Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 29 août 2006

2 [Réquisitoire]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 23.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous. Monsieur le Greffier,

7 pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît ?

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-00-39-

9 T. Le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Avant de

11 commencer, la Chambre sait bien que l'Accusation veut utiliser tout son

12 temps et tout le temps qui lui est dévolu, donc elle voudrait que l'on

13 commence rapidement. On a commencé avec un peu de retard à cause du retard

14 qu'a pris l'affaire Martic ce matin, mais j'ai besoin encore de quelques

15 minutes, Monsieur Harmon, malheureusement, pour rendre une décision sur la

16 requête de la Défense à propos de l'exclusion des annexes A jusqu'à D du

17 mémoire en clôture.

18 Le 25 août 2006, la Défense a déposé une demande aux fins d'exclure

19 les annexes A à D du mémoire en clôture de l'Accusation parce qu'elles

20 contenaient des arguments de faits et ne respectaient pas le paragraphe

21 (C)6 de la direction pratique sur la longueur des mémoires et des requêtes

22 du 16 septembre 2005. La Défense considère que ces annexes sont sujettes à

23 controverse parce qu'elles contiennent des résumés de preuves données lors

24 du procès et ne font référence qu'à des preuves à charge. Ces preuves,

25 selon la Défense, ne sont pas objectives et pour cette raison ne peuvent

26 pas être, et je cite, "non controversées", comme cela est demandé par la

27 directive pratique.

28 La Défense considère aussi que l'affirmation de l'Accusation comme

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1 quoi les annexes contiennent des "références" n'est correcte qu'en ce qui

2 concerne les notes de pied de page, et non pas en ce qui concerne le texte

3 en tant que tel. La Défense demande que l'on n'autorise pas l'Accusation à

4 utiliser ces annexes, qu'elle n'ait pas le droit d'y faire référence lors

5 de son réquisitoire, que ces annexes soient éliminées du compte rendu, et

6 que la Chambre de première instance fasse en sorte que ces annexes ne

7 soient jamais utilisées.

8 Le 26 [comme interprété] août 2006, l'Accusation a déposé une réponse

9 s'opposant à cette requête. Selon l'Accusation, les annexes A à D sont tout

10 à fait dans le cadre de ce qui est autorisé par la directive pratique

11 puisqu'elles contiennent des "références" à des pages du compte rendu et à

12 des pièces, accompagnées par des informations "des informations brèves,

13 contextuelles et non controversées."

14 L'Accusation considère aussi qu'une partie n'a pas besoin de

15 présenter des matériels qui se basent sur les pièces portées par l'autre

16 camp. L'Accusation considère que ces annexes peuvent tout à fait étayer

17 leur affaire.

18 La Chambre observe que le paragraphe (C)6 de la directive pratique

19 autorise l'utilisation d'annexes présentées, et je cite : "des références,

20 des matériaux source, des éléments venant du compte rendu, des pièces et

21 d'autre matériel pertinent mais non controversé." De ce fait, cela permet

22 énormément de discrétion aux deux parties en ce qui concerne ce qui peut-

23 être ou non inclu dans les annexes des mémoires en clôture. Cette

24 discrétion, néanmoins, n'est pas sans limite, et deux critères doivent être

25 respectés : tout d'abord, le matériel présenté dans les annexes doit être

26 pertinent; ensuite, il ne doit contenir aucun argument factuel ou

27 juridique.

28 L'utilisation d'annexes dans les mémoires en clôture est un exercice

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1 utile, car cela permet d'aider les parties, d'aider la Chambre à déterminer

2 les choses en n'ayant pas à respecter la limite de nombre de mots.

3 L'approche de la Chambre sera donc très pragmatique. Un mémoire en clôture

4 ne doit présenter qu'un côté de l'affaire. Il serait illogique d'insister

5 que la partie qui présente ses arguments ne puisse déposer d'annexes que si

6 son mémoire en clôture énumère aussi les preuves de l'autre partie. Le fait

7 que l'Accusation ait utilisée dans ses annexes des pièces qui sont

8 uniquement à charge ne les rend pas controversées, donc ne violent pas le

9 paragraphe (C)6 de la directive pratique.

10 De plus, dans les cas comme celui-ci où la Chambre doit traiter de

11 crimes allégués, toute tentative d'associer des allégations chronologiques

12 par rapport aux pièces qui ont été admises au dossier demandera, bien sûr,

13 un peu d'interprétation. La directive pratique doit être interprétée de

14 façon à ce que cette pratique soit a minima et que les références au

15 matériel source soient aussi objectives que possible. Il est évident qu'il

16 y aura quand même une interprétation nécessaire dans un cas comme celui-ci

17 où il est allégué que l'accusé est un supérieur hiérarchique qui est très

18 éloigné des auteurs des crimes sur le terrain. La Défense n'accepte pas que

19 les annexes soient utilisées uniquement comme pieds de page pour ce qui est

20 des allégations.

21 On pourrait, bien sûr, concevoir des annexes où il n'y aurait que des

22 références de pages, références à la documentation de base. Mais ces

23 documents ne serviraient à rien et ne seraient pas utilisables. Donc, il

24 existe de bonnes raisons pour que la Chambre accepte le fait que de telles

25 annexes ne soient pas pratiques.

26 La Chambre remarque que ce n'est pas la première fois que le mémoire

27 en clôture de l'Accusation est présenté avec ce type d'annexes qui reprend

28 des résumés de preuve. Par exemple, dans le Procureur contre Brdjanin,

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1 l'Accusation a attachée une annexe de 70 pages à son mémoire en clôture

2 pour reprendre la chronologie des faits. Cette chronologie incluait la

3 description des crimes allégués ainsi que les pièces étayant les pièces à

4 charge de l'Accusation et des preuves. Une annexe encore plus longue de

5 même type a été présentée dans le Procureur contre Kvocka et consorts et a

6 été accepté par la Chambre de première instance.

7 La Chambre a étudié différents passages des annexes de l'Accusation afin

8 d'étudier dans quelle mesure, le cas échéant, ce texte contenu reflète

9 objectivement le contenu des matériels sources qui sont cités. La Chambre a

10 remarqué que le texte des annexes reflète les passages référencés du

11 matériel source dans la mesure du possible. La Chambre remarque que sans le

12 texte tel qu'il est, qui fournit un lien entre les références et les

13 tableaux, les annexes ne serviraient qu'à induire en erreur et à donner

14 trop de doutes pour ce qui est de la référence en tant que telle.

15 De ce fait, la requête de l'Accusation est rejetée dans la mesure où

16 le texte comprend les annexes A et D qui contiennent des éléments

17 permettant d'interpréter les preuves. Cet aspect interprétatif sera ignoré

18 par la Chambre qui évaluera de son propre chef les preuves qui sont citées

19 dans les notes de pied de page.

20 Ceci conclut la décision de la Chambre.

21 Monsieur Harmon, maintenant c'est à vous.

22 M. HARMON : [interprétation] Merci. Nous sommes maintenant à la fin d'un

23 très long procès. Avant de commencer notre réquisitoire, j'aimerais

24 publiquement, tout d'abord, remercier les personnes qui ont joué un rôle

25 très important dans ce procès. Tout d'abord, mes collègues, les avocats qui

26 ont participé avec moi, qui ont travaillé en coulisse et qui ont travaillé

27 aussi dans le prétoire, qui ont préparé à la fois les moyens de preuve et

28 les arguments juridiques. Nous avions aussi besoin, bien sûr, de nos

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1 équipes importantes qui nous ont énormément aidés pour les photocopies des

2 pièces par exemple, qui ont géré la présentation des pièces dans le

3 prétoire; nos assistants juridiques aussi qui ont traduit -- enfin c'est

4 plutôt les assistants linguistiques qui ont traduit des centaines de

5 documents pour nous; les enquêteurs; les analystes. Je tiens à leur rendre

6 hommage à tous et ce, publiquement.

7 J'aimerais aussi remercier M. Stewart et M. Josse, et tous les

8 membres de leur équipe, ceux qui travaillent encore et ce qui ont travaillé

9 par le passé pour leur courtoisie et leur professionnalisme qui nous a

10 permis de travailler de façon très ordonnée.

11 Je tiens aussi à remercier les personnes travaillant dans les cabines

12 aussi parce que, sans eux, tout serait impossible. En tant qu'avocats, on

13 rend leurs vies extrêmement difficiles. On parle trop vite. On dépasse

14 souvent les délais. Les interprètes doivent interpréter dans des

15 circonstances très difficiles. Ils doivent interpréter des victimes de

16 crimes dont les histoires sont horribles à entendre, et je pense qu'ils

17 s'en sortent extrêmement bien.

18 Je suis dans beaucoup de prétoire, mais ici c'est un prétoire

19 électronique, très moderne, et je tiens aussi à remercier la régie parce

20 qu'ils nous ont aussi énormément aidés, aidé les deux parties en l'espèce

21 surtout pour ceux d'entre nous qui sont totalement incompétents pour ce qui

22 est de la technologie. Cela a été vraiment un plaisir de travailler avec

23 tous ces techniciens.

24 Je tiens aussi à remercier les membres du Greffe, les sténotypistes

25 qui, de façon très efficace, ont réussi à traiter toutes les pièces que

26 nous avons présentées, à aussi produire le compte rendu, nous leur rendons

27 hommage.

28 Nous avons eu de nombreux témoins, je crois qu'il y a eu 124 témoins

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1 viva voce. La plupart d'entre eux ont été aidés par l'Unité des Victimes et

2 des Témoins qui, eux aussi, travaillent de façon très professionnelle. On

3 tient aussi à les remercier pour leur travail si efficace, parce que cela

4 permet d'aider les témoins, les témoins se sentent peut-être plus à l'aise

5 pour venir témoigner grâce à eux.

6 Nous tenons aussi à remercier les gardes pour leur efficacité.

7 Et enfin, je tiens aussi à vous remercier, Messieurs les Juges, pour

8 la courtoisie avec laquelle vous avez mené ces débats. Nous vous remercions

9 tous.

10 Maintenant, je vais vous décrire le déroulement de notre

11 réquisitoire. Tout d'abord, les présentations seront faites à la fois par

12 moi-même, M. Tieger et M. Gaynor. Nous allons diviser ces présentations, il

13 y aura certaines occasions où il nous faudra passer en audience à huis clos

14 partiel pour faire référence à des témoignages de témoins protégés.

15 Maintenant, je vais donner la parole à mon collègue, M. Tieger.

16 M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

17 Quand la communauté internationale s'est dite qu'elle allait

18 reconnaître la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat indépendant, la direction

19 des Serbes de Bosnie s'est embarquée dans un plan pour diviser de façon

20 ethnique la Bosnie par la force et pour créer un Etat serbe homogène. Il

21 leur a été impossible de réaliser cet Etat serbe pur dans la Bosnie qui

22 était si mélangée, sans éliminer par la force tous les non-Serbes même si

23 les buts territoriaux de la direction des Serbes de Bosnie étaient

24 modestes. Or, ils ne l'étaient pas, ils recherchaient de grandes parties de

25 la Bosnie y compris des zones où les Musulmans et les Croates étaient en

26 majorité. A la fin 1992, la plupart de ces personnes n'étaient plus. Ils

27 avaient été nettoyés de leurs foyers, et ce par les forces serbes de

28 Bosnie.

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1 Cette affaire a été à propos de l'un des principaux responsables de

2 tout ceci. Lors de la procédure, nous avons entendu, nous avons vu des

3 témoins, nous avons vu des documents qui ont révélé la position de cette

4 personne à la tête des structures politiques des Serbes de Bosnie par le

5 biais desquelles l'objectif qui était d'éliminer, de retirer et d'évacuer

6 les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie a été mis en œuvre.

7 Nous allons commencer par traiter, M. Harmon et moi, de certains

8 points de faits qui visiblement sont contestés. Tout d'abord, je vais

9 commencer par ce qui traite de l'objectif de l'entreprise criminelle

10 commune, donc le plan commun.

11 Comme je l'ai déjà dit, la direction des Serbes de Bosnie s'était

12 opposée à une Bosnie-Herzégovine indépendante et ils voulaient un Etat

13 serbe séparé au sein duquel des centaines de milliers de Musulmans et de

14 Croates qui étaient vus comme des ennemis historiques qui menaçaient les

15 Serbes devaient être éliminés par la force. Ils ont mis en œuvre les

16 organes et les forces nécessaires pour réaliser ce but, y compris des

17 cellules de Crise, les autorités gouvernementales parallèles, et des forces

18 armées, et ainsi a commencé la division ethnique par la force de la Bosnie,

19 et la création de zones ethniquement pures.

20 La Défense considère que les Musulmans et les Croates étaient responsables

21 de l'augmentation des tensions, et que c'étaient eux en fait qui étaient

22 menaçants. Ils considéraient que M. Krajisnik et les autres dirigeants

23 serbes voulaient la paix, que les dirigeants serbes de Bosnie ne voulaient

24 que retenir des territoires, et n'avaient absolument pas envisagé le

25 déplacement involontaire de Musulmans et de Croates. La Défense considère

26 et affirme que les mouvements de population, qui ont eu lieu par la suite,

27 n'étaient en fait qu'une conséquence de la guerre, et que les déplacements

28 forcés n'ont pas été le résultat d'efforts de la direction des Serbes de

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1 Bosnie, et n'ont pas été effectués en toute connaissance par M. Krajisnik.

2 Or, il est évident que les Musulmans et les Croates ont voulu

3 l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, et que les Serbes de Bosnie en

4 revanche, y étaient opposés. Dire que les Musulmans voulaient y arriver par

5 le biais d'une campagne militaire et que les Serbes ne se sont armés que

6 pour se défendre, c'est attaquer le problème à l'envers. La menace posée

7 par les Musulmans et les Croates, c'était la victoire de l'indépendance.

8 Les arguments de la Défense laissaient en fait de réduire les frontières

9 entre l'action politique et la violence physique reflétées par certains

10 commentaires. Voyez, par exemple, les références de M. Karadzic à la

11 violence "constitutionnelle," ou son observation que "la violence contre le

12 peuple serbe s'appelle la démocratie." C'est à la 4e session de

13 l'assemblée.

14 La réalité, c'est que comme l'a dit Goran Zekic à l'assemblée de la

15 8e session, le 25 février 1992, quand il comparait la situation de la

16 Deuxième Guerre mondiale et le refus des Serbes a être sujets, il disait :

17 "Personne ne nous menace avec des armes, mais nous avons déjà accepté un

18 certain degré de subordination."

19 Pour ce qui est de désirer la paix, les dirigeants serbes de Bosnie,

20 et M. Krajisnik en particulier, n'étaient pas préparés à accepter la

21 défaite politique représentée par une Bosnie indépendante. Dans ses

22 remarques qui ont été enregistrés lors du Club des députés du 28 février,

23 après avoir dit aux députés le 28 février que les Musulmans voulaient un

24 Etat islamique, M. Krajisnik a dit aux députés que ceci n'arriverait pas.

25 Au lieu de cela, lui avec d'autres dirigeants viendraient les voir, et

26 leurs diraient : "Messieurs, il est temps de mettre ses bandes molletières,

27 parce qu'on va devoir se défendre." D'autres références du même type par M.

28 Krajisnik peuvent être trouvées dans le mémoire en clôture, avec référence

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1 à, et je cite : "Ce que nous avons fait pendant des siècles, nous allons

2 regagner nos propres territoires et ce, par la force," ou, "Vous savez

3 exactement ce qu'a toujours été notre profession. Nous avons toujours été

4 là pour faire la guerre." Cela vient de la 8e assemblée.

5 M. Krajisnik a demandé à la Chambre d'ignorer la signification simple de

6 ces mots en affirmant qu'il était en train de dissuader les députés, en les

7 rappelant des conséquences tragiques de la guerre. Cette affirmation est

8 tout à fait erronée. Le thème récurant de toutes les assemblées, c'est que

9 les Serbes avaient toujours gagné la guerre, mais avaient toujours perdu la

10 paix. Comme nous l'avons vu, cette fois-ci, M. Krajisnik et le Dr Karadzic

11 ont fait de leur mieux, et tout ce qui était impossible, pour s'assurer que

12 cette fois-ci, ils ne perdraient pas la guerre, et surtout qu'ils ne

13 perdraient pas la paix.

14 L'affirmation de la Défense comme quoi les dirigeants serbes de Bosnie

15 voulaient uniquement "conserver" des territoires fait écho à ce qu'a dit M.

16 Krajisnik, selon lequel les Serbes de Bosnie ne voulaient conserver que les

17 territoires où ils étaient déjà en majorité, tel que c'est reflété par les

18 cartes présentées par les Serbes de Bosnie au cours des discussions

19 Cutileiro.

20 C'était faux. En premier lieu, M. Krajisnik lui-même a reconnu lors de sa

21 déposition qu'il était "impossible de diviser la Bosnie-Herzégovine en

22 territoires ethniques clairement définis, des zones où une communauté

23 ethnique constituerait une majorité claire."

24 Pour formuler les choses autrement, dans le cadre des aspirations

25 territoriales serbes, il était impossible de procéder à une division de la

26 Bosnie, sur une base ethnique, sans utiliser la force, comme l'ambassadeur

27 Okun et d'autres témoins l'ont expliqué. Les négociations dont M. Krajisnik

28 nous a parlé de façon aussi complète n'ont pas identifié la portée des

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1 ambitions territoriales des Serbes de Bosnie. Le 18 mars, lorsqu'un député

2 s'est plaint parce que Prijedor ne figurait pas dans les territoires serbes

3 sur une carte qu'il venait d'examiner, M. Krajisnik l'a rapidement rassuré,

4 et lui a dit : "Je vous en prie, ne prenons pas les cartes trop au

5 sérieux." Nous ne devons pas oublier non plus que M. Krajisnik a également

6 affirmé, de façon erronée, qu'une carte de division territoriale faisait

7 partie de l'accord du 18 mars, sur le principe même si l'accord ne

8 contenait en annexe qu'une carte montrant la répartition démographique

9 existante des municipalités.

10 Les négociations s'inscrivaient dans le cadre d'un processus pour les

11 Serbes de Bosnie. Les objectifs ultimes devaient rester secrets, c'est ce

12 que M. Karadzic a affirmé aux députés à cette session. Lorsque l'attention

13 du monde ne sera plus concentrée sur eux, tout sera possible, même la

14 modification des frontières. Dans l'intervalle, ils devaient faire en sorte

15 que les frontières internes aillent aussi loin que possible. Une fois que

16 les négociations ont échoué, et une fois que le conflit a éclaté, cette

17 approche progressive n'était plus dans leur intérêt, et les aspirations

18 territoriales des Serbes de Bosnie ont pu être explorées de façon directe.

19 La région de la Drina, pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de

20 frontière entre l'Etat serbe de Bosnie et la Serbie, ce qui constituerait,

21 dans la bouche même de M. Krajisnik, dans un entretien à Srpsko

22 Oslobodjenje, l'épine dorsal du peuple serbe. Il faut mentionner par

23 ailleurs le couloir liant la Krajina et la Semberija, le territoire allant

24 jusqu'à l'Una, et cetera.

25 Il ne s'agissait pas de territoires conservés, mais comme l'ont affirmé à

26 maintes reprises les dirigeants politiques et militaires des Serbes de

27 Bosnie, il s'agissait de territoires "libérés" ou "conquis." Comme M.

28 Karadzic l'a affirmé lors de la 17e assemblée au mois de juillet 1992, je

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1 cite : "Nous avons libéré pratiquement tout ce qui nous revenait," ou comme

2 M. Krajisnik l'a dit à la 36e assemblée : "Au début de la guerre, les

3 Serbes ont uni leurs forces pour arriver à la libération de zones ethnique

4 serbes."

5 Messieurs les Juges, contrairement à la carte qui a été montrée par M.

6 Krajisnik pendant sa déposition, qui aurait voulu que les Serbes ne

7 souhaitent obtenir que cette zone modeste qui se situe dans des zones à

8 population musulmane, voilà la carte qui montre l'étendue des conquêtes

9 serbes. Il s'agit là d'une carte que nous avons pu voir lors d'une vidéo où

10 M. Krajisnik est intervenu.

11 Cette carte, Messieurs les Juges, montre quels sont les territoires qui ont

12 été conquis ou libérés par les forces serbes. Je vais vous montrer une

13 autre carte avant de passer à ce que M. Krajisnik a dit à l'époque. Voilà

14 une autre carte et voilà très rapidement une carte des municipalités

15 concernées. Je vous demanderais d'examiner plus précisément la région de la

16 Bosnie orientale. Voilà un certain nombre des municipalités, Messieurs les

17 Juges, qui sont concernées, et vous voyez quelle est la répartition

18 ethnique et démographique dans ces municipalités, y compris celles de

19 Visegrad, Rogatica, Zvornik, Vlasenica, ainsi que Bratunac. Et pourtant,

20 lorsque M. Krajisnik a expliqué cette carte au public serbe, à la

21 télévision, il a dit, je cite : "Je ne peux que vous dire que ce que l'on a

22 affirmé, à savoir que nous détenions les territoires peuplés par d'autres

23 communautés nationales et ethniques, n'est pas vrai."

24 Techniquement, c'était vrai car les Musulmans ne s'y trouvaient plus

25 comme M. Karadzic l'a expliqué lors de la 53e Session. Je cite : "Nous nous

26 sommes emparés d'un certain nombre de villes pour nous où nous ne

27 représentions que 30 % de la population, et je ne souhaite pas que cela

28 soit répété, mais souvenez-vous combien nous étions à Bratunac, à

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1 Srebrenica, à Visegrad, à Rogatica, à Vlasenica, Zvornik, et cetera. Etant

2 donné leur importance stratégique, nous devions nous en emparer, et

3 personne ne remet plus cela en question." 53e Assemblée, mois d'août.

4 Comme M. Karadzic l'a expliqué aux députés le 28 février, il s'agissait là

5 essentiellement d'un conflit ethnique qui exigeait une réinstallation et il

6 a affirmé : "Les Musulmans ne peuvent pas continuer à vivre avec les

7 autres. Nous devons être clairs sur ce point."

8 Comme le témoin de la Défense, Kasagic, l'a reconnu, cela voulait

9 dire que la population musulmane devait passer en dessous d'un certain

10 seuil, et il a cité le chiffre de 5 %. Une fois que M. Karadzic a dit aux

11 députés que les Musulmans ne pouvaient continuer à cohabiter avec les

12 autres, M. Krajisnik leur a dit, je cite : "Croyez-moi, tout ce que nous

13 faisons au sein de ce parlement, et tout ce que je fais à titre personnel,

14 je le fais exclusivement en vue d'arriver à des zones pures."

15 Ces zones pures n'ont pas été créées par les conséquences théoriques et

16 inévitables de mouvements de population en temps de guerre, tel que

17 l'affirme la Défense, cela a résulté des efforts militaires des Serbes de

18 Bosnie. C'est la raison pour laquelle, lorsque M. Krajisnik et M. Karadzic

19 ont négocié pour exiger que ces territoires, qui avaient été conquis par

20 les Serbes, restent en Republika Srpska, Mladic a dit avec fierté à

21 l'assemblée, je cite : "Je dois dire à notre délégation, à laquelle

22 j'aimerais rendre hommage ainsi qu'à notre président, qu'ils ont un certain

23 nombre d'atouts particulièrement intéressants. Ils avaient un certain

24 nombre d'atouts particulièrement intéressants en main, à savoir les

25 résultats militaires."

26 Messieurs les Juges, j'aimerais maintenant passer à la question de la

27 direction et des dirigeants. La division ethnique de la Bosnie par la force

28 exigeait une action concertée. Les dirigeants serbes de Bosnie, comme cela

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1 est décrit dans le mémoire, ont constitué les organes et les forces

2 nécessaires pour y parvenir : des assemblées, des cellules de Crise, le

3 Conseil des ministres, police, gouvernement, NSC, présidence, armée, et

4 cetera. Ces organes faisaient partie d'une structure hiérarchique qui a mis

5 en œuvre une politique de séparation ethnique forcée. On trouvait au sommet

6 de cette structure de direction qui, dans des positions d'autorités

7 formelles, qui faisaient écho au pouvoir de facto, M. Karadzic et M.

8 Krajisnik.

9 Au début de la présentation des moyens de preuve, la Défense a contesté le

10 caractère de dirigeant de M. Krajisnik. Or, cette position a perdu du

11 terrain car des éléments nombreux ont été avancés pour prouver que M.

12 Krajisnik était impliqué au plus haut niveau de la structure dirigeante; il

13 était donc présent au sein de la structure dirigeante. La Défense reconnaît

14 que M. Krajisnik était un dirigeant mais il affirme qu'il n'exerçait pas de

15 contrôle car la présidence élargie n'existait pas, que le Conseil de

16 sécurité nationale n'était pas un organe légal et que ses autres positions

17 n'étaient pas suffisantes pour le rendre pénalement responsable.

18 J'aimerais à présent passer à cette question de la présidence élargie de la

19 présidence de Guerre. L'on n'a jamais contesté que l'état de guerre n'ait

20 pas été formellement déclaré. Cependant, il faut savoir s'il y a une source

21 de contrôle de jure. Comme la Défense le reconnaît dans son mémoire, le

22 contrôle de jure fait référence à un pouvoir qui provient d'un certain

23 nombre de positions. Il existe des faits nombreux qui montrent que la

24 présidence de Guerre ou que la présidence élargie a existé. D'abord, les

25 comptes rendus de la présidence élargie, eux-mêmes, qui montrent son

26 existence et qui montrent que M. Krajisnik y appartenait. Il y est fait

27 référence à plusieurs reprises et il y a également des documents de la

28 présidence qu'il a signés. Il disposait de responsabilités de la présidence

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1 ainsi que la décision de la présidence sur la formation des comités de

2 guerre du 10 juin 1992, qui fait référence à trois reprises, de façon

3 explicite à "la présidence de Guerre de la république."

4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais passer à huis clos

5 partiel.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.

7 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

8 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

10 M. TIEGER : [interprétation] La Défense souhaite savoir s'il y aura

11 aucun élément visuel qui risque de porter atteinte --

12 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE JUGE

13 ORIE : [interprétation] On m'informe du fait que le son risque tout de même

14 de traverser la vitre. Par conséquent, il faudrait évacuer la galerie du

15 public avant que nous ne poursuivions. M. LE GREFFIER : [interprétation]

16 Nous sommes à huis clos partiel.

17 [Audience à huis clos partiel]

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

22 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

23 M. TIEGER : [interprétation] La Défense affirme également que le caractère

24 non fiable des comptes rendus ressort de la liste le fait que M. Trbojevic

25 est cité comme étant membre de la présidence sur le compte rendu de la 27e

26 Session. Comme quoi il s'agit là d'une erreur de traduction qui a été

27 corrigée devant les Juges de la Chambre par M. Treanor dans sa déposition

28 et dans la traduction exacte, cela a été rétabli.

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1 En outre, le mémoire de la Défense ignore le fait que l'on fait référence

2 dans le même temps à l'existence de la guerre, de la présidence de guerre

3 ou de la présidence élargie, et que l'on fait référence de façon explicite

4 à de hauts représentants, M. Maksimovic, Djokanovic, Subotic, Trbojevic,

5 que l'on fait référence de façon implicite à M. Karadzic et Krajisnik,

6 qu'il y a eu un débat prolongé à l'assemblée quant à "l'existence" de la

7 présidence élargie, et le fait que la présidence élargie, elle-même, s'est

8 demandé s'il fallait "s'en tenir" à cet organe-là, ainsi que la déposition

9 de M. Trbojevic qui savait de Djeric qu'une présidence élargie avait été

10 constituée et de M. Djokanovic, qui affirme qu'elle composait un certain

11 nombre de membres, Djeric et Plavsic.

12 La Défense affirme que M. Djeric n'a pas dit que la présidence de guerre

13 existait ou qu'il ait été membre, qu'il a dit, qu'en réalité, elle ne

14 fonctionnait pas. En fait, Djeric a dit de façon expresse que M. Krajisnik,

15 "était membre de la présidence du fait qu'il était président du parlement.

16 C'est pourquoi il était membre de cet organe, tout comme j'y ai participé

17 en qualité de premier ministre."

18 Il a dit clairement ce qu'il entendait lorsqu'il disait que la

19 présidence ne fonctionnait pas. Il a dit tout d'abord qu'il pensait que

20 Plavsic et Koljevic auraient du présider les réunions. Ensuite, il a dit

21 que M. Krajisnik n'a jamais été en désaccord avec

22 M. Karadzic, et dans la plupart des cas, Koljevic se rangeait "de leur

23 côté, du côté de ces deux personnes."

24 Mme Plavsic a dit essentiellement la même chose, à savoir "qu'à

25 maintes reprises, la présidence ne fonctionnait pas de façon appropriée,

26 que c'était un gaspillage d'argent et qu'il y avait deux personnes qui

27 décidaient tout, M. Karadzic et M. Krajisnik."

28 La Défense affirme que Mme Plavsic n'a pas fourni d'élément utile

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1 concernant l'existence de la présidence élargie ou la nature des réunions.

2 Or, cela n'est pas exact. A part la déclaration que je viens de citer, elle

3 a mentionné devant la Chambre que le titre de son ouvrage était

4 particulièrement parlant, à savoir "Mon témoignage." Elle a dit qu'elle

5 avait prononcé une déclaration solennelle.

6 Elle demande : "Qui constituait la présidence élargie ? Les membres

7 de la présidence élue, le 12 mai 1992, le président de l'assemblée et le

8 premier ministre."

9 Elle a expliqué que la présidence élargie est restée en existence

10 jusqu'au mois de décembre lorsqu'elle a été remplacée par un seul

11 président, un président unique, M. Karadzic.

12 Cet organe était le commandant suprême de l'armée et était habilité à

13 émettre des ordres à la police et exercer un contrôle sur les autorités

14 municipales. L'article 174 de la loi sur l'armée prévoit que le président

15 et le commandant suprême; des amendements à l'article 5 de la loi

16 constitutionnelle pour la mise en œuvre de la constitution du 12 mai et du

17 1er juin, ont confié ces tâches au président, et ensuite, à la présidence

18 élargie comme cela est expliqué de façon précise dans la pièce P64,

19 paragraphes 260 à 264. Comme M. Gvero, membre de l'état-major principal l'a

20 dit 19e Assemblée : "Les éléments fondamentaux sont le commandement Suprême

21 de l'armée, à savoir le président de la république en tant que commandant

22 suprême. Dans notre cas, il s'agissait de la présidence. Tous les éléments

23 de la défense et de l'armée étaient subordonnés à cette institution.

24 L'armée, c'est-à-dire nous-mêmes, nous suivions ces directives et nous

25 devions nous y conformer. Il n'y a eu aucun acte entrepris sans que l'on

26 garde cela présent à l'esprit. Il en va de même pour les actes liés à la

27 police. Le Conseil de sécurité nationale et la présidence collective

28 composée de trois personnes ont précédé la présidence de guerre composée de

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1 cinq membres."

2 Le Conseil de sécurité nationale présidé par M. Karadzic a pris un

3 certain nombre de décisions exécutives importantes à cette époque, qui,

4 ensuite, ont été formalisées par les présidents par intérim, entre autres,

5 Mme Plavsic, qui était à Sarajevo, ou par l'assemblée. La Défense affirme

6 qu'il ne s'agissait pas d'un organe légal. Cela passe sous silence un

7 certain nombre d'éléments ayant trait à la création de l'assemblée, les

8 comptes rendus officiels de son existence, les décisions, la déposition des

9 témoins qui n'ont pas suggéré et même M. Krajisnik qui a fait référence à

10 un état de menace de guerre imminente, il a reconnu que : "La discussion

11 montre que c'était le conseil qui a proposé cela."

12 Pour ce qui est de la question 9 à présent, les Juges ont posé une

13 question au sujet du conseil suprême de Défense. Je ne pense pas qu'il y

14 ait de différends entre les parties quant au fait qu'il n'existait pas

15 d'organe qui portait ce nom, mais uniquement une instance qui s'appelait

16 "commandement Suprême," qui a été créée après un débat qui se demandait

17 s'il fallait s'en tenir à la présidence élargie et qui s'est réunie pour la

18 première fois à la mi-décembre [comme interprété]. Le terme a été utilisé

19 par Mme Plavsic, comme le montre le compte rendu d'audience sur la base

20 d'une confusion. Apparemment, elle aurait confondu le commandement Suprême

21 et un organe analogue existant en Serbie-et-Monténégro, qui s'appelait

22 conseil suprême de Défense. Elle fait référence à une réunion qui s'est

23 tenue au mois de juin, et peut-être que son erreur peut s'expliquer par le

24 fait qu'un organe analogue existait en Serbie-et-Monténégro. Il s'agit là,

25 étant donné qu'elle fait référence au mois de juin, soit tout simplement

26 d'une erreur dans son souvenir, soit le fait que des personnes similaires

27 ont composé cet organe.

28 J'aimerais maintenant passer à la question des organes formels. Je dirais

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1 qu'il faut avant tout avoir présent à l'esprit le fait que ces organes

2 reflétaient le pouvoir de M. Krajisnik et qu'il était à l'origine de ce

3 pouvoir. Comme M. Trbojevic l'a dit, la mise en place de la présidence

4 élargie n'a pas modifié la répartition des pouvoirs, mais l'a simplement

5 formalisé, stabilisé. Les témoins, les uns après les autres, ont montré que

6 la direction serbe était composée de deux personnes, M. Karadzic qui était

7 considéré comme le dirigeant incontesté des Serbes de Bosnie, M. Krajisnik,

8 à savoir la personne qui le complétait, son homme de confiance

9 particulièrement organisé et méticuleux, qui détenait un pouvoir

10 considérable. Les gens étaient considérés soit comme des hommes de Radovan

11 ou des hommes de Momo. Et M. Mandic nous a dit qu'il était "proche de M.

12 Krajisnik." M. Mandic nous a parlé d'un cas éventuel où il aurait souhaité

13 obtenir la libération d'un Musulman. Il a dit : "Je me suis acquitté de cet

14 ordre. J'ai agi comme un bon soldat. J'ai exécuté cet ordre et j'ai demandé

15 à l'armée de le libérer. J'ai dit que M. Krajisnik m'avait donné l'ordre de

16 le ramener à Vrbanja et qu'il soit libéré et qu'il soit renvoyé à Sarajevo.

17 Je l'ai accompagné en personne et j'ai informé M. Krajisnik que j'avais

18 exécuté ses instructions."

19 M. Trbojevic savait qu'il ne pouvait devenir premier ministre adjoint

20 sans l'approbation de Karadzic et de Krajisnik, et qu'il était "extrêmement

21 clair" pour Prstojevic que Karadzic et Krajisnik pouvaient destituer

22 n'importe quel responsable, fonctionnaire municipal.

23 Les nombreuses conversations téléphoniques interceptées montrent

24 qu'il existait un tel lien, qu'ils prenaient des décisions, qu'ils

25 élaboraient des politiques, qu'ils sélectionnaient des collaborateurs

26 ensemble, qu'ils faisaient l'éloge l'un de l'autre et qu'ils dénigraient

27 les autres dans une connivence mutuelle. Karadzic et Krajisnik

28 constituaient une équipe particulièrement efficace. En plus de leurs

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1 positions au sommet de l'exécutif, M. Krajisnik était le président tout-

2 puissant de l'assemblée. Monsieur, nous avons entendu parler du pouvoir

3 qu'exerçait M. Krajisnik sur les députés, et également des pouvoirs qui ont

4 dérivé dans les municipalités. Comme l'un des députés l'a dit : "Le

5 président de l'assemblée,

6 M. Krajisnik, a montré qu'il contrôlait l'assemblée. M. Kupresanin, de

7 même, lorsqu'il parlait de la situation à Banja Luka, a dit qu'en cas de

8 crise, le président de la Région autonome de Krajina de cette assemblée

9 allait appeler le président du parti et le président de l'assemblée à se

10 rendre à Banja Luka, et qu'il était sûr que tout se passerait bien."

11 En plus de ses fonctions formelles, l'assemblée était un centre

12 névralgique. Les députés devaient répercuter les politiques dans les

13 municipalités où ils siégeaient au sein des cellules de Crise, et ils

14 devaient faire rapport sur ce qui se passait sur le terrain au bureau de M.

15 Krajisnik, bureau qui était constamment rempli de députés, de représentants

16 municipaux, comme nous l'avons entendu.

17 Messieurs les Juges, une autre question factuelle qui est contestée

18 apparemment sur la base de la lecture du mémoire concerne les centres de

19 détention. Les centres de détention, comme nous l'avons montré,

20 s'inséraient dans le cadre d'un système important de détention et

21 d'échange, qui a été mis en place et organisé sous la direction des

22 dirigeants serbes de Bosnie. Plusieurs milliers de civils non-serbes ont

23 fait l'objet de rafles, ont été détenus dans des conditions brutales et

24 inhumaines et ont été soit tués, soit ont été expulsés du territoire de la

25 Republika Srpska.

26 La Défense affirme que les éléments de preuve concernant la

27 connaissance de M. Krajisnik de ces centres de détention est "très

28 lacunaire", et affirme que "les réponses claires et succinctes de

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1 M. Krajisnik ont été particulièrement parlantes."

2 Au cours de sa déposition, M. Krajisnik a dit qu'il ne savait rien au

3 sujet de tels camps jusqu'au mois de juillet ou au mois d'août 1992,

4 lorsque des instructions strictes ont été données pour que l'on enquête. Il

5 a suggéré que les camps étaient secrets et que le MUP n'en avait pas

6 connaissance. Il a affirmé qu'il n'aurait jamais cautionné la détention de

7 civils, comme cela est reflété, entre autres, par l'affirmation selon

8 laquelle il n'a jamais participé à une réunion où des mesures n'aient pas

9 été prises suite à des renseignements quant à toute inconduite éventuelle.

10 Messieurs les Juges, l'une des constantes de ce dispositif, à savoir

11 l'imposition de mesures restrictives de plus en plus importantes, perte de

12 droits qui s'est terminée par des massacres, a été la création de centres

13 de détention où des civils ont été détenus dans des conditions inhumaines

14 et où les brutalités prenaient différents degrés. Tout comme le déplacement

15 forcé de Musulmans et de Croates, l'existence même de tels centres dans les

16 différentes municipalités, les unes après les autres, suffit à montrer

17 qu'il s'agissait là d'un schéma trop uniforme pour être ad hoc, mais qu'il

18 devait s'agir là d'une entreprise qui était le produit d'un esprit qui

19 avait à l'esprit toutes les municipalités. Cette conclusion inévitable est

20 confirmée par le fait que ces camps ont été mis en place, organisés et

21 dirigés par l'armée, la police et les cellules de Crise, dans le cadre de

22 leurs filières de communication et de commandement qui allaient jusqu'à la

23 présidence, et plus particulièrement à M. Karadzic et M. Krajisnik. La

24 détention de civils a été systématique. Les représentants officiels à tous

25 les niveaux connaissaient l'existence des camps, et un système d'échange au

26 niveau de la république a été mis en place dès le début pour surveiller et

27 contrôler les libérations éventuelles de civils.

28 Il s'agit là de prisonniers civils, comme nous le savons sur la base

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1 de la lettre de M. Djeric du 28 avril.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, il y un problème de

3 boutons.

4 Je vous demanderais de poursuivre, Monsieur Tieger, ou plutôt je vous

5 demanderais de poursuivre plus lentement.

6 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, deux semaines après la

7 décision en vertu de quoi l'échange des prisonniers serait géré par le

8 ministère de la Justice et que la police avait terminé ses travaux, le

9 ministre de la Justice a mis en place une Commission centrale chargée de

10 l'échange des prisonniers, un organe qui faisait partie des municipalités

11 et des régions, et au niveau du corps de l'armée qui empêchait la

12 libération de tout détenu sans qu'un ordre émane d'eux. Cette commission a

13 commencé à fonctionner dès le début. Vous vous souviendrez de 400

14 Musulmans, en mauvais état, qui sont arrivés de Bratunac. M. Tupajic nous a

15 dit que cela ne faisait qu'une partie des Musulmans qui ont été expulsés

16 par la force de Bosnie orientale. Ils y figuraient sur une liste rédigée

17 par Markovic. C'était un membre du MUP chargé de l'échange, de cette

18 Commission d'échange. Le premier ministre Djeric, vous vous en souviendrez,

19 a également coordonné ses efforts pour organiser le transport de ces

20 détenus à bord de camions envoyés par les cellules de Crise.

21 Mme Plavsic a expliqué au général Wilson que la détention d'hommes en

22 âge de porter des armes était à titre préventif, de façon à ce qu'ils ne

23 puissent pas prendre part aux combats. Ceci est clairement indiqué par

24 l'ordre donné le 6 juin par la Commission chargée des échanges. Le

25 témoignage de Mandic et l'accusé lui-même qui, dans sa déposition a dit :

26 "L'opinion générale voulait que la population, dans son ensemble, et tous

27 les gens, en réalité, c'était l'armée, et tous les groupes ethniques en

28 même temps que l'armée."

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1 Je vais vous montrer un ordre de la VRS, du commandant Andric en Bosnie

2 orientale, qui parle précisément de la même chose. Le déplacement doit être

3 organisé, et des hommes qui peuvent placer sous les drapeaux doivent, en

4 réalité, être mis dans des camps pour être échangés. En Bosnie occidentale

5 également, des milliers de Musulmans ont été rassemblés par la police et

6 l'armée, et placés dans des camps établis à Omarska, Trnopolje et d'autres

7 endroits, conformément à la décision prise par la cellule de Crise.

8 Comme les conquêtes de Serbes de Bosnie devenaient de plus en plus grandes

9 - je parle des conquêtes des régions musulmanes - les camps se

10 remplissaient davantage et posaient des problèmes de sécurité. Le 12 juin

11 1992, le général Mladic a demandé à ce que des camps soient mis en place

12 par les corps en guise de réponse. Batkovic était l'un de ces camps.

13 Manjaca était un autre camp organisé par un corps, fonctionnait déjà à ce

14 moment-là et recevait dans ses murs des Musulmans et des Croates envoyés

15 par les cellules de Crise.

16 C'était déjà à la fin du mois de mai que la communauté internationale se

17 préoccupait et a fait part de ses préoccupations à l'égard de la détention

18 des Musulmans et des civils croates.

19 Le 24 mai, soucieux de la menace de frappes aériennes par la communauté

20 internationale, le Dr Djeric a écrit une lettre qu'il a envoyée aux Etats-

21 Unis, au secrétaire d'Etat américain, en niant l'existence de tels camps.

22 L'ambassadeur Okun a également témoigné sur les préoccupations de la

23 communauté internationale sur l'existence de ces camps et sur la

24 connaissance que l'on avait de ces camps à partir du mois de juin.

25 Le 10 juin 1992, la présidence élargie, ensemble avec

26 M. Krajisnik, comme toujours, qui était présent, après avoir passé en revue

27 les reportages dans la presse étrangère, a décidé que Djeric demanderait de

28 préparer un rapport sur les détenus. Ce jour-là, Djeric a demandé au

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1 ministre de la Justice, qui était chargé de la Commission des échanges, de

2 rédiger un rapport sur les prisonniers en faisant tout particulièrement

3 attention au "traitement de la population civile."

4 Ce rapport a été reçu cinq jours plus tard, le 15 juin, comme nous avons pu

5 le constater devant cette Chambre. Ceci a donné lieu à de très grandes

6 préoccupations. Le gouvernement était soucieux de son image publique. La

7 question de l'échange des prisonniers, est-il indiqué, "est extrêmement

8 importante, complexe et délicate" et si on n'y prête pas suffisamment

9 d'attention, ceci peut avoir des conséquences néfastes pour la république.

10 Un groupe de travail, comprenant les hauts représentants du gouvernement,

11 le premier ministre, le ministre adjoint, le ministre de la Justice, le

12 ministre de l'Intérieur, le ministre de la Défense, le ministre de la

13 Santé, a été créé afin de proposer des solutions systémiques.

14 Mais le système opprimant continuait à être appliqué. D'après le

15 rapport du comité international de la Croix-Rouge à propos de Manjaca a été

16 reçu par le Dr Karadzic et envoyé à Djeric; rapport, qui faisait état de

17 l'état désastreux de la situation. Le 17 juillet, le rapport envoyé au

18 ministre de l'Intérieur, au Dr Karadzic et au Dr Djeric, dans lequel

19 Stanisic fait état du fait que "l'armée, les cellules de Crise et des

20 présidences de Guerre ont demandé à ce que l'armée rassemble ou capture

21 autant de Musulmans civils que possible" a noté qu'ils étaient détenus dans

22 des conditions dangereuses et mauvaises, et demandant simplement qu'il y

23 ait un point de clarification de quelle compétence ils relevaient. De

24 surcroît, nous avons entendu beaucoup parlé de Susica.

25 De la même façon, à la manière dont M. Krajisnik et les Serbes de

26 Bosnie accusent les politiques musulmanes de vouloir leur indépendance en

27 les forçant à conquérir et à nettoyer des parties du territoire en Bosnie

28 auxquelles ils pensaient avoir droit, les Serbes de Bosnie font porter la

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1 faute de ces terribles conditions dans les camps aux Musulmans, en

2 affirmant que c'était dû à leur refus de participer à des échanges de la

3 population. De façon incroyable, le 7 août 1992, après la découverte

4 d'Omarska, le Dr Djeric a publié un communiqué de presse en expliquant les

5 conditions qui étaient celles d'Omarska, en disant qu'elles étaient

6 mauvaises parce que l'autre côté ne souhaitait pas avoir d'échanges.

7 C'était une grande erreur. Ils étaient maltraités. Les conséquences étaient

8 graves de ce fait.

9 Il est vrai, Monsieur le Juge, que les autorités musulmanes et la

10 communauté internationale ont vu que l'échange était véritablement ce à

11 quoi il correspondait, autrement dit, il correspondait à un moyen de

12 nettoyer ethniquement le territoire de la Republika Srpska des Musulmans.

13 Nous avons entendu cela du témoin Ambassadeur Okun, et du rapport de

14 Mazowiecki. Nous avons également pu constater cela le 20 juin à la session

15 du gouvernement de Bosnie : "Si nous n'acceptons pas cet ultimatum, ces

16 gens, on pourrait leur faire beaucoup de mal. Si nous acceptons, nous

17 sommes en train de légaliser la division ethnique, ce qui procéderait à une

18 altération de la démographie en Bosnie, la création de territoires

19 ethniquement purs comme étant la condition sine qua non pour la création

20 d'un espèce d'Etat serbe en Bosnie-Herzégovine."

21 Mandic a dit à Krajisnik, le 26 juin, que Filip Vukovic avait un nom serbe,

22 qu'il était à la tête de la Commission d'échange des Musulmans et que c'est

23 lui qui avait fait cette accusation. En guise de réponse, Krajisnik a

24 simplement dit que c'était un "traître". Krajisnik a affirmé dans sa

25 déposition qu'il l'a fait parce que Mandic lui a dit que cette accusation

26 était infondée, mais qu'il lui a demandé d'identifier la partie de la

27 conversation où Mandic aurait dit que cela n'était pas vrai, simplement de

28 dire à Mandic à propos de Vukovic que "sa mère aille au diable." Il n'y

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1 avait qu'une solution à proposer, la libération immédiate pour que ces gens

2 puissent rentrer chez eux. La solution a été clairement préconisée par

3 Vukovic dans la télécopie envoyée le 26 juin 1992.

4 Pour ce qui est des affirmations répétées de Krajisnik que lui et les

5 dirigeants serbes de Bosnie ont agi vigoureusement "pour prendre les

6 mesures nécessaires de toute urgence pour punir les auteurs parce qu'ils ne

7 souhaitaient pas que ce genre de choses se produise et qu'ensuite des

8 crimes soient commis." Ceci est démenti, Madame, Messieurs les Juges, par

9 les enquêtes faussement menées suite au scandale provoqué par le camp

10 d'Omarska le 5 août 1992. L'assemblée n'a jamais parlé de la question des

11 prisonniers, malgré les demandes faites par les membres de l'assemblée. M.

12 Krajisnik, lorsque M. le Juge Hanoteau lui a posé une question, à savoir

13 qui aurait pu prendre l'initiative en tant que président de l'assemblée à

14 propos des prisonniers. M. Krajisnik a dit à la Chambre que c'était au

15 gouvernement de terminer ses enquêtes et de présenter un rapport à

16 l'assemblée. L'introduction à ce rapport est tout à fait claire. M.

17 Krajisnik devait admettre que c'était inadéquat et que le rapport du mois

18 d'août n'a pas fait état des camps en Bosnie orientale. Pour finir, M.

19 Krajisnik a simplement admis qu'il ne les avait jamais lus.

20 Messieurs les Juges, je souhaite aborder un autre point, un point de fait

21 qui est contesté, il s'agit de la question à propos de la Variante A et B

22 de ce document. Je vais maintenant donner la parole à M. Harmon, entre

23 autres choses, il va parler de la cellule de Crise qui découle de ce

24 document. Nous avons entendu beaucoup de dépositions sur le sujet et le

25 Procureur a affirmé, dès le début de la présentation de ses moyens, et a

26 établi que les dirigeants serbes de Bosnie, après avoir réussi à mettre en

27 place par la force un Etat, ils ont décidé de créer les organes nécessaires

28 par la force. Variante A et Variante B sont datées du 19 décembre 1991,

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1 c'était un plan clandestin qui avait pour but de mettre en place des

2 structures municipales, en particulier les cellules de Crise, et préparer

3 la prise de pouvoir.

4 La Défense sous-estime l'importance de ces instructions en disant qu'il y a

5 peu d'éléments de preuve à l'appui, et on n'en sait pas si ces derniers ont

6 été adoptés ou mis en œuvre. Messieurs les Juges, malgré que la Défense ait

7 tenté de minimiser l'importance de cela, nous constatons néanmoins que ceci

8 est significatif, si nous regardons les remarques du Dr Karadzic lorsqu'il

9 dit, lors de sa 46e Session : "Je vous en prie. Souvenez-vous comment nous

10 avons travaillé avant la guerre. Tout était clair. Tout était aussi clair

11 que le jour dans les municipalités, là où nous avions la majorité, et dans

12 celles où nous étions en minorité. Vous souvenez-vous des instructions A et

13 des instructions B ? Nous avons les cellules de Crise, et c'est clair qui

14 avait l'autorité. Il peut y avoir des erreurs, mais c'est toujours eux qui

15 avaient le pouvoir."

16 Il s'est souvenu de la 50e Assemblée : "Au moment où la guerre a éclaté,

17 dans les municipalités où nous avions la majorité, où nous avions le

18 pouvoir municipal, nous le tenions fermement. Nous contrôlions tout dans

19 les municipalités où nous étions en minorité. Nous avons mis en place des

20 conseils municipaux du gouvernement en secret. Vous vous en souviendrez

21 certainement, les assemblées municipales et les conseils exécutifs. Vous

22 vous souviendrez certainement des Variantes A et B."

23 Le Dr Karadzic savait fort bien quel était le rôle qu'il avait joué dans

24 les jours qui ont précédé la prise de contrôle par la force. La Défense

25 affirme qu'il y a peu d'éléments à l'appui. On ne sait pas si ces textes

26 ont été adoptés et mis en œuvre, ceux qui tentent à ignorer complètement

27 les moyens de preuve présentés dans cette affaire. A l'inverse, nous avons

28 constaté et entendu beaucoup de dépositions à propos des Variantes A et B,

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1 que ces dernières avaient été adoptées à 23 endroits : Banja Luka, Bihac,

2 Bijeljina, Bratunac, Bosanska Krupa, Bosanski Brod, Bosanski Novi, Bosanski

3 Petrovac, Centar Sarajevo, Donji Vakuf, Foca, Gorazde, Kljuc, Ilidza,

4 Livno, Novo Sarajevo, Prijedor, Rogatica, la ville de Sarajevo, Sokolac et

5 Trnovo, Tuzla et Zvornik.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, Monsieur Tieger, il

7 y a un point que je souhaite éclaircir. Je souhaite que vous vous reportiez

8 à la page 27, lignes 10 et 11. J'avais cru que vous faisiez référence à M.

9 Krajisnik, et non seulement à M. Djeric, qui a fait cette déclaration à la

10 presse. La phrase qui parlait de "peut avoir des conséquences graves" a été

11 utilisée par Krajisnik, mais pas littéralement parlant. Comment devrais-je

12 m'exprimer ? Le 15 mai, lors de l'interrogatoire principal, on lui a posé

13 une question le 14 juin dans le contre-interrogatoire et vous, dans ces

14 lignes, est-ce que vous vouliez simplement parler du communiqué de presse

15 de Djeric ou est-ce que vous avez inclu M. Karadzic également ? J'ai pu me

16 tromper, mais cela ne figure pas dans le compte rendu d'audience.

17 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir donné la

18 possibilité de faire la clarté là-dessus. Dr Djeric a présenté ce

19 communiqué de presse.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. TIEGER : [interprétation] Le 7 août, j'ai indiqué que M. Krajisnik a

22 laissé entendre que c'était la même logique au cours de sa déposition

23 devant la Chambre.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. TIEGER : [interprétation] Et que le fait qu'il n'ait pas pris part aux

26 échanges était la raison pour laquelle les civils étaient toujours détenus.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 Je vous demande de vous reporter à la page 27, lignes 8 à 11, et

Page 27289

1 voir si cela illustre bien vos propos, sinon nous pouvons le vérifier

2 pendant la pause.

3 M. TIEGER : [interprétation] Non, ce n'est pas le cas, Monsieur le

4 Président, je vous remercie d'avoir attiré mon attention là-dessus.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. TIEGER : [interprétation] Simplement pour que les choses soient claires,

7 le 7 août, le Dr Djeric a présenté un communiqué de presse en disant que

8 les conditions à Omarska étaient mauvaises, car l'autre côté ne souhaite

9 pas procéder aux échanges. Ensuite, j'ai poursuivi en disant que M.

10 Krajisnik a, plus ou moins, suggéré la même chose, et ce, dans le prétoire.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous allons vérifier l'exactitude

12 du compte rendu sur ce point.

13 Poursuivez.

14 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de d'énumérer

15 la liste des municipalités pour lesquelles nous avons des preuves de

16 l'adoption des Variantes A et B. Le Dr Karadzic a insisté sur l'importance

17 de tout ceci. Dès le départ, le Dr Karadzic et M. Krajisnik ont veillé à

18 leur mis en œuvre et ils en ont parlé dès que ceci a été diffusé, ils ont

19 réfléchi sur qui devait les mettre en œuvre. Le conseil des ministres et M.

20 Cizmovic, qui était le coordinateur régional, avec qui s'est entretenu

21 Karadzic le même jour, se sont mis d'accord pour dire que Cizmovic devrait

22 rendre visite à ces municipalités qui figuraient sur la liste et il était

23 important pour "la réalisation" de "ce qui était contenu ici." Le 16,

24 Cizmovic a renvoyé un rapport à Karadzic sur ses visites dans ces

25 différentes municipalités et a parlé de l'état d'avancement de la

26 préparation pour "mettre en œuvre le dernier niveau des instructions."

27 Cizmovic, qui avait le troisième poste le plus important au sein de

28 la Republika Srpska, a préparé un rapport pour le Dr Karadzic et M.

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1 Krajisnik à ce propos sur ses travaux. Le 26 janvier, la session de

2 l'assemblée, la 6e Session, qui était une session extraordinaire après que

3 les Musulmans aient demandé leur indépendance, Cizmovic a observé que les

4 Serbes de Bosnie, par conséquent, devaient essayer de trouver une solution

5 et traiter de la question en souffrance sur l'établissement de leur Etat,

6 il a affirmé que "les différentes tâches que nous nous sommes proposées et

7 les instructions du 19 décembre 1991, ces instructions doivent être

8 suivies."

9 Un peu plus tard, 15 jours plus tard, à une réunion du SDS, du comité

10 central et du conseil exécutif en présence des dirigeants municipaux,

11 Karadzic a activé le deuxième niveau de ces Variante A et B afin, je cite :

12 "d'intensifier le fonctionnement du gouvernement à tout prix et sur chaque

13 millimètre de notre territoire."

14 Lors de la session de l'assemblée, le lendemain, il a proposé que

15 Cizmovic fasse un tour de municipalités et décide de savoir qui était prêt

16 et qui pouvait faire appliquer ces instructions et "exercer le pouvoir sur

17 le territoire qui est le nôtre." Karadzic a proposé qu'il y ait une liste

18 permettant de vérifier tout cela, et qu'une liste de rappels soit préparée

19 par ces municipalités, et a proposé que "nous devrions nous rencontrer plus

20 tard dans la salle de conférence de Krajisnik."

21 A la date du 18 mars 1992, la session de l'assemblée à laquelle M.

22 Krajisnik a dit aux députés qu'il serait bon de commencer la mise en œuvre

23 de la division ethnique sur le terrain, Karadzic a rappelé aux membres de

24 l'assemblée que les fondations n'étaient pas encore en place. "C'est à vous

25 d'en décider quelles sont les mesures que nous devons prendre après cela.

26 Cela se passera très rapidement et mettre en place de facto ce dont nous

27 venons de parler sur la base des documents présentés."

28 Monsieur le Président, sur cela, je souhaite donner la parole à M. Harmon

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1 qui va parler des autres questions de fait contestées.

2 M. HARMON : [interprétation] Messieurs les Juges, un autre point de fait

3 qui est contesté est de savoir si M. Krajisnik avait connaissance des

4 crimes. Ils sont décrits dans l'acte d'accusation comme ayant été commis en

5 Bosnie-Herzégovine. Sa position est décrite au paragraphe 206 du mémoire de

6 la Défense où il est affirmé que : "M. Krajisnik a toujours catégoriquement

7 nié toute connaissance de ces crimes. Il est difficile parfois de connaître

8 la vérité en temps de guerre, il était tout à fait en droit d'être

9 sceptique eu égard aux rapports qu'il recevait pour essayer de rechercher

10 la vérité et de vérifier ces derniers."

11 De quel type de crimes parlons-nous ici en 1992, crimes à propos

12 desquels il prétend n'avoir eu aucune connaissance ? Les expulsions, les

13 déportations, les meurtres, les détentions de civils, les camps dans de

14 très mauvaises conditions, la destruction de lieux de culte, le pillage, la

15 destruction de villages non-serbes, de maisons. Je dois dire, M. Krajisnik,

16 si on le croit, il semble que c'eût été la seule personne qui vivait en

17 Bosnie qui ne savait pas ce qu'il se passait dans son pays.

18 En réponse à une des questions posées par M. Le Juge Canivell, il a

19 informé qu'il avait obtenu des informations, mais que la presse parlait de

20 choses qu'il savait ne pas être exactes, qu'il avait l'impression que tout

21 ceci avait été truqué, que tout était faux. La Défense affirme que

22 l'Accusation doit prouver au-delà de tout doute raisonnable que M.

23 Krajisnik a, en réalité, reçu des rapports qui avaient été vérifiés en

24 indiquant que des crimes étaient en train ou étaient sur le point d'être

25 commis.Je souhaite maintenant attirer l'attention des Juges de la Chambre

26 sur des éléments à charge qui montrent que M. Krajisnik, en 1992, a reçu

27 ces rapports qui avaient été vérifiés concernant les crimes qui figurent à

28 l'acte d'accusation.

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1 Je souhaite tout d'abord parler des sources internes d'information

2 des Serbes et de Bosnie. Le premier événement qui s'est produit est celui

3 de Bijeljina. C'était un événement dramatique qui a été pris très au

4 sérieux par l'ensemble de la nation. Une commission présidentielle, qui

5 comprenait Mme Plavsic, a été envoyée à Bijeljina. Mme Plavsic a reçu tous

6 les rapports de police sur les événements, et je crois que M. Kljuic a

7 simplement dit qu'il en savait plus que nous.

8 Le 9 mai 1992, le village de Glogova a été rasé jusqu'au sol. La

9 décision qui avait été prise aux fins de détruire le village et de le

10 nettoyer ethniquement a été sanctionnée par les autorités au niveau de la

11 république, M. Zekic, et par les autorités serbes chargées des services de

12 Sécurité. C'était la cellule de Crise qui a pris une décision officielle

13 d'attaquer le village, d'expulser sa population, de brûler le village

14 jusqu'au sol et de continuer ce type d'actes contre d'autres villages dans

15 la municipalité de Bratunac. Le lendemain, des membres, d'après nous des

16 membres qui faisaient partie de l'entreprise criminelle commune, ont

17 participé à cette attaque; des membres de la cellule de Crise, de la JNA,

18 de la Défense territoriale, de la police et des volontaires qui venaient de

19 Serbie. Ils ont rasé le village, ont tué 65 habitants musulmans de ce

20 village, et ils ont chassé les survivants et incendié le village.

21 Deux jours plus tard, vers le 11 mai 1992, M. Deronjic a été convoqué à une

22 réunion à Pale, là où d'autres membres de la cellule de Crise se sont

23 retrouvés en présence du général Mladic, Radovan Karadzic, et Velibor

24 Ostojic. C'étaient les personnes qui dirigeaient et présidaient la réunion.

25 Ils ont dit qu'ils ont placé un podium et des cartes. M. Deronjic a décrit

26 aux dirigeants de Bosnie précisément ce qu'il avait fait et comment cette

27 offensive allait se poursuivre à Bratunac. Il a été applaudi par les autres

28 représentants de la municipalité, les présidents des cellules de Crise, et

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1 M. Ostojic a fait un commentaire un disant : "Maintenant la municipalité

2 peut être dessinée en bleu."

3 Deux jours plus tard, M. Krajisnik, lors de la 16e Session de l'assemblée a

4 dit, et je cite : "J'aime bien les cartes bleues d'Ostojic." Nous faisons

5 valoir, Monsieur le Président, que M. Ostojic et M. Karadzic ont informé M.

6 Krajisnik des événements de Glogova.

7 De surcroît, entre le 14 et le 17 mai, 400 hommes qui avaient été nettoyés

8 ethniquement de Bratunac sont arrivés à Pale. Vous avez entendu Sulejman

9 Crncalo qui vient de Pale. C'est un Musulman. Il a dit que c'était un

10 Musulman de Pale. Il a témoigné. Il a dit qu'il était président de la

11 municipalité serbe de Pale, Starcevic, et ensemble, ils ont observé que 400

12 hommes, que parmi ces 400, 400 avaient des marques de passage à tabac. M.

13 Krajisnik, lui-même, a témoigné en disant qu'il savait que Deronjic avait

14 envoyé des Musulmans à Pale et, dans sa déposition, il a également dit

15 qu'il avait rencontré M. Starcevic et a parlé de la question des 400

16 Musulmans avec lui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, vous me permettez de

18 vous interrompre à la dernière phrase. En note de bas de page 1 056, vous

19 dites que cette information fait partie de la déposition de M. Deronjic, le

20 même type d'information est précisé à la note en bas de page 11 037. Vous

21 dites que c'est la déposition de M. Krajisnik. Ceci prête un petit peu à

22 confusion.

23 M. HARMON : [interprétation] Je ne l'ai pas sous les yeux. Ecoutez, je n'ai

24 pas le mémoire sous les yeux.

25 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

26 M. HARMON : [interprétation] Je vais vous clarifier cela. Ce que je vous

27 dis, c'est que les informations sur ce qui est arrivé aux personnes de

28 Glogova ont fait l'objet d'un rapport et ont été discutées lors d'une

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1 réunion à Pale à laquelle avait été convoquée M. Deronjic. Là, il a relaté

2 exactement ce qui était arrivé à la communauté musulmane de Bratunac. Comme

3 je vous le dis, s'il y a une certaine confusion au niveau des notes en bas

4 de page, je vais certainement me pencher sur la question après la pause. Il

5 peut s'agir d'une erreur qui s'est glissée dedans.

6 M. Krajisnik avait eu connaissance de cela. Divcic, un témoin, dans sa

7 déposition a dit que l'arrivée des 400 Musulmans était quelque chose dont

8 parlait toute la ville. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute que M.

9 Krajisnik était informé de ces 400 Musulmans qui avaient été nettoyés

10 ethniquement de Bratunac, et à propos de qui M. Deronjic avait présenté un

11 rapport quelques jours auparavant. M. Krajisnik a donc été informé

12 directement du fait que le village de Misoca, une localité musulmane avait

13 été nettoyée. Cela se trouve mentionné dans une conversation téléphonique

14 interceptée qui est présentée comme moyen de preuve. Le village d'Ahatovici

15 où il y a eu un massacre. C'est le frère de M. Krajisnik qui l'a tenu

16 informer des événements liés à cet événement et à ce massacre d'Ahatovici.

17 En audience à huis clos, je parlerai de la connaissance qu'avait M.

18 Krajisnik du bombardement massif de Sarajevo. J'anticipe simplement. Je ne

19 vais pas en parler maintenant. Je dis qu'il s'agit simplement en

20 anticipation de présenter un autre moyen de preuve qui indiquait clairement

21 que M. Krajisnik savait tout à fait ce qu'il se passait en Bosnie.

22 Monsieur le Président, je vais regarder la déposition de M. Dragan

23 Djokanovic qui était un commissaire de guerre. Il a témoigné le 17 juin. Il

24 a dit qu'il a tenu informé M. Krajisnik et les membres de la présidence des

25 crimes graves qui avaient été commis à Zvornik. Le 17 juillet également, le

26 même jour, le ministre de l'Intérieur, Mico Stanisic, a présenté un rapport

27 au président de la présidence dans lequel il informe, je cite : "Les

28 cellules de Crise de l'armée et les présidences de Guerre ont demandé à ce

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1 que l'armée rassemble ou capture un bon nombre de civils musulmans…" et

2 décrit les conditions dans les camps comme étant mauvaises et n'étaient pas

3 conformes aux normes internationales.

4 Mme Plavsic a parlé de Batko qui était un criminel notoire. Elle a dit que

5 son comportement avait été porté à l'attention de M. Krajisnik, Mandic et

6 d'autres. Ils se sont montrés indifférents. M. Kasagic a confirmé qu'il

7 avait appris de l'expulsion forcée des Musulmans et des Croates lors des

8 sessions de l'assemblée et que tous les membres de l'assemblée étaient au

9 courant.

10 M. Karadzic a été informé de façon répétée des crimes commis en Bosnie,

11 étant donné les rapports étroits qui existaient entre M. Krajisnik et lui.

12 C'est inimaginable de croire que ces crimes n'ont pas fait l'objet d'une

13 discussion lors de leurs échanges quotidiens.

14 Pour finir, M. Krajisnik a eu l'occasion de traverser la Bosnie et a pu

15 voir les conséquences directes de ce nettoyage ethnique qui avait été fait

16 en 1992.

17 Si nous regardons, Monsieur le Président, les sources externes, penchons-

18 nous sur la déposition d'un témoin qui vient d'une organisation

19 internationale qui a donné des éléments bien précis à MM. Krajisnik,

20 Koljevic et Karadzic sur le nettoyage de Zvornik. M. Okun a témoigné en

21 disant que des plaintes fréquentes et répétées ont été faites lors des

22 négociations internationales auprès de Krajisnik et d'autres à propos des

23 types de crimes dont on parle ici, et ces crimes n'ont jamais été niés. Le

24 comité de la Croix-Rouge a aussi fait des rapports directs à M. Krajisnik

25 et à d'autres à propos de ces crimes, les médias aussi, les médias auxquels

26 avait accès M. Krajisnik. On a entendu cela de la part de M. Ostojic, et

27 dans les médias il y avait des rapports sur ces crimes. Tadeuz Mazoiecski,

28 l'ex-premier ministre de la Pologne, a préparé quatre rapports pour les

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1 Nations Unies dans lesquels il a décrit les crimes commis par toutes les

2 parties. Il a décrit le nettoyage ethnique. Il a décrit les

3 caractéristiques du nettoyage ethnique. Il a décrit ce que cela signifiait

4 en pratique.

5 Il est intéressant de remarquer que M. Krajisnik - cela, on le sait

6 suite aux moyens de preuve - dit que M. Mazoiecski avait été acheté, que

7 ces rapports n'étaient pas crédibles, n'étaient pas honnêtes. Or, les

8 rapports de Mazoiecski portent les mêmes identifications que ceux de M.

9 Stanisic, donc ils contiennent le fait que les civils étaient rassemblés

10 dans des camps, que les conditions étaient épouvantables.

11 En fait, les affirmations de M. Krajisnik comme quoi à l'époque il

12 était difficile de discerner la vérité, c'est vrai que cela pourrait être

13 vrai si on ferme les yeux, si on ferme les oreilles et si on se trouve au

14 cœur d'une entreprise criminelle. Mais nous affirmons que M. Krajisnik

15 avait reçu des rapports qui étaient crédibles et qui étaient vérifiés

16 portant sur le nettoyage ethnique. Quand il a témoigné qu'il n'était pas au

17 courant, il a menti.

18 Maintenant, j'aimerais passer au problème des cellules de Crise. C'est un

19 autre point qui est soulevé dans le mémoire de la Défense. Au paragraphe

20 408 du mémoire de la Défense, la Défense affirme qu'on ne sait pas

21 exactement où existaient ces cellules de Crise ni quand elles existaient,

22 la durée de ces cellules de Crise, qui étaient leurs membres, quels étaient

23 leurs pouvoirs, si elles étaient autonomes ou non, et quelles étaient leur

24 implication dans les crimes commis sur le terrain. Je vais parler de tout

25 cela. Je pense que la Chambre de première instance a reçu des moyens de

26 preuve à propos de ces cellules de Crise pour pratiquement toutes les

27 municipalités relevant de l'acte d'accusation, ainsi que des preuves sur

28 les présidences de Guerre dans quatre municipalités.

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1 Je ne sais pas, peut-être qu'on va partir en pause ?

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en sommes déjà à une heure 25. Vous

3 avez encore cinq minutes, puisqu'on fait normalement la pause après une

4 heure et demi d'audience.

5 M. HARMON : [interprétation] Très bien. Dans son mémoire, la Défense fait

6 quelques affirmations. Tout d'abord, disant que les cellules de Crise

7 étaient des organes spontanées, ad hoc, qui étaient créés à l'initiative de

8 personnes des municipalités. Selon M. Krajisnik, mettre en place une

9 cellule de Crise, c'était simple comme bonjour.

10 Deuxièmement, autre point du mémoire de la Défense, quand on prend en

11 compte cette nature parfaitement simpliste des cellules de Crise, il est

12 irrationnel de penser que Krajisnik savait ce que ces cellules de Crise

13 faisaient.

14 Troisièmement, il semblerait qu'il y ait rien qui puisse démontrer

15 qu'il y a un contact important ou un contrôle effectué par M. Krajisnik sur

16 ces cellules de Crise municipales.

17 Quatrièmement, --

18 Je vais prendre ces points dans l'ordre. Tout d'abord, le fait que

19 ces cellules de Crise étaient des organes parfaitement spontanées. C'était

20 peut-être spontané et ad hoc sous le régime communiste, mais les cellules

21 de Crise dont on parle ici en l'espèce, et dont on a parlé depuis deux ans,

22 ont été mises en œuvre de façon délibérée par la direction des Serbes de

23 Bosnie au travers de la Variante A et B, et c'étaient des préparations pour

24 la prise du pouvoir.

25 Les preuves montrent bien que les cellules de Crise se sont déclarées comme

26 étant la seule autorité municipale sur le terrain qui avait toutes

27 prérogatives de l'assemblée municipale. Nous savons, suite aux instructions

28 de M. Djeric sur le fonctionnement des cellules de Crise promulguées le 26

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1 avril, que les cellules de Crise explicitement devaient prendre toutes les

2 prérogatives des assemblées municipales quand celles-ci ne peuvent pas se

3 réunir. Par exemple, la décision de la présidence sur la formation de la

4 présidence de Guerre du 31 mai a déclaré que les présidences de Guerre

5 devaient réaliser et assumer toutes les fonctions de l'assemblée et des

6 organes exécutifs, ainsi que les travaux relevant des organes de l'Etat.

7 Nous avons présenté au cours de la procédure de nouveaux exemples de

8 cellules de Crise qui avaient remplacé les assemblées municipales, et qui

9 affirmaient être l'autorité municipale en place. Vous pouvez aller au

10 paragraphe 40 du rapport préparé par Mme Hanson, mais je vais vous donner

11 quelques exemples.

12 Bosanski Samac, le 30 mai 1992, la cellule de Crise a déclaré prendre

13 toutes les prérogatives de l'assemblée municipale. A Bratunac, même chose.

14 A Brcko, la présidence de Guerre a assuré tout le pouvoir de l'assemblée

15 municipale. A Hadzici, "la cellule de Crise a remplacé l'assemblée

16 municipale, et a repris toute son autorité." A Ilidza, dans une décision du

17 10 mai 1992, la décision de la cellule de Crise "doit être regardée au-delà

18 de tout doute raisonnable comme étant une décision de l'assemblée serbe de

19 la municipalité d'Ilidza." A Ilijas, la cellule de Crise a elle aussi

20 assuré toutes les responsabilités du gouvernement.

21 Je pourrais continuer à l'envie. On trouve énormément d'exemples dans le

22 rapport de Mme Hanson.

23 Mais il me semble qu'il est maintenant temps de partir en pause, donc de

24 lever la séance avant d'envisager la suite des points qui sont soulevés

25 dans le mémoire de la Défense.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous avons commencé avec un

27 peu de retard, ce n'est pas de notre faute, étant donné que l'Accusation a

28 demandé d'avoir absolument tout le temps qui lui est dévolu, nous allons

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1 prendre une courte pause jusqu'à 4 heures vingt. Merci.

2 --- L'audience est suspendue à 15 heures 55.

3 --- L'audience est reprise à 16 heures 20.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, vous pouvez poursuivre.

5 M. HARMON : [interprétation] Tout d'abord, j'ai vérifié la note de pied de

6 page 1 056. C'est le nom de Krajisnik qui devrait être inséré au lieu de

7 Deronjic.

8 J'en avais terminé avec le point portant sur la nature spontanée des

9 cellules de Crise. Nous affirmons que les cellules de Crise étaient des

10 entités planifiées et conçues dans le cadre du système créé par les Serbes

11 pour assurer l'hégémonie des Serbes de Bosnie dans leurs territoires, les

12 territoires qui devaient être conquis ou qu'ils voulaient conquérir.

13 Maintenant, pour ce qui est du point que la Défense dit qu'il est

14 impossible de croire que Krajisnik était au courant de tout ce qui se

15 passait au niveau des cellules de Crise, nous avons présenté le mémoire de

16 moyens de preuve allant à l'encontre de ceci.

17 Tout d'abord, les cellules de Crise faisaient rapport à des organes

18 dont M. Krajisnik était membre. Il avait des contacts personnels avec les

19 présidents de la cellule de Crise et savait donc ce qu'ils faisaient. Je

20 peux vous donner des exemples de cela, tout d'abord, qui sont d'ailleurs

21 mentionnés dans le rapport Hanson.

22 Le 1er avril 1992, la cellule de Crise municipale de Bijeljina fait

23 rapport au conseil principal du SDS sur la situation à

24 20 heures. Or, c'est justement le moment où Bijeljina était pris par les

25 forces serbes sous la direction de la cellule de Crise. Ce même jour, M.

26 Krajisnik a appelé la cellule de Crise de Bijeljina et a appelé le

27 président Micic et a aussi parlé à Mauzer, qui était le dirigeant des

28 paramilitaires. Le 28 avril 1992, le Conseil de la sécurité nationale, dans

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1 son compte rendu, montre bien que cet organe avait accepté un rapport sur

2 les travaux des cellules de Crise.

3 Ensuite, M. Krajisnik avait des informations à propos des cellules de

4 Crise, et ce, par le biais de la présidence. Les instructions de M. Djeric

5 -- enfin plutôt, je me reprends. Dans le témoignage de M. Djeric, on dit la

6 chose suivante : "Il s'agissait des chefs des différentes cellules de Crise

7 ou de différentes entités de différentes municipalités, individuellement,

8 et ceci, et cetera, et cetera. Ce que je veux dire, c'est qu'ils avaient

9 principalement en tête la ligne du parti, ils suivaient la ligne du parti.

10 Ils étaient toujours d'accord avec le gouvernement, ils contournaient le

11 gouvernement, ils allaient directement à la présidence."

12 Radomir Neskovic, président de la cellule de Crise de Novo Sarajevo,

13 a décrit une occasion en juin 1992 quand il a été appelé à l'hôtel Bistrik

14 à Pale avec d'autres représentants de cellules de Crise pour faire rapport

15 sur leurs travaux. M. Neskovic a d'ailleurs fait présentation orale à la

16 présidence de la présidence sur ses travaux. M. Krajisnik avait aussi

17 connaissance des cellules de Crise et de leurs activités au travers de

18 l'assemblée. Dragan Djukanovic a témoigné sur la chose suivante : "La

19 plupart des députés des assemblées du peuple étaient aussi dans leurs

20 municipalités membres des cellules de Crise et des commissions. Un grand

21 nombre d'entre eux étaient commissaires de la république dans la deuxième

22 partie de 1992."

23 Quand on examine les comptes rendus de l'assemblée, on voit que la

24 plupart des gens qui étaient députés étaient aussi impliqués dans les

25 travaux de cellules de Crise et qu'ils parlaient de ce qui se passait dans

26 leurs municipalités. Je fais référence à Trifko Radic d'Ilijas, Miroslav

27 Vjestica de Bosanska Krupa, et Milenko Vojinovic de Brcko. Ensuite, M.

28 Krajisnik avait aussi connaissance de ce qui se passait dans les cellules

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1 de Crise et de leurs activités au travers de ses contacts personnels. Le 3

2 avril 1992, nous avons un intercepte [phon] téléphonique entre M. Krajisnik

3 et Jovan Tintor, qui était le chef de la cellule de Crise du SDS de

4 Vogosca. Dans cet intercepte téléphonique, M. Krajisnik s'adresse à M.

5 Tintor comme étant son kum. Il dit, M. Tintor dit : "C'est mon devoir de

6 vous informer de ce qui se passe."

7 En réponse à une question du Juge Hanoteau, M. Prstojevic, président

8 de la cellule de Crise d'Ilidza à témoigné, et je cite : "En tant que natif

9 de Sarajevo, Krajisnik avait des préoccupations, il s'intéressait beaucoup

10 aux Serbes de Sarajevo, on pouvait aller le voir à tout moment. Sa porte

11 nous était toujours ouverte. On pouvait lui demander une entrevue, on

12 pouvait l'appeler au téléphone, on pouvait lui demander de l'aide, on

13 pouvait lui demander des conseils, et le président pouvait soit louer, soit

14 critiquer nos travaux."

15 Le 12 mai 1992, lors de la session de l'assemblée, Trifko Radic, qui

16 était président de la cellule de Crise d'Ilijas, a dit qu'il avait libéré

17 un prisonnier, et je cite : "Suite à une intervention du président de

18 l'assemblée." Il y a un exemple du pouvoir que Krajisnik avait sur un

19 président d'une cellule de Crise.

20 Lors de la 20e Session de l'assemblée, M. Radic a dit, et je cite :

21 "Les Oustacha nous attaquent tous les jours et de toutes parts. Nous

22 n'avons pas de soutien. J'ai été voir M. Krajisnik et le général Mladic. Et

23 s'ils n'étaient pas venus, on serait tombés il y a bien longtemps."

24 Ensuite, Milan Tupajic, président de la cellule de Crise de Sokolac,

25 a témoigné à propos de ses réunions avec M. Krajisnik. Il dit, et je cite :

26 "Je me souviens plusieurs réunions de travail avec M. Krajisnik auxquelles

27 j'ai assisté. Il y avait des réunions plus officielles. Puis, parfois

28 aussi, on se rencontrait par hasard quand il venait dans nos

Page 27303

1 municipalités."

2 Ensuite, M. Krajisnik avait connaissance de tout cela au travers des

3 commissaires de guerre de la république, qui avaient été établis pour

4 remplacer les cellules de Crise et pour resserrer un petit peu le contrôle

5 central entre le pouvoir central et les autorités municipales, et ce, par

6 le biais de ces commissaires de guerre de la république, qui ont été mis en

7 place en avril 1992.

8 Milan Tupajic, à qui je viens de faire référence, a dit que les

9 commissaires de guerre étaient une façon de savoir ce qui se passait dans

10 les municipalités. Ainsi, ils pouvaient informer le président de

11 l'assemblée et le président de la république. Il disait que les

12 commissaires de guerre étaient membres de l'assemblée nationale. Je cite :

13 "Un certain nombre des députés avaient été nommés commissaires de guerre.

14 D'ailleurs, en fin de compte, c'est tout à fait logique puisqu'ils venaient

15 du terrain."

16 J'ai parlé aussi de Dragan Djukanovic, précédemment, qui était

17 commissaire de la guerre et qui faisait rapport directement à la

18 présidence. Voici ce qu'il a dit à propos des crimes qu'il avait observés

19 et qui avaient été commis à Zvornik. Voici ce qu'il dit : "Quand je suis

20 retourné à Pale, j'ai informé Karadzic et Krajisnik de tout ce que j'avais

21 vu lors de mes visites des municipalités. Je leur ai fait rapport de tout

22 ce que j'avais appris. J'ai effectué mon mandat qui était de mettre en

23 place des gouvernements. J'ai donné aussi des informations générales sur la

24 situation et je les ai informés sur la situation dans les villes où j'avais

25 rendu visite aux présidences de guerre, en les informant que de nombreuses

26 mauvaises choses étaient arrivées."

27 Ensuite, M. Poplasen, qui était un témoin à décharge, a fait un

28 rapport, a confirmé qu'il faisait rapports oraux et écrits aux membres de

Page 27304

1 la présidence, une pièce qui est datée du 24 juin 1992 de commissaire de

2 guerre, Poplasen, qui est adressée à la République serbe, à la présidence

3 de Guerre. Il est fait rapport sur une prison à Vogosca, qui aurait été

4 illégale. M. Krajisnik était membre de la présidence et responsables des

5 travaux des commissaires de guerre. En se référant à leur travail de la 22e

6 session, il a dit que : "Leur travail était efficace et excellent. Je

7 connais chaque député de assemblée, Mirko Mijatovic, Jovo, Cancar, Marko

8 Simic, Branko Simic, Vojo Maksimovic. Ils ont tous bien servi. Ils nous ont

9 tous bien servis, parce qu'ils ont toujours essayé de résoudre tous les

10 problèmes quand ils sont arrivés avec le peuple, avec les autres."

11 Ensuite, dans le mémoire de la Défense, il est écrit que rien ne permet de

12 démontrer que Krajisnik avait un contrôle sur les cellules de Crise

13 municipales. Il n'y a pas de pièce comme quoi Krajisnik ait jamais émis

14 d'ordre direct envers une cellule de Crise. Les cellules de Crise faisaient

15 partie d'un système étatique créé pour obtenir le pouvoir et pour le

16 conserver. Il fonctionnait sous l'autorité et sous la direction des organes

17 d'Etat dont Krajisnik était membre. Ce n'était pas des organes indépendants

18 qui mettaient en œuvre leurs propres politiques.

19 Nous avons d'ailleurs des preuves qui montrent que les cellules de Crise

20 ont reçu et ont mis en œuvre des ordres venant de la République. M. Pasic

21 de Bosanski Novi m'a dit, répondant à une de mes questions : "Vous m'avez

22 demandé si les cellules de Crise agissaient selon les décisions de

23 l'assemblée de la Republika Srpska et d'autres organes et autorités. J'ai

24 déjà dit lors de mon témoignage que les cellules de Crise n'avaient pas le

25 choix de toute façon, et n'auraient rien pu faire d'autre."

26 Nous avons aussi d'autres documents qui ont été versés au dossier, dont il

27 est fait référence dans le rapport de Mme Hanson. Des preuves ont montré

28 que les présidents des cellules de Crise faisaient directement rapport à la

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1 présidence et à M. Krajisnik, et contournait le gouvernement. J'en ai

2 montré deux exemples que nous avons dans le témoignage de Prstojevic et

3 aussi dans le témoignage de l'ex-premier ministre Djeric. Il y a aussi le

4 témoignage de

5 M. Neskovic, qui a dû aller à l'hôtel Bistrik pour faire rapport sur les

6 travaux de la cellule de Crise.

7 Ensuite, pour ce qui est l'affirmation qu'il n'y a peu de preuves montrant

8 que les cellules de Crise étaient impliquées dans les actes criminels

9 commis sur le terrain. Or, les cellules de Crise n'étaient absolument pas

10 des organisations bénignes; c'était une partie essentielle d'une campagne

11 de persécution. Ils ont ordonné et appliqué des mesures de discrimination

12 contre les Musulmans et les Croates. Ils ont mis en œuvre le transfert par

13 la force des non-Serbes et la saisie systématique des propriétés de ceux

14 qui avaient été chassés.

15 Maintenant, parlons des preuves qui montrent que ces cellules de

16 Crise étaient bel et bien impliquées dans les actes criminels commis sur le

17 terrain. Le 23 juillet 1992, la présidence de Guerre de Celinac a pris une

18 décision qui a réduit le mouvement des Musulmans résidant dans la

19 communauté. Ils ne pouvaient plus se promener dans la rue, ils ne pouvaient

20 plus vendre ou échanger des propriétés, ils ne pouvaient plus conduire

21 leurs voitures, ils ne pouvaient plus chasser ni pêcher ni nager. J'ai

22 décrit aussi l'attaque sur Glogova, qui était résultat d'une décision d'une

23 cellule de Crise.

24 A la fin de 1992, la cellule de Crise de Prijedor a décidé de mettre

25 en place des centres de détention à Trnopolje et à Omarska. A la fin mai

26 1992, la cellule de Crise de Sanski Most a ordonné que l'on mette en place

27 des centres de détention dans le gymnase à Betonirka et à Krings. Dans la

28 même municipalité, d'ailleurs, la cellule de Crise a fait une liste des

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1 prisonniers qui devaient être envoyés à Manjaca, personnes qui étaient

2 indésirables : les hommes politiques, les nationalistes, des extrémistes,

3 toutes les personnes qui n'étaient pas bienvenues à Sanski Most. La plupart

4 des personnes d'ailleurs qui ont été envoyées à Manjaca sont soit mortes en

5 route, soit mortes dans le camp.

6 La cellule de Crise de Bosanski Petrovac aussi a mis en place une prison à

7 Kozila pour arrêter, et ceci, ce sont ses propres mots, "pour arrêter tous

8 les Musulmans en âge de porter des armes, qui pourraient nuire aux intérêts

9 des Serbes."

10 A Bosanski Krupa, la présidence de Guerre, dans ses propres mots, "a

11 suggéré deux options aux Musulmans, soit organiser leur propre évacuation,

12 soit se faire chasser par la force."

13 Maintenant, on fait référence aux deux derniers documents, l'un qui

14 est de 1993. M. Prstojevic, de la commission de Guerre d'Ilidza, a empêché

15 le retour de tous Musulmans et Croates dans sa municipalité, et ensuite,

16 les dirigeants de cette cellule de Crise municipale, le 7 juin 1992, ont

17 exigé que les Musulmans et les Croates "quittent les municipalités jusqu'à

18 ce qu'on arrive à un niveau où l'autorité serbe puisse être maintenue et

19 appliquée sur notre propre territoire dans toutes ces municipalités." Ces

20 sept municipalités étaient Bihac, Bosanska Petrovac, Srpksa Krupa, Sanski

21 Most, Prijedor, Bosanski Novi et Kljuc.

22 Autre point maintenant qui est contesté, c'est-à-dire, les objectifs

23 stratégiques.M. Tieger a déjà abordé le sujet. Nous savons que ces

24 objectifs stratégiques ont été annoncés officiellement lors de la 16e

25 Session. Nous savons que l'objectif stratégique numéro 1 qui était

26 l'établissement de frontières permettant de séparer le peuple serbe des

27 deux autres communautés ethniques, étaient, selon

28 M. Krajisnik, l'objectif principal, puisqu'il a dit à la fois aux députés

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1 et au général Mladic et au personnel militaire présent, et je cite : "Le

2 premier but est le plus important, et tous les autres buts, eux, ne sont

3 que des sous-ensembles du premier objectif."

4 Ces objectifs stratégiques constituaient les objectifs de base

5 politiques et militaires des dirigeants des Serbes de Bosnie. La plupart

6 des témoins ici ont noté que la séparation ethnique ne pouvait pas être

7 réalisée en Bosnie sans l'emploi de la force, malheureusement. Or, M.

8 Krajisnik a témoigné que ces objectifs qui ont été énoncés sur de la 16e

9 Session, "n'étaient que des objectifs politiques, et n'étaient pas censés

10 faire partie d'un plan militaire." Il a bien insisté sur le fait qu'il n'y

11 avait aucun lien entre les objectifs militaires décrits dans les rapports

12 de l'armée et les objectifs stratégiques énoncés lors de la 16e Session.

13 M. Krajisnik a eu de nombreux contacts avec M. Mladic ou avec ses équipes.

14 C'est reflété d'ailleurs dans les comptes rendus des sessions de la

15 présidence. C'est aussi reflété dans notre mémoire aux paragraphes 398 à

16 401. Quand le ministère a demandé : Quels sont vos objectifs ? Qu'est-ce

17 que vous essayez d'obtenir ? Sa réponse était : Je ne me souviens pas avoir

18 jamais répondu à cette question. C'est une réponse incroyable, étant donné

19 que les Serbes étaient soi-disant en train de combattre et de se battre

20 pour leur survie contre ce qu'ils considéraient comme étant des éléments

21 génocidaires dans les autres parties, et qu'ils combattaient aussi pour

22 établir leurs rêves d'un Etat serbe. Pouvez-vous imaginer, quand on demande

23 à un dirigeant quels sont ses objectifs, il n'arrive pas à y répondre ?

24 Quand on regarde bien le compte rendu de la 16e Session, on voit bien

25 qu'il s'agit d'objectifs militaires. M. Beli dit : "Ce sont des buts de

26 guerre, et les gens doivent savoir que c'est exactement ce que l'on fait."

27 M. Milosevic : "Etant donné qu'il semble dire que pour ce qui est du

28 deuxième objectif stratégique, je dois en l'espèce vous dire que nous

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1 devons absolument travailler à obtenir cet objectif aussi dans le sens

2 militaire."

3 Radic : "Comme l'a dit le président, il faut que nous fixions nos buts,

4 voir exactement ce que --" et ensuite, il continue : "Dis-nous exactement

5 quels sont nos buts pour qu'on sache exactement ce qu'il faut que nous

6 prenions."

7 M. Ostojic, ensuite, qui a témoigné, et pour ce qui est des objectifs

8 stratégiques, voilà ce qu'il dit : "Nous avons l'idée de cette carte, et je

9 crois que j'étais le premier à essayer de dessiner la carte, mais c'est une

10 idée sur laquelle il faut travailler avec les diplomates, mais les

11 frontières seront dessinées, établies uniquement quand elles deviendront

12 une réalité, et je pense qu'on ne peut obtenir la paix avec Alija

13 uniquement par la guerre."

14 Et enfin, M. Mijatovic a dit : "Il faut donner la parole aux experts sur le

15 terrain militaire pour qu'ils nous disent exactement quelle est leur vision

16 et quel est leur point de vue, et j'espère que nous savons clairement et

17 bien plus clairement quelles sont les obligations, les défis que nous

18 devons relever afin de réaliser les six objectifs stratégiques que nous

19 avons présentés d'une façon raisonnable au peuple serbe et à la République

20 serbe de Bosnie-Herzégovine."

21 Ces objectifs stratégiques étaient bien compris par les militaires, et ceci

22 est montré dans notre mémoire aux paragraphes 117 à 122. Les rapports de

23 l'armée les rendent très clairs, d'ailleurs. "Les objectifs stratégiques de

24 notre guerre ont été définis et établis devant l'état-major principal de

25 l'armée de la Republika Srpska, devant les commandants et devant les unités

26 et ont servi en fait de lignes directrices sur lesquelles se sont basées

27 les opérations sur le terrain ainsi que les combats."

28 Donc, les objectifs stratégiques ont été immédiatement circulés auprès des

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1 militaires. Ensuite, deux jours après, ils ont été discutés lors d'une

2 réunion avec les présidents des municipalités. Cinq jours plus tard,

3 Subotic a dit que tous les conscrits devaient être informés de ces buts

4 pour les connaître, et cinq jours plus tard aussi, le commandant pour le

5 moral du 1, du premier KK a dit la chose suivante pour ce qui est de

6 l'objectif stratégique numéro 1. Il a dit : "Le peuple serbe doit faire

7 tout en son possible pour qu'il y ait une séparation complète entre nous et

8 les peuples musulman et croate pour pouvoir former notre propre Etat."

9 Trois semaines plus tard, Mladic a émis, a publié la directive numéro

10 1 aux unités subordonnées de la VRS et a demandé que des opérations soient

11 conduites afin de réaliser le corridor. Six semaines après l'annonce des

12 objectifs stratégiques, l'opération Corridor a été une réussite et le

13 deuxième stratégique était devenu réalité.

14 La quatrième directive du 19 novembre 1922 demandait que l'on évacue

15 les populations musulmanes, et dans tous les rapports de l'armée, il y a

16 des références qui reprennent exactement les mots et la terminologie exacte

17 des objectifs stratégiques. Une référence, par exemple : "L'un des

18 objectifs stratégiques de notre guerre serait réalisé, cela pourrait être

19 défini comme étant un 'contact établi avec la Serbie sur la Drina ou pour

20 que la Drina ne soit plus une frontière.'"

21 A la 34e Séance de l'assemblée, Mladic a décrit la relation entre les

22 objectifs militaires et les objectifs politiques de la guerre. Il a dit, et

23 je cite : "La politique commence, c'est la politique qui fait démarrer la

24 guerre et qui la termine aussi. Quand les peuples et les armées ont

25 effectué les tâches et les objectifs stratégiques qui leur ont été donnés,

26 la Republika Srpska aura été créée."

27 Enfin, pour ce qui est du témoignage du général Wilson, il a témoigné

28 que les opérations militaires et les objectifs politiques étaient

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1 indissociables. Il a dit : "Les opérations de l'armée serbe de Bosnie

2 étaient dirigées à la réalisation des buts politiques qui étaient tout à

3 fait clairs, c'est-à-dire la mise en place d'un territoire serbe séparé. Ce

4 n'est pas hasard que les opérations militaires reflétaient parfaitement les

5 ambitions politiques."

6 Enfin, Messieurs les Juges, j'aimerais passer à un point qui a été

7 évoqué plus précisément dans le mémoire de la Défense; la question du

8 départ des Musulmans de Pale. Au sujet de cette question particulière qui

9 apparemment suscite une controverse et est contestée, M. Krajisnik a dit

10 que les Musulmans ont quitté la municipalité de Pale de leur plein gré et

11 que lui-même et M. Koljevic ignoraient qu'ils avaient quitté la

12 municipalité de Pale, qu'ils ne l'ont appris qu'après leur départ, aux

13 alentours du 25 juillet 1992, et que personne ne souhaitait que les

14 Musulmans partent.

15 La Défense invite les Juges de la Chambre à examiner attentivement

16 les pièces 197 à 216 de la Défense. Nous l'avons fait, et j'aimerais

17 attirer l'attention des Juges sur un certain nombre d'éléments contenus

18 dans ces documents. Premier point que j'aimerais aborder : est-ce que le

19 départ des Musulmans de la municipalité de Pale était volontaire ? Vous

20 avez entendu la déposition de Sulejman Crncalo - un Musulman de Pale - qui

21 a décrit la vie des Musulmans à Pale à l'attention des Juges de la Chambre.

22 Il a dit à quel point les Musulmans étaient victimes d'intimidation,

23 d'arrestations arbitraires, de mises en détention, de passages à tabac. Les

24 Musulmans devaient remettre leurs armes. Les policiers serbes venaient voir

25 les Musulmans et leur conseillaient de partir. Il a également dit qu'il

26 avait rencontré Nikola Koljevic en mai 1992, qui a informé M. Crncalo et

27 d'autres membres de sa délégation de Musulmans de Pale que "les Serbes ne

28 souhaitaient pas continuer à cohabiter avec eux," je cite. Il a dit

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1 également que Malko Koroman, chef de la police de Pale, a informé cette

2 délégation que la police ne pouvait plus les protéger. Il a également

3 décrit que les Musulmans devaient abandonner leurs biens, qu'ils voyaient

4 leurs mouvements limités suite à des postes de contrôle, qu'ils ne devaient

5 emporter avec eux que ce qu'ils pouvaient transporter, que les lignes

6 téléphoniques des Musulmans ont été coupées, que des paramilitaires avaient

7 perquisitionné et fouillé les maisons, les avaient intimidés. Il a dit que

8 les Musulmans avaient été licenciés. Dans certains nombres d'usines, il a

9 décrit un certain nombre d'assassinats au sein de la communauté et qu'il y

10 avait eu une arrivée de 400 Musulmans qui avaient été chassés de la zone de

11 Bratunac, et il a conclu en disant que personne ne souhaitait quitter sa

12 maison, et c'est bien, et devenir des mendiants ailleurs, mais qu'il l'a

13 fait pour sauver sa vie et la vie des membres de sa famille."

14 Il y a également la déposition de M. Asim Omerovic, un témoin qui a

15 déposé en vertu de l'article 92 bis du Règlement qui a décrit l'attaque

16 contre son village, qui a décrit sa propre arrestation et qui a décrit ses

17 passages à tabac et ceux d'autres.

18 Lorsque vous examinez la déposition de ces témoins qui ont été cités

19 par l'Accusation et lorsque vous examinez ce qui se passait en même temps

20 dans d'autres municipalités de Bosnie-Herzégovine qui étaient occupées par

21 les Serbes de Bosnie, ces événements sont comparables aussi.

22 Si vous examinez les documents de la Défense à l'appui des documents

23 de la Défense dans le sens des événements décrits par M. Crncalo et M.

24 Omerovic. Si vous examinez la pièce D107, vous verrez que dans la cellule

25 de Crise de Pale au compte rendu pour le 9 avril 1992, on montre que la

26 délégation des Musulmans qui a rencontré la cellule de Crise a présenté des

27 propositions qui demandaient que l'on -- cela concerne cette communauté --

28 et il continue : "Les familles ne pensaient pas qu'elles étaient en

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1 sécurité et l'on pensait qu'il avait des arrestations de Musulmans

2 uniquement, le désarmement des Musulmans uniquement avec la confiscation

3 des armes," et cetera.

4 Nous affirmons donc que les Musulmans n'ont pas quitté de leur plein

5 gré Pale.

6 M. Krajisnik nous a dit qu'il n'était pas au courant que les Musulmans de

7 la municipalité de Pale étaient partis. Il ne l'aurait appris qu'après le

8 25 juillet ou aux alentours de cette date. Pale est une petite communauté,

9 ce n'est pas New York, ce n'est pas Tokyo. Le recensement de 1991 montre

10 qu'il y avait 16 355 habitants dans la municipalité, 7 384 dans la ville

11 même. Nous savons que le nombre d'habitants a augmenté avec les réfugiés

12 serbes, jusqu'à 30 000 habitants, d'après ce que M. Divcic nous a dit. Nous

13 savons tout de même que c'était une très petite ville.

14 M. Krajisnik a très clairement été mis au courant au mois de mai et au mois

15 de juin du fait que les Musulmans et les Croates souhaitaient quitter cette

16 communauté. Il a dit qu'un Musulman et un Croate lui avaient rendu visite

17 et l'avaient informé de ce fait. Le 6 juillet 1992, si vous examinez la

18 pièce 209 de la Défense, vous voyez qu'un pourcentage important des

19 Musulmans qui étaient restés à Pale ont, sur une période de quatre jours,

20 été conduits à bord d'autobus et ont quitté la municipalité de Pale,

21 escortés par les officiers de police. Le 30 juin, 88 Musulmans sont partis

22 à bord de deux autocars; le 1er juin, 220 Musulmans ont quitté la

23 municipalité à bord de quatre autobus; le 2 juillet, 324 Musulmans ont

24 quitté la municipalité à bord de cinq autobus; le 3 juillet, 410 Musulmans;

25 un total de 1 042 Musulmans sur la communauté très réduite qui demeurait

26 encore au sein de la municipalité. J'aimerais également vous demander

27 d'examiner la pièce de la Défense D208, une décision du 6 juillet pour que

28 l'on mette à la disposition un convoi de huit autocars pour escorter 420

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1 Musulmans et Croates pour qu'ils quittent Pale. Ce qui montre que dans une

2 petite ville, une petite municipalité comme Pale, un pourcentage non

3 négligeable de Musulmans a quitté la municipalité dans des convois

4 organisés, et M. Krajisnik en a certainement eu connaissance, il n'aurait

5 pas pu ne pas voir cela. Si l'arrivée de 400 Musulmans de Bratunac était un

6 événement dont "toute la ville parlait", d'après ce que nous a dit M.

7 Divcic, alors le départ d'un nombre non négligeable de Musulmans qui

8 restaient encore au sein de la communauté devait également être un

9 événement dont tout le monde parlait en ville, et M. Krajisnik devait en

10 avoir connaissance.

11 Entre autres, Messieurs les Juges, le 19 juin à Pale, l'on a mis sur pied

12 un programme pour permettre l'échange de biens. Ce programme était

13 comparable à ceux qui ont été mis en place dans d'autres parties de la

14 Bosnie. M. Krajisnik devait en être informé dans ses entretiens avec le

15 représentant de la cellule de Crise de Pale. Cela aurait dû être le cas.

16 Enfin, si vous examinez la pièce D211 de la Défense, il s'agit d'un

17 document du comité exécutif de la municipalité de Pale adressé

18 personnellement à Biljana Plavsic. Mme Plavsic est informée du fait que les

19 Musulmans ont commencé à quitter de gré ou de force, et cetera.

20 Mme Plavsic a certainement partagé cet élément d'information avec M.

21 Krajisnik.

22 Enfin, M. Krajisnik affirme que personne ne souhaitait le départ des

23 Musulmans de Pale. J'aimerais vous demander de prendre un entretien qui a

24 eu lien entre M. Crncalo et M. Koljevic ainsi qu'un entretien entre M.

25 Koroman, chef de la police, au sujet des convois importants qui ont escorté

26 ces personnes hors de la ville.

27 Nous affirmons, Messieurs les Juges, que les Musulmans qui résidaient à

28 Pale ont été forcés à partir. Nous affirmons également que leur départ est

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1 cohérent avec la réalisation de l'objectif stratégique numéro 1, c'est-à-

2 dire l'objectif qui, selon

3 M. Krajisnik, était l'objectif le plus important.

4 Messieurs les Juges, j'en ai terminé avec cette partie de notre -- un

5 instant, je vous prie.

6 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

7 M. HARMON : [interprétation] Je vais céder la parole à

8 M. Gaynor, qui va présenter la suite du réquisitoire.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor.

10 M. GAYNOR : [interprétation] Messieurs les Juges, bonjour.

11 J'interviendrai sur dix points de droit qui sont évoqués dans le mémoire en

12 clôture de la Défense, puis j'interviendrai brièvement sur la

13 responsabilité en vertu de l'article 7(3) du Statut. Je ferai référence à

14 différentes affaires, et je vous ferai parvenir un document où vous

15 trouverez tout cela par écrit.

16 Pour ce qui est de l'article 90(H)(ii) du Règlement, la Défense affirme,

17 aux paragraphes 62 à 69 de son mémoire que la Chambre de première instance

18 ne doit pas utiliser des affirmations importantes quant aux faits et

19 déclarations de M. Krajisnik qui ont été faites par des témoins de

20 l'Accusation qui n'ont pas été soumis à M. Krajisnik par l'Accusation lors

21 du contre-interrogatoire. L'on s'appuie sur l'article 90(H)(ii) qui dit que

22 "lorsqu'une partie contre-interroge un témoin qui est en mesure de déposer

23 sur un point ayant trait à sa cause, elle doit le confronter aux éléments

24 dont elle dispose qui contredisent ses déclarations."

25 La Défense ne donne à l'appui de cette thèse aucune jurisprudence. La

26 jurisprudence du Tribunal relative à l'article 90(H)(ii) du Règlement et la

27 jurisprudence nationale sur le principe qui sous-tend cet article, à savoir

28 la règle de l'affaire Browne contre Dunn, une affaire qui a été examinée en

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1 Angleterre dans les années 1890, ne vont pas dans le sens de l'affirmation

2 de la Défense.

3 La jurisprudence veut que la Règle énoncée à l'article 90(H)(ii) s'applique

4 avec une certaine souplesse en fonction de l'évolution générale du procès.

5 Il n'y a pas de règle absolue qui exige que la partie qui procède au

6 contre-interrogatoire soumette des éléments ayant trait à sa cause au

7 témoin qui est contre-interrogé ou qu'elle informe le témoin de tous les

8 détails de la déposition du témoin qui ne sont pas conformes à la position

9 de la partie qui contre-interroge. Il faut qu'il y ait une certaine

10 souplesse dans l'application de cette règle qui doit être appliquée de

11 façon à permettre une évolution appropriée du procès et la présentation

12 transparente des éléments de preuve.

13 Ce qui ressort de la décision dans l'affaire Brdjanin et Talic du 22 mars

14 2002, qui s'est penchée sur les éléments qui sous-tendent l'article

15 90(H)(ii) du Règlement, cette décision a été confirmée en appel le 6 juin

16 2002. Les principes à l'origine de cette décision ont été appliqués par la

17 Chambre de première instance qui a examiné l'affaire Oric dans une décision

18 du 17 janvier 2006.

19 La jurisprudence du Tribunal montre bien que l'article 90(H)(ii) du

20 Règlement vise à atteindre trois objectifs principaux : premièrement, cet

21 article empêche qu'une partie ne piège un témoin en ne donnant pas la

22 possibilité au témoin de faire état de sa position, de s'exprimer sur des

23 éléments de preuve que la partie qui contre-interroge présentera par la

24 suite et qui contredisent la déposition du témoin.

25 Deuxièmement, la règle -- cet article du Règlement donne à la Chambre de

26 première instance la possibilité d'examiner l'attitude du témoin lorsqu'il

27 est confronté à des éléments contradictoires et au moment où il réagit à

28 ces éléments.

Page 27317

1 Troisièmement - il s'agit là d'une considération d'ordre pratique - cet

2 article vise à évite de convoquer à nouveau un témoin devant la Chambre

3 pour examiner un aspect qui intéresse la partie qui contre-interroge et qui

4 est susceptible d'apparaître par la suite, et qui n'a pas été présenté au

5 témoin lors de sa première déposition.

6 Dans la jurisprudence nationale l'on reconnaît que la règle Browne contre

7 Dunn n'est pas une règle à appliquer au sens strict et que d'ailleurs le

8 tribunal qui a connu de l'affaire Browne contre Dunn ne l'entendait pas

9 comme tel. Il s'agit plutôt d'un principe qui s'applique dans une grande

10 mesure en fonction des spécificités de l'affaire et de l'organisation du

11 procès. Notamment, le fait que l'on évite toute embuscade ou tout piège

12 tendu au témoin, si ce dernier est objectivement suffisamment informé du

13 fait que sa crédibilité est peut-être contestée. Lorsque le témoin est

14 l'accusé, la jurisprudence relative à cette règle ne s'applique pas.

15 J'aimerais attirer très brièvement votre attention sur quatre

16 décisions nationales pertinentes.

17 Dans l'affaire Verney, une affaire concernant l'application de cette

18 règle à la Défense, la cour d'appel de l'Ontario a affirmé et je cite :

19 "Qu'il ne s'agissait pas d'une règle absolue et le conseil ne doit pas se

20 sentir obligé de présenter de façon laborieuse au témoin tous les détails

21 qui sont contestés par la Défense."

22 Le tribunal a ajouté, je cite : "Les conseils doivent faire preuve de

23 discrétion et utiliser leur appréciation pour déterminer la conduite du

24 contre-interrogatoire d'un témoin hostile et le fait de faire répéter au

25 témoin au contre-interrogatoire tout ce qu'il a dit lors de

26 l'interrogatoire principal n'est pas forcément la meilleure tactique."

27 En 1983, une décision australienne, Allied Pastoral Holdings contre

28 le commissaire fédéral de la taxation a repris une décision d'une cour

Page 27318

1 d'appel anglaise dans Markem Corporation contre Zipher Limited, le juge

2 David Hunt a fait observer que cette règle Browne contre Hunt reconnaissait

3 qu'il n'était pas obligatoire de soulever, lors du contre-interrogatoire,

4 tout point de cette nature lorsqu'il était parfaitement clair que le témoin

5 était pleinement informé au préalable qu'il y avait une intention de

6 contester sa crédibilité.

7 Troisième affaire, une affaire australienne, Raben Footwear contre

8 Polygram, où la chambre a estimé, je cite : "Que cette règle pouvait être

9 respectée lorsque le témoin était au courant que la version qui était

10 fournie était contestée, connaissance qu'il pourrait avoir sur la base des

11 éléments de preuve avancés, des déclarations liminaires, ou de la façon

12 dont l'affaire a été menée."

13 Dans une quatrième affaire instruite par la cour d'appel de l'Ontario

14 R contre W. (M.L). Le témoin a été l'accusé. Il ne s'agissait pas d'une

15 situation Browne contre Dunn. La Chambre a en effet estimé, je cite :

16 "Aucun piège n'a été tendu à l'accusé. Il savait quels étaient les éléments

17 présentés contre lui alors qu'il a décidé de déposer comme témoin. Il n'y a

18 pas eu d'éléments cités par le Procureur en réponse. C'était une question

19 d'appréciation de la part du Procureur contre le domaine sur lequel

20 l'interrogatoire devait porter."

21 De même, en l'espèce, aucun piège d'aucune sorte n'a été tendu.

22 L'accusé savait parfaitement quels étaient les éléments que l'Accusation

23 souhaitait avancer contre lui avant qu'il ne commence à déposer, il avait

24 la possibilité de le faire au cours de ces 40 jours de déposition. Avant de

25 commencer à déposer, il avait reçu l'acte d'accusation, les éléments à

26 l'appui, bon nombre des éléments couverts par l'obligation de communication

27 préalable au procès, le mémoire préalable au procès de l'Accusation. Il

28 avait entendu la déclaration liminaire de l'Accusation, il avait entendu la

Page 27319

1 déposition par viva voce de 93 témoins de l'Accusation, il avait reçu les

2 dépositions écrites de bon nombre d'autres témoins, il avait également reçu

3 3 800 pièces de l'Accusation au cours du procès. Il avait écouté le contre-

4 interrogatoire de l'Accusation de 24 témoins de la Défense.

5 En outre, il avait rencontré son conseil à maintes reprises avant le

6 procès et plus particulièrement avant de commencer à déposer. Par

7 conséquent, l'accusé avait parfaitement connaissance de la thèse avancée

8 par l'Accusation. En réalité, la totalité de sa déposition était une

9 réponse à ces éléments et à cette thèse de l'Accusation. Par conséquent, on

10 ne peut pas dire que l'accusé n'a pas eu connaissance du fondement même de

11 la thèse de l'Accusation et qu'il n'a pas eu la possibilité de répondre à

12 cette thèse développée par l'Accusation.

13 L'on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de possibilité de réplique

14 pour l'Accusation. Qu'il n'y avait pas de considération pratique quant au

15 fait de rappeler l'accusé pour qu'il répondre à d'autres éléments de

16 l'Accusation.

17 Pour ce qui est de l'évaluation de la crédibilité, la Chambre a eu la

18 possibilité d'observer l'accusé et de tirer ses propres conclusions quant à

19 sa crédibilité au cours des 40 jours qu'a duré sa déposition.

20 Pour ces raisons, tous les critères énoncés à l'article 90(H)(ii) du

21 Règlement ont été respectés. Nous nous sommes acquittés de ces critères

22 conformément à l'objectif de cette règle et probablement la jurisprudence

23 du Tribunal. Nous affirmons, par conséquent, que ce qu'avance la Défense en

24 rapport avec l'article 90(H) du Règlement n'est pas fondé.

25 Deuxièmement, il s'agit de la question de la mens rea pour la

26 planification, le fait d'avoir ordonné ou d'avoir incité à commettre

27 certains actes. Il s'agit là des paragraphes 92 à 96 du mémoire de la

28 Défense en rapport avec cette question de planification du fait de donner

Page 27320

1 l'ordre et d'avoir incité à commettre, qui ne sont pas compatibles avec la

2 définition de l'actus reus et de la mens rea, et l'on évoque les

3 paragraphes 25 à 32 de l'arrêt d'appel de Kordic. Notamment la mens rea

4 pour la planification et l'incitation à commettre évoquée aux paragraphes

5 31 et 32 de l'arrêt d'appel de Kordic qui exige que les critères à remplir

6 soient moins élevés que dans le mémoire de la Défense.

7 Par exemple, si l'accusé a planifié un acte ou une omission sachant

8 que des assassinats s'ensuivraient suite à l'exécution de ce plan, et qu'en

9 réalité, ces assassinats s'ensuivent, alors l'accusé est coupable d'avoir

10 planifié ces assassinats et ces considérations liées à la mens rea

11 s'appliquent également au fait d'avoir ordonné ou incité à commettre.

12 Il y a ensuite la question de la responsabilité en vertu de

13 l'entreprise criminelle commune qui peut s'appliquer à une campagne

14 criminelle de masse. La Défense semble affirmer, aux paragraphes 107, 130 à

15 134 de son mémoire, que la responsabilité en vertu de l'entreprise

16 criminelle commune ne peut pas s'appliquer à des affaires à grande échelle.

17 Cet argument a déjà été rejeté par la Chambre d'appel du TPIR. Dans la

18 décision Karemera du 12 avril 2006, la Chambre d'appel a estimé qu'il n'y

19 avait pas de limite géographique à cette responsabilité et qu'elle pouvait

20 s'appliquer à des éléments de grande ampleur.

21 La Chambre a également suggéré que cette responsabilité pouvait découler

22 uniquement de la participation à des entreprises de taille, que cet élément

23 de limite de la taille n'a pas été évoqué par des Chambres de ces deux

24 Tribunaux.

25 En outre, une autre décision en appel du TPIR évoque cette question, et

26 cette question de droit a été tranchée, la question de l'application de la

27 forme 3 de l'entreprise criminelle commune et son application au génocide a

28 été reconnue en vertu du droit international coutumier en 1992, et était

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1 accessible à M. Krajisnik au moment des offenses alléguées. La Défense aux

2 paragraphes 245 à 253 et 259 de son mémoire affirme que l'application de la

3 catégorie 3 au génocide irait à l'encontre du principe nullum crimen et

4 notamment au paragraphe 248 que la décision Rwamakuba du 22 octobre 2004 ne

5 traitait pas expressément cette question.

6 La Chambre d'appel dans l'affaire Rwamakuba a estimé que le droit

7 international coutumier reconnaissait l'application de ce mode de

8 responsabilité au crime de génocide avant 1992. Il n'a pas exclu cette

9 forme numéro 3 de ses conclusions. La Chambre a expressément exprimé qu'il

10 était opportun d'appliquer cette forme au génocide.

11 En résumé, la décision Karamera du 12 avril 2006, et la décision

12 Rwamakuba lues ensemble confirment que l'application de la forme 3 de

13 l'entreprise criminelle commune au génocide a été reconnue en droit

14 international coutumier en 1992.

15 La Défense affirme au paragraphe 256 de son mémoire que la variante 3

16 de l'entreprise criminelle commune et son application au génocide ne

17 pouvait être prévues par l'accusé en 1992. La Chambre d'appel en sa

18 décision du 21 mai 2003 dans l'affaire Milutinovic s'est penchée sur la

19 responsabilité en vertu de l'entreprise criminelle commune et a estimé

20 qu'elle pouvait être prévue et s'est notamment fondée sur le cote pénal de

21 la RSFY de 1977.

22 Le point suivant est que l'entreprise criminelle commune ne requiert

23 pas un accord entre l'accusé et les personnes qui ont physiquement commis

24 ces crimes. La Défense, dans son mémoire aux paragraphes 148 à 150, fait

25 valoir que la responsabilité pour participation à l'entreprise criminelle

26 commune est comme suit : la Chambre devrait accepter que l'Accusation a

27 prouvé qu'il y a eu un accord aux fins de commettre un crime particulier

28 entre l'accusé et entre les auteurs physiques et pertinents de ces crimes.

Page 27322

1 La Défense argue du fait qu'ils ont à la fois adopté un plan stratégique

2 n'équivaut pas un rapport entre eux en vue de commettre un crime concret,

3 ils se reposent ici sur l'arrêt Brdjanin. Nous avançons que cette exigence

4 à laquelle fait allusion la Défense n'existe pas dans l'arrêt Brdjanin,

5 c'est une erreur et que l'arrêt Brdjanin est erroné à cet égard.

6 Les points différents que nous devons distinguer ici : tout d'abord,

7 est-ce que les auteurs physiques doivent être des membres de l'entreprise

8 criminelle commune ? Deuxièmement, est-ce que les membres de l'entreprise

9 criminelle commune ont un accord, et quel est le contenu de cet accord ?

10 Par rapport à ce premier point, nous avançons qu'il n'est pas

11 nécessaire qu'il y ait des auteurs qui aient physiquement commis ces crimes

12 et qu'ils soient à la fois membres de l'entreprise criminelle commune. Il

13 est possible d'avoir une entreprise criminelle commune composée de membres

14 qui sont en même temps des membres dirigeants qui se servent des auteurs

15 physiquement comme des instruments ou des outils. La position de

16 l'Accusation qui est définie dans le mémoire en appel dans l'affaire

17 Brdjanin que les auteurs physiques n'ont pas besoin d'être des membres de

18 l'entreprise criminelle commune, ceci a été confirmé implicitement aux

19 paragraphes 63 et 98 dans l'arrêt Stakic et étayé par l'opinion distincte

20 du Juge Bonomy dans l'affaire Milutinovic le 22 mars 2006.

21 Pour ce qui est de ce deuxième point, la question est de savoir si

22 des auteurs physiques sont des membres de l'entreprise criminelle commune

23 il faut qu'il y ait un accord direct entre les auteurs physiques et

24 l'accusé. L'accusé est également en appel dans l'affaire Brdjanin. Le seul

25 élément permettant d'étayer cela dans l'arrêt Brdjanin de l'existence de

26 cette exigence se trouve dans une décision interlocutoire rendue dans

27 l'affaire Brdjanin le 26 juin 2001 qui ne cite pas ses sources ni la

28 jurisprudence du Tribunal, ni le droit international coutumier n'appuient

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1 cette interprétation limitée de la responsabilité pour participation à

2 l'entreprise criminelle commune.

3 La position de l'Accusation en appel dans l'affaire Brdjanin est

4 qu'il suffit que des membres de l'entreprise criminelle commune adoptent le

5 plan, sa disposition et son objectif. Comme je l'ai évoqué plutôt, ceci a

6 été reconnu par un jugement en appel, par le TPIR et que l'entreprise

7 criminelle commune peut être étendue à l'ensemble de la nation. Si c'est le

8 cas, il est clair que cela ne saurait pas constituer une exigence de

9 responsabilité que les membres soient membres de l'entreprise criminelle

10 commune et qu'ils sont parvenus à un accord de personne à personne ou

11 quelque chose de ce genre.

12 L'application de la responsabilité pour participation à l'entreprise

13 criminelle commune est quelque chose qui est traité par la Chambre d'appel

14 dans l'affaire Stakic et par la Chambre de première instance dans l'affaire

15 Krstic et également en ce qui concerne certains cas d'accords de plaidoyer

16 dans l'affaire Obrenovic et Plavsic montrent qu'il y a un accord direct

17 entre l'accusé et des auteurs physiques. Que ceci ne constitue pas une

18 exigence. De manière significative, les Chambres d'appel et les décisions

19 interlocutoires rendues après les décisions d'appel rendues dans l'affaire

20 Brdjanin et les jugements à propos de l'entreprise criminelle commune n'ont

21 aucunement fait référence à ce type d'exigence.

22 Par conséquent, dans l'affaire qui le concerne conformément avec

23 l'approche adoptée dans l'arrêt Stakic, la Chambre de première instance ne

24 doit pas constater que les auteurs physiques étaient effectivement des

25 membres de l'entreprise criminelle commune. Si elle ne conclut pas que les

26 auteurs physiques étaient des membres de l'entreprise criminelle commune,

27 elle n'a pas besoin de conclure qu'il y a eu un accord en vue de commettre

28 certains crimes entre l'accusé et les auteurs physiques. De surcroît, de

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1 présenter la preuve de l'existence d'un plan commun, d'un dessein ou d'un

2 but commun auxquels adhéraient les membres de l'entreprise criminelle

3 commune.

4 Sixième point - c'est un point court - la responsabilité en vertu de

5 l'entreprise criminelle commune n'exige pas que l'accusé a contribué de

6 façon conséquente.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, avant que vous ne

8 poursuiviez.

9 M. GAYNOR : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait référence à la position

11 de l'Accusation telle qu'elle est définie dans le mémoire en appel dans

12 l'affaire Brdjanin.

13 M. GAYNOR : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A un nombre de paragraphes, je crois que

15 vous avez fait référence à la position du bureau du Procureur en général ou

16 est-ce dans l'affaire Brdjanin, c'est cela dont vous voulez parler ?

17 Comment devrions-nous le comprendre ?

18 M. GAYNOR : [interprétation] Messieurs les Juges, vous comprendrez bien que

19 c'est la position de l'Accusation dans cette affaire-ci seulement.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous parlez d'analyse juridique ?

21 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, l'analyse que nous avons fait de

22 l'affaire Brdjanin s'applique également à présentation des moyens à charge

23 ici.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, c'est clair. Cela se

25 retrouve en fait dans la base de données juridique.

26 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je peux vous

27 donner la date de ceci. Le mémoire en appel de l'Accusation en appel, nous

28 parlons en particulier des pages 5 à 20. Je parle ici du mémoire en appel

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1 de l'affaire Brdjanin le 28 juin 2005.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

3 M. GAYNOR : [interprétation] Le sixième point, la responsabilité

4 d'entreprise criminelle commune n'exige pas que l'accusé ait participé de

5 façon conséquente. Le paragraphe 143, le mémoire de la Défense précise pour

6 qu'il y ait entreprise criminelle commune : "il faut que l'accusé ait

7 commis ces actes ou aidé de façon conséquente ou significative et faire en

8 sorte que ces objectifs soient réalisés." Le mémoire parle du jugement

9 rendu dans l'affaire Kvocka, mais omet de faire référence ici à la décision

10 en appel, à l'arrêt de Kvocka qui déclare au paragraphe 97 qu'il n'y a pas

11 d'exigence juridique spécifique et que l'accusé ne doit pas contribuer de

12 façon conséquente à l'entreprise criminelle commune.

13 Je souhaite parler maintenant du fait d'aider ou d'encourager l'entreprise

14 criminelle commune. Je vous demanderais, Messieurs les Juges, de vous

15 référer au jugement en appel dans l'affaire Kvocka au paragraphe 91 où la

16 Chambre d'appel a estimé qu'il est inexact de parler, d'aider, encourager

17 une entreprise criminelle commune, mais qu'il faut plutôt parler des

18 complices et d'auteur principal ou auteurs qui commettent ce crime.

19 La Défense dans son mémoire en clôture aux paragraphes 260, 266 à 270

20 avance que pour qu'il y ait condamnation pour génocide conformément à

21 l'article 7(3), l'Accusation doit établir que Krajisnik possédait le dolus

22 specialis ou le dol spécial requis. La seule chose qui permet d'étayer ce

23 point de vue, c'est dans la décision 98 bis dans l'affaire Stakic. Comme il

24 apparaît dans le mémoire de la Défense, il y a énormément de textes de

25 jurisprudence qui vont à l'encontre de la Défense sur ce point. ---

26 Dans la décision rendue dans l'affaire Brdjanin, l'appel

27 interlocutoire du 19 mars 2004, la Chambre d'appel fait référence à la

28 responsabilité de commandement comme un exemple d'une forme de

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1 responsabilité qui n'exige pas la preuve de l'intention de commettre un

2 crime de la part de l'accusé pour qu'il y ait responsabilité criminelle. Je

3 vous reporte, Messieurs les Juges, au procès Brdjanin, à l'arrêt,

4 paragraphes 717 à 721, le jugement rendu par la Chambre de première

5 instance dans l'affaire Blagojevic au paragraphe 686, décision 98 bis de

6 l'affaire Milosevic au paragraphe 300. Toutes ces Chambres de première

7 instance ont estimé que l'intention spécifique de la part de l'accusé n'est

8 pas nécessaire pour conclure qu'il y a eu génocide en vertu de l'article

9 7(3).

10 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

11 M. GAYNOR : [interprétation] Le point suivant concerne la présidence

12 élargie. M. Tieger a déjà présenté ses arguments sur la question de la

13 présidence de Guerre. Il y a deux arguments. Je fais référence ici au

14 mémoire de la Défense au paragraphe 198. Je souhaite simplement ajouter

15 ceci. Pour ce qui est des questions de droit, il n'est pas nécessaire de

16 prouver que l'accusé avait une quelconque autorité de jure pour obtenir une

17 condamnation conformément à l'article 7(3). Pour conclure qu'il y avait

18 autorité de jure, équivaut à une présomption réfutable de contrôle

19 effectif. Mais le critère de contrôle pour établir la responsabilité est de

20 savoir si l'accusé exerçait effectivement ce contrôle effectif dans le sens

21 où il avait la capacité matérielle d'empêcher ou de punir toute forme de

22 comportement, si cet acte est puni et savoir quels titres étaient les

23 siens.

24 Je fais référence ici à la discussion dans l'affaire Celebici, l'arrêt au

25 paragraphe 197.

26 Le dixième point juridique concerne l'intention de l'accusé de commettre le

27 crime dans chaque municipalité citée à l'acte d'accusation. La Défense

28 avance que l'Accusation doit prouver au-delà de tout doute raisonnable que

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1 M. Krajisnik avait l'intention de commettre les crimes dans toutes les

2 municipalités citées à l'acte d'accusation, et suggère que cette analyse

3 pourrait donner lieu et conduirait à analyser chaque crime en particulier

4 et chaque événement reproché, et qu'il ne suffit pas d'en déduire qu'il y a

5 eu existence d'un dessein ou d'un but général et assez important. Au

6 paragraphe 138 de son mémoire, la Défense ne cite aucune source lorsqu'elle

7 propose ceci dans l'arrêt Kvocka au paragraphe 276. On précise qu'un

8 participant à l'entreprise criminelle commune n'a pas besoin d'être tenu au

9 courant de chaque crime commis pour être tenu pour responsable pénalement,

10 lorsqu'une série d'actes pour lesquels il est accusé, font partie d'une

11 attaque ou sont de nature discriminatoire. Ce contexte peut suffire

12 simplement, parce qu'on peut en déduire qu'il y a eu intention

13 discriminatoire eu égard à chaque acte en particulier. A l'appui de cette

14 proposition, nous avons le jugement rendu par la Chambre de première

15 instance dans l'affaire Blagojevic au paragraphe 584 et dans l'arrêt et

16 dans le jugement rendu par la Chambre de première instance dans l'affaire

17 Tadic au paragraphe 652.

18 Plutôt que de faire une analyse compartementalisée [phon], nous soumettons

19 à la Chambre qu'il est préférable d'envisager l'ensemble des éléments de

20 preuve de cette affaire lorsqu'il s'agira de déterminer si l'accusé avait

21 l'intention de commettre ces crimes dans chaque municipalité citée à l'acte

22 d'accusation, ce qui signifie qu'il faut tenir compte de l'ensemble des

23 moyens de preuve, par exemple, le désarmement de la population non-Serbe,

24 l'armement et la formation de la population serbe, la mise en place des

25 cellules de Crise, la mise en place de police serbe et uniquement serbe,

26 les forces de la TO, du renvoi des non-Serbes, de leurs emplois, des prises

27 de pouvoir concertées au niveau des municipalités par les cellules de Crise

28 et les forces serbes, le bombardement et la mise à feu des maisons, les

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1 villages et les civils ayant été pris pour cibles, la détention, les

2 meurtres en masse et l'expulsion d'un grand nombre de Musulmans et de

3 Croates, y compris des décisions prises pour transporter ces personnes, les

4 faire sortir des municipalités citées à l'acte d'accusation et

5 l'élimination systématique des lieux de culte musulmans et croates.

6 La Chambre doit tenir compte des éléments de preuve en même temps que les

7 éléments associés et les éléments présentés par les observateurs

8 internationaux neutres; le MUP, la VRS, les cellules de Crise; les

9 documents qui émanent d'eux et les éléments de preuve présentés par les

10 victimes et de personnes initiées; des déclarations des dirigeants serbes

11 de Bosnie de même que les éléments de preuve identifiant les territoires

12 pris pour cibles, qui devaient faire partie de l'Etat serbe comme moyen de

13 preuve, à partir duquel on peut en déduire qu'il y a eu une attaque massive

14 et systématique dirigée de l'intérieur contre la population croate et

15 musulmane dans l'acte d'accusation et toutes les municipalités qui sont

16 citées.

17 Dans le jugement rendu par la Chambre de première instance dans l'affaire

18 Stakic, la Chambre de première instance, à juste titre, a noté que lorsque

19 l'accusé est assez éloigné sur un plan hiérarchique des auteurs physiques :

20 "La preuve est exigée de l'intention discriminatoire de la part de l'accusé

21 et des individus qui ont agi en relation avec des actes individuels commis,

22 ce qui conduirait à une protection injustifiée des supérieurs hiérarchiques

23 et pourrait aller à l'encontre du sens, de l'esprit et de l'objectif du

24 statut de ce Tribunal international."

25 Monsieur les Juges, j'en ai terminé avec mes arguments juridiques. Je

26 voudrais maintenant parler des arguments en vertu de l'article 7(3) ici.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez parler

28 d'arguments sur les faits ?

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1 M. GAYNOR : [interprétation] Oui. Non, parce que Monsieur les Juges, la

2 question du 7(3), je souhaite l'aborder plus tard. Il s'agit simplement

3 d'un aperçu rapide.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons devoir commencer par les

5 faits. Poursuivez.

6 M. GAYNOR : [interprétation] Merci.

7 Krajisnik et Karadzic étaient tout en haut des structures du pouvoir

8 des Serbes de Bosnie. Ensemble avec d'autres, ils ont conçu, développé et

9 assuré la promotion d'un objectif commun, et ont veillé et dirigé à la mise

10 en place d'organes afin de s'assurer que ceux-ci soient bien mis en œuvre.

11 Ils avaient l'intention de commettre ces crimes et de mener une campagne

12 brutale afin de réaliser leur objectif qui était d'avoir des territoires

13 purs. En tant qu'architectes et personnes qui ont mis en place cette

14 campagne, ils n'avaient pas l'intention d'utiliser des ressources pour

15 empêcher que ces crimes ne soient commis car ils souhaitaient voir réussir

16 cette campagne. Ils ne souhaitaient pas punir les auteurs de ces crimes.

17 Notre position est que le dirigeant serbe de Bosnie, ensemble avec Karadzic

18 et Krajisnik, qui se trouvaient en haut de l'échelle, avaient la capacité

19 matérielle d'empêcher et de punir toute commission de crimes par la VRS, y

20 compris les forces militaires qui ont été rattachées à la VRS depuis sa

21 création le 12 mai 1992, et ce, jusqu'au 30 décembre 1992. Les Serbes de la

22 TO, le MUP de la Republika Srpska, y compris les forces paramilitaires

23 rattachées à la TO et au MUP, et les cellules de Crise serbes à partir du

24 1er avril 1992 jusqu'au 30 décembre 1992, au moins.

25 Au lieu d'empêcher et de punir, les autorités serbes de Bosnie ont

26 délibérément créé une atmosphère d'impunité qui leur permettait de se

27 livrer à leurs crimes brutaux contre les non-Serbes, tout en continuant à

28 arrêter et à poursuivre les Serbes qui commettaient des crimes de droit

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1 commun, y compris des crimes secondaires contre leurs propres concitoyens

2 serbes. La République serbe a continué à insister et a présenté une façade

3 de légalité et a obligé des milliers de personnes non-Serbes à s'enfuir des

4 territoires qu'ils estimaient être les leurs, de signer des documents qui

5 semblaient être un transfert de propriété de façon à ce que ceci devienne

6 la propriété de la République serbe. Mais lorsqu'il s'agissait de faire

7 appliquer la loi, la question des crimes brutaux contre les Musulmans et

8 les Croates, les autorités serbes n'ont quasiment rien fait.

9 Pour ce qui est du MUP, l'existence de cette culture de l'impunité et de la

10 non poursuite délibérée des membres du MUP pour les crimes contre les non-

11 Serbes, y compris les meurtres en masse qui ont été commis dans des

12 circonstances de brutalité tout à fait choquantes, est évident d'après le

13 manque d'effort déployé pour poursuivre les personnes responsables de ces

14 crimes et du massacre terrible de Koricanje Stijene, qui a été débattu lors

15 de la session de la présidence, où l'accusé était présent le 1er septembre

16 1992, et d'autres crimes auxquels il est fait référence au paragraphe 317

17 de notre mémoire.

18 Pour ce qui est de la VRS, l'existence d'une culture d'impunité pour les

19 crimes contre les non-Serbes semblait tout à fait évidente d'après un

20 corpus important d'éléments de preuve, y compris les éléments de preuve

21 auxquels il a été fait référence aux paragraphes 406 et 407 de notre

22 mémoire. La VRS a pris des mesures pour empêcher le pillage individuel par

23 les soldats serbes qui souhaitaient en tirer un profit personnel, mais n'a

24 pris aucune action d'envergure pour punir les soldats qui avaient participé

25 aux tueries en masse des Croates et des Musulmans. Pour ce qui est du

26 tribunal militaire de Banja Luka et de son registre et du registre du

27 procureur du tribunal militaire de Banja Luka, nous disposons d'éléments de

28 preuve qui illustrent que les poursuites entamées contre des soldats pour

Page 27332

1 crimes contre les non-Serbes, ces crimes, que les personnes concernées ont

2 été déboutées. Ces quelques soldats qui ont été jetés en prison pour les

3 massacres brutaux qu'ils ont commis, ont plus tard été relâchés et sont

4 retournés dans leurs unités. Les soldats sentaient qu'ils avaient une

5 certaine immunité, et effectivement, possédait cette immunité et n'étaient

6 pas poursuivis pour les crimes qui avaient été commis contre les non-

7 Serbes.

8 La même chose s'applique à d'autres programmes. Comme nous avons dit

9 au paragraphe 336 de notre mémoire, les Guêpes jaunes ont été arrêtés à

10 Zvornik. Ils ont été arrêtés parce qu'ils volaient des voitures, mais les

11 autorités n'étaient pas là. Donc, les Guêpes jaunes ont pris part à ces

12 massacres de Musulmans à Celopek. Aucun de ces Guêpes jaunes n'a été

13 poursuivi pour avoir tué des Musulmans. Au lieu de cela, on a proposé à

14 certains d'entre eux des postes au sein du service du Renseignement du MUP

15 de la Republika Srpska.

16 Quand bien même la brutalité des conditions étaient telles, que

17 certains Serbes, dans des camps de détention, ont fait la une des journaux

18 dans le monde entier au mois d'août 1992. Les dirigeants n'ont pris aucune

19 mesure effective contre les auteurs de ces crimes.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'habitude, nous disons aux témoins :

21 Attendez. Je vous demande de regarder l'écran et de ralentir un petit peu.

22 M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Le 6 août, la présidence a rendu une décision afin qu'une enquête

24 soit menée sur les crimes de guerre contre les Serbes. Le procès-verbal de

25 cette réunion précise que la présidence a ordonné au MUP de mener cette

26 enquête. Quoi qu'il en soit, l'enquête menée par le MUP et les commissions

27 gouvernementales chargées des enquêtes ont également été créées n'était

28 qu'une façade. Nous avançons cela aux paragraphes 454 à 456 de notre

Page 27333

1 mémoire.

2 La Chambre de première instance, à plusieurs reprises, a demandé au

3 témoin de la Défense de remettre ou de parler d'éléments de preuve à propos

4 d'enquêtes qui auraient été menées ou de poursuites contre des crimes

5 contre des Serbes. Aucun élément de preuve, à proprement parler, n'a pu

6 être présenté. D'après nous, il est également important de constater que

7 pendant l'ensemble de la présentation des moyens à décharge, la Défense n'a

8 pu présenter aucun moyen de preuve convaincant sur les efforts déployés

9 afin de poursuivre ces personnes. La charge de la preuve revient toujours à

10 l'Accusation, à savoir de prouver la responsabilité conformément à

11 l'article 7(3). Mais nous avançons ici que la Chambre peut évaluer, à

12 savoir si nous avons répondu à cette obligation, également de tenir compte

13 de l'exercice de notre pouvoir discrétionnaire, la nature des réponses et

14 comment nous avons répondu à cela.

15 Il ne peut y avoir aucun doute quant à la question de la présidence,

16 y compris M. Krajisnik. Il avait le pouvoir de prendre les mesures

17 nécessaires pour protéger la population musulmane et croate. Simplement

18 pour ne parler que d'une région, il avait le pouvoir de donner l'ordre de

19 libérer des milliers de Musulmans et de Croates qui étaient détenus dans

20 des conditions de très grande brutalité. A la suite du scandale provoqué

21 dans la communauté internationale, ce qui a provoqué de nouvelles

22 conditions dans les camps. La présidence, le 6 septembre, a exercé son

23 pouvoir pour relâcher et donner l'ordre de libérer un certain nombre de

24 prisonniers de Manjaca, en petit nombre, mais a omis de prendre les mesures

25 nécessaires pour protéger les Musulmans et les Croates. Lorsqu'ils ont

26 imploré devant les organisations humanitaires internationales neutres,

27 l'accusé a décidé de ne pas en parler lors de l'assemblée serbe. Ceci n'a

28 jamais été à l'ordre du jour.

Page 27334

1 Le 10 août 1992, lors de la session de l'assemblée, l'accusé a

2 effectivement omis de parler de ce point à l'ordre du jour. Il a également

3 participé à la décision des dirigeants serbes de Bosnie, illustrée par le

4 procès-verbal de la présidence le 8 août, pour essayer de trouver une

5 solution aux problèmes de prisonniers en insistant sur les négociations

6 internationales et d'un échange d'un pour un.

7 En bref, l'accusé n'a pris aucune mesure pour empêcher la commission

8 de ces crimes ou pour tenir pour responsable les personnes qui les avaient

9 commis. Dans son témoignage, il a pris la position suivante, que s'il avait

10 été tenu au courant de ces crimes, il serait intervenu ou il aurait demandé

11 à ce qu'il y ait un débat ou demander à ce que les personnes responsables

12 prennent les mesures ou en parle avec la présidence. Il a également pris

13 position pour dire qu'il était effectivement impuissant même s'il en avait

14 parlé.

15 La position de l'accusé, que quand bien même il désapprouvait de ces

16 crimes, il ne pouvait rien faire, n'est absolument pas crédible. C'était un

17 membre du noyau dur des dirigeants serbes de Bosnie. Il exerçait un

18 contrôle effectif sur le MUP, la VRS, la TO, les forces paramilitaires

19 placées sous la direction de ces organes et cellules de Crise. Plutôt que

20 d'essayer d'empêcher ces crimes, l'accusé a participé de façon active dans

21 la préparation et à la mise en œuvre de la campagne de séparation ethnique.

22 Il a continué à travailler dur pour que cette campagne se développe, et a

23 pris les proportions tragiques que nous connaissons, les conséquences

24 graves que cela a eu pour des milliers de Musulmans et de Croates.

25 Je vais maintenant redonner la parole à mes collègues.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Gaynor.

27 Ils vont parler ensemble, c'est cela ? Nous allons avoir un duo; M.

28 Tieger avec M. Harmon ?

Page 27335

1 M. HARMON : [interprétation] Maintenant, je voudrais parler du

2 problème de la crédibilité en général et en l'espèce. Nous avons entendu

3 les témoignages de 124 témoins et nous avons aussi étudié les preuves

4 écrites de 97 témoins, dont les témoignages ont été admis au titre du 92

5 bis sans contre-interrogatoire. Vous devez déterminer la véracité et la

6 fiabilité de chaque déclaration de témoin, de chaque témoignage de ces

7 témoins. Il faut savoir si les témoins qui ont fait le serment de dire la

8 vérité ont bel et bien tenu ce serment et ont bel et bien dit la vérité. En

9 tant qu'avocat expérimenté, et vous, en tant que Juges expérimentés, vous

10 savez bien qu'il n'y a pas de recette miracle que l'on peut appliquer pour

11 évaluer si un témoin est en train de dire ou non la vérité. Il faut

12 appliquer votre expérience, l'expérience de votre vécu pour décider si oui

13 ou non un témoin est en train de dire la vérité ou est en train de mentir.

14 Quand vous vous rendez compte qu'un témoin a menti intentionnellement et

15 après avoir fait serment, vous pouvez tout simplement écarter ce témoin, le

16 témoignage de ce témoin, ou vous pouvez accepter qu'une partie de ce

17 témoignage a été fait en disant la vérité. Maintenant, pour ce qui est --

18 Dans ce mémoire, la Défense a dirigé votre attention sur les

19 différentes catégories de témoins appelés par l'Accusation et a fait

20 certaines observations à partir de ces différentes catégories. J'aimerais y

21 répondre. Tout d'abord, la Défense a identifié des témoins appelés par

22 l'Accusation. Il s'agit de condamnés. Ils sont identifiés par noms. Il y a,

23 par exemple, Biljana Plavsic. La Défense a fait plusieurs allégations très

24 controversées quand elle a dit que l'Accusation ne cite pas des témoins

25 uniquement pour rechercher la vérité. Or, nous tenons à dire, ici,

26 publiquement, que nous rejetons cette affirmation. Nous rejetons

27 catégoriquement aussi l'affirmation qui se trouve dans le mémoire de la

28 Défense, selon lequel aucun Procureur ne pourrait appeler ce type de témoin

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1 à moins d'avoir aucune autre alternative. Ce sont des caractérisations qui

2 sont tout à fait superflues, surtout qui ne sont pas vraies, qui ne

3 reflètent pas la réalité.

4 M. Krajisnik faisait partie d'une entreprise criminelle. Les

5 personnes qui étaient ses proches étaient aussi engagées dans cette même

6 entreprise et ont été condamnées de crimes qui portaient sur cette

7 entreprise. Ce sont ces personnes-là qui auraient des informations et qui

8 pourraient fournir des preuves permettant de trouver la vérité.

9 Il est aussi important de savoir que ces soi-disant "condamnés" cités

10 par le bureau du Procureur et par les Juges, aussi, n'ont pas témoigné à

11 propos d'événements isolés. Il y a énormément de preuves qui ont corroboré

12 ce qu'ils ont dit lors de leurs témoignages et des témoins aussi qui ont

13 témoigné devant cette Chambre ont corroboré ce que ces témoins bien

14 spéciaux avaient dit. Pour évaluer si une condamnation pénale d'un témoin a

15 une conséquence sur la véracité de son témoignage, je pense que vous saurez

16 mesurer exactement et que vous saurez peser le poids de leurs témoignages,

17 au vu de toutes les preuves qui ont été présentées lors de cette affaire,

18 et que vous conclurez que leurs témoignages sont fiables.

19 Ensuite, il y a la deuxième catégorie qui est les suspects, mais d'abord,

20 M. Mandic, qui, lui, est poursuivi au pénal en Bosnie, à ma connaissance,

21 aucune personne identifiée comme étant des suspects par la Défense n'est

22 poursuivie par les autorités bosniennes, donc il ne s'agit que des

23 spéculations de la part de la Défense. La réalité est que la plupart de ces

24 "suspects," c'étaient des personnes qui étaient proches personnellement de

25 M. Krajisnik ou professionnellement aussi, lors de la période concernée par

26 l'acte d'accusation. Ce sont des personnes qui connaissaient, qui avaient

27 connaissance de la conduite de M. Krajisnik et qui connaissaient bien aussi

28 les rouages du gouvernement dont ils faisaient partie.

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1 Il faudrait bien examiner qui sont ces personnes, savoir si ces

2 personnes avaient des possibilités d'entendre ou de voir les événements à

3 propos desquels ils ont témoigné, si leurs éléments de preuve sont

4 plausibles ou non, et surtout s'ils ont eu la moindre hostilité ou le

5 moindre préjudice envers M. Krajisnik.

6 Ensuite les experts, Mme [comme interprété] Treanor, Mme [comme

7 interprété] Nielsen, Mme Hanson et M. Browne. Trois de ces personnes, bien

8 sûr, sont employées par le bureau du Procureur. M. Browne a été employé par

9 le bureau du Procureur lors de la période au cours de laquelle il a préparé

10 son rapport. Vous devez prendre en compte, bien sûr, cet élément, tout du

11 moins la Défense vous demande de prendre en compte cet élément et

12 d'utiliser leurs conclusions avec prudence, parce que selon la Défense, ce

13 ne sont pas des experts indépendants.

14 Or, les experts qui ont témoigné et qui ont présenté ces rapports

15 devant les Juges, il s'agit d'experts. On ne vous demande pas de prendre

16 les affirmations -- leurs affirmations comme argent comptant, mais ce sont

17 des affirmations qui sont -- leurs affirmations sont contenues dans des

18 rapports. Les rapports sont étayés par les documents, documents volumineux.

19 La plupart des cas, il faut que vous étudiiez de près leurs preuves, leurs

20 conclusions, les éléments qui étayent leurs conclusions, et cetera, avant

21 de faire vos propres conclusions sur leur fiabilité.

22 Vous devriez aussi comparer leurs conclusions avec les autres

23 éléments de preuve qui ont été soumis et présentés en l'espèce à la fois du

24 côté par les témoins à charge, à décharge et les témoins de la Chambre.

25 Ensuite, les internationaux, quatrième catégorie. Il faut là que vous

26 les étudiiez de près. Ces témoins internationaux qui ont témoigné ici

27 étaient Charles Kirudja, le général John Wilson, l'ex-ambassadeur Okun,

28 deux témoins venant d'organisations internationales qui ont témoigné avec

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1 mesures de protection, et l'un qui a témoigné au titre du 94 bis. Vous

2 devez -- la Défense vous demande de prendre leurs témoignage avec prudence.

3 Selon le mémoire de la Défense, la plupart d'entre eux "ont développé une

4 antipathie contre les Serbes et ont un préjudice envers les Serbes et ne

5 sont pas fiables, ils ne sont pas objectifs."

6 Nous rejetons ces affirmations. Les témoins internationaux qui sont

7 venus témoigner ne faisaient pas partie du conflit, des personnes qui

8 représentaient des organisations internationales neutres et qui avaient un

9 accès absolument unique aux dirigeants politiques et militaires des Serbes

10 de Bosnie, y compris M. Krajisnik, et qui connaissaient bien, de plus, la

11 situation sur le terrain en Bosnie. Parfois, leurs rapports de l'époque

12 vous ont été montrés, et souvent ces rapports reflètent une opinion assez

13 critique des crimes et des événements qu'ils ont observés sur le terrain,

14 mais avoir un point de vue critique ne signifie pas qu'objectivement, ils

15 ne sont pas fiables en tant que témoins.

16 Ici, à nouveau, il faut utiliser votre bon sens et les standards que

17 vous utilisez normalement en tant que Juges à ces témoignages de ces

18 parties tierces que vous avez entendues, parties tierces qui étaient

19 neutres.

20 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

21 M. HARMON : [interprétation] Ensuite, et finalement, surtout, parlons d'un

22 témoin dont le témoignage a été identifié très spécifiquement par la

23 Défense, M. Davidovic. La Défense, dans son mémoire, affirme ou avance

24 plutôt que M. Davidovic est devenu un témoin en l'espèce "assez tard", si

25 je puis dire, et a été cité par l'Accusation parce que selon la Défense,

26 "l'Accusation pensait que leur argument était trop faible." La Défense

27 déclare que Davidovic est un menteur, qu'il connaissait la torture, qu'il

28 était d'accord avec la torture et que là, l'Accusation, vraiment cherchait

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1 les fonds de tiroir pour trouver un témoin.

2 Or, tout d'abord, je tiens à vous dire pourquoi nous l'avons rajouté si

3 tard à la liste des témoins. Ceci est contenu dans la requête de

4 l'Accusation du 8 avril 2005 qui avait été résumée dans la décision de la

5 Chambre de première instance à propos de cette requête à la page 12 461 du

6 compte rendu.

7 M. Davidovic a refusé d'être interviewé par le bureau du Procureur dans

8 l'absence d'une dérogation de son gouvernement. Malgré les demandes

9 répétées, le gouvernement de l'ex-République de Yougoslavie a retardé

10 pendant trois ans la publication de cette dérogation demandée. Finalement,

11 nous avons eu la dérogation en octobre 2004, et de ce fait, le Procureur a

12 pu interviewer M. Davidovic. Ces interviews ont été incluses en mars 2005,

13 et M. Davidovic a été ajouté à la liste des témoins au début avril 2005.

14 La Défense attaque M. Davidovic. Dans leur mémoire, ils l'appellent -

15 - ils disent que c'est un menteur. Lors du témoignage, on a dit que c'était

16 un menteur. La Défense n'a, en revanche, montré aucune preuve pour

17 influencer la perception de la Chambre de première instance à propos de la

18 crédibilité de M. Davidovic. Lors du procès, ils ont dit que c'était un

19 criminel, ils ont dit qu'il y avait des poursuites criminelles au pénal qui

20 étaient en suspens contre lui. Ils l'ont accusé d'avoir volé des Musulmans

21 au cours de la guerre alors que c'était absolument faux, et d'ailleurs la

22 Défense a retiré cela par la suite.

23 Maintenant, pour ce qui est du point de la Défense comme quoi

24 Davidovic devait "avoir connu et sanctionné l'utilisation de la torture,"

25 ceci était basé uniquement sur des spéculations bien plus que sur des

26 observations des faits. Il faudrait ici regarder les pages 17 016 et 017.

27 La Défense n'a présenté aucune preuve montrant que M. Davidovic avait une

28 animosité bien particulière contre M. Krajisnik. Lors du procès, ils ont

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1 déclaré que comme il n'avait aucun -- comme il n'a jamais dit aucune

2 louange de Krajisnik, il était de ce fait non objectif. Cela ne va pas plus

3 loin. De même, la suggestion selon laquelle il a menti à propos de

4 Krajisnik pour couvrir ses propres méfaits est ridicule. Ceci se retrouve à

5 la ligne 15 229. Cette conduite criminelle, ces allégations ont été

6 d'ailleurs retirées par la suite.

7 Ce qui est important, c'est qu'il convient d'analyser le témoignage de M.

8 Davidovic comme les preuves amenées par tous les autres témoins en

9 l'espèce. Les mêmes standards doivent s'appliquer, malgré les attaques

10 violentes dont il a été l'objet.

11 Maintenant, j'aimerais me tourner vers la crédibilité de

12 M. Krajisnik, donc certains -- je pense en effet que parfois, M. Krajisnik

13 n'a pas toujours dit la vérité.

14 Pour l'évaluation de la crédibilité de M. Krajisnik, il faut

15 que vous examiniez les mots qu'il a dits en 1992, 1993, 1994, 1995, lors de

16 ces séances de l'assemblée, lors d'interviews, lors de discours, et cetera,

17 et essayez de comparer cela avec le sens compliqué qu'il a donné à ses mots

18 lors de son témoignage. Il convient aussi de juger de son témoignage au vu

19 des autres éléments de preuve apportés par les autres témoins.

20 Tout d'abord, parlons de ce qu'il nous a dit. Il nous a dit qu'il ne savait

21 absolument rien à propos des Serbes de Bosnie qui s'armaient avant le

22 conflit. Nous avons passé beaucoup de temps là-dessus. M. Krajisnik a

23 témoigné en disant : "Je ne savais pas comment ils s'armaient, je n'en

24 savais rien." En réponse à une question du Juge Hanoteau, il a dit : "Mais

25 je tiens à dire que j'avais aucune information à l'époque selon laquelle le

26 camp serbe était en train de s'armer."

27 A nouveau, il a dit : "Pour ce qui est des rumeurs dont j'ai entendu des

28 histoires qui étaient circulées comme quoi des gens recevaient des armes,

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1 j'ai entendu des histoires comme cela, c'est vrai, mais ces rumeurs, ce

2 n'était rien de spécifique." Il y a aussi l'armement. L'armement était un

3 secret. Peut-être que les gens en parlaient, mais uniquement en tête à

4 tête.

5 Il voudrait que vous croyiez qu'il ne savait rien à propos du fait que l'on

6 armait les Serbes juste avant le conflit. C'était un leader, un dirigeant

7 qui pensait que son peuple risquait le génocide, avait peur que son peuple

8 se retrouve en minorité dans un Etat indépendant de Bosnie, et il n'aurait

9 rien su de la façon dont ce peuple se serait protégé, le cas échéant.

10 Il a aussi témoigné que Karadzic et lui avaient rencontré les échelons très

11 élevés de la JNA à Sarajevo et à Belgrade, et ce, avant la guerre. Etant

12 donné les préoccupations des dirigeants des Serbes de Bosnie à propos d'un

13 génocide éventuel contre le peuple serbe, est-il vraiment possible qu'il ne

14 savait pas que la JNA, les parties qu'il avait rencontrées à Belgrade et à

15 Sarajevo, était en train d'armer les Serbes de Bosnie ? Bien sûr que non.

16 Nous affirmons qu'il connaissait parfaitement les programmes d'armement qui

17 étaient en cours.

18 Le général Gvero, lors de la 34e Session de l'assemblée, et d'autres

19 membres de l'assemblée, d'ailleurs, ont déclaré lors de ces réunions que le

20 Parti démocratique serbe, là je cite le général Gvero : "Le Parti

21 démocratique serbe et les institutions établies de l'Etat sont chargées de

22 l'armement initial du peuple serbe…"

23 Ensuite, le P51, le rapport du général Kukanjac, auquel on a fait

24 énormément référence lors de ce procès, et je cite : "La JNA a distribué 51

25 900 pièces d'armement, et le SDS en a distribué 17 298." Dans le même

26 rapport, Kukanjac déclare qu'il allait bientôt parler avec les dirigeants

27 du peuple serbe, y compris Krajisnik. L'armement des Serbes était bien

28 connu, c'est que nous affirmons, c'était d'une notoriété publique.

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1 Maintenant, quand on regarde un petit peu la municipalité de Sarajevo

2 uniquement, qui était dans un intérêt tout particulier pour M. Krajisnik,

3 vous voyez quel était le rapport Kukanjac. On voit que 15 100 armes ont été

4 distribuées dans la municipalité de Sarajevo, et dans la municipalité de M.

5 Krajisnik, 2 400 armes ont été distribuées. Les personnes qui étaient

6 engagées dans ces efforts d'armement, nous savons qui il y avait, il y

7 avait : Karadzic, Zekic, Danilo Veselinovic, conseil principal du SDS,

8 Jovan Tintor, le kum de M. Krajisnik, Rajko Djukic, le président du conseil

9 exécutif du SDS, le général Kukanjac, le commandant du 2e District

10 militaire de la JNA.

11 Maintenant attirons -- regardons un peu ce qu'il en est de Dusan Kosic, qui

12 était un membre éminent de l'assemblée des Serbes de Bosnie, qui a été

13 arrêté pour avoir fait rentrer en contrebande des armes le 24 mars 1991. Il

14 avait volé huit caisses d'armes automatiques, 16 800 balles, et cetera,

15 pour les faire entrer en contrebande en Bosnie. Cela a fait vraiment la une

16 d'Oslobodjenje.

17 M. Krajisnik en a parlé publiquement. Or, lors de son témoignage, il a dit

18 qu'il n'en savait rien, donc ce n'est pas crédible.

19 Il y a aussi les intercepts, deux intercepts téléphoniques, par exemple, où

20 l'on voit que M. Krajisnik est au courant de -- était informé à propos des

21 armes. M. Djukic lui parlait à propos de l'achat d'armes, M. Krajisnik lui

22 parlait aussi pour lui dire que les Serbes n'avaient pas assez d'armes.

23 Nous affirmons, Messieurs les Juges, que M. Krajisnik n'a pas dit la vérité

24 quand il a dit qu'il ne savait absolument rien pour ce qui est -- en ce qui

25 concerne l'armement des Serbes.

26 Maintenant, pour ce qui est du pilonnage de Sarajevo --

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, il nous faut quand même

28 une pause.

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1 M. HARMON : [interprétation] D'accord.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si c'est le bon moment --

3 M. HARMON : [interprétation] Tout à fait, c'est très opportun.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20

5 minutes et nous reprendrons à 18 heures 20 pile, et vous aurez 40 minutes

6 et rien de plus.

7 M. HARMON : [interprétation] Nous avons quand même perdu 15 minutes, je

8 crois, lorsque nous avons commencé notre réquisitoire, d'abord la décision

9 qui a été lue -- enfin, j'ai vraiment regardé ma montre. Je me demandais si

10 ces minutes nous seraient rendues pendant la pause. Certes, on peut

11 toujours ajuster le tir.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas. Je vais essayer de lire

13 le plus vite possible. Si je lis trop vite, je fais la même erreur que les

14 autres; si je lis trop lentement, je perds le temps et les interprètes

15 souffrent aussi, souffrent toujours de toute façon, mais il faut leur

16 demander de rester après 19 heures. Je vais prendre -- nous allons étudier

17 la chose.

18 Je remarque aussi, Monsieur Harmon, que quand certains points ont été

19 discutés, il semble bien que les deux parties ont une opinion bien

20 différente qui est évoquée dans leurs deux mémoires. Il y a parfois

21 référence à certaines choses que je me souviens avoir bien lues déjà dans

22 le mémoire. Vous pouvez peut-être raccourcir à ce moment-là, puisqu'on sait

23 très bien à quoi vous faites allusion. Si vous gardez cela à l'esprit,

24 parlez à vos collègues et essayez entre vous de trouver une solution pour

25 terminer en 40 minutes. Je vais quand même regarder combien de temps m'a

26 pris la lecture de la décision orale.

27 Nous reprendrons à 18 heures 20.

28 --- L'audience est suspendue à 17 heures 59.

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1 --- L'audience est reprise à 18 heures 21.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je vous en prie. Cela

3 m'a pris huit minutes et cinq secondes pour donner lecture de la décision.

4 M. HARMON : [interprétation] Et que comptez-vous faire au sujet de ces huit

5 minutes et cinq secondes ? Est-ce vous parvenez à une décision sur ce

6 point ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que si vous ne parlez pas trop

8 vite et si votre comportement donne satisfaction, j'imagine que les

9 interprètes accepteraient de vous accorder cinq minutes supplémentaires,

10 quelque chose de cet ordre-là.

11 M. HARMON : [interprétation] Bien. Alors, je reprends.

12 La question suivante que j'aimerais examiner, qui a trait à la

13 crédibilité de M. Krajisnik, concerne le pilonnage de Sarajevo. Dans ce

14 contexte, M. Krajisnik dans sa déposition a dit, et je cite : "Permettez-

15 moi de répéter, je crois qu'il est important de le savoir, le fait que

16 quelqu'un a pilonné ou n'a pas pilonné Sarajevo, ou pas, était quelque

17 chose qui était le fruit d'une décision de l'armée." Il a dit également :

18 "Souvenez-vous qu'il n'y a jamais eu de pilonnages majeurs de Sarajevo, il

19 n'y en a jamais eu."

20 Je vous demanderais de vous remémorer la déposition du général Wilson qui

21 était à la tête de l'UNMO en Bosnie-Herzégovine. Il a affirmé que le 14 mai

22 1992, date à laquelle il se trouvait à Sarajevo, Sarajevo a été bombardé à

23 une échelle terrible. Environ 5 000 à 10 000 tirs d'artillerie ont été

24 enregistrés sur la ville ce jour-là. Il a décrit ce pilonnage comme étant

25 un pilonnage à large échelle, indiscriminé, disproportionné, et qu'il

26 n'avait jamais vu dans des opérations militaires conventionnelles un tel

27 pilonnage, un pilonnage aussi intense qui ait été utilisé contre des cibles

28 civiles. Suite à ce pilonnage, la FORPRONU a déplacé son quartier général

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1 et s'est installée à Belgrade. Le fait qu'un pilonnage majeur ait entraîné

2 le transfert du siège de l'une des organisations internationales les plus

3 importantes présentes en Bosnie n'a certainement pas pu échapper à

4 l'attention de M. Krajisnik. Par ailleurs, j'attire l'attention des Juges

5 sur le compte rendu de la quatrième réunion de la présidence élargie de

6 guerre du 9 juin 1992. M. Krajisnik était présent à cette réunion de la

7 présidence --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me permets de vous interrompre. Je

9 crois comprendre que nous avons commencé à huis clos partiel. Or, nous

10 n'avons pas demandé que l'on passe à huis clos partiel. Je ne vois pas de

11 confirmation à l'écran.

12 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

13 M. HARMON : [interprétation] Je peux dire ce que je suis en train de dire

14 en audience publique. Je demanderais que nous passions à huis clos partiel

15 dans quelques instants.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 M. HARMON : [interprétation] J'étais en train de parler du compte rendu de

18 la quatrième réunion de la présidence élargie de guerre, le 9 juin 1992. M.

19 Krajisnik était présent. Après avoir entendu le briefing du général Mladic

20 et d'autres généraux présents, l'on est arrivé à la conclusion suivante. Je

21 cite : "Les tirs d'artillerie lourde sur la ville devaient être

22 interrompus."

23 Si vous prenez également d'autres comptes rendus, d'autres réunions de la

24 présidence, vous verrez qu'après que la présidence a eu connaissance de la

25 communication du secrétaire général des Nations Unies au conseil de

26 Sécurité se plaignant d'attaques à l'artillerie lourde sur la zone de

27 Dobrinja qui menaçaient les négociations au sujet de l'aéroport, le

28 lendemain de la réunion à laquelle M. Krajisnik a participé -- "L'état-

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1 major principal a ordonné de cesser toute opération d'artillerie et

2 d'infanterie dans le faubourg de Dobrinja, avec effet immédiat." Ce qui

3 montre bien que cela contredit la déposition de M. Krajisnik, à savoir que

4 le pilonnage de Sarajevo était quelque chose qui faisait l'objet d'une

5 décision de la part de l'armée. Le pilonnage de Sarajevo était une décision

6 politique qui était exécutée par l'armée, et qui pouvait être décidée ou

7 interrompue en fonction des circonstances.

8 Je demanderais que nous passions à huis clos partiel.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

11 [Audience à huis clos partiel]

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8 [Audience publique]

9 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, compte tenu des

10 éléments que j'ai pu examiner, et compte tenu d'autres éléments qui ont été

11 présentés devant la Chambre, nous affirmons que le pilonnage de Sarajevo

12 n'était pas décidé exclusivement par l'armée et par les forces militaires.

13 M. Krajisnik était pleinement au courant du pilonnage massif sur Sarajevo.

14 J'aimerais brièvement enfin évoquer la question de la séparation de la

15 police, car là aussi, M. Krajisnik met sa crédibilité en jeu. Le 31 mars,

16 M. Mandic a envoyé une dépêche qui a abouti à la séparation de la police,

17 ce qui a débouché sur un crime. M. Krajisnik nous a dit qu'à ce moment-là,

18 il se trouvait à Bruxelles, et que lui et Karadzic ont été abasourdis

19 d'entendre qu'une telle dépêche avait été envoyée. D'après ce que nous a

20 dit M. Krajisnik, une telle dépêche n'était pas autorisée et était un acte

21 irresponsable qui les a pris par surprise. Ils étaient abasourdis, et il

22 n'a pas eu le temps de faire quoi que ce soit pour rectifier ou pour

23 annuler cet acte irresponsable et non autorisé. Il souhaitait prendre ses

24 distances par rapport à cette action de M. Mandic. Comme vous pouvez vous

25 en souvenir, M. Krajisnik a abordé cette question sous un angle juridique

26 en disant que ce n'était pas autorisé en vertu de la loi. Il a estimé en

27 substance que M. Karadzic et lui-même n'étaient pas d'accord avec ce que M.

28 Mandic avait fait. Mais M. Krajisnik et M. Karadzic n'ont pas immédiatement

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1 annulé la mesure prise par M. Mandic, n'ont pas à leur tour envoyé une

2 dépêche à tous les centres de sécurité concernés pour annuler les effets de

3 la dépêche de M. Mandic. Cela aurait été possible par le biais d'un

4 mémorandum par les canaux habituels. Cela lui aurait pris combien de

5 temps ? Une heure ? Six heures ? Un Jour ? Et pourtant, rien ne s'est

6 passé. Par la suite, Mico Stanisic, trois jours plus tard, le ministre de

7 l'Intérieur a trouvé le temps d'envoyer une dépêche aux forces de police

8 serbes indiquant que la dépêche de M. Mandic était en fonction.

9 Enfin, ce qui m'amène à dire que M. Krajisnik n'a pas dit la vérité quant à

10 ses actes a été son attitude au sujet de M. Zepinic, qui a été un officier

11 de police de haut rang au sein du gouvernement de la Bosnie. M. Zepinic a

12 rencontré avec M. Delimustafic différents représentants au moment où il a

13 été convoqué dans le bureau de M. Krajisnik personnellement. Lorsque M.

14 Zepinic est arrivé dans le bureau de M. Krajisnik, s'y trouvaient déjà M.

15 Mandic, Karadzic, Koljevic, Djeric, Buha et d'autres, et il a été

16 violemment attaqué parce qu'il avait rencontré une unité spéciale de la

17 police et qu'il n'était pas favorable à la division de l'unité de la police

18 spéciale. D'après M. Mandic, la division de la police spéciale était la

19 dernière touche qui aboutirait à la division du MUP. M. Zepinic a proposé

20 sa démission à M. Krajisnik, qui a été acceptée.

21 Cela ne donne pas l'impression qu'il n'avait pas le temps de faire quoi que

22 ce soit; à notre avis, cela indique qu'il s'agissait de l'attitude de

23 quelqu'un qui était entièrement favorable aux efforts de M. Mandic en vue

24 de diviser la police. Nous affirmons que M. Krajisnik avait le temps de

25 prendre des mesures pour annuler la dépêche. Il a appuyé la division de la

26 police au moment où M. Mandic a envoyé cette dépêche et il a affirmé qu'il

27 n'avait pas eu le temps de le faire, ce qui était une affirmation erronée

28 et fallacieuse devant cette Chambre de première instance.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

2 M. HARMON : [interprétation] Je donne la parole à M. Tieger.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

5 Président, pardonnez-moi, je souhaite commencer par proposer quelques

6 propos par rapport à ce qu'a dit M. Harmon sur la question de la

7 crédibilité, en particulier les différentes catégories de témoins présentés

8 par la Défense. Tout en indiquant que leurs témoins sont venus "parler des

9 choses comme elles étaient". Je pense que d'après leur déposition, un

10 certain nombre de témoins de la Défense ont voulu mettre en avant certaines

11 choses qui étaient importantes pour elle, le nationalisme, l'identification

12 avec l'accusé. Il ne s'agit pas de rejeter tous en tant que catégorie, mais

13 ce que M. Harmon a suggéré c'est ce que requiert la jurisprudence, de les

14 examiner à la lumière des éléments de preuve et tous les facteurs, ici.

15 J'aimerais parler de quelques exemples rapidement et ensuite poursuivre.

16 Les témoins tels que M. Bjelica ont admis qu'il avait déclaré auparavant :

17 nous voulons une rupture complète vis-à-vis des Musulmans. Nous ne

18 souhaitons pas vivre avec eux, nous ne souhaitons pas être enterrés près

19 d'eux. Le témoin comme M. Milancic qui a été confronté à cela lors de la

20 séance de la 24e Session de l'assemblée, lorsqu'il a dit qu'il s'agissait

21 de prendre en otage les membres de la communauté internationale, a ensuite

22 dit à la Chambre : c'était une bonne idée, en réalité. Des témoins comme M.

23 Milancic qui essaie de nous convaincre ou convaincre la Chambre que ces

24 Serbes avaient pris des mesures en montrant du doigt en particulier le fait

25 d'avoir tué un Musulman qui était connu. Il s'est avéré, Messieurs les

26 Juges, vous vous souvenez, que le Serbe a été relâché après avoir tué ce

27 Musulman, et ensuite est allé tuer quatre autres Musulmans supplémentaires.

28 Deux d'entre eux ont été tués, il n'a pas été jeté en prison jusqu'à ce que

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1 l'incident remonte à la surface lorsqu'un jeune enfant serbe a été tué.

2 Ou les témoins comme M. Micic qui a témoigné en disant qu'il n'avait jamais

3 entendu parler des objectifs stratégiques avant de venir à La Haye et qu'il

4 a été confronté à cela lors des sessions de l'assemblée et que les

5 objectifs stratégiques ont été largement débattus par le Dr Karadzic et M.

6 Krajisnik, et de surcroît, une vidéo montrant qu'il y avait des discussions

7 sur les objectifs stratégiques en présence de M. Maksimovic. En réalité,

8 dans cette vidéo, la question était posée de savoir quel était le moyen de

9 mettre en œuvre les objectifs stratégiques, hormis en dehors de la guerre.

10 D'autre part, il y a des témoins comme M. Kasagic qui parle de la nécessité

11 de réduire la population musulmane à 5 %, et M. Micic qui a parlé à son

12 frère qui se trouvait à faire partie de la cellule de Crise de Bijeljina.

13 Ils travaillaient ensemble avec la cellule de Crise avec Mauzer. Ou M.

14 Vasic qui, dans sa déposition, a parlé du deuxième objectif stratégique qui

15 était un objectif militaire. Il a dit : "Il s'agissait d'un objectif

16 militaire dans le sens où un objectif stratégique des forces serbes de

17 Bosnie afin d'établir un territoire contigu et d'empêcher qu'il n'y ait à

18 la frontière une séparation du peuple serbe."

19 Tout ceci, Monsieur le Président, encore, je ne suis pas en train de

20 suggérer que les témoins à décharge devraient être rejetés en bloc, mais

21 cela souligne simplement ce que M. Harmon a dit, la nécessité pour la

22 Chambre - je suis sûr que la Chambre le fera - d'évaluer leurs dépositions

23 à la lumière de ces facteurs-là et d'accepter ou de rejeter certaines

24 parties de la déposition que la Chambre estime crédibles.

25 Monsieur le Président, je souhaite passer à la question du génocide. Dans

26 cette affaire, comme la Chambre le sait pertinemment, nous considérons que

27 la campagne systématique de massacres et les conséquences que cela pouvait

28 avoir dans la réalisation de l'objectif sur le territoire serbe en

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1 déplaçant les Musulmans et les Croates à tout prix. Au cours de cette

2 campagne, il s'agissait de faire l'acquisition de territoires qui étaient

3 considérés comme dangereux et non désirables, et ce, en tenant compte des

4 souvenirs historiques et un sens de la victimisation et de la tragédie qui

5 s'était déroulée à ces endroits-là. La Chambre sait ce qui s'est passé.

6 Quand les Musulmans et les Croates ont été déplacés, ils n'ont pas été

7 protégés par la loi, ont fait l'objet de forces qui étaient décidées à

8 assurer leur disparition et le sort de bon nombre, et quel a été le sort de

9 bon nombre d'entre eux ? Bon nombre ont été tués et beaucoup ont eu à vivre

10 dans des conditions qui devaient sans nul doute provoquer la mort. La

11 Chambre doit maintenant répondre de cela et savoir si ces circonstances

12 tombent dans la catégorie du génocide.

13 La Défense note dans son mémoire que le génocide a été appelé crime, et par

14 conséquent, on demande que ceci provoque un effet stigmatisant qui ne doit

15 pas être dilué. Il faut insister néanmoins sur le fait que la Chambre ne

16 doit pas limiter pour autant l'application de la théorie du génocide et,

17 par conséquent, éviter de stigmatiser la conduite qui relève du Statut et

18 qui n'a aucune place dans un monde civilisé auquel nous aspirons, quand

19 bien même la planète est de plus en plus armée.

20 Le génocide, bien sûr, Monsieur le Juge, est une conclusion juridique qui

21 repose sur l'ensemble de choses, un acte prohibé et une intention; par

22 conséquent, une campagne à grande échelle qui a provoqué la mort à grande

23 échelle ne peut pas constituer le génocide, et d'autre part, un petit

24 nombre de morts peut le faire. Donc, c'est important et il ne faut pas

25 confondre ici le mobile qui est derrière. Bien sûr, il y a convergence

26 d'intention et de mobile, comme c'était le cas dans le génocide pendant la

27 Deuxième Guerre mondiale. Quoi qu'il en soit, un nombre de mobiles peuvent

28 provoquer ou inciter un accusé à commettre un acte interdit qui relève du

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1 Statut avec l'intention de détruire un groupe protégé. Mais cela ne

2 constitue pas une défense que de dire que l'intention génocidaire manque,

3 parce que le mobile de l'accusé consistait à détruire le groupe.

4 En ce cas, Monsieur le Président, le territoire devait être admis en tant

5 qu'entreprise criminelle qui avait pour intention de chasser de façon

6 permanente les Musulmans de Bosnie et les Croates par tous les moyens

7 possibles. Dans un moment, je vais attirer l'attention de la Chambre sur

8 les affirmations qui avaient été faites en vertu de quoi la Bosnie avait

9 déclaré son indépendance et que ceci mènerait à la destruction des

10 Musulmans de Bosnie et des Croates, alors annihilation. Mais je voudrais

11 tout d'abord dire ceci. Il est évident que ces actes interdits selon

12 l'article 4(2) dans ce cas ont été commis. La question est de savoir si M.

13 Krajisnik et les autres avaient l'intention de détruire un groupe protégé.

14 La décision prise, eu égard à cet incident, repose sur les circonstances

15 qui entourent les actes dont il s'agit ici, mais peuvent également être

16 blâmés à partir de moyens de preuve directs. L'intention génocidaire peut

17 être déduite entre autres choses en estimant qu'il y a eu intention

18 discriminatoire de la part de l'accusé que des actes ou des paroles ont été

19 prononcées par l'accusé ou ses collaborateurs, et cetera. Effectivement, si

20 on déduit qu'il y a eu intention génocidaire, on peut le déduire lorsque

21 certains individus à qui l'on peut attribuer ces intentions, mais qui ne

22 sont pas identifiés de façon précise, ce qui est le cas dans l'affaire

23 Krstic. Mais je crois qu'on peut mieux comprendre la question de

24 l'intention en identifiant la raison pour laquelle les auteurs ou ceux qui

25 étaient proches d'eux ont commis cela. Je vais maintenant vous présenter

26 les moyens de preuve à cet égard.

27 Vous vous souviendrez du discours du Dr Karadzic le 14 octobre ou le 15

28 octobre, lors de la session de l'assemblée, lorsqu'il a parlé de

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1 l'extinction possible des Musulmans. Ceci a été interprété par d'aucuns

2 comme étant une question politique plutôt que biologique. Mais en examinant

3 de plus près les éléments de preuve, on voit clairement que le Dr Karadzic

4 faisait référence à une destruction physique intentionnelle. Nous citons

5 ici à la Chambre un certain nombre de conversations téléphoniques

6 interceptées que la Chambre de première instance connaît, j'en suis

7 certain.

8 Tout d'abord, la conversation avec Djogo, deux jours avant le discours.

9 J'attire l'attention de la Chambre sur les quelques commentaires saillants

10 de cette conversation.

11 Djogo : "Est-ce qu'il pensait commencer la guerre à Sarajevo ? Est-ce

12 qu'il est fou ?"

13 Le Dr Karadzic répond : "Ils vont disparaître, et ensuite il y aura

14 des rivières de sang. Ils disparaîtront, ils disparaîtront de la Terre et

15 ils vont commencer maintenant."

16 Karadzic a poursuivi cette conversation avec ses commentaires en

17 parlant de 300 000 Musulmans à Sarajevo qui allaient mourir et les

18 Musulmans de Bosnie qui allaient disparaître aux mains des forces serbes.

19 Il a dit que les Musulmans seraient là s'il y avait du sang et que les

20 Musulmans allaient disparaître, les pauvres Musulmans allaient disparaître.

21 Il a également dit que : "L'Europe pourrait aller se faire foutre et ne

22 devait pas revenir avant que tout ceci ne soit terminé."

23 Ensuite, le lendemain, le Dr Karadzic a réitéré son point de vue, a

24 dit que les Musulmans devaient être annihilés lors d'une conversation avec

25 Mandic, et quelques jours avant, il a dit à Sarajevo que Sarajevo

26 disparaîtrait et qu'il y aurait 500 000 morts. En un mois, les Musulmans

27 seraient annihilés en Bosnie-Herzégovine, il en a parlé à son frère la

28 veille de la session de l'assemblée. Le 14 et le 15, il a dit : Il y aura

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1 la guerre jusqu'à ce qu'ils soient complètement exterminés, et aucun de

2 leurs dirigeants ne restera en vie.

3 Bien, Messieurs les Juges, ces remarques ne peuvent pas être

4 minimisés, on ne peut pas considérer qu'il s'agit simplement de propos

5 tenus en public pour des raisons politiques, car ces paroles n'ont pas été

6 prononcées en public. Effectivement, M. Krajisnik a informé le Dr Karadzic

7 lors d'une conversation le 4 septembre sur laquelle ils se sont mis

8 d'accord pour dire que les Musulmans devraient disparaître et être

9 annihilés et dire publiquement que les Serbes et les Musulmans subiraient

10 le même sort. Mais dans la conversation interceptée à laquelle je viens de

11 faire référence, il est manifestement très clair que Karadzic parle de la

12 campagne qui sera lancée et que celle-ci sera lancée si les Musulmans

13 poursuivent les mêmes intentions d'indépendance.

14 Effectivement, c'est précisément les propos repris du Dr Karadzic qui

15 ont été compris par les Serbes de Bosnie et qui occupaient des postes

16 importants. Lors de la 4e Session de l'assemblée, le dirigeant Vukic,

17 dirigeant de la région a applaudi en disant : "La reconnaissance de la

18 Communauté européenne de l'indépendance de la Bosnie en tant qu'Etat

19 résulterait 'en une révolte serbe et il y aurait un bain de sang, et il

20 s'ensuivrait que certaines nations seraient créées,'" ce qui signifie que

21 les Musulmans, comme nous avons pu entendre dans ce prétoire,

22 "'disparaîtront complètement.'"

23 Lors de la 17e Session en juillet 1992, le Dr Karadzic a dit : "Ce

24 conflit a été provoqué, mais simplement parce qu'ils sont en train de

25 disparaître."

26 De même, le Dr Kalinic, lors la 16e Session, a dit : "Nous savons qui

27 sont les ennemis, ils sont perfides. On sait qu'on ne peut pas leur faire

28 confiance jusqu'à ce qu'ils soient complètement écrasés, ce qui signifie

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1 qu'il faut les éliminer, les liquider."

2 Messieurs les Juges, nous avons des preuves de l'intention, non

3 seulement dans des déclarations directes qui parlent d'élimination, mais

4 par le biais d'autres expressions, de l'intention d'éliminer un groupe

5 protégé, mais également que nous pouvons fournir en tant qu'éléments à

6 charge. En rapport avec cela, la Chambre peut se pencher sur les nombreux

7 commentaires qui ont été faits, comme les remarques du Dr Karadzic que les

8 Musulmans ne pouvaient plus vivre avec eux. Il faut être très clair à cet

9 égard, ou alors ils vous dépasseront avec leur taux de natalité élevé et

10 leurs petits pièges. Ensuite, M. Karadzic parle des territoires purs, et

11 Kupresanin explique, lors de la 24e Session de l'assemblée, que la guerre

12 s'avère nécessaire parce que maintenant la Bosnie serait une république

13 majoritairement serbe, et note que la Serbie devrait faire de même et

14 empêcher les Albanais et les Musulmans de prendre le contrôle de la Serbie.

15 La Chambre d'appel a reconnu dans l'affaire Krstic qu'il existe un

16 certain nombre de moyens, hormis les massacres, pour assurer la disparition

17 d'un groupe. Dans certaines circonstances, le transfert forcé est commis

18 avec l'intention spécifique. Cela peut être un moyen qui permet d'assurer

19 la disparition physique d'un groupe protégé.

20 Comme je l'ai dit, Monsieur le Président, les moyens de preuve

21 doivent être pris et analysés dans leur contexte. Je demanderais à la

22 Chambre de garder à l'esprit un autre aspect de ce contexte. Un thème

23 récurrent chez les Serbes de Bosnie était ce thème du génocide,

24 l'affirmation comme quoi les Musulmans et les Croates les menaçaient du

25 même génocide qu'ils avaient subi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Pour

26 ceux qui revivaient le passé et qui avaient du mal à s'en défaire, les

27 destructions des Musulmans représentaient simplement par anticipation un

28 quiproquo. Comme l'a dit l'ambassadeur Okun, il a prévenu Karadzic en

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1 disant : si vous continuez à parler du génocide, vous allez commettre un

2 génocide à titre préventif.

3 Monsieur le Président, l'intention génocidaire des dirigeants serbes

4 de Bosnie peut être déduite en tenant compte d'autres aspects, d'autres

5 éléments de nos moyens de preuve. L'ampleur et les schémas des attaques,

6 leur intensité, le nombre important de Musulmans qui ont été tués, la

7 détention des Musulmans et des Croates, le traitement brutal dans les

8 centres de Détention et ailleurs et le fait que ces personnes aient été

9 prises pour cible et le fait qu'on ait pris pour cible des personnes, qui

10 étaient vital, si les Musulmans et les Croates devaient survivre en tant

11 que groupe, sont tous des facteurs qui doivent être pris en compte par la

12 Chambre.

13 On a présenté à la Chambre un nombre très important d'éléments de

14 preuve à propos des massacres des Musulmans de Bosnie et des Croates en

15 1992 à une grande échelle, elle a également reçu des éléments de preuve à

16 propos des conditions de détention. De surcroît, je demande à la Chambre de

17 garder à l'esprit le nombre considérable d'éléments de preuve sur le

18 déplacement forcé, le transfert systématique du territoire prétendument

19 réalisé par les Serbes, et la Chambre doit soupeser et évaluer ces moyens

20 de preuve en même temps que les déclarations des dirigeants serbes de

21 Bosnie qui avaient prévu ou qui ont anticipé sur la disparition des

22 Musulmans. Avec tous ces facteurs à l'esprit, Monsieur le Président,

23 l'Accusation fait valoir que les conclusions de la Chambre doivent être que

24 les dirigeants serbes de Bosnie, y compris M. Krajisnik, avaient

25 l'intention de voir disparaître physiquement les Musulmans et les Croates

26 du territoire qu'ils convoitaient et avaient pour intention que cette

27 campagne qu'ils avaient menée comprenne une campagne de massacres en masse,

28 de faire du mal aux personnes visées, que ce soit de façon corporelle ou

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1 psychologique, de détenir dans des conditions où il était difficile de

2 survivre, avec l'intention de s'assurer de la disparition physique de

3 Musulmans et de Croates. Le chef de génocide contre M. Krajisnik, Monsieur

4 le Président, a par conséquent été établi.

5 Monsieur le Président, avec le temps qu'il nous reste, je souhaite parler

6 de deux questions, celle qui concerne le prononcé de la peine et celle de

7 l'incidence sur les victimes. J'ai besoin de quelques mots seulement pour

8 parler de l'incidence sur les victimes. Personne ne devrait tenter de

9 comprendre quelle a été la tragédie pour des centaines de milliers de

10 victimes dans ce cas. L'ampleur est telle et l'incidence sur les victimes

11 est telle qu'il est difficile, voire impossible, de tenter véritablement de

12 le décrire. Nous demandons à la Chambre de penser à ces centaines de

13 victimes, ces milliers de victimes, car il y avait sans cesse des victimes

14 à ce moment-là, et chacun, chacune, a sa tragédie ou sa douleur qu'il doit

15 garder. Par conséquent, en évaluant l'incidence que ceci peut avoir,

16 Messieurs les Juges, il faut tenir compte de chaque victime séparément.

17 Pour finir, Monsieur le Président, je vais parler de la question de

18 la condamnation et de la position de l'Accusation et de l'argument que nous

19 estimons juste pour les crimes commis par M. Krajisnik. Lorsque vous

20 rendrez votre décision sur la peine appropriée, nous avons nous-mêmes pris

21 en compte différents facteurs, facteurs aggravants et facteurs atténuants.

22 Je souhaite faire un commentaire rapide sur ces derniers.

23 Eu égard aux facteurs aggravants, nous avançons qu'il y a trois

24 facteurs aggravants qui pèsent sur cette peine. Le premier est l'abus de

25 pouvoir. M. Krajisnik était un homme intelligent, un homme instruit, un

26 homme qui a dit devant cette Chambre qu'il avait la confiance des Serbes et

27 des non-Serbes, les deux à la fois, avant la guerre. Néanmoins, il a

28 utilisé sa position et le pouvoir dont il disposait pour ne pas protéger

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1 les Musulmans et les Croates du mal qu'on leur a fait, mais au lieu de

2 cela, a œuvré pour mettre en œuvre une campagne, une campagne massive de

3 persécutions et de destruction contre les populations. Nous avançons par

4 conséquent que M. Krajisnik a abusé de sa position d'autorité, de la

5 confiance que la population civile avait en lui, et la peine devrait, par

6 conséquent, être aggravante.

7 En conséquence de cela, le deuxième facteur, Monsieur le président,

8 est que les victimes de M. Krajisnik étaient vulnérables. La plus grande

9 majorité des victimes, bien sûr, était des civils non-Serbes jeunes et

10 âgés, et que ces personnes ont été déracinées de façon violente de leur

11 maison et des localités où ils habitaient. Ils ont été maltraités, ils ont

12 été placés dans des camps où on leur a demandé d'aller vers l'inconnu,

13 alors qu'ils n'avaient aucun moyen de survie à leur disposition. A

14 l'époque, la Bosnie s'est trouvée appauvrie, la vie de son peuple s'en est

15 trouvée appauvrie, à ce moment-là et maintenant également. Dans la peine

16 contre M. Krajisnik, nous avançons qu'il faudrait tenir compte de ce

17 facteur aggravant, à savoir la vulnérabilité de ces victimes.

18 Je souhaite également parler du troisième facteur aggravant, le type

19 de comportement pour lequel M. Krajisnik est responsable : les massacres,

20 les expulsions forcées, les déportations, les détentions illégales, la

21 destruction de maisons non-Serbes, la destruction systématique à grande

22 échelle des lieux de culte. A la fin du mois de mars 1992 jusqu'au mois de

23 décembre 1992, l'ampleur de cela, M. le Président, l'ampleur de ces crimes

24 et le temps, ici, au moment où ils ont été commis, requièrent que le

25 facteur aggravant soit pris en compte lors du prononcé de la peine.

26 L'Accusation a également identifié deux facteurs comme étant des

27 facteurs atténuants. Le premier facteur admet que la jurisprudence de ce

28 Tribunal est telle qu'un accusé qui n'a pas été condamné par le passé à un

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1 facteur qui est pris en compte par la Chambre, ma position est telle que le

2 poids de ce facteur, à la lumière de l'ampleur des crimes commis, devrait

3 être peu de chose lorsqu'il s'agira d'évaluer la peine requise pour son

4 comportement. Le deuxième facteur porte sur son comportement en détention.

5 Un autre facteur est que l'Accusation avance que ce n'est pas technique. On

6 parle de facteurs atténuants, et ceci n'a que peu de pertinence. A la

7 lumière de l'ampleur des crimes commis dans cette affaire, nous acceptons

8 que M. Krajisnik s'est bien comporté en détention. Encore une fois, étant

9 donné la nature massive des crimes commis par l'accusé, nous avançons que

10 ceci ne devrait avoir que peu de poids lorsque la peine sera prononcée.

11 Par conséquent, Monsieur le Président, nous avançons l'argument

12 suivant : chaque chef dans l'acte d'accusation individuellement, s'il

13 s'avère vrai, mérite la peine la plus lourde, quel que soit le mode de

14 responsabilité. Par conséquent, sur la base des crimes commis,

15 M. Krajisnik, les facteurs aggravants qui y sont associés, l'absence de

16 véritables facteurs atténuants, nous faisons valoir que M. Krajisnik

17 devrait être condamné à la prison à perpétuité.

18 J'ai terminé mes arguments, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Monsieur Tieger. Je suppose que

20 vous avez terminé et que vous n'avez plus d'arguments à présenter. Je parle

21 pour l'ensemble de l'Accusation.

22 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, vous avez dit à la

24 Chambre qu'il y a un document que vous souhaitez remettre à la Chambre

25 demain pour qu'elle puisse mieux suivre le rapport Hanson. Simplement, ce

26 rapport a-t-il été annexé ou non ?

27 M. STEWART : [interprétation] Ecoutez, j'allais vous poser la question. Je

28 n'allais pas vous poser de question à propos du rapport Hanson. Bon, ce

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1 serait difficile. Monsieur le Président, je crois que les éléments précis

2 que j'ai demandés à la Chambre d'examiner, il s'agit d'éléments assez

3 importants.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

5 M. STEWART : [interprétation] Si j'en fais référence dans le rapport, je

6 parle simplement du rapport.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas d'autres

9 éléments auxquels je souhaite faire référence, mais il y en a d'autres, des

10 points moins importants, dont je souhaite parler et m'assurer que ceci

11 puisse être présenté à la Chambre à leur convenance. A proprement parler,

12 il s'agit d'éléments assez importants.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le rapport Treanor, également ?

14 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait référence au rapport de

16 l'armée également en possession du bureau du Procureur, page 64,

17 intercalaire A6. Il ne s'agit pas, en réalité, d'un rapport de l'armée,

18 P529 à 255.

19 M. STEWART : [interprétation] C'est exact.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y a deux analyses.

21 M. STEWART : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Pour être

22 honnête, Monsieur le Président, je pense que la Chambre de première

23 instance pourrait simplement prendre un de ces documents.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. STEWART : [interprétation] Donc, ceci n'a pas été fait. C'est le

26 document, effectivement.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

28 M. STEWART : [interprétation] Donc, la référence, j'ai un exemplaire

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1 ici, page 64, classeur 24, intercalaire 679 [comme interprété]. Si

2 quelqu'un a quelque chose d'autre à suggérer.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, P529, c'est le seul document, et

4 c'est ce que l'Accusation appelle le rapport de l'armée.

5 M. STEWART : [interprétation] Effectivement.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, s'il n'y a pas d'autres pièces

7 auxquelles vous souhaitez faire référence, je dois vous confesser quelque

8 chose. Toutes les conclusions de cette Chambre ne sont pas toujours très

9 accessibles et des pièces non plus. Peu importe, nous en avons 99 %, et

10 ceci devrait être dans mon ordinateur, dont ce rapport Treanor. Mais je

11 vais me le procurer, au moins, cela devrait se trouver dans un des

12 ordinateurs. Donc, nous n'avons pas besoin de le recopier. Ne soyez pas

13 surpris, les autres Juges à ma gauche et à ma droite l'ont également sur

14 leur écran.

15 M. STEWART : [interprétation] Bien. Après deux ans et demi, je ne suis pas

16 surpris.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Je vais

18 m'occuper des questions de logistique. Il y a des pièces de deux ou trois

19 pages. Bien. La Chambre est aussi soucieuse à propos de la quantité de

20 papier utilisé par ce prétoire. Si on peut s'en passer, ce serait très bien

21 de l'avoir à l'écran.

22 Il n'y a rien d'autre ?

23 M. STEWART : [interprétation] Rien d'autre de la part de la Défense,

24 Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en terminons pour la journée. Nous

26 reprendrons demain matin à 9 heures, dans le même prétoire. Je crois,

27 d'après l'ordre du jour, que le temps d'audience sera consacré à la Défense

28 demain.

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1 L'audience est levée.

2 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mercredi 30

3 août 2006, à 9 heures 00.

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