Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 15 mars 2005

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Madame la

  6   Greffière.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le cas IT-00-39-T le Procureur contre

  8   Momcilo Krajisnik.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 10   Monsieur Margetts, êtes-vous prêt à poursuivre l'interrogatoire principal

 11   du témoin ?

 12   M. MARGETTS : [interprétation] Oui.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était ma première question pour vous.

 14   Maintenant, je vais demander que le témoin entre dans le prétoire.

 15   Est-ce que vous avez à me dire quelque chose, Monsieur Harmon, pour la

 16   semaine prochaine ?

 17   M. HARMON : [interprétation] Nous avons essayé de contacter le témoin, et

 18   nous aurons un rapport cet après-midi.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous m'informerez.

 20   M. HARMON : [interprétation] Sans tarder, cet après-midi, si on finit par

 21   apprendre quelque chose, je vous informerez.

 22   Mme LOUKAS : [interprétation] En attendant que le témoin rentre dans le

 23   prétoire, je voudrais dire pour le compte rendu d'audience, que j'exprime

 24   ma gratitude à M. Sam Lowery du Greffe et de l'assistance juridique qui

 25   nous a assisté hier soir à 6 heures de trouver un interprète.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais qu'ils apprécieront beaucoup

  2   cette expression publique de votre gratitude.

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire] 

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Djokanovic, est-ce que vous me

  6   comprenez dans une langue que vous comprenez ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous rappeler que vous êtes

  9   toujours sous votre déclaration solennelle donnée avant de commencer à

 10   déposer. Monsieur Margetts, veuillez procéder, s'il vous plaît.

 11   LE TÉMOIN : DRAGAN DJOKANOVIC [Reprise]

 12   [Le témoin répond par l'interprète]

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de donner parole à

 14   Me Margetts pour qu'il poursuive votre interrogatoire, je voudrais vous

 15   demander de ralentir un peu le débit de votre discours, de ralentir le

 16   rythme de votre discours, parce que tout ce que vous dites doit être

 17   interprété en anglais et en français. Les interprètes ont de la peine à

 18   vous suivre.

 19   Maître Margetts, veuillez procéder.

 20   M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   Interrogatoire principal par M. Margetts [Suite]

 22   Q.  [interprétation] Docteur Djokanovic, avant de lever la séance hier,

 23   nous avons examiné les transcripts des entretiens que vous avez eus avec Dr

 24  Karadzic. Nous voudrions, ce matin, poursuivre l'analyse de ces transcripts.

 25   M. MARGETTS : [interprétation] Je vous prie de montrer au témoin la pièce à


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  1   conviction P548A.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est le transcript de la

  3   conversation du 29 décembre. Ce document porte notre numéro

  4   CD-41-28-11/02/051. Oui.

  5   M. MARGETTS : [interprétation]

  6   Q.  Docteur Djokanovic, au début de cet entretien, vous rapportez à Dr

  7   Karadzic quelque chose lié aux événements qui ont eu lieu. Je voudrais

  8   maintenant attirer votre attention sur la partie de l'entretien où vous

  9   dites : "Plus de 40 parties." Karadzic répond : "Plus de 40." Vous dites

 10   alors : "Vojo a déclaré ces guérilleros." Karadzic dit : "Qui, Seselj ?"

 11   Vous dites : "Oui." Est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre à quoi

 12   cela a trait ?

 13   R.  L'entretien entre Dr Karadzic et moi-même. La veille de la convention

 14   sur la Yougoslavie, le 26 décembre 1991, il y avait une réunion à la

 15   présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, où il y

 16   avait les représentants des partis politiques de Bosnie-Herzégovine. A

 17   cette réunion, nous nous étions mis d'accord de mettre en place un corps de

 18   coordination pour préparer une convention sur la Yougoslavie au parlement

 19   fédéral, à laquelle se présenteraient tous les partis intéressés de toutes

 20   les républiques yougoslaves. C'est cela le sujet de cet entretien entre

 21   moi-même et Dr Karadzic. On m'avait informé de Belgrade où se trouve le

 22   secrétariat de ce corps de coordination, que 40 partis s'étaient déclarés

 23   pour participer à cette convention sur la Yougoslavie. Comme nous avions

 24   dit que Mr. Seselj avait déclaré son parti aussi, j'en ai informé

 25   Dr Karadzic en voulant savoir quelle était sa réaction.


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  1   Il a compris quand j'ai dit Vojo aussi. A cette époque-là, le Parti radical

  2   serbe avait deux ailes; le parti proprement dit et le mouvement de Chetnik

  3   serbe. Je lui avais posé la question en voulant voir quelle est la réaction

  4   de Karadzic. Il a fait une évaluation de ce que j'ai dit en posant

  5   justement juste la question : Qui est Seselj ? Ensuite, sans trop réagir,

  6   il a passé à un autre sujet, à savoir qu'il a parlé à Micunovic qui était à

  7   l'époque, à cette époque-là, président du Parti démocrate. On s'est mis

  8   d'accord pour que j'envoie un fax à Micunovic, président du Parti démocrate

  9   pour que son parti participe également à cette réunion.

 10   Q.  Docteur Djokanovic, il est notoire que le parti de Vojislav Seselj

 11   recrutait les volontaires qui avaient fait la guerre en Croatie et en

 12   Bosnie, notamment vers la fin de l'an 1991 --

 13   Mme LOUKAS : [interprétation] Je suis contre que l'on témoignage en posant

 14   des questions. Ceci est incorrect, et j'ai une objection contre cette façon

 15   d'interroger.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Margetts, j'ignore en quoi

 17   consistait votre question, mais si votre question a été ce que vous venez

 18   de dire au témoin, c'est vraiment suggestif et incorrect, entièrement

 19   suggestif.

 20   M. MARGETTS : [interprétation]  Oui, Monsieur le Président, j'en suis

 21   conscient. Il s'agissait d'une notoriété. Je vais reformuler la question de

 22   façon qu'elle ne soit pas suggestive.

 23   Q.  Docteur Djokanovic, est-ce que vous savez si Vojislav Seselj recrutait

 24   les volontaires pour qu'ils combattent dans les conflits qui ont eu lieu

 25   dans la région dans la fin de l'an 1991 ?


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  1   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, c'est toujours une

  2   question suggestive.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, partiellement suggestive. Je vais

  4   reprendre.

  5   Docteur Djokanovic, qu'est-ce que vous pouvez nous dire des activités de

  6   Vojislav Seselj à cette époque-là, et quelles étaient ses activités

  7   principales à cette époque-là ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] A propos des activités des

  9   M. Seselj, je n'ai pu vous dire que ce que j'ai vu dans les médias, à la

 10   télé, dans les journaux. Je ne connais pas M. Seselj. La première fois, je

 11   l'ai vu à cette convention du 3 janvier quand il s'est présenté avec sa

 12   délégation. Je sais des médias, qu'il avait organisé des personnes, des

 13   volontaires qui combattaient en Croatie, ensuite, en Bosnie. C'est tout. En

 14   sachant qu'il envoyait des volontaires en Croatie, j'avais posé la question

 15   à Karadzic pour prendre une position, parce que lui aussi, il était membre

 16   de ce corps de coordination, convention sur la Yougoslavie, pour savoir

 17   quelle position pourrait-il prendre face à Seselj.

 18   C'est une question qui a été posée aussi dans la salle de l'assemblée du

 19   parlement. Quand ils ont vu Seselj s'asseoir au deuxième rang avec ses

 20   hommes, on a posé la question : Que faut-il faire ? J'ai répondu : Il a un

 21   parti enregistré en Serbie. Il est venu avec ses représentants. C'est un

 22   homme libre, il a le droit de s'asseoir où il veut. Chacun qui vient peut

 23   s'asseoir où il veut. Il n'y avait pas de position particulière

 24   différenciée d'une position politique par rapport à Vojislav Seselj et à

 25   son parti. Il y avait une aile de son parti qui était discutable, mais on


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  1   n'avait pas de position particulière à son égard.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous avez dit dans cet entretien

  3   téléphonique que Vojo avait déclaré des guérilléros, est-ce que vous

  4   entendez les volontaires de Seselj ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6  M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous l'avez appris des médias,

  7   ou vous en aviez été informé autrement ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Des médias, tout simplement.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Maître Margetts.

 10   M. MARGETTS : [interprétation]

 11   Q.  Docteur Djokanovic, en répondant aux questions précédentes, vous avez

 12   mentionné la convention sur la Yougoslavie. Durant janvier et février 1992,

 13   est-ce que vous avez travaillé activement à Belgrade à la convocation de la

 14   convention sur la Yougoslavie ?

 15   R.  Après la réunion à la présidence de la République socialiste fédérative

 16  de Yougoslavie le 26 janvier 1991, ce corps de coordination a été constitué,

 17   composé des représentants des partis de Bosnie-Herzégovine. J'étais à la

 18   tête de ce corps de coordination.

 19   Nous nous étions mis d'accord pour mettre en place un secrétariat, et

 20  l'état fédéral nous a offert ses bons services; la logistique, un téléphone,

 21   des bureaux et une personne qui pourrait être de service à côté du

 22   téléphone. Tout le temps, ces quelque cinq ou six jours, je me suis rendu à

 23   Belgrade pour voir comment les choses évoluaient. Ensuite, le 2 janvier

 24   1992, tous ensemble, nous de Bosnie-Herzégovine, nous nous sommes rendus à

 25   Belgrade en vue de cette convention.


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  1   Q.  Monsieur le Président, on mentionne une date, janvier 1991, à la ligne

  2   16. Je veux clarifier cela avec le témoin.

  3   Docteur Djokanovic, à quelle date a eu lieu la session de la présidence que

  4   vous avez mentionnée ?

  5   R.  Le 2 janvier 1992.

  6   Q.  Durant la période de janvier et de février 1992 --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Margetts, je pense que la

  8  question n'a pas été clarifiée. Vous avez mentionné deux dates; la première,

  9   celle où la réunion a eu lieu à la présidence de la République socialiste

 10   fédérative de Yougoslavie, lorsque ce corps de coordination a été mis en

 11   place composé des présidents des partis, et l'autre date était celle où

 12   vous tous de Bosnie, vous vous êtes rendus à Belgrade.

 13   Cette première date de la tenue de la réunion de la fondation de ce corps

 14   de coordination, quelle était cette date ? Parce que nous avons ici le 26

 15   janvier 1991.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, le 26 décembre 1991.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maintenant, c'est clarifié.

 18   Veuillez procéder, Maître Margetts.

 19   M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   Q.  Docteur Djokanovic, pouvez-vous dire à la Chambre où vous trouviez-vous

 21   en janvier et février 1992, autrement dit, dans quelle période vous étiez à

 22   Belgrade, et dans quelle période vous étiez à Sarajevo ?

 23  R.  A l'issue de la convention, j'ai regagné Sarajevo. A plusieurs reprises,

 24   je suis allé à Belgrade pour les sessions du conseil fédéral du comité qui

 25   prépare le texte de la convention sur la Yougoslavie. Après cette


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  1   convention sur la Yougoslavie, ou en plus des partis de Bosnie-Herzégovine,

  2   à cette réunion, à l'assemblée fédérale, celle du 2 janvier 1992, il y

  3  avait aussi des partis de Serbie, du Monténégro, de Macédoine et de Croatie.

  4   Il y avait plus de 100 participants. Quand je dis plus de 100, je pense aux

  5   organisations. Je ne me souviens pas exactement du nombre de celles qui ont

  6   signé cette convention.

  7   La conclusion de cette convention a été que le parlement fédéral devait

  8   prendre -- adopter un acte politique global pour le règlement de la crise

  9   politique en République socialiste fédérative de Yougoslavie.

 10   L'un des comités du conseil fédéral avait la tâche de préparer le texte de

 11   la loi qui règlerait globalement la crise yougoslave. C'est à ce propos que

 12   je me suis rendu à Belgrade pas plus que deux ou trois fois. Ensuite, nous

 13   avons eu une nouvelle réunion le

 14   14 février 1992. Cette fois, à cette réunion, assistait uniquement ceux qui

 15   avaient signé le texte de la convention du début

 16   janvier 1992.

 17   Q.  Docteur Djokanovic, merci pour cette explication.

 18   Maintenant, passons au mois de mars 1992. Je demande que l'on montre au

 19   témoin non pas les deux suivantes pièces à conviction, nous allons les

 20   sauter, mais nous allons passer immédiatement à la session de l'assemblée.

 21   Ce sont des documents qui sont marqués par les numéros 25, 26 et 27 sur la

 22   liste des pièces à conviction, qui ont été présentés déjà par le témoin

 23   Treanor.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez assuré les copies ?

 25   Je crois que le numéro 25 est déjà là, numéro déjà reçu.


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  1   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, ce sont des documents

  2   assez volumineux, et nous n'avons pas pu préparer le nombre habituel de

  3   copies. Ces documents se trouvent dans le registre du Greffe. Le document,

  4   maintenant, sera mis sur le rétroprojecteur.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce doit être comme cela. Est-ce que

  6   vous avez informé d'avance le Greffe quels sont les documents que vous

  7   utiliserez quand ? Si nous nous mettons à les rechercher maintenant, cela

  8   nous prendra beaucoup de temps. Sinon, Mlle Philpott aurait pu faire le

  9   nécessaire bien en avance.

 10   Je comprends maintenant que vous avez informé Mlle Philpott, mais à ce

 11   moment, nous n'avons pas un exemplaire pour le témoin. Il faut qu'il soit

 12   clair dès le début qu'il faut faire de sorte à faire économie du temps dans

 13   le prétoire et de citer bien à l'avance tous les documents qui auront été

 14   présentés au témoin.

 15   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer

 16   d'assister notre assistant. Je lui ai dit que. C'est maintenant la course à

 17   la recherche.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est maintenant la course à la

 19   recherche de documents, et c'est le Greffe qui a remporté la course. S'il

 20   vous plaît, mettez la version anglaise sur le rétroprojecteur.

 21   M. MARGETTS : [interprétation] Les pages qui nous intéressent sont de la

 22   page 12 de la traduction et les suivantes.

 23   Monsieur le Président, des passages de texte en anglais auxquels je me

 24   référerai sont des discours de M. Krajisnik à la

 25   page 12; le discours de Dr Djokanovic qui s'enchaîne sur le discours de M.


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  1   Krajisnik, et commence à la page 14 et se poursuit jusqu'à la page 15.

  2   Q.  Docteur Djokanovic, vous avez maintenant devant vous le document

  3   consacré à la session de l'assemblée du 18 mars 1992; est-ce correct ?

  4   R. Oui, c'est correct.

  5   Q.  Docteur Djokanovic, est-ce que vous avez assisté à cette assemblée du

  6   18 mars 1992 ?

  7   R.  Oui, j'y ai assisté.

  8   Q.  Je vous prie à présent d'ouvrir ce sténogramme, et cela à la page 14 où

  9   commence le discours de M. Krajisnik. Je vous prie de faire lecture du

 10   texte jusqu'à la page 17 où M. Krajisnik termine son discours, et où

 11   commence le vôtre. Ensuite, je vous prie de faire lecture de votre discours

 12   aussi presque jusqu'à la fin de la page 18. C'est la version B/C/S.

 13   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je vous demander

 14   si vous avez une copie des ces pages ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, nous lisons à partir du -- bien

 16   sûr, la Greffière a une copie entre les mains --

 17   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, le commis d'audience

 18   m'informe que nous avons neuf copies de cela.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous avons perdu déjà trois

 20   minutes pour trouver le bon document sur le rétroprojecteur. Je comprends

 21   maintenant que nous allons perdre encore trois minutes pour la distribution

 22   de ces neuf copies. --

 23   M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président pour votre

 24   conseil. Monsieur le Président, si je puis suggérer que --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Personne ne s'oppose à ce que l'on


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  1   prenne cinq minutes pour la distribution des copies ?

  2   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, bien sûr, je réprime

  3   la même irritation.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que nous commençons à la

  5   page 14, Monsieur Margetts ?

  6   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, si nous pouvions

  7   commencer à la page 12 et lire jusqu'à la page 15.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai lu.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

 10   M. MARGETTS : [interprétation]

 11   Q.  Docteur Djokanovic, vous souvenez-vous d'avoir fait le discours qui

 12   commence à la page 16 de votre exemplaire ?

 13   R.  Le mois de mars était un mois très important. Je me souviens très bien

 14   des sessions de l'assemblée et des discours faits par les personnages

 15   politiques les plus importants à l'époque.

 16   Q.  Tout d'abord, j'aimerais vous demander d'examiner le premier paragraphe

 17   de votre discours dans lequel vous dites : "En guerre ou en paix, il y a eu

 18   des discussions où le sens commun prévalait." Voulez-vous bien dire à la

 19   Cour ce que vous vouliez dire quand vous avez fait ces remarques ?

 20   R.  J'ai dit quelque chose qui ressemblait à cela pour répondre à la

 21   question posée par M. le Président. L'établissement de l'assemblée du

 22   peuple serbe est arrivé quelques jours après l'adoption du mémorandum sur

 23   la dépendance de Bosnie-Herzégovine, qui avait été adopté à la majorité

 24   parlementaire sans principe ou "unprincipled". Je dis sans principe parce

 25   que c'était une majorité. C'était une coalition où les trois partis ont


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  1   rejeté deux partis. Le troisième parti a, ensuite, adopté le mémorandum qui

  2   était contre la volonté du troisième parti.

  3   J'ai dit hier qu'il y avait une certaine euphorie du côté du SDN, du

  4   SDA et du HDZ alors que du côté du SDS leurs politiciens et leurs

  5   supporters ressentaient plutôt de la rage. Lors de l'assemblée d'ouverture

  6   de l'assemblée du peuple serbe, il y avait des discussions sur le fait de

  7   savoir que nous devrions entamer une guerre parce que les gens étaient

  8   enragés. Ceux qui prenaient la parole voulaient résoudre la crise politique

  9   de manière pacifique. Ils disaient que nous avions assez de gens capables,

 10   de ressources humaines pour essayer de trouver une solution qui nous

 11   permette de sortir de cette situation extrêmement compliquée.

 12   Q.  Docteur Djokanovic, je voudrais vous demander, à l'avant-dernier

 13   paragraphe de votre discours, un petit peu plus loin dans ce passage, vous

 14   déclarez que vous aimeriez dire quelque chose ici et vous dites: "Ce qui

 15   est arrivé aux représentants officiels du plus haut niveau du peuple serbe

 16   de Bosnie-Herzégovine, ils ont dit publiquement que la Yougoslavie

 17   n'existait plus."

 18   Quelles étaient les implications d'une telle déclaration, de dire que la

 19   Yougoslavie n'existait plus ?

 20   R.  Dans l'avant-dernier paragraphe ou passage, j'ai dit que je soutenais

 21   les efforts consentis par ceux qui participaient dans les négociations et

 22   que la réussite ne semblait pas loin dans ce processus de négociation pour

 23   le peuple serbe. Quand je dis, pour le peuple serbe, cela veut dire que

 24   c'était une solution qui allait être acceptable pour les trois peuples et

 25   ce qui serait équivalent à la réussite pour le peuple serbe, puisque nous


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  1   ne voulions ni plus, ni moins que les deux autres peuples.

  2   Au cours de ces journées, certaines déclarations étaient publiées dans les

  3   médias. J'y ai fait référence, comme M. Krajisnik a dit, que la Yougoslavie

  4   n'existait plus. J'ai dit qu'aucun des politiciens ne pouvait se permettre

  5   de faire une telle déclaration parce que nous devrions essayer de tirer

  6   notre force du plébiscite tenu par le peuple serbe à la fin de 1991, au

  7   cours duquel les Serbes avaient fait appel à tous les membres d'autres

  8   ethnies, d'autres religions, à voter pour rester au sein de ce pays que

  9   nous aimions.

 10   Si qui que ce soit allait démanteler la Yougoslavie, cela n'allait pas être

 11   les politiciens serbes puisque le peuple serbe a dit qu'ils voulaient

 12   rester au sein de la Yougoslavie. Maintenant, il y a une conférence en

 13   Bosnie-Herzégovine. Il faut se concentrer sur la conférence, et essayer de

 14   trouver une solution pour sortir de ce problème. Voilà le message que je

 15   leur ai adressé.

 16   Q.  Dans le contexte du discours que vous avez fait, le fait que vous ayez

 17   fait référence au fait que des officiels de haut niveau ont dit que la

 18   Yougoslavie n'existait plus, que pensiez-vous allait être les implications

 19   d'une telle déclaration ?

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Cette question a été posée et répondue par le

 21   témoin quand il a répondu en relation avec les implications du fait que la

 22   Yougoslavie n'existera plus.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

 24   M. MARGETTS : [interprétation] La question a certainement été posée, mais

 25   j'avais le sentiment que je n'avais pas obtenu une réponse.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez une opportunité d'essayer de

  2   trouver des éclaircissements, pour voir si votre question a été vraiment

  3   répondue.

  4   M. MARGETTS : [interprétation]

  5   Q.  Docteur Djokanovic, à votre avis, dès qu'il a été accepté que la

  6   Yougoslavie n'existait plus, qu'est-ce qui allait s'en suivre ?

  7   R.  Si les politiciens serbes acceptaient que la Yougoslavie n'existait

  8   plus, à ce moment-là, il n'y avait plus de raisons de rester dans la scène

  9   politique parce que la future République serbe et ses éléments constitutifs

 10   se basait ou était étayé par le vote du peuple serbe et de tous ceux qui

 11   étaient en faveur de rester dans la Yougoslavie. Le résultat de ce vote

 12   était beaucoup plus haut qu'attendu, en tout cas, pour ce qui est du peuple

 13   serbe.

 14   Q.  Quand vous dites que les politiciens serbes n'avaient pas de raison de

 15   rester dans l'arène politique, quelles étaient les options restant pour les

 16   politiciens serbes ?

 17   R.  Nous quittions l'assemblée, nous sortions de l'assemblée; mais même si

 18   la majorité parlementaire qui avait été formée n'avait pas de principes,

 19   n'était pas basé sur un principe, c'était une majorité, néanmoins. Le SDA

 20   et le HDZ avaient également une base logique, une raison de dire qu'ils

 21   étaient une majorité parlementaire. C'était simplement une option politique

 22   ou une des options politiques qui allait à l'encontre de ceci. Alors,

 23   pourquoi est-ce qu'un point de vue politique devait représenter tout le

 24   monde ? Nous quittions l'assemblée. Nous avons établi une assemblée du

 25   peuple serbe, qui évidemment, a bénéficié du soutien du peuple serbe.


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  1   Ensuite, nous avons mis sur pied la République serbe de Bosnie-Herzégovine,

  2   mais c'était tout ce que nous pouvions faire, une fois que nous étions

  3   séparés de l'assemblée bosnienne. Nous devions aller jusqu'au bout pour

  4   retourner à un fonctionnement normal, une fois que l'autre parti, les

  5   autres, à l'avenir, réalisent ce qu'ils avaient fait.

  6   Q.  Docteur Djokanovic, au début de votre discours, vous avez fait

  7   référence à l'option de la guerre. Est-ce que la guerre était une option

  8   pour les politiciens ?

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, pour

 10   ce qui a trait à cette dernière question, la question de savoir ce que M.

 11   Djokanovic voulait dire quant à cet aspect particulier de son discours, la

 12   question a déjà été posée au témoin et répondue par le témoin.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où pouvons-nous trouver la réponse à

 14   cette question ? Où exactement, Madame Loukas ?

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] C'était en rapport -- je vérifie, si vous me

 16   le permettez --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était si la guerre était une

 18   des options envisagées par les politiciens.

 19   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je fais référence à la

 20   question posée par M. Margetts au témoin, sur la partie ou cette partie de

 21   son discours; la question, n'était pas seulement de savoir si la guerre

 22   était une option pour les politiciens, mais elle fait référence au discours

 23   de M. Djokanovic  et la question a été posée au témoin, au Dr Djokanovic,

 24   sur la possibilité de la guerre et la paix.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Objection refusée.


Page 10549

  1   Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

  2   M. MARGETTS : [interprétation]

  3   Q.  Docteur Djokanovic, est-ce que la guerre était une option pour les

  4   politiciens serbes ?

  5   R.  Dans des cas de crise politique grave, la guerre est toujours une

  6   option, pas seulement dans cette région, mais les politiciens font de leur

  7   mieux pour éviter la guerre. Encore une fois, je fais référence à la

  8   Bosnie-Herzégovine et à l'assemblée du peuple serbe. Certains des députés

  9   présents avaient le sang chaud et voulaient trouver une solution radicale à

 10   cette crise. Mais j'ai dit que la plupart des députés dans le parlement

 11   étaient en faveur d'une solution pacifique et malgré la gravité de la

 12   situation politique, ils voulaient trouver une solution juste et pacifique.

 13   Q.  Le 18 mars 1992, quels avaient été les politiciens qui ont fait des

 14   discours qui suggéraient qu'ils voulaient trouver une solution radicale à

 15   la crise ?

 16   R.  Je ne me souviens pas, à ce jour, les noms de ces personnes. Je vois

 17   des images de certaines personnes qui étaient très radicales dans leur

 18   discours à l'assemblée, en général, mais je ne peux pas dire avec certitude

 19   que c'étaient eux qui avaient fait des discours ce jour-là.

 20   Q.  Docteur Djokanovic, juste avant que vous ne fassiez votre discours,

 21   vous avez parlé de la guerre étant une option. Vous avez fait une référence

 22   à des déclarations, comme quoi la Yougoslavie n'existait plus. M. Krajisnik

 23   a fait un discours et voici ce qu'il a dit. Il a dit : "Quel est le

 24   problème ? Je crois que le problème, c'est qu'ils veulent que la Bosnie-

 25   Herzégovine soit reconnue internationalement à n'importe quel coût, ils


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  1   veulent que la Bosnie-Herzégovine soit un état. A cet égard, il serait bon

  2   si nous pouvions faire quelque chose pour des régions stratégiques, si nous

  3   pouvions commencer à mettre en œuvre ce sur quoi nous nous sommes accordés,

  4   c'est-à-dire la division ethnique sur le terrain, que nous commencions à

  5   déterminer les frontières du territoire; une fois que le territoire est

  6   déterminé, il faut établir, dans d'autres négociations, quelles seront les

  7   autorités qui vont être prévalentes et de quelle manière."

  8   Vous souvenez-vous que M. Krajisnik a fait ces commentaires, le 18

  9   mars 1992 ?

 10   R.  C'est ce qui a été déclaré par M. Krajisnik, le 18 mars de cette

 11   année.

 12   Q.  Considérez-vous que ces commentaires correspondaient à l'option

 13   d'être en faveur de la guerre ?

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, ceci est typique

 15   d'une question directive. J'y fais objection.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

 17   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je considère

 18   que cette question n'est pas une question directive. Le fait que le témoin

 19   puisse dire quelle était son interprétation de ces commentaires et quel

 20   était clairement le sujet qui était discuté --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien évidemment, mais vous

 22   êtes en train de suggérer quelle pourrait être cette cohérence. Si vous

 23   aviez demandé si ceci correspondait au point de vue exprimé durant ce jour,

 24   cela aurait été moins directif.

 25   Voudriez-vous faire un commentaire sur ce discours,


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  1   Monsieur Djokanovic ? Si vous mettez ce discours dans le domaine des points

  2   de vue politiques exprimés au cours de cette réunion et au cours d'autres

  3   réunions ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu cette conférence sur la Bosnie-

  5   Herzégovine dans un éclairage positif parce que j'étais convaincu que les

  6   trois parties voulaient juste trouver une solution, que j'étais rassuré du

  7   fait que la communauté internationale a participé à trouver une solution du

  8   conflit en Bosnie-Herzégovine et que cette instance était dirigée par la

  9   personnalité politique portugaise et c'était rassurant que les trois

 10   parties soient entrées dans les négociations et j'espérais qu'ils allaient

 11   pouvoir en sortir.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Djokanovic, ceci ne répond pas

 13   ma question.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] J'y viens, Monsieur le Président. Il n'y avait

 15   pas besoin d'aller à l'encontre des principes qui avaient fait l'objet d'un

 16   accord et contre la conférence qui avait été prévue. Pourquoi devrions-nous

 17   parler de division ethnique sur le terrain lors de l'assemblée

 18   parlementaire et dans ce contexte, parce que si ceci n'avait pas fait

 19   l'objet d'un accord au cours d'une session précédente et cela n'avait pas

 20   fait l'objet d'un accord, alors ceci ne sont pas plus que des mots, des

 21   discours qui contribuent à l'idée de guerre.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi voir si j'arrive à

 23   comprendre votre réponse. Vous avez dit qu'il n'y avait pas besoin d'aller

 24   à l'encontre des principes qui avaient fait l'objet d'un accord et contre

 25   la conférence qui avait été prévue. Vous voulez dire que ce n'était pas


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  1   nécessaire de rentrer dans les négociations pour aller contre cette

  2   solution. Ensuite, vous avez dit, "Pourquoi devrions-nous parler de

  3   division ethnique à l'assemblée, dans ce contexte, parce que si ceci

  4   n'avait pas fait l'objet d'un accord auparavant, lors de la séance

  5   précédente et cela n'avait pas fait l'objet d'un accord, ceci ne sont que

  6   des discours en faveur de la guerre."

  7   Est-ce que je comprends votre réponse comme voulant dire que cette

  8   partie du discours de M. Krajisnik, comme vous l'avez dit, était ou

  9   contribuait à la guerre.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément cela, Monsieur le Président.

 11   Mais il y a une phrase au début qui dit, "Nous sommes convenus, nous sommes

 12   d'accord."

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Quand il dit, "Si nous pouvons

 14   commencer à mettre en œuvre ce sur quoi nous sommes tombés d'accord,"

 15   ensuite, vous continuez en disant, "Les divisions ethniques n'ont pas fait

 16   l'objet d'accord préalable." Il suggère qu'il s'agissait d'un appel à

 17   mettre en œuvre ceci et vous avez dit que ceci était une contribution à la

 18   guerre.

 19   Si je vous comprends mal, n'hésitez pas à me le dire.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense qu'il faut

 21   relire la phrase et si vous me le permettez, je vais la relire.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] "De cette manière, il serait bon,

 24   stratégiquement, de faire une chose, c'est de commencer par ce sur quoi --

 25   ou ce qui a fait l'objet d'un accord, c'est-à-dire de divisions ethniques


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  1   sur le terrain. Si, à la conférence de la Bosnie-Herzégovine, les trois

  2   parties étaient tombées d'accord de faire des divisions selon les

  3   compositions ethniques et si ceci avait été la position de la communauté

  4   internationale, alors cela aurait été une question toute différente."

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci soulève la question de savoir qui

  6   exactement le "nous" représente. Si nous allons commencer par mettre en

  7   œuvre ce sur quoi nous sommes tombés d'accord, le "nous," qui est le

  8   "nous ?"

  9   Puis-je comprendre votre réponse comme ceci étant, au moins, pas un accord

 10   entre les trois parties concernées.  Auriez-vous tendance à dire qu'il

 11   faudrait peut-être comprendre le "nous" comme étant "nous, les Serbes ?"

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à cette séance de l'assemblée, j'avais

 13   assisté à toutes les réunions précédentes et au cours d'aucune d'entre

 14   celles-là, n'étions-nous tombés d'accord. Ce sujet n'avait jamais fait

 15   l'objet de discussion. Mon dilemme, c'était de savoir qui était ce "nous"

 16   et quelles étaient les parties concernées par cet accord.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bien clair.

 18   Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

 19   M. MARGETTS : [interprétation]

 20   Q.  Docteur Djokanovic, j'aimerais maintenant passer à une autre session de

 21   l'assemblée. Egalement, en mars 1992, c'est la dixième session de

 22   l'assemblée qui s'est tenue le 11 mars 1992.

 23   Docteur Djokanovic, étiez-vous présent à la session du

 24   11 mars 1992 ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avons-nous neuf autres exemplaires ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous me dites que j'ai fait un discours,

  2   lors de cette assemblée, je serais forcé de dire que j'étais présent.

  3   M. MARGETTS : [interprétation] Nous n'avons pas des exemplaires de cette

  4   session de l'assemblée. Pour cette session, ici, il serait adéquat

  5   d'afficher ce document sur le rétroprojecteur.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à quelle page ?

  7   M. MARGETTS : [interprétation] C'est à la page du document

  8   ERN 0083-6985.

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Je voudrais savoir à quelle page ceci figue

 10   dans la version B/C/S.

 11   M. MARGETTS : [interprétation] En B/C/S, il s'agit de

 12   ERN 0081-6436 jusqu'à 37.

 13   Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous en suis très reconnaissante. Merci.

 14   M. MARGETTS : [interprétation]

 15   Q.  Docteur Djokanovic, je n'ai pas trouvé votre nom dans la liste

 16   des participants à cette session de l'assemblée. Je crois qu'après que nous

 17   en ayons discuté, vous pourriez peut-être vous souvenir quand ce discours a

 18   été fait.

 19   Je vais vous demander de vous tourner vers le discours du Dr Radovan

 20   Karadzic qui a directement suivi les commentaires faits par Momcilo

 21   Krajisnik quand il a ouvert la session. Ce discours commence à la page 008-

 22   6436, enfin sur votre version et continue à la page 0081-6437. Je vous

 23   invite à commenter le second paragraphe qui se trouve au bas de la première

 24   page et en haut de la deuxième.

 25   [Le conseil de la Défense se concerte]


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  1   M. MARGETTS : [interprétation]

  2   Q.  Docteur Djokanovic, les commentaires auxquels je fais référence sont

  3   les suivants : Karadzic dit : "Heureusement, l'Europe réalise qu'une

  4   conférence sur la Bosnie-Herzégovine était ce dont nous avions besoin, et

  5   que rien qui n'ait pu se faire à l'encontre du désir d'une communauté ne

  6   pourrait arriver à une réussite. De telles actions pourraient donner lieu à

  7   une guerre civile sanglante avec des centaines de milliers de morts et des

  8   centaines de villes détruites. Après quoi, nous aurions la même situation

  9   que dans laquelle vous vous trouvez maintenant --"

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, pourriez-vous

 11   ralentir le débit de votre parole ?

 12   M. MARGETTS : [interprétation] Je demande aux interprètes de m'excuser.

 13   "Nous avons maintenant la Bosnie-Herzégovine, et seulement maintenant,

 14   nous avons après une guerre, des villes qui sont moins homogènes, mais il

 15   faut s'accorder et dire que si l'on déplace les minorités d'une région à un

 16  autre, et si ceci était fait à grande échelle, au cours d'une guerre civile,

 17   et cetera."

 18   Q.  Docteur Djokanovic, est-ce que la manière dont

 19   Dr Karadzic imaginait une guerre en Bosnie-Herzégovine, est-ce que cela

 20   correspondait à votre idée de ce qu'entraînerait une guerre en Bosnie-

 21   Herzégovine ?

 22   R.  Oui. Oui, cela correspondait. En fait, dans l'article de la presse dans

 23   Sarajevo Oslobodjenje, hier, j'ai dit que s'il y avait une guerre, ce

 24   serait une des guerres religieuses les plus désastreuses, une guerre sans

 25   précédent jusqu'alors dans l'histoire.


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  1   Q.  Est-ce que dès lors, vous compreniez, ou aviez le sentiment que quand

  2   les politiciens optaient pour une guerre, ils optaient pour le déplacement

  3   forcé de certaines ethnies de certaines régions ?

  4   Mme LOUKAS : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je

  5   soulève une objection à l'encontre de cette question parce qu'elle est tout

  6   à fait directive.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, l'objection est

  8   maintenue. Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

  9   M. MARGETTS : [interprétation]

 10   Q.  Docteur Djokanovic, quand un politicien optait pour l'option de guerre

 11   en Bosnie-Herzégovine, pourriez-vous nous dire quel est votre entendement

 12   du type de guerre qu'ils envisageaient ?

 13   Mme LOUKAS : [interprétation] Une question de cette nature, formulée telle

 14   qu'elle l'est, n'est que de très peu d'aide à la Chambre. "Tout polticien",

 15  ou du moins, à mon avis, c'est une question avec énormément de spéculations.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons entendu qu'il y avait

 17   différentes options, que les politiciens optaient pour la guerre bien qu'un

 18   très grand nombre essayait de trouver les solutions au pacifique.

 19   Je comprends que la question fait référence au fait que ceux qui avaient à

 20   l'esprit une option de guerre, de quel type de guerre  ils avaient à

 21   l'esprit ? Voulez-vous essayer de répondre à cette question, s'il vous

 22   plaît ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien évidemment, la guerre en Bosnie-

 24   Herzégovine pouvait être sanglante, assez désastreuse, ayant ou affectant

 25   les trois ethnies et les communautés religieuses dominantes. Cela dépend de


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  1   la position du politicien et de son influence sur la vie en Bosnie-

  2   Herzégovine. Elle pouvait avoir un certain impact. Si ces mots étaient les

  3   mots de politiciens qui n'avaient pas beaucoup de pouvoir ni beaucoup de

  4   soutien du peuple, alors, évidemment, cela n'aurait pas fait l'objet d'un

  5   rapport dans les médias, ou n'aurait pas plus de conséquences. Mais ceci

  6   était dit par des politiciens au parlement où des représentants des partis

  7   au pouvoir, évidemment, avaient un poids politique d'une certaine

  8   conséquence.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous demander, dans la question

 10   suivante : est-ce que quand vous envisagiez la guerre, s'agit-il d'une

 11   domination politique du territoire ? Etait-il clair qu'il s'agissait de

 12   cela, domination politique du territoire, et y aurait-il eu des

 13   conséquences spécifiques pour la population civile ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de l'époque dont on parlait

 15   lorsqu'on parlait de la lourdeur de la situation politique, on en parlait

 16   que dans les institutions officielles. Certains journalistes plus sérieux

 17   qui s'adonnaient à l'analyse de la situation politique en Bosnie-

 18   Herzégovine, c'étaient eux qui en parlaient également de cette façon-là,

 19   c'est-à-dire qu'à l'époque, cette masse critique n'avait pas encore été

 20   mise en place. Cette masse critique aurait pu partir guerroyer.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela ne répond pas à ma question, tout

 22   du moins, pas jusqu'à présent.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris votre question, Monsieur le

 24   Président, mais j'ai essayé de répondre de façon précise en parlant de

 25   l'instant précis, du moment dont on parle, c'est-à-dire qu'il n'y avait


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  1   absolument pas, à ce moment-là, de forces militaires qui auraient pu

  2   participer à une guerre.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais s'il y a une option de guerre,

  4   j'imagine que vous alliez vous servir de violence dans le sens où il

  5   faudrait obtenir -- pour arriver à vos objectifs, il fallait penser à un

  6   déploiement de violence.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En fait, il s'agirait d'une domination

  8   militaire sur le territoire de Bosnie-Herzégovine qui, en tous les cas,

  9   aurait eu des conséquences sur la population civile, sur n'importe laquelle

 10   des régions des -- sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Quelque domination

 12   militaire que ce soit, enfin toutes les dominations militaires ont toujours

 13   une conséquence sur la population civile. Je voulais savoir si cette

 14   domination militaire aurait eu des conséquences spécifiques précises pour

 15   ce qui est de la population civile plus que ...

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Etant donné le caractère mixte de la

 17   population en Bosnie-Herzégovine, chaque option de guerre voulait

 18   nécessairement vouloir dire que les trois groupes ethniques seraient

 19   impliqués, c'est-à-dire que pour ce qui est des personnes qui sont

 20   minoritaires, ces personnes étaient, bien sûr, dans une situation

 21   inférieure ou dans une situation menacée, c'est-à-dire qu'à ce moment-là,

 22  la guerre aurait nécessairement voulu dire une division ethnique. Justement,

 23   dans mon article, j'en parlais. J'avais dit que si l'on ne comprenait pas

 24   la réalité sur le terrain, la régionalisation allait, pour certains,

 25   représenter une bonne option pour certaines personnes alors que pour


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  1   d'autres, non. C'est-à-dire qu'il fallait déployer d'énormes efforts pour

  2   essayer de comprendre la situation sur le terrain et de comprendre le

  3   caractère mixte de la population.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez des trois communautés

  5   religieuses et nationales. Vous parlez du regroupement. Dois-je comprendre

  6   cela qu'il fallait relocaliser ces personnes conformément aux lignes

  7   ethniques nouvellement dessinées.

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, concernant ceci.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, je voudrais demander au

 10   témoin d'abord de répondre à ma question avant d'entendre votre objection.

 11   Je vous écoute, Monsieur le témoin.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense à cette phase

 13   préparatoire, à cette phase du début, c'est-à-dire, ces rassemblements

 14   politiques qui ont semé une nervosité, une crainte au sein de la

 15   population. En fait, je parlais de cette phase initiale. Je parlais du

 16   rassemblement politique -- du regroupement politique. Ce regroupement

 17   politique allait décider de ce qui allait se passer sur ce territoire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'une option de guerre

 19   mènerait vers un regroupement. Je vous ai demandé de savoir de quel genre

 20   de regroupement vous parlez. Nous ne parlons plus d'idéaux politique, mais

 21   nous parlons plutôt de l'option de guerre. C'est cela que vous vouliez dire

 22   en parlant de groupement ou de regroupement ? Je vous ai demandé si cela

 23   comprendrait le déplacement de certaines populations, par exemple.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est fort possible que s'agissant de ces

 25   plans politiques et de ces politiques qui étaient mis en place à l'époque,


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  1   il y aurait sûrement eu un déplacement de la population. J'avais pensé à

  2   des possibilités plus extrêmes, par exemple. J'avais pensé à un meurtre, un

  3   massacre d'une certaine population. C'est cela que je voulais dire dans mon

  4   avertissement. Tout devient confus, un déplacement forcé, le massacre de

  5   certaines personnes, d'un peuple.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agirait là de toutes les

  7   conséquences possibles si on choisissait l'option de guerre si je vous ai

  8   bien compris.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, absolument.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous écoute, Madame Loukas.

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Concernant ce

 12   que vous venez de dire, je comprends que l'on parle de système hybride qui

 13   est adopté ici, et que lorsqu'on parle d'objections, lorsqu'une objection

 14   est formulée, c'est-à-dire qu'il n'y pas d'objections normalement formulées

 15   à l'endroit des questions posées par les Juges. Cela n'est pas le cas dans

 16   le système juridique duquel je proviens. C'est-à-dire que chez moi dans mon

 17   pays, on peut faire des objections, poser des objections concernant les

 18   questions

 19    des Juges. Je voulais simplement soulever le fait que je trouve que cette

 20   question est fort suggestive et directrice.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci d'avoir fait ce commentaire

 22   Madame. Je vous écoute, Monsieur Margetts

 23   M. MARGETTS : [interprétation]

 24   Q.  Docteur Djokanovic, est-ce qu'il y avait des politiciens, des hommes

 25   politiques qui prenaient la séparation des populations du peuple ?


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  1   R.  Pour vous répondre très sincèrement, l'élite qui se trouvait au sein du

  2   pouvoir prenait la séparation de la population. C'était explicite et

  3   implicite en même temps. Lorsque je parle de façon implicite, je parle des

  4   Musulmans de Bosnie qui s'attendaient, à ce que dans cette division

  5   ethnique, que quelque chose irait à eux aussi, c'est-à-dire qu'ils

  6   s'empareraient du territoire. Lorsque la conférence de Bosnie-Herzégovine a

  7   commencé le 14 février 1992, je ne connais que cette date que par les

  8   médias, les trois partis se sont mis d'accord à scinder le territoire de la

  9   Bosnie-Herzégovine selon un certain principe.

 10   Le parti croate, le côté croate avait immédiatement dit qu'ils

 11   étaient souverains, qu'ils avaient 17 % du territoire de

 12   Bosnie-Herzégovine, et qu'ils ne souhaitaient pas remettre à qui que ce

 13   soit leur 17 %. Pour ce qui est Alija Izetbegovic, il avait dit que les

 14   Musulmans étaient souverains, et constituent de façon -- de par la

 15   constitution de la Bosnie-Herzégovine, c'est le peuple majoritaire, et qui

 16   est absolument non permis qu'ils obtiennent moins d'un tiers, alors que les

 17   Serbes disaient qu'ils étaient propriétaires de plus de 70 % du territoire

 18   de la Bosnie-Herzégovine.

 19   Au tout début, les trois partis s'étaient mis d'accord au tout début de

 20   partager le territoire de Bosnie-Herzégovine selon un principe de

 21   pourcentage.

 22   Q.  Qui était l'élite dirigeante au sein des dirigeants serbes de Bosnie.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je d'abord --

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, concernant cette

 25   question, je souhaiterais soulever une objection contre le terme utilisé


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  1   "l'élite au pouvoir".

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le témoin a utilisé les termes

  3   "élite au pouvoir" à la page 26.  J'ai un autre écran sous les yeux qui est

  4   bien. Lorsque vous avez dit : "Franchement parlant, l'élite au pouvoir

  5   était en faveur, favorisait la séparation de la population," est-ce que

  6   vous pensiez à l'élite au pouvoir s'agissant de tous les partis, les

  7   Musulmans, les Croates, les Serbes, ou est-ce que vous aviez plutôt en tête

  8   un parti spécifique ? J'ai cru comprendre que vous parliez plutôt de tous

  9   les trois groupes.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je parlais des trois acteurs principaux

 11   en Bosnie-Herzégovine.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien Monsieur Margetts, si vous utilisez

 13   les mêmes termes et si en plus vous ajoutez l'Etat de Bosnie, cela peut,

 14   bien sûr, prêter confusion. Est-ce que cela vous convient, Madame Loukas ?

 15   Est-ce que cela répond à votre objection ?

 16   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président. Je

 17   suis tout à  fait satisfaite de la façon dont ce problème est résolu.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui merci.

 19   Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

 20   M. MARGETTS : [interprétation]

 21   Q.  Docteur Djokanovic, lorsque vous avez parlé de l'élite au pouvoir,

 22   concernant les dirigeants serbes de Bosnie, vous avez parlé des dirigeants

 23   serbes de Bosnie-Herzégovine en vous référant à eux comme à l'élite au

 24   pouvoir, à qui pensiez-vous exactement ?

 25   R.  Les trois élites dirigeantes, c'étaient les représentants de la


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  1   présidence plus les fonctionnaires des partis au pouvoir. Je veux parler à

  2   l'intérieur des infrastructures de chaque parti. Il y avait le président du

  3   comité exécutif, les membres du parti du comité exécutif, les députés,

  4   ainsi de suite.

  5   Q.  Au mois de mars 1992, qui étaient les preneurs de décisions au sein des

  6   dirigeants des Serbes de Bosnie.

  7   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, objection. Je souhaite

  8   soulever une objection à la façon dont cette question a été posée. Les

  9   termes utilisés sont "les décideurs", "les vrais décideurs". Pour ce qui me

 10   concerne, je crois que cela n'est pas très utile à la Chambre de première

 11   instance.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le fait d'utiliser ou de donner un

 13   déductif "vrai" suggère déjà quelque chose, c'est-à-dire que ceux qui,

 14   formellement, ceux à qui on s'attendait qu'ils prennent des décisions de

 15   façon formelle n'étaient pas ceux-là. Je crois que ce mot n'est peut-être

 16   pas approprié en l'espèce. Le témoin n'était pas en position de répondre à

 17   la question, à savoir qui étaient les décideurs. C'est ainsi, c'est la

 18   raison pour laquelle il ne faut pas parler de positions précédentes et de

 19   positions courantes.

 20   Qui étaient les décideurs au sein du monde politique chez les Serbes

 21   de Bosnie ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je vous répondre

 23   en vous disant ceci : je peux vous dire qui étaient les dirigeants des

 24   trois partis, c'est-à-dire, je peux vous parler des décideurs pour ce qui

 25   est des trois partis. Ensuite, je peux vous donner une réponse concernant


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  1   les Serbes de Bosnie.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, justement, mais vous avez répondu

  3  de façon générale. Vous nous avez dit qui étaient les dirigeants politiques.

  4   Vous avez mentionné les trois catégories.

  5   Maintenant, la question est spécifiquement de savoir, eu égard au Serbes de

  6   Bosnie et quelqu'un vous demandera peut-être des questions concernant les

  7   Serbes de Bosnie ou les Croates de Bosnie, mais plus particulièrement,

  8   j'aimerais savoir qui étaient les personnes, les décideurs.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsqu'on parle de l'époque en question, le Dr

 10   Radovan Karadzic était, incontestablement, le décideur principal. Ensuite,

 11   il y avait les membres de la présidence, il y avait également le Pr

 12   Koljevic, le Pr Plavsic et la quatrième personne qui avait le plus

 13   d'influence, c'était M. Krajisnik.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Veuillez poursuivre, Monsieur

 15   Margetts.

 16   M. MARGETTS : [interprétation]

 17   Q.  Docteur Djokanovic, au début de 1991 --

 18   M. LE JUGE HANOTEAU : J'ai une question. Qu'est-ce que cela veut dire,

 19   était la quatrième personne ? Est-ce que c'est dans une échelle de valeur ?

 20   Est-ce que c'est dans une échelle hiérarchique ? Qu'est-ce que vous

 21   entendez par ce placement de quatrième dans une liste de noms que vous

 22   établissez ? Il y a le quatrième; est-ce qu'il y en a 10 ? Est-ce qu'il y

 23   en a 20 ? Est-ce que c'était le quatrième, le dernier d'une liste de

 24   quatre ou est-ce que c'était le quatrième parmi 20 ? Pourquoi le quatrième

 25   et pourquoi vous lui assignez cette place de quatrième ? Pour moi, cela


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  1   demande une réponse, s'il vous plaît.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer de répondre aux deux dilemmes

  3   que vous aviez, c'est-à-dire, il y avait une question de hiérarchie, le Dr

  4   Karadzic en tant que président du parti au pouvoir et en tant qu'une

  5  personne qui avait signé les candidatures pour les membres de la présidence,

  6   c'est-à-dire, c'est lui qui avait nommé le Pr Plavsic et le Pr Koljevic et

  7   je parle de lui en tant que quelqu'un qui a également mené M. Krajisnik

  8   lors des élections des députés. C'était la personne qui avait le plus

  9   d'influence.

 10   Le Pr Koljevic et le Pr Plavsic, ces deux personnes avaient reçu le plus

 11   grand nombre de votes lors des élections de la présidence en Bosnie-

 12   Herzégovine. Grâce à leur éducation, grâce à leur position et grâce au

 13  statut qu'ils avaient dans cette ville et suite aux résultats des élections,

 14   se trouvaient en deuxième et en troisième place selon l'hiérarchie et selon

 15   également l'influence. Ils étaient -- disons qu'ils partageaient la

 16   deuxième et la troisième place.

 17   M. Krajisnik était devenu le président de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine,

 18   s'est séparé de cette façon-là des autres députés au sein de l'assemblée

 19   serbe et a plus d'influence que les autres députés, par exemple, parce

 20   qu'il aurait reçu moins de votes que le Pr Plavsic et le Pr Koljevic. A ce

 21   moment-là, il ne pouvait pas se trouver au même niveau qu'eux pour ce qui

 22   est de l'influence. Je crois qu'on parlait d'une époque où l'égalité au

 23   sein du parlement serbe était très stricte, c'est-à-dire qu'on respectait

 24   l'égalité des personnes et les députés.

 25   M. LE JUGE HANOTEAU : Ma question portait aussi sur le fait de savoir si,


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  1   après M. Krajisnik, il y avait d'autres personnes influentes et vous

  2   arrêtiez à quel nombre ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Outre la formation de l'assemblée du peuple

  4   serbe, il n'y avait pas d'autres personnes qui auraient eu plus d'influence

  5   jusqu'à la formation de l'assemblée du peuple serbe. C'était unanime, vous

  6   savez, ce n'est pas comme si quelqu'un avait décidé, ensuite, les députés

  7   ont voté. C'était une décision unanime de tous les participants, de toutes

  8   les personnes qui étaient impliquées.

  9   Après M. Krajisnik, je dirais qu'il n'y a pas trop de personnes. Il y avait

 10   des membres serbes qui étaient au pouvoir, mais ils n'avaient pas de poids

 11   politique. Ils n'avaient pas d'autres rangs, par exemple, si on pensait à

 12   une hiérarchie imaginaire, on ne pourrait pas les placer sous M. Krajisnik.

 13   M. LE JUGE HANOTEAU : Je n'ai pas terminé, pardon.

 14   L'influence politique était entre les mains de quatre personnes.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] L'influence politique, s'agissant des

 16   personnes qui étaient les personnes au pouvoir, effectivement, le pouvoir

 17   politique se trouvait entre les mains de ces quatre personnes. Bien sûr

 18   qu'au niveau local, il y avait des personnes qui avaient plus d'influence,

 19   mais au niveau local.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, veuillez poursuivre.

 21   M. MARGETTS : [interprétation]

 22   Q.  S'agissant de l'influence politique de ces quatre personnes, est-ce que

 23   leur pouvoir était égal ?

 24   R.  Pourriez-vous, je vous prie, me poser une question un peu plus

 25   précise ? Pour quelle période vous voulez savoir ?


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  1   Q.  Au tout début de 1992.

  2   R. L'influence principale, c'est le Dr Karadzic, qui avait l'influence la

  3   plus importante. C'est la personne avec le plus d'influence. Ensuite,

  4   c'était Koljevic, Plavsic et M. Krajisnik. Je ne pourrais pas vous donner

  5   de réponse plus précise que je ne l'ai déjà fait. Nous parlons de cette

  6   période, de la période de l'assemblée.

  7   Q.  Au tout début de 1991, est-ce que vous vous êtes entretenu avec le Dr

  8   Koljevic concernant Momcilo Krajisnik ?

  9   R.  Vous m'avez posé une question à laquelle j'ai déjà répondu lors de mon

 10   témoignage. Nous nous rencontrions normalement dans le bureau de M.

 11   Krajisnik. C'était peut-être le lieu le plus propice pour ce genre de

 12   réunions. Le Pr Koljevic et moi-même habitions dans la même partie de la

 13   ville et il ne nous fallait pas énormément de temps pour arriver à la

 14   maison. Normalement, nous prenions une petite marche jusqu'à cet endroit. A

 15   un moment donné, j'ai remarqué quelque chose et j'ai dit au Pr Koljevic :

 16   Professeur, ne croyez-vous pas que M. Krajisnik essaie de s'emparer peut-

 17   être d'un peu plus de pouvoir que de ce dont il a besoin puisqu'il n'a pas

 18   besoin de plus. C'est le président de l'assemblée.

 19   C'est ce que je lui ai dit.

 20   Mais cette lutte pour s'emparer d'une meilleure position au sein de la

 21   hiérarchie des Serbes de Bosnie ne pouvait pas l'emmener plus haut, c'est-

 22   à-dire qu'il se trouvait très haut placé déjà. Je parle, maintenant, du

 23   mois de mars 1992.

 24   Q.  Après le début de la guerre, le Dr Koljevic, a-t-il fait référence à

 25   cette conversation que vous avez eue avec lui ? Vous


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  1   a-t-il parlé de cela, de nouveau ?

  2   R.  Environ, un mois après notre conversation, à Sarajevo, le Pr Koljevic

  3   m'a dit quelque chose. Mais je dois ajouter quelque chose : lorsque j'ai

  4   dit cela au Pr Koljevic, il m'a dit, mais non je ne pense pas du tout. D'où

  5   détenez-vous ce genre d'information ?

  6   C'est ainsi que cette conversation s'était terminée et tout d'un coup, un

  7   an plus tard, alors qu'on était à Pale, il m'a dit, oui, Dragan, vous aviez

  8   raison concernant M. Krajisnik. C'est exactement ce qu'il m'a dit.

  9   Q.  En réponse aux questions du Juge Hanoteau, vous avez fait référence aux

 10   députés, vous avez fait référence aux dirigeants des Serbes de Bosnie. Y

 11   avait-il des dirigeants, y avait-il eu une personne qui avait plus de

 12   pouvoir que d'autres au sein des dirigeants, y avait-il une personne député

 13   qui avait peut-être plus de pouvoir qu'un autre ?

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas.

 15   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, objection. D'abord,

 16   parce que j'estime que cette question n'est pas basée et également, c'est

 17   une question suggestive ou directrice, cette question n'a pas de fondement,

 18   elle est suggestive ou directrice et il faudrait reformuler cette question.

 19   Tous les éléments qu'on souhaite obtenir peuvent être obtenus sans qu'on

 20   pose au témoin une question aussi directrice.

 21   Je fais, surtout, référence à cette question s'agissant du contrôle. S'il y

 22   avait une personne qui avait plus de pouvoir que d'autre au sein des

 23   dirigeants, cela suggère, Monsieur le Président, qu'il y avait

 24   effectivement un tel contrôle.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, veuillez, je vous


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  1   prie, reformuler votre question.

  2   M. MARGETTS : [interprétation]

  3   Q.  Docteur Djokanovic, en réponse aux questions ou à une question posée

  4   par le Juge Hanoteau concernant le niveau d'influence des personnes qui se

  5   trouvaient au sein du parlement ou les quatre personnes, les dirigeants des

  6   Serbes de Bosnie, vous nous avez parlé de quatre personnes. Ces quatre

  7   personnes, vous nous avez dit, étaient les dirigeants des Serbes de Bosnie.

  8   Pourriez-vous me dire, s'agissant de ces quatre personnes, y avait-il une

  9   personne parmi ces quatre personnes qui avaient plus ou moins d'influence

 10   sur les députés ?

 11   R.  Le Procureur est très insistant, je vais essayer de répondre de façon

 12   plus large. Il y avait une conférence à Belgrade. Un soir, le Dr Karadzic

 13   et moi-même, nous étions entretenus concernant la situation politique en

 14   Bosnie-Herzégovine. A un moment donné, le Dr Karadzic a dit qu'il y avait

 15   une lutte féroce qui était en train de se mener pour obtenir la deuxième

 16   position.

 17  La deuxième position, au sein de cette échelle hiérarchique, au sein de

 18  cette échelle politique de l'infrastructure politique en Bosnie-Herzégovine,

 19   était censée revenir à M. Krajisnik, alors que la positon numéro un devait

 20   aller au Pr Karadzic et au Pr Plavsic car ils avaient remporté le plus

 21   grand nombre de voix, lors des élections,  alors que M. Krajisnik avait

 22   reçu le plus grand nombre de députés pour l'assemblée. Après ces élections

 23   pour devenir président de l'assemblée, cela lui a donné effectivement un

 24   très grand pouvoir pour ce qui est de l'influence sur la vie politique en

 25   Bosnie-Herzégovine.


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  1   Q.  Docteur Djokanovic, je vous arrête ici.

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'il

  3   faudrait pouvoir permettre au témoin de terminer sa réponse.

  4   M. Margetts a posé une question et le témoin est en train de lui répondre.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Djokanovic, lorsque vous

  6   avez dit que, suite aux élections pour réélire le président de l'assemblée,

  7   de façon très réaliste, une position avec  beaucoup d'influence en Bosnie-

  8   Herzégovine, et cetera, et cetera,  pourriez-vous nous en parler, pourriez-

  9   vous expliciter cette position, également et l'influence qu'une telle

 10   position pouvait détenir ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. C'est qu'après le régime communiste,

 12   selon une inertie, nous avons hérité des principes communistes, le

 13   président de l'assemblée était la deuxième personne la plus importante au

 14   sein d'une république, selon le régime communiste. C'est quelque chose qui

 15   est encore très valable chez nous, toute la démocratie se trouve encore

 16   dans son berceau. C'est une personne très forte, c'est une personne avec

 17   énormément d'influence politique et cela, bien sûr, dépend des positions de

 18   son parti, mais c'est une personne avec énormément d'influence, suite à

 19   l'héritage communiste.

 20   Puis-je continuer de répondre à la question que le Procureur m'a posée tout

 21   à l'heure ?

 22   Bien. Vous savez, M. Karadzic, il avait un énorme soutien du peuple et les

 23   personnes choisies, le Pr Koljevic, Mme Plavsic et M. Krajisnik savaient

 24   que M. Karadzic avait énormément d'influence. Il se trouvait derrière M.

 25   Milosevic. C'était une époque pendant laquelle les Serbes en Bosnie-


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  1   Herzégovine regardaient encore M. Milosevic comme étant la personne avec le

  2   plus d'influence. Il lui faisait entièrement confiance. Lorsqu'on parle de

  3   la

  4   Bosnie-Herzégovine dont Karadzic était le Serbe avec le plus d'influence.

  5   Ensuite, c'étaient les membres de l'assemblée et le président de

  6   l'assemblée. C'était ainsi que les choses allaient jusqu'au début de la

  7   guerre.

  8   M. LE JUGE HANOTEAU : Quand vous parlez de l'influence, vous employez

  9   souvent ce mot influence, "influence du président de l'assemblée." Je

 10   voudrais que vous précisiez ce que vous entendez par ce mot influence. Est-

 11   ce que c'est un pouvoir hiérarchique sur les députés ? Est-ce que c'est une

 12   influence morale ? Est-ce que c'est une influence intellectuelle ? Est-ce

 13   que vous pouvez développer cette notion-ci d'influence ? Merci, Monsieur.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand j'ai utilisé le mot "influence,"

 15   je pense effectivement à l'impact exercé sur les autres car chez nous, on

 16  abuse toujours encore les résultats électoraux. Les candidats aux élections,

 17   chez nous, n'ont pas de programmes clairement différenciés avec lesquels

 18   ils comptent attirer le peuple pour gagner des voix et après les élections

 19   pour œuvrer à la réalisation de leurs programmes respectifs. Chez nous, il

 20   y avait toujours une lutte pour le pouvoir à l'intérieur du peuple d'un

 21   pouvoir sur les gens. La période dont nous parlons aujourd'hui, il s'agit

 22   d'un pouvoir sur le peuple et de l'impact sur les personnes. Vous m'avez

 23   demandé si c'était sur les députés. Oui, sur les députés aussi, sur les

 24   ministres aussi.

 25   M. LE JUGE HANOTEAU : Ce pouvoir, cette influence, vient de quoi ?


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  1   Vient du titre qu'on a acquis d'être président de l'assemblée ? Ou est-ce

  2   que c'est du au réseau d'amis qu'on peut avoir ou à la dimension

  3   intellectuelle et morale du personnage ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] De l'ignorance, Monsieur le Président et

  5   de la médiocrité de ceux qui l'acceptaient.

  6   M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur le Témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurai une question additionnelle

  8   pour vous. Vous avez dit quelque chose sur l'influence du président du

  9   parlement et vous nous avez expliqué comment cela fonctionnait dans votre

 10   région. Ce que vous venez de dire, est-ce que cela vaut également pour M.

 11   Krajisnik qui assumait cette fonction ou est-ce que, lui, il exerçait

 12   vraiment cette influence qui serait celle du président du parlement ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais différencier ma position en deux

 14   phases de l'activité de M. Krajisnik, la phase où il était président  du

 15   parlement de Bosnie-Herzégovine et quand il a été président de l'assemblée

 16   de la Republika Srpska, alors, la différence est substantielle. En tant que

 17   président de l'assemblée de la Republika Srpska, son influence était

 18   exceptionnellement grande.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] ... sous la forme que vous avez décrite,

 20   y compris l'influence qu'il avait sur les autres, y compris les députés ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre Maître Margetts.

 23   M. MARGETTS : [interprétation] Je me rends compte que c'est le temps. Est-

 24   ce que c'est le bon moment ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.


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  1   Nous allons poursuivre après la pause à 11 heures

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

  3   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Margetts, avant de vous autoriser

  5   à poursuivre, je voudrais annoncer aux parties que ce matin j'ai signé une

  6   décision de cette Chambre donnant l'aval à la requête d'engager un recours

  7   sur décision sur l'ajournement.

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 10   M. MARGETTS : [interprétation]

 11   Q.  Docteur Djokanovic, depuis le commencement de la guerre jusqu'au 20

 12   avril 1992, est-ce que vous vous trouviez à la station de police à Vrace à

 13   Novo Sarajevo ?

 14   R.  A la proximité immédiate se trouvait la maison de mes parents où je

 15   vivais avec ma famille. Je travaillais dans cette école, dans l'infirmerie.

 16   Q.  A partir du 20 avril 1992 jusqu'au 10 juin  1992, est-ce que vous étiez

 17   à Belgrade ?

 18   R.  Dans cette période-là, oui, j'ai été à Belgrade.

 19   Q.  Immédiatement avant le 10 juin, est-ce que le Pr Koljevic lui aussi est

 20   venu à Belgrade pour rencontrer ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce qu'il vous a demandé quelque chose, et vous, qu'est-ce que vous

 23   lui avez dit?

 24   R.  Pr Koljevic m'a invité à venir à Pale. Il m'a transmis également la

 25   position du Dr Karadzic, et sa phrase d'après laquelle il s'étonnait que je


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  1   ne fusse pas à Pale. Pr Koljevic et moi-même, on s'était mis d'accord alors

  2   que je me rende à Pale.

  3   Q.  Est-ce que le Pr Koljevic vous a mentionné une mission concrète qui

  4   vous serait assignée une fois que vous viendriez à Pale ?

  5   R.  Ce jour-là, quand nous nous sommes rencontrés, on s'est vu la veille,

  6   et on parlait de la situation sur le terrain. Le lendemain matin, nous

  7   sommes partis tous les deux à la présidence de la République socialiste

  8   fédérative de Yougoslavie chez M. Kostic. On est allé dans le bâtiment de

  9   la présidence de Serbie chez

 10   M. Milosevic. Nous nous sommes rendus chez le patriarche Paul, dans le

 11   patriarcat. Je crois que c'est ce jour-là que le professeur a rencontré M.

 12   McKenzie. Ensuite, à bord d'un hélicoptère, nous sommes partis ensemble à

 13   Pale.

 14   Q.  Lorsque vous êtes parti avec le Pr Koljevic à Pale, dites-nous quelle

 15   était la raison, quelle était cette mission qui vous a amené à Pale ?

 16   R.  La veille, quand nous avions plus de temps et pendant le vol dans

 17   l'hélicoptère, nous avons parlé de mon éventuel engagement, comment il se

 18   présenterait à Pale. C'est alors que professeur Koljevic m'a dit à peu près

 19   dans quelle phase il se trouvait à Pale. Il m'a dit aussi qu'une décision

 20   était en vigueur sur la création des présidences de Guerre, mais que cette

 21   décision n'était pas mise en œuvre convenablement; parce qu'il manquait la

 22   communication avec les municipalités sur le terrain.

 23   Dans le cadre de cette conversation, nous avons essayé de mettre au point

 24   ce programme, et c'est à moi qu'ils ont assignée cette tâche.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vérifions seulement si vous avez -- est-


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  1   ce que vous parliez des présidences de Guerre ou des commissions de

  2   guerre ?

  3   R.  Je parlais de la présidence de Guerre.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande aux interprètes.

  5   L'INTERPRÈTE : J'ai dit commissions, et j'aurais dû dire présidence,

  6   je regrette.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je ne blâme personne; je

  8   voulais juste clarifier. Je suis heureux que cette question ait été

  9   clarifiée.

 10   M. MARGETTS : [interprétation]

 11   Q.  Docteur Djokanovic, au jour de la différence mentionnée par le

 12   Président, dites-nous, est-ce qu'il y avait une vraie différence entre  ces

 13   deux corps, les commissions de guerre et la présidence de Guerre ?

 14   R.  Quand je suis venu à Pale, il y avait juste une décision sur la

 15   création de la présidence de Guerre, et j'ai lu un texte sur création des

 16   commissions de guerre. Il fallait établir une communication entre les

 17   municipalités et la présidence à Pale. Tout cela, dans le but pour remettre

 18   en fonction les autorités civiles pour que la Republika Srpska puisse

 19   commencer à fonctionner sur le terrain.

 20   Q.  Quand vous êtes arrivé --

 21   M. LE JUGE HANOTEAU : D'ores et déjà maintenant, une explication de ce

 22   qu'est exactement "war presidency" quel était son rôle, de quoi cela était-

 23   il constitué, est-ce que c'est une espèce d'administration, est-ce que

 24   c'était un seul homme, et quelle était sa fonction à cette "war

 25   presidency" ? En même temps, je pense que Monsieur le Procureur va vous le


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  1   demander, qu'est-ce qui était exactement ces "war presidencies", quelles

  2   étaient leurs fonctions, quels étaient leurs rôles ? Je voudrais, là-

  3   dessus, des éclaircissements.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je me suis rendu à Pale, j'ai trouvé une

  5   situation où il y avait une décision publiée dans le journal officiel sur

  6   la création des présidences de Guerre. Je ne me souviens pas exactement du

  7   texte de ces décisions, mais le fondement était ceci : les états-majors

  8   préalables devaient être rebaptisés en présidences de Guerre avec peut-être

  9   être un peu moins de personnes, ou complètement, je ne me souviens plus.

 10   Car en principe, cette décision n'a jamais été mise en vigueur, et je n'ai

 11   pas jugé utile de la retenir. En connaissant ces situations sur le terrain,

 12   j'ai essayé d'imaginer un autre texte pour savoir comment atteindre le but

 13   final qui était de remettre en fonction les autorités civiles. Là, je pense

 14   aux députés qui ont été élus démocratiquement en 1990, pour qu'ils

 15   reprennent la responsabilité complète pour la situation sur le terrain, et

 16   d'assumer leur fonction jusqu'aux prochaines élections. C'était mon but, et

 17   j'ai fait un projet de décision sur la création des commissions, des

 18   secrétariats de guerre, qui comprendraient des gens de confiance qui

 19   seraient nommés par un secrétaire de la république, ensemble avec les

 20   personnes sur le terrain. Cette décision serait vérifiée par un membre de

 21   la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. Ceci assurerait la

 22   communication directe entre un homme de confiance sur le terrain et la

 23   présidence.

 24   M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que c'était votre rôle, est-ce que c'était ce

 25   rôle là qui vous était demandé en devenant, lorsqu'on vous a demandé de


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  1   travailler dans "war presidency" ?

  2   LE TEMOIN : [interprétation] C'est moi qui ai conçu cette décision sur la

  3   commission de guerre. J'en ai fait le texte. Je l'ai présenté à M.

  4   Karadzic. Il a fait quelques corrections dans le texte. Ma proposition

  5   était que le secrétaire de la république nomme les secrétaires municipaux,

  6   et que maintenant cette nouvelle autorité, sur le territoire de la

  7   municipalité, de procéder à la convocation d'une assemblée de la

  8   municipalité avec les députés élus précédemment, pour qu'eux, ils nomment

  9   les pouvoirs exécutifs.

 10   Dr Karadzic n'a pas accepté cette proposition. Il a proposé un article aux

 11   termes duquel les secrétariats municipaux devaient comprendre toujours un

 12   député du SDS, un député et un citoyen, un éminent citoyen et un éminent

 13   homme d'affaires. Je n'ai pas accepté cela. J'ai cru qu'il aurait été

 14   beaucoup mieux d'accepter ma proposition, d'accepter les personnes qui

 15   n'avaient pas été engagées préalablement dans ces états-majors de crise.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de poser encore une

 17   question, s'il vous plaît.

 18   Vous avez dit que le but final était de remettre en fonction les autorités

 19   civiles, et là vous avez parlé des autorités démocratiquement élues aux

 20   élections de 1990. Est-ce que c'était une option réaliste ? Cette Chambre

 21   en a entendu pas mal parler, il a été question d'un grand nombre de membres

 22   majoritaires ou minoritaires qui quittaient les territoires de municipalité

 23   une fois qu'ils signaient un acte laissant tous leurs biens à quelqu'un

 24   d'autre après la publication des instructions d'après lesquelles s'ils ne

 25   se signalaient pas dans un délai très court, ils perdaient le droit de


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  1   domicile et de résidence. Il est très probable qu'un très grand nombre de

  2   personnes, des non-Serbes, n'étaient plus présents sur ce territoire

  3   concerné.

  4   Dans quelle mesure il était réaliste de rétablir, sur la base des

  5   élections démocratiques de 1990, de rétablir les organes du pouvoir civil ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Seulement dans les municipalités dans

  7   lesquelles j'ai été, c'est uniquement à Banja Luka que la situation était,

  8   à peu près, la même qu'avant la guerre où la composition du parlement

  9   municipal était pluriethnique. Dans les autres municipalités, c'étaient des

 10   députés, essentiellement, d'appartenance ethnique serbe, pas

 11   essentiellement, il y avait seulement des députés serbes.

 12   Malgré tous les défauts, c'était quand même une meilleure variante que la

 13   situation chaotique qui prévalait auparavant, du moins, c'est ce que je

 14   pense.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que dans les autres

 16   municipalités, les députés étaient essentiellement serbes. Nous avons

 17   entendu des déclarations concernant toute une série de municipalités où les

 18   députés municipaux représentaient une majorité ou une minorité ou où leur

 19   nombre était à peu près égal. Est-ce que vous croyiez, vous, qu'il était

 20   possible de faire revenir la situation à celle de 1990 dans le sens de la

 21   situation assurée par les députés démocratiquement élus ? Dans la situation

 22   où la population ne se trouvait plus sur le même territoire, peut-être pas

 23   toute la population, mais nous avons déjà entendu dire que certaines

 24   parties des populations devaient partir. Je ne vous dirais pas qui, mais

 25   beaucoup d'entre eux ne vivaient plus sur le même territoire. Comment


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  1   imaginiez-vous tout cela ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne croyais pas que tout le parlement

  3   municipal pourrait être remis en fonction. J'ai dit à Banja Luka -- je me

  4   suis félicité des pouvoirs de Banja Luka et de la politique de Banja Luka

  5   d'assurer la plurinationalité de leur parlement. J'ai été invité à Banja

  6   Luka, même si je n'ai pas été directement chargé par la présidence, mais

  7   connaissant mes efforts de vouloir faire revivre ces autorités civiles de

  8   1990, j'ai été invité à cette assemblée constituante de Banja Luka et je

  9   suis venu dans les autres municipalités où j'ai été un représentant de la

 10   république. C'étaient des assemblées municipales uninationales choisies

 11   parmi les députés élus en 1990.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'en 1990, il y avait des

 13   assemblées uninationales ou il s'agissait des restes de l'assemblée,

 14   composée de ceux qui restaient de 1990 ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Après 1990, dans la plupart des

 16   municipalités, il n'y avait pas d'assemblées uninationales. En Herzégovine,

 17   il y avait certaines municipalités où les Croates étaient dominants, mais

 18   dans la plupart des cas, dans certaines municipalités, il y avait des

 19   députés qui, avec des serbes qui avaient une majorité écrasante dans

 20   d'autres secteurs musulmans ou dans certaines municipalités, il y avait des

 21 municipalités avec la prédominance croate. Mais il y avait d'autres

 22  municipalités comprenant tous les représentants de toutes les trois ethnies.

 23   En Herzégovine de l'ouest, il y avait des localités où la population

 24   était majoritairement croate.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A part Banja Luka, vous dites Banja Luka


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  1   était une exception en parlant du territoire de la Republika Srpska ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que dans d'autres municipalités,

  4   il y avait des efforts réels de rétablir les assemblées sous la forme qui

  5   était la leur avant l'éclatement de la guerre ou s'agissait-il du

  6   développement des autorités civiles de ces assemblées, sous la forme qui

  7   était la leur après l'éclatement de la guerre, en d'autres termes, des

  8   assemblées uninationales ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Par ailleurs, des efforts n'ont pas été faits

 10   pour assurer des parlements pluriethniques sur le territoire de la

 11   Republika Srpska, au moins, d'après ce que je sais, sauf à Banja Luka, bien

 12   sûr.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 14   Maître Margetts, vous pouvez poursuivre.

 15   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 16   je voudrais demander, maintenant, que la pièce P527 soit montrée. C'est une

 17  collection de cartes qui ne figure pas sur la liste des pièces à conviction.

 18   Nous pouvons tout de suite la mettre sur le rétroprojecteur. Il s'agit de

 19   la deuxième page, portant le numéro 20364-6506.

 20   Je vous demande de déplacer la carte sur le rétroprojecteur, pour qu'on

 21   puisse voir la partie orientale de la Bosnie.

 22   Q.  Docteur Djokanovic, vers le 12 juin, est-ce que vous avez quitté Pale

 23   pour vous rendre dans les municipalités où vous avez été nommé commissaire

 24   de guerre ?

 25   R.  Oui.


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  1   Q.  S'il vous plaît, dites à la Chambre, de quelles municipalités étiez-

  2   vous chargé le 12 juin, en montrant sur la carte chacune de ces

  3   municipalités dans le cadre des frontières de Bosnie ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le mieux, c'est de montrer sur le

  5   rétroprojecteur, s'il vous plaît.

  6   M. MARGETTS : [interprétation]

  7   Q.  Nous pourrions commencer par la municipalité de Zvornik.

  8   R.  Je montre Vlasenica; ensuite, Vitez; ensuite, Sekovici, Zvornik,

  9   Bratunac et la municipalité serbe, Skelani; avant la guerre, c'était la

 10   municipalité de Srebrenica.

 11   En été 1992, en août, j'étais commissaire pour la municipalité de Novo

 12   Sarajevo.

 13   Q.  Regardons maintenant cette carte de la région de Sarajevo qui

 14   figure sur la page 25.

 15   Docteur Djokanovic, veuillez montrer, maintenant, la municipalité de de

 16   Novo Sarajevo.

 17   R.  [Le témoin s'exécute] C'est la municipalité de Sarajevo.

 18   Q.  Merci, Docteur Djokanovic.

 19   On n'aura plus besoin de ces cartes.

 20   Maintenant, Docteur Djokanovic, pouvez-vous décrire, devant la

 21   Chambre, votre périple dans cette région ? Qui avez-vous rencontré ? De

 22   quoi vous êtes-vous entretenus et ce que vous avez remarqué en voyageant à

 23   travers cette région ?

 24   R.  La première des municipalités que j'ai visitée et c'était, en

 25   même temps, la première des municipalités où je suis entré en venant de


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  1   Pale, c'était la municipalité de Vlasenica. Je me suis rendu dans le

  2   bâtiment de la mairie de Vlasenica et comme il n'y avait personne, je suis

  3   allé dans un autre bâtiment avoisinant, celui de la police municipale ou

  4   j'ai rencontré le supérieur de service,

  5   M. Dzuric, que je ne connaissais pas. Lui, il me connaissait, il savait qui

  6   était entré par sa porte. Je lui ai dit pourquoi je me trouvais à Vlasenica

  7   et il a essayé de prendre contact avec certaines personnes des autorités

  8   municipales. A peu près, après une heure, j'ai rencontré ces personnes à

  9   qui j'ai dit pourquoi j'étais à Vlasenica.

 10   Je leur ai montré trois documents que j'avais sur moi. L'un de ces

 11   documents était une plateforme politique. L'autre document, c'était l'acte

 12   de ma nomination, commissaire de la Republika Srpska et le troisième était

 13   la décision sur la création des secrétariats de guerre. Nous n'attendions

 14   pas que cette décision fut publiée dans le journal officiel, vu le peu de

 15   temps qui nous restait et je me suis mis d'accord avec eux que, pour mon

 16   retour, il fallait préparer les noms de personnes, quatre noms qui seraient

 17   intégrés dans le secrétariat de la municipalité, alors que la cinquième,

 18   c'était moi. Je leur ai dit que nous allions faire tout cela très vite

 19   parce qu'ils disposaient de toute la documentation et ils savaient ce

 20   qu'ils devaient faire.

 21   Après Vlasenica, je me suis rendu à Sekovici où j'avais été en

 22   service, autrefois.

 23   Q.  Permettez-moi de vous arrêter, est-ce que le 12 juin vous avez été à

 24   Vlasenica ?

 25   R.  C'était soit le 11 ou le 12 juin.


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  1   Q.  Dites à la Chambre ce que vous avez remarqué lorsque vous étiez à

  2   Vlasenica même, en parlant des gens que vous avez remarqués là-bas ou en

  3   parlant de ce qui était remarquable concernant ces trois qualités, ce qui

  4   différait par rapport à votre dernière visite.

  5   R.  Vlasenica est une petite ville de Bosnie-Herzégovine, avec une

  6   population pluriethnique et comme il y a une gare routière au centre de la

  7   ville, il y avait beaucoup de personnes d'ethnies différentes portant les

  8   costumes nationaux différents. Lorsque je me suis rendu à Vlasenica pendant

  9   la guerre, Vlasenica était déserte.

 10   Lorsque vous descendez de Romanija, vous entrez directement dans la

 11   rue principale et dans cette rue principale, en face de la mairie. En

 12   passant par cette rue principale, j'ai vu plusieurs personnes en uniformes

 13   et il n'y avait pas le brouhaha quotidien. Cette ville donnait l'impression

 14   d'être un peu déserte, d'être une ville déserte.

 15   Q.  Auriez-vous remarqué des civils ?

 16   R.  Je ne me souviens pas d'avoir vu des civils.

 17   Q.  Avez-vous eu une conversation avec Mane Dzuric ou Milenko Stanic quant

 18   à ce qui était advenu de la population civile ?

 19   R.  Non, nous n'en avons pas parlé du tout. Nous n'avons parlé que des

 20   questions qui avaient trait à l'établissement des commissions de guerre et

 21   des objectifs qui s'en suivaient. J'ai passé très peu de temps à Vlasenica.

 22   Q.  N'avez-vous jamais entendu parler du camp Susica qui était situé à

 23   Vlasenica ?

 24   R.  A l'époque, non. Par la suite, oui, bien évidemment.

 25   Q.  Quand avez-vous entendu parler du camp Susica pour la première fois ?


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  1   R.  J'ai entendu le nom Susica, pour la première fois, lorsque je suivais

  2   le procès du commandant Janke Nikolic. Mais je me souviens qu'à la fin de

  3   1992, quand le président de la Republika Srpska,

  4   Dr Karadzic m'a demandé d'aller à Vlasenica et de dire à la population

  5   locale que ce camp, qui s'appelait Logor, devait être démonté. Il l'avait

  6   dit sur un ton qui semblait dire, mais est-ce qu'ils ont raison ? Quel

  7   genre de camp ont-ils organisé à la fin du 20e siècle ? Je m'y suis rendu

  8   parce que ce n'était pas loin de Pale, j'ai transmis le message aux gens

  9   là-bas. Je sais, par la suite, qu'il a été démantelé. Mais je ne connais

 10   pas les circonstances qui ont entouré ceci.

 11   Q.  Après avoir visité Vlasenica, vous avez dit que vous avez  été à

 12   Sekovici et ai-je raison de dire qu'après avoir été à Sekovici, vous êtes

 13   allé à Zvornik ?

 14   R.  Oui, après Sekovici, je suis allé à Zvornik. En route, vers Zvornik --

 15   M. LE JUGE HANOTEAU : Pardonnez-moi aussi. Je voudrais une ou deux

 16   questions avant que nous abandonnions Vlasenica. Vous y êtes allé sur

 17   instruction, vous y êtes allé spontanément ou vous avez reçu l'ordre d'y

 18   aller ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand Karadzic a signé la décision qui portait

 20   sur l'établissement des commissions de Guerre, c'était à moi de décider

 21   quand j'allais entreprendre mon voyage. Il n'y avait pas de conversations

 22   spécifiques concrètes sur ce point, en particulier. J'ai pris mes propres

 23   décisions, quant à quand j'allais partir et nous avions les documents qui

 24   nous disaient quoi faire. Nous avions un document qui confirmait

 25   l'établissement des commissions de guerre. Il y avait le document par


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  1   lequel j'ai été nommé commissaire de la république. En plus de la rédaction

  2   du texte, il n'y avait pas de communication particulière sur ce point.

  3   M. LE JUGE HANOTEAU : Après avoir quitté Vlasenica, est-ce que vous

  4   étiez tenu de faire rapport de votre déplacement, d'écrire une espèce de

  5   "rapport," je reprends ce mot, sur ce que vous aviez fait pendant cette

  6   visite et peut-être les autres visites après ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais l'intention de visiter différentes

  8   municipalités. Quand je suis revenu à Pale, j'ai fait un rapport verbal; je

  9   n'étais pas censé soumettre un rapport écrit.

 10   M. LE JUGE HANOTEAU : Pour revenir sur cette visite à Vlasenica, vous nous

 11   dites, c'était une ville dans laquelle il n'y avait plus grand monde, si

 12   j'ai bien compris. En tous cas, il n'y avait plus l'animation, il n'y avait

 13   plus ces personnes habillées de manière variée, différente. Vous dites :

 14   "Je ne me suis pas renseigné, je n'ai rien su, je n'ai rien appris." Vous

 15   êtes passé comme cela, indifféremment, comme si rien ne s'était passé. Il

 16   n'y a plus personne, mais moi je fais mon travail, je ne m'occupe pas de ce

 17   qui a pu se passer. Est-ce que vous pourriez donner des précisions sur

 18   cela, s'il vous plait ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Avant d'être arrivé à Pale, j'ai passé un mois

 20   et demi à Belgrade. Mes beaux-parents habitaient Zvornik à l'époque quand

 21   la guerre a éclaté. Nous nous sommes tous réunis, parce que ma femme et mes

 22   enfants ont quitté Sarajevo pour Belgrade, et nous nous sommes tous

 23   retrouvés. Je leur ai transmis mes impressions sur Zvornik. Nous avions

 24   entendu par les médias que beaucoup de gens avaient quitté Zvornik. Eux-

 25   mêmes, en quittant Zvornik, avaient dit que la ville était pratiquement


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  1   vide. C'était également mon impression de Vlasenica. C'est comme cela que

  2   j'avais vu la ville. Je pensais simplement que tout le monde était parti.

  3   Je n'ai pas discuté ce point en particulier avec les autorités municipales.

  4   Je devais partir très vite, et je pensais qu'il y aurait une occasion au

  5   cours de réunions municipales subséquentes, d'en discuter. Mais je n'ai pas

  6   eu l'occasion d'en parler avec qui que ce soit lors de mon séjour

  7   Vlasenica.

  8   M. LE JUGE HANOTEAU : Après ce départ de tous ces gens, qu'est-ce que vous

  9   en avez conclu ? Vous avez bien conclu quelque chose, ils ne s'étaient pas

 10   envolés ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très difficile pour moi de me souvenir

 12   à quoi je pensais alors que je faisais route en voiture de Vlasenica à

 13   Sekovici. Si sur ce point en particulier vous voulez entendre mon point de

 14   vue, je peux vous dire que je n'y ai pas vraiment réfléchi. Je n'ai

 15   commencé à y réfléchir qu'après Zvornik.

 16   M. LE JUGE HANOTEAU : Bien.

 17   M. MARGETTS : [interprétation]

 18   Q.  A Vlasenica, est-ce que la cellule de Crise serbe, est-ce qu'elle avait

 19   établi son autorité sur le territoire de Vlasenica ?

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, en rapport avec la

 21   question qui vient d'être posée, je soulève une objection. Si M. Margetts

 22   veut essayer de soutirer des éléments de preuve de cette manière, il peut

 23   poser une question ouverte.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il une controverse sur qui avait

 25   établi son autorité à Vlasenica à l'époque ?


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  1   Mme LOUKAS : [interprétation] Cela ne me plaît pas d'avoir des moyens de

  2   preuve amenés de cette manière.

  3   M. LE JUGE ORIE : Je vous demande simplement s'il y a un désaccord ou une

  4   discussion sur ce point.

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] C'est une question trop générale; il n'y pas

  6   de temps qui y est attaché. Je crois que ce genre de questions n'aide pas

  7   du tout la Chambre de première instance.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est du temps qui y est

  9   afférent, je crois que la question portait sur la période de votre visite à

 10   Vlasenica.

 11   Mme LOUKAS : [interprétation] Cela n'était pas dit dans la question.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était dit clairement dans la question.

 13   Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous dire qui avait l'autorité, s'il y

 14   avait quiconque qui exerçait une autorité sur le territoire de Vlasenica à

 15   l'époque de votre visite ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Sans aucun doute, Vlasenica était dirigé par

 17   l'autorité Serbe.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorité serbe, qui était-ce ?

 19   S'agissait-il de l'assemblée municipale, d'organes du parti, de quelque

 20   parti que ce soit, d'une cellule de Crise ? Qui était l'autorité serbe

 21   selon vous à l'époque.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand je suis entré dans le bâtiment

 23   municipal, il était vide. Quand je suis entré dans le bâtiment de la

 24   police, le chef de la police se trouvait là dans le bureau principal. Il

 25   était Serbe. Quand je me suis trouvé avec les officiels dans le bâtiment de


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  1   l'assemblée municipale, il s'agissait d'officiers serbes. Je ne les

  2   connaissais pas auparavant, je ne savais pas quelles étaient leurs

  3   fonctions avant la guerre, si ces gens étaient des députés à l'assemblée

  4   municipale ou autre. Je sais, pour être sûr, que toutes les personnes à qui

  5   j'ai parlé cet après-midi étaient Serbes. Je suppose qu'il s'agissait de

  6   représentants officiels du SDS, mais je n'en étais pas sûr puisque je ne

  7   leur ai jamais posé la question.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a entendu des éléments de

  9   preuve sur la création et l'existence de cellules de Crise à Vlasenica à

 10   l'époque. Pouvez-vous nous en dire plus ? Vous opiner du chef. Pourriez-

 11   vous nous répondre verbalement ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, on nous a dit qu'il y avait une cellule

 13   de Crise à Vlasenica. Dzuric et Stanic m'ont dit, lors de cette réunion,

 14   m'ont dit qu'il existait une cellule de Crise à cette réunion. J'ai dit que

 15   les cellules de Crise arrêtaient leur activité, et que nous devions former

 16   une commission de guerre.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avec les membres de la cellule de

 18   Crise ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, toutes ces

 20   personnes étaient membres de la cellule de Crise.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

 22   M. MARGETTS : [interprétation]

 23   Q.  Etes-vous arrivé à Zvornik le 13 juin 1992 ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Qui avez-vous rencontré quand vous été arrivé à Zvornik ?


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  1   R.  Zvornik est une municipalité dans laquelle je travaillais auparavant,

  2   et que je connais bien. Dès que j'ai quitté la municipalité de Sekovici à

  3   un carrefour Sekovici/Tuzla, je pouvais déjà voir des maisons brûlées,

  4   détruites. C'est la première fois que je voyais des maisons incendiées.

  5    Quand je suis arrivé à Zvornik, je suis allé voir de l'autre côté du

  6   pont des gens, des personnes âgées qui traversaient le pont vers l'ancienne

  7   partie de Zvornik, Stari Zvornik. C'étaient surtout des personnes âgées,

  8   des femmes âgées qui portaient les pantalons typiques portés par les

  9   Musulmans. J'ai marché jusqu'au bâtiment municipal de l'autre côté de la

 10   route. Je suis entré. Je ne savais pas qui était à la grille, mais on m'a

 11   dit que la cellule de Crise tenait séance dans le bâtiment municipal. J'ai

 12   fait irruption dans la réunion. J'ai fait irruption dans la réunion de la

 13   cellule de Crise dans le bâtiment municipal de la municipalité de Zvornik.

 14   Q.  Vous avez dit vous avez fait irruption. Pouvez-vous décrire à la

 15   Cour comment vous êtes entré, et ce que vous avez dit si vous avez dit

 16   quelque chose ?

 17   R.  Comme je l'ai dit, à la grille d'entrée, on m'a dit que la

 18   réunion, la cellule de Crise était en cours, et que si je voulais parler à

 19   qui que ce soit, j'allais devoir aller dans le bureau où se tenait la

 20   réunion. Quand j'ai ouvert la porte de ce bureau, de cette salle où la

 21   réunion se tenait, la plupart des gens me connaissaient de vue comme étant

 22   le docteur d'avant la guerre. Il y avait certaines des personnes dans la

 23   salle que je connaissais, d'autres que je ne connaissais pas. Je me suis

 24   présenté, et j'ai dit pourquoi je venais.

 25    Ils ont ajourné la réunion de la cellule de Crise. Là, j'ai eu


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  1   certains entretiens du type que j'ai eus à Vlasenica. Je leur ai dit qu'il

  2   était de mon obligation d'aller dans d'autres municipalités comme Bratunac

  3   et Skelani. Ils ont préparé une liste de noms qui allaient participer à la

  4   commission de guerre. Nous avons parlé en plus de détails à mon retour,

  5   parce que Vlasenica, Sekovici et Zvornik, étaient en chemin vers ma

  6   destination finale qui était Skelani.

  7   De retour de Skelani, j'allais prendre le même chemin vers Pale. J'allais

  8   pouvoir consacrer plus de temps à tous les détails concernant les

  9   municipalités de Zvornik, Sekovici et Vlasenica. Je suis allé à Bratunac.

 10   J'ai fini ce que j'avais à faire là pour ce qui était de la commission. En

 11   chemin de retour, j'ai parlé plus longuement à des personnes à Zvornik.

 12   Q.  Lors de cette réunion à Zvornik, qui était présent à cette réunion de

 13   la cellule de Crise ? Pouvez-vous nous donner des noms ?

 14   R.  Je me souviens d'avoir vu Brano Grujic, Jovo Mijatovic, un député

 15   parlementaire, le président du comité central du SDS que nous avons

 16   mentionné hier, Jovo Ivanovic. J'ai également vu le secrétaire de l'époque

 17   de la municipalité, Stevo Radic. J'ai également vu d'autres personnes dont

 18   je ne me souviens pas des noms, même si je me souviens des visages.

 19   Q.  Vous avez informé la Cour que vous avez expliqué la raison de votre

 20   visite là et l'établissement des commissions de guerre. Avez-vous discuté

 21   d'autres sujets avec les personnes présentes à l'époque ?

 22   R.  A l'époque, ou ce jour-là d'ailleurs, je n'ai pas parlé d'autres

 23   questions. Nous en avons parlé quand je suis revenu à Skelani, quand je

 24   suis retourné à Zvornik, en revenant de Skelani.

 25   Q.  A quelle date était-ce ?


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  1   R.  C'était soit le 15, soit le 16 juin, ou cela aurait pu même être le 15

  2   et le 16 juin parce que j'ai passé la nuit à Zvornik. Alors, j'ai

  3   probablement vu ces personnes aussi bien le 15 que le

  4   16 juin.

  5   Q.  C'était le 15 juin. Le 15 juin, qui avez-vous rencontré ?

  6   R.  J'ai parlé à Jovo Mijatovic, Jovo Ivanovic, Branko Peric. Je me suis

  7   également entretenu avec Brano Grujic, mais pas le 15. Finalement, c'était

  8   l'après-midi du 12 juin, avant mon départ pour Bratunac. Je suis en train

  9   de me concentrer maintenant.

 10   Q.  Quand vous avez eu la conversation avec Brano Grujic le 12 ou peut-être

 11   le 13 juin, selon la date de votre arrivée à Zvornik, de quoi avez-vous

 12   parlé avec Brano Grujic ?

 13   R.  A mon arrivée dans son bureau où était la cellule de Crise, je me suis

 14   rendu compte que Brano Grujic avait le contrôle de la situation. Alors,

 15   j'ai dit pourquoi je venais. Je connaissais Brano Grujic auparavant,

 16   puisqu'en 1991, j'ai été invité à une réunion du SDS par lui. Nous nous

 17   connaissions déjà à l'époque. Je lui ai posé la question, j'ai dit : Brano,

 18   pourquoi est-ce que ces personnes âgées quittent Zvornik en traversant le

 19   pont vers Novi Zvornik ? Etes-vous au courant -- vous imaginez si cela

 20   apparaît comme cela, imaginez-vous comment cela apparaît aux yeux de la

 21   presse ? Est-ce qu'ils vont écrire ce qui se passe à Zvornik ? Parce que

 22   les personnes âgées ne quittent jamais leurs domiciles. Il ne faut pas que

 23   vous soyez accusé un jour de crimes de guerre après la fin de la guerre.

 24   Ceci a resté un sujet de conversation ultérieure, mon impression sur le

 25   départ des personnes âgées de Zvornik, qui traversaient le pont vers Mali


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  1   Zvornik. C'était une impression qui a été discutée, dont nous avons discuté

  2   ultérieurement.

  3   Q.  Est-ce que Brano Grujic était le dirigeant de la cellule de Crise de

  4   Zvornik ?

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] Encore une fois, je fais objection à une

  6   question directrice.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous dire, Témoin, qui était

  8   le dirigeant de la cellule de Crise de Zvornik ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit dans ma réponse que j'avais

 10   l'impression que Brano Grujic avait le contrôle de la situation. Qui était,

 11   de manière formelle, le président de la cellule de Crise, je ne savais pas.

 12   Ce n'est que par la suite que j'ai réalisé que Brano Grujic était, en

 13   réalité, le président de la cellule de Crise.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

 15   M. MARGETTS : [interprétation]

 16   Q.  Docteur Djokanovic, vous avez décrit ces femmes âgées habillées à la

 17   façon musulmane, qui quittaient Zvornik en traversant le pont. Qu'avez-vous

 18   remarqué d'autre de la population de Zvornik ?

 19   R.  Ceci a trait à mon retour lorsque je suis revenu à Zvornik. Je suis

 20   resté plus longtemps. J'ai réalisé qu'il ne s'agissait plus de la ville que

 21   j'avais connue autrefois, dans laquelle j'avais vécu et travaillé. Cette

 22   ville était plus ou moins désertée. Il y avait une poignée de Serbes qui

 23   étaient revenus, quelques Musulmans, des personnes âgées musulmanes. Ils

 24   m'ont dit qu'il y avait encore des Musulmans à Divic, qui est un faubourg

 25   de Zvornik, qu'il y avait également de Musulmans en aval de la rivière


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  1   Drina. J'ai parlé aux gens que je connaissais, que je connaissais

  2   d'auparavant. C'est ce qu'ils m'ont répondu.

  3   On m'a donné différents éléments d'information. Ces personnes m'ont donné

  4   différents éléments d'information. Sur la base de ces informations, j'ai

  5   repris mes conversations avec les nouveaux dirigeants de la municipalité de

  6   Zvornik.

  7   Q.  Vous avez dit qu'il y avait des Musulmans à Divic et à Kozluk. Quand

  8   vous étiez médecin à Zvornik, est-ce qu'il y avait des Musulmans dans

  9   d'autres parties de Zvornik ou des Musulmans dans des parties de Zvornik

 10   aussi bien que dans d'autres villes ?

 11   R.  Pour autant que je m'en souvienne, je crois que la municipalité de

 12   Zvornik ou la zone autour, avait 80 000 habitants, donc 50 000 étaient

 13   Musulmans. Je crois que dans la ville même, il y avait 17 000 habitants

 14   sans compter les faubourgs. Je cois que la majorité des habitants de la

 15   ville étaient également Musulmans.

 16   Q.  A part les Musulmans à Divic et à Kozluk, où étaient les autres

 17   Musulmans ?

 18   R.  Ces personnes âgées étaient aux lieux -- essentiellement dans des

 19   maisons à la périphérie de la ville de Zvornik. Je ne connais pas la

 20   situation dans les villages alentours, s'ils étaient musulmans ou serbes.

 21   Je ne parle que de la ville elle-même.

 22   Q.  Dans la ville même, avez-vous rencontré des Musulmans ?

 23   R.  Non, je n'ai pas rencontré de Musulmans. En fait, j'ai rencontré une

 24   femme musulmane, Mila Puskarevic dont le mari était réfugié à Belgrade.

 25   Elle était également censée partir pour Belgrade dans les jours qui


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  1   suivaient, pour retrouver sa famille. Cette femme travaillait avec des

  2   enfants handicapés, elle était restée un petit peu plus longtemps pour

  3   continuer à travailler avec les enfants. Je lui ai demandé ce qu'il était

  4   advenu d'autres personnes, notamment, son frère, Mustafic, qui était

  5   professeur d'éducation physique et c'était grâce à lui que j'étais venu

  6   travailler à Zvornik. C'était un athlète extrêmement enthousiaste et il y

  7   avait une très bonne unité de sport à Zvornik. J'ai également demandé des

  8   nouvelles d'autres personnes que je connaissais et elle m'avait dit que ces

  9   personnes étaient parties, qu'elles avaient quitté Zvornik.

 10   J'ai également parlé avec une personne âgée à Zvornik, un bon ami à moi,

 11   Slavko Dragutinovic, un homme âgé qui connaissait très bien la situation

 12   générale, les gens, les circonstances à Zvornik. A un moment donné, il m'a

 13   dit, docteur, aidez-nous, nous ne pouvons pas aller dans la rue. Non

 14   seulement, ont-ils fait fuir les Musulmans, mais ils sont en train de nous

 15   menacer, nous, également. Il y a des groupes de gens en armes qui

 16   sillonnent les rues et on ne sait jamais dans quelle maison ils vont

 17   pénétrer.

 18   J'ai également eu des nouvelles de mon ami Muhamed Jelikic, qu'on l'avait

 19   relâché, mais je crois qu'il avait payé pour être relâché, soit en espèces,

 20   soit en donnant sa maison contre sa libération. J'ai également entendu dire

 21   que Dr Jelikic a pleuré devant Marko Pavlovic pour lui permettre de

 22   retrouver sa famille.

 23   Dr Jelikic a deux filles dont une est en Serbie. Pardon, dont une des

 24   filles est mariée à un Serbe.

 25   J'ai été très ému et quand j'ai vu toutes ces personnes dans la


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  1   municipalité, ce n'était pas une expérience très agréable pour eux de

  2   parler avec moi, puisque je leur ai demandé s'ils étaient conscients du

  3   fait que la guerre allait se terminer un jour, puisque toutes les guerres

  4   ont une fin, celle-ci devait avoir une fin aussi. Alors, je leur ai demandé

  5   si elles savaient, si ces personnes savaient qu'il y avait des documents

  6   qui étayaient cette guerre et qui avaient été adoptés par la communauté

  7   internationale en rapport avec l'Allemagne nazie et ces documents étaient

  8   encore en vigueur. Ces personnes étaient peut-être un petit peu effrayées,

  9   à l'époque, et elles m'ont répondu qu'elles, également, avaient été

 10   intimidées par ces unités paramilitaires.

 11   Je leur ai demandé : Quel genre de gouvernement avez-vous ? Vous avez

 12   mobilisé toute la force de police, qui est dans un hôtel. Que faites-vous ?

 13  Ces personnes sont restées bouche bée, sans réponse à ce que je leur ai dit.

 14   En fait, je crois qu'ils n'ont pas du tout aimé ce que je leur ai dit, ce

 15   qu'ils ont entendu, quoiqu'à l'époque, c'était  simplement pour les mettre

 16   en garde, cela partait d'une bonne intention. Je n'avais que de bonnes

 17   intentions. Je ne voulais pas les catégoriser comme des personnes qui

 18   allaient faire du mal à qui que ce soit. Mais plutôt, je pensais qu'il

 19   s'agissait de personnes qui n'étaient pas capables de répondre à la gravité

 20   du moment, de réagir à la gravité du moment. Je crois qu'il s'agissait de

 21   politiciens amateurs qui n'avaient pas d'expérience politique et qui

 22   n'arrivaient pas à comprendre le fait qu'une responsabilité politique,

 23   c'était plus que d'avoir des privilèges. Il y avait des responsabilités,

 24   également. Je suis parti de Zvornik de mauvaise humeur. J'ai traversé

 25   Sekovici, j'ai pris ce document à Sekovici -- à Vlasenica, j'ai parlé à Dr


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  1   Lukic, un homme âgé ...

  2   Q.  Monsieur, vous avez fait référence à une conversation que vous avez eue

  3   à Zvornik après qu'une personne, un ami parmi d'autres, vous a informé que

  4   les Musulmans se faisaient expulser. Vous avez parlé des personnes avec

  5   lesquelles vous avez parlé. Pourriez-vous nous donner les noms des

  6   personnes avec lesquelles vous vous étiez entretenues ?

  7   R.  J'ai dit avoir parlé avec Milan Puskarevic. J'avais parlé également

  8   avec Slavko Dragutinovic. Je me suis également trouvé dans le dispensaire à

  9   l'hôpital. Je me suis entretenu avec des collègues avec lesquels j'avais

 10   travaillé. Je ne me souviens pas des noms de toutes les personnes avec

 11   lesquelles j'ai parlé.

 12   Q.  Docteur Djokanovic, je voulais dire autre chose, je parlais de

 13   l'incident. Lorsque vous avez parlé aux représentants serbes à Zvornik, à

 14   qui avez-vous parlé à ce moment-là ?

 15   R.  Lorsque je suis revenu à Bratunac de Skelani, je me suis entretenu avec

 16   Jovo Mijatovic, Jovo Ivanovic et Branko Peric.

 17   Q.  Est-ce que vous avez également rencontré les dirigeants de Zvornik

 18   entre le 30 juin et le 1er juillet ?

 19   R.  Ce jour-là ou ces jours-là, nous avions une réunion des dirigeants de

 20   Skelani, Bratunac, Sekovici et Skelani dans le bâtiment municipal de la

 21   municipalité de Skelani et c'est de Pale qu'était venu le Dr Karadzic. Le

 22   général Ratko Mladic et moi-même, nous avions eu une réunion là. C'était,

 23   d'une certaine façon, une première délégation non officielle au niveau

 24   républicain qui s'était rendue sur le terrain. C'est ainsi qu'une agence

 25   Srna, c'est une agence de Serbie qui a justement inscrit cela, c'est un


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  1   journal. Ils ont inscrit dans ce journal cette information.

  2   Q.  Est-ce que vous avez également rencontré les dirigeants de Zvornik, le

  3   19 août 1992 ?

  4   R.  Le 19 août, je suis venu en tant que commissaire. J'ai été invité à

  5   cette réunion et c'était une session constituante de la municipalité de

  6   Zvornik. J'ai dû faire face à une situation fort désagréable. Il y avait

  7   une campagne très désagréable à mon endroit. Au tout début de cette session

  8   constitutive, on a commencé à dire des choses contre moi. M. Grujic, dans

  9   son élocution, a commencé par dire que Jovo Mijatovic et Jovo Ivanovic, les

 10   personnes avec lesquelles j'avais pu communiquer, avec lesquelles j'avais

 11   pu avoir des contacts, ils m'avaient dit que Branko Grujic ou plutôt, son

 12   beau-père, allait d'une rangée à une autre et chez les députés qui se

 13   trouvaient sur la ligne de front, il leur demandait de se faire élire de

 14   nouveau en tant que président de la municipalité de Zvornik. Il disait les

 15   pires choses sur moi.

 16   J'ai enduré tout ceci et j'ai essayé de ne pas trop m'en faire. J'ai même

 17   essayé d'être indulgent envers ces dires, ensuite, j'ai pris la parole et

 18   je leur ai dit ce que je pensais de tout ce qu'ils étaient en train de

 19   faire à Zvornik. Je leur ai dit que j'étais le représentant de la Republika

 20   Srpska, que j'étais le commissaire de sa présidence, que j'étais le

 21   commissaire de son gouvernement, que j'étais le commissaire de son

 22   assemblée et que je suis, également, le commissaire chargé de m'occuper des

 23   questions du statut de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine.

 24   Je leur ai parlé du plébiscite du peuple serbe. Je leur ai dit que les

 25   Serbes ne s'étaient exprimés qu'en voulant rester en Yougoslavie et qu'on a


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  1   demandé aux autres de s'exprimer également. Le peuple n'a pas dit tout seul

  2   qu'il voulait rester au sein d'une Yougoslavie et que personne n'avait le

  3   droit de faire quoi que ce soit qui pourrait nuire au peuple serbe, dans

  4   l'avenir. Je leur ai dit que les Serbes n'ont jamais été un peuple

  5   génocidaire, n'ont jamais été un peuple criminel et que tous ceux qui

  6   faisaient des crimes, qui s'adonnaient aux crimes se trouveraient devant la

  7   justice.

  8   Il y avait plusieurs commentaires bien désagréables provenant de la salle.

  9   Il y avait un très grand nombre de personnes présentes. Mais je suis resté

 10   dans cette salle jusqu'à la fin de la session. On a mené cette nouvelle

 11   assemblée de Zvornik où Brano Grujic a été élu en tant que président de la

 12   municipalité. Lorsque je suis revenu à Pale, j'ai rendu compte des choses,

 13   j'ai fait un rapport. Je leur ai dit que l'assemblée a été constituée, que

 14   tout a été fait conformément à la décision sur la nomination d'un

 15   commissaire, mais j'ai également raconté au Dr Karadzic, j'ai également

 16   raconté au

 17   Pr Koljevic le tout, en détails. Je leur ai dit quelle a été la situation

 18   désagréable à laquelle j'ai dû faire face à Zvornik. Je leur ai tout

 19   raconté.

 20   M. LE JUGE HANOTEAU : Je reviens, Monsieur, à cette visite qui a eu lieu,

 21   vous nous avez dit, le 15 et 16 juin, je ne fais pas d'erreur ? Le 15 et 16

 22   juin ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été à Zvornik, certainement, le 16 juin.

 24   Les municipalités de Bratunac et de Skelani sont très rapprochées, ne sont

 25   pas très éloignées. Je crois avoir passé la nuit à Bratunac de Zvornik et


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  1   que j'étais revenu et que je suis retourné le 15. Je crois être à 100 %

  2   certain que j'ai été à Zvornik le 15 et le 16, ces deux jours-là et que

  3   j'étais allé simplement dormir à Bratunac.

  4   M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais que vous soyez bien clair. Est-ce que

  5   c'est la première fois où vous constatiez, matériellement, les effets d'une

  6   certaine politique ? Vous avez parlé de maisons brûlées, de maisons

  7   incendiées, de maisons détruites, d'une population de personnes âgées qui

  8   fuyaient vers la Serbie. Est-ce que c'est la première fois que,

  9   matériellement, vous constatez ces faits-là ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Au tout début de la guerre, je vivais à

 11   Sarajevo. Je vivais à Sarajevo et dans la partie de la ville dans laquelle

 12   j'habitais, c'est-à-dire, je vivais à Vrace. Ensuite, je suis allé à

 13   Belgrade, j'ai commencé mon travail de président du corps de coordination

 14   et j'avais reçu un très grand nombre d'appels de la part des ambassadeurs,

 15   provenant de toutes sortes d'ambassades d'un très grand nombre d'états qui

 16   souhaitaient qu'après la convention de Yougoslavie et surtout, après la

 17   lettre que j'ai envoyée à tous les diplomates accrédités de Belgrade et

 18   après cette supplique de faire en sorte que la Yougoslavie soit gardée ou

 19   de faire des pressions auprès de leurs états, de leurs pays pour que la

 20   Yougoslavie reste en tant qu'état et que les citoyens de la Yougoslavie

 21   leur seraient reconnaissants.

 22   Après leur avoir envoyé cette lettre, j'ai reçu une opposition des

 23   ambassadeurs de Belgrade et je n'ai pas pu me rendre à tous les endroits où

 24   j'ai voulu aller. J'ai été particulièrement préoccupé par ces travaux. Ma

 25   femme avec mes enfants se trouvaient à Belgrade, ils étaient dans une


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  1   maison où il n'y avait pas de télévision et je n'ai pas pu suivre dans les

  2   médias ce qui se passait sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et de

  3   la Republika Srpska de la

  4   Bosnie-Herzégovine. Je ne savais vraiment pas ce qui se passait sur le

  5   terrain.

  6   M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que c'est la première fois que vous voyez sur

  7   le terrain que des exactions ont été commises ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque j'étais à Pale, Pale fonctionnait, à

  9   l'époque, en tant qu'état multinational et musulman. Les Musulmans vivaient

 10   à Pale et jusqu'à ce que ces deux tragédies sur Zepa n'arrivent, tout

 11   allait bien, c'est-à-dire qu'à Pale, nous ne pouvions pas vraiment voir ce

 12   qui se passait sur le terrain. Lorsque je me suis dirigé à Vlasenica, --

 13   oui, je vous ai compris, Monsieur le Président. Je sais très bien ce que

 14   vous voulez me poser comme question, mais je voulais simplement vous

 15   raconter ce que j'ai vraiment constaté. Je ne peux pas vous dire que j'ai

 16   vu autre chose, que j'ai entendu autre chose, puisque je ne suivais pas ce

 17   qui se passait dans les médias, ni à Belgrade, ni lorsque je suis arrivé à

 18   Pale, je ne suivais pas les médias.

 19   M. LE JUGE HANOTEAU : C'est bien. Pardonnez-moi d'être têtu. Ma question

 20   est : est-ce que le 15 juin, en arrivant à Zvornik, c'est la première fois

 21   que, de vos propres yeux, vous voyez des maisons incendiées, des maisons

 22   abattues et des populations qui semblent prendre la fuite ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais que vous nous disiez quelle a été votre

 25   réaction à vous, personnellement ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois avoir déjà donné une réponse. Dans ma

  2   réponse précédente, j'ai essayé de vous dépeindre la situation et j'ai

  3   essayé de vous expliquer comment je me suis senti, comment j'ai quitté

  4   Zvornik et dans quel état je me trouvais lorsque j'ai quitté Zvornik. Je ne

  5   saurais pas quoi ajouter à cette réponse précédente.

  6   Mais dans tous les cas, je me suis senti démuni. J'ai senti qu'il y avait

  7   une défaite. C'était une ville dans laquelle j'avais travaillé. C'était une

  8   ville dans laquelle j'avais organisé la réunion avec Karadzic et

  9   Zulfikarpasic. C'était une ville pour laquelle j'ai estimé qu'il faudrait

 10   qu'elle représente un exemple, l'exemple parfait d'une population pouvant

 11   cohabiter, puisque c'est une ville qui se trouvait sur la frontière de la

 12   Serbie et c'est justement là, dans cette ville-là, que j'ai pu constater ce

 13   qui était arrivé. J'ai certains liens émotifs, également, avec cette ville.

 14   M. LE JUGE HANOTEAU : Qu'avez-vous ressenti vis-à-vis de ces populations ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était en juin 1992. Nous sommes maintenant

 16   en 2005, mais j'ai encore cette image devant les yeux, ce vieux pont. Je

 17   voyais une vieille dame qui marchait à peine, elle essayait de fuir.

 18   Qu'est-ce qu'elle avait à défendre, cette pauvre dame ? Je ne crois pas

 19   qu'elle tenait à sa vie et pourquoi, alors, traversait-elle ce pont ?

 20   Je ne sais plus comment vous répondre.

 21   M. LE JUGE HANOTEAU : Je sais peut-être ce que vous semblez vouloir dire,

 22   vous avez été bouleversé ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, je le ressens, de nouveau, lorsque

 24   je témoigne ici.

 25   M. LE JUGE HANOTEAU : Alors, une question que me pose : lorsque dans cette


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  1   journée du 15 juin, vous avez rencontré, vous l'avez dit, les membres du

  2   "Crisis Staff", c'est-à-dire, Jovo Mijatovic et Jovo Ivanovic, qu'est-ce

  3   que  vous dites à ce moment là ? Est-ce que vous leur avez dit simplement,

  4   comme je l'ai compris tout à l'heure, "faites attention, les journalistes

  5   sont là, et vous risquez d'être inculpés". Est-ce que c'est tout ce que

  6   vous avez dit ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Il serait peut-être plus propice de présenter

  8   un document qui fait état de l'attaque que j'ai subie en 1993. Je

  9   demanderais à l'Accusation si elle pouvait présenter ce document.

 10   M. LE JUGE HANOTEAU : Répondez à ma question. Devant ces deux personnes à

 11   qui vous avez affaire, devant les membres de cette "Crisis Staff", qu'est-

 12   ce que vous dites ? Je n'ai pas de traduction.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La traduction

 14   fonctionne-t-elle ? J'essaie d'écouter le canal français, et j'attends

 15   d'obtenir une confirmation. Cela marche. Un, deux, un, deux. Est-ce que

 16   vous pouvez entendre la traduction française, non ? Oui, bien.

 17   M. LE JUGE HANOTEAU : Que le témoin reprenne sa réponse, s'il vous

 18   plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, ne me forcez pas de vous

 20   dépeindre ce que j'ai déjà dit en parole.

 21   En tant qu'homme politique, j'ai déjà répondu à ces questions.

 22   J'étais le seul qui, sur le territoire, avais pris la parole indépendamment

 23   de tous les risques. Ma vie a changé depuis, complètement. Depuis cette

 24   époque, je n'avais plus de tranquillité, je n'ai plus de paix. Je n'avais

 25   plus de lieu de résidence permanent, je n'avais plus d'emploi permanent. Ma


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  1   réaction était telle que lors d'une régionale à Bijeljina, Brano Grujic a

  2   dit : S'il m'a accusé de crimes de guerre, c'est le président musulman qui

  3   m'a accusé de crimes de guerre et un fonctionnaire serbe m'accuse

  4   également, alors lors de l'assemblée du peuple serbe, lorsque j'ai parlé au

  5   Dr Karadzic en 1993, je lui donné un avertissement concernant le virage

  6   qu'avait pris la politique. J'ai vécu, j'ai subi quelque chose que

  7   n'importe quelle autre personne n'aurait probablement pas pu accepter.

  8   Je demande à l'Accusation, encore une fois, de présenter ce document

  9   qui pourra être plus éloquent que moi-même. Il s'agit d'un commentaire d'un

 10   député qui, à ce moment-là, avait parlé. Jovo Mijatovic avait également

 11   pris la parole. C'était un document qui fait état d'une réunion du comité

 12   exécutif de l'assemblée d'une session de l'assemblée en 1993. C'est ainsi

 13   que je pourrais répondre à votre question.

 14   M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur, est-ce que pour vous les hommes du "Crisis

 15   Staff" avaient une possibilité d'empêcher ce qui s'était passé ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils auraient pu, néanmoins, essayer.

 17   M. LE JUGE HANOTEAU : De quelle manière ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle maintenant de l'incident des

 19   personnes âgées qui traversaient le pont. Je parle de cet incident-là. Ils

 20   auraient pu aller les voir, ils auraient pu choisir ou désigner des

 21   personnes de la municipalité si les personnes avaient fui, car ils ne

 22   voulaient pas faire la guerre. Si l'on prend pour acquis ou si l'on prend

 23   l'hypothèse que les jeunes personnes avaient quitté les municipalités de

 24   Zvornik parce qu'ils avaient peur de la guerre alors que les personnes

 25   âgées étaient restées sur place parce qu'ils n'avaient plus peur pour leur


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  1   vie, les personnes et la cellule de Crise auraient pu peut-être désigner

  2   certains fonctionnaires d'aller rendre visite à ces personnes âgées.

  3   C'est justement ce que je leur ai dit, j'ai dit : Allez leur apporter du

  4   pain, du lait, et montrer aux journalistes internationaux que les jeunes

  5   avaient quitté ou fui la ville, mais que nous, on s'occupe des personnes

  6   âgées tous les jours. Ces personnes âgées sont en train de quitter leurs

  7   demeures pour s'enfuir vers la Serbie. Même s'ils n'aiment pas la Serbie,

  8   ils étaient, néanmoins, en train de quitter parce qu'ils savaient que

  9   c'était un état qui les recevrait. Je leur ai dit : Vous allez être accusés

 10   un jour de génocide.

 11   Cette phrase, plus tard, s'était retournée contre moi, politiquement

 12   parlant. Je leur ai dit : Vous pourriez être accusés, alors que lorsque

 13   j'ai parlé de : Vous pourriez être accusés, c'est comme si j'avais fait une

 14   menace, alors que lorsque je leur dis "mogout" [phon], qui est le verbe à

 15   la troisième personne du pluriel, et également à la première personne du

 16   singulier dépendamment de l'accent, eux ils avaient interprété mes propos

 17   comme "mogout". Je peux vous accuser, je vais vous accuser."

 18    Je n'ai pas pu faire autre chose, j'ai vraiment fait de mon  mieux.

 19   M. LE JUGE HANOTEAU : Puisque vous avez passé une journée et demi à

 20   Zvornik, est-ce que vous avez  su qui avait causé ces destructions de

 21   maisons, qui avait créé cette situation ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces maisons dont j'ai parlé, se trouvaient à

 23   la périphérie de la municipalité de Zvornik. Je ne sais pas qui étaient les

 24   auteurs de ces incendies, mais la ville même n'avait pas été endommagée. La

 25   ville était plutôt intacte à l'époque. Il n'y avait pas de ruine, en fait,


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  1   dans la ville. S'agissant des autres activités, je ne le sais pas. On m'a

  2   dit que c'était fait par des groupes paramilitaires qui régnaient à

  3   Zvornik, qui se promenaient à Zvornik, que personne ne pouvait contrôler.

  4   Personne ne pouvait les placer sous leur contrôle. Je leur ai dit :

  5   "Pourquoi est-ce que vous avez une police de réserve ? Vous avez la police

  6   de Zvornik. Vous avez l'armée de Zvornik."

  7   Outre cet avertissement, je voulais faire en sorte qu'à Zvornik on

  8   puisse emmener les principales personnes telles Karadzic et Mladic.

  9   Justement, ils étaient venus, ils étaient présents lors de cette réunion de

 10   Zvornik à laquelle tous les représentants des municipalités se trouvaient

 11   d'éléments. J'avais emmené à cette réunion des dirigeants principaux de ces

 12   autorités locales. J'ai emmené ces deux personnes principales, ces deux

 13   politiciens principaux, ces deux hommes militaires principaux à l'époque.

 14   Voilà. Que voulez-vous que je dise d'autre ? Je leur ai dit : Parlez de

 15   toutes sortes de sujets. Lorsque je suis arrivé à Pale, je leur ai dit ce

 16   qui se passait sur le terrain.

 17   M. LE JUGE HANOTEAU : Avant de terminer, une dernière question.

 18   Vous avez dit, à un moment de votre déposition, parlant, je crois, des

 19   "Crisis Staff" qu'il s'agissait "d'amateurs". Le mot "amateurs" a été

 20   prononcé par vous. Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous qualifiez

 21   ainsi ces personnes ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Un politicien, un homme politique de

 23  profession choisi, élu par le people, resterait ce qu'il a promis au people.

 24   Les partis qui avaient reçu le pouvoir en Bosnie-Herzégovine avaient

 25   proposé des programmes au peuple. Il s'agissait de programmes politiques


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  1   tout à fait acceptables. Toutes les personnes qui se souviennent bien de

  2   cette année 1990, savaient très bien que je soutenais l'existence des

  3   partis nationaux en Bosnie-Herzégovine. Leurs programmes ne disaient pas

  4   que ce qui était arrivé arriverait. Ils parlaient de démocratie, de la

  5   défense des droits de l'homme, de la sécurité personnelle, de la sécurité

  6   des biens, et cetera. Alors, comme politicien, un professionnel, un homme

  7   politique qui a remporté les élections, restera derrière ce qu'il a promis

  8   lors de ces élections, lors de la compagne électorale.

  9   Alors qu'ici, il s'agissait de personnes frauduleuses, de personnes

 10   qui avaient triché. Tous les partis politiques disaient qu'ils voulaient,

 11   qu'ils prônaient une Yougoslavie. Il n'y aucun programme politique de

 12   l'époque qui ne dit pas qu'ils ne respecteront pas les droits de l'homme ou

 13   le droit humanitaire international et toutes les autres conventions de

 14   Genève. Vous ne trouverez jamais un programme dans lequel on ne voit pas

 15   que la sécurité personnelle est garantie, que les biens personnels sont

 16   assurés également.

 17   Tous ceux qui dérogent de ces principes ne peuvent pas être des

 18   professionnels. Ce sont des amateurs, et ce sont des personnes avec un

 19   mauvais caractère, mauvaise personnalité. C'étaient des personnes qui

 20   voulaient faire de la politique. Pourquoi voulaient-ils s'emparer du

 21   pouvoir ? A quoi bon le pouvoir puisqu'ils ne savent pas s'en servir.

 22   M. LE JUGE HANOTEAU : Je vous remercie, Monsieur.

 23   Monsieur Margetts, nous sommes tout près de la pause. Je ne sais pas si

 24   vous avez d'autres questions à poser au témoin des questions que vous avez

 25   commencées il y a plus d'une dizaine de minutes.


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  1   M. MARGETTS : [interprétation] Il nous faudrait encore posé quelques

  2   questions, mais si vous souhaiteriez faire une pause maintenant, nous

  3   pouvons certainement le faire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation]  Ce n'est pas nécessaire à ce moment-ci,

  5   mais si vous dites que vous croyez pouvoir terminer les quelques questions

  6   que vous aviez à poser dans les quelques minutes, vous pouvez le faire.

  7   M. MARGETTS : [interprétation] Si vous souhaitez poser des questions,

  8   Monsieur le Président, je vous prie d'y aller.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.  J'essaie seulement de

 10   comprendre votre position. Monsieur, vous avez dit que vous avez dit à ces

 11   personnes que toutes les personnes qui souhaitent commettre des crimes de

 12   guerre devront également en être responsables. Est-ce que je vous ai bien

 13   compris ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aviez vu certaines choses.

 16   Est-ce que cela vous avait donné l'impression que des crimes de guerre

 17   avaient bel bien été commis ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] J'avais l'impression que les crimes de

 19   guerre sur ce territoire avaient déjà commencé, qu'on avait déjà commencé à

 20   faire subir à cette population toutes ces exactions. Je ne crois pas me

 21   connaissant bien, je ne crois pas que lorsque j'ai dit "mogout" lorsque

 22   j'ai dit : "On peut vous accuser de crimes de guerre," je ne croyais pas

 23   que je voulais dire que je pouvais les accuser de crimes de guerre. Je n'ai

 24   pas de document, de matériel. Je n'ai pas de preuves directes me permettant

 25   d'établir un lien entre les crimes de guerre et certaines personnes à Pale.


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  1   Les gens essayaient d'éviter de répondre à mes questions ou d'en parler.

  2    A l'époque le président du gouvernement de la Republika Srpska,

  3   c'était le premier président qui s'appelle Djeric. Quelques jours après mon

  4   retour de Pale, lorsque nous étions à Jahorina, lorsque nous nous sommes

  5   trouvés à Jahorina, le Pr Plavsic et d'autres personnes lorsque nous étions

  6   à Jahorina, et le gouvernement, en fait, était à Jahorina. Le président

  7   Djeric, lorsque nous nous promenions après notre retour de Bijeljina  à la

  8   suite de cette réunion régionale, il nous dit : "Tu as les salutations de

  9   Zvornik. Les gens de Zvornik t'aiment bien."

 10   Je ne savais pas de qui il parlait. Je lui ai dit : "Oui, j'ai déjà

 11   travaillé à Zvornik, et je connais plusieurs personnes-là." Ensuite, j'ai

 12   remarqué chez lui, qu'il parlait d'une chose et que je parlais d'une autre

 13   chose.

 14   Car quelques jours après, lorsque nous nous sommes vus à Pale, il

 15   était venu à Kikinda. Il voulait m'entretenir sur mon engagement auprès du

 16   gouvernement.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps ici, Monsieur.

 18   Vos réponses sont très longues. Il y a plutôt d'autres détails qui

 19   m'intéressent.

 20   Je voulais savoir la chose suivante : vous avez dit que ce que vous

 21   avez remarqué, vous avait donné l'impression que des crimes de guerre

 22   avaient déjà été commis. Vous étiez plutôt hésitant. Vous avez hésité à

 23   confronter directement les personnes avec lesquelles vous parliez, car vous

 24   n'aviez pas suffisamment d'éléments de preuve vous permettant de croire que

 25   c'étaient les personnes responsables de ces crimes de guerre. Dois-je vous


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  1   comprendre ainsi ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas que j'hésitais, j'ai

  3   été très explicite quant à la situation sur le terrain quand je suis venu à

  4   Pale. J'ai été très explicite. Je ne pourrais pas parler individuellement,

  5   parce que je ne savais pas qui étaient les personnes qui auraient pu le

  6   faire.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'excuse de vous interrompre pour

  8   éviter la confusion. Vous n'avez pas dit directement à ceux à qui vous avez

  9   parlé à Zvornik : "Vous êtes responsables des crimes de guerre que j'ai vus

 10   être commis ici," je ne vous cite plus - parce que vous ne disposiez pas

 11   d'assez d'informations pour accuser vos interlocuteurs. Est-ce que j'ai

 12   raison ? Tout simplement, vous ne pouviez pas dire : "Vous, Monsieur X, à

 13   qui je parle maintenant, vous êtes responsable de ces crimes de guerre"

 14   parce que vous n'aviez pas les informations qu'il fallait.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être avec les connaissances que j'ai

 16   acquises depuis, peut-être j'aurais pu être plus direct parce que je suis

 17   quand même un médecin de profession. En m'occupant des programmes de

 18   l'organisation mondiale de la Santé, j'ai lu des programmes et je

 19   connaissais la matière. Là, j'aurais pu les avertir différemment. Même à ce

 20   moment-là, je leur ai dit peut-être plus que mes connaissances juridiques

 21   me le permettaient. J'ai rencontré Grujic, et je lui ai dit : "Qui est-ce

 22   qui reviendra à Zvornik si tu te promènes comme un pistolero dans cette

 23   ville ? De quel retour tu parles ? Les veilles personnes partent, et tu

 24   parles de retour. Qui est-ce qui peut revenir ?"

 25   Je voudrais dire quelque chose sur le meurtre d'une personne dont je ne


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  1   sais pas le nom.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous comprends, oui. Vous aviez

  3   remarqué que des crimes de guerre avaient été commis, et vous ne pouviez

  4   pas dire à vos interlocuteurs : "Vous ou toi, tu es responsable de cette

  5   destruction," et cetera. C'est pour cela que vous l'avez dit sous une forme

  6   plus générale, en disant à peu près : "Si des crimes de guerre sont commis,

  7   plus tard, la responsabilité peut être évoquée." Est-ce que vous avez mieux

  8   compris maintenant ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Je leur ai dit : "Vous êtes le pouvoir et vous

 10   êtes responsable parce que vos noms demeurent sur le papier. Il n'y a pas

 11   de prescription des crimes de guerre. Un jour, vous répondrez pour cela. Je

 12   ne sais pas qui est le principal coupable. Comme il n'y a pas de

 13   prescription, un jour on le verra." J'en ai parlé devant le parlement de la

 14   république.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. En ce moment précis, en ce moment

 16   maintenant, ce que je veux entendre de vous, c'est ce que vous avez dit

 17   pendant cette réunion avec ces personnes. Passons. Vous m'avez dit, sur la

 18   base de ce que vous aviez remarqué, vous avez conclu que certains personnes

 19   avaient commis des crimes de guerre. Vous avez averti la personne avec

 20   laquelle vous avez parlé que cela pourrait avoir pour résultat, leur

 21  responsabilité pénale. Est-ce que, plus tard, vous avez rapporté à Pale que,

 22   sur la base de vos observations personnelles, vous concluez que des crimes

 23   de guerre avaient été commis ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il n'y avait aucune hésitation.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A qui l'avez-vous dit, précisément ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'après-midi, quand je suis retourné,

  2   tous les membres de la présidence étaient là. J'avais rencontré, d'abord,

  3   Biljana Plavsic, déjà, à l'entrée du bâtiment. Je lui ai tout de suite

  4   relaté ce qui s'était passé sur le terrain. Ensuite, je suis monté à

  5   l'étage et j'ai dit au Pr Koljevic, à

  6   M. Krajisnik, au Dr Karadzic et je ne me souviens pas si M. Djeric était là,

  7   ce soir-là.

  8    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous leur avez dit que, sur la base de

  9   ce que vous aviez vu, on pourrait conclure qu'un crime de guerre a été

 10   commis. Est-ce que vous avez précisé de quel genre de crimes de guerre il

 11   s'agissait ou est-ce que vous leur avez dit quelque chose de plus, parce

 12   que le terme crimes de guerre est très large, une qualification large qui

 13   peut englober beaucoup de choses ? Est-ce que vous avez précisé quelque

 14   chose de plus sur la base de ce que vous aviez remarqué ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je leur ai dit que les gens sur le terrain me

 16   racontaient que ces localités sont vides, que beaucoup de choses mauvaises

 17   ont été faites, que des crimes de guerre avaient été commis. Je ne pense

 18   pas que maintenant, non plus, je sois capable de faire une différence, une

 19   distinction juridique aux termes du droit international. Mais en tant

 20   qu'homme et en tant que médecin, je peux dire que des personnes ont été

 21   tuées, chassées de chez eux et que cela avait été fait massivement.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que vous avez dit aux membres

 23   de la Présidence, une fois retourné à Pale, à savoir que des personnes

 24   étaient tuées, chassées de chez eux, massivement et que c'est l'information

 25   que vous aviez reçue; est-ce que je vous ai bien compris ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Vous m'avez très bien compris.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que vous-même, vous aviez

  3   remarqué, est-ce que cela était en faveur de ce dont les gens vous

  4   informaient ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que j'ai vu, c'était une confirmation. Je

  6   n'ai jamais douté de ce que les gens me racontaient un seul moment. Il

  7   s'agit de personnes sérieuses que je croyais.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous êtes sûr quant à la

  9   présence des membres de la présidence ? Vous n'êtes pas très sûr si M.

 10   Djeric était présent. Mais est-ce que vous avez un quelconque doute quant à

 11   la présence de Mme Plavsic ? Vous avez dit, M. Karadzic; puis, Pr Koljevic

 12   et M. Krajisnik ? Là, vous n'avez aucun doute. Je vous vois hocher la tête.

 13   Est-ce que cela veut dire non ? Bien. Nous vous avons bien compris

 14   maintenant.

 15   Nous ferons une pause jusqu'à 13 heures.

 16   --- L'audience est suspendue à 12 heures 39.

 17   --- L'audience est reprise à 13 heures 05.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez m'excuser pour juste un moment.

 19   Mme LOUKAS : [interprétation] Certes, Monsieur le Président, je voudrais

 20   dire quelque chose pour le compte rendu d'audience quand vous serez prêt.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas.

 22   Il m'a été dit -- plus précisément, les interprètes m'ont dit qu'à la page

 23   30, ligne 11, après le mot "hiérarchie," le témoin avait mentionné le nom

 24   Karadzic et même si cela découle du restant de sa réponse, c'est quelque

 25   chose qui doit figurer dans le compte rendu d'audience.


Page 10613

  1   Ensuite, j'ai voulu aussi dire quelque chose qui concerne vous, Monsieur

  2   Margetts. La Chambre est consciente que nous avons repris l'interrogatoire

  3   de ce témoin pendant une demi-heure. Je dois vous dire que la Chambre,

  4   certes, ne tient pas à se mêler dans cette mesure dans la façon dont vous

  5   interrogez le témoin, vous ou votre partie. Mais en attendant, vous avez

  6   peut-être remarqué, et cela concerne ce que j'ai dit hier, qu'à part

  7   l'interrogatoire du témoin sur les autres options politiques, et cetera,

  8   sans entrer dans les détails, dans cette quantité de détail, la Chambre est

  9   très intéressée de savoir les choses qui, d'une certaine façon, n'ont pas

 10   été clarifiées par vos questions et par votre façon d'interroger. C'est

 11  cela qui manque dans votre interrogatoire. Parfois, il n'est pas très clair,

 12   ce qui s'est passé là-bas.

 13   C'est mon commentaire.

 14   J'ai encore un détail technique à révéler qui ne concerne pas ce témoin,

 15   mais d'abord, je tiens à vous donner l'occasion, Maître Loukas, de dire ce

 16   que vous aviez à dire.

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Vous vous souvenez probablement que ce matin, j'avais fait une remarque

 19   concernant la question que vous aviez soulevée. Maintenant, je voudrais

 20   donner, de nouveau, une remarque liée à toute une série de questions que

 21   vous avez posées immédiatement avant la pause. Monsieur, nous sommes ici,

 22   maintenant, au Tribunal. Nous travaillons dans un système qui est un

 23   système hybride, mixte. Personnellement, j'ai l'habitude, et j'ai travaillé

 24  autrefois dans le système anglo-saxon. Là-bas, les choses se font autrement.

 25   Mais mis à part cette remarque, je dirais que les questions que vous venez


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  1   de poser, juste avant la pause, nous amènent dans une situation

  2   inhabituelle, que je dois dire ceci : les questions suggestives qui sont

  3   posées lors de l'interrogatoire principal et qui concernent les questions

  4   substantielles de cette affaire sont quelque chose contre quoi nous aurons

  5   toujours des objections. La raison, qui se cache derrière, c'est le témoin

  6   qui doit déposer et le témoignage ne doit pas découler des questions de

  7   celui qui interroge un témoin.

  8   Ce que je voudrais dire, c'est que la situation que nous confrontons ici

  9   est beaucoup plus complexe et sérieuse si de telles questions viennent non

 10   pas d'une des parties, mais de la Chambre elle-même ou de l'un des Juges

 11   lorsque de telles questions amènent le témoin dans la situation de se

 12   mettre d'accord. C'est quelque chose qui met en péril les intérêts de la

 13   justice. Tout comme aucune des parties n'est pas appelée à témoigner, les

 14   Juges ne sont pas appelés à témoigner, non plus.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie,

 16   Maître Loukas. Je dois vous dire que vous avez adressé parole, non

 17   seulement à la Chambre, mais à moi-même, en tant que Juge qui avait

 18   interrogé le témoin. Je dois vous dire, avant de dire quoi que ce soit

 19   d'autre, que j'accepte très sérieusement tout commentaire et toute remarque

 20   qui vient de quelque partie que ce soit.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'apprécie

 22   énormément.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, Monsieur Djokanovic, je veux

 24   vous dire que nous allons entamer certaines autres questions et je vous

 25   prie de patienter un petit peu.


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  1   Le 11 mars, Monsieur Harmon a demandé des mesures de protection pour trois

  2   témoins qui doivent se présenter ici, bientôt. Mais je ne suis plus sûr

  3   quel est l'ordre des témoins, compte tenu des changements qui ont été

  4   mentionnés hier.

  5   Partant de la deuxième liste révisée des témoins, qui m'a été soumise le 4

  6   décembre 2003, il semble que ces témoins portent des pseudonymes. Cela ne

  7   découle pas des documents que vous avez soumis. Alors, peut-être

  8   l'interprétation qui peut être faite de ce document du 4 décembre est

  9   erronée.

 10   Autre question, le document présenté le 11 mars. En regardant la Règle 126

 11   bis, il est dit que la Défense a deux semaines pour répondre. Le dernier

 12   jour, c'est le 29 mars qui est un jour férié.

 13  Alors, le dernier délai sera le 29 mars. Mais sur la base de notre document,

 14   les témoins devraient déposer déjà la semaine suivante. Maintenant, je

 15   voudrais entendre ce que pense la Défense, s'il y a des problèmes. Il faut

 16   qu'il nous réponde avant lundi prochain, même si cette réponse est orale,

 17   et non pas écrite. Le lundi prochain, c'est le 21 mars.

 18   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je verrai cela quand

 19   nous aurons terminé notre travail, aujourd'hui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] Je suis assez sûre que nous pouvons terminer

 22   avant ce premier délai.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie,

 24   Maître Loukas, de votre coopération.

 25   Vous pouvez procéder, Maître Margetts.


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  1   M. MARGETTS : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Djokanovic, lorsque vous avez parlé aux gens de Zvornik,

  3   vous avez dit qu'un jour, ils pourraient être accusés de génocide. Pourquoi

  4   avez-vous utilisé ce terme, "le génocide ?"

  5   R.  Les personnes les plus âgées quittaient Zvornik. Si des choses se sont

  6   passées que, maintenant, on peut dire avec certitude qu'elles se sont

  7   passées, même le président de la cellule de Crise avait qualifié cela de

  8   "little genocide," un petit génocide avait été commis à Zvornik.

  9   Q.  Lors de vos discussions avec le président de la cellule de Crise, M.

 10   Grujic, est-ce que c'est lui qui a utilisé ces termes, les mots que vous

 11   venez de prononcer, "little genocide ?"

 12   R.  Non. C'est ce qu'on a lu dans les journaux, mais il n'y a jamais eu de

 13   démenti.

 14   Q.  Comment avez-vous interprété ce terme de "génocide ?"

 15   R.  Etes-vous en train de me demander de donner une définition du terme ou

 16   est-ce que vous voulez que je parle de Zvornik ? Parce que si vous me

 17   demandez de vous donner une définition juridique du mot, je ne suis pas un

 18   juriste.

 19   Q. Docteur Djokanovic, quand vous avez utilisé le mot génocide, que

 20   vouliez-vous dire, vous ?

 21   R.  J'utilise ce terme simplement en tant que personne s'occupant de

 22   politique. Si une aire géographique est nettoyée des membres d'une autre

 23   communauté ethnique ou d'une autre communauté religieuse pour n'en laisser

 24   aucune trace, ceci serait la définition de génocide, telle que je

 25   l'entends, pour autant que mes connaissances juridiques le permettent et


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  1   mes convictions politiques me le font entendre.

  2   R.  Quelle était votre compréhension de ce qui s'était passé à Zvornik ?

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, il vaut toujours mieux

  4   demander quel était votre entendement ou quelle était votre connaissance

  5   particulière de ce qui s'est passé, plutôt que, est-ce que c'est votre avis

  6   qu'il s'est passé tel ou telle chose à Zvornik.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, voudriez-vous adopter

  8   une meilleure formulation dans vos questions?

  9   Mme LOUKAS : [interprétation] Pas dans cette question en particulier.

 10   L'utilisation du mot Zvornik ici, faisait référence aux événements ou

 11   plutôt, l'utilisation du mot "génocide" fait référence aux événements à

 12   Zvornik. Il me semble que cette question découle des éléments qui ont été

 13   déjà énoncés.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi relire.

 15   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

 16   permettez maintenant, en d'autres mots, vous avez déjà donné une

 17   explication plus spécifique et détaillée de ce qu'on veut dire quand on

 18   utilise le mot "génocide," en référence à Zvornik. Est-ce que cette

 19   explication plus spécifique s'applique à ce qu'on a vu se produire à

 20   Zvornik ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, est-ce que si c'est

 22   reformulé de la sorte, votre objection est toujours soulevée ?

 23   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je veux bien, si M. Margetts reformule

 24   sa question, oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est plus ou moins donner lieu, enfin


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  1   Monsieur Margetts, voulez-vous reposer la question, selon votre propre

  2   formulation ? Docteur Djokanovic, vous nous avez donné une explication

  3   spécifique et détaillée de ce que vous entendiez par le mot "génocide," en

  4   référence aux événements de Zvornik. Est-ce que cette explication

  5   spécifique s'applique à ce que vous avez remarqué à Zvornik ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Le seul résident qui était encore à Zvornik

  7   d'avant la guerre était un Musulman qui avait changé son nom et qui était

  8   devenu garde au cinéma. Il avait deux enfants et ses enfants jouaient avec

  9   mes enfants, à l'époque où nous vivions à Zvornik. Le nom d'un de ses

 10   enfants, c'est Milos. Quand je demandais à cet enfant, alors, mon fils,

 11   quel est ton nom, il m'a répondu Osman Bravo.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas une réponse directe à la

 13   question qui vous a été posée en premier lieu et qui a été reformulée par

 14   M. Margetts et maintenant, par moi-même.

 15   Cette explication que vous avez donnée, explication du mot génocide,

 16   est-ce que cette explication s'applique à ce que vous avez pu observer à

 17   Zvornik ? 

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] [inaudible]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas entendu votre réponse, ni

 20   les interprètes, probablement.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, cela s'applique.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, veuillez poursuivre.

 23   M. MARGETTS : [interprétation]

 24   Q.  Docteur Djokanovic, vous avez dit que Brano Grujic avait dit qu'un

 25   petit génocide s'était produit. Est-ce que vous pourriez dire précisément à


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  1   la Chambre ce que Brano Grujic a dit, pour ce qui est de ce petit génocide

  2   et le contexte de vos commentaires ?

  3   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, en rapport à ceci, ce

  4   qui a été dit par le témoin n'est pas que Brano Grujic a dit ceci, mais que

  5   c'est ce qui avait été dit dans les journaux. Cela, c'était ce qui avait

  6   été dit dans le témoignage du témoin.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Dans la manière où ceci reflète

  8   les moyens de preuve, pouvez-vous être extrêmement précis ?

  9   M. MARGETTS : [interprétation]

 10   Q.  Vous avez entendu l'interjection de mon éminent collègue. D'après ce

 11   que vous avez lu dans la presse ou entendu, par ailleurs, que Brano Grujic

 12   avait dit qu'un petit génocide s'était produit, pouvez-vous nous dire

 13   exactement ce qu'avait dit Brano Grujic ?

 14   R.  En principe, j'ai déjà dit ce qu'avait dit Brano Grujic pour autant que

 15   je m'en souvienne. En plus de la conversation que nous avons eue pendant la

 16   guerre, je ne peux mentionner ce qu'il a dit que dans un autre exemple, qui

 17   était quand il est venu dans les bureaux à Zvornik, ceci était quelque

 18   chose qui avait trait aux relations communautaires, une personne qui était

 19   là, qui est venu vers moi, qui m'a dit qu'il était désolé, qu'il s'excusait

 20   de toutes ces accusations qu'il avait portées à mon encontre, au début de

 21   la guerre.

 22         Je ne peux pas vous en dire plus.

 23   Q.  Docteur Djokanovic, maintenant, j'aimerais ne plus m'occuper de Zvornik

 24   et de votre travail en tant que commissaire de guerre et vous demander de

 25   repenser à Pale.


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  1   Quand vous êtes arrivé le 10 juin, dans quel bâtiment vous êtes-vous

  2   rendu ?

  3   R.  Comme je quittais Pale pour Jahorina, il y a un bâtiment sur la droite,

  4   un motel qui est détenu par une compagnie qui s'appelle Kikinda Vojvodina,

  5   ils l'appellent le bâtiment Kikinda. C'est là que la présidence de la

  6   République serbe de

  7   Bosnie-Herzégovine avait ses bureaux. C'était la présidence. Nous étions là

  8   et la présidence était là, jusqu'à ce qu'on la transfère

  9   vers de nouveaux bureaux, à l'hôtel Panorama à Pale.

 10   Q.  Quand vous êtes arrivé à Pale, de qui était constituée la

 11   présidence.

 12   R.  La présidence, c'était M. Karadzic, M. Koljevic,

 13   Mme Plavisic, M. Krajisnik et le premier ministre Djeric.

 14   Q.  A partir de la date où vous êtes arrivé, le 10 juin, à combien de

 15   sessions de la présidence avez-vous assisté ?

 16   R.  Mise à part la période où j'étais sur le terrain, c'est-à-dire plus

 17   tard au mois de juin, j'étais présent tous les jours dans le bâtiment

 18   Kikinda. Nous commencions à travailler tôt le matin et nous terminions tard

 19   le soir. Cela dépendait des sujets sur lesquels nous travaillions. Nous

 20   travaillions plus au cours de l'après-midi, mais généralement, nous

 21   commencions à travailler vers

 22   10 heures du matin. C'est généralement là que nous nous retrouvions.

 23   Q.  Mise à part la période du 12 juin jusqu'au 16 juin, au cours du mois de

 24   juin de 1992, vous teniez des réunions avec la présidence tous les jours ?

 25   R.  Sauf pendant les périodes au cours desquelles j'étais sur le terrain,


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  1   mais lorsque j'étais à Pale, j'étais normalement dans le bâtiment Kikinda.

  2   Q.  Pouvez-vous décrire à la Chambre comment ces réunions se déroulaient ou

  3   comment ces réunions étaient conduites, c'est-à-dire, comment la présidence

  4   fonctionnait ?

  5   R.  Comme je l'ai dit, nous commencions à travailler à 9 heures ou 10

  6   heures du matin et poursuivions jusque tard dans la soirée. Les heures de

  7   travail n'étaient pas formellement définies. Les débuts et fins de ces

  8   sessions n'étaient pas définis formellement. L'atmosphère était détendue,

  9   mais nous travaillions toute la journée.

 10   Pour autant que je m'en souvienne, Dr Karadzic et M. Krajisnik avait

 11   leurs notes particulières, leurs journaux personnels ou ils prenaient note

 12   de ce qui s'était produit. Cela était fait par le professeur Koljevic.

 13   Q.  Dans quel bureau du bâtiment Kikinda, vous réunissiez-vous ?

 14   R.  Quand vous entrez dans le bâtiment, au rez-de-chaussée, il y a un

 15   restaurant, avec une salle de conférence et quand vous montez au premier

 16   étage, vous aviez les chambres à coucher où nous dormions. A droite, il y

 17   avait des bureaux; à gauche, il y avait également deux bureaux où se

 18   trouvaient les secrétaires ainsi que le bureau de

 19   M. Krajisnik, président de l'assemblée. La dernière pièce sur la gauche

 20   était la salle où nous travaillions et parfois même, nous y prenions nos

 21   repas, déjeunions ou dînions.

 22   En face de cette pièce dont je viens de vous parler, il y avait les

 23   bureaux de Biljana Plavsic, de M. Koljevic et une pièce où je travaillais

 24   aussi.

 25   Q.  Dans quelle salle se tenaient les réunions avec les membres de la


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  1   présidence ?

  2   R.  La plupart des réunions se tenaient dans les salles derrière, les

  3   salles où se trouvaient les secrétaires où travaillait M. Krajisnik.

  4   Q.  Vous voulez parler du bureau de M. Krajisnik ?

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, cela est une question

  6   directive et je soulève une objection. 

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

  8   M. MARGETTS : [interprétation] Ce n'est simplement que pour clarifier

  9   l'affaire, c'est la pièce où travaillait M. Krajisnik.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   M. MARGETTS : [interprétation] Pour moi, ceci appelle la question suivante

 12   pour clarification.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, quelle est la différence

 14   entre une pièce où on travaille et un bureau ? Généralement, je ne dis pas

 15   que je ne travaille pas -- que ce n'est pas parce que je suis dans mon

 16   bureau que je ne travaille pas, mais quelle est la différence ?

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, dans le bureau de qui

 18   vous vous êtes rassemblés ?

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que voulez-vous dire ?

 20   Mme LOUKAS : [interprétation] "Dans le bureau de qui vous

 21   êtes-vous retrouvés ?"

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la réponse précédente, on disait :

 23   "Dans quelle pièce vous êtes-vous retrouvés ?"

 24   La réponse était : 

 25   "Pour le plus souvent, derrière les pièces où se trouvaient les


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  1   secrétaires où travaillait M. Krajisnik."

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Du bureau de qui s'agissait-il ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la salle derrière les pièces où

  4   travaillait M. Krajisnik. Ce n'est pas son bureau ?

  5   Mme LOUKAS : [interprétation] A qui était ce bureau, Monsieur le

  6   Président ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que voulez-vous dire quand vous dites "à

  8   qui était cette pièce." Laissez-moi simplement relire précisément. On dit :

  9   "Quelle pièce ?" C'était la question à la ligne 84 : 7. "Le plus souvent,

 10   la pièce derrière les pièces où se trouvaient les secrétaires où

 11   travaillait M. Krajisnik." Je comprends que ceci est dans la pièce dans

 12   laquelle travaillait

 13   M. Krajisnik.

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Bien évidemment, Monsieur le Président, mais

 15   je crois que la question suivante, dans la pièce de qui s'agissait-il, tel

 16   que l'a posé M. Margetts, c'est une pratique constante de questions

 17   directives et n'est pas acceptable.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, pourriez-vous dire qu'il

 19   s'agissait de la chambre ou d'une pièce utilisée par une ou plusieurs

 20   personnes.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous auriez pu dire et évidemment, nous

 23   sommes arrivés à ce point où une objection à l'encontre de ce genre de

 24   questions directives n'a pas raison d'être, véritablement.

 25   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je maintiens mon


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  1   objection.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette objection est rejetée.

  3   M. Margetts, dans la mesure du possible, je sais que vous avez utilisé

  4   beaucoup de mots et je sais combien ce point est délicat pour la Défense.

  5   Simplement, je vous demande de poser vos questions d'une manière à ce qu'il

  6   n'y ait pas de possibilité de soulever d'objection et que je doive décider

  7   de rejeter cette objection ou non.

  8   Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

  9   M. MARGETTS : [interprétation]

 10   Q.  Docteur Djokanovic, quelle est la pièce dans laquelle Momcilo Krajisnik

 11   travaillait, dans quelle pièce travaillait-il ?

 12   R.  Krajisnik était dans la pièce que j'ai citée, il y a quelques instants.

 13   Il n'y avait aucune indication sur la porte de la pièce.

 14   Q.  Est-ce que vous avez décrit cette pièce comme étant la pièce dans

 15   laquelle il y avait le bureau de quelqu'un ou non ?

 16   R.  Je crois que c'est le bureau ou plutôt, je veux dire par là qu'il

 17   s'agit du bureau dans lequel M. Krajisnik se trouvait, mais il n'y avait

 18   pas d'indication sur la porte. Il y avait une pièce avec un bureau de

 19   travail, une chaise derrière le bureau et d'autres chaises qui se

 20   trouvaient dans la pièce pour les personnes qui viendraient le voir et

 21   derrière ce bureau, était assis M. Krajisnik.

 22   Q.  Lorsque la présidence se réunissait, qui présidait ces réunions ?

 23   R.  Pour vous dire la vérité, je ne me souviens d'aucune réunion qui était

 24   aussi formelle au point où il y aurait un président et qu'un procès-verbal

 25   soit tenu. Par exemple, si on se trouvait dans la pièce dans laquelle se


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  1   trouvait Krajisnik, lui, il était derrière le bureau, nous étions assis sur

  2   les chaises devant le bureau et nous nous réunissions très souvent dans la

  3   pièce qui se trouvait à droite de son bureau officiel, c'est-à-dire, il n'y

  4   avait pas vraiment de bureau frontal, il y avait simplement un bureau et

  5   plusieurs chaises ou fauteuils autour. Si vous voulez parler de forme, les

  6   réunions étaient toujours ouvertes par Karadzic.

  7   Q.  Qui étaient les décideurs, selon vous, au sein de la présidence ?

  8   R.  Incontestablement, il s'agissait du Dr Karadzic et de

  9   M. Krajisnik.

 10   Q.  A partir du moment où vous êtes arrivé à Pale, quelle était votre

 11   impression quant au niveau d'autorité qu'avait Karadzic ou Krajisnik ?

 12   R.  Pendant mon séjour à Belgrade, c'est-à-dire, après le mois de mars, il

 13   est arrivé quelque chose, notamment, lorsque nous sommes sortis lors de

 14   cette dernière réunion, lorsqu'on nous a appris qu'à Sijekovac, un endroit

 15   tout près de Bosanski Brod, que les atrocités avaient commencé ou que les

 16   meurtres avaient commencé. On avait tué dix ou 13 Serbes. Nous avions reçu

 17   cette information, on nous a informé de cela, et nous avions quitté, de

 18   façon démonstrative, la pièce. Il y avait des personnes au sein des

 19   dirigeants, c'est-à-dire que tout le monde était là. La pièce de

 20   l'assemblée, tous les dirigeants étaient à Pale au mois de juin.

 21   Comme j'ai déjà dit, M. Krajisnik avait deux phases, en fait. La première

 22   phase, c'est la phase pendant laquelle il était président de l'assemblée de

 23   la Bosnie-Herzégovine, et la deuxième phase, c'est lorsqu'il était

 24   président de l'assemblée de la Republika Srpska.

 25   Je veux dire, il avait énormément d'autorité pendant cette période, pendant


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  1   toute la période pendant la guerre. Je dirais que son autorité ou son

  2   influence était partagée avec le Dr Karadzic, c'est-à-dire qu'il avait

  3   autant de pouvoir que Karadzic. Je pouvais remarquer que M. Krajisnik a

  4   toujours été très fidèle à Karadzic.

  5   Q.  Alors que l'année 1992 avançait, quelle était votre évaluation quant à

  6   l'autorité qu'avait Krajisnik sur les députés ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, je vous écoute.

  8   Mme LOUKAS : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, concernant

  9   le fait de poser une question de cette nature-là, je voudrais soulever une

 10   objection car je crois que ce genre de question ne peut pas aider en rien

 11   la Chambre de première instance. Si le témoin est en mesure de donner des

 12   éléments de preuve précis quant à ce qu'il a vu, entendu, observé lui-même,

 13  c'est une chose, mais de demander des questions tout à fait d'ordre général,

 14  des questions d'impression, de demander au témoin de donner ses impressions,

 15   les réponses à ces questions ne peuvent absolument pas aider la Chambre de

 16   première instance.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, l'évaluation

 18   d'impression que le témoin ait pu obtenir n'est pas si pertinent. Ses

 19   impressions ne sont pas si pertinentes. Mais en même temps, s'il ne sait

 20   pas sur la base de quoi ses impressions sont fondées, à ce moment-là, il

 21   perd de poids, ses réponses perdent de poids.

 22   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais simplement

 23   avancer que c'est une personne qui avait accès à Karadzic et Krajisnik

 24   pendant une très longue période de temps.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.


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  1   M. MARGETTS : [aucune interprétation]

  2   Mme LOUKAS : [interprétation] Je suis désolée d'interrompre, Monsieur le

  3   Président. Je crois que c'est tout à fait inapproprié que le témoin puisse

  4   suivre ces discussions, ces arguments.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si le témoin comprend.

  6   Monsieur le Témoin, est-ce que vous comprenez l'anglais ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas très bien.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous prie d'enlever vos écouteurs

  9   quelques instants. Je comprends, Monsieur Margetts -- non, non, Monsieur,

 10   vous pouvez rester assis.

 11   Monsieur Margetts, je comprends qu'il s'agissait de quelqu'un qui, pendant

 12   une très longue période de temps, pouvait observer le comportement de

 13   certaines personnes dans ce cadre-là. Cela veut dire qu'une évaluation ou

 14  l'impression que pourrait donner une personne a quand même un certain poids,

 15   une certaine valeur. Mais, en même temps, si ce n'est pas étayé par des

 16   éléments de preuve qui peuvent être donnés par le témoin, à ce moment-là,

 17   il ne s'agit que d'une opinion personnelle, et les témoins ne sont pas ici,

 18   ne sont pas appelés à la barre, pour exprimer leurs opinions personnelles.

 19   Si une opinion fait partie de la réponse du témoin, à ce moment-là, il

 20   faudrait s'assurer que tout le monde comprenne bien que c'est une opinion

 21   qui est fondée sur quelque chose de très solide, quelque chose sûre et

 22   factuelle, très concrète.

 23   M. MARGETTS : [interprétation] C'est justement l'association, Monsieur le

 24   Président. La base factuelle que nous essayons d'établir, c'est

 25   l'association qui pourrait être expliquée par le fait qu'il peut établir un


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  1   lien entre toutes ces associations et les dirigeants. Il nous dit qu'il

  2   n'était pas --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'est-il pas exact que, si vous mettez

  4   deux personnes dans une même situation pendant une pendant assez prolongée,

  5   si vous leur demandez de formuler leur opinion sur ce qui s'est passé, ils

  6   peuvent donner des opinions tout à fait diverses ? N'est-il pas meilleur de

  7   demander, c'est-à-dire qu'il faut demander à ces personnes sur quelle base

  8   ils ont fondé leur opinion. Le simple fait que ces personnes aient été

  9   présentes pendant une très longue période de temps à ce même endroit, ce

 10   n'est pas suffisamment pour permettre à la Chambre d'évaluer si cette

 11   impression ou cette opinion est une opinion que l'on peut comprendre de

 12   façon logique, que l'on peut comprendre logiquement sur la base des

 13   observations du témoin.

 14   Veuillez poursuivre.

 15   M. MARGETTS : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait demander au témoin de

 16   remettre ses écouteurs.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement.

 18   M. MARGETTS : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Djokanovic, vous avez déjà déposé devant cette Chambre que

 20   vous avez été présent lors de la session de l'assemblée de 1992, et qu'en

 21   fait, vous aviez des notes, vous avez tenu des notes qui font état de ce

 22   que les personnes ont dit, et que vous avez suivi le Dr Krajisnik dans vos

 23   discours, et que M. Krajisnik, vous nous avez dit, présidait cette session.

 24   Est-ce qu'au courant de 1992, vous avez pu vous former une opinion quant au

 25   fait de savoir quelle était la personne dans l'assemblée qui avait le plus


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  1   de pouvoir sur les députés ?

  2   R.  L'autorité incontestablement la plus importante dans l'assemblée,

  3   c'était M. Krajisnik qui l'avait.

  4   Q.  Est-ce que vous vous êtes référés à cette autorité que détenait M.

  5   Krajisnik par une phrase particulière dans vos notes ?

  6   R.  Au cours de cet été-là, à Pale, je me suis entretenu avec certaines

  7   personnes, et surtout après l'entretien que j'ai eu avec le Dr Koljevic, je

  8   vous ai déjà dit qu'il m'a dit : "Dragan, vous aviez raison concernant M.

  9   Krajisnik." Il y avait d'autres personnes avec lesquelles je m'étais

 10   entretenu, et j'avais dit, qu'en principe, on avait formé au sein du

 11   parlement un parti non enregistré, un parti illégal, présidé par M.

 12   Krajisnik.

 13   Q.  Dans le cadre de vos fonctions en tant que commissaire de guerre, à qui

 14   deviez-vous rendre compte ?

 15   R.  Lorsqu'on parle de municipalités, à chaque fois que quelqu'un est nommé

 16   commissaire municipal, c'était le Dr Karadzic, en tant que président de la

 17   présidence, qui signait ce document. Mais lorsqu'il s'agit de commissaire

 18   au sein de la présidence, on pouvait changer les choses, changer Karadzic,

 19   Koljevic; d'autres fois, cela pouvait également être M. Krajisnik.

 20   Q.  Ces trois personnes, avaient-elles autorité sur les commissaires à des

 21   moments différents ou avaient-ils une autorité ensemble pendant la période

 22   dont on parle, cette période lors de laquelle ces commissions ont été

 23   créées ?

 24   Mme LOUKAS : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. S'agissant

 25   de cette question, on offre au témoin deux possibilités et cela n'enlève


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  1   rien à la nature directrice de cette question, donc je souhaiterais faire

  2   une objection quant à la façon de poser cette question, car elle est

  3   directrice.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'objection est maintenue.

  5   Monsieur Margetts.

  6   M. MARGETTS : [interprétation]

  7   Q.  Docteur Djokanovic, au mois de juin 1992, les commissaires de guerre

  8   étaient subordonnés à qui ?

  9   R.  Il s'agissait d'une phase initiale dans le travail des commissaires.

 10   C'était Karadzic qui était celui qui avait signé cette décision que j'avais

 11   préparée. Comme j'étais le premier commissaire au sein de cette présidence,

 12   au niveau de la république, je coopérais ou collaborais avec lui,

 13   concernant certains détails de la rédaction du document. Il me semble que

 14   le Pr Koljevic était chargé de quelques municipalités un moment donné, et

 15   ensuite après le mois de juillet ou peut-être dans le deuxième partie du

 16   mois de juillet, s'agissant de la personne qui était chargée du travail des

 17  commissaires municipaux et au niveau de la république, c'était M. Krajisnik.

 18   C'est à ce moment-là qu'on a engagé le plus grand nombre de députés pour

 19   faire le travail des commissaires républicains.

 20   Q.  Votre rôle, en tant que commissaire de Novo Sarajevo, vous demandait de

 21   rendre compte à qui ? A qui faisiez-vous des rapports ?

 22   R.  Sarajevo est ma municipalité. Branko Radan présidait la délégation, et

 23   c'était une des fonctionnaires municipaux de l'époque. J'avais justement

 24   dit, par la télévision, du travail de ces commissaires municipaux, tout le

 25   monde était au courant de mes activités puisqu'ils avaient un grand nombre


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  1   de problèmes à essayer de former les assemblées municipales. Ils étaient

  2   venus me voir afin de me demander de venir à Novo Sarajevo pour leur venir

  3   en aide, afin de pouvoir mettre à bien ce travail. Je leur ai dit qu'il n'y

  4   avait aucun problème, et que c'était M. Krajisnik qui était chargé de mon

  5  travail. Si vous tombez d'accord avec lui, je me rendrais là où vous voulez.

  6   M. Krajisnik n'avait absolument aucune objection concernant ce travail. Je

  7   me suis rendu à Sarajevo en tant que commissaire, et en tenant le document

  8   qui avait été signé par M. Karadzic. C'était sa décision, et c'était des

  9   membres de la présidence qui étaient nommés en tant que commissaire. M.

 10   Krajisnik était la personne qui était responsable de la signature de la

 11   décision du travail de ces derniers.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure, il est 13 heures 45.

 13   Je présume que vous n'avez pas encore terminé l'interrogatoire principal de

 14   ce témoin.

 15   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, voilà, cela met fin à

 16   mon interrogatoire. Le moment est très bien choisi.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis bien heureux de remarquer que

 18   vous avez pu mener à bien votre interrogatoire principal, eu égard au fait

 19   que les Juges ont également posés les questions à ce témoin. Je comprends

 20   qu'il n'y a pas d'autres témoins prévus pour cette semaine, ce qui veut

 21   dire, Mme Loukas, qu'en fait, je me tourne vers vous, Madame Loukas, pour

 22   vous demander de combien de temps aurez-vous besoin pour le contre-

 23   interrogatoire de ce témoin. Je ne parle pas de la préparation, mais

 24   combien de temps effectif avez-vous besoin ?

 25   Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.


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  1   Comme j'ai déjà indiqué au tout début de la semaine, il nous faut

  2   revoir un certain nombre de documents avec M. Krajisnik.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   Mme LOUKAS : [interprétation] J'ai également une autre conférence, une

  5   réunion avec M. Krajisnik cet après-midi.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous interrompre. Je suis navré

  7   de le faire, mais, comme il n'y a pas d'autres témoins prévus pour cette

  8   semaine, si vous me dites : "J'ai besoin de deux jours," il vous faudra

  9   commencer jeudi car la Chambre, comme vous avez peut-être pu remarquer,

 10   n'aime pas accorder de temps supplémentaire pour des préparatifs.

 11   Si vous me dites : "J'ai besoin de six heures ou de cinq heures," à ce

 12   moment là, je vous l'accorderais. Mais le fait de changer de date pour le

 13   contre-interrogatoire, je ne suis pas très enclin à le faire.

 14   Mme LOUKAS : [interprétation] Je ne suis pas en mesure de vous dire

 15   aujourd'hui que le contre-interrogatoire durera exactement quatre heures ou

 16  que j'aurais besoin de plus de temps vendredi pour le contre-interrogatoire,

 17   par exemple. Si vous le souhaitez, Monsieur le Président, Messieurs les

 18   Juges, je pourrais peut-être vous dire que je pourrais compléter mon

 19   contre-interrogatoire en un jour, c'est-à-dire, vendredi, par exemple.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 21   Mme LOUKAS : [interprétation] Si, toutefois, j'ai besoin de temps

 22   supplémentaire, pourrais-je peut-être vous informer demain qu'une session

 23   serait peut-être nécessaire jeudi ?

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   Mme LOUKAS : [interprétation] Voilà, c'est que je n'ai pas encore terminé


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  1   mes entretiens avec M. Krajisnik.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une solution fort pratique, même

  3   si votre évaluation, à ce moment-ci, est que vous n'aurez besoin que de la

  4   journée du vendredi. Je dois dire que cela ne nous permettra peut-être pas

  5   de poser toutes les questions, si les Juges n'auront pas le temps de poser

  6   toutes les questions, car il ne faut pas oublier que cela est important

  7   également. Vous informerez peut-être plus en détail demain; nous n'aurons

  8   pas d'audience demain, à ce moment-là.

  9   Je vous écoute, Monsieur Harmon.

 10   M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, nous préférerions que

 11   suffisamment de temps soit permis pour pouvoir poser des questions

 12   supplémentaires. Je ne voudrais surtout pas nous retrouver sans avoir la

 13   possibilité de poser des questions supplémentaires. Je ne voudrais

 14   certainement pas causer ce préjudice au Dr Djokanovic, de lui demander de

 15   rester pendant le weekend.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous entendrons demain de Mme Loukas de

 17   combien de temps elle lui restera et combien de temps elle aura besoin. Par

 18   exemple, nous pourrions consacrer une heure aux questions supplémentaires.

 19   Je crois que l'expérience nous dit que cela devrait être suffisant. A ce

 20   moment-là, il faudrait également prendre en compte que les Juges voudront

 21   également poser des questions. Pourtant, si Mme Loukas nous dit six heures,

 22   nous réserverions peut-être quatre heures et demie. Nous nous adapterons au

 23   temps, vous nous direz, que vous aurez besoin.

 24   Est-ce que la situation est pratique ?

 25   M. HARMON : [interprétation] Oui.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai vu que M. Krajisnik voulait

  2  également dire quelque chose à ce sujet. Monsieur Krajisnik, je vous écoute.

  3   M. HARMON : [interprétation] Avant que M. Krajisnik ne se lève pour prendre

  4   la parle, il sera peut-être plus propice de demander au témoin de quitter

  5   la salle.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne crois pas que

  7   M. Krajisnik dira quelque chose -- fait qu'il soit nécessairement

  8   nécessaire que le témoin reste.

  9   Monsieur Djokanovic.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je suis entre vos mains, Monsieur le Président.

 11   Comme vous déciderez.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Djokanovic, comme vous avez pu

 13   le remarquer, nous ne sommes pas tout à fait sûr à quel moment on vous

 14   demandera de revenir. Nous vous informerons du moment où nous aurons besoin

 15   de vous rappeler. Je ne sais pas si vous allez devoir revenir jeudi, et à

 16   quelle heures, ou a vendredi. Pour ce qui nous, à la suite de ce qui était

 17   dit, je ne crois pas que l'on pourra reprendre nos travaux demain matin.

 18   C'est ainsi que je vous demanderais de ne pas vous entretenir avec personne

 19   du témoigne que vous avez déjà donné devant cette Chambre.

 20   Vous avez peut-être également remarqué que cette Chambre de première

 21   instance souhaiterait terminer votre contre-interrogatoire avant la fin de

 22   cette semaine, afin que vous puissiez retourner chez vous pour le weekend.

 23   Mme l'Huissière va vous escorter à l'extérieur du prétoire.

 24   [Le témoin se retire]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je donne la parole à M. Krajisnik.


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  1   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je demanderais aux honorables Juges de me

  2   permettre, si cela devait nécessaire, de poser certaines questions à ce

  3   témoin. Je vous promets que je tenterais de faire de mon mieux que Me

  4   Loukas et moi, nous nous mettions d'accord à ce qu'elle pose toutes les

  5   questions. Mais je vous demanderais de me permettre de poser, néanmoins, un

  6   certain nombre de questions à ce témoin, si cela s'avère nécessaire. Il

  7   s'agit d'un témoin dont j'ai déjà parlé à cette honorable Chambre. Vous

  8   êtes déjà au courant des raisons pour lesquelles je voulais poser des

  9   questions à ce témoin.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. Je crois que la

 11   Chambre a déjà statué là-dessus, c'est-à-dire qu'il est habituel que les

 12   accusés ne posent des questions au témoin qu'en aucune circonstance. Les

 13   Chambres ne pourront empêcher des accusés de poser des questions

 14   supplémentaires par les accusés, mais tout en ayant en tête qu'il faudrait

 15   d'abord consulter les conseils. Lorsque vous voudrez poser des questions au

 16   témoin, il faudra d'abord discuter de la chose avec votre conseil, et de

 17   voir quelles sont les questions que vous souhaiterez poser. Il faudrait

 18   peut-être remettre toutes vos questions au conseil de la Défense. Si, en

 19   dernier lieu, vous voyez qu'une ou deux questions sont encore nécessaires,

 20   nous permettrons au conseil la possibilité de s'exprimer et de dire si le

 21   conseil a une objection à formuler, quant au fait de vous permettre de

 22   poser des questions, ou peut-être qu'à ce moment-là, le conseil pourra

 23   s'entretenir plus longuement avec vous. C'était notre décision. Même si, en

 24   réalité, nous n'avons jamais vu des accusés poser des questions, mais nous

 25   ne voulions certainement pas vous empêcher de le faire.


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  1   Vous allez pouvoir certainement le faire.

  2   Est-ce que vous vous souvenez de la décision ? Sinon, je pourrais vous la

  3   remettre.

  4   L'ACCUSÉ : [interprétation] Puis-je ajouter quelque chose, Monsieur le

  5   Président, Messieurs les Juges ?

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je vais devoir vous demander

  7   d'abréger, Monsieur Krajisnik, car nous avons déjà dépassé l'heure prévu.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, certainement. Vous avez pu voir que les

  9   deux témoins précédents étaient très importants. Mon conseil a bien préparé

 10   la Défense, et je n'ai pas voulu, comme on dit chez nous, tué un veau pour

 11   simplement un kilo de viande.

 12   Mme Loukas a très bien préparé ce témoin. Chaque fois qu'elle aura la

 13   possibilité de bien se préparer, à cause du temps qu'on lui allouait, je ne

 14   voudrais surtout pas utiliser ce privilège pour une question ou deux. Mais,

 15   si j'en ai, il faudrait que je pose une question, peut-être, ou deux, et

 16   ceci peut arriver lorsque le conseil a déjà posé toutes ses questions, et

 17   je ne peux pas consulter mon avocat. Je ne voudrais surtout pas me trouver

 18   dans la situation où le témoin doit quitter et touts les questions ne lui

 19   ont pas été posées. Vous pouvez voir que ce sont les personnes ici qui ont

 20   témoignées qui pourront énormément aider les Juges de la Chambre. Ceci est

 21   très important.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci. Je comprends votre

 23   position.

 24   Madame Loukas, nous essayerons de faire de notre mieux. Est-ce que vous

 25   puissiez vous entretenir avec votre client peut-être plus souvent ?


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  1   Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, certainement. En fait, il y a une

  2   question d'interprétation, et nous n'avons toujours pas nécessairement le

  3   temps pour communiquer. Y a-t-il d'autres choses, Madame Loukas ?

  4  Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il semblerait que,

  5   si la Chambre de première instance souhaite assurer que l'audition de ce

  6   témoin se termine avant la fin de la journée de vendredi, et si l'on tient

  7   compte du fait que vous allez vouloir poser des questions, et qu'il y a des

  8   questions supplémentaires par le conseil de l'Accusation, à ce moment-là,

  9   il serait peut-être plus prudent de commencer jeudi après-midi.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai dit après-midi. C'est que nous

 11   n'avons pas de salle d'audience disponible. Je comprends que ce que vous me

 12   dites, que sur la base de votre évaluation, vous avez besoin de peut-être -

 13   - si vous avez besoin de quatre heures, cela prendra deux heures

 14   supplémentaires pour les questions. Si vous avez besoin de six heures, à ce

 15   moment-là, c'est un autre deux heures supplémentaires qui seraient

 16   nécessaires.

 17   Mme LOUKAS : [interprétation] Bien sûr, lorsque je parle de quatre heures,

 18   c'est assez imprécise. Ce n'est qu'une évaluation libre.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant lever

 20   la séance jusqu'à jeudi, et nous verrons à quelle heure nous reprendrons

 21   nos travaux jeudi après-midi pour le contre-interrogatoire de Mme Loukas.

 22   Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie. Je vous remercie, Monsieur

 23   le Président.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons nos travaux

 25   jeudi, mais, pour l'instant, nous ne savons pas encore à quelle heure.


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  1   --- L'audience est levée à 14 heures 00 et reprendra le jeudi 17 mars 2005,

  2   à 9 heures.

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