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1 Le mercredi 3 mai 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Monsieur le
6 Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, il s'agit
8 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
10 Maître Stewart, avant que je ne vous demande de continuer avec
11 l'interrogatoire principal, je voudrais rappeler à M. Krajisnik qu'il est
12 toujours tenu par la déclaration solennelle qu'il a faite au début de son
13 témoignage.
14 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, à vous.
17 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Permettez-moi
18 de mentionner une question pratique concernant les nouveaux membres de
19 l'équipe. Nous vous avons déjà présenté un membre de l'équipe, à titre
20 temporaire --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais elle est déjà partie.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, mais elle est partie à titre temporaire.
23 Je voulais juste dire la raison pour laquelle vous ne voyez plus dans
24 le prétoire M. Karganovic, c'est le fait qu'il a quitté cette affaire. Il a
25 été notre juriste chargé de l'affaire mais il a quitté vers la fin du mois
26 d'avril. Je me dois de vous dire que je sais parfaitement qu'il y a des
27 informations inexactes qui circulent au sujet des arrivées ou des départs
28 de personnes dans différentes équipes. Je tiens à dire en public que M.
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1 Karganovic a quitté tout simplement parce que nous ne pouvions plus le
2 payer. Je tiens à lui exprimer publiquement notre reconnaissance pour sa
3 loyauté. C'est Mme Kelly Pitcher qui a pris son rôle dans le cadre de
4 l'équipe, et c'était la seule raison pour laquelle cela se soit produit.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, mais je n'ai pas eu
6 connaissance de rumeurs. Il est toujours toutefois bon d'avoir une bonne
7 information et information juste de façon directe.
8 M. STEWART : [aucune interprétation]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez continuer, je vous prie.
10 M. STEWART : [interprétation] Merci.
11 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
12 Q. [interprétation] On passe au menu de ce jour.
13 Monsieur Krajisnik, nous allons arriver à la fin du procès-verbal de
14 la 4e Session de l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Il me
15 semble que nous en étions à la page 40 de la version anglaise.
16 Je m'excuse, Monsieur Krajisnik, nous en étions là hier. Il s'agissait du
17 discours de M. Karadzic, le Dr Karadzic. Nous en étions arrivés au point 22
18 pour ce qui est de la numérotation en marge des pages. C'était un discours
19 assez long, puis il y a une décision de 19 alinéas sur une ou deux pages.
20 Ensuite, vient une autre allocution de M. Karadzic, assez longue elle
21 aussi. Puis, il est fait référence au passage de --
22 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'est le numéro 16, si je ne me
24 trompe -- non, non, excusez-moi.
25 M. STEWART : [interprétation]
26 Q. Je vais vous trouver la page, Monsieur Krajisnik.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, vous en étiez arrivé
28 au numéro 16, il me semble que cela ne pose pas de problème.
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1 M. STEWART : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas le numéro 16 que nous
2 recherchons. Je m'en excuse, Monsieur le Président.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de la page 77 et il s'agit du
4 SA025138.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est en tout état de cause le début du
6 discours de M. --
7 M. STEWART : [interprétation] C'est au milieu de la page 82, le passage que
8 nous recherchons.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 M. STEWART : [interprétation]
11 Q. Monsieur Krajisnik, le paragraphe qui dit : "Nous proposons somme
12 toute qu'il soit mis en place trois entités en BiH."
13 R. Oui, je le vois.
14 Q. En version anglaise, c'est la page 40. "Nous proposons donc que soient
15 mises en place trois entités au sein de la Bosnie-Herzégovine sans que l'un
16 ne soit opposé ou dérangé ou confronté à l'autre. Au contraire, ils doivent
17 être complémentaires ou du moins indifférents les uns vis-à-vis des autres
18 avec une neutralité afin que les tâches conjointes soient effectuées par
19 des organes communs au niveau de la Bosnie-Herzégovine. La Bosnie-
20 Herzégovine pourrait réaliser son droit à rester au sein de la Yougoslavie
21 et disposer de certains organes conjoints avec --
22 "La Bosnie-Herzégovine musulmane devrait choisir si elle compte avoir
23 des liens avec la Yougoslavie ou est-ce qu'elle en aura avec la Bosnie-
24 Herzégovine serbe, à savoir, des liens confédéraux. La Bosnie-Herzégovine
25 croate se doit de décider si elle doit avoir des liens fédéraux avec la
26 Croatie ou pas, ou si elle compte avoir des liens ou des instances communes
27 à la Bosnie-Herzégovine.
28 "Il me semble que cela va être assez compliqué et spécifique, mais la
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1 Bosnie est spécifique, et je crois que cela est réalisable. Il vaut mieux
2 cela qu'une guerre civile. En notre qualité de gens raisonnables, nous
3 savons ce que signifie que la guerre civile, et partant de l'expérience en
4 Croatie, nous voyons ce qui y est arrivé."
5 Monsieur Krajisnik, est-ce qu'on peut dire que ce que M. Karadzic est en
6 train de souligner, à savoir, cette idée concrète, avait constitué une
7 nouveauté pour un grand nombre de députés présents ?
8 R. Oui. Vous avez raison. On le constatera dans les discussions qui
9 suivront. Vous verrez dans quelles mesures certains individus se sont
10 trouvés surpris.
11 Q. Voyez si nous pouvons en parler en temps opportun. Est-ce que vous avez
12 à l'esprit un député particulier, un nom particulier à l'esprit ?
13 R. A cette session, c'est notamment Mme Plavsic qui a pris la parole et
14 dans son intervention, il apparaît comment nous établissons des liens
15 confédéraux un peu avec les Musulmans tout en voulant la Yougoslavie, ainsi
16 de suite; et Karadzic a coupé court. Il a dit que doivent se casser la tête
17 à ce sujet ceux qui ont conçu tout cela.
18 Q. Excusez-moi de vous couper la parole. Je n'ai pas du tout l'intention
19 de manquer de politesse, mais nous en arriverons à Mme Plavsic dans
20 quelques instants.
21 Vous-même avez eu un entretien à ce sujet avec le Dr Karadzic et vous n'en
22 avez pas été surpris, n'est-ce pas ?
23 R. Je vous ai dit hier que s'agissant de ce revirement dans les
24 conceptions, j'en ai eu connaissance de la bouche de M. Milosevic. Je crois
25 que M. Karadzic et M. Koljevic, oui, M. Koljevic y était lui aussi et je ne
26 sais plus s'il y avait quelqu'un d'autre. Mme Plavsic, elle, n'y a pas été.
27 Je parle ici des gens chargés des négociations. Je n'ai fait que donner
28 l'ordre.
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1 Q. Dans ce même paragraphe, le Dr Karadzic dit : "En sus du fait qu'il y a
2 eu plusieurs centaines de milliers de personnes tuées dans la guerre civile
3 en Bosnie-Herzégovine et malgré la destruction de bon nombre de villes, il
4 y aurait des départs de la population avec une homogénéisation de la
5 population. Qu'obtiendrons-nous ? Nous obtiendrons ce que nous avons
6 maintenant, à savoir, des régions serbes, musulmanes et croates, mais bien
7 plus pauvres, démunies de quelques centaines de villes et de quelques
8 centaines de milliers de personnes."
9 Tout d'abord, lorsque le Dr Karadzic dit que "le résultat au final
10 donnerait une situation analogue à celle de ces jours-là", il ne parle pas
11 au littéral. Que voulait-il dire selon vous ?
12 R. Pour être concret, ce que je puis définir ici c'est la chose suivante :
13 ce que je viens de dire au sujet de M. Karadzic voulait dire que c'était
14 préférable à la guerre. On n'aurait pas eu toutes ces conséquences et on se
15 serait retrouvés au même endroit avec des séquelles négatives. Nous nous
16 retrouvons tous au même endroit, il nous faudrait de toute manière négocier
17 pour essayer de trouver une solution. Vous verrez cela dans l'exposé qui
18 suit. Ce à quoi il veut en venir, c'est qu'il faut négocier parce que l'on
19 ne sait pas aboutir à une solution sans qu'il y ait un entérinement
20 politique effectué par les parties belligérantes. C'est là la signification
21 de son exposé et de la politique que nous avons essayé de brosser à
22 l'intention des députés, choses qu'ont d'ailleurs faites les intervenants.
23 Q. Commençons par la chose suivante : seriez-vous d'accord pour dire que
24 les dires du Dr Karadzic dans sa toute dernière phrase, celle dont on a
25 donné lecture, à savoir, nous avons maintenant des régions serbes, croates
26 et musulmanes. Au cas où il y aurait une guerre, nous aurions la même
27 chose, à la différence près que nous serions démunis de quelques centaines
28 de villes et de quelques centaines de milliers de personnes.
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1 R. Oui, vous avez raison. Je n'ai pas examiné ce texte jusqu'au bout, mais
2 il disait que nous avions des régions de cernées, de réalisées au niveau
3 des populations serbes, croates et musulmanes, et on aurait la même chose à
4 la fin de la guerre, mais avec toutes les séquelles que cela aurait
5 impliqué. Donc, je vous ai apporté une réponse sans apporter ces éléments.
6 Mais vous avez raison.
7 Q. A votre avis, quel a été ce degré de séparation des régions serbes,
8 croates et musulmanes à l'époque, à savoir, en
9 décembre 1991 ?
10 R. Lorsqu'il y a effondrement d'un état, les divisions sont nettement plus
11 grandes, et malheureusement, ces ensembles qui se sont créés du fait de la
12 peur présente et du fait d'autres raisons, ont généré de grandes divisions
13 entre les régions.
14 Quand on parle des différentes régions, notamment musulmanes et
15 croates, on parle des régions où on exerce un pouvoir, où la communauté
16 ethnique exerce son pouvoir. Donc, il y avait des régions où il y avait des
17 Musulmans, des Croates, voire des Serbes au pouvoir. Bien sûr, je parle de
18 majorité relative ou de majorité dépassant la moitié de la population.
19 C'est ce que j'entends par régions croates, musulmanes et autres.
20 Q. Quand le Dr Karadzic s'est référé au fait qu'une guerre civile
21 résulterait par des déplacements massifs et rapides de la population,
22 dites-nous si vous étiez également de cet avis concernant ce résultat-là de
23 la guerre civile ?
24 R. Vous pouvez essayer d'en apprendre autant que vous voulez dans
25 les manuels au sujet de la guerre, mais c'est surtout les participants à
26 une guerre précédente qui peuvent vous en dire le plus. Nous avions déjà
27 les expériences de nos parents, de nos proches, qui nous ont relaté ce qui
28 s'est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale. A l'époque, les personnes
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1 avaient fui les lieux où elles étaient minoritaires pour aller là-bas où
2 leurs groupes ethniques étaient majoritaires. Nous disions justement cela.
3 Il y aurait des déplacements de la population, chose qui serait mauvaise.
4 Qu'obtiendrons-nous ? Nous aurons les mêmes positions qu'au départ.
5 Il n'était pas question de ce terme nouvellement créé de nettoyage
6 ethnique. Nous parlions du résultat de la guerre. Chaque guerre implique un
7 certain nombre de personnes fuyant les conflits. C'est l'expérience que
8 tout un chacun avait de par ce qu'il avait ouï-dire au sein de sa famille,
9 parce qu'il y avait des personnes qui étaient des proches qui étaient
10 impliquées dans la guerre précédente, et ce n'était pas si éloigné que cela
11 dans la mémoire des gens.
12 Excusez-moi, je voudrais ajouter pour ce qui est de la population
13 musulmane, il y a ce terme de "Moudjahiddines", ou plutôt des "mujahir"
14 [phon]. On avait appelé ces gens-là ainsi pour parler de réfugiés. On
15 disait, pendant la Deuxième Guerre mondiale, il s'est enfui tant et tant de
16 personnes. J'ai entendu prononcé ce terme. Il y a eu un certain nombre de
17 réfugiés pendant la Deuxième Guerre mondiale, et c'était là l'expérience
18 théorique à laquelle nous pouvions nous référer aux fins de comparer. Je
19 n'ai pas voulu dire Moudjahiddines, mais je dis bien "mujahir."
20 Q. Monsieur Krajisnik, essayons de tirer ceci au clair. Vous avez fait
21 référence à la notion de "nettoyage ethnique" dans la réponse que vous
22 venez de donner. Vous avez dit que ce n'était pas ce que l'on qualifie par
23 nettoyage ethnique de nos jours. Ce n'est pas un terme technique.
24 J'aimerais que vous nous indiquiez comment vous entendez cette notion de
25 "nettoyage ethnique" ?
26 R. Suite à un séjour prolongé ici à l'Unité de Détention, j'ai appris ce
27 que l'on entendait par cette notion de nettoyage ethnique. Bien entendu,
28 pendant la guerre, j'ai entendu parler de cette notion. Alors, quand il y a
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1 nettoyage ethnique, cela signifie que par la force, contre la volonté d'un
2 groupe de personnes, il y a déplacement dudit groupe de personnes
3 appartenant à un groupe ethnique déterminé, aux fins d'être chassées de ses
4 foyers ou de leurs foyers. C'est par la force, non pas par leur propre gré
5 que ces gens s'en vont. Ce serait, en termes brefs, ce que j'entends.
6 S'il fallait élaborer, je crois qu'il faudrait demander à un juriste
7 de le faire. Mais à mes yeux, c'est quand il y a contrainte d'une certaine
8 façon pour chasser une population qui est minoritaire d'une communauté
9 donnée, pour se déplacer vers un autre territoire, là où les leurs sont en
10 majorité ou je ne sais trop où.
11 C'est une notion dont j'ai entendu parler ici et pendant la guerre. C'est
12 une communauté ethnique qui se voit chassée de chez elle par la contrainte.
13 Q. Monsieur Krajisnik, lorsque le Dr Karadzic a parlé de cette guerre
14 civile qui se solderait par les déplacements massifs et rapides des
15 populations, avez-vous compris par là que dans sa définition ou dans la
16 description qu'il fait des résultats de cette guerre, il avait entendu le
17 nettoyage ethnique comme étant la cause des déplacements ?
18 R. Nous sommes en décembre 1991 ici, et le Dr Karadzic, lui, parle des
19 déplacements de la population qui fuit la guerre. Cela, c'est une chose que
20 nous avons bien connue. La notion de "nettoyage ethnique" n'a pas été
21 utilisée pendant la Deuxième Guerre mondiale, et il sait que pendant la
22 Deuxième Guerre mondiale, la population a fui les combats. Il n'a parlé que
23 des déplacements qui ne seraient générés que par la guerre elle-même, du
24 fait de la peur présente chez les uns ou les autres. Il n'a pas été
25 question du tout ici de contraindre qui que ce soit à s'en aller, parce que
26 les accords de paix, tous les accords de paix et tous les entretiens,
27 jusqu'au début de la guerre - et la chose et vérifiable - avait fait état
28 de la nécessité de faire en sorte que chacun reste chez soi, reste dans son
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1 foyer à lui, par le biais d'une solution pacifique.
2 Q. Monsieur Krajisnik, permettez-moi de tirer au clair certains éléments
3 fondamentaux. Partant des témoignages que nous avons eu l'occasion
4 d'entendre dans cette affaire jusqu'à présent, cette formulation de
5 "nettoyage ethnique" qui se trouve malheureusement largement utilisée de
6 nos jours, découle probablement de ce conflit particulier. Au mois de
7 décembre 1991, cela ne semble pas avoir été un terme communément utilisé.
8 C'est ce que nous avons pu déduire des témoignages. Peut-être cela n'est-il
9 pas à 100 % exact. Si je vous pose maintenant des questions au sujet du
10 nettoyage ethnique, et Monsieur Krajisnik, pour le moment, je me propose
11 d'accepter la définition que vous venez de nous donner tout à l'heure. Donc,
12 si j'en viens à vous poser des questions au sujet du nettoyage ethnique, je
13 me propose de m'y référer dans la signification que vous venez de nous
14 donner.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, peut-être pourrions-
16 nous demander une clarification aux fins de mieux comprendre le témoignage.
17 Monsieur Krajisnik, vous avez parlé d'usage du recours à la force ou de la
18 "coercition" pour que les gens s'en aillent. Est-ce que cela sous-entend la
19 nécessité de rendre la vie d'autrui misérable pour que les gens n'aient pas
20 d'autres choix que de s'en aller, c'est-à-dire, les priver de leurs droits.
21 Vous avez, bien entendu, au fil de cette affaire, eu l'occasion d'entendre
22 un grand nombre d'exemples. Est-ce que vous considéreriez que ceci se
23 trouve inclus dans les notions de recours à la "force," recours à la
24 "coercition", ou quand vous avez parlé de cela, aviez-vous à l'esprit
25 l'idée de contraindre les gens physiquement à quitter cette région, une
26 région donnée ? Je le demande, parce que M. Stewart a l'intention de se
27 servir de votre définition comme point de départ en posant ses questions,
28 et je voudrais que la lumière soit faite à ce sujet.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est certain que j'aurais mieux fait de
2 développer davantage.
3 Ce que vous venez de soulever comme question, Monsieur le Juge, sous-
4 entend que s'il y a délibérément des conditions insupportables de mises en
5 place et qu'une personne n'a qu'une idée en tête, c'est de s'en aller, il
6 est certain que cela se rapproche beaucoup du nettoyage ethnique, même si
7 nous ne l'appelons pas ainsi. Nous pouvons le qualifier ainsi. Mais pendant
8 la guerre, la différence entre ce qui est fait délibérément et ce qui a été
9 objectivement rapporté par la guerre, c'est une chose qui est difficile de
10 déterminer.
11 C'est la raison pour laquelle j'ai dit que si quelqu'un se trouve à
12 être chassé par la force - mais la force ce n'est pas quand quelqu'un vous
13 ramasse et que vous faites quelque chose sans le vouloir - cela alors fait
14 partie du nettoyage ethnique. Je ne veux pas amnistier qui que ce soit qui
15 était au pouvoir s'il a intimidé des gens, il est normal que ces gens-là
16 vont s'en aller. Je veux dire aussi que les gens qui, par peur, sont partis
17 et ont dit ensuite qu'ils ne sont pas partis parce qu'ils avaient peur pour
18 sauver leur vie, mais qu'ils sont partis parce qu'ils ont été chassés.
19 La question est très délicate. J'en ai parlé dans la municipalité de
20 Sarajevo serbe - et je ne veux pas élaborer plus en avant dans ce sens -
21 mais je dirais que si quelqu'un a délibérément mis en place des conditions
22 difficiles pour un groupe ethnique ou pour des individus, cela se rapproche
23 du nettoyage ethnique. Parce que dans certains milieux, les conditions ont
24 été très dures, mais les gens ont enduré, ont supporté tout cela et sont
25 restés. Puis, sont arrivés les accords de Dayton et des gens sont partis.
26 Ils vont dire qu'ils ont été ethniquement nettoyés.
27 J'ai vécu là-bas. Je sais exactement de quelle façon les gens avaient
28 souhaité s'en aller pour dire ensuite autre chose. Je m'en excuse, Monsieur
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1 le Juge, parce que vous avez ce problème de liberté de déplacement. Parce
2 ce que les gens devraient pouvoir aller là où ils voulaient. Alors, il y a
3 deux droits en conflit. Si vous lui dites, vous pouvez partir, il dira j'ai
4 été ethniquement nettoyé. Et si vous lui dites, ne partez pas, il dit je
5 suis devenu un otage. La question est donc devenue complexe. C'est la
6 raison pour laquelle je vous demande pour toute ville, pour toute
7 municipalité, pour tout phénomène, d'essayer de distinguer quel est le
8 point des différents éléments qui ont influé sur le déplacement de la
9 population.
10 J'ai ici un article, par exemple, savez-vous combien d'habitants de
11 Sarajevo s'en sont allés avant le début même de la guerre ? Il y a eu des
12 avions pleins de gens qui sont partis. Il y a eu beaucoup de raisons qui
13 les ont motivés. A aucun moment, je ne voudrais - moi, je suis réfugié, je
14 le sais - je ne voudrais amnistié personne pour dire, ces gens-là se sont
15 vus leur vie rendue difficile et ils ont dû s'en aller. Parce que c'est
16 quelque chose d'inadmissible. Vous ne pouvez pas oublier votre région,
17 votre ville, votre quartier. Excusez-moi, une fois de plus, vous avez des
18 cas si graves, il y a tant de choses qui se ressemblent tellement, qu'il
19 faut être véritablement un très grand expert pour pouvoir distinguer les
20 cas de figure.
21 Maintenant, les gens disent ce qui les arrange. Je ne veux pas dire que
22 chez les trois parties il n'y a pas eu de contraintes. Si, il y en a eu.
23 Mais quand j'ai parlé de contraintes, de recours à la force, je voulais
24 résumer. Si quelqu'un, délibérément, aggrave les conditions de vie de
25 quelqu'un, cela se rapproche du nettoyage ethnique. Mais ce n'est pas
26 pareil. Parce que dans certaines villes, il y a eu des gens qui ont
27 supporté des tas de choses, et qui sont restés, et des gens qui ont pris
28 leurs familles et s'en sont allés alors qu'ils auraient très bien pu rester.
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1 C'est ce que je voulais vous dire. Je n'ai peut-être pas réussi à
2 vous dépeindre tout ce que je voulais, mais je vous ai parlé de façon tout
3 à fait sincère, et je vous ai dit sincèrement mon opinion. Je le sais,
4 parce que j'ai vécu là-bas. J'ai vécu dans des milieux qui ont permis de le
5 savoir.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends bien. Vous voulez faire une
7 différence entre les personnes qui ont anticipé ce qui pourrait leur
8 arriver, et qui, ayant eu peur de ce qui pourrait leur arriver sont parties,
9 et ceux qui, en revanche, ont été pris par les circonstances, parfois par
10 des circonstances qui ont été créées délibérément, parfois des
11 circonstances qui n'étaient que des conséquences d'une guerre.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Une seule chose, je tiens vraiment être très
13 franc. Regardez à Zenica, à Tuzla et à Sarajevo, les conditions étaient
14 très dures pour tout le monde là-bas. Les gens sont restés, alors qu'à une
15 autre ville, la situation était plutôt vivable, si on peut le dire, et les
16 gens de toutes communautés sont partis. Là, je suis vraiment très franc et
17 très sincère quand je dis que les gens sont partis pour toutes sortes de
18 raisons. Je peux vous les donner d'ailleurs. Certains sont partis. Enfin,
19 les hommes parfois sont partis en quittant leurs épouses et leurs enfants,
20 les laissant derrière eux, par peur, juste parce qu'ils avaient peur de la
21 guerre. Ensuite, ils ont voulu rejeter la faute sur quelqu'un d'autre.
22 Enfin, je suis désolé de monopoliser un peu la parole, mais je
23 voulais être clair.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre réponse est très claire. Il est
25 bien clair d'ailleurs qu'il est parfois difficile, selon vous, de faire une
26 différence, mais que la différence doit quand même être faite même s'il est
27 difficile à trouver.
28 Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.
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1 M. STEWART : [interprétation] Merci.
2 Q. Monsieur Krajisnik, maintenant, quand le Dr Karadzic se réfère à la
3 guerre civile qui pourrait provoquer des mouvements de population rapides
4 et massifs, selon vous, est-ce qu'il est en train de dire qu'il y aurait
5 des membres de différents groupes ethniques qui seraient chassés par
6 d'autres groupes ethniques ?
7 R. Non, absolument pas. Je peux encore vous donner un exemple ici, et vous
8 allez vraiment comprendre. C'est quelque chose qui est arrivé un petit peu
9 plus tard. C'est assez illustratif, je peux vous le donner si vous le
10 voulez.
11 Q. Peut-être vous pourriez très brièvement l'aborder pour voir s'il
12 convient de l'approfondir ou non. Monsieur Krajisnik, pourriez-vous nous
13 dire un petit peu de quel exemple vous voulez parler ?
14 R. Les Juifs. Je crois que les Juifs ont quitté Sarajevo, pas les
15 Musulmans, pas les Croates, pas les Serbes. Pour ce que je voulais dire,
16 c'est qu'inévitablement, la guerre fait partir certaines personnes.
17 Laissons de côté tous les autres aspects négatifs. Les gens vont
18 ailleurs, ailleurs où ils espèrent vivre heureux. Mais les Juifs sont
19 partis en Israël. Les mouvements de population arrivent parfois sans qu'il
20 y ait aucune action prise pour les provoquer. C'est à cela que faisait
21 allusion M. Karadzic. J'en suis sûr. Il n'a jamais rien dit d'autre.
22 Q. Quand il dit : "En autres mots, cela aboutirait à une homogénéisation
23 des peuples."
24 Ces mots sont assez clairs, n'est-ce pas, Monsieur Krajisnik, mais
25 quand il dit que cela aboutirait à une homogénéisation des peuples, qu'est-
26 ce que vous comprenez par ce qu'il vient de nous dire que cela aboutirait
27 à une homogénéisation des peuples, le résultat en serait une
28 homogénéisation des peuples ?
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1 R. Je ne me souviens pas très bien comment je l'ai compris à l'époque,
2 mais je peux vous expliquer comment je le comprends aujourd'hui.
3 L'homogénéisation de la population implique que les personnes qui
4 sont en minorité dans un endroit ont tendance à aller dans un autre endroit
5 où leur communauté ethnique là est en majorité, premièrement. Deuxièmement,
6 les personnes qui étaient pacifistes, qui ne revendiquaient pas leur
7 appartenance à un groupe ethnique, avaient tendance à quand même prendre
8 partie pour leurs communautés ethniques, parce que de l'autre côté on les
9 appelait soit Serbes, soit Croates, soit autre chose, et ils ne se
10 sentaient pas traités de façon égalitaire. Bien sûr, il y avait d'autres
11 groupes ethniques à part ces trois grands groupes principaux, de toute
12 façon on parle principalement des Serbes, des Croates et des Musulmans.
13 L'homogénéisation, c'était quelque chose qui avait deux côtés, si je puis
14 dire. C'est un concept à deux volets.
15 Q. En laissant de côté l'éventualité que ceci pourrait résulter d'une
16 guerre civile, on laisse de côté cette éventualité. L'homogénéisation de
17 la population, est-ce que selon vous c'était un résultat positif ?
18 R. Non, ce n'est pas bon. Quand il y a homogénéisation de la population,
19 ce n'est pas un processus naturel, pas au cours de la guerre, en tout cas.
20 Ce n'est pas un processus naturel, parce que la guerre a obligé les gens à
21 prendre partie pour leurs communautés ethniques dans les endroits où ces
22 communautés étaient en majorité, et de ce fait, la guerre les oblige à se
23 déplacer. C'est la situation qui oblige les gens à se déplacer vers des
24 territoires où leur communauté est en majorité. C'est une conséquence de la
25 guerre, et le Dr Karadzic est en train de nous parler des conséquences
26 éventuelles de la guerre. On en a parlé hier. Hier, on a dit qu'à l'époque,
27 on avait abordé un nouveau concept en disant d'essayer d'éviter la guerre,
28 pour essayer de trouver une autre solution.
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1 Q. C'est ma faute. Je ne suis pas assez clair dans mes questions, peut-
2 être parce que la guerre, c'est un sujet assez vaste. Il est difficile de
3 ce fait de l'écarter. Je vais essayer d'être plus clair.
4 Selon vous, est-ce qu'une forme extrémiste d'homogénéisation du
5 peuple serait une situation où on a un territoire où il n'y a que des
6 Serbes, un autre où il n'y a que des Musulmans, et le troisième où il n'y a
7 que des Croates. Cela c'est vraiment un exemple extrême d'homogénéisation
8 de la population, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, tout à fait, vous avez raison. Pour moi, cette homogénéisation est
10 négative. Ce n'est qu'une conséquence de la guerre. C'est ce qui arriverait
11 automatiquement si la guerre éclatait.
12 Q. Monsieur Krajisnik, quand même comme M. Karadzic l'a dit, l'une des
13 conséquences épouvantables de la guerre, c'est qu'il y a aussi des
14 victimes, énormément de gens qui risquent de perdre la vie. Il le dit aussi
15 quand même.
16 R. M. Karadzic semble dire des choses qui sont presque des lapalissades.
17 Evidemment, les gens -- en guerre, il y a des morts. Dans toutes les
18 guerres qu'il y a eu chez nous, il y a toujours eu énormément de victimes,
19 comme dans d'autres Etats d'ailleurs, dans d'autres guerres j'imagine. Là,
20 je compte sur l'expérience pour vous parler. Le plus grand nombre de
21 victimes intervient quand il y a guerre civile. Je vous parle d'une guerre
22 civile entre trois peuples qui font partie d'un même ensemble.
23 Q. Monsieur Krajisnik, je ne veux pas trop parler. Voilà la question que
24 je tiens à vous dire. S'il n'y a pas de guerre, c'est une hypothèse : est-
25 ce que l'homogénéisation des peuples qui pourrait être obtenu sans guerre,
26 est-ce quelque chose -- j'aimerais que vous m'en parliez, que vous me
27 donniez votre avis là-dessus. La politique du SDS, à l'époque, était telle
28 d'obtenir un degré très élevé d'homogénéisation de la population, si
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1 possible sans guerre ?
2 R. C'est un problème sur un problème. Il est difficile d'interpréter votre
3 question. C'est toujours le même problème pour moi. Je ne sais pas comment
4 vous convaincre de ce que je voudrais vous expliquer. A aucun moment, à
5 aucun moment, je le répète, nous n'avons cherché à obtenir des territoires
6 ethniquement purs, pour avoir une homogénéisation avec uniquement des
7 Serbes dans un seul territoire. On voulait trouver une solution pacifique à
8 la crise en Bosnie-Herzégovine. Quand il y a une communauté ethnique qui
9 est en majorité, ou voire la deuxième, voire la troisième, c'est le type
10 d'entité qui allait exister que l'on voulait, avec une majorité et des
11 minorités dans un même territoire.
12 Je vais être très honnête maintenant avec vous. L'établissement de
13 deux communautés ethniques, ou plutôt de deux partis ethniques, des partis
14 nationaux et d'un troisième parti, le Parti démocratique serbe, quand s'est
15 arrivé cela, quand on a eu droit à cela, c'était étonnant à quel point les
16 gens se sont identifiés à ces partis nationaux.
17 Avant, dans les élections, ils auraient sans doute voté pour d'autres
18 partis qui n'étaient pas les partis nationaux, à base nationale. Mais plus
19 la crise empirait, plus les gens s'identifiaient avec leurs partis
20 nationaux. C'était la crise. On ne recherchait pas ce type
21 d'homogénéisation avec, par exemple, 80, 85 % de Serbes dans un endroit, et
22 dans un endroit il n'y aurait que des Croates ou que des Musulmans. Il
23 aurait fallu regarder les pourcentages de peuples pour voir ce qu'on
24 pouvait obtenir comme unité territoriale. L'homogénéisation ne serait pas
25 effectuée, pas pour les motifs politiques ou quoi que ce soit. Là il
26 parlait de la guerre. Il parlait de la guerre. Il disait que s'il y avait
27 guerre, il y aurait des déplacements de population et ceci et cela. Il ne
28 parlait pas du tout de la paix, de l'homogénéisation. Il parlait des
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1 conséquences de la guerre, et de l'homogénéisation des peuples qui
2 aboutirait suite à la guerre.
3 Voici ma réponse donc : nous ne voulions pas homogénéisation, parce que
4 nous ne voulions pas promouvoir une homogénéisation parce qu'on avait pas
5 ce type de plan toute façon, parce que cela aurait donné lieu à une
6 deuxième phase d'homogénéisation, une troisième phase d'homogénéisation, et
7 cetera. On serait en train de vivre en paix, Serbes à côté, mais ce ne
8 serait pas la véritable paix. Il est indispensable d'avoir de la
9 coopération et des mélanges, c'est indispensable. Il est aussi
10 indispensable d'être en contrôle de son propre territoire, d'être en
11 majorité dans son territoire.
12 Q. Est-ce qu'à l'époque, Monsieur Krajisnik, d'après vous, la création de
13 trois entités au sein de la Bosnie-Herzégovine par des moyens pacifiques
14 aboutirait à des déplacements de population importants ?
15 R. Je pense que non, j'en suis persuadé d'ailleurs. Peut-être que
16 certaines personnes auraient quitté leurs foyers en premier lieu, et après
17 seraient revenues parce que les gens aiment revenir chez eux et vivre là
18 d'où ils viennent. J'aime "Zabrdje". Même si je pouvais habiter à Paris, je
19 préfèrerais habiter à Zabrdje, c'est comme cela.
20 Les gens aiment bien l'endroit où ils sont nés. Il y a certes des cas
21 individuels, quand on est en paix, il n'y a pas de frontières, on peut
22 aller à droite et à gauche, et cetera.
23 Monsieur le Président, je suis désolé, je sais que je parle trop vite,
24 que je parle trop fort, c'est mon tempérament, mais bon. Je reprends plus
25 doucement.
26 La guerre c'est une situation. On avait des municipalités. Mettons dans une
27 municipalité il y a certains impôts, dans d'autres municipalités, il y a
28 d'autres impôts. On a tendance quand même à vivre et à rester là où on est
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1 né.
2 Je suis convaincu qu'il est vraiment très dommage qu'on n'ait pas
3 réussi à maintenir le cap, si je puis dire, et qu'on n'ait pas réussi à
4 trouver une solution politique où la Bosnie aurait pu être reconnue de
5 façon pacifique. Nous aurions été une république extrêmement heureuse, une
6 république bien reconnue internationalement. Je ne veux pas être subjectif.
7 C'est vrai que la faute repose un peu sur tout le monde et l'histoire, de
8 toute façon, sera le juge des faits.
9 Je suis désolé, je m'en excuse auprès de l'interprète de m'être un petit
10 peu emporté, d'avoir parlé beaucoup trop vite.
11 Q. Si je puis demander aux Juges quand même de lire les paragraphes
12 suivants, mais de les lire à voix basse, nous allons maintenant passer à la
13 page 41 de l'anglais. Il y a un petit paragraphe très court qui dit : "En
14 premier chef, la souveraineté signifie le pouvoir, le véritable pouvoir."
15 Je ne sais pas vraiment où cela se trouve sur la page en B/C/S.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à la page 84. C'est le dernier
17 demi-paragraphe.
18 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le
19 Président.
20 Q. Voyez-vous le passage ?
21 R. Oui.
22 Q. "La souveraineté signifie principalement le pouvoir."
23 "Nous pouvons donc convenir que la possibilité des peuples serbes,
24 croates et musulmans d'exercer un pouvoir souverain l'un sur l'autre, nous
25 pouvons convenir de cette possibilité. Une possibilité qui impliquerait
26 l'établissement d'une union politique de Bosnie-Herzégovine; une union qui,
27 un jour, fournirait un véritable 'lien' qui permettrait de relier à nouveau
28 les peuples si tant est qu'il y ait suffisamment de bonne volonté pour
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1 reconstruire ce lien. Mais en ce moment, étant donné les soupçons qui
2 pèsent entre les peuples, le manque de confiance entre les peuples, le
3 danger de guerre civile et de destruction qui nous menacent notre position,
4 comme je vous l'ai expliquée auparavant, est telle qu'elle est, et je vous
5 demande de l'examiner et d'en parler dès aujourd'hui. Ce que je veux vous
6 dire, c'est qu'il faudrait des propositions spécifiques pour des villes
7 bien spécifiques et tout en particulier pour Sarajevo qui pourrait avoir un
8 statut extraterritorial au sein desquelles les Serbes, les Croates et les
9 Musulmans pourraient organiser chacun leur propre administration."
10 Si j'ai bien compris, M. Karadzic est en train de demander aux
11 députés de faire des suggestions et des propositions en ce qui concerne ces
12 différents endroits en Bosnie, n'est-ce pas ?
13 R. Il y a une phrase ici qui est un peu étrange quand même, pour
14 ceux qui lisent ce texte pour la première fois. Il nous dit que les Croates
15 et les Musulmans créeraient peut-être leur république souveraine qui leur
16 appartiendrait et qu'ils pourraient ensuite recréer des liens avec notre
17 propre république si tant est qu'ils en aient envie et qu'à l'heure
18 actuelle, il n'y a pas assez de confiance entre les peuples pour ceci.
19 Il faut bien comprendre qu'ici M. Karadzic, très doucement, était en
20 train d'essayer de préparer les députés pour l'effet de surprise qui n'a
21 pas encore été communiqué. Il est en train de leur présenter différents
22 éléments qui, à l'heure actuelle, sont encore un petit peu illogiques parce
23 qu'il est en train de les préparer à sa grande révélation.
24 Il est en train de dire qu'il faut qu'ils proposent différentes
25 choses. Il nous donne un exemple pour Sarajevo, par exemple.
26 J'ai d'ailleurs un article de journal ici qui reprend des
27 déclarations de M. Karadzic sur Sarajevo après ces discussions avec
28 Cutileiro. Et il donne exactement quelle est sa proposition.
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1 Ce n'est pas une division. Il faut avoir une partie
2 extraterritoriale pour créer la municipalité, avoir des conseils et ceci et
3 cela. On n'a jamais parlé de murs érigés. Enfin, il y a peut-être après
4 Sarajevo, il y a peut-être Banja Luka, parce que j'invente là des noms de
5 ville, mais il est en train d'essayer de dire : Messieurs les députés,
6 donnons-nous le plus de propositions possibles pour que l'on puisse avoir
7 de grains à moudre quand on parlera avec les autres communautés ethniques
8 ou quand on parlera avec je ne sais qui. Il est en train de leur dire :
9 qu'est-ce qu'on veut obtenir ? Donnez-nous de nouvelles idées. C'est un
10 appel à idées.
11 Q. Cette proposition de Sarajevo qui est ici, est-ce que cela vient de
12 vous ou avez-vous contribué à l'élaboration de cette idée lors d'un débat
13 peut-être qui aurait eu lieu avant la réunion ?
14 R. J'étais l'un des seuls hommes politique qui sois né à Sarajevo, parce
15 que la plupart des dirigeants n'étaient pas nés à Sarajevo. J'adorais
16 Sarajevo, et bien sûr, j'avais aussi les intérêts du peuple serbe à cœur,
17 puisque c'est quand même la deuxième ville serbe.
18 Vous verrez la carte que nous avons proposée à M. Cutileiro. On lui a dit :
19 "Il suffit de laisser Sarajevo sous l'égide des Nations Unies et d'essayer
20 de trouver une solution bien spécifique. Pour la Bosnie-Herzégovine, il
21 faudrait une solution qui serve de lien pour que ces deux, non ces trois
22 entités, je suis désolé, ces trois entités soient reliées. Les institutions
23 conjointes seraient établies là-bas, et cetera, et cetera." J'ai toujours
24 été extrêmement intéressé par tout ce qui permettrait de trouver une
25 solution bien spéciale pour Sarajevo.
26 Je l'ai dit à M. Karadzic, d'ailleurs, il partageait mon point de vue.
27 Je ne pense pas lui avoir suggéré quoi que ce soit avant cette réunion,
28 mais c'est vrai qu'après j'ai été assez actif dans la recherche de
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1 solutions pour Sarajevo. Aujourd'hui, c'est désolant, mais Sarajevo est
2 divisée, sans les Serbes. On aurait pu avoir une ville qui n'aurait pas été
3 divisée si on avait été un peu plus sage, et s'il y avait eu plus de
4 sagesse du moins.
5 Q. Est-ce qu'on peut poursuivre, s'il vous plaît, Monsieur
6 Krajisnik ? Nous allons laisser tomber M. Karadzic et nous allons parler
7 maintenant des paroles prononcées par un autre orateur, où il y a M. Milan
8 Nedic et le Dr Koljevic, et ensuite on en vient au Dr Kalinic. Il s'agit de
9 la page 45 de la version anglaise.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois que --
11 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est à la page 93 de votre version en
12 B/C/S, Monsieur Krajisnik.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a quand même d'autres orateurs qui
14 prennent la parole avant.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 M. STEWART : [interprétation]
17 Q. Oui, il y a beaucoup d'autres orateurs. M. Cizmovic, le Dr Pejovic.
18 Je ne vais pas tout lire sur ce qu'a dit M. Kalinic. A la page 45,
19 quatrième paragraphe, il dit : "Je pense que le minimum que nous puissions
20 -- parce que le minimum sur lequel nous ne pouvions nous mettre d'accord à
21 l'heure actuelle."
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est les deux dernières lignes de la
23 page en anglais.
24 M. STEWART : [interprétation] En anglais, en effet. Je ne sais ce qui en
25 est pour le B/C/S.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, je crois aussi que c'est
27 la fin de la page en B/C/S.
28 M. STEWART : [interprétation]
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1 Q. Je lis ce qu'a dit le Dr Kalinic, à la page 45 : "Je crois que le
2 minimum sur lequel nous pouvons nous mettre d'accord à l'heure actuelle en
3 tant que représentants du peuple serbe, quel que soit le parti auquel nous
4 appartenons, c'est la proposition demandant l'établissement de trois
5 communautés nationales sur le territoire de ce qui est aujourd'hui la
6 Bosnie-Herzégovine.
7 "Bien sûr, si notre proposition est rejetée lors des négociations en
8 cours, et selon ce que j'ai bien compris de la situation, il semblerait que
9 les négociations soient limitées, s'arrêtent le 14 janvier 1992 [comme
10 interprété], les hommes et les femmes qui négocient avec nous doivent bien
11 comprendre quelle est notre réaction, ce que sera notre réaction. Nous
12 avons une solution, nous l'avons présentée aujourd'hui. Il s'agit de
13 l'établissement d'une institution politique serbe indépendante au sein des
14 territoires où les Serbes sont en majorité."
15 Monsieur Krajisnik, ce Dr Kalinic était-il en train de dire que même s'il y
16 était forcé, il accepterait l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, du
17 moment que trois communautés nationales y seraient créées ?
18 R. Oui. Certainement, c'est ce qu'a dit M. Kalinic en tant que chef du
19 club des forces de réforme au sein du Parlement de Bosnie-Herzégovine qu'il
20 avait annexé à l'assemblée serbe.
21 Q. Trois paragraphes plus bas, il dit : "Permettez-moi de vous dire
22 clairement." Est-ce que vous voyez l'endroit ?
23 Donc : "Permettez-moi de vous dire clairement."
24 R. Oui.
25 Q. Il poursuit : "J'espère que vous allez partager mon opinion sur la
26 question. Personne n'a le droit de nier au peuple musulman leur histoire
27 traditionnelle, leur histoire et leur droit souverain d'établir leur propre
28 Etat, seulement sur les territoires. Ici, je vais employer l'expression de
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1 M. Izetbegovic, car ils vont prospérer à la longue."
2 Je ne sais pas ce que dit ce texte dans l'original; ce n'est pas tout
3 à fait clair en anglais. Qu'est-ce que vous aviez compris lorsqu'il a parlé
4 "de leur propre Etat, qu'ils pourront rester sur leur -- de faire leur
5 propre Etat de leur Etat musulman, qui serait un Etat prospère ?"
6 R. Au cours des conversations, au cours des pourparlers avec les trois
7 communautés nationales, il a été question de savoir de quelle façon est-ce
8 qu'une Bosnie souveraine pourrait être introduite, pourrait être créée sur
9 un territoire sur lequel les Serbes étaient majoritaires. Je n'ai pas été
10 présent lorsque cette conversation que je vais vous citer a eu lieu, mais
11 je l'ai entendue de M. Karadzic et Koljevic.
12 Lorsque le côté musulman a dit : Nous allons proclamer une Bosnie
13 souveraine sur les territoires sur lesquels nous pouvons les contrôler de
14 façon à dire que voilà ce sera la Bosnie. Nous allons proclamer une Bosnie
15 en pensant à eux comme étant là où ils étaient sur le pouvoir. Cela venait
16 du côté musulman. Cette idée venait du côté musulman, je l'ai entendue de
17 Karadzic et Koljevic, qui avaient dit que M. Izetbegovic et M. Rasim Kadic
18 - je ne sais pas si c'était l'un ou l'autre, je ne pourrais pas le dire
19 avec certitude.
20 Voilà, c'est M. Kalanic qui disait que c'était cela qu'avait dit M.
21 Izetbegovic. Le sens, je viens de vous expliquer le sens de cette phrase.
22 Q. Est-ce que pour vous il s'agissait d'une différence importante entre ce
23 que disaient les Musulmans, car vous venez de nous donner leur perspective,
24 leur point de vue concernant ce qui pourrait devenir leur territoire
25 souverain, et ce que disaient les Serbes de Bosnie concernant leur opinion,
26 à savoir, ce que deviendrait leur territoire souverain ?
27 R. Si vous prenez la carte de la Bosnie-Herzégovine, si vous êtes Serbe,
28 tout est bleu. Si vous êtes Musulman, tout est vert. Si vous êtes Croate,
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1 tout est jaune. Cela dépend quelle lunette vous portez, quels verres vous
2 avez sur vos lunettes. Nous ne savions pas ce qu'eux ils pensaient; nous
3 savions exactement ce que pensait le parti serbe ou le côté serbe plutôt.
4 C'était indispensable que les trois partis se mettent d'accord sur ces
5 points. Vous ne pouvez pas savoir avec quels verres fumés le Musulman
6 regarde cette carte. Le Musulman voyait tout vert. Je dis cela, je parle de
7 la "couleur verte," parce que sur la carte, c'est normalement ainsi qu'on
8 savait c'est la couleur avec laquelle on précise les Musulmans.
9 Alors, ce que vous avez dit, c'est que chaque personne avait une
10 autre opinion. Il aurait fallu s'asseoir et se mettre d'accord pour dire
11 exactement comment les choses vont se passer.
12 Et le monsieur, la personne qui parle justement, M. Cutileiro avait
13 proposé une solution pour que le principe territorial soit fait de façon à
14 ce que le territoire soit fait de cette façon-là. C'était un modèle. Il ne
15 fallait pas mettre nos lunettes. Quand je parle de lunettes, encore une
16 fois - je mets lunettes, en tant que Serbe, je vois tout bleu. L'autre met
17 ses lunettes, il voit tout vert. C'est cela que je veux dire.
18 Q. Monsieur Krajisnik, pourriez-vous passer, je vous prie, à la page 97 en
19 B/C/S, et en anglais, c'est la page 47. C'est vous qui prenez la parole.
20 Vous dites : "Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs, chers invités. Si vous
21 me permettez, je vais maintenant faire un court commentaire avant de
22 débuter le vote sur la proposition qui a été mise à l'ordre du jour. Je
23 vous prie de tenir compte, que lorsqu'on dit quelque chose sur les
24 décisions que nous prenons ici aujourd'hui, nous envoyons un message non
25 seulement au peuple serbe, mais également à toutes les nations et citoyens
26 de la Bosnie-Herzégovine."
27 Ensuite, Mme Plavsic - ce n'est pas peut-être ce dont vous avez fait
28 référence un peu plus tôt - mais Mme Plavsic dit : "Je voudrais dire
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1 quelque chose, parce que je ne comprends pas quelque chose. Certaines
2 choses ne sont pas tout à fait claires. Elles devraient peut-être l'être,
3 puisque j'ai reçu l'autorisation de l'assemblée de prendre part à ces
4 négociations, les négociations avec les deux parties mentionnées plus haut.
5 "Je n'ai pas pris part à ces négociations. Cela n'est pas la raison
6 pour laquelle j'ai voulu prendre la parole, j'ai voulu vous parler. La
7 raison pour laquelle j'ai voulu vous parler, c'est parce que je ne
8 comprends pas tout à fait bien ce que cette idée veut dire, l'idée de cette
9 confédération."
10 D'abord, dites-nous, Monsieur, pourquoi est-ce que Mme Plavsic n'a
11 pas pris part aux négociations, comme elle le dit ici ?
12 R. Le Parlement avait nommé sept personnes, elle faisait partie de
13 ces sept personnes. Maintenant, à savoir pourquoi elle n'a pas participé,
14 M. Karadzic explique immédiatement après pourquoi elle n'a pas pris part.
15 Les autres parties souhaitaient obtenir ou avoir des liens bilatéraux.
16 Karadzic, Izetbegovic, Kljuic, et cetera. Karadzic, pour ne pas être seul,
17 pour ne pas rester seul, il élargissait ce groupe, cette composition.
18 J'étais membre de la délégation de Bosnie-Herzégovine avec d'autres
19 républiques, et nous avions gardé ce rôle primaire, ce rôle initial de
20 rester au sein de ce premier groupe. Mme Plavsic disait qu'elle n'était pas
21 contente de ne pas faire partie du groupe, et M. Buha ainsi que M. Koljevic
22 n'ont pas pris part aux négociations. Ils étaient mécontents eux aussi.
23 Voilà. Justement, je sais pourquoi, je peux vous en parler puisque hier
24 j'ai justement lu un passage là-dessus.
25 Q. Monsieur Krajisnik, nous allons pouvoir voir un peu plus loin, à la
26 page 48 en anglais. Je ne vais pas nécessairement vous demander de
27 retrouver le passage. M. Karadzic dit - Des fois, les gens disent quelque
28 chose, M. Krajisnik, n'est-ce pas ?
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1 M. Karadzic dit : "Nous n'allons pas demander à Mme Plavsic de se
2 lancer dans des questions de procédure."
3 Est-ce que Mme Plavsic était exclue du comité des négociations avec le Dr
4 Karadzic ? Est-ce que c'est lui qui n'a pas voulu qu'elle fasse partie de
5 l'équipe des négociations ?
6 R. Je ne sais pas. Si je me livre aux conjectures, je pourrais peut-être
7 dire que c'était peut-être les députés qui n'ont pas voulu qu'elle fasse
8 partie du groupe, ou peut-être que le côté adverse non plus ne l'a pas
9 voulu. Car elle a été très radicale, elle a montré des idées radicales. M.
10 Izetbegovic et M. Kljuic étaient dans la présidence et la connaissait. Ils
11 voulaient peut-être plus s'entretenir avec M. Karadzic et nous, même si -
12 en fait, pourquoi j'avais dit que je ne le sais pas ?
13 Parce que M. Karadzic a toujours cru que Mme Plavsic représente le mieux
14 les intérêts serbes. Ensuite, il l'avait nommée en tant que sa remplaçante.
15 Effectivement, elle avait été exclue du processus des négociations. Elle
16 n'a pas pris part aux négociations. Elle avait été mise à l'écart d'une
17 certaine façon, car elle n'était pas prête à faire de compromis. Elle
18 voulait des résultats tout à fait autres. Elle voulait que les résultats
19 soient clairs, soient tranchants. Elle voulait trancher immédiatement et
20 dire qu'il fallait créer un Etat serbe, et cetera. Si vous voulez que je
21 sois très précis, je peux vous dire que je ne suis pas tout à fait certain.
22 Je ne peux pas vous dire qu'est-ce qui a fait en sorte qu'elle n'ait pas
23 participé aux négociations exactement.
24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président,
25 M. Sladojevic m'assure, me dit qu'à la page 25, lignes 3 et 4 du compte
26 rendu d'audience, que le témoin a dit : "M. Kljuic et
27 M. Izetbegovic étaient là, car ils voulaient me parler à moi et à
28 M. Izetbegovic [comme interprété]." En fait, c'était -- alors qu'on lit :
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1 "M. Karadzic et nous."
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait peut-être vérifier avec le
3 témoin.
4 M. STEWART : [interprétation]
5 Q. Monsieur Krajisnik, vous avez donné une réponse. La phrase -- enfin
6 vous avez répondu la chose suivante. Voilà. Je vous ai demandé si M.
7 Karadzic et Mme Plavsic faisaient partie de l'équipe des négociations, et
8 vous avez dit : Je ne peux pas me livrer aux conjectures, mais les députés
9 ne voulaient pas l'avoir au sein de leur équipe des négociations. L'autre
10 partie n'a pas voulu non plus qu'elle fasse partie ne l'équipe des
11 négociations, car elle avait des points de vue très radicaux pour la
12 présidence. M. Kljuic et M. Izetbegovic le savaient. Alors, ils ont préféré
13 mener des négociations avec M. Karadzic et moi-même." Vous, M. Krajisnik ou
14 M. Karadzic et vous; est-ce que vous vous rappelez, M. Krajisnik, ce que
15 vous avez dit ?
16 R. J'ai dit hier que M. Sladojevic avait raison. En fait, il a raison
17 encore une fois. Si je puis, je vais ajouter juste quelque chose. J'avais
18 dit "avec nous." Effectivement, j'avais parlé de "nous" au pluriel. C'était
19 M. Koljevic et moi-même, pour les raisons que j'ai déjà dites, qui ne font
20 pas partie de votre question.
21 Q. Donc, c'était M. Karadzic, M. Koljevic et vous-même ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous étiez l'équipe des négociations, n'est-ce pas ?
24 A toutes fins pratiques, c'était vous l'équipe de négociation, les membres
25 de cette équipe ?
26 R. C'était une époque pendant laquelle cette Bosnie-Herzégovine d'avant la
27 guerre existait. Nous deux, M. Koljevic et moi-même, avions des fonctions
28 au sein de cette entité.
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1 M. Karadzic était le leader du parti. Lorsqu'il y avait des négociations au
2 niveau républicain, c'était moi-même, M. Koljevic et Mme Plavsic. Après,
3 Mme Plavsic avait été remplacée par M. Koljevic qui était le leader, le
4 chef de notre délégation.
5 Q. Monsieur Krajisnik, lorsque vous avez parlé de "points de vue radicaux"
6 ou de "radicalisme," lorsque vous avez répondu à ma question, vous avez dit
7 lorsque -- en fait, vous avez dit lorsque
8 Mme Plavsic avait déjà montré qu'elle avait des points de vue radicaux,
9 quelles étaient les caractéristiques essentielles de ces points de vue
10 radicaux qu'elle avait, les points de vue extrémistes ?
11 R. Lorsque je parle de radicalisme, je fais une erreur, comme beaucoup
12 d'autres. Je parle de l'extrémisme. Voilà, je vais vous expliquer à quoi je
13 faisais référence.
14 Lorsqu'on a des négociations, il faut tenir compte du fait que la partie
15 adverse a également des intérêts à protéger, et qu'il faut, bien sûr,
16 arriver à des compromis. Tactiquement parlant, vous faites plus de demandes
17 pour en arriver à un milieu. Si vous défendez votre point et vous ne voulez
18 jamais céder, il est certain que la partie adverse sera irritée, sera
19 découragée, puisqu'elle dira : Je ne peux absolument pas m'entendre avec
20 vous. Lorsqu'il y a négociations, il faut parler ouvertement. La partie
21 adverse vous comprend. Et déjà, lorsqu'elle vous comprend, la partie
22 comprend, peut peut-être céder ou peut avoir certaines -- peut faire
23 quelques compromis.
24 Lorsque je parle de Mme Plavsic, je ne serais peut-être pas objectif
25 à d'autres moments, mais je vais essayer d'être le plus objectif que
26 possible pour ce qui est de Mme Plavsic. J'ai des raisons d'être en colère
27 contre Mme Plavsic, mais je vais vous parler de Mme Plavsic de façon
28 concrète. Voilà. En tant que femme, elle avait un problème à l'époque. Il
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1 n'y avait que des hommes autour d'elle. Elle était seule en tant que femme.
2 Alors, comme femme, elle se battait, elle luttait constamment, juste au cas
3 où, même quand ce n'était pas nécessaire. Elle défendait les intérêts
4 serbes à chaque fois, mais elle n'était pas douée de dons diplomatiques.
5 Elle disait exactement ce qu'elle pensait. Elle était très ouverte, elle
6 allait droit au but, elle n'avait pas de tact. Elle pensait que c'est ainsi
7 qu'elle allait venir en aide au peuple serbe. Cela nous avait
8 particulièrement -- ne nous a pas aidé.
9 Il est arrivé des centaines de fois que nous débutions une
10 conversation, des négociations, et que nous arrivions à des résultats
11 complètement autres, justement à cause de son point de vue radical. Voilà.
12 Je ne devrais pas parler de radicalisme ou d'extrémisme. Elle n'était pas
13 diplomatique. Elle n'acceptait aucun compromis. A chaque fois que Mme
14 Plavsic prenait une idée, elle avait la plupart du temps raison. Il ne
15 suffit pas d'avoir raison; il faut faire preuve de souplesse lorsque vous
16 avez quelqu'un en face de vous.
17 Je n'ai pas énormément de sympathie envers elle, mais c'est la vérité
18 ce que je vous raconte là.
19 Q. Madame Plavsic poursuit pour dire : "Pourquoi est-ce qu'en tant
20 qu'unité, nous devrions faire partie d'une 'confédération' ? Nous pouvons
21 entrer dans un rapport avec ces deux communautés et seulement en tant
22 qu'unité au sein d'une Yougoslavie, afin que la Yougoslavie définisse ses
23 relations avec eux. Ce n'est que sous ces conditions-là que nous pouvons
24 entreprendre un rapport avec eux."
25 Monsieur Krajisnik, ce qu'avait dit là Mme Plavsic avait été compris comme
26 un rejet de la part de Mme Plavsic de l'idée qui avait été présentée par le
27 Dr Karadzic visant à créer trois entités distinctes en tant qu'une solution
28 de ces négociations ?
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1 R. Oui. Elle voulait que l'Etat serbe soit unifié avec la Serbie, avec la
2 Yougoslavie, que la Yougoslavie soit raccordée à ce qui restait de la
3 Bosnie. C'était tout à fait clair, et vous avez vu un applaudissement. Un
4 très grand nombre de députés souhaitaient la même chose, c'était
5 incontestable mais ce n'était pas une idée réaliste. C'est pour cela que M.
6 Karadzic a essayé un peu plus tard d'expliquer : vus pouvez essayer
7 souhaiter que New York vous appartienne, mais ce n'est pas la réalité.
8 Il a essayé d'expliquer qu'elle était malade, qu'elle ne voulait pas
9 accepter les solutions, mais elle voulait que ses propositions à elle
10 soient acceptées inconditionnellement. Mais elle avait raison en fait,
11 parce que le côté musulman et le côté croate ne voulaient pas de compromis,
12 ils voulaient l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Alors sa réaction
13 était de dire : si vous, vous voulez votre indépendance, nous non plus,
14 nous ne voulons pas être avec vous. Ce n'était pas une façon réaliste de
15 voir les choses et c'est pour cela que le Dr Karadzic avait tenté de,
16 tranquillement, frayer le chemin en vue d'une création d'une Bosnie-
17 Herzégovine en tant qu'Etat reconnu internationalement.
18 Il y a une conversation justement entre Karadzic et moi où on dit :
19 "Mais qu'est-ce qu'elle avait Biljana de parler comme cela ? Elle ne se
20 contrôlait absolument pas."
21 Q. Et un peu plus loin, Karadzic dit : "Pourquoi est-ce que nous, les
22 Serbes, en République serbe de Bosnie-Herzégovine, devrions-nous faire
23 partie d'une République musulmane de Bosnie-Herzégovine. Il n'y aura
24 absolument aucun rapport entre nous et eux. Cela est impossible."
25 A toute fin pratique, Monsieur Krajisnik, est-ce que vous saviez que Mme
26 Plavsic allait s'opposer à ce que M. Karadzic proposait ?
27 R. J'ai été étonné. J'ai cru que M. Karadzic s'était entretenu avec elle.
28 J'étais étonné, car c'est difficile lorsqu'un membre de la présidence parle
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1 de ce dont les députés pensaient en leur for intérieur. Elle disait à voix
2 haute ce que pensaient les députés. Elle voulait une division.
3 Q. Oui, veuillez poursuivre.
4 Vous vouliez une division entre les deux membres de la présidence de l'ABiH,
5 les deux membres, n'est-ce pas ? Vous avez le Dr Plavsic d'un côté et vous
6 avez le professeur Karadzic de l'autre côté, n'est-ce pas ?
7 R. Oui. Je devrais être bien honnête et vous dire que nous sommes
8 coupables tous les trois. Il aurait fallu que nous expliquions ceci à Mme
9 Plavsic, car lorsque vous expliquez quelque chose à Mme Plavsic, même si
10 elle n'est pas d'accord, elle se tait. Mais là, elle n'était pas au courant
11 de ce dont nous avions discuté et elle a été très ouverte, elle est sortie
12 ouvertement avec une position qui était un peu hermétique. Mme Plavsic ne
13 savait pas de quoi il s'agissait. Elle ne savait pas du tout. Elle n'avait
14 pas été mise au courant effectivement. Elle était tellement enflammée.
15 Elle aurait pu enflammer les députés et les députés, en fait, étaient
16 heureux. Les députés étaient d'accord avec ce qu'elle disait. Les gens
17 aimaient bien quand quelqu'un parle de façon aussi ouverte et enflammée,
18 mais elle ne savait qu'à ce moment-là il s'agissait d'un extrémisme vide.
19 Encore une fois, je parle de ce radicalisme, extrémisme vide. Voilà donc,
20 c'est ce qu'ils ne savaient pas à l'époque.
21 Q. Mme Plavsic poursuit pour dire : "Nous faisons partie de la Yougoslavie,
22 et seulement la Yougoslavie peut décider si elle veut entrer et établir des
23 liens avec la République musulmane de Bosnie-Herzégovine ou la République
24 croate de Bosnie-Herzégovine ou toute autre entité.
25 "Cela n'est pas clair."
26 Ensuite, le Dr Karadzic dit : "Mme Plavsic a raison." Ensuite, quatre
27 paragraphes plus loin, il dit : "Pour ce qui est des rapports mutuels, nous
28 ne voulons pas être accusés de détruire la Bosnie-Herzégovine. Nous ne nous
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1 opposons pas à ce que la Yougoslavie établisse des liens avec eux en
2 passant par nous, puisque nous sommes leur contact direct, puisque nous
3 faisons partie de la Yougoslavie nous-même, il n'y a absolument aucune
4 raison pourquoi nous ne devrions pas avoir des rapports avec eux si nos
5 rapports seront basés sur l'égalité. Puisque c'est un accord
6 constitutionnel complexe, cela prendra du temps à le développer, mais cela
7 n'affecte pas notre droit de rester au sein d'une Yougoslavie et notre
8 droit de garder notre identité yougoslave.
9 "C'est ainsi que nous devons préserver le cadre bosnien qui a une
10 forme et que les autres qui disent qu'il faut préserver, une forme de
11 Bosnie-Herzégovine doit être préservée, d'accord, donc préservons des
12 éléments de la Bosnie-Herzégovine et partageons certaines fonctions du
13 gouvernement."
14 Ensuite, il y a une interruption, quelqu'un lui demande : "De quelle
15 façon est-ce que nous allons payer pour tout ceci ? Nous avons déjà du mal
16 à survivre."
17 Monsieur Krajisnik, il semblerait que c'est la première fois
18 quelqu'un parle de la question d'argent. Cette personne qui dit : "De
19 quelle façon est-ce que nous allons payer pour tout ceci ?" Est-ce que vous
20 vous attendiez à ce genre de commentaire ?
21 R. Je sais que c'est quelque chose qui vous est peut-être étrange, mais
22 c'est tout à fait normal pour chaque personne, l'argent ne comptait pas, ce
23 n'était pas important. Les trois peuples constitutifs préféraient avoir un
24 Etat et leurs enfants. C'est-à-dire que les gens n'aiment que leur Etat et
25 leurs enfants, mais l'argent leur importait peu.
26 Le fait de dire tout d'un coup, d'interrompre et de dire : "Mais qui
27 va payer pour tout ceci," c'était simplement pour s'opposer, pour dire
28 quelque chose de contraire. Ce n'était pas là l'idée principale.
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1 Q. Le Dr Karadzic poursuit et dit : "Mon explication est assez claire ?"
2 Le Dr Plavsic : "C'est trop compliqué. Les idées qui sont sorties un
3 peu plus tôt aujourd'hui sont beaucoup plus claires."
4 Lorsqu'elle fait référence "aux idées qui ont été présentées un peu
5 plus tôt," est-ce que Mme Plavsic revient sur l'idée de préserver la
6 Bosnie-Herzégovine en tant qu'une partie de la Yougoslavie ou parle-t-elle
7 d'autres idées ?
8 R. Lorsqu'il est dit que nous avons donné une image claire, je crois
9 qu'elle pensait à ce qu'elle-même avait pensé, c'est-à-dire que c'est
10 beaucoup plus clair pour elle que ce que M. Karadzic avait essayé
11 d'emballer le tout avec du beau papier, avec des digressions, c'est-à-dire
12 qu'il n'était pas en mesure de dire : "Il nous faut renoncer d'une idée de
13 la Yougoslavie pour accepter la Bosnie-Herzégovine." Alors que Mme Plavsic
14 dit : "Mon idée est très claire. Je veux ceci et je veux cela."
15 Chaque fois, c'était l'idée que nous voulions une Bosnie en Yougoslavie et
16 que nous n'avions rien contre. Mme Plavsic pensait ici à une Bosnie-
17 Herzégovine serbe, c'est-à-dire, une partie serbe de la Bosnie-Herzégovine.
18 Ce que les deux entités nationales n'acceptaient pas. Par exemple, si vous
19 disiez : nous aimerions qu'eux aussi fassent partie de la Yougoslavie, ce
20 serait imposer leur volonté. Mais elle n'explique pas comment.
21 Là ce que nous avons, c'est deux positions qui étaient en opposition. Nous
22 ne voulons pas leur imposer notre volonté. Nous ne voulons pas diviser la
23 Bosnie, alors que là, M. Karadzic dit : "Nous ne voulons pas diviser la
24 Yougoslavie."
25 C'est-à-dire que nous, nous essayons toujours de dire que nous étions
26 contre la division de la Bosnie. Nous voulions que la Bosnie reste en
27 Yougoslavie ou qu'elle se transforme mais pas la diviser. C'était un sujet
28 tabou entre guillemets, certaines personnes voulaient diviser la Bosnie et
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1 voulaient couper la chair. Il y avait d'autres personnes qui pensaient
2 comme elle, même avant elle, qui avaient exposé des idées de la sorte.
3 C'est pour cela qu'elle disait nous avons exposé, nous avons fait une
4 proposition claire, nos propositions sont claires, elles sont directes,
5 alors que ce n'est pas vraiment le cas. Elle dit qu'elle n'était pas
6 d'accord avec M. Karadzic.
7 Mais en réalité, M. Karadzic avait raison. Il voulait choisir le chemin, le
8 chemin de la négociation et nous mettre d'accord avec les deux autres
9 parties. C'était dans notre intérêt. Nous ne pouvions pas faire autrement.
10 Q. Ensuite le Dr Kalanic reprend la parole et il n'y a pas de questions
11 d'ailleurs à vous poser là-dessus. Ensuite, c'est vous, Monsieur Krajisnik
12 --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je pense que vous
14 allez maintenant aborder un nouvel extrait du compte rendu. Je regarde
15 quand même la pendule.
16 M. STEWART : [interprétation] Je suis entre vos mains, Monsieur le
17 Président. J'ai peut-être encore cinq minutes, s'il vous plaît.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Terminons avec cette 4e Session et vous
19 avez encore cinq minutes.
20 M. STEWART : [interprétation]
21 Q. Monsieur Krajisnik, c'est vous qui reprenez la parole, vous êtes
22 d'ailleurs le dernier à parler. Passons au deuxième paragraphe et vous
23 dites : "Toutes les choses doivent être dirigées. Il convient de faire les
24 choses en séquence. Si vous êtes d'accord avec moi, or vous l'étiez déjà
25 auparavant, certaines décisions qui ont été prises aujourd'hui doivent être
26 bien évaluées, parce que nous devons être sûrs de ne pas créer
27 d'association qui seraient contraires aux intérêts du peuple serbe. Avant
28 de voter, je vous demande de bien vous rappeler que vous envoyez un message
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1 à tous nos citoyens, au peuple serbe et aux autres, et le message c'est que
2 cette assemblée n'a pas pris de décision qui serait contraire aux intérêts
3 de Croates, de Musulmans, de Yougoslaves ou d'autres patriotes honnêtes.
4 "La décision que nous avons faite aujourd'hui vise à sauver notre Etat,
5 c'est notre priorité, c'est notre responsabilité et c'est ce que nous avons
6 fait aujourd'hui.
7 "Il n'y a pas une seule décision de l'assemblée serbe qui est visée à
8 contrer les décisions prises par le SDA ou par le HDZ. Tout ce que nous
9 avons fait a été motivé par notre désir de sauver le peuple serbe, de
10 sauver notre ordre constitutionnel, de sauver notre état de droit et de
11 préserver notre égalité.
12 "Je vous demande donc qu'une fois de plus d'envoyer un message très clair à
13 propos de ce qui a été décidé aujourd'hui. Il convient de voter sur les
14 informations qui vous ont été données, information qui est suivie par
15 d'autres détails qui vous seront donnés ultérieurement.
16 "Etes-vous d'accord avec cette information ?"
17 L'assemblée acclame à l'unanimité l'information qui a été annoncée par le
18 président.
19 Monsieur Krajisnik, quand vous dites : "Qu'il n'y a pas une seule décision
20 de l'assemblée serbe qui a été prise dans le but de contrer une décision
21 prise par le SDA ou le HDZ;" êtes-vous correct à 100 % quand vous affirmez
22 cela ?
23 R. Dans la vie, rien n'est correct à 100 %. Cela dit, en ce qui me
24 concerne, je peux dire que je n'ai jamais été d'accord avec des décisions
25 qui auraient été obtenues au détriment des deux autres peuples.
26 Evidemment, même l'or n'est pas pur à 100 %, mais ce n'était pas dans notre
27 intérêt de toute façon d'être contraire aux autres peuples.
28 Q. En ce qui concerne les décisions, vous êtes encore en train de traiter
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1 avec une position, il semblerait que les autres parties qui représentent
2 les autres nations qui voulaient l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine
3 n'étaient pas en fait identiques à votre position au sein du SDS, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Je suis désolé, votre question n'est absolument pas claire.
6 Q. Je vais la reformuler en plusieurs parties. Tout d'abord, il est bien
7 clair que le SDA et le HDZ voulaient eux évoluer vers l'indépendance de la
8 Bosnie-Herzégovine et allaient la demander cette indépendance ?
9 R. Oui.
10 Q. Or, la position de base du SDS, c'est que le SDS était contre cette
11 évolution.
12 R. Le SDS n'acceptait pas une Bosnie-Herzégovine non transformée. C'était
13 cela en fait notre position. Nous n'acceptions pas de Bosnie-Herzégovine
14 souveraine telle qu'envisagée par les Musulmans et les Croates, c'est-à-
15 dire, une Bosnie-Herzégovine unitaire. Il y a une grande différence entre
16 une Bosnie-Herzégovine unitaire et d'un autre côté, une Bosnie-Herzégovine
17 transformée et décentralisée.
18 M. STEWART : [interprétation] Je pense qu'il serait maintenant tout à fait
19 opportun de faire la pause.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons lever la séance
21 jusqu'à 11 heures 05.
22 --- L'audience est suspendue à 10 heures 38.
23 --- L'audience est reprise à 11 heures 12.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, veuillez continuer, je
25 vous prie.
26 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Messieurs les
27 Juges, je voudrais attirer votre attention sur un document qui a déjà été
28 versé au dossier. Nous avons préparé plusieurs copies de ce document. Il
Page 23405
1 s'agit d'une pièce assez courte qui porte la cote P64A. C'est une pièce de
2 M. Treanor, intercalaire 144, et c'est au classeur numéro 5. Nous avons ici
3 une copie de la version en original B/C/S à l'intention de M. Krajisnik,
4 que je serais reconnaissant de lui voir être remis. Il s'agit d'un PV en
5 version manuscrite d'une réunion du Club des députés du SDS, daté du 18
6 octobre 1991.
7 Q. Monsieur Krajisnik, avez-vous ce document qui est un PV de la session
8 du Club des députés du SDS, du Parti démocratique serbe, tenue le 18
9 octobre 1991, dans la salle bleue du Parlement de la Bosnie-Herzégovine,
10 avec la présence de 49 députés, et cetera ?
11 R. Oui, j'ai cette pièce.
12 Q. Monsieur Krajisnik, au cas où vous souhaiteriez étudier ce document,
13 vous pouvez le faire. J'aimerais que vous nous disiez d'abord si vous avez
14 été vous-même présent à cette réunion ?
15 R. Je pense bien que si. Je suis pratiquement sûr que c'est bien le cas.
16 Il se peut que l'on retrouve un endroit où j'aurais pris la parole.
17 Q. Une des raisons pour laquelle je pose cette question, M. Krajisnik, il
18 semblerait que cela ne soit pas le cas. Il se peut que vous ayez été
19 effectivement présent. Je ne pense pas qu'il soit possible de constater que
20 vous ayez pris la parole, n'est-ce pas ?
21 R. Je dois dire que je ne voie pas d'intervention de ma part ici.
22 Q. Vous venez de nous répondre, Monsieur Krajisnik.
23 J'ai pris la liberté de procéder à des marquages en marge. Je parle
24 notamment du point 29 en version anglaise. C'est la page 4 de la version
25 anglaise, et c'est vers la fin du document que vous avez entre les mains,
26 Monsieur Krajisnik.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, puis-je vous
28 interrompre ? Vous dites qu'il semblerait que M. Krajisnik ne doit pas
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1 avoir pris la parole, mais comment dois-je comprendre le fait qu'au bas de
2 la toute première page, il est fait état de son nom ? Est-ce que c'est
3 quelqu'un qui aurait dit quelque chose d'autre à son sujet ?
4 M. STEWART : [interprétation] Peut-être me trompais-je mais il me semble
5 que c'est quelqu'un d'autre qui mentionne le nom de M. Krajisnik. Il se
6 peut que je me trompe, toutefois. Peut-être pourrions-nous tirer cela au
7 clair.
8 Q. Monsieur Krajisnik, au bas de la toute première page de votre version,
9 en page 1 --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la troisième page à huit
11 lignes à compter du haut.
12 M. STEWART : [interprétation]
13 Q. On dit : "Krajisnik a présenté des renseignements sur les faits et
14 ainsi de suite."
15 Est-ce que vous voyez ce passage-là ?
16 R. En version serbe, vous avez dit troisième page, n'est-ce pas ? Je ne
17 vois pas.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les trois derniers chiffres ERN sont 50,
19 et vous voyez six lignes plus bas un numéro 1, puis quelques lignes, trois
20 lignes plus bas, on voit "14 octobre 1991." Ensuite j'ai l'impression que
21 c'est votre nom que l'on y voit à la quatrième ligne sous le
22 "premièrement."
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
24 M. STEWART : [interprétation]
25 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que c'est vous qui prenez la parole ou est-
26 ce que quelqu'un a dit que c'est vous qui avez dit quelque chose ou fait
27 quelque chose ?
28 R. Ici, il est dit : "Krajisnik, deux points", cela devrait être moi qui
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1 aie pris la parole. Celui qui a rédigé le PV, le rédacteur du PV constate
2 que j'aurais pris la parole pour dire quelque chose. Je crois bien que cela
3 doit être le cas. Je crois que c'est ce que je disais justement. Je crois
4 m'être servi de ces termes session illégale après la réunion du 14 dont il
5 est question.
6 Q. Monsieur Krajisnik, vous êtes d'avis que vous avez été présent à cette
7 réunion ?
8 R. Je le pense, mais je ne suis pas certain. Il faut que je vous dise en
9 toute franchise qu'il y a eu bon nombre de réunions, et il se peut que
10 j'aie été en réunion avec un autre Club de députés, parce que cela se
11 passait dans le bâtiment du Parlement. Je veux être sincère. Je ne peux pas
12 affirmer pour sûr, mais je pense avoir été présent.
13 Q. Messieurs les Juges, je crois que vous serez d'accord avec moi pour
14 dire que nous avons résolu la question autant que nous pouvions le faire.
15 Nous allons passer vers la fin de ce document, point 29. En marge de la
16 page, j'ai tiré un trait, et cela se trouve au numéro ERN 506. Le voyez-
17 vous ?
18 R. Oui, je l'ai retrouvé.
19 Q. Il est question du Dr Karadzic qui a pris la parole : "Une équipe de
20 dirigeants du parti au sein du gouvernement travaille jour et nuit. J'ai
21 décidé de proclamer un état d'urgence au parti. Veuillez transmettre le
22 fait que le parti fonctionne dans des circonstances d'exception. Il ne faut
23 faire aucun faux pas et nous devons prêter l'oreille à ce que disent nos
24 dirigeants. Il faut une discipline maximum."
25 On dit, M. Krajisnik, "que les dirigeants du parti, le gouvernement, le
26 conseil politique, ont travaillé jour et nuit," est-ce que vous avez fait
27 partie d'une équipe qui avait fonctionné jour et nuit comme il le décrit ?
28 R. Il serait peut-être bon que j'explique dans quel contexte Dr Karadzic
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1 a dit ceci, et ensuite, je vous répondrai. Je crois que cela vous sera
2 d'une plus grande utilité. Si vous le voulez, je peux directement répondre
3 à la question que vous posez, mais je pense que cela ne sera assez clair.
4 Q. Monsieur Krajisnik, je crois penser que personne n'aurait d'objection à
5 formuler concernant la fourniture du contexte d'abord.
6 R. Je dirais que j'ai analysé ce PV une fois que celui-ci a été présenté
7 ici avec M. Djokanovic, et même avant je pense. Ce qui fait que j'ai pu
8 tirer des conclusions concernant les propos de Karadzic. Vous allez vous en
9 rendre compte vous-même.
10 Avant M. Karadzic, c'est M. Dragan Djokanovic qui a pris la parole, qui lui
11 a témoigné ici. Il fait état de la guerre. Il a un ton assez troublé parce
12 qu'ils avaient voté en faveur de la souveraineté, nous étions censés aller
13 en guerre. La discussion était des plus déplaisante. M. Karadzic prend la
14 parole pour répondre à l'intervention précédente. Il dit : "Nous
15 travaillons, nous gardons sous contrôle. Il y a toute une équipe qui
16 travaille" pour apaiser les tensions qui faisaient leur apparition parce
17 que quelqu'un avait auparavant dit : "On aurait dû aller en guerre." Ce
18 sont les propos qui ont précédé.
19 Je veux maintenant répondre à la question que vous avez posée. Il y avait
20 des organes déterminés, un conseil du parti, il y avait un conseil des
21 ministres, il y avait des commissions, il y avait des experts, il y avait
22 des hauts responsables, il y avait un Conseil exécutif du Parti du SDS. Ce
23 qui fait en réalité que les députés, tout de suite après le 14, le 15, ont
24 voulu que l'on fasse quelque chose de radical. Et lui leur dit : "Attendez,
25 allons lentement. Il y a une équipe qui fonctionne. Nous avons tout placé
26 sous contrôle." C'est un message politique. Il dit que tout ces gens-là
27 sont en train de travailler.
28 Je me dois d'être sincère et dire qu'à l'époque, dans les milieux
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1 serbes, il y avait un grand bouleversement. Tout le monde discutait, mais
2 c'était difficile de trouver des solutions. Il est facile de trouver une
3 solution pour couper court et rompre tous les ponts. Parce que vous savez,
4 à une session du Parlement où on avait justement proposé quelque chose de
5 ce genre et Karadzic a pris un ton apaisant pour placer tout sous contrôle.
6 Je faisais partie de ce cercle. J'ai parlé des différentes instances en
7 place. Ce n'était pas une équipe de cinq ou six hommes ou de trois ou
8 quatre hommes. Nous tous avions débattu de ce moment très difficile pour la
9 population serbe.
10 C'est à peu près le contexte entier et la réponse que je pouvais
11 apporter à votre question.
12 Q. La décision de mettre en place en état d'urgence au sein du parti,
13 prise par le Dr Karadzic, a-t-elle été définitivement prise avant la
14 réunion de ce Club de députés ?
15 R. J'ai du mal à la dire, mais comme j'ai prêté serment, je dois le dire.
16 M. Karadzic avait toujours dit qu'il allait proclamer un état d'urgence,
17 qu'il allait installer la discipline, qu'il allait sanctionner, qu'il
18 allait révoquer certaines de leurs fonctions. Il se peut qu'à un moment
19 donné, il ait envoyé des messages de ce genre. Ce que je veux vous dire,
20 c'est que les gens n'ont pas changé grand-chose. Il y a un télex de Novi
21 Travnik, de Zivinica. Ces gens se trouvaient encerclés par des Musulmans et
22 ils nous informent de la mise en place de permanences.
23 Ce que M. Karadzic lui a dit c'est qu'il a effectivement peut-être
24 envoyé un courrier pour la mise en place d'un état d'urgence. Mais au
25 moment où il a pris la parole, c'était destiné aux oreilles des personnes
26 qui devaient entendre la phrase. Parce que Djokanovic, lui, avait dit qu'il
27 pensait qu'il fallait aller en guerre tout de suite, il ne le pensait pas
28 sérieusement. Je ne sais pas du reste pourquoi il l'a dit, il devait avoir
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1 pris peur. Pour ceux qui étaient en train d'écouter cela risquait de
2 générer la peur et le trouble. Alors, il a dit : "Attendez, étudions la
3 question, formulons des conditions à l'égard de la partie adverse,
4 réinstallons la constitutionnalité."
5 Et il voulait dire : essayons de procéder autrement. Donc, il voulait
6 réinstaller la constitutionnalité parce qu'il eut été facile de faire des
7 gestes radicaux, mais il a préféré faire quelque chose de constructif. Il a
8 dit : "Rétablissons l'ordre constitutionnel et nous, nous renoncerons à la
9 création d'un Parlement du peuple serbe."
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, je voudrais vous demander
11 de ralentir quelque peu, les interprètes sont à trois lignes derrière et le
12 Juge Hanoteau a une question pour vous.
13 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, quand on lit ce que dit M.
14 Djokanovic : "Je crois que nous devrions aller en guerre tout de suite."
15 Est-ce cela signifie que beaucoup de gens du SDS partageaient cette
16 opinion ? Est-ce que c'était une opinion complètement isolée ou est-ce
17 qu'il y avait ainsi un groupe de députés du SDS qui souhaitaient le conflit
18 tout de suite ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je vous dis que cela ce sont
20 des sornettes. Pas un homme sérieux ne l'a pensé au sein du SDS. Lui était
21 paniqué. Je le connais. C'est quelqu'un qui est sujet à la panique.
22 Personne au sein du SDS n'avait souhaité la guerre. Je dois le dire, mon
23 impression c'est que les autres partis ne voulaient pas la guerre non plus,
24 pas à ce moment-là. Ce qui fait que c'est un moment isolé. C'est la raison
25 pour laquelle Karadzic a réagi comme il a réagi pour apaiser les tensions,
26 parce que quelqu'un était déjà en train de parler de guerre en octobre
27 1991. Et l'on sait ce qui s'était passé en Croatie et on sait à quel point
28 il était dangereux de s'employer en faveur de telles choses. Et lui c'était
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1 le membre d'un autre parti, le Parti des fédéralistes. Il a été présent à
2 cette réunion, c'était le parti avec les membres du Club.
3 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous nous parlez, hier et aujourd'hui, de gens qui
4 étaient plus radicaux que d'autres et est-ce que ces gens qui étaient plus
5 radicaux que d'autres envisageaient un conflit ?
6 Pardonnez-moi, le conflit a existé quand même ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas en Bosnie, en Croatie, oui.
8 M. LE JUGE HANOTEAU : Le conflit a éclaté ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.
10 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce qu'au moment où nous nous situons, en octobre
11 1991, est-ce que vous sentiez que parmi les membres du SDS, il y avait déjà
12 des gens qui étaient animés à assumer un conflit ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens absolument d'aucun membre du
14 SDS que j'aurais entendu parler pour entamer la guerre tout de suite. Il se
15 peut qu'il y ait eu des déclarations individuelles où des particuliers
16 auraient eu des positions un peu plus radicales, mais il n'y a pas du tout
17 eu de souhaits d'entamer la guerre. Je dois être tout à fait honnête et
18 dire que des autres côtés, je n'ai pas entendu chose pareille à moins que
19 ne soient des interventions incontrôlées ou des individus irresponsables.
20 J'aurais peut-être pu dire : oui la partie adverse, l'avez-vous lu. Non, ce
21 n'est pas vrai, nous avions tous peur de la guerre. Les trois parties en
22 présence avaient peur de la guerre. Cet homme, ce qu'il a dit, je ne sais
23 pas du tout pourquoi il l'a dit. C'est la façon dont je vois les choses, du
24 moins.
25 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'efforce de répondre et je fais objection
27 pour ceux qui vont beaucoup trop vite et je vous remercie de m'avoir
28 prévenu.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart va vous donner un bon
2 exemple.
3 Monsieur Stewart.
4 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vais faire
5 de mon mieux.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur Stewart, lui il parle beaucoup
7 plus vite que moi.
8 M. STEWART : [interprétation]
9 Q. Monsieur Krajisnik, pour aller lentement, j'aimerais que nous
10 remontions au point 6 du même document. Je parle de la numérotation qui est
11 apposée.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est le 501 pour vous, Monsieur
13 Krajisnik.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en remercie.
15 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Je parle des points 5 et 6 où M. Radic prend la parole.
17 R. Oui, Trifko Radic, un député d'Ilijas. En réalité, c'est l'adjoint du
18 président du Club des députés.
19 Q. Et il dit : "Je ne veux pas me préoccuper davantage de cette infâme
20 assemblée," et on avait parlé de l'assemblée du Parlement de Bosnie-
21 Herzégovine, "on nous a déjà tout dit." Il faut que nous commencions à nous
22 employer en faveur du plébiscite du peuple serbe dès que possible. Est-ce
23 que nous allons continuer à fonctionner au sein de l'assemblée ? Est-ce que
24 nous pouvons fonctionner en tant qu'assemblée serbe et quel est l'impact de
25 cette décision de La Haye sur la population serbe en Bosnie-Herzégovine ?
26 "Ma municipalité, Ilijas, va se dissocier de Sarajevo et rejoindre
27 territorialement le District autonome serbe de la Romanija." Ici, les
28 choses ne sont pas tout à fait lisibles, "alors les gens se préparent pour
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1 la guerre, les gens veulent" --
2 Ici nous avons cette remarque qui est conforme à la version originale. Est-
3 ce que vous pouvez, vous, nous donner lecture de ce qui est dit dans
4 l'original pour ce qui est du texte original ?
5 R. Pour vous donner le contexte, je vais vous donner lecture. "Ma
6 municipalité Ilijas se dissociera de Sarajevo et sera annexée à la SAO de
7 la Romanija. Nous demandons à la direction de nous --" "Nous nous préparons
8 pour la guerre et la population veut --" La phrase n'est pas terminée.
9 Q. Oui, je comprends.
10 M. STEWART : [interprétation] La traduction anglaise ne fait que confirmer
11 tout simplement que certains mots font défauts.
12 Q. Au point 6, il est dit : "Nous devons voir ce qu'il nous faut faire.
13 Ils se préparent pour la guerre. Ne le comprenez-vous pas ?"
14 Est-ce que vous pouvez me dire : est-ce que c'est M. Radic qui parle
15 toujours ou c'est quelqu'un d'autre qui intervient ?
16 R. Laissez-moi juste quelques instants pour que je puisse lire.
17 Q. Je peux vous donner lecture du paragraphe numéro 6 tout entier, parce
18 que j'aurais des questions à vous poser. Il y est dit : "Il nous faut voir
19 ce qu'il convient de faire. Ils se préparent pour la guerre. Ne le
20 comprenez-vous pas ? Vous avez un soutien sans réserve pour tout ce que
21 vous faites. La concentration des forces croates est de plus en plus
22 grande, de jour en jour, dans la vallée de la Neretva. Nous sommes prêts
23 pour la guerre et nous pouvons défendre l'honneur serbe."
24 R. On ne voit pas ici qui est-ce qui parle ici, étant donné qu'il est
25 question de la vallée de la Neretva, cela ne peut pas concerner M. Radic.
26 Cela doit être un député originaire de l'Herzégovine, parce que c'est là-
27 bas qu'il y a eu une forte concentration des effectifs croates. La vallée
28 de la Neretva, là où se trouve Mostar et l'Herzégovine de l'est et de
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1 l'ouest, c'est ce secteur-là. Je peux essayer de deviner qui est-ce qui a
2 pris la parole, mais je n'en suis pas très sûr, parce que l'un des députés
3 avait sans cesse fait état de la vallée de la Neretva.
4 Q. Quel que soit le député en question à prendre la parole, et il était en
5 train de dire "qu'ils étaient prêts pour la guerre." De quelle perspective
6 de guerre est-il en train de parler ici ?
7 R. Ici, il est en train de faire du marketing. Il dit qu'ils sont prêts à
8 défendre la population serbe dans la vallée de la Neretva et de défendre
9 l'honneur serbe. Il dit que nous sommes prêts pour la guerre. A mon avis,
10 dans cette situation de panique, chacun de son propre point de vue est en
11 train de l'affirmer. L'armée populaire yougoslave existait encore, il avait
12 peut-être celle-ci à l'esprit, je ne sais pas trop vous le préciser. "Etre
13 prêt pour la guerre" ne signifie pas qu'on veut la guerre. Peut-être
14 psychologiquement parlant est-il prêt à défendre sa région. Il dit aussi
15 qu'il s'agit de défendre l'honneur serbe, c'est un peu épique.
16 Q. Monsieur Krajisnik, peut-être pourrais-je essayer de tirer au clair ce
17 que je voudrais vous entendre nous dire. Nous savons que la guerre en
18 Croatie dure là-bas depuis un certain temps, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. Et ce député, lui, parle de la concentration des forces croates dans la
21 vallée de la Neretva. Mais quand on dit ici "qu'ils se préparaient pour la
22 guerre," est-ce qu'il fait référence aux Musulmans ou aux Croates ? A qui
23 au juste ?
24 R. Cela fait partie du premier segment de cet alinéa 6. Il dit : "Ils se
25 préparent pour la guerre." Il a à l'esprit le côté croate. Il parle de
26 l'Herzégovine occidentale, parce que ceci est la frontière entre
27 l'Herzégovine de l'est et de l'ouest. C'est à eux qu'ils pensent. Je ne
28 sais pas s'il avait aussi les Musulmans à l'esprit, mais je crois que
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1 concrètement ici, il avait à l'esprit les Croates. Il parlait "des
2 Croates," des membres du groupe ethnique croate qui se préparaient pour la
3 guerre.
4 Q. Au point 9, un peu plus bas, c'est Jovan Tintor qui prend la parole.
5 Nous l'avons déjà vu auparavant, on sait qu'il s'agit de "Jovan." Ici, il
6 est dit J. Tintor. Alors, il dit : "Cela faisait un an qu'on écoute cela.
7 Il faut que les Serbes prennent l'initiative ou alors on dira que nous
8 avons trahi la population serbe. Je propose aux députés de nous battre pour
9 la Grande-Serbie. Il convient de décider tout de suite pourquoi il nous
10 faut nous battre."
11 Ce M. Tintor a-t-il été sur la ligne de pensée de la direction du SDS
12 lorsqu'il a dit ce qu'il a dit ici ?
13 R. M. Tintor a fait partie du comité fondateur du Parti démocratique
14 serbe. Mais à la fois, il a souvent fait des déclarations radicales, trop
15 teintées de revendications serbes. Et il a toujours été critiqué pour ce
16 qui était de baisser un peu le ton. Il a parlé de Grande-Serbie. S'il vous
17 demandait de quoi il s'agissait au juste, il expliquerait probablement
18 qu'il voulait que tous les Serbes vivent dans un seul et même Etat. Mais
19 cela n'a pas été la position officielle.
20 Je ne pense pas que les autres aient même pris la peine de commenter
21 ses propos. Je n'ai pas consulté le reste, mais je suppose que cela n'a pas
22 fait une très grosse impression sur les autres intervenants.
23 Q. Monsieur Krajisnik, je crois que vous pouvez mettre de côté ce
24 document-ci, et je me propose de vous en confier un autre. Cet autre
25 document n'a qu'une page.
26 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je précise que nous
27 avons suffisamment d'exemplaires. Nous ne savons pas si ce document a été
28 versé au dossier, mais nous pouvons vérifier pour être certain de ne pas
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1 avoir de doublons.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes.
3 M. STEWART : [interprétation] Il s'agit du document
4 ET 00317417. Le document est en train d'être distribué aux parties dans le
5 prétoire. Il n'y a qu'une page à celui-ci.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai.
7 M. STEWART : [interprétation]
8 Q. Je pense que vous allez le lire en quelque 30 secondes. Il semble que
9 ce soit un télégramme de M. Karadzic, en tant que président du SDS, adressé
10 aux conseils municipaux du SDS, Zavidovici. C'est en date du 18 octobre.
11 Bien entendu, c'est 1991. "Je prononce, suite à l'autorité qui m'a été
12 donnée par les statuts, l'état d'urgence pour ce qui est du SDS, ce qui
13 contraint tous les membres, le personnel et les organes du SDS, à obéir aux
14 autorités du parti. Vous recevrez des instructions à propos des mesures à
15 prendre tous les jours. La première mesure à prendre est d'organiser des
16 réunions quotidiennes des conseils municipaux, et d'être certains qu'il y
17 ait présence 24 heures sur 24 dans les bâtiments du parti."
18 Monsieur Krajisnik, avez-vous joué le moindre rôle dans ce télégramme, pour
19 ce qui est de son envoi, par exemple ?
20 R. Non, absolument pas. Je n'ai joué aucun rôle, mais j'aimerais ajouter
21 une petite chose à propos de ce télégramme.
22 Q. Allez-y.
23 R. Il y a ici un document du SDS qui est ici au Tribunal qui vient du SDS
24 de Zavidovici qui dit bien qu'ils sont en état d'urgence, et il faut donc
25 qu'il y ait astreinte. Il y a aussi Novi Travnik et quelqu'un d'autre.
26 J'ai trouvé cela quand j'étais en train de regarder les documents.
27 Je n'ai pas entendu dire que Krajisnik avait envoyé ce type
28 d'instructions. Je ne savais même pas qu'il avait imposé l'état d'urgence.
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1 Je crois que c'était juste du marketing politique, mais j'ai vu le
2 télégramme ici quand je suis arrivé ici. Je l'ai vu dans les documents qui
3 nous ont été fournis par le bureau du Procureur. Novi Travnik, et cetera,
4 on envoie des consignes. Eux, ils envoient des rapports comme quoi ils sont
5 en effet en astreinte tous les jours, et je sais qu'il y a d'autres
6 conseils municipaux du SDS qui sont impliqués. M. Karadzic était assez
7 furieux, parce qu'il n'arrivait même pas à résoudre les questions les plus
8 simples, parce qu'il n'a pas assez de discipline, et cetera. J'avais
9 l'impression qu'il y avait les choses qui se passaient, certes. Il y avait
10 des discussions à propos des assemblées, les conseils municipaux. Je ne
11 sais pas vraiment s'ils recevaient vraiment des consignes différentes ou
12 quoi que ce soit. Voilà ce que je sais, en tout cas, pour ce qui est du
13 SDS. Ils ont répondu. Ils ont dit : "Oui, maintenant nous avons établi des
14 listes d'astreintes pour être certains qu'il y ait permanence 24 heures sur
15 24."
16 Q. Monsieur Krajisnik, vous mentionnez ce document qui nous vient de Novi
17 Travnik et justement, le voici qui apparaît comme par magie.
18 R. C'est extraordinaire.
19 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit du P64, P65, intercalaire 51 et le
20 P529 qui se trouve à l'intercalaire 7.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous avons aussi la même
22 information. Le --
23 M. STEWART : [interprétation] Je remercie beaucoup mes éminents confrères
24 de m'aider.
25 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé. Le transcript semble dire que
26 nous parlions de documents qui nous viennent de Novi Travnik, alors que la
27 référence était au télégramme qui venait de Zavidovici.
28 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je suis de toute manière reconnaissant
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1 de toute aide qui m'est offerte pour ce qui est de la provenance du
2 document. Nous allons tout vérifier de toute façon par la suite pour éviter
3 qu'il n'y ait pas redondance de pièces à l'avenir.
4 Q. Monsieur Krajisnik, il s'agit d'un document qui est horodaté au 20
5 octobre 1991. Cela, c'est la date de réception. La date d'émission du
6 document serait du 19 octobre. Cela nous vient du conseil municipal de Novi
7 Travnik, et cela semble être le document auquel vous faisiez référence dans
8 votre réponse, le document qui émanait de Novi Travnik ?
9 R. Oui, tout à fait. J'avais compris que le fait qu'il y ait maintenant
10 astreinte, c'était du fait de l'état d'urgence. Ils n'ont pas vraiment dit
11 quelles autres mesures ils avaient prises. Ici, c'est tout ce que j'ai
12 trouvé. Ensuite, à l'époque, je tiens à dire quand même que je n'avais pas
13 l'impression que l'on envoyait des consignes spéciales, et je n'avais pas
14 entendu parler de la part de M. Karadzic, bien qu'il y ait toujours un amas
15 de courrier qui soit échangé à l'époque. En fait, j'ai l'impression que
16 c'est un peu une mesure autonome qui a été prise ici.
17 Q. La déclaration de l'état d'urgence par le SDS, à l'époque, a-t-elle eu
18 des effets perceptibles sur votre travail au quotidien, sur vos activités
19 quotidiennes ?
20 R. Non, absolument pas. De toute manière on était toujours en état
21 d'urgence. La Bosnie-Herzégovine était en état d'urgence. Il y avait
22 toujours des négociations, des pourparlers, des crises, des rumeurs, de la
23 désinformation, de vraies informations. On vivait là-dedans. J'ai vécu
24 ainsi depuis le moment où j'ai pris le poste de président de l'assemblée
25 jusqu'à la fin. C'était l'ambiance. Ce geste très spécifique ne peut pas
26 être relié à cet état d'urgence du tout.
27 Q. Oui. Vous pouvez remettre maintenant ce document de côté.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, Monsieur le Greffier
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1 nous a trouvé le P64A, à l'intercalaire 143 et le P529 à l'intercalaire 9.
2 M. TIEGER : [interprétation] J'ai le P529 à l'intercalaire 9, qui est
3 correct, mais j'ai aussi l'intercalaire 52, pour ce qui est en tout cas du
4 P65. Je vais vérifier tout cela pour être certain qu'il n'y ait pas quand
5 même duplication du source, voire des sources en triple exemplaire.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ce serait bien quand même de bien
7 vérifier le --
8 M. STEWART : [interprétation] On va essayer aussi de ne pas quadrupler les
9 sources tant qu'on y ait. C'est ce qu'on essaie de faire.
10 Q. Maintenant, je vous donne un autre document. Il s'agit encore d'un seul
11 feuillet, Monsieur Krajisnik, et nous avons, bien sûr, des exemplaires pour
12 toutes les personnes dans le prétoire. Il s'agit d'un télex qui doit être
13 adressé au maire. C'est un ordre du SDS de Sarajevo qui a été découvert
14 lors de la réunion des maires tenue le 26 octobre 1991 à 15 heures à Banja
15 Luka, dirigée par le Dr Karadzic et accepté par la présidence de la Région
16 autonome de la Krajina et le gouvernement de la Krajina. Il semble que cela
17 soit signé par un coordinateur pour la mise en œuvre de la décision,
18 Radoslav Brdjanin, qui est vice-président de l'assemblée de la Région
19 autonome de Celinac. Ceci est daté du 29 octobre 1991.
20 Je voudrais vous demander si vous avez participé à la réunion qui
21 semble être organisée par le biais de ce télex, Monsieur Krajisnik ?
22 R. Le 26 octobre. Non, je ne pense pas que j'y ai participé. Je ne peux
23 pas vraiment vous dire quoi que ce soit. Je n'en ai pas entendu parler à
24 aucune réunion où j'ai participé. Quant à savoir s'il y a bien eu une
25 réunion à ce moment-là, cela, peut-être que quelqu'un en a parlé, et en a
26 parlé de la façon qu'il leur plaisait le plus. Enfin, je ne peux pas vous
27 dire. Je ne peux vraiment vous dire si j'y étais ou si j'y n'étais pas.
28 Pour ce qui est du contenu, assez étranger. Je ne sais même pas si
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1 j'ai jamais vu ce document. Peut-être que oui, peut-être que non. Non, je
2 pense que non.
3 M. Brdjanin avait tendance à s'exprimer de cette façon dans ses réunions.
4 Il était contre la désertion, contre ce type de choses. S'il y a bien eu
5 réunion à Banja Luka - il y a sans doute eu réunion à Banja Luka - peut-
6 être M. Karadzic a essayé - enfin, comment le dire ? Peut-être que M.
7 Karadzic a essayé de stimuler un peu les personnes qui étaient présentes
8 pour répondre aux appels de mobilisation de la JNA, parce que les gens
9 n'étaient pas très pressés de se rendre à la mobilisation.
10 Pour tout ce qui est mentionné ici, je ne pense vraiment pas que
11 Karadzic s'exprimait ainsi. C'est quoi tout cela ? Commandement, il faut
12 établir des commandements ? C'est complètement hors de question. Karadzic
13 n'aurait jamais dit cela. Non, Karadzic n'aurait jamais dit cela. Des
14 centres de commandement pour ce qui est des villes et des villages, cela
15 est une expression de partisans. Non, ce n'est pas du tout ce que dirait M.
16 Karadzic.
17 Q. Monsieur Krajisnik, juste pour le compte rendu, il y a quelques points
18 que j'aimerais souligner. Il y a 14 points. Premièrement, le numéro 5,
19 prendre le pouvoir des sociétés nationalisées, des postes, des institutions
20 de comptable, de la justice et surtout des médias de communication de
21 masse, donc de la télévision et de la radio/télévision.
22 En octobre 1991, est-ce que vous aviez connaissance d'instruction
23 éventuelle donnée par M. Karadzic ou au nom de
24 M. Karadzic et qui demanderait que l'on prenne le pouvoir de sociétés
25 nationalisées, des services de la poste, de toutes les institutions du
26 trésor, et cetera, dans les municipalités ou les régions de Bosnie-
27 Herzégovine.
28 R. Je vais essayer d'être précis dans ma réponse. A ma connaissance,
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1 M. Karadzic disait souvent : Pourquoi est-ce que vous voulez quelque chose
2 de nouveau, et vous n'avez pas pris le pouvoir là où vous avez le pouvoir ?
3 Ce qui signifiait, en fait, vous avez encore des communistes ici, là, des
4 personnes qui viennent de l'ancien régime, enfin ce genre de choses. Nous
5 n'avons pas de gouvernement parce qu'ils n'ont rien fait.
6 En tout cas, la façon de parler ici n'est pas du tout celle de
7 Karadzic. Karadzic, c'était : Prenez le pouvoir. Vous avez gagné les
8 élections, et mettez en œuvre les choses de la façon dont on a convenu avec
9 nos partenaires. C'est simple. Le pouvoir n'a pas été exercé de la façon
10 dont était convenu auparavant dans nos nombreuses municipalités. Pour ce
11 qui est de ce document, absolument pas.
12 Q. S'il vous plaît, je ne suis pas certain absolument de la version
13 anglaise. Pourriez-vous nous lire le point 6. C'est un point extrêmement
14 court. Si vous pouviez le lire à haute voix, nous en aurons la traduction.
15 R. "Pour les stations de radio, il faut annoncer une programmation de
16 guerre."
17 Q. A l'époque, aviez-vous connaissance du moindre plan de programme de
18 guerre pour les stations de radio ?
19 R. Non, absolument pas, non.
20 Je voudrais ajouter quelque chose. Il s'agit sans doute d'une
21 interprétation extrêmement libre de quelque chose qui, en effet, visait -
22 il y avait la guerre en Croatie et les stations de radio avaient parfois
23 des faits assez déprimants sur le moral. Les gens ont dû dire : Il faut
24 remonter un peu le moral par le biais des stations de radio. Pour ce qui
25 est d'une programmation de guerre, officielle, non absolument pas. Ce n'est
26 pas vrai. Je suis certain que
27 M. Karadzic n'aurait jamais dit cela, à moins que là il s'agisse de quelque
28 chose dont je n'ai aucune idée. Mais à ma connaissance,
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1 M. Karadzic ne proposerait jamais ce type de mesure. D'ailleurs, ce ne
2 serait pas possible, puisqu'il ne peut pas y avoir de programmation de
3 guerre s'il n'y a pas de guerre. Or, il n'y avait pas de guerre en Bosnie-
4 Herzégovine à l'époque.
5 Q. Au point numéro 12, il est dit la chose suivante, je cite : "S'il y a
6 des formations paramilitaires, elles doivent être démantelées et elles
7 doivent être transférées au sein des armées territoriales." ce auquel ils
8 font fait référence sous le sigle TO. Donc, "ceci doit être mis en œuvre."
9 Monsieur Krajisnik, à la fin octobre 1991, avez-vous été impliqué dans la
10 moindre discussion avec le Dr Karadzic ou d'autres leaders du SDS pour ce
11 qui est des formations paramilitaires ?
12 R. Cette formulation, oui, ce serait tout à fait possible pour mars ou
13 avril 1992, mais pas en octobre 1991. Il n'y a pas de Défense territoriale
14 établie. S'il y a des formations paramilitaires, elles pouvaient être
15 plutôt en Croatie, avec peut-être certaines personnes qui reviendraient,
16 mais uniquement des personnes. C'est tout à fait illogique d'arriver à
17 cette conclusion, en 1991, en octobre 1991. Je ne comprends même pas ces
18 Défenses territoriales qui se seraient impliquées et qui devraient être
19 impliquées dans la JNA, d'accord. A mon avis, c'est totalement nul et sans
20 avenu. S'il n'a aucune base, que M. Karadzic ait suggéré cela, c'est
21 impossible. C'est quelqu'un d'autre qui l'a formulé et de façon erronée qui
22 plus est.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, j'ai remarqué que dans
24 la traduction anglaise le cachet n'a pas été traduit. Le cachet du document
25 n'a pas été traduit. Je ne sais pas si c'est confirmation d'une date de
26 réception ou si c'est la confirmation de la date d'émission du document.
27 M. STEWART : [interprétation] Je suis absolument désolé. Je ne peux pas
28 vraiment vous répondre, car nous avons évacué, si je puis dire, tous les
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1 documents en B/C/S.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'aimerais quand même que
3 l'Accusation regarde le P529, à l'intercalaire 13, qui semble être
4 identique au document que nous regardons à l'heure actuelle, ainsi que le
5 P64A, intercalaire 325, pour voir si là le cachet a bel et bien été
6 traduit. Sinon, il conviendrait peut-être de nous fournir des informations
7 supplémentaires sur ce cachet.
8 M. STEWART : [interprétation] J'espère que vous me comprenez. Je n'ai plus
9 de document, j'en ai disposé malheureusement.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'était un document qui a été
11 communiqué par l'Accusation. Donc, c'est à eux de faire le travail des
12 recherches.
13 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer.
15 M. STEWART : [interprétation] Je vais maintenant passer à un document qui
16 est déjà versé au dossier. Il s'agit du P529.22.1. Je pense, Messieurs les
17 Juges, que vous le connaissez bien maintenant. C'est le numéro de
18 l'exemplaire 93 dans le document qui est bien connu. Ce sont les fameuses
19 Variantes A et B. Je pense que
20 M. Krajisnik ne sera pas surpris de le voir.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je ne sais pas pourquoi il faut
22 absolument le distribuer d'ailleurs. Cela pourrait nous éviter du travail.
23 Enfin, s'il le faut, nous pouvons l'amener. Bien sûr, nous pouvons
24 l'obtenir.
25 M. STEWART : [interprétation] J'espère que M. Krajisnik a eu une version
26 dans sa propre langue.
27 Q. Vous l'avez ?
28 R. Tout à fait.
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1 Q. Monsieur Krajisnik, dans ce prétoire, je pense que vous avez déjà vu
2 plusieurs exemplaires de ce même document. La question préalable à tout est
3 simple : avant de venir à La Haye, avant de venir à La Haye en avril 2000,
4 aviez-vous jamais vu ce document ou un document peut-être ayant une
5 référence différente, mais qui aurait la même teneur ?
6 R. Je ne sais pas. J'ai vu tellement de document ici. Je l'ai vu tellement
7 de fois celui-ci, je ne sais même plus si je l'ai vu avant l'arrivée à La
8 Haye.
9 Q. On le connaît bien, en tout cas. C'est celui auquel on fait référence
10 sous le titre Variantes A et B. Je pense que vous en êtes d'accord.
11 R. Oui, tout à fait.
12 Q. Vous avez assisté à de nombreuses audiences, vous avez entendu beaucoup
13 de témoignages, vous avez entendu des dépositions à propos des
14 distributions de ce document sous cette forme à la fin décembre 1991.
15 Enfin, vous vous souvenez quand même qu'il y a des dépositions allant dans
16 ce sens venant de nombreux témoins ?
17 R. Oui, je m'en souviens bien.
18 Q. Monsieur Krajisnik, si on en revient aux 15 derniers jours de décembre
19 1991, avez-vous participé à la moindre réunion au cours de laquelle un
20 document de ce type aurait été présenté, voire distribué ?
21 R. Je suis sous serment. C'est pour cela qu'il faut que je m'explique. Je
22 ne me souviens pas m'être trouvé où que ce soit où ce document a été
23 distribué. Peut-être qu'il a été distribué lors de l'assemblée du 21
24 décembre. Je ne faisais pas attention, puisque là, j'essayais de savoir
25 comment répondre à l'initiative de la Communauté européenne pour qu'elle ne
26 reconnaisse pas la Bosnie-Herzégovine. Ce n'était pas un point central à
27 aucune des réunions, et ce n'était pas un point qui aurait attiré mon
28 attention. Peut-être cela a été distribué à une table quelconque, mais je
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1 n'y ai pas fait attention.
2 Pour ce qui est de la création de ce document, je n'ai jamais participé à
3 la rédaction ou à l'élaboration de ce document. Je ne l'ai pas obtenu à
4 l'époque d'ailleurs. Si je l'avais reçu, j'aurais peut-être au moins
5 regardé et peut-être posé de côté. Parce qu'à mon avis, ce n'était pas
6 important de toute façon.
7 J'ai analysé la situation et je peux répondre. Je pourrais obtenir un
8 doctorat en matière de Variantes A et B. Parce que maintenant, je le
9 connais ce document. Je l'ai lu et l'ai analysé. Je pourrais vous en faire
10 tout un argumentaire.
11 Messieurs les Juges, si vous êtes vraiment intéressés, il faut que
12 vous sachiez exactement quelle était la vérité à propos de ce document. Je
13 n'ai pas participé à ce document. Je n'ai pas participé à la rédaction de
14 ce document, à l'élaboration de ce document, et j'ai ma propre opinion pour
15 ce qui est de ceci, mais je n'y ai pas participé.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik,
17 M. Stewart va vous guider au travers de tout ceci. Il connaît très bien la
18 différence entre un témoin, un témoin expert. Ne vous inquiétez pas, il
19 saura exactement vous poser les bonnes questions.
20 Monsieur Stewart.
21 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur Krajisnik, tout d'abord, vous allez sans doute penser que ces
23 questions sont un peu superflues et ont déjà eu leurs réponses, mais il
24 faut que nous procédions par étape. Donc, que vous donniez des réponses
25 bien précises. Avez-vous assisté à la moindre réunion du conseil principal
26 en 1991, au cours de laquelle ce type de document aurait été discuté ?
27 R. Je sais que je vous ai déjà répondu, mais je réponds à nouveau. Je n'ai
28 jamais participé à aucune réunion du conseil principal au cours duquel ce
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1 document aurait été débattu, voire identifié, que ce soit une réunion
2 conjointe ou quoi que ce soit, pour ce qui de ces Variantes A et B. Là, je
3 n'en ai aucun souvenir. Je pense que si j'avais vu un document de cette
4 teneur, j'en aurais quelques souvenirs. J'essaie d'être précis dans ma
5 réponse. Je pourrais peut-être même être encore plus affirmatif.
6 Q. Monsieur Krajisnik, un document de cette teneur, de ce type, aurait-il
7 pu être discuté lors d'une réunion du conseil exécutif, du conseil
8 principal à votre insu, si je puis dire ?
9 R. Oui, théoriquement, oui.
10 Q. Oui, mais on n'est pas dans la théorie, Monsieur Krajisnik; on est dans
11 le pratique.
12 R. Je vous dis, qu'en théorie, oui. Je pense qu'à un moment où à un autre,
13 j'en aurais été averti. C'est un document important. Quelqu'un aurait dû
14 m'en parler. C'est pour cela que je dis théoriquement, oui, cela aurait pu
15 être élaboré à mon insu. Mais non, vu que personne par la suite ne m'en a
16 parlé, alors que quelqu'un aurait dû me l'amener, que si je devais jouer un
17 rôle quelconque, quelqu'un aurait dû au moins m'en faire part.
18 Q. Passons maintenant à un passage qui se trouve presque à la fin du
19 document. Je ne parle pas des notes manuscrites qui se trouvent à la fin du
20 document, mais à la fin de la portion dactylographiée, donc du paragraphe
21 numéro 4 qui se trouve à la fin de la portion dactylographiée. Vous l'avez
22 retrouvé ?
23 R. Oui.
24 Q. Est-il bien écrit, après ce paragraphe 4 : "Cellule de Crise du SDS" ?
25 R. Oui.
26 Q. En décembre 1991, y avait-il une entité de ce type qui a été créée,
27 donc une cellule de Crise du SDS ?
28 R. Je n'avais pas entendu parler de cette entité à l'époque. Je suis
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1 certain qu'il n'y avait pas de cellule de Crise qui ait existé au SDS, en
2 tout cas, au niveau de la république.
3 Q. Monsieur Krajisnik, maintenant, je vais vous poser des questions sur le
4 contexte.
5 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît,
6 Monsieur Krajisnik pourrait-il lire le début du paragraphe, parce que nous
7 avons lu de différentes interprétations de ce document. Evidemment, on
8 comprend bien qu'en serbe, il n'y a qu'un seul exemplaire. Visiblement, il
9 y a eu plusieurs traductions qui ont été interprétées plus ou moins
10 différemment, et parfois un peu différentes. Pourriez-vous nous les lire ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, il y a des différences. Quand
12 un document est traduit deux ou trois fois, chaque traducteur y met sa
13 patte.
14 Monsieur Tieger, êtes-vous d'accord ?
15 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai aucune objection évidemment à qu'on
16 fasse ceci dans la salle de ce prétoire, mais l'intérêt de l'avoir lu est
17 de résoudre toute différence qui pourrait exister entre différentes
18 traductions. Je pense que le meilleur cap à suivre serait de demander au
19 CLSS de se concentrer sur les mots écrits, et traduire des mots écrits,
20 parce que les interprètes en simultanée vont encore interpréter, il y aura
21 encore une cinquième traduction puisque les interprètes ne vont pas
22 traduire mot à mot, ils vont interpréter à nouveau.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, alors on va avoir encore une
24 cinquième version, si cela se trouve, celle qu'on a sous les yeux est la
25 bonne.
26 Monsieur Stewart, je suis tout à fait d'accord avec M. Tieger qui
27 serait de dire d'avoir enfin une traduction qui serait gravée dans le
28 marbre une bonne fois pour toutes et qui nous viendrait du CLSS, plutôt que
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1 de le faire relire à nouveau pour qu'on n'ait plus à le lire et à le faire
2 traduire par les interprètes. C'est comme demander à M. Krajisnik s'il est
3 bien écrit "cellule de Crise." Moi-même en B/C/S maintenant, j'arrive à
4 lire "la cellule de Crise." Cela nous prend du temps et ce n'est pas
5 vraiment très efficace, car cela soulève plus de questions qu'autre chose.
6 A moins qu'il y ait vraiment un point extrêmement spécifique dont
7 vous voulez parler avec M. Krajisnik maintenant, je pense qu'il vaudrait
8 mieux que vous parliez de différence de traduction avec M. Tieger, que vous
9 en entreteniez, que vous envoyez tout ceci ensuite au CLSS pour qu'on ait
10 une traduction une bonne fois pour toutes, une traduction dans le marbre.
11 M. STEWART : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais je pense en fait qu'on
12 va encore en arriver avec une cinquième version. Je voulais demander bien
13 sûr aux interprètes dans la cabine anglaise de ne pas utiliser le document
14 en anglais et lire la version anglaise qui est devant eux parce qu'il y a
15 quatre versions différentes.
16 Le problème avec ces quatre traductions différentes, c'est que nous
17 ne sommes pas très contents du numéro 93. Je ne sais pas si le numéro 100
18 sera bien mieux, mais enfin quatre traductions différentes, c'est assez
19 difficile à gérer. Ce serait bon d'avoir une bonne traduction une bonne
20 fois pour toutes.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Restons simples. Si vous posez une
22 question à M. Krajisnik sur l'une des différences de traduction qui
23 existent, dans ce cas-là, bien sûr, il faut traiter le problème avant de
24 poser la question à M. Krajisnik. S'il s'agit uniquement en revanche
25 d'avoir la meilleure traduction possible qui soit gravée dans le marbre une
26 bonne fois pour toutes et s'il nous faut choisir la meilleure, alors qu'on
27 ne sait pas laquelle est la meilleure des quatre, je pense que là, il
28 faudrait bien mieux suivre la procédure qui nous a été proposée par M.
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1 Tieger. Tout dépend de votre question à venir.
2 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je -- ou plutôt,
3 non, non, d'accord. On laisse faire pour l'instant et nous allons résoudre
4 ce problème d'une autre façon.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
6 M. STEWART : [interprétation]
7 Q. Monsieur Krajisnik, je vous demanderais de lire en votre for intérieur,
8 et cela ne devrait pas durer trop longtemps puisque vous avez déjà pris
9 connaissance du document auparavant, lisez, je vous prie, les quatre
10 paragraphes d'introduction. Dites-nous lorsque vous aurez terminé, je vous
11 prie.
12 R. Oui, je l'ai lu.
13 Q. Très bien, merci. Vous êtes rapide.
14 Monsieur Krajisnik, passons maintenant aux Variante A et B, et vous
15 comprenez, n'est-ce pas, que la Variante A s'applique d'ailleurs sur les
16 municipalités que vous pouvez voir dans les paragraphes d'introduction, là
17 où les Serbes étaient majoritaires et la Variante B s'appliquait sur les
18 municipalités où les Serbes n'étaient pas majoritaires, n'est-ce pas ?
19 C'était là la distinction principale, n'est-ce pas ?
20 R. Oui.
21 Q. A la lumière de cette distinction, est-ce que vous pouvez nous faire
22 une observation d'ordre général quant à la Variante A dans ce document et
23 son inclusion dans ce document ?
24 R. La Variante A, il était complètement inutile de la mettre là, toutes
25 les obligations qui sont énumérées ici, il était impossible de mettre en
26 œuvre ce qui a été stipulé ici, car on parle de zones dans lesquelles les
27 Serbes avaient le pouvoir. On dit ici que l'assemblée serbe devrait être
28 introduite ou que le Conseil exécutif devrait être dissous, et cetera. Je
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1 ne connais absolument aucun endroit où la Variante A avait été mise en
2 œuvre. Nous avions Bosanski Petrovac où ils avaient reçu effectivement ce
3 document supposément, mais ils ne l'ont pas mis en œuvre puisqu'ils étaient
4 censés dissoudre l'assemblée et ensuite créer une assemblée serbe. C'était
5 tout à fait illogique de procéder de la sorte.
6 S'il avait été possible d'appliquer ce document, ce n'est que la Variante B
7 qui aurait pu être appliquée. La Variante A était complètement superflue.
8 Je n'ai jamais entendu de qui que ce soit, d'aucune localité, qu'ils
9 avaient mis en œuvre la Variante A. Tout nous ramenait à la cellule de
10 Crise qui était complètement autre chose. Mais ils n'ont pas procédé à la
11 création de Conseil exécutif de l'assemblée serbe. Tout ceci était
12 superflu.
13 Q. Lorsque vous dites que c'était superflu, Monsieur Krajisnik, un très
14 grand nombre de points énumérés dans la Variante A correspondent au point
15 de la Variante B, n'est-ce pas ? Vous pouvez devoir les comparer ?
16 R. Oui. C'est exact.
17 Q. Lorsque vous répondez par l'affirmative, vous pensez au point 4, vous
18 vous concentrez surtout sur le point 4, n'est-ce pas, proclamer et
19 organiser l'assemblée du peuple serbe ?
20 R. Oui. Comment est-ce que cela marche ? Voilà : vous avez une assemblée
21 municipale dans laquelle vous avez une majorité et ensuite il faut la
22 dissoudre et appeler l'assemblée du peuple serbe. C'est complètement dénué
23 de tout sens logique. Personne n'aurait pu mettre en œuvre ce genre de
24 chose.
25 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous avez quelque raison pratique que ce
26 soit de dire pourquoi est-ce que des municipalités où les Serbes étaient
27 majoritaires, pourquoi une telle municipalité aurait dû entreprendre les
28 démarches d'appeler et de proclamer l'assemblée du peuple serbe de la
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1 municipalité ?
2 R. Non, non, absolument pas. C'est complètement superflu. Il n'était pas
3 nécessaire de procéder de la sorte. Pourquoi est-ce qu'ils auraient dû
4 faire cela ? Cela a été confirmé par la pratique. Regardez Banja Luka,
5 Bosanski Petrovac. Il y avait une assemblée qui existait déjà. Les Croates,
6 les Musulmans auraient pu quitter cette municipalité car ils y étaient
7 minoritaires. Pourquoi est-ce que les Serbes auraient voulu créer une
8 assemblée serbe ? Je ne vois vraiment pas comment est-ce que cela aurait pu
9 être mis en œuvre dans les faits. C'est comme si quelqu'un avait écrit ce
10 texte sans réfléchir. On parle de Dubica, de Prnjavor, on parle d'autres
11 endroits; nos témoins sont venus de toutes les localités, toutes sortes de
12 localités, mais aucune assemblée serbe n'avait été créée dans aucune de ces
13 localités. Peut-être qu'une assemblée serbe existait déjà là, mais personne
14 n'avait dissous l'assemblée pour procéder à la création d'une nouvelle
15 assemblée.
16 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous trouvez d'autres indications dans
17 ce document qui vous permet de nous dire comment est-ce que ce document a
18 été rédigé ? Qui en est responsable ? Qui conçu le document en question ?
19 R. Je peux vous donner mon opinion. Je peux vous dire ce que je sais.
20 Lorsque je suis arrivé ici au quartier pénitentiaire, j'avais reçu des
21 documents provenant de l'enquêteur qui avaient été envoyés à M. Karadzic
22 pour qu'il s'en informe. Plus tard, une lettre rédigée par M. Bjelica m'a
23 été envoyée. Des vétérans de guerre de la Deuxième Guerre mondiale étaient
24 concernés par le danger imminent, et cetera. Ce document a été envoyé à
25 toutes les parties.
26 J'ai analysé le document. J'essaie de laisser de côté cette expertise
27 car le Président m'a demandé de le faire mais je peux vraiment vous
28 affirmer que la Variante A n'a aucune base, n'est pas basée sur l'effet.
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1 Pour ce qui est de la Variante B, je pourrais vous donner une autre
2 explication. Plus particulièrement, puisque vous voyez des mots comme
3 "commandant." Par exemple, j'ai entendu à une reprise, le mot "commandant
4 de la cellule de Crise." Partout ailleurs, on l'appelait président de la
5 cellule de Crise ou président de la cellule de Crise donc, un civil.
6 Q. Je crois que vous pensez au paragraphe 3, Monsieur Krajisnik, n'est-ce
7 pas ? Cette référence au paragraphe 3 où on voit dans la Variante A, un
8 premier niveau ?
9 R. Oui.
10 Q. "Le président de l'assemblée municipale, "le chairman," le président
11 encore une fois du comité exécutif deviendra le commandant de la cellule de
12 Crise.
13 "Le commandant nommera un membre de la cellule de Crise." C'est ce
14 qu'on est en train de nous dire, n'est-ce pas ? C'est à cela que vous
15 faites référence ?
16 R. Oui. C'est une terminologie militaire. C'est issu de la terminologie
17 militaire lorsqu'on parle de commandant d'une cellule de Crise, par
18 exemple, ce sont des termes militaires. J'ai même vu dans un document le
19 terme "Commandant de la cellule de Crise," mais partout ailleurs, on voit
20 le mot "Président." Même lorsque M. Deronjic a déposé devant vous, il n'a
21 pas parlé du commandant de la cellule de Crise car cela relèverait de la
22 terminologie militaire et non pas d'une terminologie civile. Alors que la
23 cellule de Crise était un corps civil et non pas militaire.
24 Et même ceux qui s'appelaient commandant, plus tard, ont émis des
25 ordres. Je parle de Bosanska Krupa ici, bien sûr. Bien sûr qu'une cellule
26 de Crise n'est pas habilitée d'émettre des ordres. C'était le chaos total
27 puisque quelqu'un avait reçu ce document, s'il l'avait reçu, je ne sais
28 pas.
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1 Q. Si vous prenez le contenu du document, et je ne parle pas maintenant
2 des structures politiques, de la création des conseils municipaux, de
3 l'assemblée serbe, et cetera, mais si vous commencez par lire le point 5,
4 nous pouvons commencer par la Variante A, point 5, deuxième point :
5 "Préparer la prise de l'équipement des centres de service et leur inclusion
6 à l'organe nouvellement établi, pour les affaires internes au siège du
7 centre."
8 On parle de la fin du mois de décembre 1991, est-ce que vous aviez pris
9 part à des discussions concernant le besoin de prendre de telles mesures à
10 l'intérieur des municipalités dans la Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Je n'ai pas pris part à de telles discussions mais vous aviez reçu les
12 renseignements ici. Tous les centres de sécurité existant en Bosnie-
13 Herzégovine où les Serbes étaient majoritaires étaient restés les mêmes. On
14 n'a pas procédé à la formation de nouveaux centres. Ce sont Stojan
15 Zupljanin, Romanija, Bijeljina, c'est-à-dire, de la Variante A. On n'a pas
16 procédé à la création de nouveaux centres de sécurité et je n'y ai pas pris
17 part. Je n'ai pas pris à la réaction de ceci.
18 Je ne sais pas comment vous dire autrement que de vous dire :
19 comment peut-on démanteler quelque chose pour refaire quelque chose
20 d'autre.
21 Q. Monsieur Krajisnik, passons maintenant à la Variante B même si elle
22 ressemble à la Variante A, il est peut-être mieux de se pencher sur cette
23 dernière.
24 Passons maintenant à la Variante B. Au point 6, est-ce que vous le
25 voyez, dans les communes locales ou dans les endroits peuplés par une
26 majorité serbe.
27 Monsieur Krajisnik, la Variante B parle des municipalités où les Serbes
28 étaient minoritaires. J'imagine qu'on parle de communes locales dans les
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1 zones qui se trouvent à l'intérieur des municipalités où les Serbes étaient
2 majoritaires, j'imagine, n'est-ce pas ? Vous opinez du chef.
3 R. Oui, oui.
4 Q. "Communes locales où la population serbe est majoritaire, d'organiser
5 des dépôts secrets pour déposer, pour y entreposer de la nourriture et
6 d'autres produits qui devraient être retirés par des canaux secrets, des
7 réserves de la communauté, des entrepôts à tous les niveaux ainsi que les
8 entrepôts de transport. L'organisation et la supervision de ces activités
9 seront exécutées par la cellule de Crise."
10 Est-ce que vous avez pris part à de telles discussions où l'on fait ce
11 genre de recommandation en décembre 1991 ?
12 R. Non. La réponse est non. Peut-être qu'une discussion sur un autre point
13 avait peut-être eu lieu, mais liée à cela, absolument pas.
14 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que c'est réalisable dans les faits de dire
15 que des discussions qui portaient sur les questions dont on fait trait dans
16 ce document aient eu lieu au mois de décembre 1991 et est-ce que ces
17 conversations aient pu avoir lieu entre le Dr Karadzic et d'autres membres
18 du SDS, d'autres supérieurs du SDS sans que vous ayez pris part à ces
19 conversations ?
20 R. Je ne crois pas que le Dr Karadzic aurait pu faire quelque chose de ce
21 type sans qu'il ait informé les gens qui se trouvent dans son cercle étroit
22 et je faisais partie, bien sûr, de ce cercle de personnes. Je crois que
23 c'est tout à fait impossible.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, il me semble qu'en
25 réponse à votre question précédente, lorsque vous avez demandé à M.
26 Krajisnik de vous parler de la création des entrepôts secrets, M. Krajisnik
27 a dit, il y a peut-être eu des discussions sur quelque chose de
28 complètement différent. J'ai l'impression que M. Krajisnik voulait attirer
Page 23435
1 notre attention sur une autre discussion qui aurait pu être confondue avec
2 celle-ci. C'est de cette façon que j'ai compris ce qu'il a dit car il a
3 fait référence à une autre discussion. Simplement, pour tirer les choses au
4 clair, il faudrait peut-être demander à M. Krajisnik de nous dire quel
5 autre type de discussion a eu lieu et avec quoi est-ce qu'on aurait pu
6 confondre celle-là avec cette discussion.
7 M. STEWART : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous écoute.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me suis rencontré avec le syndicat en tant
10 que président de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine. Les travailleurs
11 étaient nombreux devant l'assemblée. Il y avait un homme qui avait pris un
12 pain et qui avait cassé le pain, et à l'intérieur il y avait un revolver
13 d'enfant en plastique. C'était pour donner le message, il a dit : "Nous ne
14 voulons pas d'armes, nous voulons du pain."
15 Je ne pourrais pas lier ceci à l'autre conversation, mais si, par exemple,
16 quelqu'un qui ne me connaissait pas et écoutait les conversations que
17 j'avais avec les membres du syndicat aurait pu
18 dire : vous vous êtes entretenus concernant certains entrepôts. Mais dans
19 ce contexte-ci, je dois vous dire que je n'ai jamais eu des discussions.
20 Vous avez parlé de M. Biljedor [phon], si vous vous souvenez, M. Biljedor,
21 qui avait assisté à une réunion. Mais il y avait plusieurs réunions de ce
22 type.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. C'est clair. Le message est
24 très clair. Mais je vois l'heure --
25 M. STEWART : [interprétation] M. Sladojevic me dit, Monsieur le Président,
26 que la phrase "cercle interne" qui figure à la page 64, ligne 25, que ce
27 n'est pas exactement ce que M. Krajisnik avait dit, "inner circle" en
28 anglais, "cercle intime."
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1 [Le conseil de la Défense se concerte]
2 M. STEWART : [interprétation] M. Sladojevic nous dit que
3 M. Krajisnik ait parlé de : "gens avec lesquels M. Krajisnik avait contact,
4 y compris moi-même."
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est ce que vous avez dit,
6 Monsieur Krajisnik ?
7 Oui, je vous écoute, Monsieur Tieger.
8 M. TIEGER : [interprétation] S'il s'agit de la traduction de mots et de
9 phrases, je crois que M. Krajisnik va répéter cette phrase de la même façon
10 qu'il est dit et donc nous aurons le même problème.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas nécessairement. Puisqu'on peut
12 traduire une phrase ou un mot de plusieurs façons, mais bon, bien sûr qu'il
13 y a toujours un risque à faire ce genre de chose.
14 Si M. Sladojevic vous propose ou vous dit qu'il y a une erreur possible de
15 traduction, je vous demanderais de demander à
16 M. Krajisnik de répéter sa réponse, même s'il s'agit d'une demi-phrase.
17 Vous pouvez lui redemander de répéter votre réponse, par exemple, vous avez
18 dit -- vous avez commencé à lire la phrase tout près de l'endroit où
19 l'erreur ait pu être faite, et à ce moment-là, demander à M. Krajisnik de
20 répéter sa réponse. Si cela ne précise pas sa réponse, si cela ne jette pas
21 plus de lumière sur sa réponse, à ce moment-là, nous pouvons voir ce que M.
22 Sladojevic a cru comprendre comme étant sa réponse.
23 M. STEWART : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Mais
24 vous savez que nous savons très bien que M. Krajisnik n'était pas dans le
25 cercle externe. Bien sûr qu'il faisait partie du cercle interne, du cercle
26 intime.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, bien sûr. Mais pourriez-vous, je
28 vous prie, relire le passage. Il n'y a pas de "cercle" à l'endroit où je
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1 suis.
2 M. STEWART : [interprétation] C'est à la toute fin de la page 64.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je l'ai retrouvé.
4 Monsieur Krajisnik, vous avez dit que vous ne croyez pas que le Dr Karadzic
5 ait pu faire quelque chose de la sorte, et qu'il aurait dit cela à un plus
6 grand nombre de personnes que -- vous avez dit : "un plus grand nombre de
7 personnes que…" Qu'est-ce que vous vouliez dire exactement ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous dire ce que j'ai pensé, ce que
9 j'ai voulu dire, mais je suis désolé si je n'ai pas été clair. M. Karadzic
10 était en contact avec les membres du conseil, moi-même, Koljevic, Plavsic,
11 avec les conseils de ministre, avec les membres du conseil exécutif, et je
12 ne crois pas qu'il n'aurait pas informé son cercle intime, et je pensais de
13 ce cercle-là. Il est tout à fait certain que j'ai estimé, j'ai cru qu'il
14 aurait fallu qu'il m'en informe également. Je ne me suis pas exclu de ce
15 cercle, mais je voulais dire qu'il est tout à fait improbable qu'il ait pu
16 omettre de nous informer de cela.
17 Si nous excluons toutes les autres personnes, j'estime que s'il
18 s'agit d'un document important, il aurait fallu dire à M. Koljevic, moi-
19 même et à Mme Plavsic : voilà, j'ai un document qui est tel et tel, et
20 cetera.
21 Voilà, c'est ma réponse.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que c'est tout à fait
23 improbable qu'il ait discuté de ce document dans un cercle plus large, au
24 sens plus large, un cercle élargi, alors qu'il aurait certainement discuté
25 avec les membres d'un cercle plus restreint.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que M. Karadzic parlait avec un
27 très grand nombre de personnes, mais nous étions, nous, autour lui, nous
28 étions, nous faisions un cercle restreint. La structure du SDS était
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1 énorme. J'ai dit que je crois que le nombre de personnes, même s'il s'agit
2 d'organes différents, je suis tout à fait certain qu'il aurait dû informer
3 le conseil et les autres organes, le conseil des ministres, et cetera. Pour
4 moi, cela représente un cercle plus restreint comparativement aux membres à
5 la région, et cetera.
6 J'ai cru qu'il aurait certainement informé ce cercle restreint de
7 personnes avec cela. Je ne crois pas qu'il aurait l'existence de ce genre
8 de document lors d'une réunion. Je crois, je me trompe peut-être, mais il
9 savait parler de choses beaucoup moins importantes lors de tels
10 rassemblements, mais je ne l'ai jamais entendu discuter de cela lors d'une
11 assemblée.
12 On a entendu certains témoins qui ont parlé de l'assemblée
13 municipale. Nous y arriverons un peu plus tard lorsque la question sera
14 posée.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête ici. Voilà, c'est ce que
16 je voulais dire. Il n'y a absolument aucun désaccord.
17 Je crois que, Monsieur Stewart, je ne sais pas, mon anglais n'est peut-être
18 pas tout à fait clair, mais j'ai pensé à un cercle plus élargi. Il y a un
19 cercle restreint, donc, lorsque j'ai pensé au cercle plus large, j'ai pensé
20 aux présidents des municipalités, alors que le cercle intime, plus
21 restreint, c'est le conseil exécutif, et cetera.
22 M. STEWART : [interprétation] Oui, tout à fait. Nous nous sommes bien
23 compris, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous prendrons une pause jusqu'à
25 13 heures.
26 --- L'audience est suspendue à 12 heures 39.
27 --- L'audience est reprise à 13 heures 08.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.
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1 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur Krajisnik, ce que je voudrais vous demander porte sur ce qu'il
3 a été donné d'entendre à une session du Parlement serbe en date du 26
4 janvier 1992.
5 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'allons pas
6 traiter de la session toute entière, mais d'un seul point.
7 Q. Je me réfère notamment à la page en version anglaise. Je vois qu'on
8 pourra voir cela sur l'écran à ce moment-là. C'est
9 M. Cizmovic qui prend la parole et nous avons pu constater que c'est fin
10 décembre qu'il a été nommé coordinateur pour les régions autonomes serbes.
11 C'est lui qui prend la parole et il dit :
12 "Pour ce qui est des frontières, les constitutions de toutes les
13 républiques, et la constitution de la Bosnie-Herzégovine ne faisant pas
14 exception, contient des dispositions relatives aux frontières et la
15 possibilité de les modifie. Ces dispositions se fondent sur deux principes
16 fondamentaux. Le premier de ces principes est celui de dire que ce sont les
17 gens qui vivent dans un état qui constituent le fondement constitutionnel,
18 et le deuxième élément c'est que cela fait partie de la Bosnie-Herzégovine.
19 Ce qui fait que l'état et les arrangements politiques de la république et
20 les modifications relatives aux frontières doivent faire l'objet du
21 consentement de ces populations. Compte tenu du statut légal des
22 populations comme point de départ, et tant sur le plan politique que
23 juridique, il est justifié de fournir à toutes les populations le droit de
24 créer des états souverains et autonomes partant de leur droit, droit des
25 peuples, à l'autodétermination dans le respect absolu de la volonté des
26 autres peuples, et non pas en se basant sur des actes unilatéraux ou sur un
27 recours à la force.
28 "Aux fins de surmonter le problème, je propose à ce qu'il soit
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1 procédé à une opérationnalisation urgente et à la promulgation de cette
2 République serbe de Bosnie-Herzégovine. Tâches découlant des instructions
3 datant du 19 décembre 1991.
4 "Pour ce qui est du fonctionnement des instances fédérales d'une
5 manière générale, y compris le Parlement de la Yougoslavie, je tiens à
6 souligner que leur travail a été obstrué soit par l'absence de quorum, ou
7 du fait de leur composition incomplète."
8 Monsieur Krajisnik, vous avez présidé aux sessions du Parlement de façon
9 coutumière. Pouvez-vous nous dire de quoi avait parlé
10 M. Cizmovic lorsqu'il s'est référé au devoir découlant des instructions qui
11 datent du 19 décembre 1991 ?
12 R. La réponse, tout d'abord, est de dire je ne sais pas, mais je vais vous
13 expliquer. Cette session du Parlement avait à l'ordre du jour un point
14 important. Pourquoi ? Parce que nous voulions persuader les députés du
15 Parti démocratique serbe à prendre part à la session du Parlement conjoint
16 de la Bosnie-Herzégovine décidant de la tenue du référendum. C'était là le
17 point crucial.
18 On m'a pu discuté de choses et d'autre. Je n'aurais pas pris note.
19 Pour moi, l'essentiel c'était cela. Ils s'opposaient à la chose. Pour moi,
20 l'essentiel était de faire en sorte que les députés aillent à cette session
21 pour que nous essayions de trouver une solution. Vous allez voir la tenue
22 de l'une et de l'autre de ces sessions de Parlement. C'était là l'idée
23 fondamentale. Lui, il n'a pas été chargé d'instructions, mais il était
24 coordinateur des régions autonomes. De quoi parle-t-il ? Il se peut qu'il
25 se soit référé à ces instructions, mais je n'ai pas pris note. Je me suis
26 concentré sur le thème principal qui devait être abordé. Vous pouvez
27 vérifier et voir qu'il en a été ainsi.
28 M. Cizmovic est un avocat, un juriste, et quand lui parle des droits
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1 des nations et de la création des états, vous vous attardez sur ce point-
2 là, et vous pouvez, par exemple, perdre de vue la teneur d'une autre
3 phrase. Cela échappe simplement votre attention. J'ai dit que probablement
4 avait-il eu dans l'esprit des instructions, mais le sens de ce qu'il disait
5 c'était de nous expliquer à quoi nous avions droit. Il a parlé du droit à
6 l'autodétermination en sa qualité de juriste. Je n'ai pas remarqué ce à
7 quoi vous vous référez. Je n'ai pas prêté attention, si vous préférez.
8 Q. Mais lorsque nous nous penchons dessus, Monsieur Krajisnik, est-ce
9 qu'il pouvait se référer à autre chose, et non pas à ces Variantes A et B
10 émanant des instructions qui, comme on l'a vu, portent la date du 19
11 décembre 1991 ?
12 R. Je suis en train de parler avec les coups des franches. Je veux bien
13 croire que - et c'est une opinion à moi - je veux bien croire que ce
14 document existait, parce qu'ici j'ai entendu toute sorte de témoignage,
15 alors, je veux bien croire qu'il avait à l'esprit ce type d'instruction,
16 mais à ce moment-là je n'ai pas établi le lien, la corrélation, avec ce
17 document-ci. Ce serait une chose vilaine que de parler d'instructions autre
18 pour dire, par exemple, c'est ces instructions-là plutôt que celles-ci,
19 parce que la date et l'intitulé sont bons. Il se peut qu'il se soit référé.
20 Pourquoi qu'il serait référé à cela ? Pourquoi ? Je ne sais pas. Parce que
21 c'est la première partie de la phrase qui m'a intéressé, à savoir,
22 d'entendre son opinion de juriste pour ce qui est de la création des états,
23 et cetera.
24 Q. Monsieur Krajisnik, ici dans le cadre des pièces à conviction qui ont
25 été présentées dans ce procès, cela a déjà été produit comme pièce, mais
26 vous souvenez-vous d'un article qui a été publié par Slobodna Bosna en
27 1992, et qui pleinement reproduit la teneur de ces Variantes A et B,
28 documents que nous avons consultés avant la pause de tout à l'heure ?
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1 Je me réfère notamment au P405, Messieurs les Juges.
2 R. Je vous assure que je ne lis jamais cette presse jaune, et je n'ai pas
3 lu cet article de la Slobodna Bosna, parce que ces journaux-là, ces
4 journaux où il y a des commérages et tout ceci, je ne les lis pas. Mais
5 depuis que je suis ici à La Haye, j'ai pu constater que cela a
6 effectivement été publié par Slobodna Bosna. Mais personnellement, je ne
7 l'avais pas lu. J'avais une aversion à l'égard de ce journal Slobodna
8 Bosna, parce qu'il disait des choses très laides à mon égard alors que
9 j'étais président de Bosnie-Herzégovine. J'ai pu en effet me rendre compte
10 du fait que Slobodna Bosna avait en effet publié cela à l'époque.
11 Q. Monsieur Krajisnik, lorsque nous nous penchions non pas sur cette
12 session-ci du Parlement, mais de celle qui a précédé le
13 21 décembre 1991, et celle où il est question de ces Variantes A et B, nous
14 en étions déjà arrivés, n'est-ce pas, à la fin de 1991 ? Hier, vous avez
15 mentionné certaines informations qui vous ont été communiquées par M.
16 Milosevic. Alors, Monsieur Krajisnik, est-ce que vous pouvez vous souvenir
17 de la date à laquelle vous avez rencontré pour la première fois de votre
18 vie M. Slobodan Milosevic ?
19 R. J'ai rencontré M. Milosevic pour la première fois dans le cadre d'une
20 délégation de la Bosnie-Herzégovine, rencontre avec la délégation de la
21 Serbie, lorsque nous nous sommes entretenus en notre qualité de délégation
22 des républiques sur la crise en Yougoslavie. On peut retrouver cela dans
23 les notes. Je n'arrive pas à me souvenir de la date exacte, mais c'était ma
24 première rencontre. C'était certainement en 1991. C'est là que je l'ai vu.
25 Puis longtemps par la suite, je ne l'ai pas revu étant donné que mes
26 fonctions étatiques ne me permettaient pas de contacter librement qui que
27 ce soit de façon protocolaire. Au fur et à mesure que la crise est devenue
28 de plus en plus complexe, à plusieurs reprises, en compagnie de M.
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1 Koljevic, qui, lui aussi, ait également -- lui aussi se trouvait être
2 membre de cette délégation de la Bosnie-Herzégovine, avec M. Karadzic, qui
3 en a fait partie par la suite, c'est ultérieurement que nous avons pu
4 rencontrer
5 M. Milosevic.
6 Je dois vous dire que ces entretiens, du moins ceux auxquels j'ai
7 assisté, se sont produits suite à des invitations de la part de M.
8 Milosevic, parce qu'il avait obtenu des informations, voire des
9 instructions, et j'ai eu l'impression que c'est par son biais que la
10 Communauté européenne voulait s'entretenir avec nous aux fins de rechercher
11 une solution politique. C'est tout ce que je sais au sujet de 1991.
12 Q. Lorsque vous dites que de part vos fonctions vous n'aviez pas les
13 coups des franches pour en avoir des contacts avec des gens de l'extérieur,
14 indépendamment des obligations protocolaires, vous aviez à l'esprit vos
15 fonctions de président du Parlement de Bosnie-Herzégovine, qui vous liait
16 les mains, n'est-ce pas ?
17 R. Oui, à partir du moment où vous êtes un représentant officiel de
18 la Bosnie-Herzégovine, vous cessez d'être une personnalité privée. Où que
19 vous alliez, vous avez votre fonction sur les épaules, et vous ne pouvez
20 pas aller quelque part clandestinement. Je ne parle pas ici, par exemple,
21 des célébrations d'anniversaire de mes amis où je me rendais, bien sûr.
22 C'était autre chose que de faire partie d'un parti, d'être membre d'un
23 parti et aller quelque part sans que les autres ne le sachent. Il y avait
24 un protocole régissant la Bosnie-Herzégovine. J'ai fait partie d'une
25 délégation. J'ai été, par exemple, à la réunion concernant l'initiative de
26 Belgrade. Cela était officiel. Le président du Parlement ne peut pas
27 clandestinement en cachette aller quelque part et rencontrer quelqu'un sans
28 que les journalistes ne le voient. Si vous êtes un individu à titre privé,
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1 ou si vous êtes tout simplement ne rien qu'un membre d'un parti, vous
2 pouvez y aller. Tout cela, cela se sait quand est-ce que je suis allé à
3 Belgrade en 1991, et le reste, ou du moins pendant la majeure partie de
4 1991 et jusqu'à l'éclatement de la crise. Ce qui fait que tout cela, c'est
5 chose connue.
6 Q. Avez-vous rencontré M. Milosevic en 1991 sans pour autant que le Dr
7 Karadzic soit présent ?
8 R. En 1991, dites-vous ? Mis à part ce déplacement de la délégation de la
9 Bosnie-Herzégovine, c'est une opportunité où
10 M. Karadzic n'était pas avec nous. Mis à part cela, quand il y a eu les
11 débats relatifs à l'initiative de Belgrade, Karadzic n'était pas présent.
12 Je pense qu'il n'était pas présent, j'y étais. S'agissant d'une rencontre
13 qui serait serbo-serbe, disons, s'il y en a eu, et il y en a eu en 1991, je
14 crois être certain pour dire que
15 M. Karadzic et M. Koljevic étaient également présents et peut-être d'autres
16 personnes. Je ne m'en souviens plus maintenant. Pour autant que je m'en
17 souvienne, je n'ai jamais eu de rencontre en tête-à-tête en 1991 avec M.
18 Milosevic, et je ne me suis pas entretenu au téléphone avec lui en 1991. Du
19 moins, je ne m'en souviens pas.
20 Q. Partant de vos souvenirs à vous, Monsieur Krajisnik, combien de
21 réunions y a-t-il eu, mis à part cette réunion entre délégations, celle de
22 Bosnie-Herzégovine et cette délégation liée à l'initiative de Belgrade, en
23 mettant ces deux réunions de côté, combien de fois dans le fil de 1991
24 avez-vous eu l'opportunité de rencontrer M. Milosevic ?
25 R. Cela est la plus difficile des questions. On veut que je dise combien
26 de fois. Je dirais pas beaucoup, plusieurs fois. Je sais que cela ne vous
27 satisfera pas. Il serait préférable de dire deux ou trois fois, mais, je ne
28 sais pas vous le dire. Je vais vous dire pourquoi.
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1 Quand la crise s'est installée, nous étions censés avoir des consultations
2 avec des juristes. C'était des juristes hors pair à Belgrade. Je me
3 souviens que nous étions allés à une réunion de ce type, et après la
4 création du Parlement, nous avions voulu entendre l'opinion des juristes
5 pour savoir si l'orientation que nous avions prise était bonne, était
6 justifiée. Nous voulions savoir si les autres directions avaient fait de
7 même. Il y en a peut-être eu une ou deux pour ce qui est des Musulmans ou
8 des Croates. Je crois qu'en 1991 et début 1992, lorsqu'il y a eu le plan de
9 Vance, et lorsque
10 M. Milosevic a convié toutes les Krajina, à savoir, la Krajina serbe, la
11 Krajina bosniaque et nous autres, pour essayer de convaincre
12 M. Babic d'accepter le plan à Vance. Je me souviens qu'il y avait une table
13 ronde et c'est M. Kotic qui avait présidé à ces cessions. Mais, je suis
14 certain du fait qu'il n'y en a pas eu beaucoup de ces réunions. Je
15 m'excuse, si nous allions, par exemple, à une conférence et si nous
16 partions de Belgrade, il se peut que nous ayons rencontré M. Milosevic,
17 parce que tout simplement il avait souhaité savoir les choses. Il était un
18 peu le bras prolongé pour faire en sorte que nous ne tendions pas trop la
19 corde afin de permettre l'aboutissement d'une solution.
20 Je crois qu'il y a eu des rencontres de ce type en 1991 et 1992, mais
21 je ne sais pas vous dire combien au juste.
22 Q. Pour rester, dans ce moment, en cette année 1991, Monsieur Krajisnik,
23 avant l'information à laquelle vous vous êtes référé hier, et vous aviez,
24 ce faisant, parlé de M. Milosevic et de M. Bulatovic, mais vous avez
25 précisé aussi que l'information était venue de
26 M. Milosevic, information qui vous avait choqué. En substance, il vous
27 bousculait vers la position adoptée par la Communauté européenne. C'est au
28 moins ce que vous avez dit aux Juges de la Chambre. Néanmoins, avant cela,
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1 M. Milosevic avait-il apporté son soutien à l'idée de faire en sorte que la
2 Bosnie-Herzégovine reste au sein de la Yougoslavie, avec la Serbie, le
3 Monténégro et quelque autre république que ce soit ?
4 R. M. Milosevic était persuadé que la Bosnie-Herzégovine et que M.
5 Izetbegovic de la Bosnie-Herzégovine dirait qu'il souhaiterait rester en
6 Yougoslavie, après la proposition d'Izetbegovic et Gligorov. Il nous a dit
7 que, selon lui, il était prêt à rester au sein de la Yougoslavie. C'était à
8 plusieurs reprises, il nous a reproché à plusieurs reprises avec cela. Il
9 disait que M. Izetbegovic et que la Macédoine étaient disposés à rester en
10 Yougoslavie.
11 Q. Monsieur Krajisnik, c'était exact de dire, n'est-ce pas, qu'à certains
12 moments il vous a semblé que M. Izetbegovic était prêt, était disposé à
13 rester dans la Yougoslavie ?
14 R. Oui, absolument.
15 Q. Est-ce que M. Milosevic, en 1991, avant l'information qui vous a si
16 surprise, est-ce que M. Milosevic vous donnait des instructions ou est-ce
17 qu'il vous conseillait à savoir de quelle façon, vous, les dirigeants
18 serbes de Bosnie, deviez résoudre la crise ?
19 R. Je ne pourrais pas affirmer qu'il a dispensé des conseils. Il y a eu
20 des conseils lorsque la crise a culminé. Mais jusqu'à ce moment-là, avant
21 les événements de 14 octobre, jusque-là il y a eu l'initiative de Belgrade,
22 les accords historiques et tout ceci. Mais il n'y a pas eu nécessité de sa
23 part de nous donner des conseils. Il a apporté son soutien. Il avait
24 souhaité la chose. Il avait apporté son soutien, et de part et d'autre le
25 désir était partagé.
26 Ultérieurement, lorsque crise il y a eu, je peux parler du rôle qui a
27 été le sien. Mais jusqu'au moment où il y a eu culmination de la crise,
28 c'est-à-dire jusqu'au moment où il y a eu culmination de la crise, c'est-à-
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1 dire jusqu'au moment où il y a eu dissolution de cette assemblée du
2 Parlement, c'est ce qui est arrivé le 14 octobre. Je n'aime pas cette
3 expression, mais toujours est-il que jusque-là
4 M. Milosevic avait investi des efforts pour qu'aux réunions des présidents
5 une solution soit trouvée. Je ne peux par arbitrer. Je ne sais pas comment
6 cela a été recherché, et je sais que sur ce plan-là il est intervenu de
7 façon autonome. Nous n'avons pas été un facteur qui était censé prêter
8 oreille attentive à ce qu'il disait ou lui dire de prêter oreille à ce que
9 nous disions. Je crois qu'il faut faire ici la distinction entre les
10 périodes dont nous sommes en train de parler.
11 Q. Pour ce qui est de la période qui a précédé le 14 octobre, la crise
12 parlementaire en Bosnie-Herzégovine, avant cette période, est-ce que vous
13 aviez discuté avec M. Milosevic du rôle potentiel que la JNA pouvait jouer
14 dans la crise de la Bosnie-Herzégovine ?
15 R. Je ne me souviens pas avoir pris part à ce type de conversation. Je
16 crains d'oublier quelque élément que ce soit. Parce que nous avions
17 constamment de présent à l'esprit, l'existence de la JNA en tant que
18 catégorie constitutionnelle qui est censée être là pour protéger le peuple,
19 la population. Je ne me souviens pas avoir dit qu'il fallait attribuer une
20 importance particulière à la JNA.
21 Je sais que c'est toujours lui qui a influé sur M. Karadzic sur la
22 nécessité d'intervenir sur le plan politique pour qu'il y ait mobilisation,
23 parce que les gens se faisaient tirer l'oreille, refusaient à aller sous
24 les drapeaux. On s'attendait à ce qu'il arrive une petite aide politique
25 pour que la mobilisation réussisse, pour que la JNA soit complétée.
26 Pour ce qui est de la Bosnie, je ne me souviens pas avoir discuté du rôle
27 de la JNA, est-ce qu'elle resterait là ou pas. Ceci, jusqu'au moment où M.
28 Izetbegovic a établi un accord avec la JNA pour ce qui était de la faire
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1 rester pendant cinq ans. Mais là, c'est tout à fait une autre question.
2 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous avez décrit plusieurs de vos activités
3 dont celles dont vous venez de nous parler en relation avec M. Milosevic.
4 Vous faisiez partie aussi de l'équipe de négociations, comme vous nous
5 l'avez dit. Quand on en arrive en décembre 1991, pouvez-vous nous décrire
6 vos activités quotidiennes, enfin en ce qui concerne, bien sûr, votre
7 activité politique ?
8 R. J'ai continué à travailler. Je venais toujours à l'heure au travail, à
9 8 heures pile ou 9 heures pile, et je ressortais à
10 6 heures ou 7 heures ou voire même 8 heures du soir. Mon travail a consisté
11 en problèmes que j'avais constamment à l'ordre du jour. C'est M. Konjicija,
12 M. Cancar, qui venaient me voir. Nous débattions au sujet du problème pour
13 voir comment intégrer cela dans la procédure parlementaire pour en
14 débattre. Cela nécessitait beaucoup de travail. Ensuite, très souvent, je
15 recevais, pour m'entretenir avec eux, les présidents des clubs de députés.
16 Il y avait des clubs qui comportaient deux députés, d'autres en avaient 30
17 ou 40. Je me suis efforcé d'assurer à chaque club un traitement sur pied
18 d'égalité. Je voulais entendre leurs opinions. C'est ce que j'ai fait en
19 1991. Tout ceci s'est rapporté à cette malheureuse crise en Bosnie-
20 Herzégovine.
21 Je vous dirais qu'un deuxième volet de mon temps de travail, c'était de
22 veiller à ce que tout un chacun puisse rentrer chez lui. Eux, ils vivaient
23 au centre-ville, et je vivais dans la banlieue. Ces gens, puisque je
24 travaillais toute la journée, et comme eux ils voulaient être reçus par moi
25 aux fins d'avoir des entretiens - vous avez pu voir vous-même qu'il y a eu
26 des réunions où des gens m'ont entretenu ou se sont entretenus avec moi sur
27 des problèmes privés. Cela, c'est aussi un volet.
28 Le troisième volet, cela a été ces entretiens où - et je dirais que nous
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1 nous sommes félicités du début des entretiens entre les trois parties en
2 présence. Soit au niveau bilatéral ou avec plusieurs participants
3 d'impliqués du côté serbe, musulman et croate, à savoir, le SDA, SDS et
4 HDZ, nous avons débattu au sujet des différentes phases. Je vous ai énuméré
5 les étapes qui m'ont pris beaucoup de temps avant la date du 14 puisque la
6 date du 14 est critique.
7 Après, en septembre, nous avons eu plusieurs initiatives sur l'accord
8 historique où la situation était beaucoup plus détendue. Nous avons tenu
9 une session du Parlement le 13 septembre où nous nous sommes tous
10 installés, comme si c'était une sorte de fête où nous nous félicitions les
11 uns et les autres, comme si c'était le Bajram ou Noël. Nous avions adopté
12 des conclusions. Nous n'allions pas imposer des solutions à qui que ce
13 soit; nous allions discuter autant de temps qu'il le faudrait. Je vous
14 dirais, nous voulions éviter la guerre. On l'a vu à la télévision. On avait
15 l'impression que les gens s'excusaient les uns aux autres. J'ai pris une
16 part active à tout cela.
17 Là où je n'ai pas pris une part active, ce sont les réunions du conseil
18 exécutif du SDS. Je n'y ai pas pris part. Il n'y a pas eu de réunion du
19 comité principal - peut-être une ou deux - mais je n'ai jamais participé
20 aux réunions de cette commission chargée de la nomination des cadres,
21 quoiqu'ayant fait partie de ce comité principal. J'étais occupé avec
22 d'autres problèmes. Etant donné que le bâtiment se trouvait non loin du
23 bâtiment du Parlement et que le problème était constamment celui de savoir
24 quels sont les cadres qu'on nommerait aux fonctions importantes au niveau
25 du ministère de l'Intérieur, il était difficile de faire accepter certaines
26 solutions aux Musulmans. Les gens se plaignaient à moi et me disaient :
27 Allez, contacte Karadzic, parce que Karadzic et Izetbegovic étaient tombés
28 sur des accords au niveau des nominations."
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1 Ma femme, elle a été malade en 1991. J'ai eu des remords, parce que quand
2 il fallait quelque chose, je m'y employais, je m'y attelais au maximum pour
3 faire en sorte que cela soit fait de façon correcte.
4 Je considérais que le Parlement de la Bosnie-Herzégovine était
5 quelque chose de sacro-saint pour moi, qu'il fallait préserver à tout prix.
6 Je regrette beaucoup, parce que j'ai fait tous les efforts possibles pour
7 la préserver. J'ai même accordé une interview où j'ai dit que quelle que
8 soit la solution adoptée, je ne serais pas le dernier des présidents du
9 Parlement de la Bosnie-Herzégovine, qu'il y aurait toujours quelqu'un
10 d'autre pour me relayer.
11 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à ce que vous m'avez demandé,
12 mais c'est les éléments dont j'ai gardé le souvenir.
13 Q. Après la crise des 14 et 15 octobre 1991, combien de votre temps, enfin
14 le cas échéant, entre octobre et la fin 1991, a été consacré à votre
15 travail en tant que président de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine ?
16 R. J'ai gardé mes cadences de fonctionnement au Parlement de Bosnie-
17 Herzégovine en parallèle avec les activités du Parlement de la République
18 serbe de Bosnie-Herzégovine. J'ai continué avec la même cadence les mêmes
19 activités qui ont été les miennes. Je n'ai pas modifié d'un iota mes
20 activités. J'ai tenu mes réunions, les sessions, et cetera.
21 Il est vrai que nous nous étions un peu éloignés, que les réunions
22 s'étaient raréfiées, parce qu'il y a eu dissension entre partenaires,
23 partenaires qui étaient partenaires jusqu'à pas plus tard qu'hier. Moi, de
24 façon tout à fait disciplinée, j'ai continué à faire ce qui a fait partie
25 de mes compétences à moi. On peut le vérifier au niveau des PV des
26 réunions. Il y a des renseignements et des documents à ce sujet-là.
27 Q. Monsieur Krajisnik, quand il y a eu l'établissement de l'assemblée
28 serbe, donc la création de cette assemblée, est-ce que cela a pris une
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1 bonne partie de votre temps de travail ? Est-ce que vous lui avez consacré
2 une bonne partie de votre temps de travail ?
3 R. J'ai déjà dit, qu'à partir du moment où il s'est créée cette assemblée
4 du peuple serbe, il y a eu moins d'activités, s'agissant des activités qui
5 ont été les miennes jusqu'à la culmination de la crise. Bien sûr, que cela
6 m'a pris pas mal de temps, mais j'ai travaillé sur les deux en parallèle,
7 et je n'ai laissé aucune tâche inachevée. Par un concours de circonstances,
8 les activités du Parlement de la Bosnie-Herzégovine se sont réduites, et à
9 leur place, il y a eu celles de ce Parlement du peuple serbe, quoique mes
10 activités n'ont pas été aussi prononcées à ce niveau-là, puisque bon nombre
11 d'autres intervenants y avaient pris part, notamment des juristes.
12 Q. Mis à part ces juristes, qui étaient ces autres personnes qui
13 travaillaient à la création de l'assemblée serbe ?
14 R. Les juristes étaient là pour mettre en œuvre les positions politiques.
15 Parce que je crois bien que vous aviez à l'esprit les documents qui ont été
16 mis en œuvre. Je crois que les députés, le comité principal, le conseil,
17 les membres de la présidence, le président du Parlement, donc moi, le
18 président du parti. Tous avaient apporté une contribution déterminée à
19 cette formulation de l'idée politique relative à ce que nous souhaitions, à
20 savoir, la création d'un Parlement du peuple serbe. En d'autres termes, le
21 fondement principal autour duquel nous nous réunissions, c'était ce Club
22 des députés. C'était constitué par les gens qui avaient accompli des
23 fonctions au sein de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, qui ont été nommés là
24 par le SDS. Il y a eu aussi des réunions élargies avec des membres du SDS
25 autres que du conseil exécutif qui était plus grand et qui a eu des
26 réunions de façon moins fréquente. Il y a aussi également eu des
27 intellectuels ou des individus en free-lance, qui sont venus donner leur
28 contribution. Mais ce sont les juristes qui en ont fait le plus concernant
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1 la rédaction des documents et de la constitution.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Peut-être que ces derniers
3 mots sur les juristes seraient des mots appropriés pour en conclure pour la
4 journée.
5 M. STEWART : [interprétation] Tout à fait. On pourra peut-être tout
6 simplement dormir là-dessus.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais pour ce qui de la conclusion
8 de la journée, avant de lever la séance, il me semble que nous avons des
9 obtenus [phon], des informations concernant le cachet sur le document P529,
10 à intercalaire 13, c'est-à-dire, le document Brdjanin. Il me semble que
11 cette information est disponible maintenant. Maître Harmon.
12 M. HARMON : [interprétation] Oui, tout à fait. Vous avez attiré notre
13 attention sur ce cachet qui n'avait pas été traduit. J'ai demandé à mes
14 linguistes de me fournir une traduction. Je l'ai montrée à Me Stewart. Je
15 ne sais pas comment on peut procéder. Pour l'instant, nous avons juste
16 qu'un projet. On pourra peut-être le lire parce que ce cachet est assez
17 simple.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est uniquement un point technique,
19 je pense que vous pouvez juste le lire, et ainsi, cela figurera au compte
20 rendu, et cela permettra de gagner du temps.
21 M. Stewart est d'accord. Il nous suffit de lire le cachet.
22 M. HARMON : [interprétation] A la première ligne, il est écrit "reçu,
23 télégramme numéro 260."
24 A la deuxième ligne du cachet, il est écrit : "Date
25 29 octobre 1991, à 14 heures 20.
26 Troisième ligne, on m'a informé qu'il s'agit d'abréviations qui ne sont pas
27 reconnues par qui que ce soit.
28 Dernière ligne : "Ensuite, traité par," et ensuite, il y a une signature.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela ne nous donne pas beaucoup
2 d'information supplémentaire. Il n'est même pas écrit ce cela a été reçu ou
3 envoyé ce jour-là. Il n'y a pas d'information quant à savoir qui a bien pu
4 écrire ce document, enfin qui a fait ces annotations portées sur le cachet.
5 Enfin, c'est il y a très longtemps; j'ai oublié. Il est vrai que dans le
6 temps, on envoyait ce type de télex. C'était il y a longtemps quand même.
7 Je ne me souviens plus du tout si c'est un télex de réception ou un télex
8 d'émission. Je ne sais pas.
9 Etant donné quand même que Celinac figure dans le texte, il
10 semblerait que cela a été envoyé par Celinac.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé, mais il n'y a pas
12 d'interprétation. C'est bizarre.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, ce n'est pas grave.
14 Vous recevez l'interprétation maintenant ? Nous étions en train de parler
15 juste du cachet.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'entends plus rien. Depuis que Me
17 Harmon a commencé à parler, cela semble avoir coupé le canal de ma
18 traduction en B/C/S.
19 Maintenant, j'entends à nouveau. C'est sans doute l'équipe technique
20 qui était terrifiée par Me Harmon.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, cela n'est pas vraiment un fait;
22 c'est plutôt votre interprétation de la chose.
23 Cela dit, on ne vous pose pas de questions à l'heure actuelle, mais
24 vous recevez maintenant une interprétation, n'est-ce pas ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On était en train de parler entre nous
27 du cachet qui était porté sur le document dont vous avez -- au sujet duquel
28 vous avez déposé, qui semblerait avoir été envoyé par M. Brdjanin. Nous en
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1 avons conclu en disant que, visiblement, ce cachet semblait dire que le
2 document avait soit émis, soit reçu le 29 octobre 1991. C'est à peu près
3 tout ce qu'on a pu tirer de ce cachet.
4 Je pense que maintenant tout est au compte rendu, Maître Stewart. Il est
5 inutile de demander une traduction supplémentaire de ce cachet.
6 Nous pouvons lever la séance. Nous reprendrons demain, 4 mai, à 9 heures du
7 matin, même prétoire.
8 --- L'audience est levée à 13 heures 49 et reprendra le jeudi
9 4 mai 2006, à 9 heures 00.
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