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1 Le jeudi 16 mars 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Greffier, veuillez citer l'affaire,
6 s'il vous plaît.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit
8 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
10 Monsieur Tieger, vous souhaitiez vous adresser à la Chambre.
11 M. TIEGER : [interprétation] Oui, tout à fait. Pour ce qui est des
12 recherches que nous voulons faire à propos des documents Nielsen et que les
13 parties trouvent une solution entre elles, j'en ai parlé avec Me Stewart ce
14 matin, et je l'ai informé du fait que l'Accusation a préparé deux
15 classeurs; un contenant des rapports envoyés à la présidence; deux, des
16 rapports envoyés au gouvernement; et troisièmement, des bulletins
17 journaliers parlant du ratissage ou des centres de détention; et un autre
18 classeur contient tous les bulletins journaliers supplémentaires. En raison
19 du calendrier, nous n'avons pas pu nous consulter directement, mais par
20 téléphone. Il m'a dit qu'il viendrait chercher les classeurs pour pouvoir
21 les examiner. Je lui ai précisé que j'allais en informer la Chambre et le
22 tenir au courant de l'état d'avancement de tout ceci.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai regardé à nouveau le compte rendu
24 et ce que nous avons dit à propos de ces documents. Je crois qu'à l'époque
25 nous avons dit que si les parties souhaitaient présenter les documents en
26 question, bien sûr, la Chambre de première instance l'accepterait, mais ne
27 le demanderait pas forcément à ce moment-là. La Chambre estime qu'il est
28 nécessaire - comme nous le faisons à chaque fois - de trouver un fondement
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1 objectif nous permettant de vérifier les conclusions, car très souvent les
2 conclusions sont -- mais pour l'instant, la Défense n'a pas demandé cela,
3 donc ceci semble indiquer que la Défense était satisfaite des conclusions.
4 La Défense n'a pas demandé à avoir d'autres documents afin de vérifier
5 cela. La Chambre de première instance n'est pas en train de dire qu'elle va
6 parcourir tous ces documents, mais c'est important d'avoir l'occasion de
7 vérifier si le type de documents en question justifie les conclusions qui
8 ont été données.
9 La Chambre va attendre pour connaître les conclusions de vos échanges.
10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions de
12 procédure, Maître Josse, je crois qu'il est mieux d'attendre et de voir ce
13 qui se passe aujourd'hui avant de décider pour lundi, voir quel sera le
14 rythme qui sera celui de l'audience cet après-midi, et nous prendrons une
15 décision en conséquence.
16 M. JOSSE : [interprétation] Très bien. Je comprends.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- comme je l'ai suggéré.
18 Madame l'Huissière, veuillez faire entrer le témoin dans le prétoire, s'il
19 vous plaît.
20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, M. Radojko.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après votre "dobar dan," je comprends
24 que vous pouvez m'entendre dans une langue que vous comprenez. Je souhaite
25 vous rappeler, Monsieur Radojko, que vous êtes toujours tenu par la
26 déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre déposition. Me
27 Josse va maintenant poursuivre et continuer à poser des questions
28 supplémentaires.
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1 LE TÉMOIN : JOVO RADOJKO [Reprise]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 Nouvel interrogatoire par M. Josse : [Suite]
4 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce qu'on peut remettre au témoin le
5 classeur numéro 11, contenant la pièce P64A, note en bas de page 189.
6 M. TIEGER : [interprétation] Pour que cela soit plus facile à retrouver,
7 s'agit-il d'un intercalaire qui se rapporte à ce témoin-ci en particulier;
8 si oui, lequel, s'il vous plaît ?
9 M. JOSSE : [interprétation] Le 4. Je demande au témoin de bien vouloir se
10 reporter à la page 177 dans la version en B/C/S, et en page 101 dans la
11 version anglaise.
12 Q. Nous constatons, Monsieur Radojko, qu'il s'agit ici de vos notes qui
13 sont datées du 1er juillet de l'année 1992, et à la page 178, et peut-être à
14 cette page-là, vous avez écrit : "S'ils ne trouvent rien à échanger, il y a
15 deux possibilités : Rester, partir sans garanties."
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde le clavier de votre commis
17 aux audiences et le bruit du clavier est assez fort. Non, je ne souhaite
18 pas que vous cessiez de travailler, mais je me demandais si vous pouviez
19 peut-être ne pas ouvrir un microphone trop près du clavier.
20 M. JOSSE : [interprétation] J'utilise celui qui est le plus loin.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Karganovic, si vous mettiez vos
22 écouteurs, vous comprendriez que c'est très fort. Mais je ne souhaite pas
23 vous empêcher de -- peut-être que vous pourriez vous mettre à un autre
24 endroit.
25 M. JOSSE : [interprétation]
26 Q. Monsieur Radojko, y êtes-vous ? Est-ce que vous avez retrouvé le
27 passage en question ?
28 R. Oui.
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1 Q. Le texte poursuit : "Attitude des autorités : Ils ne souhaitent pas
2 avoir une zone ethniquement pure, mais la pression est forte."
3 A quelles autorités faites-vous allusion ici ?
4 R. Ceux dont ils parlent ici, ce sont les autorités locales. Je ne sais
5 pas de quelles autres autorités il pourrait s'agir. Les notes étaient
6 utilisées comme aide-mémoire, car quelqu'un a parlé de Jasna Karnovic en
7 rapport avec Zecevic, et je me souviens que ce Zecevic était un Musulman.
8 Il est précisé ici : "Rajko l'enverra là-bas." Je me souviens du problème
9 en question au sujet des échanges. J'attirais sans cesse leur attention sur
10 le fait que ceci pouvait avoir des conséquences juridiques et qu'il ne
11 fallait pas agir n'importe comment.
12 Deuxièmement, il est dit : "Contrats. Validité au plan juridique, validité
13 sur une base juridique." J'ai dit que j'attirais leur attention sur le fait
14 qu'il n'y avait aucun fondement juridique à cela, et que j'entends les
15 personnes qui devaient être échangées. C'était quelque chose qui posait
16 problème déjà à l'époque et ne devait pas être mis en œuvre. Il est précisé
17 ici : "Nous ne souhaitons pas avoir une zone ethniquement pure, mais la
18 pression est forte." Je pense que le président m'avait sans doute dit
19 quelle était la raison derrière une telle demande.
20 Il est fort possible que j'aie eu à exposer le problème à la communauté
21 musulmane, car il est précisé ici, il faut parler de cette question-là, à
22 savoir de leurs biens, et cetera, à la communauté musulmane. En prenant ces
23 notes, j'essayais de me préparer à la tâche qui était la mienne.
24 Q. Quand on dit que "la pression est forte," ceci fait référence à quoi ?
25 R. C'était de notoriété publique. La pression - je ne sais pas si
26 c'étaient les membres de l'armée ou l'armée qui exerçait la pression - mais
27 c'était le représentant du commandement de l'armée qui nous disait sans
28 cesse que les Musulmans ne souhaitaient pas être intégrés à l'armée, qu'ils
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1 ne souhaitaient pas être là. C'était ce type de pression qui existait. Nous
2 avions plusieurs délégations ad hoc qui venaient nous voir dans la
3 municipalité, car il y avait certains membres d'une unité militaire, cinq
4 ou six ou sept personnes qui constituaient un groupe et s'adressaient au
5 président pour dire qu'elles ne permettraient pas à la situation d'évoluer
6 comme elle le faisait, et qu'elles s'occuperaient elles-mêmes de tout cela.
7 J'ai perçu ceci comme étant une pression exercée sur les autorités locales,
8 et je pense que les autres faisaient de même. De surcroît, je n'étais pas
9 un des représentants de la municipalité devant ces personnes; c'étaient les
10 autres. J'étais simplement là comme quelqu'un qui prenait des notes de
11 temps en temps. Mais pour eux c'était différent.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, le témoin, à plusieurs
13 reprises, a parlé de "la validité des contrats."
14 M. JOSSE : [interprétation] Je peux supputer en tout cas, suggérer une
15 hypothèse --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pouvons demander au témoin --
17 M. JOSSE : [interprétation] Ce serait peut-être mieux, Monsieur le
18 Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas encore compris qu'elle
20 a été la source.
21 M. JOSSE : [interprétation]
22 Q. Monsieur Radojko, Monsieur le Juge souhaite savoir à quoi vous faisiez
23 référence lorsque vous parliez de la validité des contrats.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais le relire. Il est précisé ici :
25 "Contrats, validité au plan juridique, validité du fondement juridique."
26 Je n'ai pas retrouvé le passage.
27 M. JOSSE : [interprétation]
28 Q. Vous faites référence à quoi dans votre journal, Monsieur Radojko ?
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je souhaite retrouvez le
2 passage. Cela se trouve à la page 101 ? Sur quelle page ?
3 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que je
4 pourrais --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'en remets à vous.
6 M. JOSSE : [interprétation]
7 Q. Veuillez nous indiquer où se trouve la référence, s'il vous plaît,
8 Monsieur le Témoin.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois --
10 M. JOSSE : [interprétation]
11 Q. Veuillez lire à haute voix l'endroit en question où on parle de cela,
12 les termes que vous avez utilisés lorsque vous faisiez cette référence.
13 R. Dans la version que j'ai, ceci se trouve à la page 178 et 179 de ce
14 journal, comme nous l'appelons. Page 178, c'est le 1er juillet 1992.
15 Q. Pourriez-vous lire les mots qui sont à cet endroit.
16 R. Il s'agit de notes, et on peut lire la première note comme suite :
17 "Recours juridique, laesio enormis."
18 Deuxième note : "Validité au plan juridique."
19 Troisième point : "Qu'allons-nous faire avec les personnes qui ne
20 souhaitent pas partir ?"
21 Quatrième point : "Qu'allons-nous faire si on ne trouve rien à
22 échanger ?"
23 Ensuite, il y a deux possibilités, soit que : "Quelqu'un reste ou que
24 quelqu'un parte sans garanties."
25 Quatrième point : "Attitude des autorités qui ne souhaitent pas voir
26 une région ethniquement pure, mais la pression est forte."
27 Voici ce que disent ces notes.
28 Q. Merci.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait une partie qui était
2 illisible pour les traducteurs à l'époque.
3 Un recours juridique en cas de -- je crois que vous avez dit laesio
4 enormis. Pourriez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît. Avec l'esprit
5 juridique que j'ai, cela ressemble beaucoup à "avantage important" ou
6 "dégâts importants."
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez raison, Monsieur le Président.
8 Ceci n'a pas été écrit correctement. On parle en fait de "recours
9 juridique." Et dans mes notes, j'ai parlé d'un préjudice très important --
10 d'un dégât très important, et non pas de préjudice. Ce qui signifie qu'un
11 bien est endommagé à plus de 50 %. C'est-à-dire que si quelqu'un, sur
12 100 $, perd 60 $, cela signifie qu'il serait très désavantagé. La raison
13 pour laquelle un contrat régit ce genre de chose ne serait pas valable.
14 Je souhaite préciser qu'il y avait des problèmes au niveau des délais
15 à cause du départ de ces personnes. Je souhaitais attirer leur attention
16 sur toutes les difficultés éventuelles qui pourraient se poser, en tout cas
17 d'après ce que je savais de la situation. J'ai donc relu tous les contrats
18 et j'estimais qu'en faisant des photocopies des contrats et laisser les
19 gens remplir les contrats n'était pas une façon appropriée d'aborder le
20 problème. J'attirais leur attention là-dessus également.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je vous poser la question : combien
22 de personnes ont signé des contrats pour l'échange de biens ? Combien de
23 contrats de ce type ont été signés ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas pris part à cela et je ne peux pas
25 vous donner une réponse très précise. Lorsque j'ai posé la question à
26 certaines personnes qui avaient gardé les registres de tout cela, il y
27 avait entre 110 et 130. Ce chiffre de 130 environ est un chiffre que j'ai à
28 l'esprit, mais cela ne signifie pas forcément que c'est le chiffre qui
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1 correspond. C'est simplement un sentiment que j'ai. Mais très rapidement
2 cette pratique a été abandonnée ou peut-être que les personnes qui avaient
3 fait cela avaient change d'avis et ne souhaitaient plus échanger leurs
4 biens. La situation changeait du jour au lendemain. Les gens de Bihac
5 échangeaient leurs maisons contre d'autres, et bientôt, ils se sont rendus
6 compte que les maisons de Petrovac n'avaient pas la même valeur que les
7 maisons de Bihac. C'est la raison pour laquelle ils ont cessé de faire
8 cela.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de personnes auraient fait don
10 de leurs biens immobiliers à la municipalité ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, honnêtement, je ne le sais pas. Je ne
12 pense pas que les chiffres soient très élevés. Très rapidement les gens se
13 sont rendus compte qu'un tel transfert de biens n'avait aucune validité sur
14 un plan juridique. De plus, la partie qui s'occupe devait assumer la
15 responsabilité d'un tel bien. Les personnes se sont rendues compte que
16 c'était un fardeau trop lourd, qui pesait trop lourdement sur leurs
17 épaules. C'est la raison pour laquelle ils ont cessé de faire cela. Dans
18 les archives de la municipalité, je pense qu'on retrouverait les numéros de
19 référence, et quelqu'un qui aurait envie d'examiner cela retrouverait
20 chaque bien en particulier.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radojko, d'un point de vue
22 purement logique, pourriez-vous répondre à la question que je vais vous
23 poser : si des gens pensaient qu'un contrat qui ferait don ne serait
24 valable au plan juridique, je pense qu'ils hésiteraient à le signer parce
25 qu'ils se rendraient compte rapidement qu'ils perdaient leurs biens. Dès
26 que quelqu'un se rend compte que cela n'est pas valable au plan juridique,
27 je dirais qu'ils ont moins de difficulté à le signer. C'est logique. C'est
28 logique, n'est-ce pas, alors que vous, vous semblez suivre une logique
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1 différente, n'est-ce pas, opposée ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils n'ont pas témoigné beaucoup d'intérêt que
3 ce soit d'une partie ou de l'autre pour ce qui est de la conclusion de ce
4 type de contrat.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je parle de donations; je ne parle
6 pas d'échange maintenant.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] De donations. Alors, ces contrats, depuis le
8 tout début, à mes yeux et aux yeux des autres juristes, se sont avérés
9 défectueux. Les gens ne l'ignoraient pas, ce fait. La grande majorité, à ce
10 moment-là, savait déjà qu'il y avait nullité de ce type de contrat pour ce
11 qui est de donations. Si tant est qu'il y a eu des gens qui avaient accepté
12 la chose, on a dit soit, puisque de toute manière, ce sera nul et non
13 avenu. Ils avaient la possibilité de consulter des juristes, parce que
14 parmi les Serbes et parmi les Musulmans, il y avait un grand nombre de
15 juristes. Ce sont des choses qui relèvent du droit le plus élémentaire.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'y avait-il pas des choses placées sens
17 dessus dessous, en quelque sorte ? Parce que cette cellule de Crise a
18 décidé qu'ils devaient faire donation de leurs biens, et les gens venaient
19 ensuite demander conseil aux juristes. Je ne puis qu'imaginer de quoi cela
20 avait l'air en ces circonstances-là. Alors, s'adresser à un juriste n'est
21 pas si plaisant que cela. Les gens préfèrent passer à autres choses. Ils
22 disent : On a demandé l'opinion des juristes, et on nous a dit que cela
23 n'était pas valide en matière de droit. Et ils se sont dit : Signons donc,
24 puisque la cellule de Crise a décidé que cela devait être signé. Or, les
25 hommes de droit leur disaient qu'il n'y avait aucun risque à signer puisque
26 ce serait, de toute manière, annulé. Pourquoi ne pas avoir fait ce que la
27 cellule de Crise réclamait ? J'ai des difficultés à comprendre la logique
28 qui a sous-tendu ce que vous avez dit.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que vous avez fort bien compris,
2 Monsieur le Président. Oui, ce sont bien les choses sens dessus dessous. Il
3 n'y a pas eu d'avocats, mais des juristes, s'il y avait, c'était une petite
4 ville, une bourgade qui n'avait pas de tribunal, mais où il y avait des
5 juristes.
6 Pourquoi est-ce que j'ai dit cela ? Je vais être plus clair en vous
7 donnant un exemple. Mon supérieur, le président du conseil exécutif, a
8 laissé des biens considérables à Bihac. Il a rédigé un contrat portant
9 échange de propriété avec une personne, un homme, un dénommé Barjaktarevic,
10 qui a fait partie de cette délégation chargée de négocier le départ avec
11 l'assistance de représentants étranges. Cette fois-là, lorsqu'ils se sont
12 entretenus, j'étais présent. Ils ont promis l'un à l'autre qu'ils
13 préserveraient ces biens-là. D'ores et déjà - l'autre s'appelait
14 Bahtijaragic. L'un et l'autre n'étaient pas des juristes, mais ils
15 savaient, l'un et l'autre, que cela était nul. Alors, pour ce qui est des
16 donations à l'égard de la municipalité, mais la municipalité aussi, ses
17 fonctionnaires étaient d'ores et déjà conscients du fait que cela était
18 complètement nul. Ils ne sont pas restés dans l'ignorance, parce que quand
19 j'ai prononcé ces avertissements, ils savaient que cela était d'une nullité
20 juridique. Par la suite, ils ont renoncé.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous en êtes revenu tout doucement
22 aux échanges une fois de plus. Si l'on met cet élément-là de côté, oui,
23 nous avons entendu l'explication que vous avez fournie. Alors, je ne pense
24 pas, Monsieur Tieger, que nous ayons obtenu des contrats portant échange de
25 biens. Je ne vais pas qualifier cela de contrat, mais plutôt de déclaration
26 relative à la donation de biens au profit de la municipalité.
27 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est le dernier des éléments que vous
28 avez mentionné, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le dernier seulement.
2 Monsieur Josse, peut-être pourriez-vous aider la Chambre en comparant ces
3 deux éléments. Nous n'avons pas d'information précise concernant le nombre
4 de contrats portant échange et le nombre de contrats portant donation.
5 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, quand le témoin a dit
6 que l'on pourrait retrouver ce type d'exemples de nos jours au niveau de
7 ces municipalités, j'essaie de retrouver le passage, mais je n'arrive pas.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il a dit une chose de ce genre --
9 M. JOSSE : [interprétation] Il m'est passé par l'esprit le fait que l'on
10 pourrait peut-être demander aux enquêteurs de M. Harmon d'essayer de
11 retrouver cela.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que nous avions réclamé un
13 autre type de documents, mais nous n'avons pas été informés de façon
14 appropriée portant sur les échanges. Ce qui me surprend, c'est que le
15 témoin est en train de nous dire que ces contrats portant échange qui, à
16 mon avis, de prime abord, pourrait contribuer à la solution d'un problème
17 brûlant, urgent, qui concernait les gens s'apprêtant à partir et concernant
18 les gens qui avaient l'intention de rester. Je ne pense pas avoir eu
19 d'information disant qu'il était d'opinion généralement répandue le fait
20 d'affirmer que c'était illégal. Je n'ai pas eu d'information considérant
21 ces contrats comme tels.
22 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je dire quelque chose ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
24 M. JOSSE : [interprétation] Il n'y a pas de possibilité que la Défense --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci. Veuillez continuer.
26 M. LE JUGE HANOTEAU : Sur ce document, nous voyons : [en anglais] "Attitude
27 of the authorities. They do not want an ethnically pure area, but the
28 pressures are strong."
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1 [en français] Je voudrais que vous commentiez à nouveau [en anglais] "but
2 the pressures are strong."
3 [en français] Vous avez dit que cette pression venait surtout des
4 militaires. Je voudrais que vous alliez plus loin et que vous m'expliquiez
5 quelle sorte de pression c'était ? Quels étaient les objectifs qu'avaient
6 ces militaires ? Qu'est-ce qu'ils voulaient ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous le dire. J'ai déjà parlé du fait
8 que ce représentant de la cellule de Crise, qui avait pris la parole au nom
9 de l'armée, avait présenté des exigences fermes, radicales, en affirmant
10 que c'était réclamé par l'armée. A plusieurs reprises -- ou plutôt, on a
11 d'abord demandé à ce que les Musulmans soient mobilisés. Comme eux ne
12 voulaient pas répondre aux appels sous les drapeaux, on leur a demandé
13 d'exercer une obligation de travail. Une fois, un groupe est parti faire
14 une obligation de travail et ils ont été offensés et vexés là-bas. Cela a
15 été fait par des soldats qui leur ont demandé de nettoyer, de déblayer une
16 route. Ensuite, on leur a demandé d'aller exécuter une obligation de
17 travail qui serait du type militaire, mais plutôt que de faire une tâche
18 militaire, on accomplissait des tâches civiles. Quand il a été question de
19 les voir accepter en grande partie, les autres ont dit : Pourquoi eux
20 travailleraient et nous, on ferait la guerre ?
21 Alors, il n'y a pas eu véritablement d'attitude claire et nette vis-
22 à-vis de ces gens et de la situation. Parce qu'à chaque fois qu'il y avait
23 une demande de présentée et qu'on voulait y répondre, il y en avait une
24 autre qui survenait, et les délégations venaient pour menacer. Parce qu'en
25 disant : Si ceci n'était pas fait, on va tuer un tel ou on tuera quelqu'un.
26 Faites attention à ce que vous faites au niveau de la municipalité. Ils
27 venaient dire cela au maire et à son entourage. Il y a eu une situation où
28 ils n'ont pas tiré sur la municipalité, mais le bataillon entier a tiré
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1 autour de la municipalité. Un bataillon, cela fait 700 hommes. Vous
2 imaginez de quoi cela a l'air. J'ai été au champ de bataille et je suis
3 arrivé le jour d'après, et il y a eu la relève. On a enlevé les douilles
4 autour de la municipalité, de la mairie, à la pelle. Ils avaient tiré, ils
5 avaient sorti leurs armes, ils se sont précipités au niveau de ce bâtiment
6 de la municipalité.
7 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur, vous ne répondez pas à ma question.
8 La phrase que vous avez notée sur votre agenda est claire. [en
9 anglais] "They do not want an ethnically pure area, but the pressures are
10 strong." [en français] Cela a l'air de dire que les pressions sont fortes
11 pour que soit créé un lieu ethniquement pur. Alors, je vous demande : est-
12 ce que l'armée a manifesté, par ses représentants devant vous, son
13 intention d'obtenir une région ou une partie du pays qui soit ethniquement
14 pure ? Je ne parle pas de travaux, qui voulaient que les Musulmans aillent
15 faire des travaux. Je ne sais pas trop quoi. [en anglais] "They don't want
16 my local authorities," [en français] dites-vous, [en anglais] "don't want
17 an ethnically pure area, but the pressures are strong." [en français] Cela
18 a l'air de vouloir dire qu'il y a des pressions fortes pour que l'on
19 aboutisse à une région ethniquement pure.Est-ce que c'est cela que vous
20 avez voulu noter ? Est-ce que cela a été exprimé devant vous ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela n'a jamais été dit. Ce type de
22 comportement où l'on demandait aux gens de faire une chose, puis lorsque
23 ceci commençait à être réalisé, on leur demandait autre chose. Il n'y avait
24 aucune fin à ces demandes. On en a tiré la conclusion que ce que l'on
25 recherchait, c'était de faire partir ces gens. C'est la conclusion qu'on en
26 a tirée. Je ne sais pas si c'est moi qui aie rédigé cette remarque ou est-
27 ce que c'est quelqu'un qui me l'a dictée, parce qu'il s'est passé beaucoup
28 de temps depuis. J'ai vécu tant de choses en ma qualité d'individu, que je
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1 ne le saurais trop. C'était la situation. On leur disait d'aller faire une
2 obligation de travail, et on s'attaquait à eux. Une fois rentrés, on leur
3 disait que faut-il faire. On leur disait de déblayer la route. Ensuite, ils
4 étaient vexés, offensés, ils faisaient l'objet de menaces et pire encore.
5 Lorsque vous les laissiez tranquilles en ville, on posait la question de
6 savoir pourquoi ils ne faisaient rien. Quoi qu'on ait fait, s'agissant de
7 ces groupes et de ces gens-là, ils s'avéraient mécontents.
8 C'était la conclusion qui a été tirée par le président ou par moi-
9 même. Cette remarque a dû être faite ici ou inscrite ici pour que ce soit
10 mentionné à un niveau quelconque d'entretien ou dans un rapport quelconque.
11 Ceci correspond à la situation que je vous ai relatée.
12 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci.
13 M. JOSSE : [interprétation]
14 Q. Pourriez-vous maintenant passer à la page 213, je vous prie. En version
15 anglaise, il s'agit de la page 120. Nous pouvons voir qu'il s'agit là de
16 notes que vous avez prises à une session du comité exécutif datée du 21
17 juillet 1992. Nous pouvons voir ici plusieurs conclusions. A cet effet,
18 j'ai des questions à vous poser sur deux thèmes. Le premier découle de ce
19 que vous venez de nous dire dans votre témoignage. Il est dit :
20 "Conclusion. Toute aide humanitaire doit être passée par une liste générale
21 aux fins d'avoir une vue d'ensemble." On dit : "Sepa:m. ne veut pas
22 échanger sa propriété. Il n'y a pas eu d'accord de délivré. Les Musulmans
23 signeraient les contrats une fois qu'ils seraient partis ou renvoyés
24 d'ici."
25 Qu'est-ce que cela signifie ?
26 R. Cela signifie ce que j'ai déjà dit. J'ai dit que cela a duré très peu
27 de temps; cette tentative de procéder à des échanges de biens immobiliers.
28 Ces permis de s'en aller n'ont pas été délivrés pour cette raison, parce
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1 qu'il n'y a pas eu de personnes intéressées. S'agissant du contrat que j'ai
2 vu ici, il porte un numéro qui est le 66, me semble-t-il. Il n'y en a pas
3 eu beaucoup de contrats -- ou plutôt, de déclarations de ce type. Il doit y
4 avoir eu moins de contrats encore. Vous pouvez bien voir que ceci a été
5 fait dans le cadre des services, parce que c'est le chef des services qui
6 présente le rapport. Les Musulmans ne signaient les contrats qu'une fois
7 qu'ils étaient sur le point de s'en aller, et ce n'était qu'à ce moment-là
8 qu'ils voulaient signer. Ils ne voulaient pas signer et rester, parce qu'il
9 arrivait qu'ils signent et qu'ils restent là, et là, l'incertitude était
10 encore plus grande pour eux alors qu'ils avaient prétendument procédé à un
11 échange de biens immobiliers.
12 Q. La ligne suivante se lit comme suit : "Bogdan : Propose d'informer la
13 police de toute information portant occupation par la force, occupation des
14 lieux par la force. Autrement, ce serait -- enfin c'est une chose à adopter
15 comme conclusion."
16 R. Oui, en effet, parce qu'il y a eu des cas où les gens venus de Bihac
17 entraient par la force dans des lieux occupés par des Musulmans. Il
18 arrivait, par exemple, qu'il y ait un bâtiment principal et un bâtiment au
19 niveau de la cour, et qu'il y en ait un de vide. Les gens entraient,
20 emménageaient carrément, parce qu'ils n'avaient pas suffisamment de lieux
21 d'hébergement dans le secteur où nous nous trouvions. D'autres personnes
22 s'étaient emparées de locaux appartenant à des Musulmans. Cette conclusion
23 se rapportait à cela, parce qu'il fallait qu'ils quittent ces locaux et que
24 la police soit informée afin qu'elle entreprenne les mesures nécessaires
25 pour les vider de là.
26 Q. Si vous vous penchez maintenant sur la page 224 où il y a une date qui
27 est celle du 9 août - je précise qu'il s'agit de la page 126 dans la
28 version anglaise - vous pourrez voir qu'il s'agit de la présidence de
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1 Guerre de Petrovac, 46e Session. Au numéro 2, on dit : "Prévenir les
2 occupations illégales de biens immobiliers abandonnés."
3 Est-ce que c'est bien de la même chose qu'il s'agit ici ?
4 R. Oui, c'est de la même chose qu'il s'agit ici. Il y a eu des familles
5 musulmanes, par exemple, qui, pour des raisons de sécurité, là où des gens
6 vivaient seuls, étaient passées chez des membres de leurs familles ou des
7 enfants à eux, et d'autres venaient occuper immédiatement les locaux que
8 ces premiers avaient quittés.
9 Q. Pourriez-vous maintenant consulter la page 236 en version originale, et
10 je précise qu'il s'agit de la page 133 en version anglaise. Vous verrez
11 qu'il est question d'une réunion avec la FORPRONU datée du 13 août 1992.
12 R. Excusez-moi, mais je n'ai pas cette page de 336. Vouliez-vous peut-être
13 dire 236 ?
14 Q. Oui, et je m'en excuse. Je pense que c'est bien ce que j'avais dit,
15 mais peu importe.
16 R. Oui, 13 août 1992, en effet.
17 Q. Oui, Monsieur Radojko, c'est bien de cela qu'il s'agit. Vous avez ici
18 des notes assez longues concernant ce que M. Odobasic a dit. Avant que de
19 se pencher sur la teneur de celle-ci, pouvez-vous nous dire si vous vous
20 souvenez du moment où vous avez noté cela ? En d'autres termes, combien de
21 temps après que M. Odobasic ait prononcé ces mots ?
22 R. Je prenais des notes pendant qu'il s'adressait à des représentants de
23 la FORPRONU. Nous étions ensembles à cette réunion, et je prenais note des
24 arguments qu'il avait avancés.
25 Q. Nous voyons ici qu'il a dit : "Existence mise en péril parce qu'il est
26 impossible de se procurer des vivres, impossibilité de s'assurer l'exercice
27 du droit au travail et à l'éducation. Personne ne saurait garantir la
28 sécurité en raison de la présence d'extrémistes et d'une psychose de
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1 guerre. La situation est encore endurable, mais on n'a aucune certitude
2 pour ce qui est du moment où cela risque de devenir dangereux. En tout état
3 de cause, les autorités elles-mêmes ont des problèmes avec des extrémistes,
4 par exemple, lorsqu'il y a eu des soldats serbes de blessés ou de tués.
5 "Rester à Petrovac était catastrophique pour nous.
6 "Ils voulaient également procéder à des échanges de prisonniers
7 originaires de Kamenica."
8 R. Il a parlé à ce moment-là de la situation qui prévalait, et il a
9 présenté les choses de façon concrète et équitable. Il a dit que les
10 représentants de la partie musulmane et notre délégation avaient eu des
11 entretiens séparément avec les représentants étrangers, afin que d'une
12 certaine façon, ils aient la certitude qu'on leur dit la vérité. On a vu
13 survenir ce que les uns et les autres redoutaient. Parce que s'il y avait
14 eu beaucoup de morts à un moment donné, toute la retenue allait être
15 perdue, et on aurait un chaos général, des coups de feux de toute part, des
16 personnes tuées, et ce genre de chose, une violence générale, et les gens
17 redoutaient cela. Ils savaient que les autorités étaient impuissantes vis-
18 à-vis d'un raz-de-marée. Ils en étaient conscients, et les autres membres
19 de la délégation en étaient conscients également. Alors, on a cherché à
20 trouver une issue.
21 Le vœu de procéder à des échanges de prisonniers avec ceux qui étaient
22 venus de Kamenica. Je ne sais pas qui est-ce qui en a parlé, peut-être
23 étaient-ce les Musulmans, parce qu'il y avait des soldats emprisonnés à
24 Kamenica. C'était une prison pour les prisonniers de guerre et pour les
25 déserteurs, ceux qui ont fui le service.
26 Q. On voit la note suivante : "Aux yeux des Nations Unies, il est
27 important de pouvoir rencontrer des représentants musulmans et des
28 représentants de l'autorité, ainsi que des représentants de l'autorité
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1 militaire dans des conditions normales."
2 Est-ce que cela a été facilité ? Si oui, quand ? Par qui ? Qui est-ce
3 qui a organisé tout cela ?
4 R. J'ai pris ces notes-là pour moi-même aux fins de transmettre au
5 président ce que les gens de la FORPRONU avaient dit. A leurs yeux, il
6 importait beaucoup de pouvoir rencontrer normalement tout un chacun. Je
7 pense que sans qu'il y ait contrainte pour faire venir les gens à des
8 réunions. Tout simplement, ils voulaient préserver les voies de
9 communication, tant que l'ambiance demeurait civilisée.
10 M. LE JUGE HANOTEAU : -- ce capitaine Odobasic, s'il vous plaît ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'était pas capitaine. C'était un
12 dignitaire, enfin, une personne qui était en vue. Les responsables
13 musulmans qui ont grandement contribué à la détérioration des relations
14 entre les deux communautés, avec l'aide des responsables serbes, ils
15 avaient fui à Bihac et ailleurs. Il est resté des citoyens qui ont été
16 placés sous l'autorité de ceux qui avaient mis le feu à tout. Il y a eu ce
17 citoyen qui était un notable et qui a été envoyé par les siens pour
18 s'entretenir avec le président et la cellule de Crise aux fins d'essayer de
19 trouver une solution pour eux. C'était un entrepreneur, cet homme-là; un
20 petit entrepreneur. Il avait un magasin où il vendait des fruits et des
21 légumes.
22 M. LE JUGE HANOTEAU : Je suis désolé d'avoir employé le mot "capitaine,"
23 mais c'est celui qui figure sur le document que j'ai.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Ici, il y est écrit "Philippe La Vergne,
25 capitaine". C'est un capitaine français qui a été à la tête de ce bureau
26 que nous étions allés voir.
27 M. LE JUGE HANOTEAU : Fort bien.
28 M. JOSSE : [interprétation]
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1 Q. Je voudrais à présent que vous vous penchiez sur la page 244, datée du
2 17 août 1992. Il s'agit en version anglaise de la page 137. Ceci parle
3 d'une réunion qui s'est tenue ce jour-là avec l'UNHCR. Il est question
4 d'observateurs militaires, d'un commandant français, d'un commandant
5 anglais, d'un commandant russe et d'un interprète. Vous prenez note des
6 positions exprimées par les intervenants. Est-ce qu'il y a eu à cette
7 réunion des représentants musulmans aussi ?
8 R. Je pense bien que oui. Parce qu'il était d'une règle qui faisait qu'ils
9 venaient régulièrement à ces réunions.
10 Q. Mais une fois de plus, ces notes-là, les avez-vous prises au moment où
11 les gens prenaient la parole ?
12 R. Oui. Je prenais note des positions qu'ils exprimaient pour pouvoir les
13 transmettre au retour.
14 Q. Je crois que nous avons tous pu y lire ce qui y est dit. Quelle a été
15 votre attitude vis-à-vis de ce que vous disaient ces négociateurs, ces
16 médiateurs internationaux ?
17 R. Je n'ai fait que transmettre leurs positions verbatim. Je j'avais pas
18 d'objections ou de remarques à formuler moi-même. J'ai bien dit qu'il y
19 avait là des problèmes pour lesquels les gens faisaient le déplacement. Il
20 se peut qu'ils se soient entretenus entre eux. Je ne le sais pas. Mais je
21 sais qu'ils avaient exprimé le souhaite d'entendre l'opinion des Musulmans
22 de façon séparée. J'attendais, par exemple, si j'étais le seul Serbe qui
23 était là, je me mettais de côté et j'attendais qu'ils s'entretiennent.
24 C'est ainsi que cela s'est passé à Licki Petrovac ainsi que dans d'autres
25 localités.
26 Q. Pour finir, s'agissant de ce journal, en page suivante, page 246, datée
27 du 18 août 1992, il est dit : Donner cinq agneaux. Enfin, cela ne nous
28 intéresse pas. L'autre note porte sur une question que je voudrais vous
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1 poser. Il est dit : "Connecter un poste téléphonique Sefko ou Odobasic
2 (décision de la présidence de Guerre)."
3 Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ici et pourquoi cette décision a
4 été prise ?
5 R. Je crois qu'à la lecture de certaines notes, j'arrive à me rappeler des
6 choses. J'avais dit qu'on avait déconnecté bon nombre de numéros de
7 téléphone à des Serbes aussi parce que Petrovac tout entier n'avait pas
8 plus de 1 200 ou 1 500 numéros téléphoniques. Il y avait donc très peu de
9 lignes téléphoniques, et il y a eu bon nombre de Serbes qui ont vu leurs
10 téléphones déconnectés. Il s'agissait ici de gens, de citoyens, des
11 notables, au sujet de qui leurs propres compatriotes estimaient que
12 c'étaient des gens bien plus en vue que d'autres, et ils ont réclamé que
13 l'on remette en marche leurs téléphones pour qu'ils puissent téléphoner
14 avec les autres. Comme il s'agissait de personnes qui, par la logique des
15 choses, à notre avis, n'allait pas propager l'hystérie ou une propagande
16 déterminée, mais se servir des téléphones pour des besoins véritables, il
17 s'est avéré nécessaire de remettre en état de marche un certain nombre de
18 lignes téléphoniques, chose qui s'est faite. Cela s'est fait pour que l'on
19 puisse communiquer avec les gens, pour qu'on puisse s'entretenir avec eux.
20 M. JOSSE : [interprétation] Si on pouvait donner maintenant l'intercalaire
21 37 au témoin, s'il vous plaît. Il s'agit du P90, l'intercalaire 30.
22 Q. Est-ce que --
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis un peu lent peut-être Monsieur
24 Josse, mais je recherche encore -- enfin, je suis en train de lire la
25 dernière réponse. Vous dites : "Il y aussi eu des téléphones dont on a
26 coupé la ligne téléphonique parce que dans Petrovac il n'y avait pas plus
27 de 1 200, voire 1 500 numéros de téléphone en tout."
28 Quand on a parlé des coupures de téléphone plus tôt, il me semble,
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1 hier, on a parlé de 800 numéros qui avaient été déconnectés, 800 postes de
2 téléphone de Musulmans qui avaient été déconnectés ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que la plupart d'entre eux étaient
4 Musulmans. La restriction, certes, les a plus affectés. En pourcentage,
5 c'était le cas. Ils étaient plus nombreux. C'est l'impression que j'ai eue
6 après ces négociations. Monsieur le Président, il est difficile pour moi
7 d'être très précis. Cela fait très longtemps quand même. Il faut bien
8 comprendre que je venais juste d'arriver dans cette municipalité à l'époque.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais j'essaie de comprendre la
10 logique derrière tout cela. Vous dites : "Un bon nombre de numéros serbes
11 avaient aussi été déconnectés puisqu'en tout dans Petrovac il n'y avait
12 pas plus de 1 200 à 1 500 numéros de téléphones qui avaient été attribués."
13 Quelle est la logique si vous dites qu'un bon nombre de numéros de
14 téléphone de Serbes ont été déconnectés puisqu'en tout il y en avait 1 200
15 à 1 500 dans la ville ? Vous dites "parce que," donc vous semblez impliquer
16 qu'il y ait une relation causale, et j'ai du mal à la saisir. Vous pourriez
17 nous expliquer cela ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux vous expliquer. Je crois que vous
19 ne comprenez pas très bien l'aspect technique de la chose. Moi non plus à
20 l'époque, je n'étais pas très au courant des détails. Voici, je vais vous
21 expliquer la situation : j'ai lu les notes dans mon carnet, et j'avais un
22 peu oublié, mais cela m'a rafraîchi la mémoire quand même. On avait passé
23 Petrovac de la centrale téléphonique de Bihac à celle de Banja Luka, et en
24 tout on n'avait que 12 lignes. Cela signifie qu'on ne pouvait avoir que 12
25 conversations téléphoniques qui pouvaient se passer en même temps avec
26 Petrovac. C'est pour cela qu'on a dû restreindre le nombre d'utilisateurs.
27 Si tout le monde était resté connecté, toutes ces lignes officielles qui
28 étaient indispensables pour le bon fonctionnement de ce qu'on devait faire,
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1 on n'aurait pas pu avoir de lignes. Il fallait que la police, que l'armée,
2 les autorités municipales, et les dirigeants des grandes entreprises et des
3 administrations aient accès à ces lignes téléphoniques. Une fois que ceux-
4 là étaient certains d'avoir accès aux téléphones, le reste pouvait être
5 donné à la population.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas une explication. C'est
7 encore un élément nouveau dans la déposition de ce témoin.
8 Mais, Monsieur Josse, vous pouvez poursuivre.
9 M. JOSSE : [interprétation]
10 Q. Le document que vous avez sous les yeux maintenant, Monsieur Radojko,
11 est un rapport qui nous vient d'un organisme appelé Le Club des expatriés
12 de Bosanski Petrovac. C'est un club qui était basé à Zagreb. Avant de venir
13 ici à La Haye, avez-vous jamais entendu parler de ce Club d'expatriés ?
14 R. Non, je n'en avais jamais entendu parler. C'est lors de ma dernière
15 déposition ici que j'en ai entendu parler. Mais tout le monde avait
16 tendance à faire ces petits clubs d'expatriés. Ils les organisaient là où
17 ils avaient trouvé refuge.
18 Q. Avez-vous eu l'occasion de lire ce rapport ?
19 R. Oui.
20 Q. J'aimerais savoir si, à votre avis, c'est un rapport qui reflète assez
21 fidèlement les événements ayant eu lieu à Bosanski Petrovac de juin 1992
22 jusqu'au départ de ces expatriés ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
24 M. TIEGER : [interprétation] Certes, le conseil a le droit de rentrer dans
25 les détails, mais je ne comprends pas très bien la nature de la question.
26 Il y a déjà eu une réponse très claire à cette question.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne me souviens pas quand cela a eu
28 lieu.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est même une fonction, c'est quand même
2 une question assez de contexte, et le contexte, on en a déjà parlé.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Josse, je ne m'en souviens
4 plus. M. Tieger dit que la question a déjà été posée, que vous avez eu une
5 réponse. C'est une question quand même de base --
6 M. JOSSE : [interprétation] Oui, j'ai déjà posé la question, mais je l'ai
7 posée de façon assez maladroite. Je voulais que le témoin commente, et nous
8 dise, si à son avis, c'était une réflexion fidèle des événements, si la
9 Cour pouvait compter sur ce qui a été écrit.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
11 M. TIEGER : [interprétation] Le témoin peut répondre à la question.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez nous dire quand c'était,
13 Monsieur Tieger ?
14 M. TIEGER : [interprétation] Je vais le trouver dans le transcript. Je vais
15 essayer. C'est très certainement quand j'ai attiré l'attention du témoin
16 sur ce document.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet. La Cour se souvient.
18 M. JOSSE : [interprétation] Je vais poursuivre.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, poursuivons.
20 M. JOSSE : [interprétation] Je vais maintenant vous passer des exemplaires
21 de la pièce P1054. Le témoin ne le connaît pas. En revanche, la Chambre et
22 mon éminent collègue ont déjà vu ce document. Il s'agit d'une liste de
23 députés qui participent à des séances de l'assemblée.
24 Q. Monsieur Radojko, s'il vous plaît, on voit le nombre en haut à droite
25 nous indique le nombre de sessions auxquelles le député n'a pas participé.
26 Si vous pouviez regarder sous le nombre 54.
27 R. Oui, j'ai déjà vu cela.
28 Q. Pourriez-vous lire les noms qui se trouvent au point 54, lentement,
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1 s'il vous plaît ?
2 R. Cinquante-quatre, c'est Dragan Milanovic, le député de Petrovac.
3 Q. Il s'agit de Dragan Milanovic et pas Milakovic, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, vous avez raison.
5 M. JOSSE : [interprétation] Je vois que le document est sur le
6 rétroprojecteur, mais j'ai quand même de nombreux exemplaires si quelqu'un
7 en a besoin.
8 Q. C'était le député de Petrovac, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Y avait-il d'autres députés venant de Petrovac ?
11 R. Safet Hidic. Mais il est parti.
12 Q. J'imagine qu'il ne faisait pas partie de l'assemblée du peuple serbe.
13 R. Non, il est parti pour Bihac, puis pour Zagreb, et ce, avant même que
14 les Musulmans ne commencent à quitter la ville.
15 Q. Pourriez-vous nous lire lesquelles trois sessions
16 M. Milanovic n'a pas participé ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, je comprends que ceci
18 est nécessaire dans la tradition de "common law", mais vous nous avez dit
19 qu'en anglais, s'il s'agit de Dragan Milanovic, ou alias Milakovic en
20 anglais, ce nom n'est pas écrit comme cela en B/C/S, et qu'il était absent
21 à la 17e, 20e et 21e, cela irait plus vite quand même.
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, c'est vrai. La Défense aimerait vraiment
23 établir que M. Milanovic n'était pas là à la
24 17e Session en particulier ni à la 20e --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais on peut le lire. On va essayer
26 d'aller plus vite.
27 M. JOSSE : [interprétation] Très bien.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends, bien sûr, que vous suivez
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1 la procédure à laquelle vous êtes habitué.
2 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je fais ce que l'on m'a appris.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bien. Essayez quand même de faire
4 autre chose.
5 M. JOSSE : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
7 Monsieur Tieger, voulez-vous --
8 M. TIEGER : [interprétation] En effet, j'aimerais poser quelques questions.
9 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Tieger :
10 Q. [interprétation] Monsieur Radojko, j'aimerais que vous repreniez à
11 nouveau la page 224 de votre carnet. Je vais un petit peu reprendre ce qui
12 a déjà été abordé par M. Josse. Il s'agit de la référence à la prévention
13 de toute occupation non autorisée de propriété abandonnée. C'est une
14 référence qui est citée sur votre carnet au 9 août 1992. C'est à peu près à
15 ce moment-là que la cellule de Crise exigeait et obtenait des certificats
16 d'abandon de propriété de la part des Musulmans, tel qu'on l'a vu dans les
17 deux certificats hier, qui étaient datés du 10 août.
18 R. Oui, sans doute. Enfin, je ne m'en souviens pas très bien. Je pense, en
19 effet, que tout cela datait à peu près de la même époque. Ici, il s'agit
20 des biens des personnes qui étaient déjà parties. De nombreuses personnes
21 sont parties volontairement. Enfin, elles ont pris l'initiative de partir.
22 Tous ceux qui avaient assez d'argent sont partis bien avant les autres.
23 Certains sont allés dans les endroits avoisinants, d'autres ont participé à
24 un convoi qui était déjà parti. Enfin, il y avait beaucoup de maisons
25 vides.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. S'il vous plaît, pourriez-vous
27 répondre uniquement à la question qui vous est posée par M. Tieger. A
28 savoir si la question était nécessaire ou pas, Monsieur Tieger, c'est une
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1 autre affaire. Puisque la Chambre, bien sûr, se rend bien compte que le 10
2 août, c'est le lendemain du 9. J'imagine que vous voulez attirer
3 l'attention du témoin sur ce sujet, et j'imagine qu'ensuite, vous allez
4 poser une deuxième question.
5 M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous pouvez maintenant lui poser la
7 question.
8 M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'avais l'intention de le faire, mais il
9 a anticipé ma deuxième question.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais essayez d'arrêter le témoin
11 quand il va au-delà des réponses qui lui sont demandées.
12 M. TIEGER : [interprétation] Très bien.
13 Q. Je ne vous parle pas des biens des personnes qui étaient déjà parties à
14 cette date, mais je parle des biens des personnes qui quittaient la ville à
15 peu près à ce moment-là, vers la mi-août, surtout ceux qui étaient obligés
16 de céder de façon permanente leurs biens à la municipalité de Petrovac. Il
17 s'agissait de biens que la cellule de Crise ou que la municipalité comptait
18 traiter, gérer et redistribuer, si je puis dire, et ce, sans aide
19 extérieure; c'est bien cela ?
20 R. Je ne peux pas faire de spéculation sur ce qu'ils avaient en tête, mais
21 si vous me demandez si selon moi c'était leur intention, je peux vous dire
22 que non. Il s'agissait de biens qui avaient déjà été abandonnés. Les
23 personnes qui avaient signé les certificats sont restées dans leurs
24 domiciles jusqu'à leur départ. Ce n'est pas dans leurs maisons que l'on
25 avait pénétré par effraction, mais c'est dans les maisons abandonnées, où
26 il n'y avait plus de propriétaire.
27 Q. Monsieur Radojko, de façon générale, pour ce qui est à la fois des
28 biens qui étaient l'objet des certificats que nous avons vus hier, les
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1 biens qui avaient été spécifiquement et expressément cédés à la
2 municipalité, et pour ce qui est de tout autre bien qui aurait pu être
3 laissé à l'abandon, la cellule de Crise voulait être en position de décider
4 qui allait maintenant occuper ces maisons. Par exemple, quel réfugié
5 entrant dans la ville se verrait attribuer tel ou tel logement, à savoir,
6 si tel ou tel bien allait pouvoir être attribué à la famille de soldats, et
7 cetera, et cetera. Il s'agissait bien de la responsabilité, une
8 responsabilité que la cellule de Crise voulait endosser, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, dans ce cas-là, oui; pour savoir où loger les réfugiés.
10 Q. En revanche, c'était le fait que d'autres personnes,
11 arbitrairement, occupent ces locaux, était un vrai problème pour la cellule
12 de Crise. Cela n'allait pas du tout dans le sens de la mesure qu'ils
13 comptaient mettre en œuvre ?
14 R. Oui, c'était tout à fait inacceptable. Certains des résidants locaux
15 ont commencé à occuper des biens laissés à l'abandon.
16 Q. Bien. Maintenant, passons à la page 236 en B/C/S. C'est 133 de la
17 version anglaise de vos carnets. Il s'agit à nouveau du
18 13 août. M. Josse vous en a parlé. C'est là où il y a la réunion avec le
19 capitaine français, avec Odobasic, Druzic, et cetera, et cetera.
20 M. Josse a fait référence à la dernière référence qui était en bas de cette
21 page, le fait que les Nations Unies voulaient rencontrer les Musulmans en
22 l'absence de représentants des Serbes, n'est-ce pas ?
23 Q. Non, je ne comprends pas. La FORPRONU -- plutôt, enfin les
24 représentants de la FORPRONU avaient dit qu'ils voulaient rencontrer tout
25 le monde, pas uniquement les Musulmans ou quelqu'un, en plus, qui aurait
26 collecté les informations du côté serbe; il voulait vraiment rencontrer les
27 représentants militaires, les personnes qui pouvaient prendre des décisions
28 plutôt que de rencontrer uniquement des Musulmans ou des personnes qui
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1 n'étaient pas décideurs, si je puis dire. Il voulait rencontrer des
2 personnes qui pouvaient prendre des décisions, si je me souviens bien. Il
3 me semble que je me souviens bien de ce qui s'est passé.
4 Q. Dans votre carnet, pour ce qui est de l'importance pour les
5 représentants des Nations Unies de rencontrer les Musulmans et les
6 représentants des autorités civiles et militaires en conditions normales,
7 ne reflète pas, selon vous, le fait qu'ils considéraient qu'en ne
8 rencontrant que les Musulmans, d'après vous, vous ne pensiez pas que ce que
9 vous avez écrit dans votre carnet signifie qu'ils voulaient rencontrer tout
10 le monde, parce qu'ils pensaient que s'ils rencontraient que les Musulmans
11 -- cette entrée dans le carnet, cela signifie qu'ils préféraient rencontrer
12 tout le monde parce que ne rencontrer que les Musulmans, parce qu'ils ne
13 voulaient pas rencontré les Musulmans en présence des Serbes, parce que
14 selon eux, ce serait moins fiable; c'est bien cela ?
15 R. Non.
16 Q. Pourtant, il semble que la information que la FORPRONU obtenait
17 uniquement des représentants serbes était quand même biaisée et ne
18 représentait pas vraiment ce qui se passait à Petrovac, et surtout en ce
19 qui concerne les Musulmans ?
20 R. Pour ce qui est de Petrovac, ils avaient des informations de première
21 main des gens qui s'y trouvaient. Ils leur parlaient en tête-à-tête,
22 séparément. Je ne sais pas pourquoi ils auraient voulu qu'il y ait qu'un
23 seul parti. Je ne leur ai donné aucune information là-dessus. Le seul parti
24 qui pouvait leur donner des informations partiales et non fiables, cela
25 aurait été moi. Même si je leur avais donné ce type d'information, de toute
26 manière, ils allaient aussi voir les Musulmans. Ils ont parlé avec les
27 Musulmans aussi de temps en temps. Il est écrit qu'ils doivent rencontrer
28 les Musulmans, les représentants de leurs autorités, et cetera. Pourquoi ?
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1 Parce qu'ils savaient que les Musulmans n'étaient pas représentés par les
2 autorités qui avaient déjà quitté la municipalité. Bien des mois auparavant
3 ils étaient partis en mai, voire encore plus tôt. Ce qui signifie qu'ils
4 voulaient rencontrer les représentants officiels des autorités serbes et
5 les représentants militaires, donc représentants de l'armée serbe. Ils
6 voulaient relayer, en fait, ils voulaient leur faire part de leur position
7 directement; ils ne voulaient pas que je sois l'entremetteur.
8 Q. Oui, mais je ne parle que des notes sur votre carnet, qui se réfèrent à
9 des réunions où vous étiez présent. Il ne s'agit pas, bien sûr, de réunions
10 où il n'y avait que les Musulmans. Si vous pouviez maintenant passer à une
11 autre page de ce carnet, à laquelle
12 M. Josse a déjà fait allusion. Il s'agit de la page 244, le 17 août.
13 Vous avez dit que d'après votre mémoire, les Musulmans étaient quand même
14 présents assez souvent. Cela dit, quand ont regarde vos carnets, on ne voit
15 jamais la présence d'aucun Musulman à cette réunion. En fait, on dépend
16 uniquement de votre carnet plutôt que du souvenir que vous avez des
17 événements. Il semblerait quand même indiquer qu'il y a eu plusieurs
18 réunions entre vous et des représentants internationaux.
19 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, poser
20 la question plutôt que de faire des suggestions.
21 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est une suggestion.
22 Q. Je voudrais savoir si vous vous souvenez que les représentants
23 Musulmans étaient présents à ce type de réunions; oui ou non ?
24 R. A dire vrai, je ne me souviens pas de réunions où il n'y ait pas eu
25 présence de Musulmans. Je dois aussi admettre, je ne sais plus très bien où
26 s'est tenue cette réunion, si c'était à Petrovac, Knin ou Licko Petrovo
27 Selo. Si c'est cette dernière, je me rappelle très bien qu'il y avait des
28 représentants Musulmans. D'ailleurs, je n'ai participé qu'à une partie de
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1 la réunion. Ils m'ont demandé de quitter la pièce à un moment, parce qu'ils
2 ne voulaient pas que je sois là pour le reste de la réunion. Là, je parle
3 de la réunion qui a eu lieu le 17 août. Peut-être que je n'ai pas noté
4 qu'ils étaient présents puisque je faisais partie de la délégation. Là où
5 il y avait la délégation, j'étais présent, et cetera. Enfin, je ne me
6 souviens pas très bien.
7 Q. On va lire quand même ce qui est écrit : "Ils ne vont pas participer à
8 ce réinstallement [phon], ceci n'est pas acceptable. C'est inacceptable en
9 temps de guerre pour des raisons économiques. C'est pareil pour les Serbes,
10 et c'est pour cela qu'il y a besoin de ce réinstallement.
11 "Ils ne vont pas participer à ce réinstallement," et là on fait
12 référence au fait que la communauté internationale refuse de participer à
13 ce réinstallement ?
14 R. Oui. M. Odobasic a présenté les raisons, et leur réponse a été
15 extrêmement ferme. C'était la réponse qui est là. Il y avait encore des
16 possibilités quand même qu'ils aident à organiser le convoi.
17 Q. Je suis désolé. Je ne voudrais pas vraiment vous interrompre tout le
18 temps, mais il faut que vous écoutiez bien ma question et que vous ne
19 répondiez qu'à ma question. La réponse est : "Oui." La référence "ils ne
20 veulent pas participer à cette réinstallation," le "ils," c'est bien la
21 communauté internationale.
22 La raison qui a été soulevée par la communauté internationale, telle
23 qu'elle est notée dans votre carnet, c'est le chômage, c'est une raison
24 économique. C'est ce que les représentants de la communauté internationale
25 ont entendu, et c'était la raison qu'ils ont soulevé pour rejeter ce
26 réinstallement.
27 R. Ils ont aussi rejeté cela pour des raisons de sécurité. C'est assez
28 difficile de noter tout quand les gens parlent. Ils ont rejeté ceci pour
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1 des raisons de sécurité aussi, et ce n'est pas écrit. La seule raison qui
2 n'est pas évoquée ici, c'est la raison de sécurité, sécurité des Serbes qui
3 restaient sur place. On dit là que les autorités locales veulent les
4 protéger, que l'aide soit bien distribuée de façon équitable. C'est
5 l'essentiel ici. Ils savent qu'il y avait des problèmes de sécurité aussi
6 qui étaient en cause.
7 Q. Mais on va plutôt se concentrer sur les raisons économiques. Les
8 représentants internationaux ont bien compris, après avoir parlé avec vous
9 et avec ceux qui étaient présents, que vous disiez que des raisons
10 économiques, qui s'appliquaient à la fois aux Serbes et aux Musulmans,
11 poussaient les Musulmans à quitter la ville; c'est bien cela ?
12 R. Oui, pour des raisons économiques également. Je dois vous expliquer
13 pourquoi leur situation économique était moins favorable. Au début de la
14 guerre --
15 Q. Ecoutez, je ne vous demande pas une explication là-dessus. Je vous ai
16 posé une question, et vous avez dit qu'à cette occasion-là, vous avez
17 expliqué. On leur a fait penser, et ils ont rejeté cela. Il est clair que
18 vous ne leur avez pas expliqué que le chômage des Musulmans, la situation
19 était beaucoup moins favorable au plan du chômage à cause des mesures
20 prises par la cellule de Crise et que les Musulmans étaient renvoyés. Cette
21 partie n'a pas été expliquée aux représentants de la communauté
22 internationale, n'est-ce pas ?
23 R. Non, je ne pense pas que ce soit exact. Pour autant que je m'en
24 souvienne, la situation leur a été décrite avec beaucoup de détails.
25 C'était essentiel, non seulement pour les Musulmans, mais pour les Serbes
26 aussi. Car la plus grande majorité n'avait pas de travail. Mais vous ne
27 m'avez pas laissé vous fournir d'explication. Les deux groupes ethniques
28 n'étaient pas sur le même plan économiquement parlant, n'étaient pas dans
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1 la même situation.
2 Q. Vous nous avez parlé d'une situation qui était assez dramatique. Les
3 Musulmans étaient renvoyés de leurs postes, et ces représentants
4 internationaux n'ont pas compris cela. Ils ont, dans leurs commentaires,
5 dit que le niveau de chômage était le même pour les Serbes. Donc, toute
6 cette partie de votre explication leur a échappée. C'est en somme ce que
7 vous dites ?
8 R. Non, ce n'est pas ce que je dis.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Tieger.
10 M. TIEGER : [interprétation] Fort bien.
11 Q. Passons à la suite -- deux autres questions que je dois encore vous
12 poser. Une à propos des téléphones. Vous avez évoqué cette question de
13 téléphones avec le Président de la Chambre. J'ai également une question à
14 ce sujet à vous poser. Vous nous l'avez indiqué précédemment, Petrovac est
15 une municipalité majoritairement serbe. Je souhaite savoir comment se fait-
16 il, si Petrovac n'avait que 1 200 à 1 500 lignes téléphoniques, comment se
17 fait-il que les Musulmans disposaient de 800 lignes à l'époque -- tous les
18 800 Musulmans ont eu leurs téléphones débranchés ?
19 R. Tout d'abord, vous essayez de me coincer à propos d'un terme. Je vous
20 donnais simplement mon point de vue. Tout d'abord, cela faisait longtemps
21 que je n'étais pas à Petrovac et je ne gérais pas ces problèmes-là. Je
22 pense que -- et pour finir, c'est assez facile de vérifier combien de
23 lignes téléphoniques il y avait à Petrovac. Que ce soit au nombre de 1 000
24 ou 1 500, je ne sais pas. Mais je peux vous dire, et j'ai dit très
25 clairement, que parmi les 800 personnes qui ont eu leurs téléphones
26 débranchés, il y avait également des Serbes, bien qu'il s'agissait surtout
27 de Musulmans dont on a coupé leurs lignes téléphoniques. Mais ceci ne
28 faisait pas partie de l'essentiel de mes travaux à l'époque. Je devais
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1 écouter les informations qui m'étaient transmises. Ceci a été dit en
2 passant, et vous essayez de me faire dire quelque chose. Pour finir, ce
3 sont les services de Renseignement musulmans qui se sont saisis de ce
4 document et qui vous l'ont remis. Cela contient toutes les informations.
5 Vous avez les annuaires téléphoniques qui datent d'avant la guerre. C'est
6 très facile à vérifier. Vous essayez d'établir un chiffre par mon
7 intermédiaire en sous-entendant que je ne dis pas la vérité. Je vous
8 parlais de choses qui sont des choses dont je me souviens, et vous me
9 remettez des documents qui contiennent des détails précis. Est-ce que vous-
10 même, vous vous souvenez des faits ou des choses qui se sont produites il y
11 a 15 ans ? J'ai été chassé à deux reprises --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez écouter attentivement la
13 question, Monsieur le Témoin, les questions qui vous sont posées par M.
14 Tieger, s'il vous plaît.
15 Monsieur Tieger, veuillez poursuivre.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Ayant débranché toutes les lignes téléphoniques des Musulmans, comme
18 l'atteste la référence dans votre journal du 13 juin que nous avons
19 examinée hier, il était nécessaire de raccorder le téléphone d'un ou deux
20 Musulmans pour s'assurer que ces personnes puissent assister aux réunions
21 en présence de la FORPRONU, et qu'il s'agissait de les faire quitter la
22 municipalité, n'est-ce pas ?
23 R. Non, ce n'était pas à cause de cela. Toutes ces lignes n'ont pas été
24 débranchées. Ce ne sont pas toutes les lignes de tous les Musulmans. Par
25 exemple, le directeur de la poste était Musulman, et je ne sais pas si sa
26 ligne a été coupée. A vrai dire, je ne sais pas. Mais les gens ne
27 communiquaient pas seulement par l'intermédiaire de la FORPRONU. Je crois
28 que nous n'avions même pas de ligne directe avec la FORPRONU.
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1 Q. Le lien que --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de rester brefs.
3 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 M. JOSSE : [interprétation] Là, je pense que c'est une suggestion très
6 forte qui a été présentée, et il est en droit d'y répondre. Si mon éminent
7 confrère va faire des allégations de la sorte, le témoin est tout à fait en
8 droit d'y répondre. C'est une question fort importante qui lui a été posée
9 et qui requiert une réponse longue; ce qui n'est pas surprenant étant donné
10 les circonstances.
11 M. TIEGER : [interprétation]
12 Q. Le prénommé Husein Odobasic, est-ce le même qui a assisté aux réunions
13 dont vous avez parlé dans votre journal ?
14 R. Oui.
15 Q. La décision, le raccordement du téléphone, soit de Sefko, soit de
16 Husein Odobasic, faisait l'objet d'une décision de la présidence de Guerre,
17 telle que cela est consigné dans votre journal à la date du 18 août 1992 ?
18 R. Oui.
19 Q. Finalement --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je regarde l'horloge.
21 M. TIEGER : [interprétation] Dernière question, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dernière question ? Bien.
23 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit là de quelque chose qui, à mon sens,
24 avait été fait, car je souhaitais le faire hier. Je souhaite remettre ceci
25 au témoin et aux Juges de la Chambre. C'est l'intercalaire numéro 22. Vous
26 vous en souviendrez certainement. C'est la liste de 29 personnes qui ont
27 été emmenées à Kozila le 1er juillet.
28 Q. Je vous demande de bien vouloir regarder cela --
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1 M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi, puis-je avoir un numéro de cote,
2 s'il vous plaît ?
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro P1108, Messieurs les
4 Juges.
5 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de --
6 M. JOSSE : [interprétation] Je vais être un peu difficile, mais où se
7 trouve l'original ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, existe-t-il une version
9 en B/C/S de ce document ?
10 M. TIEGER : [interprétation] Pardonnez-moi. C'est surtout une liste de noms.
11 Je comprends fort bien.
12 M. JOSSE : [interprétation] Bien --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a également des commentaires qui
14 figurent sur cette page.
15 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je regarder l'original avant que des
16 questions soient posées, s'il vous plaît ?
17 Je constate qu'il y a beaucoup d'information derrière l'original, qui est -
18 -
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui ne semble pas avoir été traduit en
20 anglais.
21 M. JOSSE : [interprétation] Je souhaite également savoir ce qu'est ce
22 document.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, puis-je supposer que la
24 version anglaise, je dirais les six pages, à commencer par le numéro -- je
25 vous donne les derniers trois chiffres du numéro ERN, 290. Est-ce que vous
26 pouvez enlever ces pages, car il n'y a pas de traduction anglaise
27 correspondante.
28 M. TIEGER : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cinq pages donc.
2 M. TIEGER : [interprétation] Si vous voulez bien vous reporter à la
3 traduction anglaise page 353 --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --
5 M. TIEGER : [interprétation] Le nom des personne -- une liste de
6 personnes se trouve au numéro 83.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, nous avons maintenant à
8 nouveau la liste.
9 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que nous allons en connaître la source ?
10 M. TIEGER : [interprétation] Ce document était saisi à Bosanski Petrovac,
11 ainsi que tous les autres documents que nous avons examinés.
12 M. JOSSE : [interprétation] Je vais écouter le contre-interrogatoire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
14 M. TIEGER : [interprétation] Ce document en particulier venait du poste de
15 sécurité publique de Petrovac.
16 Q. Monsieur Radojko, si vous regardez ceci rapidement, ceci semble faire
17 figurer le nom de neuf à dix personnes dont le nom figure également sur la
18 liste à l'intercalaire numéro 22 qui a été versée au dossier, et que vous
19 avez eu l'occasion de voir l'autre jour. Il y a, à l'intercalaire numéro 22,
20 les documents que nous avons examinés, si vous voulez regarder ce document-
21 là. Si je puis vous aider, vous verrez qu'on y voit le nom de Husein Kartal,
22 et cetera.
23 R. Oui.
24 Q. Je souhaite savoir deux choses : est-ce que vous pouvez confirmer qu'il
25 y a chevauchement des noms sur les deux listes et que les noms qui figurent
26 sur ces listes sont des noms de personnes musulmanes ?
27 R. D'après leurs noms, il s'agit effectivement de Musulmans uniquement.
28 Mais à première vue, je n'en connais aucun. Mais d'après leurs noms, il
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1 s'agit bien de Musulmans.
2 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres
3 questions.
4 M. JOSSE : [interprétation] Je demande, s'il vous plaît, à ce que le témoin
5 sorte de la salle d'audience, car j'ai une question à poser à propos de ce
6 document.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, j'ai un problème, et il nous
8 faudrait encore du temps pour cela.
9 M. JOSSE : [interprétation] Il me faudra peut-être un certain temps. Je
10 souhaite adresser la Chambre à ce sujet et lui faire part de mes
11 préoccupations.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends fort bien. Mais nous sommes
13 très près de la pause, et s'il vous faut beaucoup de temps, il faut faire
14 une pause de toute façon. Est-ce que cela signifie que d'autres questions
15 en découleront, après le contre-interrogatoire du témoin ?
16 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je vais certainement en faire la demande.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous ne pouvons pas
18 terminer maintenant. Vous aurez l'occasion de vous adresser à la Chambre
19 après la pause.
20 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends très bien quelle importance
22 revêt une procédure pénale devant un tribunal. Néanmoins, pour nous, il est
23 très important d'entendre des dépositions et de ne pas parler de questions
24 de procédure. Bien sûr, je ne sais pas quelles questions vous souhaitez
25 soulever, Maître Josse, mais j'ai remarqué qu'au cours des dernières
26 journées, nous avons surtout parlé d'incidents de procédure. Je ne suis pas
27 en train de vous faire porter le blâme ou quoi que ce soit, je me tourne
28 également vers M. Tieger.
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1 Nous allons faire une pause et reprendre à 16 heures 25, et le témoin doit
2 être prêt à rentrer dans la salle d'audience.
3 M. JOSSE : [interprétation] J'aurais besoin d'un peu plus de temps. Je
4 souhaite aller voir l'autre témoin qui va être entendu après, si cela ne
5 vous gêne pas. Je dois examiner ce document avec beaucoup d'attention. Est-
6 ce que je peux demander une demi-heure de pause, s'il vous plaît ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous reprendrons à 16 heures 30.
8 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
9 [Le témoin se retire]
10 --- L'audience est suspendue à 16 heures 01.
11 --- L'audience est reprise à 16 heures 34.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, vous avez demandé du temps,
13 non seulement du temps sur un temps supplémentaire, mais un temps assez
14 considérable. J'ai parlé de questions de procédure. Je souhaite éviter le
15 danger dans lequel nous nous sommes trouvés hier, autrement dit,
16 d'appliquer à nouveau l'article 90(H)(ii), et faire en sorte que les choses
17 soient faites comme elles sont faites partout ailleurs. Je crois qu'il ne
18 s'agit pas de quelque chose d'une importance capitale, mais essayons de
19 nous en tenir à des questions de procédure vraiment. Venez-en au fait.
20 Veuillez poursuivre.
21 M. JOSSE : [interprétation] Le dernier document qui porte sur --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la liste.
23 M. JOSSE : [interprétation] Je sais que le temps est précieux pour tout le
24 monde. M. Tieger m'a informé - ceci était très utile sans que j'aie besoin
25 de lui demander pour être tout à fait équitable - qu'il accepte que j'ai
26 fait une remarque sur ce document, et que cela ne découle pas de mes
27 questions supplémentaires. Par conséquent, je suis tout à fait en droit de
28 poser des questions supplémentaires dessus.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela, c'est une des premières
2 remarques que j'ai faite à mes confrères hier lorsque avons quitté la salle
3 d'audience. Néanmoins, il n'a pas été autorisé à le faire hier; il pensait
4 trouver le temps maintenant.
5 M. TIEGER : [interprétation] Comme je l'ai dit, j'en ai immédiatement parlé
6 à M. Josse, et je m'excuse auprès des Juges de la Chambre. J'avais
7 l'intention de porter ceci à l'attention de la Chambre et de poser la
8 question.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 M. JOSSE : [interprétation] Je suis un peu perturbé par ce document. Avant
11 de poser des questions supplémentaires dessus, je souhaite demander si je
12 puis verser cela au dossier, car la réponse du témoin à la question ne
13 fournit pas suffisamment de fondement pour que son versement soit accepté,
14 son versement au dossier. Si la Chambre doit rendre une décision là-dessus
15 à ce stade de la procédure, j'ai besoin de poser d'autres questions au
16 témoin. Si la Cour m'oppose sur ce point, à ce moment-là, je souhaite poser
17 des questions supplémentaires.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, pourquoi devrions-nous
19 lire cette liste dans l'ordre connu lorsque Mujaga Didovic a été placé en
20 détention, on savait qu'elle menaçait les Serbes étant enfants ? C'est ce
21 que nous sommes censés apprendre de cela. Est-ce que cela rajoute quelque
22 chose à ce que nous savons déjà ?
23 M. TIEGER : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président, mon
24 interrogatoire là-dessus indique clairement qu'il y avait une dizaine de
25 personnes sur cette liste, et qui apparaissent sur la liste susmentionnée.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
27 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que c'est utile à cet égard.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui, nous avons entendu --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette liste ne portait-elle pas, d'après
3 ce que je vois, sur le fait d'arrêter des voitures et peut-être d'arrêter
4 des personnes ? Je crois que toute personne qui était en détention était
5 arrêtée avant d'être emmenée en détention. Je ne pense pas, qu'étant donné
6 ces circonstances, les Musulmans frappaient à la porte d'un centre de
7 détention et disent : S'il vous plaît, laissez-moi entrer. Maître Josse,
8 vous ne seriez pas d'accord si quelqu'un était détenu et qu'il était exact
9 de dire qu'il était arrêté avant d'être emmené en détention ?
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce serait une supposition tout à fait
11 normale.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A cet effet, par conséquent, nous n'en
13 avons pas besoin, Monsieur Tieger.
14 M. TIEGER : [interprétation] Bien. Ceci n'a pas été présenté pour montrer
15 qu'ils ont été arrêtés, mais simplement pour jeter les bases ostensibles ou
16 les raisons pour lesquelles ils ont été arrêtés.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne pensez-vous pas que ce témoin
18 pourrait nous parler de quelque chose à ce propos - bien sûr, nous voyons
19 sur la liste qu'une personne a été placée en détention également connue
20 sous le nom de Pike, et bien sûr, il y a d'autres points, je suppose - il
21 s'agissait d'un criminel et d'un nationaliste.
22 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que --
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce vous pouvez --
24 M. TIEGER : [interprétation] Oui, si je puis expliquer rapidement, peut-
25 être que ceci permettrait de résoudre le problème.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
27 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que c'est un document qui pourrait
28 peut-être avoir davantage, ou peut-être davantage considéré comme un
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1 document de contexte dans ce dossier ou quelque chose de la sorte. Ceci est
2 une idée qui m'est venue à l'esprit étant donné que le témoin ici -- devant
3 le témoin ici, Me Josse a dit qu'il souhaitait voir le document. Je crois
4 que, d'après la réponse du témoin, je crois aussi qu'il ne sait pas qui
5 sont ces personnes et ces individus, ce qui fait que ce serait plus
6 approprié de présenter ce document comme un document de contexte. Dans ces
7 circonstances-là, cela ne me pose pas de problème. Simplement, j'essaie
8 d'être très prudent. Je pensais que je présenterais ce document si le
9 témoin ne savait pas qui étaient ces personnes, s'il pouvait faire des
10 commentaires là-dessus et si Me Josse le souhaite. C'était la seule logique
11 que j'appliquais ici.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin nous a dit qu'il ne
13 connaissait pas ces gens. Nous pouvons lui demander de relire les noms.
14 Maître Josse, je crois qu'il serait approprié, et ce serait même une
15 solution d'en débattre davantage et de débattre le versement au dossier de
16 ce document, non pas un seul instant présent mais plus tard. Veuillez
17 examiner la question de savoir si oui ou non cela doit être versé comme un
18 document de contexte.En même temps, je suis tout à fait conscient du fait,
19 Monsieur Tieger, que nous sommes maintenant au moment où la Défense
20 présente ses moyens, et nous ne sommes pas au moment où l'Accusation
21 présente ses moyens. Il faut réfléchir davantage à cela et savoir quelles
22 pièces de contexte doivent être versées pendant la présentation des moyens
23 de la Défense.
24 M. JOSSE : [interprétation] Je dois dire que je suis d'accord avec M.
25 Tieger jusqu'à un certain point. Si ce document va être versé, il doit être
26 versé après que les questions aient été posées au témoin, permettant à la
27 Défense d'en parler et d'évoquer ce document pendant les questions
28 supplémentaires. L'argument que j'avance, c'est qu'il ne doit pas être
Page 21495
1 versé en tant que document de contexte. S'il doit être versé, il doit être
2 versé à la manière dont M. Tieger l'a présenté. Que ce soit bien clair. Je
3 m'oppose à cela, quoi qu'il en soit, pour les raisons que j'ai déjà
4 exposées. J'espère que ma position est tout à fait claire sur ce point,
5 Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous dites que si ce document
7 devait être versé, il doit être versé à la manière dont
8 M. Tieger l'a proposé. Même dans ce cas-là, vous vous opposez fortement au
9 versement au dossier de ce document.
10 M. JOSSE : [interprétation] Oui, précisément. Je demande à ce qu'une
11 décision soit rendue à cet effet pour les raisons que j'ai évoquées plus
12 tôt.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, la Chambre va rendre sa
15 décision. Elle n'accepte pas le versement au dossier à ce stade de la
16 procédure par l'intermédiaire de ce témoin-ci. Si à un moment donné une
17 demande serait présentée pour que ce document soit présenté comme document
18 de contexte, ceci poserait à la Chambre un nombre conséquent de questions
19 juridiques. J'espère que ceci ne se produira pas. A ce moment-là, nous ne
20 serons pas dans l'obligation de répondre à des questions juridiques fort
21 importantes. Telle est notre décision.
22 M. JOSSE : [interprétation] Lorsque le témoin va revenir dans la salle
23 d'audience, je dirai que je n'ai plus de questions.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait.
25 Faisons entrer le témoin dans le prétoire, s'il vous plaît.
26 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, ce document
28 a déjà un numéro de cote. De quel numéro s'agit-il ?
Page 21496
1 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1108 est la cote en question,
2 Messieurs les Juges.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci.
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 M. JOSSE : [interprétation] Comme vous le savez, Messieurs les Juges, je
6 n'ai plus de questions.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Radojko, Me Josse n'a plus de
8 questions à vous poser.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné que les Juges n'ont pas de
11 question à vous poser, je suppose, Monsieur Tieger, que je devrais vous
12 poser la question.
13 M. TIEGER : [interprétation] Je suis tout à fait étonné que vous vous soyez
14 adressé à moi, mais je dois vous dire que je n'ai plus de questions à poser
15 au témoin.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
17 Monsieur Radojko, étant donné que les Juges de la Chambre n'ont plus de
18 questions à vous poser non plus, cela signifie que cela met un terme à
19 votre déposition devant cette Chambre. Je souhaite vous remercier beaucoup
20 pour être venu. Vous êtes venu de loin jusqu'à La Haye pour faire votre
21 déposition et pour répondre aux questions qui vous ont été posées à la fois
22 par les parties et par les Juges de la Chambre. Je vous souhaite un bon
23 voyage de retour.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.
25 [Le témoin se retire]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est des pièces, il n'y a pas
27 énormément de nouvelles pièces. La plupart des pièces se trouvent dans les
28 classeurs, et ces dernières ont déjà été versées au dossier.
Page 21497
1 M. JOSSE : [interprétation] En ce qui concerne ce témoin en particulier, je
2 puis dire, avec une quasi-certitude, que le seul document dont je souhaite
3 le versement au dossier - j'ai vérifié le numéro - était le, je crois,
4 P1104, qui était le document venant d'une organisation humanitaire - non de
5 Reuters, pardonnez-moi.
6 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit de 1104.
7 M. JOSSE : [interprétation] 1104, c'est le document Reuters. Je vois que
8 les Juges disposent -- je suppose, je m'en remets à vous. Je ne sais pas
9 pendant combien de temps ou quand vous souhaitez entendre l'argument à cet
10 égard.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de temps souhaitez-vous ?
12 M. JOSSE : [interprétation] Deux minutes.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux minutes. Prenez vos deux minutes.
14 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, la Défense avance que
15 c'est exactement le type de document dont la Chambre ne devrait pas
16 accepter le versement au dossier. Car c'est un récit recueilli sur la base
17 d'un ouï-dire d'une organisation qui est censée faire des rapports là-
18 dessus. Le témoin n'a pas accepté les questions qu'ils lui ont posées à cet
19 égard. Mon éminent confrère choisit simplement d'en extraire une toute
20 petite partie. Il n'a pas accepté que ce document ait été suffisamment
21 précis. Cela n'a aucune valeur probante, d'après nous. Si cela n'a aucune
22 valeur probante, ceci est surtout un préjudice et pèse lourdement sur la
23 valeur probante. Donc, la Chambre ne devrait pas hésiter et refuser le
24 versement. C'est l'argument que nous avançons.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
26 M. TIEGER : [interprétation] Tout d'abord, j'ai peut-être mal cité le
27 document en question. Je sais qu'il y avait une série 1100, mais je ne sais
28 pas exactement de quel chiffre il s'agit.
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1 M. JOSSE : [interprétation] La série 1100, c'est comme les voitures,
2 Monsieur Tieger, vous savez.
3 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je crois que l'argument est sans
4 fondement parce que ceci a été mal utilisé dans une grande mesure. Je crois
5 que la préoccupation du conseil porte sur le versement de récits
6 journalistiques qui semblent prouver les événements qui se sont produits.
7 Ce document porte sur le type d'information disponible et fournie aux
8 autorités. C'est le type d'information qui a été mis en circulation. Ceci a
9 été fortement débattu pendant sa déposition. On a parlé de propagande, des
10 différents usages et incidents, ce que les informations peuvent avoir
11 lorsqu'elles sont mises en circulation et diffusées, comme cela a été dans
12 ce cas par les autorités serbes de Bosnie. Ce document porte précisément
13 là-dessus et sur les informations qui étaient disponibles aux Serbes de
14 Bosnie, informations venant des organisations internationales, lesquelles
15 informations étaient diffusées ou transmises aux organisations
16 internationales par les autorités serbes de Bosnie. Et comme preuve
17 minimale d'événements contemporains, la FORPRONU et la déclaration des
18 organisations internationales, il s'agit manifestement de documents qui ont
19 une valeur probante et qui sont pertinents.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger. Je voudrais
21 suggérer ce qui suit aux parties : pendant le témoignage de M. Radojko, il
22 a souvent été attribué des cotes, puis qui ont été retirées ultérieurement.
23 C'est la raison pour laquelle je demanderais au Greffier de préparer une
24 liste remise à jour de la totalité des documents qui ont été versés au
25 dossier par le biais du témoignage de M. Radojko. Nous allons avoir cela
26 sur nos pupitres d'ici à la prochaine audience, et nous allons rendre une
27 décision concernant le 1104, le rapport de la Reuters.
28 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Merci.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, êtes-vous prêt pour ce
2 qui est de citer le témoin suivant -- ou plutôt, est-ce que le témoin
3 suivant est prêt pour être cité par vos soins ?
4 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que le témoin est ici. C'est tout ce
5 que je peux vous dire, ou du moins, la première des choses que je peux vous
6 dire. Pour être tout à fait sincère, la situation logistique de la Défense,
7 si l'on met de côté la situation relative au témoin, n'est pas celle que
8 j'avais espérée. En effet, j'avais pensé que nous avions arrangé
9 l'organisation de copies relatives à toutes les sessions du gouvernement de
10 la Republika Srpska de 1992. Or, cela ne s'est pas produit. Une grande
11 partie de ces sessions se trouve être des plus pertinentes. Nous avions
12 pensé rétablir un classeur global qui serait utile par la suite aussi.
13 Monsieur le Président, j'aimerais que l'on m'autorise à essayer d'avancer
14 plus en avant sans cette documentation-là.
15 J'aimerais vous demander quelque chose --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.
17 M. JOSSE : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a un recueil complet des
18 audiences, ou plutôt des PV de sessions du gouvernement. M. Margetts, nous
19 a dit qu'il n'avait qu'une certaine quantité de sessions dans le recueil
20 qu'il avait préparé à l'intention du témoin, ce que je comprends
21 parfaitement bien. Alors, je me demande si l'Accusation ne dispose pas de
22 recueils plus complets ou plus nombreux pour compléter le reste. Si ce
23 n'est pas le cas, je comprendrais. Il n'y a pas de raison qu'il ait la
24 totalité.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais que nous avons d'énormes
26 classeurs, et je ne sais pas où retrouver tel ou tel autre document
27 s'agissant des différentes cotes. Je vais me pencher sur la question. Par
28 exemple, je sais que nous avons le P64, qui va du 1 au 28. Si nous arrivons
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1 à les retrouver - ce que je dois reconnaître - c'est que je suis quelque
2 peu préoccupé par tout ceci. Il faudrait quand même essayer d'alléger tout
3 ceci, étant donné que les Juges de la Chambre ont un accès aux versions
4 électroniques des documents qui ont déjà été versés au dossier. Je crois
5 que cela est valable pour l'Accusation. L'Accusation peut mettre cela sur
6 l'écran. La question que je me pose, c'est de savoir si nous avons
7 véritablement besoin de tous ces recueils.
8 M. JOSSE : [interprétation] Mais la bonne nouvelle, c'est que j'ai le jeu
9 complet, parce que la Défense se sert de ce jeu complet.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être serait-il bon de ne pas trop
11 nous servir des photocopieuses et voir s'il nous est possible de
12 fonctionner avec ce que nous avons déjà en main à présent.
13 M. JOSSE : [interprétation] La photocopieuse de la Défense se trouve à bout
14 de force déjà.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A bout de force déjà, oui.
16 M. MARGETTS : [interprétation] Nous allons également être à même de
17 localiser ce qu'il nous faut.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous allons pouvoir faire
19 placer cela sur nos écrans. Je vais demander à M. Margetts sous quel numéro
20 de cote pourrions-nous retrouver ? J'en ai pas mal dans mon ordinateur,
21 mais je ne suis pas certain d'avoir la série complète. Où s'agirait-il de
22 rechercher cela ? Est-ce qu'il s'agit du P529 ou du P64 ?
23 M. MARGETTS : [interprétation] Je crois que ce serait plutôt le P64A, mais
24 --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le P64A, j'ai 28 classeurs, et ici je
26 crois que cela va jusqu'au numéro 12.
27 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
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1 M. MARGETTS : [interprétation] Il me semble que nous avons une version
2 électronique de la totalité des traductions sur ce disque.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
4 M. MARGETTS : [interprétation] Nous pourrions le mettre --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous n'avez pas l'original ?
6 M. MARGETTS : [interprétation] Non, pas l'original.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le problème, c'est de placer cela au bon
8 endroit, à savoir dans nos ordinateurs. C'est la raison pour laquelle je
9 voudrais proposer --
10 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, nous vous demanderions
13 de commencer, et on verra bien jusqu'où il nous serait possible d'arriver.
14 M. JOSSE : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière.
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Lakic.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lakic, avant que vous ne
21 commenciez à témoigner devant cette Chambre, le Règlement de procédure et
22 de preuve requiert de votre part une déclaration solennelle aux termes de
23 laquelle vous diriez la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Le
24 texte de cette déclaration solennelle vous sera remis par Mme l'Huissière.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
26 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
27 LE TÉMOIN : NEDELJKO LAKIC [Assermenté]
28 [Le témoin répond par l'interprète]
Page 21502
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
2 Monsieur Josse, est-ce que vous souhaitez que je pose les quelques
3 questions de départ au témoin ou préféreriez-vous le faire vous-même ?
4 Peut-être pourrions-nous ensuite voir s'il conviendrait de poser des
5 questions complémentaires au témoin concernant ce qui s'est dit
6 aujourd'hui ?
7 M. JOSSE : [interprétation] Je préfère commencer.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.
9 Interrogatoire principal par M. Josse :
10 Q. [interprétation] Votre nom est bien Nedeljko Lakic, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous êtes né à Trebinje et c'est là que vous êtes allé à l'école ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous êtes diplômé de droit à la faculté de Sarajevo ?
15 R. Oui.
16 Q. Vous avez commencé à travailler au MUP de la Bosnie-Herzégovine ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez travaillé peu de temps au sein du ministère de la Défense ?
19 R. En effet.
20 Q. Ensuite, vous avez été embauché dans des services techniques du
21 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine. Vous étiez fonctionnaire public,
22 n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. En 1979, vous avez été nommé aux fonctions de sous-secrétaire au
25 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine ?
26 R. En effet.
27 Q. Vous étiez aussi membre de la Ligue des Communistes jusqu'en 1990,
28 n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Après les élections pluripartites, vous avez travaillé à la présidence
3 de la Bosnie-Herzégovine et votre poste a été celui de secrétaire du
4 Conseil chargé de la sauvegarde de l'ordre constitutionnel ?
5 R. Oui.
6 Q. Vous avez occupé ces fonctions entre 1983 et l'éclatement des conflits
7 en 1992, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Lorsque la guerre a éclaté, vous êtes allé résider à Pale, et peu de
10 temps après - nous reviendrons plus tard sur les détails - vous êtes devenu
11 secrétaire du gouvernement de la Republika Srpska, position que vous avez
12 conservée jusqu'en 1998, n'est-ce pas ?
13 R. J'étais secrétaire du gouvernement.
14 Q. Lorsque le gouvernement de la Republika Srpska est passé à Banja Luka,
15 vous avez trouvé un emploi là-bas en qualité d'inspecteur auprès du
16 gouvernement, n'est-ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Par la suite, vous avez travaillé pour le gouvernement de la Bosnie-
19 Herzégovine, qui vous emploie de nos jours encore ?
20 R. A la présidence de la Bosnie-Herzégovine, excusez-moi.
21 Q. C'est moi qui m'excuse. Je vous remercie de l'éclaircissement apporté.
22 Alors, vous y travaillez de nos jours encore à mi-temps ?
23 R. J'ai pris ma retraite il y a deux ans, et ils m'ont embauché sur la
24 base d'un contrat à temps partiel, en free-lance. Mais je suis retraité de
25 par mon statut.
26 Q. Je voudrais d'abord, pour ce qui est des questions les plus importantes
27 que j'aurais à vous poser, vous demander quelque chose au sujet du Conseil
28 de la sauvegarde de l'ordre constitutionnel. A quoi cela servait-il ?
Page 21504
1 R. Ce Conseil chargé de la sauvegarde de l'ordre constitutionnel était un
2 organe de travail qui était chargé de la préparation de documents à
3 l'intention des sessions de la présidence, et -- oui, je puis aller ?
4 Q. Oui.
5 R. Cette instance ne pouvait pas prendre décisions de façon autonome, mais
6 sa tâche consistait à préparer les documents pour les sessions de la
7 présidence. Je peux continuer ? Les documents ont été préparés partant de
8 la documentation qui nous était communiquée par les soins des ministères,
9 ministères dont les ministres faisaient partie intégrante de ce conseil. Le
10 conseil était composé sur des bases ethniques, à savoir, il était composé
11 des représentants des trois peuples constitutifs. Donc, il s'agissait d'une
12 composition ethnique.
13 Pour ce qui est de la composition en substance, je dirais qu'il y
14 avait des représentants du gouvernement, de l'assemblée, et du ministère de
15 l'Intérieur. Et si besoin était, d'autres représentants d'autres instances
16 pouvaient également être présents aux sessions du gouvernement si à l'ordre
17 du jour il y avait des documents les concernant. Ce serait, en termes brefs,
18 ce que je pourrais vous dire.
19 Q. Avant 1992, y a-t-il eu des tensions ethniques présentes qui se
20 seraient répercutées sur ce qui se passait au niveau du conseil ?
21 R. Oui. On a pu ressentir davantage déjà les tensions ethniques, tensions
22 qui se manifestaient au niveau des contacts directs, au niveau des citoyens
23 de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Cela était moins le cas
24 pour ce qui est des relations entre les différents organes et institutions
25 au sein de la Bosnie-Herzégovine.
26 Je me propose de vous citer un exemple que je qualifierais de normal
27 pour ce qui est des citoyens. Si dans un milieu monoethnique, par exemple,
28 il venait une personne appartenant à un autre groupe ethnique --
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1 L'INTERPRÈTE : Les interprètes précisent à l'intention du témoin que point
2 n'est besoin d'aller si lentement.
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3 Q. Monsieur Lakic, j'aimerais vous aider. Je voudrais que vous soyez plus
4 concret, et j'aimerais notamment que vous indiquiez aux Juges de la Chambre
5 de quelle façon ces tensions interethniques ont commencé à se manifester de
6 plus en plus souvent dans le cadre des activités de ce Conseil chargé de la
7 sauvegarde de l'ordre constitutionnel avant l'année 1992.
8 R. En 1990, il y a eu ces élections où les partis nationaux l'ont emporté.
9 Je pense que c'est à partir de ce moment-là qu'il y a eu des tensions sur
10 des bases ethniques. A partir donc de la victoire de ces partis nationaux.
11 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse --
13 M. JOSSE : [interprétation] Je voudrais demander aux Juges de la Chambre de
14 prier au témoin de sortir du prétoire pour quelques instants afin que nous
15 passions à huis clos partiel, je vous prie.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 Monsieur Lakic, je vous demanderais de suivre Mme l'Huissière aux
18 fins de quitter le prétoire pour quelques instants.
19 [Le témoin se retire]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Le Greffier, nous allons passer
21 à huis clos partiel, je vous prie.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Un instant je
23 vous prie. Il s'agit aussi de vider la galerie du public.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aviez demandé un huis clos partiel.
25 Oui, mais ce n'est pas possible dans ce prétoire.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
27 le Juge.
28 [Audience à huis clos partiel]
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25 [Audience publique]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
27 Pour que les parties soient au courant, au cours de la pause, j'ai
28 demandé au Greffier d'expurger une des questions que j'ai posée, ainsi que
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1 la réponse qui a été donnée par le témoin. Les informations que nous avons
2 reçues font qu'on ne nous a pas dit qu'il y ait des raisons qui nous
3 empêchaient de continuer, donc Madame l'Huissière, s'il vous plaît,
4 pourriez-vous demander au témoin de rentrer dans le prétoire.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lakic, veuillez-vous asseoir.
7 Monsieur Lakic, nous comprenons bien que c'est un nouvel environnement pour
8 vous et que vous ne vous sentiez sans doute pas très à l'aise. C'est pour
9 cela que nous avons demandé une pause supplémentaire. Si à un moment
10 quelconque vous avez des difficultés, soit à comprendre les questions ou si
11 vous vous sentez mal à l'aise, posez la question qui vous vient à l'esprit
12 immédiatement, ou dites : J'aimerais une pause supplémentaire; il me faut
13 un petit quart d'heure. Donc, posez la question. Il suffit de procéder
14 lentement. Avant la pause, je vous ai posé une question et vous avez
15 répondu. C'est une question qui a été expurgée, donc ce ne sera plus
16 public. Cela ne figurera pas au compte rendu.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends bien. Et la réponse que j'ai
18 donnée quand même était tout à fait correcte aussi.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai bien compris cela. Mais de
20 toute manière, la question ainsi que la réponse ont été rayées du compte
21 rendu.
22 M. Josse maintenant va poursuivre son interrogatoire.
23 Monsieur Josse, vous avez la parole.
24 M. JOSSE : [interprétation]
25 Q. Avant la pause, Monsieur Lakic, je vous demandais comment les tensions
26 ethniques se manifestaient dans le cadre du Conseil pour la sauvegarde de
27 l'ordre constitutionnel en 1991.
28 R. C'était il y a 15 ans; c'est pour cela qu'il m'est difficile d'être
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1 très précis dans mes réponses. Cela fait quand même très longtemps. Je ne
2 pensais pas avoir à répondre à des questions portant sur les réunions du
3 conseil. Je pense que c'était lors de la 12e Session du conseil -- enfin,
4 que c'était cette 12e Session du conseil qui a été si importante en ce qui
5 concerne les relations ethniques en Bosnie-Herzégovine. La réunion avait
6 été organisée par Biljana Plavsic, qui était membre de la présidence et du
7 conseil --
8 Q. Je vous arrête tout de suite. Je vais essayer de vous aider un petit
9 peu. Ma question est très spécifique. Il est vrai que c'était il y a très
10 longtemps. Peut-être si on pouvait regarder certains documents, cela
11 permettrait de vous rafraîchir un peu la mémoire.
12 M. JOSSE : [interprétation] Je vais distribuer un dossier que l'Accusation
13 n'avait pas jusqu'à présent. Il y a différentes pièces. Il y a un petit
14 problème avec l'intercalaire 1, mais ce n'est pas un problème avec le
15 témoin. Je l'ai déjà expliqué à mes éminents collègues. L'intercalaire
16 numéro 1 du témoin est parfaitement correct.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
18 M. JOSSE : [interprétation] Il y a d'autres dossiers, bien sûr, pour la
19 Chambre et pour les interprètes.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le premier document est déjà versé au
21 dossier ?
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, en effet. Il s'agit du P64A à l'onglet 1.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lakic, -- Madame l'Huissière,
24 il faudrait d'abord s'assurer que les documents ne sont pas en contact avec
25 le micro, parce que cela fait beaucoup de bruit.
26 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Je disais que cela fait partie de la pièce
27 P64A --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous être plus spécifique,
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1 Monsieur Josse ?
2 M. JOSSE : [interprétation] Non, malheureusement.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas de numéros pour les
4 dossiers ?
5 M. JOSSE : [interprétation] Non.
6 M. Margetts a été très --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, dans ce cas-là --
8 M. JOSSE : [interprétation] M. Margetts a été très utile en ce qui concerne
9 d'autres documents.
10 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, j'essaie de trouver la note de pied de
11 page qui correspond à ce document.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, nous avons le dossier
13 avec les numéros d'intercalaires.
14 M. MARGETTS : [interprétation] Oui. Il y a un peu de confusion en ce qui
15 concerne les pièces Treanor. Le 64 et le 64A, on y fait principalement
16 référence dans les notes de pied de page.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, je suis tout à fait perdu.
18 Enfin, essayons de poursuivre.
19 M. JOSSE : [interprétation]
20 Q. Il s'agit, Monsieur Lakic, de la 13e Session du conseil. Voici le
21 document que vous avez sous les yeux. C'est une réunion qui s'est tenue à
22 Sarajevo le 9 mars 1992. S'agit-il bien de cette réunion dont vous aviez
23 commencé à nous parler ?
24 R. Oui. Il s'agit de la session du Conseil pour la sauvegarde de l'ordre
25 constitutionnel. C'était une session extrêmement importante à mon avis
26 parce que lors de cette réunion, la situation politique en Bosnie-
27 Herzégovine a été scrutée de près. La conclusion principale du conseil
28 était la suivante : la situation politique était difficile et il y avait
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1 risque de guerre civile. Pour prévenir cet état de fait, le conseil a
2 décidé qu'il fallait prendre toute mesure possible pour éviter qu'il y ait
3 un conflit en Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait de traiter de la
4 réorganisation de l'armée parce que le SDA, le parti d'Alija Izetbegovic,
5 avait demandé que tous les membres musulmans, qu'on appelle maintenant
6 Bosniens, se retirent, et la plupart d'entre eux d'ailleurs se sont
7 retirés. Le conseil a ensuite demandé que l'armée soit réorganisée de façon
8 à ce que la nouvelle organisation reflète la composition ethnique de la
9 République socialiste de Bosnie-Herzégovine.
10 La deuxième conclusion est dans le même but. Il fallait réorganiser
11 le ministère de l'Intérieur. Il fallait améliorer sa gestion des ressources
12 humaines ainsi que ses travaux. C'est une demande pour que les forces de
13 police en réserve et que la Défense territoriale soit activées. Ces deux
14 dernières entités faisaient partie des forces armées de Bosnie-Herzégovine,
15 avec l'armée bien sûr, en tant que telle.
16 La troisième conclusion était la suivante : l'administration de la
17 justice et ses organes, le SUP, le bureau du procureur et toute la branche
18 judiciaire devaient aussi améliorer leur efficacité et prévenir tout
19 conflit en Bosnie-Herzégovine.
20 Il en est suivi une conclusion encore plus générale qui était que
21 toutes les entités d'Etat de la Bosnie-Herzégovine participent activement
22 dans ce processus. Je pense que j'ai fait une bonne synthèse de la position
23 du conseil. Ce document a été diffusé à tous les organes étatiques en
24 Bosnie-Herzégovine. Le conseil ne pouvait pas prendre de décision sur quoi
25 que ce soit. Il ne pouvait que faire des recommandations aux organes
26 d'Etat, et toutes les recommandations émanant du conseil sont ensuite
27 rediscutées par le gouvernement.
28 Maintenant, pour ce qui est de la raison expliquant pourquoi le président
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1 du conseil avait organisé cette réunion le 12 mars, c'est à cause des
2 élections de 1990 qui avaient précédé et qui avaient fait naître énormément
3 de tensions, comme je l'ai déjà dit. Surtout les événements qui avaient eu
4 lieu le 28 ou le 29 février et le 1er mars, quand des Musulmans et des
5 Croates ont participé à un référendum et ont décidé, suite à ce référendum,
6 qu'il y ait indépendance de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine
7 et que cette indépendance soit déclarée. Ceci correspondait à une violation
8 de la constitution ainsi que la violation des droits d'un des peuples
9 constitutifs de la République, c'est-à-dire les Serbes. La constitution ne
10 peut pas être amendée. On ne peut pas entériner les résultats d'un
11 référendum à moins qu'il n'y ait eu une majorité des deux tiers en faveur
12 de ces résultats. Si je me souviens bien, en 1990, dans la République
13 socialiste de Bosnie-Herzégovine, les Serbes représentaient environ 35 % de
14 la population et aucun d'entre eux n'ont participé au référendum. Après le
15 référendum, un chaos s'est installé à Sarajevo ainsi que dans d'autres
16 parties de la Bosnie. Enfin, je ne peux vous parler guère que de Sarajevo
17 puisque c'est là que j'habitais. Dans les quartiers où les Serbes étaient
18 en majorité, ils ont érigé des barrages routiers, et les Musulmans ont fait
19 la même chose dans leurs quartiers où ils étaient en majorité. En même
20 temps, il s'est passé quelque chose de très grave pour ce qui est des
21 Chrétiens. Les Musulmans ont assassiné des invités lors d'un mariage.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Lakic. Je peux peut-être
23 vous expliquer une chose. La plupart des choses que vous venez de me dire
24 nous sont connues. Nous l'avons appris par les dépositions d'autres
25 témoins. Par exemple, ce mariage auquel vous avez fait allusion, où il y a
26 eu l'assassinat des invités, on l'a déjà entendu plusieurs fois. J'aimerais
27 que vous répondiez vraiment aux questions spécifiques de M. Josse. Nous
28 avons entendu énormément de dépositions jusqu'à présent, et nous voudrions
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1 juste surtout entendre ce que vous pouvez ajouter à l'affaire. M. Josse
2 vous pose des questions en ayant pleine connaissance de ce que nous savons
3 déjà. Il ne veut de vous que des informations que nous ne connaissons pas
4 encore.
5 Monsieur Josse, si vous pouviez vous aussi vous en souvenir dans
6 l'élaboration de vos questions.
7 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Margetts.
9 M. MARGETTS : [interprétation] Je peux maintenant vous donner des
10 informations sur la première pièce qui est le compte rendu de la 13e
11 Session du Conseil pour la sauvegarde de l'ordre constitutionnel. Il s'agit
12 de la pièce P64A, qui est au dossier 4, note de pied de page 46.
13 Puisque je suis encore debout, M. Josse peut peut-être poursuivre avec
14 l'intercalaire 2, s'il le veut. Il pourrait peut-être noter qu'il s'agit du
15 P64A, qui se trouve au dossier 25, note de pied de page 718.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. De toute façon, nos pièces sont
17 organisées de façon très différente sur l'ordinateur. Cela ne m'aide pas
18 énormément. Enfin, continuez.
19 M. JOSSE : [interprétation] Quant à nos dossiers, ils ne sont pas du tout
20 organisés, visiblement.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez quand même continuer,
22 Monsieur Josse.
23 M. JOSSE : [interprétation] Très bien.
24 Q. J'aimerais, Monsieur Lakic, que nous regardions tout d'abord le point
25 1, donc l'ordre du jour de cette réunion de la
26 13e Session. Il y est écrit la chose suivante : "Tous les membres du
27 conseil qui participent à la réunion ont pris part à la discussion. Ils ont
28 considéré que la situation de politique en matière de sécurité en
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1 République de Bosnie-Herzégovine était critique, et que si des mesures
2 n'étaient pas prises immédiatement, il y avait risque de conflit et de
3 guerre civile.
4 "Le conseil s'est mis d'accord pour faire les propositions suivantes
5 :
6 "Tout d'abord, les autorités du gouvernement ainsi que les
7 institutions du gouvernement pertinentes doivent être capables de garantir
8 l'état de droit au sein du pays, et doivent garantir aussi que la
9 constitution est pleinement respectée. C'est pour cela que l'une des
10 questions prioritaires à prendre en compte était la présence des
11 paramilitaires des trois peuples de la République."
12 J'aimerais vous demander ce que vous pensez de cette dernière phrase. Lors
13 de cette réunion du mars 1992, quel était, à votre avis, ce que l'on
14 voulait dire --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, vous lisez, et les
16 interprètes ont du mal à suivre, surtout dans la cabine française.
17 Pourriez-vous lire un peu plus lentement.
18 M. JOSSE : [interprétation] Je m'excuse.
19 Q. Monsieur Lakic, lors de cette réunion, quel était, d'après vous, l'état
20 des paramilitaires parmi les trois communautés ethniques de Bosnie-
21 Herzégovine ?
22 R. Oui. Je suis de la même opinion, je suis d'accord. J'ai rédigé les
23 positions qui ont, éventuellement, qui ont par la suite été adoptées par le
24 conseil.
25 Q. En ce qui concerne les Serbes, de quelles formations paramilitaires
26 aviez-vous connaissance ?
27 R. Je crois que c'était les Aigles blancs. Enfin, je ne me souviens pas
28 qu'il y en ait eu d'autres à ce moment-là. Je sais bien que du côté
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1 musulman, le SDA - un an auparavant - pour ce qui est des Musulmans, il y
2 avait eu deux structures paramilitaires qui avaient été établies. Alija
3 Izetbegovic a, d'ailleurs, reconnu cela lors d'une assemblée du SDA, avant,
4 bien sûr, qu'il ne décède. Pour ce qui est des Croates, je ne peux pas vous
5 dire exactement quelles étaient les formations paramilitaires qui
6 existaient de ce côté-là.
7 Cela dit, à ma connaissance, l'armée régulière de la République de
8 Croatie était entrée dans le territoire de Bosnie-Herzégovine à Sijekovac,
9 et il y a eu là un massacre contre les Serbes. Je souhaitais vous présenter
10 ceci en guise d'illustration pour indiquer l'état chaotique des choses à
11 l'époque.
12 Q. Il y a une autre partie de ce document sur lequel je souhaite vous
13 poser des questions. Veuillez regarder le numéro 5, s'il vous plaît. Nous
14 voyons --
15 R. Oui. Nous voyons qu'il est écrit sous le point numéro 5, on y déclare -
16 - ou plutôt, étant donné qu'il a été déclaré que les partis nationaux ont
17 peut-être été à l'origine de la situation, on en a conclu que l'armée et
18 les agences chargées de faire respecter la loi devraient être plus
19 efficaces si les opérations menées par ces différentes agences étaient une
20 opération menée de façon distincte, et non pas assimilée à celle des partis
21 politiques.
22 Q. A ce moment précis, étiez-vous, vous-même, membre d'un parti
23 politique ?
24 R. Non.
25 Q. Vous avez dit à la Chambre que vous avez quitté le Parti communiste en
26 1990. Après cela, avez-vous jamais rejoint un autre parti politique ?
27 R. Oui.
28 Q. Quel parti politique ?
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1 R. A la fin de l'année 1993, je suis devenu membre du Parti démocratique
2 serbe.
3 Q. Pourquoi êtes-vous devenu membre de ce parti à cette date-là ?
4 R. Parce que je pensais que quelqu'un qui n'était pas membre du SDS ne
5 pouvait occuper aucun poste et aucune fonction en Republika Srpska.
6 Q. Pourquoi n'êtes-vous pas devenu membre de ce parti en 1992 ?
7 R. Parce que je n'étais pas d'accord avec l'organisation d'un état sur des
8 bases ethniques.
9 Q. A ce moment-là environ, aviez-vous un poste fixe ?
10 R. Monsieur le Président, je ne comprends pas la question.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous reformuler votre phrase ?
12 M. JOSSE : [interprétation] Certainement.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] A quelle époque ?
14 M. JOSSE : [interprétation]
15 Q. C'est de ma faute. Au mois de mars 1992, juste avant que la guerre
16 n'éclate, le poste que vous occupiez au sein du gouvernement de Bosnie-
17 Herzégovine était-ce un poste stable, sûr ?
18 R. Pardonnez-moi. Au sein de la présidence, au sein de la présidence. Le
19 Parti démocratique serbe m'a quasiment mis à l'écart du poste que
20 j'occupais, qui était celui de secrétaire de la présidence. Personne ne m'a
21 proposé un autre poste. Je crois que la présidence avait rendu une décision
22 là-dessus. Je devais être renvoyé.
23 Q. Regardons cela maintenant, s'il vous plaît. Si vous le voulez bien,
24 regardons l'intercalaire numéro 3.
25 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, pardonnez-moi, ce
26 document n'a pas été traduit. Nous n'allons pas regarder le long passage de
27 ce document, malheureusement.
28 Q. Monsieur Lakic, vous avez devant vous le procès-verbal de la 17e
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1 Session de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, qui s'est
2 tenue le 25 avril -- pardonnez-moi, le 24 avril 1992. Il s'agit de la 77e
3 Session; est-ce exact ?
4 R. Je n'ai pas vu de document qui évoquait des sessions de la présidence.
5 La session en question s'est tenue le 22 avril et le
6 23 avril -- ou plutôt le 24 avril et le 25 avril. J'étais déjà retourné à
7 Pale car c'est là que j'habitais.
8 Q. Je crois que nous ne nous comprenons pas. Veuillez vous reporter à la
9 page suivante et regardez le point numéro 2 ?
10 R. Oui.
11 Q. Très bien. Nous constatons que sous le point numéro 1, on peut lire
12 votre nom; est-ce bien votre nom ?
13 R. Oui, oui. Je le vois.
14 Q. Qu'est-ce qu'on peut lire après votre nom ?
15 R. "Sur proposition de la Commission chargée de l'organisation du
16 personnel et d'affaires relatives à la présidence de la République de
17 Bosnie-Herzégovine, la présidence a pris la décision suivante : Nedeljko
18 Lakic doit être relevé de sa fonction de conseiller de la république à la
19 présidence chargé des tâches qui incombent au secrétaire du Conseil pour la
20 sauvegarde de l'ordre constitutionnel."
21 Q. Pourquoi avez-vous compris - pour être tout à fait juste, c'est quelque
22 chose que vous avez déjà expliqué ou quasiment expliqué - les raisons pour
23 lesquelles vous avez été renvoyé de votre poste ?
24 R. Parce que le Parti démocratique serbe avait décidé que je ne pouvais
25 plus occuper ce poste, que je devais être renvoyé et que quelqu'un d'autre
26 devait être nommé à ma place. C'était Radovan Leskovic.
27 Q. Il s'agit de Radovan Neskovic, n'est-ce pas ?
28 R. Oui. Radomir Neskovic.
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1 Q. Il est exact de dire, n'est-ce pas, que vous n'avez jamais vu le
2 procès-verbal de cette réunion, que vous n'avez pas, bien évidemment,
3 assisté à cette réunion.
4 R. Non, je ne pouvais pas puisque je travaillais à Pale.
5 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce qu'on peut attribuer une cote à cet
6 intercalaire, s'il vous plaît ?
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] L'intercalaire numéro 3 aura la cote
8 numéro D146.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Le Greffier.
10 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
11 Q. Nous avons un petit peu devancé la chronologie, Monsieur Lakic, de
12 façon à ce que vous puissiez répondre à cette question-là. Pourquoi avez-
13 vous quitté Sarajevo ?
14 R. C'est quelque chose que j'ai expliqué il y a fort longtemps. Il y a dix
15 ans, j'ai construit une maison familiale à Pale, dont je me servais comme
16 maison de week-end.
17 Q. Je vais vous arrêter là. Vous ne voulez pas dire dix ans en arrière;
18 vous voulez parler de dix ans à partir de l'année 1992; c'est exact ?
19 R. Oui, depuis le début de la guerre, à partir du début de la guerre.
20 Q. Veuillez continuer.
21 R. Je vis toujours dans cette maison.
22 Q. Veuillez exposer aux Juges de la Chambre, Monsieur Lakic, s'il vous
23 plaît, les raisons pour lesquelles vous avez quitté Sarajevo. Vous nous
24 avez expliqué que vous aviez une maison à Pale, qui était une maison de
25 week-end.
26 R. Oui. C'est une maison qui fait 120 mètres carrés. Vous pouvez l'appeler
27 comme vous voulez. J'aime bien l'exercice physique. Au printemps et en été,
28 j'avais l'habitude de m'occuper de mon jardin. En hiver, je m'y rendais
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1 pour faire du ski. J'ai une femme et deux fils. Nous aimons tous skier.
2 C'est beaucoup plus proche du mont Jahorina que de Sarajevo.
3 Q. Bien. Je vais maintenant vous poser une question très directe là-dessus.
4 Vous êtes parti en avril 1992. Vous avez quitté Sarajevo; c'est cela ?
5 R. Le 3 avril, ou plutôt le 4 peut-être. Soit le 3, soit le 4 du mois
6 d'avril.
7 Q. Pourquoi êtes-vous parti ? Pourquoi avez-vous quitté Sarajevo ? La
8 Chambre comprend fort bien que vous aviez un autre endroit où vous pouviez
9 aller. Pourquoi êtes-vous parti, en réalité, pour toujours ? Pourquoi avez-
10 vous quitté Sarajevo pour toujours ?
11 R. La première raison -- ou plutôt, la raison principale de mon départ
12 était, bien sûr, parce que je souhaitais m'en servir comme maison de week-
13 end. La deuxième raison était que j'avais un ami musulman qui m'a indiqué
14 qu'il était bon que j'aille à cet endroit-là, que je puisse ainsi être à
15 l'abri. Parce qu'il était à Pale et il savait quelle était la situation à
16 cet endroit-là. Mon fils portait l'étoile à cinq branches sur son couvre-
17 chef. Ils l'appelaient --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu comment on appelait son fils.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon ami m'a dit que je devais peut-être ne pas
20 me faire trop remarquer pendant un certain temps. L'autre raison était que
21 je passais beaucoup de temps à Pale pendant le week-end. Je souhaitais
22 rentrer, parce que j'étais censé être de permanence et que c'était dimanche
23 après-midi. Je suis monté à bord d'un bus d'Uzice à Kraljevo. J'ai ensuite
24 demandé au chauffeur du bus s'il se dirigeait vers Sarajevo.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Lakic, vous nous donnez
26 beaucoup de détails ici. Me Josse vous a posé une question bien précise. Il
27 vous a demandé pourquoi êtes-vous parti. Je crois que vous nous avez donné
28 un indice, lorsque vous nous avez dit que : "La deuxième raison était qu'un
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1 de mes amis, un Musulman, m'a suggéré que je devais m'y rendre, de façon à
2 être à l'abri."
3 Souhaitez-vous poser une question là-dessus --
4 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je souhaite effectivement poser une
5 question directe là-dessus.
6 Q. N'est-il pas exact que votre jeune fils, à l'époque, votre fils cadet
7 qui, à l'époque, avait 17 ans, était un supporter du club de football qui
8 s'appelait l'Etoile rouge ?
9 R. Oui.
10 Q. Qu'on lui lançait des insultes à cause de cela - j'entends sur un plan
11 ethnique ?
12 R. Oui. On lui reprochait de suivre l'Etoile rouge là où elle jouait. Mis
13 à part Tokyo, on savait qu'il aimait beaucoup le sport.
14 Q. Est-ce qu'il est arrivé quelque chose à votre fils aîné qui aurait une
15 importance quelconque ?
16 R. Oui. Il travaillait au MUP. C'était l'époque où le MUP s'était
17 subdivisé en deux parties. Il est rentré à la maison pour prendre des
18 effets; des vêtements, du matériel, enfin de quoi entretenir son hygiène.
19 Il a été emprisonné. Il a été malmené par des voisins qui faisaient partie
20 des Bérets verts. Ils l'ont battu. Il a été accusé d'avoir ouvert le feu
21 depuis le toit de la maison sur des Bérets verts. Le Musulman qui habitait
22 à l'étage du haut est descendu et il a affirmé, il a dit : J'affirme que
23 personne n'a tiré depuis ma maison. Le commandant du -- le chef du poste de
24 police qui couvre, sur un plan territorial l'endroit où j'habitais, a
25 appris la chose et il a contacté les Bérets verts pour que mon fils soit
26 acheminé là-bas.
27 L'un de ceux qui étaient présents lorsque mon fils aîné a été malmené, a
28 été convoqué par le chef de la police, qui lui a dit : Faites venir
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1 Nebojsa; c'est ainsi qu'il s'appelle. Il a précisé que pas un cheveu de sa
2 tête ne devait manquer. Il fallait qu'on l'emmène là-bas. C'est ce qui a
3 été fait. Comme mon fils a travaillé dans la police, il a tout de suite dit
4 que ce n'était pas vrai, qu'il n'avait pas tiré. Il a voulu qu'on fasse un
5 test au gant à la paraffine pour déterminer - je crois qu'avec ce test, on
6 peut déterminer sur les cinq ou six jours précédents si on avait ouvert le
7 feu ou pas. Le commandant, le chef de poste, lui a dit : Nebojsa, je sais
8 bien que tu ne l'as pas fait. Quitte la colline de Kosevo [phon] et va dans
9 la partie de la police qui était déjà séparée des autres.
10 Q. Qu'est-il advenu de votre appartement de Sarajevo ?
11 R. Mon appartement se trouvait à la colline de Kosevo. Comme il le savait
12 - puisque c'était un appartement appartenant à la présidence - pendant un
13 certain temps, cet appartement a été fermé à clé, on a mis des scellés.
14 Lorsque par la suite, on s'était mis à la recherche d'appartement,
15 l'appartement a été débloqué, et on y a installé plusieurs réfugiés. Je ne
16 sais vraiment pas vous dire d'où ces gens-là étaient venus. Après bon
17 nombre de difficultés, lorsque j'ai récupéré mon appartement, grâce aux
18 organisations internationales notamment, l'appartement a été démoli
19 complètement. Comme je suis originaire de Trebinje, ma femme, enfin toute
20 ma famille, les enfants aussi, j'ai procédé à un échange de mon appartement
21 pour un appartement à Trebinje.
22 Q. Au début du mois d'avril 1992, c'est bien cela, c'est à ce moment-là
23 que vous, votre fils cadet et votre femme, vous avez déménagé à Pale; c'est
24 exact ?
25 R. Oui.
26 Q. Lorsque vous êtes arrivé à Pale, vous viviez de quoi ?
27 R. J'allais à la Croix-Rouge.
28 Excusez-moi. J'allais, disais-je, à la Croix-Rouge. Je croyais que
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1 j'allais rentrer, je ne m'étais pas préparé. L'appartement est resté vide.
2 Il s'agissait d'aider la famille à survivre. Je suis allé à la Croix-Rouge,
3 et c'est eux qui me donnaient des vivres pendant un certain temps.
4 Q. Qu'en était-il d'un emploi ? Comment vous y êtes-vous pris pour trouver
5 un emploi ?
6 R. Comme j'ai constaté que les vivres n'étaient pas une solution au niveau
7 de la Croix-Rouge, j'ai appris qu'il y avait des hauts responsables qui
8 étaient venus à Pale. J'ai d'abord retrouvé Nikola Potkonjac. Je me suis
9 adressé à lui. Pourquoi ? Parce qu'il avait travaillé à la présidence.
10 C'était un membre de la présidence. C'est quelqu'un que je connaissais. Je
11 ne sais plus qui est-ce qui m'avait fait la suggestion. On m'avait dit :
12 Nedeljko - parce que les gens connaissaient ma carrière. Alors, ils m'ont
13 d'abord dit d'aller au tribunal de simple police pour organiser le
14 fonctionnement de ce tribunal. J'y ai travaillé à peu près un mois, environ
15 un mois, peut-être un peu plus.
16 Q. Que s'est-il passé pendant ce mois-là, ou plutôt, après ce mois-là, en
17 termes d'emploi ?
18 R. J'allais tous les jours au travail. Il y avait deux femmes juges. Je
19 les ai aidées à faire fonctionner le tribunal de simple police. J'allais
20 régulièrement aussi à la Croix-Rouge pour chercher de la nourriture afin
21 d'avoir de quoi nourrir ma famille.
22 Q. Comment cela s'est-il passé ? Dans quelles conditions avez-vous quitté
23 cet emploi et comment êtes-vous devenu secrétaire du gouvernement ?
24 R. J'avais beaucoup de connaissances à Pale, des gens qui étaient venus à
25 Pale. Un jour Trifo Komad est arrivé et il m'a dit que j'étais convoqué
26 pour travailler au gouvernement. Le premier ministre était Branko Djeric.
27 Je tiens à préciser que M. Djeric, c'était quelqu'un que je n'avais jamais
28 vu de ma vie, dont je n'avais entendu parler que par les médias. C'est
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1 ainsi qu'au départ, on a commencé par l'organisation des différentes
2 instances, et j'ai pris part à l'organisation du fonctionnement.
3 Q. Nous allons essayer de donner un cadre temporel à tout ceci en
4 regardant ce document.
5 M. JOSSE : [interprétation] Je vous demande de bien vouloir placer ceci sur
6 le rétroprojecteur.
7 Monsieur le Président, il s'agit d'une session du Conseil de sécurité
8 national de la République de Bosnie-Herzégovine. Ceci est daté du 27 avril
9 1992. C'est la 5e Session du gouvernement, comme cela s'appelle, et ce
10 document a été versé au dossier à de multiples reprises dans cette affaire,
11 donc il y a différents numéros qui figurent sur ce document.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez nous donner le numéro le plus
13 simple, c'est ce qui est le plus facile.
14 M. JOSSE : [interprétation] 583, j'espère.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 583, merci.
16 M. JOSSE : [interprétation] C'est la deuxième page qui nous intéresse.
17 Q. Sur cette deuxième page, nous pouvons lire, n'est-ce pas, Monsieur
18 Lakic : "Nomination et renvoi : Nenad Jovanovic est renvoyé de son poste de
19 secrétaire du gouvernement, et Nedeljko Lakic, un avocat diplômé, est nommé
20 à sa place."
21 R. Je le vois.
22 Q. Ceci est --
23 R. Nenad Jovanovic était un juriste diplômé lui aussi. Il était venu
24 travailler à Pale avant moi. Il est tombé malade. Par la suite, il a été
25 opéré de haut niveau de son œil, mais je ne sais pas quelle a été l'issue.
26 Je pense qu'elle a peut-être même été tragique. Les raisons ont été des
27 raisons médicales.
28 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que vous voulez bien me redonner ces
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1 documents, s'il vous plaît.
2 Q. Il y a quelques instants, vous avez dit à la Chambre qu'aux environs de
3 cette date, le mois de mars 1992, le SDS a tenté de vous renvoyer du poste
4 que vous occupiez au sein du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.
5 R. Pas au gouvernement, la présidence de la BiH.
6 Q. Pardonnez-moi, vous avez raison de me corriger. Dans un sens ou dans
7 l'autre, vous aviez un emploi au sein de la présidence de la Bosnie-
8 Herzégovine. Comment se fait-il que vous ayez été nommé à cette position de
9 responsabilité au sein du gouvernement de la Republika Srpska ?
10 R. La raison en a été la suivante : ils savaient que j'accomplissais ces
11 tâches-là pendant au moins 20 ans. Avant que de travailler à la présidence,
12 j'étais sous-secrétaire au gouvernement -- plutôt, au conseil exécutif, ce
13 qui était à l'époque le gouvernement. Auparavant, j'avais tout le temps
14 travaillé dans des instances de l'administration de l'Etat. Puis, j'étais
15 devenu secrétaire de ce conseil. La nature de ses tâches est à peu près la
16 même que celle du sous-secrétaire au gouvernement, à savoir au conseil
17 exécutif de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Je vais peut-
18 être manquer de modestie, mais je dirais que ce sont des qualités
19 professionnelles qui les ont motivé à me nommer à ces fonctions-là. D'un.
20 De deux : il n'y avait pas de juriste du tout à travailler à ces
21 tâches professionnelles. Il a notamment été question de ce conseil, et au
22 conseil on s'était demandé qui est-ce qui pourrait accomplir lesdites
23 tâches, mis à part le dénommé Nenad au sujet de qui j'ai dit qu'il était
24 tombé très malade et qu'il a dû être opéré d'urgence. Je ne sais pas du
25 tout quelle a été l'issue de cette opération.
26 Q. Demain, nous allons examiner divers documents qui portent sur le poste
27 auquel vous avez été nommé. Mais avant de vous poser des questions là-
28 dessus, je vous demande de décrire, dans les grandes lignes, le poste que
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1 vous avez occupé au sein du gouvernement de la Republika Srpska en 1992.
2 R. En 1992, et ni plus tard d'ailleurs, je n'ai pas été membre du
3 gouvernement. Je n'étais pas une personnalité politique. Je n'ai été chargé
4 que de l'organisation du fonctionnement du gouvernement, et de la
5 réalisation des conclusions adoptées aux sessions du gouvernement. De part
6 la nature de mes tâches, je dirais qu'il s'agissait d'un poste de
7 professionnel.
8 Q. Veuillez donner une indication aux Juges de la Chambre quant au nombre
9 de personnes qui étaient placées sous votre responsabilité en tant que haut
10 fonctionnaire du gouvernement.
11 R. En 1992, il n'y avait qu'une seule femme qui travaillait là, qui
12 n'était pas juriste, mais qui avait une formation supérieure. Elle se
13 trouvait être professeur. Il y avait je ne sais combien d'employés avec une
14 formation secondaire. C'étaient des secrétaires, des dactylos, pour
15 l'essentiel.
16 Q. Comment s'appelait cette femme qui avait un diplôme universitaire ?
17 R. Elle s'appelle maintenant Draginja Antelj, mais je n'arrive plus à me
18 rappeler son nom de jeune fille. A présent, elle s'appelle Draginja Antelj.
19 Q. Quelles étaient les fonctions de Rajka Stanisic ?
20 R. Je ne le sais pas pour sûr. Parce que vers le mois de mai, le
21 gouvernement a été transféré à Pale. De fait, elle n'a jamais
22 officiellement travaillé pour le gouvernement. Je ne suis pas trop sûr,
23 mais je crois qu'elle avait travaillé soit pour la présidence, soit pour le
24 président du parlement. Je ne sais pas trop. Parce que, physiquement, nous
25 n'étions pas au même endroit. Nous nous trouvions à 30 kilomètres l'un de
26 l'autre, et le volume de travail était si grand. Je peux vous montrer le
27 nombre de dispositions que nous avons rédigées. Je crois que j'ai participé
28 à la rédaction de quelque 80 % des réglementations publiées à la Gazette
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1 officielle de la Republika Srpska. Tout un chacun saurait vous le dire,
2 j'ai travaillé pendant 18 heures par jour, ce qui fait que je n'étais
3 centré que sur la préparation des sessions du gouvernement et la
4 distribution des conclusions adoptées par celui-ci. Je dirais qu'en 1992,
5 il a dû y avoir quelque 90 sessions du gouvernement. A l'occasion de
6 certaines sessions, il y avait une cinquantaine de points à l'ordre jour.
7 C'était un travail énorme.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, après deux ou trois lignes
9 concernant Rajko Stanisic, le témoin a parlé d'un tout autre sujet. Si
10 c'est la réponse que vous souhaitiez entendre, j'ai eu tort de
11 l'interrompre.
12 M. JOSSE : [interprétation] Non, pas du tout.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pouvez contrôler ceci davantage.
14 A cinq ou six lignes plus bas, il commence à parler de ses propres
15 fonctions, ce qui n'avait aucun rapport avec votre question. Veuillez
16 poursuivre.
17 M. JOSSE : [interprétation] Oui, c'est une question que j'ai posée un peu
18 plus tôt.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pour que les Juges de la Chambre
20 puissent suivre le témoignage, il est préférable de ne pas associer les
21 questions et les réponses au niveau du compte rendu, et d'avoir quelque
22 part un ordre logique.
23 M. JOSSE : [interprétation]
24 Q. Quand vous avez été nommé secrétaire du gouvernement, où se trouvait
25 exactement le gouvernement, et je parle de son emplacement physique ?
26 R. Pendant un moment très court, pendant à peu près dix jours, c'était
27 dans le bâtiment Kikinda, et ensuite le gouvernement a emménagé dans
28 l'hôtel Bistrica à Jahorina.
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1 Q. Pourquoi a-t-il emménagé dans cet endroit ?
2 R. A Kikinda, il n'y avait absolument rien pour travailler. Il n'y avait
3 même pas de salle de réunion. Il me semble même que les téléphones ne
4 fonctionnaient pas.
5 Q. On peut dire que le gouvernement est parti pour Jahorina en mai de 1992
6 ?
7 R. Oui, il me semble que c'était au début mai, mais je n'en suis pas très
8 sûr.
9 Q. Quand on vous a nommé à ce poste, y avait-il déjà d'autres membres du
10 gouvernement en poste ?
11 R. Quand j'étais nommé, il me semble qu'à ce moment-là, il y avait trois
12 ou quatre membres du gouvernement, avec le premier ministre qui était à la
13 tête du gouvernement.
14 Q. Nous savons que le premier ministre était Branko Djeric. Dans quelle
15 mesure est-ce que votre poste demandait que vous soyez en contact avec lui
16 ?
17 R. Du fait de la nature même de mon poste, j'étais très souvent en contact
18 avec le premier ministre. Parce qu'en accord avec les ministres qui avaient
19 été nommés et qui ont été nommés ensuite dans l'intervalle, il faisait des
20 propositions, et ensuite je me mettais d'accord avec lui pour savoir quel
21 calendrier on allait mettre sur pied pour les sessions et aussi quels
22 étaient les points à mettre à l'ordre du jour. Après les séances du
23 gouvernement, c'était moi qui gardais le compte rendu, et ensuite on se
24 mettait d'accord sur la mise en œuvre quant à savoir exactement comment on
25 allait mettre en œuvre tout ce qui avait été décidé, et ensuite les
26 préparer pour communication au bulletin officiel. En revanche, s'il y avait
27 des lois et d'autres choses qui avaient été adoptées par l'assemblée, dans
28 ce cas-là on faisait des propositions appropriées et on les envoyait devant
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1 l'assemblée pour qu'il y ait débat parlementaire.
2 Q. Quelle était la fréquence de vos contacts avec le premier ministre ?
3 R. Je l'ai déjà dit. Il y a eu environ 95 sessions au cours de l'année
4 1992, et parfois il y avait un ordre du jour qui couvrait plus de 40
5 points. Quand on prend tout cela en compte, on voit qu'il y avait au moins
6 une session du gouvernement toutes les semaines, ce qui signifie qu'il
7 fallait que je contacte le première ministre au moins deux fois par
8 semaine.
9 Q. J'essaie d'élaborer un petit peu la scène. Est-ce que vous pouvez nous
10 dire la distance entre votre bureau et le sien ?
11 R. C'est un grand hôtel. A ma connaissance, je crois qu'il peut héberger
12 entre 300 et 400 touristes. Je crois que je ne suis jamais entré dans sa
13 pièce, mais il y avait des salles de réunions très vastes. C'est là qu'il y
14 avait les sessions et c'est là aussi qu'il y avait des réunions chaque fois
15 que nous devions nous mettre d'accord sur quelque chose.
16 Q. Dans quelle mesure est-ce que votre poste demandait à ce que vous soyez
17 en contact avec la présidence ?
18 R. Je n'ai jamais été en contact avec la présidence.
19 Q. C'était la même chose pour les autres membres de la présidence; vous
20 n'étiez en contact avec aucun d'entre eux ?
21 R. On pourrait dire que je n'avais pas de contacts officiels avec eux.
22 Quant à savoir si je les rencontrais, comme par exemple feu Nikola
23 Koljevic, si c'est ce que vous voulez dire par contact, oui eux, parfois je
24 les rencontrais. Mais pour ce qui est des contacts officiels avec la
25 présidence, je n'en ai jamais eu.
26 Q. Dans un document que nous avons déjà vu, on a un peu tiré la conclusion
27 que vous connaissiez bien Mme Plavsic. Elle était présidente du conseil au
28 sein duquel vous étiez le secrétaire.
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1 R. Correcte. Je connaissais très bien Mme Plavsic. Nous avions travaillé
2 ensemble à la présidence, avec M. Koljevic. Nous avions préparé des
3 sessions du Conseil pour la sauvegarde de l'ordre constitutionnel. Parfois,
4 nous avions des contacts avec la présidence quand, bien sûr, ces réunions
5 ne se tenaient pas dans le contexte d'autres réunions avec le conseil.
6 Q. Qu'en est-il de Radovan Karadzic ? Est-ce que vous avez traité avec lui
7 après que vous soyez devenu secrétaire du gouvernement ?
8 R. Je ne me souviens pas d'avoir jamais été en contact avec Radovan
9 Karadzic. Je n'avais pas besoin et donc je n'avais pas de contact.
10 D'ailleurs, je ne le connaissais pas. Je ne le connaissais pas
11 personnellement avant d'arriver à Pale.
12 Q. Qu'en est-il de Momcilo Krajisnik ? L'aviez-vous rencontré avant
13 d'arriver à Pale ?
14 R. Non, jamais. Je ne le connaissais pas. Je ne crois jamais avoir eu le
15 moindre contact personnel avec lui. Je ne le connaissais que par
16 l'intermédiaire des médias, quand il y avait les sessions de l'assemblée de
17 la République socialiste de la Bosnie-Herzégovine.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, je suis en train de
19 regarder la pendule et j'ai un point de procédure à soulever. Si vous
20 pouviez trouver un moment adéquat --
21 M. JOSSE : [interprétation] Je pense que le moment est venu d'ailleurs.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, Monsieur Lakic, nous
23 allons en arrêter là. J'ai bien l'impression que vous vous sentez mieux
24 quand même, beaucoup plus à l'aise que quand vous avez commencé à déposer,
25 n'est-ce pas ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est toujours difficile de commencer. Comme
27 je l'ai dit, au début de ma déposition, je me sentais très mal à l'aise
28 parce que c'est la première fois que je suis témoin. C'est pour cela que je
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1 me sentais mal. Pour ce qui est de ce que le Président m'a reproché, que je
2 parlais trop lentement, on m'a dit qu'il fallait que je parle lentement
3 puisque ceci est interprété, c'est enregistré, et cetera.
4 Puis, je n'étais pas très sûr, quand on me posait des questions, s'il
5 fallait que je regarde le Président ou s'il fallait que je regarde plutôt
6 la personne me posant la question, donc j'avais un peu de mal à comprendre
7 ce qui se passait au début.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'en suis rendu compte, et je
9 crois que maintenant vous êtes beaucoup plus à l'aise. Quand je regarde les
10 interprètes, je pense que la façon dont vous parlez leur convient
11 parfaitement, donc parlez naturellement, c'est ce qu'il y a de mieux à
12 faire.
13 Monsieur Lakic, nous allons reprendre demain. Je tiens à vous demander de
14 ne parler à personne de la déposition que vous avez faite jusqu'à présent
15 et que vous allez continuer demain. On vous reverra demain, Monsieur Lakic,
16 demain après-midi, à 14 heures 15, dans ce prétoire. Madame l'Huissière,
17 pourriez-vous, s'il vous plaît, escorter le témoin hors de la salle.
18 [Le témoin se retire]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense a répondu, le 8 mars, à
20 l'ordonnance chapeau qui avait été déposée le 2 mars. J'aimerais en parler.
21 La Chambre de première instance doit encore décider sur le versement au
22 dossier de certains éléments à la vue de la réponse de la Défense déposée
23 le 8 mars 2006, en réponse à l'ordonnance chapeau du 2 mars. Tout d'abord,
24 étant donné que la Défense, dans sa réponse du 2 mars, a fait remarqué
25 qu'elle ne voulait pas que l'élément D84 soit traduit, ce document qui
26 avait été versé au dossier de façon provisoire ne sera donc plus versé au
27 dossier, et la pièce à conviction numéro D94 [comme interprété], enfin le
28 numéro de cette pièce est maintenant disponible pour être donné à une autre
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1 pièce.
2 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce qu'on a utilisé qu'on ne "voulait" pas ?
3 Peut-être qu'on a utilisé ce mot quand on a rédigé la requête, mais c'était
4 non intentionnel. Ce n'est pas ce qu'on veut dire en anglais.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je crois que c'est que vous ne
6 pouviez pas le faire traduire.
7 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je corrige donc en disant que dans votre
9 réponse du 2 mars, la Défense a dit qu'elle n'était pas capable de donner à
10 la Chambre une traduction du D84, et donc ce document qui avait été admis à
11 titre provisoire n'est plus admis, et les conséquences restent identiques.
12 M. JOSSE : [interprétation] En effet.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
14 Deuxièmement, suite à qu'il n'y a pas eu d'objection au versement des
15 éléments sous les cotes D133 et D138, la Chambre, par la présente, admet
16 les éléments D133 et D138 et les verse au dossier.
17 Troisièmement, en ce qui concerne l'élément D114, la Chambre demande à la
18 Défense de lui fournir une version en anglais du document D114 au 20 mars.
19 Quatrièmement, en ce qui concerne l'élément D123, la Chambre donne, par la
20 présente, un délai supplémentaire de dix jours à la Défense avant de
21 fournir la pièce. Il faudra que cette pièce soit fournie au 27 mars au plus
22 tard.
23 Ensuite, pour ce qui est de la pièce D139, la Chambre regrette qu'elle ait
24 mentionné, dans son ordonnance chapeau, qu'elle avait donné des conseils à
25 la Défense pour ce qui est du versement de cette pièce, car cela n'a pas
26 été fait. La Chambre demande à la Défense de fournir le CD de l'interview
27 ainsi qu'une version en B/C/S du script de ladite interview. Le CD et le
28 script devront être donnés à la Chambre au 27 mars.
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1 Ceci conclut les commentaires de la Chambre sur la réponse fournie par la
2 Défense le 8 mars.
3 De plus, la Chambre aimerait informer la Défense sur ce qui a trait à des
4 éléments ayant reçu une cote provisoire, cotes de l'Accusation au cours de
5 l'interrogatoire du témoin Savkic. La Chambre demande à la Défense
6 d'informer la Chambre, dès le début de l'audience demain, tout d'abord, il
7 faut que la Défense mentionne auxquels de ces éléments Savkic la Défense
8 est encore opposée; et ensuite, s'il y a encore des points pour lesquels la
9 Défense souhaite s'opposer, il faudrait, dans ce cas-là, que la Défense
10 étaye sa thèse et en informe la Chambre.
11 M. JOSSE : [interprétation] Merci. Tout est très clair.
12 La Chambre doit encore nous donner une date pour les arguments en ce qui
13 concerne les pièces Poplasen.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --
15 M. JOSSE : [interprétation] Cela nous aiderait beaucoup si vous nous
16 donniez quand même un petit peu de délai.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous fixons la date maintenant, cela
18 vous donnera sans doute un délai supplémentaire ?
19 M. JOSSE : [interprétation] Oui, j'en suis ravi.
20 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, la liste Radojko a
22 été distribuée maintenant entre les deux parties, et nous pouvons donc
23 traiter de cela de façon efficace, mais ce n'est pas le moment de le faire.
24 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever la séance jusqu'à
26 demain après-midi à 14 heures 15, même prétoire.
27 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le vendredi 17 mars
28 2006, à 14 heures 15.