Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 11 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 24.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Monsieur le

6 Greffier, veuillez s'il vous plaît nous donner le numéro de l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-00-39-T, le Procureur

8 contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur.

10 Il y a un certain nombre de questions qui sont en suspens et pour

11 lesquelles il faut passer à huis clos, mais j'attends que les parties se

12 manifestent pour me dire si éventuellement il y a de nouvelles informations

13 qui ont surgi.

14 M. TIEGER : [interprétation] Au sujet d'une des questions, les informations

15 y afférant ont été communiquées par courrier électronique, et la Chambre

16 devrait les avoir reçues.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'imagine que ceci a été envoyé aux

18 juristes, mais il est possible que nous, nous n'ayons pas encore reçu

19 lesdites informations. Je vais vérifier.

20 Il y a une autre question qui se pose.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il y a encore une autre question.

23 L'Accusation a fourni à la Chambre des informations relatives à des

24 déclarations dont dispose le Procureur, et la Chambre souhaiterait obtenir

25 une copie de ces déclarations. Je n'entre pas plus dans les détails,

26 puisqu'il y a là des questions de confidentialité qui se posent, mais la

27 Chambre souhaiterait le plus tôt que possible recevoir des exemplaires

28 desdites déclarations.

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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui, nous nous sommes préparés à cet

2 éventualité, et c'est en cours.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

4 M. HARMON : [interprétation] Je me permets d'intervenir brièvement pour

5 vous signaler, aux fins du compte rendu d'audience, que cet après-midi nous

6 avons fourni à la Défense sur CD-ROM des copies des vidéos que l'on trouve

7 dans les pièces P1083, 1088, 1089 à 1090 et 1091.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque j'aime généralement savoir de ce

9 dont je suis en train de parler, j'ai demandé au Greffier de me copier

10 l'extrait de la liste où figurent ces pièces, pour savoir de quoi il s'agit

11 exactement.

12 M. HARMON : [interprétation] Il s'agit de vidéos qui ont été visionnées

13 pendant la déclaration de M. Poplasen quand il est venu déposer ici.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, la Défense aura une semaine

15 pour présenter d'éventuelles objections et motifs qu'elle pourrait avoir de

16 s'opposer à l'introduction de ces vidéos. Merci. Oui, je suis tout à fait

17 d'accord avec vous, Maître Harmon. C'est tout à fait exact.

18 Maître Stewart, est-ce que vous êtes est prêt à poursuivre l'interrogatoire

19 principal ?

20 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je me demande si on pourrait passer

21 très, très brièvement à huis clos partiel pour évoquer certains témoins

22 protégés.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons passer à huis clos

24 partiel.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

26 [Audience à huis clos partiel]

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11 Pages 23864-23870 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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1 (expurgé)

2 [Audience publique]

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Vous pouvez

4 poursuivre, Maître Stewart.

5 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]

9 Q. [interprétation] Peu avant la suspension d'audience hier soir, Monsieur

10 Krajisnik, nous étions en train de parler d'une réunion que vous avez eue

11 avec M. Izetbegovic au début du mois d'avril 1992. La question qui se pose

12 maintenant est la suivante, Monsieur Krajisnik : quelle était la teneur des

13 discussions que vous avez eues, vous et M. Izetbegovic, lors de ladite

14 réunion ?

15 R. L'objet de notre discussion, c'était les solutions que nous étions en

16 train de rechercher pour arrêter la guerre. L'une des principales questions

17 qui a été convoquée, c'est celle de Sarajevo, parce que la guerre avait

18 commencé à Sarajevo, et, selon nous, c'était le territoire qui posait le

19 plus de problèmes.

20 Q. S'il est possible de dire que c'est la manière dont les discussions se

21 sont produites, si cela s'est produit de cette manière-là, est-ce que vous

22 pouvez me dire s'il y a des propositions qui sont venues essentiellement de

23 votre part, de M. Izetbegovic, ou est-ce que des deux côtés ont fait des

24 propositions pour essayer de résoudre la situation ?

25 R. En ce qui concerne la première question qui se posait à nous, à savoir,

26 comment mettre un terme à la guerre, nous avons eu un échange spontané, une

27 discussion qui reposait sur notre désir commun de voir le conflit armé

28 s'arrêter, parce que nous avons, tous deux, compris à ce moment-là que ce

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1 conflit avait pris des dimensions assez préoccupantes.

2 Q. Est-ce qu'il y a eu une série ou un ensemble de discussions, de

3 solutions potentielles qui ont été évoquées, quelques discussions, quelques

4 solutions précises ?

5 R. Comme la totalité du conflit avait trouvé son point d'orgue à Sarajevo

6 -- peut-être que je n'ai pas suffisamment expliqué le contexte. Si vous le

7 souhaitez, je peux vous l'expliquer, je peux vous expliquer quel était

8 l'objectif de cette manifestation pour la paix. Tout cela avait eu lieu à

9 Sarajevo, et précédemment, au cours des négociations, nous avions présenté

10 des cartes. Il a été proposé que la Bosnie soit divisée en trois unités

11 constituantes, alors que Sarajevo, selon une des propositions en présence,

12 devait passer sous le ressort des Nations Unies pendant un certain temps

13 avant qu'on trouve une solution.

14 Etant donné que la guerre avait éclaté à Sarajevo, et que, tous deux,

15 nous étions natifs de Sarajevo, je lui ai dit : "Essayons de trouver une

16 solution temporaire pour Sarajevo, juste pour mettre un terme à la guerre,

17 et ensuite, essayons de continuer à chercher une solution définitive quand

18 la paix sera revenue." Et comme l'a dit

19 M. Kecmanovic dans sa déposition, il faut dire qu'on a parlé, on a discuté

20 exactement de la manière dont M. Kecmanovic l'a dit.

21 Q. Bien, Monsieur Krajisnik --

22 R. Je voudrais apporter simplement une petite correction.

23 Q. Vous dites que vous souhaitiez apporter une correction minime ?

24 R. Oui. La correction que je souhaite apporter, c'est une correction que

25 je souhaite apporter à la description que nous a fait M. Kecmanovic. Tous

26 les deux, nous avons convenu que c'était à lui de présenter une

27 proposition. Il a envoyé cette proposition à Pale, et selon ce qu'il a dit,

28 il n'a reçu aucune réponse de la part des dirigeants. Je n'ai pas reçu la

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1 proposition qu'il a envoyée, parce qu'à l'époque, j'étais à Zabrdje, de

2 l'autre côté de la ville. Je ne connais pas d'autres détails au sujet de ce

3 qu'il a envoyé, comment, et à qui. Pendant un certain temps, il n'a pas été

4 au courant de ce fait, mais j'étais à Zabrdje, pas à Pale.

5 M. Koljevic était là. Il a répondu, sans doute, après avoir consulté

6 d'autres personnes, et il a fait une réponse positive. Mais je n'ai pas

7 répondu. Je n'ai pas répondu à sa proposition, parce que je ne l'avais pas

8 vue.

9 Q. Monsieur Krajisnik, vous répondez à cette série de questions en nous

10 disant -- aux questions que je voulais vous poser en disant : Bien, cela

11 s'est passé exactement de la manière dont

12 M. Kecmanovic nous l'a dit. Ces propositions, elles n'ont pas été étudiées

13 en détail, examinées en détail, quand M. Kecmanovic est venu déposer ici.

14 Il est exact, n'est-ce pas, que c'est vous plutôt que

15 M. Kecmanovic qui, du côté serbe, s'est attaché à présenter des solutions

16 lors de la réunion, n'est-ce pas ?

17 R. Lors de cette réunion, pour essayer d'apporter mon concours, de faire

18 des efforts destinés à mettre un terme à la guerre, j'ai dit à M.

19 Izetbegovic que ce serait une bonne idée de trouver une solution temporaire

20 pour Sarajevo. Plus tard, cela a été qualifié par certains comme une

21 proposition de ma part aux fins de diviser Sarajevo, mais c'est tout à fait

22 éloigné de la vérité. M. Izetbegovic a dit : "Bien, proposez quelque

23 chose," et j'ai répondu : "Ce serait mieux si on se réunissait pour

24 discuter de toute cela sur la base des zones, des différentes zones et de

25 l'appartenance ethnique de leurs habitants. Si on trouvait une solution

26 temporaire, simplement pour mettre un terme à la guerre." A ce moment-là,

27 il a dit : "On va demander à M. Kecmanovic de préparer cette proposition

28 temporaire, cette solution temporaire."

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1 M. Kecmanovic a un peu traîné les pieds et finalement il a accepté. Mais

2 ensuite, je n'ai pas eu de contacts avec M. Izetbegovic ni avec M

3 Kecmanovic.

4 Il faut que j'apporte une autre correction. M. Kecmanovic a dit que j'avais

5 parlé avec M. Izetbegovic au téléphone au sujet de Sarajevo. Or, cette

6 conversation que j'ai eue avec lui, elle n'avait pas trait à Sarajevo. Je

7 l'ai appelé parce que quand je suis allé de Zabrdje à Ilidza, il s'est

8 produit un incident. Une voiture de police musulmane nous a interceptés sur

9 la route. Ils ont fait prisonnière mon escorte, et d'Ilidza j'ai appelé

10 Izetbegovic et je lui ai demandé à ce que les membres de mon escorte soient

11 remis en liberté. Il m'a dit qu'il n'était pas au courant de l'incident en

12 question, mais en fin de journée, au bout du compte, il les a fait remettre

13 en liberté.

14 Voilà la raison pour laquelle j'avais appelé Izetbegovic, pas pour

15 parler de Sarajevo. Il y a peut-être eu un malentendu entre les deux. Mais

16 en tout cas, cette fameuse conversation téléphonique, elle n'avait rien à

17 voir avec la réunion que nous avions eue précédemment dans son bureau.

18 Q. Revenons à la réunion en question, Monsieur Krajisnik. Pour

19 l'essentiel, ce que nous a dit M. Kecmanovic, c'est que dans une certaine

20 mesure M. Izetbegovic était en train de vous dire à vous : M. Krajisnik,

21 trouvez une solution, proposez une solution, et que vous disiez, vous, à M.

22 Izetbegovic : Bien, vous, proposez une solution, vous, faites des

23 propositions, et à ce moment-là, à un moment donné M. Kecmanovic a préparé

24 un certain nombre de propositions qu'il a envoyées à Pale. Je vais vous

25 rappeler, Monsieur Krajisnik, que ce dont on n'a pas parlé pendant la

26 déposition de M. Kecmanovic, c'est de la nature de ces propositions, des

27 solutions proposées pour Sarajevo. Ce que je vous demande maintenant,

28 Monsieur Krajisnik, ce que je souhaiterais que vous fassiez, c'est que vous

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1 nous donniez des explications. Il sera peut-être nécessaire pour vous de

2 nous donner des explications assez approfondies. Je voudrais que vous

3 expliquiez, Monsieur Krajisnik, aux Juges de la Chambre de première

4 instance, quelle était la situation à Sarajevo et quelles étaient les

5 solutions qui s'offraient pour une séparation, une division temporaire de

6 Sarajevo, ce que vous venez d'évoquer.

7 Nous avons ramené de la chambre forte où se trouvent les pièces à

8 conviction, la pièce P284, si elle peut vous aider. Nous disposons

9 également de la carte que nous avons utilisée hier, qui se trouve à la page

10 25 de l'atlas, P527, parce que j'imagine qu'il sera utile de disposer d'une

11 carte pour faire ces explications.

12 Pour qu'elle vous soit utile, Monsieur Krajisnik, il sera peut-être

13 nécessaire de la disposer à votre guise ou différemment --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant qu'on poursuive, bon, ce n'est

15 peut-être pas très pratique, mais je voudrais d'abord savoir si cela gêne

16 les interprètes, s'ils peuvent travailler quand même ? Apparemment, oui.

17 M. STEWART : [interprétation]

18 Q. Monsieur Krajisnik, vous en savez sans doute beaucoup plus sur Sarajevo

19 que nous tous ici rassemblés, donc je voudrais que vous ayez cela à

20 l'esprit pendant que vous nous faites vos explications. On a beaucoup

21 appris tout au long de l'affaire, mais on a encore même beaucoup de retard

22 sur vous. Essayez de tenir compte de nous.

23 R. Ce qu'on voit ici, c'est la partie urbaine de Sarajevo. Ici, vous avez

24 donc le centre-ville, et ici, vous avez la municipalité.

25 Ce qu'on voit ici, c'est à peu près la municipalité de Novo Sarajevo.

26 Et là, vous avez Novi Grad. Ici, c'est Ilidza, la municipalité d'Ilidza, et

27 là, nous avons Vogosca, la municipalité de Vogosca.

28 Vous voyez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que nous

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1 avons ici des parties urbanisées, des zones urbanisées, et nous avons des

2 zones périphériques où on trouve des villages. Vous voyez la concentration

3 de la population ?

4 Ici, l'endroit que je vous indique, c'est là que la densité de

5 population est la plus élevée.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.

7 M. STEWART : [interprétation] Je me demande s'il serait possible, je sais

8 que c'est automatique, s'il serait possible que la caméra reste sur la

9 carte, immobile; sinon, il sera très difficile de suivre le transcript si

10 on le lit plus tard.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, dans la mesure du possible, vu les

12 directions, la directive pratique qui s'applique aux techniciens, parce

13 qu'ils sont tenus d'obéir à un certain nombre de consignes dans le cadre de

14 leurs activités, comme, par exemple, ils sont tenus de toujours mettre à

15 l'écran, afficher à l'écran l'image du Juge qui s'exprime, c'est ce qui est

16 en train de se parler maintenant. Dans la mesure où ceci est compatible

17 avec ces obligations, surtout quand M. Krajisnik nous indique un certain

18 nombre d'endroits sur la carte, il faudrait effectivement au maximum garder

19 la carte à l'écran.

20 Continuons, afin que nous n'ayons pas à donner de longues explications en

21 compte rendu d'audience de traduire dans les mots ce que M. Krajisnik est

22 en train de nous montrer sur la carte.

23 M. STEWART : [interprétation] Merci. C'est ce que je voulais dire. J'espère

24 que vos instructions permettront de contrevenir à cette directive ici.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, je suppose que M.

26 Krajisnik ne va pas tout le temps nous indiquer la carte à l'aide de son

27 pointeur, parce qu'en fait la personne qui prend la parole doit être

28 affichée à l'écran. Cela fait partie de la directive en question. Nous

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1 pouvons, bien entendu, suivre sur l'écran les explications de M. Krajisnik

2 et s'il y a des choses bien précises, s'il faut indiquer certaines zones de

3 Sarajevo, certains quartiers ou certains mouvements, par exemple, nous

4 pourrons le faire.

5 M. STEWART : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc, vous voyez, les municipalités sont

8 divisées ainsi, de cette façon-là.

9 Le long de ce périmètre, si je peux m'exprimer de la sorte, le

10 périmètre de cette zone urbaine, nous avons ce que l'on appelait le siège

11 de Sarajevo. Je vais vous expliquer pourquoi je dis ce qu'on appelait le

12 siège de Sarajevo. Là, il s'agit de quartiers serbes, et tout le monde a

13 assumé des positions dans ces différents quartiers. Puis, vous avez là,

14 vers l'est, Pale, et vers le sud, vous avez Trnovo, que vous ne pouvez pas

15 voir maintenant. Puis, derrière Vogosca, vers la direction du nord, vous

16 avez Ilidza. Puis, vous avez Hadzici, la municipalité de Hadzici. Il s'agit

17 en fait de municipalités satellites qui, par la suite, sont devenues en

18 fait parties intégrantes de la ville de Sarajevo.

19 Alors au moment où le conflit armé a commencé, tout cela est resté entre

20 les mains des Musulmans. Donc si nous parlons de la ville, la ville, en

21 fait, a été détenue par les Musulmans. Toutefois, dans leurs zones

22 d'appartenance ethnique, les Serbes avaient leurs propres zones qui étaient

23 en fait couvertes, où on trouvait plutôt des bois, des prairies. Donc, il y

24 avait la plus grande concentration de Serbes qui s'élevait à 100 000, et

25 une autre concentration qui s'élevait à 30 000 et qui se trouvait à la

26 périphérie.

27 Donc, si quelqu'un souhaitait diviser ou scinder Sarajevo à des fins

28 économiques en laissant les gens où ils étaient, il fallait toujours que

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1 cela se fasse au désavantage des Serbes, parce qu'il y avait des Serbes des

2 deux côtés. Donc, la proposition a été comme suit : voilà le centre, le

3 centre de la ville. Les Serbes détenaient certains villages ici et là, et

4 les zones urbaines les plus importantes appartenaient aux Musulmans. La

5 proposition a été de geler les choses, en quelque sorte, en attendant une

6 solution juste et équitable pour transformer Sarajevo, solution que nous

7 continuons à rechercher.

8 Voyez-vous, cette concentration de population que je vous montre maintenant

9 est dix fois supérieure à toute la population que l'on trouve à la

10 périphérie. Les Serbes avaient 80 % du territoire et 10 % dans la ville,

11 dans la zone musulmane.

12 Alors voilà Zabrdje, que j'ai appelé l'endroit historique, et je suis allé

13 à partir de là jusqu'à Ilidza. M. Karadzic est venu de Pale. Voyez, donc,

14 il y avait ce terrain d'aviation. Alors dans un véhicule blindé -- en fait,

15 c'était un véhicule de combat, c'est l'armée qui l'a conduit à Ilidza.

16 Au vu de cette situation, si on laissait tout le monde où les gens se

17 trouvaient, dans leurs quartiers, dans leurs différents quartiers, c'était

18 en fait la base d'une solution temporaire.

19 Lorsque nous nous sommes adressés à Cutileiro le 18 ou le 19 mars - et vous

20 pouvez d'ailleurs le lire dans la presse écrite - vous pouvez lire ce que

21 Karadzic avait dit à propos de la transformation de la ville. Il avait dit

22 en fait qu'il devrait y avoir des zones ex-territoriales avec des bâtiments

23 divisés suivant les sites, mais cela ne fut pas en fait le sujet de notre

24 conversation. Notre conversation a porté sur la façon de trouver une

25 solution temporaire pour mettre un terme à la guerre, et nous avons

26 continué à parler.

27 Mais sans avoir une carte, il est très difficile de comprendre Sarajevo,

28 car lorsque vous voyez cette zone bleue, cela ne signifie rien. Ce

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1 territoire -- en fait, cette zone bleue est une zone importante qui

2 appartient aux Serbes, mais ils n'étaient que 10 000, alors que dans cette

3 petite zone urbaine, il y avait une densité de 300 à 400 000 personnes.

4 Donc, vous voyez par exemple des endroits tels que Hrasnica, là. Il faut

5 savoir également que l'aéroport se trouvait sur la ligne de feu, en pleine

6 mire, et vous ne pouviez pas passer de l'autre côté sans courir des

7 risques, et vous avez entendu des témoins en parler.

8 Même pas en théorie pouvais-je aller à Lukavica, alors que Koljevic et

9 Karadzic ont pu eux traverser cela, parce qu'ils ont été conduits dans un

10 véhicule de combat. Ils sont allés à Ilidza pour rencontrer M. Cutileiro,

11 alors que je partais de Zabrdje. En fait, c'est là qu'ils ont capturé notre

12 patrouille militaire. C'est à ce sujet que j'avais appelé M. Izetbegovic

13 pour lui demander d'intervenir. Tous ces secteurs-là, en fait, étaient des

14 villes séparées à un moment donné, mais finalement, elles sont devenues ou

15 elles se sont intégrées ou incorporées à Sarajevo. Ce ne sont pas de

16 véritables villes, c'est devenu des municipalités satellites qui se

17 trouvaient quand même encore à 30 ou 40 kilomètres du centre de la ville.

18 Ce que je vous montre là, c'est très symptomatique, c'est très révélateur,

19 car un témoin a indiqué qu'il fallait diviser les municipalités. Vous

20 savez, pour ce qui est des limites ou des frontières entre les différentes

21 municipalités, c'était en quelque sorte une ligne en zigzag qui suivait les

22 rues. La limite d'une municipalité est une rue. Il en va de même pour une

23 autre. Il fallait écrire les noms des rues. C'est la méthode pour diviser

24 ou séparer les municipalités. Mais parfois, la même ville passait à travers

25 deux municipalités.

26 Donc, la solution pour la Bosnie n'était pas censée être appliquée pour

27 Sarajevo également, car Sarajevo avait besoin d'une solution bien

28 particulière, de sa solution; c'est la raison pour laquelle sur toutes les

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1 cartes, et cela est vrai d'ailleurs, on voit que les Serbes se trouvent

2 autour du centre, alors que la plupart des Musulmans étaient dans le

3 centre. Cela pouvait être fait en 24 heures. Tout le monde devait

4 simplement se contenter de rester dans sa zone d'appartenance ethnique.

5 Et cela, vous pouvez le voir sur la carte où les municipalités sont

6 divisées. C'est exactement ce que l'on retrouve. Donc, vous avez les

7 centres urbains, et à l'extérieur, donc, la zone qui appartenait également

8 à la municipalité.

9 Q. Il y a eu plusieurs options qui ont fait l'objet de discussions pour

10 envisager une solution à cette réunion. Est-ce qu'il y avait donc des

11 variations sur un même thème ? Je m'explique. Est-ce qu'il n'y avait que de

12 très légères divergences par rapport à un plan qui était le même, et qui

13 était essentiellement le même ou est-ce qu'il y avait des possibilités ou

14 des solutions tout à fait différentes ?

15 R. Ceux qui ont mené à bien l'organisation urbaine de Sarajevo ont inclus

16 les quartiers serbes et musulmans. Les musulmans étaient majoritaires dans

17 quasiment tous le secteur, mais cela n'a pas été fait à dessein. Ceux qui

18 l'ont fait n'ont pas pris la partie du centre et ne l'ont pas divisée.

19 Si vous regardez là, ce que je vous montre maintenant, nous avons eu

20 d'ailleurs le témoin Sinisa Krsman qui en a parlé. Il a parlé de Zabrdje.

21 Il a dit que ce village avait existé pendant 300 années, et les autorités

22 se trouvaient à Novi Grad, et vous ne pouviez même pas obtenir un permis de

23 construire pour une maison. Nous, nous voulions transformer Sarajevo pour

24 avoir plusieurs municipalités, et ce, pour pouvoir régler les problèmes

25 locaux au niveau local.

26 Me Stewart m'a demandé s'il y avait de grandes divergences. En fait, il

27 intéressait les Musulmans de ne pas toucher ou modifier ce type

28 d'organisation, parce qu'ils étaient majoritaires dans quasiment toutes les

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1 municipalités, à l'exception d'une municipalité peut-être, et surtout

2 d'ailleurs lorsque les partis nationaux ont assumé le pouvoir.

3 Si vous vous souvenez de la municipalité de Novo Sarajevo, il faut savoir

4 qu'ils ont tout légalisé, toutes les maisons qui avaient été construites

5 sans permis de construire, par exemple. Bon, ces maisons étaient censées et

6 devaient être détruites, mais les gens ont emménagé dans ces maisons qui

7 avaient été construites illicitement et ont ainsi modifié la structure

8 ethnique au cours des dix dernières années. Tout le monde le sait, cela, à

9 Sarajevo. Alors le fait qu'en plein socialisme, vous n'aviez pas le droit

10 de parler de ce genre de chose sans être traité de chauvin, de

11 nationaliste. Mais il y avait deux propositions. Ils ne voulaient que rien

12 ne soit changé. Avant, lorsqu'il y a eu ces négociations avec M. Cutileiro,

13 vous voyez donc que Sarajevo appartenait complètement à la fédération alors

14 que sur notre carte, sur la carte des Serbes et sur la carte de Cutileiro,

15 cela était censé être placé sous les auspices des Nations Unies pendant un

16 certain temps, et ensuite, il fallait donc œuvrer pour trouver une solution

17 satisfaisante à tout le monde.

18 Il était absolument impossible de diviser Sarajevo. Il n'est pas vrai que

19 je voulais que des murs soient érigés. Il fallait tout simplement avoir un

20 nombre de municipalités plus important pour que les gens puissent avoir au

21 niveau local toute latitude pour régler leurs problèmes relatifs à

22 l'adduction d'eau, à l'électricité, et cetera, et cetera.

23 Lorsque je me suis entretenu avec M. Izetbegovic, j'ai bien compris que M.

24 Izetbegovic avait le souhait de mettre un terme à tout cela. C'est en tout

25 cas l'impression que j'ai eue. Et c'est pour cela qu'il a dit : "Bien, M.

26 Kecmanovic, pourquoi est-ce que vous ne trouvez pas une proposition dont

27 nous parlerons ? Il vaut mieux discuter de cela plutôt que de se mettre en

28 guerre."

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1 Je dois dire la vérité. C'est l'impression que j'ai eue. Je n'ai pas obtenu

2 de réponse, je n'ai pas vu la proposition de M. Kecmanovic parce qu'il

3 était, lui, à Pale, alors que moi, à l'époque, je me trouvais à Zabrdje.

4 Q. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous savez si les propositions que M.

5 Kecmanovic était censé présenter, est-ce qu'il s'agissait en fait

6 essentiellement de délimiter des frontières ou des limites dans le cadre de

7 cette division temporaire proposée ?

8 R. Non, pas de limites, pas de frontières. Il y a en fait plusieurs

9 procès-verbaux. Nous avons toujours pris comme exemple Genève, car il y a

10 une ville autour de Genève et j'y ai été, c'est une ville française, me

11 semble-t-il, dont je ne me souviens plus du nom maintenant. Il y avait ce

12 restaurant qui se trouvait pour moitié en Suisse et pour l'autre moitié en

13 France. Tout ce que nous voulions, c'était transformer cette ville, cette

14 grande ville. Bruxelles fut un autre exemple; par exemple, lorsque

15 quelqu'un se trouve dans un quartier, il doit régler des problèmes locaux

16 d'électricité, et cetera.

17 J'aimerais vous rappelez, Messieurs les Juges, que pendant la Première

18 Guerre mondiale, Rajlovac était plus connu que Sarajevo, et les gens

19 disaient : mais où se trouve Sarajevo ? Est-ce que cela se trouve près de

20 Rajlovac ? Mais toutefois, en fait, Rajlovac n'était plus important parce

21 que tout se faisait à Sarajevo. C'est là où se faisait l'économie. Il y

22 avait une université à Sarajevo. Alors pourquoi ne pas avoir -- bon, il y a

23 des hôpitaux, des écoles, des stades, des universités. Tout le monde doit

24 pouvoir les utiliser. Nous ne pouvions pas en construire de nouveaux. Il

25 s'agissait tout simplement d'essayer de vivre d'après nos besoins. C'est ce

26 que nous voulions faire, d'ailleurs.

27 Vous voyez la municipalité de Novi Grad. En fait, ils ne voulaient pas que

28 Rajlovac ait une commune locale. Ils n'ont pas permis à la procédure de

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1 démarrer. Cela n'a jamais été retenu.

2 M. Kecmanovic n'a jamais proposé ou n'aurait jamais proposé de limites ou

3 de divisions. En fait, ce qu'il a fait, c'est qu'il a dit : "Est-ce que

4 cela pourrait être une solution pour transformer Sarajevo ?" D'après ce que

5 j'ai compris, d'ailleurs. Et il a également écrit des articles à propos de

6 Sarajevo, des articles de presse, et il a donné des solutions qui auraient

7 pu être utilisées plus tard pour trouver une solution définitive.

8 Q. Monsieur Krajisnik, je me suis rendu compte que j'utilisais ce mot de

9 "frontières" en anglais, et en fait, cela peut avoir une connotation à

10 laquelle je ne pensais pas. Il y avait différentes variantes pour ces

11 propositions avec différents tracés qui étaient faits sur la carte pour

12 essayer justement de trouver une division, une solution et une division

13 temporaire, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. Des frontières, des limites, des divisions, il s'agit de mots

15 particulièrement névralgiques, sensibles. Si je m'exprimais librement, bien

16 entendu que j'utiliserais ces mots, ces termes, mais il y a des

17 municipalités, il y a des frontières entre les municipalités, mais en fait,

18 ce n'était pas comme une frontière, une frontière entre deux Etats. Ce

19 n'est pas quelque chose que l'on pouvait voir. Il s'agissait en fait de

20 lignes de démarcation, et en ce sens, vous avez raison, certes.

21 Q. Vous avez dit, Monsieur Krajisnik, que les gens devaient rester, ne

22 devaient pas bouger. A quoi pensiez-vous ? Est-ce que cela représentait une

23 contrainte, le fait que les gens ne pouvaient pas, par exemple, se déplacer

24 d'un quartier de la ville vers l'autre quartier de la ville ? Est-ce que

25 c'est ce que cela signifiait par rapport au mouvement de ces personnes ?

26 R. Bien, c'est justement ce dont nous ne voulions pas, parce que c'est

27 tout à fait impossible. Si tout le monde dans la ville de Sarajevo, sur les

28 territoires, si tout le monde était satisfait, si tout le monde restait là

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1 où les gens se trouvaient, il n'y avait pas de limites, de frontières. Il y

2 a communication normale. La communication est normale maintenant, certes,

3 si ce n'est que les gens ne sont pas où ils étaient. J'entends, les Serbes,

4 qui ne sont pas où ils se trouvaient auparavant. Mais ce qui est essentiel,

5 c'est qu'en fait, il fallait que les gens aient une certaine autonomie, et

6 je pense à la prise de décision pour un quartier qui vous intéresse. Alors

7 bien entendu qu'il y avait une proposition, une proposition qui s'est faite

8 à New York -- ou plutôt à Dayton, proposition suivant laquelle la ville

9 allait avoir un gouvernement, qu'il y aurait plusieurs municipalités, qu'il

10 y aurait une véritable transformation. Nous avons toujours voulu que toute

11 la ville de Sarajevo ait son propre gouvernement, parce qu'il y a beaucoup

12 de choses qui sont communes aux différents quartiers. Il y a un tramway,

13 une ligne de tramway qui passe par les quatre municipalités, une ligne

14 d'autobus également qui passe par les quatre municipalités, donc il serait

15 tout à fait saugrenu de vouloir faire cela de façon séparée et de vouloir

16 tout séparer.

17 Pour un résident de la ville, la municipalité est le gouvernement; c'est là

18 que vous allez obtenir un permis de construire, c'est là que vous régler

19 vos questions d'adduction d'eau, d'électricité, et cetera. C'est cela, une

20 municipalité, et c'est ce qui faisait défaut aux gens. Alors pourquoi est-

21 ce qu'ils devaient se rendre au centre de la ville pour faire tout cela ?

22 Est-ce qu'on ne pouvait pas construire quelque chose là où ils se

23 trouvaient ? C'est ce que M. Krsman vous a dit.

24 Voilà Zabrdje qui se trouve là, qui est beaucoup plus beau que Paris,

25 Belgrade et La Haye. En fait, ils ont voulu construire une décharge, là, et

26 c'est là qu'ils ont construit la décharge municipale. Ils voulaient

27 également y construire un cimetière. Je faisais partie de l'alliance des

28 ouvriers et j'ai fait de mon mieux pour empêcher que ce cimetière soit

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1 construit. En fait, ils prenaient des décisions en plein centre de la ville

2 et peu leur importait, ce qui se passait dans notre quartier. Ensuite, ils

3 se sont déplacés à dix kilomètres, mais dans un premier temps, ils

4 voulaient construire tout cela là où je vous l'ai montré.

5 Lorsque ma maison a été construite, et je vous dirais que la famille

6 Krajisnik habitait là depuis 300 ans, ma maison a été construite comme une

7 maison temporaire. Je n'ai même pas pu obtenir de crédit. Et ce n'est qu'en

8 fait qu'avec M. Hadzic que j'ai commencé à légaliser cette procédure. Par

9 ailleurs, il y avait en fait, des quartiers entiers qui étaient construits

10 sans aucun permis de construire.

11 Je ne voudrais surtout pas insulter de groupe ethnique. Cela fait des

12 années que vous vivez là et tout d'un coup, ils veulent construire une

13 décharge municipale, un cimetière. C'est pour cela qu'ils disent que

14 j'étais le protecteur de Sarajevo. Que l'on me montre une proposition où il

15 est indiqué que je voulais la division de Sarajevo. Tout cela est erroné.

16 Ce qui a été suggéré n'était pas bon. Il faut savoir que Rajlovac, après la

17 Deuxième Guerre mondiale, était une municipalité extrêmement prospère,

18 extrêmement prospère, puis ensuite, elle a été abolie.

19 Je m'excuse. Je m'excuse, je sais que lorsque je parle de tout cela

20 je peux pécher par excès de sentimentalisme, mais bien sûr je connais très

21 bien Zabrdje et je connais également les trois autres villes.

22 Q. Monsieur Krajisnik, je souhaiterais peut-être que nous ciblions la

23 teneur de cette division temporaire. Alors, voilà ce que je vais vous

24 inviter à nous dire : si cette division provisoire, division de Sarajevo,

25 donc, avait vu le jour, vous en avez parlé avec M. Izetbegovic, quelles

26 auraient été les différences essentielles pour les personnes qui résidaient

27 et travaillaient dans cette ville, par rapport à la façon dont les choses

28 se passaient avant que ce conflit n'éclate. Donc, quelles auraient été les

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1 grandes divergences ?

2 R. Je vivais dans une municipalité, je travaillais dans une autre

3 municipalité. C'est ainsi que les choses se seraient passées même après

4 cela. Mais, je réglais tous mes problèmes locaux, dans mon quartier, dans

5 ma municipalité. Je ne voulais pas que la décharge municipale soit là.

6 J'aurais voulu que l'on construise une usine différente.

7 Je suis allé à l'université là en plein cœur de Sarajevo. C'est là où

8 se trouvait mon université. Tous les jours, je prenais un train ou un bus

9 et j'y allais. J'adorais cette ville. Après tout, si vous voulez faire

10 partie des hommes civilisés, vous ne pouvez pas toujours trouver tout ce

11 dont vous avez besoin dans votre village. Il faut bien que vous alliez au

12 cinéma, au théâtre. Vous avez besoin d'un stade de foot, et cela se

13 trouvait en plein centre urbain où se trouvaient les Musulmans. Après tout

14 -- peu importe. Il y avait également des Serbes là. Cela n'aurait, tout

15 simplement, pas été un problème. Mais le problème venait du fait que tous

16 les quartiers qui se trouvaient à la périphérie faisaient l'objet d'une

17 discrimination.

18 Q. Conformément à cette division temporaire qui fit l'objet de discussion,

19 Monsieur Krajisnik, est-ce qu'il n'a jamais été envisagé d'avoir des postes

20 de contrôle, est-ce qu'il n'a jamais été envisagé d'avoir des personnes qui

21 superviseraient qui contrôleraient, qui surveilleraient toute ligne de

22 démarcation entre les différentes zones de Sarajevo ?

23 R. Notre objectif était justement d'éliminer ce genre de chose. Tout

24 simplement, nous voulions dire : voilà, nous avons conclu un accord. Vous

25 savez où se trouvent les limites provisoires, des municipalités, tout

26 simplement, pour mettre un terme à la guerre. Car, ce fut seulement en

27 temps de guerre qu'il y avait ces postes de contrôle, ces unités armées.

28 Mais pour l'avenir, je pense qu'il n'y a aucune ville où il y a des postes

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1 de contrôle entre les municipalités.

2 J'ai été à Genève, et j'ai bien pu voir que même s'il y a deux Etats

3 différents, rien n'est très formel, rien n'est très officiel. La moitié de

4 l'aéroport se trouve en Suisse et l'autre moitié se trouve en France, et

5 personne ne semble s'en émouvoir.

6 Je m'excuse d'en parler.

7 Mais ce que je voudrais réitérer, nous acceptions la Bosnie-

8 Herzégovine comme un Etat reconnu par la communauté internationale avec un

9 siège aux Nations Unies et sans aucune frontière interne. Comment est-ce

10 que nous aurions pu diviser Sarajevo si la Bosnie ne faisait pas l'objet de

11 divisions. Donc, il s'agissait, en fait, d'une seule entité qui avait ses

12 frontières internationales reconnues ?

13 Q. Monsieur Krajisnik, n'oublions pas que Genève n'a pas vu le jour ou

14 n'est pas passé par une situation de conflit, de conflit civil violent,

15 c'est pour cela que je souhaiterais mettre de côté ou faire abstraction de

16 cette analogie.

17 Pour penser à l'avenir immédiat, si vous parveniez à cette solution

18 de division temporaire, est-ce que vous pensiez que Sarajevo pourrait peut-

19 être reprendre le cours normal de sa vie, tel que cela se passait avant que

20 ne naisse ce conflit ?

21 R. Vous avez tout à fait raison. La seule question non réglée sur cette

22 carte, c'est Sarajevo. Regardez la carte de Cutileiro. C'est pour cela que

23 j'ai proposé ce qui suit : Essayons d'envisager une solution temporaire,

24 provisoire, et ensuite essayons de faire en sorte de mettre un terme

25 progressivement à cette conférence.

26 Je pensais qu'il y avait un manque de bonne volonté et que d'aucun

27 souhaitait abandonner le plan Cutileiro. Peut-être que c'était ce groupe

28 qui se trouvait autour de M. Izetbegovic qui l'influençait, qui l'avait

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1 influencé pour que cette proposition soit rejetée, proposition qui avait

2 été au départ adoptée, la proposition faite par M. Kecmanovic.

3 Je ne sais comment M. Karadzic et M. Koljevic ont réagi à l'époque,

4 mais rien n'aurait changé. Nous aurions tout simplement eu la paix, et de

5 cela j'en suis absolument sûr.

6 Q. Lors de cette réunion avec M. Izetbegovic, est-ce que vous avez parlé

7 du conflit à l'extérieur de Sarajevo, du conflit qui avait lieu dans le

8 reste de la Bosnie-Herzégovine ?

9 R. Peut-être qu'en guise d'introduction nous avions dit qu'il fallait

10 absolument quelque chose pour qu'il y ait la paix. Cette réunion n'a pas

11 duré très, très longtemps, donc, ce n'est pas que nous avons discuté de

12 Derventa, par exemple, ou d'autres villes. Je ne pense pas que nous ayons

13 parlé d'autres choses. Je n'en sais rien. Je ne pense pas que nous ayons

14 parlé d'autres choses. C'était l'heure du couvre-feu, donc, j'ai dû partir.

15 Q. Est-ce que vous, et je m'adresse à vous, Monsieur Krajisnik, pour cette

16 question, est-ce que vous avez considéré qu'il pourrait y avoir une

17 solution temporaire pour mettre un terme au conflit dans Sarajevo et que

18 cela pourrait entraîner rapidement la fin du conflit dans le reste de la

19 Bosnie-Herzégovine ?

20 R. Si je n'avais pensé ainsi, je n'aurais pas pris le risque de me rendre

21 en plein milieu de Sarajevo où l'on tirait et j'ai pu être tué. J'étais

22 persuadé, dans le très profond de moi-même, que si nous nous rassemblions,

23 que si nous trouvions une solution, qu'il serait bon de prendre le risque

24 d'aller à Sarajevo. Aller à Sarajevo, c'était comme nous exposer à la mort.

25 On tirait de tous les côtés, et j'étais à l'intérieur d'une voiture.

26 Mais, j'étais particulièrement persuadé que l'on trouverait une

27 solution. C'est la raison pour laquelle je me suis rendu à Sarajevo. En

28 réalité, chacun d'entre nous avait une famille. C'est affreux lorsque la

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1 guerre commence. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point vous espérez

2 vous faites de votre mieux pour que la guerre n'éclate pas et ne se

3 poursuit pas. Par la suite, on s'y habitue, mais au début on fait tout pour

4 arrêter la guerre.

5 Q. Lorsque vous vous êtes rencontré avec M. Izetbegovic, est-ce que vous

6 aviez l'impression que le conflit était violent dans d'autres parties de la

7 Bosnie-Herzégovine ? Quelle était votre impression du conflit ?

8 R. Puisque j'étais à Zabrdje, je n'avais pas beaucoup d'information quant

9 à ce qui se passait ailleurs. Autour de Sarajevo, il y avait tant de

10 problèmes que je me suis peut-être plus concentré sur ces problèmes-là,

11 c'est-à-dire que je voulais obtenir des informations concernant Sarajevo,

12 mais je n'en obtenais pas suffisamment.

13 S'agissant des événements, et nous savons qu'un témoin a parlé de

14 Zvornik, s'agissant, par exemple, de cette conversation-là, je n'ai jamais

15 été présent lors de cette conversation. Je n'étais pas au courant de la

16 conversation. Je cite cet exemple pour vous donner un exemple, c'est-à-dire

17 que je n'avais jamais assisté à cette réunion, et je n'avais absolument

18 aucune idée de ce qui se passait à l'extérieur.

19 Avant le début de la guerre, j'avais connaissance de la délégation qui

20 s'était rendue à Bijeljina, de la délégation qui est allée à Brod et à

21 Kupres. C'était des délégations de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

22 Les renseignements que j'obtenais, j'obtenais de ces derniers, mais je ne

23 pouvais certainement pas avoir plus d'informations. Au début de la guerre,

24 comme si on avait fermé les volets, les informations avaient arrêté de

25 parvenir, d'arriver. On était bombardé par de fausses informations très

26 souvent et il était impossible de voir ce qui était vrai, ce qui était

27 faux.

28 Q. Est-ce que vous savez si M. Izetbegovic était informé du niveau du

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1 conflit armé, de l'intensité du conflit dans d'autres parties de la Bosnie-

2 Herzégovine, à savoir, s'il s'agissait de conflit violent ?

3 R. Je ne peux répondre ni par l'affirmative, ni par la négative, car je

4 n'ai pas parlé de cela avec lui, c'est-à-dire qu'on ne m'en a pas informé,

5 si je me souviens bien. Je n'ai pas non plus vu de grands changements sur

6 lui, c'est-à-dire que je n'ai pas vu un homme changé, c'est-à-dire que nos

7 contacts étaient assez légers toujours. Ils étaient mi-amicaux, comme si

8 nous étions des amis. Nous étions de bonnes connaissances. Nous étions

9 presque amis à ce moment-là, mais ce n'était certainement pas des contacts

10 désagréables ou hostiles.

11 Q. Deux semaines avant cette réunion qui a eu lieu avec

12 M. Izetbegovic, est-ce que vous avez eu une discussion ou une réunion avec

13 le général Kukanjac ?

14 R. J'ai assisté à une réunion lors de laquelle M. Kukanjac était présent.

15 Une conversation téléphonique a été passée ici en salle d'audience, et il

16 est vrai qu'une telle réunion s'est tenue. Je ne sais pas sur quelle base

17 j'avais été invité à assister, mais j'avais entendu un très grand nombre de

18 propositions que M. Kukanjac avait refusé. Il les avait tout refusées. Il

19 m'a dit : "Est-ce que tu veux t'asseoir, toi ? Est-ce que tu veux prendre

20 des décisions ?" Ils pensaient tous que la JNA allait résoudre les

21 problèmes.

22 Mais eux tous proposaient des choses tout à fait irréalistes. Ce n'était

23 pas un sujet sérieux et débattu de façon sérieuse. Ce n'était qu'une

24 exposition de désir, c'est-à-dire qu'à ce moment-là, on avait exprimé la

25 volonté de demander à la JNA d'aider le peuple serbe. M. Kukanjac est

26 décédé, mais il avait dit très clairement : "Tant et aussi longtemps que je

27 serais en vie et que je serais ici, je vais avoir la même opinion

28 concernant toutes les parties." Si cette colonne n'avait pas fait l'objet

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1 d'une attaque, et si ses soldats n'avaient pas été tués, je dois vous dire

2 que c'était un homme très neutre, et il aurait certainement agi de la

3 sorte.

4 Oui, effectivement, j'avais assisté à cette réunion. Il y avait des

5 représentants locaux, et j'avais entendu toute sorte de choses. Pour vous

6 dire la vérité, j'ai oublié la teneur de cette réunion, mais lors de ce

7 procès, j'ai entendu une conversation téléphonique qui me rappelait de

8 cette réunion. Mais feu M. Kukanjac était un homme intelligent, et il

9 voulait expliquer que la guerre est une chose très compliquée, très

10 sérieuse, alors que les autres personnes présentes ne semblaient pas le

11 penser.

12 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. J'aurais

13 besoin de quelques instants.

14 Monsieur le Président, M. Sladojevic m'apprend que M. Krajisnik a fait une

15 référence à une colonne de soldats.

16 Q. Est-ce que vous avez fait une référence à une colonne de soldats,

17 Monsieur Krajisnik ?

18 R. Oui. J'ai parlé de la colonne lorsque j'ai parlé de la neutralité de M.

19 Kukanjac. J'ai dit qu'il était complètement neutre envers les Musulmans et

20 les Serbes, et que s'il était resté en vie, il aurait continué de maintenir

21 cette distance envers les deux parties, si les Musulmans n'avaient pas

22 attaqué la colonne qui a tué les soldats, la colonne dans laquelle il se

23 trouvait a fait l'objet d'une attaque. Ses soldats ont été tués, lui aussi.

24 Après ils l'ont remplacé. Il est décédé maintenant.

25 Je vous dis qu'il aurait trouvé une solution. Il aurait resté neutre,

26 il serait resté neutre.

27 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que vous nous

28 avez indiqué que vous vouliez prendre une pause ?

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'ai dit que si vous aviez besoin

2 d'un peu de temps pour aborder certaines questions qui étaient devenues

3 plutôt urgentes, à ce moment-là je vous ai dit que je vous accorderais une

4 pause.

5 M. STEWART : [interprétation] En fait, Monsieur le Président, des fois il

6 est utile de prendre la pause quelques minutes avant la pause de 16 heures.

7 Cela me permettrait de résoudre quelques petits problèmes.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, nous allons prendre une

9 pause jusqu'à 16 heures 10.

10 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 41.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 18.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre souhaiterait passer à huis

14 clos partiel, je vous prie.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

16 le Président.

17 [Audience à huis clos partiel]

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25 [Audience publique]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le premier point que je souhaiterais

27 évoquer, il est possible, peut-être à 90 %, que demain, nous n'ayons pas de

28 troisième session dans l'après-midi, mais que nous allons sans doute

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1 terminer vers 17 heures 30. Je ne peux pas encore le dire avec certitude,

2 mais il est très probable que la journée de demain sera plus courte.

3 Veuillez poursuivre, Monsieur Stewart.

4 M. STEWART : [interprétation] C'est une nouvelle qui me fend à le cœur,

5 Monsieur le Président. Je vais néanmoins continuer.

6 Q. Avant, Monsieur Krajisnik, la réunion avec M. Izetbegovic, ce même

7 jour, le jour de la réunion, vous nous avez dit - et dites-moi, si je ne

8 m'abuse - mais vous avez déjà préalablement eu un entretien avec les

9 représentants de groupes qui procédaient aux négociations internationales,

10 lors de négociations internationales. Vous avez rencontré des membres de la

11 Communauté européenne; est-ce que c'est exact ?

12 R. Oui, je l'ai dit. Justement, j'avais dit que nous nous étions

13 rencontrés. J'ai examiné mes documents, et je dois vous dire que je ne sais

14 pas si c'était lors de cette réunion-là ou peut-être une réunion qui s'est

15 déroulée par la suite, mais nous nous sommes rencontrés avec M. Cutileiro

16 et avec cette délégation. C'était peut-être ce jour-là, mais je ne peux

17 plus vous le dire. C'était une réunion à Ilidza avec M. Cutileiro.

18 Q. En fait, Monsieur Krajisnik, je suis tout à fait certain que la Chambre

19 aimerait certainement que vous lui fassiez part des doutes que vous avez.

20 Concernant la réunion avec M. Tadic et M. Raguz, je crois que vous nous

21 avez dit que vous étiez rentré à la maison et que vous êtes revenu. Vous

22 avez par la suite rencontré M. Izetbegovic. Est-ce que vous aviez -- ou M.

23 Kecmanovic également, mais est-ce qu'il y a eu d'autres réunions ? Est-ce

24 qu'il y a eu d'autres réunions, ce jour-là, avec d'autres personnes, des

25 personnes qui ne sont pas celles que je viens d'évoquer il y a quelques

26 instants ?

27 R. Petite correction, il s'agit de Rasim Kadic, de Martin Raguz.

28 Alors que pour répondre à votre question, j'ai assisté à la réunion, cette

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1 même journée. Je crois qu'elle s'est déroulée ce même jour, lorsque M.

2 Kadic et M. Raguz étaient présents également, et M. Kecmanovic et M.

3 Pejanovic étaient également présents à Ilidza, à cette réunion.

4 Q. Avez-vous rencontré M. Prstojevic, que ce soit avec d'autres personnes

5 présentes ou non ?

6 R. Ce jour-là, puisque c'était à Ilidza, nous avions sans doute eu une

7 réunion, mais Prstojevic était peut-être présent en tant qu'hôte, mais les

8 personnes principales qui avaient pris part à la négociation, c'étaient M.

9 Kadic, M. Raguz et M. Kecmanovic. Si vous voulez, je ne me souviens pas

10 d'un événement particulier auquel je pourrais lier la présence de M.

11 Prstojevic. Il était sans doute là, puisque c'était notre hôte.

12 Q. Vous croyez que M. Prstojevic y était présent, mais qu'il avait été

13 présent en tant qu'hôte ?

14 R. Bien, je vous parle suivant une logique, mais ils étaient présents

15 lorsque nous sommes arrivés à Ilidza. Je présume qu'il était là, puisque la

16 délégation nous a accueillis, mais je présume qu'il y était également. Je

17 ne me souviens pas vraiment des personnes, des autres hôtes. Je présume

18 qu'il était là, mais je ne me souviens pas de lui non plus. C'est-à-dire

19 que je présume que les autres devaient être présents et qu'il devait y être

20 également.

21 Q. Mais vous ne vous souvenez pas si vous aviez eu une réunion d'affaires,

22 pour l'appeler ainsi, une réunion pendant laquelle vous auriez discuté avec

23 M. Prstojevic et d'autres représentants d'Ilidza des questions et des

24 événements à Ilidza ?

25 R. Je me souviens de la deuxième réunion, c'est-à-dire qu'il y a eu une

26 autre réunion un peu plus tard, lorsque nous étions là avec les dirigeants

27 d'Ilidza, et à plusieurs reprises j'ai déjà évoqué cette réunion devant

28 vous. Chaque personne avait évalué la situation selon son point de vue

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1 personnel. Mais le jour en question, lorsque ces hommes étaient présents,

2 je ne crois que nous avions eu de réunion avec eux, car j'étais rentré à la

3 maison, je suis revenu, après, je suis allé à Sarajevo. Donc, je ne crois

4 pas avoir assisté à cette réunion.

5 En fait, je vous parle de la journée lorsque j'ai eu la réunion avec M.

6 Izetbegovic, je parle de cette journée-là.

7 Q. Bien concentrons-nous sur ce que vous appelez une autre réunion qui

8 s'est déroulée lors d'une autre occasion. Vous avez dit, peut-être plus

9 tard : vous avez rencontré les dirigeants d'Ilidza. D'abord, qui sont

10 "nous" ? Vous avez parlé au pluriel. Qui sont ces personnes qui avaient

11 rencontré les dirigeants d'Ilidza ?

12 R. Si je me souviens bien, j'étais également à Zabrdje. Les dirigeants,

13 les ministres ainsi que M. Koljevic et M. Karadzic étaient présents et ces

14 derniers avaient peut-être passé la nuit à Ilidza comme s'ils se trouvaient

15 temporairement à Ilidza. C'est-à-dire, ils avaient passé la nuit, c'est

16 cela que je veux dire, et l'on m'a demandé de venir, on m'a convoqué à la

17 réunion. Il y a eu une réunion sans ordre du jour avec la présence de

18 toutes ces personnes en allant, en passant par les ministres, les

19 dirigeants d'Ilidza. Il y avait peut-être encore d'autres personnes, mais

20 je ne me souviens plus des personnes qui étaient présentes, mais je vous

21 parle d'une telle réunion. Les sujets étaient divers, c'est-à-dire qu'il

22 n'y avait d'ordre du jour établi et on pouvait aborder toutes les questions

23 que l'on souhaitait, en réalité.

24 Q. D'accord, d'abord, Monsieur Krajisnik, vous avez dit que vous pensiez

25 que c'était après. Vous avez dit que c'était peut-être un peu après,

26 quelque temps après la réunion après la réunion avec M. Izetbegovic. Est-ce

27 que vous vous souvenez si cette réunion avec les dirigeants d'Ilidza était

28 avant ou après votre départ à Pale ?

Page 23901

1 R. Non, non, non. Ce n'est pas ce que j'ai dit.

2 Q. [aucune interprétation]

3 R. Je n'ai pas dit que c'était après cette réunion, mais j'ai dit après la

4 réunion de M. Izetbegovic, après cette journée. Donc, après, peu de temps

5 après, quelques jours plus tard. Ce n'était pas la même journée, mais

6 c'était quelques jours plus tard, il y a eu une autre réunion avec les

7 représentants d'Ilidza. Donc, ce n'était pas pendant la même journée. Ce

8 n'était pas le même jour où j'ai rencontré M. Izetbegovic.

9 Q. Il y a peut-être eu une légère confusion, mais on a mal interprété vos

10 propos, mais je comprends comment on a pu faire cette erreur.

11 Donc, j'ai dit un peu plus tard, en fait, voilà, je ne voulais pas dire que

12 c'était le même jour ou un peu plus tard dans la journée, mais en réalité,

13 je voulais dire un peu plus tard, quelques jours plus tard. En réalité,

14 j'essayais simplement de reprendre vos propos. Donc, c'était plus tard,

15 c'était quelques jours après la réunion après Izetbegovic. Je vous avais

16 demandé si vous étiez en mesure de dire aux Juges de la Chambre si c'était

17 avant ou après votre départ à Pale.

18 R. D'abord, excusez-moi, j'essaie de m'assurer qu'il n'y a absolument

19 aucune confusion pour que le tout soit bien rédigé au compte rendu

20 d'audience; c'est la raison pour laquelle j'ai corrigé, merci d'avoir

21 corrigé ce point.

22 Ce dont je me souviens, c'était que je sais, pertinemment m'être retrouvé à

23 Pale. C'était un jour -- je peux vous expliquer pourquoi j'étai à Pale et

24 que ce même jour-là, cette même journée, j'étais rentré à Zabrdje. Donc, je

25 ne sais pas quand je suis parti vivre à Pale, mais selon les registres,

26 j'étais présent à la réunion le 15 avril, alors que le 17 avril, M.

27 Karadzic a écrit une lettre dans laquelle il retire tous les cadres. Donc,

28 je n'avais pas donné ma démission, car je n'étais pas là cette journée-là,

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1 donc j'étais revenu.

2 Lorsque j'étais rentré de Zabrdje à Pale -- maintenant, quand c'était, je

3 ne le sais pas, je ne peux pas vous le dire exactement. Chronologiquement,

4 je ne peux pas vous le citer. C'était soit un jour, deux jours après, ou

5 cinq ou dix jours plus tard, je ne le sais pas. Tout ce que je dirais ici

6 serait imprécis. Mais cette réunion qui s'est tenue à Ilidza, j'étais venu

7 de Zabrdje, donc j'étais à Zabrdje et je me suis rendu à Ilidza, mais je

8 n'étais pas à Pale. Si ma mémoire est bonne, enfin.

9 Encore une fois, je suis vraiment navré. Je ne suis pas tout à fait précis

10 et je serais désolé si quelqu'un s'accrochait à mes mots comme si c'était

11 très, très précis. Je ne peux pas vous le dire, parce que c'était un jour

12 ou deux jours après, ou cinq jours ou dix jours plus tard, je ne sais pas.

13 Mais, je venais de Zabrdje puisque je n'avais dormi à Pale.

14 Q. Est-ce que cette réunion avec les dirigeants d'Ilidza était organisée à

15 leur initiative ou à l'initiative de M. Karadzic, de M. Koljevic, de vous-

16 même ou de l'un de vos collègues ?

17 R. Premièrement, cela ne s'est pas fait sous mon initiative. De cela, j'en

18 suis certain. Deuxièmement, comme je l'ai dit, M. Karadzic, M. Koljevic et

19 les ministres étaient présents là-bas, ils étaient à Ilidza temporairement,

20 j'ai obtenu un message, un message qu'il m'avait envoyé, selon lequel je

21 devais aller les trouver pour leur parler. Etant donné que leurs hôtes

22 étaient là, nous avons parlé en leur présence, nous avons essentiellement

23 abordé des sujets qui les intéressaient. C'était en quelque sorte un genre

24 de table ronde où tout le monde pouvait prendre la parole, intervenir,

25 écouter, et cetera, et cetera.

26 Q. Vous nous avez dit que des ministres se trouvaient temporairement à

27 Ilidza. Qui étaient ces ministres ?

28 R. Je ne me souviens pas de tous les ministres, mais je sais qu'il y avait

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1 feu Momcilo Pejic. Je pense que Bozidar Antic était présent. Je pense qu'il

2 était présent. Je ne me souviens pas des autres, mais il y en avait

3 d'autres. Je me souviens de Pejic. Je me souviens que c'était un homme qui

4 avait les pieds sur terre, c'était un économiste, un de mes collègues. Je

5 l'ai entendu intervenir et c'est pour cela que je me souviens de sa

6 présence là-bas. Il était ministre du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

7 Q. Hormis M. Prstojevic, qui d'autre était présent et représentait

8 Ilidza ?

9 R. Si ma mémoire ne m'abuse, je pense qu'il y avait

10 M. Radoslav Unkovic, dont nous avons lu le nom dans les documents que nous

11 avons consultés plusieurs fois. Il y avait le député Ljubo Bosiljcic, qui

12 est natif de cette région, et je ne me souviens pas des autres. Je pense

13 que M. Kezunovic était là. Il était à l'époque président du conseil

14 exécutif ou peut-être de la municipalité. Je ne m'en souviens plus

15 maintenant, mais je suis absolument certain des trois premiers noms que

16 j'ai donnés. Alors pour ce qui est de

17 M. Kezunovic, là je ne suis pas entièrement sûr.

18 Q. M. Prstojevic était en quelque sorte celui qui dirigeait en quelque

19 sorte le groupe d'Ilidza, n'est-ce pas ?

20 R. Je ne sais pas quelle était sa fonction à l'époque. Je pense que c'est

21 lui qui s'occupait ou qui dirigeait cela. Alors maintenant, pour ce qui est

22 de savoir s'il était président ou président de la cellule de Crise -

23 comment pourrais-je m'exprimer ? - c'était en fait lui qui représentait

24 l'assemblée d'Ilidza.

25 Q. Vous avez dit que vous avez essentiellement abordé des thèmes qui les

26 intéressaient, eux. Quels sont ces sujets ou ces thèmes qui les

27 intéressaient ?

28 R. Là, je dois être tout à fait honnête. Si je devais vous relater tous

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1 ceux dont je me souviens, je ne me souviens pas de grand-chose. Mais, j'ai

2 entendu certaines choses ici, j'ai entendu des conversations interceptées,

3 donc je vais certainement utiliser ces éléments également. Mais ce qui est

4 essentiel, c'est de savoir que la discussion a porté sur la situation à

5 Ilidza. Il y avait une certaine angoisse qui régnait. Les gens voulaient

6 savoir ce que signifiaient ces négociations. Il y avait ces étrangers qui

7 arrivaient. Cela est une référence qui est faite aux représentants

8 internationaux, et il fallait savoir également quel était notre point de

9 vue vis-à-vis d'autres questions. Par exemple, quelle était l'évolution des

10 négociations, les progrès effectués, est-ce qu'il y avait une solution que

11 l'on pouvait entrevoir, et cetera, et cetera. Puis, bien entendu, il y a eu

12 beaucoup de propositions qui ont été faites. Les gens, lors de discussions,

13 parlaient de façon tout à fait indépendante. Ce n'est pas qu'il y avait une

14 politique cohésive en quelque sorte. Tout le monde parlait librement et

15 présentait leur avis, leur point de vue. M. Karadzic et M. Koljevic ont

16 essayé de présenter le rôle international, la position, le point de vue

17 international.

18 Puis, il y avait un autre problème. Car, à une centaine de mètres de

19 l'endroit où nous nous trouvions, il y avait la ligne de séparation entre

20 nous et les Musulmans, et il y a eu une attaque assez importante qui avait

21 été lancée. Beaucoup de personnes avaient péri. Ce sont des problèmes que

22 nous avons également abordés.

23 Je ne me souviens pas de tous les détails de cette discussion. Bien

24 entendu, je ne me souviens pas de tout, donc j'ai essayé d'avoir d'autres

25 éléments pour remplir ces trous dans ma mémoire.

26 Q. Cette attaque principale ou importante qui avait été lancée, elle avait

27 été lancée par qui et contre qui ?

28 R. Il y a eu une attaque importante menée contre Ilidza par les forces

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1 musulmanes. Je ne peux pas véritablement vous donner de date. Je ne me

2 souviens plus du cadre temporel exact, mais ce que je sais, c'est qu'il y

3 avait un représentant de la Communauté européenne, M. Doyle, me semble-t-

4 il. Il y avait M. MacKenzie également, et Mme Plavsic avait un rôle à jouer

5 également. Ils évacuaient les morts. Tout cela se passait à Ilidza.

6 Quand est-ce que tout cela s'est passé, je ne suis pas en mesure de

7 vous le dire. Car, je crains trop de faire une erreur. Car, l'attaque

8 musulmane venait de Hrasnica, de l'endroit que je vous montre maintenant.

9 C'est à partir de là que l'attaque contre Ilidza a été lancée. Voilà, je

10 vous montre Ilidza maintenant.

11 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous parlez d'une attaque importante. Que vous

12 a-t-il été indiqué pour savoir quelle était la sévérité de cette attaque,

13 l'ampleur de cette attaque ?

14 R. C'était le début de la guerre et la situation était terrible. Lorsque

15 je l'ai dit il y a quelques moments de cela, lorsque la guerre, lorsqu'une

16 guerre éclate, tout vous paraît important, et ensuite, vous vous habituez.

17 Tout simplement, les gens se sont organisés de leur propre gré, sur

18 leur propre initiative. Il y a eu un petit conflit avec les représentants

19 des Nations Unies, parce qu'ils leur ont demandé de les aider à faire

20 sortir ou à évacuer les morts et à faire sortir les prisonniers. Je dois

21 dire que le chaos régnait. La confusion prévalait. J'ai entendu tout cela à

22 une certaine distance.

23 Plus tard, j'ai appris d'autres choses par le truchement de conversations,

24 mais ce fût en quelque sorte un baptême du feu assez épouvantable, si je

25 peux m'exprimer de la sorte, et les choses avaient l'air assez épouvantable

26 à ce moment-là.

27 Q. Monsieur Krajisnik, c'est justement du fait de ce que vous avez dit

28 lors de votre dernière réponse : c'est lorsque la guerre commence que tout

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1 paraît épouvantable et ensuite on s'habitue. J'aimerais vous inviter à être

2 un peu plus précis. Qu'aviez-vous compris ? Est-ce qu'il y a eu une

3 douzaine d'hommes ? Supposons qu'il s'agissait d'hommes; est-ce qu'il y a

4 eu une centaine d'hommes ? J'aimerais savoir ce que vous aviez compris à

5 l'époque.

6 R. Je crains que nous ayons digressé par rapport à votre question

7 principale à laquelle j'avais répondu. Je vous ai parlé de la réunion à

8 laquelle nous avions participé et je vous avais dit que plusieurs thèmes

9 ont été abordés. Je ne me souviens pas de tous les thèmes abordés. Puis

10 ensuite, j'ai mentionné qu'il y avait une guerre, un conflit près de la

11 ligne de séparation, et j'ai fait état de cet incident fâcheux. Peut-être,

12 d'ailleurs, que cela s'était passé après ladite réunion, parce que je ne me

13 souviens pas de toute la teneur de la réunion.

14 Nous n'avions pas véritablement d'ordre du jour bien précis. Nous

15 pouvions aborder différentes choses, mais si vous voulez que nous parlions

16 de cet incident par rapport à cette réunion, je vous ai dit tout ce que je

17 savais.

18 D'après ce dont je me souviens, plusieurs Serbes ont été tués,

19 d'autres ont été faits prisonniers. Les citoyens étaient contrariés,

20 particulièrement contrariés. Personne, M. Karadzic, M. Koljevic n'étaient

21 pas là. Mme Plavsic était là, parce qu'elle était justement à Sarajevo. Il

22 y avait également des représentants des Nations Unies, de la Communauté

23 européenne. Je sais que M. Doyle était présent et qu'il était le médiateur.

24 L'autre jour, à la télévision, je l'ai vu qu'il se rappelait de cela, et

25 c'est ainsi que j'ai pu également me souvenir de certaines choses. Mais

26 hormis cette réunion, ou si l'on fait abstraction de cette réunion, cet

27 incident a été extrêmement choquant. Tout simplement, vous voyez certaines

28 choses à propos desquelles vous aviez lues auparavant. On voyait des

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1 personnes mortes. Ce n'est pas un film. Ce n'est pas qu'il y avait de la

2 peinture rouge qui avait été jetée ici et là. Ce fût absolument terrible

3 pour la zone d'Ilidza. Ce sont des gens de Hrasnica qui ont attaqué. Ilidza

4 était entre les mains serbes, enfin j'entends le centre d'Ilidza.

5 Q. Est-ce que j'ai imaginé ou est-ce que j'ai bien entendu le fait que

6 vous ayez mentionné Hajat, lorsque vous avez répondu à ma question ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous l'avez mentionnée ?

9 R. Oui, c'est ma station de télévision favorite, Hajat. Il y a eu un

10 entretien télévisé avec M. Doyle il y a quelques jours de cela, et,

11 justement, il se souvenait de cet incident lors de cet entretien alors

12 qu'il se trouvait là-bas avec Mme Plavsic et qu'il essayait de trouver une

13 solution à cette attaque musulmane menée contre Ilidza. C'est la seule

14 station de télévision de Bosnie-Herzégovine que je peux regarder ici.

15 Q. Oui. Je l'ai mentionné parce que cela ne figurait pas sur le compte

16 rendu d'audience, donc je me demandais si vous n'allez pas peut-être trop

17 vite en besogne.

18 Est-ce que les dirigeants d'Ilidza ont demandé de l'aide ou vous ont

19 demandé de l'assistance à vous et à vos collègues ?

20 R. Si je devais répondre de façon globale, de façon littérale, je dirais

21 qu'il n'y a eu aucune réunion avec les représentants de toute municipalité

22 quelle qu'elle soit sans qu'ils aient demandé de l'aide. Ils pensaient que

23 vous étiez magicien et que vous pouviez régler tous leurs problèmes;

24 notamment à Ilidza. Les gens étaient effrayés. Lorsque les dirigeants

25 venaient, ils pouvaient parler de leurs problèmes. Etant donné qu'il y

26 avait une guerre, ils ne comprenaient pas qui dirigeait quoi. Ils

27 racontaient tout à tout le monde : nous avons besoin de soldats, nous avons

28 besoin de ceci, nous avons besoin de cela, il nous faut ceci. Cela est tout

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1 à fait normal en cas de guerre.

2 Car, premièrement, il faut rasséréner les gens, les apaiser. Il ne

3 faut pas leur opposer un refus. Il faut tenir compte de leurs émotions,

4 mais vous ne pouvez pas véritablement régler leurs problèmes. Je me suis

5 trouvé dans cette situation une centaine de fois, croyez-moi. Ce que

6 j'essayais de faire, c'était d'être à leur écoute, d'essayer de comprendre,

7 et la personne me quittait en pensant que j'étais le bon interlocuteur.

8 C'est tout simplement ainsi que les choses se passaient. Toute personne de

9 quelle que municipalité que ce soit, lorsqu'elle se sentait menacée -- bon

10 il y a des soldats là-bas, il y a des informations suivant lesquelles il y

11 a un nombre illimité de Musulmans qui allaient les anéantir, et cetera, et

12 cetera.

13 La situation était absolument épouvantable. C'était épouvantable de

14 les écouter, de les entendre, et vous n'aviez pas la possibilité de les

15 aider. Vous leur parliez en tant qu'homme politique. Vous écoutiez ce

16 qu'ils avaient à dire et vous leur présentiez des suggestions, et cetera,

17 et cetera.

18 Q. Les forces musulmanes, et Monsieur Krajisnik, d'ailleurs, vous nous

19 avez dit que vous ne saviez pas si cela s'était passé avant ou après la

20 réunion, mais lorsque vous avez obtenu des informations à propos de cette

21 attaque musulmane contre Ilidza, est-ce que vous avez obtenu des

22 informations relatives à propos de l'identité, je ne parle pas de

23 l'identité de chacun de ces hommes, mais de l'identité de ces forces

24 musulmanes ? Est-ce qu'il vous a été dit de qui il s'agissait ?

25 R. Je vais être tout à fait franc. Je ne comprends pas. Pour nous, il

26 s'agissait des forces musulmanes armées. Lorsque j'avance ceci, je ne

27 savais pas s'il s'agissait de paramilitaires ou non. Il y avait les forces

28 musulmanes et il y avait les Serbes et les Croates. C'est ainsi que je

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1 comprends les choses.

2 Lorsqu'il y a guerre, toutes les normes juridiques sont oubliées.

3 Vous avez les forces armées musulmanes, les forces armées serbes, les

4 Croates armés. Il y avait des unités armées, d'un côté comme de l'autre. A

5 l'époque, l'armée populaire yougoslave existait, mais -- comment puis-je

6 m'exprimer ? Il s'agissait d'un conflit local. Nous les appelions tous les

7 Bérets verts, la Ligue patriotique, et cetera, et cetera. Ce n'était pas

8 forcément le cas. Très vite, leurs unités ont été placées sous l'ABiH.

9 Donc, pour nous il y avait le côté des Musulmans, les unités armées

10 musulmanes, et cetera, et cetera. Je ne me souviens pas que nous utilisions

11 des termes péjoratifs pour parler d'eux comme ils l'ont fait pour nous,

12 mais quoi qu'il en soit, il y avait les Serbes, les Croates et les

13 Musulmans.

14 Q. Lorsque vous avez eu cette réunion avec les dirigeants d'Ilidza, est-ce

15 que vous êtes partis de cette réunion en comprenant très bien quelle était

16 la structure et l'organisation des forces armées pour ce qui est des Serbes

17 d'Ilidza ?

18 R. Lorsque nous nous sommes trouvés à cette réunion avec les dirigeants

19 d'Ilidza, il s'agissait de débats abstraits et théoriques. Les gens

20 présentaient des différentes propositions. Je n'ai pas vu un seul soldat.

21 Ils étaient probablement sur la ligne.

22 Ce que j'ai entendu d'eux c'est ce que je savais. Peut-être que j'ai

23 vu d'aucuns marcher là-bas, puisque la ligne se trouvait à une centaine de

24 mètres, mais je ne les ai pas vus. Nous étions quand même très proches.

25 Ce dont je me souviens c'est qu'il y a des personnes qui ont dit :

26 ils ne peuvent rien nous faire. Cela, c'était les optimistes, mais les

27 pessimistes disaient : non, non, ce n'est pas vrai. Il y a des gens de

28 Sandzak là-bas et ils sont trois fois plus nombreux.

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1 Donc, vous entendez ces différentes propositions, ces différentes

2 interventions lors de la discussion. Ce n'est pas que vous puissiez

3 véritablement savoir où se trouve la vérité et faire office d'arbitre en

4 quelque sorte.

5 Les Serbes avaient une Défense territoriale, et ils disaient qu'ils

6 allaient défendre, et qu'ils allaient faire de leur mieux et tout ce qui

7 était dans leur pouvoir pour défendre leur zone, qui était la zone serbe.

8 Par ailleurs, il y avait la zone où les Musulmans étaient majoritaires.

9 Q. Monsieur Krajisnik, ce n'est pas la peine de regarder cela, mais je

10 sais qu'il ne s'agit pas de votre carte préférée, mais il s'agit de la

11 pièce à conviction P211, et conformément au recensement de 1991, l'ensemble

12 de la municipalité d'Ilidza avait une majorité relative de 43 % de

13 Musulmans et 37 % de Serbes. Est-ce que cela est conforme à ce que vous

14 avez compris de la situation à Ilidza à l'époque ?

15 R. Non, non, non. Cela n'est pas conforme du tout. Je vais vous fournir

16 une explication. Car la municipalité d'Ilidza, par opposition à d'autres

17 municipalités -- ou plutôt, la zone urbaine d'Ilidza était serbe, alors que

18 cet endroit, Hrasnica et Sokolovic, ainsi que Kolonija, étaient de nouveaux

19 quartiers. Il y avait beaucoup de bâtiments qui avaient été construits sans

20 permis de construire. C'est là que les Musulmans avaient aménagé. Ils

21 venaient de Sandzak, et, donc, d'une région tout à fait différente.

22 Il y a eu ensuite le recensement de 1991, qui d'ailleurs n'a jamais

23 été corroboré. Et en 1990, des élections étaient organisées, et tous les

24 citoyens d'Ilidza ont élu un député au conseil des municipalités. Le

25 candidat serbe a remporté les élections. A Ilidza, il y avait beaucoup plus

26 de Serbes que de Musulmans à l'époque, donc probablement pendant le

27 recensement il y a des gens qui étaient arrivés temporairement qui

28 s'étaient inscrits qui étaient musulmans, et c'est pour cela qu'il y en

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1 avait plus. Mais il y avait plus de Serbes là-bas, parce que les Serbes ont

2 voté pour le député serbe et les Musulmans ont voté pour le candidat

3 musulman. Mais, c'est Ljubo Bosiljcic qui a remporté les élections.

4 Avant cela, Ilidza était considéré comme une municipalité serbe, mais ce

5 recensement de l'année 1991 a été sujet à caution. Il y a de nombreux

6 scrutins qui ont été trouvés qui n'avaient pas été utilisés, par exemple.

7 Ce qui a été proclamé, c'est que dans toute la municipalité, il y avait

8 plus de Musulmans que de Serbes.

9 C'est pour cela que je vous dis qu'il faut essayer de comprendre de façon

10 analytique ce qui était la réalité pour la municipalité d'Ilidza.

11 M. STEWART : [interprétation] Je souhaiterais que l'on donne à M. Krajisnik

12 le jeu de cartes que nous avons. Il s'agit de la pièce P527. Merci.

13 Q. Je vous demanderais de prendre la page 28. Voyez-vous, c'est une carte

14 assez simple d'Ilidza. Est-ce que vous la voyez ? La légende fait état de

15 zones construites. Vous avez les zones construites qui sont en jaune. En

16 fait, la zone en jaune dépasse les limites d'Ilidza.

17 R. Voilà, tout ceci est Ilidza, d'après ce que je vois sur la carte. Alors

18 là, je ne sais pas. Je ne sais pas qu'est-ce que c'est. Non. Cela, ce n'est

19 pas Ilidza. Non, non. Je m'excuse. Je m'excuse. C'est une erreur. Stup et

20 tout cela, c'est Ilidza. Puis là, cela devrait être Novi Grad, parce que

21 Nedzarici est à Novi Grad. Donc, la limite devrait être ailleurs, et tout

22 le reste, c'est Ilidza.

23 Q. Ce n'est peut-être pas la meilleure carte du monde, mais je vois que

24 vous avez ces lignes en noir qui représentent les limites entre ces

25 différentes municipalités, n'est-ce pas ?

26 R. Non. Cela, c'est Ilidza, également, Kasindol et Ilidza -- non, non. Je

27 m'excuse. Oui. Vous voyez là ? Il y a une ligne en bleu, et tout cela est

28 Ilidza. Vous avez raison, vous avez raison.

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1 Q. D'accord.

2 R. Et Dogladi.

3 Q. Avez-vous --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une précision, je vous prie.

5 M. STEWART : [interprétation] Bien entendu.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Krajisnik nous dit que Nedzarici se

7 trouve dans Novo Sarajevo. Sur cette carte, il est manifeste que cela se

8 trouve à Ilidza.

9 M. STEWART : [interprétation] Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

10 Président.

11 Q. Monsieur Krajisnik, M. le Président nous fait remarquer que Nedzarici

12 se trouve à l'ouest de la ligne noir qui, apparemment, marque la

13 délimitation, la ligne qui sépare Ilidza et la municipalité limitrophe de

14 Novo Sarajevo.

15 R. Ici, c'est la municipalité à laquelle appartient Nedzarici. Nedzarici

16 ne fait pas partie de la municipalité d'Ilidza. Je ne sais pas si ceci a

17 été réalisé avec beaucoup de précision, mais Nedzarici est à Novi Grad, pas

18 Novo Sarajevo. C'était ma municipalité.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Oui, je me suis trompé. J'ai fait

20 un lapsus. C'est Novi Grad. Mais sur cette carte, on a l'impression que

21 cela fait partie d'Ilidza. Mais peut-être n'est-ce pas là une question

22 absolument essentielle; il s'agit simplement d'avoir cela à l'esprit.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous pouvez

24 voir le point rouge là ? C'est Nedzarici. C'est à l'extérieur.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais tendance à ne pas abonder dans

26 votre sens, Monsieur Krajisnik. Ce que je vois, c'est que les lignes noires

27 qui sont assez fines nous montrent les limites des municipalités. Je vois

28 qu'avant Nedzarici, nous avons une ligne noire très fine qui fait un virage

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1 assez brusque vers l'est, et qui ensuite retourne vers le nord, puis vers

2 l'ouest avant de continuer vers Bare. Ce n'est peut-être pas d'une

3 importance vitale. Gardons cela à l'esprit, cette éventuelle erreur sur la

4 position exacte des lignes délimitant la municipalité.

5 M. STEWART : [interprétation]

6 Q. Monsieur Krajisnik, je suis tout à fait d'accord avec le Président

7 s'agissant des lignes, mais, Monsieur Krajisnik, vous nous dites que selon

8 ce que vous savez, Nedzarici se trouvait dans la municipalité de Novi

9 Grad ?

10 R. Je dois dire, moi aussi, je suis d'accord avec M. le Président. C'est

11 exactement comme cela que cela apparaît.

12 Q. Oui, mais oublions pour un instant ces lignes sur la carte. Vous

13 habitiez là-bas à l'époque. Est-ce que Nedzarici faisait partie de Novi

14 Grad ou d'Ilidza ?

15 R. Il faut que je sois clair : ce que je savais c'est que Nedzarici est à

16 Novi Grad. Mais, M. le Président a raison. Il a raison; lorsque l'on

17 regarde ces lignes, on a l'impression que c'était à Ilidza. Mais d'après ce

18 que je sais, Nedzarici se trouvait à Novi Grad, et c'est ma municipalité.

19 Il est possible que la ligne en question ait été à proximité.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bien. Passons à autre chose.

21 M. STEWART : [interprétation] Oui.

22 Q. Oui. Monsieur Krajisnik, lors de ces discussions ou lors de ces

23 rencontres que vous avez eues avec les dirigeants d'Ilidza, est-ce qu'il a

24 été question de quelque manière que ce soit, des membres d'un groupe

25 ethnique quel qu'il soit qui devaient quitter la municipalité d'Ilidza ?

26 R. Non, mais avant chacun était parti, avait fui vers son camp, de toute

27 façon, si l'on peut dire les choses ainsi. Dans la mesure du possible.

28 Puisqu'une fois que les problèmes se sont déclanchés, beaucoup de Serbes

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1 sont restés à Sokolovic et Kolonija. Dans cette zone ici que je vous

2 indique. Il y a, sans doute, des Musulmans qui sont restés à Ilidza, mais

3 la plupart des gens se sont séparés comme le vin se sépare de l'eau. Les

4 gens ont fui cette guerre.

5 Je ne sais si quelqu'un a dit quelque chose de ce type, si un autre a dit

6 quelque chose de ce genre, mais la stratégie suivie, la politique suivie

7 c'était de trouver une solution politique. Je ne sais si quiconque à

8 l'époque a dit que certains devaient être expulsés, chassés. Je suis sûr

9 que personne n'a rien dit de tel. Mais, ce qui s'est passé c'est que les

10 Musulmans ont fui vers Hrasnica et les Serbes ont fui vers Ilidza. Voilà ce

11 dont je me souviens.

12 Voici, ici, la zone de Kotorac à Kasindol, si je ne me trompe, et vous avez

13 des conversations téléphoniques qu'on a entendues. Il y a des gens ici dans

14 cette zone. C'est la partie à côté d'Ilidza. On a pu entendre des

15 conversations téléphoniques ici, mais non, pas au centre d'Ilidza, non. Et

16 personne n'a reçu d'instruction pour faire quoi que ce soit de semblable.

17 Q. Non, Monsieur Krajisnik, pouvez-vous nous dire clairement, précisez à

18 quel moment, selon vous, les Musulmans ont fui vers Hrasnica, dans quelle

19 direction, en vous servant d'une carte, si cela est nécessaire, dans quelle

20 direction cela se trouve-t-il et où sont-ils allés ?

21 R. Ici, comme je l'ai dit, vous avez le centre d'Ilidza. Voici Hrasnica.

22 Q. Oui, on le voit sur la carte.

23 M. STEWART : [interprétation] Sur la carte, page 28, c'est pratiquement au

24 milieu de la page, en bas de la zone ombrée, le plus au sud. On voit

25 Hrasnica. Je viens de le trouver.

26 Q. C'est de cela que nous sommes en train de parler, n'est-ce pas,

27 Monsieur Krajisnik ? Vous nous dites, n'est-ce pas, que les Musulmans ont

28 pris la fuite vers Hrasnica, qui se trouvait dans la municipalité

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1 d'Ilidza ?

2 R. Oui, oui. C'est exact. C'est difficile de s'y retrouver sur cette

3 carte. Enfin, je vais essayer de vous expliquer.

4 Ici, vous avez le centre-ville d'Ilidza, le centre d'Ilidza et la

5 ligne de démarcation se trouvait à proximité. Certains Musulmans qui

6 habitaient là sont partis et ont fui vers ce côté. Les Serbes qui y sont

7 parvenus, sont passés de l'autre côté.

8 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous montrer à nouveau cette ligne de

9 démarcation ? J'étais en train de regarder autre chose, personnellement.

10 R. Voyez-vous, ici on a le centre d'Ilidza. A partir de ce centre, la

11 ligne de démarcation était à 100 mètres. Toute cette zone que nous voyons

12 ici en vert, c'est le territoire serbe; des zones protégées. C'est pourquoi

13 on les a colorées en vert.

14 Les Musulmans ont fui vers Hrasnica qui était une zone où la majorité des

15 gens, presque 90 % des gens, peut-être était musulman. Il y a beaucoup de

16 Serbes ici, par exemple, à Glogovina et à Stojcevac, mais à Hrasnica

17 c'était une zone construite plus vaste, une zone musulmane. Les Musulmans

18 ont fui vers là, et la ligne de démarcation se trouvait à peut-être 100

19 mètres du centre d'Ilidza. Ici, nous avons une autre Stojcevac. Le QG des

20 Nations Unies se trouvait là avant, puis ensuite il a été remis aux

21 Musulmans, et ensuite c'est devenu la ligne de la limite.

22 Q. Vous nous dites que la ligne de démarcation était déjà là sur le

23 terrain au moment de votre rencontre avec M. Prstojevic et ses collègues ?

24 R. Oui.

25 Q. Il est possible qu'il y ait eu une certaine ambiguïté dans ma question,

26 dans la manière dont vous l'avez entendue, mais est-ce cette fuite des

27 Musulmans, disons vers le sud, comme vous nous l'avez dit, et ce

28 déplacement des Serbes vers le centre d'Ilidza, est-ce que tout cela a fait

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1 l'objet de discussion au cours de la réunion ?

2 R. Je ne m'en souviens pas, mais je n'exclue pas la possibilité que nous

3 en ayons parlée. Cependant, ce n'était pas le principal sujet de

4 conversation. Je ne peux pas affirmer que nous avons parlé de la question

5 de cet exode, de cette fuite. Nous avons parlé de la guerre. Les nôtres

6 étaient d'un côté, les leurs étaient de l'autre côté. Nous n'en savions pas

7 combien il y avait de Serbes et de Musulmans à Ilidza. Les deux groupes

8 ethniques étaient représentés.

9 Q. Est-ce qu'on a parlé de plans ou tentatives de s'emparer de territoires

10 au sud de la ligne de démarcation ?

11 R. Lors de cette réunion, tout ce que pourrais vous dire au sujet de cette

12 réunion aujourd'hui, ce serait de l'improvisation. J'essaie de vous

13 apporter mon assistance. Mais, à l'époque, on ne savait pas. On savait

14 quelles étaient les zones des différentes communautés ethniques, mais

15 c'était le début de la guerre et il a dû y avoir des revendications faites

16 localement pour libérer tel ou tel quartier, dans tel ou tel camp, suivant

17 ceux qui habitaient dans ce secteur. Mais lors de cette réunion, on a parlé

18 de beaucoup de choses extrêmement variées. J'ai oublié la plupart des

19 sujets abordés. Il ne s'agissait pas d'une réunion très sérieuse, c'était

20 juste une discussion, un échange de vue, d'informations, mais on ne peut

21 pas dire qu'il y a eu présentation d'informations faite très sérieusement.

22 Il n'y a pas eu préparation de plans, d'autant plus que ces dirigeants

23 d'Ilidza ne semblaient pas penser à avoir besoin d'écouter qui que ce soit.

24 Ils semblaient décider à faire ce qui leur convenait. Et M. Prstojevic,

25 lui-même, était connu comme étant un individu extrêmement déterminé,

26 extrêmement entêté. C'était quelqu'un de très consciencieux, quelqu'un qui

27 n'épargnait pas ses efforts, mais il aimait bien faire les choses tout

28 seul, et c'était quelqu'un qu'on ne pouvait pas vraiment contrôler;

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1 d'ailleurs, personne n'essayait vraiment.

2 Q. Vous dites qu'on avait l'impression qu'ils avaient l'intention de faire

3 ce qui leur convenait. Est-ce qu'ils avaient apparemment l'intention de

4 faire quelque chose que vous, par exemple, vous désapprouviez ?

5 R. Vos questions a priori ont l'air extrêmement simple, mais il est très

6 difficile en réalité d'y répondre. Je peux seulement dire et répéter que

7 j'ai une certaine expérience que je peux partager avec vous et qui découle

8 de cette époque-là. Toutes les municipalités, y compris la municipalité

9 d'Ilidza, chaque fois qu'elles étaient en mesure de traiter une question

10 elles-mêmes, ne faisaient pas de rapport, ne demandaient d'aide à personne.

11 Ce n'est qu'au moment où elles avaient besoin d'aide qu'elles allaient

12 informer quelqu'un d'autre de la nature de leurs problèmes. Mais se elles

13 étaient confrontées à quelque chose de positif ou de négatif, et si elles

14 étaient capables de se débrouiller eux-mêmes, elles le faisaient.

15 Je ne vais pas dire ici que les municipalités avaient une autonomie

16 absolue, mais elles avaient un grand degré d'autonomie, ces municipalités.

17 Le système qui existait en Bosnie-Herzégovine s'est effondré, et une

18 nouvelle ère s'est ouverte. On a vu apparaître de nouveaux acteurs sur la

19 scène, et ils ont traité des problèmes qui se présentaient du mieux qu'ils

20 pouvaient.

21 Je n'ai reçu que des gens qui avaient besoin d'aide ou d'une intervention,

22 mais jamais ils n'ont demandé un conseil. Jamais ils n'ont dit : "Ecoutez,

23 nous sommes confrontés à tel ou tel problème. Qu'est-ce que vous en

24 pensez ?" Ces dirigeants s'estimaient tout à fait mûrs, capables, et

25 effectivement c'était le cas, puisqu'ils résolvaient la plupart des

26 problèmes qu'ils avaient d'eux-mêmes. Parce que c'était notamment une zone

27 assez riche, ils n'avaient pas besoin de beaucoup d'assistance et ils

28 faisaient rarement appel au gouvernement pour demander de l'aide.

Page 23918

1 Q. Monsieur Krajisnik, quand M. Kecmanovic a déposé dans cette affaire, il

2 nous a parlé de réunions au cours desquelles vous et tous les présents,

3 quels qu'ils soient, des réunions auxquelles vous et

4 M. Pejanovic étiez là. Est-ce que M. Kecmanovic a eu raison de nous dire,

5 qu'au cours du mois d'avril ou de mai, il y a eu deux réunions au cours

6 desquelles vous étiez là, M. Pejanovic et vous ? Est-ce que vous vous

7 souvenez de la même chose ?

8 R. Oui. Il y a eu deux réunions distinctes qui se sont déroulées à deux

9 endroits différents.

10 Q. Bon. Pour l'instant on ne va pas s'interroger sur le moment exact où

11 ces réunions ont eu lieu, mais je vais d'abord vous demander de me dire

12 aussi précisément que vous le pouvez à quel endroit s'est déroulée la

13 première réunion ?

14 R. J'ai décrit cette réunion d'Ilidza. Quant à l'autre, je peux vous

15 montrer où elle a eu lieu, l'endroit où nous sommes allés, les trois.

16 Q. La réunion d'Ilidza, elle a eu lieu dans un hôtel, n'est-ce pas ? Et si

17 c'est le cas, pouvez-vous nous dire exactement où ?

18 R. Oui, oui.

19 Q. Veuillez nous le dire, pour que ce soit clair et que cela vienne de

20 votre bouche. Vous vous souvenez de quel hôtel il s'agissait ?

21 R. Il s'est trompé à ce sujet. L'hôtel s'appelle, ceci est la moitié --

22 c'est un hôtel où il y a deux ailes. Une qui s'appelle Bosna, et l'autre

23 qui s'appelle Srbija. Cet hôtel s'appelle comme cela, et il a dit que

24 c'était à l'hôtel Terme, mais ce n'est pas vrai. C'est dans un autre hôtel,

25 dont la moitié c'était la Bosnie et l'autre la Serbie.

26 Q. Oui.

27 R. Et il y a un autre hôtel de l'autre côté de la route qui s'appelle

28 Herzegovina.

Page 23919

1 Q. Donc d'après vous, M. Kecmanovic s'est trompé s'agissant de l'hôtel. Et

2 pour ce qui est de la deuxième réunion --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps, Maître Stewart.

4 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'horloge et puisque nous

6 parlons de l'hôtel, je pense que nous devrions maintenant faire une pause.

7 M. STEWART : [interprétation] Oui, c'est une bonne idée.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On reprendra à six heures moins dix.

9 --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

10 --- L'audience est reprise à 17 heures 59.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Stewart.

12 M. STEWART : [interprétation] Merci.

13 Q. Monsieur Krajisnik, nous avons déterminé que la première réunion a eu

14 lieu à l'hôtel Srbija ou dans la partie de cet hôtel ainsi dénommé à

15 Ilidza. Maintenant, dites-nous ce dont vous vous rappelez des discussions

16 qui ont eu lieu à ce moment-là avec

17 M. Kecmanovic, M. Pejanovic et vous-même. Est-ce qu'il y avait quelqu'un

18 d'autre ?

19 R. Oui. Il y avait M. Karadzic et M. Koljevic. Je ne sais pas s'il y

20 avait quelqu'un d'autre. En tout cas, ces deux-là, ils étaient là,

21 indéniablement, ces deux messieurs.

22 Q. Pendant toute la réunion ?

23 R. Oui. Je crois que oui. Oui, tout à fait. Oui, ils sont restés pendant

24 toute la réunion.

25 Q. Etes-vous en mesure de vous souvenir du sujet de la réunion ou des

26 différents sujets abordés lors de la réunion ?

27 R. Il y avait deux délégations. Elles étaient venues pour s'informer et

28 pour jouer le rôle de médiateurs entre les parties belligérantes, d'aider à

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1 l'organisation d'une réunion, pour mettre en place des contacts, essayer de

2 trouver une solution pour arrêter la guerre.

3 Q. Oui, Monsieur Krajisnik, ma question portait sur la réunion en oubliant

4 et en mettant de côté ces deux délégations, cette réunion où se trouvaient

5 M. Karadzic, M. Koljevic, M. Kecmanovic et vous-même, et M. Pejanovic, ce

6 que je voulais savoir c'est quel a été le sujet de cette réunion-là ?

7 R. Le thème de cette réunion -- en fait, l'objectif de cette réunion

8 c'était qu'ils étaient venus nous parler pour savoir quelles étaient nos

9 positions afin de trouver une solution qui permettrait d'arrêter la guerre,

10 et ils ont suggéré que se tienne une réunion. C'est effectivement ce qui

11 s'est produit ensuite; une réunion au cours de laquelle il y aurait

12 médiation avec le camp adverse pour que l'autre camp accepte de participer

13 à la réunion à un endroit qui devait être convenu. Peut-être qu'il y a eu

14 d'autres sujets abordés, mais je ne m'en souviens que d'un seul.

15 Q. Est-ce que vous les avez informés de votre position quant à la

16 recherche d'une solution pour arrêter la guerre ?

17 R. Je ne sais pas si nous leur avons dit à eux, mais la conversation était

18 centrée sur la recherche des personnes compétentes pour qu'on puisse parler

19 avec les dirigeants à Sarajevo, ensuite pour essayer d'arrêter la guerre

20 avec eux. Des manifestations, des formules de bonne intention ont été

21 exprimées. Ils voulaient être médiateurs pour qu'on puisse se rencontrer et

22 trouver une solution.

23 Je ne peux pas être précis. Je ne peux pas vous dire s'il y a eu des

24 propositions. C'est possible, mais je ne veux pas me lancer dans des

25 conjectures.

26 Q. Est-ce que vous avez discuté d'une proposition relative à la division

27 de Sarajevo ?

28 R. Je dois insister sur le fait que c'est Sarajevo qui a été l'objet de

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1 nos discussions. Mais dans notre esprit à tous trois, il y avait une chose

2 qui apparaissait très clairement, c'est que nous ne pouvions en aucun cas

3 nous prononcer en faveur d'une solution qui verrait Sarajevo finir entre

4 les mains des Musulmans. Nous voulions faire bien comprendre, insister sur

5 le fait que les Serbes avaient autant de droits à Sarajevo que les

6 Musulmans.

7 C'est devenu la règle de penser à Zagreb comme étant un centre croate,

8 Belgrade, un centre serbe, et Sarajevo, un centre musulman. Nous, nous

9 voulions dire bien clairement que personne n'avait le droit de nous isoler,

10 de nous repousser hors de Sarajevo. Notre intention, c'était de parler

11 d'une transformation de Sarajevo, au terme de laquelle nous obtiendrions le

12 contrôle d'une certaine partie de la ville.

13 La réponse à votre question, c'est qu'autant que je m'en souvienne, on a

14 parlé de Sarajevo lors de cette réunion.

15 Q. Est-ce que M. Kecmanovic et M. Pejanovic ont critiqué la politique, la

16 position adoptée par vous-même et vos collègues au sein du SDS, à la tête

17 du SDS ?

18 R. Pas à ce moment-là, c'est sûr. Tout ce qu'ils désiraient, c'était

19 d'obtenir des informations et d'assurer un rôle de médiation. Eux aussi,

20 ils souhaitaient que la guerre s'arrête et qu'on trouve une solution. Je

21 suis certain qu'il n'y a eu aucune résistance de leur part.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de poser une question pour

23 préciser un point.

24 Monsieur Krajisnik, vous avez dit que vous aviez l'intention de discuter de

25 la transformation, mais auparavant, vous avez dit que vous ne pouviez

26 accepter aucune option au terme de laquelle Sarajevo finirait entre les

27 mains des Musulmans. Je cite : "Nous voulions dire très clairement que les

28 Serbes avaient autant de droits à Sarajevo que les Musulmans."

Page 23922

1 Plus tôt, vous nous avez expliqué que vous étiez plutôt favorable de

2 manière temporaire à un gel de la situation, avoir le centre entre les

3 mains des Musulmans, et l'ouest et certaines zones autour de la vieille

4 ville contrôlées par les Serbes. Est-ce que c'était là une situation qui,

5 selon vous, correspondrait à une Sarajevo entre les mains des Musulmans ou

6 est-ce qu'à l'époque de cette réunion, c'était là une solution qui était

7 acceptable, même si ce n'était qu'une solution à caractère temporaire ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, M. Stewart m'a demandé

9 - enfin, c'est comme cela que j'ai compris sa question - il m'a demandé

10 quelle était notre politique s'agissant de Sarajevo de manière générale,

11 alors que vous, maintenant, vous me posez des questions sur ce dont j'ai

12 parlé avec M. Izetbegovic. L'idée, à ce moment-là, c'était d'arrêter la

13 guerre et de parler de Sarajevo. Quand j'ai dit que nous n'avons jamais

14 accepté qu'on nous isole, qu'on nous fasse partir de Sarajevo de façon que

15 nous n'ayons plus aucun contrôle à cet endroit parce que certains estiment

16 que nous avons déjà Belgrade et que Sarajevo c'est une ville complètement

17 musulmane, cela n'a rien à voir avec ces discussions-là, parce que

18 Sarajevo, c'est aussi une ville serbe. Mais tout au long de cette période,

19 nous avions l'intention de parler de Sarajevo, nous voulions que Sarajevo

20 reste une seule et même ville, même si au niveau local, nous aurions des

21 droits sur certains territoires. Mais s'ils créaient une ville où tout

22 était décidé au centre, à ce moment-là, c'était impossible.

23 Nous, ce que nous voulions, c'était obtenir un statu quo pour nous

24 permettre de trouver une solution. Nous n'avons pas parlé d'une solution

25 permanente avec M. Izetbegovic.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais j'aimerais savoir quelle était

27 votre stratégie, votre politique. Une solution inspirée du statu quo,

28 inspirée de cette situation telle qu'elle était, est-ce que cela aurait été

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1 une solution acceptable pour vous ou est-ce que non, est-ce que vous

2 estimiez que vous étiez en droit d'obtenir une partie plus importante de

3 Sarajevo que celle que vous déteniez à l'époque ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons des documents sur ce que nous avons

5 dit à M. Cutileiro sur la nature de nos propositions. Quand on avait les

6 pourparlers de paix, nous avons dit que Sarajevo serait doté d'un quartier

7 ou d'une zone extraterritoriale où se situeraient les institutions de

8 l'Etat. Puis, il y aurait une autre partie, avec les municipalités à

9 majorité musulmane qui seraient sous leur contrôle, et cela leur

10 reviendrait. Comme ici. Parce qu'il y a une majorité musulmane. Parce que

11 si on devait suivre la logique ethnique, à ce moment-là, les Serbes

12 seraient à la périphérie, parce qu'on ne pouvait pas prendre à ce moment-là

13 les quartiers où les Musulmans étaient en majorité. Il fallait en discuter.

14 Donc, nous avons dit que dans cette partie ici, puisque la Bosnie était un

15 Etat, qu'on allait accepter, il devrait y avoir une zone

16 d'extraterritorialité avec les institutions de l'Etat tels que le Parlement,

17 le gouvernement, et cetera. S'agissant du reste de la ville. Il s'agissait

18 de voir s'il y avait des zones comme Pofalici, par exemple, où les Serbes

19 étaient en majorité.

20 Mais nous avions conscience cependant du fait que la zone était une zone en

21 majorité musulmane. Nous ne l'avons jamais contesté. Nous ne voulions pas

22 leur prendre cette zone. Mais avec M. Izetbegovic, on n'a même pas cherché

23 une solution permanente. On était en train de s'interroger sur une solution

24 temporaire qui commencerait par mettre un terme à la guerre, et cette

25 proposition existe quelque part par écrit.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, il était nécessaire de procéder à

27 une restructuration pour trouver une solution définitive et il fallait

28 explorer la chose plus en détail, pour parler de Pofalici, par exemple, qui

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1 à ce moment-là se trouvait contrôlé par les Musulmans, mais vous estimiez

2 que cela devait constituer un élément de la partie serbe de Sarajevo.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'ai mentionné cet endroit en passant.

4 Mais je vais essayer de vous faire comprendre. Il existe des notes

5 sténographiques d'une séance de la présidence de Bosnie-Herzégovine au

6 cours de laquelle M. Silajdzic parle des négociations que nous avons eues

7 au sujet de Sarajevo, et lui-même semble y être favorable.

8 Jamais il n'y a eu de proposition de division, parce que cela aurait été

9 complètement impossible. Comment peut-on diviser une ville si on ne divise

10 pas le pays ? La transformation, c'est autre chose. C'est autre chose, le

11 mot de "division" peut être interprété de diverses manières.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous nous en avez déjà parlé.

13 Continuez, Maître Stewart.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup. Je vous remercie de me donner

15 la possibilité de préciser un certain nombre de choses, de faire la lumière

16 sur des questions qui sont importantes et dont il faut qu'elles soient

17 claires.

18 M. STEWART : [interprétation]

19 Q. Monsieur Krajisnik, vous nous dites que M. Kecmanovic et M. Pejanovic

20 étaient aussi en faveur de la recherche d'une solution pour que la guerre

21 s'arrête. Mais est-ce qu'ils avaient des idées, des suggestions à présenter

22 quant à cette solution ?

23 R. Je ne me souviens pas, mais je sais quelle était leur opinion avant la

24 guerre déjà. Mais je ne me souviens pas qu'ils aient fait des propositions

25 au cours de la réunion, qu'ils soient intervenus de manière précise. Ils

26 voulaient simplement que cette réunion ait lieu.

27 Q. Est-ce qu'ils ont critiqué votre position ?

28 R. Je pense que s'agissant de la manière dont la guerre a éclaté à

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1 Sarajevo, M. Karadzic était furieux. Il disait qu'on ne pouvait pas laisser

2 Sarajevo comme cela. Il y a eu un débat assez mouvementé, assez vigoureux,

3 mais pas de critiques. Ils pensaient qu'ils étaient que nous étions contre

4 cette réunion et ils ont été contents de voir qu'on l'avait acceptée.

5 C'était le contraire qui s'est passé, nous aussi on voulait cette réunion

6 parce qu'on voulait trouver une solution à tout prix. En tout cas, je ne me

7 souviens pas que des critiques aient été exprimées.

8 Q. Est-ce qu'on a parlé à ce moment-là de ce qui se passait dans le reste

9 de la Bosnie-Herzégovine en dehors de Sarajevo ?

10 R. Je dois dire que je ne me souviens pas, mais je suis pratiquement

11 certain qu'on n'en a pas parlé. Enfin, ma réponse, c'est que je ne m'en

12 souviens pas, mais je ne crois pas.

13 Q. Est-ce que vous aviez rencontré ou est-ce que vous aviez eu des

14 discussions avec M. Kecmanovic et M. Pejanovic avant cette réunion, peu de

15 temps avant cette réunion ?

16 R. J'ai déjà répondu que j'ai eu deux réunions. Je crois que c'était la

17 deuxième, celle qui n'a pas eu lieu à Ilidza, mais plus tard. Je suis sûr

18 que c'était plus tard. Il n'y a pas eu de réunions avant la guerre, j'en

19 suis sûr; avec les deux, je veux dire, avec ces deux hommes.

20 Q. Et vous n'avez pas vu ni M. Kecmanovic ni M. Pejanovic la veille ?

21 R. Non, non. Je crois qu'il n'y avait qu'une seule réunion à cet endroit-

22 là; à Ilidza, je veux dire.

23 Q. Ensuite, il y a eu une réunion subséquente, n'est-ce pas, à Lukavica ?

24 R. Voici, je vais vous expliquer où cela était. C'était un peu plus loin

25 de Lukavica. C'était juste ici, avant Tilava, ici, environ juste là. C'est

26 une municipalité qui appartient à Lukavica et c'est en périphérie de

27 Lukavica. C'était un restaurant ou peut-être un club communautaire.

28 Q. A quel moment est-ce que cette réunion, cette deuxième réunion a-t-elle

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1 eu lieu par rapport à la première réunion qui s'est tenue à l'hôtel

2 Srbija ?

3 R. J'étais déjà à Pale. Je crois qu'il s'était passé environ un mois,

4 peut-être plus d'un mois entre les deux, peut-être même deux mois s'étaient

5 écoulés entre les deux réunions. Mais je ne me souviens plus si c'était à

6 la fin du mois de mai ou en début juin, mais je crois que c'est environ à

7 cette époque-là, mais je ne pourrai pas être plus précis. Je crois que si

8 vous voulez retrouver la date exacte, il faudrait réfléchir à l'entrée, la

9 rentrée dans la présidence, mais je ne me souviens pas exactement des

10 dates.

11 Q. J'y reviendrai dans quelques instants, Monsieur Krajisnik.

12 En fait, en avril, Monsieur Krajisnik, et après la réunion que vous venez

13 de nous décrire à l'hôtel Srbija, réunion qui s'était tenue après celle

14 avec M. Izetbegovic, est-ce que vous avez rencontré un peu plus tard le

15 général Kukanjac ? Y a-t-il eu une autre réunion avec lui ?

16 R. J'ai dit qu'à cette époque-là, si je ne m'abuse, il y avait une réunion

17 avec M. Kukanjac et j'ai décrit cette réunion, d'ailleurs. Il y avait un

18 rassemblement d'hommes qui s'étaient entretenus sur certains faits, qui

19 avaient exprimé leur opinion, leurs désirs, mais M. Kukanjac ne l'a pas

20 vraiment pris au sérieux, c'est-à-dire qu'il les avait simplement

21 recueillis ou accueillis comme des expressions de volonté, de désir, mais

22 il n'a rien fait de vraiment plus particulier pour mener à bien ces désirs.

23 Q. Mais je voulais savoir s'il y a eu une autre réunion avec M. Kukanjac

24 subséquemment, au cours du mois d'avril.

25 R. Outre la réunion en question, je ne me souviens pas qu'il y ait eu

26 d'autres réunions avec M. Kukanjac. Je n'exclus pas toutefois la

27 possibilité que j'ai pu faire partie d'un groupe qui aurait assisté à une

28 réunion à laquelle il se serait trouvé. Je ne me souviens pas. Il y avait

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1 peut-être une autre personne avec M. Kukanjac, mais je ne me souviens pas

2 exactement.

3 Excusez-moi, je voulais simplement ajouter quelque chose, et lorsque j'ai

4 évoqué l'hôtel Terme, l'hôtel Srbija, l'hôtel Bosna et l'hôtel Terme sont

5 si rapprochés, ces trois hôtels sont si près les uns des autres, ils se

6 trouvent dans un rayon de 100 mètres. C'est peut-être pour cela qu'il y a

7 eu une confusion. Ce n'est pas très éloigné. La Bosnie et la Serbie,

8 l'hôtel Bosna et Srbija sont ensemble dans un bâtiment. Herzégovine, c'est

9 un peu plus loin, et Terme se trouve juste à côté. C'est pour cela que ces

10 hôtels, je voulais dire que ces trois hôtels se trouvaient tout près et que

11 l'hôtel Srbija et l'hôtel Bosna étaient très proches les uns des autres.

12 Q. Monsieur Krajisnik, au mois d'avril 1992, vous souvenez-vous de la

13 première fois, au mois d'avril 1992, lorsque vous avez assisté à une

14 réunion formelle à Pale ?

15 R. Oui.

16 Q. Quelle était la teneur de cette réunion, de quoi s'agissait-il ?

17 R. J'étais à Zabrdje, mes collègues de Sarajevo avec lesquels je

18 travaillais, m'ont informé que l'un de mes collègues s'était fait arrêté.

19 Il était Croate, et ils m'ont supplié, m'ont demandé de faire quelque

20 chose, si je pouvais faire quoi que ce soit pour qu'il soit libéré.

21 Ensuite, un deuxième appel m'est parvenu du côté musulman. Je ne suis pas

22 tout à fait certain, même si je suis presque sûr, que cet appel provenait

23 de M. Muhamed Filipovic et que c'étaient des membres de sa famille qui

24 s'étaient fait arrêter. Ils m'ont demandé, supplié, presque, en tant que

25 personne privée, de leur venir en aide. Alors, tout ce que j'ai pu faire,

26 c'est de m'asseoir dans ma voiture et d'aller à Pale. Donc, je me suis dit,

27 je connais peut-être quelqu'un à Pale, je vais voir si je pouvais faire

28 quelque chose. Donc, je voulais voir si je pouvais faire quelque chose.

Page 23928

1 Je ne sais pas à qui j'avais demandé de me renseigner sur eux, et

2 auprès de qui j'avais fait cette demande, mais je sais que les membres de

3 la famille de ce dernier s'étaient fait libérer, et l'ancien collègue

4 également a été relâché. C'était une action, et on avait arrêté toutes

5 sortes de personnes.

6 Plus tard, j'ai vu que c'était le 15 avril. J'avais pris part à une

7 réunion qui s'appelait la réunion du conseil pour la sécurité nationale de

8 l'Etat, alors qu'il s'agissait en réalité d'une réunion à laquelle tout le

9 monde était présent et ont parlé de choses et d'autres, de toutes sortes de

10 sujets. C'était ma première arrivée à Pale, et c'est la raison pour

11 laquelle je suis rentré à Zabrdje. Je suis en fait resté quelques jours à

12 Zabrdje pour revenir de façon définitive à Pale. Donc voilà, je peux vous

13 parler de cette réunion, car je me souviens de cette réunion et j'ai

14 assisté à la discussion lors de cette réunion. Toutes les personnes qui

15 étaient présentes ont parlé, ont pris la parole et ont discuté des points

16 évoqués.

17 Q. Monsieur Krajisnik, je souhaiterais que vous examiniez le PV de la

18 réunion conjointe du Conseil de la sécurité nationale et du gouvernement de

19 la République serbe de Bosnie-Herzégovine tenue le 15 avril 1992. Il s'agit

20 de la pièce P64 intercalaire 22 -- plutôt classeur 22, intercalaire 621.

21 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, le numéro ERN que j'ai

22 est le 01245291.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, au compte rendu

24 d'audience on peut voir qu'il s'agit de la pièce P65. Je crois vous avoir

25 entendu dire P64, et sur votre liste, le document est collecté P64A.

26 M. STEWART : [interprétation] Effectivement, je devrais dire P64A, classeur

27 22 intercalaire 618. Mais, on retrouve ce même document dans la pièce P65

28 intercalaire 1, ou plutôt classeur 1, intercalaire 120.

Page 23929

1 Q. Il s'agit du PV de la réunion à laquelle vous avez fait référence il y

2 a quelques instants, Monsieur Krajisnik, n'est-ce pas ?

3 R. En lisant ce PV, j'ai compris qu'il s'agissait de cette réunion-là,

4 oui. Si vous m'aviez demandé si c'était en date du 15, je n'aurais pas été

5 en mesure de vous le confirmer sans ce document. Car j'ai assisté à une

6 réunion et ces sujets dont on fait état à l'ordre du jour ont été débattus.

7 Donc, j'en connais certains, je connais certains sujets, alors que

8 d'autres, par exemple, je les ignore.

9 Par exemple, décision sur la création de l'agence serbe SRNA; elle

10 avait déjà été formée avant que je n'arrive à Pale. Même si les choses ont

11 pu être un peu confuses, mais je sais que j'ai assisté à une réunion,

12 certainement au mois d'avril. Il s'agit sans doute de cette date-là,

13 puisqu'on voit, ici, selon ce PV que j'ai été présent.

14 Q. Monsieur Krajisnik, c'était la première réunion de ce type, n'est-ce

15 pas, à laquelle vous preniez part à Pale ?

16 R. Ici, on peut lire que oui, alors que je peux vous confirmer que c'était

17 sans doute le cas.

18 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous habitiez à Pale ou si vous êtes

19 entré à la maison après la réunion en question ?

20 R. Non, pas du tout, je n'habitais pas à Pale, j'étais rentré à la maison.

21 J'ai peut-être passé la nuit là, je ne sais pas, je suis rentré le

22 lendemain matin, mais je sais que j'étais venu spécialement à cause de

23 cette tâche et après, je suis rentrée à la maison à Zabrdje.

24 Q. Au point 1, et nous pouvons voir qui est présent, je ne vais pas relire

25 les noms, votre nom y figure toutefois, le Dr Radovan Karadzic, président

26 du Conseil de sécurité national, avait présidé la réunion. Et l'ordre du

27 jour qui avait été adopté d'abord, manière de travailler en cas d'urgence

28 dans une situation de guerre.

Page 23930

1 Au point 1 : "Il a été conclu que les réunions du Conseil de la

2 sécurité nationale ainsi que celles du gouvernement de la République serbe

3 de Bosnie-Herzégovine devront avoir lieu tous les jours, dépendamment des

4 circonstances, mais qu'en principe, ces réunions devraient être tenues dans

5 le bâtiment Kikinda à Pale."

6 Monsieur Krajisnik, vous étiez membre du Conseil de la sécurité

7 nationale, et ici, nous pouvons voir qu'il y a eu une série de réunions

8 conjointes qui ont suivi. Pendant le mois d'avril et au début du mois de

9 mai 1992, y a-t-il eu des réunions séparées, soit du Conseil de la sécurité

10 nationale ou du gouvernement ?

11 R. D'abord, permettez-moi de dire qu'il n'y a pas eu un corps juridique

12 qui s'appelait le Conseil de sécurité national, au sens juridique, au sens

13 légal du terme. Je peux vous expliquer pourquoi je dis cela. Pour répondre

14 à votre question, il n'y a pas eu de réunion séparée, pour autant que je

15 m'en souvienne, du gouvernement ou d'un Conseil chargé de la sécurité

16 nationale.

17 Mais chaque personne qui s'était retrouvée là avait assisté à cette

18 réunion; non pas chaque personne, mais ces représentants, ces dirigeants,

19 et c'était la réunion que l'on avait baptisée ainsi, ici, au PV.

20 Q. Cette conclusion qui dit que les réunions du Conseil de la sécurité

21 nationale du gouvernement devront être tenues à 9 heures du matin sur une

22 base prioritaire et devront être organisées de concert avec les réunions du

23 conseil pour discuter des développements et du plan d'opérations de façon

24 quotidienne. Est-ce que c'est arrivé ainsi ?

25 R. Pour vous dire, lorsque je suis arrivé, il y avait des gens qui

26 habitaient à Kikinda, dans les pièces diverses et variées du bâtiment

27 Kikinda. Lorsque les gens se réveillaient, ces personnes discutaient de ce

28 qui se passait. Ces gens ne venaient pas d'ailleurs; les gens dormaient au

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1 bâtiment Kikinda.

2 Il y avait une pièce de séjour qui était une pièce commune, alors que les

3 personnes dormaient dans différentes pièces du bâtiment, et quand elles se

4 réveillaient, elles se réunissaient à 9 heures du matin pour parler de

5 différents sujets.

6 Mais cela ne s'est pas déroulé tous les jours, il y avait des fois des gens

7 qui étaient en voyage, c'est-à-dire que l'organisation fonctionnait mal. M.

8 Djeric et moi-même, nous étions insatisfaits de l'inefficacité de ces

9 réunions. Il y avait des gens qui dormaient plus longtemps, d'autres

10 personnes se réveillaient beaucoup plus tôt, il y avait également des gens

11 qui partaient plus tôt. Ensuite, il pouvait y en avoir qui n'étaient même

12 pas là, donc ce n'était pas fait de façon quotidienne. Il aurait fallu que

13 ces réunions, que ces consultations matinales aient lieu de façon

14 quotidienne en buvant notre café matinal, mais cela ne s'est pas déroulé

15 ainsi.

16 Q. Au point 2, on dit : "Le premier ministre a été autorisé de consulter

17 les personnes qui devaient remplir les postes de gouvernement," et cetera.

18 Au point 3 : "En examinant la situation de sécurité en République serbe de

19 Bosnie-Herzégovine, il a été évalué que les conditions avaient été

20 rencontrées pour faire une proposition que la présidence de la République

21 déclare un état imminent de guerre."

22 Est-ce que lors de cette réunion, on a distribué des rapports ? Est-ce

23 qu'on a eu un rapport avant d'en venir à cette conclusion ?

24 R. Je ne me souviens pas de ce genre de conclusions, mais il n'était pas

25 nécessaire non plus d'avoir des rapports. Tout le monde était tout à fait

26 au courant qu'il s'agissait d'une guerre et qu'on ne parlait plus d'une

27 période d'avant la guerre. Il était certainement vrai qu'il y avait des

28 informations -- enfin, on n'a jamais vu d'informations écrites et remises

Page 23932

1 ou présentées. Je n'ai jamais vu de telles informations sur papier.

2 Q. En anglais, page suivante : "Il a également été proposé que la

3 présidence adopte des mesures pour enlever les causes de la situation qui

4 venait de se présenter."

5 Est-ce que la présidence devait arrêter la guerre ou est-ce que cette

6 phrase veut dire autre chose ?

7 R. Non. La présidence ne pouvait arrêter la guerre. Mais on avait conçu

8 lorsqu'on en a discuté, c'est-à-dire que lorsque, lors des réunions du

9 Conseil de la sécurité nationale en date du 24 mars et du 27 mars, lors de

10 ces réunions, nous avions dit que le conseil en tant que corps constitutif

11 devrait donner des propositions aux organes du gouvernement; d'abord à

12 l'assemblée, et ensuite à la présidence, si elle est habilitée de

13 conseiller ce corps. Et ici, on avait dit qu'on a proposé que l'on proclame

14 l'état imminent de guerre. Plus tard, effectivement, cela a été proclamé.

15 Donc, il faut trouver des solutions, comment résoudre la crise, c'est-à-

16 dire qu'il faut d'abord proclamer un état imminent de guerre et ensuite

17 prendre les mesures nécessaires pour résoudre le problème, la crise.

18 Dans des conditions normales, vous savez, selon la constitution, c'est le

19 gouvernement qui fait ces propositions, qui est habilité de faire ce genre

20 de propositions, mais ici, dans ce PV, on voit que c'est le conseil qui a

21 fait ces propositions.

22 Q. Il y a un très grand nombre de décisions et de conclusions adoptées.

23 Vous avez fait référence il y a quelques instants à la décision relative à

24 la formation de l'agence SRNA, l'agence serbe. Est-ce que vous avez joué

25 quelque rôle que ce soit dans la création d'une telle agence ?

26 R. Non. Lorsque je suis arrivé à Pale, j'ai entendu qu'on avait procédé à

27 la nomination de l'agence SRNA. M. Karadzic était la personne qui avait

28 procédé à la nomination. C'était son idée à lui de l'appeler SRNA, car SRNA

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1 veut dire l'agence serbe de radio et des médias. C'est pour cela qu'on

2 l'appelait SRNA. Je n'étais pas au courant de ceci, mais j'en ai été

3 informé plus tard.

4 Q. Puis, il y a une décision prise à propos de la nomination du commandant

5 en exercice de la Défense territoriale et du chef d'état-major de la

6 Défense territoriale. Est-ce que vous vous souvenez des personnes qui ont

7 été nommées à cette réunion ?

8 R. Je ne me souviens pas de cette décision, mais j'ai vu une décision qui

9 a été signée par M. Djeric. C'est un certain Lukic qui avait été nommé,

10 Vidoje Lukic, me semble-t-il. Il a signé cette décision pour lui, mais à

11 dire vrai, cet homme n'avait absolument aucun pouvoir. Il ne commandait

12 pas, il n'assumait pas cette fonction, parce qu'il était complètement

13 isolé. Donc, il ne s'agissait que de quelque chose de très formel et de

14 très bref.

15 Je l'ai vu, une fois, à côté d'une salle. J'ai vu, en fait, qu'il n'avait

16 pas véritablement d'autorité et qu'il n'exerçait pas véritablement cette

17 fonction, mais je n'ai pas été informé du moment où cela a été fait. En

18 fait, je dois dire quelque chose. Je suppose que cette réunion consultative

19 a eu lieu. Ensuite, par la suite, quelqu'un a écrit ce procès-verbal, et

20 ils ont inséré dans ce procès-verbal des choses qui avaient été faites

21 préalablement. C'est ce que je suppose. Je sais que certaines choses ont

22 fait l'objet de discussions, et que certaines choses se sont passées avant,

23 mais se trouvent quand même consignées dans ce procès-verbal. Cela, c'est

24 mon explication.

25 Je sais que ces deux choses se sont passées, mais elles n'ont pas été

26 discutées à cette réunion lorsque j'étais présent.

27 Q. Si, comme vous l'avez dit, M. Vidoje Lukic n'avait pas de pouvoir et

28 n'assumait pas cette fonction, est-ce que quelqu'un d'autre assumait cette

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1 fonction dans la pratique ?

2 R. A cette époque-là, l'armée populaire yougoslave existait. Je me

3 souviens de l'attaque contre Kupres. Nous étions assis, et nous avons dit :

4 "Bien, attendez un petit moment. Vous êtes le commandant. Qu'allez-vous

5 faire à ce sujet ?" En fait, il se contentait de déambuler, comme nous.

6 Personne ne commandait ces unités.

7 Jusqu'au moment où notre armée a été établie, tout cela était placé sous la

8 JNA. Au niveau local, ceux qui avaient la Défense territoriale devaient

9 tout simplement faire ce qu'ils pouvaient. C'est l'impression que j'ai eue.

10 Oui, il y a eu ces conversations téléphoniques au cours desquelles

11 des informations étaient demandées, mais il ne s'agissait pas d'ordres, et

12 personne n'aurait pu donner d'ordres. Tout était diffus. Chaque village

13 avait son propre commandement, sa propre garde, et la JNA était séparée de

14 cela. On dépendait de l'armée yougoslave populaire.

15 Q. Où se trouvait à ce moment-là M. Mladic, M. Ratko Mladic ?

16 R. Avant qu'il ne vienne à Sarajevo, à Lukavica, M. Mladic était

17 commandant du Corps de Knin. Ce qui signifie qu'il était avant le plan

18 Vance dans la République de la Krajina serbe.

19 Lorsque M. Kukanjac a été remplacé, pendant une brève période de temps il a

20 pris sa fonction, il l'a remplacé, et il est devenu commandant du 2e

21 District militaire pendant un laps de temps très, très bref, jusqu'au

22 moment où notre armée a été établie. Cela ne s'est pas passé pendant très

23 longtemps, n'a pas duré très longtemps, mais je ne sais pas combien de

24 temps cela a duré.

25 Q. Oui, mais au moment de cette réunion du 15 avril, est-ce que vous

26 pouvez nous dire où se trouvait M. Mladic ?

27 R. Je n'en ai absolument aucune idée. Je n'avais absolument aucune idée de

28 l'endroit où il se trouvait. Je supposais qu'il se trouvait dans cet

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1 endroit où il travaillait. Il n'était pas à Sarajevo. Il n'était pas avec

2 nous. Je pense que M. Kukanjac était toujours là.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Juge Hanoteau souhaiterait

4 intervenir.

5 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Krajisnik, vous dites :

6 [en anglais] "Every village had its own guard, its own command, and

7 the Yugoslavs --"

8 [interprétation] "Chaque village avait sa propre garde, son propre

9 commandement, et l'armée populaire yougoslave était séparée de cela."

10 [en français] Comment saviez-vous cela à l'époque ? Quelle était

11 votre information sur ce qui se passait sur le terrain ? Quand vous

12 annoncez cela, est-ce que c'est rétrospectivement que vous avez appris cela

13 ou au moment où se tient ce meeting du "National Security Council ?" Est-ce

14 que vous êtes informé de la réalité du terrain, et si vous êtes informé,

15 par qui vous l'êtes ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, le 15 avril, la seule force

17 armée régulière qui existait était l'armée populaire yougoslave. Avant

18 cette date, les membres de la présidence ont atteint une décision, conclu

19 une décision qui consistait à mobiliser la Défense territoriale tout comme

20 la Défense territoriale musulmane, en suivant cet exemple. En d'autres

21 termes, s'il y avait des gens qui n'avaient pas été mobilisés, ils

22 devraient être organisés.

23 Vous vous souvenez, le 27 mars, lorsque Karadzic a dit : "Allons,

24 constituons des unités qui vont seulement défendre leur village." En fait,

25 si vous mobilisez la Défense territoriale, il faut qu'il y ait un

26 commandant. Donc, lorsque le commandant a été nommé, je vous ai dit qu'il

27 n'avait absolument aucun pouvoir parce qu'il n'avait pas de communication.

28 Je le suppose -- non, je ne le suppose pas; j'en suis sûr. Je suis sûr que

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1 toute localité, tout village, dès qu'il y avait établissement d'une ligne

2 de séparation, avait sa propre force. Il y avait des forces dans ces

3 villages qui protégeaient la zone s'il y avait une ligne. Ils protégeaient

4 leur propre secteur.

5 De quelles informations est-ce que je disposais ? Comme Ilidza, comme mon

6 village, ma ville Zabrdje, tout le monde défendait son secteur. On peut

7 parler de Défense territoriale, de personnes qui étaient armées, mais cela

8 existait, néanmoins. Ce n'était pas la peine de disposer de nombreux

9 renseignements ou d'être particulièrement doué pour savoir qu'il y avait

10 une ligne de séparation où il y avait les Serbes d'un côté et les Musulmans

11 de l'autre, ou, encore, les Croates de l'autre côté, et cetera.

12 Si vous devez me demander comment est-ce que je savais tout cela, il

13 faudrait vraiment que j'essaie de réfléchir pour savoir où est-ce que j'ai

14 entendu cela, comment est-ce que je l'ai entendu, mais c'est ainsi que les

15 choses se passaient. C'est exactement ainsi que les choses se passaient.

16 Nous avions ces personnes qui étaient armées, ces hommes qui étaient armés,

17 qui défendaient leur propre village, et cela nous le voyons dans les

18 documents.

19 Cet homme était censé être leur commandant, mais il ne les commandait pas

20 parce qu'il ne le pouvait pas. Les hommes armés dépendaient de l'armée

21 populaire yougoslave, et c'est pour cela que plus tard nous avons établi

22 notre propre armée, parce que la JNA était censée aller en Serbie.

23 Voilà. J'espère que j'ai pu vous fournir une explication. Cela existait. Je

24 l'ai vu dans mon propre village, je l'ai vu à Ilidza et ailleurs,

25 également.

26 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, également.

28 M. STEWART : [interprétation]

Page 23937

1 Q. Outre les réunions dont nous avons parlé au cours de votre déposition

2 d'aujourd'hui, les réunions avec le général Kukanjac, jusqu'à ce moment-là,

3 jusqu'au 15 avril, date à laquelle cette réunion a été organisée, est-ce

4 que depuis le début de la guerre vous aviez eu vous-même des contacts

5 directs avec des commandants militaires en Bosnie-Herzégovine à l'extérieur

6 de Sarajevo, j'entends ?

7 R. Jusqu'au 15, ou après ? Je m'excuse. Jusqu'au 15 avril --

8 Q. Oui, depuis le début de la guerre et jusqu'à ce moment-là. C'est une

9 période relativement brève.

10 R. Outre cette réunion avec M. Kukanjac. Donc, vous excluez cette réunion,

11 n'est-ce pas ?

12 Q. Oui.

13 R. A l'exception du niveau local. Il y avait un membre de l'armée

14 populaire yougoslave, puisque j'étais le président de l'assemblée de la

15 Bosnie-Herzégovine. Il est venu un jour me trouver. D'ailleurs, jusqu'à

16 aujourd'hui je ne sais pas comment il s'appelait. Il m'a amené un poste de

17 radio transmetteur pour que je puisse communiquer. Cela s'est passé pendant

18 deux jours, pas plus que cela. Mais je j'ai pas eu d'autres contacts. Je

19 n'étais en contact avec personne d'autre. M. Kukanjac est resté à Sarajevo.

20 Il était en contact par l'entremise de JuTel et d'autres, mais je ne

21 pouvais pas établir de communication avec lui parce que je me trouvais dans

22 un endroit différent. Je ne me souviens pas avoir eu d'autres réunions.

23 Pour ce qui est de toutes les personnes qui sont mentionnées ici, je n'ai

24 eu aucun contact avec elles. Je n'ai pas eu de contact par l'entremise de

25 la procédure mentionnée.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, est-ce que vous en avez

27 terminé avec ce document ?

28 M. STEWART : [interprétation] Non, je n'ai pas terminé, Monsieur le

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1 Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

3 M. STEWART : [interprétation]

4 Q. A votre connaissance, est-ce que le général Mladic a pu apporter sa

5 contribution aux discussions, aux décisions de ce groupe, de ce groupe qui

6 est réuni le 15 avril ?

7 R. Non, non, absolument pas. Mais en fait, je ne le savais même pas --

8 non, ce n'est pas que je ne le savais même pas, mais je ne pensais jamais à

9 lui.

10 Q. Puis, il y a un certain nombre de conclusions. Vous voyez, cela a fait

11 l'objet d'un titre. Il est indiqué : "Les éléments suivants ont également

12 fait l'objet de conclusions." Vous voyez cela ?

13 R. Oui, oui.

14 Q. Il y a un certain nombre d'éléments qui sont avancés, consignés, et si

15 vous voyez, sept ou huit lignes vers le bas, il est indiqué : "De notifier

16 tous les dirigeants politiques des districts autonomes serbes ainsi que les

17 dirigeants des républiques de la Serbie-et-Monténégro que la coopération et

18 les autres contacts entre eux, devront être menés à bien ou effectués par

19 le truchement des organes officiel de la République serbe de Bosnie-

20 Herzégovine."

21 Donc, en ce qui vous concerne, Monsieur Krajisnik, est-ce qu'il

22 s'agissait de quelque chose d'officiel ou est-ce qu'il s'agissait en fait

23 d'une mesure donc officielle ou d'une mesure qui avait des répercussions

24 pratiques importantes ?

25 R. Je ne sais vraiment pas comment cela a été traduit. Mais il est indiqué

26 qu'il faut envoyer une requête, alors je n'ai pas trouvé -- maintenant je

27 le vois, je le vois tout à fait. "Lancé un appel au public à la Yougoslavie,

28 ainsi qu'à la communauté internationale des Nations Unies." C'est cela ?

Page 23939

1 Non, non, cela y est maintenant, je l'ai trouvé.

2 Ecoutez je ne me souviens pas de tous les détails, mais je connais

3 les raisons.

4 Puis-je poursuivre ? Toutes les municipalités, chaque municipalité,

5 chaque région autonome, essayaient d'obtenir une assistance ou une aide de

6 façon autonome. Ils prenaient contact avec les autorités en Serbie.

7 Personne n'a donné à la direction de la République serbe de la Bosnie-

8 Herzégovine un véritable rôle sérieux. Alors, maintenant pour lancer un

9 appel, parce qu'il y avait d'ailleurs été proclamé qu'il s'était enfuit

10 quelque part et qu'il n'existait pas.

11 Alors, lorsque j'ai dit qu'il n'y avait pas de Conseil de sécurité

12 national, M. Karadzic était censé parler, intervenir, intervenir en tant

13 que le dirigeant, mais nous ne voulions pas dire qu'il était le président

14 du parti, parce qu'alors d'aucun aurait dit qu'il s'agissait d'une guerre

15 menée par le SDS. Donc, ce qui était dit à ce moment-là, c'est qu'il

16 devrait y avoir un gouvernement qui n'était pas là et qui n'était pas

17 complet. Et qu'il devrait y avoir un Conseil de la sécurité nationale parce

18 que le parti avait l'habitude d'avoir un document intitulé, "Conseil de la

19 sécurité nationale". Donc, il était le président de ce conseil. Mais ce

20 Conseil de la sécurité nationale n'avait jamais été constitué en fait. Nous

21 étions censés prétendre, faire comme s'il y avait une sorte d'autorité

22 conjointe et qu'il y avait cette autorité qui interviendrait et qu'il

23 faudrait que le contact passe par nous, et pour que les différentes

24 municipalités ne se comportent pas comme si elles étaient toutes un Etat à

25 part entier. Après tout, c'est le besoin qui les forçait à faire cela. Mais

26 par ailleurs, ils le faisaient également.

27 Q. Donc, il est dit que : "Le membre de la présidence, le professeur

28 Biljana Plavsic est autorisé à représenter la République serbe de la

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1 Bosnie-Herzégovine lors de contact avec les Nations Unies, et ce, à propos

2 de la nouvelle situation qui se dessine". Est-ce que cela c'est

3 véritablement passé ? Est-ce qu'elle a véritablement assumé ce rôle dans la

4 pratique ?

5 R. Mme Plavsic était à Sarajevo à ce moment-là. Elle était chez elle, dans

6 son appartement. Cela a été annoncé publiquement à cette réunion, et

7 ensuite, elle a pris contact avec les Nations Unies et des informations ont

8 été fournies à propos de ce que faisait Mme Plavsic, à savoir qu'elle

9 prenait contact avec les Nations Unies, et il a été dit que cet organe

10 l'avait autorisé à prendre contact avec les Nations Unies. En fait, c'était

11 en quelque sorte, une déclaration en vertu de laquelle elle avait été

12 autorisée à le faire au nom de la République serbe, parce qu'il ne faut

13 oublier que tous les deux avaient démissionné de la présidence de la

14 Bosnie-Herzégovine, à savoir, Mme Plavsic et M. Koljevic.

15 Q. Est-ce que Mme Plavsic a établi le lien avec vous ou a pris un contact

16 avec vous ou vous a consulté à propos de cette mission avec les Nations

17 Unies ?

18 R. Absolument pas, elle était isolée, elle était chez elle dans son

19 appartement. Et d'ailleurs, nous étions préoccupés pour sa sécurité. Et ce

20 M. Doyle a quand même fait beaucoup de choses. Pour qu'elle ne soit pas

21 laissée à la merci de ces bandes, de ces gangs, de ces bandes qui

22 sévissaient qui damaient le pion dans Sarajevo, à ce moment-là, il n'y

23 avait pas de contact, il y en avait un ou deux, mais pas à ce sujet.

24 Q. Alors, le professeur Koljevic--

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous poser une question, vous

26 nous avez dit que Mme Plavsic était dans son appartement à Sarajevo.

27 Combien de temps est-ce qu'elle y est restée ? Il se peut que cela ait déjà

28 été versé au dossier, mais quand est-ce qu'elle est arrivée à Pale ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai un document. Si vous vous souvenez, il y

2 avait un document, un témoin protégé qui avait témoigné, il avait été dit

3 de façon publique que le 20 avril elle a été faite prisonnière à Sarajevo,

4 et que le 22, elle est allée à Pale. En fait, c'est ce qui avait été dit

5 par l'Agence SRNA. Donc, je l'ai lu là.

6 En fait, je m'excuse, elle n'est pas restée à Pale, elle est revenue,

7 elle est allée à Znornik, à Foca, mais ce jour-là, elle s'est rendue à Pale,

8 et ce, depuis Sarajevo. D'ailleurs, je pense qu'elle est revenue à Sarajevo,

9 je n'en suis pas sûr. Mais, Mme Plavsic n'était pas à notre assemblée de

10 Banja Luka le 12 mai. Cela je m'en souviens.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ce que je voulais savoir,

12 c'était combien de temps a perduré cette situation d'isolement dans son

13 appartement à Sarajevo, et maintenant c'est clair. Poursuivez.

14 M. STEWART : [interprétation] J'ai encore une ou deux questions.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites donc, poursuivez, mais

16 n'oubliez pas qu'il est déjà 19 heures.

17 Monsieur Krajisnik, nous allons donc lever l'audience. Je vais à

18 nouveau vous répéter les instructions d'ailleurs, je suppose que vous

19 pouvez les dire vous-mêmes, instructions qui consistent à ne parler de

20 votre déposition à personne. Nous nous retrouverons demain à 14 heures 15,

21 et comme je vous l'ai déjà annoncé, il y a de très fortes chances que nous

22 finissions plus tôt demain.

23 M. STEWART : [interprétation] Quand est-ce que nous allons savoir si

24 cette forte chance se concrétisera ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a certaines choses qui ne

26 peuvent pas être planifiées. Il se peut que nous le saurons à 15 heures, 16

27 heures, 9 heures du matin, je n'en sais absolument rien. Tout à fait

28 imprévisible.

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1 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, et nous allons lever

3 l'audience jusqu'à demain. Nous nous retrouverons dans cette salle

4 d'audience.

5 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le vendredi 12

6 mai 2006, à 14 heures 15.

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