Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 26 janvier 2006

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous.

  7   Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, appeler l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre

  9   Momcilo Krajisnik.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   Maître Josse, êtes-vous prêt à poursuivre votre interrogatoire principal du

 12   témoin ?

 13   M. JOSSE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

 14   suis prêt.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois vous rappeler que vous êtes

 16   toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez faites au début

 17   de votre déposition.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 19   LE TÉMOIN : TOMISLAV SAVKIC [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

 22   Q.  [interprétation] Hier, Monsieur Savkic, je vous ai posé certaines

 23   questions qui avaient trait à un acte de sabotage que vous décriviez aux

 24   membres de la Chambre. A la suite de cela, vous avez dit, d'après les

 25   renseignements que nous avons recueillis dans le document qui figurent à

 26   l'intercalaire 6 -- est-ce qu'on pourrait donner au témoin le document qui

 27   figure à l'intercalaire 6, s'il vous plaît ? La question qu'il faut que je

 28   vous pose c'est : ces actes de sabotage que vous avez décrits, je pourrais


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  1   vous relire ce qui est dit à ce sujet si nécessaire. Premièrement, est-ce

  2   qu'ils ont véritablement eu lieu ? Par exemple, ce tunnel, cette route dont

  3   vous avez parlé, est-ce qu'on les a fait sauter ?

  4   R.  Messieurs, oui. Le pont à Nova Kasaba, il y a eu une tentative pour le

  5   faire sauter. Il n'a pas été complètement détruit. Toutefois, à partir de

  6   ce moment-là, il ne pouvait plus être utilisé parce que la plus grande

  7   partie du pont s'était effondrée; quand j'ai parlé du sabotage du tunnel,

  8   de la route, il y avait une mine. Je pourrais également dire que la plus

  9   grande partie du tunnel s'est effondrée, et que devant ce tunnel, il y

 10   avait comme un barrage de bois de construction représentant des dizaines de

 11   mètres de longueur, de sorte qu'il était impossible d'utiliser cette route.

 12   Elle n'était pas praticable. Quant au troisième incident --

 13   Q.  Je vous arrête ici. Pour quelle raison est-ce que vous liez ces deux

 14   incidents ? Cela va très bien comme cela, avec un document quelconque,

 15   celui-ci ou un autre, quel lien établissez-vous ?

 16   R.  C'est un fait bien connu que pendant qu'on faisait des préparatifs pour

 17   s'armer, on préparait des explosifs, la quantité d'explosifs qui avait été

 18   saisie à l'époque, c'était évident que cette personne, outre les crimes qui

 19   avaient trait à des armes automatiques, faisait de même avec les explosifs.

 20   Les explosifs ne peuvent pas être employés à quoi que ce soit d'autre que

 21   d'opérer les destructions.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, s'il vous plaît, quel est

 23   le cadre, du point de vue chronologique, de ces actes de sabotage ? Est-ce

 24   que vous pourriez essayer de l'obtenir du témoin ?

 25   M. JOSSE : [interprétation] Oui.

 26   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire quelles étaient les dates

 27   pour chacun des trois cas, je vous avais arrêté. Je ne voulais pas que vous

 28   disiez, à ce moment-là, à la Chambre ce qui s'était passé pour le troisième


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  1   incident parce que je voulais d'abord établir la base. Mais quand est-ce

  2   qu'ils ont eu lieu, ces trois incidents, s'il vous plaît ?

  3   R.  Ces cas de sabotage ont eu lieu avant que ne se constitue la ligne de

  4   front entre les forces serbes et les forces musulmanes. Pour être plus

  5   précis, au cours de la période qui va du mois d'avril et le 21 mai.

  6   Q.  Avec l'autorisation des membres de la Chambre, j'aimerais bien que l'on

  7   revienne brièvement sur un point sur lequel vous avez déposé hier,

  8   simplement parce qu'il y avait un aspect particulier concernant un document

  9   précis et je voudrais que l'on revienne ensuite à cette question de

 10   l'armement. Si l'on pouvait aller consulter le document à l'intercalaire

 11   16. Monsieur Savkic, nous pouvons voir que c'est une sorte de document du

 12   MUP, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Comment avez-vous obtenu ce document-ci ?

 15   R.  J'ai obtenu ce document par un de mes amis. Il était encore à l'époque

 16   chef du poste de sécurité publique à Vlasenica.

 17   Q.  Qu'est-ce qu'il y a de particulièrement intéressant dans ce document,

 18   s'il vous plaît ?

 19   R.  L'importance de ce document réside dans le fait que c'est ce dont

 20   j'avais parlé hier, à savoir que le côté musulman avait envoyé ses

 21   policiers, c'est-à-dire, les candidats choisis par le SDA en formation en

 22   Croatie, bien que cela aurait dû se faire en Bosnie-Herzégovine. C'est là

 23   que cela aurait dû avoir lieu. Le centre le plus important de formation des

 24   fonctionnaires de police était à Sremska Kamenica. C'est donc là que cela

 25   aurait dû avoir lieu, à Kamenica. Il ressort de ce document que le vice-

 26   ministre de l'Intérieur, Mirsad Srebrenikovic, a fait cela, et un mois

 27   seulement avant ces événements, il avait été nommé comme vice-ministre en

 28   tant que candidat du SDA. Ceci concerne ce document où on voit les chiffres


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  1   1685, si c'est bien le document auquel vous vous référez.

  2   Je dois dire qu'à cette époque-là, en Croatie, il y avait déjà un état qui

  3   était mis en place. Ils avaient obtenu leur statut pour leur propre état en

  4   février 1992. Ils avaient fait sécession par rapport à la Yougoslavie, donc

  5   ils ne pouvaient pas y avoir de bonnes intentions pour ce qui était

  6   d'envoyer en formation des policiers dans un état qui avait fait sécession

  7   par rapport à l'état fédéral, et la Bosnie-Herzégovine était encore une

  8   république dans cet état fédéral. Ceci est incontestable.

  9   Hier, j'ai parlé des motifs pour lesquels ces policiers ont été envoyés là-

 10   bas. L'intention à la base de cette formation, c'était de cacher quelque

 11   chose que la partie serbe de la police de Bosnie-Herzégovine ne devait pas

 12   connaître.

 13   Q.  Je vais vous arrêter là.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 15   Pour commencer, le document de l'intercalaire 16 doit recevoir une

 16   cote, n'est-ce pas, Monsieur le Greffier ?

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] D133, Monsieur le Président,

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 19   Le Juge Hanoteau a une question à poser.

 20   M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur, je perçois une petite ambiguïté dans votre

 21   exposé et j'aimerais que vous clarifiiez ce que vous avez dit. Ces

 22   personnes qui partaient en Croatie, étaient-ce des policiers en exercice,

 23   qui étaient distraits de l'exercice de leurs fonctions pour aller faire une

 24   formation en Croatie ou étaient-ce des gens qui n'étaient pas encore

 25   policiers et qui partaient en Croatie, pour se former avant de passer

 26   éventuellement un examen ou un concours d'intégration dans la police ? Est-

 27   ce que vous pouvez m'expliquer cela, s'il vous plaît ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Après un examen médical, ces hommes ont été


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  1   envoyés dans le Croatie. Un grand nombre d'entre eux n'avaient pas de

  2   formation antérieure. On les envoyait là-bas suivre une formation, après

  3   quoi, ils étaient admis dans les rangs de la police de la Bosnie-

  4   Herzégovine. Ce qui ressort clairement ici, c'est le fait que, et je

  5   souligne, là encore, quelque chose que l'on peut voir au document de

  6   l'intercalaire 6, que seules les personnes envoyées là-bas étaient

  7   désignées par le SDA et provenaient de certaines municipalités. On peut

  8   voir clairement à l'intercalaire 6 comment ces personnes étaient choisies.

  9   Je ne sais pas si elles avaient reçu une formation antérieure ou si elles

 10   avaient fait des études secondaires. Je ne peux ni affirmer, ni démentir

 11   cela.

 12   M. JOSSE : [interprétation]

 13   Q.  Pourrions-nous brièvement examiner cette liste. Les documents, à cause

 14   des traductions, ont été départagés. Comme vous le comprenez, il y a cette

 15   liste qui comporte 448 noms, qui étaient annexés à la lettre de M.

 16   Srebrenikovic, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Connaissez-vous l'appartenance ethnique de M. Srebrenikovic ?

 19   R.  Bien que la question de l'origine ethnique soit une question tout à

 20   fait personnelle, toutefois, il avait été ainsi choisi par le SDA, il n'y a

 21   aucun doute qu'il était Musulman.

 22   Q.  Vous avez jeté un coup d'œil en diagonale à ces 448 noms, et sur la

 23   base de ce que vous savez des noms de Bosnie, qu'est-ce que vous pouvez

 24   nous dire en ce qui concerne la répartition du point de vue origine

 25   ethnique de ces 448 noms, s'il vous plaît ?

 26   R.  En regardant le nom de ces personnes qui avaient satisfait aux

 27   exigences des examens médicaux, il est très clair que les conditions posées

 28   correspondaient essentiellement à des Musulmans et des Croates, en général.


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  1   On peut conclure que ceci non seulement d'après leurs noms, mais lorsqu'il

  2   s'agit des Croates, les noms serbes et croates se ressemblent beaucoup.

  3   Malgré cela, on peut tirer cette conclusion à cause des noms des

  4   municipalités dont ils étaient originaires. Il était bien connu que

  5   certaines des municipalités avaient une population à prédominance musulmane

  6   ou serbe ou croate.

  7   Q.  Je vais vous arrêter là encore, Monsieur Savkic, je ne vous demandais

  8   pas la base de votre méthode. Je vous demandais quel était le résultat de

  9   votre lecture de ces 448 noms. Je crois que vous avez marqué sur la

 10   dernière page, la toute dernière page de ce lot, quelque chose ?

 11   R.  Oui, oui. A la dernière page, il est facile de faire les calculs et de

 12   voir que sur 313 candidats qui avaient rempli les conditions, 135 étaient

 13   des noms musulmans; en l'occurrence, c'étaient des Croates. Quant au reste,

 14   c'étaient tous des Musulmans. Toutefois, il faut que je précise un point,

 15   quelque chose de plus, pour faire une vérification sur la base de la

 16   réalité. Au cours de cette période et pas seulement pendant cette période,

 17   envoyer des Serbes à Zagreb en formation, étant donné les événements bien

 18   connus à l'époque, aurait été fou.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je comprends, mais vous me

 20   corrigerez si je me trompe, je comprends quelle est la méthode -- enfin

 21   vous n'êtes pas très intéressé par la méthode suivie pour parvenir à cette

 22   conclusion. Si par un nom, vous pouviez identifier une personne comme étant

 23   un Musulman, vous pouvez accepter que ce soit le cas. Il y avait 135 noms

 24   musulmans, et puisque des Croates et Serbes sont difficiles à distinguer de

 25   par leurs noms, leurs noms de famille sur la base des populations, des

 26   groupes de population prédominante dans une municipalité, le fait que l'on

 27   puisse établir que les noms musulmans étaient des Croates, vous dites que

 28   vous n'êtes pas intéressé à connaître la méthode. Mais à mon avis, elle est


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  1   tout à fait pertinente pour pouvoir tirer des conclusions, et tout

  2   particulièrement pour dire que si un nom ne peut pas être identifié comme

  3   étant un nom musulman, alors, dans ce cas-là, par la prédominance de

  4   population dans tel ou tel endroit, je pourrais conclure que c'est

  5   forcément un Croate, et aussi pour des raisons de logique parce qu'on

  6   n'aurait pas envoyé des Serbes en Croatie en formation. Cette méthode

  7   devrait être expliquée davantage de façon à pouvoir accepter les

  8   conclusions qui sont tirées sur la base de cette méthode.

  9   M. JOSSE : [interprétation] Mais oui, bien entendu, je ne discute nullement

 10   cela. Si la Chambre est intéressée par cette méthode, alors c'est quelque

 11   chose que je vais voir avec le témoin. Je l'interrogerai sur la question.

 12   Je ne peux présenter que des excuses --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est-à-dire que --

 14   M. JOSSE : [interprétation] -- à cet égard.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si ce qu'il nous a dit jusqu'à

 16   maintenant est un mélange de logique et de conclusions, je veux dire que si

 17   10 % de la population est serbe et 80 % musulmane dans tel endroit ou 10 %

 18   croate, et que le nom ne nous aide pas à identifier qui est qui, alors sur

 19   la base de la municipalité qui serait, par exemple, à prédominance croate,

 20   enfin, disons que je vous laisse le choix de savoir si vous voulez aller

 21   plus loin dans l'analyse. Je voulais simplement que vous sachiez que

 22   jusqu'à présent la méthode n'était pas très convaincante pour tirer des

 23   conclusions.

 24   M. JOSSE : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Savkic, vous avez dit n'est-ce pas qu'indépendamment de tout

 26   autre considération, vous pensez qu'il serait très peu probable que des

 27   Serbes seraient allés à un cours de formation de ce genre; c'est bien

 28   cela ?


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  1   R.  Oui, pour des raisons bien connues. Toutefois, c'est un fait constant

  2   au point de vue historique que pas un seul Serbe n'a été à ce cours de

  3   formation. C'est très connu. C'est de notoriété publique.

  4   Q.  Pourrions-nous revenir à la question des armements, s'il vous plaît.

  5   M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a au moins deux

  6   documents que je voudrais maintenant présenter et qui font l'objet de

  7   contestation de la part de l'Accusation. J'ai brièvement discuté de la

  8   question avec mes deux confrères et nous étions d'avis que, selon ce que

  9   les membres de la Chambre pourraient avoir à dire à ce sujet, le témoin

 10   devrait probablement quitter le prétoire parce que nous avons besoin d'une

 11   décision des membres de la Chambre.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Savkic, nous avons à traiter

 13   d'une question de procédure qui doit être discutée hors de votre présence.

 14   Par conséquent, je voudrais vous demander de bien vouloir suivre Mme

 15   l'Huissière pendant un instant. Nous allons entendre ce que les parties ont

 16   à dire sur la question. Ensuite, nous vous inviterons à revenir dans la

 17   salle d'audience. Ceci n'a rien à voir avec votre personne, bien entendu.

 18   [Le témoin se retire]

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agissait bien de 2 et 8 ?

 20   M. JOSSE : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement.

 22   Comment s'y prendre au mieux. Est-ce que vous voulez présenter la question

 23   ? Nous entendrons peut-être M. Margetts s'il a des objections à soulever ou

 24   est-ce qu'on lui donne tout de suite la parole ?

 25   M. JOSSE : [interprétation] Quelques mots liminaires si vous me le

 26   permettez.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 28   M. JOSSE : [interprétation] J'allais prendre l'intercalaire numéro 2 par la


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  1   suite. Je vais demander au témoin de vous soumettre la déclaration qu'on y

  2   trouve, d'expliquer comment et dans quelles conditions il en a pris

  3   possession. En fait, je ne pense pas qu'il y ait de litige quant à

  4   l'authenticité de ce document, pas de contestation de la part du bureau du

  5   Procureur, le bureau du Procureur me corrigera peut-être en temps utile.

  6   Mais à mon avis, une fois que le témoin pourra expliquer dans quelles

  7   circonstances il a pris possession de ce document; et deuxièmement, s'il

  8   fournit des renseignements utiles, s'il peut nous donner un commentaire,

  9   ceci devrait être considéré comme recevable parce que c'est un document

 10   produit à l'époque dans le déroulement normal des événements. Permettez-moi

 11   de dire ceci entre parenthèses, ce ne saurait être moins recevable que les

 12   nombreux articles de journaux qu'on présente au témoin en l'espèce, mais je

 13   pourrais en parler davantage si vous l'estimez nécessaire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je cherche à comprendre -- mais,

 15   il est aussi bien de poser la question au témoin. Qui est-ce qui a fourni

 16   cette déclaration, à qui a-t-elle été fournie d'après la lecture que vous

 17   pouvez en faire ? Quelle serait la pertinence accordée à ce texte ?

 18   M. JOSSE : [interprétation] L'auteur de cette déclaration l'a faite au MUP

 19   de Vlasenica. Cela revient à être un aveu qu'il fait du fait qu'il a fait

 20   du trafic d'armes. Ceci a entraîné son arrestation par le MUP. Voilà.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est quelque chose de différent de ce

 22   qu'on avait auparavant ?

 23   M. JOSSE : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est peut-être le même genre de

 25   trafiquant, trafiquant d'armes ou de négociant en armes, mais c'est

 26   différent.

 27   M. JOSSE : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, c'est une déclaration dans


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  1   laquelle cette personne fait des aveux à la police.

  2   M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

  4   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

  6   M. MARGETTS : [interprétation] Il y a quelques jours, nous avons dit à Me

  7   Josse que nous allions soulever une objection à propos de ces deux

  8   intercalaires 2 et 8 pour ce qui est de ces déclarations faites au MUP de

  9   Vlasenica.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que d'abord on parlait du 2.

 11   M. MARGETTS : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   M. MARGETTS : [interprétation] Déclaration faite au MUP de Vlasenica en

 14   avril 1992, le 23. Rappelez-vous, c'est le 20 avril qu'on a pris le

 15   contrôle de Vlasenica. Par la suite, les gens ont été emmenés au poste de

 16   police de Vlasenica pour y être interrogés. Sur quoi se fonde notre

 17   objection ? En fait, sur trois articles. Ce genre de déclaration, à notre

 18   avis, il faut utiliser soit le 92 bis, cette procédure visée par le 92 bis

 19   pour en demander le versement, le 89(F) aussi. L'auteur de la déclaration

 20   peut être présent. Troisième motif de notre objection, c'est en vertu de

 21   l'article 95, à savoir que les moyens utilisés pour obtenir ces

 22   déclarations jettent un doute sérieux sur sa fiabilité.

 23   Je reviens à l'argument précis présenté ici par Me Josse. Il dit que ce

 24   document n'est en rien différent à un article de presse. Ce n'est pas du

 25   tout vrai à notre avis, parce que les articles ont différentes finalités,

 26   notamment l'élément matériel de la teneur même de ce genre d'article. Une

 27   autre finalité, c'est qu'il y a communication d'information à l'opinion

 28   publique de façon générale. Donc, c'est important, notamment dans ce


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  1   procès, à propos de la connaissance qu'on a des événements. Il n'est pas

  2   possible donc d'établir une comparaison entre ce genre de déclaration et un

  3   article, et c'est tout à fait normal que les Juges aient donné un statut

  4   tout à fait particulier à ces articles de presse.

  5   Lorsque l'Accusation a demandé le versement de ce genre de pièces, elle a

  6   invoqué la procédure du 89(F) ou du 92 bis. Les seules exceptions

  7   apparaissent lorsque vous avez un témoin donné qui dépose et qui parle des

  8   intentions que nourrissait telle ou telle personne ayant fait une

  9   déclaration. Nous avons contesté la version des faits qui était donnée en

 10   se servant d'une déclaration faite par ce genre d'individu.

 11   Avant d'aller plus loin, je me dois de vous informer que la personne qui a

 12   fait cette déclaration, le document qui se trouve à l'intercalaire 2, il

 13   s'agit de Munib Ahmetovic. Il a fait une déclaration en 1995 au bureau du

 14   Procureur, en janvier, il a précisé les circonstances dans lesquelles il a

 15   fait cette déclaration, et dans lesquelles elle a été recueillie. J'en ai

 16   une copie. Je pourrais vous remettre un exemplaire de ce document,

 17   Messieurs les Juges. J'en ai fourni un exemplaire à la Défense hier. Cela

 18   revient à dire --

 19   M. JOSSE : [interprétation] Permettez-moi d'interrompre mon  estimé

 20   confrère un instant. Je vais demander à la Chambre d'essayer de bien

 21   décanter les différents sujets. Pourquoi, à mon humble avis, mon collègue

 22   dit-il que cette déclaration vous aiderait maintenant à régler la question

 23   de la recevabilité du document que nous, en tant que Défense, nous

 24   soumettons ?

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai bien compris, mais corrigez-moi si

 26   je me trompe, est-ce que M. Margetts n'essayait pas de nous présenter un

 27   document qui, comment dire au fond, venait à l'appui de ce qu'il a dit pour

 28   dire qu'il fallait peut-être se fier sur l'article 95.


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  1   M. JOSSE : [interprétation] Oui, bien sûr. Mais permettez-moi, auparavant,

  2   de répondre aux arguments présentés jusqu'à présent. Peut-être M. Margetts

  3   va-t-il dire que nonobstant la façon dont j'ai présenté la chose, la

  4   Chambre devra examiner cette déclaration, mais je ne m'y opposerai pas,

  5   mais --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous vais donner l'occasion --

  7   M. JOSSE : [interprétation] Mais j'aimerais dire en réponse qu'il se trompe

  8   tout à fait dans les arguments.

  9   M. MARGETTS : [interprétation] Excusez-moi, mais est-ce que c'est parce que

 10   M. Josse veut se borner dans sa réponse à la question du 89(F) ou du 92 bis

 11   ou est-ce qu'il veut aussi inclure le 95 ? Parce que je n'ai pas terminé en

 12   ce qui concerne l'utilisation du 95.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pourrez terminer. Cela ne posera

 14   pas de problème. Mais je pensais que vous vouliez soumettre ce document à

 15   la Chambre. Si j'ai bien compris ce qu'a dit Me Josse auparavant : Avant

 16   que vous nous présentiez ce document, j'aimerais que vous réagissiez à ce

 17   qui a été dit jusqu'à présent, élément qui pourra avoir une incidence à

 18   notre décision.

 19   M. JOSSE : [interprétation] Si mon estimé collègue n'accepte pas ce que je

 20   dis, je n'irai pas plus loin et le document peut vous être soumis.

 21   M. MARGETTS : [interprétation] Je m'oppose à ce que Me Josse réagisse aux

 22   arguments que je vous présente. Il ne devrait avoir le droit que --

 23   M. JOSSE : [interprétation] Si c'est comme cela qu'il le prend, il peut

 24   présenter ce document s'il insiste, s'il monte sur ses grands chevaux,

 25   d'accord.

 26   M. MARGETTS : [interprétation] Je demande que la dernière remarque soit

 27   biffée du compte rendu.

 28   M. JOSSE : [aucune interprétation]


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  1   M. MARGETTS : [interprétation] Ici, je ne fais pas des effets de manches,

  2   c'est une question d'application de procédure.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ose prétendre connaître suffisamment

  4   l'anglais, en avoir une connaissance me permettant de travailler avec ces

  5   termes. Alors je vais devoir regarder ce que cela veut dire en anglais

  6   "pedantic." En attendant, même si ceci est consigné au compte rendu

  7   d'audience, il me serait impossible de vous dire quel poids accorder à

  8   cette expression. Je connais bien l'anglais, mais de temps en temps, il y a

  9   un bout qui m'échappe. Peut-être que j'aurais dû écouter la cabine

 10   française.

 11   L'INTERPRÈTE : Merci, Monsieur le Président.

 12   M. MARGETTS : [interprétation] En allemand, c'est un peu pareil

 13   "pedantische."

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'avais dit que je ne voulais pas

 15   d'explication, quoi qu'il en soit, M. Margetts semble ne pas bien

 16   comprendre mon anglais.

 17   M. JOSSE : [interprétation] Maintenant, nous nous sommes tous rassis en

 18   gentlemen que nous sommes, mais je ne sais pas si M. Margetts veut vraiment

 19   vous présenter la déclaration, libre à lui de le faire.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous aurais donné l'occasion de

 21   répondre, mais nous allons nous en abstenir. Poursuivez, Monsieur Margetts.

 22   On vous invite à utiliser certaines paroles, je sais.

 23   M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie. Je vais demander à Mme

 24   l'Huissière de vous remettre des exemplaires de cette déclaration.

 25   La façon la plus rapide d'agir, c'est sans doute que vous lisiez la

 26   totalité de la déclaration qui ne couvre que trois jours, et finalement

 27   tous les sujets qui sont mentionnés intéressent les points mentionnés à

 28   l'article 95 du Règlement de procédure et de preuve. Vous avez, bas de page


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  1   5 et haut de la page 6, un refus, un déni catégorique de toutes les

  2   questions qui figurent à l'intercalaire 2.

  3   M. JOSSE : [interprétation] Pas d'objection, mais j'espère que la Chambre

  4   va tout d'abord lire la déclaration se trouvant à l'intercalaire 6, sinon

  5   c'est absurde, c'est vraiment mettre la charrue avant les boeufs.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un des problèmes que me pose

  7   l'intercalaire 2 pour le moment, c'est qu'une des questions qui m'était

  8   passée par la tête, lorsque cette question a été soulevée, c'était de

  9   savoir à quel moment l'arrestation de cette personne avait eu lieu, parce

 10   que vous avez dit qu'apparemment, c'est une déclaration faite après son

 11   arrestation. Si vous voyez la date de la prise de contrôle, je me demandais

 12   si l'arrestation s'était produite avant ou après cette date de prise de

 13   contrôle. Il n'y a pas traduction complète de sa déclaration. Un exemple,

 14   il y a l'enseignement où on dit de prime abord, oui, j'essayais de trouver

 15   cette information, apparemment là lorsqu'il y a un sujet délicat, le fait

 16   que ce soit seulement une traduction partielle, c'est un handicap pour

 17   nous.

 18   M. JOSSE : [interprétation] Oui, j'avais pensé la même chose. J'ai le

 19   regret de constater que vous vous trouvez dans cette situation.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, avant que la Chambre ne se

 23   prononce sur l'objection soulevée - nous gardons à l'esprit qu'à plusieurs

 24   reprises le présent témoin a parlé de choses de notoriété publique, à ce

 25   qui était des choses logiques et ou à ce qui était un fait notoire, il ne

 26   sait peut-être pas qu'il ne faut même pas apporter la preuve de faits de

 27   notoriété publique, mais enfin, si nous gardons ceci à l'esprit, ce témoin

 28   que pourrait-il nous dire de plus grâce aux documents ?


Page 20500

  1   M. JOSSE : [interprétation] Autant lui poser la question directement. Je

  2   crois que ce serait préférable.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord mais on va lui présenter ce

  4   document. Est-ce qu'il était présent au moment où cette déclaration a été

  5   recueillie ou du moins c'est là quelque chose que vous supposez ?

  6   M. JOSSE : [interprétation] Je ne pense pas qu'il était présent. Ce n'est

  7   pas comme cela que j'ai compris la situation.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien entendu. Vous pourriez répéter

  9   ce que vous avez dit, à savoir que le témoin pourrait nous le dire lui-

 10   même. S'il n'était pas présent, qu'est-ce que vous voulez poser comme

 11   question à propos du document ? Si vous demandez le versement de ce

 12   document, il se prête à plusieurs interprétations différentes. Est-ce que

 13   vous vous opposeriez à ce que l'autre déclaration soit versée ?

 14   M. JOSSE : [interprétation] Oui. Je peux vous expliquer pourquoi --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   M. JOSSE : [interprétation] -- si vous me le permettez ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui parce qu'un des problèmes qui se

 18   poserait, c'est que cette déclaration, elle pourrait devenir un élément de

 19   preuve à l'appui du fait que cette personne faisait du trafic d'armes,

 20   armes distribuées aux Musulmans, mais cela pourrait aussi être une preuve

 21   d'une déclaration qui aurait été montée de toutes pièces par la police,

 22   qu'on aurait forcé quelqu'un à faire à la police. Quelle serait la valeur

 23   probante dans un tel document ? Elle pourrait fort bien permettre de venir

 24   à l'appui de la thèse de la Défense, mais aussi de la thèse de

 25   l'Accusation. Bien sûr, nous nous ne saurions pas ce qui se dit dans cette

 26   déclaration. Je m'interroge dès lors, quelle serait la procédure à

 27   prendre ?

 28   M. JOSSE : [interprétation] C'est un problème qu'a un Juge --


Page 20501

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

  2   M. JOSSE : [interprétation] -- pour vous et vos collègues.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   M. JOSSE : [interprétation] Et les parties, si elles le souhaitent, peuvent

  5   évoquer la question en temps utile --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   M. JOSSE : [interprétation] -- à la fin de la présentation des éléments de

  8   preuve. J'ai pris une décision catégorique, je voudrais que ce document

  9   soit versé au dossier.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair, mais vous savez que

 11   l'Accusation a soulevé une objection. La Chambre de première instance est

 12   saisie d'une objection en application de l'article 95 et elle devrait

 13   examiner cette déclaration et cette objection.

 14   M. JOSSE : [interprétation] Oui, bien entendu. Je m'empresse d'ajouter que

 15   je suis d'accord avec ce que vous dites.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y a ce genre d'objection qui est

 17   soulevé, on demande en règle générale à l'Accusation ce qui la porte à

 18   croire que cette déclaration ne serait pas recevable en application de

 19   l'article 95 ? L'Accusation est invitée à montrer tous les documents dont

 20   elle dispose pour le prouver, c'est pratiquement ce qu'elle fait.

 21   M. JOSSE : [interprétation] Précisément.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous, vous avez une objection à

 23   l'égard de ce document ?

 24   M. JOSSE : [interprétation] Oui. C'est ce que j'allais vous dire il y a

 25   quelques instants.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 27   M. JOSSE : [interprétation] Je comprends que Me Margetts ait insisté pour

 28   que vous preniez lecture de cette déclaration de l'Accusation. J'allais


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  1   vous dire qu'à mon avis, c'est un argument qui intrinsèquement et

  2   fondamentalement n'est pas bien conçu parce que nous ne demandons pas le

  3   versement de cette déclaration en vertu du 89(F) ou du 92 bis. Pour ce qui

  4   est du 95, à mon avis, ceci ne s'applique qu'à une déclaration dont on

  5   demanderait le versement qu'en application du 89(F) ou 92 bis.

  6   Parce que ce document a été produit pendant la guerre en 1992, c'est

  7   là-dessus que porte le procès. C'est un document original. Le poids que

  8   vous allez lui donner, Messieurs les Juges, cela c'est une autre paire de

  9   manches, c'est différent. Ici, c'est tout à fait différent de la

 10   déclaration fournie par l'Accusation, cette dernière elle a été établie

 11   dans la perspective d'un procès, par conséquent, elle ne pourra être

 12   recevable qu'en vertu du 89(F) ou du 92 bis.

 13   Permettez-moi de faire une analogie. Je pense qu'il s'agit de la pièce

 14   P780. Là, vous avez toute une série de déclarations versées au dossier par

 15   l'intermédiaire de M. Davidovic, c'étaient des membres du groupe des Guêpes

 16   jaunes, et Davidovic les avait placés en détention. A mon avis, le meilleur

 17   argument que pourrait avoir l'Accusation pour faire la différence entre

 18   cette pièce 780, contenant une trentaine de déclarations et ce document-ci,

 19   c'est que Davidovic, il a personnellement participé au recueil de ces

 20   déclarations. Il y a longtemps que cela s'est passé, je ne sais pas si mon

 21   souvenir est exact, mais il n'a pas recueilli la totalité, chacune de ces

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25   J'aimerais faire une analogie entre ce type de déclarations-là, et

 26   cette déclaration qui, à toutes fins utiles, est un document, disons,

 27   original. Bien sûr, la question du poids à lui donner c'est quelque chose

 28   de tout à fait différent. Si l'Accusation a l'intention de dire ceci : à


Page 20503

  1   savoir que tout document de ouï-dire présenté ici exceptés ceux en

  2   application du 92 bis et du 89(F) n'ont pas été présentés ou versés pour ce

  3   qui est de la véracité de leur contenu, la Défense sauterait de joie,

  4   j'exagère un peu, mais il y a des centaines, enfin j'exagère un peu, une

  5   centaine d'articles, des articles de presse qui ont été versés. Peu importe

  6   la teneur, la véracité, c'est uniquement comme éléments de contexte que

  7   nous voulons les verser au dossier. Je crois que la vie de tout le monde en

  8   serait grandement facilitée, mais ce n'est pas le cas me semble-t-il.

  9   Je le répète, enfin je ne veux pas aller plus loin dans mon

 10   raisonnement. Mais, à notre avis, je pense que ce qu'a dit l'Accusation est

 11   à côté de la plaque s'agissant de cette déclaration. Bien sûr, le témoin va

 12   essayer de vous donner le meilleur contexte possible, il y aura peut-être

 13   un lien de connexité entre la déclaration de témoins. Là, la Chambre ne

 14   pourra se prononcer sur le point du lien qu'après avoir entendu le témoin

 15   pour voir ce qu'il connaît du contenu de cette déclaration. Voici ce que

 16   j'avais à dire.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Josse.

 18   Monsieur Margetts, Me Josse a répondu à votre objection, est-il nécessaire

 19   que vous réagissiez ?

 20   M. MARGETTS : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir en quelques mots.

 21   Premier commentaire, ce que propose ou ce que suggère la Chambre nous

 22   conviendrait, pas d'opposition, à savoir que cette déclaration intercalaire

 23   2 et l'autre déclaration. Pour ce qui est de la première déclaration, la

 24   Chambre sera peut-être plus aisément prête à la verser au dossier parce

 25   que, manifestement, elle n'a pas été recueillie dans des situations où on a

 26   exercé la force.

 27   Je dirais que le commentaire de Me Josse est rempli de créativité, c'est

 28   comme cela que je dirais, c'est très inspiré, mais pour nous, l'article 95


Page 20504

  1   n'a jamais voulu dire cela, ou nous n'avons jamais dit que l'article 95

  2   s'appliquait uniquement aux déclarations visées par le 89(F) et le 92 bis,

  3   ce n'est pas nouveau.

  4   Je reprends l'analogie qu'il a établie avec la pièce P780. Je reprendrai

  5   son terme "fondamentalement mal conçu." Rappelez-vous, nous avions M.

  6   Davidovic et le témoin protégé pour le versement de ces déclarations. Vous

  7   savez que la question de l'article 7(3) était en cause, il y avait la

  8   capacité qu'avaient les forces de sécurité d'arrêter et de placer en

  9   détention ceux qui leur semblaient utiles à des fins qui leur semblaient

 10   utiles. Ces questions qui n'ont pas été évoquées dans la déclaration

 11   expliquent pourquoi nous avons demandé le versement des pièces se trouvant

 12   à la cote P780, c'est tout à fait différent de cette déclaration-ci. La

 13   Défense essaie tout simplement de manipuler le Règlement pour ce qui est du

 14   versement de déclarations venant à l'appui de parties importantes de leur

 15   thèse. Le Règlement est clair. Vous avez 89(F), vous avez le 92 bis;

 16   l'Accusation les a appliqués de façon très rigoureuse. Nous n'avons pas

 17   introduit de déclarations aux fins évoquées ou suggérées par la Défense.

 18   Nous, nous pensons qu'il faudrait, soit exclure l'intercalaire 2, ou,

 19   à défaut, à titre subsidiaire, retenez la solution que vous avez esquissée.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Est-ce que dans la réponse vous voudriez répondre à ce que disait M.

 22   Margetts, à savoir que la question de l'applicabilité de l'article 95

 23   uniquement quand on a des déclarations recueillies en vertu du 92 bis ou du

 24   89(F). Parce que vous savez qu'en fait le 95 existait bien avant l'adoption

 25   du 92 bis.

 26   M. JOSSE : [interprétation] Non. Je ne veux pas répondre parce

 27   qu'effectivement c'est mettre la charrue avant les boeufs. La Chambre va

 28   décider de la mesure dans laquelle on peut accepter ou utiliser la


Page 20505

  1   déclaration du bureau du Procureur que ce soit versé au dossier ou pas. Je

  2   le dis parce que cela ne veut pas dire automatiquement que la déclaration

  3   ait une teneur véridique ou que nous n'avons pas eu l'occasion de faire un

  4   contre-interrogatoire sur la déclaration, tout comme l'Accusation n'a pas

  5   eu l'occasion de contre-interroger celui qui a fait cette déclaration dans

  6   la déclaration que nous nous avons faite. Je le reconnais.

  7   Deux commentaires. Je m'appuie assez fortement sur l'utilisation que

  8   fait M. Margetts du terme "partiel" lorsqu'il parle de la pièce P780, il a

  9   peut-être raison, il se peut qu'une partie de cette pièce ait été versée au

 10   dossier à l'appui de ce qu'il vient dire, mais le reste concerne la

 11   Chambre. Autre analogie que j'aimerais établir, à supposer que M. Davidovic

 12   ait subi un contre-interrogatoire et qu'on lui ait, dans ce cas, présenté

 13   une déclaration qui aurait apparemment, supposément été rédigée --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 15   M. JOSSE : [interprétation] -- qui supposément, disais-je, aurait été

 16   rédigée par un des membres de ce groupe qu'étaient les Guêpes jaunes. La

 17   Défense avait obtenu ce document. Il y a toujours cette supposition. Et la

 18   Défense aurait dit : vous, M. Davidovic, vous et vos hommes vous m'avez

 19   forcé et contraint à faire cette déclaration, ce qui explique pourquoi je

 20   l'ai faite. Je suis sûr que l'Accusation aurait, de façon très musclée,

 21   protesté en disant, je ne sais pas d'où vient cette déclaration.

 22   Effectivement, si la Défense avait dit d'accord nous allons maintenant

 23   laisser verser au dossier la pièce P780, cette déclaration par la Défense

 24   aussi, cela aurait été une démarche particulière parce que cette

 25   déclaration que vous avez, elle a été recueillie par des enquêteurs de

 26   l'Accusation, pas de la Défense. Le fait qu'on voit l'en-tête assez

 27   prétentieuse du TPIY, cela ne veut pas dire que ce document est plus

 28   recevable qu'une déclaration qui aurait été recueillie par des enquêteurs


Page 20506

  1   de la Défense. On se serait moqué d'eux et on les aurait couvert de

  2   ridicule, ils auraient été forcés à quitter le prétoire parce que

  3   justement, cela n'avait pas la même présentation. Je voudrais que vous

  4   parliez de cette égalité des armes, élément à étudier en temps utile par la

  5   Chambre.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  7   [La Chambre de première instance se concerte]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va faire la pause maintenant

  9   pour étudier la question. Nous vous ferons part de notre décision à la

 10   reprise.

 11   M. JOSSE : [interprétation] Un autre commentaire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 13   Mais nous devrions peut-être parler de la déclaration à l'intercalaire 8,

 14   sinon on devra faire une autre pause après.

 15   M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.

 16   Ce que j'étais sur le point de vous proposer comme idée.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 18   M. JOSSE : [interprétation] J'aurais peut-être dû le dire dès le départ.

 19   C'est qu'on demande au témoin de revenir en prétoire pour qu'il parle des

 20   deux documents. J'essaierai de le guider du mieux que je peux en lui posant

 21   des questions pour savoir dans quelles conditions ceci lui est arrivé entre

 22   les mains. C'est un peu plus problématique qu'au niveau du 8, parce que

 23   c'est un manuscrit et il a, en fait, l'original de ce document figurant à

 24   l'intercalaire 8. Cela vous donnera peut-être une idée plus précise de la

 25   mesure dans laquelle il est à même de vous commenter ces différents points.

 26   C'est ce que je vous propose comme démarche à ce stade de la procédure.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 28   M. JOSSE : [interprétation] Soyons réaliste --


Page 20507

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, un instant. Oui. Nous avons

  2   regardé ces documents.

  3   M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a tout du moins -- ce numéro AP 8,

  5   qu'est-ce que cela veut dire, Maître Josse ? Je voudrais avoir une idée --

  6   oui, bazooka, je connais -- oui, bazooka, je connais bien. Winchester, cela

  7   doit être un fusil. Singapour, je sais que c'est une capitale en Asie,

  8   enfin du moins dans mes connaissances, AP, à part "Associated Press,"

  9   l'agence de presse, je ne vois pas d'autres associations avec ce sigle,

 10   mais je suppose qu'ici on fait référence à des armes ?

 11   M. JOSSE : [interprétation] Armes à feu.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est simplement une arme à feu.

 13   M. JOSSE : [interprétation] Excusez-moi, c'est un fusil.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fusil automatique.

 15   M. JOSSE : [interprétation] Fusil automatique.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et Singapour, qu'est-ce que cela veut

 17   dire ?

 18   M. JOSSE : [interprétation] Je ne sais pas.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Mais apparemment tout ceci

 20   fait référence --

 21   M. JOSSE : [interprétation] Permettez-moi de dire quelque chose que

 22   j'aurais peut-être dû dire avant.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 24   M. JOSSE : [interprétation] J'invite la Chambre à un voir dire, demander au

 25   témoin ce qu'il sait de ce document parce que je pense que nécessairement,

 26   forcément cela va vous aider dans la question de la recevabilité. Ce n'est

 27   pas toujours le cas, mais ici cela le serait, me semble-t-il.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, mais auparavant il faudra que


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  1   nous soyons saisi de l'objection de M. Margetts, nous saurons mieux après

  2   cela de quoi nous parlons.

  3   Vous avez la parole, Monsieur Margetts.

  4   M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  5   de prime abord, cette déclaration ne permet pas de dire que la Chambre

  6   devrait utiliser ce document et le considérer comme un document digne de

  7   foi. Je ne sais rien de plus -- il semblerait que ce soient des notes

  8   faites dans les mêmes circonstances que celles de M. Ahmetovic. Donc ce

  9   serait des notes prises dans le cadre d'un interrogatoire. D'après la date,

 10   il semblerait que cela se soit passé à peu près au même moment que

 11   l'interrogatoire de M. Ahmetovic.

 12   M. Ahmetovic a fort bien expliqué quelle situation régnait à Vlasenica au

 13   moment où il y a eu ces interrogatoires. Mais d'autres témoins que vous

 14   avez déjà entendus ont également relaté les conditions qui prévalaient à

 15   Vlasenica au moment où ces notes ont été établies. Ceci me pousse à dire

 16   que, vu les circonstances décrites, on peut penser que cette déclaration-ci

 17   que j'ai entre les mains a été recueillie dans les mêmes conditions que

 18   celle de M. Ahmetovic. Pour ce qui est du reste de la teneur de ce

 19   document, cela ressemble plus à un bulletin de propagande des Serbes qu'à

 20   une déclaration honnête faite par un Musulman. On parle ici des "Bérets

 21   verts" pour parler d'un Musulman qui déambule en portant le damier qui est

 22   plutôt un symbole qu'on associe aux Croates. Un peu plus loin, on fait

 23   référence à des "uniformes verts" --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous faites un commentaire sur la

 25   teneur -- sur le contenu -- qui est-ce qui a utilisé cette expression de

 26   "Bérets verts" ? Nous, nous ne le savons pas. Est-il exact que quelqu'un se

 27   déplaçait en arborant le damier ? C'était de la propagande, donc inutile de

 28   vous livrer à des conjectures sur ce point. Monsieur Margetts.


Page 20509

  1   M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mais j'essaie de

  2   vous présenter le fait qu'il y a des incohérences dans la déclaration même,

  3   ce qui indique que c'est une déclaration obtenue par la force, sous la

  4   contrainte. Une seule autre référence, un certain Damir Hadzic, apparemment

  5   il aurait comme tatou un "U" sur le côté gauche, symbole des Oustachi.

  6   C'est assez peu probable.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais là vraiment ce sont des

  8   devinettes, des conjectures de votre part, Monsieur Margetts. Est-ce

  9   probable ou pas -- si je vous ai bien compris, vous dites, cette

 10   déclaration a été recueillie à peu près au même moment, dans les mêmes

 11   conditions et vous estimez dès lors qu'il faudrait  traiter ce document

 12   comme celui qui se trouve à l'intercalaire 2 ?

 13   M. MARGETTS : [interprétation] Vous avez déjà reçu des éléments matériels

 14   montrant le type de propagande des Serbes et le genre de choses que des

 15   non-Serbes en détention étaient forcés à dire ou à reconnaître. Je me

 16   contente d'attirer votre attention sur le fait que cette déclaration-ci

 17   cadre bien avec les éléments de preuve, les témoignages que vous avez déjà

 18   entendus. C'est le deuxième pilier de mon argumentaire, que ce sont là une

 19   déduction que vous pouvez faire.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais, n'est-il pas vrai de dire que,

 21   surtout pour ce qui est de la présentation des éléments à décharge, c'est

 22   censé contester la thèse de l'Accusation, essayer de l'ébranler, de mettre

 23   en doute des éléments à charge présentés. Vous dites : Voilà, nous avons

 24   été les premiers à présenter nos moyens, et nous avons présenté des

 25   éléments démontrant qu'il s'agissait ici de fausses déclarations. L'inverse

 26   pourrait tout aussi être vrai, à savoir qu'on pourrait dire qu'ici, nous

 27   avons des déclarations faites au cours d'une certaine période, qui

 28   démontrent que tous les éléments de preuve montrant que les Serbes


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  1   s'armaient, que les Serbes contraignaient les Musulmans à faire toutes les

  2   choses, que ceci est tout à fait faux, et que les documents que nous

  3   présentons maintenant le prouvent.

  4   Dès lors, par conséquent, au simple vu des éléments à charge, on ne

  5   peut pas régler la question.

  6   Maître Josse, voulez-vous réagir ?

  7   M. JOSSE : [interprétation] Non. Non, Monsieur le Président.

  8   [La Chambre de première instance se concerte]

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suivre le conseil de M.

 10   Josse, à savoir, avant de prendre décision concernant les documents à

 11   l'intercalaire 2 et 8, pour savoir s'ils vont être versés au dossier ou

 12   non, avant de décider aussi si la déclaration présentée par le Procureur va

 13   être versée, nous allons entendre plus d'informations de la part du témoin

 14   quant à la provenance des documents, et quant à ce qu'il sait au sujet de

 15   ces documents.

 16   Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il vous plaît, demander à M. Savkic

 17   d'entrer dans le prétoire ?

 18   Monsieur Josse, cette pause que nous devions prendre plutôt, je crains bien

 19   que nous allons la prendre à l'heure habituelle. Nous sommes toujours

 20   handicapés par ce caractère incomplet de l'intercalaire 2, Monsieur Josse.

 21   Nous n'avons pas résolu cela.

 22   M. JOSSE : [interprétation] Je prends note de cela, Monsieur le Président.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, je vais peut-être tout

 25   d'abord poser quelques questions.

 26   M. JOSSE : [interprétation] Allez-y. Evidemment, Monsieur le Président.

 27   LE TÉMOIN : TOMISLAV SAVKIC [Reprise]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]


Page 20511

  1   Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Savkic, je vais vous demander

  3   d'examiner le document qui se trouve à l'intercalaire 2. Je comprends bien

  4   que vous avez peut-être l'original sous vos yeux. Pour l'instant, je vais

  5   vous demander tout simplement d'examiner ce qui figure ici. Est-ce que vous

  6   avez déjà vu ce document ?

  7   M. JOSSE : [interprétation] Il a besoin de ses lunettes, Monsieur le

  8   Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui.

 10   M. Josse m'expliquait que vous avez besoin de vos lunettes. Evidemment,

 11   vous avez tout à fait le droit de prendre vos lunettes de votre sac.

 12   Est-ce que vous avez déjà vu ce document, ce document qui semble être une

 13   déclaration ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce document, je l'ai vu

 15   à l'époque de la date indiquée du document, à savoir --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, je vais vous poser des

 17   questions très précises, et je voudrais vous demander de répondre à ces

 18   questions, et de répondre uniquement à ces questions-là. Tout d'abord, je

 19   vous ai demandé si vous avez déjà vu ce document.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand l'avez-vous vu pour la première

 22   fois ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Etait-ce le 23 avril ou le 24 avril ? Je ne

 24   sais pas, mais je l'ai vu moment où il a été fait.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vous l'a donné à l'époque, à

 26   l'époque où vous l'avez vu pour la première fois ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document nous a été montré par le chef du

 28   poste de police de Vlasenica.


Page 20512

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etiez-vous présent au moment où on a

  2   pris cette déclaration ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez quelque

  5   connaissance supplémentaire concernant les circonstances dans lesquelles

  6   cette déclaration a été prise ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que même avant cette date-là, le chef

  8   de la police nous a informé de ce cas, le cas de l'imam Ahmetovic. Avant

  9   cette date-là, déjà, nous disposions des informations le concernant, à

 10   savoir qu'il était un de ceux qui faisait ce qui est décrit dans cette

 11   déclaration.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'avez-vous jamais vu un document, quel

 13   qu'il soit, dont la date est antérieure à la date du 20 avril 1992, qui

 14   contiendrait des informations qui corroboraient ce que vous venez de dire ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous pensez au contenu de cette

 16   déclaration, non. Je ne me souviens pas effectivement avoir vu d'autres

 17   déclarations signées, surtout si vous parlez de l'armement. Mais si vous

 18   parlez de l'armement, j'en ai du des informations concernant l'armement,

 19   l'armement de villages musulmans, par exemple dans la municipalité --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non. Evidemment, si vous avez

 21   des connaissances à ce sujet, M. Josse pourrait tout à fait vous poser des

 22   questions à ce sujet, mais ce n'est pas directement lié à ce document, et

 23   c'est le document qui m'intéresse.

 24   Que pourriez-vous ajouter, venant de vos connaissances personnelles, à ce

 25   document, et concernant les événements qui sont décrits dans ce document,

 26   des informations qui n'y figurent pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Si je vous ai bien compris, je sais, par

 28   exemple, que ce malheureux homme, après cette déclaration, a eu des


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  1   problèmes pour ainsi dire. Il a eu de problèmes de la part de ses propres

  2   croyants que de la part des Serbes. Je sais que notre prêtre, le prêtre de

  3   Vlasenica --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, je vais vous arrêter encore.

  5   Je vous ai demandé si vous pouviez ajouter quoi que ce soit, quelque chose

  6   venant de vos connaissances personnelles, concernant les événements qui

  7   sont décrits dans cette déclaration, pas ce qui s'est passé avec cette

  8   personne après cela, uniquement concernant les événements qui sont décrits

  9   dans cette déclaration.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais aussi que de nombreuses personnes qui

 11   sont mentionnées dans cette déclaration ont été mentionnées ailleurs. Ce

 12   que l'on savait déjà, vous avez des faits qui reviennent au cours des

 13   différentes déclarations concernant les personnes qui avaient armé, de

 14   façon continue, la population musulmane sur le territoire de ces quelques

 15   municipalités dont les noms figurent ici. Ces noms sont, par exemple, les

 16   frères Kavazbasic.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Je comprends

 18   que vous dites que vous pouvez ajouter le fait que les déclarations, qui

 19   mentionnent les mêmes noms, ont été prises et qu'en comparant ces

 20   déclarations, on peut voir qu'il y a des faits qui appuient les mêmes noms

 21   qui figurent dans différentes déclarations.

 22   LE TÉMOIN : [aucune réponse verbale]

 23   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation] Puis-je vous demander de regarder

 24   l'intercalaire 8.

 25   M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 27   M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que je peux vous demander de passer à

 28   huis clos partiel ou à huis clos ?


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous allez pouvoir le faire mais

  2   comme je vous ai dit, j'ai voulu tout d'abord poser quelques questions.

  3   Vous allez avoir tout à fait la possibilité plus tard de poser quelques

  4   questions à votre tour.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

  6   le Président.

  7   [Audience à huis clos partiel] [Confidentialité partiellement levée par une

  8  ordonnance de la Chambre] (expurgé)

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11  Pages 20515-20518 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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 13   --- L'audience est reprise à 11 heures 24.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, avant que je ne donne la

 15   décision prise par la Chambre, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous aider ?

 16   Nous avons essayé de vérifier, mais le P780 n'avait pas fait l'objet

 17   d'objection, n'est-ce pas ? Il s'agissait d'un document concernant le

 18   contexte, un rapport accompagné par une série de déclarations auxquelles il

 19   a été fait référence dans ce rapport.

 20   M. JOSSE : [interprétation] Je ne crois pas qu'il y avait eu d'objection à

 21   cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 23   M. JOSSE : [interprétation] Je ne l'ai pas vérifié précisément, mais

 24   j'étais là à ce moment-là. Je n'étais pas en train de procéder aux

 25   interrogatoires à ce moment-là.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je me rappelle que le P780 avait

 27   été présenté par le truchement de Mme Edgerton.

 28   M. JOSSE : [interprétation] Non. M. Hannis.


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, en tous les cas, elle était là au

  2   moment où la Chambre a dit qu'il y avait une semaine pour élever des

  3   objections à ce sujet.

  4   M. JOSSE : [interprétation] Je vois.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Edgerton à ce moment-là est peut-

  6   être dans le prétoire. Je n'ai trouvé nulle part d'objections élevées

  7   contre le 780.

  8   M. JOSSE : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à reconnaître et à

  9   accepter cela.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 11   M. JOSSE : [interprétation] Bien, évidemment. C'est une question que je

 12   voudrais poser aux membres de la Chambre. L'utilisation du mot

 13   "contextuel", je voudrais dire, bon ceci a évidemment une certaine

 14   signification, vous utilisez le terme "contextuel" en ce qui concerne le

 15   fait que la Chambre entend des conclusions présentées par les deux parties.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais maintenant rendre la décision.

 17   La Chambre a examiné le fait que ce témoin apparemment n'a rien dit qui

 18   pourrait avoir une pertinence telle que ceci puisse nous conduire à une

 19   autre décision, n'a rien à ajouter aux deux déclarations en tant que

 20   telles. Compte tenu des objections qui ont été formulées, la Chambre estime

 21   aussi que ce témoin n'a pas de connaissances directes de faits ou de

 22   première main. Je sais que cette anomalie en ce qui concerne des éléments

 23   de première main n'est pas toujours exigée, mais compte tenu des

 24   circonstances particulières et compte tenu de l'objection élevée, la

 25   Chambre considère que ce témoin n'a pas de connaissances directes des

 26   circonstances dans lesquelles ces déclarations ont été recueillies. La

 27   Chambre, par conséquent, considère que ce témoin ne devrait pas être la

 28   personne par le truchement de laquelle ces déclarations doivent être


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  1   présentées pour être versées comme éléments de preuve. Si la Défense

  2   souhaite présenter ces déclarations en en demandant le versement comme

  3   éléments de preuve, à ce moment-là, c'est peut-être l'article 92 bis du

  4   Règlement qui doit être la voie appropriée à prendre. La Chambre s'attend à

  5   ce que l'Accusation -- la Chambre a déjà dit qu'elle ferait droit à une

  6   telle demande si l'Accusation insistait, tout au moins, lors du contre-

  7   interrogatoire pour ce qui est du témoin qui a fait cette déclaration. Bien

  8   entendu, à ce moment-là, une objection au titre de l'article 95 devrait

  9   être très minutieusement examinée avant qu'une décision puisse être prise

 10   en matière de versement au dossier. La Chambre considère également que

 11   l'article 95 du Règlement ne laisse pas beaucoup de marge à la Chambre pour

 12   dire : Nous allons apprécier à un stade ultérieur ou nous allons voir

 13   qu'elle en est la valeur, parce que l'article 95 du Règlement, cela est

 14   clair, indique que les éléments de preuve ne sont pas admissibles s'ils ont

 15   été obtenus dans certaines circonstances. Donc la Chambre considère qu'elle

 16   n'a pas beaucoup de marge de manœuvre en l'espèce.

 17   Maître Josse, vous n'allez pas être autorisé à présenter ce document par le

 18   truchement de ce témoin pour les onglets 2 et 8. La Chambre aura également

 19   compris que la déclaration présentée par l'Accusation comme étant présentée

 20   uniquement au cas où les documents des intercalaires 2 et 8 seraient admis

 21   comme éléments de preuve.

 22   M. MARGETTS : [interprétation] Oui. C'est bien cela, Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, la seule question qui

 24   reste à voir est de savoir dans quelle mesure les documents aux

 25   intercalaires 2 et 8 et le document présenté par la Défense devraient être

 26   mis à disposition si jamais il y avait un appel interjeté contre le

 27   jugement que rendra cette Chambre. Par conséquent, l'une des solutions

 28   serait de leur donner une cote aux fins d'identification pour les trois


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  1   documents.

  2   M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.

  4   M. JOSSE : [interprétation] Je n'ai pas d'opinion, je reste neutre en la

  5   matière.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci aux fins d'une Chambre

  7   d'appel si c'était le cas, s'il y avait un grief élevé au niveau de l'appel

  8   interjeté vers une Chambre pour dire que la Chambre n'a pas pris la bonne

  9   décision à cet égard, tout au moins, une Chambre d'appel saurait de quels

 10   documents nous parlons.

 11   Par conséquent, Monsieur le Greffier, pourrait-on donner des numéros

 12   de cotes provisoires, pour d'abord l'intercalaire numéro 2.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour l'intercalaire numéro 2, ce sera le

 14   D134 MFI, et pour l'intercalaire 8, le D135 MFI.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ajoute les lettres D et P, faut-

 16   il les ajouter pour ces documents provisoires ? Je veux parler de la

 17   numération -- c'est au représentant du Greffe que je m'adresse. Pour le

 18   moment, nous avons ces cotes, ces numéros. Puis, il y a la déclaration

 19   présentée par l'Accusation, quelle cote lui donner, Monsieur le Greffier ?

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] P1053 MFI, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le

 22   Greffier.

 23   Maître Josse, vous pouvez reprendre.

 24   M. JOSSE : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Savkic, vous pouvez maintenant refermer le classeur que vous

 26   avez devant vous, s'il vous plaît.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes toujours à huis clos

 28   partiel. J'aurais dû passer en audience publique bien que je l'aie demandé


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  1   --

  2   M. JOSSE : [interprétation] Il est clair que cette décision aurait dû être

  3   rendue en audience publique.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il n'y a aucun doute à ce sujet.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience publique,

  6   Monsieur le Président.

  7   [Audience publique]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes en audience publique.

  9   En audience publique, ma première décision, le premier ordre que j'ai vais

 10   donner de façon à ce que cela soit rendu public, c'est de rendre public

 11   tout ce qui a été dit depuis que nous avons repris après la suspension

 12   d'audience. Le compte rendu sera public. La Chambre a posé une question à

 13   M. Josse sur le point de savoir si le document P780 faisait l'objet d'une

 14   objection, et après cela, la Chambre a rendu sa décision qui était de ne

 15   pas autoriser à ce que les deux documents soient montrés au témoin, et que

 16   trois documents devaient être marqués aux fins d'identification avec une

 17   cote provisoire.

 18   Veuillez reprendre, Maître Josse.

 19   LE TÉMOIN : TOMISLAV SAVKIC [Reprise]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

 22   Q.  [interprétation] Vous-même, Monsieur Savkic, vous avez produit pour la

 23   Chambre deux déclarations faites en 1991 et qui avaient trait à de la

 24   contrebande d'armes. Après cette période, c'est-à-dire vers la mi-1991

 25   jusqu'à la fin de 1991, est-ce que cette fourniture illicite d'armes a

 26   cessé à Vlasenica ?

 27   R.  Non. Cela a continué tout au cours de cette période et plus tard,

 28   c'est-à-dire en 1991, un grand nombre de ces conclusions nous ont été


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  1   rapportées à nous Serbes qui participions à des négociations qui ont eu

  2   lieu par la suite. Mais aussi, c'était rapporté à des Musulmans. Il s'agit-

  3   là de deux déclarations, ces deux déclarations que nous avons devant vous,

  4   notamment l'une d'entre-elles étant cette déclaration faite par l'imam.

  5   Q.  Maintenant, qui vous a rendu compte de cela ? Qui vous a rendu compte

  6   du fait que des armes étaient fournies de façon illicite ? En d'autres

  7   termes, qui rapportait ?

  8   R.  S'il s'agissait de rapports verbaux, c'était le chef du poste de

  9   sécurité publique de Vlasenica qui nous rapportait cela. Mais il y avait

 10   d'autres sources aussi, d'autres sources par lesquelles nous avons reçu des

 11   données exactes sur la façon dont il était procédé à cet armement.

 12   Q.  Alors là, je vais encore scinder les questions et scinder les réponses.

 13   Ce chef du poste de sécurité publique à Vlasenica, pouvez-vous nous dire

 14   son nom ?

 15   R.  Oui, je peux. Son nom était Radomir Bjelanovic.

 16   Q.  C'était quelqu'un que vous connaissiez, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui. Avant qu'il ne fût nommé chef de ce poste, il a travaillé dans la

 18   même société que moi, et il était le chef du directorat ou de la direction

 19   chargée du développement de l'ensemble de la société.

 20   Q.  On y reviendra dans un instant. Est-ce que vous avez vu, de vos propres

 21   yeux, procéder à ces fournitures d'armes illicites ?

 22   R.  Non, pas personnellement.

 23   Q.  Alors, qu'est-ce que M. Bjelanovic vous a dit au sujet de ce qui se

 24   passait dans la matière ?

 25   R.  Il a dit beaucoup de choses. Il nous a dit ce qu'avait déclaré l'imam,

 26   puis il nous a également parlé de choses qui avaient été faites

 27   antérieurement. Il nous a également parlé de certaines choses, donner

 28   certains renseignements sur le fait que des Musulmans commençaient à être


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  1   armés sur une grande échelle avec la protection des plus hauts

  2   fonctionnaires du MUP, et qu'en fait, ceci s'organisait depuis la Hongrie,

  3   depuis la Croatie, via Kladanj et jusqu'à Sarajevo. Il avait même mentionné

  4   que la personne qui s'occupait de tout cela était la personne qui était

  5   chargée de la police en Bosnie-Herzégovine. Cette personne aurait été

  6   remplacée peu après cela, mais était restée en place comme conseiller du

  7   ministre de l'Intérieur de Bosnie-Herzégovine. Son nom était Avdo Hebib.

  8   M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je suis entre les mains

  9   des membres de la Chambre. Est-ce que je suis autorisé à demander au témoin

 10   ce qu'apparemment a dit l'imam au chef de la sécurité publique ?

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Monsieur Josse, la Chambre ne vous

 13   autorise pas à demander au témoin ce qui a été dit, compte tenu du fait que

 14   nous n'avons pas résolu nos préoccupations au titre de l'article 95 du

 15   Règlement.

 16   M. JOSSE : [interprétation] La seule observation que je voulais faire, bien

 17   entendu, est que la Défense se retrouve défavorisée du fait de ne pas avoir

 18   présenté ce document en premier lieu. Si nous n'avions pas présenté ce

 19   document en premier lieu, aucune objection n'aurait été élevée, et les

 20   éléments de preuve par ouï-dire auraient été admis.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne savons pas si l'Accusation

 22   aurait présenté ses préoccupations concernant la base à laquelle les

 23   renseignements, une déclaration aurait été recueillie par un policier, ou -

 24   - déclaration d'un imam à Vlasenica. Donc, nous ne savons pas en

 25   l'occurrence si vous êtes défavorisé, ou si vous vous trouvez dans la même

 26   position que celle dans laquelle vous auriez été.

 27   M. JOSSE : [interprétation] Alors, je vais poursuivre.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.


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  1   M. JOSSE : [interprétation]

  2   Q.  Vous êtes empêché, Monsieur Savkic, à cause de ces doutes, de dire à la

  3   Chambre ce que l'imam a dit au chef du poste de sécurité publique. Il vous

  4   est également interdit de donner à la Chambre les renseignements que vous

  5   avez appris de la personne qui est nommée à l'intercalaire 8. Avez-vous

  6   compris cela ?

  7   R.  Je comprends que je ne peux pas dire cela. Toutefois, tous les

  8   habitants de Vlasenica --

  9   Q.  Non, non, non. Il est important que vous reconnaissiez que vous avez

 10   compris cela pour les questions que je vais maintenant vous poser. Est-ce

 11   que le chef du poste de sécurité publique vous a parlé de qui que ce soit

 12   d'autre, autre que la personne qui est nommée au document à l'intercalaire

 13   2 et au document de l'intercalaire 8, qui lui a fourni des renseignements

 14   concernant la contrebande d'armes ?

 15   R.  Oui. Il y a eu d'autres personnes, en particulier, lorsqu'il s'est agi

 16   de l'armement de Musulmans dans la région de Bratunac, de la municipalité

 17   de Bratunac. Il y avait une ligne officielle passant par le MUP lorsqu'il

 18   s'agissait de cet armement. Il y avait également d'autres éléments qui

 19   avaient trait à Zepa, mais la plupart de ceux-ci étaient des sources qui

 20   s'adressaient à lui, lui fournissaient tous ces renseignements.

 21   Q.  Est-ce que vous connaissez les noms de l'une quelconque de ces

 22   personnes qui étaient des sources d'informations ?

 23   R.  Il est bien difficile pour moi de retrouver et de me souvenir de ces

 24   noms. En tout état de cause, les récits seraient les mêmes. Il s'agissait

 25   soit de Serbes soit de Musulmans qui ne voulaient pas que leur identité fût

 26   révélée.

 27   Q.  Du point de vue des activités militaires ou paramilitaires, quand est-

 28   il devenu clair pour vous, si cela a été le cas, que les Musulmans étaient


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  1   en train d'être armés à Vlasenica ?

  2   R.  Personnellement, j'ai vu, lorsqu'on veut parler des uniformes des

  3   paramilitaires qui plus tard ont été identifiés comme étant la Ligue

  4   patriotique, personnellement je les ai vus au début de février et au début

  5   de mars ou à la fin du mois de février au début du mois de mars 1992, alors

  6   que j'étais en train de revenir d'une réunion où nous étions revenus de la

  7   société de Boksit. Nous avions parlé aux habitants de Djilovici [phon], un

  8   petit hameau dans le voisinage de la mine. J'étais sur le chemin du retour

  9   vers Milici, et j'étais dans une jeep et là j'étais avec le conducteur,

 10   Ibro Muhanovic, et une autre personne dont le nom était Sretko Relic

 11   [phon]. Il y avait encore un autre Musulman, dont je ne me rappelle pas le

 12   nom. A la place appelée Sedric, au carrefour, j'ai noté venant de la

 13   direction d'un village appelé Basca, un véhicule Lada rouge qui commençait

 14   à venir vers nous. Il y avait quatre personnes en uniforme qui se

 15   trouvaient dedans portant des bérets verts et un écusson de métal rond. A

 16   côté du chauffeur, un fusil automatique, et j'ai également remarqué que la

 17   personne qui était assise à l'arrière avait également des armes. L'une de

 18   ces personnes avait un fusil semi-automatique, et l'autre tenait un fusil

 19   automatique sur ses genoux. Bien que l'écusson de badge soit assez grand,

 20   c'était un diamètre d'environ de deux à deux centimètres et demi, j'ai bien

 21   pu bien le voir. Plus tard, dans les combats, j'ai remarqué le symbole qui

 22   était le croissant et l'étoile, et je ne sais pas quelle était

 23   l'inscription qui était sur ces badges. En d'autres termes, c'est la

 24   première fois que j'ai vu la formation paramilitaire appelée la Ligue

 25   patriotique. Chaque année depuis 1996, en septembre ou en octobre à Tuzla,

 26   il y a une célébration de l'anniversaire de la formation de la Ligue

 27   patriotique qui a eu lieu à Tuzla en 1991. En l'espèce, mon premier contact

 28   avec cette formation paramilitaire de la population musulmane, formation


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  1   paramilitaire, c'est ce que j'ai dit.

  2   Je voudrais ajouter une chose. Avant cela, au mois de septembre ou

  3   d'octobre, l'un des extrémistes, Ibrahim Ademovic, connu également sous le

  4   nom de Cakura, qui résidait dans le village de Mocila, a arrêté notre car

  5   et a chassé nos ouvriers et les a forcés à rentrer à pied. Il a passé avec

  6   un fusil automatique M-56. Ce qui est assez intéressant, c'est que la

  7   police a dû intervenir. La police avait des effectifs mixtes, à ce moment-

  8   là, en février et mars 1993. On les pris, on les maltraités, et ils

  9   pouvaient faire ce qu'ils voulaient d'eux.

 10   Q.  A présent, je vais vous demander d'examiner le document se trouvant à

 11   l'intercalaire 3.

 12   M. JOSSE : [interprétation] Y a-t-il un numéro ?

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] L'intercalaire 3. Un document dont la

 14   cote sera D136.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 16   M. JOSSE : [interprétation]

 17   Q.  En regardant ce document dans sa version originale en B/C/S, il s'agit

 18   d'une copie recto verso d'une espèce de pièce d'identité, n'est-ce pas ?

 19   Est-ce que vous avez entendu la question ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Il est exact, n'est-ce pas, que vous avez sur vous l'original de ce

 22   document ?

 23   R.  Oui. Je l'ai ici, je l'ai apporté.

 24   M. JOSSE : [interprétation] Je ne demande pas forcément que cette pièce

 25   soit présentée dans sa forme originale en tant que pièce à conviction ou

 26   peut-être que les Juges de la Chambre souhaitent voir l'original du

 27   document.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous voudrions jeter un coup d'œil


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  1   sur ce document.

  2   M. JOSSE : [interprétation] Oui, je le croyais.

  3   Q.  Pourriez-vous extraire ce document de votre sac ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Josse.

  5   M. JOSSE : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Savkic, nous pouvons voir qu'il s'agit là d'une carte qui

  7   indique que cet individu est membre de la 16e Brigade musulmane, le

  8   détachement de Bratunac. Au mois d'avril 1992, au début de l'année 1992,

  9   saviez-vous qu'il existait la 16e Brigade musulmane ?

 10   R.  Vous voulez dire au mois d'avril ou au début du mois d'avril ?

 11   Q.  [interprétation] Bien --

 12   M. MARGETTS : [interprétation] Il n'est pas très clair, d'après la

 13   traduction que nous avons reçue, si ces documents peuvent servir de base

 14   pour l'affirmation de M. Josse.

 15   M. JOSSE : [interprétation] Je vais reformuler ma question.

 16   Q.  Examinons cette carte. Vous avez la photocopie de cette carte sous vos

 17   yeux, Monsieur Savkic. Si vous regardez le bas de ce document, à gauche, on

 18   peut identifier trois mots. On peut lire trois mots dont le premier

 19   commence par les lettres S-l-u-z-a. Pourriez-vous lire cela ? Vous ne voyez

 20   pas de quoi je parle ?

 21   R.  Non, non.

 22   Q.  On voit d'abord la date et ensuite il y a trois mots qui figurent juste

 23   avant la date. Qu'est-ce qui est écrit là ?

 24   R.  "Entré en service dans la guerre."

 25   Q.  Et quelle est la date ?

 26   R.  La date que l'on voit, c'est le 5 avril 1992.

 27   Q.  Très bien. Nous allons partir à partir de cette date-là, vu l'objection

 28   formulée par M. Margetts. A cette date-là, saviez-vous qu'il existait une


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  1   brigade nommée la 16e Brigade musulmane, à la date du 5 avril 1992 ?

  2   M. MARGETTS : [interprétation] Mais M. Josse ne vient pas d'établir qu'il

  3   existe bel et bien une telle brigade --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, dans le document, il

  5   est écrit : "La 16e Brigade musulmane," évidemment on pourrait dire que

  6   c'est le titre d'un livre ou ce que vous voulez.  Continuons, dans la

  7   mesure où M. Josse est en train de poser des questions directrices, et que

  8   nous l'encourageons à le faire.

  9   M. JOSSE : [interprétation]

 10   Q.  La question que je vous pose, Monsieur Savkic, est comme suite :

 11   saviez-vous à la date du 5 avril 1992 qu'il existait une brigade qui

 12   s'appelait la 16e Brigade musulmane ?

 13   R.  Non, je ne savais pas que c'était cela le nom de cette brigade; mais

 14   les membres de cette unité ne se cachaient pas, mais pas du tout, car en

 15   face des positions tenues par cette brigade, de l'autre côté du ruisseau,

 16   sur le versant de la colline se trouvait les villages serbes Glusac et

 17   Bisina, et cela ne posait pas de problèmes que de voir, à partir de ces

 18   villages-là, les membres de cette unité.

 19   Q.  Pourquoi, d'après vous, cette unité avait été créée ?

 20   R.  A ce moment-là, la présidence de Bosnie-Herzégovine, au moins

 21   officiellement, avait ordonné que l'on mobilise la Défense territoriale.

 22   D'après ce livret militaire, il ressort que cela allait se passer plus

 23   tard, mais là on peut lire clairement que là il ne s'agit pas du tout de la

 24   Défense territoriale, il ne s'agit de rien d'autre que de l'armée de la

 25   République de Bosnie-Herzégovine. C'est un document que l'on peut

 26   identifier immédiatement et on peut voir immédiatement qu'il s'agit là

 27   d'une unité de guerre destinée à faire la guerre, rien d'autre.

 28   Q.  A partir du 5 avril 1992, saviez-vous s'il y a eu des déclarations


Page 20532

  1   publiques faites par un quelconque homme politique bosnien demandant qu'une

  2   brigade, créée sur des bases ethniques, soient créée ?

  3   R.  J'ai du mal à me rappeler d'une telle proposition précise. En tout cas,

  4   c'est vrai qu'il y a eu des menaces venant du sommet du SDA et de Bosnie-

  5   Herzégovine. Nous qui habitions dans la région, nous étions au courant de

  6   cela et nous avons entendu ces discours parfaitement.

  7   Q.  Vous avez parlé de l'armement du côté musulman. Avant le mois d'avril

  8   1992, avant le 1er avril 1992, pourriez-vous nous dire de quelle façon les

  9   Serbes ont répondu à ce que faisaient les Musulmans d'après vous ?

 10   R.  Malheureusement, je dis "malheureusement" à cause de tout ce qui s'est

 11   passé par la suite. Les représentants de notre peuple en Bosnie-Herzégovine

 12   disaient à l'époque qu'en dépit de ces indices, qui venaient clairement du

 13   terrain et en dépit de ces menaces, d'après la constitution yougoslave,

 14   l'armée populaire yougoslave était la seule force armée qui pouvait exister

 15   sur le territoire de la fédération. Ils disaient que l'armée populaire

 16   yougoslave allait protéger le peuple serbe, et cetera, qu'il fallait

 17   respecter la constitution, les lois en vigueur, et cetera. C'est comme cela

 18   qu'ils répondaient.

 19   Ceci était comme une garantie de sécurité pour les Serbes, sur tout le

 20   territoire de Bosnie-Herzégovine; même si les événements en Croatie

 21   pouvaient déjà indiquer que ces garanties n'étaient pas suffisantes.

 22   Q.  Nous allons passer à un autre sujet qui est quand même lié à celui-ci,

 23   et nous pourrions examiner l'intercalaire 5.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, pourriez-vous, s'il vous

 25   plaît, poser quelques questions au témoin au sujet de la provenance de ce

 26   document ?

 27   Comment se fait-il que vous ayez ce document, le document que vous nous

 28   avez donné, Monsieur le Témoin ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai eu cet original soit -- je l'ai reçu des

  2   citoyens.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quels citoyens ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle des villageois serbes, donc les

  5   habitants de ces deux villages, Glusac et Bisina ou j'ai reçu ce document

  6   parce qu'à ce moment-là il y avait déjà des gardes villageoises autour des

  7   villages serbes, donc des gardes montées par les habitants desdits

  8   villages; soit je l'ai eu de la première ou de la deuxième façon. A

  9   l'époque, j'en avais des centaines. J'en avais reçu des centaines. Là, ce

 10   n'est qu'un exemple. Donc, je ne saurais vous donner le nom et le prénom de

 11   la personne qui m'a remis ce document.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez si la personne

 13   dont le nom figure sur ce document est toujours en vie ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne le sais pas.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Josse.

 16   M. JOSSE : [interprétation]

 17   Q.  L'intercalaire 5, le document P258; il a déjà une cote. Il s'agit d'un

 18   protocole d'accord entre les représentants du peuple serbe et du peuple

 19   musulman. Si vous regardez la dernière page, vous pouvez voir que ce

 20   document a été signé par six dirigeants pour chacune des parties. Vous,

 21   vous figurez parmi les représentants serbes à la quatrième place. Il s'agit

 22   donc d'une division de la municipalité en deux secteurs, le secteur serbe

 23   et le secteur musulman. Puis, une partie de cette municipalité devrait être

 24   séparée pour faire une nouvelle municipalité complètement neuve, contrôlée

 25   par les Serbes. C'est exact, n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  On décrit en détail les villes, les maisons, le partage exact du

 28   territoire, et cetera. Pourquoi a-t-on signé ou fait ce protocole


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  1   d'accord ?

  2   R.  Cela s'est fait parce que nous étions forcés par la situation de nous

  3   asseoir autour d'une table pour essayer de négocier une sortie de la

  4   situation qui était véritablement difficile à l'époque.

  5   Je vais demander aux Juges d'avoir la possibilité de vous expliquer à quoi

  6   ressemblait la situation au moment où nous avons signé ce protocole

  7   d'accord. A cette époque-là, il y avait de nombreuses colonnes qui

  8   passaient par les villages de Vlasenica et Milici. Il y avait des colonnes

  9   qui venaient en direction de la Bosnie centrale, de Sarajevo, et là, vous

 10   pouviez voir aussi bien les Serbes que les Musulmans. Parfois, il

 11   s'agissait de colonnes qui mesuraient plusieurs kilomètres. Tous ces gens-

 12   là partaient vers la Serbie. De l'autre côté, des autres municipalités, des

 13   municipalités de Bratunac au moins, mais aussi de Srebrenica et des

 14   villages musulmans se trouvant sur le territoire de la municipalité de

 15   Vlasenica, il y avait des colonnes de Musulmans qui se dirigeaient vers

 16   Sarajevo et vers la Bosnie centrale aussi. Depuis la Croatie, il y avait

 17   les unités de l'armée populaire yougoslave qui revenaient. C'était une

 18   situation complètement chaotique.

 19   Nous avions quelques informations concernant l'armement déjà. On savait et

 20   cela se savait parmi la population aussi, mais en ce qui concerne

 21   Vlasenica, ce qui posait surtout problème, c'était un ordre venant du SDA,

 22   je ne sais pas si c'est le conseil municipal du SDA qui a fait cela ou si

 23   c'est la centrale du parti qui a fait cet ordre, mais en tout cas, on a

 24   ordonné que soit évacué de tous les villages les femmes et les vieillards,

 25   de tous les villages et surtout de Vlasenica. Là, nous nous sommes assis

 26   autour d'une table pour nous mettre d'accord, même avant cela, il y a eu un

 27   organe qui a été créé. C'était le conseil chargé de la coopération entre

 28   les différents groupes ethniques. Déjà-là, nous avions essayé de voir de


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  1   quelle façon nous pourrions partager la municipalité; de toute façon, il

  2   s'agissait de s'asseoir autour d'une table pour essayer de résoudre ce

  3   problème qui était vraiment un problème important pour nous. Il s'agissait

  4   de la vie ou de la mort. Nous avions déjà fait un projet auparavant, et là

  5   c'était la version définitive.

  6   Dans ce protocole d'accord, on peut retrouver justement les messages qui

  7   sont la raison pour laquelle nous avons fait ce protocole d'accord.

  8   Puisqu'il n'y avait plus rien, mais vraiment rien qui fonctionnait dans

  9   l'Etat de Bosnie-Herzégovine, nous avons fait ce partage en essayant de

 10   respecter tant bien que mal la présence nationale, car tout le monde se

 11   sentait plus en sécurité si le pouvoir était exercé par les représentants

 12   de leur propre peuple. A la page 6, on peut voir des propos extrêmement

 13   démocratiques, où il est dit que ce partage se fait sur le principe

 14   d'appartenance ethnique, sauf pour la ville de Vlasenica où, puisqu'il

 15   s'agissait d'une ville, nous avons laissé les Serbes vivre dans la partie

 16   musulmane de la municipalité et les Musulmans dans la partie serbe. C'était

 17   le cas uniquement à Nova Kasaba encore, où sept ou huit familles de

 18   nationalité serbe sont restées dans la partie musulmane de Vlasenica. De

 19   l'autre côté, Djile, Zaklopaca, Zilici, Here, Gornje Vrsinje, ce sont les

 20   quartiers musulmans de Vlasenica. Du point de vue ethnique, il s'agit bien

 21   de quartiers musulmans, mais à cause de l'emplacement de ces maisons, on

 22   leur laisse la possibilité de choisir où ils vont choisir de vivre.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges se demandaient si le témoin

 24   n'était pas en train de lire quelque chose.

 25   M. JOSSE : [interprétation] Oui, effectivement. Il est en train de lire le

 26   document. Le document auquel nous avons fait référence à l'intercalaire

 27   numéro 5.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est un protocole d'accord. J'ai voulu


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  1   expliquer à quel point ce protocole d'accord était sérieux et vous

  2   expliquer quelles ont été les possibilités proposées aux citoyens. Ce qui

  3   est le plus important, c'est que toutes les installations importantes sont

  4   restées communes. Donc la pharmacie, les centres médicaux, l'école

  5   élémentaire, le foyer culturel, la police, toutes ces institutions sont

  6   restées des institutions communes et n'ont pas été partagées. Tout ceci a

  7   été réglé et même à la page 7, nous avons dit que les municipalités

  8   nouvellement créées vont assurer le passage libre des unités de la JNA,

  9   mais à cause de l'existence de la peur des formations paramilitaires, il

 10   serait souhaitable de prévenir à l'avance les organes municipaux. Ensuite,

 11   on a demandé aux citoyens de rendre leurs armes, de les remettre aux

 12   casernes ou unités de la JNA les plus proches.

 13   Si vous regardez vraiment cet accord, vous pouvez voir que cet accord

 14   a été fait sur proposition des partis, des citoyens de ce conseil chargé de

 15   la coopération entre différents groupes ethniques et vous pouvez voir même

 16   qu'il y avait des individus qui ont participé à l'élaboration de cet accord

 17   alors qu'ils n'étaient membres d'aucun parti politique. Vous vous rendrez

 18   bien compte de cela quand vous regarderez les noms des participants ou des

 19   représentants. Il s'agit des personnalités de la municipalité, les

 20   directeurs des entreprises les plus importantes, les présidents de

 21   tribunaux, les professeurs, les gens qui jouissaient de plus d'estime, de

 22   respect parmi le peuple.

 23   M. JOSSE : [interprétation]

 24   Q.  Il a été proposé aux Juges de la Chambre, il leur a été dit que les

 25   Serbes ont forcé les Musulmans à accepter ces protocoles d'accord. Que

 26   répondez-vous à cela ?

 27   R.  La plupart d'entre eux, à l'exception du numéro 1, qui est Musulman --

 28   le mieux, ce serait de poser la question à ces gens-là. Je dois le


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  1   rappeler, j'insiste là-dessus, ces discussions se sont passées de façon

  2   tout à fait correcte. Je vous en ai parlé un peu hier. Je vous ai dit

  3   comment tout un chacun a été touché par l'histoire qu'a connue cette

  4   région, par sa destinée. Un exemple, prenez le numéro 5, Sejfo Saracevic,

  5   il était alors président du tribunal. Ce serait peut-être une bonne idée de

  6   l'inviter à venir afin qu'il vous dise lui-même ce qu'il en était; ou

  7   encore le numéro 3, Saban Avdic parce qu'il a été un de mes professeurs; ou

  8   le numéro 1, le numéro 3, le directeur de l'école de Vlasenica, il était

  9   professeur de philosophie. Vous pouvez vous adresser à l'un quelconque de

 10   ces individus. Vous avez Mihaljo Bajagic, c'est un homme très modéré, ce

 11   serait un fort bon témoin. Tous ces gens savent très bien ce que nous avons

 12   fait. Nous nous sommes acquittés de nos fonctions dans l'honneur. Le 14

 13   avril, l'assemblée qui était pleinement constituée a adopté ce protocole

 14   sans qu'il soit apporté une quelconque modification, et ceci a été consigné

 15   dans un document officiel. Je dois dire que tous les députés n'étaient pas

 16   présents, je parle ici des députés musulmans, mais parmi ceux qui étaient

 17   présents, un grand nombre de ces députés s'est également prononcé en faveur

 18   de cet accord.

 19   Je pourrais vous dire plus tard pourquoi les autres députés musulmans

 20   n'étaient pas présents. Au cours de cette période là, nous cherchions à

 21   trouver une solution ensemble. Pendant ce temps, ils s'occupaient à établir

 22   des cellules de Crise dans les enclaves musulmanes et à se préparer au

 23   conflit armé.

 24   Q.  Je vais y revenir dans un instant. Vous savez la personne au

 25   regard du numéro 1, pour ce qui est de la liste des signataires musulmans,

 26   c'est lui qui a affirmé qu'en fait c'était contre son gré qu'il avait été

 27   signataire de ce document. Qu'avez-vous à dire face à cette affirmation de

 28   sa part ?


Page 20538

  1   R.  A mon avis, tout homme a le droit de dire tout ce qu'il veut, mais je

  2   dois vous dire ce que je sais de cet homme là en particulier. Je le connais

  3   depuis la première année de l'école secondaire. Nous sommes entrés en même

  4   temps à l'école secondaire. C'était déjà un échec cet homme à ce moment-là.

  5   Il a abandonné l'école et il a suivi des cours à une école professionnelle

  6   pour devenir serrurier; à l'époque, c'était une profession en vogue puisque

  7   notre président, c'était Tito, et lui aussi il avait une formation de

  8   serrurier. A ce moment-là, finalement, il a réussi son intention,

  9   uniquement parce que le SDA le soutenait. Cet homme a provoqué beaucoup de

 10   désaccords, de querelles. Beaucoup de ces signataires n'avaient pas un seul

 11   bon mot à dire à son propos. Je ne veux pas vous dire comment le

 12   qualifiaient les intellectuels.

 13   En face de lui, parmi les membres du SDS, il y avait un candidat au

 14   poste de président de l'assemblée municipale. Ce candidat c'était une

 15   personne qui avait un diplôme en économie et qui était très qualifié. Cet

 16   homme avait peut-être beaucoup complexes psychologiques, peut-être parce

 17   qu'il était petit, je ne sais pas. En tous cas, lui, il faisait partie de

 18   la faction radicale dans le SDA et on l'a préféré à l'autre homme, qui

 19   était bien plus qualifié que lui. Ivo Andric, écrivain célèbre, qui a

 20   obtenu le prix Nobel de littérature, il a dit qu'en des temps aussi

 21   difficiles, certains remontent à la surface, des gens qui sinon,

 22   resteraient toujours dans les fonds.

 23   La seule chose que je dirais encore à propos de cet homme, c'est qu'il a

 24   joué un rôle très important dans le processus du démantèlement de la JNA,

 25   mais aussi dans celui de la Défense territoriale dans la région de

 26   Vlasenica.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que manifestement, on estimait

 28   pas beaucoup ce signataire. Ceci apparaît clairement lorsqu'on écoute le


Page 20539

  1   témoin. Faut-il autant de détails, je vous le demande ?

  2   M. JOSSE : [interprétation] Oui, oui. Pourquoi ? Je vais vous le dire ici.

  3   J'ai des références. C'est parce que le témoin a dit des choses très

  4   désagréables à propos de M. Savkic.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Oui.

  6   M. JOSSE : [interprétation] J'aimerais soumettre ses propos maintenant au

  7   témoin ici. Oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On parlait maintenant d'auteurs, du

  9   métier de serrurier, sont-ce là des détails vraiment nécessaires, mais

 10   maintenant, je comprends mieux. Poursuivez.

 11   M. JOSSE : [interprétation]

 12   Q.  Parlons précisément de cette question-là, Monsieur Savkic --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, pourriez-vous nous donner

 14   la date éventuellement ?

 15   M. JOSSE : [interprétation] Oui, 30 août 2004. D'après la note qui m'a été

 16   remise, c'est à peu près à la page 5 046 du compte rendu d'audience.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. JOSSE : [interprétation]

 19   Q.  Ce témoin a dit à votre propos que vous aviez dit que les Serbes

 20   avaient déjà des chars prêts "à verser le sang et à poser des problèmes à

 21   Milici," notamment si les Musulmans ne marquaient pas leur accord à ce

 22   protocole.

 23   Qu'avez-vous à répondre ?

 24   R.  C'est absolument insensé. C'est manifeste, parce qu'à ce moment-là à

 25   Han Pijesak, il n'y avait pas une seule unité de blindés de la JNA, même

 26   pas dans les forces de réserve ou à l'arrière, là où était basée le

 27   bataillon d'infanterie. Maintenant, si on parle d'attaque lancée à partir

 28   de Milici et de Zvornik, là aussi c'est un fait indéniable, il n'y avait


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  1   pas d'unités de blindés, ni à Milici, ni à Zvornik à cette époque-là, et

  2   même à d'autres moments.

  3   Q.  Ce témoin a déclaré que vous estimiez que les Serbes avaient le droit

  4   d'avoir leur propre armée, outre la JNA. En d'autres termes, il vous accuse

  5   vous de ce que vous imputez aux Musulmans. Alors, qu'en dites-vous ?

  6   R.  C'est encore des sornettes. C'est vraiment des bêtises, ce qu'il dit.

  7   Au centre 752, de formation de réservistes, là où il y avait un contingent

  8   mixte, mon dossier se trouve encore là, je pense, aujourd'hui. A l'époque,

  9   le commandant de ce centre, c'était un homme tout à fait remarquable de

 10   Sarajevo. C'était un Croate. Je sais qu'il était licencié en architecture.

 11   Il y avait aussi Tomislav Zlakanovic, un autre Croate. C'est peut-être à

 12   ces hommes-là qu'il faut s'adresser pour parler du poste que j'occupais à

 13   ce moment-là, de ma méthode de travail, de mon style de travail. Posez la

 14   même question à n'importe quel de mes étudiants, quelle que soit leur

 15   appartenance ethnique. Il vous dira, ou elle vous dira, de quoi je parlais,

 16   comment je travaillais.

 17   Q.  Je vous arrête, parce que ma question portait uniquement sur les

 18   allégations présentées par ce témoin, M. Redzic, selon lesquelles vous

 19   disiez que les Serbes s'armaient et avaient le droit de le faire. Est-ce

 20   qu'il y a la moindre trace de vérité dans de tels propos ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Une dernière chose. Il affirme que vous étiez un interlocuteur

 23   difficile, un homme intolérant. Votre réponse assez longue que vous étiez

 24   en train de donner lorsque je vous ai interrompu, c'était une sorte de

 25   réponse déjà. Bien sûr, la question n'est peut-être pas adéquate vu le

 26   genre d'allégations portées contre vous, mais est-ce que vous trouvez qu'à

 27   l'époque, vous n'aviez pas le comportement qu'il fallait ?

 28   R.  Non, pas du tout. Les gens qui peuvent vraiment parler de moi, ce sont


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  1   mes collègues de travail, mes étudiants de l'école secondaire, mais

  2   quelqu'un de cet acabit n'est sûrement pas compétent pour le faire. Je ne

  3   pense même pas que je vais daigner faire un commentaire. On sait que je

  4   suis en homme tranquille, en règle général. Bien sûr, il a son avis. Il a

  5   le droit de l'avoir. Il peut dire ce qu'il veut.

  6   Q.  Permettez-moi de passer à autre chose. Il y a quelques minutes de cela,

  7   vous avez dit qu'au moment où on parvenait à un accord sur ce protocole,

  8   vous avez parlé d'une réunion de l'assemblée municipale qui s'est tenue

  9   quelques jours plus tard. A ce moment-là, avez-vous dit, les Musulmans

 10   étaient afférés à établir des cellules de Crise dans les enclaves

 11   musulmanes ? Pourriez-vous nous donner davantage de détails à ce propos ?

 12   R.  Chers messieurs, bien entendu. Je peux vous donner beaucoup

 13   d'information. Pendant que nous siégions, occupés à rechercher une

 14   solution, des extrémistes, tant au niveau de la direction du parti que -

 15   attendez, comment cela s'appelait ? - l'état-major municipal de la Défense

 16   territoriale, elle s'affairait à faire des choses tout à fait différentes.

 17   Ces éléments remplaçaient, par exemple, le président du conseil municipal,

 18   qui avait un modéré. Je ne peux pas vous donner ici même les noms de ces

 19   personnes, mais elles se trouvaient à un stade très élevé dans cette

 20   cellule municipale de la Défense territoriale mixte et conjointe. Il y

 21   avait, notamment parmi eux, Becir Mekanic. Je pense qu'il était le chef de

 22   cet état-major municipal. Il est parti vers Djile, Vrsinje, des villages

 23   musulmans, près d'une mine de bauxite, pour établir dans cette zone un

 24   état-major dont il serait le numéro un. La plupart de ces villages ont créé

 25   une cellule de Crise dans ces premiers temps et lui, il allait en devenir

 26   le chef.

 27   Je dois vous dire que dans un de ces villages, on l'a surpris dans

 28   une voiture avec un détonateur à combustion lente et avec un explosif


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  1   numéro 8, cela c'est quelque chose d'officiel. Dans ces villages dont je

  2   viens de parler, il a commencé à essayer d'enrôler des Musulmans par la

  3   force dans cette Défense territoriale qui venait de s'établir. Il a même

  4   utilisé la torture, si bien que plus de 50 familles, originaires de ces

  5   villages, sont allées à Derventa, dont plus de 200 femmes, hommes et

  6   enfants. Il y avait Selman Becirovic parmi ces gens. C'était un de leurs

  7   chefs, ainsi que ses deux frères. Ces gens nous ont dit littéralement que

  8   Becir Mekanic et un groupe d'extrémistes les forçaient à devenir soldats, à

  9   tendre des embuscades entre la mine de bauxite et la route de Milici. Or,

 10   eux ils ne voulaient pas tremper dans ce genre de choses et ils ne

 11   voulaient pas y participer.

 12   A ce moment-là, au niveau de la direction de la mine de bauxite,

 13   ainsi que les autorités municipales, nous faisions un travail tout à fait

 14   différent. Ferid Hodzic, un autre représentant - là je ne peux pas vous

 15   dire exactement quel était son poste, mais je pense qu'il était aussi un

 16   des dirigeants de cet état-major de la Défense territoriale à Vlasenica -

 17   il est allé dans une grande enclave de villages musulmans : Cerska,

 18   Skugrici, Rasevo, Nova Kasaba, ce sont les communautés locales concernées.

 19   Une fois de plus, là ils ont constitué une cellule de Crise, en ayant

 20   recours aux mêmes procédures. Et comme si ce n'était pas encore assez

 21   grave, dès le 18, la plupart des dirigeants du SDA, au sein de l'assemblée

 22   municipale de Vlasenica, après le départ massif des Musulmans, qui sont

 23   partis sur des remorques, dans des camions, le centre de sécurité de Tuzla

 24   a donné l'ordre aux Musulmans de quitter les postes de sécurité publique,

 25   les postes de police, ce qu'ils ont fait. Une de ces choses s'est passée le

 26   18 et l'autre le 19. Voilà les événements.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Nous allons maintenant

 28   faire une pause.


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  1   Monsieur le Témoin, vous allez accompagner Mme l'Huissière. Nous

  2   allons faire une pause de 20 ou 25 minutes.

  3   [Le témoin se retire]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, le témoin nous raconte

  5   beaucoup de choses, tout ce qui s'est passé, ce qu'ils ont fait, de

  6   l'apparition de cellules de Crise en fonction des procédures habituelles.

  7   Je ne "les" connais pas du tout. Je ne sais pas ce que c'est, pas la

  8   moindre idée du nombre de cellules de Crise constituées. Est-ce que vous

  9   pourriez essayer, quelque part, de structure la représentation des moyens

 10   d'une façon qu'il soit vraiment utilisable par la Chambre, qui l'aide.

 11   Donnez-nous ici et là une idée, ne serait-ce qu'approximative, des sources

 12   dans lesquelles il a puisé pour trouver ces informations, les quelques

 13   heures au cours desquelles cette décision a été prise à l'assemblée

 14   municipale. La Chambre tient beaucoup à savoir dans quelle mesure ou

 15   comment les représentants musulmans sont là, la différence, plutôt que de

 16   nous perdre dans un dédale d'éléments descriptifs tout à fait obscurs où on

 17   n'a pas la moindre idée d'où le témoin tient tout ceci.

 18   M. JOSSE : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. Je relèverai

 19   seulement que si je parcours chacun de ces éléments, je vais prendre

 20   beaucoup de temps pour savoir d'où il tient ses connaissances.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites peut-être un choix pour retenir

 22   le plus important. Cela peut aller vite. Si ceci ne nous aide pas, bien

 23   entendu, je ne sais pas si ceci vous permettra de mieux correspondre aux

 24   objectifs que vous poursuiviez en citant ce témoin. 

 25   M. JOSSE : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire, Monsieur le

 26   Président ?

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez partir de l'idée que si un

 28   témoin nous fait un long récit, un long narratif, dans ma langue on dirait


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  1   "sans queue, ni tête," disons je reformule ma pensée -- si je n'ai pas la

  2   moindre idée des faits véritables mentionnés dans sa déposition, je me dis

  3   que c'est pareil pour vous parce que je sais bien sûr que vous êtes un

  4   homme intelligent et je vous respecte en tant que tel. Alors je me demande

  5   comment il vous est possible d'accepter ceci, à moins bien sûr que vous

  6   nous disiez : Pour moi, c'est clair comme de l'eau de roche. Quand on dit

  7   la façon habituelle dont on créait ces cellules de Crise, si vous dites :

  8   Bien sûr, voilà c'est ce que le témoin a dit, c'est ce qu'on trouve dans

  9   tel ou tel document, d'accord. Alors je dirais : Ok. C'est parce que je ne

 10   comprends pas. S'il pouvait répondre à, ne serait-ce que quelques-unes de

 11   ces questions que je viens de soulever, si tout est clair pour vous, aidez-

 12   moi, parce que j'aimerais vraiment mieux comprendre, être mieux à même

 13   d'apprécier la valeur qu'il faut donner à la déposition de ce témoin. Je

 14   viens de vous donner un échantillon du genre de questions qu'il faudrait

 15   poser. Aidez-moi. Venez à ma rescousse --

 16   M. JOSSE : [interprétation] Je ferai de mon mieux.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien.

 18   Pause jusqu'à 13 heures.

 19   --- L'audience est suspendue à 12 heures 39.

 20   --- L'audience est reprise à 13 heures 04.

 21   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je voudrais

 23   m'adresser brièvement à la Défense. Le fait que le témoin soit là n'est pas

 24   un problème.

 25   Je voudrais m'adresser à la Défense pour ce qui est d'indiquer quelle

 26   est l'identité des témoins experts. La Défense se rappelle que la Chambre

 27   de première instance, dans sa modification apportée le 18 novembre 2005 à

 28   son ordonnance portant calendrier, a demandé à la Défense d'annoncer si


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  1   elle avait intention de citer à comparer des témoins experts, et qui ils

  2   seraient, et de lui faire savoir ceci au plus tard le 12 janvier [comme

  3   interprété] 2006.

  4   Le 13 janvier, la Défense a annoncé qu'effectivement elle avait l'intention

  5   de faire entendre un expert en matière des médias, et un autre en matière

  6   militaire, mais elle n'a pas donné l'identité de ces experts. Après avoir

  7   entendu les conclusions de la Défense la semaine dernière, le 17 et le 19

  8   janvier, la Chambre de première instance a maintenant décidé d'accorder à

  9   la Défense un temps supplémentaire, c'est-à-dire, jusqu'au 10 février pour

 10   faire connaître les noms des témoins experts qu'elle entend faire déposer.

 11   La date limite pour le dépôt des rapports d'experts demeure le 28 février.

 12   La Chambre de première instance ordonne à l'Accusation de déposer un

 13   avis, tel que prévu à l'article 94 bis (B) du Règlement, dans les 15 jours

 14   qui suivront cette date. Ceci est la conclusion de la décision de la

 15   Chambre de première instance en ce qui concerne les témoins experts que la

 16   Défense fera entendre.

 17   Maintenant, Maître Josse, vous pouvez reprendre.

 18   LE TÉMOIN : TOMISLAV SAVKIC [Reprise]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

 21   Q.  [interprétation] Monsieur Savkic, avant la suspension de séance

 22   vous avez fait une réponse très longue concernant une question que je vous

 23   avais posée au sujet de la formation de la cellule de Crise musulmane. Je

 24   voudrais scinder différentes parties de votre réponse. Vous avez parlé d'un

 25   certain M. Mekanic qui aurait été pris dans un véhicule, dans une voiture;

 26   c'est bien cela ? Et qui avait un détonateur lent ?

 27   R.  Non pas un seul, il avait plusieurs de ces détonateurs à combustion

 28   lente.


Page 20546

  1   Q.  Quand est-ce que c'était ?

  2   R.  C'était précisément dans cette période, au mois de mars et au début

  3   d'avril.

  4   Q.  Que savez-vous exactement ? Comment est-ce que vous avez entendu parler

  5   de cet incident ?

  6   R.  Tout le monde était au courant de cet incident parce que la police a

  7   arrêté cette personne dans un petit village appelé Derventa, qui se trouve

  8   sur la route qui va de Milici à la mine. Les policiers ont confisqué ces

  9   objets, et lorsqu'il a insisté pour dire qu'il voulait se rendre dans sa

 10   famille qui résidait à Vesici, un village qui se trouvait au-dessus de

 11   Derventa, malheureusement le policier l'a autorisé à partir. Il a promis

 12   qu'il reviendrait, mais il n'est jamais revenu; tout le monde sait

 13   pourquoi.

 14   Q.  Vous avez dit un peu plus tard que : "Ils nous ont dit littéralement

 15   que ce Becir Mekanic et un groupe de radicaux les forçaient à devenir des

 16   soldats."

 17   Quand vous avez parlé de "les" forçaient, un groupe de radicaux les

 18   forçait, forçaient qui ? Qui est ce "les" ? De qui voulez-vous parler ?

 19   R.  Becir Mekanic et le groupe qui était autour de lui. Dans ce groupe -

 20   ils nous ont dit quelque chose qui confirme ce que j'ai vu au début de

 21   février et vers la fin de février et au début du mois de mars, il y avait

 22   des personnes qui portaient des uniformes de la Ligue patriotique. En plus

 23   de ces personnes, ils nous ont dit et nous l'avons vu qu'il y avait aussi

 24   des Musulmans qui portaient des uniformes ZNG, le ZNG voulant dire la Garde

 25   nationale de Croatie. Il s'agissait de volontaires qui sont allés en

 26   Croatie et qui ont participé aux combats en Croatie. Tous étaient des

 27   Musulmans.

 28   Q.  Dans la réponse que vous venez de faire, vous avez utilisé les mots


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  1   "eux" et "nous". Vous avez beaucoup employé cela "eux" et "nous". Je

  2   voudrais vous poser encore quelques questions pour savoir qui c'est "eux" ?

  3   Dites-moi, s'il vous plaît, qui vous avez à l'esprit, qui vous a dit cela :

  4   "Ils nous ont dit."

  5   R.  Ils étaient les Musulmans les plus radicaux du Parti démocratique --

  6   Q.  Pourriez-vous donner des noms aux membres de la Chambre ?

  7   R.  Becir Mekanic, Ferid Hodzic, Fadil Turkovic, les gens de la

  8   municipalité de Vlasenica et des municipalités voisines.

  9   Q.  Vous avez également employé le pronom "nous", voulant dire probablement

 10   les Serbes. Mais littéralement, qui était ce "nous" ?

 11   Vous-mêmes, Tomislav Savkic, et qui d'autres ?

 12   R.  Je vous parler des Serbes en général. Nous n'avons pas considéré que

 13   tous les Musulmans étaient des ennemis, à ce moment-là. A ce moment-là,

 14   nous avons seulement vu ceux dont je viens de donner les noms, leurs

 15   paramilitaires, les autres organisations. Je ne veux pas les appeler

 16   "organisations de sabotage." Mais nous avons vu et suivi, surveillé ceux de

 17   ces hommes armés qui les poussaient à s'engager dans la guerre.

 18   Q.  Mais où est-ce que ces échanges ont eu lieu entre eux et nous ?

 19   R.  Excusez-moi je n'ai pas compris ce qui m'était demandé dans

 20   l'interprétation.

 21   Q.  Je vais complètement reformuler ma question. Vous avez dit que "eux",

 22   "ils" - et vous avez dit que c'était un groupe de Musulmans radicaux - vous

 23   avaient donné à vous Serbes certains renseignements. Vous nous avez dit

 24   quels étaient ces renseignements. Je voudrais savoir où, matériellement,

 25   cet échange a eu lieu, où vous trouviez-vous pour qu'ils soient eux-mêmes

 26   en mesure de vous dire ce qu'ils faisaient ?

 27   R.  Si vous voulez parler de ces personnes, les gens de bien que j'ai

 28   contactés, avec qui j'ai parlé, les honnêtes gens, par exemple, lors de


Page 20548

  1   réunions à une commune locale appelé Djile. Nous, de la direction de la

  2   mine, et les représentants du village de Djile, très souvent ils parlaient

  3   aux travailleurs, par exemple, Selman Becirovic. Je pourrais mentionner une

  4   dizaine d'autres noms de personnes qui nous ont demandé notre aide, notre

  5   opinion, notre avis pour certaines décisions à prendre. Donc lorsque je

  6   parle de cela, et quand je parle pour mon propre compte, la plupart du

  7   temps je parlais des employés de la société de Boksit si j'ai bien compris

  8   votre question.

  9   Q.  Je ne crois pas que vous l'ayez bien comprise. Peut-être que j'ai mal

 10   compris votre réponse, en tous les cas, il faut des éclaircissements. Y a-

 11   t-il eu des réunions, une réunion quelconque de ce genre à l'époque, entre

 12   vous et M. Mekanic dans laquelle il vous aurait dit ce qu'il faisait ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Est-ce que j'aurais raison de dire que votre source d'information était

 15   d'autres Musulmans, mais pas les Musulmans radicaux dont vous avez parlé ?

 16   R.  Oui. Je peux parler de ces Musulmans qui ne pensaient pas de la même

 17   manière, n'avaient pas les mêmes idées que Becir Mekanic et ses comparses.

 18   Je vous ai également dit qu'à un moment donné le moment est venu où les

 19   gens sont venus nous trouver pour nous demander notre aide, sous la

 20   conduite de Selman Becirovic avec ses deux frères, il y avait une

 21   cinquantaine de familles pour être précis, plus de 200 personnes sont

 22   venues nous voir et ne voulaient pas retourner à leur lieu de naissance.

 23   Mais je leur ai dit qu'ils viennent, j'avais à l'esprit les personnes de la

 24   direction de la mine de bauxite et les autorités du village, et je vous ai

 25   dit pourquoi ils ne voulaient pas y retourner.

 26   Q.  Avant la pause, vous avez dit qu'un certain Ferid Hodzic s'était rendu

 27   dans une grande enclave de villages musulmans composée de communautés

 28   locales, que vous avez mentionnées, et que là aussi, une cellule de Crise


Page 20549

  1   avait été établie à l'aide des mêmes procédures, avez-vous déclaré. Qu'est-

  2   ce que vous entendez par là lorsque vous avez dit que les mêmes procédures,

  3   "les mêmes méthodes" avaient été utilisées ?

  4   R.  Ils ont eu un comportement identique. Une cellule de Crise a été

  5   établie, et aussitôt après a commencé la mobilisation de la population

  6   musulmane. Les Musulmans ont été enrôlés dans des unités qui, à l'époque,

  7   étaient des unités paramilitaires. A ce moment-là, ils ne parlaient plus

  8   d'eux comme étant de la Ligue patriotique, ils disaient qu'ils

  9   constituaient les forces armées de la municipalité de Vlasenica.

 10   Q.  Restons sur cet incident concernant Ferid Hodzic. Est-ce que vous savez

 11   si une cellule de Crise a été créée ? Si vous voulez consulter un document,

 12   vous devez le dire aux Juges. Libre à vous de le faire, mais il faut que

 13   vous disiez aux Juges de quel document vous allez vous servir, et pourquoi

 14   vous voulez le faire.

 15   R.  Je le répète, nous parlons d'une personne que j'ai déjà mentionnée. Son

 16   nom a été protégé, je pourrais vous donner d'autres noms de personnes qui

 17   sont venues nous dire ce qui se passait.

 18   Q.  Mais qu'est-ce que vous regardez précisément ? Est-ce que ce sont des

 19   notes que vous avez prises ?

 20   R.  Mais ce sont mes notes personnelles. C'était simplement pour me

 21   rafraîchir la mémoire quant aux noms de ceux qui sont venus fin avril,

 22   début mai pour demander que soient établies les mêmes autorités qui avaient

 23   été mises en place dans la municipalité de Milici.

 24   M. JOSSE : [interprétation] A mon avis, c'est quelque chose qui ne devrait

 25   pas susciter d'objection. Si un témoin veut se servir de notes pour

 26   retrouver un nom, cela semble raisonnable.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci ne nous pose aucun problème, je

 28   m'adresse à l'Accusation.


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  1   Monsieur Margetts.

  2   M. MARGETTS : [interprétation] Pas d'objection non plus si c'est pour cette

  3   utilité-là.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Libre à vous de vous servir de ces

  5   notes.

  6   M. JOSSE : [interprétation]

  7   Q.  Prenez vos notes pour voir ces noms et nous les donner, Monsieur

  8   Savkic.

  9   R.  Je voudrais demander que ce nom ne soit pas divulgué.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons un moment à huis clos partiel.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

 12   Messieurs les Juges.

 13   [Audience à huis clos partiel]

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22   [Audience publique]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Josse.

 24   M. JOSSE : [interprétation]

 25   Q.  Pourriez-vous aider la Chambre en lui indiquant comment et sous quelle

 26   forme s'est constituée cette cellule de Crise ? Donnez le plus de détails

 27   possibles pour que les Juges sachent comment fonctionnaient et comment

 28   étaient structurées ces cellules de Crise. Si vous ne le savez pas, dites-


Page 20551

  1   le nous aussi.

  2   R.  Oui, je sais et j'ai obtenu certains renseignements à partir de

  3   l'analyse que j'ai faite par la suite. Ces cellules de Crise étaient de

  4   nature purement militaire. Au départ, elles s'occupaient uniquement du

  5   ravitaillement de ces unités qui avaient été conçues mentalement. Il

  6   s'agissait d'approvisionner ces unités en armes et il s'agissait aussi

  7   d'entreposer des réserves de guerre. Je vais être plus précis, s'agissant

  8   de l'enclave de Vlasenica, il y a un document. Quand on passait par

  9   Zivinice, on comprenait très vite qu'au cours de cette période, il y avait

 10   là un dépôt. Je ne sais plus comment il s'appelait; j'ai ce nom quelque

 11   part dans les documents que j'ai dans mon sac, dépôt ou entrepôt utilisé

 12   pour entreposer un grand nombre d'armes, de matériels sanitaires et de

 13   vivres. Dans une seconde phase, ces cellules de Crise ont été placées sous

 14   le commandement de diverses unités -- ou plus exactement sous le

 15   commandement qui existait sur le territoire de l'enclave.

 16   Q.  Vous venez de fournir certaines informations. Elles provenaient d'où,

 17   quelle est la source, quelles sont les sources ? Si c'est le même nom que

 18   celui que vous avez déjà donné, dites-le simplement ?

 19   R.  Oui, c'est vrai pour une des sources, mais je tiens cela de gens, d'une

 20   personne notamment que j'ai mentionnée, qui est protégée, pas la dernière

 21   mais de l'imam qui l'a mieux expliqué. Il y a un deuxième document qui

 22   parle des réserves de guerre sur le territoire de la municipalité de

 23   Zivinice, dans l'enclave de Cerska et du commandement de Ferid Hodzic. Ce

 24   document-là, je l'ai obtenu vers la fin de l'année 1993.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, on dit à un moment donné :

 26   "Pas le dernier, mais celui qui l'a mieux expliqué."

 27   Cela se retrouve un peu plus haut dans le compte rendu d'audience. Est-ce

 28   que c'est là une référence à quelque chose qui n'est pas devenue un élément


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  1   de preuve qui n'a pas été versé au dossier. Peut-être voudrez-vous soit

  2   retirer ceci du compte rendu ou vous pouvez peut-être dire : Voilà, cela

  3   n'a pas vraiment d'intérêt et ceci ne fait pas référence à quelque chose

  4   que connaissent les Juges.

  5   M. JOSSE : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites

  6   "biffé" ? Je ne savais pas que ce genre de procédure était de vigueur ici.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous pourrions le faire. Je voulais

  8   tout simplement savoir s'il y avait ici une référence faite à quelque chose

  9   dont il était clairement dit que cela n'avait pas été versé au dossier.

 10   C'est peut-être clair -- ce n'est peut-être pas nécessaire.

 11   M. JOSSE : [interprétation] J'avais pensé que dans un Tribunal tel que le

 12   nôtre, il n'était pas difficile de faire la différence entre quelque chose

 13   qui est recevable et quelque chose qui ne l'est pas. Je pourrais lui

 14   demander.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais --

 16   M. JOSSE : [interprétation] Si vous me demandez de lui demander ou de vous

 17   dire pourquoi il faudrait déclarer ceci recevable, je n'avais pas

 18   l'intention de le faire vu votre décision précédente.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, mais si cela n'est pas très clair,

 20   il faudrait peut-être éclaircir ce point dans l'intérêt des parties.

 21   M. JOSSE : [interprétation] Je comprends.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 23   M. JOSSE : [interprétation]

 24   Q.  Excusez-moi, c'est peut-être de ma faute, mais vous venez de faire

 25   référence à un document. Est-ce que vous l'avez sur vous ? Parce que vous

 26   avez dit : Un document qui explique le mieux quelle était la structure de

 27   ces cellules de Crise.

 28   R.  Non, non, je ne parlais d'un document -- oui, oui, j'ai les deux. Je


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  1   parlais de réserves de guerre qui avaient été amoncelées pour cette enclave

  2   dans un territoire différent où il y avait en majorité une population

  3   musulmane. J'ai aussi un document faisant état de l'établissement de la

  4   totalité de la cellule de Crise dans la région -- pour que cette cellule de

  5   Crise fonctionne à plein régime. C'est ce document que j'ai ici sur moi.

  6   Q.  Je ne vous demande pas maintenant, mais est-ce que d'ici demain 9

  7   heures du matin, vous pourriez le mettre à la disposition des parties au

  8   début de l'audience ?

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez cette sacoche sur

 10   vous ?

 11   Peut-être que cela pourrait être fourni aujourd'hui pour que les parties

 12   l'examinent avant l'audience de demain.

 13   M. JOSSE : [interprétation] C'est une bonne idée --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons, à la fin de l'audience,

 15   demander au témoin de remettre le document au greffier, qui va en faire des

 16   photocopies. L'original vous sera restitué, Monsieur Savkic, mais on vous

 17   prie de le ramener cet original demain matin pour l'audience de demain.

 18   Dans l'intervalle, des copies pourront être distribuées aux parties.

 19   M. JOSSE : [interprétation] Merci beaucoup de votre aide, Monsieur le

 20   Président.

 21   Q.  La réunion de l'assemblée municipale, qui a adopté le protocole; en

 22   parlant de cette réunion, est-ce que vous y êtes allé ?

 23   R.  Je pense que tous les signataires de ce protocole d'accord étaient

 24   présents.

 25   Q.  Quand vous dites "nous tous," vous voulez dire les six représentants

 26   serbes et les six représentants musulmans; donc il y avait 12 personnes là-

 27   bas ?

 28   R.  Je pense que oui. En tout cas, j'y étais.


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  1   Q.  Vous avez dit que certains Musulmans n'étaient pas présents. Vous

  2   souvenez-vous du nombre de représentants serbes qui étaient présents à la

  3   réunion et du nombre de représentants musulmans qui étaient présents à la

  4   réunion ?

  5   R.  Je pense que tous les représentants serbes étaient présents.

  6   Evidemment, je n'en suis pas sûr à 100 %. En ce qui concerne les Musulmans,

  7   je pense qu'au moins cinq d'entre eux étaient présents et ils étaient au

  8   maximum 15. Je ne les connaissais pas tous et il y avait beaucoup de

  9   personnes là-bas. C'est à peu près le chiffre que je peux avancer.

 10   Q.  A l'époque, je pourrais vérifier cela dans mes notes, il y avait à peu

 11   près 26 députés musulmans à l'époque ?

 12   R.  Plus que cela. Il y en avait 26 qui représentaient le SDA mais il y en

 13   avait à peu près 3 qui venaient du parti des réformistes d'Ante Markovic.

 14   Et de cet autre parti, mené par Durakovic, c'étaient des communistes.

 15   Q.  Excusez-moi, c'est de ma faute. Je pensais uniquement aux représentants

 16   du SDA. Un grand nombre de députés musulmans, députés de l'assemblée

 17   municipale étaient absents, n'est-ce pas ? D'après ce que vous venez de

 18   nous dire ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Savez-vous pourquoi ?

 21   R.  Il y en avait qui étaient honnêtes parmi eux, qui ont sûrement eu peur

 22   de la situation à Vlasenica en général, et qui déjà au mois de février, au

 23   mois de mars ou au cours de la première moitié du moi d'avril, sont partis

 24   dans la direction de Tuzla. En revanche,  ceux d'entre eux qui avaient des

 25   points de vue plus radicaux, ils étaient déjà avec Ferid Hodzic. Ils

 26   étaient déjà passés de l'autre côté dans l'enclave dont j'ai parlé.

 27   Certains parmi eux, par exemple, ce Atif [phon], très connu, il était très

 28   connu puisqu'on retrouve son nom dans toutes les déclarations en indiquant


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  1   qu'il achetait des armes automatiques et autres. Lui et des gens comme lui

  2   sont partis. De toute façon cet accord ne les concernait pas puisqu'ils

  3   étaient, dès le départ, contre cela tout comme Izet Redzic qui, par la

  4   suite, a dit qu'il n'a pas participé à la guerre.

  5   Q.  Je vais vous poser une question assez générale et nous allons ensuite

  6   la scinder en plusieurs questions. Dites-nous pourquoi, d'après vous, ce

  7   protocole d'accord n'a pas fonctionné ?

  8   R.  J'en ai déjà parlé. C'était tout d'abord parce que ce volet radical du

  9   SDA ne voulait pas respecter ces accords. Ils l'ont bien montré le 18, par

 10   exemple, quand pour des raisons inconnues une partie d'entre eux était

 11   partie en direction de Tuzla, une autre partie d'entre eux est partie vers

 12   les deux enclaves dont j'ai déjà parlé. Puis, il y avait un troisième

 13   élément qui était vraiment décisif, c'était un ordre venant du poste de

 14   police de Tuzla, un ordre demandant que les Musulmans, travaillant au poste

 15   de police, doivent être transférés à Tuzla. Je pense que cet ordre est

 16   arrivé à peu près le 19 mars.

 17   Q.  D'après votre expérience, dites aux Juges de la Chambre de quelle façon

 18   ce protocole d'accord a échoué ?

 19   R.  Le protocole a échoué à partir du moment où les gens qui devaient

 20   normalement participer à la mise en œuvre de ces accords, à partir du

 21   moment où ils ont changé d'avis. Il y en avait qui sont partis et ils ont

 22   adopté les militantes et militaires. Une autre partie est partie en

 23   direction de Tuzla, ensuite on a ordonné aux Musulmans de quitter la

 24   police, et tous les autres dirigeants d'ailleurs. A Vlasenica, c'était une

 25   situation chaotique qui s'est installée, le désespoir, la crainte, la peur

 26   de l'avenir. On disait, c'était le 19, au moment où on a ordonné aux

 27   policiers qu'ils se retirent. On disait aussi que les formations musulmanes

 28   avaient décidé de prendre le contrôle de Vlasenica, le vendredi d'après. 


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  1   C'était normalement le 21 ou le 22 et les citoyens de Vlasenica ont pris

  2   l'initiative, je pense que c'était le 20 ou le 21, puisqu'il y avait que

  3   les Serbes qui sont restés au poste de police de Vlasenica. Le poste de

  4   police a envoyé une dépêche indiquant que le poste de police fermait parce

  5   que maintenant il s'agissait d'un poste de police monoethnique. C'était le

  6   20 ou le 21 dans la nuit, il y a eu une prise de contrôle sur les deux

  7   parties de la ville de Vlasenica.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin a dit à plusieurs reprises que

  9   l'on a ordonné aux policiers musulmans de se retirer ou de se présenter au

 10   poste de Tuzla.

 11   Pourriez-vous nous dire qui a donné cet ordre aux policiers

 12   musulmans ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après l'information que j'ai reçu du chef du

 14   poste, c'est lui qui a fermé le poste de police. La seule personne qui est

 15   allée travailler ce jour-là, c'était le commandant Fadil Turkovic. Il a

 16   signé avec le chef de police qu'il arrêtait de travailler au poste de

 17   police de Vlasenica et que ce poste fermait. En même temps, il s'est rendu

 18   à Zepa où il est devenu un des commandants de l'armée. D'après le chef de

 19   la police, et ce document existe toujours, cet ordre émanait du chef du

 20   centre des services de sécurité de Tuzla, un certain Sabic, mais ce n'est

 21   pas important, peu importe. C'était le chef des postes de sécurité publique

 22   de Tuzla qui a ordonné à tous les Musulmans, membres de la police, de se

 23   présenter à Tuzla pour une affectation ultérieure.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que Fadil Turkovic était

 25   le seul qui est allé travailler ce jour-là. N'y avait-il pas des policiers

 26   serbes qui sont allés travailler ce jour-là ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. J'ai pensé aux Musulmans.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Normalement, il y avait combien de


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  1   policiers musulmans qui travaillaient au sein du poste, qui venaient

  2   travailler tous les jours ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr de ces

  4   chiffres, mais je sais qu'ils étaient plusieurs.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien ? Une dizaine, une quinzaine ?

  6   Parce que je n'en ai aucune idée.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Plus que dix et moins que 40.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Josse.

  9   M. JOSSE : [interprétation]

 10   Q.  Quelle était la conséquence du départ des Musulmans, ce départ que vous

 11   venez de nous décrire ?

 12   R.  Le départ des Musulmans a provoqué la peur, aussi bien auprès des

 13   Musulmans qu'auprès des Serbes. Car il était évident que quelque chose

 14   allait se produire et il y avait quelque chose dans l'air. C'était évident

 15   que c'était une menace, donc la peur s'est installée, la terreur, puisqu'on

 16   savait que quelque chose allait se passer. Ensuite, il y a eu des

 17   informations qui ont circulé, de la propagande. Il y avait de tout, mais

 18   c'était une situation difficile. Moi, à l'époque, je n'étais pas à

 19   Vlasenica, je dois le dire. Puisque déjà, à partir du 14 avril, j'étais à

 20   Milici. Mais d'après ce qu'on racontait, je sais ce qu'on disait, ce qu'on

 21   racontait ce jour-là. Car c'était évident que quelque chose allait se

 22   produire. Pourquoi a-t-on demandé uniquement aux policiers musulmans de

 23   partir ? Pourquoi, par exemple, le Croate qui était aussi au poste - parce

 24   que je sais qu'il y en avait un - pourquoi on ne l'a pas aussi appelé lui

 25   aussi ? Et pourquoi pas certains Serbes aussi ? Pourquoi tous les

 26   Musulmans ? C'est cela qui a convaincu les gens que quelque chose de très

 27   dangereux allait se produire, quelque chose qui allait avoir des effets de

 28   longues durées.


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  1   Q.  Avant de terminer, peut-être serait-il utile de raconter très

  2   rapidement aux Juges, si possible, quelle a été la situation vous

  3   concernant, puisque vous dites que vous avez été à Milici; est-ce que vous

  4   alliez de temps en temps à Vlasenica tout de même ?

  5   R.  Ces deux villages sont éloignés à peu près de 14 kilomètres par la

  6   route, 14 kilomètres. Moi, à l'époque, puisque nous avions pris une

  7   décision ferme de continuer à faire fonctionner mon entreprise, la mine, et

  8   continuer à produire le minerai puisque nous avions un contrat très ferme

  9   avec une entreprise slovaque, j'avais des milliers de problèmes sur la

 10   route entre la mine et Milici. Vous savez, c'est un tout petit village,

 11   Milici, c'est un tout petit village. Je vous ai dit qu'à l'époque, il y

 12   avait des colonnes interminables qui traversaient les villages, dans les

 13   deux sens, vous aviez l'armée qui se retirait de la Croatie. C'était une

 14   situation extrêmement difficile. De sorte que, ce n'est pas que je ne

 15   voulais pas, mais c'est tout simplement que je ne pouvais pas. Je n'avais

 16   pas de temps pour aller à Vlasenica.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, il est deux heures moins

 18   le quart.

 19   M. JOSSE : [interprétation] Oui, effectivement.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais tout d'abord demander au témoin

 21   de fournir le document mentionné au Greffe, le Greffier va le prendre pour

 22   le photocopier.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, c'est un document, et cela en est un

 24   autre, le deuxième.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Savkic, est-ce que vous allez

 26   avoir besoin de ces documents cet après-midi ou est-ce qu'il vous convient

 27   de ne le recevoir que demain, demain matin ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, évidemment, que je peux


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  1   attendre demain matin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais vous remettre

  3   l'original de ce laissez-passer militaire.

  4   Monsieur Savkic, à nouveau, je voudrais vous rappeler que vous ne devez

  5   vous entretenir avec qui que ce soit de votre déposition jusqu'à présent ou

  6   de ce qui vous reste à faire, et je voudrais vous demander de revenir

  7   demain dans cette même salle d'audience, à 9 heures du matin.

  8   La séance est levée.

  9   --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le vendredi 27

 10   janvier 2006, à 9 heures 00.

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