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1 Le mardi 28 mars 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. Monsieur le Greffier, pourriez-
6 vous, s'il vous plaît appeler l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-00-39-
8 T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
10 Monsieur Stewart, êtes-vous prêt à poursuivre l'interrogatoire principal de
11 notre témoin ?
12 M. STEWART : [interprétation] Tout à fait prêt. Cela dit, M. Haider a
13 demandé à un technicien de venir nous aider parce que j'ai un petit peu de
14 mal à "booter" l'ordinateur, mais je pense que ceci va s'arranger d'ici que
15 le témoin arrive.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. STEWART : [interprétation] Je pense qu'il est absolument inutile que le
18 témoin utilise ses écouteurs parce que cela lui sert absolument à rien.
19 Elle entend de toute façon --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à moins que les interprètes en
21 B/C/S veulent lui dire quelque chose, mais je ne pense pas que ce soit
22 nécessaire.
23 M. STEWART : [interprétation] Oui, je pense qu'il n'est peut-être pas utile
24 pour elle d'avoir les écouteurs toute la journée sur les oreilles. On
25 pourrait peut-être l'alerter s'il y a besoin de lui faire savoir quelque
26 chose.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est tout à fait possible.
28 M. STEWART : [interprétation] Oui, je suis à peu près prêt. Je maîtrise la
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1 situation.
2 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
3 LE TÉMOIN : SVETLANA CENIC [Reprise]
4 [Le témoin répond par l'interprète]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Madame Cenic.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Asseyez-vous.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons juste vous demander s'il
10 vous était vraiment utile d'avoir ces écouteurs et je pense que cela
11 n'ajoute pas grand-chose pour vous. Si vous préférez ne pas mettre les
12 écouteurs, n'hésitez pas. Cela dit, si vous pouviez vraiment attendre et
13 pauser entre les questions et les réponses, ce serait vraiment beaucoup
14 plus efficace pour les interprètes.
15 Madame Cenic, je tiens aussi à vous rappeler que vous êtes toujours tenue
16 par la déclaration solennelle que vous avez faite au début de votre
17 déposition.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends bien.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez
20 poursuivre votre interrogatoire.
21 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
22 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Cenic.
23 R. Bonjour.
24 M. STEWART : [interprétation] J'ai quand même besoin de quelques secondes
25 pour obtenir la note sur mon ordinateur.
26 Q. Madame Cenic, hier on vous a posé des questions sur l'administration de
27 la municipalité. Vous nous avez décrit, tout d'abord, la prise de contrôle
28 pacifique du bâtiment de la municipalité, ensuite le déménagement sur
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1 l'hôtel Park; nous aimerions savoir maintenant combien de personnes étaient
2 impliquées dans la gestion de la municipalité de Vogosca ? Quels étaient
3 les effectifs ?
4 R. Pour ce qui est de la paperasserie et des travaux administratifs, nous
5 n'étions que deux.
6 Q. Vous faisiez de cette gestion administrative de la municipalité pour
7 tous les habitants, quelle que soit leur nationalité ?
8 R. Oui. Les autorisations de quitter Vogosca et de quel que camp que l'on
9 soit devaient être obtenues pour pouvoir passer tranquillement les points
10 de contrôle. Cela s'applique aux familles serbes aussi.
11 Q. Vous avez parlé des permis encore une fois, mais il y avait quand même
12 d'autres points qui étaient traités par votre gestion administrative, vous
13 ne faisiez pas que donner des permis ?
14 R. Tout d'abord, le ravitaillement en essence était assez limité. Le
15 carburant disponible était principalement utilisé par les véhicules
16 d'entreprises ou les véhicules officiels, si on peut les appeler ainsi.
17 C'était aussi pour les utilisations les plus importantes. Il fallait avoir
18 une espèce de coupon, enfin un morceau de papier quelconque qui permettait
19 d'avoir de l'essence, pour obtenir du carburant. C'étaient des coupons qui
20 donnaient droit à une certaine quantité d'essence.
21 Q. Y avait-il d'autres aspects de la gestion municipale quotidienne que
22 vous effectuiez avec votre collègue Branka ?
23 R. Il y a eu des problèmes de véhicules qui venaient de l'entreprise Tas.
24 Grand nombre de ces véhicules avaient été assemblés et on a commencé à
25 piller l'entreprise, à voler les automobiles qui avaient été assemblées,
26 donc mes fonctions administratives, enfin c'était vraiment une tentative
27 parce que cela n'a pas été vraiment couronné de succès, mais nous avons
28 essayé de mettre en place une procédure pour écouler les véhicules qui se
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1 trouvaient encore dans l'usine; suite à une décision de la présidence de la
2 municipalité, ces véhicules assemblés, sortis d'usine, ont été donnés à
3 certaines personnes, mais ces personnes devaient avoir un papier, enfin une
4 décision qui leur permettait d'obtenir ces véhicules.
5 Q. Madame Cenic, nous reviendrons plus tard sur ces véhicules, mais
6 parlons plutôt des permis, des autorisations de quitter le territoire de la
7 municipalité. Quelle était la procédure exacte ? Quiconque voulait quitter
8 la ville se devait de traverser les points de contrôle, il fallait d'abord
9 qu'ils aillent au bureau personnellement; c'est cela, dans votre bureau ?
10 R. En effet, une des personnes de la famille en question venait au Park
11 hôtel et demandait ce permis ou cette approbation ou cette autorisation de
12 quitter le territoire, enfin, je ne sais pas comment vous voulez l'appeler.
13 Q. Ensuite, ce serait signé par quelqu'un; ce permis était signé,
14 j'imagine ?
15 R. Oui. Parfois c'était juste signé par Mme Cvijetic et moi-même.
16 Q. Il n'y avait pas besoin d'aller plus haut, d'aller à M. Tintor ou qui
17 que soit; vous étiez habilitées à le signer, Branka et vous ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous nous avez parlé d'un protocole, vous avez gardé un registre; il y
20 avait un registre dans lequel vous notiez tous ces permis qui avaient été
21 donnés ?
22 R. Oui. Chaque permis était numéroté et les numéros correspondaient au
23 numéro qui était inscrit sur le registre, et il y avait aussi une copie des
24 documents qui était archivée avec le registre.
25 Q. Vous nous avez dit qu'il n'y avait pas que les Musulmans qui venaient
26 chercher ce permis. Pourriez-vous nous dire, juste pour avoir une idée,
27 combien de familles non musulmanes sont venues chercher un permis ?
28 R. Je ne peux pas vous donner un nombre exact, mais à peu près un tiers
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1 des Serbes ont quitté Vogosca, juste pour vous donner un idée de ce qui
2 s'est passé.
3 Q. Y avait-il d'autres travaux administratifs qu'il fallait faire quand
4 une personne voulait quitter la ville, obtenir une autorisation de quitter
5 le territoire, d'autres documents qui auraient à voir avec le carburant ?
6 R. Je suis désolée, vous me demandez si on leur donnait du carburant pour
7 partir ? C'est cela ? C'est à cela que vous faisiez allusion ?
8 Q. Je vous demande s'il fallait faire encore signer un papier ou obtenir
9 encore un papier pour traiter des problèmes de carburant pour les
10 véhicules ?
11 R. Non. Il n'y avait plus de papier à faire. Soit M. Tintor, soit une
12 autre personne de la présidence de l'administration municipale. Je ne sais
13 pas très bien comment les appeler, parfois ces personnes donnaient des
14 consignes et nous, on était là uniquement pour faire le travail
15 administratif, les papiers. Comment vous expliquer ? On n'avait pas de PC,
16 on n'avait pas d'ordinateurs, on avait juste une machine à écrire. On a
17 conçu une petite fiche, on l'a multipliée et on la remplissait à la main
18 ensuite.
19 Q. Y avait-il une procédure quelconque ou des exigences spéciales qui
20 avaient à voir avec les propriétés qui étaient détenues par les personnes
21 qui demandaient un permis ?
22 R. Non. Je vais dire ce qui se passait. Voilà ce qui se passait exactement.
23 Je vais vous donner un exemple. Les gens venaient à l'hôtel Park avec une
24 carte d'identité, enfin un moyen d'identité. Ensuite, ils nous donnaient
25 leur nom, le nom des membres de la famille aussi. On notait tout cela sur
26 nos fiches. Voilà. Cela n'allait pas plus loin. Si je puis le dire, c'était
27 un papier qui leur garantissait le passage en toute sécurité au travers des
28 "checkpoints", qu'ils aillent quelle que soit la direction qu'ils
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1 empruntent.
2 Q. Avez-vous déjà refusé une autorisation ? Est-ce qu'il y a des personnes
3 qui n'ont pas eu cette autorisation ?
4 R. Non, jamais. Tout le monde a eu droit à son autorisation après l'avoir
5 demandée.
6 Q. A votre connaissance, est-ce que vous savez si une personne, après
7 avoir obtenu ce permis, donc avoir quitté la ville, avez-vous connaissance
8 d'une personne dont les biens auraient été saisis, si je puis dire à
9 Vogosca ?
10 R. Je ne sais pas si des gens sont venus emménager dans les appartements
11 laissés vides ou dans les maisons laissées vides. Cela, je n'en sais rien.
12 Je crois que je me souviens de quelques cas, un petit camp de jeunes hommes,
13 des jeunes qui ont emménagé dans deux ou trois appartements laissés vides.
14 Je sais aussi que plus tard des réfugiés serbes qui venaient d'autres
15 municipalités, j'imagine qu'ils ont emménagé dans ces logis laissés vides.
16 Je ne connais pas de chiffre exact. Je ne pense pas que cela a été fait de
17 façon organisée. En tout cas, cela n'a pas été fait de façon organisée
18 pendant ma présence. On n'a jamais eu la moindre idée d'organiser ce type
19 de chose.
20 Q. Quand vous parlez de quelques cas, vous parlez de jeunes qui auraient
21 emménagé dans des appartements vides. De quoi parlez-vous, de jeunes hommes
22 serbes qui auraient emménagé dans des appartements laissés vides; c'est
23 cela ?
24 R. Oui.
25 Q. Quand vous avez quitté Vogosca, c'est-à-dire, au début juillet; c'est
26 bien cela ?
27 R. Je ne me souviens pas de la date exacte. C'était fin juin, début
28 juillet. Je le sais, parce que pendant quelques semaines, j'ai habité à
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1 Trebevic. Ma famille est arrivée à Trebevic, c'est-à-dire, Pale, le 2 août
2 1992. Ils sont arrivés depuis Ilijas.
3 Q. Parfait. Au moment où vous avez quitté Vogosca, combien restait-il de
4 Musulmans, à votre avis, dans la ville de Vogosca ?
5 R. A dire vrai, je n'en connais pas le nombre exact. Je n'ai jamais fait
6 l'effort de savoir exactement combien ils étaient exactement. Pendant une
7 ou deux semaines, il y avait de plus en plus de monde qui est arrivé au
8 Park hôtel. J'essaie de calculer les têtes, combien il y en avait en
9 moyenne par jour. Disons qu'il y avait à peu près une douzaine de familles
10 qui venaient par jour. C'est au plus haut. Ensuite, il y a eu moins de
11 personnes. Il y avait beaucoup moins de demandes d'autorisation. Etant
12 donné que tous les registres ont été conservés - je ne sais pas si la
13 Chambre de première instance a pu voir ces documents - mais ils existent.
14 Je pense que pour vous, si vous vouliez vraiment savoir, ce serait de les
15 compulser.
16 Q. Merci, Madame Cenic, de nous donner cette information. Vous nous parlez
17 de documents, n'est-ce pas, qui ont été pris de Vogosca et qui ont été
18 emmenés à Pale en 1992. Enfin, ils n'ont pas été pris pour être détruits ou
19 quoi que ce soit, mais ils ont été envoyés à Pale en juillet 1992 ?
20 R. Oui, en juillet 1992, en effet. J'ai demandé que l'on mette ces
21 documents en sûreté pour qu'ils soient conservés de façon sûre. Parce qu'à
22 mon avis, c'étaient des documents importants, qui étaient plutôt importants
23 pour nous qui étions là pendant ces quelques mois plutôt que pour toute
24 autre personne.
25 Q. Vous dites que vous avez demandé qu'on les place en lieu sûr. Ils sont
26 allés à Pale ?
27 R. C'était une grande boîte, un carton avec le registre, tous les
28 exemplaires, tous les doubles, enfin toute la paperasserie, les doubles des
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1 documents qui avaient été émis au cours de cette période. La boîte -- le
2 carton a d'abord été emmené à Kikinda, ensuite, cela a été stocké quelque
3 part, archivé je ne sais où.
4 Q. Vous dites que vous ne pouvez pas nous donner une réponse très précise.
5 Pourriez-vous nous donner une idée de la proportion de la population
6 musulmane qui avait quitté Vogosca quand vous avez quitté la ville vous-
7 même ?
8 R. Ce que je peux vous dire avec certitude, c'est que quelques centaines
9 de personnes sont parties. Je ne voudrais pas spéculer là parce que je ne
10 sais pas.
11 Q. On va laisser tomber un peu les circonstances, puisque ce n'est pas là-
12 dessus que va porter ma question. Pour ce qui est de votre expérience, est-
13 ce que vous avez vu des Musulmans qui étaient obligés de quitter Vogosca ?
14 R. Je n'ai pas été témoin de la moindre action allant dans ce sens,
15 tentative allant dans ce sens.
16 Q. Vous nous avez décrit votre administration municipale, quand vous étiez
17 au Park hôtel, en tout cas. Au moins à ce moment-là, il y avait une
18 administration serbe qui essayait de gérer Vogosca du mieux qu'elle pouvait,
19 alors qu'à Vogosca, il y avait toujours une population mixte avec des
20 Serbes, des Musulmans et peut-être même quelques Croates. Cela reflète
21 fidèlement ce qui s'est passé ?
22 R. Oui, à l'époque, la population était encore mixte, jusqu'à la fin mai à
23 peu près. Après, je crois qu'un grand nombre de Musulmans, enfin de
24 Bosniens ont quitté Vogosca. Ils sont allés soit vers Sarajevo, soit vers
25 Visoko.
26 Q. On peut dire même qu'il y avait une administration serbe qui gérait à
27 Vogosca, qui était encore de fait une population mixte à l'époque ?
28 R. Oui.
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1 Q. Y avait-il une résistance ou des réclamations de la part des Musulmans
2 ou des Croates d'ailleurs, par rapport à cette situation, le fait que la
3 ville était gérée par des Serbes ?
4 R. Il n'y avait aucune protestation. Je crois que personne n'était en
5 mesure de se rassembler quelque part, en tout cas, pas à cette époque-là.
6 Q. Y a-t-il eu des tentatives ou des propositions faites par la population
7 musulmane pour demander à faire partie de l'administration que vous
8 dirigiez ?
9 R. Je ne sais pas si de telles tentatives ont été faites. Je ne sais pas
10 si des représentants de ces organes ou de ces autorités leur ont parlé. Je
11 ne sais pas.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je souhaite poser
13 quelques questions sur des points que vous avez traités. Ceci n'est pas
14 tout à fait clair à mes yeux.
15 Vous dites qu'il y a une centaine de personnes, en parlant des Musulmans,
16 qui sont restées. Est-ce que vous entendez des familles ? Est-ce que vous
17 entendez des personnes ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-ci, je faisais référence au nombre
19 de personnes, Monsieur. Nous parlons d'un peuple qui vit toujours. Je ne
20 veux pas faire de spéculation là-dessus. Je sais, et c'est un fait, qu'il y
21 a une centaine de personnes qui sont parties à cette époque-là alors que
22 j'étais là.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous dites quelques centaines,
24 vous voulez dire 200 ou 400; c'est cela que vous voulez dire ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, grosso modo.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Prenons le chiffre moyen, alors, 300.
27 Qu'est-ce que cela signifie en termes de répartition ? Combien de Musulmans
28 y avait-il ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] A vrai dire, je ne sais pas. Je crois qu'il y
2 avait quelques milliers d'habitants. Je ne connais pas les chiffres de la
3 population à la Vogosca. Je crois qu'il faudrait regarder les statistiques
4 à cet égard. Comme je vous l'ai déjà dit, je supposais que le rapport entre
5 la population serbe et bosnienne était 50-50. Il n'y avait pas beaucoup de
6 Croates. J'ai déjà insisté là-dessus. J'ai dit que la population bosnienne
7 habitait surtout à Vogosca même, alors que les Serbes étaient propriétaires
8 des terres et des biens fonciers dans les environs. Je ne connais pas les
9 chiffres exacts et les statistiques.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il y avait une population
11 de Serbes et Bosniens qui était de 50-50. Vous avez parlé de plusieurs ou
12 d'un millier de Musulmans qui vivaient à cet endroit-là --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec votre permission, il y avait quelques
14 milliers d'habitants en tout à Vogosca.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était une municipalité qui était assez
17 petite.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites plusieurs milliers, 3 000, 2
19 000.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] A vrai dire, je ne sais pas, 4 à
21 5 000 peut-être; 4 à 5 000 habitants à Vogosca. Il m'est très difficile de
22 vous citer des chiffres car je ne connais pas les statistiques.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Parlons de 4 000 habitants au
24 total. Si vous dites que la répartition était de 50-50, il y avait à ce
25 moment-là environ 2 000 Serbes et 2 000 Musulmans. Vous dites qu'un tiers
26 des Serbes sont partis, ce qui fait --
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Si vous me le
28 permettez, sur ceux qui ont fait une demande, ceux qui ont demandé
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1 l'autorisation de passer les postes de contrôle, un tiers de ces personnes
2 qui ont fait la demande ont quitté Vogosca.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ceci peut provoquer une certaine
4 confusion. Un instant, s'il vous plaît.
5 Voilà, j'ai retrouvé l'endroit. C'est pourquoi il y a une confusion. Vous
6 avez dit, vous avez indiqué qu'il n'y avait pas seulement que des Musulmans
7 qui venaient faire des demandes. Avez-vous une idée du nombre de non-
8 Musulmans qui sont venus faire ces demandes pour avoir une autorisation et
9 un laissez-passer ? Vous avez dit : "Je ne peux pas vous donner de chiffres
10 exacts, mais le rapport était d'un tiers. Un tiers des Serbes ont quitté
11 Vogosca, un tiers des familles serbes ont quitté Vogosca. Donc, je
12 comprends que ce chiffre correspond à un tiers de la population qui a fait
13 la demande d'une autorisation.
14 Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont fait ces demandes ?
15 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, pardonnez-moi, mais je
16 dois dire que j'ai réussi bon an mal an jusqu'à maintenant, mais cela me
17 gêne car j'ai une difficulté technique. Je suis dans l'impossibilité
18 d'activer mon LiveNote et on vient de me dire que je ne peux le faire qu'à
19 la pause suivante. En général, je continuerais de la sorte, mais nous
20 parlons de questions qui ont été évoquées un peu plus tôt ce matin. Je suis
21 vraiment très gêné, je ne peux pas me servir de mon outil.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends très bien, Maître Stewart.
23 M. STEWART : [interprétation] Je suis très gêné. Avec tout le respect que
24 je vous dois, telle est ma situation.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En réalité, je vous ai lu toutes les
26 phrases comprises entre la question que vous avez posée sur la tenue d'un
27 registre par rapport à ces autorisations et votre question suivante sur les
28 documents portant sur les demandes de carburant.
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1 M. STEWART : [interprétation] Je ne conteste pas cela, Monsieur le
2 Président, mais je crains, avec tout le respect que je vous dois, que ceci
3 n'est pas satisfaisant. Je ne vous fais pas porter la faute, Monsieur le
4 Président, mais je dois pouvoir fonctionner comme toutes les autres
5 personnes dans ce prétoire. Je ne peux pas vérifier le transcript, le
6 compte rendu d'audience. Je vous affirme, Monsieur le Président, que ma
7 position est inchangée. Je suis très gêné en cela.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, nous allons attendre que
9 vous ayez cela à votre écran.
10 M. STEWART : [interprétation] Ils ont été incapables de s'en occuper. Je
11 crois qu'ils n'ont pas pu s'en occuper. Donc, j'ai continué, comme je vous
12 l'ai dit. C'est par l'intermédiaire de
13 Me Josse qu'on m'a indiqué qu'il fallait attendre à la pause suivante.
14 L'autre alternative, Monsieur le Président, consiste à utiliser un autre
15 ordinateur de façon à ce que ceci soit plus facile à utiliser et pouvoir le
16 mettre en marche, et je pourrais travailler à partir de celui-là. Je suis
17 tout à fait disposé à le faire si cela s'avère être un moyen plus aisé. Je
18 ferai ce qui est le plus facile pour m'assurer que je puis utiliser cet
19 outil.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Cenic, nous allons attendre
21 quelques instants pour permettre à Me Stewart de régler ses problèmes
22 informatiques.
23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai besoin de quelque
24 chose pour m'assurer que mon écran fonctionne normalement. Monsieur le
25 Président, ceci marche à merveille. Je remercie le technicien pour avoir
26 réglé ce problème aussi rapidement mais je n'ai pas le début du compte
27 rendu d'audience d'aujourd'hui.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends bien.
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1 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, vous étiez en train de
2 poser des questions au témoin, je vais m'asseoir et suivre à partir de mon
3 nouvel écran.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie d'avoir un ordre de grandeur.
5 Vous dites qu'un tiers des Serbes qui ont fait ces demandes ont quitté
6 Vogosca. Savez-vous environ combien de personnes ont fait des demandes pour
7 obtenir ces autorisations ? S'il n'y en a que neuf, cela ne fait que trois.
8 Si nous parlons de 300, cela correspond à 100. Et si nous parlons de 900,
9 ceux qui ont fait des demandes de ce type sont au nombre de 300. Pourriez-
10 vous nous dire, nous donner une estimation ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déclaré que je
12 sais qu'une centaine de Bosniens sont partis. Cela est un fait. Maintenant,
13 si nous parlons d'êtres humains, si nous parlons en termes de chiffre, ce
14 qui est assez douloureux, et si nous parlons de 300 Bosniens qui seraient
15 partis, alors je pourrais vous dire que c'est un fait que 100 Serbes ont dû
16 partir à cette époque-là également; 100, voire davantage. Quoi qu'il en
17 soit, plusieurs douzaines de familles serbes ont décidé de quitter Vogosca
18 à ce moment-là pour aller s'installer ailleurs. Certains sont allés chez
19 leurs parents proches, d'autres sont allés ailleurs. Je ne me suis pas
20 renseigné là-dessus.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pour bien comprendre, vous dites
22 que 200 Musulmans environ sont partis sur un chiffre de
23 2 000 environ, cela signifie qu'une majorité de Musulmans est restée à
24 Vogosca; c'est cela ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce que je puis vous dire avec certitude.
26 Nous parlons de personnes qui sont venues faire la demande de ce laissez-
27 passer. Je ne peux pas répondre du nombre de personnes qui sont parties
28 sans avoir cette autorisation. Je ne sais pas si ces personnes sont parties
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1 en réalité et où ces personnes sont allées. Sur cette partie-là, je ne peux
2 pas répondre. Je ne peux rien vous dire, je peux simplement vous parler de
3 ce que je sais.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous parlons de papiers, de documents
5 qui n'illustrent pas les faits dans la réalité, en d'autres termes ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] A mon sens, c'était le moyen le plus sûr pour
7 quitter Vogosca, pour partir avec sa famille et ses biens personnels dans
8 sa propre voiture, car dans ce cas précis, on n'arrêtait pas les voitures.
9 Et je répète, si quelqu'un décidait de partir sans autorisation ou sans
10 appliquer cette procédure, c'est quelque chose pour lequel je ne peux pas
11 répondre. Il y a un autre point, c'est ceci : certaines familles serbes
12 sont parties sans document, ces personnes se sont dirigées vers Pale et ne
13 sont jamais retournées à Vogosca.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on peut dire la même chose des
15 familles serbes ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait possible, mais je ne sais
17 pas, je ne peux rien vous dire à ce sujet, du reste. Il y avait cette route
18 qui allait en direction d'Ilijas, de part et d'autre de cette route
19 vivaient des populations mixtes, des Serbes, des Bosniens, des Croates,
20 mais les Croates en moins grand nombre.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au cours de votre déposition, vous avez
22 donné une estimation approximative du nombre d'habitants de Vogosca. Vous
23 avez dit que la population de Vogosca était de l'ordre de 2 000, 4 000 ou 5
24 000, vous avez dit.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était l'impression que j'avais, je répète
26 que je n'ai pas regardé les chiffres et les statistiques de la population
27 de Vogosca et de ses environs. C'est l'estimation que j'ai faite en
28 regardant la ville de Vogosca. J'ai simplement déduit quel était ce
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1 chiffre.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes économiste. Vous savez que
3 dans le domaine scientifique on parle de marge d'erreur. Ici, nous avons le
4 chiffre de 5 000; quelle serait la marge d'erreur si vous analysez vos
5 sources ? 1 000, 2 000 ou 3 000 ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon estimation personnelle, puisque vous dites
7 que je suis économiste, je crois que la marge d'erreur serait de l'ordre de
8 1 000, car Vogosca est une ville où les habitants sont assez dispersés. Il
9 y a une population qui vivait dans les environs, il y avait un certain
10 nombre de maisons familiales en ville et dans la ville elle-même, il y a
11 des bâtiments.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est du ratio
13 Musulmans-Serbes, vous avez dit que c'était de l'ordre de 50-50. Quelle est
14 la marge d'erreur que vous estimeriez juste ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'on ne peut pas mettre de chiffres
16 au niveau de cette marge d'erreur. Ce que j'ai cité correspond en réalité à
17 la population de Vogosca.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette Chambre a reçu des éléments de
19 preuve concernant le recensement de l'année 1991. La population totale de
20 Vogosca correspondait à 20 000, ce qui est quatre fois le chiffre que vous
21 avez avancé.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle du noyau de la zone urbaine. Je ne
23 peux pas répondre des maisons qui se trouvaient dispersées dans les
24 environs. Je ne peux parler que de la ville elle-même. Les maisons qui se
25 trouvaient dans la région de Vogosca vivaient concentrées sur Vogosca. Je
26 vous ai dit au début de ma déposition, Monsieur le Président, que je vivais
27 à Vogosca, c'est pendant deux mois seulement, et je vivais en ville. C'est
28 la raison pour laquelle je vous ai demandé de vous pencher sur les données
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1 statistiques à cet égard. Je ne peux vous parler que de Vogosca et ce à
2 quoi cela ressemblait.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous ai posé une question sur
4 la marge d'erreur sur ces 5 000 habitants que vous avez évoqués. Vous dites
5 que la marge d'erreur correspond à un mille parce que "Vogosca est assez
6 éparpillée, il y a des gens qui vivent dans les environs, et qu'il y a des
7 terres, qu'il y a beaucoup de maisons qui se trouvent en ville et qu'il y a
8 des bâtiments." Vous avez tout englobé, pour ce qui est du ratio de
9 Musulmans-Serbes.
10 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin devrait
11 avoir l'occasion de répondre, car je crois en réalité que le commentaire
12 est un commentaire qui est un peu contradictoire si je puis dire. Dans ce
13 cas, le témoin devrait avoir l'occasion de répondre comme s'il s'agissait
14 d'une question.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez faire un
16 commentaire ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je m'en tiens à ce que
18 j'ai dit. Je ne sais pas combien d'âmes il y avait et combien de familles
19 étaient tournées vers la ville de Vogosca. Je ne peux que parler de la
20 partie de Vogosca dans laquelle j'habitais. C'était le centre-ville et ses
21 rues. Pour ce qui est des villages qui appartenaient à la municipalité de
22 Vogosca, comme vous dites, qu'il y a 20 000 habitants, je ne sais rien à ce
23 sujet. C'étaient des villages qui étaient rattachés à la municipalité de
24 Vogosca. Pour ce qui est de la ville elle-même, la ville elle-même ne peut
25 pas avoir plus de quelques milliers habitants. Sarajevo, par exemple, la
26 zone urbaine de Sarajevo correspond à une chose mais il y a un nombre de
27 villages autour de Sarajevo. Cela est une chose tout à fait différente,
28 leurs chiffres peuvent être ajoutés aux chiffres avancés pour la population
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1 du centre-ville.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pour ce qui est du ratio de
3 Musulmans et de Serbes, est-ce que vous ne parliez que de la ville elle-
4 même ou de l'ensemble de la municipalité ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle du centre-ville de Vogosca, la ville
6 elle-même, ce qui signifie que je ne tiens pas compte des villages qui se
7 trouvent quasiment à l'extérieur de Vogosca mais qui sont rattachés à la
8 municipalité. Je pense que je vous ai donné le nombre de personnes qui
9 vivaient à cet endroit là. Pour ce qui est des familles vivant dans le
10 périmètre de Vogosca, je ne peux pas vous dire combien d'habitants il y
11 avait. Mais je sais que les terres étaient surtout entre les mains des
12 Serbes alors que les Musulmans, comme c'était le cas dans d'autres villes
13 de Bosnie, vivaient dans la ville elle-même.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, cela voudrait dire qu'il
15 y avait plus de Musulmans en ville que sur l'ensemble de la municipalité ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois le ratio était de 50-50. Bien
17 sûr, les données statistiques peuvent permettre d'apporter un correctif à
18 cet égard.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question que je vous ai posée était
20 de savoir si la proportion des Musulmans en ville était plus élevée que
21 dans les villages voisins par rapport à la ville de Vogosca, parce que
22 c'est ce que vous avez expliqué, n'est-ce pas ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est tout à fait possible, car ce ratio de
24 50-50, pour ce qui est du centre-ville, était plutôt en faveur des Bosniens.
25 Les Bosniens étaient un peu plus nombreux alors que les Musulmans, comme
26 c'était le cas dans les autres villes bosniaques, vivaient dans la ville
27 elle-même et non pas dans les villes de Bosnie.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé d'une prise de
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1 contrôle pacifique de l'administration de la municipalité, est-ce que cela
2 couvre l'ensemble de la municipalité au plan administratif ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Comment puis-je le dire ? La municipalité de
4 Vogosca couvre un certain territoire en termes administratifs. A vrai dire,
5 je ne sais pas de quels villages il s'agit en particulier. C'est quelque
6 chose que je ne sais pas au jour d'aujourd'hui. Après la prise de contrôle
7 ou plutôt après la création de la nouvelle présidence, ces services
8 administratifs devraient reprendre le rôle joué par les précédentes
9 autorités administratives de Vogosca. Quoi qu'il en soit je ne sais pas
10 dans quelle mesure ceci correspondait au service administratif qui était en
11 place avant la guerre. A ce moment-là, des postes de contrôle avaient déjà
12 été mis en place. A savoir si les frontières suivaient les anciennes
13 frontières municipales, je ne sais pas.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après les moyens de preuve dont
15 disposent les Juges de la Chambre, dans l'ensemble de la municipalité de
16 Vogosca il y avait 40 % plus de Musulmans que de Serbes. Vous nous avez dit
17 qu'en ville, l'équilibre penchait plutôt en faveur des Musulmans, qu'est-ce
18 que vous entendez par là. J'ai parlé de 50, peut-être 60 ou plus.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi, mais qu'est-ce que vous
20 entendez par là, si vous dites 40 % de Bosniens plus que de Serbes ? Je ne
21 comprends pas.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous avez mille Serbes, à ce moment-
23 là il y a 1 400 Musulmans, 40 % de plus.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas la composition de la
25 population de la municipalité, sur l'ensemble de la municipalité de Vogosca,
26 en termes de chiffres et de pourcentages.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, veuillez poursuivre.
28 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais laisser
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1 ce sujet de côté pour l'instant. Ce qui ne signifie pas pour autant que je
2 ne vais pas y revenir par la suite, mais cela est plus logique pour moi. Je
3 préférais pouvoir relire l'ensemble du compte rendu et le cas échéant, y
4 revenir.
5 Q. Madame Cenic, qui était Boro Radic ?
6 R. Boro Radic était un homme de la rue si vous voulez, mais je ne pense
7 pas que ce soit encore le cas aujourd'hui. A l'époque, à Vogosca, il était
8 à la tête d'un mouvement de protestation qui avait été organisé à partir de
9 mois de mars. Je crois qu'il a dirigé même la Ligue patriotique. C'était un
10 de ces types, c'était un dur, si vous voulez en langage familier.
11 Q. Nous allons parler de M. Radic un petit peu. Tout d'abord, cela n'est
12 pas quelqu'un comme cela aujourd'hui pour la bonne et simple raison qu'il
13 est mort, n'est-ce pas ? Il a été tué il y a quelques années ?
14 R. Oui. Il a été tué pendant la guerre dans des circonstances assez
15 étranges, dit-on, dans une sorte de combat mais personne ne sait vraiment
16 comment cela s'est terminé.
17 Q. Il était Serbe, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Vous dites qu'il était à la tête de la Ligue patriotique. Etait-ce une
20 organisation serbe ou une organisation musulmane ou quoi ?
21 R. Je crois que c'était une sorte d'organisation bosnienne, musulmane.
22 Très honnêtement, je ne sais pas. Il était à la tête de ces manifestations.
23 Certains ont dit que c'était une tentative de putsch à la veille de la
24 guerre.
25 Q. Exerçait-il une certaine influence à Vogosca à l'époque où vous êtes
26 arrivée ?
27 R. Oui, il exerçait une certaine influence, car il avait ses gars, ses
28 hommes qui lui étaient fidèles. Il avait sa propre armée, une armée privée.
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1 On estimait que c'était un dur. Comme c'est le cas partout probablement.
2 Vous avez un homme qui n'a presque absolument aucune éducation. Pour être
3 bien franche, j'ignore la source de ses revenus. Je ne pourrais même pas
4 essayé de me livrer en conjecture ou d'essayer de vous dire de quoi il
5 vivait.
6 Q. Madame Cenic, lorsque vous dites que je présume que dans chaque petite
7 ville une telle situation se présente, vous voulez dire que dans chaque
8 petite ville il y a un gars, comme cela de la rue, bagarreur ? Vous ne
9 voulez pas dire que dans chaque petite ville il y a une armée, n'est-ce pas
10 ?
11 R. Ces hommes, ces bagarreurs, ces durs où qu'ils se trouvent, ont
12 toujours leurs hommes, ou peuvent toujours avoir des gens qui les adulent
13 et qui les suivent. Donc, ils se forment une petite armée autour d'eux,
14 inévitablement.
15 Q. Merci de cette réponse. Lorsque vous faites une référence de petite
16 armée privée, est-ce que vous voulez parler d'une bande de rue ? Est-ce que
17 c'est à cela que vous faites référence ou est-ce que vous pensez là
18 vraiment à une vraie armée ?
19 R. C'est des gangs de rue qui peuvent être considérées comme une petite
20 armée locale. En fait, ce sont des gangs de rue.
21 Q. Je vous remercie de parler en anglais, Madame Cenic.
22 Est-ce que vous avez vu ce gang, ce groupe de jeunes hommes autour de
23 Vogosca, vous-même ? Est-ce que vous les avez vus ?
24 R. Il est certain que Boro Radic ne se déplaçait jamais sans leur
25 compagnie, sans être accompagné de ces hommes.
26 Q. Quelle était la taille de ce groupe d'hommes, de ce gang ?
27 R. Il y avait toujours une dizaine d'hommes autour de lui. A savoir
28 combien il y en avait en tout, je l'ignore.
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1 Q. Etaient-ils armés ?
2 R. Déjà au mois d'avril, il était possible de voir qu'ils portaient
3 également des armes. Vers la mi-avril, vers la deuxième partie du mois
4 d'avril, pour ce qui est de mes déplacements à Vogosca, lorsque je me
5 déplaçais dans Vogosca, je pouvais voir qu'ils étaient armés.
6 Q. Nous parlons de quel type d'armes ? Vous n'êtes pas obligée d'entrer
7 dans les détails techniques; une description simple nous suffirait.
8 R. C'était pour la plupart des pistolets de divers calibres, pour ce qui
9 est de ce que nous pouvions apercevoir avec l'œil nu, c'est-à-dire, il y
10 avait divers types de pistolets.
11 Q. Le gang de Boro Radic, pendant que vous étiez à Vogosca, est-ce que
12 vous savez si ces derniers avaient été placés sous le contrôle de qui que
13 ce soit ?
14 R. Je ne pourrais pas dire qu'ils étaient sous le contrôle de qui que ce
15 soit ou de quelqu'un en particulier. Une sorte d'arrangement avait été fait
16 entre Jovan Tintor et Boro Radic, car il existait, d'après ce que j'avais
17 entendu dire, qu'il y avait des conflits entre eux deux. Donc, on a fait
18 une sorte de trêve à ce moment-là. C'est ainsi que cette trêve existait
19 pendant un certain temps entre ces deux hommes. Mais je ne pourrais pas
20 dire que Boro Radic ait été placé sous le commandement de qui que ce soit.
21 Q. Parlant de Tintor, il n'est pas nécessaire d'entrer trop dans les
22 détails, je crois que les Juges de la Chambre comprendront qu'il est
23 absolument impossible d'être tout à fait précis lorsque je vais vous poser
24 la question suivante. Je voudrais savoir si vous pourriez nous dire quel
25 âge pouvait, M. Tintor, avoir ?
26 R. Je crois que M. Tintor est né en 1951. Il était né entre 1950 et 1952.
27 Q. Il était membre d'une famille assez aisée, n'est-ce pas, ayant des
28 biens immobiliers et des commerces à Vogosca, n'est-ce
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1 pas ?
2 R. Son père était un homme très respecté. On disait chez les Serbes que
3 c'est un vrai hôte. Il aimait recevoir des invités. C'est un homme qui
4 s'occupait de la terre, qui avait beaucoup de terres. C'était exactement
5 une bonne personne, une personne extraordinaire, si vous voulez. Ils
6 étaient connus comme étant des personnes aisées à cause de la terre, bien
7 sûr, qu'ils possédaient, plus particulièrement, M. Vlado Tintor, le père de
8 Jovan Tintor. Pour ce qui est de Jovan Tintor, lui-même, il n'avait pas
9 fait d'études particulières. Je crois qu'il avait commencé à travailler ou
10 qu'il avait organisé un commerce de peinture. Il peignait les maisons. Il
11 avait une entreprise privée. On le considérait comme étant un homme plutôt
12 aisé, tout du moins pour ce qui est des circonstances de l'époque et du
13 lieu où il habitait.
14 Q. Radic, quel âge pouvait-il avoir ?
15 R. Il m'est difficile d'évaluer son âge. Je crois, qu'à l'époque - et là,
16 nous parlons, bien sûr, de 1992 - je crois qu'il avait la trentaine déjà
17 avancée. Il pouvait peut-être avoir 40 ans. Je ne sais pas. Début
18 quarantaine, fin trentaine, je ne sais pas. Il était peut-être plus vieux
19 que cela, plus jeune que cela, je ne sais vraiment pas. C'était un homme
20 assez svelte, qui était en forme. C'était difficile d'évaluer son âge, eu
21 égard à son aspect physique.
22 Q. Il n'avait pas 20 ans, il n'était pas dans la vingtaine ?
23 R. Non, absolument pas.
24 Q. Pendant que vous étiez à Vogosca, dites-nous, Madame, est-ce qu'il y
25 avait une sorte d'unité organisée de soldats de quelque type que ce soit de
26 formée ?
27 R. A l'époque, au début, pendant les premières semaines, c'était la
28 confusion totale qui régnait. Il n'y avait pas d'unités organisées, ou tout
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1 du moins, je n'avais pas remarqué d'unités de l'ex-armée de la Yougoslavie,
2 donc de l'ex-JNA. Une première unité, si on peut l'appeler ainsi, avait été
3 créée. On a aligné les hommes, on a rassemblé les hommes d'âges différents.
4 Je crois que c'était déjà vers la fin avril. Ce rassemblement s'est déroulé
5 sur le parking devant le restaurant Sonja. Je dois vous dire que cela avait
6 l'air tout à fait absurde et même ridicule, car ils étaient vêtus de
7 vêtements dont ils disposaient. Ils s'étaient alignés, ils s'étaient
8 regroupés en différents rangs, si vous voulez. Il y en avait peut-être une
9 cinquantaine.
10 Q. Leur âge, est-ce que vous pouvez nous donner une évaluation ?
11 R. Entre 20 et 50 ans. Si vous voulez, je peux répéter.
12 Q. Vous dites qu'ils étaient alignés, qu'il y avait ce rassemblement qui
13 s'était fait. On les a alignés. Qui avait procédé à cet alignement ?
14 R. C'était Jovan Tintor. Ils les avaient convoqués. C'est lui qui s'est
15 entretenu avec eux à ce moment-là. Je le sais, car j'étais présente lors de
16 ce rassemblement initial.
17 Q. Jovan Tintor était là ? Etait-il là lorsqu'on a procédé à cet
18 alignement d'hommes ?
19 R. Oui.
20 Q. C'étaient des hommes de nationalité serbe, exclusivement ?
21 R. Je présume que oui, quoique je ne m'étais pas entretenue avec eux. Je
22 n'ai pas demandé leurs noms et leurs prénoms. Je ne me suis pas approchée
23 pour leur serrer la main et leur demander leurs noms et leurs prénoms, mais
24 je crois qu'ils étaient tous Serbes, sans exception.
25 Q. Etaient-ils armés, ces hommes ? Y en avait-il parmi eux qui étaient
26 armés ?
27 R. Quelques-uns d'entre eux avaient des fusils. Je crois que c'était
28 d'anciens fusils de la JNA, M-48. Je connais le calibre, étant donné que
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1 j'avais suivi à l'école un cours de défense du pays. Il m'a fallu apprendre
2 comment assembler et démonter les armes.
3 Q. Tintor était-il à la tête de cette unité ? Etait-il le chef de cette
4 unité ? Avait-il été nommé en tant que chef ?
5 R. Je ne pourrais pas vous dire que c'était le commandant ou le chef,
6 qu'il se trouvait à la tête de cette unité car je crois que plus tard, il
7 s'était divisé en unités. Chaque unité avait un homme à sa tête. J'ignore
8 le nom des hommes qui étaient à leurs têtes, car je ne sais vraiment pas
9 comment ces hommes s'appelaient.
10 Q. Est-ce que vous savez si cette unité est restée unifiée ou divisée,
11 comme vous venez de le dire ? Est-ce que cette unité est restée tout au
12 long de la période pendant laquelle vous étiez encore à Vogosca ?
13 R. Ces unités existaient pendant un certain temps, mais si je ne m'abuse,
14 si ma mémoire est bonne, a établi un contact avec l'armée de la Republika
15 Srpska ou l'armée de la République serbe, comme vous voulez. C'est plus
16 tard qu'on a procédé à une réorganisation. Pendant un certain temps assez
17 court, ces unités existaient. C'étaient des sortes d'unités qui existaient.
18 Q. Lorsque vous dites, plus tard cette unité avait été réorganisée, vous
19 parlez de quelle époque ?
20 R. C'était déjà fin mai, début juin. L'armée, déjà à ce moment-là, l'armée
21 de la Republika Srpska, avait envoyé un homme. Je crois que c'était le
22 commandant Josipovic, si ma mémoire est bonne, bien sûr. Je crois que
23 c'était lui qui était venu au nom de la Republika Srpska. Il était chargé
24 de cette partie-là de Vogosca et Ilijas, du commandement de cette unité
25 Vogosca et Ilijas. Ces unités n'ont pas été placées sous le commandement de
26 la Republika Srpska, ou tout du moins, il aurait fallu qu'elles soient
27 placées sous le commandement de l'armée de la Republika Srpska. C'est ainsi
28 que les choses ont pris un autre cours. Après mon départ, je ne sais pas
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1 comment le tout s'est soldé.
2 Q. Si l'on parle de l'époque à laquelle vous êtes allée habiter à l'hôtel
3 Park et vous y êtes restée jusqu'au moment où vous avez quitté l'hôtel
4 Park, est-ce qu'il y avait des difficultés à obtenir des denrées
5 alimentaires, du matériel et de ce dont on a besoin pour mener une vie
6 quotidienne normale à Vogosca ?
7 R. Le problème principal était l'eau potable. Il était difficile de
8 s'approvisionner en eau. Pour ce qui est de la nourriture, une majeure
9 partie de la population de Vogosca s'occupe des terres. Ce sont des
10 agriculteurs. On avait déjà pu cueillir, récolter des aliments dans les
11 jardins. Jovan Tintor s'occupait de commerce. Il avait beaucoup de farine,
12 je crois, de sucre également, dans son entrepôt. Il distribuait ces denrées
13 aux personnes, des gens, comme par exemple les membres de ma famille. Nous
14 n'avions pas mis ces aliments de côté; nous n'avions pas pensé qu'il serait
15 nécessaire non plus. Un très grand nombre de magasins ne fonctionnaient
16 plus, n'étaient plus ouverts. Des commerces qui vendaient ces aliments
17 étaient également vidés d'une façon ou d'une autre. Il était bien difficile
18 de s'approvisionner de denrées alimentaires telles l'huile de cuisson, et
19 cetera, car très peu de personnes avaient fait des provisions à la maison.
20 Q. Parlez-nous du problème en eau potable. Etait-ce un très grand
21 problème ?
22 R. Oui, tout à fait. Puisqu'il fallait maintenir son hygiène personnelle.
23 Pendant un court laps de temps pendant lequel j'ai été à l'hôtel Park, j'ai
24 séjourné à l'hôtel Park, on nous emmenait de l'eau dans des barils, car
25 l'aqueduc municipal ne fonctionnait plus et l'hôtel Park n'avait plus
26 d'eau. Une partie de la population de Vogosca souffrait de ce même
27 problème. Il fallait trouver des puits, des pompes dans la ville. C'était
28 l'un des problèmes principaux. Les cigarettes étaient un problème, bien
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1 sûr, pour ceux qui fumaient. C'était très difficile de trouver des
2 cigarettes. Très rapidement, c'est devenu un très grand problème pour les
3 fumeurs. Voilà, ce sont les problèmes principaux pour ce qui est de cette
4 période-là.
5 Q. Le château d'eau se trouvait à quelle distance du centre de Vogosca ?
6 R. Je ne le sais vraiment pas.
7 Q. Est-ce que vous savez si le problème avec le château d'eau est qu'il
8 avait été détruit ou est-ce que c'est qu'il n'y avait plus personne pour
9 travailler là-bas ?
10 R. Quinze ans se sont écoulés depuis, et je dois vous dire que je ne suis
11 pas restée là-bas assez longtemps pour vous parlez des égouts, du système
12 en approvisionnement en eau. Je crois que le problème c'est que je crois
13 que le château d'eau se trouvait sur la zone qui se trouvait sous le
14 contrôle de je ne sais plus, je ne peux pas me livrer en conjecture.
15 Q. Je vous interromps, Madame Cenic, excusez-moi, mais cette Chambre de
16 première instance ne souhaite certainement pas demander au témoin d'émettre
17 des conjectures, donc il n'est pas nécessaire de le faire et je dois dire
18 que moi aussi je suis plutôt d'avis de la Chambre de première instance.
19 Maintenant, laissez-moi poser cette question concernant l'hôtel Park. On
20 s'attendait à quoi, vous, vos collègues, M. Tintor, à quoi vous attendiez-
21 vous, qu'est-ce que vous pensiez concernant cette crise ? Clairement il
22 s'agissait d'une crise, vous estimiez que cette crise allait durer jusqu'à
23 quand ? Est-ce que vous le saviez ?
24 R. Nous étions tous persuadés qu'il ne s'agirait que d'une crise de
25 quelques mois et que plus tard nous allions tous rentrer chez nous.
26 Q. Y a-t-il eu un développement ou y a-t-il eu une formulation, a-t-on
27 parlé d'une stratégie à Vogosca, pour la comparer à la situation
28 quotidienne dans laquelle vous vous trouviez ?
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1 R. Si une stratégie existait, je ne l'ai jamais vue. Personne ne m'a
2 jamais parlé d'une quelconque stratégie. Je me permets de dire que je
3 connais très bien la mentalité; de parler de stratégie me fait rire
4 aujourd'hui mais à l'époque j'aurais été ravie de savoir qu'un plan
5 existait. J'espérais chaque jour que le tout allait s'arrêter car
6 l'atmosphère de la situation dans laquelle nous vivions était très
7 difficile, c'était étrange, les choses n'étaient pas définies. Ce n'était
8 pas simple de courir, d'aller de cela et là, et d'aller aider sa famille,
9 de courir pour aller aider les membres de la famille. Non pas seulement
10 moi, mais les gens avec lesquels j'étais en contact, tout le monde se
11 disait et espérait que les gens allaient se mettre d'accord sur le conflit
12 et que nous allions tous pouvoir rentrer à la maison très bientôt. Si à
13 l'époque quelqu'un m'avait dit que je ne pourrais pas rentrer dans mon
14 Sarajevo pendant plusieurs années, je crois que j'aurais été
15 particulièrement déprimée. J'aurais sombré dans une dépression profonde.
16 Q. En mai et juin 1992, à Vogosca, quelle était la position adoptée
17 concernant la sécurité et la sûreté d'un habitant de Vogosca, concernant
18 les allées et les venues des habitants de Vogosca ?
19 R. Personne d'entre nous ne se sentait en sécurité, je dois vous dire.
20 Q. Et --
21 R. Personne, absolument personne.
22 Q. Je vais maintenant faire une présomption, par exemple, je présume
23 qu'avant les conflits chaque personne pouvait sortir de chez soi, aller
24 faire les magasins, et cetera. Je m'arrête ici.
25 Pourquoi dites-vous que personne ne se sentait en sécurité ? Quels
26 étaient les vrais dangers qui vous guettaient ? Qu'est-ce que vous estimiez
27 qui était le plus dangereux ? Qu'est-ce qui vous faisait peur par exemple ?
28 R. Que quelqu'un allait tirer soit de la ville ou des collines
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1 avoisinantes ce qui arrivait également; ensuite pour ce qui me concerne,
2 chaque fois que j'allais voir mes parents et ma fille à Ilijas, à plusieurs
3 reprises on a tiré en direction de la voiture dans laquelle je me trouvais.
4 Je crois que j'avais été épargnée par miracle à chaque fois. Personne ne se
5 sentait en sécurité. Vous savez il n'était plus permis d'aller se promener
6 pour vous parler de shopping vraiment. C'est quelque chose qui aurait pu
7 seulement se placer sur une autre planète dans notre esprit à l'époque.
8 Q. Je vais maintenant essayer de passer à un autre moment. A un certain
9 moment donné, Jovan Tintor est parti de Vogosca, il est parti ailleurs,
10 n'est-ce pas ? Il est allé ailleurs et il est parti de Vogosca ?
11 R. Pardon, je ne comprends pas tout à fait bien votre question. Il
12 partait, il revenait à plusieurs reprises. Est-ce que c'est à cela que vous
13 faites référence ou est-ce que vous voulez savoir à quel moment il est
14 parti de façon définitive ?
15 Q. A un certain moment au cours de l'été 1992, il est parti de Vogosca
16 pour de bon, n'est-ce pas et il est allé s'installer ailleurs ?
17 R. Oui. Il est parti et il avait décidé de partir et il est parti
18 effectivement au début du mois de juillet mais à nous il nous a absolument
19 rien dit. Il ne nous a pas dit qu'il ne comptait plus revenir. Il est parti
20 à Pale. Je le sais très bien, je me souviens très bien de cela. Il s'était
21 entretenu avec le Dr Karadzic car il ne voulait plus rester à Vogosca.
22 Q. Il est parti, comme vous venez de nous le décrire, peu de temps avant
23 votre départ de Vogosca, n'est-ce pas ?
24 R. Oui. Ensuite je suis allée là-bas et à Pale, j'ai su qu'il n'avait plus
25 du tout l'intention de revenir à Vogosca. Pour être bien franche avec vous,
26 à Vogosca, la situation était déjà bien différente puisque Boro Radic avait
27 pris le contrôle de ses unités pour les appeler ainsi, je ne sais pas
28 comment m'y référer autrement. D'autre part, Jovan Tintor a toujours été en
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1 confit avec les autres membres des autorités municipales pour les appeler
2 ainsi. Je ne sais pas comment les appeler différemment. Je ne sais plus si
3 c'était la municipalité ou la présidence de Guerre, je ne peux plus
4 vraiment m'en souvenir. C'était M. Koprivica et d'autres personnes.
5 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je vais aborder un
6 autre sujet et je me demandais si vous croyez que l'heure est propice pour
7 prendre la pause ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien, le moment est opportun
9 pour prendre la pause. D'abord, je souhaiterais demander à Madame
10 l'Huissière de bien vouloir escorter le témoin à l'extérieur de la salle
11 d'audience.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
13 [Le témoin se retire]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre une pause jusqu'à 11
15 heures moins 05.
16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
17 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de reprendre, Monsieur Stewart, la
19 Chambre aimerait vous faire part de ses réflexions sur ce qui a été dit ce
20 matin.
21 Le témoin a déposé sur le déplacement de la population et de la façon dont
22 elle avait géré la délivrance d'autorisations sur le territoire. Suite à ce
23 que nous a dit le témoin, après son arrivée et l'utilisation du Park hôtel,
24 il semble que ceci ait eu lieu au début mai 1992, peut-être fin avril. La
25 Chambre a entendu des témoignages sur les événements qui auraient pu
26 provoquer les déplacements de population auparavant de Vogosca. Il
27 semblerait qu'un tiers de familles serbes soient parties et environ
28 quelques centaines de Musulmans aient aussi quitté la municipalité. C'est
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1 ce que nous avons obtenu de sa déposition. Je vous ai laissé poursuivre ce
2 sujet avant de passer à autre chose.
3 Ensuite, plus tard, nous avons appris, alors peut-être que nous avons mal
4 compris, mais ce n'était pas très, très clair, nous avons compris que
5 c'était un tiers des Serbes qui avaient demandé l'autorisation de partir.
6 Cela dit, nous ne savons pas combien avaient demandé l'autorisation. On
7 sait qu'un tiers des Serbes avaient demandé un permis pour quitter et
8 avaient quitté la ville mais on ne sait pas combien avaient demandé à
9 partir.
10 Ensuite le témoin nous a dit que des personnes quittaient aussi la ville
11 sans permis, bien qu'elles trouvaient que ce n'était pas une façon très
12 sûre de quitter la ville et que ceux qui partaient sans autorisation
13 étaient à la fois des Serbes et des Musulmans. Ensuite elle nous a dit
14 qu'elle ne pouvait nous dire si ceux qui avaient bel et bien obtenu une
15 autorisation quittaient la ville. Ensuite elle nous a dit qu'elle n'avait
16 aucune idée de la population totale de Vogosca, et même s'il était très
17 clair, dès le départ, quand elle a parlé des effectifs de la population à
18 Vogosca, de toute manière les chiffres qu'elle a donnés ne vont pas
19 vraiment avec le recensement de 1991, puisque dans ce recensement de 1991,
20 on a les chiffres pour Vogosca puisque c'est l'une des municipalités sur 20
21 qui a été bien décrite dans ce recensement, il y avait 10 500 habitants. Le
22 témoin nous a dit aussi que l'équilibre ethnique dans la ville était plutôt
23 en faveur des Musulmans, mais c'est le contraire qui s'est avéré puisque
24 dans toute la population, il y avait 40 % de Musulmans en plus que de
25 Serbes. Cela signifie qu'il y avait 3 700 Musulmans et 4 700 Serbes, cela
26 c'est selon le recensement de 1991. Bien sûr, il y a aussi la catégorie des
27 Yougoslaves. On ne sait pas vraiment dans quelle catégorie ils tombent,
28 mais il semble quand même que soit une ville, que la ville de Vogosca même
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1 soit en majorité serbe. Ce n'était pas forcément le cas pour la
2 municipalité.
3 Maintenant, pour ce qui est des déplacements de population. Tout d'abord,
4 nous ne savons pas comment cela peut se connecter avec des déplacements
5 précédents de population qui auraient eu lieu en avril, par exemple. Nous
6 avons entendu déjà des dépositions à ce propos, et j'ai quelques questions
7 à poser au témoin, parce qu'on sait ce que faisaient ces deux dames dans
8 leur bureau. Pour ce qui est des déplacements de population, de l'exode,
9 cela on n'en sait rien. Nous avons vraiment l'impression que toutes ces
10 informations, le fait qu'on nous a dit qu'un tiers des familles serbes
11 quittaient la ville et quelques centaines de Musulmans aussi, quand on
12 étudie de près les choses, quand on voit ce que sait le témoin et que ce
13 que le témoin ne sait pas, on se rend compte finalement que tout ce qu'on
14 sait, c'est ce que font ces deux dames dans leur bureau. Or, la Chambre
15 voudrait obtenir des informations fiables de la part de la Défense sur ce
16 qui est vraiment arrivé en ce qui concerne les déplacements de population
17 et pas uniquement ce que ces deux dames, depuis leur bureau, avaient pu
18 observer.
19 M. STEWART : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président, je tiens
20 à vous dire qu'il est toujours très utile d'obtenir des indications sur vos
21 réflexions, des réflexions de la Chambre sur les détails que vous aimeriez
22 obtenir. Nous sommes vraiment ravis de voir de vous voir nous donner ces
23 informations. Cela nous aide beaucoup. Ensuite, lorsque vous venez de dire
24 dans les comptes rendus précédents et dans tous les éléments, il y a
25 beaucoup d'informations à obtenir. Je pense que nous n'en finirons pas avec
26 l'interrogatoire principal de ce témoin aujourd'hui. Côté Défense, nous
27 aurons bien du temps pour poursuivre notre enquête, si je puis dire, pour
28 obtenir le plus d'éléments possibles qui répondraient à vos questions. S'il
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1 vous plaît, j'aimerais que vous nous laissiez un petit peu intervenir selon
2 les méthodes que nous avons choisies, parce que sinon, nous allons sans
3 doute obtenir des informations qui ne sont pas adéquates, des réponses qui
4 ne sont pas utiles.
5 Ensuite, un dernier commentaire, vous parlez de deux dames dans un
6 bureau. C'est vrai. Mais ce que recherche la Chambre doit bien venir de
7 différents témoins et de différentes sources. Pour dire ici qu'il ne s'agit
8 que de deux dames qui travaillent dans un bureau, non, je demande à ce
9 témoin de dire ce qu'elle sait. Elle était quand même à Vogosca. Elle
10 n'était pas allée en avril, de toute façon. Elle n'était pas là au début
11 avril.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
13 M. STEWART : [interprétation] Elle ne peut pas déposer là-dessus. Elle
14 n'est pas la source adéquate pour répondre aux questions que vous venez de
15 nous poser. Elle est juste une pièce du puzzle. Elle ne peut vous dire que
16 ce qu'elle sait. Certes, elle n'est qu'une petite pièce d'un très grand
17 puzzle.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. La Chambre, de toute façon, vous
19 a fait part de ses réflexions, parce que c'est pour savoir s'il était
20 pertinent de poser des questions sur à ce témoin à propos des mouvements de
21 population des Musulmans et des Serbes.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, mais que dire. C'est, bien sûr, à vous
23 de juger cette affaire. La Défense, en revanche, est ici pour présenter les
24 éléments du point de vue de M. Krajisnik. On espère, bien sûr, qu'il n'y
25 aura pas trop de chevauchement lors de l'interrogatoire principal d'un
26 témoin. Il est évident que c'est à la Défense quand même de prendre ses
27 décisions quant à savoir le type de preuves qu'elle souhaite obtenir de la
28 part d'un témoin pour présenter ces preuves à la Chambre.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous sommes d'accord avec cela,
2 bien sûr. Peut-être que les choix qui ont été faits par la Défense en ce
3 qui concerne ce point n'ont pas été peut-être ses choix. Là, je vous ai
4 donné un exemple. C'était juste à titre d'exemple. Mais les choix sur les
5 informations que vous avez essayé d'obtenir d'un témoin ne sont pas
6 forcément très utiles pour aider la Chambre. Il faut que vous hiérarchisiez
7 un peu vos sujets lors de vos interrogatoires principaux.
8 M. STEWART : [interprétation] Oui. Puis-je poser une question qui a trait à
9 ce que vous venez de nous dire. Pour ce qui est des mouvements de
10 population, la Chambre a depuis longtemps un rapport qui nous vient de Dr
11 Tabeau et d'un collègue. Elle n'a pas déposé verbalement ici. Je ne dis pas
12 qu'elle devrait le faire.
13 Pourriez-vous nous dire si nous présentions un rapport d'expert mais
14 venant du côté de la Défense et portant sur les mouvements de population,
15 est-ce que cela vous aiderait ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas vous donner ma réponse
17 tout de suite, pas au nom de la Chambre. Je peux vous dire une chose, en
18 tout cas. Pour ce qui est des mouvements de population, cette Chambre est
19 principalement intéressée par ce qui est vraiment arrivé, c'est-à-dire, les
20 faits : combien de personnes sont parties d'où, vers où, pour quelles
21 raisons, pourquoi les gens sont partis. La Chambre est beaucoup moins
22 intéressée, en revanche, dans les détails très parcellaires portant sur des
23 affaires très bureaucratiques, sur des affaires de paperasserie. Enfin,
24 nous rendrons notre décision quant à savoir si nous avons besoin de votre
25 part d'un rapport d'expert ou non.
26 M. STEWART : [interprétation] Merci. Ceci est très utile.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parfait. Madame l'Huissière, pourriez-
28 vous, s'il vous plaît, faire rentrer le témoin dans le prétoire ?
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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
2 LE TÉMOIN : SVETLANA CENIC [Reprise]
3 [Le témoin répond par l'interprète]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Cenic, M. Stewart va poursuivre
5 son interrogatoire principal.
6 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
7 Q. [interprétation] Madame Cenic, je répète une fois de plus, si vous
8 pouviez ralentir et ne pas parler trop vite et surtout faire des pauses
9 entre les questions et les réponses pour permettre aux interprètes de faire
10 leur travail.
11 R. D'accord.
12 Q. Madame Cenic, quand vous êtes arrivée à Vogosca, avez-vous eu la
13 moindre connaissance du fait que M. Tintor a fait quelques voyages vers
14 Pale ? Je parle, bien sûr, de la période avant qu'il ne quitte la ville
15 pour de bon.
16 R. Oui. Une fois, je crois que c'était fin avril, peut-être deux à trois
17 semaines au plus après que je sois arrivée, M. Tintor avec d'autres
18 personnes est allé à Pale.
19 Q. Pourriez-vous nous donner les noms de ces autres personnes ?
20 R. Je ne suis pas très sûre de ce que je vais vous dire. Je pense que
21 c'était M. Koprivica et peut-être une autre personne.
22 Q. M. Koprivica occupait-il un poste officiel au sein de la municipalité
23 ou au sein du SDS ?
24 R. Il me semble qu'il avait un poste au sein de la municipalité avant la
25 guerre. Pendant mon séjour, je crois qu'il était membre de la présidence de
26 Crise de la municipalité.
27 Q. Au moment où M. Tintor est allé à Pale pour la première fois, enfin la
28 première fois que vous avez su qu'il était allé à Pale, y avait-il déjà une
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1 cellule de Crise serbe à Vogosca ?
2 R. Il me semble qu'il y avait des réunions à propos de l'organisation des
3 activités de la municipalité en général. Cela avait déjà eu lieu. Je n'ai
4 pas participé à ces réunions; je ne peux que vous relater ce que j'ai
5 appris par ouï-dire.
6 Q. Madame Cenic, ces réunions, c'étaient des réunions de quelque chose que
7 vous auriez appelé une cellule de Crise, d'après ce que vous saviez ?
8 R. Il me semble que Sonja Storac, enfin plutôt, il me semble que ces
9 réunions se tenaient parfois dans la maison de M. Koprivica ainsi qu'aussi
10 au domicile de Sonja Storac.
11 Q. S'agissait-il d'une cellule de Crise ou d'une autre entité ?
12 R. Au début, on a appelé cela la cellule de Crise. Je crois, que par la
13 suite, c'est devenu une présidence de Crise de la municipalité.
14 Q. Quand M. Tintor s'est rendu à Pale avec au moins une autre personne,
15 visiblement, la première fois que vous avez su qu'il partait à Pale, vous
16 n'êtes pas allée avec lui ?
17 R. Non, la première fois, je ne suis pas allée avec lui.
18 Q. Est-ce que vous aviez la moindre idée de qui il allait voir à Pale, si
19 tant est qu'il allait voir quelqu'un ?
20 R. Déjà à l'époque, on avait entendu dire que quelque chose était en train
21 de s'organier à Pale, un organe dirigeant ou un organe administratif. Tout
22 ce que je peux vous dire, c'est quand ils sont rentrés, revenus à Vogosca,
23 ils ont rencontré la présidence, peut-être aussi d'ailleurs M. Krajisnik.
24 Q. Quand vous faites référence à la présidence, il s'agit de la présidence
25 de la Republika Srpska, n'est-ce pas ?
26 R. Oui.
27 Q. Selon vous, qui faisait partie de la présidence ?
28 R. A l'époque, ce poste était occupé par Mme Plavsic et
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1 M. Koljevic. Ils avaient cette fonction. Ils avaient été membres de la
2 présidence de Bosnie-Herzégovine. C'était eux deux qui occupaient cette
3 fonction.
4 Q. Dans une de vos réponses précédentes, vous nous avez dit qu'ils avaient
5 peut-être aussi rencontré M. Krajisnik. Avez-vous appris s'ils avaient
6 véritablement rencontré M. Krajisnik ? Le savez-vous d'une manière ou d'une
7 autre ?
8 R. Je pense qu'ils ont aussi rencontré M. Krajisnik. Je ne sais pas s'ils
9 l'ont tous rencontré ou seulement certains d'entre eux. Normalement, les
10 municipalités de Sarajevo se tournaient toujours vers M. Krajisnik.
11 Q. Je reformule ma question.
12 Avez-vous eu connaissance d'un lien particulier entre M. Tintor et M.
13 Krajisnik ?
14 R. Les familles Tintor et Krajisnik étaient liées. Il y avait des
15 parrains, des filleuls. Je crois que Vlado Tintor était soit le parrain ou
16 avait été le témoin aussi peut-être.
17 L'INTERPRÈTE : C'est une note de l'interprète parce que le mot en B/C/S est
18 le même pour parrain et témoin lors d'un mariage.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait ce lien entre les Krajisnik et les
20 Tintor.
21 M. STEWART : [interprétation]
22 Q. Vous dites que vous vous souvenez que M. Koprivica avait accompagné M.
23 Tintor. Vous pensez, en tout cas, qu'il l'avait fait. Comment étaient les
24 relations entre ces deux personnes à l'époque ?
25 R. A ce moment-là, à cette époque, tout ce que je peux vous dire, c'est
26 que les relations avaient des hauts et des bas.
27 Q. Plus de hauts ou plus de bas ? Enfin, à partir de ce moment-là, cela
28 s'est plutôt arrangé ou plutôt dégradé ?
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1 R. Avec le temps, les relations entre eux deux se sont détériorées. Pas
2 uniquement entre eux deux, entre Tintor d'un côté et d'autres personnes
3 liées à la municipalité.
4 Q. Quant à vous, est-ce que vous vous entendiez bien avec toutes ces
5 personnes, Koprivica et Tintor ?
6 R. Je crois -- enfin, je veux dire, je suis certaine que j'avais une
7 relation tout à fait correcte avec les autres. Les autres me traitaient
8 aussi de façon tout à fait correcte. A part M. Tintor, les relations avec
9 M. Tintor étaient presque non existantes, en tout cas, vers la fin. Je
10 tenais toute sa famille en grande estime, surtout son père et sa mère.
11 C'étaient des gens très bien. C'étaient des gens les plus estimables de la
12 famille Tintor.
13 Q. Avez-vous appris quelque chose, lorsque M. Tintor ou
14 M. Koprivica ou d'autres personnes étaient à Pale, à ces premières
15 occasions que vous nous avez citées lorsque vous êtes rentrée, avez-vous
16 appris quelque chose de ces personnes sur ce dont ils parlaient ou quelque
17 chose à Pale avec d'autres ?
18 R. J'ai entendu dire qu'ils ont parlé de la mise en place d'un système de
19 communication. C'était la principale difficulté à l'époque --
20 Q. Et quoi --
21 R. -- pour toutes ces municipalités.
22 Q. Lorsque vous parlez de communications, est-ce que vous entendez
23 télécommunications, communications par réseaux routiers ou quoi ?
24 R. Toutes formes de communication posaient problème de façon générale.
25 Q. Est-ce qu'il y avait des retours d'information, est-ce qu'on faisait
26 des rapports lorsque ces personnes rentraient de Pale qui indiquaient qu'il
27 y avait eu des discussions à Pale sur des questions militaires ?
28 R. Non.
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1 Q. Après cette première visite de M. Tintor que vous avez évoquée jusqu'au
2 moment où lui a quitté Vogosca pour toujours, comme vous nous l'avez dit, y
3 a-t-il eu d'autres visites à votre connaissance de M. Tintor à Pale ?
4 R. Plus tard, il y allait souvent tout seul. Cela je le sais. La personne
5 qu'il voyait le plus souvent à ces occasions-là -- en réalité c'est M.
6 Tintor qui insistait pour rencontrer le Dr Karadzic. Plus tard, on pouvait
7 comprendre pourquoi c'était le cas.
8 Q. Pourquoi ceci devenait-il compréhensible ?
9 R. M. Tintor essayait de trouver une place et il est devenu le conseiller
10 du Dr Karadzic.
11 Q. Vous dites qu'il s'y est rendu fréquemment tout seul. Pourriez-vous
12 nous dire si à d'autres occasions au cours de cette période-là il s'est
13 rendu à Pale accompagné de M. Koprivica ou de toute autre personne ?
14 R. Je pense qu'ils y allaient séparément au fil des jours. Pour ce qui est
15 de M. Koprivica et d'autres personnes, je ne sais pas et je ne souhaite pas
16 me livrer à des conjectures.
17 Q. Vous-même, n'avez-vous jamais accompagné M. Tintor lors des visites
18 qu'il effectuait à Pale au cours de cette période, entre le mois de mai et
19 le mois de juin 1992 ?
20 R. Oui.
21 Q. A une ou à plusieurs reprises ?
22 R. Je crois que c'était plus d'une fois. Ma sœur vivait à ce moment-là et
23 vit toujours à Pale, et je lui rendais visite également à ces occasions-là.
24 Il y avait beaucoup de personnes blessées à l'hôpital Koran et je leur
25 rendais visite également.
26 M. STEWART : [interprétation] Je pense, Messieurs les Juges, que je peux
27 poser des questions là-dessus.
28 Q. On courait des risques lorsqu'on voyageait et qu'on allait de Vogosca à
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1 Pale à cette époque-là, n'est-ce pas ?
2 R. Oui, c'était très difficile de se rendre d'un endroit à un autre. A ce
3 moment-là, nous avons plaisanté sur les voyages que nous faisions. Nous
4 disions que nous faisions des trajets clandestins. Je me souviens à un
5 moment donné, sur la hauteur de Sarajevo, il y avait un tireur embusqué qui
6 a ouvert le feu, et il nous a tiré dessus. A une occasion, lorsque M.
7 Tintor et moi-même nous avons voyagé dans des véhicules séparés, parce que
8 M. Tintor aimait que sa sécurité soit assurée dans sa voiture, et il
9 arrivait qu'à un moment donné, lorsque nous étions deux dans l'autre
10 voiture, et nous avons eu du mal à en sortir vivant car toute une partie de
11 la voiture avait été endommagée. Ces routes ou plutôt ces chemins de terre
12 qui allaient de Pale pour se rendre à Pale n'étaient plus recommandables.
13 Nous le savions et nous en parlions souvent. Ces routes étaient
14 déconseillées aux femmes enceintes ou aux personnes qui avaient des
15 problèmes de rein. Ces routes étaient vraiment très mauvaises.
16 Q. Lorsque vous avez accompagné M. Tintor à Pale, est-ce que vous avez
17 participé à des réunions qui auraient été d'ordre politique ou portant sur
18 ces affaires à un moment donné ?
19 R. Non.
20 Q. Avez-vous appris davantage de choses sur la teneur ou les sujets
21 évoqués par M. Tintor lors de réunions qu'il avait hormis ce que vous aviez
22 appris la première fois ?
23 R. Non.
24 Q. Connaissez-vous plus précisément les noms des personnes que M. Tintor
25 est allé rencontrer lors de ces visites ?
26 R. Je sais qu'il est allé voir le Dr Karadzic.
27 Q. Bon, je veux bien, j'entends bien le Dr Karadzic mais qui d'autre ?
28 R. A d'autres occasions, étant donné que Jovan Tintor s'en vantait
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1 toujours, il avait rencontré le Dr Karadzic et je ne peux pas vous dire
2 s'il a rencontré d'autres personnes.
3 Q. A l'époque où vous étiez à Vogosca, avez-vous appris ou avez-vous eu
4 connaissance d'instructions quelconques données par les dirigeants du SDS à
5 Pale ayant trait à des questions relatives à Vogosca ?
6 R. Non.
7 Q. Avez-vous eu connaissance à aucun moment que de telles instructions
8 aient été données par toute personne à Pale aux gens de Vogosca par rapport
9 à des questions relatives à Vogosca ?
10 R. Non.
11 Q. Vous avez aujourd'hui fait état de quelque chose que nous n'avons pas
12 examiné dans les détails. Vous avez parlé de voitures, vous avez parlé de
13 l'usine Tas à Vogosca; c'est exact, c'est bien le nom de l'usine ?
14 R. Oui, c'est cela.
15 Q. Qu'est-ce que c'était ? C'était une usine de construction automobile ?
16 R. C'était une usine d'assemblage de voitures Golf et d'Audi, il y avait
17 quelques Audi.
18 Q. Si vous pouvez nous le dire, combien de voitures avaient été assemblées
19 dans cette usine et combien de voitures s'y trouvaient ?
20 R. Je dois vous présenter les choses ainsi : il m'est difficile de vous
21 donner un chiffre exact, et je vais vous dire pourquoi. Tout d'abord, si on
22 observe depuis les hauteurs le parking où étaient rangées toutes ces
23 voitures, vous pouviez voir des rangées infinies de véhicules. C'est la
24 raison pour laquelle il m'est très difficile de vous citer un chiffre, car
25 dans l'usine elle-même, il y avait des pièces qui étaient sur le point
26 d'être assemblées. Il y avait également des voitures qui devaient être
27 achevées, et je sais que plus tard, ces pièces ont été utilisées pour
28 assembler de nouvelles voitures. C'est la raison pour laquelle je ne peux
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1 pas vous citer de chiffre exact.
2 De surcroît, il était très difficile de sécuriser l'usine, il était
3 difficile d'empêcher le pillage. Quelquefois, certaines voitures étaient
4 pillées dans le périmètre de l'usine, des voitures disparaissaient. C'est
5 tout à fait incroyable, c'est incroyable ce que l'imagination des hommes
6 peut faire. Ceci représentait une manne extraordinaire, mais n'était pas
7 toujours facile à gérer pour Vogosca.
8 Q. L'emplacement de l'usine rendait-elle difficile la protection de ces
9 voitures ?
10 R. L'emplacement de l'usine, l'usine en réalité se trouvait très près de
11 la ligne de séparation. Pardonnez-moi, mais j'utilise les termes qui ont
12 été utilisés après coup, comme le terme de ligne de séparation, car à
13 l'époque, nous nous disions que l'usine était près du poste de contrôle, à
14 côté du poste de contrôle bosnien et musulman. En d'autres termes, l'usine
15 était très près du territoire contrôlé par les Bosniens.
16 En outre, cette usine était entourée de barbelés. Il n'y avait pas de mur à
17 proprement parler, il n'y avait pas de grillage autour.
18 Quand bien même on aurait pu ériger un mur d'enceinte, on n'aurait pas pu
19 empêcher les pillages. En outre, il aurait été impossible de se défaire de
20 ces transactions, soi-disant ces transactions avec les gardes de la
21 sécurité avec des gens de l'extérieur. En échange d'une certaine somme
22 d'argent, ceux qui étaient de permanence devant l'usine et qui montaient la
23 garde devant l'usine, permettaient à certaines personnes de prendre des
24 véhicules qui s'y trouvaient sur l'aire de parking.
25 Q. Tout d'abord, Madame Cenic, pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre
26 si l'usine, au mois de mai 1992, avait cessé son activité ?
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne poursuiviez, Maître
28 Stewart, les Juges de la Chambre se demandent s'il est utile d'entendre
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1 parler de cette usine avec force de détail. Les Juges de la Chambre ne
2 savent toujours pas quelle importance revêtent tous ces détails.
3 M. STEWART : [interprétation] Je ne vais pas m'ériger contre cela mais ceci
4 s'est déjà passé --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais après cinq minutes, le témoin nous
6 a dit qu'ayant accompagné M. Tintor plus d'une fois à Pale, qu'elle ne
7 pouvait rien nous dire de plus que ce qu'elle nous a déjà dit auparavant,
8 qu'elle avait vu M. Karadzic là-bas. Ceci nous a pris cinq minutes. Nous
9 connaissons la famille, nous savons dans quel hôpital elle a rendu visite
10 aux patients, nous savons que les routes étaient mauvaises, mais cinq
11 minutes pour entendre dire qu'elle ne semble avoir aucun élément
12 d'information sur l'essentiel de votre question, ceci a pris cinq minutes.
13 Et maintenant, nous avons cinq minutes qui ont été consacrées à l'usine de
14 construction automobile.
15 M. STEWART : [interprétation] En réalité, je souhaite dire quelque chose à
16 propos de l'usine de construction automobile. Il ne s'agit pas simplement
17 d'un ajout inutile ayant rapport à la question de M. Tintor. J'essayais de
18 traiter cette question le plus humainement possible et de décourager
19 l'analyse d'éléments de questions qui n'ont aucun rapport avec tout cela.
20 Q. Madame Cenic, vous avez parlé de la sécurité, vous avez parlé d'hommes
21 chargés de la sécurité au sein de l'usine. Est-ce qu'il s'agissait d'une
22 société privée ou de gens employés par une société privée ou de gens qui
23 avaient un lien avec l'usine ?
24 R. La sécurité ne pouvait pas être assurée par des personnes qui avaient
25 travaillé jusque-là dans l'usine.
26 Q. Alors qui étaient-ils ?
27 R. Les unités nouvellement établies ont commencé à monter la garde et la
28 police aussi, des officiers de police ont été engagés, officiers de police
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1 de Vogosca.
2 Q. Bien. Autrement dit, vous faites la différence entre les unités
3 nouvellement établies et la police. C'est ce qui, en tout cas, semble être
4 le sens de ce que vous dites. Vous faites bien la différence entre les
5 deux, n'est-ce pas ?
6 R. Oui.
7 Q. Lorsque vous parlez d'unités nouvellement établies, tout d'abord, est-
8 ce que vous parlez des hommes de Boro Radic ?
9 R. Non. Je parlais de ces unités qui avaient été alignées. Je vous en ai
10 parlé déjà, mises en rang.
11 Q. Je souhaitais obtenir -- est-ce que je --
12 R. Maître Stewart, Maître Stewart, est-ce que je peux vous demander
13 quelque chose ?
14 Q. Avec l'autorisation de la Chambre de première instance, si cela peut
15 être utile.
16 R. Je parle lentement, mais vous m'interrompez. Dites-moi à quel rythme je
17 dois parler ?
18 Q. Il y a deux points distincts ici. Votre observation est tout à fait
19 justifiée, je comprends bien. Il y a deux questions bien distinctes ici. Je
20 crois qu'il faut continuer à parler à un débit normal de façon à ce que les
21 interprètes puissent faire leur travail. Je dois trouver un point
22 d'équilibre ici, entre les desiderata de la Chambre, il faut éviter de
23 parler de questions qui n'ont pas un lien direct d'une part, et d'autre
24 part, je ne souhaite pas vous interrompre lorsque vous nous donnez vos
25 réponses. Pardonnez-moi, chacun essaie de trouver un équilibre ici de façon
26 à ce que cela convienne à tout le monde.
27 Je vais vous poser cette question. Nous allons écarter les hommes de
28 Boro Radic. La sécurité de l'usine était assurée par l'unité ou le groupe
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1 de M. Tintor que vous avez décrit, n'est-ce pas ?
2 R. Oui. Ainsi que par la police.
3 Q. Y avait-il une autre unité ou groupe qui assurait la sécurité de
4 l'usine hormis les hommes de Tintor et la police, les hommes de Tintor que
5 vous avez évoqués ?
6 R. Je crois que ceci s'est passé au mois de juin. On a tenté de
7 changer cela afin de renforcer la sécurité en faisant intervenir l'armée.
8 L'armée aurait travaillé avec un roulement pour éviter ces transactions.
9 Ces transactions consistaient à corrompre les gardes chargés de la sécurité
10 pour permettre aux gens de rentrer dans le périmètre de l'usine.
11 Q. A l'époque où vous êtes arrivée à Vogosca au mois d'avril, êtes-
12 vous en mesure de nous dire quelle était la composition ethnique de la
13 police de Vogosca ?
14 R. Non, je ne sais pas.
15 Q. D'après votre connaissance de tout ceci, êtes-vous en mesure de
16 faire la lumière ou de nous donner des éléments d'information sur les
17 changements de la composition ethnique de la police à cette époque à
18 Vogosca ?
19 R. Je ne peux pas spéculer là-dessus.
20 Q. Savez-vous si la police qui avait participé ou qui était engagée
21 dans la sécurité de l'usine Tas était mixte au plan ethnique en tant que
22 groupe ou non ?
23 R. Je ne sais pas.
24 Q. Est-ce que la cellule de Crise -- êtes-vous en mesure de nous
25 dire si la cellule de Crise assurait le contrôle au quotidien de la police,
26 la police de Vogosca ?
27 R. En guise de réponse à cette question, je ne peux que dire qu'il y
28 avait une tension entre Tintor et le commandant de l'époque du poste de
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1 police. Je crois qu'il s'appelait Mladen. Je ne me souviens pas de son nom
2 de famille mais il était là avant la guerre.
3 Q. De quel type de tensions s'agissait-il ?
4 R. C'était une question d'attitude qui était différente par rapport
5 à tout.
6 Q. Sans nous étendre trop là-dessus, Madame Cenic, pourriez-vous
7 résumer --
8 R. En une seule phrase, s'il vous plaît ? En une seule phrase. M.
9 Tintor aimait bien avoir le contrôle. Il voulait être à la tête de toutes
10 chose. Moi-même, je n'aimais pas cela non plus. Il voulait être le patron.
11 Q. Votre déposition par rapport à un certain nombre de personnes,
12 Madame Cenic, semble dépeindre Vogosca comme étant un endroit où bon nombre
13 de personnes avaient des relations tendues avec un autre groupe important
14 de personnes, et qu'il y avait beaucoup de querelles internes. Est-ce un
15 résumé exact ou non ?
16 R. Je ne peux pas dire qu'ils se battaient entre eux. Il y avait des
17 exemples ou des cas de ce genre entre le groupe dirigé par Boro Radic et
18 tous les autres.
19 Q. Est-ce que --
20 R. Et les points de vue à l'époque différaient les uns des autres.
21 Q. Vous avez parlé de Boro Radic, de son groupe ou de son gang. Vous
22 avez parlé de M. Tintor et de son unité. Vous avez parlé de la police. Vous
23 avez parlé de la participation de l'armée à partir du moins de juin environ.
24 Y avait-il d'autres groupes d'une certaine importance, j'entends par là que
25 ce soit l'armée, un groupe paramilitaire, un groupe armé, un groupe
26 organisé, y avait-il un autre groupe d'une certaine importance à Vogosca
27 entre le mois de mai et juin 1992 ?
28 R. Je ne peux pas parler de la présence de formations paramilitaires
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1 à Vogosca même. Mais de telles formations existaient dans d'autres
2 municipalités, comme Ilijas, par exemple. Quelquefois, ces formations
3 entraient dans Vogosca ou ses environs.
4 Q. Je n'ai pas compris la dernière partie de l'interprétation.
5 "Quelquefois ils entraient dans Vogosca." C'est ce que vous avez dit,
6 Madame Cenic ?
7 R. Oui.
8 Q. Merci. Ceci s'est passé combien de fois ? Combien de fois
9 d'autres groupes qui venaient de l'extérieur sont entrés dans Vogosca ?
10 R. Une ou deux fois, ils sont entrés dans Vogosca même. Encore une
11 fois, je demande aux Juges de la Chambre de comprendre ce que je dis
12 lorsque je parle de Vogosca même. Ce qui appartenait ou qui était rattaché
13 à la municipalité Vogosca jusqu'à 1992 et ce qui était considéré comme
14 faisant partie de la municipalité de Vogosca, ce qui a cessé d'être le cas
15 à l'époque dont je parle. Ils sont entrés à Vogosca une ou deux reprises. A
16 quelle fréquence ils sont entrés dans le village voisin, Ilijas, par
17 exemple, je ne sais pas.
18 Q. Ces groupes qui entraient étaient des groupes qui étaient des
19 groupes importants, j'entends dans la ville de Vogosca, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. Quelle taille avaient ces groupes qui entraient dans la ville de
22 Vogosca, comme vous l'avez décrit ?
23 R. Une vingtaine d'hommes environ. A Vogosca même, il n'y a pas eu
24 d'incident d'aucune sorte. Ils sont arrivés, ils y ont peut-être passé une
25 heure ou deux. Ceci est arrivé au moment où nous étions encore dans le Park
26 hôtel. Ensuite, ils sont partis.
27 Q. Au mois de mai, au mois de juin 1992, y a-t-il eu des actes de
28 violence significatifs dans la ville de Vogosca ? Mettons de côté pour
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1 l'instant les tirs des tireurs embusqués. Ceci était certainement important,
2 mais nous allons laisser cela de côté. Je parle d'actes violents
3 significatifs.
4 R. Je répète encore une fois, au centre-ville de Vogosca, non.
5 Q. A quelle distance du centre-ville de Vogosca y avait-il une
6 activité importante de violence et des actes de violence qui se faisaient
7 sentir ?
8 R. Il s'agit de quelques kilomètres, entre quelques kilomètres et
9 plusieurs kilomètres.
10 Q. Dites-nous, Madame, pourquoi vous-même avez-vous décidé à un
11 moment donné de partir de Vogosca ? Quelles sont les circonstances ?
12 Quelles sont les raisons qui vous ont poussé de partir ?
13 R. Il y a plusieurs raisons pour cela. La raison principale étant ma
14 famille. L'ancienne partie d'Ilijas, comme on l'appelle, dans laquelle
15 habitait toute ma famille avait été exposée à --
16 Q. Je suis vraiment désolé de vous interrompre. J'espère que vous
17 comprenez. Je ne souhaite vraiment pas minimiser l'importance de votre
18 famille. Nous comprenons qu'il y a eu des raisons familiales qui vous ont
19 poussé --
20 R. Monsieur Stewart, permettez-moi de terminer ce que j'avais à dire.
21 Cela démontre la situation. Ce que je veux dire, je veux vous expliquer,
22 vous dresser le portrait de la situation. Etant donné qu'il y avait un
23 pilonnage qui se faisait de cette partie-là de la ville, les membres de ma
24 famille passaient la majeure partie dans des abris, la majeure partie du
25 temps dans les abris. C'était un pilonnage qui provenait de la région de
26 Misoca. Autrefois et même aujourd'hui, ceci appartenait à la municipalité
27 d'Ilijas. C'est la raison pour laquelle je vous ai expliqué ce que j'ai
28 expliqué, puisque chacune de ces municipalités - et même quand on a parlé
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1 de la population, du nombre d'habitants - ce n'était pas la même
2 composition en 1992 jusqu'en avril et après. La situation n'était pas la
3 même quant au nombre d'habitants avant avril et après avril.
4 Q. Très bien. Je vois. Est-ce que vous êtes allée directement à Pale de
5 Vogosca ?
6 R. Pendant un certain temps et après, ma famille est venue me rejoindre.
7 J'habitais pendant un certain temps dans une petite maisonnette à moitié
8 terminée. Il s'agissait d'un chalet de quelqu'un, qui n'avait pas été
9 complètement construit, dont la construction n'avait pas été complétée.
10 C'était à Trebevic. C'est là que je me suis abritée. Je suis arrivée à
11 Kikinda, directement à Kikinda, où il y avait encore des bureaux. C'était
12 une installation qui s'appelait Kikinda.
13 Q. Permettez-moi de vous poser une question, Madame Cenic, reliée à cela.
14 Qu'est-ce qui vous a poussée à vous rendre à l'usine de Kikinda dès que
15 vous êtes arrivée à Pale ?
16 R. Je n'avais pas où d'autre aller.
17 Q. Bien sûr, n'ayant pas d'endroit particulier à aller, pourquoi êtes-vous
18 allée à Kikinda plutôt qu'ailleurs ?
19 R. Avant la guerre, comme je l'ai déjà dit, je connaissais
20 M. Krajisnik ainsi que le Pr Dr Koljevic, Mme Plavsic, le
21 Dr Karadzic et beaucoup d'autres personnes de Pale, tout comme je
22 connaissais Mme Milena Kusmuk également. J'avais besoin de travailler.
23 Q. Milena Kusmuk, c'est à elle que vous faites référence ?
24 R. Oui.
25 Q. Vous vouliez aller à Pale pour être tout près de votre famille, vous
26 occuper de votre famille, mais également, vous cherchiez du travail. Est-ce
27 que c'est ce que vous nous dites ?
28 R. Je me suis rendue à Pale quelques semaines avant l'arrivée de ma
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1 famille, donc un mois avant leur arrivée, pour voir s'il y avait un endroit
2 où je pouvais les placer et voir si je pouvais également travailler. Ma
3 sœur se trouvait également à Pale et sa famille y était également. Il était
4 tout à fait normal que nous soyons tous ensemble.
5 Q. A l'époque, en 1992, vous parliez anglais, et votre anglais était au
6 même niveau qu'aujourd'hui, j'imagine ?
7 R. Je ne dirais pas cela. Mon anglais est un peu moins bon, si vous le
8 voulez. Dernièrement, j'ai passé quelques années à l'université de
9 Cambridge. J'ai fait des études de maîtrise à Cambridge, et mon anglais
10 s'est amélioré depuis grâce à cela. Mais je crois, que raisonnablement
11 parlant, mon anglais était assez bon à l'époque.
12 Q. Vous étiez interprète, votre anglais était quand même assez bon,
13 j'imagine, à l'époque ?
14 R. Vous savez, trouver quelqu'un à l'époque pour pouvoir interpréter ou
15 traduire était très difficile. Il n'y avait pas énormément de personnes qui
16 se rendaient disponible pour ce genre de tâche. Plus particulièrement pas
17 les gens éduqués qui voulaient partir indépendamment de leur appartenance
18 ethnique ou de leur nationalité.
19 Q. Vous avez commencé à travailler, en parlant de façon générale, pour la
20 Republika Srpska, n'est-ce pas, lorsque vous êtes arrivée à Pale ?
21 R. Oui.
22 Q. Quelle était premier emploi ?
23 R. J'ai passé un certain temps au ministère de l'Information. Ce n'était
24 pas une période très longue. Je dois dire que je ne suis même pas peut-être
25 allée une seule fois dans ce bureau. Pour la plupart du temps, je
26 travaillais avec les journalistes étrangers qui, à l'époque, venaient à
27 Pale. Il m'arrivait également d'accompagner ces journalistes. On me le
28 demandait. C'est ce qui s'appelle interprète d'accompagnement.
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1 Q. Je vous interromps, car je voudrais simplement vous poser une série de
2 questions assez courtes qui nécessitent des réponses bien courtes
3 également.
4 D'abord, dites-nous où est situé le ministère de l'Information ?
5 R. C'était à l'hôtel Bistrica. Ils avaient leur bureau à l'hôtel Bistrica à
6 Jahorina.
7 Q. A quelle distance se trouvait cet hôtel du bâtiment Kikinda ?
8 R. Environ 15 kilomètres.
9 Q. Votre travail était essentiellement fait à Kikinda, au bureau de
10 Kikinda ?
11 R. Oui.
12 Q. Il n'est pas nécessaire de nous donner des listes bien complètes de
13 gens qui travaillaient soit dans les cuisines ou ailleurs, mais qui d'autre
14 travaillait à l'usine de Kikinda lorsque vous êtes arrivée à Pale outre
15 vous-même, bien sûr ?
16 R. Il y avait le Dr Karadzic. Il y avait M. Krajisnik. Il y avait Petko
17 Cancar. Nikola Poplasen également avait une chambre là-bas, occupait une
18 chambre. Il y avait plusieurs personnes, car il y avait plusieurs personnes
19 qui y dormaient. Ils passaient leurs nuits là-bas, ensuite, ils y
20 travaillaient également pendant le jour.
21 Q. Vous travailliez pour le ministère de l'Information. Qui était le
22 ministre chargé de l'Information ?
23 R. C'était Velibor Ostojic.
24 Q. Il travaillait depuis le bâtiment de Jahorina, n'est-ce
25 pas ?
26 R. Oui.
27 Q. S'agissant de votre travail quotidien et lorsque vous travailliez pour
28 le ministère de l'Information, qui était votre supérieur immédiat ?
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1 R. Je n'avais pas de supérieur immédiat, si vous voulez, je n'avais pas de
2 rapport à donner à qui que ce soit de façon quotidienne. On m'a donné,
3 demandé, ordonné, comme vous voulez, s'il y avait une activité concernant
4 les journalistes de les accompagner, mais s'agissant de rapports, il n'y
5 avait pas de rapports à envoyer, il n'y avait pas de rapports à faire tous
6 les jours. Je n'en ai pas rédigé un seul et on ne m'a pas demandé de le
7 faire non plus.
8 Q. Est-ce qu'on s'attendait à ce que vous travailliez avec des
9 journalistes étrangers et des journalistes domestiques, locaux ou est-ce
10 que votre travail était plutôt fait exclusivement avec des journalistes
11 étrangers ?
12 R. Monsieur Stewart, mon poste n'avait pas de description. Il n'y avait
13 pas de précisions, à savoir, quelles étaient mes tâches et responsabilités.
14 Il s'est avéré que pendant cette courte période de temps, je faisais une
15 activité qui se rapportait aux journalistes étrangers.
16 Q. Cet aspect-là de votre travail, est-ce que c'était votre propre
17 initiative ou est-ce que c'était à la demande de quelqu'un en particulier ?
18 R. Il y avait une dame, c'était une journaliste de Belgrade, elle
19 s'appelle Mira Adanja Polak, elle a demandé au Dr Karadzic de lui venir en
20 aide, car un journaliste canadien, qui s'appelait George Arthur Kent,
21 voulait tourner un documentaire. Le Dr Karadzic, sachant que je parlais sa
22 langue et non seulement cela, mais sachant également qu'il ne m'est pas
23 difficile de travailler dans ce domaine, m'a demandé de travailler avec et
24 d'accompagner le journaliste là où il demandait d'aller, et cela incluait
25 également une grande partie du territoire dans la région.
26 Q. Parlons maintenant de M. Kent. Y avait-il des questions particulières,
27 y avait-il des sujets précis, des sujets qui intéressaient particulièrement
28 M. Kent ?
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1 R. Il voulait tout voir. Il n'avait aucune espèce d'idée de l'état du
2 pays. Il ne savait pas du tout ce qui se passait. Il détenait certaines
3 informations qu'il pouvait d'autres sources, je ne vais pas entrer dans les
4 détails pour vous dire lesquelles, et nous sommes partis ensemble pour
5 visiter la région. C'est ainsi que nous nous sommes trouvés dans plusieurs
6 municipalités, y compris celles de Vogosca, d'Ilijas --
7 Q. Madame Cenic, encore une fois, je vous prierais de me permettre de vous
8 interrompre, et j'espère que vous ne serez pas offusquée. Je ne souhaite
9 certainement pas vous interrompre, mais il y a des questions que je voulais
10 vous poser avant d'en arriver à cette partie-là de votre récit.
11 Vous nous avez dit que M. Kent avait un certain nombre d'informations. Vous
12 a-t-il dit de façon directe ou indirecte d'où il détenait cette
13 information ?
14 R. Non. Non, et je ne lui ai pas demandé non plus.
15 Q. Est-ce que vous saviez de façon générale à quoi avait trait cette
16 information et qu'est-ce qu'elle concernait exactement ?
17 R. Lorsque nous nous sommes rendus dans la partie ouest occidentale du
18 territoire, il avait certaines indications, à savoir, ce qui l'intéressait,
19 ce qu'il voulait voir une fois sur ce territoire, et il voulait voir, par
20 exemple les centres de rassemblement comme il les appelait, à l'époque.
21 Nous nous étions rendus dans un centre de rassemblement. Pour vous parlez
22 d'autre --
23 Q. Je suis vraiment désolé, je vous interromps de nouveau, mais je voulais
24 seulement aborder quelques questions préliminaires.
25 Je sais très bien que les journalistes ne révèlent pas leurs sources, mais
26 vous nous dites que vous ne voulez pas donner les sources du journaliste en
27 question. Maintenant, de façon générale, la nature des sources, enfin vous
28 êtes ici devant les Juges de cette Chambre, vous êtes en train de témoigner
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1 sous serment, mais vous devez nous dire quelle est la nature des sources de
2 l'information reçue par M. Kent ?
3 R. Monsieur Stewart, si vous revenez en arrière, vous verrez que ce n'est
4 pas dit que ce n'est pas moi qui ne voulais pas dévoiler la source, je n'ai
5 jamais posé de questions quant à ses sources.
6 J'estimais, pour ma part, qu'il me fallait lui montrer tout ce qu'il
7 voulait voir. C'est ce qu'il a pu en voir, c'est-à-dire, j'ai complètement
8 acquiescé à sa demande et je lui ai montré tout ce qu'il voulait voir. Je
9 ne sais même pas ce qu'il a tourné, ce qu'il a fait, je n'ai jamais vu de
10 film. Je sais qu'il a simplement remporté un prix dans un festival pour son
11 travail. Je n'ai jamais vu les résultats du tournage.
12 Q. Madame Cenic, lorsque vous avez dit à la page 41, ligne 11 du compte
13 rendu d'audience en anglais, nous avons entendu : "Je ne veux pas entrer
14 dans les détails quant aux détails des sources."
15 R. Je n'ai pas voulu entrer dans les détails à l'époque. Je n'ai pas voulu
16 lui poser des questions quant à ses sources. C'est ce que j'ai dit en
17 B/C/S.
18 Q. Très bien, d'accord. Alors --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, à quel moment s'est
20 déroulé ce voyage avec ce journaliste ? Est-ce que vous pourriez, je vous
21 prie, poser cette question au témoin ?
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, certainement. Je voulais simplement
23 aborder quelques questions préliminaires, mais maintenant j'arrive au
24 voyage même.
25 Q. D'abord, Madame, est-ce que vous avez accompagné M. Kent lors des
26 déplacements ?
27 R. Oui.
28 Q. Pour l'ensemble du déplacement, vous l'avez suivi pendant tout le
Page 22137
1 voyage ?
2 R. Oui.
3 Q. A quel moment est-ce que cela a eu lieu ?
4 R. C'était la dernière semaine, les derniers dix jours de septembre.
5 Q. Est-ce que vous êtes allés à plus d'un endroit ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les endroits que vous
8 avez visités lors de ce voyage ?
9 R. Les municipalités de Sarajevo, donc Vogosca, Ilijas et les environs.
10 Ensuite Derventa, Doboj, Brod, Bidka [phon], le canal autour de la bataille
11 de Brod, ensuite il a mené une interview avec le général Lisica. Ensuite il
12 a également vu Banja Luka et tous les autres endroits qu'il était possible
13 de voir pendant ce voyage, les environs de Banja Luka aussi.
14 Q. Est-ce qu'il tournait pendant que vous vous déplaciez ?
15 R. Oui.
16 Q. Est-ce que ce n'était que vous deux ou y avait-il d'autres personnes
17 avec vous ?
18 R. Il y avait également un chauffeur. Il nous a conduit partout. Il nous
19 suivait partout. C'était Nebojsa Lazic. Lorsque nous sommes arrivés à Banja
20 Luka, nous avons appelé le centre d'information de l'armée. Pour ce qui est
21 du canal d'Obodni, et pour ce qui est du général Lisica et Brod, car le
22 jour où nous sommes arrivés, on avait mené une bataille là-bas pour
23 Bosanski. C'est une bataille pour conquérir Bosanski Brod, ou si vous
24 voulez l'appelez autrement, la bataille de Bosanski Brod. C'est à ce
25 moment-là que M. Milos Solaja s'est joint à nous.
26 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que la cabine anglaise demande au témoin de
27 répéter la dernière phrase ?
28 M. STEWART : [interprétation]
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1 Q. Je ne sais pas si vous l'avez entendu, Madame Cenic, on vous demande de
2 répéter votre dernière phrase.
3 R. C'est à ce moment-là qu'à Banja Luka une personne nous a rejoints et
4 c'était un homme qui travaillait à l'époque là-bas.
5 Q. Qui était-ce ?
6 R. Milos Solaja.
7 Q. Qui était-il ?
8 R. Il travaillait au centre d'information militaire ou le centre de
9 presse, le centre de média de l'armée.
10 Q. Est-ce que M. Kent parlait serbe ?
11 R. Non.
12 Je voudrais ajouter que nous étions allés à Prijedor également et
13 nous avons visité les environs de Prijedor. Il ne parlait pas anglais;
14 c'était moi son interprète.
15 Q. Bien, vous avez répondu à ma question suivante déjà. Vous étiez là en
16 tant qu'interprète. Vous accompagniez M. Kent lors de toutes les interviews
17 et toutes les discussions qu'il avait avec les interlocuteurs serbes ?
18 R. Chaque fois qu'il voulait s'entretenir avec toutes les personnes qu'il
19 voulait voir, c'est moi qui interprétais ces réunions et ces interviews.
20 Q. Madame Cenic, vous avez dû certainement comprendre et savoir quels
21 étaient les sujets qui intéressaient M. Kent ?
22 R. Oui.
23 Q. Quelles étaient les questions principales qui l'intéressaient ?
24 R. Je ne peux rien vous dire de particulier outre la seule chose que je
25 peux vous dire qui me revient à l'esprit, c'étaient les centres de
26 rassemblement, les camps, je ne sais pas comment vous voulez les appeler,
27 et c'est pour cela que nous nous sommes rendus à Prijedor.
28 Q. Lorsque vous êtes allés à Prijedor, qu'y avez-vous fait pour ce qui
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1 concerne la question qui intéressait M. Kent ?
2 R. Il voulait rendre visite à Trnopolje, je crois que c'était Trnopolje,
3 et c'est là que nous sommes allés effectivement.
4 Q. Combien de temps êtes-vous restés à Trnopolje ?
5 R. Nous y sommes restés quelques heures.
6 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pourrais m'arrêter
7 ici si vous voulez car j'ai une nouvelle série de questions à poser au
8 témoin et qui ouvrirait un autre sujet et nous nous approchons de l'heure
9 de la pause.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est exact.
11 Madame Cenic, nous prendrons une pause de 20 minutes. Nous reprendrons nos
12 travaux à midi 45.
13 LE TÉMOIN : Merci.
14 --- L'audience est suspendue à 12 heures 26.
15 --- L'audience est reprise à 12 heures 55.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez y aller, Monsieur Stewart.
17 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais juste que nous gardions 15
19 minutes pour des points de procédure à la fin de la séance.
20 M. STEWART : [interprétation] Merci. Pas de problème.
21 Q. Madame Cenic, quand vous êtes allée à Trnopolje, qu'avez vu
22 exactement ?
23 R. Une grille, un portail, beaucoup de personnes à l'intérieur, dans des
24 conditions qui laissaient beaucoup à désirer, des gens qui allaient et
25 venaient, beaucoup de gens qui allaient et venaient, les gens qui portaient
26 toutes sortes d'uniformes, un certain nombre d'uniformes. Certains avaient
27 des chapeaux, d'autres avaient la tête nue. Enfin, des uniformes très
28 colorés, en tout cas. Il y avait beaucoup de monde qui rentrait sur le
Page 22140
1 terrain, même qui rentrait en vélo. Il y avait des petits bâtiments. Ils
2 rentraient dans les bâtiments. Comme je vous l'ai dit, les conditions
3 d'hygiène laissaient beaucoup à désirer. C'était assez déplorable.
4 Q. Je vais vous poser des questions courtes, très précises. Si vous
5 pouviez me répondre brièvement. Avez-vous d'abord un rendez-vous ? Est-ce
6 qu'on vous attendait à Trnopolje ?
7 R. Non.
8 Q. Quand vous êtes arrivée à Trnopolje, avez-vous demandé à contacter la
9 personne qui était en charge ou est-ce que c'est quelqu'un qui venait de
10 Trnopolje qui a pris l'initiative de rentrer en contact avec vous ?
11 R. Non. Nous avons demandé à parler à quelqu'un. Un homme d'âge moyen est
12 venu nous voir, s'est approché de nous. Il y a longtemps, j'ai du mal à me
13 souvenir. Il me semble qu'il était en uniforme avec un pantalon et une
14 chemise qui n'allaient pas ensemble. Je lui ai dit qui nous étions, qui
15 était la personne qui m'accompagnait, ce que voulait cette personne. J'ai
16 dit que la personne qui m'accompagnait voulait faire un documentaire. Il
17 l'a autorisée à rentrer pour filmer l'endroit.
18 Q. Cette personne d'un âge moyen était sans doute une personne qui
19 détenait une certaine autorité ?
20 R. Oui, j'imagine que oui. Il devait sans doute être responsable de
21 quelque chose.
22 Q. S'est-il présenté ?
23 R. Je suis sûre que oui, mais je ne me souviens absolument pas de son nom.
24 Q. Vous ne vous souvenez pas de quoi que ce soit ? Est-ce que vous pouvez
25 quand nous dire si c'était un officier de l'armée, un soldat, si c'était un
26 civil ?
27 R. Non, je ne sais pas.
28 Q. Vous êtes restée avec M. Kent pendant toute la visite, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce que M. Kent s'est mis à filmer immédiatement, enfin presque
3 immédiatement ?
4 R. Il a filmé la porte d'entrée, la route qui menait à l'entrée parce
5 qu'il y avait beaucoup de vélos, beaucoup de bicyclettes garées à cet
6 endroit. Il a aussi filmé à l'intérieur de cet établissement.
7 Q. Quelle était la taille à peu près de cet établissement ? Pouvez-vous
8 nous donner un ordre d'idée par rapport à un terrain de foot, par exemple,
9 enfin, pour qu'on ait un ordre d'idée de la taille de cet établissement.
10 R. Je suis désolée, j'ai du mal à me souvenir, en tout cas, pour ce qui
11 est de ce genre de détails. Ce n'est pas la forme d'un stade de foot;
12 c'était plutôt circulaire.
13 Q. Je vous demande juste un ordre d'idée. Cela faisait l'équivalent de 12
14 terrains de foot ou c'était plus petit ?
15 R. Oui, c'était plus petit que cela.
16 Q. Est-ce qu'à un moment où à un autre on vous a empêchée d'entrer quelque
17 part ou est-ce qu'on vous a mis des bâtons dans les roues pour que vous ne
18 puissiez pas rentrer dans un endroit ou visiter une partie de cet
19 établissement ?
20 R. Non.
21 Q. Est-ce que vous êtes entrés dans le moindre bâtiment où des personnes
22 auraient été détenues ?
23 R. Aucun détenu. D'abord, le terme "détenu," je ne sais pas comment
24 décrire la situation. J'ai vu des gens qui rentraient qui sortaient du
25 terrain et de l'enceinte. Beaucoup de monde.
26 Q. Je vais vous poser la question autrement. Avez-vous vu des personnes
27 dans cette enceinte qui, de façon évidente, étaient détenues là sans
28 possibilité de sortir ?
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, j'aimerais vous poser
2 une question. Qu'est-ce que vous êtes en train de faire ? Est-ce que vous
3 êtes en train de remettre en question des faits qui étaient admis ou est-ce
4 que vous voulez établir que les choses étaient un peu différentes en
5 septembre par rapport à d'autres périodes ? Je ne comprends très bien où
6 vous voulez en venir.
7 M. STEWART : [interprétation] Je voudrais juste que notre témoin nous dise
8 exactement ce qu'elle a vu ce jour-là.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez que les faits admis ou
10 établis ne le sont que sur la base d'énormément d'informations et de
11 preuves. Certes, dans la jurisprudence du Tribunal, on peut remettre en
12 cause des faits déjà admis, mais il faut quand même qu'il y ait plusieurs
13 dépositions qui vont remettre en cause des faits établis. On n'encourage
14 pas ce genre de pratique, parce que si la Défense veut remettre en question
15 les faits établis, numéros tant et tant qui sont établis de façon stricte
16 par cette Chambre, il faut quand même nous dire exactement quel fait établi
17 ou fait admis vous êtes en train de remettre en cause. J'imagine, par
18 exemple, qu'il s'agit du 365. Dites-nous les choses ouvertement, qu'on
19 sache un petit peu de quoi on parle.
20 M. STEWART : [interprétation] Vous nous dites le 365 quoi ?
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, le fait admis, le 365.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, vous faites référence au numéro 365.
23 Vous avez des avantages sur moi, parce que, bien sûr, je n'ai pas la liste
24 des faits admis sur mon PC.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous allez parler de Trnopolje, vous
26 devez avoir quand même la liste des faits admis à ce propos, si vous avez
27 bien fait votre travail.
28 M. STEWART : [interprétation] Il y a énormément de choses à faire pour
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1 préparer et pour récoler le témoin. Tout ce que je tiens à vous dire, c'est
2 que je n'ai pas la liste des faits admis sous les yeux. Je me demandais
3 juste ce qu'était exactement ce 365 ou s'il y en avait 365 en tout. C'est
4 tout. Je pense qu'il faudrait mieux que vous posiez votre question en
5 l'absence du témoin, étant donné que ce témoin comprend l'anglais, il
6 comprend ce que nous sommes en train de dire.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous l'ai dit de toute façon,
8 comme je l'ai dit --
9 M. STEWART : [interprétation] Je ne peux pas le répondre. Quand même, vous
10 faites des commentaires en présence du témoin, questions auxquelles je ne
11 peux pas répondre en présence de ce témoin.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. S'il vous plaît, si vous
13 pouviez me regarder, ce serait quand même plus approprié.
14 M. STEWART : [interprétation] Je suis désolé. Vous savez, j'ai mon co-
15 conseil à côté de moi, je dois parfois communiquer avec lui. C'est pour
16 cela, malheureusement, que je vous tourne le dos. Ce n'est absolument pas
17 pour être impoli.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'ai compris. Je me demande
19 quelle est l'utilité de vos questions présentement. Si vous voulez que l'on
20 réétudie les faits admis, les faits de Trnopolje qui sont admis, --
21 M. STEWART : [interprétation] Je ne peux pas répondre à cette question en
22 présence du témoin. Ce n'est pas possible de répondre en présence du témoin.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions très simples. A
24 ce moment-ci, vous savez quand même qu'il y a des faits admis en ce qui
25 concerne Trnopolje. Est-ce que vous connaissez les détails des faits admis
26 oui non ? Visiblement, c'est non --
27 M. STEWART : [interprétation] Je sais très bien qu'il y a des faits admis.
28 Je sais qu'il y a énormément de détails là-dessus. Je connais la nature de
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1 ces faits. Je suis très au courant, mais je ne les ai pas sous les yeux. Je
2 n'ai pas la liste sous les yeux. Mais je sais exactement de quoi traitent
3 ces faits admis. Je sais que ce sont des faits très intenses et très
4 détaillés, qu'il y en a au moins 365. C'est ce que je peux déduire.
5 [La Chambre de première instance se concerte]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous nous avez dit que
7 vous n'allez pas en terminer aujourd'hui. S'il vous plaît, pourriez-vous
8 tout d'abord réétudier les faits admis de Trnopolje avant de rentrer dans
9 des détails supplémentaires sur cet endroit. Nous vous conseillons -- enfin,
10 juste pour votre information, sachez que Trnopolje, il s'agit des faits
11 admis qui vont de 353 jusqu'au 371.
12 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, bien sûr. J'en
13 suis fort reconnaissant. Nous trouverons nous-mêmes les faits admis.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous pouvez poser des questions
15 sur le voyage, mais ne continuez pas à poser des questions sur Trnopolje.
16 Il faudrait d'abord que vous ayez étudié les faits admis. Il faudrait
17 savoir exactement ce qu'ils sont.
18 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je n'ai peut-être pas la réponse à la
19 question que vous avez posée. Peut-être ce qui vaudrait mieux peut-être,
20 c'est de laisser tomber complètement ce point pour aujourd'hui et passer à
21 autre chose, si vous préférez.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce serait beaucoup mieux.
23 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Madame Cenic, nous allons revenir un peu en arrière. Nous allons
25 revenir à Pale. Nous allons revenir à Kikinda.
26 Bien sûr, je vais peut-être un petit peu diriger l'interrogatoire. Je
27 compte sur vous pour m'interrompre si je vais trop loin.
28 Dr Krajisnik avait son propre bureau à Kikinda, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Quand vous êtes arrivée, est-ce que M. Krajisnik avait aussi son propre
3 bureau à Kikinda ?
4 R. Oui.
5 Q. Les bureaux du Dr Karadzic et de M. Krajisnik étaient l'un en face de
6 l'autre, c'est cela, de chaque côté du couloir ?
7 R. Oui.
8 Q. Ce n'était pas des bureaux qui avaient été construits dans ce but,
9 c'étaient de grandes pièces qui servaient de bureaux.
10 R. Oui. Il s'agissait d'un endroit de tourisme, c'était pour les touristes
11 et c'est pour cela que cela s'appelait le Kikinda.
12 Q. Oui.
13 R. Il s'agissait juste de chambres.
14 Q. Oui, mais qui travaillait dans le bureau de M. Karadzic, si tant est
15 qu'il y ait eu quelqu'un ?
16 R. Son assistante personnelle, sa secrétaire, si vous voulez.
17 Q. C'était qui ?
18 R. C'était Milijana Rasevic.
19 Q. Il y avait surtout ces deux personnes qui travaillaient dans le bureau,
20 c'est cela, et les autres gens, c'étaient des personnes qui entraient et
21 qui sortaient ?
22 R. Oui.
23 Q. Il y avait cette dame et Dr Karadzic dans le bureau.
24 Le bureau de M. Karadzic était une seule pièce ou est-ce qu'elle
25 était divisée, il y avait des cloisons ?
26 R. Comme les autres bureaux, quand on entrait, il y avait un petit couloir,
27 à votre gauche une salle de bain. Ensuite la petite pièce où se tenait la
28 secrétaire. Et à droite une autre pièce où se trouvait le bureau de M.
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1 Krajisnik.
2 Q. Qu était la secrétaire de M. Krajisnik ?
3 R. Mme Milena Kusmuk.
4 Q. Quand vous avez commencé à travailler à Kikinda, étiez-vous aussi
5 hébergée dans l'un de ces bureaux, celui de M. Krajisnik ou celui de M.
6 Karadzic, ou alors ailleurs dans le bâtiment ?
7 R. Comme je connaissais mieux Mme Milena Kusmuk, mon bureau se trouvait à
8 côté d'elle. Je m'étais mise, plus ou moins, à sa disposition et je
9 l'aidais jusqu'à ce qu'on me donne d'autres instructions, pour me dire
10 exactement où aller et quoi faire.
11 Q. Y avait-il un téléphone dans le bureau de M. Karadzic tout comme dans
12 le bureau de M. Krajisnik ?
13 R. Oui.
14 Q. Il s'agissait d'un téléphone qui donnait des communications internes et
15 qui donnait aussi accès à l'extérieur, pour ce qui est du bureau de M.
16 Krajisnik ?
17 R. Non. Il n'y avait pas de communication interne. Cela n'existait pas.
18 C'étaient des téléphones normaux qui étaient branchés dans des lignes
19 téléphoniques tout à fait normales. Il y avait un appareil téléphonique sur
20 le bureau de Mme Kusmuk et un autre sur le bureau de Mme Rasevic.
21 Q. Il y avait un télécopieur dans le bureau de M. Krajisnik ?
22 R. Oui.
23 Q. Cela leur permettait de recevoir et d'envoyer des fax ?
24 R. Oui.
25 Q. Y avait-il la même machine dans le bureau de M. Krajisnik ?
26 R. Je ne m'en souviens pas. Je crois que oui.
27 Q. A partir du moment où vous avez commencé à travailler à cet endroit-là,
28 est-ce que votre travail consistait surtout ou en partie à avoir des
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1 contacts avec des journaliste étrangers ?
2 R. A l'époque, nous ne parlions pas de notre travail avec des journalistes
3 de la région ou des journalistes étrangers. Quelquefois, ils me
4 contactaient spontanément. Par ailleurs, je faisais toutes sortes d'autres
5 choses, je tapais à la machine des documents, j'étais simplement là, je
6 réfléchissais à mon avenir et je demandais ce que je devais faire ensuite.
7 Q. Autrement dit, vous vous occupiez de tâches administratives, et vous
8 aviez le rôle de secrétaire; c'est exact ?
9 R. Il est très difficile d'utiliser les termes exacts pour décrire la
10 situation à l'époque. Compte tenu de ce que nous avions à notre disposition,
11 c'était véritablement le minimum par rapport aux technologies qui
12 existaient déjà à ce moment-là. Nous avions une machine à écrire, un
13 télécopieur, mais tout ceci était très ancien. Il y avait un téléphone.
14 Q. Je vais vous poser une question qui va vous permettre de répondre assez
15 librement. Vous avez certainement compris que la Chambre de première
16 instance s'intéresse à certains faits, mais non pas aux faits qui ne sont
17 pas pertinents. Mais vous étiez là. Personne d'autre ou aucun représentant
18 de cette Chambre n'était présent à l'époque. Est-ce que vous pourriez
19 décrire de la meilleure façon possible, est-ce que vous pourriez nous
20 parler de votre journée de votre travail ? Comment se déroulait votre
21 journée de travail, ce que vous faisiez, qui vous voyiez, quel type de
22 travail vous faisiez ? Bien sûr, ceci vous prendre peut-être quelques
23 minutes, mais essayez de décrire ceci aux Juges de la Chambre, à quoi
24 ressemblait une journée de travail pour vous à l'époque.
25 R. J'arrivais le matin vers 8 heures et demie. Si Mme Kusmuk avait
26 d'autres choses à faire, je répondais au téléphone pour elle, à sa place.
27 Je recevais des messages envoyés par télécopie. Il y avait beaucoup de gens
28 qui venaient dans nos bureaux, parce qu'on ne pouvait pas entrer en contact
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1 par ailleurs. Mais il fallait se rendre dans les bureaux, il valait mieux
2 s'y rendre en personne. Les gens qui venaient étaient soit l'homme de la
3 rue, quelqu'un qui avait un problème, ou des députés qui venaient de
4 différentes municipalités, et la journée de travail durait aussi longtemps
5 qu'il y avait du travail. Je parle d'une époque très difficile où nous
6 avions des renseignements quotidiennement sur les pertes de vie humaine, de
7 gens qui avaient été tués ou blessés, et il y avait beaucoup d'autres
8 choses qui nous étaient très difficiles de gérer. A tout moment, il fallait
9 que quelqu'un soit sur place et de permanence. Nous nous couchions tard. Je
10 ne quittais mon lieu de travail jamais avant 9 heures ou 10 heures, voire
11 même plus tard. Quelquefois, je me rendais dans cette petite maison où je
12 dormais, qui se trouvait à dix kilomètres environ de l'endroit où je
13 travaillais.
14 Q. A ce moment-là, dans le sens où vous avez, si vous voulez, travaillé
15 pour M. Krajisnik, hormis le fait d'avoir été dans son bureau physiquement,
16 est-ce que vous travailliez pour M. Krajisnik ?
17 R. Directement, non.
18 Q. De façon indirecte d'une manière ou d'une autre ?
19 R. Indirectement, dans le sens où j'étais assistante de Mme Kusmuk, qui
20 était son secrétaire. Comme je l'ai dit, les gens ont manqué de personnel à
21 l'époque et il n'y avait pas véritablement de description de poste ou
22 répartition des tâches. Il fallait compter sur soi-même et il fallait gérer
23 les différentes questions et les organiser soi-même. Si on me demandait de
24 faire quelque chose, je quittais mon bureau et je m'en occupais sans
25 demander à qui cette tâche incombait car j'avais l'impression ou il me
26 semblait que j'étais arrivée là par hasard, et c'est ce type d'atmosphère
27 qui prévalait à ce moment-là.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Hanoteau a une question à poser.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Madame, vous avez dit qu'il y avait beaucoup de
2 visites de membres d'assemblée qui arrivaient de diverses municipalités.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, je ne parle pas français donc je
4 vais devoir mettre mes écouteurs.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : Oui. Je disais que dans votre témoignage vous avez
6 rapporté qu'à la place où vous travailliez, il y avait beaucoup de visites
7 de membres d'assemblée venant de diverses municipalités; c'est bien ce que
8 vous avez dit ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pour certaines municipalités il n'y avait
10 pas d'autres moyens d'entrer en contact avec eux que de les voir se
11 présenter directement et personnellement, et je me souviens que c'était le
12 cas pour les municipalités d'Herzégovine.
13 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que c'étaient des gens qui venaient
14 spontanément ou qui étaient convoqués par M. Krajisnik ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Il n'y avait pas de convocations. Les
16 gens venaient de façon spontanée, si je me souviens bien. Je n'avais jamais
17 entendu parler d'appels ou de convocations particulières.
18 M. LE JUGE HANOTEAU : Ils étaient reçus systématiquement sans qu'ils aient
19 à expliquer la raison de leur déplacement ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] La plupart du temps, si M. Krajisnik était
21 occupé, les députés attendaient dans la salle attenante qui autrefois
22 servait de salle à dîner; c'était une salle au rez-de-chaussée et les gens
23 attendaient dans cette salle pour le voir.
24 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que vous faisiez préciser les raisons ou les
25 motifs de ces visites ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Si ma mémoire est bonne, ils n'étaient même
27 pas obligés de nous dire pourquoi ils étaient venus. Ils n'étaient pas
28 tenus d'informer qui que ce soit. Ils se présentaient seuls simplement et
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1 ils disaient qu'ils voulaient s'entretenir avec lui de leurs problèmes
2 probablement, et on ne leur posait pas énormément de questions. Mme Kusmuk
3 ne leur posait pas de questions non plus. Personne ne m'a jamais demandé de
4 leur demander pourquoi ils étaient venus. Le message était toujours le même
5 : d'attendre M. Krajisnik et d'attendre de lui parler quand M. Krajisnik
6 aura le temps de les recevoir. Il était tout le temps là. Il était présent
7 pendant la journée, mais il ne pouvait jamais expulser quelqu'un de son
8 bureau pour accueillir une autre personne.
9 M. LE JUGE HANOTEAU : Oui. La question suivante est celle-ci : à quelle
10 fréquence venait ces personnes ? Tous les jours ? Il y avait des membres
11 des municipalités qui venaient rendre visite à
12 M. Krajisnik, pratiquement tous les jours ? Ou --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'était pas que des députés. Il y avait
14 également d'autres personnes, des hommes tout à fait ordinaires, pour les
15 appeler ainsi. J'ignorais leurs fonctions. C'étaient des personnes qui
16 n'avaient sans doute pas de fonctions particulières. Ce n'était pas des
17 gens qui étaient connus par qui que ce soit, qui n'étaient pas connus de
18 façon officielle. Ce n'était pas des gens que l'on voyait sur la scène
19 politique. C'étaient des gens qui venaient, par exemple, voir si on pouvait
20 établir un lien avec leurs membres de la famille, essayer de retrouver des
21 membres de la famille et ils s'adressaient également à M. Krajisnik, pour
22 la plupart des cas. Ensuite, il y avait un très grand nombre de personnes
23 qui avait perdu les contacts avec des membres de leurs familles à Sarajevo,
24 par exemple. C'étaient eux qui venaient le voir le plus souvent. C'étaient
25 ces personnes qui avaient ce problème énorme d'essayer de retrouver des
26 membres de leurs familles.
27 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous pouvez préciser d'où venaient ces représentants
28 des municipalités, ces députés des municipalités ? Vous pouvez préciser un
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1 peu plus de quelles municipalités, ils venaient, ou de quelles régions plus
2 particulièrement ils venaient ? Je crois que tout à l'heure vous vouliez
3 donner des précisions à ce sujet-là.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'avais mentionné la municipalité
5 d'Herzégovine et à l'époque, les communications étaient les plus difficiles
6 avec ces municipalités-là. Eux ils trouvaient des moyens pour se déplacer
7 et je crois qu'ils nous disaient même qu'ils devaient se déplacer en
8 passant par la Serbie et en faisant un grand détour pour venir à Pale. Il y
9 avait également des municipalités de l'ancienne Herzégovine, comme on
10 l'appelait à l'époque. Ces personnes-là pouvaient nous contacter qu'en se
11 présentant eux-mêmes personnellement également. Ensuite, il y avait des
12 personnes qui venaient des municipalités autour de Pale. Eux aussi venaient
13 nous voir mais pour la plupart de ces gens, je ne peux pas me rappeler s'il
14 y avait des personnes qui venaient nous rendre visite des municipalités de
15 Krajina. Je ne me souviens vraiment pas s'il y avait des députés de
16 Krajina. Je ne me souviens pas d'une délégation qui était venue de Krajina.
17 Je répète encore une fois, toutes ces personnes complètement ordinaires,
18 ces habitants, si je me souviens bien, d'après mon souvenir, il y avait un
19 très grand nombre de personnes qui passait, qui venait à tous les jours,
20 qui passait par là. Il est très difficile de se remémorer des noms de
21 toutes les personnes qui venaient.
22 M. LE JUGE HANOTEAU : Pour que ces représentants des municipalités viennent
23 de si loin, dans des conditions difficiles que vous évoquez vous-même,
24 Madame, est-ce que vous savez pourquoi ils venaient rendre visite, qu'ils
25 tenaient à rencontrer M. Krajisnik ? Vous avez une idée ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela.
27 Les gens voulaient savoir ce qui allait arriver, où on allait. Pour la
28 plupart d'entre eux, lorsque je parle des députés et des représentants de
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1 municipalités, ils voulaient entendre des mots qui calmeraient les esprits.
2 Vous trouverez peut-être cela étrange, Monsieur le Juge, mais très souvent
3 c'était comme des groupes de thérapie de groupe. Les gens voulaient
4 entendre des propos qui les calmeraient, que tout irait bien, que les
5 choses allaient bien se dérouler. Ils repartaient sans que l'on ait résolu
6 particulièrement leurs problèmes. On ne pouvait pas vraiment résoudre tous
7 leurs problèmes, mais le seul fait de s'entretenir avec M. Krajisnik, de
8 savoir s'il y avait des projets, des plans, si on allait faire quelque
9 chose, chacun d'entre eux avait toujours la même question accrochée aux
10 lèvres : jusqu'à quand est-ce que le tout durera. Il y avait des gens qui
11 attendaient comme cela et qui se parlaient entre eux. Chaque fois, on
12 entendait la même question; jusqu'à quand, quand est-ce que cela sera
13 terminé ?
14 M. LE JUGE HANOTEAU : Ma dernière question est : est-ce qu'il y avait une
15 possibilité de téléphoner de ces municipalités à
16 M. Krajisnik ou c'était absolument impossible à cette époque ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était absolument impossible d'entrer en
18 contact téléphonique avec certaines municipalités. Ce n'est que beaucoup
19 plus tard, je crois, que les lignes téléphoniques avaient été rétablies.
20 Mais on ne pouvait pas rentrer en contact ni téléphoner avec un très grand
21 nombre de municipalités.
22 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que vous pouvez situer à quel moment les
23 lignes ont été rétablies ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Les lignes téléphoniques, nous les avions et
25 elles fonctionnaient, mais il y avait des sanctions établies par la
26 Yougoslavie. Nous les avions, ces lignes téléphoniques, lorsque nous nous
27 sommes réinstallés dans cet autre bâtiment qui était meilleur. C'est ce
28 qu'on appelait le petit Dom à côté de l'hôtel Panorama, le petit club.
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1 C'est là que les lignes téléphoniques étaient meilleures. Tous les moyens
2 de communication de ce type-là étaient meilleurs dans l'autre immeuble; les
3 choses s'étaient améliorées.
4 M. LE JUGE HANOTEAU : Quand vous étiez à Kikinda, vous dites que pour la
5 plupart des municipalités, c'était difficile de communiquer avec le bureau
6 de M. Krajisnik, notamment.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'était très difficile. Certaines
8 municipalités ne pouvaient pas du tout se servir de téléphone. Il n'y avait
9 pas de communication téléphonique. Il n'y avait pas de lignes
10 téléphoniques. La seule façon était de partir en voyage et de venir en
11 personne pour ceux qui pouvaient, bien sûr, se le permettre.
12 M. LE JUGE HANOTEAU : Je vous remercie.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, est-ce que vous avez -
14 - enfin, il vous reste encore 15 minutes.
15 M. STEWART : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président.
16 Nous l'avons remarqué.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Cenic, nous en avons terminé pour
18 la journée. Demain, nous ne siégerons pas. Le procès sera reporté à la
19 journée de jeudi. Il y a une réunion des Juges, nous ne pourrions pas
20 siéger pour ce qui est de demain mercredi. Nous vous attendrons à 14 heures
21 15, le 30 mars. De nouveau, nous serons, en fait, dans la salle d'audience
22 numéro II. Je voudrais vous demander de ne pas vous entretenir avec qui que
23 ce soit du témoignage que vous avez donné et que vous allez donné.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous comprends, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez, je vous prie,
26 suivre Mme l'Huissière qui vous escortera à l'extérieur de cette salle
27 d'audience.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
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1 [Le témoin se retire]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a d'abord quelques questions à
3 aborder. Ce n'est peut-être pas tout à fait clair, mais je vais demander
4 que les pièces suivantes soient versées au dossier : la pièce D142, D143
5 ainsi que D148. Les détails seront trouvés sur la liste du Greffier.
6 Il y a également le document P1074, P1075, P1076, P1078, P1080, P1085,
7 P1087, P1093, P1094, P1096 ainsi que P1097.
8 Ensuite, pour ce qui est de la pièce P1138, je les appelle ainsi, si vous
9 voulez, des documents Hotic. Ces documents sont énumérés comme suit et font
10 maintenant partie de la liste des pièces à conviction : P1138, c'est la
11 l'index de documents qui ont trait à l'affaire Hotic, T460/04. Tous les
12 documents sous-jacents qui sont numérotés P138.A, P138.B [comme
13 interprété], et cetera, jusqu'à P1138.A.A. C'est le 27e document.
14 Les traductions sont toujours, bien sûr, ajoutées et sont identifiées avec
15 la mention A.1.
16 Pour ne pas perdre plus de temps, jeudi prochain, je souhaiterais aborder
17 la question suivante. Il nous faudra pour cela passer en audience à huis
18 clos partiel.
19 [Audience à huis clos partiel]
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11 Pages 22155-22156 expurgées. Audience à huis clos partiel.
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3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, il y avait encore quelques
5 questions que vous pourriez aborder, la première étant la traduction de
6 D136 [comme interprété].
7 M. JOSSE : [interprétation] Oui. M. Harmon a déjà reçu les exemplaires. Je
8 remercie l'Accusation. Les documents ont été envoyés au CLSS. Les documents
9 ont été traduits et les traductions de
10 M. Harmon ont été également ajoutées. Ils avaient déjà des documents. Nous
11 les remercions de nous avoir remis ces documents. S'agissant de D106, il
12 s'agit d'un commun accord établi entre les parties.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
14 Je reçois le français. C'est une erreur, pardonnez-moi.
15 Il y avait une question qui portait sur le témoignage de Poplasen sur une
16 législation double.
17 M. JOSSE : [interprétation] Notre position est celle-ci : j'ai reçu une
18 traduction de mon confrère. C'est une question que j'allais poser la
19 semaine prochaine, si vous me le permettez. M. Krajisnik a travaillé là-
20 dessus. Je vais en parler lors d'un entretien que nous aurons demain.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons vous donner jusqu'à la
22 semaine prochaine pour traiter de cette question-là.
23 Bien. Repartons un peu une seconde et parler du document D106.
24 C'était simplement la traduction qui faisait problème, n'est-ce pas ?
25 M. JOSSE : [interprétation] Oui, en ce qui me concerne, oui. Je vois que M.
26 Harmon hoche la tête.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes d'accord sur la traduction.
28 Donc, le D106 est versé au dossier ainsi que la nouvelle traduction.
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1 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est de la
2 question portant sur la vallée de Japra.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la vallée de Japra.
4 M. JOSSE : [interprétation] J'accepte que M. Harmon informe les Juges de la
5 Chambre de l'enquête menée par ses enquêteurs. Nous allons continuer à
6 faire des efforts, à déployer nos efforts pour pouvoir ajouter des éléments
7 à ce qui est présenté. Si nous sommes en mesure de vous fournir quoi que ce
8 soit, la Chambre sera informée en temps et en heure. Je suis satisfait du
9 fait que M. Harmon traite de cette question et a fait une déclaration
10 orale, en réalité.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon ?
12 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, les notes que j'ai sont
13 dans mon bureau, si je puis vous donner une description lorsque nous nous
14 réunissons la prochaine fois. Je crois que ceci permettrait de résumer la
15 situation. La Chambre a demandé au témoin s'il y a eu des poursuites pour
16 des crimes qui ont été commis dans la vallée de Japra le 23 et 24 mai 1992.
17 En conséquence, mes enquêteurs ont mené une enquête en se rendant à
18 Bosanski Novi et ce tribunal pour mener une enquête. On leur a remis
19 certains dossiers, certaines photocopies des dossiers, et je les ai remis
20 dans leur intégralité à la Défense pour qu'ils puissent examiner ce
21 dossier. Il n'y a pas eu de poursuites pour des crimes commis dans la
22 vallée de Japra le 23 et 24 mai 1992. Ceci est fondé sur un examen des
23 dossiers qui ont été fournis par la première Chambre, la Chambre de
24 première instance. Je les ai regardés et la Défense également.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.
26 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, si ceci serait contredit
27 à aucun moment, à ce moment-là, nous en avertirons mon éminent confrère en
28 temps voulu ainsi que la Chambre. Pour l'instant, les moyens de preuve sont
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1 en l'état.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 Ensuite, si nous regardons l'heure, il est 13 heures 45. Nous devons
4 terminer pour aujourd'hui.
5 Maître Stewart, j'ai écouté attentivement ce que vous nous avez dit,
6 lorsque je dois dire très franchement, je vous remercie de bien vouloir ne
7 pas me tourner le dos. Vous m'avez dit que vous êtes accompagné d'un co-
8 conseil et que vous devez communiquer avec vos conseils sans lui tourner le
9 dos. Simplement, à titre indicatif, je vous prie de bien vouloir me
10 demander de vous accorder quelques instants pour que vous puissiez
11 communiquer avec votre co-conseil.
12 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Est-ce que ceci
13 s'applique à d'autres conseils également ?
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience et reprendrons
15 jeudi prochain dans la salle d'audience numéro II à
16 14 heures 15.
17 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le jeudi 30 mars
18 2006, à 14 heures 15.
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