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1 Le jeudi 30 mars 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous
7 plaît, Monsieur le Greffier ?
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
9 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
11 Monsieur Stewart, est-ce que vous êtes prêt à continuer votre
12 interrogatoire principal ?
13 M. STEWART : [interprétation] Oui.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous rappeler, Mme Cenic,
15 que vous êtes toujours peinée par la déclaration solennelle que vous avez
16 prononcée au début de votre déposition.
17 LE TÉMOIN : SVETLANA CENIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le comprends, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, veuillez
21 procéder.
22 M. STEWART : [interprétation]Merci, Monsieur le Président.
23 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
24 Q. [interprétation] Bonjour, Madame Cenic. Vous avez décrit votre
25 travail à partir du moment où vous êtes arrivée à Pale, ce que vous faisiez
26 exactement, est-ce que la nature de votre travail a changé par la suite ?
27 R. Pourriez-vous être plus précis ?
28 Q. Vous nous avez expliqué ce que vous faisiez dans l'immeuble
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1 Kikinda au début de votre travail, quand vous êtes arrivée à Pale au mois
2 de juillet 1992 --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons un problème technique,
4 mais je pense que M. le Juge Canivell a réussi à lire la question sur le
5 transcript.
6 M. STEWART : [interprétation] Puisque de toute façon le témoin
7 demandait que l'on soit plus précis, je vais reprendre.
8 Q. Madame Cenic, l'autre jour, vous avez décrit votre travail, ce
9 que vous faisiez au début dans le bâtiment Kikinda après être arrivée à
10 Pale au mois de juillet 1992. Je voudrais vous demander à présent si la
11 nature de votre travail a changé par la suite.
12 R. Je vous ai dit que par la suite, j'ai travaillé pour le ministère
13 de l'Information, si nous parlons de l'année 1992. Ceci n'a pas duré
14 longtemps.
15 Q. Oui, je parle effectivement de l'année 1992, de la fin de l'année
16 si vous voulez.
17 R. Oui. Ensuite, tout le monde a déménagé à Mali Dom, cet autre
18 bâtiment. Là, j'ai travaillé auprès de l'assemblée nationale et j'ai été
19 chargée de préparer les coupures de presse et de lui préparer les revues de
20 presse pour son travail, dans la mesure où nous pouvions nous procurer la
21 presse.
22 Q. Pourriez-vous essayer de nous dire à quelle date à peu près vous êtes
23 passée à Mali Dom ?
24 R. Je pense que c'était au mois d'octobre, mais je n'en suis pas sûre à
25 100 %. J'en parle de mémoire. Je pense que c'était au mois d'octobre.
26 Q. Donc vous avez préparé des revues de presse, est-ce que cela voulait
27 dire que vous cherchiez des publications aussi bien en serbe qu'en
28 anglais ?
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1 R. A l'époque, nous n'avions pas accès à la presse étrangère. De temps en
2 temps, des journalistes étrangers ou des visiteurs apportaient quelque
3 chose, mais nous n'avions pas accès à la presse de façon quotidienne ou
4 régulière, ce n'était pas possible. Il s'agissait de revues, de la presse,
5 des médias qui nous étaient apportés par des chauffeurs de bus ou des gens
6 venant de Serbie, par exemple. Il y avait surtout la presse serbe, ensuite
7 quelques publications publiées de chez-nous, et parfois nous recevions
8 aussi la presse de Sarajevo quand la FORPRONU venait par exemple ou un
9 officier de liaison chargé des liaisons avec la FORPRONU, par exemple, s'il
10 le pouvait, il nous apportait aussi la presse de Sarajevo.
11 Q. Vous êtes arrivée à Pale en juillet 1992, ensuite vous êtes déménagée à
12 Mali Dom. Avant cela, est-ce que vous avez participé aux réunions
13 politiques de haut niveau des dirigeants des Serbes de Bosnie ? Est-ce que
14 personnellement vous êtes allée à de telles réunions ?
15 R. Non.
16 Q. Est-ce que vous saviez qu'il existait de telles réunions ?
17 R. Bien sûr qu'il y a eu de telles réunions, quelle que soit la forme sous
18 laquelle elles se présentent. M. Koljevic, Mme Plavsic, le Dr Karadzic, M.
19 Krajisnik, M. Djeric, ensuite les personnes chargées des différentes
20 régions, des députés venaient aussi.
21 Q. Est-ce qu'il existait un endroit particulier où de telles réunions
22 avaient lieu en général ?
23 R. Je ne sais pas quelle était la situation quand les circonstances
24 étaient vraiment extraordinaires. Je ne sais pas s'il s'agissait de
25 réunions officielles ou consultatives, parce que je n'ai pas assisté à ces
26 réunions.
27 Q. Est-ce qu'à aucun moment vous avez appris la tenue d'une réunion de la
28 présidence élargie ?
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1 R. Il existait une présidence, et il y avait aussi des réunions plus
2 larges que le Dr Karadzic appelait la réflexion, brainstorming en anglais.
3 J'utilise ce terme parce que nous l'avons utilisé par la suite. Nous
4 l'avons utilisé parce qu'il est arrivé que le Dr Karadzic convoque
5 plusieurs personnes qu'il consultait avant ces réunions. Le Pr Koljevic
6 faisait souvent des plaisanteries à ce sujet et souvent il n'était même pas
7 d'accord parce que souvent ces réunions avaient lieu le soir. Lui
8 personnellement, il n'était pas d'accord avec les réunions du soir, cela ne
9 lui convenait pas. Son biorythme ne le supportait pas.
10 Q. Quelle était cette blague, cette plaisanterie ?
11 R. Tout le monde appelait ces réunions les brainstorming de Karadzic.
12 Q. Est-ce que vous avez appris la tenue de réunions appelées les
13 réunions de la présidence élargie ?
14 R. Nous les employés, je le dis en toute responsabilité, nous n'avons
15 jamais appelé cela la présidence élargie.
16 Q. Est-ce que vous saviez s'il existait un tel organe ?
17 R. Non. Pour nous, un tel organe n'existait pas. Il y a eu les réunions
18 qu'organisait le Dr Karadzic, et jamais vous ne pouviez être sûr qui allait
19 être convoqué à ces réunions. Il était sûr que le Koljevic allait assister
20 s'il était présent, ainsi que Mme Plavsic si elle était à Pale.
21 Q. A l'époque où vous étiez encore à Kikinda avant de passer à Mali Dom,
22 est-ce que vous aviez des contacts quelconques avec Ratko Mladic ?
23 R. Oui, au téléphone. Je lui ai parlé au téléphone tout d'abord.
24 Q. A quelle fréquence avez-vous parlé avec Ratko Mladic au téléphone ?
25 R. A chaque fois que le général Mladic appelait, si je répondais au
26 téléphone, je suis sûre qu'il lui arrivait bien plus d'appeler lui, je ne
27 me souviens pas avoir appelé souvent à l'époque. J'appelais plutôt le
28 général Milovanovic concernant le convoi humanitaire.
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1 Q. Quand le général Mladic appelait, est-ce qu'il demandait à parler avec
2 quelqu'un en particulier le plus souvent ?
3 R. Le général Maldic demandait à parler le plus souvent avec le Dr
4 Karadzic, et s'il n'était pas là, avec son ton de soldat de militaire, il
5 demandait qu'on lui laisse un message, il était toujours très bref. Il
6 demandait que le Dr Karadzic le rappelle, plus souvent c'était urgent,
7 quelque chose dans ce genre.
8 Q. Pendant que vous étiez à Kikinda, est-ce que vous avez à un moment
9 donné vu le général Mladic à Pale ?
10 R. Sincèrement, je ne me souviens pas l'avoir vu personnellement pendant
11 que nous étions encore à Kikinda, parce qu'il ne venait pas dans le bureau
12 où j'étais, dans mon bureau.
13 Q. Pendant que M. Krajisnik était au téléphone dans son bureau pendant que
14 vous y travailliez, est-ce que vous étiez en mesure d'entendre ce qu'il
15 disait ?
16 R. Le plus souvent oui, puisque le téléphone était dans mon bureau.
17 Parfois, c'était vraiment exceptionnel, je sortais du bureau, parce que
18 j'avais du mal à rester assisse dans ma chaise, alors qu'il était au-dessus
19 de moi derrière en train de parler au téléphone.
20 Q. Est-ce qu'il est arrivé que vous entendiez ces entretiens
21 téléphoniques ?
22 R. Oui.
23 Q. [aucune interprétation]
24 R. Cela est arrivé souvent, oui, effectivement.
25 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu M. Krajisnik discuter de la
26 stratégie militaire au téléphone ?
27 R. Non, non.
28 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu M. Krajisnik donner des ordres ou
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1 des instructions à des personnes qui avaient des rapports, des liens avec
2 les militaires et ceci par téléphone ?
3 R. Pourriez-vous me dire de quel genre d'instructions vous parlez
4 exactement ?
5 Q. Tout d'abord, est-ce que vous avez jamais entendu M. Krajisnik donner
6 des instructions quel que soit le genre d'instructions à des militaires et
7 ceci par téléphone ?
8 R. A l'époque, les instructions, mais c'étaient parfois des requêtes ou
9 des conversations, c'est moi qui les lui transféraient, il s'agissait
10 surtout de questions de convois humanitaires.
11 Q. Avez-vous jamais entendu M. Krajisnik donner des ordres ou des
12 instructions à la force de police par téléphone ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais demander au témoin d'être
14 plus précise dans sa dernière réponse.
15 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Cenic, on vous a demandé si vous
17 n'avez jamais entendu que M. Krajisnik donner des ordres ou des
18 instructions à quelqu'un qui appartenait au corps militaire et ceci par
19 téléphone. Vous avez dit : "Ces discussions, ces requêtes ou ces
20 instructions venaient de ma part et il s'agissait de questions
21 humanitaires, des convois humanitaires." Pourriez-vous nous dire ce que
22 vous vouliez dire par là ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Krajisnik a discuté à plusieurs reprises
24 des convois humanitaires qui partaient pour Sarajevo, il fallait que
25 l'armée assure la sécurité du passage de ce convoi.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites qu'il y avait des
27 instructions qui se présentaient souvent comme des requêtes ou comme des
28 discussions, il y en avait qui concernait les militaires mais au sujet des
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1 convois humanitaires et vous dites que : "Il en avait qui venait de votre
2 part." Est-ce que cela veut dire que vous transmettiez ces messages à M.
3 Krajisnik parce que je ne comprends pas ce que vous voulez dire par là,
4 quand vous dites "moi aussi, je lui ai donné de tels messages."
5 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, nous avions des problèmes
6 permanents avec le passage des convois humanitaires. Il m'est arrivé de
7 réussir à convaincre aussi bien le général Mladic que le général
8 Milovanovic de la nécessité d'agir rapidement, à cause de cela, puisque le
9 Dr Karadzic le reconnaissait aussi, il disait que je savais parler la même
10 langue qu'eux, dans une certaine manière, ils m'ont laissée faire ce genre
11 de travail, de discussions, en me disant : "Ceca" - c'est mon surnom -
12 "vous allez savoir comment vous y prendre."
13 Au début, j'ai eu des conflits aussi bien avec le général Mladic que
14 le général Milovanovic parce que je ne voulais pas permettre à qui que ce
15 soit de me parler sur ce ton-là, le ton sur lequel ils me parlaient. Je
16 disais, ils peuvent très bien avoir le grade de généraux, mais même mon
17 père ne peut me parler comme cela.
18 Après, ils ont commencé à me respecter d'une certaine façon, et
19 c'était aussi bien le cas du général Mladic que du général Milovanovic, et
20 nous n'avions plus de problèmes quand il s'agissait de communiquer.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'ils n'étaient pas d'accord, si
22 j'ai bien compris, vous essayiez de convaincre le général Mladic de laisser
23 passer les convois. Et si à la fin il disait non, à cause des objectifs
24 militaires, et s'il vous disait : Non, non, je ne veux absolument pas que
25 ces convois passent dans la région, qu'est-ce qui se passait dans ce cas de
26 figure ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Le général Mladic ou le général Milovanovic -
28 il est arrivé justement qu'ils demandent quelque chose par écrit - qu'on
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1 leur envoie un document par écrit allant dans ce sens. Il s'agissait, le
2 plus souvent, d'une lettre venant du Dr Karadzic avec, en pièce jointe, la
3 description du contenu du convoi. Il s'agissait de décrire le convoi, est-
4 ce qu'il s'agit de l'équipement médical, de la nourriture, et cetera. Il
5 m'appartenait de transmettre tous ces documents, et ensuite les services du
6 Dr Karadzic devaient prendre les mesures adéquates. Quand je parle de son
7 service, en réalité je parle du Dr Karadzic et de ses secrétaires.
8 Il arrivait d'ailleurs assez souvent que le tout ait un caractère
9 d'urgence, et donc il fallait agir très rapidement et assurer que le
10 passage des convois soit fait. Il fallait immédiatement faire en sorte que
11 le convoi puisse passer.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce que M. Krajisnik a jamais
13 donné d'ordres ou d'instructions ? Je vous ai demandé cette question-là, et
14 vous avez dit que vous avez fait une demande auprès de M. Karadzic, et
15 après cela vous avez donné un exemple qui ne m'est pas tout à fait clair.
16 Pourriez-vous d'abord nous expliquer cet exemple que vous avez donné ?
17 Je crois que vous avez dit que le général Mladic voulait obtenir un
18 document. Un document provenant de qui exactement ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous recevions normalement des
20 documents, une sorte d'annonce, un document annonçant ce qui allait se
21 passer. C'est-à-dire, on nous informait des convois qui étaient censés
22 passer et qui étaient censés arriver. Le général Mladic, et plus
23 particulièrement Milovanovic, demandait que le tout soit consigné par
24 écrit. Il voulait obtenir des instructions par écrit, un bout de papier,
25 n'importe quoi, mais que cela soit fait par écrit, pour ne pas qu'il
26 s'agisse simplement de mots par voie orale. Lorsque j'ai mentionné M.
27 Krajisnik et lorsque je vous ai parlé de moi --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.
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1 Vous avez dit que vous receviez une feuille de papier, un document
2 annonçant l'arrivée des convois, et vous avez dit que le général Mladic, et
3 particulièrement Milovanovic, demandait que les instructions soient faites
4 par écrit. Qui était censé donner ces instructions ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était le Dr Karadzic.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Est-ce que cela veut
7 dire que -- vous parlez d'un bout de papier, de document annonçant
8 l'arrivée des convois. Est-ce que c'est la même chose que les instructions,
9 les instructions qui étaient censées accompagner cette annonce, ce
10 document ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Karadzic signait une lettre qui
12 accompagnait cela, et avec la lettre, il y avait normalement un document
13 qui annonçait l'arrivée des convois, puisqu'il y avait différentes
14 organisations. Ces différentes organisations envoyaient soit l'aide
15 humanitaire ou autre. Chaque organisation humanitaire avait également un
16 document à faire parvenir et envoyait ce document, car il y avait plusieurs
17 organismes humanitaires, des organismes humanitaires internationaux et
18 locaux et au niveau national. Eux, à l'époque, ils avaient déjà commencé à
19 envoyer l'aide humanitaire.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, je comprends. Je vous ai
21 interrompue alors que vous étiez en train de nous donner une réponse. Vous
22 avez dit : "J'ai mentionné M. Krajisnik, et lorsque j'ai mentionné mon
23 nom…" Pourriez-vous, je vous prie, continuer votre réponse, car je vous ai
24 interrompue à cet endroit-là.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Krajisnik, à plusieurs reprises, a demandé
26 au général Milovanovic de réagir le plus rapidement possible pour permettre
27 le passage de ces convois.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'ils ont jamais refusé une
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1 telle demande ? Lorsque je vous parle de "ils", je parle en fait du général
2 Milovanovic.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Les discussions pouvaient être assez musclées
4 de temps à autre. Les généraux n'acceptaient pas très souvent, et il leur
5 était difficile d'accepter une demande faite par voie téléphonique. Il leur
6 était difficile d'accepter qu'il faille assurer le passage de convois
7 humanitaires en l'annonçant simplement avec des paroles, par voie orale.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, je comprends. Au transcript,
9 nous pouvons voir de façon très claire ce que vous avez dit.
10 Est-ce que vous vouliez dire que pour ce qui est du contenu du convoi
11 humanitaire, à savoir, si oui ou non il fallait laisser le convoi passer --
12 je ne comprends pas tout à fait bien.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait de temps en temps des problèmes, à
14 savoir, pour laisser passer les convois ou les camions. Il arrivait des
15 fois qu'il n'y ait pas de convois, mais un camion avec, je présume, une
16 escorte. Oui, effectivement, il arrivait que des problèmes surgissent
17 lorsque l'armée ne voulait simplement pas réagir. Comme je l'ai déjà dit,
18 ils demandaient un document ou un bout de papier.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Si jamais ils
20 s'opposaient au passage d'un convoi ou d'un camion, dites-nous s'il leur
21 est jamais arrivé de refuser passage, soit de convoi ou de camion ou est-ce
22 que s'ils recevaient une instruction écrite, est-ce qu'à ce moment-là,
23 malgré leur mécontentement, ils laissaient néanmoins passer soit ces
24 convois ou ces camions ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Après avoir reçu un bout de papier ou un
26 document, pour autant que je le sache, on n'arrêtait pas les convois.
27 C'est-à-dire que "les convois," le camion en question ou le véhicule en
28 question pouvait continuer son chemin. Mais il arrivait qu'on devait
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1 attendre avant que ce bout de papier soit consigné, avant qu'on nous rédige
2 un document et qu'on l'emmène et le présente à la personne adéquate. Il
3 arrivait que les convois attendent. Il y avait des délais. Les camions
4 devaient attendre également, ce qui n'était certainement pas dans l'intérêt
5 de personne.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois. Maintenant, les motifs poussant
7 ces derniers à s'opposer, tel le général Milovanovic, et je ne sais pas si
8 c'était le cas également pour le général Mladic, mais est-ce que c'était
9 pour des raisons militaires, telle par exemple, la situation sur le terrain
10 ne le permettait pas ou c'était pour des raisons militaires, car il ne
11 fallait pas perturber la situation militaire avec des convois qui passaient
12 ou des camions qui passaient, ou y avait-il d'autres motifs, par exemple :
13 "Il n'est pas nécessaire d'obtenir de l'aide humanitaire ou des convois
14 humanitaires." On peut s'opposer pour plusieurs raisons différentes. Est-ce
15 que vous pourriez nous expliquer quelles étaient les raisons pour leur
16 désir de s'opposer au passage ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux simplement vous citer le général
18 Milovanovic, car c'est avec lui que j'étais en contact le plus souvent. Il
19 disait : "Est-ce que vous savez ce qui se trouve à bord de ce camion ?
20 Qu'est-ce qui fait partie de ce convoi ?" C'est ce qu'il disait.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je vous comprendre que c'était
22 l'incertitude du contenu qui se trouvait dans les camions, c'était cela qui
23 faisait en sorte que ce dernier croyait qu'il y avait peut-être un risque
24 militaire à accepter l'arrivée de ces camions ou de ces convois ? Est-ce
25 que je vous ai bien comprise ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je crois que vous avez bien saisi l'idée
27 principale. Je peux vous dire que pour certaines personnes -- tout du
28 moins, je savais que les camions étaient fermés, recouverts d'une bâche.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame. Monsieur
2 Stewart, veuillez poursuivre, je vous prie.
3 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Q. Madame Cenic, en 1992, lorsque vous étiez à Pale, est-ce que vous avez
5 jamais entendu parler d'un organe qui s'appelle le Conseil de sécurité
6 nationale ?
7 R. A l'époque, je ne me souviens vraiment pas d'avoir entendu parler d'un
8 tel organe.
9 Q. Après être passée à Mali Dom, et vous avez raconté aux Juges de la
10 Chambre cet après-midi que votre travail était relié à l'assemblée
11 nationale, est-ce que vous deviez informer quelqu'un de votre travail ?
12 S'il y avait une telle personne, dites-nous de qui il s'agissait.
13 R. Pour ce qui est des coupures de presse ou des résumés de journaux que
14 l'on pouvait avoir, car il nous était difficile de mettre la main sur ces
15 journaux, je faisais parvenir à M. Krajisnik les coupures de presse, car à
16 l'époque je faisais partie directement de l'assemblée nationale.
17 Q. Est-ce que vous avez fait d'autres types de travail avec l'assemblée
18 nationale outre le travail de recueillir des coupures de presse ?
19 R. Je crois qu'à l'époque, les sessions de l'assemblée nationale
20 exigeaient toujours qu'indépendamment du lieu de travail d'une personne ou
21 du poste de la personne, toutes les personnes devaient être disponibles, ne
22 serait-ce que pour assurer l'aspect technique et administratif des travaux.
23 Je ne peux pas vous dire avec certitude si pendant ce court laps de temps,
24 une session avait été convoquée ou non.
25 Q. Est-ce que vous étiez impliquée dans ce que vous avez décrit, le
26 travail administratif et technique ?
27 R. Oui. Lorsque je travaillais auprès du Pr Koljevic et tout de suite
28 après, cela comprenait qu'un certain nombre de personnes devait toujours
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1 être là pour assurer que le tout se passe bien, pour aider.
2 Q. Sans entrer trop en détail, dites-nous quelle était la nature de ces
3 tâches administratives et techniques que vous deviez faire ?
4 R. Si, par exemple, il y avait une session de l'assemblée nationale, et je
5 parle maintenant de la période pendant laquelle j'ai travaillé chez le Pr
6 Koljevic, il n'y avait même pas de téléphone portable à l'époque, et il n'y
7 avait pas non plus de moyens de communication comme aujourd'hui. Donc, il
8 nous arrivait de devoir nous déplacer personnellement et de distribuer les
9 documents et de compter également les voix. Car je parle maintenant d'une
10 époque à laquelle les moyens techniques n'étaient pas très développés. Ils
11 n'existaient pas d'ailleurs. Le Pr Koljevic, plus tard, voulait que je sois
12 à ses côtés. Il se sentait plus à l'aise si j'étais là.
13 Q. Dans votre dernière réponse, vous avez fait référence à la période
14 pendant laquelle vous avez travaillé auprès du Pr Koljevic. Pourriez-vous,
15 je vous prie, nous expliquer quand et comment il vous est arrivé de
16 commencer de travailler auprès du Pr Koljevic ?
17 R. Je parle d'un court laps de temps pendant lequel je rédigeais les
18 résumés de ce que je rencontrais dans la presse. M. Koljevic n'avait pas de
19 cabinet. Il n'avait pas non plus un lieu fixe. M. Krajisnik m'avait appelée
20 et m'a dit qu'il serait bien que je travaille pour lui, car il m'avait dit
21 que le Pr Koljevic n'avait pas deux ans qu'il travaillait avec lui. Donc,
22 c'est M. Krajisnik qui l'a aidé à ce moment-là et il a fait en sorte que le
23 Pr Koljevic puisse obtenir un bureau dans lequel le Pr Koljevic et moi-même
24 avions commencé à collaborer, à travailler ensemble. C'était à l'étage du
25 Dom. D'abord, nous partagions le même bureau, et plus tard nous avons
26 obtenu un bureau qui était attenant au bureau précédent et qui était plus
27 grand de taille. Puisque Mme Plavsic était la plupart du temps à Belgrade
28 et qu'elle ne venait que de temps à autre, elle se servait du bureau qui
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1 était plus petit de taille, et nous, le Pr Koljevic et moi, nous avions
2 commencé à occuper les bureaux qui se trouvaient au-dessus des bureaux de
3 M. Krajisnik, donc au deuxième étage, et c'est ainsi que le Pr Koljevic
4 avait son bureau à lui, j'avais mon bureau à moi, et nous étions séparés
5 seulement par un tout petit couloir.
6 Q. Combien de temps après votre départ à Mali dom est-ce que vous pourriez
7 nous dire quand est-ce que vous avez commencé à travailler pour le Pr
8 Koljevic ?
9 R. Quelques semaines après mon arrivée là-bas.
10 Q. Les quelques semaines avant que vous ne commenciez à travailler pour le
11 Pr Koljevic, est-ce que vous travailliez dans le même bureau que M.
12 Krajisnik ? Est-ce que vous occupiez des fonctions semblables à celles que
13 vous occupiez lorsque vous avez commencé à travailler pour le Pr Koljevic ?
14 Est-ce que vous travailliez de cette façon-là ?
15 R. Non. A l'époque, il y avait un tout petit bureau, le bureau de M.
16 Krajisnik était à droite, donc lorsque l'on monte l'escalier, c'est à
17 droite, et il y avait un bureau plus petit de taille qui se trouvait à
18 gauche. C'était un bureau tout petit, et ce petit bureau, nous l'appelions
19 entre nous la chambre de chocs, pour les premiers soins.
20 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Je ne comprends pas très bien.
21 R. C'était une pièce de si petite taille qu'il a bien fallu la baptiser
22 d'une certaine façon. Alors pour illustrer son aspect claustrophobe, nous
23 l'avons appelée ainsi : chambre de choc, en B/C/S, ou chambre pour les
24 premiers soins.
25 Q. Lorsque vous étiez à Mali Dom, est-ce que vous pouviez vous forger une
26 impression, une idée du travail de M. Krajisnik, c'est-à-dire, comment
27 passait-il ses journées ? Quels étaient les sujets dont il débattait, et
28 avec qui s'entretenait-il ?
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1 R. Il y avait un très grand nombre de personnes qui venaient de
2 l'extérieur. En passant par les députés et autres, le vice-président de
3 l'assemblée était également dans le même bâtiment. Il y avait un très grand
4 nombre de réunions internationales, la FORPRONU, des officiers chargés de
5 communication également, et bien sûr, j'étais tout à fait consciente du
6 fait -- d'ailleurs, je le sais pertinemment que lorsque j'ai commencé à
7 travailler pour M. Koljevic et quand nous avons eu ce brainstorming de
8 Karadzic, quand il y a eu cette réunion de remue-ménage ou brainstorming,
9 nous étions obligés de rester jusqu'à très tard dans la nuit.
10 Q. Une journée typique pour M. Krajisnik ressemblait à quoi exactement ?
11 R. C'était la même chose pour nous tous, à l'exception de M. Karadzic, car
12 il venait plus tard travailler. Nous étions tous, pour la plupart, déjà là
13 à neuf heures du matin. C'était la règle, de toute façon, ou plus tard, il
14 nous fallait être là à neuf heures, et nous restions jusqu'à deux heures,
15 trois heures de l'après-midi pour ce qui est de la journée suivante.
16 Q. Pour ce qui est du Pr Koljevic, est-ce que vous étiez en mesure de nous
17 dire de quel type de travail il s'agit lorsqu'il s'agit de son travail ?
18 R. Le Pr Koljevic aimait bien être entouré de toutes sortes de personnes.
19 Il avait également des députés qui venaient voir le Pr Koljevic, des
20 commissaires de différentes régions qui venaient de diverses régions
21 jusqu'à ce que cela ne soit aboli. Il y avait Nikola Poplasen, Radovanovic,
22 Jovanovic. Djokanovic, bien sûr.
23 Ensuite, je dois dire que le Pr Koljevic aimait bien avoir des contacts
24 avec la FORPRONU, et c'est pour cela qu'on avait établi -- d'ailleurs, je
25 dois dire qu'il était le président de l'organe fédéral qui a plus tard
26 collaboré avec les Nations Unies et d'autres organismes humanitaires,
27 pendant que j'étais le secrétaire. Plus tard, cela a été établi, et déjà à
28 l'époque le Pr Koljevic avait des contacts avec eux assez fréquents.
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1 Ensuite, il y avait des négociateurs internationaux, des journalistes
2 étrangers, qui, pour la plupart, venaient demander qu'il leur accorde des
3 entrevues, des interviews. Il parlait très bien anglais, donc ils étaient
4 intéressés à lui parler.
5 C'était une vraie ruche de très tôt le matin jusqu'à très tard le
6 soir. Je dois dire que ces réunions, qui étaient convoquées par le Dr
7 Karadzic, étaient très souvent convoquées dans la soirée puisque c'était un
8 homme qui aimait bien travailler le soir et la nuit. Il avait, comme le dit
9 le témoin, un biorythme assez différent de nous.
10 Q. Vous avez mentionné M. Nikola Poplasen. Est-ce qu'il était chargé d'une
11 zone de responsabilité particulière ? De quoi était-il chargé exactement ?
12 R. A l'époque, Nikola Poplasen était un commissaire représentant d'Ilijas
13 et de Vogosca, et toutes ces autres municipalités, autour ces deux-là.
14 Q. Pour ce qui vous concerne, est-ce que vous pourriez nous dire quelle
15 était la nature de vos contacts avec le Pr Koljevic ?
16 R. Ils venaient tous faire un rapport de ce qui se passait sur le terrain
17 et lui expliquer, l'informer de la situation sur le terrain, lui expliquer,
18 lui parler de la situation en général.
19 Q. Il informait verbalement qui ?
20 R. Pour la plupart, c'était le Pr Koljevic qui était la personne à qui on
21 s'adressait. Vous savez, lorsqu'on était dans cette petite pièce et
22 lorsqu'on partageait ce bureau, j'ai toujours été présente à chaque fois
23 que ces gens venaient le voir. On ne pouvait pas éviter d'être tous
24 ensemble dans un même endroit. Nous parlions ensemble, et toutes ces
25 informations qu'on lui donnait étaient faites de façon orale, donc je me
26 souviens vraiment pas qu'on lui ait rédigé un rapport sur un sujet
27 quelconque. Dragan Djokanovic, toutefois, était peut-être le seul qui
28 mettait ses idées sur papier, si je me souviens bien, les autres, non.
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1 Q. Lorsque M. Poplasen a informé le Pr Koljevic, de la façon dont vous
2 nous l'avez décrit, vous nous avez dit que vous étiez présente lors de ces
3 réunions, dites-nous si M. Krajisnik était présent ?
4 R. Non.
5 Q. Vous avez également parlé de M. Radovanovic. Vous souvenez-vous de son
6 prénom, par hasard ?
7 R. Oui. Miroslav.
8 Q. Ce dernier, est-ce qu'il avait des tâches particulières, un champ de
9 responsabilité ?
10 R. Je ne me souviens vraiment pas quel était son champ de responsabilité,
11 mais je peux vous dire avec certitude, pour Djokanovic -- je peux vous
12 parler de Djokanovic, Poplasen, Jovanovic, mais pour Radovanovic, à
13 l'instant, maintenant, comme cela, je n'arrive pas à me rappeler son champ
14 de responsabilité, mais je dois vous dire que tout ceci ressemblait plus à
15 une fuite de la réalité, car on parlait de choses et d'autres, ce n'était
16 pas des réunions sérieuses qui nécessitaient un ordre du jour, quelqu'un
17 qui consignait le tout par écrit ou quoi que ce soit de ce type-là. Il est
18 certain que les personnes qui connaissaient le Pr Koljevic comprendront ce
19 style, pour l'appeler ainsi, pour appeler sa façon de travailler un style
20 particulier.
21 Q. Je vais revenir là-dessus dans quelques instants, mais passons à
22 quelque chose que vous avez dit il y a quelques instants. Vous avez dit que
23 vous vous souvenez quel était le champ de responsabilité de M. Jovanovic.
24 De quoi s'agissait-il, que devait-il faire ?
25 R. Il était chargé de l'Herzégovine.
26 Q. Et M. Dragan Djokanovic, qu'en est-il pour lui ?
27 R. Son champ de responsabilité était la région autour de Drina, Skelani,
28 Bratunac, cette région-là.
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1 Q. Vous avez dit vers la toute fin de votre réponse précédente que vous et
2 ceux qui connaissaient le Pr Koljevic comprendront son style, sauront de
3 quel style de travail il s'agit. Vous étiez là, vous étiez présente, nous,
4 non. Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre de quoi il
5 s'agit lorsque vous parlez de ce style particulier ? Quel était son style,
6 comment travaillez t-il ?
7 R. Le Pr Koljevic aimait bien parler de culture. Il aimait bien parler de
8 Shakespeare, par exemple. Il aimait parler de littérature, il aimait parler
9 de gens, et très souvent, c'était une fuite de la réalité, il abordait ces
10 sujets-là, et les gens dont je parle le connaissaient déjà avant la guerre,
11 avant tous ces événements. Donc le climat a été très amical.
12 Q. Ce que je veux dire, c'est très sérieux. Est-ce qu'on peut partir du
13 principe qu'en dépit de tout ce qui était dit à propos de Shakespeare, au
14 sujet de la littérature dans ces réunions, est-ce qu'on peut partir du
15 principe que Poplasen, Djokanovic, Novanovic, Radovanovic, ces hommes
16 essayaient, au moins, tentaient de parler au Pr Koljevic, de lui
17 communiquer des informations au sujet de ce qui était en train de se passer
18 dans leur zone de responsabilité ?
19 R. Oui. Avec la réserve que ces rapports faits verbalement duraient peut-
20 être une demi-heure, mais que tout le reste du temps, et il faut savoir
21 qu'il s'agissait de réunions qui étaient un petit peu longuettes parfois,
22 le reste de ces réunions était consacré à des sujets qui pouvaient relever
23 du domaine de la culture, mais aussi de ce qu'il fallait faire ensuite. Le
24 Pr Koljevic avait certaines idées sur l'organisation d'événements
25 culturels, d'événements en rapport avec l'éducation. Le reste des
26 conversations portaient sur ce type de sujet. Il n'y avait environ qu'une
27 demi-heure qui était consacrée à des rapports au sujet de la situation, des
28 problèmes existants.
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1 Q. Il y avait des rapports qui étaient faits sur la situation telle
2 qu'elle se présentait sur le terrain dans les municipalités données, dans
3 les municipalités concernées; n'est-ce pas ?
4 R. Oui.
5 Q. Vous souvenez-vous si cela portait également sur des informations, des
6 rapports faits au sujet de la situation militaire ?
7 R. A l'époque, dans ce qu'on appelait à l'époque la situation en matière
8 de sécurité, dans ces municipalités, et les problèmes y afférant, tout
9 cela, effectivement, c'était évoqué. C'est-à-dire qu'on parlait des
10 événements qui avaient eu lieu dans les municipalités en question, on
11 parlait du nombre de personnes qui avaient été tuées, et cetera. Voilà,
12 c'était à peu près l'essentiel.
13 Q. Est-ce qu'il y avait au cours de ces réunions des discussions ou des
14 rapports faits au sujet des mouvements de population ?
15 R. Il y avait des discussions sur ce point également et sur la qualité de
16 la vie dans ces municipalités, sur le nombre de personnes qui habitaient
17 dans les municipalités, sur les problèmes qui découlaient du fait que les
18 gens continuaient à quitter les municipalités, donc il y avait un exode de
19 population, un départ de population.
20 Q. Est-ce que ces départs, cela concernait une seule communauté ethnique
21 ou plusieurs ?
22 R. A l'époque concernée, les Musulmans, ou plutôt la population bosnienne,
23 ainsi que la population croate étaient peu nombreux. Autant que je m'en
24 souvienne, le problème, c'était que les Serbes avaient commencé aussi à
25 partir. Autre problème rencontré, c'est que des réfugiés ou des personnes
26 déplacées ne cessaient d'arriver en provenance d'autres municipalités, avec
27 tous les problèmes que cela implique. La situation était un petit peu
28 étrange, mais elle était également préoccupante. La population locale
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1 partait, et en même temps, on voyait un afflux de personnes qui venaient
2 d'autres municipalités.
3 Q. Je voudrais être bien sûr d'avoir compris ce que vous venez de me dire.
4 Est-ce que vous êtes en train de me parler de Pale ou est-ce que vous êtes
5 en train de me parler des municipalités qui relevaient des zones de
6 responsabilité de ces messieurs qui allaient voir le Dr Koljevic ?
7 R. Je vous parle de manière générale au sujet des zones dont venaient ces
8 hommes, ces commissaires.
9 Q. J'imagine qu'à un moment donné au cours de votre existence, vous avez
10 entendu l'expression "nettoyage ethnique." Il vous suffit de répondre par
11 oui si c'est le cas. Je vous demande simplement si vous avez jamais entendu
12 prononcer cette expression ?
13 R. Cette expression, qui est une signification tellement forte, je l'ai
14 entendue de la bouche de journalistes étrangers. Parce que jusqu'à ce
15 moment-là, on parlait de réfugiés, et on était en train de parler de
16 manière générale de toute la population de Bosnie-Herzégovine.
17 Q. Est-ce que vous pouvez vous souvenir à quel moment vous avez, pour la
18 première fois, entendu et utilisé cette expression ?
19 R. Au début de l'automne, quand j'ai eu des contacts plus fréquents avec
20 les gens venant de l'extérieur, en ce qui me concerne.
21 Q. Au moment de ces réunions dont nous parlons, avec MM. Radovanovic,
22 Jovanovic, Poplasen, Djokanovic, avec le Pr Koljevic, au moment où a débuté
23 cette série de réunions, est-ce que vous aviez à ce moment-là déjà entendu
24 cette expression ?
25 R. Oui, avant. Avant que le Pr Koljevic et moi ne commencions à travailler
26 ensemble, j'avais déjà entendu proférer cette accusation de nettoyage
27 ethnique.
28 Q. A l'époque, pour vous, qu'est-ce que cela signifiait ?
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1 R. Je la comprenais comme équivalant à une accusation, accusation selon
2 laquelle les membres de la population bosnienne étaient contraints ou
3 étaient soumis à des pressions pour les faire partir de chez eux, comme
4 d'ailleurs certains habitants croates.
5 Q. Au moment où ont commencé ces réunions, est-ce que vous aviez des
6 raisons de douter que le Pr Koljevic connaissait cette expression tout
7 autant que vous-même ?
8 R. Oui.
9 Q. Peut-être conviendrait-il que je répète, parce que j'ai peut-être posé
10 ma question de manière un petit peu maladroite. Au moment où ces réunions
11 ont commencé, est-ce que vous estimez que le Pr Koljevic connaissait aussi
12 bien cette expression que vous-même ?
13 R. Oui. Le Pr Koljevic avait souvent des contacts avec des organisations
14 internationales, avec des représentants internationaux, y compris des
15 journalistes étrangers. Très naturellement, on lui posait souvent cette
16 question.
17 Q. Est-ce que le nettoyage ethnique ou toute question s'y rapportant a
18 jamais été évoqué lors de ces réunions avec Poplasen, Radovanovic,
19 Jovanovic et Djokanovic ?
20 R. Les messieurs que j'ai évoqués, y compris M. Koljevic, et moi-même,
21 nous étions tous, nous aussi, des réfugiés. En d'autres termes, nous avions
22 tous dû nous éloigner de chez nous et nous avions tous du mal à comprendre
23 cette accusation au sujet du nettoyage ethnique.
24 Q. Est-ce que --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que votre réponse est
26 affirmative ? Puisqu'on vous a posé la question suivante : est-ce qu'il y a
27 eu des questions en rapport avec le nettoyage ethnique qui ont été évoquées
28 lors de la réunions. D'après votre réponse, c'est-à-dire que vous aviez
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1 tous beaucoup de mal à comprendre cette accusation, est-ce qu'on doit en
2 conclure que vous avez effectivement évoqué cette question ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors des discussions, il faut savoir que les
4 messieurs auxquels j'ai fait référence ont tous lu des documents ou des
5 éléments au sujet du nettoyage ethnique et des accusations selon lesquelles
6 un nettoyage ethnique était en cours, donc on en a parlé. On a évoqué cette
7 question entre nous. Mais comme je l'ai déjà dit, on avait du mal à
8 comprendre cette accusation étant donné que nous tous avions dû partir de
9 chez nous.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une
11 question ? Je comprends ce que vous dites quand vous dites que "vous avez
12 dû partir de chez vous," mais est-ce que, selon vous, cela revient à
13 exclure que la même chose ne se soit produite chez les Musulmans ou chez
14 les Bosniens ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Nous estimions, et moi-même j'estimais,
16 que ce même malheur avait frappé d'autres personnes qui avaient été aussi
17 contraintes de quitter leurs foyers.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Notamment les Musulmans et les Croates ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, notamment les Bosniens, les Croates, les
20 Juifs, les Rom; tous.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de relire votre réponse.
22 Vous avez déclaré que "vous avez tous dû partir de chez vous, quitter vos
23 maisons."
24 Est-ce que ce départ est dû à une contrainte ? Quelqu'un vous a
25 contraints à partir, les circonstances ou quelqu'un de précis ? Est-ce que
26 de votre propre chef vous avez décidé de partir de chez vous, partir de
27 votre maison ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] En aucun cas, je ne suis partie de mon plein
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1 gré. Ce n'est pas le cas non plus d'autres personnes. Sarajevo continue à
2 me manquer. J'ai toujours le mal du pays.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous avez dit que le même malheur
4 avait frappé d'autres personnes qui avaient été contraintes de quitter
5 leurs foyers. Vous avez répondu la chose à une question que je vous posais,
6 quand je vous demandais si vous excluez la possibilité que c'était arrivé à
7 d'autres personnes. Je voudrais savoir si, à l'époque, vous étiez
8 consciente du fait que le même sort avait touché d'autres personnes, ces
9 autres personnes justement ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Parce que la composition démographique
11 des municipalités a complètement changé.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais vous estimiez que c'était le
13 résultat de départs semblables, ce n'étaient pas des départs volontaires,
14 mais de personnes qui avaient peut-être autant le mal du pays que vous et
15 qui avaient été affectées dans d'autres municipalités ? Est-ce que j'ai
16 bien compris ? Est-ce que c'est bien dans ce sens que vous vous êtes
17 exprimée ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que tout le monde souhaitait rentrer
21 chez soi, comme c'était mon cas.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes partie suite à des pressions
23 ou à cause de la situation, des circonstances -- que vous est-il arrivé ?
24 J'essaie de faire une comparaison avec vous et ce que vous pensez a été le
25 cas d'autres personnes. Est-ce que vous pourriez être plus précise ? Est-ce
26 que la vie était vraiment très difficile ? Est-ce qu'on vous a menacée au
27 bout du fusil ? Que s'est-il passé ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'immeuble où j'habitais, l'immeuble où
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1 mes parents avaient un appartement, à ce moment-là déjà, il n'y avait plus
2 personne qui y restait. L'immeuble avait essuyé des tirs, il avait été pris
3 pour cible. Il y avait des soldats en uniforme que je n'avais jamais vus
4 précédemment, et des membres de ces unités de l'armée portant ces
5 uniformes, on les a vus entrer dans l'immeuble, on les a vus aux alentours.
6 C'était même risqué d'ouvrir la porte d'entrée.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que la situation de votre
8 appartement était telle que c'est pour des raisons militaires que ces
9 membres de l'armée entraient dans l'immeuble ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] A cette époque, au début du mois d'avril, je
11 ne sais pas ce qui avait une importance névralgique du point de vue
12 militaire dans ce bâtiment ou autour de ce bâtiment, donc je ne vois pas
13 vraiment pourquoi une personne en uniforme, en particulier quelqu'un vêtu
14 d'une tenue de camouflage noire ou verte, pourquoi cette personne aurait
15 pénétré dans notre bâtiment avec des armes.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, vous estimiez
17 qu'il s'agisse là de manœuvres d'intimidation du fait des forces armées
18 contre les personnes qui habitaient dans cet immeuble ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'étaient des civils qui
21 habitaient là ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] A cette époque-là, il y avait déjà des
23 familles qui avaient quitté l'immeuble. Bien entendu, il y avait encore pas
24 mal de civils qui continuaient à résider dans cet immeuble, et ce d'autant
25 plus que la composition ethnique de cet immeuble, si on regardait tous les
26 résidents de cet immeuble où j'avais grandi, c'était mixte.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je voudrais revenir à une de vos
28 précédentes réponses. On vous a interrogée au sujet de ce flux, de ces gens
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1 qui partaient, de ces départs. Me Stewart vous a demandé si on avait parlé
2 de ces mouvements de population. Il vous a demandé si ce flux de départs,
3 concernait une seule communauté ethnique ou plusieurs. Vous avez répondu :
4 "A cette période particulière, la population musulmane ou bosnienne, ainsi
5 que la population croate, était peu nombreuse. Si j'ai bien compris," avez-
6 vous poursuivi," le problème, c'était que les Serbes avaient commencé aussi
7 à partir."
8 J'ai un petit peu de mal à bien comprendre votre réponse. Quand vous
9 dites -- prenons votre réponse phrase par phrase. Quand vous dites que la
10 population bosnienne et la population croate était peu nombreuse, qu'est-ce
11 que vous vouliez dire ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils étaient en minorité. Je parle aussi
13 bien des Bosniens que des Croates, de ces populations-là. Certains Serbes
14 étaient aussi partis pour la Serbie, et ce qui s'est passé à ce moment-là
15 c'est que les Serbes ont continué à partir, mais de manière organisée.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais si je regarde la question
17 suivante, je vois qu'elle a été formulée de la sorte : on vous a demandé si
18 vous parliez uniquement de Pale ou si vous parliez des municipalités qui
19 relevaient des zones de responsabilité de ces messieurs. Ce à quoi vous
20 avez répondu que "vous étiez en train de parler de manière générale des
21 zones d'où venaient ces commissaires." Est-ce que cela signifie qu'il n'y
22 avait pas de flux, de départs de population de Bosniens et de Croates de
23 ces zones ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai dit, à ce moment-là, il y avait
25 un grand nombre, même si je ne pourrais vous donner de pourcentage exact,
26 mais en tout cas, il y avait plus de la moitié des Croates et des Bosniens
27 qui avaient déjà quitté la zone. Quand je parle de cette population qui
28 partait, je voulais dire que la population locale continuait graduellement
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1 à s'en aller, si bien que peu à peu leur nombre diminuait. Mais dans le
2 même temps, on voyait arriver des réfugiés en provenance d'autres
3 municipalités dans cette région, ce qui causait des problèmes parce qu'ils
4 arrivaient là et qu'ils étaient complètement démunis pratiquement.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous venez, à deux reprises, de parler
6 d'une "région." De quoi parlez-vous exactement ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis en train de vous parler de
8 l'Herzégovine, de Vogosca et d'Ilijas. Ce sont des zones dont j'ai déjà
9 parlé précédemment. Je pense également à la région de Skelani, Bratunac.
10 Voilà, cette zone-là également.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait un parallèle entre ce qui
12 vous est arrivé et ce qui est arrivé aux Musulmans et aux Croates. Vous
13 venez de nous dire -- un instant, je voudrais retrouver le passage où
14 étaient consignés exactement vos propos. Vous avez dit : Plus de la moitié
15 des Croates et des Bosniens avaient quitté cette zone.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces zones, au pluriel.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous parlez de la totalité du
18 territoire, à la fois du territoire contrôlé par les Musulmans ou les
19 Bosniens et du territoire contrôlé par les Serbes, ou non ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] On peut parler de manière générale dans ce
21 contexte, parce que ceci vaut pour toute la Bosnie-Herzégovine. Parce qu'il
22 n'y a pratiquement personne qui ait pu rester dans la zone où elle ou il
23 résidait. En tout cas, c'était rarement le cas à partir d'avril 1992.
24 J'avais rencontré des gens qui venaient de diverses régions du pays et qui
25 étaient en train de se déplacer, des gens qui avaient quitté leurs foyers à
26 cause de ces circonstances malheureuses, si on veut décrire la chose de
27 cette manière.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez. Vous dites : "De plus…" Oui.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout comme Banja Luka n'était plus Banja Luka,
2 Sarajevo n'était plus Sarajevo. Il n'y avait pas une seule ville en Bosnie-
3 Herzégovine qui était encore ce qu'elle était avant. A l'exception peut-
4 être de quelques villes ou quelques localités où la population était
5 homogène du point de vue ethnique, mais ces villes, elles aussi, elles ont
6 subi un afflux de population, donc là aussi il y a sans doute eu des
7 changements ou conséquences.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai compris que là où une partie
9 de la population était partie, on voyait arriver d'autres personnes qui les
10 remplaçaient si l'on peut dire. Je voudrais être sûr de bien comprendre.
11 Vous dites qu'en raison de manœuvres d'intimidation, vous avez été
12 contrainte de quitter votre lieu de résidence et vous avez comparé votre
13 situation à celle des Musulmans et des Croates qui ont dû quitter leurs
14 lieux de résidence à eux. D'après vous, c'est dans les mêmes circonstances,
15 c'est-à-dire que ces gens sont partis suite à des manœuvres d'intimidation.
16 C'est pour cela qu'ils ont quitté la région où ils habitaient et c'est pour
17 ces mêmes raisons qui s'appliquent à vous-même. Est-ce que j'ai bien
18 compris ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, ce que je comprenais de la
20 situation, c'est que les gens qui s'en allaient ressentaient un sentiment
21 d'insécurité là où ils se trouvaient quelle que soit leur appartenance
22 ethnique. Ces gens, ils recherchaient la sécurité pour eux-mêmes et pour
23 leurs familles. C'est difficile pour moi de vous dire qui s'en tirait le
24 mieux ou le moins bien, c'est parce qu'on est en train de parler de destins
25 individuels ici. Mais en tout cas, c'était mon opinion et ça le reste.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai bien compris que vous avez du
27 mal à faire des comparaisons, à dire qui finalement s'en sortait mieux que
28 quelqu'un d'autre, mais si on parle de ces mouvements, de ces déplacements
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1 de population, vous nous dites qu'il y a eu modification de la composition
2 de la population dans certaines municipalités, de la composition ethnique.
3 Est-ce qu'il s'agissait de mouvements ou de déplacements sur une grande
4 échelle ou sur une échelle moins importante ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela dépendait sans doute de la ville
6 concernée. Moi-même, je pense que la plupart des gens recherchaient la
7 sécurité. C'était le cas en 1992 et indéniablement aussi en 1993. Pour
8 cette raison, les départs de population ne se sont pas déroulés à une si
9 grande échelle en 1992 parce que sur la base des informations que j'avais
10 sur l'endroit où se trouvaient les gens à l'époque, les gens espéraient que
11 la situation allait être résolue assez rapidement. Plus tard, quand j'ai
12 commencé à travailler au sein de cette commission d'Etat et après la
13 signature des accords, en particulier, après la déclaration du président de
14 la Croix-Rouge pour la Bosnie-Herzégovine, M. Somarruga, il y a eu des
15 demandes pour que la population non-serbe soit autorisée à quitter la
16 Krajina. Je le sais parce qu'en 1993, j'ai été confrontée à ce problème au
17 quotidien pratiquement. C'est à cette époque que j'ai pris conscience du
18 nombre important de personnes qui partaient ou qui étaient en train de
19 partir.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons prendre pour exemples
21 Sarajevo et Pale, au moment où vous parlez, en 1992 ou vers la fin de 1992,
22 est-ce que la plupart des Serbes qui habitaient dans ce qui est aujourd'hui
23 la Sarajevo contrôlée par les Musulmans de Bosnie, est-ce qu'ils étaient
24 encore là ou est-ce qu'ils avaient, à cette époque-là, quitté cette partie-
25 là de Sarajevo ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Sarajevo, c'est une
27 question bien difficile. C'est une ville particulière. Celui qui avait de
28 la chance est parti alors qu'il était encore temps. De nombreux Serbes sont
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1 restés à Sarajevo en espérant de pouvoir en sortir. Je le sais parce que
2 personnellement j'ai participé à de nombreuses actions où il s'agissait de
3 prendre contact avec ces gens pour les aider, soit en passant par la
4 FORPRONU ou en passant par des connaissances personnelles. De nombreuses
5 familles ont été séparées. Le plus souvent dans nos bureaux à Pale, on
6 recevait des dizaines demandes par jour d'individus qui voulaient entrer en
7 contact avec leurs familles restées à Sarajevo, et on demandait qu'on les
8 fasse partir de Sarajevo, qu'on les transfère soit à Pale, soit ailleurs.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pensez que ce n'était
10 pas bien de ne pas être protégée là où vous habitiez, que vous étiez
11 intimidée d'une certaine façon et qu'on vous a forcée à partir, que vous
12 deviez partir en tout cas ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que
14 personne d'entre nous ne s'en remettra.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons parlé du déplacement de la
16 population, on a dit que Sarajevo c'était une ville différente,
17 particulière, que les Serbes partaient, les Musulmans et les Croates aussi
18 partaient des endroits où ils habitaient, cela dépendait de la municipalité
19 évidemment, qu'il s'agisse des gens qui partaient en nombre plus important
20 ou moins important. Est-ce qu'entre vous, vous avez parlé de cela ? Est-ce
21 que vous avez parlé de cela avec les personnes que vous avez mentionnées
22 auparavant ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Avec de la tristesse et de la nostalgie,
24 à cette époque-là, il y avait une charge émotive très importante, car nous
25 sommes tous passés par la même chose.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez parlé avec les
27 représentants ou les membres d'autres nationalités, d'autres groupes
28 ethniques après la guerre ? Est-ce que vous avez parlé de ce que vous venez
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1 de nous décrire ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est la nature même de mon travail. Tout
3 ce que j'ai fait au cours des quelques années passées est dédié à la
4 Bosnie-Herzégovine. Je discute souvent avec mes amis, mes collègues, on
5 essaie de faire en sorte que ceci ne se reproduise jamais.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez eu le sentiment que
7 les Musulmans et les Croates avec lesquels vous avez pu parler avaient le
8 même sentiment que vous, à savoir qu'ils étaient tristes de devoir partir,
9 et est-ce que vous le compreniez, s'il vous le disait ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr, que je le comprends, et bien
11 sûr, que j'ai entendu des histoires dures, difficiles qui sont passés par
12 la même chose que nous tous. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il
13 serait possible de tout comparer. Cela dépendait de la phase que vous
14 examiniez. Nos sentiments réciproques étaient tout à fait comparables. Tout
15 d'abord, l'incrédulité. Ensuite, la colère. Ensuite, la rage. Ensuite, la
16 tristesse et l'espoir. Je pense que les histoires croates, serbes et
17 musulmanes sont tout à fait semblables, presque identiques.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de vos réponses.
19 Je regarde l'heure, je sais que j'ai passé pas mal de temps et que
20 j'ai posé pas mal de questions. Si vous voulez poser quelques questions,
21 vous pouvez toujours le faire, mais sinon je pense qu'il serait opportun de
22 prendre la pause maintenant et vous allez reprendre après la pause.
23 M. STEWART : [interprétation] Je vous laisse en décider, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une
26 pause, et nous allons reprendre nos travaux à 4 heures 20.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
28 --- L'audience est suspendue à 15 heures 54.
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1 --- L'audience est reprise à 16 heures 28.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez
3 poursuivre.
4 M. STEWART : [interprétation]
5 Q. Madame Cenic, vous avez mentionné les quatre personnes qui sont venues
6 visiter M. Koljevic. Vous avez décrit cette visite. Est-ce qu'il y a eu
7 d'autres personnes, à part ces quatre hommes, qui avaient une fonction
8 semblable dans d'autres parties de Bosnie-Herzégovine et qui sont venues le
9 voir ?
10 R. Je ne me souviens pas d'autres personnes ayant la même fonction. Je me
11 souviens très bien de ces hommes en revanche, et je me souviens très bien
12 de leur arrivée.
13 Q. J'ai oublié de mentionner quelque chose, mais vous l'avez fait, Madame
14 Cenic. Je voudrais vous demander de respecter un temps de pause entre mes
15 questions et vos réponses puisqu'il faut faciliter le travail des
16 interprètes. Merci.
17 Nous allons parler de ces quatre hommes. Le Pr Koljevic a-t-il fait part de
18 ses préoccupations auprès d'un quelconque de ces hommes, au sujet du
19 nettoyage ethnique ?
20 R. Comme je l'ai déjà dit, pour nous tous, donc pour le Pr Koljevic aussi,
21 il s'agissait là des accusations qui n'avaient aucun sens pour nous. Le Pr
22 Koljevic lui-même était un réfugié et il pensait comme nous tous. Moi et le
23 Pr Koljevic, j'ai passé pas mal de temps avec lui. On était ensemble tout
24 le temps, sauf quand il participait à des réunions sans moi parfois, et
25 évidemment on ne se voyait pas le soir, mais nous discutions souvent.
26 Q. Quelles étaient les pires accusations contre les Serbes, d'après vous ?
27 R. A l'époque, on nous accusait de faire cela dans le cadre d'un plan, de
28 procéder au nettoyage ethnique dans le cadre d'un plan. C'est pour cela
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1 même que l'on trouvait cette accusation complètement incroyable.
2 Q. Si on partait de cette hypothèse, s'il y avait eu un plan, d'après ces
3 accusations, que disait-on de la mise en oeuvre de ce plan ?
4 R. Je ne vous ai pas tout à fait compris.
5 Q. Je vais la poser autrement. S'il y avait eu un plan -- vous dites que
6 ce n'est pas vrai, mais s'il existait le plan de commettre le nettoyage
7 ethnique, et je ne dis pas que cela existait, mais on va partir de cette
8 hypothèse-là, c'est le début, n'est-ce pas, de cette accusation ? C'est de
9 cela qu'on accusait les Serbes tout d'abord.
10 R. Mais je ne suis pas au courant de l'existence d'un tel plan. Je ne l'ai
11 jamais vu, ni de près, ni de loin.
12 Q. Excusez-moi --
13 R. [aucune interprétation]
14 Q. Attendez un instant. Apparemment, je n'étais pas très clair. S'il
15 existait un plan, un plan pour faire quelque chose, s'il existait un plan
16 de commettre le nettoyage ethnique, quelle était la nature de ces
17 accusations exactement ? Les Serbes de Bosnie avaient un plan, le plan de
18 faire quelque chose, en réalité, de procéder au nettoyage ethnique. D'après
19 ces accusations, qu'est-ce qu'il s'agissait de faire ? Qu'est-ce qu'il
20 fallait faire, selon ce plan-là ? Comment le mettre en oeuvre ?
21 R. Ils disaient qu'il existait un plan de systématiquement chasser toutes
22 les nationalités non-serbes par la force, par quoi que ce soit.
23 Q. Est-ce qu'il vous est jamais arrivé, au cours de l'année 1992, de lire
24 ou d'entendre quoi que ce soit qui irait à l'appui de ces accusations, à
25 savoir que les dirigeants des Serbes de Bosnie avaient un tel plan ?
26 R. Non, jamais.
27 Q. Plus concrètement, le Pr Koljevic, vous a-t-il jamais dit quoi que ce
28 soit qui impliquerait la crainte ou des soucis de sa part qu'il pourrait
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1 exister un tel plan dans la tête d'un quelconque dirigeant des Serbes de
2 Bosnie ?
3 R. Non, jamais.
4 Q. Le Pr Koljevic, vous a-t-il jamais dit ou vous a-t-il jamais suggéré
5 que M. Krajisnik avait des idées qui était différentes ou une politique
6 différente de la sienne, ou un plan d'action différent du sien par rapport
7 à toutes ces questions, le déplacement de la population, les rapports avec
8 d'autres groupes ethniques ?
9 R. Non.
10 Q. Le Pr Koljevic, vous a-t-il jamais suggéré que M. Krajisnik était
11 agressif, va-t-en-guerre, de quelque façon que ce soit ?
12 R. Non, jamais.
13 Q. A-t-il jamais dit ou fait un commentaire, suggéré que M. Krajisnik ne
14 cherchait pas à aboutir à une solution pacifique du conflit dans la mesure
15 du possible évidemment ?
16 R. Non. S'il y a eu quoi que ce soit dans ce sens, je ne serais pas ici
17 aujourd'hui. Je ne serais pas venue.
18 Q. Pour être plus précis, s'il y avait un quelconque soupçon de la part de
19 M. Koljevic à ce sujet, si M. Koljevic avait suggéré quoi que ce soit de ce
20 genre, est-ce que vous connaissez des éléments qui auraient été à l'appui,
21 qui corroboreraient ses suggestions ?
22 R. Non. M. Koljevic n'a jamais fait comprendre, de quelle que façon que ce
23 soit, que sa réflexion était différente des réflexions de M. Krajisnik,
24 surtout et avant tout quand il s'agissait des efforts innombrables de
25 trouver une solution négociée.
26 Q. Est-ce qu'il y a eu des discussions lors d'une quelconque de ces
27 réunions entre ces quatre hommes, M. Poplasen et les trois autres, et le Pr
28 Koljevic ? Est-ce qu'on a proposé d'agir en sorte de protéger qui que ce
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1 soit ou une quelconque personne participant à cette réunion ?
2 R. Vous voulez dire est-ce qu'on a essayé de dissimuler ou de cacher
3 quelque chose ?
4 Q. Non, je ne dis pas que cela a été le cas. Je vous ai demandé si on a
5 évoqué la possibilité d'éventuellement protéger ou cacher quelqu'un ?
6 R. J'ai été témoin d'une grande partie de cette réunion, puisqu'ils ont
7 parlé de beaucoup de choses en ma présence, et je n'ai pas eu l'impression
8 qu'on essayait de dissimuler ou de cacher quoi que ce soit. Ensuite, je
9 vous prie de bien vouloir prendre en considération le fait que ces hommes,
10 en tant que représentants, allaient dans ces régions et revenaient de ces
11 régions. Par exemple, M. Poplasen n'était pas tout le temps à Vogosca ou à
12 Ilijas. Il y allait et il revenait. Il faisait des allers-retours. Il y
13 passait quelques jours, il revenait, ensuite il repartait. Cela se
14 présentait comme cela à peu près.
15 Q. Lors de ces réunions, est-ce qu'aucun de ces quatre hommes a posé des
16 questions ou fait des rapports quant au niveau de discipline ou de contrôle
17 exercé dans la région dont ils avaient la responsabilité ?
18 R. Bien sûr qu'il y a eu des commentaires. On disait que de nombreux
19 groupes de personnes, je ne sais pas comment appeler ces hommes, qu'ils
20 n'étaient pas placés sous le commandement de l'armée, et ceci avait une
21 influence néfaste sur une situation qui était déjà difficile en soi.
22 C'était un des problèmes dont on discutait.
23 Q. Si vous pouviez faire une comparaison, est-ce que vous pourriez nous
24 dire ce que vous diriez des rapports de travail professionnels entre, d'une
25 part M. Poplasen et le Pr Koljevic, et de l'autre côté, entre M. Poplasen
26 et M. Krajisnik ?
27 R. Je ne suis pas du tout au courant d'un quelconque rapport entre
28 Poplasen et Krajisnik, je ne les ai jamais vus ensemble. Je ne les ai
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1 jamais vus participer ensemble à une quelconque réunion, pas moi
2 personnellement. Cela étant dit, je ne saurais garantir pour ce que je n'ai
3 pas vu.
4 Q. Si je vous posais la même question quand il s'agit des rapports avec M.
5 Djokanovic, est-ce que vous me donneriez la même réponse ou une réponse
6 différente ?
7 R. M. Djokanovic était plus proche du Pr Koljevic, beaucoup plus proche,
8 et cela est resté ainsi quand je suis arrivé à Pale parce que je les voyais
9 ensemble. A cause de cela justement, on faisait des plaisanteries au sujet
10 de M. Djokanovic. En revanche, en ce qui concerne les éventuelles réunions
11 entre Djokanovic et Krajisnik, je peux vous dire que je ne suis pas au
12 courant de l'existence de telles réunions.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis un peu confus. Tout d'abord vous
14 posez une question au sujet des rapports d'un côté entre M. Poplasen et le
15 Pr Koljevic, et de l'autre côté entre M. Poplasen et M. Krajisnik. Ensuite,
16 enfin vous avez reçu une réponse, mais uniquement concernant M. Poplasen et
17 M. Krajisnik. Ensuite, vous avez posé la même question concernant M.
18 Djokanovic. Est-ce que vous parlez des rapports entre M. Poplasen et M.
19 Djokanovic ou est-ce que vous parlez des rapports entre Djokanovic et
20 Krajisnik et Djokanovic et Koljevic ? Ensuite, on nous répond en disant que
21 Djokanovic était bien plus proche du Pr Koljevic.
22 M. STEWART : [interprétation] Si vous voulez, je peux guider un peu le
23 témoin pour que ceci soit bien plus clair. Je dois dire que je pensais --
24 je me suis dit que c'était un témoin intelligent, et je me suis dit que je
25 n'avais vraiment pas besoin d'être trop précis.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je vois qu'il n'a répondu
27 qu'à moitié.
28 M. STEWART : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, quand
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1 je lui ai demandé de faire la comparaison et quand elle a dit qu'elle ne
2 savait rien de la deuxième partie de la comparaison, cela veut dire qu'elle
3 a répondu à la question.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais lire à nouveau la réponse
5 fournie à la deuxième question.
6 M. STEWART : [interprétation] Si vous le voulez bien, je peux poser une
7 autre question pour clarifier tout cela.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux être plus précise si vous
9 me le permettez ?
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, allez-y. C'est peut-être ce
11 qui est le plus efficace.
12 M. STEWART : [interprétation] Oui, justement, je me suis dit qu'elle va
13 nous aider, tous les deux.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce qui concerne le rapport entre Poplasen
15 et Krajisnik, je ne peux rien vous en dire puisque je ne les ai jamais vus
16 ensemble, je n'ai jamais été présente lors d'une telle réunion, si
17 toutefois elle existait. C'est pour cela que je ne peux pas dire s'ils
18 avaient de bons ou de mauvais rapports puisque je n'en sais rien. Je n'ai
19 jamais assisté à une réunion entre les deux, je n'ai jamais vu qu'il y ait
20 eu une telle réunion. Personnellement, je ne l'ai jamais vu.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, j'ai été éclairé.
22 Apparemment, on ne peut pas faire de comparaison pour les deux personnes.
23 Vous pouvez continuer, Maître Stewart.
24 M. STEWART : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président,
25 je vais poser encore une question à ce sujet.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne suis pas au courant de l'existence
27 de réunions entre M. Krajisnik et M. Djokanovic.
28 M. STEWART : [interprétation] A la page 34, où on trouve la réponse à la
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1 même question.
2 Q. Madame Cenic, vous avez dit à la ligne 22, que M. Djokanovic était bien
3 plus proche du Pr Koljevic. Mais bien plus proche que de qui ?
4 R. Avant, vous m'aviez posé une question au sujet des rapports qui
5 existait entre Poplasen et Koljevic. Ensuite, vous m'avez posé une question
6 au sujet des rapports qui existaient entre Djokanovic et Koljevic. Si on
7 fait la comparaison avec Poplasen, j'ai dit que Djokanovic était bien plus
8 proche de Koljevic que Poplasen.
9 Q. Lors de ces réunions avec les quatre hommes, vous m'avez dit qu'ils
10 n'étaient pas là tous les quatre à la fois, mais peut-être que nous
11 devrions tout de même être plus précis. Vous avez parlé des quatre hommes
12 Poplasen, Djokanovic, et cetera. Ces réunions se déroulaient avec un des
13 quatre hommes à chaque fois, n'est-ce pas, à la fois ?
14 R. Parfois ils étaient ensemble, mais c'est plutôt qu'ils se fréquentaient.
15 Là, c'était plutôt Radovanovic et Poplasen d'ailleurs qui étaient ensemble
16 parfois. C'étaient des rencontres officieuses, non formelles puisque nous
17 n'avions pas d'autre vie à part la vie de bureau. Ce qui fait que parfois
18 ils venaient prendre un café tous les deux ensemble pour parler un peu. M.
19 Djokamovic venait seul le plus souvent. Je pense qu'il est arrivé que
20 Radovanovic et Jovanovic soient ensemble. Cela est arrivé plusieurs fois,
21 mais là encore il s'agissait plutôt de discussions amicales dans le bureau,
22 pas de réunions formelles.
23 Q. Je veux parler de toutes les réunions comme étant des réunions au
24 pluriel, donc toutes les réunions qui avaient lieu entre le Pr Koljevic et
25 les hommes qui venaient le voir, réunions auxquelles vous avez été présente.
26 Lors de ces réunions de façon générale, est-ce que l'on parlait du mauvais
27 traitement que l'on accordait aux prisonniers musulmans ?
28 R. Non, jamais. Ce sujet n'est jamais venu à l'ordre du jour. Nous n'avons
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1 jamais parlé de prisonniers, ni de prisons, jamais.
2 Q. En parlant de prisons, est-ce que vous avez jamais parlé de prisons
3 quelconques ? Est-ce que cela a fait l'objet de discussions à quelque
4 moment que ce soit lors de ces réunions ?
5 R. Non, jamais.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, dans vos questions
7 vous devriez peut-être parler d'endroits de détention, et non pas de
8 prisons.
9 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je serais fort
10 heureux de préciser le point.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, veuillez, je vous prie.
12 M. STEWART : [interprétation]
13 Q. Je dis "prisons" car je pense, à ce moment-là, à des camps de détention
14 ou de centres de détention. J'englobe avec le mot "prisons" tous les
15 endroits là où les personnes sont gardées contre leur gré. Lorsque je parle
16 de prison, je parle de tous ces lieux-là. Est-ce que ce genre de lieux a
17 fait l'objet des discussions lors de ces réunions ?
18 R. Non.
19 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Q. Au cours de cette période, sans nous parler de dates, mais au cours de
21 quelle période les réunions entre le Pr Koljevic et les quatre hommes soit
22 individuellement ou ensemble ont eu lieu ?
23 R. Ces réunions avaient déjà arrêté de se faire vers la fin de l'automne,
24 vers la fin de l'année. Il n'y en avait plus. Mais
25 M. Djokanovic venait encore relativement souvent, ces réunions déjà vers la
26 fin de l'année, si je me souviens bien, ne se tenaient plus.
27 Q. A quel moment a-t-on commencé à se réunir de la sorte ?
28 R. Si je me souviens bien, j'ai vu - je vous dis cela de cette façon-là
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1 car je ne travaillais pas à l'époque avec le Pr Koljevic - donc il
2 m'arrivait de voir le professeur. Lorsque je suis arrivée à Pale, peu de
3 temps après mon arrivée, il m'arrivait de voir le professeur avec M.
4 Poplasen car M. Poplasen était hébergé à Kikinda, c'est là qu'il vivait
5 dans une chambre. C'est là qu'il y passait les nuits. Je voyais souvent le
6 professeur en compagnie de Dragan Djokanovic. Lorsque j'ai commencé à
7 travailler pour le Pr Koljevic, lorsque j'ai commencé à travailler pour
8 lui, j'ai vu que ces hommes ont commencé à venir dans le bureau que j'ai
9 déjà décrit, les quatre venaient le voir, soit de façon indépendante, ou
10 comme je l'ai déjà décrit.
11 Q. Je reviendrai tout à l'heure sur le sujet de M. Krajisnik. Je voulais
12 vous poser une question sur lui, mais je crois que mardi dernier vous nous
13 avez parlé de ces hommes qui arrivaient, vous nous avez décrit comment ils
14 arrivaient et qu'ils prenaient place dans une salle où ils attendaient M.
15 Krajisnik car il était occupé très souvent. M. Krajisnik était un homme
16 difficile d'accès et ces hommes venaient le voir sans avoir annoncé leur
17 visite, est-ce qu'il était difficile de le voir ?
18 R. Non, je ne dirais pas.
19 Q. Pourriez-vous élaborer là-dessus, je vous prie ?
20 R. Oui, c'est exactement comme je l'ai déjà dit. Les gens venaient et
21 partaient. Il y avait des gens qui venaient le voir et qui devaient
22 attendre qu'il soit libre de les recevoir. Il ne refusait pas de voir qui
23 que ce soit, mais il lui arrivait d'être occupé quand les hommes, les gens
24 venaient le voir, donc il fallait attendre pour qu'il soit libre.
25 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu M. Krajisnik dire : "Non, je ne
26 peux pas lui parler à lui ou je ne peux pas parler à cette dame, ne me
27 dérangez pas, je vous prie ?"
28 R. Non, il ne m'a jamais dit quoi que ce soit de semblable.
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1 Personnellement, je ne l'ai jamais entendu dire ce genre de propos.
2 Q. Avez-vous jamais entendu M. Krajisnik faire des commentaires péjoratifs
3 à l'endroit de certains membres d'un groupe ethnique quelconque ?
4 R. Je dois vous dire que je n'ai jamais entendu M. Krajisnik prononcer de
5 propos désagréables ou avoir des idées de discrimination envers qui que ce
6 soit, même pas envers un Martien.
7 Q. Lorsque vous avez travaillé à Pale, vous avez parlé d'une certaine
8 période pendant laquelle vous y travailliez en 1992, est-ce que vous vous
9 rappelez si M. Krajisnik a eu reçu des visites de membres représentant
10 d'autres groupes ethniques, s'agissant de
11 non-Serbes ?
12 R. S'agissant de Pale, il y avait des appels téléphoniques provenant de
13 membres d'autres nationalités qui essayaient d'entrer en contact avec les
14 membres de leurs familles et ils appelaient M. Krajisnik pour cela.
15 Q. Au cours de cette période, est-ce que vous vous souvenez si M.
16 Krajisnik a reçu des visites de membres importants de la communauté serbe,
17 mais non pas des membres du SDS ?
18 R. Ces personnes ne portaient pas de documents d'appartenance à un parti
19 politique quelconque. Je ne leur ai jamais demandé de me présenter des
20 documents pour me parler de leur appartenance, donc je ne peux pas vous
21 dire qui était membre de quel parti. Les gens venaient de façon générale,
22 s'entretenaient avec lui et repartaient. A savoir si l'un quelconque
23 d'entre eux était un membre d'un parti politique, non cela, je l'ignorais.
24 Q. S'agissant de ce que vous avez vu et entendu au cours de cette fin
25 d'été, début automne, à Pale, est-ce que vous vous étiez forgée une idée
26 quant au niveau de contrôle et d'autorité que les dirigeants du SDS à Pale
27 avaient sur les municipalités se trouvant sur le territoire de la Bosnie-
28 Herzégovine, sur l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine ?
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1 R. Je ne pourrais pas vous dire si les membres du SDS exerçaient un
2 certain contrôle ou non sur ces municipalités. Je peux seulement vous dire
3 que s'agissant des Serbes, les Serbes formaient le parti le plus nombreux.
4 Ils étaient les plus forts pour ce qui est du nombre de voix et je présume,
5 et je le sais d'ailleurs aussi, que dans plusieurs municipalités ils
6 occupaient des postes assez importants. Il y avait un très grand nombre
7 d'entre eux qui étaient devenus membres du SDS plus tard, plus
8 particulièrement en 1993.
9 Q. Oui, je vois. Je ne suis pas tout à fait certain que vous ayez saisi ma
10 question complètement. Ce n'était peut-être pas clair, je m'en excuse. Je
11 ne voulais pas savoir quel était le niveau de contrôle qu'effectuaient les
12 membres du SDS à l'intérieur d'une municipalité, mais je voulais savoir si
13 le niveau de contrôle ou le niveau d'autorité parmi les dirigeants du SDS à
14 Pale, quel était leur rôle, quelle importance, quel était leur rôle ? Est-
15 ce qu'ils exerçaient un rôle important pour ce qui est des autres
16 municipalités en Bosnie-Herzégovine ?
17 R. A l'époque et maintenant, j'ai toujours affirmé et je l'affirme
18 aujourd'hui qu'un contrôle si vaste, si énorme, ils ne l'avaient pas, car à
19 l'époque et aujourd'hui, le problème a toujours été et on s'est toujours
20 posé de par cette deuxième ligue d'hommes pour les appeler ainsi, qui
21 obstruait le peuple et les membres tel pour m'exprimer ainsi. J'ai toujours
22 maintenu à l'époque et aujourd'hui qu'ils ne savaient pas ce qui se
23 passait, pour la plupart, sur le terrain, comme on l'appelait à l'époque.
24 Q. Lorsque vous avez fait référence à cette deuxième ligue de gens, c'est
25 ce que vous avez dit.
26 R. Ce sont des hommes qui acceptent toute autorité et qui, au nom de tout
27 pouvoir de tout gouvernement, font tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer
28 qu'il ne leur arrive rien de mal, mais pour s'assurer également qu'ils
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1 causent du mal aux autres personnes. Ces personnes, lorsqu'ils venaient à
2 Pale, ils disaient la plupart du temps ce qu'ils pensaient que l'autorité
3 voulait entendre, ce que les dirigeants voulaient entendre, et non pas la
4 vérité. Je dois dire également que pendant les visites, et je peux vous le
5 dire avec certitude, qu'il s'agissait toujours des mêmes personnes qui
6 accueillaient les dirigeants, pour les appeler ainsi, et de nouveau,
7 c'était la même chose. Je n'ai jamais pensé, presque jamais, à 99 %, je
8 peux vous dire que l'on ne disait pas la vérité.
9 Q. Madame, lors de cette réponse, vous avez parlé des visites, vous avez
10 dit que pendant ces visites de ces représentants d'autres municipalités à
11 Pale ou est-ce que vous parliez des dirigeants de Pale qui allaient rendre
12 visite aux autres municipalités, ou des deux ?
13 R. Non, je parle des deux. Lorsque je parle de visites, ces visites se
14 faisaient normalement soit pendant les sessions de l'assemblée ou lorsque
15 le Pr Koljevic et moi-même allions à Banja Luka, et il y avait toujours un
16 comité d'accueil de dirigeants de la municipalité.
17 Q. Juste pour être tout à fait sûr de quoi nous parlons, lorsque vous
18 parlez de ces hommes de second rang, de deuxième ligue, qui avaient obstrué
19 le travail ou qui avaient organisé un certain blocus, vous parliez au sens
20 figuré, n'est-ce pas ?
21 R. Oui. Je répète : il y avait beaucoup d'entre eux qui étaient motivés
22 par des intérêts personnels et qui, ne sachant pas pour quelle raison
23 particulière, ont toujours dit ce qu'ils pensaient qu'il fallait dire.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, permettez-moi de faire
25 quelques précisions. Madame, lorsque vous parlez de ces hommes de second
26 rang, de cette deuxième ligue de gens, est-ce que vous parlez des membres
27 du SDS ? Qui aviez-vous en tête exactement ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Certains d'entre eux, à l'époque, n'étaient
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1 pas membres du SDS. Ils devenaient, par contre, membres du SDS, parce que
2 cela leur convenait mieux. Certains d'entre eux étaient membres du SDS même
3 avant la guerre. Pour certains d'entre eux, je ne sais pas quelle était
4 leur vraie appartenance, et eux-mêmes ne le savaient sans doute pas.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez donné un exemple de
6 comité d'accueil qui vous accueillait et qui vous recevait lorsque vous
7 alliez à Banja Luka. Pourriez-vous, je vous prie, nous donner des noms de
8 personnes qui étaient membres de ce comité, et dites-nous si c'étaient des
9 membres du SDS ou non en l'occurrence.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est peut-être plus facile de vous donner
11 l'exemple de Banja Luka et de Krajina. Si nous parlons de Banja Luka, il
12 s'agissait toujours de M. Radic, M. Kasagic, Dr Vukic était là, Mme
13 Hrvacanin était là à quelques reprises. C'étaient toujours les mêmes
14 personnes, et il était assez difficile que le Pr Koljevic puisse
15 s'entretenir avec d'autres personnes.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Merci. Dites-nous, entre ces
17 personnes que vous avez énumérées, lesquelles n'étaient pas des membres du
18 SDS et quelles étaient les personnes qui étaient membres du SDS ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Les personnes dont je viens de vous citer les
20 noms étaient, je crois, membres du SDS avant la guerre aussi. Pour ce qui
21 est de certains ministres au sein du gouvernement, qui sont devenus
22 ministres plus tard, ils devenaient membres du SDS lorsqu'ils commençaient
23 à occuper leurs postes, car ils disaient eux-mêmes qu'ils estimaient que
24 c'était soit logique ou mieux pour eux.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
26 Le Juge Hanoteau souhaiterait poser une question, Madame.
27 M. LE JUGE HANOTEAU : Je suis désolé de vous obliger à mettre vos
28 écouteurs, Madame, mais je voulais vous poser une question qui est un peu
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1 générale. En répondant à Me Stewart, vous avez un peu campé un peu la
2 personne de M. Krajisnik, comment il accueillait ses visiteurs, quels
3 étaient ses discours ou ses non discours vis-à-vis des autres ethnies. Je
4 voulais vous poser la question suivante : est-ce qu'il vous est arrivé
5 d'entendre M. Krajisnik refuser des événements qui étaient en train de se
6 dérouler ? Est-ce que vous l'avez entendu protester, condamner des
7 comportements ou des choix qui étaient faits autour de lui ? Est-ce que
8 vous avez pu l'entendre regretter ? Merci de me répondre.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et ce à plusieurs reprises. M. Krajisnik
10 était furieux à cause, comme je l'ai déjà mentionné, de groupes qui
11 allaient ça et là et qui faisaient du mal. Car lorsque, par exemple, moi-
12 même - je ne sais pas pour les autres, mais je vous parle de moi-même -
13 lorsque, par exemple, nous prenions du café, et M. Krajisnik appelait
14 toujours ce café le café des héros, à chaque fois que nous prenions un café,
15 il m'arrivait personnellement de lui dire ce que j'entendais. Je lui
16 faisais part des rumeurs. Je lui faisais part de ce que j'entendais
17 s'agissant des événements, et M. Krajisnik réagissait avec beaucoup
18 d'angoisse. Il était furieux et fâché. Il n'aimait pas que l'on lui dise
19 que des gens, au nom de certains idéaux, qu'on faisait du mal aux gens, au
20 nom de certaines choses. Pour poursuivre, M. Krajisnik insistait toujours
21 pour dire qu'il fallait être respectueux envers tout le monde. Je crois
22 qu'il l'a montré sur l'exemple de ma famille, pour ce qui est de ma famille
23 et moi-même.
24 M. LE JUGE HANOTEAU : …appris qui était arrivé, par exemple ? Est-ce que
25 vous pouvez illustrer votre propos ? [interprétation] "Moi-même, j'ai eu
26 l'occasion de l'informer de ce que j'avais entendu, des choses qui se
27 passaient."
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour vous donner un exemple, des événements
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1 autour d'Ilijas, il était tout à fait clair qu'il y avait des formations
2 paramilitaires à cet endroit-là, ou une formation paramilitaire qui
3 effrayait la population. Leur aspect était effrayant même. Leurs voitures
4 et leurs véhicules arboraient des têtes de morts, des dessins effrayants.
5 J'ai eu l'occasion de lui en parler. J'ai fait part à M. Krajisnik de cela.
6 Il était furieux lorsqu'il l'a appris. Car ces derniers n'étaient pas
7 placés sous le commandant de personne. Comme M. Krajisnik le disait, il
8 disait qu'au nom des Serbes, personne n'a le droit de faire du mal ou
9 d'effrayer la population, au nom des Serbes.
10 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce qu'il avait une marge d'action et est-ce que
11 vous l'avez vu agir ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais sortie du bureau et je présume que oui,
13 puisqu'il lui avait donné des instructions et il lui avait demandé de le
14 mettre en contact avec M. Karadzic.
15 M. LE JUGE HANOTEAU : D'autre question, Madame. Considérant ce que vous
16 nous avez dit sur la première partie de votre activité, lorsque vous étiez
17 chargée de constituer des revues de presse, donc je reviens bien en arrière
18 de votre audition, est-ce que vous aviez dans ces bureaux la télévision ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
20 M. LE JUGE HANOTEAU : …ni de M. Krajisnik ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] A l'époque, non. Je crois que non. Je ne peux
22 pas vraiment me rappeler avec précision. J'essaie vraiment de me rappeler à
23 quel moment nous avons reçu les premiers ordinateurs. Parce que jusqu'à
24 cette époque-là, je rédigeais encore tous mes rapports sur une machine à
25 écrire. Maintenant, à l'époque, il n'y avait pas de télévision. Non, voilà.
26 Pas dans le bureau, non.
27 M. LE JUGE HANOTEAU : [hors micro]
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : …A Jahorina ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] A Jahorina, je n'ai pas été là-bas.
3 Parce que nous étions transférés à Mali Dom. Comme je vous l'ai déjà dit,
4 j'étais dans cette petite pièce à Mali Dom. Plus tard, on a eu des
5 télévisions, oui, mais beaucoup plus tard. Je crois que ce n'était même pas
6 cette année-là, car comme je l'ai déjà dit, nous avons d'abord reçu des
7 ordinateurs après les machines à écrire, et peut-être plus tard, mais
8 beaucoup plus tard, on a installé peut-être une télévision quelque part.
9 Plus tard.
10 M. LE JUGE HANOTEAU : [hors micro]
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Très honnêtement, Monsieur le Juge, je ne me
12 souviens vraiment pas si c'était vers la fin de cette année-là ou en 1993.
13 Honnêtement, je suis désolée, mais je ne peux vraiment pas me rappeler du
14 moment où on a installé ce poste téléviseur.
15 M. LE JUGE HANOTEAU : Ma dernière question est au sujet d'une de vos
16 réponses. Vous avez dit que vous n'aviez jamais entendu évoquer des centres
17 de détention, des centres de rétention ou des prisons, du temps où vous
18 étiez auprès de M. Koljevic. Est-ce que vous-même, vous avez
19 personnellement -- quand est-ce que vous avez eu connaissance de ces
20 centres de détention ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, permettez-moi d'apporter une
22 petite correction. J'ai dit que cela n'a pas fait l'objet de discussions.
23 Des centres de détention, des unités de détentions, des prisons n'avaient
24 jamais été discutés par les quatre hommes qui venaient. Cela n'a jamais
25 fait l'objet de discussions entre eux. Ils n'ont jamais posé de questions
26 sur cela. Je n'avais pas dit que moi-même personnellement je n'avais jamais
27 entendu parler de centres de détention, et je n'ai jamais dit que je
28 n'avais jamais entendu parler de ces centres. Mais simplement, cela n'a
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1 jamais fait l'objet de discussions entre ces quatre hommes. Pour ce qui est
2 des centres de détention, des camps, des centres de rassemblement, de
3 collectifs, si vous voulez, j'en avais déjà entendu parler, et j'ai déjà
4 dit dans ma déclaration que cet automne-là, au début de l'automne, en
5 septembre, je m'étais rendue avec le journaliste en question dans un de ces
6 endroits-là. Cet été-là, il y avait des rumeurs concernant Prijedor. On
7 avait entendu parler de Prijedor, et c'est à ce moment-là que l'on a
8 organisé une visite. Les représentants internationaux avaient demandé
9 d'organiser une visite. Je me souviens qu'il y avait un homme, il avait un
10 titre. Je crois qu'il était soit un lord ou "sir." Il avait un de ces
11 titres-là. Je ne suis pas tout à fait sûre de son nom, mais je sais qu'il
12 était venu avec l'adjoint du ministre de santé et il voulait venir rendre
13 visite à Prijedor. Pour ce qui est des prisons ou des centres de détention,
14 oui effectivement, pendant l'été, on en a parlé, puisque des listes
15 parvenaient pour des échanges d'hommes. C'était M. Momcilo Mandic qui était
16 chargé de s'occuper de ces listes-là. Il m'arrivait personnellement de
17 recevoir ces télécopies, et du côté croate, il y avait un homme qui je
18 crois s'appelait Plejic, son nom de famille était Plejic. Au nom de peuple
19 croate de l'Herceg-Bosnie ou du peuple croate, je ne le sais vraiment plus,
20 il avait un rôle officiel, il avait un titre officiel, il était à
21 Francfort, il appelait depuis Francfort et c'est de là qu'il nous
22 contactait puisqu'il avait été question d'échange d'hommes. J'avais
23 certainement entendu parler déjà à cette époque-là de centres de détention
24 et j'ai décrit à l'instant de quelle façon j'en avais eu vent, de quelle
25 façon j'en ai pris connaissance.
26 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Madame.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais poser une question pour
28 poursuivre suite aux questions que nous venons d'entendre.
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1 Vous dites qu'il n'y avait pas de télévision dans le bureau de M.
2 Krajisnik, mais nous avons entendu des témoins nous parler de télévision
3 par satellite et du fait qu'il était possible à Pale de regarder CNN, c'est
4 une personne qui se trouvait là en 1992 qui nous l'a raconté. Avez-vous
5 connaissance de la présence d'une antenne parabolique pour réception de la
6 télévision par satellite ou d'une installation semblable que ce soit dans
7 le bureau de M. Karadzic, de M. Krajisnik ou à proximité ou est-ce que vous
8 êtes en train de nous dire qu'il était complètement impossible de regarder
9 la télévision étrangère ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de la télévision par
11 satellite, je n'en ai jamais entendu parler. C'est la première fois que
12 j'entends dire ce que vous venez de me dire. Pour ce qui est des postes de
13 télé, oui, les gens en avaient chez eux. Il est possible qu'il y ait eu
14 dans ces installations un poste de télévision parce que c'était un lieu de
15 villégiature. Cependant, je n'ai vu aucun poste de télévision dans les
16 bureaux, dans un aucun bureau. Moi-même, dans mon bureau, je n'avais pas de
17 poste de télévision pendant la courte période que j'ai passé à préparer des
18 revues de presse.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Que voulez-vous dire dans "ces
20 installations" ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le bâtiment Kikinda. Il est possible
22 qu'il y ait eu là un poste de télévision, un poste de télévision classique.
23 Mais en tous cas, ce n'était pas le cas aux bureaux. Il faut savoir
24 qu'auparavant, c'était un lieu de villégiature, je suis sûre qu'il y avait
25 eu des télévisions dans cet endroit. Mais pendant la journée, nous ne
26 regardions pas la télévision au travail. Les gens avaient la télévision
27 chez eux et ils regardaient les chaînes que l'on pouvait recevoir. Quand on
28 est parti à Mali Dom, dans le bureau où je me trouvais, quant à moi, il n'y
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1 avait pas de poste de télévision. Plus tard, je ne sais pas si c'est en
2 1992 ou en 1993, très honnêtement je suis incapable de m'en souvenir, en
3 tous cas plus tard, nous avons perçu des télévisions au bâtiment de Mali
4 Dom. Maintenant pour ce qui est d'une télévision par satellite, une
5 parabole, ou de télévision par satellite, croyez-moi, à l'époque je n'ai
6 pas eu l'occasion de regarder ces chaînes quelles qu'elles soient.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous comprends bien. Vous dites
8 que vous n'avez pas eu l'occasion de regarder ces chaînes là, quant à vous.
9 Mais est-ce que vous excluriez totalement la possibilité d'une réception de
10 la télévision par satellite dans des bâtiments gouvernementaux ou
11 assimilés. Par exemple, dans les bureaux du gouvernement, dans les
12 bâtiments de l'assemblée, dans ce genre de lieux ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le bâtiment de Kikinda, je suis
14 convaincue que je n'ai jamais vu de télévision par satellite à cet endroit.
15 Jamais, au grand jamais.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Précédemment, vous nous avez dit
17 que vous avez recueilli des informations dans le cadre de la préparation de
18 vos revues de presse en examinant ces coupures de presse. Vous dites que
19 parfois, c'était emmené à Pale par coursier, apparemment on s'intéressait à
20 la situation. Comment pouvez-vous expliquer la chose suivante : la
21 télévision par satellite ou par réception satellitaire, c'est une
22 technologie finalement assez simple si l'on peut dire, permettant de se
23 faire une idée de la manière dont la situation est présentée, la situation
24 en Bosnie-Herzégovine dont elle est rapportée dans les médias. Comment
25 pouvez-vous expliquer que personne ne se soit dit : Bien, ce serait une
26 bonne façon d'obtenir des informations, de la même façon qu'on essayait
27 d'obtenir ces informations par le biais de ces revues de presse, de ces
28 coupures de presse ainsi rassemblées. Cela aurait été beaucoup plus simple;
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1 n'est-ce pas ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai mis un certain
3 temps et heureusement M. Krajisnik l'a bien compris, j'ai eu besoin d'un
4 certain temps pour expliquer que pour notre travail nous avions besoin
5 d'ordinateur personnel, le PC. J'ai expliqué aussi pourquoi ce serait bien
6 pour nous d'avoir un scanner. Mais même pour cela, il fallait des
7 ressources et il fallait trouver le moyen de se procurer ce type
8 d'équipement. Je vous entends bien, oui, effectivement cela aurait été
9 beaucoup plus simple avec une télévision par satellite, mais non, il n'y en
10 avait pas, je n'en avais pas moi.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'y avais pas accès.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, j'ai bien compris. Vous dites que
14 vous n'aviez pas accès à la télévision par satellite, vous ne pouviez pas
15 la regarder. Mais quelqu'un nous a dit, un témoin nous a dit qu'on
16 regardait CNN à Pale. Donc j'essaie de comprendre un autre témoignage.
17 J'essaie en ce moment de voir si on peut trouver une explication logique à
18 la discordance que je remarque entre ce témoignage-là et ce que vous êtes
19 en train de nous dire. Est-ce que vous diriez qu'à Pale les installations
20 officielles en rapport avec le gouvernement, les locaux de ce type, c'était
21 des endroits où on ne recevait pas la télévision par satellite ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le bâtiment de Kikinda, je n'ai pas vu de
23 télévision par satellite où que ce soit. Ultérieurement, au fil du temps,
24 Dr Karadzic a eu une télévision dans son bureau et il pouvait regarder ABC,
25 CNN, la BBC et d'autres chaînes, mais dans le bâtiment de Kikinda, je n'ai
26 jamais vu de parabole.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et dans d'autres bâtiments en 1992 ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, jusqu'au moment où on est allé
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1 s'installer à Mali Dom, non je n'en ai vu nulle part. Une fois qu'on est
2 allé s'installer au bâtiment de Mali Dom, dans mon bureau et dans les
3 bureaux adjacents, je n'ai pas vu de parabole, ni de télévision permettant
4 la réception. Mais je vous dis que plus tard, oui. Plus tard, le Dr
5 Karadzic en avait une dans son bureau et il pouvait suivre les différentes
6 chaînes.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était après 1992.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, après.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.
10 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Est-ce que dans la communauté serbe en 1992, vous pourriez nous dire
12 quelle était l'évaluation que l'on faisait de manière générale, enfin dans
13 la mesure de vos possibilités, dans la mesure où vous pouvez nous le dire,
14 quelle était l'évaluation qu'on faisait des dirigeants serbes de Bosnie ?
15 R. Si vous êtes en train de parler des gens en général et de ce qu'ils
16 racontaient.
17 Q. Oui.
18 R. Il y a pas mal de gens, et avec tout le respect que je dois au Dr
19 Karadzic, à M. Koljevic, à Mme Plavsic et à M. Krajisnik, suivant la région
20 de l'Etat ou du territoire où ces gens résidaient, même s'ils jouissaient
21 d'un certain respect, la majorité des gens, l'homme de la rue, était en
22 colère de ne pas pouvoir entrer en contact avec eux pour leur dire ce qui
23 était véritablement en train de se passer, ou pour leur parler de ceux qui
24 les représentaient et de leurs municipalités respectives.
25 Q. Autant que vous étiez en mesure de voir en 1992, quelle était la
26 relation qui existait entre M. Karadzic et le général Mladic ?
27 R. A la mesure où j'ai pu suivre et écouter certaines de leurs
28 conversations, c'était une relation très tendue que la leur, vu le ton qui
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1 était le leur, le ton qui montait surtout en ce qui concerne le Dr
2 Karadzic.
3 Q. Est-ce que vous-même vous avez pu vous faire une idée de ce qui était à
4 l'origine de ces tensions et de ce ton qui montait entre eux ?
5 R. En plus de ce qui se passait avec les convois d'aide humanitaire et de
6 la manière dont ils abordaient la situation, les journalistes, et quand je
7 parle des journalistes, je dois dire que très souvent lorsque les
8 journalistes venaient, il fallait assurer leur sécurité. Je sais qu'il
9 s'agissait là de certains des problèmes, mais je ne connais pas les
10 détails. Je sais qu'il y avait également des problèmes en ce qui concerne
11 ce qu'on appelait les armées municipales, comme celle qui avait été
12 constituée à Vogosca au tout début. J'imagine que l'opinion du général
13 Mladic sur tout cela différait de celle du Dr Karadzic.
14 Q. Mais vous ne le savez pas avec certitude ?
15 R. Juste de manière superficielle vu ce que j'ai entendu en 1992. Plus
16 tard, j'ai participé à un nombre plus important de ces réunions et de ces
17 discussions, mais à l'époque, on n'évoquait que brièvement ces questions,
18 donc je ne connais pas les détails. Mais quoi qu'il en soit, voilà l'un des
19 thèmes de leurs discussions.
20 Q. Etes-vous en mesure de nous dire si le général Mladic et le Dr Karadzic
21 en 1992 partageaient le même point de vue s'agissant de l'organisation de
22 la VRS ?
23 R. Non. Je n'ai jamais assisté à aucune de ces discussions.
24 Q. Dans les relations du général Mladic et du Dr Karadzic, pouvez-vous
25 nous dire si l'un des deux avait une personnalité dominante par rapport à
26 l'autre ?
27 R. Aussi bien en 1992 que plus tard, ce sont des gens qui avaient des
28 personnalités, des ego surdimensionnés. Justement la grande question c'est
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1 de savoir s'il y en a qui pouvait avoir le dessus sur l'autre dans cette
2 relation.
3 Q. On va évoquer maintenant un thème qui a été abordé brièvement hier.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'horloge, Maître Stewart. Je
5 ne sais pas de combien de temps vous avez encore besoin. Je ne sais pas
6 encore de combien de thèmes vous souhaitez aborder avec le témoin.
7 M. STEWART : [interprétation] Je pense que cela correspond à 20 à 30
8 minutes.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est un petit peu trop long pour
10 attendre une pause.
11 Il était prévu que le témoin soit entendu pendant six heures dans le cas de
12 l'interrogatoire principal.
13 M. STEWART : [interprétation] C'était une estimation.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, une estimation.
15 M. STEWART : [interprétation] Je ne sais parce que je n'ai pas eu les
16 informations détaillées qui nous viennent de l'informatique.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vais demander au Greffier de
18 bien vouloir me dire ce qu'il en est.
19 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez utilisé quatre heures et 46
21 minutes.
22 Nous allons maintenant faire une pause jusqu'à 18 heures.
23 --- L'audience est suspendue à 17 heures 41.
24 --- L'audience est reprise à 18 heures 07.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, veuillez procéder.
26 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Q. Madame Cenic, hier, je vous ai posé une question au sujet de la visite
28 à Trnopolje que vous avez effectuée avec un journaliste du Canada. Lors de
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1 cette visite, est-ce que vous avez vu quoi que ce soit qui ressemblerait à
2 un traitement inacceptable des détenus ou des personnes détenues à cet
3 endroit ?
4 R. Tout d'abord, j'ai été étonnée de voir autant de gens rassemblés à un
5 même endroit et pas mal de choses tout autour. Les conditions évidemment
6 n'étaient pas bonnes, c'était évident, et les vélos qui étaient là garés
7 dans la petite rue que l'on prenait pour traverser de l'autre côté, j'ai
8 trouvé cela bizarre aussi de les voir là. Puis de toute façon, l'ambiance
9 n'était pas agréable du tout. Est-ce que vous voulez que je vous décrive
10 l'ambiance, enfin, ce que j'y ai vu ?
11 Q. Je vais tout d'abord vous poser des questions. Tout d'abord, est-ce que
12 vous avez compris que ces personnes étaient placées en détention contre
13 leur volonté, les gens que vous avez vus là-bas, est-ce que vous avez
14 compris cela immédiatement ?
15 R. Non, parce que nous avons justement posé la question à cet homme qui
16 avait cet uniforme dépareillé. Nous lui avons demandé ce qui se passait là-
17 bas. Il a dit que c'était un lieu de rassemblement, un centre de
18 rassemblement, quelque chose dans ce genre. Les gens entraient et sortaient
19 de cet endroit; des femmes, des hommes vêtus de vêtements civils. Puis, ce
20 que j'ai trouvé bizarre aussi c'était les vélos, j'ai vu qu'ils venaient en
21 vélo, de sorte que je n'ai pas eu l'impression qu'ils étaient des
22 prisonniers. D'un autre côté, je ne trouvais pas cela normal que de voir
23 autant de personnes là-bas.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, la dernière fois que
25 vous avez posé la question, il s'est posé exactement la même question. Est-
26 ce que vous contestez les faits admis ? Vous avez tout à fait le droit de
27 le faire, pourquoi pas ? Peut-être que nous aurions besoin de plus que
28 d'entendre la réponse de quelqu'un qui a passé une journée ou quelques
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1 heures. Pourquoi, vous posez ces questions ? Est-ce que je peux vous poser
2 cette question-là, Maître Stewart ?
3 M. STEWART : [interprétation] Non, je ne suis pas en train de contester les
4 faits adjugés ou admis, mais j'ai besoin tout de même de poser cette
5 question par rapport à un autre élément que je souhaite justement
6 introduire par le biais de ce témoin. J'ai compris ce que vous voulez dire.
7 Merci, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Stewart.
9 M. STEWART : [interprétation]
10 Q. Est-ce que vous avez compris qui était responsable de ce camp ?
11 R. Non, justement parce que, comme je vous l'ai déjà dit, ils ne portaient
12 pas un uniforme avec des emblèmes ou un insigne, il n'y avait pas de
13 symboles. Je ne comprenais même pas qui était responsable, qui contrôlait
14 ces lieux. Il est évident qu'il existait un certain degré de contrôle, mais
15 officiellement je ne savais pas qui avait le contrôle de cet endroit.
16 Q. Est-ce que vous vu ou entendu quoi que ce soit pendant la visite que
17 vous auriez estimé nécessaire de rapporter à qui que ce soit au retour à
18 Pale ?
19 R. Quand je suis rentrée à Pale, j'en ai parlé, mais je n'ai pas fait de
20 rapport. Parce que, comme je vous l'ai dit, on ne me l'a pas demandé, on ne
21 m'a pas demandé de faire un rapport au retour, mais c'est vrai que j'en ai
22 parlé, comme j'ai parlé du reste du voyage, j'en ai parlé avec mes
23 collègues.
24 Q. Vous avez parlé avec qui, quels collègues ?
25 R. J'en ai parlé avec Mme Milijana, avec Mme Milena et avec d'autres
26 collègues qui travaillaient là-bas.
27 Q. Est-ce qu'il y avait quoi que ce soit de ce que vous avez raconté à vos
28 collègues qui était de nature à vous préoccuper au point où vous seriez
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1 allé informer de cela vos supérieurs ?
2 R. Non, mais je ne n'ai pas fait de rapport, je n'en ai pas fait du tout.
3 Même les conversations n'étaient pas de ce genre parce que pendant ce
4 voyage j'ai vu tellement de choses, toutes sortes de choses. C'est peut-
5 être justement lors de ce voyage que j'ai compris à quel point la situation
6 était sérieuse, bien plus sérieuse que je n'aurais pu le penser auparavant.
7 Q. Qu'est-ce qui était plus sérieux que vous ne le pensiez ?
8 R. Tout. Tout ce que j'ai pu voir pendant ce voyage. Tout était bien plus
9 sérieux que je n'aie pu l'imaginer. Si vous le voulez, je peux vous citer
10 plusieurs exemples.
11 Q. Allez-y.
12 R. Tout d'abord, il y avait ce Kanal Obodni comme on l'appelait, il y
13 avait des combats là-bas, il y avait des morts absolument partout, enfin
14 des corps. Puis, il y avait des paquets de l'OTAN que j'ai pu voir en
15 possession de membres de l'armée croate. Ils étaient dans des bunkers bien
16 enfoncés -- enfin bien fortifiés. J'ai vu donc des paquets de nourriture
17 qui étaient du domaine de la science-fiction pour nous. C'était la première
18 fois d'ailleurs que j'ai vu un uniforme croate de mes yeux. Ensuite,
19 Bosanski Brod. Avec l'armée serbe, nous sommes entrés dans Bosanski Brod et
20 nous avons vu des colonnes de gens. Trnopolje, nous avons demandé une
21 explication, nous voulions savoir qui était ces gens, les gens qui s'y
22 trouvaient, et pourquoi ils y étaient. On nous a dit que c'était une espèce
23 de centre de rassemblement, que c'étaient des Bosniens pour la plupart qui
24 allaient être transférés ailleurs selon leurs désirs, soit qu'ils vont
25 quitter le pays ou partir ailleurs, et le fait qu'ils pouvaient librement
26 sortir et entrer de là, cela voulait dire qu'ils rentraient chez eux pour
27 prendre des affaires dont ils avaient besoin, et ensuite ils revenaient là-
28 bas. J'ai trouvé cela bizarre, c'est le moins que l'on puisse dire. J'avais
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1 du mal à l'accepter.
2 Ensuite, quand nous sommes allés à Vogosca et Ilijas, par exemple, à
3 Ilijas, M. Kent était un peu naïf, je dirais, et il voulait aller voir à
4 quoi ressemblait cette ligne de séparation. Il voulait voir qui tenait
5 quelle partie, donc les gars nous ont emmenés à Cekrcici. Cependant le
6 véhicule qui nous précédait, je pense que celui qui était au volant c'était
7 un certain Damir, je ne pense pas qu'il soit encore en vie. En tout cas, il
8 a été blessé par un tireur embusqué, il a été grièvement blessé, mais il a
9 quand même gardé l'esprit et nous avons pu passer. Il y a eu beaucoup de
10 choses qui ont fait qu'à l'époque, j'ai compris à quel point tout ceci
11 était sérieux et à quel point les gens ne le comprenaient pas, ne le
12 prenaient pas au sérieux justement.
13 Q. Avant de partir en voyage, d'entamer ce voyage, est-ce qu'on a essayé
14 de vous en dissuader, quelqu'un de Pale ? Est-ce qu'on a essayé de vous en
15 dissuader de votre voyage, des endroits que vous vouliez visiter ou tout au
16 moins que M. Kent voulait visiter ?
17 R. Non, il n'y avait aucune restriction, aucune consigne de quelque sorte
18 que ce soit parce que M. Kent voulait tout simplement en voir autant que
19 possible. C'est lui-même qui a utilisé ces termes. C'est conformément à ce
20 souhait de sa part que nous nous sommes déplacés.
21 Q. Quand vous êtes retournée à Pale, est-ce qu'à un moment quelconque on a
22 essayé de vous dissuader de parler de tout cela ou de communiquer à qui que
23 ce soit des informations sur ce que vous aviez vu ou sur ce que vous aviez
24 entendu dire au cours de votre déplacement, au cours de votre voyage avec
25 M. Kent ?
26 R. Non. Tout ce qu'on a visité, partout où on est allé, M. Kent a filmé y
27 compris Derventa qui avait l'air d'une ville fantôme.
28 Q. Madame Cenic, vous souvenez-vous que pendant la période que vous avez
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1 passée à Pale en particulier, la période dont vous avez parlé où vous
2 travailliez à Kikinda et à Mali Dom, vous souvenez-vous qu'il existait un
3 gouvernement au sein de la Republika Srpska, un conseil des ministres ?
4 R. Oui, il y avait le gouvernement.
5 Q. Nous savons, et personne ne va s'en offusquer si je vous le dis ainsi,
6 on sait que M. Branko Djeric était premier ministre. Pouvez-vous me dire,
7 d'après ce que vous savez, si certains membres de ce gouvernement, de ce
8 conseil des ministres étaient plus influents que les autres ? Enfin quels
9 étaient ceux qui avaient le plus d'influence ?
10 R. Bien entendu, ceux qui avaient le plus de pouvoir, qui étaient plus
11 éminents; c'étaient M. Stanisic et M. Mandic.
12 Q. Nous constatons, et je ne vais demander à personne, y compris à vous,
13 Madame Cenic, d'examiner certains documents en particulier, mais on
14 constate dans de nombreux procès-verbaux des sessions de travail du
15 gouvernement de l'époque, on constate que, souvent, on voit que quelqu'un,
16 une personne ou une autre, se plaint parce que le gouvernement ne reçoit
17 pas suffisamment d'information. C'est quelque chose qui revient souvent.
18 Est-ce que vous êtes en mesure de nous apporter vos lumières sur ce point,
19 vu ce que vous saviez à l'époque ? Est-ce qu'effectivement cette plainte
20 était justifiée ?
21 M. HARMON : [interprétation] Objection. C'est beaucoup trop vague comme
22 question.
23 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va d'abord demander au témoin si elle
25 a des informations sur ce point. On va lui demander si le gouvernement
26 recevait des informations, et ce qu'elle en sait. Madame, pouvez-vous nous
27 dire si vous savez personnellement, même de manière indirecte, si vous
28 savez comment le gouvernement recevait des informations ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas de quelle manière le
2 gouvernement recevait des informations parce que je ne participais pas au
3 travail du gouvernement. Mais indirectement, je sais que la plupart des
4 informations d'ordre général étaient connues de M. Mandic et de M.
5 Stanisic, étaient en leur possession.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez s'il faisait
7 bénéficier les autres membres du gouvernement de ces informations ? Est-ce
8 qu'ils partageaient l'information ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Franchement, je ne peux pas l'affirmer avec
10 certitude puisque je ne participais pas aux travaux du gouvernement.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Stewart.
12 M. STEWART : [interprétation]
13 Q. Est-ce que vous savez quoi que ce soit au sujet de la transmission des
14 informations entre M. Mandic et M. Stanisic d'une part, et d'autre part, M.
15 Karadzic, M. Krajisnik, Pr Koljevic et Mme Plavsic ?
16 R. En ce qui concerne M. Krajisnik, je ne sais pas, parce que je ne les ai
17 pas vus pendant cette période. Je suis en train de vous parler de la
18 période que j'ai passée avec son secrétaire, puisque je partageais un
19 bureau avec elle. Je n'ai pas vu ces messieurs avec M. Krajisnik. Il
20 m'arrivait de voir M. Mandic quand il venait récupérer les télécopies qui
21 avaient trait aux détenus et aux échanges. Pour ce qui est du Pr Koljevic,
22 il n'était pas en bons termes, ni avec M. Mandic, ni avec M. Stanisic. Ceci
23 est particulièrement vrai pour ce qui est de M. Mandic.
24 Q. Pouvez-vous nous dire les raisons qui expliquent pourquoi le Pr
25 Koljevic n'était pas en bons termes avec M. Mandic ?
26 R. C'étaient, pour l'essentiel, des questions d'ordre personnel qui
27 expliquaient cela. Mais le Pr Koljevic les accusait sans cesse d'abuser de
28 leurs pouvoirs, de vouloir exercer plus d'influence que cela n'était
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1 acceptable. S'agissant de M. Mandic, il méprisait M. Koljevic. Il avait
2 beaucoup de dédain pour lui parce que M. Koljevic était quelqu'un qui était
3 complètement différent d'eux. Parce que M. Koljevic était un simple
4 professeur, rien de plus.
5 Q. Est-ce que le Pr Koljevic avait des raisons pour estimer que M. Mandic
6 ne remplissait pas ses fonctions de membre du gouvernement comme il se
7 devait ? Est-ce qu'il y avait des choses particulières qui le poussaient à
8 dire cela ?
9 R. Je ne travaillais pas au sein du gouvernement, donc je ne sais pas. Le
10 Pr Koljevic participait parfois aux réunions du gouvernement, mais j'ignore
11 ce dont il a parlé lors de ces quelques fois où il a participé.
12 Q. Est-ce que le Pr Koljevic vous a dit quoi que ce soit au sujet des
13 relations existant entre les membres du gouvernement et le groupe que j'ai
14 mentionné, le Dr Karadzic, M. Krajisnik, lui-même, le Pr Koljevic, et Mme
15 Plavsic ?
16 R. Le Pr Koljevic et moi-même, ne parlions de M. Stanisic et de M. Mandic
17 -- enfin, nous n'avons commencé à en parler que lorsque nous avons commencé
18 à travailler ensemble. Normalement, il s'agissait de conversations tout à
19 fait informelles entre nous deux. Il me faisait part de son opinion au
20 sujet de ces deux hommes. Pour faire simple, je dirais qu'il y avait
21 beaucoup de choses avec lesquelles il n'était pas d'accord.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je n'ai pas
23 l'impression, vu les premières phrases de la réponse du témoin, qu'elle
24 répond à votre question.
25 Vous lui avez demandé si le Pr Koljevic avait dit quoi que ce soit au
26 sujet des relations existant entre les différents membres du gouvernement
27 et le groupe que vous veniez de mentionner,
28 M. STEWART : [interprétation] Oui. Merci beaucoup de cette précision.
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1 Effectivement, vous avez tout à fait raison.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le témoin commence à répondre à une
3 question différente de celle que vous lui avez posée, il faut immédiatement
4 intervenir pour lui reposer la question afin d'obtenir une réponse.
5 Continuez.
6 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, je pensais qu'on
7 avait déjà signalé la chose au témoin.
8 Q. Madame Cenic, je vous ai demandé si le Pr Koljevic avait dit quoi que
9 ce soit au sujet des relations existant, d'une part entre les membres du
10 gouvernement, et d'autre part entre Karadzic, Krajisnik, Koljevic lui-même
11 et Plavsic. Quelle réponse avez-vous à me donner à cette question-là, cette
12 question bien précise ?
13 R. Est-ce que vous êtes en train de m'interroger sur le gouvernement dans
14 son ensemble ou est-ce que vous êtes en train de me poser cette question au
15 sujet des personnes que nous avons mentionnées, à savoir, Mandic et
16 Stanisic ?
17 Q. Non. J'ai délibérément parlé des membres du gouvernement dans ma
18 question, parce qu'en fait je voulais tous les inclure, tous les membres du
19 gouvernement.
20 R. S'agissant du gouvernement dans son ensemble, non, nous n'en avons pas
21 parlé. Je ne me souviens pas que jamais le Pr Koljevic ait parlé du
22 gouvernement dans son ensemble. Ses critiques, comme je l'ai déjà dit, ses
23 critiques visaient ces deux hommes, Mandic et Stanisic.
24 Q. Bien. Je vous ai posé une question d'ordre général à laquelle vous avez
25 répondue. Maintenant, question suivante : est-ce que le Pr Koljevic vous a
26 dit quoi que ce soit au sujet des relations existantes d'une part, entre M.
27 Mandic, et d'autre part, le groupe que j'ai déjà mentionné, Karadzic,
28 Krajisnik, Koljevic et Plavsic ?
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1 R. C'est la seule réponse que je peux faire à cette question : s'agissant
2 de Mme Plavsic et du Pr Koljevic, il existait une certaine animosité, d'une
3 part entre eux, puis M. Mandic de l'autre côté.
4 Maintenant, en ce qui concerne le Pr Koljevic et ce qu'il disait sur
5 M. Mandic et s'agissant de ses relations avec Karadzic, il pensait que
6 Mandic avait beaucoup trop d'influence.
7 S'agissant de M. Krajisnik, à dire vrai, nous n'avons jamais parlé de
8 lui. Enfin, je ne m'en souviens pas. En tout cas, nous n'avons jamais parlé
9 des relations existant entre Krajisnik, Stanisic et Mandic, ni d'ailleurs
10 des relations existant entre lui et n'importe quel autre membre du
11 gouvernement
12 Q. Est-ce que le Pr Koljevic vous a dit quoi que ce soit au sujet de la
13 manière dont MM. Mandic et Stanisic informaient M. Karadzic de leurs
14 activités, de la mesure dans laquelle ils le faisaient ?
15 R. Je ne m'en souviens pas.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Hanoteau a une question à vous
17 poser.
18 M. LE JUGE HANOTEAU : [hors micro]
19 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.
20 M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais revenir sur une partie de votre
21 déclaration, après votre voyage avec le journaliste Kent. Vous avez dit :
22 [interprétation] "Il y a beaucoup de choses qui m'ont fait comprendre
23 clairement, en tout cas, en ce qui me concerne, que les gens étaient loin
24 de comprendre la gravité de la situation." [en français] Que voulez-vous
25 dire par [interprétation] "Les gens étaient loin de comprendre ?" [en
26 français] Précisez "the people", s'il vous plaît.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je faisais référence à mes collègues de
28 travail à l'époque. Je faisais référence aux personnes avec qui je passais
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1 l'essentiel de mon temps, parce que c'étaient les gens qui étaient à Pale,
2 les gens qui se trouvaient dans les bureaux, qui travaillaient à Pale. Ils
3 ne se déplaçaient pas beaucoup, donc ils n'étaient pas en contact avec la
4 réalité, avec ce qui se passait effectivement.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : …employeurs, si vous permettez cette expression ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'ils ne savaient pas non plus
7 quelle était la situation.
8 M. LE JUGE HANOTEAU : Ma question c'est : est-ce que vous avez réagi à tout
9 cela en en parlant, non seulement à vos collègues de travail, mais peut-
10 être en appelant l'attention de ceux pour lesquels vous travailliez ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous ceux qui voulaient écouter ce que j'avais
12 à dire pendant cette période, je leur disais. J'ai mentionné un certain
13 nombre de choses, mais je ne sais pas si j'aurais pu changer quoi que ce
14 soit vu la présence de l'armée croate, enfin, l'armée de la République de
15 Croatie. Ceux qui voulaient m'écouter, ceux avec qui j'ai discuté, je leur
16 parlais de ce que j'avais fait, de mon expérience, de ce que j'avais vécu
17 pendant ce voyage. Cela a été pour moi une de mes confrontations avec la
18 réalité, avec ce qui était en train de nous arriver à tous.
19 M. LE JUGE HANOTEAU : Quand je vous ai entendue, j'ai été impressionné par
20 les mots que vous avez employés. Et vous avez dit, notamment, au sujet de
21 Derventa qui ressemblait à une ville fantôme. Puis, il y a eu cette
22 expérience qui vous a oppressée, qui a été le fait de visiter ce centre de
23 Détention. Vous avez dit qu'il y avait une atmosphère étrange. A travers
24 vos mots, j'ai compris ce que vous vouliez dire. Et alors, quand vous êtes
25 revenue à Pale, vous n'êtes pas allée voir, par exemple, M. Krajisnik, pour
26 lui dire : "Il se passe des choses terribles" ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas dire que je suis allée le voir
28 juste pour cela, juste pour lui parler de cela en particulier. Cependant,
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1 on a parlé à ce moment-là et plus tard dans le cadre de conversations
2 informelles. On a parlé de ce qui était en train de se passer. En deuxième
3 lieu, M. Krajisnik, très souvent, hochait la tête quand je lui expliquais
4 où j'étais allée, comment j'y étais allée. Il avait peur. Il s'inquiétait
5 de ma propre sécurité. En ce qui me concerne, j'ai enfin compris. J'ai
6 enfin compris que la situation était encore plus terrible qu'on ne le
7 pensait et j'ai essayé de faire passer ce message à tout le monde. J'ai
8 également essayé de leur dire que ce n'était pas quelque chose qui allait
9 disparaître, qui allait passer comme cela du jour au lendemain, que
10 personne n'allait dire : "Bon, cela suffit maintenant. Arrêtons tout cela."
11 Je me souviens encore des images de ce voyage. Tout cela est gravé dans ma
12 mémoire. C'est très présent dans ma mémoire. Cela a été un tournant pour
13 moi, dans ma façon de penser aussi.
14 Je ne peux pas dire avec certitude si ce que j'ai raconté a eu un
15 impact sur qui que ce soit et quelle impression j'ai donnée en racontant ce
16 que j'avais vu, en racontant mon histoire. C'étaient les images que j'ai
17 essayé de transmettre. Mais je ne sais pas quelle impression cela a fait
18 sur les gens et quel a été l'impact de ce que j'ai raconté.
19 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Madame.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.
21 M. STEWART : [interprétation] J'espère que ce n'est pas inapproprié, mais
22 on m'a que Mme Cenic s'inquiète un peu de la durée de sa déposition, et
23 j'espère que nous pourrons la rassurer par le truchement de la Chambre de
24 première instance, parce qu'elle s'inquiète de ne pas pouvoir terminer de
25 déposer avant le week-end. J'aurai bientôt fini. Si on a une journée
26 habituelle demain, je pense que c'est possible.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Malheureusement, Maître Stewart, la
28 journée de demain ne sera pas une journée ordinaire, puisque nous allons
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1 commencer plus tard que d'habitude en raison de questions urgentes liées
2 aux activités du Tribunal. C'était quelque chose dont je voulais vous
3 informer, nous devrons commencer demain avec 45 minutes de retard par
4 rapport à l'horaire prévu. Je ne sais pas, Monsieur Harmon, si vous savez
5 de combien de temps vous aurez besoin, si trois heures suffiront, en
6 partant du principe qu'il n'y aura pas trop de questions des Juges --
7 M. HARMON : [interprétation] Je ne peux pas vous donner d'estimation, pas
8 de calcul possible.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas de calcul, Monsieur Harmon ?
10 M. HARMON : [interprétation] Non.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il va falloir en parler. De combien de
12 temps avez-vous besoin, Maître Stewart, pour terminer ?
13 M. STEWART : [interprétation] Je peux terminer très rapidement, et si M.
14 Harmon obéit aux règles habituelles, on pourrait terminer demain.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 60 %, donc cela nous donne quatre heures
16 et demie.
17 M. STEWART : [interprétation] Non, je n'aurai pas besoin de beaucoup de
18 temps encore.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Finissons-en d'abord, et on passera aux
20 calculs après.
21 M. STEWART : [interprétation] J'ai deux documents que connaît très bien la
22 Chambre et que je voudrais présenter au témoin. Même si nous n'avons pas
23 beaucoup de photocopies, je pense qu'on pourra traiter de ce document assez
24 vite. Le premier document, c'est le document P47, dont je dispose à la fois
25 en anglais et en serbe. On peut placer ma copie sur le rétroprojecteur si
26 cela s'avère nécessaire.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demanderais néanmoins que le témoin
28 puisse l'examiner. Je ne veux pas dire que nous le connaissons par cœur,
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1 mais presque.
2 M. STEWART : [interprétation] Certainement. Veuillez, je vous prie, montrer
3 ce document au témoin.
4 Q. Pourriez-vous, je vous prie, prendre connaissance de ce document.
5 Prenez quelques minutes, le temps qu'il vous faut, Madame Cenic, et
6 j'aimerais que vous nous disiez si vous vous souvenez avoir jamais vu ce
7 document en 1992 ou en 1993. Il s'agit du journal officiel de la Republika
8 Srpska, et c'est un document qui énumère, comme nous l'appelons en anglais,
9 les six objectifs stratégiques.
10 R. Non.
11 Q. Est-ce que vous aviez entendu parler des six objectifs stratégiques
12 alors que vous étiez à Pale en 1992 ?
13 R. Non.
14 Q. Très bien. Merci.
15 M. STEWART : [interprétation] Cela termine mes questions concernant ce
16 document. Le document suivant, encore une fois, je ne veux pas dire que
17 nous le connaissons tous par cœur, mais c'est un document dont nous nous
18 sommes servi. Je crois que c'est l'exemplaire 93, P529, D10 également. Je
19 crois que chez M. Trainer, c'est autre chose, ce document porte une autre
20 cote. Nous allons nous servir de la cote 93. J'espère que vous saurez de
21 quoi je parle.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous parlez de la Variante A
23 et B.
24 M. STEWART : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le document précédent était le
26 document P47.
27 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
28 Q. Veuillez, je vous prie, consulter la version en serbe. Il y a une
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1 traduction en langue anglaise bien sûr, mais je vous prierais de prendre
2 connaissance de la version serbe. Prenez le temps qui vous est nécessaire
3 pour passer en revue, car je vais vous poser des questions. D'abord,
4 première question, est-ce que vous avez jamais vu ce document auparavant ?
5 R. Non.
6 Q. Merci.
7 Est-ce que vous avez jamais entendu parler de ce qu'on appelle la variante
8 A et B, ou quelque chose qui ressemblerait à ceci, en 1992 ou en 1991 ?
9 R. Non.
10 Q. Merci, Madame Cenic.
11 Dernière question pour aujourd'hui. Avec votre permission, Madame Cenic, je
12 voudrais vous demander la question suivante : votre père est Serbe, votre
13 mère est Croate, et l'une des grand-mères -- enfin, la grand-mère et le
14 grand-père de votre fille, ils sont Croates, les grands-parents ?
15 R. Oui. Ma mère est Croate. Mon père est Serbe. Mon oncle est hongrois. Ma
16 belle-fille est catholique Croate de Boka. Les originaires de Boka sont des
17 croates. Et mon beau-père, Kemal --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom de famille.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] -- était musulman, bosnien, même si pendant
20 toute sa vie, il s'est déclaré comme étant yougoslave.
21 M. STEWART : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le
22 Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Je crois que la meilleure façon
24 de procéder est d'essayer d'abord de calculer le temps qu'il nous reste.
25 J'ai pris la liberté de calculer. La Défense a pris un peu plus de cinq
26 heures, donc trois heures représenteraient la règle des 60 %. Même si nous
27 commençons plus tard demain, plus tard que prévu, vous devriez disposer de
28 trois heures. Si nous avons une pause et si nous étirons nos sessions un
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1 peu, si nous commençons à 15 heures et si nous poursuivons jusqu'à peut-
2 être 16 heures 40, ensuite nous prendrons une pause d'une demi-heure, et
3 bien sûr, tout cela avec l'aide des interprètes, donc je vous demande --
4 enfin, je ne sais pas s'il y aura des questions supplémentaires. Nous
5 n'aurons pas le temps nécessairement pour poser des questions
6 supplémentaires, donc je vous invite fortement de ne pas dépasser la règle
7 du 60 %, car de temps en temps, vous le dépasser. Dans ce cas-ci, je vous
8 demanderais de rester à l'intérieur de la ligne directrice de la règle du
9 60 %, et nous verrons s'il nous est possible de terminer l'audition de ce
10 témoin.
11 Madame, je dois vous informer que même si les parties ont un certain nombre
12 d'heures pour poser des questions, ils ne peuvent pas toujours obtenir le
13 temps supplémentaire qu'ils souhaiteraient. Nous essaierons de faire de
14 notre mieux pour pouvoir terminer votre témoignage demain. Je ne peux pas
15 vous promettre toutefois que nous allons terminer votre déposition demain.
16 Je comprends, même si le message n'était pas nécessairement adressé à la
17 Chambre, Monsieur Stewart, j'ai obtenu un exemplaire de courtoisie
18 concernant l'information reliée aux préoccupations de Mme Cenic. S'il est
19 nécessaire, Madame, vous pourriez revenir, bien sûr, à une date ultérieure,
20 mais nous aimerions essayer de vous épargner ce deuxième voyage, donc nous
21 allons faire de notre mieux pour terminer votre témoignage demain.
22 Nous tiendrons tout ceci à l'esprit, et nous vous reverrons demain à 15
23 heures. De nouveau, je souhaiterais vous rappeler de ne pas parler de votre
24 témoignage avec qui que ce soit. Veuillez, je vous prie, suivre Mme
25 l'Huissière, qui vous escortera à l'extérieur de ce prétoire.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 [Le témoin se retire]
28 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que je peux
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1 prononcer les propos suivants alors que le témoin est en train de quitter
2 la salle d'audience.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas de quoi vous voulez
4 parler.
5 M. STEWART : [interprétation] Au nom de la Défense, je souhaiterais dire
6 que le concept des questions supplémentaires -- enfin, vous nous avez dit
7 qu'il n'y aura pas de questions supplémentaires parce qu'il n'y aura pas
8 suffisamment de temps. Est-ce que je vous ai mal compris ? Est-ce que vous
9 avez immédiatement écarté cette possibilité ?
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. J'avais dit que 60 % représentait
11 trois heures, donc selon mes calculs, nous aurions près de trois heures 30,
12 donc deux sessions longues. J'ai ensuite invité - car j'ai eu la même
13 pensée que vous - j'ai invité M. Stewart à rester à l'intérieur de la règle
14 des trois heures. Je ne sais pas si c'est ce que vous vouliez dire.
15 M. STEWART : [interprétation] Non, non. Très bien. Merci, Monsieur le
16 Président. Après avoir lu très rapidement ce que vous aviez dit, j'ai peut-
17 être mal compris.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Oui, surtout eu égard au fait
19 que nous aurons un peu de temps pour les questions supplémentaires. Il faut
20 dire que je ne souhaiterais pas demander au témoin de revenir. Il faudrait
21 éviter cela si possible.
22 On m'a également informé que vous souhaitiez soulever une question
23 concernant le témoin, et moi-même j'ai une question à soulever sur mon
24 ordre du jour pour aujourd'hui. Si vous pouviez aborder toutes ces
25 questions en deux ou trois minutes, je vous en serais bien gré --
26 M. STEWART : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Nous
27 comprenons très bien -- le prochain témoin arrivera ce soir à La Haye. Nous
28 espérons qu'il est déjà en route. C'est M. Kuzmanovic. Aucune mesure de
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1 protection n'est nécessaire, bien sûr. Ce témoin arrive ce soir à La Haye.
2 On nous a informé que M. Bjelica sera en mesure d'arriver à La Haye lundi
3 prochain. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, également, nous avons
4 prévu déjà le prochain témoin - nous n'allons pas donner son nom - et ce
5 prochain témoin est prévu pour lundi également. C'est une dame, et nous
6 allons la faire venir soit lundi ou mardi. Mais toujours est-il que nous
7 allons la faire venir à temps pour qu'elle puisse suivre immédiatement le
8 témoignage de M. Bjelica. Cela nous semble être l'ordre le plus propice, le
9 meilleur ordre pour l'audition des témoins.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de m'en avoir informé.
11 Je souhaite informer les partis que le 11, il ne s'agit pas de mardi
12 prochain, mais de mardi dans deux semaines, pas le mardi qui suit, mais le
13 mardi prochain, c'est la dernière semaine pour laquelle nous allons siéger
14 avant d'accorder quelques jours aux préparatifs du témoignage de M.
15 Krajisnik. La Chambre va devoir décider si elle siégera dans l'après-midi
16 plutôt que dans la matinée, tel que prévu, pour certaines raisons urgentes.
17 Pour ce qui est du 20 avril, c'est le jour où M. Krajisnik est censé
18 commencer son témoignage. La Chambre a également pris la décision de siéger
19 dans l'après-midi et non pas dans la matinée, alors cela vous donne
20 quelques heures de plus pour vos préparatifs. Pour ces journées que je
21 viens d'énumérer, nous siégerons dans l'après-midi et non pas dans la
22 matinée, pour des raisons urgentes.
23 En dernier lieu, je souhaiterais vous parler plus directement,
24 Monsieur Krajisnik, de m'adresser à vous. La Chambre souhaite certainement
25 répondre à un certain nombre de questions que vous avez soulevées lors
26 d'une audience du 17 mars. Je fais référence à la page 21567 à 21571. Ce
27 sont des préoccupations que vous avez soulevées en date du 17 mars 2006.
28 Une des questions que vous avez soulevée, Monsieur Krajisnik, c'est
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1 qu'un certain nombre de témoins que la Défense souhaite appeler craignent
2 de venir témoigner devant ce Tribunal. Vous avez fait référence à certaines
3 rumeurs suivant lesquelles les témoins de la Défense qui étaient venus
4 témoigner ont soit subi des sanctions ou ont subi de mauvais traitements.
5 La Chambre a certainement beaucoup de préoccupations concernant ces
6 affirmations. Pour que la Chambre puisse enquêter sur ces incidents, la
7 Défense devra nous fournir des informations plus précises, et donc nous
8 l'invitons à le faire.
9 Vous avez également soulevé, Monsieur Krajisnik, la question des
10 témoignages de témoins experts. C'est une question qui a déjà été abordée à
11 plusieurs reprises. La Chambre souhaiterait simplement noter qu'en date du
12 13 janvier 2006, la Défense ne proposait plus de faire appel à des experts
13 en matière politique et d'histoire, se concentrant seulement sur des
14 experts en matière militaire et sur les experts concernant les médias.
15 Donc, la Défense n'a pas inclus les experts de la liste qu'elle a soumise
16 le 7 février après la réponse du 14 février, concernant l'ordonnance de la
17 Chambre demandant de suivre un ordre de priorités. De plus, lors d'une
18 audience d'intendance qui s'est déroulée le 23 février, la Défense a noté
19 qu'à la page du transcript 20853 à 20854, dans ces deux pages, elle a pris
20 la décision de ne pas faire appel à des témoins experts.
21 Eu égard aux préparatifs que les partis doivent faire pour se
22 préparer aux témoignages de témoins experts, la Chambre note qu'il n'est
23 pas dans l'intérêt de la justice, à cette étape-ci des procédures, de
24 prolonger de façon importante les procédures afin de permettre à la Défense
25 le temps nécessaire pour identifier les témoins experts et présenter leurs
26 rapports.
27 La Chambre note que le 28 mars, la Défense, en réponse à un commentaire
28 fait par le Juge de la Chambre, a demandé si les témoignages experts du
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1 côté de la Défense, si cela pourrait venir en aide d'entendre un témoin qui
2 parlerait du déplacement de la population. Nous avons déjà entendu Mme Eva
3 Tabeau, un témoin expert qui nous a parlé des questions de méthodologie et
4 de statistiques et qui a également présenté des études démographiques. Un
5 très grand nombre de témoins et de rapports ont été présentés à la Chambre,
6 et elle dispose de ces informations déjà. Donc, il n'est pas nécessaire de
7 faire appel à ce genre de témoins en l'espèce.
8 La Chambre comprend également que vous avez un certain nombre de
9 préoccupations concernant le temps qui est imparti à la Défense, le temps
10 imparti pour les préparatifs et du temps qu'elle dispose en tant que temps
11 de procès. Concernant ceci, la Chambre a permis un très grand nombre
12 d'extensions et de pauses permettant à la Défense de se préparer pour les
13 témoins. Par exemple, la Chambre a permis à la Défense un mois
14 supplémentaire afin de pouvoir préparer ses éléments de preuve, tel que
15 l'on peut le voir au compte rendu du 27 février. Vous dites que le problème
16 principal est le temps imparti à la Défense, mais nous estimons que le
17 temps total qui a été alloué à la Défense est tout à fait adéquat.
18 Pour ce qui de l'exemple que vous avez soulevé, Monsieur Krajisnik,
19 l'exemple concernant le témoin Radojko, c'est un peu inusité. L'Accusation
20 a contre-interrogé le témoin Radojko une fois et demie de plus que le temps
21 qui avait été imparti à l'Accusation, qui représente un chiffre supérieur à
22 la règle du 60 % dans cette affaire. Au total, la présentation des moyens
23 du témoin de la Défense a duré plus de 64 %. Donc la Défense a pris plus de
24 64 % de temps qui a été pris lors de l'interrogatoire principal.
25 En comparaison, le contre-interrogatoire de la Défense des témoins de
26 l'Accusation a duré 61 % de plus que l'interrogatoire principal.
27 Cette différence n'est pas négligeable. Toutefois, la Chambre croit
28 que, si le contre-interrogatoire a besoin de plus de temps, à ce moment-là,
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1 l'Accusation pourrait mieux se préparer si la Défense lui donnait à temps
2 des informations qui sont un peu plus précises concernant les témoins.
3 Encore une fois, la Chambre réitère qu'il est absolument important de
4 donner des renseignements importants concernant les témoins. Je m'adresse à
5 la Défense maintenant. La Chambre continuera de suivre la règle de 60 % qui
6 est appliquée en l'espèce, et M. Harmon devra se plier à cette règle
7 demain, bien sûr.
8 Concernant, encore une fois, le témoin Radojko, la Chambre fait droit à une
9 requête pour des questions supplémentaires. Il s'agit de questions
10 exceptionnelles concernant ce témoin, et la Chambre demande qu'une telle
11 requête soit faite spécifiant tous les sujets et le temps qui sera
12 nécessaire pour les questions supplémentaires.
13 Le 23 mars, la Chambre a fait droit à la requête de la Défense
14 demandant quelques jours supplémentaires pour l'examen du témoin Bjelica.
15 Nous savons très bien que les Juges ont passé plus de temps dans la
16 présentation des moyens à décharge pour poser des questions aux témoins
17 plus particulièrement. Pour ce qui est de la phase de l'Accusation, nos
18 questions ont pris 8 % du temps de témoignage. Pendant la phase de la
19 Défense, nos questions ont été posées pendant 19 % du temps. Lorsque nous
20 faisons le calcul et lorsque vous faites le calcul, vous verrez que nous
21 avons pris 15 heures supplémentaires du temps imparti pendant la phase de
22 la Défense, et c'est exactement le temps que nous aurions pris si nous nous
23 étions tenus à la règle de 8 % telle qu'appliquée dans la première phase.
24 Bien sûr, ces proportions, il ne faut pas s'attendre à ce qu'elles
25 demeurent les mêmes d'une phase à l'autre de l'affaire. Néanmoins, nous
26 considérons que la différence est assez importante pour justifier trois
27 journées supplémentaires pour les préparatifs de la Défense, donc le 6, le
28 7, et le 10 avril, et nous permettrons que les témoignages se poursuivent
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1 une quatrième journée, c'est-à-dire le 11, c'est une journée qui a
2 maintenant été réservée pour des questions de procédure qui restent à
3 résoudre.
4 J'ai annoncé, il y a quelques minutes, que nous siégerons dans l'après-midi
5 du 11 à cause de certaines raisons urgentes et il semblerait y avoir des
6 problèmes pratiques pour passer dans l'après-midi. Nous verrons comment
7 cette question sera résolue. L'une des possibilités étant de ne pas avoir
8 une session matinale complète.
9 La Défense aura encore quatre journées dont elle pourra disposer pour se
10 préparer, le 12, le 13, le 18 et le 19, ce sont des journées pendant
11 lesquelles il n'y aura pas de cour et M. Krajisnik, vous pourrez vous
12 préparer, et comme je dis, le début du témoignage de M. Krajisnik commence
13 le 20 avril dans l'après-midi.
14 Monsieur Krajisnik, vous avez également parlé de l'importance d'amener
15 d'autres témoins outre le fait de témoigner vous-même et, tel que nous vous
16 avons déjà mentionné, la Chambre vous a donné un temps suffisant pour vous
17 préparer pour votre défense et pour présenter votre défense. La phase de la
18 défense doit prendre fin le 6 juin. La Défense a déjà identifié des
19 personnes qui sont prévues pour venir témoigner pour la Défense. Nous
20 notons également que nous vous avons permis de faire des changements, des
21 changements au calendrier après avoir demandé la permission de la Chambre.
22 Cette Chambre a l'obligation de trouver des éléments de preuve et de
23 conclure certaines choses basées sur les éléments de preuve entendus, et il
24 nous sera plus facile de ce faire si nous avions plus d'accès à
25 l'information des personnes qui comparaissent sur la base des éléments de
26 preuve présentés, donc les personnes qui ont eu des contacts assez près
27 avec vous pendant la période pertinente, qu'il s'agisse de contacts directs
28 ou de personnes qui n'étaient pas trop loin de vous pour parler de façon
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1 générale.
2 D'ignorer ou de tirer de mauvaises conclusions soit pour ou contre le
3 parti. Telles que les choses se présentent maintenant, cette Chambre
4 décidera à la clôture des présentations des moyens à décharge si elle
5 souhaitera entendre des témoins supplémentaires que nous avions à l'esprit.
6 Eu égard aux démarches logistiques qu'il est nécessaire de faire pour faire
7 venir des témoins devant ce Tribunal, la Chambre commencera de faire des
8 préparatifs déjà maintenant pour leur témoignage possible. Lorsque la
9 Chambre aura finalisé la procédure pour l'audition des témoins potentiels,
10 nous aurions identifié ces témoins en suivant la procédure afin de pouvoir
11 permettre aux parties de mener leurs propres préparatifs. La Chambre
12 entendra les observations des parties sur la procédure proposée au moment
13 opportun.
14 En dernier lieu, Monsieur Krajisnik, la Chambre note que vous avez fait des
15 commentaires concernant votre état de santé et les conditions au centre
16 pénitencier. Comme vous le savez, immédiatement après avoir fait votre
17 déclaration en audience publique, la Chambre a demandé à un représentant de
18 l'OLAD et lui a demandé de contacter
19 M. McFadden du centre de détention du quartier pénitentiaire des Nations
20 Unies. OLAD l'a informé des commentaires que vous avez faits concernant les
21 changements de votre état de santé. La Chambre n'a pas noté qu'il y avait
22 d'autres changements concernant votre état de santé. Nous espérons que
23 votre état de santé s'est amélioré et nous espérons que vous nous
24 informerez si cela n'est pas le cas.
25 Cela met fin à cette déclaration faite par la Chambre concernant vos
26 commentaires faits le 17 mars.
27 Monsieur Krajisnik, je vois que vous vous êtes levé. Nous n'avons pas
28 énormément de temps, mais si vous souhaiteriez répondre brièvement, je vous
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1 permettrai de le faire avec l'accord des interprètes.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je serai très bref. Je vous demande de me
3 permettre qu'un très bref rapport concernant le déplacement de la
4 population vous soit présenté. Cela peut être fait assez brièvement.
5 Deuxièmement, je vous remercie d'avoir été très aimable et d'avoir entendu
6 mes commentaires. Comme je l'ai déjà dit au début de mon témoignage,
7 lorsque j'ai fait mes recherches pour trouver un conseil, j'ai trouvé ce
8 Hollandais qui est maintenant un juge. Je vous remercie et je vous en
9 félicite. Je vous admire énormément pour la façon dont vous avez abordé
10 toutes ces questions.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de votre compliment,
12 Monsieur Krajisnik. Nous faisons des efforts et je suis très heureux de
13 voir que vous appréciez les efforts que nous faisons.
14 Pour ce qui est maintenant d'un rapport concernant le mouvement de
15 population, Monsieur Stewart, encore une fois je souhaiterais attirer votre
16 attention sur les difficultés méthodologiques que nous voyons déjà surgir
17 du rapport d'Eva Tabeau. Si vous pouvez présenter ce rapport, si cela peut
18 être fait rapidement, à ce moment-là -- et s'il s'agit de données fiables
19 et si cela correspond bien avec les problèmes de méthodologie en l'espèce,
20 la Chambre souhaiterait recevoir ce rapport. M. Krajisnik semble croire que
21 cela pourrait être produit dans un temps si court. Voilà, dites-nous si
22 vous pouvez le présenter.
23 M. STEWART : [interprétation] Nous allons nous entretenir là-dessus.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. La séance sera levée
25 sous peu, je souhaiterais remercier les interprètes et les techniciens. Je
26 sais qu'ils sont réputés pour leur patience. Merci.
27 Nous nous retrouvons ici demain dans cette même salle d'audience à 15
28 heures.
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1 --- L'audience est levée à 19 heures 11 et reprendra le vendredi 31 mars
2 2006, à 15 heures 00.
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