ces sept jours, mais c'est un témoin qui ne
12 devrait pas arriver avant samedi, et qui va témoigner à partir de lundi. A
13 partir du moment où nous en avons terminé avec M. Crncalo, nous n'avons pas
14 d'autre témoin pour cette semaine. Je ne sais pas si vous souhaitez que
15 l'on termine avec M. Crncalo, ensuite que l'on lise un certain nombre de
16 résumés en vertu de l'Article 92 bis, que nous parlons ensuite de la liste
17 des témoins, et cetera, que nous parlons avec nos projets futurs et peut-
18 être de quelques questions transcendances.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai que nous pouvons
20 résoudre des points qui n'ont pas été encore résolus, comme par exemple la
21 question de Sanski Most, la pièce de conviction s'y afférent. Nous ne
22 l'avons pas encore fait. Il faudrait aussi lire des documents pour le
23 compte rendu d'audience. De l'autre côté, je dois vous dire que nous sommes
24 un petit peu déçus que vous n'avez pas pu prévoir que vous allez travailler
25 plus rapidement que prévu. J'ai bien peur que nous ne puissions pas le
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1 changer à présent, mais vous avez dû le prévoir un petit peu plus tôt.
2 Comme cela nous n'avons gagné que quelques minutes, et ceci ne nous
3 convient pas parfaitement.
4 M. HANNIS : [interprétation] Je vous comprends. Nous allons nous efforcer
5 de faire mieux la prochaine fois. Il y a eu aussi des témoins que l'on n'a
6 pas contre-interrogés. D'ailleurs, cela ne me dérange pas. C'est très bien.
7 C'est très difficile de tout prévoir.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que vous ne pouvez pas
9 prévoir tout, mais même avec ce contre-interrogatoire, quel a pu durer deux
10 heures, nous serions pratiquement dans la même situation, avec deux heures
11 de plus.
12 M. STEWART : [interprétation] Je dois vous dire que nous comprenons très
13 bien les problèmes du Procureur, car c'est très difficile de prévoir ces
14 choses-là. Nous essayons de faire tout ce que nous pouvons nous aussi, mais
15 à chaque fois ce n'est pas facile. Ce n'est pas très facile de tout prévoir
16 et d'être parfaitement efficace. Même nous, nous allons peut-être devoir
17 faire face à des critiques quant au temps perdu. Le Procureur fait les
18 mêmes choses que nous l'aurions faites.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au moins nous allons --
20 [aucune interprétation]
21 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le vendredi 3
22 septembre 2004, à 9 heures 00.
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