Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 1er juillet 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience,

6 veuillez citer l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

8 les Juges. Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

10 M. Gaynor.

11 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais commencer aujourd'hui par une

12 brève requête orale aux fins de mesures de protection.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. GAYNOR : [interprétation] Je vais commencer en audience publique et je

15 poursuivrai à huis clos partiel.

16 Il s'agit d'une requête aux fins de mesures de protection pour le Témoin

17 KRAJ 165. Nous avons demandé qu'on l'autorise à déposer avec un pseudonyme

18 et avec la déformation des traits du visage et à huis clos partiel pour les

19 portions de sa déposition qui risquent de l'identifier. Initialement, je

20 voudrais me référer aux critères qui ont été déterminés par la Chambre, par

21 sa décision orale du 13 avril et réitérée le 27 avril 2005. Dans cette

22 ordonnance, vous avez affirmé qu'afin de montrer qu'il y a un risque

23 véritable de révéler l'identité d'un témoin, lorsque ceci pourrait créer un

24 danger à ce témoin, qu'il faut fournir des preuves à cela. Ces preuves

25 objectives peuvent être démontrées en présentant des circonstances qui sont

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1 une combinaison de trois facteurs. Premièrement, la déposition du témoin

2 peut antagoniser des personnes qui résident toujours dans le territoire où

3 les crimes ont été commis. Par exemple, les personnes auraient pu être

4 impliquées dans les crimes; 2, la perspective qu'il y ait un danger au

5 témoin qui vit sur ce territoire, lui ou des membres de sa famille qui

6 possèdent de biens ou qui ont des projets concrets d'y retourner; 3, la

7 situation sécuritaire sur le plan général peut être instable et défavorable

8 aux témoins et aux familles des témoins.

9 S'agissant de ce troisième élément, nous nous appuyons sur le rapport du

10 HCR, de janvier 2005 que nous avons déjà soumis à la Chambre. Vous avez

11 déclaré que ce rapport montre "qu'en Bosnie-Herzégovine, la situation est

12 toujours défavorable aux personnes qui résident ou qui ont des familles qui

13 y résident et qui souhaitent déposer entièrement devant ce Tribunal."

14 Je voudrais revenir à huis clos partiel.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

16 Monsieur Gaynor, vous pouvez poursuivre.

17 [Audience à huis clos partiel]

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10 [Audience publique]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La Chambre vient d'entendre les

12 arguments de l'Accusation qui demande des mesures de protection. La Chambre

13 vient d'annoncer qu'elle présentera sa décision aussi vite que possible,

14 très probablement aujourd'hui, même si tous les motifs de la décision ne

15 seront pas exposés.

16 L'Accusation est-elle prête à citer son témoin suivant ? Je suppose que

17 c'est vous.

18 M. GAYNOR : [interprétation] C'est Mme Richterova qui interrogera le témoin

19 suivant.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. JOSSE : Est-ce que je peux prendre la parole ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Tout d'abord, bonjour. Je vois que

23 vous êtes là, vous n'avez pas de perruque.

24 M. JOSSE : [interprétation] Oui, j'ai été ravi de pouvoir enlever la

25 mienne. C'est un vrai plaisir de parler sans perruque.

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1 Ce sont les documents que vous avez demandés, les documents du représentant.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

3 M. JOSSE : [interprétation] J'en ai donné un à M. Tieger. J'ai des

4 exemplaires pour la Chambre.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. S'agissant du dernier témoin, on

6 souhaitait avoir la totalité du document.

7 Monsieur le Greffier d'audience, est-ce que vous pouvez attribuer une cote

8 à ce document ? Ce sera la pièce de la Défense.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce de la Défense D44.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

11 Monsieur l'Huissier, est-ce que je peux vous demander d'accompagner le

12 témoin suivant ?

13 Est-ce qu'on a des mesures de protection ?

14 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Non, il n'y aura pas de mesures de

15 protection.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Tokaca.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne déposiez devant ce

21 Tribunal, d'après le Règlement de procédure et de preuve, il convient que

22 vous prononciez une déclaration solennelle.

23 LE TÉMOIN : [hors micro]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas de traduction ?

25 Est-ce que M. Tokaca est sur le bon canal ?

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1 Monsieur Tokaca, avant que vous ne commenciez à déposer, je vous invite à

2 prononcer la déclaration solennelle disant que vous direz la vérité, toute

3 la vérité, rien que la vérité.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 LE TÉMOIN : MIRSAD TOKACA [Assermenté]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

9 Monsieur Tokaca.

10 C'est Mme Richterova, qui est le conseil de l'Accusation qui va vous poser

11 des questions en premier.

12 Vous avez la parole.

13 Interrogatoire principal par Mme Richterova :

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tokaca. Pourriez-vous, s'il vous

15 plaît, décliner votre identité, nous donner également la date et l'année de

16 votre naissance ?

17 R. Je suis Mirsad Tokaca, fils de Smajo Tokaca, né le 28 juillet 1954, à

18 Sarajevo.

19 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, je vais poser des

20 questions directrices pour ce qui est du parcours professionnel et

21 personnel du témoin.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection. Allez-y.

23 M. JOSSE : [interprétation] Pas d'objection.

24 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

25 Q. Est-il exact que vous êtes diplômé de la faculté des sciences

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1 politiques de Sarajevo ?

2 R. Oui. J'ai fait ces études-là et je les ai terminées.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour des raisons pratiques, si Mme

4 Richterova vous présente ces informations, ne l'interrompez pas, sauf s'il

5 y a une erreur et, à ce moment-là, corrigez-la.

6 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

7 Q. Vous avez également fait des études de droit et d'économie, ainsi qu'un

8 troisième cycle dans le domaine des relations internationales. Vous avez

9 débuté votre carrière en tant que journaliste en travaillant pour la

10 télévision de Bosnie-Herzégovine. Plus tard, vous avez créé une entreprise

11 dans le domaine du marketing financier; est-ce exact ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez, pendant cette période d'études, passé un autre

14 diplôme ? Est-ce que vous avez soutenu une thèse ? Est-ce qu'il y a un

15 autre degré universitaire que je n'aurais pas mentionné ?

16 R. Non, je n'ai pas fait d'autres études. Après avoir terminé mes études

17 de troisième cycle dans le domaine des relations internationales, je suis

18 en train de travailler d'arrache-pied sur un travail qui concerne les rôles

19 joués par les Nations Unies dans la guerre en Bosnie-Herzégovine. Après

20 toutes ces recherches que j'ai menées ces dernières années, j'espère que je

21 trouverai suffisamment de temps pour mener à bien la recherche et le

22 travail selon lequel je suis à présent.

23 Q. Monsieur Tokaca, vous avez travaillé avec la commission d'Etat qui

24 recueillait des données sur les crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine; à

25 quel moment est-ce qu'on a créé cette commission ?

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1 R. Oui, j'ai été secrétaire de la commission d'Etat, qui a été créée le 28

2 avril 1992 par une décision de la présidence de Bosnie-Herzégovine. Dès les

3 mois de mai, juin, juillet, j'ai été invité à travailler dans le cadre des

4 préparatifs pour cette commission. Comme je viens de le dire, j'ai été

5 nommé son secrétaire en août et pendant tout ce temps --

6 Q. Excusez-moi.

7 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Est-ce que M. l'Huissier peut déplacer le

8 rétroprojecteur parce que je n'arrive pas à voir le témoin ?

9 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre quel a été le mandat de cette commission

10 d'Etat ?

11 R. Avant tout, la tâche de la commission a été de commencer à recueillir

12 toutes les informations pertinentes, des témoignages, des documents, des

13 ordres militaires, des documents des organes civils, de tout ce qui pouvait

14 être important dans le cadre des procès devant les tribunaux auxquels on

15 s'attendait, qui allaient à voir avec les crimes de guerre commis en

16 République de Bosnie-Herzégovine depuis le début de la guerre, en avril

17 1992.

18 En outre, notre tâche a été, également, de nous mettre en contact avec les

19 organisations internationales qui travaillaient dans le même domaine ou un

20 domaine similaire, que ce soit des agences des Nations Unies, des

21 organisations gouvernementales ou non gouvernementales.

22 Q. Monsieur Tokaca, je voudrais que vous me répondiez par des réponses

23 plus brèves parce qu'il nous est un petit peu difficile de suivre et ces

24 réponses longues sont si difficiles pour les interprètes.

25 Vous avez mentionné que, dans le cadre de vos tâches, il fallait

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1 aussi mettre sur pied une coopération avec d'autres organisations. Mais, à

2 part cela, quelles sont les autres missions spécifiques que vous avez eues

3 dans cette commission ?

4 R. Avant tout, nous allions faire des recherches, travail de recherche;

5 c'était cela, notre mission principale. Il fallait repérer les gens qui

6 avaient des connaissances sur des crimes de guerre. Il fallait mener des

7 entretiens avec eux et sur la base des entretiens, nous procurer des

8 informations pertinentes qu'on allait pouvoir transmettre aux instances

9 judiciaires. C'était cela, la tâche-clé.

10 Q. Vous avez mentionné des entretiens. Vous avez conduit des entretiens

11 avec des gens. Vous, personnellement, est-ce que vous avez parlé avec des

12 témoins ?

13 R. Oui. Si nous avons opté pour des entretiens, c'est parce que c'est une

14 formule complexe qui nous permet de nous procurer de nombreuses

15 informations pertinentes. Moi-même, j'ai eu de nombreux entretiens avec des

16 témoins. Parfois, j'ai recueilli des déclarations. Bien entendu, j'étais la

17 personne responsable, mais j'avais aussi des assistants, que ce soit sur le

18 terrain ou à Sarajevo ou à d'autres endroits en Bosnie-Herzégovine. Mais,

19 en situation de guerre, il a fallu effectivement que, moi aussi, je

20 travaille directement, personnellement, avec les témoins et que je

21 recueilli leurs témoignages.

22 Q. Vous, personnellement, vous avez pris combien de déclarations, à peu

23 près ? La commission, dans son ensemble, en a recueilli combien ?

24 R. Personnellement, j'ai travaillé certainement sur plus de

25 1 000 déclarations. Pour chacune des déclarations qui a été recueillie dans

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1 le cadre des travaux de la déclaration, je l'ai relue. A ce jour, nous en

2 avons plus de 7 000, en tout.

3 Q. Est-ce que vous pouvez préciser à la Chambre quelle a été la

4 méthodologie que vous avez adoptée dans votre travail ? Une fois que vous

5 avez recueilli la déclaration, même avant, comment procédiez-vous ?

6 R. Avant tout, il a été très complexe d'établir des contacts avec les

7 témoins et de recueillir leurs dépositions. Je dois dire que j'ai travaillé

8 tout ce temps à Sarajevo qui était encerclé. Il fallait traverser la piste;

9 après la construction du tunnel, il fallait emprunter le tunnel. Les moyens

10 n'étaient pas faciles pour entrer en contact avec les témoins et pour

11 travailler avec eux.

12 Une fois ces informations recueillies, cela parvenait dans notre

13 bureau central à Sarajevo où des juristes, des historiens, des sociologues

14 travaillaient là-dessus, analysaient cela conformément à la méthodologie

15 que nous avons adoptée. Celle-ci se fondait sur les normes du droit

16 international humanitaire, les quatre conventions de Genève, les deux

17 protocoles additionnels, tout ce qui est l'aspect formel du problème. On

18 catégorisait, conformément à cette méthodologie, nos déclarations. On avait

19 un système de codage qu'on a mis sur pied, on archivait tout cela et on

20 enregistrait, également, dans notre base de données.

21 Q. Avant qu'on ne parle de votre base de données, je voulais savoir --

22 vous dites que vous avez analysé, archivé ces informations et que par la

23 suite, vous enregistriez ces données dans votre base de données. Est-ce que

24 vous avez réussi à tout faire entrer, mémoriser dans votre base de

25 données ?

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1 R. Non. Malheureusement, il s'agit d'archives énormes. Nous avons

2 rencontré d'innombrables obstacles, à commencer par les problèmes dus à la

3 situation de guerre et ensuite, pour ce qui est du travail de la

4 commission, il y a eu des obstructions. Une partie de ce travail n'a pas

5 été analysée et ne fait pas partie de la base de données. Je ne sais pas

6 quel sera le sort final de la commission. Entre-temps, j'ai été contraint

7 de prendre un groupe de collaborateurs pour créer une association que nous

8 avons appelée centre d'Information et de Documentation, sur une base de

9 volontariat. Je travaille comme volontaire pour pouvoir poursuivre nos

10 travaux car, comme je viens de dire, depuis la signature des accords de

11 Dayton jusqu'à aujourd'hui, le travail de la commission a été obstrué d'une

12 manière considérable.

13 Q. Vous avez dit que le travail était obstrué et que vous, ainsi qu'un

14 groupe de volontaires, vouliez poursuivre le travail ou les travaux de la

15 commission d'Etat. Combien de temps avez-vous travaillé pour la commission

16 d'Etat ?

17 R. J'y étais jusqu'en 2003.

18 Q. Après cela ?

19 R. Après cela, je suis devenu le président du centre de Documentation et

20 de Recherche, mais je dois ajouter que tous les moyens financiers pour les

21 travaux de la commission étaient arrêtés au mois d'août 1998 et c'est ainsi

22 que notre travail a été obstrué. J'ai dû essayer de trouver des solutions

23 pour financer tous ces travaux car j'avais des recherches importantes à

24 faire et je considère que ce travail de recherche est particulièrement

25 important. J'ai essayé de trouver tous les moyens nécessaires afin que nous

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1 puissions continuer les travaux de la commission.

2 Q. Vous nous avez dit que vous avez continué de travailler au centre de

3 Recherche et de Documentation. Est-ce qu'il s'agit de quelque chose de

4 nouveau ? Est-ce que c'est un nouveau travail ou est-ce que vous avez

5 simplement continué de faire ce que vous avez déjà fait, lorsque vous avez

6 commencé à travailler au sein de la commission d'Etat ?

7 R. Vous savez, nous avons essayé de continuer la tradition, c'est-à-dire

8 que notre expérience qui a été faite, qui a été recueillie, c'est-à-dire,

9 recueillir les déclarations, faire des cartes et de continuer l'histoire

10 orale, de noter l'histoire orale, c'était ainsi que nous l'avons appelé,

11 nous avions souhaiter élargir les activités de ce centre de Documentation,

12 de l'élargir afin de pouvoir recueillir d'autres documents, d'autres

13 archives qui se trouvent dans d'autres institutions afin de pouvoir former,

14 créer une archive très élargie. Nous voulions, également, éduquer les

15 jeunes gens dans ce domaine et nous voulions pouvoir recueillir tous les

16 faits à un seul endroit qui pourraient parler des événements de 1992 et

17 1993. Ce centre de Recherche n'était concentré que sur

18 l'année 1992 et l'année 1993. On ne parle que de ces deux années-là.

19 Q. Monsieur, est-ce que vous avez travaillé sur des projets spécifiques au

20 sein du centre de Recherche et de Documentation, sur des aspects

21 spécifiques?

22 R. Nous avons, d'abord, essayé d'adopter une stratégie au centre. Nous

23 l'avons appelé : "Faire face au passé." Cette stratégie, si vous voulez,

24 repose sur plusieurs piliers. Nous avions des projets spécifiques, mais

25 l'un des projets principaux que nous avions entamés à la fin de 2003 était

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1 le projet auquel nous avons donné le nom : "Pertes de citoyens, pertes

2 d'habitants," et si vous voulez, je pourrais y revenir. Outre ce projet de

3 pertes de citoyens, nous avons, également, mis sur pied un projet qui

4 s'appelle : "L'histoire orale, projet qui suit les actes juridiques." Vous

5 savez qu'en Bosnie-Herzégovine, le travail d'Etat -- c'est-à-dire, il y a

6 une section particulière pour les crimes de guerres qui a été mise sur pied

7 et nous voulions, au sein de notre compagnie, établir le suivi de ces

8 actions juridiques.

9 Nous voulions, outre tout cela, établir des liens très proches avec

10 deux autres centres de Documentation à Belgrade et Zagreb. Belgrade, c'est

11 le Fonds pour le droit humanitaire, alors qu'à Zagreb, c'est un centre qui

12 s'appelle centre qui fait face au passé. Nous, nous souhaitons créer ou

13 mettre sur place une instance qui peut répondre aux questions s'agissant

14 des crimes de guerre. Nous voulons créer une atmosphère propice pour que

15 les témoins qui n'ont jamais rien dit à personne se sentent plus à l'aise

16 de venir au centre et d'en parler. Il y a, également, un problème de

17 manipulation de faits dans notre société, dans notre région et nous voulons

18 nous baser sur les faits, nous voulons établir les faits, la vérité, mais

19 par les faits et en se servant, également, de la jurisprudence ainsi que

20 des lois qui existent dans ce Tribunal-ci et ailleurs dans notre pays.

21 Q. Monsieur Tokaca, vous nous décrivez en détail le but de la création de

22 ce centre. Je souhaiterais vous demander de nous parler de ce projet appelé

23 pertes de population. Est-ce que vous avez, également, mis sur pied une

24 base de données, alors que vous travailliez au centre de Recherche et de

25 Documentation ?

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1 R. C'était la condition principale, avant de commencer avec une recherche

2 si complexe. Nous avons créé une base de données très moderne, de bonne

3 qualité et nous avons archivé, dans cette base de données, tous les

4 résultats de notre recherche, c'est-à-dire, la recherche et l'explication

5 de chaque individu. Nous avons essayé d'expliquer le sort de chaque

6 individu, indépendamment du fait que ce soit un soldat ou une personne,

7 indépendamment de l'affiliation sociale, professionnelle, indépendamment de

8 la religion. Cela ne nous a pas intéressé. Nous voulions nous concentrer

9 sur les victimes et nous voulions obtenir les détails selon lesquelles la

10 victime a perdu la vie.

11 Q. Si je vous comprends bien, vous recueilliez, vous aviez recueilli

12 l'information dans le cadre de votre travail et non seulement concernant

13 les crimes qui ont été commis à l'endroit des Bosniens, mais, également,

14 les crimes commis à l'encontre des Serbes et des Croates; est-ce que c'est

15 exact ?

16 R. Oui.

17 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Avec la permission des Juges de la

18 Chambre, je voudrais demander à M. Tokaca de nous expliquer brièvement, de

19 nous parler de sa base de données. Il pourrait nous montrer comment il

20 procède à l'archivage des données.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, on a fait une demande pour que le

22 témoin puisse se servir de son laptop. La Chambre a statué que c'était

23 possible. Si le témoin nous présente sa base de données, je n'imagine pas

24 que le témoin va verser au dossier son ordinateur portable. Je ne sais pas

25 de quelle façon nous allons procéder au versement au dossier de

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1 l'information qu'il nous fournit.

2 Mme RICHTEROVA : [interprétation] En réalité, Monsieur le Juge, je voulais

3 simplement expliquer à vous, Juges de la Chambre, de quelle façon cette

4 recherche se fait, de quelle façon le centre de Recherche fonctionne, quel

5 est le genre de données que le témoin utilise. Ce n'est pas un document que

6 nous aimerions verser au dossier, cela n'est pas nécessaire. Nous voudrions

7 simplement vous montrer de quelle façon le témoin travaillait.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'imagine que plus tard, vous

9 allez verser au dossier les données sur papier tirées de cette base de

10 donnée.

11 M. RICHTEROVA : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, c'est oui. Je suppose que

13 ce n'est pas vous qui allez nous l'expliquer, mais le témoin.

14 Je vous écoute, Monsieur Josse.

15 M. JOSSE : [interprétation] Nous n'avons aucune objection, Monsieur

16 le Président, comme vous le savez, car nous avons été avisés et notifiés de

17 cette procédure.

18 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

19 Q. Très bien. Monsieur Tokaca, vous m'avez demandé d'appuyer sur ce

20 bouton. Je ne sais pas quel bouton appuyer exactement. Voilà, c'est le

21 bouton "ordinateur". Très bien.

22 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

23 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

24 Q. Pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre quels dossiers peuvent

25 être retrouvés dans votre base de données ?

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1 R. Je ne vais pas trop m'étaler, je ne veux pas faire perdre du temps à

2 cette Chambre. Je voulais vous montrer la méthodologie, quelle était la

3 façon dont nous avons décidé d'aborder ceci.

4 A l'écran, vous pouvez voir une série de données. Je vais vous mener,

5 vous guider à l'aide de ces flèches; c'est l'appartenance religieuse et par

6 la suite, nous avons enregistré ces victimes qui appartiennent à toutes les

7 religions.

8 Ensuite, vous avez l'appartenance nationale; ensuite, vous avez les

9 municipalités et il y a 112 municipalités qui ont été abordées, qui se

10 trouvent en Bosnie-Herzégovine. Vous avez les documents dont on s'est servi

11 ici et vous avez toute une série de détails, de données de différentes

12 institutions, d'individus. Il y a plus de 400 --

13 Q. Monsieur Tokaca, veuillez ralentir, s'il vous plaît.

14 R. Je vous remercie. Excusez-moi. Nous avons toutes ces données qui

15 proviennent de diverses sources. Il est très important d'essayer d'établir

16 les faits pour chaque victime, pour chaque personne décédée. Nous voulons

17 expliquer les circonstances entourant son décès et au

18 point 5, nous pouvons voir, ici, les façons dont les personnes ont perdu la

19 vie. Ensuite, vous avez toutes sortes de documents, vous avez les documents

20 vidéo, vous avez des documents écrits, des coupures de journaux, des

21 photographies, des données appartenant aux institutions d'Etat qui peuvent

22 nous permettre de faire la recherche.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrais-je vous demander de ralentir,

24 s'il vous plaît ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, certainement.

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1 C'est ainsi qu'à la fin, vous pouvez voir divers types de documents

2 dont nous nous servons. A droite, aux points 7, 8, 9, 10

3 et 11. Vous pouvez apercevoir que nous avons classifié les données selon le

4 système juridique, système légal. Je l'ai déjà dit, chaque donnée que nous

5 trouvons dans diverses déclarations, nous les classifions de cette façon-là

6 afin de pouvoir faire la recherche plus facilement, plus tard. J'ai déjà

7 mentionné que nous nous servions des conventions de Genève et des autres

8 normes, du droit international humanitaire et vous pouvez voir, ici, au

9 point 5 -- plutôt, vous pouvoir qu'il y a six catégories, ce sont des

10 personnes protégées, et cetera, et cetera. Je ne veux pas m'étaler plus

11 longuement là-dessus. Je vais vous montrer le point-clé.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez devoir ralentir, vous allez

13 vraiment devoir ralentir, Monsieur.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame, vous pourriez peut-être essayer

16 de prendre plus le contrôle de votre témoin.

17 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je sais.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne veux pas dire que la méthodologie

19 n'est pas nécessairement importante, mais les Juges de cette Chambre ont

20 déjà reçu, par exemple, le témoignage Milosevic et nous avons même remarqué

21 qu'environ 80 % des témoignages parlent de la méthodologie, de la qualité

22 du travail, mais on n'a pas dans le moment parlé des résultats de ce

23 travail. Je pense qu'il est important de comprendre cela.

24 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui, justement, je l'avais compris, mais

25 j'ai essayé de faire les choses un peu différemment.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que vous avez compris

2 comment fonctionne cette méthodologie.

3 Monsieur Tokaca, Madame le Procureur va vous poser des questions et je vous

4 demanderais de répondre de façon courte, brève et ensuite on vous posera

5 d'autres questions.

6 Veuillez poursuivre, Madame.

7 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

8 Q. Monsieur Tokaca, étant donné que nous parlons de personnes qui ont

9 perdu la vie, de personnes disparues également, vous avez préparé les

10 tableaux, nous allons en parler plus tard. Je voudrais simplement vous

11 demander d'expliquer aux Juges de quelle façon est-ce que vous évitez les

12 doublons ? Pourriez-vous montrer brièvement, par exemple, un dossier

13 pertinent et nous expliquer de quelle façon vous évitez les doublons ?

14 R. C'était un problème particulièrement compliqué. Il nous a fallu trouver

15 une bonne solution lors de notre recherche. Avant de répondre à votre

16 question, je dois vous parler du contexte et des raisons pour lesquelles

17 nous avons dû le faire. Cette recherche et toutes les personnes qui sont à

18 la recherche de la vérité dans le cadre de crimes savent de quoi il s'agit.

19 Dans les régions, il y avait beaucoup de manipulation de chiffres et les

20 évaluations n'étaient pas tout à fait précises, les évaluations de victimes.

21 On s'est servi de ces chiffres, mais nous avons voulu essayer d'arriver à

22 une quantité qui se rapproche au plus de la vérité, non seulement de la

23 quantité des victimes, mais également de l'identité des victimes.

24 C'est dans le cadre de ce processus que nous avons vu que les noms des

25 victimes se retrouvaient souvent, c'est-à-dire qu'eux, il y avait plusieurs

Page 15636

1 sources qui nous donnaient le même nom, et même au sein d'une même source,

2 nous pouvions apercevoir des doublons. Je vais vous donner un exemple, un

3 seul exemple pour vous expliquer comment nous avons fait pour éviter les

4 doublons.

5 Voyez-vous ici, vous avez la première colonne de gauche, là où je vous

6 montre avec le curseur, c'est les sources potentielles de données. Vous

7 pouvez en voir diverses données que nous avons utilisées. Ensuite sous le

8 point A, vous voyez des X. Ce sont les données qui se trouvent dans notre

9 base de données et ce sont des victimes "actives" et c'est là qu'on les

10 prend. Pour ce qui est des autres, c'est des doublons ou nous n'avons pas

11 trouvé des données correspondantes pour ces témoins qui pourraient nous

12 démontrer qu'il s'agit de victimes qui sont décédées. Voilà pour Abaza

13 Muhamed, par exemple, je vais vous aider à l'aide de la flèche.

14 Q. Monsieur --

15 R. Oui.

16 Q. Monsieur Tokaca, vous avez parlé de données "actives." Quel est le

17 critère pour que l'on puisse dire pour une entrée qu'elle est active ?

18 R. Lorsque je parle de données actives, cela veut dire que dans notre base

19 de données, nous avons plus de 250 000 noms. Pour décider de la donnée que

20 nous allons marquer comme active dans la base de données, voyez-vous ici

21 nous avons trois noms. Par exemple, nous avions décidé de prendre le nom

22 qui avait le plus de détails. Alors ici, nous avons décidé d'utiliser M.

23 Abaza Muhamed, par exemple. Vous pouvez voir que son père s'appelle Arif,

24 et vous avez quatre fois le nom qui se répète. Vous avez deux fois la même

25 année de naissance, 1949. Cette année de naissance se répète trois fois.

Page 15637

1 Dans quatre cas, son nom et son prénom réapparaît dans notre base de

2 données, alors que nous avons décidé de nous servir de l'entrée X, cela

3 veut dire que c'est l'endroit que nous avons reçu le plus de données pour

4 lui, c'est-à-dire que ces noms ont été triplés. Nous avons essayé

5 d'éliminer de cette façon-là, tous les cas possibles afin de ne pas pouvoir

6 voir des noms doublés ou triplés, pour éviter d'obtenir un chiffre erroné.

7 C'est là que nous avons pu recevoir une donnée très concrète dans ce cas-

8 ci.

9 Si nous avons 259 000 noms dans la base de données, les 90 000 noms dont

10 nous parlons sont des noms actifs et nous estimons que ces noms font partie

11 du recueil des personnes pertinentes, c'est-à-dire des personnes dont les

12 données sont pertinentes et actives.

13 Q. Très bien. Merci. Je crois que les Juges ont compris. Je vous

14 demanderais, Monsieur, de prendre les tableaux.

15 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je ne sais pas si on a fourni le tableau

16 au témoin et aux Juges de la Chambre.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Qu'appelez-vous graphiques ou

18 tableaux, Madame Richterova ?

19 Mme RICHTEROVA : [interprétation] C'est la version couleur du graphique.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le tableau qui parle des

21 municipalités, de 3869 à 4053. Oui. Très bien, c'est très clair. Pourriez-

22 vous donner une cote, je vous prie ?

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce graphique fait

24 référence aux bosniens civils portés disparus ou tués, et portera la cote

25 857.

Page 15638

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Richterova, il n'y a pas de

2 traduction ?

3 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Nous allons fournir la traduction de l'un

4 de ces graphiques mais je crois que les graphiques sont assez clairs et il

5 est facile de les comprendre même s'ils ne sont pas traduits. Nous allons

6 demander au témoin de nous expliquer ce que ces graphiques veulent dire.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Simplement pour voir si nous pouvons

8 gagner du temps.

9 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Pardon --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En regardant la première page, il

11 semblerait qu'il s'agit de civils en 1992, et on sépare ce tableau en 12

12 mois. Sur ce tableau, nous pouvons également voir que de 1 à 2, c'est

13 janvier à février, 2 à 3 devrait représenter les mois de février, mars, et

14 cetera. C'est la raison pour laquelle nous allons de 12 à 13 car c'est le

15 mois de décembre, donc couvert par les chiffres 12 et 13 --

16 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et je peux voir Ubijeni et Nestali,

18 Ubujeni dont tué et Nestali porté disparu. Alors nous pouvons obtenir ces

19 informations d'autres sources et ce sont des chiffres que l'on a

20 additionnés à la fin. C'est la première page parce que de la deuxième page,

21 on parle de Bijeljina. La première page on l'avait signé et là nous avons

22 peut-être besoin d'un peu d'explications. C'est au bas de la page et nous

23 pouvons voir "nacionalna struktura," la structure nationale, selon

24 recensement de 1991. Est-ce que c'est le recensement de 1991, lorsqu'on a

25 demandé aux personnes de se prononcer sur leur nationalité ?

Page 15639

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la première ligne, c'est les Croates,

3 deuxième ligne les Bosniens, troisième ligne, Serbes, quatrième ligne,

4 Yougoslaves, et cinquième ligne les autres, "ostali," étrangers. Est-ce que

5 c'est étrangers, Monsieur le Témoin, est-ce que cela veut dire étrangers,

6 "ostali", autres ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Autres et non pas étrangers.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, autres.

9 Sur le graphique, je vois Monsieur, que les personnes tuées -- s'il y

10 a plus de personnes portées disparues, tout d'un coup la ligne qui indique

11 les personnes tuées disparaît et elle est cachée par le nombre des

12 personnes portées disparues. Si je comprends bien la conséquence de

13 l'utilisation de ce schéma, nous pouvons voir en haut les numéros, mais au

14 bas de la page, le bleu disparaît sous le rouge; est-ce que c'est exact ?

15 C'est superposé. Peut-être un peu moins de couleur aurait pu nous montrer

16 le graphique. Est-ce que cela, comme je viens de le dire, explique ce que

17 cette page représente ?

18 Madame Richterova, vous pouvez ajouter ce que vous voulez, si vous

19 voulez, mais il faudrait peut-être essayer d'être un peu plus efficace,

20 car nous pouvons déjà comprendre à premier abord ce que nous pouvons voir.

21 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec vous,

22 Monsieur le Président. Je crois qu'on peut très bien comprendre ces

23 graphiques. Ils sont très clairs. Donc, quelques questions concernant ces

24 tableaux.

25 Q. Vous avez intitulé certaines pages "tuées," et "personnes portées

Page 15640

1 disparues." De quelle façon est-ce que vous avez établi les critères pour

2 savoir quelles sont les personnes qui feraient partie de la catégorie

3 "tuées" et quelles sont les personnes qui appartenaient à la catégorie

4 "portées disparues" ?

5 R. Toutes les personnes dont l'identité a été établie sont placées dans la

6 catégorie des personnes tuées. Pour ce qui est des personnes dont on ne

7 sait pas où sont les corps ou où sont les parties de corps se trouvent

8 encore dans la catégorie des personnes portées disparues. C'était le

9 critère principal pour faire ce tableau. Nous nous sommes basés sur ces

10 deux critères, les personnes tuées seulement lorsque l'identité de la

11 personne a été établie et l'autre, non.

12 Q. Vous avez parlé "que lorsqu'on a établi l'identité de la personne,"

13 placée sous la catégorie de personnes tuées, est-ce qu'il est nécessaire de

14 mettre également dans votre base de données la date du décès, afin de

15 pouvoir placer une personne tuée dans la catégorie des personnes tuées ?

16 R. Oui. Voilà, justement. Le questionnaire contient toute une série de

17 données concernant le témoin, outre le nom du père, de la mère, et cetera,

18 et de l'adresse. Il y a également la date du décès, l'endroit du décès,

19 ainsi que l'endroit où la personne a été enterrée.

20 Q. Lorsque vous avez compilé par exemple ces données, est-ce que vous avez

21 dû éliminer ces données de votre base de données ?

22 R. Oui. C'était absolument important, car pour plusieurs personnes nous ne

23 savons toujours pas la date précise du décès. Ce qui veut dire qu'un

24 tableau tel que celui-ci, il est absolument impossible de le faire si nous

25 n'avions absolument pas une date de décès incontestable, c'est-à-dire nous

Page 15641

1 avions besoin de l'année et du mois de décès, afin de pouvoir les classer

2 sous les mois et les années. Afin de pouvoir placer les victimes dans la

3 catégorie des personnes tuées, il fallait au moins avoir deux données

4 minimales, c'est-à-dire le mois du décès et l'année du décès.

5 Q. Si vous n'avez pas ce genre d'information, que faites-vous avec les

6 données dont vous disposez ?

7 R. A ce moment-là, ces données sont éliminées du tableau. Je souhaiterais

8 simplement informer les Juges de la Chambre qu'il s'agit ici de données qui

9 ne sont pas définitives. Ce sont des données qui peuvent indiquer quelque

10 chose, c'est-à-dire soit le fait que les personnes soient tuées ou portées

11 disparues sur un territoire donné, mais le projet est encore en cours. Je

12 ne m'attends pas à ce que des différences très importantes se passent. Je

13 m'attends simplement qu'il y ait peut-être des changements pour ce qui a

14 trait des chiffres, mais je sais que les chiffres pourraient changer, et

15 puisque la base de données est toujours en cours, on l'étoffe au fur et à

16 mesure. Pour l'instant, on ne parle que de personnes tuées ou de personnes

17 portées disparues sur un territoire donné dans une période donnée.

18 Q. Je souhaiterais passer au tableau qui parle de la municipalité de Foca.

19 Il s'agit du tableau numéro 40422-3872. C'est le numéro que porte ce

20 tableau. Monsieur, vous avez mentionné que ce tableau comporte une erreur.

21 Pourriez-vous nous expliquer où se trouve cette erreur ?

22 R. Oui. Lorsque je me suis préparé pour venir témoigner devant cette

23 Chambre de première instance, j'ai consulté la base de données. Vous savez,

24 c'est un travail qui n'a jamais de fin si vous voulez. Il m'est très

25 important de vous expliquer la chose suivante : voyez-vous, ici au numéro

Page 15642

1 33 dans la première colonne -- je ne peux pas dire qu'il s'agit d'une vraie

2 erreur parce que ces personnes ont vraiment bel et bien été tuées. Puisque

3 nous ne savions pas une date précise, le système était censé accepter ces

4 personnes. Il s'agit de 33 personnes qui effectivement avaient été tuées en

5 1992, mais nous n'avons pas de données précises concernant la mort de ces

6 personnes. C'est pour cela que nous avons indiqué 01-01-92. C'est ainsi que

7 ces personnes sont apparues dans ce tableau ici et j'ai demandé à ce qu'on

8 élimine les 33 personnes de ce tableau, pour pouvoir obtenir un nouveau

9 chiffre. C'est la première chose que je voulais vous dire.

10 Dans la colonne 6, là où c'est marqué 201 personnes tuées, j'ai trouvé des

11 données concernant un homme dont le nom de famille était Masic. Donc, Masic

12 à un endroit, alors qu'à un autre endroit, c'était Mesic. Mais il

13 s'agissait, selon la méthodologie que je vous ai démontrée, il s'agissait

14 d'un doublon de données. Mais ce sont des situations assez rares. Cela

15 n'arrive pas très, très souvent.

16 C'est la raison pour laquelle je voulais simplement vous aviser du fait que

17 nous allons probablement introduire au fur et à mesure des changements

18 minimes. Ce sont quand même des données qui sont très fiables, pour

19 l'instant.

20 Deuxièmement, je voulais vous dire que derrière chaque numéro que

21 vous voyez ici, il y a toujours un nom de famille, un prénom avec les

22 données qui sont absolument indispensables. Il ne s'agit pas simplement de

23 chiffres ordinaires; il s'agit de chiffres derrière lesquels il y a des

24 noms et des prénoms, des victimes vraies, concrètes. Dans le cas de Foca,

25 vous pouvez voir tout ce qui s'est passé, et dans quel laps de temps.

Page 15643

1 Q. A partir de ce tableau, avez-vous été en mesure de tirer des

2 conclusions sur les personnes tuées et disparues ?

3 R. Est-ce que je pourrais vous demander de me permettre de dire

4 autre chose avant de répondre à votre question, quelque chose qui

5 m'apparaît tout à fait essentiel pour les Juges ? En 1996, pour le comité

6 des Nations Unies dirigé par M. Manfred Novak, comité chargé des personnes

7 disparues, j'ai accompli une mission. J'ai fait un travail semblable pour

8 ces crimes, et c'est la raison pour laquelle j'ai continué en utilisant

9 toujours la même méthode, en incluant également les personnes qui avaient

10 été tuées. Ces graphiques, c'est intéressant, correspondaient pratiquement

11 entièrement avec ceux que j'ai faits dix ans plus tard. Je peux vous les

12 remettre, si vous estimez que c'est nécessaire.

13 Mais disons que tous les graphiques que j'ai présentés pour

14 Nevesinja, Bijeljina et autres, nous montrent l'apparition d'un phénomène

15 pendant une période extrêmement courte, surtout dans les quatre premiers

16 mois de 1992, avec des gens qui ont disparu, qui ont été tués. Vous l'avez

17 peut-être remarqué, mais peut-être pourrait-on utiliser différents types de

18 graphiques. On voit qu'il y a une correspondance absolue entre les

19 personnes tuées et les personnes disparues. Cela correspond tout à fait.

20 Pour ce qui est de Foca, pour cette période, tout ceci a eu lieu entre

21 avril et août, une période extrêmement courte.

22 Q. Il y a quelques instants, vous nous avez parlé de la différence

23 entre les personnes tuées et les personnes disparues. Vous avez également

24 fourni une liste ou plutôt un graphique dans lequel on peut faire la

25 différence. A part, également, de votre base de données, on peut faire la

Page 15644

1 distinction entre les civils et les soldats. Quels sont les critères qui

2 ont été utilisés pour saisir ce type d'information ? Quelles sont les

3 sources d'information utilisées ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Richterova, passez-vous

5 maintenant à une autre pièce ?

6 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, il faudrait le

8 préciser.

9 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui. Peut-être pourrais-je le dire avant

10 que le témoin ne réponde.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement.

12 Il s'agira d'un document qui ne porte pas de numéro ERN, n'est-ce pas

13 ?

14 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Nous attendons le numéro ERN. Il n'a pas

15 encore été attribué. J'aimerais utiliser un document que nous vous avons

16 fourni. Nous vous avons fourni une version où figure une traduction encore

17 non officielle en anglais, traduction des parties B/C/S qui sont

18 pertinentes.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais savoir combien il y a de

20 pages, mais en fait, il n'y en a qu'une. Je vois qu'il s'agit d'un document

21 du centre IDC.

22 Mme RICHTEROVA : [interprétation] En tout, il y a 28 pages,

23 14 pages en B/C/S, et 14 pages en anglais.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une cote, s'il vous plaît.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce portant cote P848

Page 15645

1 [comme interprété].

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Auparavant, Madame Richterova,

3 permettez-moi de poser un certain nombre de questions au témoin.

4 Je vois que sur la pièce P857, vous avez souligné en jaune les mois

5 4, 5 et 6 de l'année 1992. Puis, on voit qu'à Kalinovnik, le mois numéro 7

6 est inclus pour prendre en compte les meurtres. Est-ce qu'il y a une raison

7 à cela ou est-ce qu'il s'agit tout simplement d'une erreur ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est simplement pour moi. Je voulais

9 simplement indiquer les choses dont j'avais parlé. Par exemple, à

10 Nevesinje, on voit que le jaune, c'est quelque chose d'interne qui me

11 concerne personnellement. Cela n'a absolument rien à voir avec quoi que ce

12 soit, avec aucune donnée, avec la pertinence ou non de telle ou telle

13 donnée. J'ai procédé à ces indications, j'ai surligné ces éléments de

14 manière temporaire. Je n'ai pas eu le temps de les éliminer. Il y a même

15 des graphiques où il n'y a pas de partie surlignée. Comme je n'ai pas eu

16 beaucoup de temps pour me préparer à cette déposition, je n'ai pas eu le

17 temps d'enlever ou j'ai oublié de supprimer les parties soulignées.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, cela ne signifie rien du tout.

19 Autre question : en haut du document, on voit toujours la municipalité

20 concernée et on voit la mention bosniaque. Est-ce que cela veut dire qu'on

21 s'intéresse ici uniquement aux données concernant les Bosniens -- enfin,

22 les Bosniaques parce que si j'ai bien compris, vous ne souhaitez pas

23 utiliser le terme de Musulmans, mais vous préférez utiliser celui de

24 Bosniens -- Bosniaques non-Serbes. Est-ce que tout le monde est inclus ou

25 est-ce que c'est uniquement cette partie de la population ?

Page 15646

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'utilise les

2 désignations officielles du groupe des Bosniens en

3 Bosnie-Herzégovine. C'est une catégorie qui est désignée, qui a été

4 identifiée par la constitution. Je ne vois pas comment je pourrais appeler

5 les gens autrement. Il y a un autre terme, une autre dénomination qui n'est

6 pas légitime. Parfois, on parle de ces gens en parlant de Musulmans ou de

7 Bosniaques musulmans. Il s'agit de Musulmans de souche -- enfin, de

8 Bosniens de souche, ce ne sont pas des Serbes, ce ne sont pas des Croates,

9 ce ne sont pas des autres, ce sont des Bosniens. Comme l'a dit le

10 Procureur, nous pourrions fournir ces tableaux pour tous les autres groupes

11 ethniques de

12 Bosnie-Herzégovine, mais ceci dépend, bien entendu, des besoins exprimés

13 par le Tribunal.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est simplement que je voulais savoir

15 précisément à quoi se référaient ces données.

16 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Une chose encore au sujet de ce graphique

17 qui porte le numéro ERN 0422-3881. On voit la mention Doboj Samac.

18 Q. M. Tokaca m'a dit qu'il y avait une erreur. Quel devrait être

19 l'intitulé de ce graphique ?

20 R. Doboj.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Si vous me

23 permettez de passer un peu de temps sur ce point, puisqu'on m'a posé la

24 question. Je veux dire qu'il y a deux graphiques qui ont été soumis. Dans

25 l'un, on voit des Croates à Modrica et à Kotor Varos. C'est la seule

Page 15647

1 exception à l'ensemble. Ce graphique se trouve ici et le numéro ERN --

2 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le numéro.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Kotor Varos, Bosniens --

4 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Le numéro ERN, c'est

5 0422-4045. Cela se trouve à l'arrière --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'il y a une distinction --

7 enfin, on a deux graphiques. Il y en a un qui s'applique aux Bosniens et

8 l'autre aux Croates. C'est clair.

9 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

10 Q. Passons, maintenant, à l'autre pièce --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, P858.

12 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait remettre le

13 document au témoin ?

14 Le témoin pourra nous donner quelques explications rapides sur le type

15 d'informations, sur le type de données qui peuvent être glanées dans sa

16 base de données. Page 1 intitulée "Nombre total de personnes tuées et

17 portées disparues pendant la guerre avec cause du décès".

18 Ici, je parle de la municipalité de Bratunac. Je voulais être sûre que nous

19 examinions tous le même graphique, la même liste.

20 Q. On peut voir, ici -- est-ce que vous suivez, Monsieur Tokaca ? On peut

21 voir ici que vous avez mis Bosniens, Serbes, "personnes tuées," "personnes

22 disparues," "sort inconnu" et "nombre total." Ce nombre total de 3 469

23 correspond à quelle période ?

24 R. Toutes les données qu'on voit ici correspondent à la période allant de

25 1992 à 1995. Ce graphique qui présente le nombre total des personnes tuées

Page 15648

1 et disparues de 3469 pour la municipalité de Bratunac correspond à la

2 période de 1992 à 1995. La première colonne correspond aux personnes tuées,

3 Bosniaques et Serbes. Dans cette table, nous n'avons pas distingué suivant

4 le statut des personnes pendant la guerre, leur statut de civil ou

5 militaire. Dans la colonne suivante, on voit reporté le nombre des

6 personnes disparues et dans la colonne qui suit, on a des chiffres qui

7 correspondent à des circonstances de décès indéterminées ou inconnues. Nous

8 avons, ici, pris en compte des situations dans lesquelles on ignorait

9 totalement ce qui est arrivé aux personnes concernées. Si vous regardez le

10 tableau suivant, on voit le nombre total de personnes tuées qui ont été

11 divisées ou réparties par statut, civil, soldat. Les données sont quelque

12 peu différentes, mais le total est pratiquement le même avec une différence

13 d'une unité. Vous avez les civils; ensuite, l'appartenance ethnique est la

14 même, et soldat.

15 Q. Monsieur --

16 R. Permettez-moi de finir, s'il vous plaît. Je dois dire qu'ici encore, il

17 y a neuf Bosniens pour lesquels on ne sait rien et il y a 28 Serbes dont on

18 ignorait s'ils étaient civils ou militaires. La dernière colonne correspond

19 au statut de ces personnes pendant la guerre.

20 Q. J'aimerais que vous nous expliquiez, je vous interromps dans cet

21 objectif, j'aimerais que vous nous expliquiez quels sont les critères que

22 vous avez utilisés pour qualifier une personne de civile ou de militaire ?

23 R. Quand on réunit des données, quand on reçoit des données sur chaque

24 victime individuelle, ce sont des données que nous recevons de diverses

25 sources. Nous recevons des données de la part de sources officielles,

Page 15649

1 Défense territoriale, ministère de la Défense, diverses institutions

2 étatiques et en examinant ces données, on peut trouver le statut de la

3 personne concernée pendant la guerre. Il s'agissait, là, d'informations

4 extrêmement fiables qui permettaient de déterminer si les personnes

5 concernées étaient civiles ou militaires. De plus, il faut dire que nous ne

6 nous fiions pas systématiquement aux informations que nous avions reçues.

7 Nous avons systématiquement recherché des informations complémentaires au

8 sujet du statut de ces personnes car dans chaque cas, nous voulions être

9 absolument certain du statut de la personne concernée. Nous sommes allés

10 dans les cimetières, nous avons photographié les tombes. Sur de nombreuses

11 photographies, on voit les pierres tombales qui indiquent où figurent les

12 noms des personnes. Nous avons fait appel à de nombreuses sources

13 d'information qui permettent de déterminer si une personne a trouvé la mort

14 en tant que soldat ou en tant que civil, en d'autres termes, quel était le

15 statut de la personne concernée au moment où elle a péri.

16 Q. Mais dans les cas où vous n'avez pas été en mesure de déterminer si la

17 personne était civile ou militaire, quelle procédure avez-vous suivi, à ce

18 moment-là ?

19 R. Comme vous pouvez le constater en examinant le tableau, dans ces

20 conditions-là, nous classons la personne dans la colonne

21 "statut inconnu." Parfois, nous n'étions pas tout à fait sûrs parce que

22 d'après certains éléments, la personne concernée était civile; d'après

23 d'autres, la personne était militaire. Quand il était impossible de se

24 décider sur le statut actuel ou effectif de la personne, à ce moment-là, on

25 la plaçait dans la catégorie "statut inconnu," bien entendu, statut,

Page 15650

1 c'était le statut de la personne concernée pendant la guerre.

2 Q. Revenons à la pièce P857, nous avons des graphes correspondant aux

3 municipalités et on voit la mention "civils", est-ce qu'ici, vous avez

4 exclu les personnes dont le statut était inconnu ?

5 R. Oui.

6 Q. Inutile d'entrer dans les détails, s'agissant de ce document.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais j'ai quelques questions à

8 poser au sujet de ce document. Commençons par la première page. Je vois ici

9 la mention suivante : nombre total des personnes tuées et portées disparues

10 pendant la guerre basé sur la cause du décès. Premièrement, je ne vois ici

11 aucune information relative à la cause du décès. Parce que quand on examine

12 ces tableaux, on voit si la personne a disparu ou si la personne a été

13 tuée, mais on ne voit absolument aucune information sur les causes du

14 décès. Est-ce qu'il y a, là, erreur ou est-ce qu'il y a problème de

15 traduction peut-être ?

16 Mme RICHTEROVA : [interprétation] La traduction est fidèle --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, je vais demander au

18 témoin de donner lecture lentement de la partie supérieure de la première

19 page, "ukupno ubejani onistali [phon], et cetera. Pouvez-vous lire, s'il

20 vous plaît, cette ligne afin que les interprètes puissent suivre ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut que je lise la version en Bosnien ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Tableau correspondant à la municipalité de

24 Bratunac. Nombre total de personnes tuées et disparues, d'après la façon

25 dont elles ont disparues. La façon dont les personnes -- c'est soit

Page 15651

1 qu'elles ont disparu, soit qu'elles ont été tuées et on voit le nombre de

2 personnes bosniaques tuées; ensuite, portées disparues.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement, Madame Richterova,

4 il y avait erreur de traduction ici.

5 La deuxième question que je souhaite vous poser porte sur la deuxième page,

6 "Nombre total de personnes disparues et tuées pendant la guerre sur la base

7 de l'armée à laquelle ces personnes appartenaient." Je vois qu'il y a

8 beaucoup de civils, 2 037 sont présentés comme appartenant à l'armée de

9 Bosnie et 105 appartenant à l'armée des Serbes.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que malheureusement, vous vous

11 trompez. Si vous regardez les deux colonnes verticales. Premièrement, je

12 vais vous donner le nom de la colonne : "Nombre total de personnes tuées et

13 réparties en fonction de leur statut, statut militaire ou statut civil."

14 Dans la première colonne, on a le nombre de civils. Le nombre que vous avez

15 lu, c'est le nombre des civils, civils bosniaques et civils serbes. Dans la

16 colonne suivante --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est parfaitement clair. Une fois

18 encore, nous avons une erreur de traduction. Est-ce que vous pouvez donner

19 lecture, s'il vous plaît, lentement, de l'intitulé de la page sur laquelle

20 on voit ces données, où on voit "okupno obijeni e nastali" [phon]. Pouvez-

21 vous, je vous prie, donner lecture lentement de cet intitulé afin que les

22 interprètes puissent nous en fournir la traduction.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] "Nombre total de personnes portées disparues

24 et tuées." Je pense qu'il vaudrait mieux que j'ajoute "classés en fonction

25 de leur affiliation militaire."

Page 15652

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui -- non, non, c'est juste une erreur

2 de traduction. Nous avons tout à fait bien compris. Mais l'affiliation

3 militaire d'un civil, cela correspond à quoi ? Cela ne veut pas dire qu'ils

4 appartenaient à une formation militaire, mais cela nous indique de quel

5 côté ils se trouvaient.

6 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui, une fois encore, je vous présente

7 mes excuses. J'avais dit, dès le départ, qu'il s'agissait d'une traduction

8 officieuse qui a été préparée pour l'audience de ce jour. Nous n'avons pas

9 eu le temps d'obtenir de traduction officielle de ces documents.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, merci -- une seconde, s'il vous

11 plaît. Si on regarde la municipalité de Bratunac, est-ce qu'ici, on parle

12 des personnes qui ont été tuées à Bratunac ou des personnes qui résidaient

13 à Bratunac et qui, ensuite, ont été tuées ou ont disparu ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on parle des personnes qui résidaient

15 dans la municipalité de Bratunac en 1992.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de ces réponses.

17 Le Juge Hanoteau souhaite vous poser une question, Monsieur le Témoin.

18 M. LE JUGE HANOTEAU : Je vous la pose parce que je n'ai absolument rien

19 compris; il faut sans doute revenir. Pour cette municipalité de Bratunac,

20 quand vous écrivez, "civils,

21 2 037 Bosniaques et 105 Serbes," ce sont des personnes qui n'ont rien à

22 voir avec l'état militaire ? On est bien d'accord ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE HANOTEAU : Ce sont des civils.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, des civils; voilà c'est indiqué ici,

Page 15653

1 c'est marqué civils.

2 M. LE JUGE HANOTEAU : Pour les militaires, 793 Bosniaques et 496 Serbes, ce

3 ne sont pas des militaires qui résidaient à Bratunac ? Ce sont des

4 militaires qui ont été tués à Bratunac ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont des soldats qui résidaient à Bratunac

6 et dont l'adresse civique était à Bratunac en 1992.

7 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce qu'ils ont été tués à Bratunac ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne sont pas tous tués à Bratunac

9 probablement. Ils ont pu également périr ailleurs. Mais il y a deux

10 critères selon lesquels nous faisons nos recherches. Voyez-vous, nous

11 pourrions faire une sous-analyse de ces graphes car dans ce cas-ci, les

12 soldats ne nous intéressaient pas particulièrement, en réalité. Nous avons,

13 également, l'endroit où la personne a été tuée. Mais selon les analyses que

14 nous avons établies pour les civils, ces analyses parlent toutes d'un

15 recoupement à 100 % des personnes qui ont été tuées et où elles ont résidé.

16 Chez les soldats, c'est quelque peu différent. L'endroit où ils ont résidé

17 --

18 M. LE JUGE HANOTEAU : Ces personnes qui figurent sur ce tableau, ce sont

19 des personnes qui étaient domiciliées à Bratunac, mais rien n'indique

20 qu'elles ont été tuées à Bratunac, pour les civils comme pour les

21 militaires. Excusez-moi.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Malheureusement, Monsieur le Juge, je dois

23 vous dire que vous n'avez pas tout à fait raison. Voyez-vous, ces

24 graphiques que j'ai établis, je n'ai pensé qu'aux civils. Ce ne sont que

25 les civils qui on fait l'objet de cette analyse. Les graphiques ne font pas

Page 15654

1 référence aux soldats. Nous n'avons pas analysé, à travers ces graphiques,

2 l'endroit où ils ont été tués. Il faudrait faire une autre analyse pour

3 voir pour les soldats -- pour

4 1 289, il faudrait peut-être analyser où ils ont été tués. Est-ce que c'est

5 Bratunac ou est-ce ailleurs. Cela ferait l'objet d'une analyse

6 particulière, d'une autre analyse.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Canivell a, également, une

8 question à vous poser.

9 M. LE JUGE CANIVELL : Témoin, est-ce que vous pouvez nous fournir les

10 chiffres correspondant à toutes les municipalités qui sont incluses dans la

11 carte ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardon, je ne vous ai pas tout à fait bien

13 saisi. Je n'ai plutôt rien compris. Le nombre total des personnes --

14 M. LE JUGE CANIVELL : Vous nous avez fourni des indications sur Bratunac.

15 Mais je voudrais savoir si vous pouvez nous fournir les chiffres

16 correspondant à tous les autres endroits que vous avez signalés en bleu

17 dans votre carte qui est au début de la documentation que vous nous avez

18 fournie, de la même façon que vous l'avez fait pour Bratunac.

19 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Peut-être pourrais-je aider le témoin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Nous avons une carte. Peut-être peut-elle

22 être remise par l'Huissier ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a peut-être une confusion parce que

24 la carte n'a pas encore été donnée au témoin. Est-ce que vous allez parler

25 des totaux ?

Page 15655

1 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui, c'est ce que j'avais l'intention de

2 faire.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE CANIVELL : [interprétation] Excusez-moi, mais vu que Mme le

5 Procureur va s'occuper de vous demander cela, alors, je me suis précipité.

6 Merci.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Richterova, je souhaite poser des

8 questions au témoin sur des points que vous avez déjà abordés avec lui.

9 Monsieur le Témoin, je n'ai pas très bien compris comment on pouvait

10 considérer que le statut d'une personne pouvait être inconnu, s'agissant de

11 la question de savoir s'il avait été tué ou s'il avait disparu. Là, je ne

12 comprends pas très bien. Soit vous établissez sur -- parce qu'on a trouvé

13 les restes humains de cette personne, soit vous établissez que la personne

14 a été tuée, mais si on n'a pas trouvé son corps, ni identifié son corps, à

15 ce moment-là, est-ce que la personne est portée disparue ou pas ? Je ne

16 vois pas très bien comment on peut arriver à ces doutes, à cette inconnue.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il n'y a aucun doute pour les personnes,

18 soit tuées, soit portées disparues. Est-ce que la confusion est semée dans

19 votre esprit par le tableau sur lequel on voit la mention --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. Incertain -- oui, mais je

21 suis en train de mélanger deux choses complètement différentes. Excusez-

22 moi. Non, je constate que vous avez été en mesure, au-delà de tout doute,

23 parce que sinon, s'il y a un doute vous placez les gens dans la catégorie

24 "inconnu." Pour quelque

25 3 000 personnes, vous avez été en mesure d'établir avec une certitude de

Page 15656

1 99,5 % que ces personnes étaient soit civiles, soit militaires. Je vous

2 pose la question parce qu'ici, au Tribunal, nous savons que souvent, il

3 n'est pas si facile que cela de déterminer si une personne était civile ou

4 si c'était un combattant qui portait les armes, même si ce combattant

5 n'avait pas un uniforme tout à fait orthodoxe ou complet. Ce qui me

6 surprend, c'est le pourcentage auquel vous parvenez, ce pourcentage très

7 important de personnes. Vous avez pu arriver à une conclusion tout à fait

8 claire sur le statut civil ou militaire des personnes concernées.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement, le pourcentage est très

10 faible. A Bratunac, il y a seulement 37 personnes pour lesquelles nous

11 n'étions pas sûrs de leur statut. Il faut savoir que les dossiers, les

12 archives sont très, très bien organisés et permettent de déterminer si ces

13 personnes étaient membres de certaines formations militaires. Dans cette

14 colonne, vous avez les soldats et on peut, ensuite, faire la répartition

15 entre toutes les unités militaires actives en Bosnie-Herzégovine. Nous

16 pourrions fournir tous les détails dans ce sens. S'agissant de ce cas

17 précis, je me suis concentré sur les civils et tout ce que vous voyez ici,

18 vous pouvez en être sûrs. Le pourcentage de fiabilité s'agissant du statut

19 civil est un pourcentage de fiabilité extrêmement élevé. Il est

20 pratiquement impossible que ces personnes, qui sont classées comme civils,

21 aient été militaires.

22 Il peut subsister quelques doutes pour les soldats. Mais dans nos

23 recherches, nous avons également rencontré des situations dans lesquelles

24 la personne concernée était civile au moment de son décès; ensuite, son

25 statut a changé ou ensuite, cette personne a été classée dans la catégorie

Page 15657

1 des soldats. Ce sont des cas extrêmement peu fréquents et pour vous dire la

2 vérité, là, qu'est-ce que c'est ? C'est la situation où la personne veut

3 bénéficier du statut de manière tout à fait illégitime, veut bénéficier du

4 statut de militaire pour obtenir certains avantages. C'est un pourcentage

5 extrêmement faible et c'est aux organes étatiques de réagir à ce genre de

6 situations.

7 Nous avons utilisé un grand nombre de sources. Nous avons obtenu des

8 informations pour savoir si la personne était un soldat, si elle portait un

9 uniforme, à quelle formation militaire elle appartenait, et cetera ou s'il

10 s'agit d'un civil.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je reviens à ma première question parce

12 que je suis un petit peu dérouté peut-être à cause des problèmes de

13 traduction. Sur la première page, là où on peut lire "nombre total de

14 personnes tuées et de personnes disparues pendant la guerre". La traduction

15 disait "à partir de la cause du décès." Nous avons compris que la

16 traduction était mauvaise, qu'il s'agissait de répartir les personnes

17 suivant leur statut, c'est-à-dire, soit personnes tuées, soit personnes

18 disparues.

19 Maintenant, sur la première page, on voit que pour les Serbes, il y a

20 616 personnes qui sont répertoriées comme ayant été tuées et 13 personnes

21 qui sont répertoriées comme étant portées disparues.

22 Vous voyez qu'il y a une erreur, Madame Richterova. On voit une

23 erreur de traduction puisqu'il est écrit "civils et soldats," ce qui ne

24 figure pas dans l'original. Dans l'original, on voit "tuées ou disparues."

25 Ensuite, on a la colonne "inconnu." Je reviens à ma question. Comment

Page 15658

1 peut-on placer une personne dans cette colonne ? Comment est-ce qu'il est

2 possible de ne pas savoir si une personne a été soit tuée, soit elle a

3 disparu ? Je ne comprends pas.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a deux explications. Premièrement, il y a

5 une erreur, et deuxièmement, la personne correspondait à la période qui

6 n'est pas celle de 1992 à 1995. Je peux vérifier le nom de la personne et

7 je peux vous fournir des informations pour vous expliquer pourquoi cette

8 personne est dans cette colonne "inconnu", parce qu'il est impossible qu'il

9 y ait quiconque dans cette catégorie.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est une erreur, peu importe. Si ce

11 n'est pas une erreur, nous vous serions reconnaissants de nous fournir les

12 informations pertinentes. Si c'est quelqu'un qui n'est pas concerné par la

13 période étudiée, bien entendu, peu importe et cette personne ne devrait

14 même pas figurer dans la base de données.

15 Madame Richterova, -- je regarde l'horloge, est-ce que vous pourriez nous

16 dire de combien de temps vous aurez encore besoin si vous n'êtes pas

17 interrompue de manière abusive par les Juges.

18 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'en aurai terminé dans les dix minutes

19 qui suivront la pause.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, nous allons faire

21 une pause jusqu'à 11 heures.

22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.

23 --- L'audience est reprise à 11 heures 05.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, veuillez poursuivre.

25 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

Page 15659

1 Q. Monsieur Tokaca, pour terminer j'ai quelques questions à vous poser.

2 Vous avez la carte sous les yeux -- oui, c'est bien celle-ci.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, est-ce qu'on peut lui attribuer une

4 cote.

5 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je n'ai pas l'intention de proposer au

6 versement de cette carte.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous n'avons pas besoin

8 de cote.

9 Vous avez la parole.

10 Mme RICHTEROVA : [interprétation]

11 Q. On voit les municipalités qui sont concernées par l'acte d'accusation;

12 mais vous avez produit ces schémas pour les municipalités moins

13 importantes. Est-ce que vous pouvez aider la Chambre en disant quel est le

14 nombre approximatif de personnes qui ont été tuées et qui sont protées

15 disparues en 1992 dans ces municipalités-là. Je ne m'attends pas à ce que

16 vous nous donniez des chiffres précis.

17 R. Vous entendez par là les personnes qui ne figurent pas dans les

18 graphiques ou est-ce que vous voulez que je parcoure tout dans l'ordre car

19 je --

20 Q. J'entends par là toutes les municipalités, et si je vous pose cette

21 question, c'est parce que je me fonde sur ce que vous en savez et sur les

22 recherches que vous avez menées dans le cadre de votre centre. Au

23 quotidien, vous avez affaire à ces chiffres si je vous ai bien compris ?

24 R. Oui, au quotidien, c'est vrai, mais de quelle façon je les préparais

25 ces graphes, c'est de manière détaillée. Ici, j'ai les derniers chiffres

Page 15660

1 sur moi, mais uniquement par municipalité et sans appartenance ethnique des

2 victimes, pour chacune des municipalités. Ce que je pourrais dire, en

3 partant de l'est pour Bijeljina, j'ai le nombre total aujourd'hui de 1 237

4 personnes tuées ou portées disparues dont 1 127 tuées et 110 portées

5 disparues. Sur-le-champ, je ne peux pas vous donner la ventilation ethnique

6 et bien d'autres détails.

7 Q. Très bien. Commençons par ces 25 tableaux que vous avez préparés pour

8 ce procès. Dans ces graphes, vous représentez les Bosniens tués ou portés

9 disparus. Là, il s'agit de mathématiques pures. Pouvez-vous dire à la

10 Chambre quel est le nombre de Bosniens qui ont été soit tués, soit qui ont

11 été portés disparus, si l'on se fonde sur vos recherches, en se référant à

12 ces graphes.

13 R. Ici figurent plus de 10 000 noms de personnes sans se lancer dans des

14 suppositions quant à ce qui sort de ce chiffre. Je veux m'en tenir à ce que

15 j'ai apporté ici au Tribunal pour le présenter à cette Chambre. Lorsqu'on

16 fait l'addition de tous ces chiffres, 10 444, me semble-t-il, pour cette

17 vingtaine de municipalités. C'est ce dont je peux parler là. Bien entendu,

18 ce nombre est bien plus élevé, mais je pense qu'il ne fait pas l'objet de

19 ma déposition de vous citer le chiffre définitif. Je ne peux pas le faire

20 maintenant. S'agissant des graphes, je peux dire avec toute la certitude ce

21 qui figure ici, à savoir plus de 10 000 noms. Ce qui illustre suffisamment

22 quelle est la nature des événements qui se sont produits pendant cette

23 période.

24 Q. Lorsque vous nous dites plus de 10 000 noms, nous devons conclure qu'il

25 s'agit plus de 10 000 personnes soit tuées, soit portées disparues dans 25

Page 15661

1 municipalités au cours de l'année 1992; est-ce exact ?

2 R. Oui, plus de 10 000 Bosniens civils tués ou portés disparus depuis à

3 peu près le mois d'avril jusqu'à la fin de l'année 1992.

4 Q. Est-ce que vous pouvez répéter les dates puisque les interprètes ne les

5 ont pas eues ?

6 R. Plus de 10 000 civils d'appartenance bosnienne, pendant la période qui

7 va du mois d'avril jusqu'à la fin de l'année 1992.

8 Q. Je vous remercie.

9 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Richterova.

11 Est-ce que vous êtes prêt à contre-interroger Monsieur Josse ?

12 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de vous donner la

14 possibilité de le faire, j'ai une question moi-même.

15 Monsieur le Témoin, ma question est la suivante : si l'on examine les

16 chiffres pour Bratunac que vous nous avez donnés, il semblerait qu'en 1995,

17 soudain, nous avons un grand nombre de civils morts. Si on compare cela à

18 d'autres années et en particulier pour ce qui est de Bosniens, est-ce que

19 vous pouvez nous l'expliquer ? Il y a près de 1 600 personnes tuées qui

20 sont enregistrées en 1995.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas sous les yeux,

22 les chiffres dont vous parlez. Je n'ai pas ce tableau, je ne sais pas de

23 quoi -- les tableaux que j'ai ici --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la pièce P858. C'est

25 Bratunac, c'est ventilé de différente manière. Vous avez un tableau ici

Page 15662

1 "Nombre total de personnes tuées ou portées disparues en se fondant sur

2 l'année de l'événement". Pour 1992, 1993, 1994, 1995 et en 1995, nous avons

3 un nombre relativement élevé. Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Juge, je regardais le

5 mauvais tableau. Maintenant, je vois les chiffres. Effectivement, c'est le

6 nombre total par année, 1992, 1993, 1994, 1995, tués et portés disparus.

7 Pour ce qui est de l'année 1995, vous avez 1 572 civils tués, sept soldats,

8 et 291 de statut inconnu. Comment est-ce que je l'explique ? Ce sont des

9 civils qui sont partis de Bratunac en tant que réfugiés vers Srebrenica en

10 1992. C'est là qu'ils se sont trouvés au moment l'événement où Srebrenica

11 s'est produit en 1995. Ils se sont trouvés dans ce secteur-là.

12 Lorsque nous allons procéder à une analyse approfondie -- et

13 M. le Juge a posé une très bonne question à ce sujet, où ont été tués ces

14 gens ? Là, nous allons pouvoir établir les parallèles entre l'endroit où

15 les gens étaient en 1992 et l'endroit où, éventuellement, ils ont été tués.

16 De nombreux auraient pu être tués à Bratunac même, en 1992, mais aussi, ils

17 auraient pu être tués ailleurs, y compris, à Srebrenica car la vague

18 essentielle de réfugiés s'est acheminée vers Srebrenica. C'est un tableau à

19 part. Mais ceci ne change rien au fait qu'ils étaient domiciliés à un

20 certain endroit en 1992. C'est pour cela que nous faisons deux tableaux

21 parallèles, le domicile en 1992 et par la suite, les endroits où les gens

22 ont éventuellement été tués. C'est une analyse à part sur laquelle nous

23 allons nous pencher à l'avenir. Mais ce que nous souhaitons voir, c'est ce

24 qui est advenu de ces gens, comment se sont-ils déplacés, où les a-t-on

25 tués ? Car il y en avait beaucoup qui étaient non seulement des réfugiés ou

Page 15663

1 personnes déplacées, mais ils étaient, par exemple, arrêtés à un endroit,

2 emmenés ailleurs, exécutés à un endroit tiers qui n'a rien à voir avec

3 cette localité-là. Comment est-ce que je l'explique pour Bratunac ? Sur ces

4 1 572, la majeure partie, je ne dis pas tous, la majeure partie a été

5 exécutée pendant les événements qui ont à voir avec Srebrenica en 1995.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci démontre que les tableaux ne sont

7 peut-être pas la réponse définitive. Ce n'est pas d'une pertinence directe,

8 puisque Srebrenica, en 1995, sort du cadre de l'espèce du point de vue

9 temps et du point de vue territoire. En même temps, ceci nous explique

10 peut-être ce qu'on peut trouver dans ce tableau et ce qu'on ne peut pas y

11 trouver.

12 Monsieur Josse.

13 Contre-interrogatoire par M. Josse :

14 Q. [interprétation] Monsieur Tokaca, c'est le 28 avril 1992 qu'a été créée

15 votre commission. Ce jour-là, quelle a été sa dénomination ?

16 R. Commission de l'Etat chargée de recueillir des données relatives aux

17 crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Le 28 avril 1992, quelle est la raison pour laquelle on a parlé de

19 "crimes de guerre," on a utilisé ce terme-là dans son appellation ?

20 R. Je suppose parce que la guerre a commencé début avril.

21 Q. Oui. Quelles sont les informations que vous avez reçues au sujet des

22 événements qui étaient en train de se produire à ce moment-là ? J'entends

23 par là les informations que vous avez reçues, vous, personnellement.

24 R. Voyez-vous, il ne faut pas me poser des questions qui concernent les

25 décisions prises par la présidence de

Page 15664

1 Bosnie-Herzégovine. J'étais un professionnel. Si vous me posez cette

2 question à titre personnel, j'ai passé la guerre à Sarajevo et depuis le

3 mois d'août, j'ai été engagé à titre professionnel --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tokaca, personne ne vous pose

5 de questions au sujet des décisions prises par le gouvernement. La question

6 a été : "Quelles sont les informations que vous avez reçues, vous-même, au

7 sujet des événements qui étaient en train de se produire à ce moment-là ?"

8 M. Josse voudrait savoir ce que vous avez appris au sujet des événements, à

9 ce moment-là. Il ne vous pose pas de questions qui porteraient sur

10 l'interprétation des décisions prises par d'autres.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux avoir une précision

12 relative à cette question ? Je voudrais savoir si le monsieur veut savoir

13 ce que j'ai appris, moi, directement, entre avril et août ou est-ce que

14 c'est à partir du moment où je suis devenu secrétaire de la commission que

15 cela l'intéresse ?

16 M. JOSSE : [interprétation]

17 Q. A quel moment êtes-vous devenu secrétaire de la commission ?

18 R. En août 1992.

19 Q. Je vois. Très bien. Ce malentendu vient de moi. J'ai supposé que vous

20 l'avez été dès le départ. Mais j'allais justement vous demander où vous

21 avez passé l'année 1992. Vous nous avez répondu. Vous étiez à Sarajevo;

22 c'est bien cela ?

23 R. Dans ma réponse, j'ai été tout à fait précis. J'ai passé toute la

24 période de guerre du siège de Sarajevo, dans la ville à Sarajevo.

25 Officiellement, j'ai été nommé en août. Mais dès le mois de mai, j'ai été

Page 15665

1 invité, à titre de volontaire, à participer --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tokaca, s'il vous plaît,

3 écoutez attentivement les questions. Vous apportez des informations

4 supplémentaires. Si M. Josse souhaite entendre ces détails, il vous posera

5 la question. Ecoutez sa question et répondez à la question telle qu'elle

6 est posée. La question a été la

7 suivante : est-ce exact que vous étiez à Sarajevo en 1992 ? Vous avez

8 répondu par l'affirmative.

9 Allez-y, Monsieur Josse.

10 M. JOSSE : [interprétation]

11 Q. A partir du moment où vous avez été employé par la commission, qui vous

12 payait ? Quelle est l'organisation qui vous payait ?

13 R. Les moyens nécessaires à notre fonctionnement, nous les recevions du

14 budget de l'Etat.

15 Q. De quel état parlons-nous, s'il vous plaît, pour qu'il n'y ait pas de

16 doute là-dessus ?

17 R. Nous parlons de la République de Bosnie-Herzégovine, pour autant que je

18 sache.

19 Q. La guerre s'est terminée à un moment et vous avez continué d'être

20 employé par la même entité ou la même institution; est-ce exact ?

21 R. Oui, c'est exact.

22 Q. Ils vous employaient jusqu'à une date relativement récente ?

23 R. Encore aujourd'hui, je suis officiellement employé, fonctionnaire de

24 l'Etat, mais c'est sur la base du volontariat que je travaille dans le

25 centre de Recherche et de Documentation. Les deux choses n'ont rien à voir.

Page 15666

1 Q. Pour ce qui vous concerne, vous, personnellement, vous avez une

2 attitude impartiale dans votre travail ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce qu'il y a eu des allégations qui n'auraient jamais été adressées

5 à vous-même ou à votre organisation qui porteraient sur une partialité sur

6 des bases ethniques ?

7 R. Je ne suis pas au courant de l'existence de ce genre d'accusations.

8 Peut-être qu'il y en a eu, que quelqu'un ait pu en proférer. Je ne l'exclus

9 pas. Mais de la part des institutions, je n'ai jamais été accusé d'avoir

10 une approche partiale sur le plan ethnique dans mon travail, car tout ce

11 que nous faisions, nous le faisions dans l'objectif d'apporter des réponses

12 à la question qui est celle des crimes commis et de nous occuper des

13 victimes. Bien entendu, vous comprendrez que dans de nombreuses situations,

14 il a été difficile de procéder indépendamment de l'appartenance ethnique

15 des victimes. Mais notre intention, dès le départ et on le voit dans nos

16 documents, dans les noms des victimes, nous avons cherché à enregistrer les

17 victimes de toute appartenance ethnique.

18 Q. Monsieur Tokaca, à aucun stade dans le cadre de votre vie

19 professionnelle, dans le cadre de cette activité professionnelle, dans le

20 cadre d'aucune réunion, aucune occasion, personne ne vous a accusé de

21 partialité ethnique ?

22 R. Moi-même, je n'ai jamais été accusé de cela.

23 Q. Vous nous avez dit que votre commission a recueilli la déclaration de 7

24 000 victimes; est-ce exact ?

25 R. Oui.

Page 15667

1 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est l'appartenance ethnique de

2 ces 7 000 déclarations ?

3 R. Vraiment, je n'ai pas cette donnée. Je ne peux pas vous la donner. Mais

4 il y a certainement toutes sortes d'appartenance ethnique. Il y a quelques

5 jours, j'ai rencontré un homme, si cela est important -- vous savez, ce

6 sont les victimes qui m'intéressent, ce n'est pas l'appartenance ethnique

7 des victimes qui est importante pour moi. Je parle à toute personne qui se

8 rend auprès de moi, qui passe un coup de fil. Jamais, je ne me suis

9 intéressé à l'appartenance ethnique des gens et je ne fonctionne pas comme

10 cela.

11 Q. Très bien. C'est peut-être une erreur qui vient de moi. Mais seriez-

12 vous d'accord pour dire que dans le contexte de votre travail, ainsi que

13 dans le contexte de votre déposition devant cette Chambre, l'appartenance

14 ethnique des 7 000 personnes avec lesquelles s'est entretenue votre

15 organisation est un élément important ?

16 R. Je pense qu'en l'espèce, cela n'a aucune importance. En l'espèce --

17 écoutez, je me suis préparé pour la déposition liée à l'acte d'accusation

18 contre M. Krajisnik et je voulais expliquer ce qui est arrivé aux

19 Bosniaques dans les différentes municipalités. Si j'avais été invité par

20 une autre Chambre ou dans une autre affaire, je me serais préparé également.

21 Je ne suis pas venu parler de

22 7 000 témoins, mais de 7 000 victimes. Je ne parle pas maintenant de

23 personnes qui en ont témoigné, je parle de victimes. C'est peut-être de là

24 que vient le problème pour vous.

25 Q. C'est peut-être un point évident. Mais je vais vous poser la question,

Page 15668

1 excusez-moi. Vous devez avoir les données qui concernent l'appartenance

2 ethnique de ces 7 000 déclarations recueillies ?

3 R. Là, sur-le-champ, je ne l'ai pas. En ce moment, je ne l'ai pas. Je suis

4 certain qu'on pourrait procurer cela à la Chambre ou au Tribunal. Mais je

5 dois dire que je ne me suis jamais demandé quelle était l'appartenance

6 ethnique des personnes qui venaient faire leurs déclarations. Je me suis

7 penché sur la teneur de quels crimes est-il question. Quant à

8 l'appartenance de la personne qui donnait cette déclaration, ce n'était pas

9 cela qui m'intéressait.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tokaca, au moment où vous avez

11 conduit ces entretiens, est-ce qu'il y a un endroit où on consignait cette

12 information, à savoir, quelle est l'appartenance ethnique de la personne en

13 question ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était noté. Mais, voyez-vous, d'après

15 la méthodologie qui était la nôtre --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je voudrais tout simplement savoir

17 s'il s'agit de données qui pourraient être accessibles. Est-ce que ces

18 entretiens figurent dans votre base de données ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces données peuvent être fournies. Je peux les

20 mettre à la disposition du Tribunal à tout moment.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Monsieur Josse, ces données

22 existent. Si vous pensez qu'elles sont suffisamment importantes, nous

23 allons demander au témoin de les fournir.

24 M. JOSSE : [interprétation] Merci.

25 Q. Monsieur Tokaca, vous êtes un fonctionnaire. C'est ce que vous nous

Page 15669

1 avez dit ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous réservez une attitude équitable à toutes les victimes ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous nous avez dit que vous n'étiez pas impliqué dans la vie politique

6 dans votre région, d'aucune manière ?

7 R. Dans quel sens vous entendez la politique, la vie politique ? Vous

8 voulez dire que je ne suis pas membre d'un parti politique ?

9 Q. Non, je n'allais pas vous demander cela. Mais je vais être plus précis.

10 Vous vous rappelez qu'en 1999, Goran Jelisic a été jugé devant ce Tribunal

11 pour génocide ?

12 R. Goran Jelisic, vous voulez dire ?

13 Q. Oui. Excusez-moi, j'ai mal prononcé.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Goran Jelisic, c'est à

15 son sujet qu'on vous pose la question.

16 M. JOSSE : [interprétation] Oui, c'est exact.

17 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que lorsqu'il a été acquitté de

18 l'accusation pour génocide par la Chambre de première instance qui a été

19 saisie de son affaire, vous avez dit : "Je ne vois aucune explication à

20 cela, après tous les témoignages des témoins, ceci me coupe la parole."

21 R. Quand est-ce que j'aurais dit cela et à qui ?

22 Q. L'avez-vous dit ?

23 R. Je ne me souviens pas. Pouvez-vous me dire à quel moment est-ce que je

24 l'aurais dit et à qui ?

25 Q. Vous l'avez dit à un journaliste.

Page 15670

1 R. Oui, mais même à supposer que j'ai dit cela, je ne vois pas, là,

2 de prise de position politique. Cela n'a pu être que mon attitude

3 personnelle, ma réaction personnelle à l'égard de quelque chose. Je ne fais

4 pas de politique. Je peux avoir une opinion personnelle, mais les décisions

5 du Tribunal sont quelque chose qui ne doivent pas être remises en question,

6 c'est quelque chose qui est définitif.

7 Q. Deux questions. Tout d'abord, Monsieur Tokaca, l'avez-vous dit ? Oui,

8 non, je ne m'en souviens pas ?

9 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas que j'aie dit cela de

10 cette manière-là.

11 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'en tant que chef ou en tant

12 qu'à la tête de votre commission, il ne serait pas approprié de faire ce

13 genre de déclarations, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous, cela serait tout à fait

15 inapproprié, si j'avais dit ceci de cette façon-là. Mais donnez-moi le nom

16 du journaliste et donnez-moi le nom du quotidien où j'aurais dit cela.

17 J'accorde des centaines d'entrevues aux journalistes qui me parlent très

18 souvent. Je suis toujours disponible à accorder une interview pour un

19 journal, pour une télévision. Je crois que c'est quelque chose qui n'est

20 pas tout à fait juste. J'ai toujours voulu qu'on respecte la loi et les

21 décisions découlant des Juges et c'est tout. Je n'ai jamais rien voulu dire

22 d'autre.

23 Q. S'agissant de vos sources d'informations, j'aimerais vous poser une

24 question précise concernant une publication que j'ai sous les yeux et j'ai

25 des exemplaires à remettre aux parties.

Page 15671

1 M. JOSSE : [interprétation] J'ai également la traduction, Monsieur le

2 Président, du texte qui est écrit en cyrillique. Je pourrais peut-être

3 demander à ce qu'on distribue ces documents, Monsieur le Président, aux

4 parties.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, certainement. Est-ce que vous

6 aimeriez que ces documents soient versés au dossier ou souhaiteriez-vous

7 attendre ?

8 M. JOSSE : [interprétation] Je serais tout à fait d'accord à ce que ce

9 document soit versé au dossier. Mais je voulais attendre quelques instants

10 avant de ce faire car je voulais vous remettre la version en caractère

11 latin car j'ai l'original en cyrillique.

12 Q. Monsieur, pourriez-vous nous donner lecture de la première phrase qui

13 est en B/C/S, ainsi nous pourrons saisir ce que vous avez dit.

14 R. "Miroslav Toholj, livre noir, souffrances des Serbes en Bosnie-

15 Herzégovine, 1992 à 1995."

16 Q. Nous avons le nom de l'éditeur. Est-ce que vous savez que ce livre

17 existe ?

18 R. J'avais déjà entendu parler de ce livre, oui.

19 Q. Dans quel contexte avez-vous entendu parler de ce livre ?

20 R. Rien de particulier. Je détiens simplement l'information que ce livre a

21 été publié. Je peux également vous donner une bibliographie d'une série de

22 livres sur le même sujet, si cela vous intéresse. Je peux vous donner une

23 liste, je peux vous énumérer des dizaines de livres d'auteurs différents.

24 M. JOSSE : [interprétation] Je suis heureux de --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tokaca --

Page 15672

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette

2 question.

3 M. JOSSE : [interprétation] Très bien.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris la question, Monsieur le

5 Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Personne ne voulait savoir cela. M.

7 Josse voulait simplement savoir si vous avez entendu parler de ce livre,

8 soit par un ami ou est-ce que vous avez vu le livre dans une librairie,

9 dans un magasin. Dites-nous simplement dans quel contexte est-ce que vous

10 avez appris l'existence de ce livre.

11 Je voudrais vous dire encore quelque chose encore, Monsieur. Il semblerait

12 que de temps en temps, lorsque vous répondez aux questions, vous semblez

13 adopter une position plutôt défensive. C'est comme si vous vouliez vous

14 justifier. Il n'est pas nécessaire de ce faire, vous pouvez simplement

15 répondre aux questions qui vous sont posées, c'est tout.

16 La question que l'on vous a posée, c'était, à savoir : "Dans quel

17 contexte vous avez appris de l'existence de ce livre ?"

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est un livre

19 particulièrement difficile. De façon quotidienne, je rencontre des

20 centaines d'information sur toutes sortes de sujet. Nous avons une

21 bibliothèque énorme de livres que nous recueillons de toutes sortes de

22 façons. Il m'est bien difficile de répondre à cette question, à savoir de

23 quelle façon j'ai entendu parler de ce livre de Miroslav Toholj et dans

24 quelles circonstances. Je sais que ce livre existe, mais je ne peux pas

25 vous dire de façon honnête à quel moment j'ai appris l'existence de ce

Page 15673

1 livre. C'est tout ce que je voulais dire. Je souhaiterais vraiment que vous

2 me compreniez. Ce n'est pas le seul livre sur ce sujet dont j'ai

3 connaissance. Il m'est bien difficile de vous dire à quel moment j'ai

4 appris de l'existence de ce livre.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, de nouveau vous nous dites en

6 dix phrases que vous ne vous souvenez pas. Si vous ne vous souvenez pas,

7 vous pouvez simplement nous dire que vous ne vous souvenez pas. Il n'est

8 pas nécessaire de nous expliquer pourquoi il vous est impossible de vous

9 souvenir des détails à moins que l'on ne vous pose une question précise là-

10 dessus. Vous pouvez simplement me dire : "Non je ne me souviens pas."

11 Monsieur Josse, veuillez poursuivre.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, je ne me souviens pas.

13 M. JOSSE : [interprétation]

14 Q. Monsieur Tokaca, je vais vous demander de nous expliquer la chose

15 suivante : vous nous avez dit qu'un très grand nombre de livres ont été

16 écrits sur la souffrance des victimes dont vous nous avez parlé. Un livre à

17 deux tomes comme livre que j'ai ici. J'imagine que ce genre de livre n'est

18 pas si courant dans ce domaine précis, n'est-ce pas ?

19 R. C'est peut-être vrai, c'est possible. Je ne sais pas si vous avez

20 raison toutefois.

21 Q. Si vous, Monsieur Tokaca, vous ne le savez pas, qui pourra nous

22 répondre car vous, vous traitez de ces questions depuis dix ans, vous vous

23 penchez sur la question ?

24 R. Cela ne veut pas dire que je dois tout savoir, c'est la raison pour

25 laquelle je fais des travaux de recherches pour obtenir le plus

Page 15674

1 d'informations que possible.

2 Q. C'est également la raison pourquoi étonnamment ce livre n'est pas une

3 livre que vous avez lu car vous faites de la recherche.

4 R. Je vous ai déjà dit qu'il n'est pas nécessaire que je lise tous les

5 livres qui sont publiés. J'ai des collaborateurs, il y a des personnes qui

6 travaillent avec moi qui ont peut-être pris connaissance de ce livre, qui

7 l'ont peut-être lu. Personnellement, je ne l'ai pas lu.

8 Q. Est-ce que vous avez des raisons de croire que ce livre n'est pas

9 juste, n'est pas précis ?

10 R. Je n'ai absolument aucune raison de douter du livre à moins que je ne

11 l'ai lu et examiné et c'est tout.

12 Q. Je vais passer à autre chose.

13 Pour ce qui vous concerne, vous avez traité de différents groupes

14 ethniques en Bosnie, n'est-ce pas, de façon très égale ?

15 R. Oui, du meilleur que j'ai pu, bien sûr. Si les circonstances me

16 permettaient de faire ma recherche, je l'ai fait. A chaque fois que j'ai pu

17 approfondir ma recherche, je l'ai fait.

18 Q. Est-ce que vous avez trouvé la communauté serbe quelque peu réticente à

19 collaborer avec votre commission ?

20 R. Dans une certaines mesure, oui.

21 Q. Si vous pouvez nous donner une explication scientifique, pouvez-vous

22 nous dire de quelle façon est-ce que cela a quelque peu entravé vos travaux

23 de recherche ?

24 R. Lorsque vous faites de la recherche, il est très important de voir tous

25 les aspects. Il est tout à fait important de tirer toutes les informations,

Page 15675

1 même des sources indépendantes, des données que vous recevez des victimes,

2 des témoins oculaires, des archives. Il est nécessaire d'avoir une image

3 complète des événements que l'on essaie d'expliquer. Notre méthodologie,

4 notre centre de Documentation et de Recherche, puisque la situation

5 maintenant est plus propice de faire ce genre de travail, les personnes

6 sont de plus en plus prêtes à collaborer avec nous, même les communautés

7 serbes. Pendant la guerre, il était bien difficile, bien sûr. Il y avait

8 plusieurs restrictions, et après la guerre, les choses sont devenues

9 beaucoup plus faciles. Il y a beaucoup plus de confiance envers nous en

10 Croatie, en Serbie, ailleurs. De plus en plus, nous avons des gens qui nous

11 appellent de façon quotidienne. Il s'agit des membres de tous les groupes

12 ethniques et nous recevons beaucoup de données, beaucoup de nouveaux

13 détails de façon quotidienne. Nous allons de plus en plus travailler dans

14 ce sens.

15 Q. Est-ce que vous savez s'il y a d'autres organisations de ce type en

16 Bosnie-Herzégovine ou qui existent concernant plutôt la Bosnie ?

17 R. Je sais que le secteur d'Etat et à l'extérieur du secteur d'Etat, il y

18 a plusieurs organisations. Vous savez, au niveau fédéral, il y a une

19 commission qui cherche les personnes portées disparues. Je crois qu'il y a

20 également une commission à Banja Luka qui traite également des questions

21 des personnes disparues. Je ne connais pas le nom exact puisqu'on change

22 souvent les appellations. Si je pouvais dire qu'on est en train de procéder

23 à la création d'un institut à Sarajevo pour les personnes portées

24 disparues, il s'agirait d'un institut bosnien en Bosnie-Herzégovine qui

25 travaille sur les personnes portées disparues. En Serbie, il y a également

Page 15676

1 une institution qui traite du même sujet, et il y a d'autres organisations

2 de l'Etat qui traitent de ce sujet. Il y a des associations de victimes

3 partout en Bosnie-Herzégovine. Vous avez toute une série de telles

4 organisations de Sarajevo, Banja Luka et Mostar. Vous avez également des

5 organisations que j'estime être des organisations professionnelles au

6 niveau étatique qui traitent des crimes de guerre, comme par exemple à

7 Belgrade, le Fonds du droit humanitaire ou le comité pour les droits de

8 l'homme à Belgrade et à Zagreb, le comité d'Helsinki et à Belgrade. Il y a

9 plusieurs organismes de ce type à Belgrade, à Zagreb et en Bosnie. Au

10 niveau de l'Etat et de façon indépendante, il y a plusieurs organisations

11 et organismes qui font ce genre de travail et qui traitent de ce sujet.

12 Q. Est-ce que vous vous coopérez avec ces organismes, est-ce que vous

13 travaillez ensemble pour essayer de comparer vos résultats afin de pouvoir

14 avoir des données fiables et précises ?

15 R. Oui. Si vous vous voulez, je peux vous dire quels sont les contacts que

16 j'ai et avec quels organismes. Toutes les associations de victimes créées

17 pour la recherche des personnes portées disparues, j'ai discuté avec tous

18 ces organismes. Il y a quelques années, j'ai tenu un protocole entre

19 Sarajevo et Belgrade concernant la collaboration régionale sur la

20 documentation et la recherche des crimes de guerre. Je l'ai déjà dit au

21 tout début de mon témoignage. Il s'agit d'une communication tout à fait

22 normale qu'il nous faut absolument établir avec toute une série

23 d'organismes si vous voulez obtenir des renseignements, si vous voulez

24 faire partie d'un réseau qui traite de la même problématique.

25 Il ne s'agit pas simplement d'être en contact avec les institutions de

Page 15677

1 Bosnie-Herzégovine ou de cette région; j'ai également des contacts aussi

2 réguliers avec d'autres organismes à l'extérieur de Bosnie-Herzégovine,

3 d'autres institutions internationales qui appuient notre travail également.

4 Si vous voulez, je peux vous donner les noms. Il s'agit de la Commission

5 internationale pour la justice transitionnelle de New York, ainsi que

6 plusieurs autres institutions qui sont entrées en contacts avec nous, comme

7 par exemple : Amnesty International, Helsinki Watch, l'Institut des droits

8 de l'homme de Suède. Il y a toute une série d'institutions qui sont en

9 contact avec nous et avec lesquelles nous établissons des contacts

10 réguliers afin de pouvoir obtenir la vérité, afin que nous puissions faire

11 un travail de qualité.

12 Q. Si je parle de statistiques, par exemple, les doublons - dites-moi si

13 vous comprenez ce que je veux dire par cela quand je parle de doublon -

14 c'est un problème dans votre travail, n'est-ce pas ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a déjà que c'était

16 effectivement un problème.

17 Veuillez poursuivre, je vous prie. Veuillez passer à autre chose.

18 M. JOSSE : [interprétation] Oui, certainement.

19 Q. Vous entrez en contact avec ces autres organismes afin d'essayer de

20 corriger ce genre de problèmes, les doublons, et cetera ?

21 R. Tous les contacts avec tous les organismes sont les résultats de notre

22 tentative d'essayer d'arriver à un plus grand nombre de sources

23 d'information qui permettraient que nous puissions arriver à la vérité pour

24 chacune des victimes dont j'ai parlé aujourd'hui. Nous voulons savoir

25 exactement ce qui s'est passé avec la victime et nous aimons bien voir

Page 15678

1 l'identité, les photographies. Il y a des milliers de photographies pour

2 identifier le visage de chaque personne. C'est notre travail d'essayer

3 d'identifier chaque victime avec plusieurs sources, non seulement en

4 passant par ces organismes internationaux différents mais nous, nous les

5 passons sur le terrain. Nous essayons de retrouver l'information. Les

6 informations sont cachées très souvent à plusieurs endroits où l'on ne

7 penserait même pas à aller chercher pour les personnes qui ne sont pas tout

8 à fait dans le domaine, les personnes ne penseraient pas à aller chercher

9 l'information à ces endroits-là où nous allons. Je vais également dire

10 qu'il peut arriver que de temps en temps on voit réapparaître le même nom à

11 deux ou trois endroits, donc dupliqué, triplé, et cetera. C'est ainsi que

12 nous pouvons effectivement obtenir un chiffre erroné de victimes, mais nous

13 essayons toujours de corriger cela.

14 Q. Vous nous avez présenté la pièce P858 et cette pièce porte sur la

15 municipalité de Bratunac. Pourquoi avez-vous choisi de nous parler de cette

16 municipalité ?

17 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Je suis vraiment désolée d'interrompre,

18 mais ce n'était pas M. Tokaca qui a choisi de vous parler de cette

19 municipalité, mais c'était bien moi-même.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, M. Tokaca aurait pu le dire à M.

21 Josse. Il est certainement en mesure de le faire. Il n'est pas nécessaire

22 d'intervenir.

23 Monsieur, Mme Richterova nous informe que c'était à sa demande que vous

24 avez décidé de nous parler de la municipalité de Bratunac; est-ce exact ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait juste, en me servant de

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1 ce tableau.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci, cela précise le fait.

3 Veuillez poursuivre, Monsieur Josse.

4 M. JOSSE : [interprétation] Un instant, je vous prie, Monsieur le Président.

5 Je vous prie de m'accorder quelques instants.

6 [Le conseil de la Défense se concerte]

7 M. JOSSE : [interprétation]

8 Q. Si l'on vous disait, Monsieur, qu'en fait pour Bratunac, vos données

9 statistiques sont tout à fait erronées et qu'il y a beaucoup plus de Serbes

10 tués dans cette municipalité en 1992 que de Bosniaques. Qu'est-ce que vous

11 nous diriez si l'on vous proposait cela comme thèse ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, pourriez-vous, je vous

13 prie, reformuler votre question. Il découle clairement du témoignage du

14 témoin que les statistiques ne donnent pas l'endroit où la personne a été

15 tuée. C'est simplement l'endroit où les personnes ont été enregistrées, où

16 elles étaient domiciliées. C'est le jour où elles ont été déclarées comme

17 portées disparues ou tuées. Le témoin nous a déjà dit, de façon très

18 précise, que l'endroit où ces personnes ont été tuées ne faisait pas partie

19 de ces données statistiques. Vous disiez dans votre question : "plus de

20 Serbes ont été tués dans la municipalité que de Bosniens en 1992."

21 M. JOSSE : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président,

22 c'était ma question.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

24 M. JOSSE : [interprétation] Je vous prie de m'accorder quelques instants

25 afin que je puisse consulter mes collègues.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement.

2 [Le conseil de la Défense se concerte]

3 M. JOSSE : [interprétation]

4 Q. Monsieur, j'aimerais vous poser la question suivante : si nous vous

5 disions que pour la municipalité de Bratunac, il y a plus de civils serbes

6 tués dans cette municipalité en 1992 que de civils bosniens. Vous ne pouvez

7 peut-être pas répondre à cette question, Monsieur Tokaca, mais si vous

8 pouvez nous le dire, informez-nous.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez posé exactement la même

10 question. Vous posez une question sur les civils serbes qui ont été tués

11 dans cette municipalité, alors que le témoin nous a dit clairement autre

12 chose. Vous êtes en train de déformer les propos du témoin. Il n'a jamais

13 dit cela. Il a simplement dit que lorsque nous examinons ces données, pour

14 ce qui est de Bratunac, par exemple, ce sont les personnes qui ont été

15 enregistrées comme étant domiciliées à Bratunac, et c'est eux qui ont été

16 tués. C'est leur mort qui est répertoriée dans ce graphique, à moins que

17 j'aie compris le témoin de façon erronée.

18 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je suis vraiment navré.

19 Je ne voulais certainement pas déformer les propos du témoin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. JOSSE : [aucune interprétation] -- une proposition générale.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pourriez peut-être dire : n'est-il

23 pas exact que plus de personnes ont été tuées dans cette municipalité. Le

24 témoin a simplement dit qu'il a répertorié des personnes tuées ou portées

25 disparues comme étant résidantes d'une certaine municipalité. Peut-être

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1 qu'aucune de ces personnes n'avait été tuée dans cette municipalité. Il se

2 peut que des personnes d'autres municipalités avaient été tuées à Bratunac.

3 Vous n'êtes pas en train de poser au témoin une question juste. Vous lui

4 demandez de vous confirmer que ces chiffres sont erronés, mais ce que ces

5 chiffres représentent, ce n'est pas la question que vous lui posez. Il ne

6 peut pas vous parler de ces chiffres car il nous a déjà parlé de ces

7 chiffres et il nous a expliqué ce qu'ils voulaient dire.

8 M. JOSSE : [interprétation] Je comprends. Merci.

9 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ces statistiques,

10 ces chiffres ne représentent que le nombre de personnes provenant de ces

11 municipalités, mais ces chiffres ne font pas état de l'endroit où ces

12 personnes ont péri ?

13 R. Oui, c'est juste. C'est tout à fait cela. Avec l'exception que le

14 graphique -- je vous demanderais de prendre le graphique sur Bratunac. Si

15 l'on examine le graphique portant sur la municipalité de Bratunac, vous

16 pouvez le comparer avec le tableau. Vous verrez que c'est un nombre

17 inférieur de personnes. Le Président vous a averti là-dessus et justement

18 je parle de cela. Si vous voulez savoir combien de Serbes ont péri à

19 Bratunac, nous pouvons vous faire ce genre d'analyse si cela fait partie de

20 l'acte d'accusation. A ma connaissance, la raison de mon témoignage ici est

21 tout autre.

22 Je devais témoigner sur l'acte d'accusation, peut-être que lorsque

23 nous reviendrons à Sarajevo, nous aurons peut-être d'autres chiffres pour

24 Bratunac. J'ai déjà dit aux Juges de la Chambre au tout début que notre

25 recherche n'est pas terminée. Je voulais justement présenter ces tableaux,

Page 15682

1 ces chiffres, comme étant des chiffres indicatifs, à titre d'information.

2 Ce sont des tableaux qui nous indiquent quelque chose, c'est tout.

3 Nous allons certainement poursuivre nos recherches. Nous allons faire de

4 nouveaux graphiques, de nouveaux tableaux sur d'autres sujets. Je ne sais

5 pas si votre thèse concernant un nombre de Serbes supérieur aux Bosniens

6 est peut-être juste. Je ne le sais pas. Ce sont des hypothèses et je ne

7 vais pas certainement pas tirer des conjectures. Je peux simplement vous

8 parler de ce que j'ai sous les yeux. Je veux vous parler de données. Je

9 peux vous parler de chiffres qui ont été répertoriés. Si vous avez d'autres

10 données à me fournir, je serai heureux de les prendre.

11 Q. Il se peut que je me trompe, Monsieur Tokaca, c'est mon erreur. Mais

12 ai-je raison de dire que selon ce que vous venez de dire, il vous serait

13 tout à fait possible d'obtenir des données, à savoir, combien de personnes,

14 selon votre base de données, ont effectivement trouvé la mort à Bratunac en

15 1992, et à ce moment-là, vous pourriez peut-être les diviser par

16 composition ethnique ?

17 R. Oui, c'est tout à fait possible. Je peux faire ce genre de recherches.

18 Q. Je ne veux certainement pas vous critiquer ou critiquer votre travail,

19 mais les graphiques et les documents que vous avez apportés ici, ils ont

20 été apportés sur la base de votre compréhension de l'acte d'accusation ou

21 est-ce que vous avez apporté ces documents à la suite d'une demande faite

22 par le bureau du Procureur ?

23 R. C'est selon ma propre compréhension de l'acte d'accusation. J'ai

24 examiné l'acte d'accusation, j'ai vu sur quoi elle portait et j'ai essayé

25 d'apporter des documents conformément à l'acte d'accusation, et ce, bien

Page 15683

1 sûr, avec les données que j'ai. Je voulais passer par ces municipalités

2 bleues, ici, pour lesquelles j'estimais qu'elles étaient importantes. J'ai

3 offert des données pour Bijeljina, Brcko, et cetera; ensuite, Kotor Varos,

4 et cetera, et cetera, pour démontrer ce qui s'était, en réalité, passé avec

5 les Bosniens et les Croates dans ces municipalités et je voulais être

6 pertinent. Je voulais que ce que je dise corresponde à l'acte d'accusation.

7 Q. J'ai bien compris, Monsieur Tokaca, que vous pourriez entrer en contact

8 avec des enquêteurs pour ce qui est de cet accusé, afin de nous donner

9 d'autres analyses statistiques.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, essayons d'établir une

11 procédure. Si nous avons besoin d'obtenir de nouveaux éléments, de

12 nouvelles données provenant de ce témoin, nous pourrions le faire de façon

13 adéquate, c'est-à-dire, de façon directe. Nous allons peut-être vous

14 présenter une liste brève. Vous pouvez nous remettre cette liste. La

15 Chambre, ensuite, communiquera avec le témoin en passant par la section des

16 Victimes et des Témoins. Sur la liste, il apparaît qu'il n'y a absolument

17 pas de données pour les personnes qui ont été enregistrées, si ces

18 personnes avaient été tuées et à ce moment-là, nous allons pouvoir demander

19 au témoin de nous dire combien de personnes ont été tuées à Bratunac et

20 quelle était leur appartenance ethnique, quelle était l'appartenance

21 ethnique de ces personnes qui ont été tuées à Bratunac. C'est quelque chose

22 que nous pourrions faire, c'est quelque chose qui pourrait figurer sur une

23 liste, si vous voulez; si les parties veulent nous faire une proposition, à

24 ce moment-là, nous pourrons demander au témoin de le faire.

25 Témoin, est-ce que vous pourriez nous donner des données supplémentaires de

Page 15684

1 ce type sans consulter les parties, mais seulement en examinant votre base

2 de données ? Est-ce que vous pourriez nous fournir cette information ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de votre coopération.

7 Monsieur Josse, je vous écoute, poursuivez.

8 M. JOSSE : [interprétation]

9 Q. En dernier lieu, voici une question : vous avez dit, un peu plus tôt,

10 en réponse à une question posée par le Juge Hanoteau, il vous a demandé une

11 question, à savoir, si ces personnes avaient été tuées à Bratunac et vous

12 lui avez dit qu'ils n'ont pas tous été tués à Bratunac. C'est à la page 33,

13 lignes 1 à 3 du transcript d'anglais. Je vais répéter. Vous avez dit : "Ces

14 personnes n'avaient pas toutes été tuées à Bratunac."

15 Est-ce que c'est exactement cela que vous avez voulu dire ?

16 Mme RICHTEROVA : [interprétation] De quelle date parlez-vous ? Parlez-vous

17 de 1992 ou de 1995 ?

18 M. JOSSE : [interprétation] Je parle de 1992. Le témoin a dit et je cite, à

19 la ligne 23 de la page 32 :

20 "Tous les soldats qui étaient domiciliés à Bratunac et qui avaient leurs

21 adresses enregistrés à Bratunac, en 1992."

22 Le Juge Hanoteau voulait savoir si ces personnes avaient toutes été tuées à

23 Bratunac et le témoin a répondu que ces personnes n'avaient pas toutes été

24 tuées à Bratunac.

25 Q. Est-ce que c'est exact, Monsieur ?

Page 15685

1 R. Oui, c'est justement cela. Je n'ai pas essayé d'analyser où les

2 personnes avaient été tuées et à quel endroit ils étaient tués. La plupart

3 de ces personnes ont probablement trouvé la mort à Bratunac; mais il y a

4 une forte probabilité que comme les soldats se déplacent et vont sur la

5 ligne de front, ils aient pu également périr sur la ligne de front. Mais le

6 but de notre projet est d'essayer de démontrer un lien entre l'endroit où

7 les personnes étaient en 1992. Avant 1992, ces personnes vivaient

8 paisiblement dans leurs demeures et tout d'un coup, ils sont morts

9 ailleurs.

10 Nous avons voulu essayer de démontrer les liens qui existent où les

11 civils se sont trouvés en 1992 et le lien, l'endroit où ces personnes ont

12 pu être tuées. Je l'ai déjà expliqué. Une personne qui s'est fait arrêter à

13 Bratunac et qui s'est fait emmenée ailleurs -- je me souviens très bien, il

14 y avait un groupe, lorsque nous avons fait une recherche particulière, il y

15 avait un groupe qui avait été transporté de Bratunac à Pale et c'est ainsi

16 que ce groupe-là avait été enfermé. On a peut-être tué ces personnes là-

17 bas. Je ne le sais pas, je n'affirme rien. Les personnes se déplaçaient et

18 nous voulons expliquer que ces personnes étaient à même de se déplacer.

19 Q. Je reprends ce que vous avez dit en réponse à la même question :

20 "Dans ce cas-là, vous n'étiez pas intéressés par les soldats. Puis, il y a

21 également la catégorie reprenant le lieu de la mort. Cependant, l'analyse,

22 que nous avons faite jusqu'à présent pour les civils, montre qu'il y a

23 concordance pratiquement totale entre le lieu de domiciliation et le lieu

24 du décès."

25 En d'autres termes, le lieu de domiciliation, ainsi que le lieu du

Page 15686

1 décès est probablement le même? Est-ce que j'ai mal compris ce que vous

2 vouliez dire ?

3 R. C'est une question hypothétique, avec un si. J'ai présenté des

4 graphiques qui montrent de manière indéniable que les citoyens résidant

5 dans certaines municipalités, en 1992 et qui ont disparu ou été tués a

6 différents endroits présentaient un phénomène de concordance, c'est-à-dire

7 qu'ils ont disparu et qu'ils ont été tués au même moment. Les gens ont été

8 tués et en même temps, ont disparu de leurs lieux, de leurs domiciles. Même

9 sans mon analyse, si on fournit ces informations à n'importe quel expert,

10 il en arrivera exactement aux mêmes conclusions, à savoir que les

11 événements en question se sont passés au même moment que le fait que les

12 personnes aient disparu et que les personnes aient été tuées, ces deux

13 choses se sont passées pratiquement au même moment.

14 M. JOSSE : [interprétation] Je ne sais pas si, vu cette réponse, Monsieur

15 le Président, vous me permettrez de mettre en avant l'interprétation que

16 j'avais présentée précédemment, l'affirmation à caractère général que

17 j'avais faite précédemment.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que cela avait trait aux nombres

19 de personnes tuées ?

20 M. JOSSE : [interprétation] Oui. L'affirmation selon laquelle il y a plus

21 de Serbes tués à Bratunac qu'en --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 M. JOSSE : [interprétation] Bosnie.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez de Serbes ou -- enfin, vous

25 nous avez dit que c'étaient surtout les civils qui vous intéressaient

Page 15687

1 M. JOSSE : [interprétation] Les civils, c'est exact.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de voir où se trouve cet

3 élément dans les documents. Je pense qu'à ce moment-là, il faut se référer

4 au graphique qui s'intitule "Nombre total de personnes tuées au cours de la

5 guerre à partir de," ensuite, on a une traduction en anglais qui est un

6 petit peu bancale -- Bosniens, 240 pour toute la période et 100 Serbes.

7 Est-ce que c'est exact ? Parce que je veux être certain de la question

8 qu'on est en train de poser.

9 M. JOSSE : [interprétation] Je veux reposer la question que j'ai déjà posée

10 à la page 56, ligne 13 du compte rendu d'aujourd'hui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais votre question était de savoir

12 si les chiffres du témoin sont exacts ou pas. Mais je veux que le témoin

13 comprenne précisément de quel chiffre nous parlons.

14 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on parle de civils --

16 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on parle de 1992 ou de la

18 totalité de la période --

19 M. JOSSE : [interprétation] 1992.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 1992. Si bien que dans les tableaux et

21 graphiques, il faut voir la répartition ou la ventilation pour 1992. Dans

22 ces conditions, me semble t-il -- un instant, je consulte les documents.

23 Vous parlez des personnes qui ont été tuées en 1992. Où est-ce qu'on trouve

24 cela afin qu'on puisse poser la question au témoin, précisément en lui

25 disant : est-ce que se sont les chiffres que vous avez présentés ?

Page 15688

1 M. JOSSE : [interprétation] On trouve cela au quatrième ou cinquième

2 graphique de la page P858.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quatrième ou cinquième. Essayez de nous

4 donner les numéros de références -- enfin, donnez-nous, s'il vous plaît, le

5 titre, l'intitulé de la page et quelques indications pour qu'on se réfère

6 aux chiffres qui figurent dans cette page afin qu'il y ait une certitude

7 totale.

8 M. JOSSE : [interprétation] En anglais, c'est --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. JOSSE : [interprétation] "Nombre total de personnes tuées et portées

11 disparues sur la base de l'année au cours de laquelle cela s'est déroulé."

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous incluez, également, les

13 personnes disparues, alors qu'auparavant, vous parliez uniquement des

14 personnes tuées ?

15 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. JOSSE : [interprétation] Si j'ai bien compris, il faudrait que la

18 traduction dise "nombre total de personnes tuées ou disparues."

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il du nombre total des

20 personnes tuées qui est la page suivante.

21 M. JOSSE : [interprétation] Oui, excusez-moi -- merci beaucoup, je

22 n'avais pas vu.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On a la répartition entre les

24 soldats, les civils et les cas indéterminés. Je vois pour 1992, le nombre

25 total de personnes tuées, si on parle de civils, c'est de 128 Bosniens et

Page 15689

1 de 69 Serbes. Est-ce que c'est bien exact ?

2 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est sur ce point que vous

4 voulez interroger le témoin, indiquez-lui la page précise et posez-lui

5 votre question.

6 M. JOSSE : [interprétation]

7 Q. Est-ce que vous avez trouvé ce passage dans vos documents,

8 Monsieur Tokaca ?

9 R. Vous parlez du nombre total de personnes tuées et disparues par an,

10 pour les civils ?

11 Q. Je parle du nombre total de personnes tuées sur la base de l'année où

12 cela s'est passé.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est dans votre langue avec une

14 prononciation qui laisse sans doute beaucoup à désirer.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, municipalité de Bratunac, 1992.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nombre total est de 1 489 tués.

18 M. JOSSE : [interprétation]

19 Q. Oui --

20 R. Appartenance ethnique --

21 Q. Ce qui m'intéresse, c'est la colonne de gauche où il est question

22 de 1992. Bosniens 128, Serbes 69, il s'agit des civils tués; c'est ce qu'on

23 trouve dans cette colonne, ce sont les éléments que l'on trouve dans cette

24 colonne, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

Page 15690

1 Q. Ce que je vous dis, Monsieur, c'est qu'au cours de cette année, il y a

2 eu plus de civils serbes tués que de civils bosniens tués.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, Me Josse est en

4 train de vous dire que les chiffres qui figurent ici sont faux parce que

5 selon lui, il y a eu plus de Serbes tués, plus de civils serbes tués qui

6 étaient domiciliés à cet endroit.

7 M. JOSSE : [interprétation]

8 Q. Oui, non, je ne sais pas ?

9 R. C'est complètement faux. C'est complètement faux ce que vous êtes en

10 train de dire.

11 Q. Qu'est-ce qui vous permet de dire avec autant d'assurance que ce que je

12 dis est complètement faux ?

13 R. C'est parce que vous, vous n'avez pas les noms de ces civils. Si vous

14 pouvez me donner les noms et tous les faits pour confirmer cela, à ce

15 moment-là, j'ajouterai foi à ce que vous êtes en train de me dire. Mais je

16 ne dis pas que le chiffre ne va pas changer, mais pour nous, nous avons les

17 noms des Serbes dont on pense qu'ils ont été tués. Je ne peux pas vous

18 dire, non plus, qu'il n'y aura pas, à l'avenir, plus de Bosniens qu'on

19 enregistrera. Mais ce que je suis en train de vous dire, c'est qu'à

20 Bratunac, en 1992, c'est que si on dit qu'il y a eu plus de Serbes tués que

21 de Bosniens, c'est complètement faux, pour l'année 1992.

22 M. JOSSE : [interprétation] Un instant, je vous prie, Monsieur le

23 Président.

24 [Le Conseil de la Défense se concerte]

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 15691

1 M. JOSSE : [interprétation] Merci beaucoup. Nous n'avons plus de

2 questions à poser au témoin.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître.

4 L'Accusation souhaite-t-elle poser des questions supplémentaires ?

5 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser, Monsieur

7 Tokaca.

8 Questions de la Cour :

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez déposé également dans

10 l'affaire Vasiljevic, n'est-ce pas ?

11 R. C'est exact, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous a posé des questions quant à

13 l'appartenance ethnique des premières personnes qui ont péri, des premières

14 victimes. Vous souvenez-vous de ces questions ?

15 R. Oui, je m'en souviens.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez également déclaré que c'était

17 quelque chose que vous ne pouviez pas savoir parce que vous ne vous

18 intéressiez pas à l'appartenance ethnique des victimes. Dire si les

19 premières victimes tombées avaient été Serbes, Bosniennes ou Croates,

20 c'était quelque chose que vous n'étiez pas en mesure d'affirmer, de dire

21 parce que ce n'était pas quelque chose qui vous intéressait ou sur lequel

22 vous aviez travaillé ?

23 R. Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, si on regarde tous les

25 éléments que vous nous présentez aujourd'hui, tous les documents qu'on voit

Page 15692

1 aujourd'hui, on constate qu'on précise, de manière systématique presque,

2 l'appartenance ethnique des victimes. Pourquoi ce changement et pourquoi

3 avez-vous précédemment dit que vous ne pouviez donner aucune information

4 sur l'appartenance ethnique des victimes parce que cela ne vous intéresse

5 pas, alors que si on regarde les graphiques, les tableaux que vous nous

6 avez fournis, à chaque fois, on voit très clairement quelle est

7 l'appartenance ethnique des victimes répertoriées ?

8 R. Monsieur le Président, au stade de l'enquête, cela ne m'intéresse pas,

9 l'appartenance ethnique de la victime. Cependant, ce que je ne peux passer

10 sous silence et ce qu'il ne convient pas que j'ignore, c'est que ces gens-

11 là appartenaient bien à une communauté ethnique donnée puisqu'ils

12 habitaient en Bosnie-Herzégovine. A priori, quand j'enquête, quand je

13 travaille sur les crimes de guerre, et cetera, sur les victimes, je ne me

14 focalise pas sur leur religion, mais j'essaie de découvrir toute la vérité

15 sur les événements qui se sont passés. Au début, on ne sait pas ce qu'on va

16 découvrir, on est au début d'un chemin qui peut être très long. Même au

17 jour d'aujourd'hui, je ne peux pas dire si, à l'aboutissement de ce

18 travail, la répartition ethnique des victimes sera la même; je suis

19 incapable de vous le dire. Je ne peux pas m'engager dans ce type de

20 conjectures. J'aimerais avoir des faits tout à fait précis sur le nombre

21 des victimes et leur appartenance ethnique, mais peu importe, au début,

22 parce que, sinon, je choisirais un groupe ethnique précis, puis, je

23 travaillerais sur lui.

24 Mais si vous regardez mes tableaux, mes graphiques, vous voyez que je

25 traite de tous les groupes ethniques; ce qui montre bien quelle est ma

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1 prise de position dès le début. Je m'intéresse à toutes les victimes et je

2 ne suis pas parti du principe que je devais m'intéresser aux victimes

3 appartenant à une communauté et une seule.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne suis nullement en train de dire

5 que vous aviez orienté des recherches de cette manière. Je voudrais savoir

6 pourquoi à ce moment-là n'avez-vous pas dit : "Donnez-moi le nom de la

7 victime et j'essaierai de voir ce qu'il en est en examinant les dossiers

8 dont nous disposons." Voyez-vous ce que je veux dire ? A l'époque, on vous

9 a posé la question précisément et vous avez dit que vous ne vous

10 intéressiez pas à l'appartenance ethnique des victimes. Or, tout ceci, tous

11 ces éléments y figurent dans vos dossiers, dans vos données. Vous auriez pu

12 nous le dire. Vous auriez pu répondre dans ce sens et entreprendre des

13 recherches supplémentaires pour répondre à la question.

14 R. Monsieur le Président, au moment où la première victime est tombée,

15 c'est très difficile de répondre à cette question. Pour revenir à 1991,

16 1990, dans toutes les régions du pays. Cela peut ressembler à une question

17 orientée. C'est pourquoi j'ai répondu de la manière dont j'ai répondu à une

18 question tendancieuse. Si on m'avait interrogé au sujet du nom et du prénom

19 d'une certaine personne, cette personne s'appelle Petar Petrovic, il est

20 mort à Visegrad, et cetera, j'aurais pu regarder ce qu'il en était dans ma

21 base de données. Je ne peux pas dire a priori ce qu'il y a dans l'esprit de

22 celui qui est en train de me poser la question.

23 Bien entendu, si vous me donnez le nom et le prénom de la victime et

24 d'autres données, je peux vous répondre à cette question sur son

25 appartenance ethnique. Ce serait là la manière de procéder et c'est la

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1 manière souhaitable de procéder entre ceux qui posent des questions et ceux

2 qui répondent. Si vous me donnez des noms, je peux vérifier les choses dans

3 ma base de données toute de suite. Je peux répondre à cette question aussi

4 bien de la part des Juges, de l'Accusation que de la Défense. Quant à

5 savoir qui était la première victime, quelle était l'appartenance ethnique

6 de la première victime, c'est une question à laquelle il est finalement

7 assez difficile de répondre. Comment savoir qui était la première victime ?

8 Est-ce que c'était en 1990, 1991, 1992 ? Je ne sais pas. En tout cas, moi,

9 c'est comme cela que j'ai ressenti la question qu'on m'a posée.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai lu le compte rendu d'audience,

11 j'ai lu la question, j'ai lu la réponse.

12 La pièce P858 maintenant, où l'on voit un certain nombre de tableaux.

13 Il y a un de ces tableaux qui correspond "au nombre total de personnes

14 tuées, en fonction de l'année de l'événement," mais si on regarde ces

15 tableaux, on voit qu'il n'y a pas ventilation en fonction des années, mais

16 en fonction des mois de 1992. "Janvier, 2 Bosniens, Serbes 0. Février," et

17 cetera. Est-ce que vous avez trouvé le passage en question, la table en

18 question avec un total de 197 en bas en droite ?

19 R. Vous faites référence à --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bratunac --

21 R. Un moment. Je le cherche.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une des difficultés, Madame Richterova,

23 c'est qu'il n'y a pas de numéros de page.

24 R. J'ai trouvé, 197, à droite.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce qui me surprend et je me demande

Page 15695

1 comment vous pouvez m'expliquer la chose, c'est qu'un bon nombre de civils

2 bosniens sont morts en mai, et que le nombre de civils serbes qui sont

3 morts à Bratunac en juillet, août, septembre, octobre et novembre est

4 beaucoup plus élevé que pour les six premiers mois de cette année. La

5 raison pour laquelle je dois demander une explication, c'est que nous avons

6 entendu des témoins qui nous expliquaient que les opérations de combat, ou

7 les opérations militaires, se sont plutôt déroulées au cours des six

8 premiers mois de l'année. On voit qu'il n'y a absolument pratiquement pas

9 de Serbes qui sont décédés à ce moment-là, alors que dans la deuxième

10 partie de l'année, alors qu'apparemment à ce moment-là, la situation

11 militaire s'était stabilisée, soudain, on voit que le nombre de civils

12 serbes qui meurent est même plus élevé que le nombre de civils bosniaques.

13 Est-ce que vous pouvez me donner une explication sur ce point et sur

14 l'évolution de la situation au fil de l'année ?

15 R. Je n'ai pas analysé ce tableau en détail. J'imagine qu'il y a eu des

16 opérations de combat. Je ne peux pas vous le dire. Je présente simplement

17 les données que nous avons recueillies au cours de nos recherches. Pour

18 toutes les victimes serbes, entre juillet et à la fin de l'année, on

19 pourrait effectivement essayer de déterminer où et dans quelles

20 circonstances ces personnes ont été tuées. Il est possible effectivement

21 qu'il y ait eu des opérations de combat dans cette région, et que des

22 soldats serbes aient été tués au cours de ces opérations. Je ne peux pas

23 vraiment vous e dire. Ce qui est important pour moi, c'est d'enregistrer le

24 décès d'un civil pendant une certaine période donnée et si possible, de

25 donner la cause du décès. Bien entendu, je peux vous donner ces

Page 15696

1 informations si vous souhaitez les obtenir et vous dire dans quelles

2 circonstances ces personnes ont trouvé la mort.

3 C'est quelque chose qui est apparu dans le cadre de nos recherches. Je n'ai

4 nullement influencé la chose. Ce tableau, il reflète simplement les données

5 que nous sommes parvenus à recueillir. S'agissant de chaque événement

6 individuel qui figure dans ce tableau, nous pouvons fournir des

7 informations. Il est tout à fait possible qu'il y ait eu des opérations de

8 combat avec des Serbes pendant cette période.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 Est-ce que les questions posées par les Juges débouchent sur d'autres

11 questions de la part de l'Accusation ou de la Défense ?

12 Oui, Monsieur Krajisnik. Je vous avais oublié. Je m'excuse parce que

13 j'aurais dû vous donner la possibilité de poser des questions.

14 Monsieur le Témoin, dans ce procès, nous autorisons également M. Krajisnik

15 à poser des questions au témoin. Une fois encore, je vous prie de

16 m'excuser, M. Krajisnik, de ne pas vous avoir permis d'interroger le témoin

17 précédemment. Je vous donne maintenant la parole.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. C'est un petit peu

19 grossier de ma part d'intervenir après les Juges. Je n'ai pas l'intention

20 de le faire à l'avenir, mais permettez-moi de poser quelques questions.

21 Contre-interrogatoire par M. Krajisnik :

22 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Tokaca.

23 R. Bonjour.

24 Q. Nous parlons tous deux la même langue, que nous appelons peut-être de

25 manière différente, mais étant donné que nous parlons la même langue, il

Page 15697

1 faut que nous fassions une pause entre nos questions et nos réponses, car

2 tous deux avons tendance à parler assez vite.

3 Je n'ai pas été dans cette région depuis longtemps, mais je voudrais savoir

4 si vous, vous avez été à Bratunac récemment ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous avez vu là-bas un mémorial en mémoire de Srebrenica, un centre qui

7 parle de Bratunac ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous avez constaté que beaucoup de personnes avaient été

10 enterrées à cet endroit ?

11 R. Oui.

12 Q. Il faut savoir que les médias manipulent tout cela, et disent que l'on

13 parle uniquement des Serbes qui ont été tués. Je crois qu'il y en a eu 3

14 000.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, posez des questions

16 au témoin parce que 70 % de ce que vous considérez comme étant une question

17 se résume à des commentaires de votre part.

18 M. KRAJISNIK : [interprétation]

19 Q. Je suis en train de regarder le tableau dans lequel on voit que le

20 nombre total pour Bratunac des personnes tuées était 616, personnes

21 disparues 13, statut inconnu 1, avec un nombre total de 630 personnes. Or,

22 les médias ne cessent de répéter que ce mémorial a été érigé pour 2 à 3 000

23 personnes tuées pendant la guerre. Je voudrais que vous aidiez la Chambre

24 et tout le monde d'ailleurs à comprendre quelle a été la situation. Nous

25 parlons uniquement de la population serbe.

Page 15698

1 R. Je ne peux pas parler de la même manière en utilisant les mêmes

2 catégories que vous. On lance un grand nombre de chiffres pour Bratunac,

3 c'est la Bosnie-Herzégovine en général. Vous vous souviendrez qu'on a

4 mentionné du fait que 250 000 à 350 000 personnes avaient été tuées en

5 Bosnie-Herzégovine, c'est complètement faux.

6 Je parle des victimes individuelles précises et les informations que j'ai

7 fournies aux Juges ce sont des informations dont je dispose. Je ne fais

8 aucune supposition. Je ne dirai jamais que 12 000 personnes ont été tuées à

9 Srebrenica à moins que je ne dispose des 12 000 noms des personnes

10 concernées. Les noms dont je dispose sont beaucoup moins nombreux.

11 Monsieur Krajisnik, je ne peux pas, en parlant de Bratunac, dire : Oui, on

12 a dit dans les médias, on a affirmé la rumeur, et cetera. Je parle

13 uniquement à partir de noms, de prénoms de personnes, comme vous-même,

14 d'ailleurs. Je peux aller dans le sens de ce que vous dites. Je sais

15 effectivement qu'on a parlé du meurtre de 3 000 Serbes dans la municipalité

16 de Bratunac, mais je ne peux me prononcer sur ce point avant d'en avoir

17 terminé de mon enquête. Même aujourd'hui, alors que je suis dans ce

18 prétoire, mes collègues sont en train de saisir des données relatives à

19 Bratunac. Si bien que, comme je l'ai dit aux Juges, il est possible que ces

20 données soient modifiées à l'avenir. Je mets tout le monde en garde sur le

21 fait que ce document nous donne une bonne indication sur ce qui s'est passé

22 pendant une certaine période, sur ce qui intéresse la Chambre de première

23 instance, une période de six, sept ou huit mois.

24 Effectivement, il y a un mémorial qui a été érigé, je l'ai visité, mais je

25 dois dire que les civils, les soldats, d'autres personnes ont été enterrés

Page 15699

1 à cet endroit. Il faut procéder à des vérifications, voir qui a été enterré

2 à cet endroit et d'où venaient ces personnes. Personnellement, je ne suis

3 pas favorable à des affirmations basées sur des chiffres qui ne reposent

4 sur rien. Je pense qu'il faut identifier chacune des victimes.

5 Q. Ma question était la suivante : vous étiez à Bratunac, est-ce que vous

6 avez vu le cimetière où ces personnes ont été enterrées ? Je ne l'ai pas vu

7 de mes yeux. Je voudrais savoir s'il y a un cimetière et je voudrais savoir

8 si vous avez enquêté sur la situation ? Si vous avez essayé de déterminer

9 si ces personnes venaient de Bratunac ou d'ailleurs ?

10 R. Je suis allé dans de nombreux cimetières installés après la guerre mais

11 je ne me pense pas que toutes les personnes venaient de Bratunac. Il y en

12 avait beaucoup qui venaient de Sokolac mais pas tous de Sokolac. A

13 Vlasenica aussi, il y a un cimetière militaire avec des croix, donc toutes

14 ces personnes n'étaient pas forcément de Bratunac. Les personnes qui

15 étaient enregistrées à Bratunac en 1992 ont été répertoriées selon ce

16 critère et si elles étaient résidentes de Bratunac, en vertu du recensement

17 de 1991.

18 Q. Etant donné que vous êtes de Sarajevo, essayez de m'aider, parce que je

19 n'ai pas beaucoup de temps, essayez de répondre plus vite à mes questions.

20 Savez-vous combien on compte de tombes à cet endroit-là ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Merci. Deuxième question : vous souvenez-vous que le 30 octobre 1992,

23 des informations ont été envoyées au commissariat chargé des droits de

24 l'homme à Genève ? On a envoyé un rapport au sujet de la situation en

25 Bosnie-Herzégovine. Dans ce document on répertorie les différentes

Page 15700

1 municipalités.

2 R. Qui est l'auteur de ce document ?

3 Q. Je crois que c'est votre commission, d'après ce que j'ai pu voir.

4 R. Tout ce qui sort de mon bureau porte ma signature. Il y a des milliers

5 de documents qui ont été remis aux Nations Unies ou au Tribunal ou à

6 d'autres institutions et ils portent ma signature, avec le sceau de la

7 Bosnie-Herzégovine. On voit commission, et cetera, le nom de la commission.

8 Si cela figure sur le document en question, dites-le moi.

9 Q. Puis-je vous demander si le 30 octobre 1992, vous avez envoyé des

10 documents au Haut commissaire chargé des droits de l'homme à Genève. C'est

11 tout ce que je vous demande ?

12 R. Je ne m'en souviens pas.

13 Q. Merci.

14 Monsieur Tokaca, au début de la guerre en 1992, est-ce qu'à Sarajevo il y

15 avait, partout où l'œil se portait, des affiches sur lesquelles figuraient

16 les portraits de criminels de guerre ?

17 R. De quelle période parlez-vous ?

18 Q. Avril, mai.

19 R. En avril, j'étais à Sarajevo et je crois que j'ai vu deux affiches où

20 l'on voyait le visage de Radovan Karadzic. Je ne me souviens de rien

21 d'autre. Je ne me souviens pas d'autres affiches, mais il était très

22 difficile de se déplacer à Sarajevo à l'époque.

23 Q. Merci. Qui était le premier président de la commission chargée des

24 crimes de guerre ?

25 R. M. Stjepan Kljuc.

Page 15701

1 Q. Avez-vous enquêté sur des crimes de guerre commis à Sarajevo ?

2 R. Oui.

3 Q. Une autre question : avez-vous lu le livre

4 intitulé : "J'étais le diplomate d'Alija," du Professeur Muhamed

5 Filipovic ?

6 R. [inaudible]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle a été votre réponse, je vous prie,

8 Monsieur le Témoin ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. KRAJISNIK : [interprétation]

11 Q. Puisque vous avez lu le livre, vous avez probablement remarqué que M.

12 Filipovic a fait un geste humain et il a sorti de prison le frère de M.

13 Nikola Koljevic. Vous en souvenez-vous ?

14 R. Je me souviens que cela a fait l'objet du livre, mais je ne me souviens

15 pas des circonstances dans lesquelles cet homme a été sorti de prison.

16 Q. C'était un geste humain, vous en souvenez-vous ?

17 R. Vraiment, je ne m'en souviens pas.

18 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vois pas la

19 pertinence de ces questions ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, quelle est la

21 pertinence de cela ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous démontrerai très rapidement pourquoi

23 ceci est pertinent.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous prie de bien vouloir

25 formuler votre question suivante où celle qui suivra de telle manière que

Page 15702

1 ceci devienne parfaitement clair aux yeux de la Chambre, sinon nous allons

2 vous demander d'aller de l'avant.

3 M. KRAJISNIK : [interprétation]

4 Q. Est-ce qu'il y a eu un grand nombre d'arrestations qui se sont

5 produites à Sarajevo où la commission n'a pas été au courant de cela ?

6 R. Vous savez mon travail n'est pas de nature hypothétique. Je m'occupe

7 des choses précises. Si j'apprends quelque chose, j'essaie de l'étayer en

8 m'aidant de données concrètes. Il y a eu des arrestations de toutes sortes.

9 Q. Mais vous, en tant que commission, vous étiez au courant ou non ?

10 R. Si, on était au courant, pas de toutes les arrestations. On a été au

11 courant d'un certain nombre d'entre elles.

12 Q. D'après vous, est-ce que le pouvoir en place, le pouvoir officiel a

13 ordonné ou avalisé ces arrestations ?

14 R. Ecoutez, nous sommes une commission qui n'a pas de compétences nous

15 permettant d'ordonner quoi que ce soit. Il faut savoir cela. Une commission,

16 qui est chargée de réunir des données sur des crimes de guerre, n'est pas

17 un organe du pouvoir, ni un organe exécutif quel qu'il soit. Nous devons

18 recueillir des données, nous ne pouvions absolument pas donner ce genre

19 d'ordres. Quant à savoir si les autorités officielles l'auraient fait, je

20 n'ai aucun élément me permettant de penser que le pouvoir en place, quoi

21 qu'on entende par là, si vous entendez par là des pouvoirs locaux, des

22 autorités locales dans des municipalités ou le gouvernement, le ministère,

23 par exemple, le ministère de l'Intérieur, là c'est possible --

24 Q. Je vais vous poser une question concrète : M. Kljujic était membre de

25 la présidence. Il faisait partie de votre commission ?

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1 R. Oui.

2 Q. D'après ce que vous savez, en tant que membre de la présidence

3 collective, est-ce qu'il a ordonné ce genre d'arrestations ?

4 R. Vraiment. Pour ce qui est de M. Kljujic, je n'ai rien appris de ce

5 genre à son sujet.

6 Q. Quelle est votre opinion ? Est-ce que ceci pourrait être vrai ?

7 R. Ecoutez, je connais très bien, M. Kljujic. On a travaillé ensemble, en

8 fait, ma réponse est non, non.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais arrêter cette série de questions,

10 et ce, pour deux raisons. Premièrement, même si parfois il arrive qu'on

11 arrête des gens avant qu'ils ne disparaissent, ce témoin a déposé au sujet

12 des personnes tuées et au sujet des personnes portées disparues et non pas

13 au sujet des personnes arrêtées.

14 Le deuxième point, il n'est pas clair, d'après les questions posées,

15 quelle est la finalité de ces questions puisque la Chambre n'a pas

16 interprété la cause de la Défense comme étant d'affirmer que puisque

17 l'autre partie aurait pu commettre des choses inacceptables, que ceci

18 justifierait ou excuserait d'une manière quelle qu'elle soit ce qui a été

19 fait. Corrigez-moi si je me trompe, Maître Loukas ou Maître Josse, mais je

20 n'ai pas l'impression que ce soit la thèse de la Défense. Je vous prie de

21 changer de sujet.

22 Monsieur Krajisnik.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais vous demander une

24 chose. Mon objectif n'est pas d'invoquer ici la réciprocité. Je vous

25 demande simplement d'avoir la patience d'entendre la dernière question que

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1 j'ai envie de poser. Je ne satisferai pas --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, la plus grande de

3 vos compétences n'est pas de compter les questions. Si vous nous dites,

4 j'ai une question à poser au témoin, alors, posez là. Ceci devait être

5 normalement la fin de votre interrogatoire. Je vous en prie.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vraiment, Messieurs les Juges, si je ne peux

7 pas poser des questions de la manière dont je serais en mesure de le faire,

8 écoutez, cela ne sert à rien que je pose des questions. Ce témoin est de

9 Sarajevo où j'ai vécu moi-même. Je voulais tout simplement lui poser une

10 question, mais il faut, tout d'abord, que je l'introduise.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne suis pas en train de dire qu'en

12 aucun cas, on ne pourrait autoriser une brève introduction. Ceci étant dit,

13 il a fallu que je vous interrompe plusieurs fois de par le passé parce que

14 l'introduction était plutôt un commentaire qu'autre chose. Je vous prie de

15 garder à l'esprit le fait que je vais vous interrompre à chaque fois que

16 vous formulerez des commentaires au lieu d'introduire de manière neutre vos

17 questions.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de

19 votre compréhension. Je ne suis pas un avocat professionnel. Je vous

20 remercie. Je vais poser une question, à présent.

21 M. KRAJISNIK : [interprétation]

22 Q. Momcilo Krajisnik se trouvait à Pale. Je voudrais entendre votre

23 opinion. Est-ce que vous pensez que je pouvais être au courant de ce qui se

24 passait à Vogosca, si on tire un parallèle avec votre présidence --

25 Q. Non, pas nécessairement.

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1 Mme RICHTEROVA : [interprétation] On demande au témoin de formuler une

2 opinion ou de communiquer son opinion.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la fois, il y a une objection et aussi

4 le témoin a dit qu'il n'avait pas à le savoir. Les opinions, ce n'est pas

5 la même chose que les connaissances. Je vais essayer de vous aider,

6 Monsieur Krajisnik.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, je vous en prie, aidez-moi.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous

9 pouvez nous dire quoi que ce soit des communications qui ont existé à

10 l'époque dans la zone, au sens strict, de Sarajevo ? Est-ce que vous qui

11 étiez là-bas, vous aviez la possibilité de savoir ce qui se passait à une

12 distance pas très grande, mais qui se situait de l'autre côté de la ligne

13 de confrontation ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce qu'on pouvait apprendre, c'est quelque

15 chose qu'on apprenait de la part des survivants ou des réfugiés qui

16 entraient dans Sarajevo. Sarajevo était encerclé, a été coupé du reste du

17 monde pendant longtemps. Tout ce qu'on pouvait apprendre, c'était par ce

18 moyen-là.

19 Quant à la question posée par Monsieur Krajisnik, quant au parallèle

20 à tirer entre ce qui se passait à Sarajevo et ailleurs, si un membre du

21 gouvernement a émis un ordre, il n'avait pas à tenir compte de ce qui se

22 passait ailleurs. Il avait la compétence sur certains organes qu'ils

23 devaient diriger; ceci ne le justifie pas, s'il n'était pas au courant de

24 quelque chose qui se passait ailleurs. Si vous étiez à Pale, vous n'étiez

25 pas tenu de savoir ce qui se passait à Vogosca, mais en même temps, vous

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1 deviez --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous aviez des moyens de communication qui

4 était meilleurs.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà ce qui s'est passé, précisément ce

6 qu'on voulait éviter, à savoir que vous formuliez ou communiquiez des

7 opinions qui sortent du cadre de vos compétences, de vos connaissances.

8 Vous étiez du même côté de la ligne de confrontation, dans la zone qui

9 était sous le contrôle de l'ABiH; est-ce qu'il y avait un moyen de

10 communication ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'intérieur ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à l'intérieur.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à l'intérieur, il y avait une possibilité

14 de communiquer.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train de dire que c'est au-

16 delà de la ligne de confrontation qu'il était difficile de communiquer pour

17 des raisons que vous avez citées. Mais tant que vous étiez d'un même côté

18 de la ligne de confrontation, il y avait des moyens de communiquer; c'est

19 bien cela ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci pour votre réponse.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, ceci a été votre

24 dernière question, d'après ce que j'ai compris.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, il me reste une question pour terminer, si

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1 je puis. Si la Chambre m'y autorise.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poser votre question au

3 témoin, mais avant que le témoin n'y réponde, je vais lui demander de

4 ménager une pause pour que nous puissions apprécier si la question est

5 appropriée ou non.

6 Monsieur, vous avez la parole.

7 M. KRAJISNIK : [interprétation]

8 Q. Vous avez déclaré, aujourd'hui, que vous vous êtes mis en contact avec

9 des organisations comparables basées à Belgrade et à Zagreb. Il y a une

10 commission analogue en République serbe; pourquoi n'avez-vous pas établi un

11 contact avec celle-là ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première question est de savoir si

13 vous avez établi un contact quel qu'il soit avec une commission comparable

14 en République serbe.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je ne sais pas si vous

16 m'avez bien compris. J'ai parlé de contacts de nature --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi --

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas ce que la question concerne.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etes-vous entré en contact avec une

20 organisation ou commission comparable située en République serbe, entre

21 votre organisation et celle-là ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] oui.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas lieu de répondre à la

24 question pourquoi vous ne l'avez pas fait.

25 Ainsi se termine l'interrogatoire --

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai demandé si un contact a

2 été établi avec la commission chargée d'établir les crimes de guerre.

3 M. KRAJISNIK : [interprétation]

4 Q. Est-ce que vous avez établi un contact avec celle-là ?

5 R. Je ne suis pas au courant de l'existence de cette commission.

6 Q. Je vous remercie.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, votre question a été

8 la suivante : "Pourquoi n'avez-vous pas établi de contact avec une telle

9 commission en République serbe ?" Le témoin a dit qu'ils ont établi ce

10 contact et ainsi se termine votre interrogatoire du témoin, à moins qu'il

11 n'y ait des questions que l'Accusation souhaite poser suite aux questions

12 de M. Krajisnik. Sinon, je vous remercie, Monsieur Le Témoin, d'être venu à

13 La Haye, je vous remercie d'avoir déposé. Je vais demander à l'Huissier de

14 vous raccompagner.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va débrancher votre ordinateur

17 portable et tout va vous être restitué avec les données qui y sont

18 contenues.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va prononcer deux décisions.

21 La première décision concerne le septième jeu en application de l'Article

22 92 bis et l'autre décision concerne les mesures de protection pour le

23 Témoin 165. Nous pouvons procéder de deux manières. Soit nous suspensions

24 l'audience pour, à peu près, une demi-heure, et nous revenons. Une autre

25 manière serait d'informer de manière informelle du contenu de la décision

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1 pour le septième jeu en application de 92 bis. Ce qui pourrait comprendre

2 aussi le fait que nous allons vous communiquer les motifs qui accompagnent

3 la décision.

4 Ce serait une manière informelle.

5 La Défense, est-ce que vous avez une préférence ?

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, il me semblerait

7 tout à fait raisonnable que la Chambre nous informe de la teneur de ses

8 décisions de manière informelle. Je ne sais pas quelle est l'attitude de

9 l'Accusation.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

11 M. TIEGER : [interprétation] Oui, cela nous convient, Monsieur le

12 Président. Je voudrais aussi vous annoncer notre intention de verser au

13 dossier deux dossiers supplémentaires et nous allons les communiquer à la

14 Chambre en temps voulu.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes vendredi. Effectivement,

16 c'est le jour des dossiers.

17 Nous allons vous informer de la substance des décisions formellement en

18 audience publique, lundi prochain.

19 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Monsieur le Président --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait, les pièces à

21 conviction.

22 Mme RICHTEROVA : [interprétation] C'est un premier point. Nous avons deux

23 pièces pour M. Mirsad Tokaca. Aussi, je voudrais informer la Chambre des

24 sources pour les documents qui sont contenus dans deux classeurs.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

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1 Mme RICHTEROVA : [interprétation] J'ai les réponses pour vous.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vérifie l'heure et je ne sais pas ce

3 qu'il en est des enregistrements, si on a suffisamment de temps.

4 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Ces documents signés par Milos --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Vous avez demandé qui est-ce. Cela sort

7 de l'affaire Brdjanin. Le nom a été prononcé dans l'affaire Brdjanin.

8 D'après ce que je peux vous dire en audience publique, c'est que c'était un

9 employé du service de sécurité nationale, à Banja Luka. Tous ces documents

10 sont des documents qui ont été confisqués au centre de sécurité de Banja

11 Luka, le 27 février 1998. Ce sont les dossiers Celinac 1 et les classeurs

12 Teslic 5 et 8.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie pour cette information.

14 Vous avez dit que c'est tout ce que vous pouviez annoncer en audience

15 publique.

16 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Oui, le nom de l'agent en question, il

17 faudrait passer à huis clos partiel.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le nom --

19 Mme RICHTEROVA : [interprétation] Si vous désirez connaître le nom.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, la Chambre ne connaît pas

21 le nom. Est-ce qu'il est important pour vous de le connaître ? Il faudrait

22 qu'on passe à huis clos partiel.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, nous laissons cela --

25 Mme LOUKAS : [interprétation] On pourrait nous le communiquer de manière

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1 informelle.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous en avons terminé pour

3 aujourd'hui. L'audience se termine. Toute autre question urgente qui

4 concerne la procédure ?

5 M. TIEGER : [interprétation] Non.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

7 Nous allons lever l'audience et nous allons reprendre lundi.

8 Monsieur le Greffier d'audience, ce sera…

9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les parties seront informées du prétoire

11 en question; ce sera à 9 heures du matin ou à

12 14 heures 15. Je n'ai pas mon agenda ici, mais les parties seront

13 informées.

14 --- L'audience est levée à 12 heures 48 et reprendra le lundi

15 4 juillet 2005.

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