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1 Le lundi 8 mai 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 27.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez, je vous
6 prie, appeler l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
8 les Juges. Affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, je voulais
10 justement vous dire bonjour, mais vous vous êtes levé beaucoup trop vite.
11 Alors voilà, donc je vous souhaite bonne journée, bonjour.
12 Donc, deux questions mineures à soulever à l'heure actuelle, très
13 rapidement. Nous avons demandé à M. Krajisnik -- je crois que c'était
14 vendredi dernier, mais je ne suis pas tout à fait certain, de donner
15 lecture des deux premières phrases de la page 0322-0531.
16 Le transcript, maintenant, reflète exactement ce que j'ai dit, mais cela
17 pourrait peut-être poser quelques confusions, alors je répète : c'est le
18 0322-0531. Voilà, c'était la page en question. Très bien, je vois que vous
19 l'avez inscrit au compte rendu d'audience.
20 Puisqu'il y a eu un problème apparemment de traduction, la Chambre a
21 demandé au CLSS de vérifier la traduction de ce document qui se trouve à
22 cette page-ci, plus particulièrement, ce qui nous intéressait, c'étaient
23 les deux lignes en question. Le CLSS a quelque peu un problème, car il
24 s'agit de document qui a été fourni par le bureau du Procureur. L'original
25 n'est pas disponible, donc leur proposition était de faire traduire tous
26 les documents au complet, et cela pourrait prendre un certain temps, bien
27 sûr. J'aurais plutôt tendance à demander au CLSS de traduire
28 spécifiquement, enfin, de traduire d'ailleurs les deux lignes en question
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1 hors contexte. Je demanderais à la Défense de nous l'identifier, si jamais
2 il y a des questions de traduction dans ce document, des questions qu'elle
3 estime être importantes, car nous avons sept pages qui sont traduites, et
4 un problème de traduction existait quant à ces deux phrases. Donc, je
5 demanderais de vérifier ces deux phrases avant de demander au CLSS de
6 traduire l'ensemble des documents. J'aimerais savoir si pour la Défense ces
7 deux phrases représentent vraiment un problème véritable, ou est-ce que
8 vous souhaiteriez que l'on passe à autre chose ? Je ne sais pas si M.
9 Sladojevic pourrait nous dire de quoi il en est, élaborer un peu là-dessus,
10 je ne sais pas quelle est votre position ? Mais avant de se faire, je
11 voudrais savoir si les parties souhaiteraient ajouter quelque chose.
12 M. STEWART : [interprétation]Nous estimons que votre proposition est la
13 plus prudente, bien sûr.
14 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
15 M. TIEGER : [interprétation] Nous sommes tout à fait d'accord.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, donc cela nous épargne une
17 traduction de six pages, donc d'environ 35 lignes. Donc voilà, nous allons
18 procéder de la sorte. Monsieur le Greffier, je vous prierais de remettre au
19 CLSS les deux lignes, donc une ligne -- la phrase qui précède et la qui
20 suit et les phrases en question, afin que le CLSS puisse traduire ces
21 quatre lignes hors contexte et nous verrons par la suite s'il est
22 nécessaire de traduire l'ensemble du document.
23 Voilà la première question. Maintenant, la deuxième question que je
24 souhaiterais aborder à l'heure actuelle, c'était d'informer M. Krajisnic de
25 la chose suivante : un disque mou qui provenait de vous est allé - j'ignore
26 pour quelles raisons - a été envoyé au bureau du Procureur, maintenant il a
27 été renvoyé à la Défense, il s'agissait d'une question personnelle. Enfin,
28 c'était votre propriété, n'est-ce pas ? Vous aimeriez que ce document vous
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1 soit remis, que cette disquette vous soit remise ?
2 M. KRAJISNIK : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le
3 Président, je n'ai que quelque chose de très rapide à vous dire. Lors de
4 mon arrestation, un certain nombre de documents ont été saisis par le
5 Tribunal et parmi ces documents saisis, on a également saisi une disquette.
6 Il s'agit de la thèse de baccalauréat de mon fils. A la demande de la
7 Défense, l'Accusation a rendu cette disquette à la Défense. Je ne peux pas
8 entrer en contact avec eux et ils n'ont pas trouvé la façon appropriée de
9 me remettre cette disquette, donc, et ils ne savent pas non plus comment
10 l'ouvrir. Donc, je les supplierais de pouvoir de me la rendre, car je
11 souhaiterais envoyer cette disquette à mon fils, car il s'agit d'un
12 souvenir. Si vous voulez, vous pouvez la visionner ici, en pleine cour, en
13 audience, l'Accusation est au courant du contenu de la disquette.
14 M. JOSSE : [interprétation] Je sais de quoi il s'agit. Je sais de
15 quoi parle M. Krajisnik.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
17 M. JOSSE : [interprétation] Juste avant de déposer, l'Accusation a
18 communiqué les documents qui ont été saisis lors de l'arrestation, donc
19 tous les documents qui ont trait à l'arrestation de M. Krajisnik. Donc ils
20 nous ont communiqué tous ces documents, et cela incluait également une
21 disquette qui est maintenant désuète, bien sûr.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'était celle d'un demi-pouce
23 d'épaisseur ?
24 M. JOSSE : [interprétation] Non, c'est une toute petite disquette qui ne
25 peut pas être lue par nos ordinateurs. Nous ne sommes pas en mesure de
26 l'ouvrir, malheureusement. Ce n'est pas un DVD et ce n'est pas un CD, donc
27 je ne peux pas informer les Juges de la Chambre du contenu, mais je vais
28 demander à M. Krajisnik de l'ouvrir en ma présence. C'était un arrangement
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1 que j'avais pris avec M. Krajisnik, mais en fait, j'ai oublié. Lors de
2 cette réunion que nous avions eue à ce moment-là, il avait apporté
3 l'équipement nécessaire, mais malheureusement, j'avais oublié de lui
4 demander de l'ouvrir en ma présence, donc nous sommes encore en possession
5 de cette disquette. Elle se trouve encore dans ce bâtiment. Nous devrions
6 d'abord l'ouvrir avant d'en parler, bien sûr, mais je crois que M. Harmon,
7 si je ne m'abuse, a connaissance de ce qui s'y trouve. Peut-être pas
8 maintenant, mais je crois qu'il y a quelqu'un au sein du bureau du
9 Procureur qui a pris connaissance du contenu de la disquette. Je pourrais
10 peut-être m'entretenir avec eux pendant la pause, à savoir, de ce que
11 contient cette disquette.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ce document ne peut pas être
13 ouvert et vous ne pouvez pas le visionner sur votre écran, n'est-ce pas ?
14 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Malheureusement, Monsieur le Président,
15 nous n'avons pas été en mesure de l'ouvrir physiquement, de la mettre dans
16 l'ordinateur et de voir ce qui en est.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous avez identifié sur cette
18 disquette de quel document il s'agit ?
19 M. JOSSE : [interprétation] Non, mais M. Krajisnik est au courant. En fait,
20 M. Krajisnik a déduit qu'il s'agit certainement de ce dossier-là, de cette
21 thèse de baccalauréat de son fils. Donc, il m'a informé qu'il s'agissait de
22 cela. Il y a six ans, lorsqu'il a été arrêté, il était en possession de
23 cette disquette. Nous ne pouvons pas savoir si c'est effectivement le cas,
24 puisque nous ne l'avons pas vue, nous ne pouvons pas pu l'ouvrir. Je ne
25 sais pas s'il y a d'autres informations sur cette disquette. Je l'ignore,
26 malheureusement.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, donc on a remis cette disquette à
28 la Défense. Est-ce que vous avez quelque hésitation à remettre la disquette
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1 à M. Krajisnik ? Je comprends bien que si vous l'avez rendue à la Défense,
2 l'Accusation n'y voit absolument aucun inconvénient, ne voit aucun problème
3 à communiquer ce document. M. Krajisnik, est-ce que c'est le même contenu ?
4 Est-ce que c'est le même contenu qu'il y a six ans ?
5 M. HARMON : [interprétation] Oui, je crois que oui.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, parce que la chaîne de
7 communication n'a pas été brisée. Elle a été entre vos mains pendant toute
8 cette période. Donc, dites-nous, est-ce que vous ne voyez aucun
9 inconvénient à remettre cette disquette à M. Krajisnik ?
10 M. JOSSE : [interprétation] Non, absolument pas, Monsieur le Président.
11 Nous pourrions procéder à cet échange cet après-midi.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre n'expriment pas
14 non plus de soucis et vous permettent de rendre cette disquette. Bien sûr,
15 j'espère que toutes les -- il faudra les remettre suivant la procédure
16 habituelle de sécurité.
17 M. JOSSE : [interprétation] Si M. Krajisnik a l'impression qu'il y a
18 quelque chose de très important dans cette disquette et qui a trait à sa
19 déposition, à ce moment-là, je lui demanderais de le faire, bien sûr.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, mais d'abord, vous
21 devriez demander la permission des Juges de la Chambre.
22 M. JOSSE : [aucune interprétation]
23 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
24 M. JOSSE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
26 Donc, nous avons réglé les deux questions que nous voulions soulever.
27 Nous allons maintenant poursuivre votre déposition, M. Krajisnik, et comme
28 vous le savez, je vous rappelle toujours, vous et d'ailleurs tous les
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1 témoins viennent déposer, que vous êtes encore tenu par la même déclaration
2 solennelle que vous avez prononcée au début de votre témoignage.
3 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
4 [Le témoin répond par l'interprète]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si c'est au tour de M.
6 Stewart ou de M. Josse, mais vous pouvez commencer ou poursuivre, continuer
7 l'interrogatoire principal.
8 Interrogatoire principal par M.Josse : [Suite]
9 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous avez les conversions interceptées,
10 la liasse de communications interceptées qu'on va a permis d'amener avec
11 vous au quartier pénitentiaire pendant le week-end ? Je pense que vous les
12 avez, n'est-ce pas ?
13 R. Oui.
14 Q. Nous avons le numéro 3 sur cette liste. J'aimerais que l'on passe au
15 numéro 4, il s'agit d'une conversation interceptée. Encore une fois,
16 c'était vous qui parliez, vous vous entreteniez avec M. Karadzic, et la
17 conversation a eu lieu en janvier 1992.
18 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
19 M. JOSSE : [interprétation] Pour ce qui est de nos dossiers, Monsieur le
20 Président, je crois qu'il s'agit de cela, pourrait-on avoir une cote ?
21 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote D187,
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Greffier.
25 M. JOSSE : [interprétation]
26 Q. Je ne vais pas demander que l'on passe cette conversation interceptée,
27 mais je vais --
28 R. J'aimerais savoir de quoi il s'agit. C'est quelle date, en janvier ? Il
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1 y a eu plusieurs conversations en janvier; de quelle conversation il s'agit
2 exactement ?
3 Q. [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
5 M. JOSSE : [interprétation]
6 Q. C'est la quatrième, s'agissant des conversations se trouvant dans vos
7 dossiers, M. Krajisnik.
8 R. Oui, oui, j'ai vu. Voilà, je l'ai trouvée.
9 Q. Nous voyons, en haut de la page du PV de la conversation interceptée,
10 vous dites que vous avez été appelé par Vojo Kupresanin. Vous poursuivez
11 pour dire que serait bien si quelqu'un pouvait maintenant, vous savez,
12 expliquer ceci concernant les finances, parce qu'ils veulent que la Krajina
13 au complet arrête les paiements demain.
14 De quoi il s'agit exactement, ici ?
15 R. Lorsque j'ai pris connaissance de cette conversation, j'ai bien dit que
16 je ne savais pas de quoi il s'agissait, alors qu'en réalité, lorsque j'y ai
17 réfléchi un peu plus tard, je peux vous dire qu'en janvier 1992, à un
18 certain moment donné, la Région autonome de la Krajina avait exprimé le
19 désir d'interrompre les paiements qui se faisaient en direction de la
20 République de Bosnie-Herzégovine. L'idée n'était pas de mener des
21 négociations unilatérales, mais bien bilatérales, donc cette conversation
22 qui a eu lieu entre M. Karadzic et moi-même ainsi que l'assemblée de la
23 Région autonome de Krajina, dont le président est M. Kupresanin, comme nous
24 le voyons ici. Donc l'idée, c'était d'avoir des pourparlers avec tous ces
25 interlocuteurs, et non pas de prendre une décision unilatérale.
26 Q. Quel était votre point de vue sur la chose ?
27 R. Lorsqu'il s'agit de finances, ma position a toujours été de procéder à
28 la décentralisation des fonds et que les fonds centralisés ou la
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1 centralisation qui se trouvait à Sarajevo devait devenir de plus en plus
2 décentralisée afin que l'argent puisse retourner là où les régions de
3 trouvent, donc retourner dans les régions. Mais ici, dans ce cas concret,
4 il aurait fallu qu'il s'agisse d'une décision unilatérale. Nous étions
5 contre ce type de prise de décision. Les négociations avaient lieu en
6 janvier et nous voulions arriver à une solution, car il y avait un certain
7 nombre de régions dans lesquelles les Musulmans et les Croates étaient
8 majoritaires. Eux aussi, ils exprimaient le même désir. Mais il fallait
9 que, d'abord, l'on se mette d'accord afin que tout ceci soit finalisé. Ce
10 sont des fonds de pension, des fonds destinés à la santé, donc c'était tous
11 ces fonds-là qui se trouvaient au niveau de la république.
12 Q. Quelle était votre préoccupation, à savoir, de ce qui allait se passer
13 ou arriver aux finances de la RAK si elle prenait -- ou elle se comportait
14 ainsi, si elle décidait de mettre en œuvre ces décisions ? Est-ce que vous
15 aviez eu peur, par exemple, qu'au niveau républicain -- que le gouvernement
16 au niveau républicain riposte d'une certaine façon ?
17 R. Il s'agit plutôt des intérêts économiques. Comme dans tous les Etats,
18 Sarajevo était un centre commercial énorme. Là où il y a de plus grands
19 revenus, il y a de plus grandes dépenses. A un moment donné, il aurait
20 fallu -- donc les contributions sont plus grandes aussi, et il aurait fallu
21 voir si on arrête les contributions était une bonne chose à faire. Chaque
22 geste unilatéral, s'il n'est pas synchronisé ou syntonisé avec les
23 interlocuteurs, car nous représentions les intérêts serbes, cela aurait mis
24 dans un certain désavantage les Serbes lors du processus de négociation.
25 Donc, "Vous faites quelque chose qu'on n'a pas prévu, alors que vous dites
26 tout le temps que vous êtes prêts à vous plier à toutes les demandes, alors
27 que vous ne le faites pas." Alors, nous, on répondait toujours, parce que
28 là, eux ils pensaient aux Serbes, donc nous disions toujours nous sommes en
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1 train de réagir à vos gestes et vos décisions unilatérales que vous êtes en
2 train de violer, on était déjà parvenus à certains accords. C'est ce que
3 l'on disait comme réplique.
4 Q. Je souhaiterais maintenant que l'on passe à la conversation
5 interceptée. Il s'agit des mêmes interlocuteurs. Une communication qui a eu
6 lieu au mois de février 1992, cette pièce qui a été identifié avec la cote
7 64 A et 154.
8 M. JOSSE : [interprétation] Je ne veux pas que l'on passe à cette
9 conversation interceptée, inutile de le faire.
10 Q. Mais passons maintenant à la deuxième page en anglais, en haut de la
11 page, et je vais en donner lecture, Monsieur Krajisnik, avant que vous ne
12 la trouviez. Vous dites : "Il fallait que je leur donne un petit
13 encouragement pour ne pas qu'ils fassent des gestes ridicules comme
14 Brdjanin et Kupresanin. J'ai d'abord dû faire ceci, et ensuite j'ai fait un
15 accord, je suis parvenu à un accord, et troisièmement, le comité
16 constitutionnel l'a préparé. Alija m'a appelé."
17 Karadzic répond : "Oui."
18 Vous dites : "Est-ce que c'est exact de dire que vous allez proclamer
19 la constitution vendredi ? C'est très confus. Vous ne lui avez pas parlé de
20 vendredi, mais de demain."
21 Qu'est-ce que vous avez à dire concernant cet échange ?
22 R. Voilà, il y a deux questions qui se posent. Je vais commencer par la
23 deuxième question. Lorsqu'il dit : "Est-ce que tu as pris un rendez-vous
24 pour proclamer la constitution pour vendredi ?" C'était entre feu
25 Izetbegovic et, donc, j'explique de quelle façon je lui ai parlé et je lui
26 dit, donc à Izetbegovic, que j'avais l'intention de proclamer la
27 constitution demain. Donc, il s'agissait du 26 février. Cette conversation
28 a eu lieu le 26, ou plutôt le 25, attendez, je ne vois plus. Ah oui,
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1 c'était en février, le 25 février. Donc, la première partie du texte dans
2 laquelle on parle de M. Brdjanin et de M. Kupresanin, de ces deux hommes,
3 voilà de quoi il s'agit. Nous avons suivi les gestes qui n'étaient pas
4 adéquats, mais nous étions préoccupés, en Krajina, et aussi M. Brdjanin et
5 M. Kupresanin étaient très inquiets, car ils disaient toujours : "Nous
6 essayons de faire quelque chose alors que nous sommes réticents, alors
7 qu'eux, ils vont vers une Bosnie-Herzégovine indépendante." J'insiste pour
8 dire que la Bosnie-Herzégovine n'aurait pas été transformée, elle aurait
9 été unitaire, et pour cette Bosnie-Herzégovine, nous avions déjà dit il y a
10 très longtemps que l'on pouvait rester en Bosnie-Herzégovine, mais qu'il
11 fallait la transformer, la décentraliser. Si vous vous souvenez, si vous
12 avez lu la constitution, vous verrez dans ce premier geste, de toute façon,
13 de cette constitution, que c'est une constitution qui serait adoptée et
14 qu'elle serait intégrée dans le résultat des négociations en Bosnie-
15 Herzégovine. Donc, l'idée était de maintenir les négociations, alors que
16 ces deux derniers et les autres de Krajina pensaient : "Vous faites toutes
17 les choses de façon complètement ridicule, vous y allez, alors qu'on a
18 proclamé la Bosnie-Herzégovine et on n'a pas procédé à la transformation.
19 Malheureusement, cela a été fait comme cela même si on s'était mis d'accord
20 avec M. Cutileiro que l'on allait procéder à la transformation et à un
21 référendum et que par la suite, on procéderait à la proclamation. Donc,
22 j'essayais ici de les calmer, ici, de faire en sorte qu'ils ne fassent pas
23 de gestes incontrôlés et que nous allions proclamer la constitution. Donc,
24 je voulais simplement les calmer. Je me souviens bien de cette
25 conversation. Lorsque je l'ai relue, je me suis souvenu de toute cette
26 phase et de tout ce qui s'est passé avant, préalablement.
27 Q. Je souhaiterais maintenant que l'on passe au prochain document.
28 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, le prochain document
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1 fait partie de P154, donc P154. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais je crois
2 que sur la liste des pièces, ce document figure encore comme un document
3 qui a été versé sous pli scellé. Je me suis entretenu, en fait, je sais
4 qu'un échange de correspondance avec M. Zahar sur le sujet, et je crois
5 qu'il m'avait confirmé que ces documents ne devraient plus être sous pli
6 scellé.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vérifions d'abord de quoi il en est.
8 M. TIEGER : [interprétation] J'ai également suivi ces échanges de
9 correspondance et je veux dire que je suis d'accord.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour autant que je m'en souvienne, cela
11 n'a pas été fait, mais comme j'ai été informé du fait que le P154 constitue
12 l'un des documents versés au dossier par le biais de feu M. Babic, je crois
13 qu'il a été fait une ordonnance de nature générale prévoyant que cela
14 devrait être public. Sur la liste, il faudrait qu'il soit marqué qu'il
15 s'agit bien d'un document public.
16 M. JOSSE : [interprétation] Je voudrais vous aider en disant qu'il
17 s'agirait du 152 au 156 compris.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet. Vous pouvez donc
19 continuer en audience publique, s'agissant de ce document 154, et nous
20 allons vérifier où est-ce qu'il y a eu erreur.
21 M. JOSSE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors, une fois
22 de plus, d'après les recherches que nous avons effectuées, cette
23 conversation interceptée que j'ai l'intention d'utiliser n'a pas du tout
24 été mentionnée en audience. Cela fait partie du jeu complet qui a fait
25 partie de la collection Babic.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, allez-y.
27 M. JOSSE : [interprétation]
28 Q. Monsieur Krajisnik, j'aimerais que vous retrouviez cette partie de
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1 conversation qui se trouve au bas de la page 1. Il s'agit d'une
2 conversation de février 1992 :
3 "Karadzic : Je vois qu'ils ont relevé Babic de ses fonctions là-bas.
4 Krajisnik : Je dois te dire qu'ils ont bien fait.
5 Karadzic : Tu dis qu'ils ont bien fait ?
6 Krajisnik : Mais qu'il aille se faire foutre.
7 Karadzic : Oui. C'est vraiment un type, qu'il aille se faire foutre.
8 Krajisnik : Mais je ne sais pas ce que je ferais. Je ne sais pas si -- j'ai
9 longtemps réfléchi. Je me suis dit que nous avions fait une erreur, mais il
10 faut être un Serbe rationnel.
11 Karadzic : Mais c'est incroyable à quel point il se surévalue pour penser
12 qu'il importe plus que tout un chacun. Il doit aller devant le Parlement et
13 dire aux gens : voilà la situation telle qu'elle se présente, et à vous de
14 décider."
15 Mais je crains fort ici qu'en anglais, l'on ne comprenne pas ce qu'il
16 conviendra de lire. Ici, on dit que vous décidez, et je ferai comme vous
17 direz de faire.
18 Alors, je vais vous demander, Monsieur Krajisnik, de donner lentement
19 lecture de cette réponse de M. Karadzic pour que l'on puisse la faire
20 traduire.
21 R. "Mais non, c'est incroyable de le voir s'évaluer de la sorte et penser
22 qu'il importe plus que toute chose. Mais il doit se présenter devant le
23 Parlement afin que les hommes… qu'il dise aux hommes là-bas que la
24 situation se présente de telle et telle façon. A vous de décider, et je
25 ferai comme vous me direz de faire."
26 Q. Merci. Vous, vous avez dit : "En effet."
27 R. Oui. Alors les trois points de suspension qu'il y a ici, il y a -- "Lju
28 [phon], cela veut dire "Ljudi" [phon], à savoir, hommes ou gens. Il y a un
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1 bout de mot qui manque, c'est ce qui fait que la conversation est quelque
2 peu entrecoupée. Mais j'ai pensé que Karadzic disait qu'il surestimait son
3 rôle et qu'il fallait qu'il se présente devant le Parlement pour s'adresser
4 aux députés et leur dire : écoutez, dites-nous ce qu'il convient de faire,
5 décidez. Mais allez-y, je vais répondre à vos questions.
6 Q. Pourquoi vous et M. Karadzic semblez être satisfaits du fait que M.
7 Babic ait été relevé de ses fonctions ?
8 R. Ce n'est pas satisfaits que vous ne voyiez, et vous pouvez le constater
9 à partir de notre réponse. Mais c'est une chose que nous avons appuyée. Je
10 tiens à rappeler à M. le Juge que lorsque j'étais interrogé par M. Stewart,
11 il y avait eu -- j'ai dit qu'il y avait eu une réunion à Belgrade
12 concernant l'adoption du plan Vance, et à l'époque, l'assemblée tout
13 entière avait approuvé. Babic lui -- Feu Babic, a été contre, ainsi que son
14 gouvernement. Donc au bout de toute une nuit de travail, on était censés
15 continuer lendemain, mais lui, il n'a pas fait son apparition, et un groupe
16 entier, non pas originaire de la Republika Srpska mais qui avait assisté à
17 cette assemblée, est allé à l'assemblée du Parlement, à la session du
18 Parlement de la Krajina serbe, et ils ont insisté à la révocation de M.
19 Babic de ses fonctions.
20 Alors, c'est ce qu'on dit. Il fallait être rationnel, même s'il avait --
21 quand bien même il aurait eu raison, parce que je suis en train de
22 réexaminer ma propre position pour me demander si nous avions effectivement
23 eu raison d'appuyer la Serbie plutôt que la République de la Krajina serbe,
24 et en d'autres termes, Babic. Donc, c'est de cette réunion-là qu'il s'agit,
25 et c'est de son épilogue qu'il a été question, épilogue qui a eu son
26 aboutissement à la session de ce Parlement de la République de la Krajina
27 serbe.
28 Q. Merci. Je vais vous demander de passer maintenant à la conversation
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1 interceptée suivante. Ici, il s'agit d'une conversation entre vous et M.
2 Koljevic datant du mois de février 1992 également. Cela fait partie de la
3 pièce P389. Une fois de plus, je crois que c'est une écoute qu'on n'a pas
4 passée et qu'on n'a peut-être même pas mentionnée. Alors, on descend de
5 quelques lignes plus bas, après les parties introductives, et on voit M.
6 Koljevic dire : "Terrible, horrible, j'ai été dans un véritable nid
7 oustachi à Slavonski Brod, et pas même Tudjman ne contrôle cela." De quoi
8 s'agit-il ici, je vous prie ?
9 R. Il y a eu un conflit à Bosanski Brod, en d'autres termes, du côté de la
10 Bosnie, parce qu'en face, il y avait Slavonski Brod. La délégation de la
11 Bosnie-Herzégovine dont faisaient partie M. Koljevic ainsi que M. Ejub
12 Ganic, ils sont arrivés donc à Bosanski Brod et sont entrés en contact avec
13 Slavonski Brod qui se trouve de l'autre côté de la rivière Sava, de la
14 Sava, parce qu'il y a eu une coupure du trafic entre Bosanski Brod et
15 Slavonski Brod. Là, M. Koljevic est en train de dire qu'il avait vu là-bas
16 différentes unités qui ne se trouvaient même pas contrôlées par le centre
17 de Zagreb, et il avait mentionné feu M. Tudjman. De son point de vue à lui,
18 il dit qu'il s'était trouvé dans un véritable guêpier ou nid d'oustachi, et
19 cela évoque donc des souvenirs du Deuxième Guerre mondiale. Il parle des
20 attaques qui ont été lancées contre la politique bosniaque, contre lui,
21 dans une moindre mesure, et donc c'est là ce qui a généré un événements de
22 Sijepovac. Si vous vous en souvenez, c'était Mme Plavsic qui était allée
23 là-bas au nom de la présidence de Bosnie-Herzégovine. M. Koljevic et M.
24 Ganic étaient là, présents au nom de la présidence de la Bosnie-Herzégovine
25 juste avant la guerre. Ils n'ont pas été là-bas pour représenter la partie
26 serbe ou la partie musulmane.
27 Q. A quelques lignes plus bas, vous dites : "Vois-tu ? Ils sont allés au
28 conseil. Oui. Je dois aller à une réunion, et j'irai ensuite dans --
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1 comment il s'appelle, ce patelin -- oui, Rajlovac, au sujet d'une
2 municipalité." Alors, Monsieur Krajisnik, avant que de poser mes questions,
3 je voudrais que vous vous penchiez sur la conversation interceptée
4 suivante, qui porte deux numéros, qui est également partie intégrante de la
5 pièce P389, mais c'est également la P1135, et je précise que cela risque
6 d'être très frais dans la mémoire de tout à chacun puisque notre confrère
7 de l'accusation a interrogé M. Krsman au sujet de cette conversation
8 interceptée concrète. Il s'agit d'une conversation qui se passe également
9 en février 1992 entre vous-même et M. Karadzic. Vers le haut de la page,
10 vous dites : "Alors, il est allé à Rajlovac, chez des gens et là il y a un
11 grand territoire et ils veulent créer la municipalité de Rajlovac."
12 Karadzic dit : "Hm-hm". Vous continuez : "Et c'est une grande région, les
13 gens veulent que tu ailles t'asseoir avec eux, je suis resté longtemps avec
14 eux puis j'ai dû aller à la Commission constitutionnelle et j'ai demandé à
15 Milos d'y aller." Il s'agit de Milos Savic.
16 Ici il s'agit de Rajlovac à deux reprises. Une fois avec
17 M. Koljevic et une fois avec M. Karadzic. Y avait-il quoi que ce soit de
18 commun entre les deux et pouvez-vous nous préciser de quoi il s'agit.
19 R. Je vous demanderais de faire en sorte que les interprètes disposent de
20 l'original. Je suis sur le texte original, les interprètes font beaucoup
21 d'efforts. En effet, mais c'est une signification tout à fait autre quand
22 on va du serbe vers l'anglais puis quand on retourne de l'anglais vers le
23 serbe, cela donne autre chose. Il faudrait qu'ils aient les conversations
24 interceptées en version originale. Je vais dire où se situe l'erreur.
25 M. JOSSE : [interprétation] Mon observation, à ce sujet, Monsieur le
26 Président, c'est de dire que cela illustre fort bien le problème auquel
27 j'ai dû faire face lorsque j'ai parcouru ce texte avec M. Krajisnic. C'est,
28 plus que toutes autres choses, une difficulté liée à la traduction. Ces
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1 conversations interceptées pour des raisons tout à fait évidentes
2 constituent la chose la plus difficile à traduire.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis d'accord avec vous pour dire que
4 ce n'est pas une tâche aisée. Mais, toujours est-il qu'il faudra que nous
5 fassions de notre mieux et j'espère que cela aura une grande valeur que de
6 procéder à l'identification des erreurs afin que les Juges de la Chambre ne
7 soient pas acheminés vers une fausse route.
8 M. JOSSE : [interprétation] Absolument.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part la version originale qui doit
10 être mise à la disposition des interprètes, mais si tant est qu'il y a des
11 passages que vous aviez concrètement à l'esprit, il serait probablement
12 utile d'en donner lecture lentement afin que l'on puisse procéder aux
13 vérifications et les interprètes se chargeront de confirmer cela.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la deuxième conversation, j'ai entendu
15 une version qui diffère de ce qui est écrit. Je vais donner lecture de ce
16 qui est écrit. Je ne donnerai lecture que de trois lignes et je donnerai
17 trois lignes qui suivent la lettre M. Donc, c'est Krajisnik qui parle et je
18 me réfère à la référence au numéro ERN 02079378. Alors c'est Krajisnik qui
19 parle :
20 "Mort à tel point que tu n'en sais rien.
21 "R : Quoi il se repose ?" On ne peut pas dire : "il se repose" mais
22 il faut entendre tu te reposes parce qu'il n'y avait personne d'autre.
23 "M : mais non. J'avais", alors, l'interprétation a dit : "Il y a eu"
24 comme s'il y avait une troisième personne au singulier.
25 Je reviens à la lecture : "Mais non, j'ai eu ça, je suis allé à
26 Reljevo, puis les gens là-bas et je suis précis. Tu sais cette idée, enfin
27 c'est une idée, c'est une grande région et ils veulent créer une
28 municipalité de Rajlovac, comme cela a été de par le passé, tu sais, ah."
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1 Le problème, c'est que c'est moi qui disais que j'étais allé à Reljevo et
2 que les gens là-bas m'avaient dit qu'ils voulaient mettre en place ou créer
3 une municipalité, je ne parle pas d'une tierce personne mais de moi-même.
4 Alors, il ne dit pas : "Est-ce qu'il se repose." Il dit est-ce que tu te
5 reposes, n'est-ce pas, parce qu'il me pose la question à moi.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de nous avoir donné
7 lecture de cela, une fois de plus. Si vous me laissez une minute -- je n'ai
8 toujours pas trouvé cela -- mais je voudrais relire ce que M. Krajisnic
9 vient de nous lire. Nous en sommes bien au numéro 8, Maître Josse ?
10 M. JOSSE : [interprétation] Oui, nous sommes au numéro 8, c'est exact.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, et à quelle page sommes-nous ?
12 M. JOSSE : [interprétation] En version anglaise, à la page 1.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En page 1, bien.
14 M. JOSSE : [interprétation] C'est évidemment la page 1 en B/C/S aussi.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le vois tout à fait en haut. Je
16 vais redonner lecture de ce que je vois au compte rendu d'audience après
17 cela. La question qui se pose et celle de savoir comment résoudre ce point-
18 là.
19 Monsieur Krajisnik, si vous relisez l'original, est-ce qu'à votre
20 avis cela n'a pas été bien transcrit ou alors s'agit-il d'un problème de
21 traduction. S'il s'agit d'un problème de traduction, nous pouvons
22 redemander une traduction de ces quelques lignes. Ensuite, nous pourrions
23 demander au conseil de la Défense d'identifier tout autre point ou problème
24 qui pourrait surgir au niveau de ce document. Si, toutefois, c'est la
25 transcription qui se trouve être erronée dans l'original, il s'agit
26 d'entreprendre des mesures autres. Ce que nous appelons le B/C/S et que
27 vous appelez la langue serbe, la question qui se pose c'est de savoir si
28 c'est bien transcrit notamment pour ce qui est du point que vous avez
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1 soulevé.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mis à part le fait que c'est plutôt
3 biscornu et que ce n'est pas traduit de façon à ce que cela coule de source,
4 la transcription n'est pas erronée. En écoutant, je ne sais pas ce que cela
5 a donné en anglais, mais j'ai eu une appréhension qui était celle de voir
6 les choses mal traduites et quand on ferme la boucle on se rend compte des
7 erreurs.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voici ce que nous allons faire, on
9 fera comme auparavant, à moins qu'il n'y ait des objections de la part des
10 parties en présence. Nous allons prendre les cinq premières cases et cela
11 couvrira la totalité des problèmes
12 -- donc ces cinq premières cases seront retraduites et on demandera au
13 conseil de la Défense d'attirer notre attention sur tout autre problème de
14 traduction éventuellement survenu.
15 Veuillez continuer, Maître Josse.
16 M. JOSSE : [interprétation]
17 Q. Monsieur Krajisnik, je vous ai montré ce passage et le passage de la
18 conversation interceptée précédente. Est-il question d'une réunion à
19 Rajlovac ? A ce sujet, ma première question est la suivante : est-ce que
20 c'est à la même réunion qu'on fait référence ou s'agit-il de réunions
21 différentes ?
22 R. Il s'agit de la même réunion mis à part le fait que nous avons utilisé
23 deux notions : à Rajlovac, au sens large du terme et un site précis qui est
24 celui de Reljevo. Rajlovac c'est une région et Reljevo c'est un village.
25 Q. Pourriez-vous être plus précis et nous dire quand est-ce que cette
26 réunion a eu lieu ? Quand en février 1992 ?
27 R. Peut-être en procédant à une sorte d'analyse, cela serait-il faisable,
28 de prime abord, je ne saurais vous le dire. Je n'ai pas accordé d'attention
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1 à cet élément-là, mais ce que je sais c'est que j'étais présent à cette
2 réunion.
3 Q. De quoi il en retournait à cette réunion et quel a été votre rôle à
4 vous à celle-ci ?
5 R. Messieurs les Juges de la Chambre, vous vous souviendrez du témoignage
6 ici du président de la municipalité de Novi Grad, M. le Maire de Novi Grad,
7 M. Ismet Cengic. C'est lui qui a parlé d'une initiative des gens de
8 Raljovac visant à faire en sorte que cette communauté locale en juin 1992
9 aille dans la procédure, à savoir que l'on demande à l'assemblée d'élaborer
10 et d'en débattre. Or, cela a été refusé à cette communauté locale. Je me
11 suis entretenu à titre privé avec ces gens-là et j'ai fait une promesse à M.
12 Cengic à l'époque, en disant que j'allais aider à ce qu'un compromis soit
13 trouvé parce que c'était ma communauté locale, mon village à moi, celui où
14 je résidais. Les députés n'ont rien fait du tout pour ce qui est de se
15 conformer aux recommandations du parlement de la Republika Srpska pour ce
16 qui est de créer une municipalité. Or, après la Deuxième Guerre mondiale,
17 Rajlovac a, bel et bien, été une municipalité. Je dis qu'au mois de février,
18 j'ai été convié à une réunion. J'étais également député puisque j'étais
19 originaire de cette localité. J'ai parlé des revendications qui étaient les
20 leurs. Je disais qu'ils voulaient une municipalité. Le référendum était
21 déjà prévu. C'était notoirement connu que les gens avaient demandé
22 d'établir une municipalité. M. Cengic avait donné lecture de certaines
23 données. J'attire votre attention sur le fait que si j'avais eu des
24 informations au sujet des Variantes A et B, cela aurait au moins été
25 communiqué aux gens de ma localité pour que cela soit fait dès janvier, et
26 non pas attendre février pour que j'aille là-bas et que j'entende ce qu'ils
27 voulaient faire. Ultérieurement, ils ont créé cette municipalité de
28 Rajlovac et cette municipalité de Rajlovac a existé de toute la durée de la
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1 guerre.
2 Ce que je voulais dire c'est que ces citoyens m'ont invité à venir et quand
3 il y avait cette réunion, tout un chacun voulait poser des questions. Je me
4 plains justement du fait d'être resté longtemps là-bas à m'entretenir avec
5 ces gens. Cela se passe à 500 mètres de ma maison, à Zabrdje. De Zabrdje,
6 je suis allé m'entretenir avec M. Koljevic à Sarajevo, où lui venait
7 d'arriver depuis Slavonski Brod.
8 Q. Quand vous vous référez à Milos Savic qui était sensé se rendre à une
9 session de cette Commission constitutionnelle, de quoi s'agit-il au juste ?
10 R. Vous m'avez posé une question mais j'ai oublié. Milos Savic était le
11 secrétaire adjoint, le vice secrétaire de l'assemblée de la Bosnie
12 Herzégovine. C'était l'adjoint de M. Campara du côté serbe. A un moment
13 donné, il était président de la municipalité de Novi Grad, et j'étais sensé
14 allé devant la Commission constitutionnelle. Est-ce que c'était la
15 Commission constitutionnelle de la Republika Srpska ou celle de Bosnie-
16 Herzégovine qui devait se réunir, je ne sais pas, j'étais membre des deux.
17 J'ai demandé à ce qu'on me remplace au sein de cette commission parce que
18 je devais aller à cette autre réunion à laquelle on m'avait invité, celle
19 de Reljevo.
20 M. Milos Savic, il est décédé aujourd'hui, mais c'était le secrétaire de
21 l'assemblée serbe ensuite et d'ailleurs pendant toute la guerre également.
22 Si vous vous souvenez bien, il y a eu une conversation téléphonique
23 au cours de laquelle j'ai demandé à M. Mandic de laisser partir sa famille
24 parce que son frère et sa belle sœur étaient de Potok, et qui devaient être
25 sensés être libérés. M. Mandic s'en est occupé. Donc voilà de quoi il
26 s'agit.
27 Q. Merci. Avant dernière conversation interceptée dans cette liasse. C'est
28 une conversation entre vous-même et Mme Karadzic au départ, et puis à peu
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1 près au milieu de la conversation c'est M. Karadzic qui intervient, qui
2 prend le relais. Une conversation de février 1992.
3 M. JOSSE : [interprétation] J'ai besoin d'une cote.
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D188.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
6 M. JOSSE : [interprétation]
7 Q. Au début de la conversation, Mme Karadzic vous dit : "Pas encore mais
8 Branko Simic de Capljina vient d'appeler, la garnison de Capljina est
9 bloquée depuis hier soir." A quoi fait-on référence ici ?
10 R. Merci de me poser cette question parce qu'ici, il y a eu un malentendu.
11 Capljina, cela se trouve en Croatie, dans la partie croate de la Bosnie-
12 Herzégovine, plutôt, et cela appartient aujourd'hui à la Fédération. Je
13 suis sûr que M. le Président se souviendra du moment où j'ai posé une
14 question à mon avocat, et où j'ai déclaré que Capljina était en Croatie,
15 parce qu'un témoin avait dit que les Serbes avaient chassé les Croates et
16 (expurgé). C'est une erreur. On
17 l'avait mal informé par les médias à Sarajevo.
18 Ce dont il est question ici, c'est le fait qu'il y avait une garnison à
19 Capljina, une garnison de l'armée populaire yougoslave, et les unités du
20 HOS -- d'abord, il s'agissait de forces croates extrémistes, et ils ont
21 complètement bloqué la garnison de Capljina, et ensuite la totalité de la
22 localité de Capljina a été contrôlée par le HVO, et ceci pendant toute la
23 guerre. Les Serbes avaient quitté cette zone.
24 Pour vous donner un exemple, je vais me permette une petite digression. Le
25 fils d'un des membres de la présidence a été tué à ce moment-là. Un membre
26 de la présidence de la Yougoslavie, il a été tué lors de ce blocus.
27 Maintenant, je reviens à la question que vient de me poser mon
28 avocat. De quoi s'agit-il ? On a vu des barricades être érigées autour de
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1 la garnison comme cela avait été le cas en Croatie. Cela a commencé dans la
2 partie croate de la Bosnie-Herzégovine, et ici on fait référence à Branko
3 Simic. Pourquoi ? Branko Simic, qui est décédé aujourd'hui, il était vice-
4 président de l'assemblée serbe. C'était un député de l'assemblée de Bosnie-
5 Herzégovine. C'était aussi le président de la Commission chargée du
6 contrôle de la Défense nationale. Il était venu de Mostar, où il résidait.
7 Il a appelé
8 Mme Karadzic pour informer M. Karadzic que la garnison avait fait l'objet
9 d'un blocus à Capljina. Donc, cela est une information extrêmement utile
10 pour vous, qui vous permet de voir que (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé). C'est le contraire qui
13 s'est produit. Ceci est pour aider la Chambre de première instance à bien
14 comprendre les choses en les replaçant dans leur contexte.
15 Il y a quelque chose d'autre, chose d'importante que je peux vous dire au
16 sujet de la visite de M. Karadzic, si cela vous intéresse, Maître Josse.
17 Q. Vous faites référence à la visite de M. Karadzic où, à quel endroit ?
18 R. Bien, il y a eu une visite secrète, en fait. M. Karadzic a rencontré la
19 partie croate. Je crois que cela s'est passé en Herzégovine occidentale,
20 parce que M. Karadzic entretenait de bonnes relations, il était en bons
21 termes avec M. Boban, aujourd'hui décédé, M. Boban qui était à la tête du
22 HDZ. Il l'a rencontré. Il est passé du côté serbe au côté croate, et ils
23 ont eu une réunion qui s'est déroulée dans les environs de Mostar. Ici, il
24 fait référence à Branko Simic, qui était député. Plus tard, il a exprimé
25 son insatisfaction se demandant pourquoi on ne l'avait pas interrogé ou
26 l'informé de cette réunion secrète, puisque c'était une réunion bilatérale
27 qui avait pour objectif de trouver une solution à une situation. On a fait
28 légèrement pression sur les Musulmans pour essayer de contourner leur --
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1 les accords qui avaient été conclus pour ne pas refuser de compromis. Cette
2 visite, j'en ai entendu parler plus tard. A l'époque, je n'étais pas au
3 courant. Je ne savais pas que M. Karadzic est en fait allé. A ce moment, je
4 ne le savais pas.
5 Q. Passons à un passage suivant. Dans la même conversation, dans la page
6 suivante en anglais, vous parlez toujours avec
7 Mme Karadzic. Elle vous a indiqué que son mari venait de rentrer à la
8 maison. Vous dites, je cite : "Vous savez ce qu'a dit Cengic aujourd'hui.
9 Cengic a dit que c'était très intéressant. Cengic a dit"--
10 Mme Karadzic intervient : "Un instant. C'est le bon moment. Le bon moment."
11 Vous dites : "Ah bon."
12 Mme Karadzic : "Oui, un instant. Mais je -- il faut me laisser finir. Il
13 faut finir de lire ce qu'a dit Cengic."
14 A ce moment-là, vous, Monsieur le Témoin, vous dites : "Ben, non, Cengic a
15 dit qu'il -- cela ne lui plaisait pas de n'avoir pas été membre de l'équipe
16 de négociation. Il dit qu'il a dit à Alija : 'Pourquoi est-ce que vous avez
17 désigné pour cela un homme de conflits, alors qu'il a réussi à créer une
18 dispute entre moi et les Musulmans plutôt qu'entre le Serbes et les
19 Musulmans ?'"
20 Qu'est-ce que cela veut dire, tout cela ?
21 R. Comme je l'ai déjà dit, il y a avait des équipes de négociation qui
22 représentaient les trois parties en présence. Il y avait M. Cengic --
23 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
24 L'INTERPRÈTE : L'interprète précise que Mme Karadzic et
25 M. Krajisnik se tutoient.
26 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que je sais quel est le problème.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.
28 M. JOSSE : [interprétation]
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1 Q. Continuez, Monsieur Krajisnik.
2 R. Est-ce que je peux continuer ?
3 Q. Oui, allez-y.
4 R. Les trois côtés, les trois parties en présence avaient chacun de
5 équipes de négociation. Karadzic, Kljuic et Izetbegovic avaient mis en
6 place ces équipes. Ici vous avez M. Cengic, et il s'agit j'imagine de
7 Muhamed Cengic, oui, c'est cela, Muhamed Cengic, était le vice-président du
8 SDA. Il avait une bonne réputation au sein du parti.
9 M. Izetbegovic, aujourd'hui décédé, ne l'a pas fait figurer dans
10 l'équipe. Il ne l'a pas désigné pour être membre de l'équipe de
11 négociations. C'était considéré comme un grand honneur. Il y a avait eu des
12 rivalités entre les membres des équipes, et puis ceux qui n'en étaient pas
13 membres de ces équipes de négociations, à ma connaissance, c'est quelqu'un
14 qui a été considéré comme par M. Cengic comme quelqu'un qui était
15 conflictuel. Il dit qu'il a réussi à créer une dispute entre nous-même et
16 les Musulmans. Je crois qu'ici on parle de M. Mahmutcehajic. C'est de lui
17 qu'on parle, parce que
18 M. Cengic dit ceci parce qu'il, lui-même, n'était pas notre membre de
19 l'équipe. Il y avait de sa part une certaine jalousie qui entrait en ligne
20 de compte. Aussi, un petit détail : parce que c'est comme cela que les
21 choses se présentaient, il dit qu'il avait d'assez bonnes relations avec
22 les Serbes. M. Cengic, il estimait qu'il aurait pu être plus utile au sein
23 de l'équipe que la personne qui avait effectivement été effectivement
24 désignée par M. Izetbegovic.
25 Q. M. Karadzic arrive à la maison. A ce moment-là, c'est lui qui prend le
26 combiné, et il continue la conversation avec vous, et très bientôt, il vous
27 dit : "Cela n'est pas l'affaire de l'assemblée. C'est plutôt quelque chose
28 qui relève du parti." Qu'est-ce qu'ils veulent dire par là ?
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1 R. Ici, je lance une petite boutade. Je vous dis que personne ne savait où
2 il était. Je le critique un peu pour cela, mais il m'a dit qu'il était
3 parti pour s'occuper d'affaires qui ne concernent la partie et pas
4 l'assemblée, parce qu'au sein de notre parti on fait la différence entre
5 s'il intéressait le parti et le reste. M. Karadzic, comme je l'ai dit,
6 venait de rencontrer le président du HDZ à l'époque, M. Boban - et comment
7 vous dire ? - il l'identifie. Il y fait même référence en utilisant un
8 terme du jargon psychiatrique ou psychologique, en disant qu'on était dans
9 une équipe de football. Il y a la direction, et puis il y les footballeurs,
10 ceux qui savent jouer au football, qui constituent l'équipe. Ici, il dit
11 que ce qui se passait, cela ne concernait pas l'assemblée. C'était quelque
12 chose qui relevait du parti en tant que tel.
13 Q. Passons maintenant à la dernière conversation interceptée dans cette
14 liasse. Cela se passe le 2 mars 1992, entre vous et
15 M. Karadzic. J'ai besoin là aussi d'une cote.
16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D189.
17 M. JOSSE : [interprétation] J'ai demandé à ce que cette conversation soit
18 passée, qu'on puisse l'écouter. L'Accusation a l'acceptée. Je vous
19 remercie. Enfin, s'il y a un problème ce sera ma responsabilité et pas la
20 leur.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous allons écouter la
22 conversation en question.
23 [Diffusion de cassette audio]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "Je vais revenir dans une demi-heure au commandement du corps.
26 C'est une conversation téléphonique en direct, ou un lien
27 téléphonique en direct avec les missions. Un instant. Allô, oncle Momo,
28 attends un tout petit peu. Il est toujours en train de parler.
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1 M : Ah, vraiment ?
2 XW : JuTel.
3 M : Pardon
4 XW : Je leur parle ici. Un instant.
5 R : Oui.
6 M : Qu'est-ce que ce qui se passe ?
7 R : Est-ce que vous regardez JuTel ? Non ?
8 M : Non.
9 R : Je parlais en direct à Izetbegovic. Ils ont commencé une
10 mobilisation secrète.
11 M : Une mobilisation secrète ?
12 R : Partout, ils attaquent partout.
13 M : Comment ?
14 R : Ils attaquent nos localités de manière organisée, et cetera.
15 M : Si tu l'as dis, c'est ce que tu as dit. Ils attaquent Pale ?
16 R : Pardon ?
17 M : Tu as dit qu'ils attaquaient Pale ?
18 R : Oui, oui. J'ai reçu des informations de là-bas. Il y a des
19 blessés, ils n'arrivent pas à passer.
20 M : Vraiment ?
21 R : Oui, oui.
22 M : Où est ?
23 R : Un instant, Momo. Toso Domazet [phon]. Sur JuTel, oui, la police
24 distribue des armes aux Musulmans, bien sûr. Bien sûr, oui. Bon, je vais au
25 QG du corps maintenant, et on va voir ce que -- Merci beaucoup. Bonne
26 chance.
27 M : Un instant. Tu as ces informations. Mais peut-être -- parce qu'il
28 y a beaucoup de fausses informations.
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1 R : Ecoutes. Il y a des fausses informations, mais nous disposons
2 aussi d'informations assez exactes. Il n'y a pas une seule localité
3 musulmane dans laquelle ils n'aient pas commencé.
4 M : C'est cela. C'est cela. Ils sont en train de s'organiser,
5 d'ériger des barricades, mais il n'y a pas d'endroit où -- je ne sais pas.
6 Il y a beaucoup de fausses informations.
7 R : Il y a des blessés. Il y a des blessés.
8 M : Il y a des blessés même à Zabrdje, mais ce n'est pas vrai, tu
9 sais. C'est juste des gens qui racontent cela, tu sais.
10 R : Oui.
11 M : Ils répandent des informations erronées.
12 R : Non, non, non. Moi, les informations je les reçois des gens. Il y
13 a des gens qui ont des blessures au ventre, aux jambes, et cetera.
14 M : Tu sais.
15 R : Pardon ?
16 M : D'où est-ce que tu tiens cela ?
17 R : De Pale.
18 M : De Pale ?
19 R : Oui, ils appellent de Pale.
20 M : Où -- tu sais s'il y a quelque chose qui se passe en ville ?
21 R : Bien, ils attaquent en ville, c'est-à-dire ils s'approchent de
22 Vojkovici et des quartiers de Grlica et Vojkovici, ils ont fait prisonnier
23 un directeur de, comment il s'appelle déjà, oui, Famos, et cetera. Je vais
24 aller au quartier général du corps avec Kukanjac et Izetbegovic maintenant.
25 M : Oui, bien.
26 R : Ah, nous avons reçu le même de Cutileiro.
27 M : Oui. Qu'est-ce que cela dit ?
28 R : Bien, c'est un mémo dans lequel il dit que les négociations vont
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1 continuer le 7 et le 8 à Bruxelles.
2 M : Le 7 et le 8 à Bruxelles ?
3 R : Oui. Des négociations au sujet de la géographie et les
4 compétences. Ce n'est plus possible de revenir en arrière.
5 M : Ah, s'il te plait, appelle-moi et dis-moi ce qui se passe là-bas.
6 R : D'accord.
7 M : Je serai chez moi. Ne vas à Reljevo, tu sais ?
8 R : D'accord.
9 M : Dans environ une demi-heure.
10 R : D'accord. Salut.
11 M : Salut."
12 [Fin de la diffusion de cassette audio]
13 M. JOSSE : [interprétation]
14 Q. Qu'est-ce qui se passe dans cette conversation qu'on vient d'écouter,
15 Monsieur Krajisnik ?
16 R. Nous avons là une conversation qui est très confuse, mais cela serait
17 très intéressant de la comprendre, pour aller au fond des choses. D'abord,
18 M. Karadzic parle de JuTel. Qu'est-ce que c'est que JuTel ? C'était une
19 chaîne de télévision pour la Yougoslavie, qui s'est donné l'image d'une
20 télévision, d'une chaîne de télévision indépendante, mais, en fait, cela
21 n'en était pas une. Ce n'est pas vraiment indépendant. Il y avait une crise
22 à ce moment-là. Quelqu'un qui assistait à un mariage avait été tué à
23 Bascarsija à Sarajevo. Je crois que c'est le père de la mariée qui a été
24 tué. M. Karadzic, ainsi qu'une personne dont le nom --
25 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] On parlait sur JuTel de la possibilité d'aller
27 voir le général Kukanjac au QG du corps, pour essayer de voir si l'armée
28 pouvait intervenir et ramener l'ordre.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les interprètes ont manqué le deuxième
2 nom que vous avez mentionné. Vous dites M. Karadzic et -- et qui d'autre ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Karadzic a parlé par l'intermédiaire de
4 JuTel à feu M. Izetbegovic.
5 Cela était le début. C'est le début de cette conversation.
6 Parce qu'ils s'étaient mis d'accord pour aller à la 2e Région
7 militaire pour voir M. Kukanjac. Ensuite, la conversation se poursuit, une
8 conversation entre moi et M. Karadzic. Dans le reste de la conversation il
9 me fait savoir ce qu'il sait des attaques contre des zones serbes, le
10 nombre de blessés, et cetera. A un moment donné, je lui dit qu'il y a
11 beaucoup de désinformations, d'informations fausses qui circulaient, et
12 qu'il faut faire la part des choses entre ce qui est vrai et ce qui faux.
13 Je lui donne l'exemple de mon propre village, le village de Zabrdje, parce
14 que les informations qui circulaient à ce moment-là c'étaient qu'il y avait
15 des blessés, et je lui ai dit que je sais pertinemment qu'il n'y avait pas
16 de blessés. Alors, il me dit, d'accord, oui, mais il y a vraiment des
17 conflits, des escarmouches, des affrontements à d'autres endroits.
18 L'atmosphère, le climat qui règne c'est un climat de désinformations, de
19 méfiance qui est délibérément créée pour induire en erreur la partie
20 adverse. Cela est l'essence même de notre conversation, et je lui demande
21 de me transmettre les informations qu'il recevra quand il ira à la 2e
22 Région militaire, parce que moi aussi je suis très préoccupé par ce qui se
23 passe. Effectivement, il y a eu des barricades qui ont été érigées à
24 l'époque. Il y a eu des affrontements, mais rien d'aussi spectaculaire que
25 cela ne semblait être le cas à ce moment-là.
26 C'était surtout la peur qui nourrissait toute cette frénésie. A un
27 moment donné, M. Karadzic m'a dit qu'il avait entendu dire que des Serbes
28 avaient attaqué Sarajevo au moment même où on se parlait, or c'était faux.
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1 Il y avait beaucoup de désinformation.
2 M. JOSSE : [interprétation]
3 Q. Pour ceux d'entre nous qui n'ont pas pu écouter cette conversation
4 interceptée que dans sa version anglaise, pourriez-vous, pour nous, nous
5 donner une idée du ton de la voix de M. Karadzic dans cette conversation ?
6 R. Je ne sais pas comment ceux qui écoutaient cette conversation sont
7 parvenus à la transcrire. Cela a du être extrêmement difficile, puisque là
8 il y a beaucoup d'interjections.
9 M. Karadzic était complètement paniqué. Il avait très peur que la guerre
10 n'ait déjà éclaté, puisqu'il avait entendu beaucoup de très mauvaises
11 nouvelles. Je suppose, et plus tard, j'ai appris, j'ai entendu à la
12 télévision JuTel, que M. Izetbegovic lui aussi lui avait dit : "Oui, vos
13 hommes viennent de Pale." Cela s'est passé dans la conversation qu'ils ont
14 eue par l'intermédiaire de JuTel. On l'a passée à la télé l'autre jour, je
15 l'ai même vu moi-même, cette conversation.
16 M. JOSSE : [interprétation] Il me reste quelques minutes de questions au
17 sujet de la fusillade au mariage et sur les barricades auxquelles a fait
18 référence M. Krajisnik. Je dépends de vous. Je ne sais pas si vous voulez
19 que j'en parle moi-même tout de suite ou après la pause, parce que c'est
20 ensuite Me Stewart qui reprendra le flambeau.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, si vous pouvez poser ces questions
22 en sept minutes, ce serait bien. Sinon, nous ferons la pause tout de suite.
23 M. JOSSE : [interprétation] Je vais faire de mon mieux.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
25 M. JOSSE : [interprétation]
26 Q. Je voudrais vous poser une question au sujet de la fusillade au
27 mariage. Les Juges en ont longuement entendu parler, et vous venez vous-
28 même de l'évoquer. Quand vous avez entendu parler de cette fusillade,
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1 quelle a été votre réaction, Monsieur Krajisnik ?
2 R. M. Josse et moi-même nous avons, pendant la préparation de ma
3 déposition, visionné une interview qui n'est pas authentique, une interview
4 réalisée par un journaliste de Grande-Bretagne. Il y avait une délégation,
5 M. Karadzic, M. Koljevic, M. Buha et moi-même, on était à l'étranger, à
6 Genève ou Bruxelles. On participait à une réunion. Ce jour-là, on était
7 venus à Belgrade, ou plutôt, on était allés à Belgrade, parce que quand on
8 allait à Genève ou à Bruxelles, on prenait toujours l'avion à Belgrade. A
9 Belgrade, on nous a appris que quelqu'un avait été tué lors du mariage de
10 son fils. Il avait été tué par des membres de la Ligue patriotique; ce sont
11 des gens qui sont en procès au moment où nous nous parlons. Le Procureur de
12 Sarajevo, un Serbe, a qualifié cet incident non pas d'un incident à
13 caractère ethnique, il a dit qu'il s'agissait d'un crime.
14 Q. Allez-y, continuez mais un peu plus lentement, s'il vous plaît.
15 R. Oui. Merci. Tout ce qui se passe à Sarajevo, c'est mené par ceux qui
16 sont à Sarajevo, M. Dukic et Mme Plavsic. Il y a des discussions à la
17 présidence, parce que des deux côtés, ont a érigé des barrages, des
18 barricades; d'abord les Serbes, et ensuite, les Musulmans. Donc, il fallait
19 réagir, fallait répondre aux revendications qui étaient formulées. Donc, on
20 a eu des conversations avec eux depuis Belgrade. Quand je dis "on", quand
21 je dis "nous", je pense au fait que M. Karadzic, il a parlé en notre nom
22 pour essayer d'obtenir autant d'informations que possible. Mais ce qui est
23 faux dans cette interview, c'est la chose suivante : quand je dis "nous",
24 j'utilise ce terme de "nous" tout le temps, mais je n'ai engagé personne à
25 partager avec moi, parce qu'on ne pouvait rien faire à distance de toute
26 façon. J'ai un certain nombre de choses à dire au sujet de cette interview,
27 mais j'attendrai qu'on y vienne.
28 Aussi bien pour les Serbes que pour les Musulmans, ici je parle de
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1 politique, cet incident était vraiment regrettable. C'est certainement le
2 fait d'un individu qui était un plus grand musulman que Alija Izetbegovic
3 et que son groupe d'extrémistes, mais pour nous, cela a été un véritable
4 choc parce que rien de tel ne s'était encore jamais produit en Bosnie-
5 Herzégovine, un tel mépris pour les emblèmes nationaux, Serbes, Musulmans.
6 C'était quelque chose de complètement inédit qui ne s'était jamais vu que
7 quelqu'un soit tué et que son drapeau ait été volé. Le meurtre de ce Serbe
8 lors d'un mariage, cela a été une étincelle qui a mis le feu aux poudres,
9 qui a déclenché la guerre. Mais Dieu merci, Dieu merci, ils y avaient ceux
10 qui étaient là à cette époque, M. Izetbegovic, M. Ejub Ganic, qui était le
11 chef de la cellule de Crise de Bosnie-Herzégovine. Il y avait aussi Mme
12 Plavsic et puis M. Dukic. Donc ils ont réagi, ils ont travaillé sur cette
13 situation, mais on pense toujours au jour d'aujourd'hui qu'il s'agit là
14 d'un incident vraiment fatal qui a contribué au déclanchement de la guerre,
15 même si c'est plus tard et pas à ce moment-là que la guerre s'est déclarée.
16 Pourquoi est-ce que je dis que selon moi, les Musulmans ne souhaitaient pas
17 que cela se produise ? J'ai lu les mémoires de
18 M. Izetbegovic aujourd'hui décédé, et j'y ai lu que cet incident avait
19 provoqué une grande insatisfaction de sa part, parce que le référendum
20 allait avoir lieu, et ce n'était pas vraiment dans son intérêt de donner du
21 grain à moudre aux Serbes. Il s'agit là d'un incident extrêmement grave qui
22 aurait pu avoir des conséquences extrêmement graves dans une zone beaucoup
23 plus élargie que celle de Sarajevo. Plus tard, effectivement, cela a eu des
24 conséquences vraiment funestes. Donc, je maintiens que ce qui s'est passé,
25 c'est vraiment défavorable aussi pour les Musulmans, bien que je n'aie
26 aucune raison défendre ni les Musulmans, ni M. Izetbegovic.
27 Q. L'interview que vous venez d'évoquer, c'est celle que je vous ai
28 remise, dont je vous ai remis le texte vendredi, n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. Je signale aux Juges de la Chambre qu'il s'agit de la pièce P853, et
3 comme l'a dit M. Krajisnik, j'y reviendrai plus tard.
4 Je souhaiterais simplement vous interroger au sujet des barrages, des
5 barricades, Monsieur Krajinik. On dit qu'elles ont été érigées des deux
6 côtés de manière spontanée. Vous-mêmes, les dirigeants serbes de Bosnie,
7 qu'avez-vous fait à ce sujet ?
8 R. Je voudrais vous donner une explication, vous expliquez pourquoi j'ai
9 dit que cela a été fait de manière spontanée. La raison immédiate de cela,
10 c'est le meurtre. Parce que personne n'aurait logiquement pu prévoir que
11 ceci ce produise, surtout du côté serbe. Donc, si cela s'est produit, c'est
12 forcément spontané. Plus tard, je me suis renseigné. Oui, effectivement,
13 cela s'est passé de manière spontanée du côté serbe. Pourquoi est-ce que je
14 pense que cela a été spontané aussi du côté musulman ? Parce que cela s'est
15 fait en réaction à ce qui s'était produit.
16 Excusez-moi, mais votre question, c'était de savoir ce que nous, nous
17 avions fait. Ce que nous avons fait, c'est d'essayer de réagir à cette
18 situation un peu plus tard. Un accord a été conclu, une déclaration
19 conjointe a été établie avec M. Dukic, Mme Plavsic d'un côté et M.
20 Izetbegovic et M. Ganic de l'autre côté. Cela a fait l'objet d'un
21 communiqué de presse, et c'est ainsi qu'on a réagi face à la situation.
22 S'agissant des barrages, M. Kukanjac est venu me voir à l'assemblée, un
23 jour. J'étais fort surpris. Il m'a dit : "Venez avec moi, on a va à
24 Zabrdje, votre village natal." En chemin, on a rencontré des barrages. On a
25 parlé aussi bien qu'aux Musulmans qu'aux Serbes. On leur a demandé pourquoi
26 ils en train de faire cela, et des deux côtés, on nous a dit qu'ils avaient
27 peur de la partie adverse, de l'autre. Partout on voyait soudain apparaître
28 des armes. On voyait ce virage qui était opéré. On s'éloignait du chemin de
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1 la paix et on glissait vers la guerre.
2 M. JOSSE : [interprétation] Peut-être pourrions-nous faire la pause
3 maintenant. J'aimerais demander à Me Stewart s'il souhaite que je pose des
4 questions supplémentaires sur ce sujet.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pause jusqu'à 16 heures 15.
6 --- L'audience est suspendue à 15 heures 52.
7 --- L'audience est reprise à 16 heures 27.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, nous levons la
9 confidentialité des pièces 152 jusqu'à et y compris la pièce 156, qui ont
10 été déposées le 28 février 2005 -- ou plutôt, non, cela a été dit le 28
11 février 2005 et nous étions à huis clos partiel, ce n'était peut-être pas
12 tout à fait clair mais j'avais demandé que ces pièces ne soient plus
13 déposées sous pli scellé. Il s'agit d'une question administrative, une
14 ordonnance a été faite à l'endroit du Greffe pour que ces deux pièces ne
15 soient plus versées sous pli scellé.
16 Je souhaiterais également attirer l'attention des parties sur le fait que
17 même si la confidentialité n'est plus de rigueur pour le compte rendu
18 d'audience, les pièces sont disponibles, cela n'est pas le cas pour toute
19 la teneur, pour tout ce qui figure dans les pages, il s'agit des pages 9544
20 et 9545. En fait, c'est deux versions différentes. C'est la même page, mais
21 c'est deux numéros différents pour la même page. Voilà donc, nous avons
22 deux versions différentes.
23 Maître Stewart, est-ce que c'est bien vous qui poursuivrez ?
24 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Pour l'instant,
25 nous avons décidé que ce sera moi, mais Me Josse reviendra peut-être sur
26 une ou deux questions un peu plus tard.
27 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
28 Q. [interprétation] Bien. Ceci dit, Monsieur Krajisnik, avant d'arriver à
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1 la fin de la session vendredi dernier, par ordre chronologique, nous étions
2 arrivés au mois de février 1992 et nous étions en train de parler du début
3 de mois de mars. Lorsque nous arrivons au début du mois de mars 1992,
4 d'abord dites-nous très brièvement quelles étaient vos circonstances
5 personnelles concernant la maladie très grave de votre femme ? Quelle était
6 la situation, votre situation personnelle et comment se sentait votre femme
7 à l'époque, étant donné qu'elle souffrait d'une maladie grave ?
8 R. Oui. Malheureusement, mon épouse était très gravement malade. Elle
9 était même d'ailleurs dans le coma.
10 Q. Pourriez-vous nous résumer vos activités quotidiennes ? Vous habitiez
11 encore à Sarajevo. A quoi ressemblait une journée de travail, par exemple ?
12 A quelle heure commenciez-vous, à quelle heure terminiez-vous votre journée
13 de travail ?
14 R. J'ai déjà répondu à cette question la dernière fois, mais je vais, si
15 vous voulez, expliciter. Je suis un homme qui aime bien travailler. Je peux
16 travailler de longues heures, vous savez. J'ai très longtemps travaillé
17 dans mon bureau, c'est-à-dire, je travaillais dans mon bureau et j'étais en
18 contact avec la maison pour voir comment mon épouse se sentait, donc je
19 restais au bureau. Pour vous donner un exemple, il est arrivé qu'elle se
20 sente une fois très mal, elle a eu une crise. Avec le feu Abdulah
21 Konjicija, je m'étais rendu à la maison à bord de sa voiture. Il y avait un
22 médecin, Ismet Alepig [phon] et nous l'avons transportée à l'hôpital
23 immédiatement. Grâce à ce médecin --
24 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom du médecin.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais grâce à Abdulah Konjicija qui m'a emmené,
26 nous avons pu la transporter à l'hôpital. C'était particulièrement
27 difficile pour moi.
28 Mais le mois de mars, pour ce qui est du travail, était le mois le plus
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1 occupé, car nous avions des pourparlers avec les parties, des visites de M.
2 Cutileiro, nous avions des voyages également à faire et même s'il y avait
3 des sessions de l'assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, même si
4 elles étaient tenues ces assemblées, la plupart du temps, nous devions
5 mener des négociations, soit à Sarajevo, soit à Genève, à Bruxelles, à
6 Lisbonne, et cetera. Donc je n'avais pas énormément de temps pour rentrer à
7 la maison régulièrement, il m'arrivait très souvent d'entrer à la maison
8 que les week-ends. Pendant que je travaillais dans la ville, je rentrais
9 très tard le soir. Vous pouvez également consulter les documents et vous
10 verrez que c'était un mois particulièrement occupé avec un très grand
11 nombre d'activités. Toutes ces activités visaient à trouver une solution à
12 la crise de Bosnie-Herzégovine.
13 M. STEWART : [interprétation]
14 Q. D'abord, Monsieur Krajisnik, vous nous avez dit que vous passiez la
15 plupart du temps à négocier. Vous parlez, j'imagine, de négociations
16 internationales lorsque vous faites référence à Sarajevo, est-ce que vous
17 parlez de négociations domestiques, locales entre d'autres parties et vous-
18 même en Bosnie-Herzégovine ?
19 R. Il y avait une question leitmotiv, c'était l'avenir de la Bosnie-
20 Herzégovine et les négociations se menaient à différents niveaux avec des
21 présidents de club, avec un intellectuel, avec le président d'un parti, par
22 exemple. Tous les gens, on parlait même au sein d'une famille. Les gens
23 parlaient de l'avenir de Bosnie-Herzégovine. Tous les gens en Yougoslavie
24 parlaient de cette question. C'était ainsi à l'assemblée également. Nous
25 avions la présidence de l'assemblée, il y avait le président, le vice-
26 président, le secrétaire, le président de différentes chambres et nous
27 essayions également de trouver des solutions et quand il y avait une lueur
28 d'espoir, une lueur d'espoir que les choses allaient se régler, nous étions
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1 heureux. C'est comme si cela avait été un cancer, comme si nous souffrions
2 d'un cancer et que, tout d'un coup, on nous disait qu'on allait guérir.
3 Tout le monde était intéressé à cette question. Je crois que même le
4 football n'était pas un sujet aussi discuté. On regardait la télévision et
5 chaque déclaration faisait l'objet d'analyse. On voulait savoir si les
6 choses allaient ou iraient moins bien. Je me rappelle qu'une fois lors
7 d'une émission de télévision, on avait dit : oui, tant et aussi longtemps
8 que Krajisnik restera là-bas, l'assemblée ne sera pas dissoute. Justement,
9 je pensais que tant et aussi longtemps que les contacts se faisaient, la
10 guerre n'allait pas éclater. Mais la guerre était imminente et j'avais très
11 peur. Des fois, je me sens même coupable envers ma famille, même si je
12 n'avais pas pu les aider mieux ou plus, mais la situation était telle que,
13 franchement, je n'aurais rien pu faire de mieux pour eux. Voilà, mais
14 j'étais préoccupé par mon travail.
15 L'INTERPRÈTE : Le micro est allumé, mais la lumière n'était pas allumée. On
16 entendait la cabine française.
17 M. STEWART : [interprétation]
18 Q. Pour ce qui est de la communauté internationale et de
19 M. Cutileiro et des pourparlers, au mois de mars 1992 et possiblement vers
20 la fin de février, vous aviez des discussions séparées avec des
21 représentants de la communauté croate, est-ce que c'est exact ?
22 R. Oui.
23 Q. Le fait même que ces négociations avaient lieu, est-ce que M. Cutileiro
24 était au courant de ces échanges ?
25 R. Maintenant, plusieurs années plus tard, j'ai bien du mal à être
26 particulièrement précis. J'ai peur de me tromper mais il y a une chose qui
27 est tout à fait certaine : M. Cutileiro est un diplomate hors pair. C'est
28 un homme particulièrement remarquable et il encourageait les échanges. Il
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1 voulait toujours faire attention pour qu'il n'y ait pas de problèmes s'il
2 s'agissait de négociations bilatérales ou de négociations tripartites. Il
3 s'efforçait toujours pour qu'il n'y ait aucun préjudice causé à un tiers
4 parti. N'importe quel parti qui se rencontrait avec un parti ne pouvait pas
5 prendre des résolutions sans que le troisième parti soit présent.
6 M. Cutileiro disait : "Si vous voulez, assoyez-vous tous les jours et
7 essayez de trouver des solutions car la Communauté européenne serait
8 heureuse si vous trouviez des solutions."
9 Q. Ces négociations se poursuivaient, pour les Serbes de Bosnie, c'était
10 vous, le Dr Koljevic et le Dr Karadzic, n'est-ce
11 pas ?
12 R. Oui. C'étaient nous trois même s'il y avait d'autres personnes qui y
13 participaient mais c'étaient plutôt des experts. Mais pour ce qui est de
14 nous trois, nous étions toujours présents et je peux vous dire, je peux
15 vous parler des éléments les plus importants si vous voulez. Je ne sais pas
16 si c'est ce que vous voulez m'entendre dire.
17 Q. Je ne vais pas vous poser cette question-là maintenant, Monsieur
18 Krajisnik, mais dites-nous si vous le pouvez pour ce qui est de l'ensemble
19 du mois de mars 1992, seriez-vous en mesure de nous dire combien de temps
20 passiez-vous à vous préparer pour les négociations internationales ? Quel
21 était le pourcentage du temps que vous consacriez à ces négociations
22 internationales et ceci, je veux dire, y compris les réunions, les
23 préparatifs et le travail qui avaient traits à ces négociations ?
24 R. Il m'est particulièrement difficile de vous répondre lorsque vous,
25 homme de l'occident, vous me posez des questions quant à donner des
26 chiffres. Il est bien difficile comme je vous le disais, nous travaillions
27 tous les jours sur cette question au bureau. Nous y parlions parmi nous,
28 ainsi de suite. Ces pourparlers internationaux, il s'agit d'une question de
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1 connaissance générale, vous pouvez certainement trouver des détails de ces
2 négociations des les médias, à Sarajevo, à Bruxelles, à Lisbonne, à Genève.
3 Mais outre ceci, les contacts avaient lieu de façon quotidienne. Peut-être
4 pas littéralement, de façon quotidienne, vraiment tous les jours. Mais,
5 nous nous efforcions de façon continuelle à trouver des solutions. Nous
6 travaillions inlassablement et nous nous efforcions de trouver des
7 solutions qui des fois étaient aux problèmes mineurs, qui semblaient
8 mineurs mais qui étaient importants à la lumière de la solution globale.
9 Je sais que je n'ai peut-être pas répondu à votre question mais je peux
10 vous dire que nous étions plus heureux lorsqu'un médiateur se présentait.
11 Lors de nos réunions locales à Sarajevo, ces réunions servaient de
12 préparatifs pour les négociations internationales. Nous voulions préciser
13 des points qui devaient être précisés avant de se présenter à Genève ou
14 ailleurs. Je me souviens qu'un témoin, qui est venu déposer ici devant
15 vous, a parlé de toutes les villes où nous sommes allés et des pays où nous
16 sommes allés, il disait que le seul où nous ne sommes pas allés c'était les
17 Etats-Unis. Tout notre travail visait à résoudre la crise. Je ne peux pas
18 vous donner de pourcentage. Je ne peux pas vous donner de chiffres, deux
19 fois, trois fois, 10 %, 15 %. Il s'agirait de me livrer à des conjectures
20 mais notre travail principal, notre travail visait à résoudre la crise.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart,
22 M. Krajisnik a proposé de nous expliquer pourquoi est-ce que ces trois
23 personnes étaient les négociateurs ? Je souhaiterais entendre cette
24 explication de sa bouche. Ce n'est pas toujours le cas que la personne qui
25 parle à l'assemblée participe à toutes les négociations internationales.
26 Est-ce que vous pourriez nous expliquer cette différence ?
27 Monsieur Krajisnik, pourriez-vous nous en parler ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] M. Stewart a parlé, en fait il voulait savoir
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1 lequel des trois parlait ou s'entretenait avec le côté musulman ou croate.
2 Bien sûr que, beaucoup plus tard, en tant que délégation représentant le
3 côté serbe lors des négociations, M. Karadzic avait des liens très étroits
4 avec le côté croate, et le côté croate, si je puis, était bien disposé
5 envers Karadzic, alors que le côté musulman, à plusieurs reprises, a
6 exprimé le désir d'avoir Krajisnik au sein de l'équipe. Ensuite, le parti
7 serbe, le côté serbe m'a critiqué en disant que le côté musulman m'aimait
8 d'une certaine façon, m'aimait bien. Donc, il disait : "J'aime bien lorsque
9 Krajisnik vient exprimer des points de vue." Ce que je veux dire par là,
10 c'est que bien sûr qu'il y avait un certain mérite, c'est-à-dire que -- ce
11 que je veux dire, c'est que c'est bien difficile, quand un conflit existe.
12 Il arrive des fois que les membres de la délégation soient décidés par
13 l'autre côté. Nous n'essayions pas de constituer une équipe pour ce qui est
14 du côté croate ou musulman, mais M. Koljevic et moi, nous faisions partie
15 de la délégation pour le côté Bosnie-Herzégovine, mais ce que j'ai dit un
16 peu plus tôt, c'est que cela a pu peut-être aider un peu si je faisais
17 partie de l'équipe. Donc, c'est pour cela que je vous ai donné un exemple
18 plus tôt, lorsque j'ai dit que lorsque M. Karadzic est allé voir le côté
19 croate et qu'il est allé en mission secrète, il arrive que des fois, un
20 côté préfère parler à un autre, à une personne plutôt qu'une autre. Mais
21 c'est simplement un fait. C'est ainsi que des fois les choses se déroulent.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. J'étais quelque peu confus. Je
23 n'avais pas tout à fait bien suivi la façon dont la question a été posée.
24 En fait, on a posé une question à savoir quels sont les négociateurs pour
25 les Serbes de Bosnie, et en fait, je pensais encore aux négociateurs
26 internationaux, alors que la question visait à savoir quels étaient les
27 représentants ou les négociateurs locaux pour les partis.
28 Mais le Juge Hanoteau aimerait poser une question.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Un complément à cette interrogation. Est-ce qu'il y
2 avait une sorte -- ou disons cela autrement. Est-ce que vous êtes -- par
3 qui étiez-vous mandaté ? Est-ce que -- par qui était prise la décision que
4 ces trois, dont vous faites partie, étaient les négociateurs ? Est-ce qu'il
5 y a eu une réunion du SDS ? Est-ce que c'est les députés de l'assemblée ?
6 Est-ce qu'il y avait un mandat, et par qui avait-il été donné, s'il vous
7 plaît ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, de m'avoir posé cette
9 question. Je vais vous répondre immédiatement. La session du 24 octobre et
10 les sessions qui ont suivi, lors de ces sessions, on a décidé d'un certain
11 nombre de personnes qui seraient habilitées à mener des négociations avec
12 les parties adverses. Il y en avait six ou sept : Karadzic, Koljevic,
13 Krajisnik, Plavsic, Maksimovic et Buha. Le 27 juillet, et vous trouverez
14 d'ailleurs dans le PV, après le 12 mai, à la première assemblée qui a eu
15 lieu pendant la guerre, on a posé une question lors de cette assemblée, qui
16 ferait partie de la délégation. Il fallait aller à Londres, et comme nous
17 avions le club, un Club de députés, j'avais remarqué qu'un très grand
18 nombre de personnes voulaient faire partie de cette délégation. Moi, j'ai
19 proposé de ne pas y aller. J'ai donc demandé que l'on me remplace, et vous
20 lirez au PV de l'assemblée que j'avais demandé effectivement ceci. Une
21 longue discussion a eu lieu par la suite, et plus tard on a dit que nous
22 allions habiliter ces six personnes et que Karadzic devait choisir trois
23 hommes. Karadzic a expliqué la chose suivante : le côté musulman aime bien
24 lorsque les choses se font tête-à-tête, alors que j'essaie de faire en
25 sorte qu'il y ait plusieurs personnes pour ne pas qu'il y ait un discours
26 tête-à-tête, face à face, parce qu'on pourrait dire que les choses se sont
27 faites de façon secrète. Ensuite, il y a eu une autre session à Bijeljina
28 où j'avais offert de ne pas y aller, parce que j'avais vu que certaines
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1 personnes -- c'était à Zvornik, et pas Bijeljina. Donc, certaines personnes
2 étaient jalouses. Donc, le mandat pour que je fasse partie de la délégation
3 était un mandat émis par l'assemblée au sens large, au sens officiel, mais
4 d'une façon plus étroite, c'était selon la situation. Après, c'était
5 l'inertie, c'est-à-dire que nous faisions toujours partie -- c'était
6 toujours les mêmes personnes qui faisaient partie du même groupe, alors que
7 c'était en fait Karadzic qui initialement, avait choisi les personnes qui
8 feraient partie du groupe de négociateurs internationaux. Tout ceci figure
9 dans les PV.
10 M. LE JUGE HANOTEAU : [hors micro]
11 M. STEWART : [interprétation]
12 Q. Les experts -- ces experts à la page 6 [comme interprété], ligne 9,
13 vous parliez d'experts techniques plutôt que de personnes qui avaient été
14 choisies parmi les députés et les hommes politiques, n'est-ce pas ? Est-ce
15 que c'est ce que vous avez dit ?
16 R. C'était des juristes hors pair dont on avait besoin pour ce type de
17 négociation.
18 Q. Au cours du mois de mars 1992, et nous savons qu'il est possible de
19 trouver tout cela au PV, il y a eu cinq sessions de l'assemblée dont deux
20 avaient eu lieu le même jour, le 24 mars. Il y avait également une session
21 le 11, le 18, deux le 24 et une session le 27 mars. Vous avez expliqué aux
22 Juges de la Chambre que vous aviez travaillé au sein du groupe de
23 négociateurs. Est-ce que vous aviez d'autres champs de responsabilité,
24 d'autres responsabilités, d'autres mandats au cours de ces mois-là ?
25 R. Je ne me souviens de rien de particulier, rien de particulièrement
26 important, mais je ne sais pas très bien ce que vous voulez que je vous
27 dise. J'étais extrêmement occupé dans le cadre de mes activités à
28 l'assemblée et au sein des négociations. J'avais vraiment du pain sur la
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1 planche. Je n'ai participé à aucune activité ayant trait aux affaires du
2 parti. Je n'avais absolument pas le temps. Cela, c'est faux. Toutes les
3 réunions du comité exécutif du SDS se sont déroulées sans moi, alors que
4 Karadzic, Koljevic et les autres y ont participé. Moi, j'aurais pu y
5 participer en tant qu'invité, mais je n'avais tout simplement pas le temps
6 de le faire. Cela me prenait beaucoup de temps en sus des problèmes privés
7 qui étaient les miens. J'essayais de m'occuper de tout ce que j'avais à
8 faire, de rationaliser tout cela. Vous pouvez le voir sur la base des
9 documents disponibles.
10 Q. Est-ce que pendant ce mois-là, vous avez eu des contacts avec les
11 représentants des municipalités, contacts au cours desquels vous auriez
12 parlé de l'organisation des municipalités, et au sein de ces
13 municipalités ?
14 R. En répondant à vos questions, je vous ai expliqué où je me trouvais
15 pendant cette année que j'ai passée à mon poste. Je ne me souviens pas s'il
16 s'est passé quelque chose de semblable en mars, mais je n'ai pas participé
17 à des discussions sur l'organisation d'une municipalité, par exemple. Il
18 est possible qu'il se soit posé un problème ou un autre à quelques
19 reprises, et à ce moment-là, peut-être un rôle de médiateur ou de médiation
20 a-t-il été nécessaire. Par exemple, quand on parle de la municipalité de
21 Novo Sarajevo, c'est quelque chose que j'ai aidé à résoudre. Si on venait
22 me voir, j'essayais de faire de mon mieux. Par exemple, à Drvar, une
23 délégation de Drvar est venue me voir, ou plutôt, pour voir M. Karadzic, et
24 il a dit : cela n'est pas une affaire du parti, allez voir le président de
25 l'assemblée. Lorsqu'ils sont venus me voir, ma femme était dans un état
26 extrêmement grave. A Drvar, où il n'y a que des Serbes, ils étaient en
27 train de se disputer au sujet d'une construction, de la distribution des
28 terrains, et cetera, de l'attribution des terrains. J'ai essayé de résoudre
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1 cette question, parce que malheureusement à l'époque, les municipalités
2 serbes allaient voir les représentants serbes, les Musulmans allaient voir
3 les Musulmans et les Croates allaient voir les Croates. Donc, ils sont
4 venus me voir alors que ce n'était pas du tout de mon ressort. Alors, je me
5 suis occupé de cette affaire, ensuite je suis allé voir ma femme, et quand
6 je suis revenu, ils avaient réussi à se disputer à nouveau. Une délégation
7 est allée sur place pour voir ce qui se passait, j'y suis peut-être allé
8 moi-même pour voir ce qu'il était possible de faire. Mais il y a la
9 constitution, le Règlement de l'assemblée, et l'assemblée de la Republika
10 Srpska, au terme de la constitution, n'avait aucune autorité sur les
11 assemblées municipales, de même que le président de l'assemblée de la
12 république n'avait aucune compétence, s'agissant des assemblées
13 municipales. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de jouer un rôle de
14 médiateur ou essayer d'aider à la résolution des problèmes, mais il ne
15 pouvait rien faire en tant que tel, nommer quelqu'un ou une chose de ce
16 genre. On peut s'en convaincre en relisant le Règlement de l'assemblée.
17 Q. Monsieur Krajisnik, il me semble que vous allez peut-être un peu vite
18 pour les interprètes et pour tout le monde, donc je vous demanderais de
19 bien vouloir ralentir quelque peu votre débit.
20 Au cours du mois de mars 1992, est-ce que vous avez rencontré les
21 représentants de cellules de Crise de municipalités, quelles qu'elles
22 soient ?
23 R. Je ne me souviens pas avoir participé à quelque réunion de ce genre que
24 ce soit. Pour ce qui est des cellules de Crise, avec la permission de la
25 Chambre de première instance, j'aimerais fournir une explication assez
26 brève.
27 Q. Monsieur Krajisnik, vous êtes tout à fait en droit de nous donner des
28 explications entrant dans le champ des réponses à mes questions, bien
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1 entendu.
2 R. La cellule de Crise, un titre, dans le système qui était le nôtre.
3 C'était un organe qui était mis en place lorsqu'il y avait crise. C'est
4 pour cela que cela s'appelle cellule de Crise. Si par exemple, il y avait
5 une crue ou une grève dans une entreprise, ou un événement de ce style.
6 C'était quelque chose d'assez normal. Je ne sais pas si c'est prévu par
7 écrit où que ce soit, mais en tout cas, il était normal à ce moment-là de
8 mettre en place une organisation qui portait ce nom. Les gens se
9 rassemblaient, et cet organisme, constitué de manière ad hoc, intervenait
10 pour résoudre le problème. C'est pourquoi j'essaie d'être ici extrêmement
11 précis parce que je ne pense pas qu'il y ait là des fautes de
12 compréhension. Mais quand même, on fait référence à des cellules de Crise
13 qui jouaient un rôle politique.
14 En dehors de Novo Sarajevo, si vous vous en souvenez, des discussions
15 de Novo Sarajevo où les deux parties en présence étaient en conflit, je ne
16 voyais pas cela comme une cellule de Crise. Pour moi, il s'agissait d'un
17 conflit entre les partis et ceux qui détenaient l'autorité. Quelqu'un est
18 venu me voir et quelqu'un d'autre est allé voir Karadzic. Ensuite, on a
19 rassemblé les deux partis en présence pour discuter de cette question.
20 Donc, je suis convaincu que je n'ai parlé à personne à aucune "cellule de
21 Crise". Je n'exclus pas la possibilité que cela ait été des cellules de
22 Crise, mais je n'avais conscience du fait qu'il s'agissait d'un organisme
23 qui portait cet intitulé-là.
24 Un témoin à charge de Doboj a expliqué, une fois. Il a dit : nous aussi,
25 nous avions des cellules de Crise, et c'était quelque chose d'assez
26 habituel. C'était habituel de former une cellule de Crise quand il y avait
27 crise, surtout avec une guerre imminente. N'importe qui pouvait mettre en
28 place une cellule de Crise. Il y a une information qui nous vient à ce
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1 sujet de Bratunac en juin 1991, par exemple. Un petit village a mis en
2 place sa propre cellule de Crise, mais tout le monde l'ignorait. Voilà donc
3 ma réponse. J'essaie de vous expliquer la situation telle qu'elle se
4 présentait à l'époque. Enfin, pour nous, ce n'était rien de répréhensible,
5 tout cela. Continuez, s'il vous plaît.
6 Q. Monsieur Krajisnik, quand Me Josse vous posait ses questions, vous avez
7 fait référence à l'incident au cours duquel quelqu'un qui participait à un
8 mariage serbe a été tué. Quel que soit le détail des événements, ce qui est
9 convenu par tous, c'est que cela s'est déroulé le 1er mars 1992. Avançons un
10 petit peu dans le temps jusqu'au début avril, fin mai, vers cette période.
11 Pendant cette période, donc, qu'est-ce que vous considériez comme marquant
12 le début de la guerre ?
13 R. J'ai critiqué le reporter qui avait rapporté la chose de manière
14 erronée, et cela a été interprété de la manière suivante, à savoir que le
15 référendum dont je rendais responsable le SDA était la principale cause de
16 la guerre. Or, je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas non plus dit que le
17 référendum, c'était le problème principal. Le peuple serbe a appelé à un
18 plébiscite, et la guerre n'a pas éclaté pour autant. Je considère toujours
19 aujourd'hui que c'est la reconnaissance prématurée de la Bosnie-Herzégovine
20 sans les transformations promises qui a constitué l'un des éléments
21 déclencheurs de cette atmosphère délétère. On peut accuser qui l'on veut.
22 Si vous regardez les conséquences, c'est difficile de dire qui est à
23 l'origine de tout ce qui s'est passé. Qui a mis en marche tout cela. Je ne
24 sais pas. Je suis sûr que Me Stewart va me permettre de l'expliquer.
25 A l'époque, les Musulmans étaient confrontés à un grand problème. La
26 Communauté européenne avait dit : organisez un référendum, on le
27 reconnaîtra et vous aurez votre Etat. Ce n'est pas un secret en vous disant
28 avec le taux de démographie de la communauté musulmane, ils auraient pu
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1 occuper la majorité, ils auraient eu la majorité. Alors pour Momcilo
2 Krajisnik, s'agissant de M. Momcilo Krajisnik, la Communauté européenne en
3 1993, et j'étais membre de la délégation avec M. Buha, la Communauté
4 européenne lui a dit la même chose, et nous avons signé une déclaration en
5 septembre 1993 à Genève où nous avons dit : nous aurons la Bosnie-
6 Herzégovine pendant cinq ans et ensuite, la Republika Srpska pourra décider
7 de se séparer de la Bosnie-Herzégovine. Tout comme j'ai signé, ont signé
8 M. Stoltenberg et M. Izetbegovic. M. Izetbegovic était très tenté par cette
9 offre. Mais je pense que la responsabilité de ce qui s'est passée, c'est la
10 reconnaissance prématurée et hâtive de la Bosnie-Herzégovine. Il était
11 clair que les Serbes y étaient opposés parce que c'était contre la
12 constitution, et en ce qui me concerne, c'est la principale raison du
13 déclenchement de la guerre ainsi que la mobilisation et tout ce qui s'est
14 passé ensuite, tout ce qui a suivi.
15 Tout cela, ce ne sont pas des actes qui ont été bien réfléchis. Une
16 fois que la guerre s'est déclenchée, il a été très difficile d'arrêter quoi
17 que ce soit. Si bien qu'en ce qui me concerne, pour le référendum, vous
18 l'avez vu, Messieurs les Juges, nous avions eu une réunion au cours de
19 laquelle nous avons dit que nous n'avions rien contre le référendum, que
20 nous allions considérer qu'il s'agissait d'une manière pour le peuple de se
21 prononcer, de manifester ce qu'il voulait. Mais, les médiateurs sont là
22 pour décider, ils doivent jouer le rôle d'arbitre et décider ce qui doit
23 être fait.
24 Ce qui a créé une certaine inquiétude chez les Serbes, c'est que la
25 convention sur les minorités nationales devait être adoptée. Quand on est
26 une nation et quand on devient une minorité nationale, effectivement cela
27 suscite des mécontentements. Je suis tout à fait certain que la guerre n'a
28 nullement été causée ou commencée par le peuple serbe. Il s'agissait de
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1 politique. Bien entendu, au niveau local il y a eu divers incidents. Voilà
2 l'explication que je voulais vous donner. Merci, Messieurs les Juges de
3 m'avoir donné la possibilité de vous donner cette explication.
4 Maintenant, toute la Bosnie-Herzégovine le sait; tout un chacun en
5 Bosnie-Herzégovine le sait. Les gens qui vivent là-bas savent pertinemment
6 de quoi je parle. On ne peut pas cacher les choses. Et il serait -- il est
7 injustifié de dire, oui, il y a eu un référendum et hier les serbes ont
8 organisés le plébiscite, il n'y a pas eu d'incidents, les Musulmans n'y
9 étaient pas opposés, pourquoi vous y seriez-vous opposé à ce référendum qui
10 n'était pas reconnu ? Non, ce qui s'est passé c'est qu'il y a eu une
11 reconnaissance active, et c'est ce qui a entraîné la guerre.
12 Q. Monsieur Krajisnik, la question que je vous pose maintenant n'a pas
13 trait aux causes de la guerre, mais au moment où elle a commencé. Je nous
14 rafraîchis la mémoire : Le référendum auquel vous faites référence a eu
15 lieu le 29 février et le 1er mars. L'incident du mariage dont on a parlé a
16 également eu lieu le 1er mars. Sur la base de tous les éléments que nous
17 avons obtenus ici, il est parfaitement clair que d'ici la deuxième
18 quinzaine d'avril, pendant la deuxième quinzaine d'avril, la guerre avait
19 déjà éclatée. Si l'on prend cette période, Monsieur Krajisnik, selon vous,
20 à quel moment à ce moment-là vous êtes-vous dit : "Et bien, nous sommes en
21 guerre. Nous n'avons pas pu éviter la guerre, nous sommes en guerre" ? A
22 quel moment avez-vous estimé que cela y ait, on était en guerre ?
23 R. Merci de me poser cette question. Monsieur le Président, Messieurs les
24 Juges, il s'est passé un mois, au moins un mois, entre le référendum et la
25 guerre, le 4 ou le 5 avril, et c'est à ce moment-là qu'il y a eu la
26 reconnaissance. A partir de ce moment-là, pendant toute cette période à
27 partir du référendum il y a eu négociations. Nous avons essayé de trouver
28 des solutions. Si cela n'avait pas été le cas, la guerre aurait déjà
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1 commencé au début mars. L'essence de tout ce qui s'est passé c'est la chose
2 suivante : Lorsque la partie opposée a appris que la Bosnie allait être
3 reconnue, on a appelé à la mobilisation. Ceci a été proclamé par la
4 présidence de manière tout à fait inconstitutionnelle. Il s'agissait de la
5 présidence tronquée, privée de ces représentants serbes, et cette
6 mobilisation, cela a été l'étincelle. Cela revenait à approcher un briquet
7 allumé d'un baril de pétrole. Lancer la mobilisation sans représentation
8 serbe, ce n'est pas pour s'attaquer à une ennemie étrangère. C'est dirigé
9 contre les Serbes, et c'est pour cela que les représentants musulmans et
10 croates ont proclamé la mobilisation. Maître Stewart le sait pertinemment.
11 Il va me demander ce que j'ai fait, moi, pour que Izetbegovic retire cette
12 décision, donc j'estimais qu'elle était extrêmement dangereuse.
13 Q. Au cours du mois de mars, et pendant cette première partie du mois
14 d'avril, cela nous donne une période d'environ cinq semaines entre le
15 référendum et la date dont vous nous dites que c'est selon vous celle à
16 laquelle a débuté la guerre. Je voudrais savoir, premièrement, si, vous
17 personnellement, vous avez participé à des préparatifs du côté des
18 dirigeants des Serbes de Bosnie du SDS, préparatifs en vue d'un conflit
19 imminent ?
20 R. Enfin non, pas moi, personnellement. Enfin, ni moi personnellement, ni
21 qui que ce soit n'a été impliqué dans ce type d'activité. Et là, j'ai des
22 informations à vous donner.
23 Le 5 ou 6 avril, il y a eu un meeting de grande envergure devant
24 l'Holiday Inn par l'assemblée. Il y a peut-être eu 50 000, voire 100 000
25 personnes qui y sont venues. C'est un meeting qui a été organisé par la
26 partie opposé, l'opposition, enfin. Le dirigeant du Parti démocratique
27 serbe se trouvait à l'intérieur du bâtiment de l'Holiday Inn et à un moment
28 donné, on a annoncé à la télévision qu'à partir de l'Holiday Inn, c'est
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1 l'hôtel qui est à côté de l'assemblée, on a annoncé il y avait des tirs
2 embusqués qui à partir de cet endroit mettaient en joue les gens. Tous les
3 citoyens sont entrés dans l'Holiday Inn, et Buha, Karadzic, Koljevic, tous
4 ces dirigeants ont eu bien du mal à s'enfuir pour rejoindre ce que je
5 pourrais appeler le territoire serbe. S'il y avait eu préparatifs, ils
6 n'auraient pas été sur place, il n'aurait pas été à cet endroit où ils ont
7 manqué d'être fait prisonniers. Plus tard à la télévision, on a montré un
8 jeune homme qui était secrétaire au sein du secrétariat de M. Karadzic. On
9 l'a montré en disant qu'il était tireur embusqué. Moi, cela m'a fait rire
10 parce que cet homme, il n'avait absolument rien à voir avec tout cela.
11 C'est juste un employé de bureau, quelqu'un qui travaillait dans
12 l'administration.
13 Il est indéniable qu'il n'y a pas eu de préparatifs quels qu'ils
14 soient. Je le répète. Nous croyions à 100% que l'armée populaire yougoslave
15 était tout à fait capable de protéger notre peuple et qu'on pourrait
16 trouver une solution. Le processus de paix était destiné à faire partir, à
17 renverser Izetbegovic et le parti national. Eux, ils ne voulaient pas
18 quitter le bâtiment de l'assemblée. Ils appelaient à de nouvelles élections.
19 Ils voulaient soit tuer ou capturer M. Karadzic. C'était leur objectif.
20 Tout ceci paraît très clairement dans les articles rédigés à l'époque.
21 C'est vérifiable. Et je me permets d'ajouter une chose, personnellement :
22 la veille j'étais à l'assemblée, j'étais dans mon bureau, et j'étais censé
23 aller travailler ce matin-là. Mon escorte est arrivée avec mon chauffeur.
24 Ils m'ont dit : il se passe des choses devant l'assemblée. Ils sont en
25 train de passer quelque chose. Et ils m'ont dit : "Restez où vous êtes.
26 Nous, on va aller au bâtiment de l'assemblée pour voir ce qui se passe. Et
27 s'il n'y a pas de danger, on viendra vous chercher."
28 Ce qui s'est passé, c'est que les membres de mon escorte ont été
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1 faits prisonniers, et on a eu beaucoup de mal à les échanger. C'est
2 pourquoi je ne suis pas allé à l'assemblée ce matin-là. C'est pourquoi j'ai
3 pensé que la guerre pouvait éclater.
4 Q. Pendant cette période de cinq semaines et à partir du début mars, et à
5 partir de cet incident au mariage, est-ce que vous-même, personnellement,
6 vous avez vu quoi que ce soit à Sarajevo ? Vous avez pu observer des
7 conflits violents ou des signes indicateurs d'un conflit imminent ?
8 R. Maître Stewart, je vous ai déjà parlé d'un incident lorsque M. Kukanjac
9 est venu dans mon bureau pour m'escorter jusqu'à chez moi. Je me demandais
10 pourquoi il était venu me voir, mais sa réponse, elle est apparue
11 clairement très vite. C'est que j'étais le seul qui habitais en périphérie,
12 en dehors de la ville. Tous les autres habitaient dans un rayon d'à peu
13 près 500 mètres à partir du bureau. Donc, il était venu, lui, le militaire,
14 me protéger du fait de sa simple présence, parce qu'en chemin on a passé un
15 certain nombre de barrages qui étaient tenus par différentes personnes.
16 Tout le monde était saisi par la peur.
17 Chaque fois qu'il y avait un incident à caractère ethnique, même s'il
18 s'agissait d'un crime de droit commun, ce crime, ce délit, cet incident
19 prenait une dimension nouvelle parce qu'il s'était produit entre des
20 personnes appartenant à des communautés ethniques différentes. Mais les
21 gens ont souvent de vœux pieux, sont souvent animés de vœux pieux. On a
22 tendance souvent à minimiser l'importance de ce qui est en train de se
23 passer, d'autant plus que nous, on continuait à négocier et on recevait des
24 informations plutôt encourageantes, et c'est de ce fait que j'ai continué à
25 avoir foi, à penser qu'on réussirait à trouver une solution.
26 Q. Est-ce que vous-même, vous avez vu des barricades, des barrages en mars
27 1992 ?
28 R. Oui, j'en ai vus. Dans le respect de la vérité et de Dieu lui-même, je
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1 vais vous dire que dans le village qui est à côté de chez moi, le village
2 de Sokolje, je suis tombé sur une barricade et j'y ai vu des gens qui m'ont
3 dit : "Mais, ne nous attaquez pas, parce que, nous, on ne vous attaquera
4 jamais." Et moi, j'étais content. Je suis retourné chez moi à Zabrdje et
5 j'ai dit aux gens : "Bien, regardez et écoutez le type de message qu'on m'a
6 donné ? Apparemment, au niveau local on peut arriver à avancer beaucoup
7 plus qu'au niveau national." Vous avez entendu Smajic qui a donné cette
8 interview, vous avez entendu sa conversation téléphonique, mais croyez-moi,
9 quand le général Kukanjac et moi, on a parlé à ces gens, on s'est rendu
10 compte qu'ils avaient ces armes en main, mais, apparemment, ils étaient
11 complètement démunis, ils ne savaient pas vraiment quoi en faire. C'est
12 juste cette fois où j'ai emprunté cette route et j'ai vu ces choses-là,
13 mais j'ai entendu parler d'autres barrages, mais je ne les ai pas vus
14 personnellement.
15 Q. Est-ce qu'il s'agissait là d'un barrage qui se présentait sous forme
16 d'un point de contrôle qu'il fallait traverser, ou est-ce que c'était
17 quelque chose de différent ?
18 R. Oui, oui. On parle de barricade, en fait c'était un barrage, une sorte
19 d'espèce de barrage routier. Il s'agissait simplement d'un groupe de
20 personnes armées qui se tenaient là et qui arrêtaient les passants. Voilà
21 le type de "barricade" que j'ai vue ce jour-là, que j'ai vue plus tôt. Plus
22 tard, il y a eu des barrages routiers. Je me suis entretenu avec ce groupe
23 de gens. Il y a une fontaine à côté. Ensemble, on a bu de l'eau et on a
24 discuté. C'était le 4 avril, quelques jours à peine avant.
25 Q. Pendant cette période entre le début mars et le 4 ou 5 avril, est-ce
26 qu'il y a eu des préparatifs actifs menés par les Serbes en vue d'un
27 conflit imminent dont vous ayez une connaissance personnelle ?
28 R. J'ai répondu très sincèrement que je n'avais connaissance d'aucun
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1 préparatif, et je suis tout à fait certain que tout ce qui s'est passé à
2 l'Holiday Inn avec ces dirigeants, et cetera. Tout ce dont je vous ai
3 parlé, bref, toutes ces informations dont je disposais m'indiquaient qu'il
4 n'y aurait pas de conflits, et ensuite le moment funeste est arrivé. Mais
5 je ne disposais d'aucune information venant du terrain ou de quoi que ce
6 soit, quel que endroit que ce soit, selon lequel un conflit était en
7 préparation. Tous les éléments dont je disposais m'indiquaient que l'on
8 réussirait bien finalement à trouver une solution. Je sais que M. Karadzic,
9 lui, n'a même pas pris ses affaires, ses biens personnels minimums ce jour-
10 là. Enfin, je ne suis pas en train de parler pour défendre
11 M. Karadzic. Je dis simplement la vérité.
12 Q. Est-ce qu'il existait au sein du SDS, au sein de ses dirigeants, un
13 groupe chargé de planifier la guerre, de préparer la guerre en mars 1992,
14 quel que soit le titre ou l'intitulé de cette organisation ?
15 R. Lors de diverses réunions de l'assemblée, on a prononcé beaucoup de
16 discours bravaches sur les gens qui s'armaient eux-mêmes, mais à ma
17 connaissance, au niveau de la république ou ailleurs, il n'existait pas de
18 plan en vue de la guerre. Mais il y avait beaucoup d'emphase, de bravades.
19 On parlait des gens qui avaient libéré telle ou telle ville, qui avait armé
20 tel groupe, tel village. C'était assez écoeurant. Il y a même un livre que
21 nous avons ici : "Qui est qui en Republika Srpska ?" On n'y trouve pas le
22 nom de Krajisnik. Il y a beaucoup de vantards qui sont dans ce livre. Tout
23 le monde voulait figurer dans ce livre. La guerre, cela fait ressurgir de
24 nombreux vices chez les hommes, et les choses qui sont très répréhensibles
25 soudain acquièrent une valeur positive. On s'en félicite. On s'en vante de
26 ce genre de chose, mais je suis certain qu'il n'y avait aucun plan, qu'il
27 n'existait aucun plan. Sinon, pourquoi auraient-ils été à l'Holiday Inn ce
28 jour-là ? Franchement, je ne peux penser à quoi que ce soit qui pourrait
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1 être utilisé de quelque manière que ce soit comme éléments de preuve le
2 plus ténu qu'il soit de l'existence d'un plan, parce que comme je le sais,
3 nous, on comptait sur la JNA pour qu'elle maintienne la paix.
4 Q. Monsieur Krajisnik, je voudrais que nous revenions maintenant à une
5 pièce à conviction, et je demanderais à ce qu'on vous apporte la pièce 412.
6 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit d'un procès-
7 verbal du conseil des ministres du peuple serbe à Sarajevo, qui s'est tenu
8 en date du 13 janvier 1992.
9 Q. C'est un document que nous avons déjà vu, peut-être pas dans le cours
10 de votre témoignage à vous, Monsieur Krajisnik, mais on voit qu'ici c'est
11 M. Simovic qui a présidé et il a été fourni, là, toute une liste des
12 membres du conseil des ministres. Ce conseil des ministres a été une
13 instance nouvellement créée, n'est-ce pas ?
14 R. Oui, vous avez tout à fait raison.
15 Q. Et il serait juste de dire que ce conseil des ministres avait en
16 réalité constitué le tout premier gouvernement de la république serbe
17 jusqu'à ce que sur un plan officiel et technique il n'ait été mis en place
18 un véritable gouvernement quelques mois plus tard ?
19 R. Juste un petit rectificatif. Ce conseil des ministres signifie que,
20 tout comme les députés se trouvaient en même temps au sein du parlement de
21 Bosnie-Herzégovine, et bien les ministres qui étaient membres du
22 gouvernement ont constitué ce conseil de ministres ou priorités des
23 adjoints ou des suppléants. Alors, cet organe avait pour mission
24 d'effectuer des tâches pour ce qui est, par exemple, de ce qui clochait au
25 niveau du gouvernement ou au niveau du parlement entre les différentes
26 parties en présence. Ce n'est pas le gouvernement qui a été formé
27 ultérieurement en application des dispositions de la loi. Ces gens-là ont
28 constitué un conseil des ministres au sein du gouvernement de Bosnie-
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1 Herzégovine à l'image des députés de Bosnie-Herzégovine, à l'image des deux
2 membres de la présidence de Bosnie-Herzégovine, qui ont été des
3 représentants des Serbes, et ils ont constitué un organe exécutif du
4 parlement. Pour répondre à ce que vient de dire Monsieur Stewart, je dirais
5 que oui, mais cela diffère de ce que devrait être un gouvernement et de ce
6 que devrait être les fonctions de celui-ci.
7 Q. Mais, vous avez été présent. On le voit ici, tout comme le Dr Karadzic,
8 qui est mentionné au quatrième paragraphe. Je voudrais vous poser des
9 questions au sujet d'un passage qui se trouve en page 2 de la version
10 anglaise, en bas de cette page. On dit, ensuite : "Conclusion numéro 2." et
11 cela devrait être souligné et on dit : Réalisation des tâches découlant de
12 la déclaration portant promulgation de la République du peuple serbe en
13 Bosnie-Herzégovine.
14 Le voyez-vous, Monsieur Krajisnik ?
15 R. Il y a des numéros 2 à plusieurs endroits. Laissez-moi retrouver.
16 Q. Cela se retrouve vers le milieu de la page 2.
17 R. Réalisation des missions découlant de la déclaration portant, oui, oui,
18 je l'ai retrouvé.
19 Q. En effet, alors ce qui m'intéresse, c'est le deuxième paragraphe après
20 l'intitulé, on dit ici que : "Les tâches prioritaires découlant de la
21 déclaration englobent la détermination du territoire ethnique et la
22 formation des instances du pouvoir avec déprivation [phon] des attributions
23 et les compétences économiques pour ce qui est des autorités actuelles de
24 la République socialiste de Bosnie-Herzégovine. Il s'agit de délimiter les
25 réglementations qui se trouvent à être en contradiction avec les
26 dispositions fédérales et les réglementations de la république et des
27 municipalités qui ne seraient pas appliquées sur le terrain."
28 Alors, il y a des priorités qui sont définies pour ce qui est de ce
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1 territoire ethnique; qui et comment avait planifié ce qu'il convenait de
2 faire ? Qui devait le faire et que devait-il faire ?
3 R. Je vous suis reconnaissant d'avoir apporté celui-ci parce qu'il s'est
4 tenu une autre réunion et j'avais à l'esprit au départ ces conclusions-là.
5 Mais je dirais que d'ores et déjà, on voyait clairement quel devrait
6 être le modèle à appliquer dans cette future Bosnie-Herzégovine. Il
7 apparaissait clairement qu'il conviendrait de déterminer les territoires ou
8 les différents groupes ethniques qui étaient majoritaires. Puisque la
9 Bosnie-Herzégovine avait déjà affirmé qu'elle voulait devenir indépendante,
10 ceci a constitué un geste politique pour montrer où est-ce que les Serbes,
11 sur un plan ethnique, se trouvaient être majoritaires. Le conseil des
12 ministres était censé identifier ces territoires pour les négociations et
13 pour avoir, à l'occasion de celles-ci, des arguments pour dire que la carte
14 devrait être rectifiée dans ce sens ou dans tel autre sens. En d'autres
15 termes, après le 15 décembre, une fois qu'on a expédié des questionnaires
16 pour ce qui était de se prononcer sur l'indépendance ou non indépendance,
17 et vous voyez comment nous avions réagi à la date du 12. C'est pour cela
18 que ceci est survenu.
19 Messieurs les Juges, le 9 janvier, il y a eu effectivement proclamation de
20 la Republika Srpska. Mais dans la décision proposée par l'équipe, à savoir,
21 par la direction de l'assemblée, la chose a été conditionnée et ce document
22 existe au niveau du bureau du Procureur. Il a été saisi dans le cabinet de
23 Mme Plavsic, ce document. Il est dit là que cette République serbe de
24 Bosnie-Herzégovine entrerait en vigueur au cas où la Bosnie-Herzégovine se
25 proclamerait comme étant un état indépendant. Les députés ont exercé des
26 pressions au maximum pour que cette réserve soit biffée. Le 17 janvier,
27 excusez-moi d'apporter une réponse aussi longue, alors le 17 janvier M.
28 Karadzic dit : "Indépendamment de cette décision, nous ne voulons pas qu'il
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1 y ait un partage de la Bosnie. Nous voulons une transformation de la
2 Bosnie." J'ai ce document ici. Il est dit : "Essayons de trouver un accord
3 concerté." Il s'est tenu une session du parlement de Bosnie-Herzégovine où
4 nous nous sommes battus pendant trois jours pour essayer de trouver une
5 solution pour ce qui est de ce référendum qu'on se proposait d'organiser en
6 date du 25 janvier. Malheureusement, toutes ces tentatives ont échoué. Le
7 référendum s'est tenu quand même sans le consentement des représentants
8 serbes.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, pour des raisons
10 pratiques, les Juges de la Chambre aimeraient que nous fassions une pause
11 un peu avant l'horaire normal. Ce qui fait que nous allons lever l'audience
12 jusqu'à 6 heures moins 30.
13 --- L'audience est suspendue à 17 heures 28.
14 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Stewart.
16 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 Q. Monsieur Krajisnik, nous étions en train d'examiner la pièce P412 du 11
18 janvier. J'aimerais que toujours dans la grande partie numéro 2, voyez là
19 il y a des points numérotés.
20 R. Un instant, je vous prie. Je ne trouve plus le document.
21 Q. Je pense qu'on pourrait tout à fait vous trouver un exemplaire.
22 R. Non, non, non. Je vais trouver. Un instant.
23 Q. Ce que je regarde, c'est la page 3 dans votre version.
24 M. STEWART : [interprétation] La page 3 également en anglais, paragraphe
25 numéro 4.
26 Q. Dans votre exemplaire, ce sera au milieu de la page 3.
27 R. Excusez-moi, mais j'ai besoin d'un peu de temps pour chercher le
28 document. Quand j'ai rassemblé tous mes documents, j'ai dû l'égarer.
Page 23687
1 M. STEWART : [interprétation] Je pourrais remettre à mon client
2 mon exemplaire.
3 Q. Non, non, ne vous inquiétez pas, Monsieur Krajisnik, je suis sûr qu'on
4 arrivera à retrouver l'original plus tard.
5 R. Excusez-moi de ce petit problème. Veuillez poursuivre.
6 M. STEWART : [interprétation]
7 Q. Dans le document que vous avez sous les yeux, je vous demande de vous
8 reporter à la page 3, au haut de la page, au milieu de la page 3 en
9 anglais, je cite : "Sur la base des informations présentées le conseil
10 ministériel est arrivé aux conclusions suivantes." Vous voyez les
11 conclusions, j'aimerais que l'on se reporte à la conclusion numéro 4. "Un
12 groupe de travail comprenant Mico Stanisic," et cetera. Est-ce que vous
13 avez trouvé le passage en question ? Page 3, à peu près au milieu de la
14 page.
15 R. Oui. Oui. Je vois. Oui, je l'ai trouvé.
16 Q. "Un groupe de travail, comprenant Mico Stanisic, le Dr Vitomir Zepinic,
17 Nedeljko Naic et Bozo Novakovic, s'occupera des questions ayant trait à
18 l'organisation et à la portée de la sécurité nationale et élaborera un
19 concept sur ce point. Mico Stanisic est responsable du travail de ce
20 groupe".
21 Monsieur Krajisnik, pouvez-vous nous dire avec plus de précisions, ce qui
22 était prévu ici quand on parle de questions relatives à l'organisation et
23 la portée de la sécurité nationale. Qu'est-ce que cela veut dire ?
24 R. Je sais que des membres du conseil ministériel étaient censés présenter
25 leurs propres propositions, dans le ressort qui était le leur, propositions
26 de mesure, propositions de plan, pour nous aider nous dans les
27 négociations, pour nous permettre de présenter de manière appropriée ce que
28 nous recherchions. A la première vue, cela paraît un petit peu mystérieux.
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1 Je ne sais pas si c'était l'intention des auteurs du texte mais l'objectif
2 c'était de traiter de chacun des domaines au sein de la république afin de
3 pouvoir contribuer à ce plan dont nous espérions qui serait signé. Voilà
4 quel était l'objectif de ce plan du conseil ministériel. Peut-être qu'il
5 s'agissait d'informations contextuelles remises au groupe de travail mais
6 je ne sais pas si cela a débouché sur quoi que ce soit. Je sais ce que le
7 conseil ministériel était censé faire. Chacun était censé préparer un
8 projet de plan dans son domaine respectif pour les négociations, pour que
9 le plan soit signé, tels que des projets de lois, et cetera.
10 Q. Monsieur Krajisnik, je ne veux surtout pas vous interrompre en mauvais
11 escient, mais l'idée générale de ce plan, toute cette planification, la
12 Chambre peut s'en faire une idée assez précise à la lecture du document. Si
13 on se concentre sur le point 4, revenons à ma question, mais si vous ne le
14 savez pas, Monsieur Krajisnik, dites simplement que vous ne le savez pas.
15 Ce que je veux vous demander, c'est précisément ce que représentait ce
16 travail censé être accompli par le groupe de travail réunissant M. Stanisic
17 et autres. Qu'est-ce qu'ils devaient faire exactement dans le domaine de
18 l'organisation et de la sécurité nationale ? Est-ce que vous pouvez nous
19 donner, nous décrire les questions portant sur l'organisation et la
20 sécurité nationale qui étaient envisagées ici ?
21 R. Je vous ai dit quelle était la mission confiée au groupe de travail
22 mais je ne peux pas interpréter exactement ce que cela signifie parce que
23 je ne me souviens pas de ces conclusions. Je les regarde maintenant au jour
24 d'aujourd'hui et j'essaie de les interpréter longtemps après. Ce n'était
25 rien de très particulier. Je sais qu'ils étaient censés nous aider pour
26 essayer d'avoir, lors des négociations, une position aussi favorable que
27 possible.
28 Q. Monsieur Krajisnik, je vais passer à document différent donc vous
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1 pouvez mettre ceci de côté. Maintenant j'aimerais que l'on passe au
2 document 415.
3 M. STEWART : [interprétation] Peut-on le remettre à Monsieur Krajisnik ?
4 Q. Ce document, nous l'avons déjà vu mais il y a déjà pas mal de temps. Il
5 s'agit du procès-verbal d'une réunion qui a eu lieu à Banja Luka, le 11
6 février 1992. Vous n'êtes pas mentionné dans la liste des présents à cette
7 réunion. Monsieur Krajisnik, veuillez d'abord parcourir ce document pour
8 vous rendre compte de quoi il s'agit et la question que j'aimerais vous
9 poser, c'est de savoir si à l'époque, en février 1992, vous avez eu
10 connaissance de la tenue de cette réunion ?
11 R. Non. Je ne le savais pas. J'ai déjà eu ce document entre les mains à
12 deux reprises. J'étais surpris d'apprendre que cette réunion s'était tenue,
13 mais à l'époque où elle a eu lieu, je n'étais pas au courant.
14 Q. Vous dites que vous avez eu ce document entre les mains à deux
15 reprises, est-ce que vous parlez du procès ou est-ce que vous parlez d'une
16 autre occasion ?
17 R. Je voulais dire pendant le procès. J'ai dit à deux reprises, je ne suis
18 pas vraiment sûr mais en tout cas, une fois pendant le procès. Peut-être
19 pendant pour la déposition de M. Mandic, j'ai eu ce document entre les
20 mains.
21 Q. Monsieur Krajisnik, je ne pense pas qu'il soit très important pour la
22 Chambre de savoir exactement à combien de reprises vous avez eu ce document
23 entre les mains. Vous avez tout à fait raison, c'est dans le cadre de la
24 déposition de M. Mandic que nous avons examiné ce document.
25 Est-ce que vous trouvez au début du document, une partie, un paragraphe qui
26 est intitulé: "Mico Stanisic". Est-ce que vous l'avez trouvé ? Mais vous ne
27 regardez le document ?
28 R. Oui, je l'ai trouvé.
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1 Q. On peut lire, je cite : "La position du conseil ministériel présentée
2 lors de la dernière séance, c'est que sur les territoires de la République
3 serbe de Bosnie-Herzégovine sous pouvoir serbe, ce pouvoir, on doit le
4 sentir. Le ministère de l'Intérieur de la République serbe de Bosnie-
5 Herzégovine est tenu par les Musulmans et pas par les Serbes, comme on veut
6 le faire croire à l'opinion publique parce que le SDA, Parti de l'Action
7 démocratique, à peu près 1000 personnes en réserve au sein du poste de
8 police de Stari Grad, dont seulement une trentaine sont Serbes, dont la
9 plupart n'ont pas d'uniforme, à la différence des autres qui sont armés et
10 munis des armes les plus modernes qui soient. Il convient de travailler sur
11 l'organisation du MUP serbe en commençant par les branches municipales et
12 régionales du ministère serbe lui-même. L'état-major serbe du MUP doit
13 constituer l'origine, la source du renforcement et du MUP serbe -- et de la
14 relève du MUP serbe, et la garantie que les ressources seront distribuées
15 de manière proportionnelle, systématiquement. Un nombre minimum de demandes
16 auquel il n'a pas encore été répondu ont été réunies lors de la réunion et
17 envoyées au ministre Alija Delimustafic, et il convient de fixer une date
18 butoir appropriée pour répondre à ces demandes."
19 Monsieur Krajisnik, savez-vous quel travail a été accompli quant à
20 l'organisation du MUP serbe à l'époque ?
21 R. Au cours des négociations, au terme de toutes les options envisagées,
22 on a envisagé donc que chaque unité constituante aurait son propre MUP,
23 c'est-à-dire que la police serait intégrée à l'unité constituante. Parmi
24 les options envisagées pour cette future République de Bosnie-Herzégovine,
25 il existait l'option selon laquelle on verrait trois MUP : un MUP croate,
26 un MUP serbe, un MUP bosnien. S'agissant de l'organisation dont vous me
27 parlez, là, il n'a pas été fait mention d'organisation, de mesure
28 d'organisation pratique, concrète. Au lieu de cela, chaque fois qu'on
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1 parlait de la constitution d'un organe quelconque, il s'agissait d'exercer
2 une pression, une légère pression sur la partie opposée pour encourager
3 cette partie à poursuivre les négociations. Cette contribution de
4 M. Stanisic est vraie pour l'essentiel, au sujet de Stari Grad. Il parle de
5 désaccord, d'un manque d'harmonie au sein du MUP et de toutes les
6 déclarations mensongères qui été faites pour l'opinion publique, à savoir
7 que le MUP était unifié, qu'il n'y avait pas de problèmes. Tout cela,
8 c'était faux. Les forces de réserve, les réservistes étaient divisés. On
9 n'engageait plus de Serbes, la discrimination était un problème constant,
10 et cetera, et cetera.
11 Q. Il y a diverses interventions qui sont faites lors de cette réunion,
12 bien entendu, et j'aimerais que nous nous reportions aux conclusions qui
13 sont à la page 4 dans la version en anglais, et à la page 6 dans votre
14 version. Est-ce que vous avez trouvé le passage concerné ?
15 R. Oui.
16 Q. Première conclusion : le conseil consultatif serbe est établi par la
17 présente au MUP de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Il est
18 constitué de personnel serbe dans les positions aux postes de dirigeants
19 dans tous les domaines et les services, dans tous les domaines d'action et
20 les services du MUP de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Est-ce
21 que vous saviez à l'époque, ou est-ce que vous avez appris peu après cette
22 réunion, qu'un tel conseil consultatif avait été établi ?
23 R. Non. Je n'en étais pas informé, mais je savais autre chose, par contre.
24 Je savais que quand M. Zepinic se voyait en butte à beaucoup d'oppositions
25 parce qu'il avait été décrété d'office qu'il était numéro 1 du MUP. Cela,
26 ce devait être une réaction contre lui, une réaction sous le coup de la
27 colère, parce qu'il n'avait pas fait en sorte que le personnel serbe soit
28 représenté de manière équitable au sein de la police et puisse remplir ses
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1 fonctions. Je sais, suite à d'autres réunions, que tout le monde s'en est
2 pris à M. Zepinic, mais cependant, je n'avais pas connaissance de ce point
3 précis-là.
4 Q. Revenons à la page 2 de l'anglais, on voit une intervention de M.
5 Andrija Bjelosevic.
6 R. Oui, j'ai trouvé.
7 Q. Page 2 dans votre version, en bas de la page.
8 R. Oui.
9 Q. Il dit notamment, troisième paragraphe : "Je souhaiterais également
10 formuler mes protestations au sujet du travail du ministre adjoint Vitomir
11 Zepinic. Il signe des lettres de nomination pour des Musulmans à Doboj,
12 mais pas pour des Serbes." Donc cela, c'est le type de plaintes, de
13 protestations qui étaient fréquemment entendues à l'époque; n'est-ce pas ?
14 R. Oui, oui.
15 Q. Si on revient à ces conclusions, la deuxième est la suivante, je cite :
16 "Le conseil consultatif serbe du MUP de la République serbe de Bosnie-
17 Herzégovine sera dirigé par le ministre adjoint Momcilo Mandic, qui fera en
18 sorte que les conclusions soient mises en œuvre. Troisièmement, le conseil
19 consultatif serbe du MUP de la République serbe de Bosnie-Herzégovine
20 reçoit par la présente l'ordre de mettre en œuvre tous les préparatifs
21 nécessaires pour le bon fonctionnement du MUP serbe après l'adoption de la
22 constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Point 4, d'ici
23 vendredi 14 février 1992, il convient de présenter des propositions au
24 sujet de la systématisation des emplois au sein des centres des services de
25 sécurité, des centres de sécurité publique, des centre de sécurité
26 nationale et des secrétariats municipaux de l'Intérieur. Point 5, aucune
27 décision relative au personnel au sein du MUP de la République serbe de
28 Bosnie-Herzégovine ne pourra être prise sans accord préalable du ministre
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1 adjoint Momcilo Mandic."
2 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
3 M. STEWART : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant.
5 M. STEWART : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
7 M. STEWART : [interprétation] Est-ce que je vais trop vite ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
9 M. STEWART : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.
10 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
11 M. STEWART : [aucune interprétation]
12 Q. Monsieur Krajisnik, savez-vous ce qu'était cet organe, ce groupe qui
13 donnait cet ordre ? Vous avez vu la liste des personnes concernées, le
14 procès-verbal de la réunion, mais de quoi s'agissait-il exactement ?
15 R. Cette instance, ou plutôt, en quelque sorte, je dirais qu'il s'agissait
16 là de dirigeants émanant du peuple serbe au sein du MUP de Bosnie-
17 Herzégovine et venus là de différentes régions de Bosnie-Herzégovine,
18 d'après ce que je puis voir ici. Ils se sont donc réunis, ils ont tenu une
19 réunion, et ils ont adopté des conclusions. Il s'agit là donc d'une
20 instance officieuse. Il n'existait d'organes de ce type. Ils se sont réunis
21 à titre officieux et dans leurs tâches, chacun d'entre eux avait son
22 autonomie à lui. Certains avaient signé, Bijeljina, Banja Luka, Sarajevo,
23 d'autres encore au niveau de la république, et ainsi de suite.
24 Q. Je ne vais pas parcourir la totalité des conclusions adoptées, mais
25 penchons-nous donc sur la conclusion numéro 12 qui dit : "Constituez une
26 commission qui, d'ici au 1er mars 1992, proposera un concept d'emblème ou un
27 projet d'emblème du MUP serbe, ainsi que des insignes de la milice.
28 Ensuite, on dit au 16, œuvrez de façon intense à la formation et à
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1 l'armement des employés de la police. Puis, au 18, on dit informer le
2 conseil des ministres de la réalisation de ces conclusions.
3 Alors, Monsieur Krajisnik, ces conclusions-là ont-elles été conformes aux
4 positions et à la politique proclamée par la direction du SDS ?
5 R. Il est certain que ceci s'est passé contrairement à ce que nous avions
6 voulu. Alors tout ce qui est dit ici se trouve être, en gros, exact, mais
7 un événement est survenu avant la dernière des réunions, chose qui a
8 probablement influé sur ce qui s'est passé au niveau du MUP et sa création.
9 Mais les conclusions ici constituent le produit d'un état d'esprit au
10 niveau des cadres serbes au MUP de Bosnie-Herzégovine. Ils avaient fait des
11 projections pour l'avenir, et ils s'étaient dit : lorsqu'il sera proclamé
12 une République serbe de Bosnie-Herzégovine, à savoir, lorsqu'il sera mis en
13 place une solution déterminée, c'est ainsi que nous allons apporter notre
14 contribution pour ce qui est de savoir de quoi va avoir l'air cette police.
15 Je répète ici que la police avait été prévue dans tous les plannings pour
16 ce qui est de revenir à chacune des unités constituantes. C'est la raison
17 pour laquelle ils avaient envisagé l'avenir, et aucune démarche ne nous
18 convenait avant qu'il y ait eu négociations. C'est la raison pour laquelle
19 nous avons été si surpris lorsque nous étions à Bruxelles et que M. Mandic
20 nous avait envoyé une dépêche là-bas.
21 Q. Oui, mais à ce moment-là, au mois de février, puisque nous sommes en
22 train de parler de février 1992, ceci n'était pas conforme à ce que vous
23 aviez souhaité, mais dans quels aspects cela n'était pas sur la ligne de ce
24 que vous vouliez ?
25 R. Toutes nos activités étaient censées servir de pressions politiques aux
26 fins d'aboutir à une solution politique de la crise, tout. Nous n'avons pas
27 souhaité des agissements ou des actions qui se solderaient par des
28 conflits. Ce qui a été fait ici, cela a été réunion qui s'est tenue de leur
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1 propre initiative, une réunion qui a été la conséquence d'injustice à long
2 terme et d'une situation détériorée au sein du MUP, notamment pour ce qui
3 est du rôle négatif de M. Zepinic, en sa qualité de personnalité éminente
4 au-devant de ce cadre serbe au sein du MUP. C'est la raison principale pour
5 laquelle ils ont fait ce qu'ils ont fait.
6 Q. Donc, si l'on fait référence à des conclusions qui sont établies ici,
7 Monsieur Krajisnik, de façon précise, est-ce que le problème qui existait
8 entre les positions adoptées par ce groupe et les positions adoptées par
9 votre parti, est-ce que le moment où cette proposition avait été rendue,
10 est-ce que c'était mal fondé ? Est-ce que ce n'était pas ce que vous
11 vouliez à ce moment-là ?
12 R. Indépendamment des cadres temporels, ce que nous voulions, c'est que
13 chacun dans son domaine avance des propositions déterminées pour aboutir à
14 une solution politique qui s'annonçait déjà. A aucun moment, à aucune
15 période de temps, il n'y a eu de tâches de donner pour ce qui est de faire
16 quoi que ce soit de radical, voire d'unilatéral. Il y a des conclusions qui
17 peuvent paraître ainsi, qui n'ont pas été réalisées, mais qui peuvent
18 sembler provocatrices et donner l'impression que quelqu'un était en train
19 de faire ceci ou cela. Alors que nous savions que l'heure n'était pas venue
20 puisque l'accord n'était pas encore trouvé.
21 Q. Est-ce que les dirigeants du SDS voulaient un MUP serbe complètement à
22 part, séparé ?
23 R. La direction de la population serbe, à savoir, l'équipe de
24 négociateurs, pour être tout à fait précis, avait une plateforme au sens
25 large du terme qui disait en somme que nous souhaitions ce que proposait la
26 Communauté européenne, à savoir que dans les ingérences d'une unité
27 constitutive, à l'avenir il y ait de prévu un ministère de l'Intérieur de
28 cette unité constitutive. Ce ne serait pas littéralement serbe. Il se
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1 composerait au proportionnel des cadres émanant, issus de cette unité
2 constitutionnelle, et il y aurait bien sûr une majorité de Serbes puisque
3 la population était censée être majoritairement serbe dans cette région.
4 Mais en substance, tout cela se ramenait à des moyens pacifiques et à des
5 négociations. Cela était censé s'appeler le MUP serbe, puisqu'il y a eu
6 démantèlement du MUP dans des conditions anormales parce que cela ne s'est
7 pas fait en conséquence d'une solution convenue ou d'un arrangement
8 politique, mais en conséquence de la crise. Donc les négociations étaient
9 censées amener à la mise en place d'un MUP au sein de chaque unité
10 constitutive.
11 Q. Cette proposition ou ces propositions que nous voyons dans le document
12 que nous avons consulté, s'agit-il de propositions qui ont fait l'objet
13 d'une référence par certains groupes ou par un groupe dont vous étiez
14 membre ? Est-ce que l'on s'y est référé ?
15 R. Pour ce qui est de ces propositions-là, je ne les ai jamais vues, du
16 moins, je ne m'en souviens pas. Quand je suis venu ici -- ce n'est que
17 quand je suis venu ici que j'ai vu ce procès-verbal et le reste, mais je ne
18 me souviens pas que l'on me l'ait présenté à l'époque et que j'aie été mis
19 au courant. D'autant plus que je savais que quoi que l'on fasse, çà et là,
20 cela ne constituait que des préparatifs ou des pressions politiques, et non
21 pas la réalisation de quelque chose qui serait véritablement mis en
22 pratique. C'est la vérité vraie. Cela devait servir de pressions ou
23 d'outils de pression parce que nous n'avions pas d'autres moyens d'aboutir
24 à une solution politique. Nous ne pouvions pas mettre les gens en minorité.
25 Nous ne pouvions pas faire faire les choses par la force et ainsi de suite.
26 Q. Vous pouvez-vous remettre à M. Krajisnik la pièce P420.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, le document dit que --
28 M. STEWART : [interprétation] Non, excusez-moi, Monsieur le Président, je
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1 me suis trompé, c'est 415.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je suis encore en train
3 d'avoir sous les yeux le document dont vous avez déjà posé des questions à
4 M. Krajisnik, l'accord auquel on est parvenu lors de cette réunion. "Cet
5 accord aurait dû être présenté au conseil des ministres ainsi qu'à
6 l'assemblée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, et après sa
7 certification, une action aurait dû être lancée." Est-ce que vous savez si
8 effectivement, même si vous n'aviez pas vu ce document à l'époque, mais
9 est-ce que savez si à l'époque, on a envoyé ce document à l'assemblée serbe
10 de la République de BiH car c'est mentionné ici dans ce document de façon
11 très précise que cela était fait.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Si cela avait été envoyé, cela devait
13 forcément être présenté à une session. C'est la logique. Alors, si je
14 suppose que quelqu'un avait, effectivement, envoyé cela, je vous affirme
15 que, si je l'avais reçu, j'aurais considéré que c'était là une mission
16 accomplie pour exercer une pression, mais pas pour une action politique
17 véritable. Je ne me souviens pas avoir vu ce type de rapport.
18 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je simplement
19 faire une observation ? La citation que vous venez de donner, Monsieur le
20 Président, du document, en fait, c'est quelque chose qui a été dit par M.
21 Slavko Drazkovic [phon]. Vous avez cité les propos de Slavko Drazkovic. Ce
22 n'est pas ce qui figure dans les conclusions de la réunion. Dans les
23 conclusions de la réunion que j'ai lues plus tard -- informaient le conseil
24 ministériel des conclusions susmentionnées. Donc, Monsieur le Président, je
25 ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Le Président ne répond
26 pas ou dit oui. Les accords auxquels nous sommes parvenus lors de cet
27 accord --
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord avec
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1 vous. Effectivement, c'est un participant qui a dit cela, mais ces propos
2 ne font pas partie des conclusions de la réunion. J'ai compris. Oui, merci
3 d'avoir attiré mon attention sur ce fait.
4 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Maintenant, Monsieur Krajisnik, je vous demanderais de consulter le
6 document P420, que l'on vous remet à l'instant. Nous avons déjà vu ce
7 document lors de la déposition de M. Mandic. Ce document porte la date du
8 31 mars 1992. Il a été envoyé au ministre de Bosnie-Herzégovine. C'était M.
9 Delimustafic, n'est-ce pas ?
10 R. Mais j'ai reçu une dépêche de la part de M. Mandic.
11 Q. Oui. Oui, effectivement, c'était le cas.
12 R. Oui.
13 Q. Le ministre de l'époque était M. Delimustafic, Monsieur ?
14 R. Oui, vous avez raison. Je n'ai pas bien compris. C'est
15 M. Alija Delimustafic qui était ministre au ministère de l'Intérieur de
16 Bosnie-Herzégovine.
17 Q. En anglais, on peut lire que le document est destiné au SJB, service de
18 Sécurité public DB, administration et à tous, ensuite, au chef du service
19 de Sécurité public, et à tous les chefs des SJB, et à tous les chefs du
20 SUP, secrétariat de l'Intérieur, Sarajevo, et au secrétaire. Donc, ce
21 document a été destiné à un très grand nombre de personnes, et on peut lire
22 également que : "Lors de la réunion qui a eu lieu le 27 mars 1992,
23 l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, conformément avec
24 l'orientation politique du peuple serbe et de l'accord de Sarajevo, a
25 promulgué la constitution de la République serbe de Bosnie-Herzégovine. De
26 plus, l'assemblée a promulgué -- en de plus, l'assemblée du peuple serbe a
27 fait un nombre de lois et autres Règlements nécessaires au fonctionnement
28 de la république du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, et c'est ainsi
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1 qu'elle a adopté des lois concernant les affaires intérieures qui seraient
2 uniformément appliqués sur l'ensemble du territoire de la République de
3 Bosnie -- du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, à partir du 1er avril1
4 1992, et a nommé Mico Stanisic, qui jusqu'à maintenant, était conseiller du
5 MUP de la BiH. Donc, il a été nommé au poste de ministre." Nous allons y
6 arriver, mais, il a été nommé au poste de ministre de l'Intérieur lors de
7 cette session, n'est-ce
8 pas ? Donc, je poursuis : "Cette loi, parmi autres choses, réglemente et
9 unifie le service de Sécurité public, régie et organise le service de
10 Sécurité national à l'intérieur du cadre et des droits et des obligations
11 du peuple serbe à l'intérieur de la République de Bosnie-Herzégovine, régie
12 les pouvoirs des employés du MUP, les relations mutuelles, les coopérations
13 entre les organes de l'intérieur, de l'éducation, de la formation
14 professionnelle, de la formation de spécialistes -- de la spécialisation,
15 plutôt, des employées, pour mener à bien les affaires intérieures sur le
16 territoire de la République du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Le
17 ministre de l'Intérieur de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, dont
18 le siège est à Sarajevo, énumère ou met en place les services de Sécurité,
19 les centres de services de Sécurité suivants," et on les énumère; Banja
20 Luka, pour la Région autonome de Krajina. Donc, on voit Banja Luka,
21 Trebinje, Doboj, Sarajevo, Guglijevik [phon]. "Dans le cadre des Centres de
22 services de Sécurité mentionnés ci haut, la tâche de mener à l'intérieur
23 des compétences des organes des affaires intérieurs, les stations de
24 sécurité public ont été établis sur les territoires et les municipalités.
25 Lorsque cette loi est mis en place, le centre de Sécurité et les stations
26 de Sécurité public de la SRBH et le MUP du SRBH, sur le territoire de la
27 République serbe de Bosnie-Herzégovine, seront abolis, et cesseront de
28 fonctionner, et leur autorité, c'est-à-dire, leurs tâches et
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1 responsabilités, tomberont sous la compétence des organes des affaires
2 intérieurs, et seront prises par les Unités susmentionnées du MUP de la
3 République serbe de Bosnie-Herzégovine. Tous les employés qui sont au
4 service où jour où cette loi est promulguée dans l'administration et au
5 siège de la SR -- du MUP de la République serbe de la BiH, ainsi que les
6 employées des centres de Sécurité public et centre -- donc, CSB et SJB,
7 tous les employés seront -- qui se trouvent dans ces centres-là qui seront
8 abolis, seront emmenés au MUP de la République serbe de Bosnie-Herzégovine,
9 qui s'assurera du versement de leurs salaires, de leur dépense, et cetera.
10 Avant leur engagement, les employés sont obligés de prêter serment quant à
11 l'allégeance devant un -- un serment d'allégeance devant le ministre ou une
12 personne dûment autorisée. Le contenu de cette dépêche devrait être rendu
13 disponible aux employés de la SRBH MUP pour se donner les objectifs et les
14 informations, et pour éviter tout incident et situation désagréable du
15 ministre de l'Intérieur, Momcilo Mandic."
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur --
17 M. STEWART : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, ce n'est que
19 maintenant que l'interprète a terminé d'interpréter en français. Donc, je
20 crois que vous croyez que si vous parlez bas, vous parlez moins rapidement,
21 mais, en réalité, ce n'est pas une question entre parler trop fort ou trop
22 bas, mais il faut éviter de parler trop rapidement. Voilà, vous pouvez
23 poursuivre. Merci.
24 M. STEWART : [interprétation]
25 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que ce document a reçu l'approbation des
26 dirigeants serbes de Bosnie, y compris vous-même ?
27 R. Absolument pas. Nous avons été à la réunion de Bruxelles, lorsque comme
28 un coup de tonnerre de ciel ouvert nous est parvenu la dépêche en question,
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1 et c'est M. Silajdzic qui la présente. Il dit : "Voyez-vous, nous sommes en
2 train de négocier, et voici le texte qui nous parvient." Alors, si vous me
3 permettez, je vais vous dire ce qui s'est passé avant, et ce qui s'est
4 passé après l'arrivé de cette dépêche. Mais nous trois ou quatre qui étions
5 là, nous étions stupéfaits de la teneur de cette dépêche parce que cela ne
6 se fonde en rien sur quoi que ce soit qui laisserait faire ce genre de
7 chose. Je peux analyser point par point, et je peux vous dire quels sont
8 les éléments où il y a eu comportements erronés, à savoir où les
9 intervenants n'ont pas eu le droit de faire quoi que ce soit de ce genre.
10 Q. D'abord, Monsieur Krajisnik, avant de vous demander de nous expliquer
11 cela, pourriez-vous nous dire si vous savez -- plutôt je vais reformuler ma
12 question. Est-ce que vous saviez, à l'époque, lorsque vous avez reçu cette
13 information de la façon dont on en est arrivé à la rédaction de ce
14 document ?
15 R. Absolument pas.
16 Q. Alors, quels sont les points principaux sur lesquels comme vous avez si
17 bien dit personne n'avait le d'envoyer un tel document ?
18 R. J'ai fourni aux Juges de la Chambre en su du projet de la constitution,
19 la constitution qui a été adoptée à la date du 27, la dernière page de
20 cette constitution ou l'avant dernière dit que cette constitution sera
21 adaptée à la teneur des négociations en cours sur la Bosnie-Herzégovine.
22 Cela c'est l'une des dispositions. Deuxièmement, il a été adopté
23 effectivement une loi régissant le MUP, mais cette loi ne serait être mise
24 en œuvre avant que ne soit mise en œuvre la constitution. La constitution a
25 été promulguée, le 27 mars, mais cela n'a pas été publié dans les journaux
26 ni où que ce soit ailleurs. Il n'a pas été créé de gouvernement, donc, ce
27 n'est pas un adjoint de ministre qui n'est pas chargé de cela au sein du
28 ministère faire cela. Il y avait à Sarajevo M. Djeric qui a pu être
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1 consulté parce qu'il avait déjà été nommé pour -- il avait été le
2 mandataire du gouvernement. Mais ceci va plus loin. Je dirais, deuxièmement,
3 que vous ne pouvez pas faire une organisation puisque l'organisation du MUP
4 est sensée être adoptée au parlement. Vous ne pouvez pas supprimer les
5 choses par une dépêche. Ce que je veux vous dire au sujet des raisons pour
6 lesquels ceci a été fait, à mon avis, c'est la chose suivante. Avant la
7 veuille de notre départ pour Bruxelles, avant le parlement du 27 mars - et
8 je dirais que c'était le 25 mars - il y a eu une conférence de presse tenue
9 par la partie musulmane. J'ai sa teneur ici, et la partie musulmane a
10 clairement dit que : "Pendant toute la durée des négociations, ils ont tiré
11 l'autre partie par le bout du nez pour qu'on ne nous déclare pas coupables
12 parce qu'on avait les Croates, les Serbes et la communauté internationale
13 contre nous. Mais nous n'acceptons pas les accords réalisés à Sarajevo."
14 Nous autres, nous étions allés négocier pour conduire les choses à leurs
15 termes, et j'ai l'exemplaire ici. Donc, cette conférence de presse tenue
16 par le Parti de l'Action démocratique l'a dit, et nous sommes allés à des
17 négociations pour nous entretenir sur tout ceci, et il y a eu des
18 divergences au niveau du MUP où eux on convenu au sein du MUP qu'il devrait
19 y avoir un partage parce qu'ils ont jugé que plus rien ne fonctionnait.
20 Donc, c'est un document irresponsable. Mais, véritablement, à Bruxelles,
21 nous ne sommes arrivés à aucun accord. Si besoin est, je peux vous montrer
22 ce document pour vous montrer ce qu'a dit M. Ifran Ajanovic, leur homme, le
23 représentant qui avait dirigé cette conférence de presse, pour que vous
24 puissiez voir quel a été le comportement de la SDA, je vais mentionner
25 encore un autre élément. Puisqu'on en est à la fin du mois de mars, i a
26 dit : "Nous avions convié l'opposition et tous les patriotes de la Bosnie-
27 Herzégovine a un rassemblement pour nous opposer à cet accord," et le
28 rassemblement a été bel et bien organisé. Je vous l'ai mentionné, c'est le
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1 moment où ils se sont attaqués à l'hôtel Holiday Inn et où il y a eu des
2 problèmes.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je ne sais pas si vous
4 avez terminé avec ce document. Mais je crois qu'on aimerait avoir posé une
5 question pour repréciser l'une des réponses.
6 M. STEWART : [interprétation] Oui, allez-y. Je vous prie, Monsieur le
7 Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que cette loi ne pouvait
9 par prendre effet avant que la constitution ne soit adoptée de façon finale.
10 Je ne sais pas si on parle, je ne sais pas s'il y a une close. Si, par
11 exemple, il y a un texte -- si nous avons un texte, est-ce que le texte dit
12 -- est-ce qu'il y a une close qui dit à quel moment la loi prend -- devient
13 en vigueur. Il est tout à fait habituel de voir une telle close indiquant
14 qu'une loi prend effet à telle et telle date. Donc, je me tourne vers les
15 deux parties.
16 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je l'avais l'autre
17 jour avec moi -- j'avais la loi avec moi. Je pourrais consulter mes
18 documents et vous les rapporter demain matin si vous le souhaitez.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous écoute.
20 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce que
21 vous parlez de la loi sur les affaires intérieures ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je parle de la loi sur laquelle M.
23 Krajisnik vient de témoignage, c'est-à-dire, sur laquelle il vient de
24 parler qu'il ne pouvait pas entrer en vigueur sans --
25 M. TIEGER : [interprétation] J'ai une version électronique, je ne peux pas
26 la trouver présentement, je peux seulement quant aux documents que je
27 connais, et qui ne font pas partie de éléments de preuve. Mais je crois
28 qu'effectivement, la loi sur les affaires intérieures est quelque chose qui
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1 doit effectivement, on devrait l'avoir.
2 M. STEWART : [interprétation] Si vous le souhaitez, je vais la consulter,
3 je vais essayer de la retrouver et puis je l'apporterais demain matin. Donc
4 je pourrais en informer la Chambre.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien Merci Monsieur Stewart.
6 M. STEWART : [interprétation]
7 Q. Monsieur Krajisnik, un point de précision, je vous prie. Je fais
8 dérouler mon écran, et vous avez dit il y a quelques instants que, voilà,
9 j'ai retrouvé le passage, à la page 71, ligne 10, vous avez dit : "Donc il
10 y a eu une conférence de presse qui a été organisée par le Parti du SDS,
11 nous sommes allés pour négocier et pour discuter des questions, alors
12 qu'entre-temps, il y avait une division au MUP. Nous avions décidé -- quant
13 à la division du MUP, ils ont décidé sur la division du MUP car ils avaient
14 dit que rien ne fonctionnait plus."
15 J'ai entendu qu'il y avait une correction dans le cadre de votre
16 réponse. Je sais que je l'ai entendu, je ne sais pas si quelqu'un l'a
17 entendu. Donc, vous aviez dit : "Nous avions décidé sur la division du MUP
18 -- ils ont décidé sur la division du MUP." Je ne sais pas si vous pourriez
19 préciser ce point. Qui avait décidé sur la division du MUP. Je crois que
20 vous avez fait un Lapsus lingue ici ?
21 R. J'ai dit "eux, ils", et quand j'ai dit "ils", j'avais à l'esprit les
22 représentants du MUP au sein de la Bosnie-Herzégovine tant serbes, croates
23 que musulmans. Ils se sont mis d'accord en notre absence, et par la suite
24 cela s'est reproduit. Je le dis, et je m'en excuse. S'agissant de cette
25 dépêche dont j'ai parlé tout à l'heure. Cette dépêche a été envoyée sur
26 leur propre initiative, c'est évident. A un moment donné, à ce moment-là ou
27 un peu plus tard, tous les cadres du MUP étaient tombés d'accord pour ce
28 qui était de procéder au partage du MUP. Je ne sais pas vous donner de date.
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1 Les Serbes, les Musulmans, les Croates sont tombés d'accord, et je n'ai pas
2 été présent à cette réunion. J'étais présent à une autre réunion où il y
3 avait M. Zepinic et cela je peux vous l'expliquer aussi, mais cela n'a rien
4 à voir avoir le passage du MUP. Cette conférence de presse je peux vous
5 montrer le document, si tant est que celui-ci vous intéresse.
6 Q. Monsieur Krajisnik, il y a quelques instants vous nous avez dit et je
7 voudrais juste m'assurer que nous tout à fait bien saisi, lorsque vous avez
8 parlé d'actes irresponsables, vous avez dit : "Ils ont décidé du partage du
9 MUP car ils ont décidé que rien ne fonctionnait plus. C'était un acte
10 irresponsable." Vous avez parlé de quelque chose qui s'est passée, à la fin
11 mois de mars, ou peut-être un peu plus-- ou 1992 ou est-ce que vous faisiez
12 référence à une autre date ?
13 R. Je parle de la fin mars et du début avril, du tout début avril. C'est
14 la période critique.
15 Q. C'est à ce moment-là que la conférence de presse a été organisée a eu
16 lieu ?
17 R. Le 25 mars, il y a eu cette conférence de presse, avant que nous ne
18 partions, ou plutôt, le 26 peut-être, mais avant que nous ne partions pour
19 Brussels -- au moment où les trois délégations sont parties à Brussels pour
20 la conférence sur la Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Vous avez dit : "Je peux vous dire ce que monsieur et là. On n'a pas le
22 nom de la personne, au compte rendu d'audience, l'homme qui a organisé la
23 conférence de presse. Je peux vous expliquer de quelle façon le Parti SDS
24 s'est comporté". Donc, ce que vous avez dit -- mais, malheureusement,
25 Monsieur le Président, je ne le vois pas le nom de la personne au compte
26 rendu d'audience.
27 R. M. Irfan Ajanovic a tenu cette conférence de presse. Avant cela, il se
28 trouvait être vice-président du parlement yougoslave et il était député au
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1 parlement de Bosnie-Herzégovine. Il avait été hautement placé au sein du
2 Parti de l'Action démocratique.
3 Q. Lorsque vous avez reçu cette information à Brussels, dites-nous,
4 d'abord, si le Dr Karadzic s'y trouvait.
5 R. Oui.
6 Q. Quelle était sa réaction ?
7 R. Pour nous, quand je dis "nous", c'est tous les trois. Cela a été un
8 grand coup pour nous parce qu'on nous a mis sur un, sur le banc des accusés
9 sur place, et il se sentait très mal à l'aise parce que cela avait été un
10 coup, un mauvais coup sur le plan politique à l'occasion des négociations
11 parce que l'on avait fait, dans le concret, quelque chose, enfin, une chose
12 qui perturbait les concertations. La partie musulmane en a profité pour
13 nous inculper de miner -- de nous accuser de miner les négociations.
14 Q. Est-ce que, s'agissant de la consternation, il semblerait qu'on peut se
15 servir de ce mot "concerner" dont dites-nous si les Serbes de Bosnie, les
16 négociateurs, est-ce que votre consternation était apparente ? Est-ce que
17 les autres personnes, qui étaient présentes à cette réunion à Brussels,
18 ont-ils compris que vous étiez concernés ? Est-ce qu'ils ont vu comment
19 vous vous sentiez ?
20 R. M. Silajdzic vient en portant un télégramme. Nous pensions d'abord
21 qu'il s'agissait d'un faux. Ensuite, il s'est avéré, il a été vérifié que
22 ce n'était pas un faux. Tout à coup, il nous tombe dessus en raz-de-marée
23 d'accusations sur ce que nous étions en train de faire, alors qu'on était
24 en train de négocier. Cela a littéralement tiré un trait sur tout ce qui
25 avait été fait jusque-là. A ce moment-là, vous vous trouvez en position si
26 défavorable parce que le moment arrive, le télégramme arrive au moment où
27 l'on négocie, et l'on accuse votre partie de l'avoir fait. Cela s'est
28 arrivé à la conférence même, lorsque nous étions en réunion.
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1 Q. M. Cutileiro était-il présent dans la pièce, à ce moment-là ?
2 R. Oui.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je consulte l'heure,
4 et si vous me dites que vous pouvez terminer cette ligne de questions,
5 cette série de questions en une ou deux minutes, à ce moment-là, vous
6 pouvez; sinon, il ne nous reste que deux minutes avant 19 heures ?
7 M. STEWART : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président, je
8 souhaiterais simplement ajouter que la référence de la loi que je vais
9 rapporter demain est l'article 126 de la pièce P64A, intercalaire 598.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En réalité, je l'avais trouvé. J'ai
11 également retrouvé l'article, mais, puisque déjà vous en parlé, l'article
12 130 se lit comme suit : "La loi présente devra être entrée en vigueur 15
13 jours après sa publication dans la gazette officielle du peuple Serbe de
14 Bosnie-Herzégovine." Alors que l'article 129 se lit comme suit : "Les actes
15 généraux concernant les organismes internationaux et les services de public
16 devraient être entrés en vigueur 15 jours après que la loi présente est
17 entrée en vigueur. Donc, sera mise en œuvre 15 jours après que la loi soit
18 adoptée."
19 Donc, il y a quelques minutes, j'avais oublié -- en fait ces deux, j'ai
20 retrouvé ces deux passages, tout d'abord, deux points, Monsieur Stewart
21 j'espère que vous avez retrouvé la version mise à jour de la pièce, de la
22 liste des pièces.
23 M. STEWART : [interprétation] C'est arrivé ce matin, Monsieur le Président,
24 je l'ai reçu par email, par courrier électronique, il n'y a pas très
25 longtemps.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, à ce moment-là, nous
27 vous demandons de prendre des pièces qui ont déjà été publiées dans la base
28 de données. Je me suis renseignée, et même sans l'information de la
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1 Juriste, même pour les gens qui ne font que le soutien administratif, ces
2 deux pièces par minute, donc, il y a 400 pièces par heure. Nous faisions la
3 même chose.
4 M. STEWART : [interprétation] Nous avions l'impression que cela se ferait
5 un peu plus vite, puisque nous avions 2 700 pièces.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais nous avons tous ces documents.
7 Je crois qu'il n'a qu'un nombre limité qui sera ajouté puisque M. Treanor
8 et Mme Hanson ne sont pas là pour l'instant. Donc, nous n'avons pas le
9 problème pour ce qui est de leurs documents.
10 M. STEWART : [interprétation] Oui, très bien, merci. Monsieur le Président,
11 une toute petite question, rapide. Tout ce que nous avons besoin pour que
12 nous puissions identifier, c'est de savoir quels sont les documents qui ont
13 été ajoutés à la base de données juridique. Donc, nous ne saurons pas quoi
14 chercher si on n'a pas tous les détails précis.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je crois que M. le Greffier tient
16 l'équipe au courant et, Monsieur le Greffier, je vous prierais d'inclure la
17 Défense également, et l'Accusation s'ils sont intéressés à savoir ou à se
18 tenir au courant à savoir quels sont les documents qui ont été scannés
19 récemment et qui font maintenant partis de la base de données juridique.
20 M. STEWART : [interprétation] Je crois que M. le Greffier sait à quel point
21 nous apprécions son travail.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Avant de lever la séance
23 d'aujourd'hui, Monsieur Krajisnik, je m'adresse à vous pour vous demander
24 de ne pas vous entretenir avec qui que ce soit du témoignage que vous avez
25 donné aujourd'hui. Je souhaiterais vous rappeler qu'il ne faudrait surtout
26 pas relater les détails. Nous comprenons très bien que l'on vous ramène au
27 moment vous avez vécu certains-- vous avez vécu des événements personnels
28 également, non seulement les événements qui avaient trait à votre tâche, à
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1 votre responsabilité, à votre position, donc, mais nous vous prierons de ne
2 pas parler de cela non plus à qui que ce soit.
3 Bien. Nous nous retrouvons demain ici dans cette même salle d'audience dans
4 l'après-midi.
5 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mardi 9 mai
6 2006, à 14 heures 15.
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