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1 Le mercredi 5 novembre 2008
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Madame la
7 Greffière, veuillez annoncer le numéro de l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
9 tous dans le prétoire et autour du prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-00-
10 39-A, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Monsieur Krajisnik,
12 dites-moi, s'il vous plaît, si vous êtes en mesure de m'entendre et de
13 suivre l'interprétation.
14 L'APPELANT : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.
15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Je demanderais maintenant aux
16 parties en présence de se présenter. D'abord, les conseils de la Défense de
17 M. Krajisnik.
18 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Nathan Dershowitz.
19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Pour l'Accusation,
20 s'il vous plaît.
21 M. KREMER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Peter Kremer, et
22 je suis en compagnie de Julian Nicholls, Alan Tieger, et notre commis à
23 l'affaire, M. Iain Reid.
24 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. L'ami de la Chambre.
25 M. NICHOLLS : [interprétation] Colin Nicholls et Michelle Butler pour les
26 amis de la Chambre.
27 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Fort bien. Nous allons présenter la
28 suite des éléments de preuve dans l'affaire contre Momcilo Krajisnik. Dès
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1 le départ, je tiens à vous rappeler que lundi, le Procureur a posé la
2 question de savoir quel était le nombre de mots maximum pour les écritures
3 des parties. Les parties et l'ami de la Chambre ont reçu l'autorisation de
4 présenter au sujet des pièces à conviction AD1 et AD2, et des éléments viva
5 voce en réplique et du témoignage de M. Mano et de M. Karganovic pour ce
6 qui est de leur impact pour le témoignage de M. Karadzic aujourd'hui.
7 Alors, les deux écritures sont censées être remises avant le 14 novembre
8 2008, et il faudrait que ce soit présenté en guise de documents consolidés
9 qui compteraient au maximum 7 500 mots.
10 La finalité de l'audience d'aujourd'hui consiste à entendre le témoignage
11 de Radovan Karadzic qui a été accepté comme témoin en application de
12 l'article 115 du Règlement de procédure et de preuve, partant d'une
13 décision de la Chambre d'appel datée du 16 octobre 2008.
14 A la date du 31 octobre 2008, M. Krajisnik a présenté un résumé de faits
15 dont M. Karadzic se proposerait de témoigner à l'audience d'aujourd'hui.
16 A la date du 3 novembre 2008, M. Krajisnik a demandé aux Juges de la
17 Chambre d'appel de verser au dossier, partant de l'article 92 ter du
18 Règlement de procédure et de preuve, la déclaration écrite de M. Karadzic
19 qui coïncide avec le résumé des faits présenté le 31 octobre 2008, mis à
20 part un renseignement expurgé. Le même jour, la Chambre de première
21 instance a décidé de faire en sorte que ces déclarations écrites soient
22 versées au dossier en application du 92 ter du Règlement de procédure et de
23 preuve à l'audience d'aujourd'hui, à condition bien entendu que soient
24 réunis les conditions ou les préalables prévus par l'article 92 ter, à
25 savoir que M. Karadzic soit présent dans le prétoire et qu'il se mette à la
26 disposition de tout un chacun pour un contre-interrogatoire de la part des
27 Juges, et à condition qu'il atteste du fait que cette déclaration écrite
28 reflète de façon précise sa déclaration et ce qu'il aurait dit s'il venait
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1 à être interrogé au principal.
2 Nous allons procéder dans l'ordre suivant : c'est d'abord M. Karadzic qui
3 sera interrogé par l'appelant pour confirmer que sa déclaration reflète la
4 déclaration et qu'il dirait la même chose s'il venait à être saisi de ces
5 questions.
6 Par la suite, l'Accusation a le droit de contre-interroger M. Karadzic
7 pendant une heure et demie, ensuite la Défense peut procéder à des
8 questions complémentaires pendant une période de 45 minutes.
9 Au cas où l'appelant viendrait à le souhaiter, pour ce qui est de son
10 conseil relatif à l'entreprise criminelle commune, interroger Karadzic en
11 questions complémentaires, cela pourrait être fait dans le cadre du temps
12 imparti à l'appelant.
13 Les pauses seront celles qu'on a coutume de faire. Les parties ont à peu
14 près la même durée d'intervention, et avec l'autorisation de la Chambre ce
15 temps pourrait être prolongé. Je dois dire aux parties en présence qu'elles
16 ne sont pas contraintes d'utiliser la totalité du temps qui leur est
17 imparti.
18 Les Juges peuvent à tout moment interrompre le cours des débats pour
19 poser des questions aux témoins.
20 Après les questions des Juges, la déclaration écrite sera versée au
21 dossier en application du 92 ter du Règlement de procédure et de preuve.
22 Maintenant je voudrais qu'on fasse rentrer le témoin, Radovan
23 Karadzic.
24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour, Monsieur Karadzic. Est-ce que
26 vous m'entendez dans une langue que vous comprenez ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bonjour.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
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1 Je vous prie de nous donner lecture de la déclaration solennelle que vous
2 tend M. l'Huissier.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 LE TÉMOIN : RADOVAN KARADZIC [Assermenté]
6 [Le témoin répond par l'interprète]
7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.
8 Veuillez indiquer aux Juges de la Chambre votre nom et votre date de
9 naissance.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Radovan Karadzic, le 19 juin 1945.
11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Karadzic.
12 Avant que nous ne commencions, je me dois de vous dire que le 23 octobre
13 2008, le Greffe a désigné M. Peter Robinson comme conseil vous représentant
14 pour l'audience d'aujourd'hui.
15 Veuillez vous présenter M. Le Conseil.
16 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Bonjour à
17 tous et à toutes au sein de la Chambre et autour. Je m'appelle Peter
18 Robinson, je suis conseil du président Karadzic, merci.
19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je tiens à vous informer, Monsieur
20 Robinson, que comme de coutume, vous avez le droit d'intervenir dans le
21 cadre des droits de votre client, mais pas en corrélation avec la base
22 factuelle de son témoignage.
23 Alors, M. Karadzic, vous êtes cité à comparaître ici pour témoigner dans
24 une audition en appel de l'affaire du Procureur contre Momcilo Krajisnik.
25 Vous avez rédigé une déclaration écrite, et dans quelques moments,
26 l'appelant vous demandera si cela reflète exactement ce que vous avez dit
27 et ce que vous diriez si l'on venait à vous interroger sur tout ceci. Par
28 la suite, l'Accusation vous posera ses propres questions, et une fois
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1 qu'elle aura terminé, il appartiendra à M. Krajisnik ou à son conseil de
2 vous interroger au sujet de l'entreprise criminelle commune. Ne perdez pas
3 de vue le fait que les Juges à tout moment, à l'occasion de ce débat
4 d'aujourd'hui, peuvent vous poser des questions.
5 Je tiens à ajouter ce qui suit aussi, étant donné que vous êtes un accusé
6 devant ce Tribunal aussi, je tiens à vous prévenir de ce qui suit : vous
7 avez le droit de vous taire au cas où vous estimeriez à quelque moment que
8 ce soit que les réponses aux questions qui vous sont posées seraient de
9 nature à vous incriminer. Dans de toutes circonstances, indépendamment de
10 l'identité de la personne qui vous pose des questions, vous avez le droit
11 de demander aux Juges de la Chambre de première instance de vous exempter
12 de l'obligation de répondre à de telles questions.
13 Avez-vous compris ce conseil ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, et je m'appuierai en cela sur les
15 conseils de mon avocat.
16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
17 Il y a un autre point que je dois mentionner. Vous êtes actuellement en
18 unité de détention des Nations Unies et vous y êtes détenu avec M. Momcilo
19 Krajisnik. Par conséquent, le Greffier a donné instructions pour que vous
20 soyez séparé de M. Krajisnik pendant la durée de votre témoignage. Par la
21 suite, cette séparation pourra prendre fin. La Chambre a été saisie par le
22 Greffier, et elle sait que cette séparation a déjà été effectuée
23 aujourd'hui. Vous comprenez la signification du fait d'être séparé de
24 l'autre accusé ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, à part entière.
26 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
27 Je vais maintenant donner la parole à la Défense de M. Krajisnik.
28 Interrogatoire principal par M. Krajisnik :
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1 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karadzic.
2 R. Bonjour.
3 Q. Ma première question se rapporte à la procédure. Vous avez sous les
4 yeux une déclaration qui est signée par vos soins, et ma première question
5 est celle de savoir si c'est bien votre déclaration à vous ?
6 R. Juste le temps qu'on me la donne. Oui, c'est bien ma déclaration.
7 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre et confirmer que cette
8 déclaration est exacte et qu'elle traduit ce que vous diriez ici en
9 témoignant ?
10 R. Oui, tout à fait.
11 Q. Ma troisième question est la suivante : acceptez-vous aujourd'hui de
12 vous mettre à disposition du bureau du Procureur pour ce qui est d'un
13 contre-interrogatoire, ainsi qu'aux Juges de la Chambre d'appel pour des
14 questions complémentaires ainsi que des questions de la part d'autres
15 parties qui, conformément à la procédure, ont droit de vous poser des
16 questions ?
17 R. Oui.
18 M. KRAJISNIK : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense avoir
19 satisfait aux formalités requises par la procédure. Puis-je continuer ?
20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur Krajisnik.
21 Maintenant, d'après moi, nous pourrions donner la parole au Procureur qui
22 entamera son contre-interrogatoire.
23 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci, Madame et
24 Messieurs les Juges. Bonjour.
25 Contre-interrogatoire par M. Tieger :
26 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Karadzic.
27 R. Bonjour.
28 Q. Monsieur Karadzic, votre déclaration en page 12 dit que la direction
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1 des Serbes de Bosnie n'a pris aucune politique, n'a adopté aucune politique
2 de séparation ethnique. Pendant le procès, qui a duré 31 mois, nous avons
3 présenté un grand nombre d'éléments de preuve et entendu bon nombre de
4 témoignages disant que bon nombre de possibilités au sein de la Republika
5 Srpska, à savoir dans les régions qui ont été réclamées par la Republika
6 Srpska en 1992, disant que les forces de l'armée de la Republika Srpska, la
7 VRS, à savoir ministère de l'Intérieur, c'est-à-dire le MUP, ont par la
8 force, transféré, détenu sur une échelle massive sous des conditions
9 inhumaines, puis tué, exterminé bon nombre de Musulmans bosniens et
10 Croates.
11 Ma question pour vous est la suivante : est-ce que vous niez que ces crimes
12 aient été commis, reconnaissez-vous qu'ils aient été commis ou dites-vous
13 je ne sais pas ?
14 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je me
15 dois d'intervenir et vous demander de faire en sorte que M. Karadzic ait
16 l'autorisation de ne pas répondre à cette question, et je tiens à présenter
17 une courte argumentation à ce sujet.
18 M. Karadzic est ici pour témoigner sur l'implication de M. Krajisnik, à
19 savoir sur sa participation au sein de différentes instances comme cela a
20 été dit dans sa déclaration. Comme vous le savez, il doit entamer son
21 propre procès où il sera débattu à part entière sur les questions posées
22 par M. Tieger, mais ce n'est pas le moment de le faire.
23 En application de l'article 90(H), vous avez le droit discrétionnaire
24 de contrôler la procédure, et ce, en demandant à ce qu'il ne soit répondu
25 qu'aux questions qui sont pertinentes pour l'affaire dont a à entendre la
26 Chambre d'appel. Je vous demande dès le départ que vous exerciez ce droit
27 discrétionnaire en application de l'article 90(H) et d'exempter M. Karadzic
28 de l'obligation de répondre à cette question.
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1 Au cas où les Juges de la Chambre ne seraient pas désireux de le
2 faire, nous évoquerions un autre alinéa de cet article 90. Merci.
3 [La Chambre d'appel se concerte]
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je viens de consulter mes confrères et
5 mes collègues, et je vous dis que vous n'avez pas l'obligation de répondre
6 à cette question.
7 M. TIEGER : [interprétation]
8 Q. Monsieur Karadzic, votre déclaration dit que les documents, dont les
9 variantes A et B, telles que nous les appelons, à savoir le P64A,
10 intercalaire 39 des pièces à conviction, a été, en réalité, un pamphlet qui
11 a été rédigé par des personnes âgées et qui n'avait rien à voir avec le SDS
12 et que le SDS n'a jamais essayé de le mettre en œuvre.
13 R. Oui.
14 Q. Alors d'abord, pour ce qui est du P64A, intercalaire 390, il s'agit du
15 document A et B, ce document, de façon formelle, porte le titre :
16 "Instructions pour l'organisation et les activités des instances du peuple
17 serbe en Bosnie-Herzégovine en cas d'urgence." Sa date est celle du 19
18 décembre 1991, et on dit : "Parti démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine,
19 comité principal." Il me semble que vous avez déjà fait allusion dans votre
20 déclaration, du moins en décrivant tout ceci, qu'il s'agirait d'un document
21 comportant deux variantes, la variante A et la variante B, comportant les
22 municipalités où les Serbes sont majoritaires et les municipalités où les
23 Serbes sont minoritaires, et deux niveaux ou phases d'activation.
24 Alors, compte tenu de votre affirmation au terme de laquelle ce serait un
25 pamphlet de la part de personnes âgées, de vieillards qui n'avaient rien à
26 voir avec le SDS, je voudrais attirer votre attention sur certains des
27 éléments de preuve présentés dans cette affaire, et vous demanderais si
28 vous reconnaissez cela, si vous le niez ou si vous n'en avez aucune
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1 connaissance.
2 Le P529, intercalaire 49, est une déclaration faite à la 50e Session de
3 l'assemblée des Serbes de Bosnie en avril 1995, que vous avez présenté,
4 Docteur Karadzic, comme suit : "Au moment où la guerre a commencé dans les
5 municipalités où nous avons été majoritaires, nous avions exercé l'autorité
6 municipale, nous l'avons maintenue de façon ferme, et nous avons contrôlé
7 toute chose. Dans les municipalités où nous avons été minoritaires, nous
8 avons mis sur pied un gouvernement secret, des comités municipaux, des
9 assemblées municipales, des présidents de conseils exécutifs. Vous vous
10 souviendrez de toutes ces variantes A et B. Dans la variante B, où nous
11 étions minoritaires, 20 % ou 15 %, nous avons créé un gouvernement, une
12 brigade, une unité, quelle que soit sa taille, mais il y avait un
13 détachement avec un commandant à sa tête. Il a été procédé à une
14 distribution d'armes grâce à la JNA", et cetera.
15 Monsieur Karadzic, reconnaissez-vous avoir dit cela ? Ou est-ce que vous
16 niez ou est-ce que vous ne vous en souvenez pas ?
17 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je
18 demande une fois de plus en application de l'article 90(H) d'exempter M.
19 Karadzic de ne pas répondre. Il est ici pour répondre aux Juges de la
20 Chambre, pour tirer au clair le rôle de M. Krajisnik, or, compte tenu du
21 fait qu'il a à faire face à un procès où l'on enquêtera sur toutes ces
22 déclarations, je vous demande d'exercer votre droit discrétionnaire et de
23 l'exempter de l'obligation de répondre à cette question.
24 [La Chambre d'appel se concerte]
25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur Tieger, j'ai
26 consulté mes collègues les Juges, et nous estimons que M. Karadzic n'a pas
27 à répondre à cette question.
28 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président --
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous devriez expliquer lesquelles des
2 questions sont en corrélation avec M. Krajisnik et non pas à celles qui
3 sont en corrélation avec le témoin en sa qualité d'accusé.
4 M. TIEGER : [interprétation] Comme il a apparu clairement pendant le
5 procès, l'accusé et M. Krajisnik ont, bras dessus bras dessous, parcouru ce
6 processus de création de structures, de mises en œuvre de politiques, et
7 ont poursuivi leurs objectifs. Toute question placée en corrélation avec la
8 crédibilité de ce témoin devra nécessairement avoir trait à des questions
9 figurant dans sa déclaration. M. Karadzic, dans sa déclaration, évoque la
10 question des variantes A et variantes B. Ce n'est pas l'Accusation qui le
11 fait. Donc c'est lui qui a pris position au sujet de ce document. Bien
12 entendu, l'Accusation a le droit de le confronter avec des éléments de
13 preuve issus du procès et qu'elle estime ne pas coïncider avec ses dires,
14 et là où cela se trouve être contraire aux éléments de la déclaration qu'il
15 a faite. Il s'agit d'une confrontation classique sur le point de la
16 crédibilité, et je ne pense pas que le témoin devrait avoir le droit de
17 présenter aux Juges ou au Tribunal une déclaration disant : "Voilà comment
18 je vois que les choses se sont passées," et après se cacher derrière le
19 droit de ne pas s'auto-incriminer puisqu'il a renoncé à ce droit par le
20 fait même d'avoir fait sa déclaration. C'est lui qui a dit : "C'est la
21 nature de ce document." Bien entendu, l'Accusation a le droit de le
22 confronter avec le témoignage contraire.
23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Montrez-nous exactement où cela figure
24 dans sa déclaration.
25 M. TIEGER : [interprétation] C'est en page 13, Monsieur le Juge. Ça
26 commence au paragraphe 3, après l'intitulé qui figure sur cette page.
27 [La Chambre d'appel se concerte]
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Tieger, nous nous sommes
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1 penchés sur votre argumentation. Toutefois, la question que vous avez
2 posée, la façon dont vous avez posé votre question, peut être comprise
3 comme si l'on recherchait des éléments de preuve qui seraient auto-
4 incriminants. Dans ce cas-là, le témoin peut être exempté de répondre.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je crois qu'il s'agit du 90(H) portant sur la
6 pertinence, et la question est pertinente. C'est là le fondement de cette
7 question. Je voudrais demander aux Juges de la Chambre de rejeter
8 l'objection.
9 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Robinson. J'ai entendu M.
10 Robinson pour ce qui est des éléments qui motivent son objection.
11 M. ROBINSON : [interprétation] Oui, et j'ai d'abord évoqué le droit
12 discrétionnaire en application du 90(H). Maintenant, si vous voulez
13 l'entendre, je voudrais également évoquer le droit de M. Karadzic à
14 l'article 21(4)(g), disant que les éléments de preuve ne doivent pas être
15 utilisés pour ce qui est de ce qu'il a déjà déclaré, et le bureau du
16 Procureur est censé d'avoir le fardeau de la charge. Donc partant de ces
17 autres articles et règlements, et si ce n'est pas 90(H), je vous demande de
18 l'exempter de répondre.
19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] J'ai bien interprété votre
20 argumentation.
21 Veuillez continuer, Monsieur Tieger.
22 M. TIEGER : [interprétation]
23 Q. Monsieur Karadzic, veuillez dire aux Juges de la Chambre si vous avez
24 connaissance du fait que quiconque au sein de la direction des Serbes de
25 Bosnie, pendant les sessions du Parlement, les sessions municipales ou du
26 comité exécutif, les sessions du Club des députés ont fait référence à ces
27 variantes A et variantes B comportées dans le document qui a été évoqué.
28 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le
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1 permettez, je voudrais vous donner mon opinion du point de vue de
2 l'entreprise criminelle commune. A ce sujet, je ferai objection à la
3 question à moins qu'il y avait des indications disant que M. Krajisnik
4 avait été présent ou avait eu des connaissances quelles qu'elles soient ou
5 une implication quelle qu'elle soit. Parce que dans la mesure où nous
6 parlons uniquement d'événements qui n'ont rien à voir avec l'accusé et les
7 chefs d'accusation à son encontre, je voudrais faire objection uniquement
8 du point de vue de l'entreprise criminelle commune.
9 Je tiens à confirmer que c'est le seul rôle que j'ai joué ici, et je
10 n'ai pas l'intention de faire objection à la qualité de la question en
11 général.
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je crois que la question telle que
13 posée peut être posée, et tout dépend des questions suivantes que
14 l'Accusation se proposera de poser. Cela peut avoir de la pertinence à la
15 lumière des questions à venir. Mais pour le moment, je crois que la
16 question est appropriée et qu'elle peut être posée.
17 Veuillez répondre, Monsieur Karadzic.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour que la vérité soit pleinement dite, je me
19 dois d'être un peu plus ample dans ma réponse. Bien que j'aie été conseillé
20 de ne pas répondre, il est exact de dire que ce n'est pas un document du
21 Parti démocratique serbe. Il est vrai que lorsque l'on a commencé à marquer
22 les appartements des officiers et qu'il y a eu possibilité de se faire
23 abattre pour eux, ils se sont rapprochés du Parti démocratique serbe. Donc
24 ce n'est pas le comité principal qui a proposé cela --
25 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, Monsieur Karadzic,
26 mais j'ai une objection à soulever.
27 Manifestement, nous ne sommes pas ici à un endroit où le témoin peut
28 fournir des informations selon l'intérêt qu'il leur octroie. Des questions
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1 ont été posées au témoin. J'aimerais qu'il les réponde.
2 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je crois
3 que le témoin devrait pouvoir apporter une réponse complète aux questions
4 qui lui sont posées. Je vous remercie.
5 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci n'est pas une
6 réponse; c'est une façon d'allonger inutilement les débats et cela ne
7 répond pas à la question. L'Accusation dispose de 90 minutes pour son
8 interrogatoire. J'essaye de présenter à la Chambre autant d'éléments de
9 preuve que possible, et j'aimerais demander que le témoin se contente de
10 répondre aux questions.
11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui. Je vous prie, Monsieur Karadzic,
12 de simplement répondre aux questions qui vous sont posées.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je réentendre la question.
14 M. TIEGER : [interprétation]
15 Q. Monsieur Karadzic, la question était la suivante : durant des réunions
16 du groupe Parlementaire, durant des réunions de l'assemblée, durant des
17 réunions des conseils exécutifs ou exécutifs municipaux, durant des
18 réunions de partis, auriez-vous entendu des membres de la direction serbe
19 de Bosnie ou des personnes participant à ces réunions évoquer les versions
20 A et B de ce document ?
21 R. Oui. C'est possible étant entendu que ce n'était pas un document du
22 parti, mais un document que nous n'avions pas le droit de garder secret,
23 donc nous l'avons fait circuler.
24 Q. Vous dites que : "Nous l'avons circulé", qui exactement l'a fait
25 circuler et à quel moment a-t-il circulé ?
26 R. Ce document a été apporté à une réunion du Parti démocratique serbe.
27 J'ai demandé que quelqu'un le justifie. Ils n'ont pas voulu justifier les
28 raisons pour lesquelles ce document avait été rédigé. Nous n'avions pas le
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1 temps d'en discuter et de l'adopter. Donc nous nous sommes contentés de le
2 faire circuler parce que nous n'avions pas le droit de le garder secret par
3 rapport à la population puisque ceci avait un rapport avec la défense de
4 cette population.
5 Q. Est-ce qu'un dirigeant serbe de Bosnie quelconque aurait conseillé à
6 des membres du parti durant une réunion l'application de ce document, que
7 ce soit dans sa version 1 ou 2 ?
8 R. Je n'ai pas ce document ici sous les yeux, donc je ne sais pas ce
9 qu'implique exactement les versions 1 et 2, mais il est fort possible que
10 durant la guerre ou lorsque la guerre menaçait, il est fort possible qu'il
11 ait été recommandé que ce document soit étudié par les milieux militaires,
12 à savoir par les officiers, par tous les officiers, et qu'il soit pris en
13 compte. Bien entendu, si la guerre n'avait pas éclaté, ce document n'aurait
14 eu aucun sens si la conférence relative à la réorganisation de la Bosnie
15 avait remporté des fruits, si tout le monde avait accepté l'accord de
16 Lisbonne, alors ce document aurait été nul et non avenu.
17 Q. Ce n'était pas l'objet de ma question, Monsieur Karadzic, et je crois
18 que vous le savez. Ma question consistait à vous demander si un membre de
19 la direction des Serbes de Bosnie aurait demandé aux membres du parti de
20 mettre en application les étapes 1 ou 2.
21 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
22 J'aimerais intervenir rapidement à cet instant. Je ne crois pas qu'il soit
23 acceptable que M. Tieger commente ce qu'il pense que M. Karadzic sait sur
24 la base de la réponse fournie par M. Karadzic. Je ne crois pas qu'il soit
25 acceptable qu'il laisse entendre que M. Karadzic évite de répondre. Je ne
26 pense pas que ce soit un comportement professionnel devant une Chambre
27 d'appel. Donc je demanderais que l'on demande à M. Tieger, lorsqu'il pose
28 une question, de ne pas donner sa propre opinion, de ne pas commenter
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1 l'avis, la réponse fournie par le témoin, qui constitue l'élément de
2 preuve. Je vous remercie.
3 M. TIEGER : [interprétation] L'élément de preuve, Monsieur le Président,
4 n'est pas là, car la question n'a pas reçu de réponse.
5 Q. Et la question consistait à demander au témoin si des membres du parti
6 ont demandé la mise en application de l'étape 1 ou 2 de ce document ?
7 R. Il est fort possible que cela ait été le cas, mais est-ce que cela
8 s'est fait sur la base de ce document ou sur la base d'autre chose, je ne
9 saurais vous le dire parce que nous n'avons pas participé à cette réunion.
10 Si nous parlons des versions A et B du document qui a été présenté, je dis
11 que c'est possible, mais je ne peux pas vous le dire avec certitude. Je
12 n'en sais rien. Donc je dois être très clair quant à l'étape d'application
13 qui a été recommandée ou mesures qui auraient été recommandées et sur la
14 base de quel document, ainsi que sur la base de quelles circonstances,
15 autrement dit dans quel contexte.
16 Q. Les membres du parti ont reçu les versions A et B du document du
17 Conseil exécutif, dont M. Krajisnik et vous-même étiez membres et que vous
18 présidiez, et ils l'ont mis en œuvre, ce document, n'est-ce pas ?
19 R. Non. Je dirais même que la majorité des municipalités n'ont pas
20 appliqué ce document.
21 Q. Dans combien de municipalités ce document a-t-il été adopté, Monsieur
22 Karadzic ?
23 R. Je pense qu'il n'a été appliqué dans aucune municipalité. Maintenant à
24 savoir si certaines mesures relatives à la défense ont été appliquées dans
25 certaines municipalités, dans tel ou tel lieu, ça, c'est une autre
26 question. Mais je suis certain que dans son intégralité, ce document n'a
27 été appliqué nulle part. Il est tout à fait clair qu'au niveau des
28 municipalités, il n'a été appliqué dans son intégralité nulle part.
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1 Q. Dans les endroits où il a été appliqué, ne serait-ce que dans une
2 certaine mesure, il l'a été parce qu'il a été distribué par le Conseil
3 exécutif et qu'il faisait autorité, ce document. C'est donc en raison de
4 consignes venant du parti que ce document a été mis en œuvre, n'est-ce pas
5 ?
6 R. Mais pas sur la base du contenu du document. La direction, autrement
7 dit les dirigeants sur le terrain, ne se sont pas conformés aux consignes
8 du parti. D'abord, parce que l'appareil d'Etat n'avait pas de base, les
9 gens qui occupaient des positions-clés au sein des municipalités - je veux
10 parler de la police, du système judiciaire, et cetera - n'étaient pas
11 membres du parti, et les municipalités en tant qu'entités avaient leur
12 propre pouvoir dans le domaine de la défense, dans le cadre de la Défense
13 territoriale, de la défense populaire généralisée et de la protection de la
14 population par elle-même, qui était la doctrine de défense en vigueur dans
15 la Yougoslavie de Tito. Donc une pleine autonomie régnait à ce sujet.
16 Q. Le document dans ses versions A et B a été distribué par le Conseil
17 exécutif durant une réunion qui s'est tenue le 20 décembre ou à peu près ce
18 jour-là, n'est-ce pas ?
19 R. Non. Ce document est arrivé au Conseil exécutif à ce moment-là, et nous
20 en avons autorisé la circulation, mais il n'a été ni lu, ni discuté, ni
21 adopté. Il s'agissait simplement d'un avis d'expert émis par des officiers
22 qui avaient peur en raison du génocide dont ils avaient le souvenir en 1941
23 et qui considéraient que la population ne devrait pas être abandonnée sans
24 aucune mesure destinée à la protéger. Donc c'était un document dont la
25 nature était liée à la défense, et nous en avons autorisé la circulation.
26 Mais ce n'était pas un document émanant de nous, et nous n'avons pas pris
27 l'initiative de le faire circuler. Nous n'étions pas à l'origine de ce
28 document. Vous constaterez qu'au niveau des signatures, on ne trouve pas de
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1 signature d'un membre du Conseil exécutif. Vous voyez en en-tête le
2 "Conseil exécutif", mais au bas du document, vous voyez les mots "Cellule
3 de Crise". C'est donc la cellule de Crise qui est signataire du document.
4 Nous ne savions pas qui était à l'origine de la circulation de ce document.
5 Nous n'en avons même pas assuré une nouvelle dactylographie. Le document a
6 été diffusé dans la forme où il a été reçu par nous.
7 Q. J'appelle votre attention sur quelques documents, Monsieur Karadzic.
8 Les pièces P529, intercalaire 41, PV de la 6e Réunion du Comité exécutif du
9 conseil municipal du SDS de Kljuic.
10 Point 1, ce document date du 23 décembre 1991, c'est-à-dire peu de temps
11 après la distribution des versions A et B. Je cite :
12 "Veljko Kondic informe la réunion quant aux consignes relatives à
13 l'organisation et à l'action du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine. Tous
14 les organes se verront demander d'agir conformément à ces consignes. Toute
15 personne qui ne serait pas prête à remplir son devoir doit le dire
16 immédiatement, et cela ne sera pas tenu contre elle."
17 Pièce P529, intercalaire 378, 23 décembre, PV d'une réunion tenue dans les
18 locaux du Parti démocratique serbe de Novo Sarajevo et ayant reçu des
19 documents discutés par le Conseil exécutif du SDS de Bosnie-Herzégovine.
20 Les consignes et affectations sont réparties en conséquence.
21 Pièce P529, intercalaire 42, 27 décembre, PV de la 3e Séance du Comité
22 exécutif de Bosanska Krupa. Point 3 de l'ordre du jour, je cite : "Le
23 président informe les participants quant aux consignes relatives à la
24 création des cellules de Crise du SDS en Bosnie-Herzégovine et, en
25 conséquence, conformément aux consignes, propose la création d'une cellule
26 de Crise. Celle-ci est suivie par la création de la cellule de Crise dans
27 la composition suivante."
28 Pièce P529, intercalaire 43, cellule de Crise du SDS dans la ville de
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1 Sarajevo. "Les missions particulières conformes aux consignes relatives à
2 l'organisation et à l'action du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine dans une
3 situation d'urgence, sur la base de la version B dans son premier stade
4 sont les suivantes," puis on trouve une liste.
5 Alors, Monsieur Karadzic, êtes-vous en train de nier que ces membres du SDS
6 ont reçu le document comportant les versions A et B du Conseil exécutif
7 durant une réunion à laquelle assistaient les dirigeants des Serbes de
8 Bosnie, une réunion qui était en fait présidée par la direction des Serbes
9 de Bosnie, et qu'ensuite des actes conformes aux consignes contenues dans
10 ce document ont été entrepris ?
11 R. Ce document a circulé à un moment où se tenait une réunion très
12 importante à laquelle assistaient 200 ou 300 personnes. Ce n'était pas
13 simplement une réunion du Conseil exécutif mais une réunion beaucoup plus
14 large, et le fait que certains conseils municipaux, deux ou trois d'entre
15 eux, ont estimé que ce document pouvait être utile, ce document émanant
16 d'experts militaires, ne signifie pas qu'il s'agissait d'une consigne ou
17 d'un ordre donné par le Conseil exécutif du Parti démocratique serbe.
18 Simplement, certains ont estimé que ce document pouvait être utile et ils
19 l'ont donc lu pour voir s'ils y trouvaient des éléments valables relatifs à
20 la sécurité de la population, c'est-à-dire des citoyens dans leurs
21 municipalités. Ce n'était pas un document secret. Nous nous sommes
22 simplement contentés de laisser quiconque qui le souhaitait lire ce
23 document et voir ce qu'ils souhaitaient faire selon leur volonté.
24 Q. M. Krajisnik était assis à côté de vous durant cette réunion, n'est-ce
25 pas ?
26 R. Je ne sais pas, mais cette réunion n'avait rien à voir avec ce
27 document. Ce document a été diffusé. On l'a fait circuler comme n'importe
28 quelle feuille de papier ou n'importe quel autre document. Ce n'était pas
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1 un instrument juridique à examiner durant cette réunion. Ce n'était pas un
2 document émanant du Conseil exécutif. Il n'a pas été distribué au nom du
3 Conseil exécutif. Et je ne me rappelle pas qui était assis à la présidence
4 à ce moment-là. Vraiment je n'en ai pas le souvenir. Il y avait à peu près
5 300 personnes participant à cette réunion.
6 Q. Pièce P529, intercalaire 385, c'est un autre document qui a été versé
7 au dossier, Monsieur Karadzic. C'est une transcription d'écoute
8 téléphonique entre vous-même et un interlocuteur dans laquelle vous
9 discutez de l'état de préparation et de niveau de coopération de diverses
10 municipalités. M. Cizmovic déclare qu'ils sont prêts à une coopération
11 physique. "C'est la même chose dans le nord de la Bosnie. J'ai préparé un
12 petit questionnaire pour eux tous. Et ne verrons dans quelle mesure ils
13 sont prêts à mettre en œuvre le premier niveau de ces consignes."
14 C'est M. Cizmovic qui parle au sujet des versions A et B du document,
15 n'est-ce pas, Monsieur Karadzic ?
16 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je vais
17 élever une objection à toute question demandant à M. Karadzic
18 d'authentifier une écoute téléphonique ou un document qui pourrait être
19 utilisé contre lui, et je demande que l'on relève l'Accusation de son
20 fardeau dans le cadre de l'application de l'article 21(g) du Statut et de
21 l'article 95(E) du Règlement. Je demande que vous exonériez le témoin de la
22 réponse à cette question au titre de l'article 90(H) du Règlement. Nous
23 avons passé 30 minutes sur ce sujet. Donc je vous demanderais d'exercer
24 votre droit discrétionnaire de demander à M. Tieger de passer à un autre
25 sujet plus pertinent. Je vous remercie.
26 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous invoquez le risque que cela
27 incrimine votre client, je pense qu'il convient d'exonérer M. Karadzic de
28 répondre à cette question.
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1 M. ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 J'aimerais aborder un autre point en ce moment qui concerne une autre
3 partie de l'article 90(E) du Règlement qui vous autorise à demander au
4 témoin de répondre aux questions et une fois que vous avez donné cette
5 consigne les réponses ne sauraient être utilisées contre lui dans un autre
6 procès. J'invite l'Accusation, si celle-ci s'intéresse vraiment à
7 l'obtention de réponses, de présenter une demande à la Chambre d'appel aux
8 fins d'invocation de cet article du Règlement. Et si elle le fait, M.
9 Karadzic est prêt à répondre à toutes les questions de l'Accusation, mais
10 ces réponses ne devraient pas être autorisées à servir de prétexte dans le
11 cadre de la présente audience relative à M. Krajisnik pour améliorer la
12 position de l'Accusation qui concerne M. Karadzic; ce qui semble être la
13 base de toutes les questions que vous avez entendues jusqu'à présent. Donc
14 j'invite l'Accusation à présenter une telle requête au titre de l'article
15 90(E) du Règlement. Et si vous faites droit à cette requête, vous pourrez
16 obtenir toutes les réponses aux questions posées. Je vous remercie.
17 M. TIEGER : [interprétation] Une réponse brève, Monsieur le Président.
18 D'abord, je ne vais pas faire un commentaire sur la procédure, mais les
19 questions que j'ai posées, premièrement, résultent de la déclaration du
20 témoin. Ce sont des questions relatives à la crédibilité du témoin. Et
21 deuxièmement, ce sont des questions qui concernent l'action de la direction
22 des Serbes de Bosnie, des efforts déployés par elle pour appliquer une
23 politique et prendre le contrôle du parti. Ceci est, bien sûr, extrêmement
24 pertinent. Mais je vais passer à autre chose, car j'ai un temps limité à ma
25 disposition. Toutefois, il est absolument contraire à la vérité de laisser
26 entendre que quelque question que ce soit relative à la déclaration du
27 témoin et à l'action de la direction des Serbes de Bosnie dont M. Krajisnik
28 faisait partie, autrement dit, d'un problème qui est au cœur de la présente
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1 affaire n'ait pas de pertinence. Cette question était pertinente, tant du
2 point de vue du crédit à accorder aux propos du témoin, que du point de vue
3 de l'action et des efforts déployés par la direction des Serbes de Bosnie.
4 Mais je vais passer à autre chose, à savoir la question de la présidence de
5 Guerre, Monsieur le Président.
6 Q. Monsieur Karadzic, votre déclaration comporte une affirmation selon
7 laquelle le document du 2 juin, qui permet de penser qu'il était possible
8 d'élargir la présidence en temps de guerre, n'a jamais été appliqué, et que
9 M. Krajisnik s'est simplement contenté d'assister aux réunions de la
10 présidence comme toute autre personne invitée à cette réunion, mais qui
11 n'en était pas membre.
12 Cela dit, il est vrai, n'est-ce pas, et c'est quelque chose qui ne figure
13 pas dans votre déclaration écrite, que M. Krajisnik est très clairement
14 identifié en sa qualité de membre de la présidence dans le procès-verbal
15 d'un certain nombre de réunions de la présidence de la Republika Srpska,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Ce n'est pas le cas. Fondamentalement, les procès-verbaux étaient
18 rédigés le plus souvent après la fin des réunions; ce qui figurait en en-
19 tête était rédigé par la secrétaire. Et il ne s'agissait pas de réunions de
20 la présidence mais de réunions de la présidence élargie. Ces réunions de la
21 présidence élargie ne pouvaient se tenir si elles ne respectaient pas les
22 conditions figurant dans la constitution et dans les textes de loi.
23 Alors, nos procès-verbaux des réunions de la présidence étaient établis
24 dans diverses conditions et, en général, elles étaient mises sur le papier
25 par des secrétaires hommes et femmes.
26 Q. Monsieur Karadzic, je vous pose des questions précises, j'ai un temps
27 limité à ma disposition. Donc j'aimerais appeler votre attention sur des PV
28 bien particuliers, pièce P65, intercalaire 54. C'est le procès-verbal de la
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1 21e réunion de la présidence tenue le 2 août, et dans ce PV on trouve des
2 allusions à "Des membres de la délégation de négociations qui sont
3 également membres de la présidence (M. Karadzic, M. Koljevic, et M.
4 Krajisnik)." C'est bien une référence précise au fait que M. Krajisnik
5 était membre de la présidence, n'est-ce pas ?
6 R. C'est une imprécision de la part de la personne responsable de la
7 rédaction du procès-verbal, et ceci n'a aucune importance. Les membres de
8 la présidence étaient M. Koljevic et moi-même.
9 Q. Et Monsieur Karadzic, vous avez signé ce PV, n'est-ce pas ?
10 R. Les PV ne sont pas des actes officiels de la présidence. Les actes
11 officiels de la présidence étaient les ordonnances, les décisions et les
12 conclusions. Un procès-verbal est un texte écrit, absolument dépourvu
13 d'importance, qui rappelle l'objet des débats, mais ce n'est pas un
14 document officiel de la présidence. C'est simplement un document qui est
15 mis sur le papier par une personne dépourvue de quelques connaissances
16 juridiques quant à la gestion d'un état ou d'un gouvernement. Donc pour ma
17 part, je ne faisais jamais confiance à un procès-verbal. On ne considérait
18 pas un procès-verbal comme un texte officiel important. Ce qu'il convient
19 de prendre en compte, ce sont les décisions et les conclusions. Les
20 documents officiels, actes officiels de la présidence adoptés dans le
21 respect de la constitution.
22 Q. Nous examinerons ces documents dans un instant, mais je comprend votre
23 réponse à ma question comme une réponse affirmative, parce que c'est ce que
24 ce document révèle qui importait. Je vous poserai également les questions
25 suivantes : les procès-verbaux de la 23e Séance de la présidence --
26 R. Un instant, un instant. Je ne sais pas ce que vous entendez par réponse
27 affirmative, parce que Krajisnik n'est pas membre de la présidence, et le
28 procès-verbal n'est pas un document sur la base de laquelle on peut
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1 conclure qu'il en était membre. Comme je l'ai dit, un procès-verbal est un
2 document dépourvu d'importance qui reprend les thèmes des débats, mais ce
3 sont les décisions, les conclusions, les ordonnances qui sont des documents
4 officiels de la présidence. Les procès verbaux ne signifient rien en eux-
5 mêmes, car ils sont mis par écrit par quelqu'un qui n'a pas de grandes
6 connaissances au sujet de la constitution et de la gestion d'un Etat.
7 Q. Est-il exact que le procès-verbal qui a fait l'objet de ma dernière
8 question, celui de la 21e [comme interprété] Séance de la présidence avait
9 de l'importance, intercalaire 186, et que dans la liste on voyait mention
10 du fait que M. Krajisnik était clairement désigné comme membre de la
11 présidence, ou est-ce que vous ne le savez pas ?
12 R. Il faudrait que je relise ce document. Mais je répète encore une fois
13 que la personne responsable de la rédaction d'un PV pouvait mettre le nom
14 de quelqu'un dans ce document en indiquant, par exemple, 26e Séance au lieu
15 de 25e. C'était simplement le signe d'un manque de compétence ou de
16 connaissance de la part de la personne responsable de la tenue du procès-
17 verbal. Comme je l'ai déjà dit une fois, le procès-verbal n'est pas un
18 document officiel. C'est simplement un aide-mémoire au sujet de ce qui a
19 été discuté durant la réunion, et c'est une secrétaire ou un secrétaire
20 qui, sur la base du PV, va rédiger, mettre par écrit des ordonnances que je
21 signais. Mais comme je l'ai dit, le procès-verbal en tant que tel n'a
22 aucune importance. On ne saurait tirer la moindre conclusion sur la base
23 d'un procès-verbal. C'était simplement un aide-mémoire dépourvu
24 d'importance, rappelant ce qui s'était passé durant une réunion
25 particulière.
26 Q. En fait, Monsieur Karadzic, il est vrai, n'est-ce pas, que M. Krajisnik
27 est désigné comme membre de la présidence dans les procès-verbaux de ces
28 réunions de la présidence qui ont eu lieu, et vous avez signé tous ces PV,
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1 hormis un seul qui a été signé par M. Krajisnik en tant que membre de la
2 présidence, n'est-ce pas ?
3 R. Non, ceci n'est pas exact. Les procès-verbaux dont vous parlez, je les
4 ai vus pendant les séances de récolement, et cette réunion n'était pas une
5 réunion de la présidence. Deux membres n'étaient pas présents. Il y avait
6 là un membre de la présidence, et nous attendions que les débats officiels
7 commencent, ce qui pouvait faire l'objet d'un PV, mais vous constaterez que
8 dans le PV il n'y a pas une seule décision, une seule conclusion, une seule
9 ordonnance qui a été adoptée. Donc, pas un seul document officiel n'a été
10 adopté à l'issue de cette séance de la présidence. Ce qui a été signé c'est
11 simplement un texte dans lequel il est dit que le débat a porté sur telle
12 et telle question, mais aucun document officiel n'a été adopté, aucune
13 décision n'a été rendue. Ceci était impossible parce que deux membres de la
14 présidence ne sont pas parvenus à arriver à temps à la réunion.
15 Donc je crains que vous attachiez trop d'importance à ce procès-
16 verbal qui n'a aucune signification. C'est simplement une note mise par
17 écrit par une ou un secrétaire, et rien de plus.
18 Q. Monsieur Karadzic, la Chambre de première instance a eu la possibilité
19 de relire ces procès-verbaux dans le détail, tout comme la Chambre d'appel.
20 Vous avez parlé de la séance du 9 octobre à laquelle vous n'avez pas
21 assisté et, en fait, les seules personnes présentes étaient M. Krajisnik,
22 M. Djeric et Mme Plavsic, n'est-ce pas ? La séance du 9 octobre est
23 désignée comme une séance de la présidence, M. Krajisnik est clairement
24 désigné comme membre de la présidence, et c'est M. Krajisnik qui a signé ce
25 document en sa qualité de membre de la présidence, n'est-ce pas ?
26 R. Ça n'a pas été une session de la présidence, puisque nous deux on n'est
27 pas arrivés à cette session. Ils nous attendaient, et en nous attendant ils
28 sont débattu, ils ont examiné, ils ont recommandé, et cetera, mais ils
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1 n'ont pris aucune décision parce qu'ils ne pouvaient pas prendre de
2 décision puisqu'il n'y avait pas de quorum. C'est cela la substance.
3 Penchez-vous dessus. Si nous étions arrivés à la session de la présidence,
4 ça aurait été une session de la présidence, or ce n'était pas une session
5 de la présidence. C'étaient des notes portant sur des consultations qui ont
6 été effectuées avec un membre de la présidence avec des invités à cette
7 session.
8 Q. Monsieur Karadzic, votre déclaration nous dit --
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Karadzic, les Juges de la
10 Chambre de première instance ont conclu du fait que M. Krajisnik était un
11 membre actif de cette présidence composée de cinq membres, ou membre de
12 facto d'une présidence élargie. C'est une conclusion que vous contestez
13 dans la déclaration que vous avez faite en page 6. Vous dites que M.
14 Krajisnik, je cite : "n'a jamais pris part au processus de prise de
15 décisions au sein de la présidence." Une fois que les décisions de la
16 présidence ont été tapées, c'était vous qui les signiez. Vous l'indiquez en
17 page 4 de votre déclaration. Cependant, les Juges de la Chambre de première
18 instance ont appuyé leurs constatations par des éléments de preuve en
19 disant qu'à trois reprises M. Krajisnik lui-même a signé des documents de
20 la présidence au-dessus de votre nom tapé à la machine. C'est ce qui est
21 indiqué au paragraphe 177 du jugement rendu par la Chambre de première
22 instance.
23 Comment expliquez-vous cela, Monsieur Karadzic ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Les documents dont il est question dans ce
25 paragraphe ne sont pas des documents qui procèdent à des nominations ou
26 désignations. Ce sont des confirmations de ceci ou cela. Ça aurait pu être
27 signé par mon propre secrétaire au-dessus de mon nom. On confirme qu'une
28 personne nommée à telle fonction a bel et bien ces fonctions. Mais la
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1 décision portant nomination, c'est une décision de la présidence. C'était
2 moi qui l'ai signée. Ce n'était pas M. Koljevic ou ce n'était pas Mme
3 Plavsic, ou alors c'était moi ou et M. Koljevic. Donc ce que M. Krajisnik a
4 signé n'est pas une décision, ce n'est pas un acte de nomination, c'est une
5 confirmation disant qu'en mon absence on pourrait montrer tel document dans
6 une municipalité où la personne en question a été déléguée, que c'était
7 quelqu'un qui constituait un représentant officiel.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais que cela nous dit-il au sujet de
9 sa position en tant que membre de la présidence, Monsieur Karadzic ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il n'était pas membre de la présidence.
11 Mon secrétaire pouvait signer au-dessus de mon nom. C'était une attestation
12 disant qu'un tel a été auparavant nommé à ces fonctions-là, que de par le
13 passé il y a eu nomination de sa personne à ces fonctions, et donc c'était
14 une personne à qui l'on pouvait prêter foi. C'était mon secrétaire ou
15 quelqu'un d'autre qui pouvait le faire, c'était une attestation disant
16 qu'un tel était bel et bien une personnalité officielle.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est tout de ma part.
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci. Monsieur Tieger, veuillez
19 continuer.
20 M. TIEGER : [interprétation]
21 Q. Monsieur Karadzic, votre déclaration dit que le 30 novembre 1992, la
22 présidence s'est penchée sur la mise en place d'une présidence élargie, une
23 présidence de temps de guerre, mais cela a été rejeté du fait de ne pas
24 avoir réuni les conditions requises par la constitution, à savoir du fait
25 qu'il n'y ait pas eu d'état de guerre de déclaré.
26 En fait, Monsieur Karadzic, la session de la présidence du 30 novembre fait
27 référence à une enquête Parlementaire, à savoir c'est la 22e Session de
28 l'assemblée des Serbes de Bosnie qui s'est tenue à Zvornik en fin novembre
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1 1992, n'est-ce pas ?
2 R. Le fait est que les délégués, les députés, nous ont demandé s'il y
3 avait nécessité de mettre en place une présidence élargie. La nécessité
4 d'une présidence élargie se trouve être existante si l'assemblée ne peut
5 pas se réunir. C'était une question posée par un député, et la question a
6 été envoyée à la présidence pour répondre sur la substance. La présidence a
7 conclu de l'absence de nécessité et de l'absence de conditions préalables
8 pour ce qui est de la création d'une présidence élargie, puisqu'il n'y
9 avait pas les conditions requises par la constitution et par la loi. Ça
10 s'est passé à peu près 17 jours avant la suppression de la présidence pour
11 élire un président et deux vice-présidents. Cela vous confirme le fait que
12 la présidence ne l'a pas fait. Cela est une preuve pour dire que la
13 présidence n'existait pas et l'assemblée pouvait se réunir parce qu'il n'y
14 avait pas eu d'état de guerre de déclaré. La présidence avait pour fonction
15 d'intégrer la portion législative et la portion exécutive en l'absence de
16 session du Parlement; puisque le Parlement a siégé à bien des reprises, il
17 n'y avait pas nécessité d'avoir une présidence élargie.
18 Q. Monsieur Karadzic, peut-être cela serait-il utile aux Juges de la
19 Chambre de se pencher sur cette 22e Session pour que nous puissions voir ce
20 qui y a été dit. Il s'agit de la pièce P65, Treanor 14, intercalaire 121
21 [comme interprété], ou P583, Trbojevic, intercalaire 106.
22 A l'occasion de cette session, Milan Trbojevic, premier ministre adjoint, a
23 commencé le débat au sujet de la présidence de Guerre en disant : "Le
24 troisième aspect que j'aimerais évoquer à ce sujet est une loi
25 constitutionnelle et la valeur des lois dans notre Etat. Je trouve la
26 situation vraiment tragique. D'abord, nous avons un système parallèle
27 d'autorité publique, une présidence en temps de guerre qui est un organe
28 'légal', une instance d'autorité qui n'est pas mentionnée à la
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1 constitution. Il y a des commissaires de guerre qui ne sont prévus ni par
2 la loi ni par la constitution. Cela signifie que le sommet même de l'Etat,
3 et de ce sommet jusqu'aux municipalités, il y a un système parallèle du
4 pouvoir qui est mis en place."
5 C'est ce que M. Trbojevic a dit, n'est-ce pas, ou je pourrais peut-être
6 passer à d'autres extraits, ou vous n'avez pas connaissance de cela ?
7 R. Je n'ai pas cela sous les yeux, mais je sais que c'était le point
8 culminant d'un malentendu entre M. Trbojevic et M. Djeric et de certains
9 ministres. Le fait est que le gouvernement a demandé des commissaires, et
10 ces commissaires n'avaient pas d'attributions. Ils avaient pour mission de
11 donner des conseils aux instances sur le terrain parce que nous n'avions
12 pas de communications téléphoniques et parce que les gens au pouvoir dans
13 la périphérie n'étaient pas --
14 Q. Nous allons parler des commissaires un peu plus tard. Après
15 l'intervention de M. Trbojevic, vous avez répliqué pour dire, en page 60
16 dudit document : "J'ai toujours été du côté de la présidence, et non pas du
17 président. Nous ne sommes que quelques-uns ici. Si Koljevic et moi partons,
18 il y a Biljana qui reste. Il y en a au moins un qui reste. Si Biljana s'en
19 va, il reste Krajisnik."
20 Et en répondant à l'intervention de M. Trbojevic, M. Krajisnik a dit ce qui
21 suit en page 100, et souvenons-nous du fait que M. Trbojevic a indiqué :
22 "Nous avons un système parallèle du pouvoir, une présidence de Guerre
23 publique et légitime." Alors M. Krajisnik a dit en page 100 : "Messieurs,
24 nous avons reçu une réponse à une question de député au sujet de la
25 présidence de Guerre et des commissaires. La question a été posée par M.
26 Trbojevic, et il a été clairement indiqué que cela n'était pas conforme à
27 la constitution." Il va continuer pour dire que : "La présidence de Guerre
28 était composée de trois membres de la présidence, du président du Parlement
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1 et du premier ministre." C'est ce que M. Krajisnik dit à la 22e Session,
2 n'est-ce pas, Monsieur Karadzic ?
3 R. Oui, mais ça ne signifie pas que la présidence de Guerre est entrée en
4 vigueur, parce qu'il n'y a pas d'état de guerre proclamé. Si on dit que
5 Koljevic et moi étions, par exemple, absents, et qu'il restait Mme Plavsic
6 qui pouvait l'informer ou il pouvait être informé par M. Krajisnik qui sait
7 ce qui se passait et qui sait ce qui a été décidé à la présidence. Cela ne
8 signifie pas qu'il peut décider. Mais il peut l'informer de ce qui s'est
9 dit. Parce que vous pouvez vous pencher sur les comptes rendus du
10 gouvernement. Le gouvernement a exercé ses fonctions de façon autonome. Il
11 siégeait tous les jours et personne ne s'immisçait dans ses activités. Donc
12 ces histoires relatives à un pouvoir parallèle étaient dénuées de
13 fondement.
14 Q. Mais pourquoi ne se pencherait-on pas sur ce qu'ont dit les
15 commissaires à l'occasion de ces sessions, il s'agissait de commissaires
16 nommés par la présidence. Mais tout d'abord, Monsieur Karadzic, je vais
17 vous poser la question suivante : la fonction de commissaire a été créée
18 suite à une loi qui a porté création d'une présidence, aussi ? Donc cela
19 découle d'une décision prise à la date du 10 juin 1992. Ou peut-être ne
20 vous en souvenez-vous pas ?
21 R. Non. La nécessité d'avoir des commissaires s'est avérée exister du fait
22 de voir les participants au pouvoir, les gens exerçant le pouvoir sur le
23 terrain, non habitués à l'exercice du pouvoir, parce que c'étaient des
24 dissidents pendant le régime communiste, ils étaient à l'extérieur du
25 pouvoir. L'idée de la création de ces fonctions de commissaires a été
26 avancée par le Dr Djukanovic, qui était président d'un autre parti, le
27 Parti démocratique des Fédéralistes. Alors nous avons pris en considération
28 cette idée. Il a expliqué l'idée. Il s'agissait de personnalités qui
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1 étaient censées apporter un soutien aux autorités sur le terrain, au sein
2 des municipalités, pour leur expliquer ce qu'il conviendrait de faire. Le
3 gouvernement, lui aussi, avait demandé d'avoir ce type de gens qui leur
4 apporteraient leur soutien sur le terrain pour donner une opinion au niveau
5 des documents, des textes de loi et des décisions. Ça n'a pas duré
6 longtemps, du reste. Ces commissaires n'ont été en fonction que pendant
7 très peu de temps.
8 Q. Mais ils ont quand même existé. A la date du 10 juin ils ont existé,
9 parce que vous avez signé une décision portant mise en place de Commissions
10 de guerre au sein des municipalités en temps de danger de guerre imminent
11 ou de danger de guerre. On dit qu'il est créé des Commissions de guerre et
12 on dit que : "Ces commissions entretiendront des contacts les plus proches
13 possible avec les autorités locales, conformément aux directives émanant de
14 la présidence de Guerre de la république." C'est un document que vous avez
15 signé vous-même, Monsieur Karadzic. A l'article 4, on dit que : "Les
16 commissaires de l'Etat vont nommer des présidences de Guerre en
17 consultation avec la présidence de Guerre de la république." A l'article 4,
18 on dit que : "Les commissaires dissolvent la présidence de Guerre
19 municipale et nomment de nouveaux membres en consultation avec la
20 présidence de Guerre de la république."
21 C'est ainsi que sont créées ces fonctions de commissaires le 10 juin,
22 n'est-ce pas ?
23 R. C'était la création de conditions pour une éventualité d'état de guerre
24 pour que les autorités municipales puissent fonctionner, parce que les
25 assemblées municipales ne pourraient pas se réunir. Donc il fallait créer
26 les préalables. La législation devait mettre cela en place, mais cela ne
27 s'est pas fait. Cela n'a pas été réalisé.
28 Q. Voyons ce que ces commissaires, fictifs semble-t-il, auraient indiqué à
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1 la session de l'assemblée à Zvornik fin novembre 1992. Le premier à
2 intervenir s'appelait Vojo Maksimovic qui, en pages 103 et 104 de cette
3 session, dit ce qui suit : "Vers la fin du mois de mai ou début juin, suite
4 à une décision prise par notre présidence de Guerre, il a été créé des
5 fonctions de commissaires de guerre pour certaines régions, et ce sont des
6 députés qui se sont vu confier cette fonction."
7 Ensuite, M. Djukanovic a pris la parole. En page 105, il dit : "Je
8 suis l'un de ceux qui ont pris part à la création du concept de
9 commissaires et de leur travail, et création de bureaux de commissaires, et
10 j'ai été l'un des premiers commissaires de la présidence de Guerre de la
11 Republika Srpska."
12 Monsieur Karadzic, ces commissaires ont bel et bien existé,
13 indépendamment des éléments techniques sur le plan juridique auxquels vous
14 faites référence. Ils ont parlé de leur existence, de leurs propres
15 activités et de la présidence de Guerre devant laquelle ils se trouvaient
16 être responsables et devant laquelle ils devaient répondre de leurs
17 activités – c'est ce qui s'est dit à la 22e session, fin novembre 1992 ?
18 R. Lorsqu'ils ont mentionné la présidence de guerre, c'est une imprécision
19 de leur part. Car, si la présidence de guerre avait bel et bien été créée,
20 eux auraient existé jusqu'à la fin de l'état de guerre. C'est un fait. Le
21 fait est aussi que certains d'entre eux se sont déplacés pour des
22 municipalités pour prendre contact, mais en substance, la fonction n'a
23 jamais pris vie et ils n'ont pas déployé d'activités particulières au sein
24 des municipalités parce qu'il n'y a pas eu de conditions de réunies. Cela a
25 été envisagé pour le cas où un état de guerre serait proclamé et au cas où
26 les autorités municipales ne pourraient pas fonctionner. Donc s'ils disent
27 présidence de guerre, c'est une imprécision de leur part. La présidence de
28 guerre était bel et bien prévue et les commissaires avaient été prévus pour
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1 le cas où déclaration de l'état de guerre y aurait-il eu.
2 Q. M. Krajisnik a assez longuement parlé à cette session au sujet du
3 travail à effectuer par ces commissaires et il en a parlé de façon
4 positive. Il savait qu'ils existaient. Pourquoi en aurait-il parlé ?
5 R. Mais tout le monde le savait, ce n'était pas une organisation secrète,
6 clandestine. C'était un lien entre l'autorité à Pale et la périphérie,
7 parce que nous n'avions pas de communications téléphoniques. Et dans la
8 périphérie, dans les municipalités, nous avions des gens qui n'avaient pas
9 d'expérience en matière d'exercice du pouvoir.
10 Q. Vous avez dit aux Juges de la Chambre d'appel qu'un débat a eu
11 lieu sur la nécessité ou non-nécessité de créer des présidences de guerre,
12 mais le fait est comme on l'a vue, le débat s'est tenu en réalité au sujet
13 de l'existence de cette présidence de Guerre se trouve à être justifiée. Il
14 serait vrai n'est-ce pas de dire -- ou plutôt, laissez-moi dire comme suit.
15 Les Juges de la Chambre de première instance ont entendu les éléments de
16 preuve, pièce P1257; disons que les PV de la 22e Session signés par M.
17 Krajisnik montrent bien qu'il y a eu un débat sur la question évoquée à
18 l'occasion de la toute dernière des sessions du Parlement concernant la
19 présidence de Guerre, et le PV dit : "Une fois que le débat a été conclu ou
20 plutôt, une fois le débat tenu, il a été tiré une conclusion disant que la
21 présidence de la République devait s'enquérir sur la justification de
22 l'existence de cette présidence de Guerre."
23 En avez-vous connaissance ou pas ?
24 R. Je pense qu'il n'en est pas ainsi, je crois qu'il y a un problème
25 linguistique ici. Et j'aimerais avoir le document pour vous dire s'il en a
26 bel et bien été ainsi.
27 Q. Nous allons retrouver ce document pendant la pause, c'est un document
28 qui est versé au dossier comme élément de preuve. Il a été traduit. S'il y
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1 a un problème de traduction, bien entendu, nous pouvons en parler
2 ultérieurement.
3 R. Tel que vous venez de le dire ou plutôt, tel que vous interprétez les
4 choses, je vous dirais qu'il n'en a pas été ainsi.
5 Q. Peut-être pourrions-nous résoudre la question en nous penchant sur la
6 teneur de la session à laquelle vous faites référence dans votre propre
7 déclaration, celle du 30 novembre. Il s'agit d'une session de la
8 présidence. J'évoque la pièce P65, Treanor 14 intercalaire 12. Vous avez
9 dit dans votre déclaration que la question qui s'est posée portant sur la
10 mise en place d'une présidence de guerre ou pas, et vous avez dit que
11 c'était de cela qu'il a été question, or, le PV de la réunion dit : "En
12 réponse à une question Parlementaire, la présidence a débattu du fait de
13 savoir s'il était justifié de mettre en place des commissaires de guerre et
14 une présidence élargie dans les circonstances présentes. Dans les deux cas,
15 il s'agissait de commissaires de guerre et de présidence de Guerre. Or, au
16 cas où ces institutions seraient maintenues, ou si l'on s'en tient à ces
17 institutions, la réglementation devra forcément être amendée."
18 R. Je dois vraiment voir le document original. Je ne suis pas du tout sûr
19 que votre interprétation soit la bonne.
20 Q. En réalité, Monsieur Karadzic, M. Krajisnik a évoqué la même question
21 pendant le procès, a posé cette même question. Nous nous sommes renseignés
22 auprès des interprètes pour ce qui est du mot "retenu", et le service
23 d'interprétation a dit que le mot en B/C/S dit "Si l'on s'en tient à cela",
24 cela ne veut pas dire si l'on "introduit" telle chose.
25 Au cas où vous souhaiteriez voir les documents et au cas où vous voudriez
26 vous pencher dessus, c'est bon, mais c'est ainsi que les choses ont été
27 dites et c'est ainsi que la pièce à conviction a été présentée dans
28 l'affaire. Donc il a été question de maintenir les institutions existantes
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1 et non pas de les introduire pour la première fois.
2 R. Je vous affirme que la présidence de guerre n'existait pas parce qu'il
3 n'y avait pas d'état de guerre déclaré. Je vous affirme qu'il a été débattu
4 à cette session de la nécessité d'avoir une présidence de guerre ou pas. Et
5 si vous montrez le document je vous l'indiquerai. Alors, nous avons conclu
6 le 30 novembre du fait qu'il n'y avait pas besoin de mettre en place une
7 présidence de Guerre. Le 17 décembre, nous avons procédé à une modification
8 de la constitution et nous avons élu un président et deux vice-présidents.
9 Donc 17 jours seulement avant la cessation de l'existence de cette
10 présidence, nous avions conclu du manque d'éléments justifiant la création
11 d'une présidence de Guerre. Si vous me donnez le procès-verbal, je pourrais
12 vous interpréter la substantifique moelle de ce qui a été dit.
13 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je vais voir quelle est
14 la façon la plus rapide de procéder. Comme je l'ai dit, cette question a
15 déjà été débattue dans le courant du procès en première instance. Et si
16 vous estimez que cela est nécessaire, je suis disposé à le faire, mais je
17 suis conscient aussi des contraintes de temps, et aussi voudrais-je passer
18 à mon sujet suivant. Je ne voudrais pas priver les Juges de la Chambre
19 d'appel de toute opportunité qu'ils pourraient souhaiter avoir à leur
20 disposition, mais je voudrais diriger ou demander aux Juges de la Chambre
21 de se pencher sur la transcription du procès.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il vous appartient à vous de décider si
23 vous allez rester sur cela, si vous allez continuer au-delà ou si vous
24 allez passer vers d'autres sujets en dirigeant les Juges de la Chambre vers
25 le compte rendu.
26 M. TIEGER : [interprétation]
27 Q. Monsieur Karadzic, je voudrais maintenant passer à certains des
28 commentaires qui ont été avancés au sujet des objectifs stratégiques. Vous
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1 avez dit dans votre déclaration qu'il ne s'agissait pas d'objectifs
2 militaires mais tout simplement d'objectifs politiques.
3 Tout d'abord, les objectifs stratégiques étaient, tels que publiés au
4 journal officiel, à la Gazette officielle le 26 novembre 1993, il s'agit du
5 P29, intercalaire 436, il est question des objectifs stratégiques du peuple
6 serbe en Bosnie-Herzégovine. Les objectifs stratégiques et les priorités du
7 peuple serbe en Bosnie-Herzégovine sont les suivants :
8 D'abord, démarcation de l'Etat et séparation des deux autres
9 communautés ethniques.
10 Deux, accord portant sur la Semberija et la Krajina.
11 Troisièmement, mise en place d'un corridor le long de la rivière
12 Drina et il s'agirait aussi de dépasser la rivière Drina en sa qualité de
13 frontière entre des états serbes.
14 Ensuite, la frontière le long de la Neretva et de la Una.
15 Cinquièmement, partage de la ville de Sarajevo.
16 Et sixièmement, issue sur la mer. Le document est daté du 12 mai
17 1992, et il est fait référence à la 16e Session de l'assemblée tenue à
18 Banja Luka le même jour. N'est-ce pas, Monsieur Karadzic ?
19 R. Les six objectifs stratégiques doivent être pris en considération dans
20 le cadre de la conférence sur la solution de la crise en Bosnie-
21 Herzégovine. Ce sont des objectifs qui sont conformes au plan Cutileiro.
22 Q. Je ne vous ai pas demandé de nous expliquer ce qui figure dans votre
23 déclaration, Monsieur Karadzic. Je voulais juste vous poser plusieurs
24 questions au sujet de votre allégation disant que ces objectifs
25 stratégiques étaient de nature purement politique et ils n'avaient pas
26 d'implications militaires.
27 R. Moi, on ne m'a pas traduit les choses de façon exacte. Telles que les
28 choses m'ont été traduites, je vous dirais que ça ne s'est pas passé ainsi.
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1 Le premier objectif stratégique était la démarcation avec les deux autres
2 unités, les deux autres unités confédérales qui étaient prévues par les
3 accords de Lisbonne. Il y a été question au deuxième point de la Krajina et
4 de Semberija, parce que la guerre avait déjà éclaté, on s'est efforcé de
5 faire en sorte que le territoire soit compact. Troisièmement, ce n'est pas
6 la frontière entre deux Etats, mais entre deux mondes. Il s'agit donc d'une
7 qualité de ces frontières. J'en ai parlé à la télévision en 1993. Vous avez
8 aussi ce document où j'ai dit que ces frontières devaient être souples
9 comme les frontières européennes.
10 Tout ce que nous avons dit là-bas a été déjà dit à l'occasion des
11 négociations avec l'ambassadeur Cutileiro dans le cadre des pourparlers,
12 dans le cadre des accords de Lisbonne. Ce n'était ni un document militaire
13 ni un document clandestin. On a donné instruction que ce soit publié dans
14 les médias, et non pas seulement à la Gazette officielle, et nous avons
15 décidé de l'envoyer à la Commission européenne en tant que position de
16 négociations qui était la nôtre. Parce que la conférence ou les accords de
17 Lisbonne étaient sur la table jusqu'au 26 août 1992, bien que --
18 Q. Monsieur Karadzic, vous êtes en train de répéter ce que vous avez déjà
19 dit dans vos déclarations. Ceci est une opportunité qui est la mienne de
20 vous poser des questions à ce sujet.
21 Le P529, intercalaire 264, Monsieur Karadzic, est un document qui précise
22 dans le détail la teneur de cette réunion qui s'est tenue avec les
23 présidents des municipalités en Bosnie occidentale. On donne un aperçu de
24 la situation militaire et politique au sein de ces municipalités à la date
25 du 14 mai 1992, à savoir deux jours après que vous ayez énoncé les
26 objectifs stratégiques devant l'assemblée à Banja Luka. Il y a eu à cette
27 réunion un certain nombre de présidents de l'assemblée municipale, de
28 présidents ou maires de municipalités serbes, ainsi qu'un certain nombre de
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1 commandants de brigades et de divisions, y compris le colonel Stanislav
2 Galic, qui se trouvait être à l'époque commandant de la 31e Brigade des
3 Partisans et qui, peu de temps après, est devenu le commandant des forces à
4 Sarajevo, et il a fini par être condamné devant ce Tribunal pour ce qu'il a
5 fait là-bas.
6 A l'occasion de cette réunion, il y a eu un long débat au sujet d'activités
7 déployées par les militaires et sur ce que les militaires faisaient. Le
8 colonel Galic a informé les personnes présentes de sa zone de
9 responsabilité, la situation et les conditions au niveau de la sécurité.
10 L'un des présidents de la municipalité a parlé des conclusions adoptées à
11 l'occasion de la réunion de Banja Luka. Il a également listé les objectifs
12 stratégiques. Puis, à la fin de la réunion, il a été décidé par les
13 personnes présentes que les décisions de la réunion de Banja Luka devraient
14 être mises en œuvre, qu'elles devraient être présentées aux commandants des
15 unités ainsi qu'aux municipalités.
16 Vous ne niez pas la tenue de cette réunion et la tenue de ce débat ?
17 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je
18 voudrais une fois de plus évoquer l'article 97(H) parce que nous sommes
19 allés assez loin du rôle joué par M. Krajisnik, et je crois que la position
20 devrait être la même pour ce qui est de la variante A et B, où l'Accusation
21 a visé à aller vers des matières qui se trouvent au-delà de ce qui nous
22 intéresse et qui ne sont pas pertinentes vis-à-vis de la décision de la
23 Chambre d'appel. Je voudrais donc que vous exhortiez M. Karadzic de
24 répondre à cette question, et si cela vient à ne pas être le cas, je
25 voudrais évoquer notre droit à l'article 21(4)(g) du Règlement de procédure
26 et de preuve. Si ceci ne vient pas à être utilisé pour l'édification des
27 pièces à conviction de l'Accusation à l'encontre de M. Krajisnik, je
28 voudrais que cette ordonnance soit mise en œuvre afin que son témoignage ne
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1 vienne pas à être utilisé contre lui-même. Dans ce cas-là, il pourra
2 répondre. Merci.
3 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais répondre à
4 l'aspect relatif à la pertinence pour dire ce qui suit. Pas une des
5 personnes qui auraient participé à ce procès ne saurait dire que nous
6 sommes allés au-delà du rôle joué par M. Krajisnik. Tout d'abord, nous
7 avons son témoignage à lui lors du procès où il est dit que M. Krajisnik a
8 pris part à la formulation des objectifs. Deuxièmement, il existe également
9 une question qui vient d'être mentionnée par M. Karadzic lui-même et qui
10 concerne directement sa crédibilité. Troisièmement, il s'agit d'objectifs
11 et de mise en œuvre desdits objectifs par les soins de la direction des
12 Serbes de Bosnie et d'une manière générale. Ce qui fait que nous sommes
13 plutôt loin de l'allégation qui vient d'être avancée.
14 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je pense, Monsieur Tieger, qu'il n'y a
15 pas de problème pour ce qui est de l'aspect de pertinence. Mais pour ce qui
16 est de l'autre point évoqué par M. Robinson, à savoir que la réponse
17 pourrait incriminer le témoin, ça, je dois l'accepter, l'agréer.
18 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que je pourrais poser une autre
19 question encore avant la pause, Monsieur le Président, sur le même
20 problématique.
21 Q. Ces objectifs stratégiques étaient-ils rien que politiques et non pas
22 militaires ? A cet effet, je vous réfère à la pièce P65, intercalaire 182,
23 qui porte sur la 17e Session de l'assemblée des Serbes de Bosnie qui s'est
24 tenue en juillet 1992. Il s'agit de la première session de l'assemblée
25 après que vous ayez énoncé la teneur de ces objectifs stratégiques à la 16e
26 Session du mois de mai. M. Kupresanin a dit ce qui suit : "Ceci est une
27 assemblée serbe et elle prend des décisions. Une fois revenu à la Krajina,
28 je vais dire à mes soldats, Messieurs, ce sont nos objectifs finaux. A la
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1 17e Session de Banja Luka, nous avons dit que la frontière nord de la
2 République serbe de Bosnie-Herzégovine, c'est la rive droite de la rivière
3 Sava. Nous en sommes venus à la réalisation où nous avons Bijelo Brdo et
4 Orasje qui ont été abandonnés. Nous avons donné l'ordre à l'armée de
5 réaliser cet objectif."
6 Vous étiez présent à cette session. Vous souvenez-vous que M. Kupresanin
7 l'ait dit ?
8 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, encore une fois, je
9 vais vous demander l'application de l'article 21(4)(g) du Statut et de
10 l'article 90(E) du Règlement pour vous prier de demander à l'Accusation si
11 elle estime que ceci est véritablement important s'agissant de M.
12 Krajisnik. Le fait qu'il vous demande de donner un ordre tel que celui-ci
13 ne doit pas pouvoir être utilisé contre M. Karadzic durant son propre
14 procès. M. Karadzic, une fois que vous aurez pris cette décision, sera
15 heureux de répondre à cette question.
16 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je m'oppose à la
17 qualification d'une décision de l'Accusation évoquant une disposition citée
18 par le conseil de la Défense comme déterminant l'importance de cette
19 déposition. Je pense que l'importance de cette déposition, ceci est apparu,
20 je crois, durant le procès. Et le fait de savoir si l'Accusation demande
21 l'autorisation à la Chambre d'appel de pouvoir aller plus loin, ceci est
22 une question tout à fait différente. Donc je ne souhaiterais pas que ceci
23 soit admis sur le fond ou sous la forme dans les conditions qualifiées par
24 le conseil de la Défense. Quoi qu'il en soit, Monsieur le Président, je
25 remarque l'heure. J'ai indiqué que j'avais une question avant la pause,
26 mais je suis à la disposition des Juges de la Chambre d'appel.
27 [La Chambre d'appel se concerte]
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il est sans doute bon de faire la pause
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1 maintenant. Donc nous allons suspendre l'audience pendant 20 minutes et
2 reprendrons nos débats dans 20 minutes.
3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
4 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.
5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons nos débats. Je donne la
6 parole à l'Accusation pour la poursuite de son interrogatoire.
7 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 Q. Monsieur Karadzic, avant la pause, nous étions en train d'examiner
9 cette partie de votre déclaration écrite dans laquelle vous affirmez que
10 les objectifs stratégiques étaient politiques et non militaires. J'ai
11 appelé votre attention sur un certain nombre de passages, et j'aimerais
12 maintenant que nous nous occupions du point de vue de l'armée. J'aimerais
13 appeler votre attention sur la pièce à conviction P529, intercalaire 255,
14 qui est une analyse de l'aptitude au combat et de l'action de l'armée de la
15 Republika Srpska en 1992. Ce document porte la mention, secret militaire,
16 strictement confidentiel, et il date du mois d'avril 1993.
17 Page 159 de la version anglaise de ce document, et les Juges de la Chambre
18 de première instance ont entendu des témoins sur ce sujet, nous lisons que
19 : "Les objectifs stratégiques de notre guerre qui ont été rapidement
20 définis et déterminés par le Grand état-major de l'armée de la Republika
21 Srpska, les commandements et les unités étaient un axe directeur qui sous-
22 tendait la planification des opérations effectives et des combats." A la
23 page suivante, nous lisons que les priorités sont établies et les missions
24 approuvées sur la base de l'évolution réelle de la guerre. Ceci indique que
25 le centre principal de l'armée de la Republika Srpska pendant un certain
26 temps, l'objectif fondamental a consisté à ouvrir et à maintenir ouvert un
27 corridor reliant la République de Krajina serbe et la Serbie en passant par
28 la Krajina de Bosnie. Le texte se poursuit en disant : "Au cours du dernier
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1 mois, une grande partie de nos efforts se sont concentrés sur la libération
2 de Podrinje qui est devenu l'objectif stratégique, par conséquent, de la
3 guerre et qui est désigné comme ayant pour but d'établir un contact avec la
4 Serbie sur la Drina pour que la Drina cesse d'être une frontière."
5 Monsieur Karadzic, ceci est l'objectif stratégique numéro 3, n'est-ce pas ?
6 La Drina devait cesser d'être une frontière ?
7 R. D'abord, ceci n'est pas le cas, et j'aimerais dire qu'il importe de se
8 pencher sur le PV de la séance du 12 mai, où je dis que la Drina ne doit
9 pas être la frontière entre deux mondes, le monde catholique et le monde
10 orthodoxe et islamique. Dans une interview télévisée en 1993, vous avez
11 cette interview ici, et j'explique ce que j'entends par-là, à savoir que la
12 frontière en question doit être une frontière européenne souple dissociée à
13 toutes les restrictions d'une frontière. Je poursuis en disant que l'Europe
14 va assouplir ses frontières. Je dis que M. Izetbegovic a déclaré que les
15 Serbes n'auraient pas besoin d'un passeport pour franchir la Drina.
16 Donc si nous souhaitons examiner la vérité dans son intégralité, il
17 faut étudier le contexte. C'est le contexte de la conférence de Bosnie-
18 Herzégovine. L'Union européenne a proposé un Etat intégré, une entité, une
19 république de Bosnie-Herzégovine, et tout devait se faire dans ce contexte.
20 Nous n'avons jamais abandonné le document de Lisbonne, et à la fin 1992, ce
21 document de Lisbonne a été remplacé par le plan Vance-Owen et le document
22 du groupe de contact établi par Stoltenberg, et finalement il y a eu
23 l'accord de Dayton. Donc on ne peut pas considérer les choses isolément,
24 comme je l'ai dit, il faut examiner ce que j'ai dit le 12 mai 1992,
25 examiner ce que j'ai dit, à savoir qu'il ne fallait pas qu'il y ait
26 frontière entre deux mondes, parce que la Drina était conçue comme une
27 frontière entre le monde oriental et le monde occidental chrétien et
28 l'Islam. Je souhaitais préconiser que cette frontière ne sépare pas deux
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1 mondes et ne soit pas une frontière entre la Serbie et la Bosnie, c'est ce
2 que j'ai dit durant cette séance.
3 En 1993, à l'interview, c'est que cette frontière devait être
4 assouplie, elle ne devrait pas être une frontière sans aucune restriction,
5 mais je cite l'Union européenne en disant que les frontières doivent
6 devenir plus souples et plus perméables. Je ne sais pas quand Schengen a vu
7 le jour, mais quoi qu'il en soit, j'envisageais ce qui se passait en
8 Europe, j'envisageais de tendre vers cet objectif. Nous souhaitions faire
9 la même chose parce que nous souhaitions que la Bosnie soit unie, soit en
10 contact avec la Suisse, par exemple, et puisse être cantonisée comme la
11 Suisse, de façon à ce que la vie en paix soit possible. Nous avons donné un
12 sens particulier à cette intention. Il faut prendre en compte le contexte.
13 Q. Nous allons maintenant laisser à la Chambre d'appel la responsabilité
14 de décider si ceci est bien la définition de l'objectif stratégique numéro
15 3, puisque je n'ai pas entendu une réponse directe à ma question de votre
16 part. Mais remarquons la page 159 de ce document, qui est un rapport au
17 sujet de l'aptitude au combat et au sujet des objectifs stratégiques de la
18 guerre établis par le Grand quartier général. Dans la suite du texte, il
19 est dit que : "Les objectifs ont été établis avant définition détaillée des
20 missions précises, même si le président de la république, en sa qualité de
21 commandant suprême des forces armées, a oralement affecté un certain nombre
22 de missions qui étaient d'une importance générale et vitale pour notre
23 combat dans la protection du peuple serbe et de ses territoires."
24 Le Grand quartier général de l'armée de la Republika Srpska a traduit
25 cela en objectifs et en missions individuelles et générales que chacun
26 devrait mettre en œuvre dans le cadre des opérations auxquelles il
27 participait.
28 De même, en page 153 du document, dans ce que l'on voit juste au-dessus de
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1 votre nom en tant que commandant suprême des forces armées de la Republika
2 Srpska, Monsieur Karadzic, et nous lisons, je cite : "Ce rapport entre les
3 structures de commandement et les organes du gouvernement, ainsi que le
4 commandement Suprême, ont rendu impossible au Grand quartier général la
5 prise de décisions absolue de sa propre initiative, mais toute opération au
6 combat était politiquement agréée sur la base des intérêts du peuple serbe
7 et approuvée par les plus hautes autorités de la Republika Srpska."
8 Monsieur Karadzic, vous avez déclaré, vous avez décrit comment les
9 objectifs stratégiques étaient prolongés sur le plan politique, et personne
10 n'affirme que ceci ne constituait pas un effort simultané visant à donner
11 une suite politique aux objectifs stratégiques ainsi qu'une suite
12 militaire. A ce sujet, j'aimerais que nous nous penchions sur ce qu'a
13 déclaré le général Mladic durant la 34e Séance de l'assemblée des Serbes de
14 Bosnie en 1993.
15 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez, Monsieur le Président. Permettez-
16 moi une intervention. Je ne suis pas sûr de comprendre ce qu'est en train
17 de faire M. Tieger. Il lit des documents sans poser de questions au témoin.
18 Il fait de longues interventions au sujet de certains documents comme s'il
19 était en train de présenter un réquisitoire devant vous, mais ne pose pas
20 de questions au témoin. Donc je pense que ceci n'est pas équitable à
21 l'égard de M. Karadzic, le fait de se contenter ainsi de commenter ce qui
22 d'ailleurs n'est pas le rôle de M. Tieger dans ce prétoire. Je demanderais
23 soit qu'on lui ordonne de s'abstenir de tout commentaire sur la déposition
24 et qu'on lui ordonne de poser une question, soit qu'il pose une question
25 par rapport au document dont il souhaite le versement. Je vous remercie.
26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas mon
27 intention de tout résumer en une question, mais je peux très bien poser
28 deux questions plutôt qu'une.
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1 Q. Monsieur Karadzic, je vous ai donné lecture de quelques passages de ce
2 rapport relatif à l'aptitude au combat qui indique que la direction
3 politique était bien consciente de la réalité des combats qui se menaient
4 sur le terrain, y compris de combats qui poursuivaient des objectifs
5 stratégiques de la guerre. Ceci étant, comme nous l'avons déjà fait
6 remarquer, la création d'un corridor pour relier la République serbe de
7 Krajina à la Serbie en passant par la Krajina bosniaque et en éliminant la
8 Drina en tant que frontière. C'est bien le cas, n'est-ce pas, Monsieur
9 Karadzic, vous étiez au courant, vous étiez conscient du fait que,
10 autrement dit, la direction des Serbes de Bosnie était consciente du fait
11 que ces objectifs stratégiques étaient poursuivis grâce aux opérations
12 menées par l'armée des Serbes de Bosnie ?
13 R. Ce n'est pas le cas, pas s'agissant de la Krajina serbe. Ce n'est pas
14 tout à fait exact. Voilà ce qui se passait, Monsieur Tieger, si vous vous
15 penchez sur les cartes associées au plan Cutileiro, celles que nous avons
16 reçues dans une liasse de documents et de propositions émanant de la
17 Communauté européenne en vue de résoudre le problème de la Bosnie-
18 Herzégovine, vous constaterez que ces objectifs stratégiques sont annotés
19 de façon illustrée sur ces cartes, et nous savons que pas mal de personnes
20 considéraient que notre armée devait libérer toute la Bosnie pour aboutir à
21 une solution politique de la crise. Nous avons dit que cela ne pouvait se
22 faire. Nous avons dit qu'il fallait que la solution soit acceptée et
23 proposée par la Communauté européenne, qu'une solution ne pouvait pas
24 concerner l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine dans les frontières
25 yougoslaves. Ces opinions existaient en Bosnie-Herzégovine. Elles étaient
26 liées au fait que l'on pensait que la Bosnie-Herzégovine devait rester en
27 Yougoslavie et ne devait pas se séparer illégalement de la Yougoslavie.
28 Donc dans ce sens, les objectifs étaient importants, le fait, par exemple,
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1 que l'armée ne pouvait pas passer sur la rive gauche de la Una et que le
2 plan Cutileiro était envisagé comme devant créer une république musulmane.
3 Donc l'armée devait prendre conscience de ce qui se passait dans la
4 réalité, et je répète que pour la Bosnie-Herzégovine il n'y avait pas
5 d'objectifs consistant à imposer à l'armée ce qu'elle devait faire.
6 S'agissant des voies de communication, par exemple, parce que la
7 guerre a éclaté, il n'était pas nécessaire que les trois républiques soient
8 en continuité territoriale. La Krajina serbe était envisagée, non pas pour
9 faire suite à la Bosnie centrale, puisqu'il y avait une république
10 musulmane qui était prévue, mais une fois que la guerre a éclaté au mois de
11 mai à Banja Luka, deux bébés sont morts, faute d'oxygène dans des
12 incubateurs. On n'a pas pu les sauver.
13 Nous avions une guerre à mener et nous avons dit cela à Izetbegovic,
14 si la solution doit résoudre une guerre, la question se pose de façon tout
15 à fait différente. Mais nous avons toujours été favorable à une solution
16 politique, et la proposition de la Commission européenne nous semblait
17 acceptable, même si nous devions accepter un compromis pénible, à savoir ne
18 plus être en Yougoslavie. Sur le fond, l'armée devait savoir ce que
19 l'accord de Lisbonne envisageait. C'est cela qui est au cœur du problème.
20 Q. Bien. En rapport avec la question de savoir si les objectifs politiques
21 se sont poursuivis sur le plan militaire et si l'armée était consciente que
22 de l'existence d'objectifs politiques et a agi en fonction de ces
23 objectifs, j'ai indiqué que nous avons examiné le document du général
24 Mladic, pièce P529, intercalaire 436, PV de la 34e réunion, où il dit, je
25 cite : "D'abord, les membres de l'armée, avec l'aide de nous tous dans la
26 mesure de nos possibilités, ont réalisé la plupart des objectifs
27 stratégiques difficiles pour eux. Nous avons créé la Republika Srpska."
28 Il poursuit en page suivante après quelques passages relatifs aux
Page 560
1 négociations en disant, je cite : "Je me dois de dire à notre délégation
2 que j'apprécie réellement, ainsi que notre président, parce que, Monsieur
3 le Président, vous êtes parti d'une position très favorable à Genève. Vous
4 voyez le résultat militaire qui est entre vos mains. Vous et la population,
5 ainsi que l'armée et toutes les forces populaires sont responsables de
6 cette création."
7 Voilà ce que dit le général Mladic au sujet de l'application militaire des
8 objectifs stratégiques, n'est-ce pas ?
9 R. Vous voyez très certainement que l'armée souhaitait que ses mérites
10 soient reconnus tout comme la direction politique voulait que ses mérites à
11 elles soient reconnus s'agissant de ce qui était en train de se passer,
12 mais nous avions promis une république à la Communauté européenne dans le
13 cadre de l'application du plan Cutileiro ou de la cantonisation prévue dans
14 ce plan, et ce qui a été réalisé, c'est ce que nous avons promis. Nous
15 avions promis un certain nombre de choses, d'abord remplacer la
16 Yougoslavie. Donc si l'armée défendait les propositions de la Commission
17 européenne et que celles-ci étaient acceptées, le 18 mars, les trois
18 parties ont accepté l'accord de Lisbonne, et tout s'est passé à partir du
19 Nouvel An et en février, mars, avril et cetera dans le contexte de la
20 conférence de Bosnie-Herzégovine. J'ai vu d'énormes erreurs commises quand
21 vous lisez les phrases sans les remettre dans leur contexte et que vous
22 oubliez que l'accord avait été conclu le 18 mai, à savoir une solution
23 destinée à éviter la guerre, une solution très semblable d'ailleurs aux
24 dispositions de l'accord de Dayton qui a mis fin à la guerre. Donc voilà ce
25 qui importe sur le fond.
26 Et cette solution ne venait pas de nous.
27 Q. Voyons comment l'armée a œuvré pour réaliser ce que vous considérez
28 qu'on avait promis aux Serbes de Bosnie. Dans ce contexte, j'aimerais que
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1 nous nous penchions sur la pièce P892, intercalaire 125. Directive numéro
2 4. Il s'agit d'un document qui porte la date du 19 novembre 1992, c'est
3 encore une fois un document strictement confidentiel qui concerne les
4 opérations à venir de l'armée de la Republika Srpska. Page 3, il est dit
5 que parmi les missions qui relevaient de la directive numéro 3, il y en a
6 qui ont été mises en œuvre, et que malgré le fait que le corridor de la
7 Posavina était considérablement élargi, le Corps d'Herzégovine n'a pas pu
8 atteindre la rive gauche de la Neretva et il n'a pas pu obtenir un accès à
9 la mer. Mais page 5, nous lisons cette direction qui est donnée, cette
10 directive à l'attention du Corps de la Drina : "Sur la base de ses
11 positions présentes, ses forces principales devraient défendre Visegrad, le
12 barrage, Zvornik et son corridor, pendant que les forces dans la région de
13 la Posovina en sens plus large devraient épuiser les forces ennemies."
14 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi. Je vais soulever une objection
15 pour ce qui est de cette directive. Tout d'abord, sur la base de l'article
16 90(H), je ne pense pas que M. Karadzic devrait répondre à cette question.
17 Egalement, si vous pensez que cette question comporte une pertinence, je
18 vous invite à autoriser le témoin en application à l'article 21(4)(g) et en
19 application à l'article 90(E) à ne pas répondre à ces questions à moins que
20 l'Accusation souhaite accepter que cette réponse ne sera pas utilisée pour
21 l'incriminer.
22 M. TIEGER : [interprétation] Permettez-moi de vous dire que nous ne sommes
23 pas loin des objectifs stratégiques et de M. Karadzic.
24 Q. Monsieur Karadzic, lors de la 34e réunion que j'ai mentionnée, le
25 général Mladic s'est référé à l'armée créée par la Republika Srpska et il a
26 parlé des objectifs qui ont été achevés. Et vous, vous avez parlé au début
27 de cette réunion, vous avez énuméré les objectifs stratégiques de manière
28 détaillée. Plus tard pendant cette réunion, M. Krajisnik a pris la parole,
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1 et là encore, il a énuméré les objectifs stratégiques; n'est-ce pas exact ?
2 M. ROBINSON : [interprétation] Encore une fois, je soulève la même
3 objection. En particulier pour ce qui est de l'article 21(4)(g) et 90(E),
4 je pense que le témoin ne devrait pas être invité à répondre à cette
5 question.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Et pour ce qui est de la deuxième
7 partie de cette question, il pourrait y répondre de la manière dont je vois
8 les choses. M. Tieger a demandé si M. Krajisnik énumérait et expliquait les
9 objectifs stratégiques. Mais pour ce qui est de la première partie de cette
10 question, M. Karadzic peut être dispensé d'y répondre. Je vous en prie,
11 Monsieur Karadzic, vous pouvez répondre à la deuxième partie de cette
12 question, à savoir est-ce que M. Krajisnik a pris la parole lors de cette
13 réunion, est-ce qu'il a énuméré et expliqué les objectifs stratégiques.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour que toute la vérité soit connue, il
15 m'appartient de dire que le volet politique et le volet militaire cherchent
16 à démontrer que ce sont eux qui ont créé la Republika Srpska. Ce n'est pas
17 l'armée qui l'a créée, c'est uniquement le 20 mai qu'ils ont commencé à
18 fonctionner. Donc jusqu'au 19 mai, cette structure n'a pas existé. C'est ce
19 que M. Torbejic dit lors de cette assemblée fin novembre, que l'armée n'a
20 pas encore de structure.
21 Donc la Republika Srpska a été créée à partir du moment où la Commission
22 européenne nous l'a proposé, c'est d'une manière politique qu'elle a été
23 créée. Et l'armée l'a défendue militairement. Krajisnik, je ne sais pas
24 s'il a commenté cela, mais c'étaient des objectifs légitimes politiques de
25 maintenir ce que nous avions atteint lors de la conférence de Lisbonne.
26 Donc il est possible qu'il ait formulé des commentaires là-dessus mais ce
27 n'était pas un document secret. C'était simplement un objectif politique et
28 l'armée l'a défendu. C'est naturel, c'est normal que les officiers
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1 cherchent à s'attribuer des mérites, mais c'est un objectif politique. La
2 Republika Srpska a été créée avant que nous nous soyons dotés d'une armée.
3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Karadzic, on vous a demandé si
4 M. Krajisnik a pris la parole lors de cette réunion et s'il a expliqué les
5 objectifs stratégiques, et votre réponse consiste à dire qu'il est possible
6 qu'il l'ait fait. Autrement dit, vous ne le savez pas ? C'est ça votre
7 réponse ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je ne le sais pas, je ne sais pas s'il
9 l'a fait. Oui, c'est ça ma réponse. Je ne le sais pas parce que je ne vois
10 pas le document. Je n'ai pas ce procès-verbal. Mais tout un chacun aurait
11 pu parler des objectifs stratégiques puisque ce n'était pas un document
12 secret. C'était une plateforme politique permettant de négocier avec la
13 Communauté européenne.
14 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Je voulais juste que
15 la réponse soit précise.
16 Monsieur Tieger.
17 M. TIEGER : [interprétation]
18 Q. M. Krajisnik a pris part à l'articulation de ces objectifs stratégiques
19 de concert avec vous, n'est-ce pas ?
20 R. Je n'en ai pas le souvenir, mais dans son ensemble, l'assemblée y a
21 pris part. Je pense que pendant la pause, nous avions également une
22 commission d'une dizaine de membres qui nous ont aidé à formuler cela; et
23 quand j'ai pris la parole, les objectifs stratégiques, vous pouvez les
24 trouver dans le procès-verbal de cette séance de l'assemblée.
25 Q. Monsieur Karadzic, je n'ai que très peu de temps à ma disposition
26 encore. Je voudrais qu'on conclue sur cette question, la question qui
27 concerne la mise en œuvre des objectifs stratégiques et également votre
28 affirmation qu'il n'y avait pas de politique de séparation ethnique. Dans
Page 565
1 ce sens, je voudrais que l'on examine la pièce P865, il s'agit d'un ordre
2 du 28 mai par le commandant Svetozar Andric.
3 Ce document qui a été examiné par la Chambre de première instance,
4 Monsieur Karadzic, on y lit comme suit : "Le départ de la population
5 musulmane doit être organisé et coordonné avec les municipalités dans
6 lesquelles cela se produit. Les hommes en âge de combattre doivent être
7 placés dans des camps pour être échangés. Seuls les femmes et les enfants
8 peuvent partir."
9 Et j'attire votre attention également sur la pièce P892, intercalaire 90.
10 C'est un document du 1er Corps de Krajina, de son commandement en date du 14
11 juin 1992. Il y est dit que la situation la plus difficile est celle des
12 réfugiés musulmans et croates dans la zone de la Région autonome de
13 Krajina, que leur sécurité n'est pas assurée et qu'ils n'ont pas
14 suffisamment de vivres, qu'on a tenté d'expulser les Bosniens mais que cela
15 n'a pas fonctionné à cause des problèmes de transport, et la résistance qui
16 a été opposée par ces gens, ils ne souhaitaient pas quitter leurs foyers."
17 Alors, nous avons maintenant les commentaires sur les résultats militaires
18 concernant les objectifs stratégiques, comment ils ont été atteints.
19 M. ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je cite
20 encore une fois l'article 90(E) et l'article 21(4)(g). M. Karadzic devrait
21 être appelé à répondre là-dessus pendant son propre procès, non pas pendant
22 le procès contre M. Krajisnik. Mais s'il souhaite une réponse à cette
23 question, en garantissant que ceci ne sera pas utilisé contre M. Karadzic,
24 il peut le faire.
25 M. TIEGER : [interprétation] Ce témoin est venu avec une déposition devant
26 la Chambre. M. Krajisnik a demandé de s'appuyer sur cette déclaration. Il
27 est tout à fait en droit de refuser de répondre, mais nous estimons que
28 cela porte sur la crédibilité de sa déclaration. Notre position sur sa
Page 566
1 crédibilité est tout à fait claire, et il appartiendra à la Chambre d'appel
2 de l'apprécier.
3 Il me reste deux questions.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous avez épuisé votre temps.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je
6 vais essayer d'être aussi rapide que possible.
7 Q. Monsieur Karadzic, j'attire votre attention sur deux autres documents.
8 Premièrement, j'ai la pièce P447. C'est un rapport qui porte sur certains
9 aspects du travail qui a été fait jusqu'à ce jour, et les missions qui
10 restent à accomplir le 17 juillet 1992 de la part du ministre de
11 l'Intérieur, envoyé au président de la présidence, à savoir vous, et le
12 premier ministre. Et dans ce rapport, le ministre évoque de manière précise
13 quelques questions qui limitent les membres du MUP dans certaines autres de
14 leurs missions qui relèvent de leurs attributions, il se plaint de la
15 charge de travail des membres du MUP et il écrit, je cite : "Les cellules
16 de Crise de l'armée et les présidences de Guerre ont demandé que l'armée
17 capture autant de civils musulmans que possible, et que ces camps soient
18 laissés aux organes chargés des affaires intérieures. Les conditions de
19 certains de ces camps sont mauvaises. Il n'y a pas suffisamment de
20 nourriture. Des individus, parfois, ne respectent pas les normes
21 internationales, et cetera." Puis dans la suite, il dit qu'il n'y a pas
22 suffisamment de personnel, que c'est également un problème, et puis il
23 parle d'autres difficultés pour le MUP dans la détention de ces civils
24 musulmans.
25 Alors, donc, que ces civils musulmans soient rassemblés par l'armée, par
26 les cellules de Crise, les présidences de Guerre, Docteur Karadzic, est-ce
27 que cela ne reflète pas la manière dont la direction des Serbes de Bosnie
28 allait mettre en œuvre les objectifs et comment elle demande à l'armée de
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1 le faire ?
2 M. ROBINSON : [interprétation] Là encore, je vais soulever la même
3 objection.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous prenons cela en considération.
5 Posez votre dernière question, Monsieur Tieger.
6 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
7 Q. Ce sera la pièce P1160. Nous avons ici un rapport de combat où on lit :
8 "Pendant la journée, le village de Novoseoci a été 'ciscenje'" dans
9 l'original, nettoyé, "dans la localité de Glasinacko Polje."
10 La Chambre a entendu des éléments de preuve pendant le procès, Monsieur
11 Karadzic, disant que ce nettoyage de Novoseoci a été quelque chose qui a
12 été menée à bien en procédant à une séparation des hommes par rapport aux
13 femmes et en procédant à l'exécution des hommes. L'auteur de ce rapport est
14 le lieutenant-colonel Radislav Krstic. Le rapport date de 1992.
15 Est-il exact de dire, Monsieur Karadzic, que le colonel Krstic est resté au
16 service de la VRS après ses activités de nettoyage dans la Bosnie orientale
17 ?
18 M. ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que cela est
19 très loin de ce qui devrait faire l'objet de votre intérêt ici. Il est tout
20 à fait évident qu'on tente ici d'utiliser les réponses de M. Karadzic dans
21 le cadre de la procédure contre lui-même, et donc, je demande qu'on le
22 dispense de répondre sur la base des articles 21(4)(g) et 90(E).
23 M. TIEGER : [interprétation] Bien entendu, le conseil est tout à fait en
24 droit de citer les droits de son client, mais lorsqu'il affirme que cela
25 est très loin de la déclaration dans laquelle ce même témoin a demandé à la
26 Chambre d'appel de prêter foi à son affirmation disant qu'il n'y avait pas
27 de politique de séparation ethnique, à mon sens, ceci n'est absolument pas
28 fondé. A la lumière des droits du témoin qui viennent d'être cités, j'en ai
Page 568
1 terminé, Monsieur le Président. Je ne poursuis plus mon interrogatoire.
2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Il appartient à la
3 Chambre d'examiner dans quelle mesure cela sort du champ de
4 l'interrogatoire de cette audience, et nous avons pris note des droits du
5 témoin qui ont été cités.
6 Ainsi, l'Accusation a terminé l'interrogatoire du témoin. A présent, des
7 membres de la Chambre souhaitent poser des questions. M. le Juge
8 Shahabuddeen, par la suite M. le Juge Guney, et puis M. le Juge Meron.
9 Questions de la Cour d'appel :
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation]
11 Je ne maîtrise pas la technologie.
12 Docteur Karadzic, pourriez-vous nous aider à répondre à une petite question
13 de crédibilité qui se pose. Cela concerne une question qui se pose depuis
14 longtemps, qui est de savoir si oui ou non M. Krajisnik était membre de la
15 présidence.
16 Si j'ai bien compris, vous avez dit que cette présidence n'a vu le jour
17 qu'après la déclaration de guerre. Vous vous souvenez d'avoir dit cela ?
18 R. J'ai dit pour que la présidence puisse exister, il fallait que l'état
19 de guerre soit déclaré, mais l'état de guerre n'a pas été déclaré.
20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Lorsque vous dites cela, est-ce
21 que vous avez à l'esprit une déclaration formelle de l'état de guerre ?
22 R. Oui. D'un point de vue juridique, cela implique toute une série de
23 lois, le comportement des autorités. A partir du moment où on établit
24 l'état de guerre, ce sont des lois et des règlements applicables en temps
25 de guerre qui sont en vigueur. Cela ne veut pas dire que ce conflit de
26 faible intensité que nous avions, qui n'était pas sur notre territoire,
27 mais qui était aux confins des deux autres communautés ethniques, que là,
28 il n'y avait pas de combats, mais d'un point de vue juridique, s'il n'y a
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1 pas de suspension de certaines dispositions de la constitution, s'il n'y a
2 pas d'entrée en vigueur de nouvelles lois, l'état de guerre n'a jamais été
3 déclaré.
4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur, vous savez qu'il
5 arrive que dans la vie réelle, il y a des guerres qui éclatent entre des
6 nations sans qu'il y ait de déclaration formelle de la guerre.
7 R. Ce que nous souhaitions, c'était de préserver la qualité de la vie
8 civile pendant toute la durée du conflit. Nous espérions qu'à tout moment
9 une solution politique allait intervenir, parce que la conférence était en
10 cours sans discontinuer. Ça ne s'est jamais produit qu'on interrompe la
11 conférence qui portait sur la solution politique. C'est la raison pour
12 laquelle on ne voulait pas mettre en place un régime de guerre ainsi que
13 les lois et les règlements qui s'appliquent en temps de guerre.
14 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] La présidence, quant à elle,
15 aurait comporté les principaux éléments de la constitution de votre Etat.
16 Alors est-ce que normalement on s'attendrait à ce que vos secrétaires
17 connaissent les principales dispositions, les principaux éléments de votre
18 Etat, par exemple, que vos secrétaires connaissent la présidence ?
19 R. Vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez du secrétaire de la
20 présidence. C'est une fonction, un poste politique. Mais lorsqu'il s'agit
21 des secrétaires qui ne sont que des employés techniques, qui prennent des
22 notes ou qui sont au service de la présidence, ils ne sont pas tenus de
23 savoir quoi que ce soit et ils ne pouvaient pas le savoir d'ailleurs, parce
24 que ça ne leur appartenait pas. Mais le chef de mon cabinet, le secrétaire
25 général de la présidence, c'étaient des juristes, bien entendu, et
26 normalement ils le savaient. Mais ce ne sont pas eux qui étaient à ces
27 réunions et ce ne sont pas eux qui étaient des procès- verbalistes.
28 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous-même ou l'un quelconque de
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1 vos employés ou collaborateurs proches, pour autant que vous le sachiez,
2 est-ce qu'ils ont jamais parlé à ces secrétaires de leur manque de
3 précision lorsqu'ils citaient les propos de M. Krajisnik comme s'il était
4 membre de la présidence ?
5 R. Non. On ne faisait pas ça, et on n'éprouvait pas le besoin d'en parler
6 parce que nous n'estimions pas que le procès-verbal était un document
7 important. Un procès-verbal pouvait manquer de précision tout à fait.
8 N'importe qui pouvait le tenir. C'était juste un aide-mémoire de ce qui
9 s'était dit. Et sur la base de cela, mes collaborateurs, mes secrétaires
10 rédigeaient des décisions que je signais. Mais le procès-verbal en tant que
11 tel n'était pas important.
12 Si vous m'y autorisez, je peux vous expliquer pourquoi M. le premier
13 ministre et le président de l'assemblée étaient présents. En temps normal,
14 lorsqu'on prépare une réunion de la présidence, je rédigeais un mémo à
15 l'assemblée et au gouvernement. Je leur donnais un délai de 15 jours pour
16 m'informer de l'initiative de la présidence de son accueil, donc est-ce
17 qu'on pourra la traduire dans les faits, est-ce qu'on a déjà commencé à
18 travailler là-dessus, est-ce qu'une procédure était déjà engagée sur ce
19 point. Mais comme je n'avais pas ces 15 jours à ma disposition, comme je
20 n'avais pas de temps, je ne pouvais pas rédiger, attendre un feed-back, une
21 réponse, donc j'ai demandé qu'ils soient présents à la réunion de la
22 présidence pour m'informer de l'existence ou non d'une telle initiative à
23 l'assemblée. C'est la raison pour laquelle ils étaient présents. Il y avait
24 des ministres qui étaient présents, mais ça ne faisait pas d'eux des
25 membres de la présidence.
26 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur.
27 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Vaz.
28 Mme LE JUGE VAZ : Merci, Monsieur le Président.
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1 Monsieur Karadzic, vous venez de dire que, parce que vous n'aviez pas
2 le temps d'envoyer les documents 15 jours auparavant pour avoir le feed-
3 back, la réponse de ces autorités, vous étiez obligé de les inviter à
4 assister à ces réunions. Dois-je considérer que vous attendiez que ces
5 personnes donnent leurs avis à ces réunions et non qu'elles viennent
6 simplement pour suivre ce qui se passait, puisque vous auriez pu leur
7 envoyer après le procès-verbal qui les aurait informés, s'ils n'avaient pas
8 de rôle à jouer dans ces réunions. Qu'en pensez-vous ?
9 R. Dans le processus de prise de décision, compte tenu du fait que tous
10 les trois membres de la présidence nous étions des professionnels dans
11 d'autres professions, M. Koljevic, par exemple, était professeur à
12 l'université, il était un spécialiste de Shakespeare; Mme Plavsic était
13 biologiste; et moi, psychologue, nous nous sommes efforcés dans le
14 processus de création de décisions, nous nous sommes efforcés de ne pas
15 commettre d'erreurs, et il fallait que nous sachions si quelque chose avait
16 déjà été adopté comme décision de similaire ou est-ce qu'il y avait un
17 processus au niveau du gouvernement ou du Parlement, et nous voulions
18 savoir si au niveau du gouvernement cela pouvait être mis en œuvre, est-ce
19 que c'était légal, est-ce que c'était raisonnable.
20 Donc dans le processus de notre prise de décision, nous avions besoin
21 d'information pour savoir ce qui se passait au niveau de ces deux
22 instances. Il y a trois instances en présence, le Parlement, le
23 gouvernement et la présidence. Le président du Parlement, c'est un speaker,
24 ce n'est pas une fonction, mais il devait savoir ce qu'il y avait en
25 procédure au niveau du Parlement. Le chef du gouvernement, lui, devait
26 savoir si cela était conforme à la législation et est-ce qu'il serait
27 faisable de faire passer par le gouvernement ce dont on était en train de
28 parler au niveau de la présidence. Donc c'était la raison de leur présence
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1 à nos séances.
2 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie. Vous avez dit également que ces
3 procès-verbaux qui étaient dressés à la suite de ces réunions auraient pu
4 tout aussi bien être signés par votre secrétaire. Etant donné que, semble-
5 t-il, c'est plutôt vous qui signiez ces procès-verbaux, doit-on considérer
6 que votre signature sur ces procès-verbaux ne leur donnait aucune valeur ?
7 R. Non, cela ne leur attribue aucune valeur. Chez nous, il y a
8 l'appellation procès-verbaliste. Toute personne pouvait être procès-
9 verbaliste. Il prend des notes au sujet de ce qui s'est dit. C'est un aide-
10 mémoire à l'occasion de ce qui s'est dit à la présidence et de ce qui a été
11 conclu, pour que je puisse, partant de là, créer une conclusion à un ordre
12 ou autre chose pour le faire passer vers ceux à qui c'était adressé. Donc
13 ces PV n'avaient aucune espèce d'importance, pas même les PV de
14 l'assemblée. On a parlé de M. Kupresanin, lui était président d'un autre
15 parti, il n'était pas membre du SDS, il était membre d'un autre parti.
16 De notre avis, un membre du Parlement peut parler de ce qu'il veut,
17 il ne saurait en être responsable. Ce n'est pas la position du gouvernement
18 ou de la présidence. La liberté d'expression des députés est illimitée, et
19 même ces PV du Parlement ou de l'assemblée n'ont aucun poids. Ce qui a du
20 poids, ce sont les décisions, les documents adoptés. Les PV des sessions de
21 la présidence qui étaient convoquées dans un délai de 15 minutes, lorsqu'un
22 membre du gouvernement demandait à ce qu'on prenne une décision, on se
23 réunissait dans un délai de 15 minutes, on demandait à Krajisnik et à
24 Djeric de venir pour nous informer si nous pouvions, oui ou non, prendre
25 telle ou telle décision. Les décisions sont celles qui importent, c'est ce
26 qui sort de nos consultations en tant qu'acte. Le PV, c'est des notes.
27 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur Karadzic. Je vous
28 remercie, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Guney.
2 M. LE JUGE GUNEY : Merci, Monsieur le Président.
3 Monsieur Karadzic, dans le résumé des déclarations écrites pour ce qui est
4 de ce qui figure au paragraphe 1 121 et qui se rapporte aux relations entre
5 Krajisnik et le Parti démocratique serbe, vous avez dit que Krajisnik
6 n'était pas votre candidat au poste de candidat du Parlement et que sa
7 nomination a été le résultat de négociations et que cela a été plutôt une
8 concertation. Alors pouvez-vous nous dire qui ont été les participants à
9 ces négociations qui ont donné lieu à cet accord, est-ce que vous avez
10 participé vous-même à ces concertations ? Merci.
11 R. Tout de suite après les élections, ayant vu que la scène politique
12 était en ébullition et que la température politique était très élevée, j'ai
13 pris la décision de créer un gouvernement d'experts. Les deux autres
14 parties n'ont pas accepté, mais je l'ai mis en œuvre. Parce qu'en Bosnie-
15 Herzégovine, sur tous nos ministres et sur tous les ministres adjoints, il
16 n'y en avait qu'un des ministres qui était membre du SDS, les autres
17 c'étaient des experts.
18 J'avais prévu que le président du Parlement soit une personnalité
19 hors parti, bien qu'il ait été sur notre liste, M. Trbojevic. J'avais
20 envisagé une journaliste musulmane à orientation européenne, et j'ai
21 demandé qu'elle vérifie quelles seraient les réactions si le président du
22 Parlement venait à être Trbojevic. Elle a vérifié la chose, elle a dit que
23 cela serait bien perçu auprès des Musulmans à Sarajevo. Et j'ai proposé la
24 chose.
25 Cependant, j'avais deux objections à cet effet, très important, sur
26 deux points de la part de la commission des cadres du conseil exécutif.
27 Parce que d'abord tout le pouvoir que nous avions remporté aux élections,
28 on l'avait remis aux experts, à des personnalités hors parti, et je voulais
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1 que le président du Parlement soit quelqu'un qui n'était pas membre du SDS.
2 Et troisièmement, la Krajina de Banja Luka qui n'avait pas Krajisnik, parce
3 que Krajisnik ça veut dire l'homme originaire de la Krajina,
4 étymologiquement. Et je me suis arrêté là, donc il fallait soit modifier la
5 liste des candidats aux ministères, ou il fallait que j'aie quelqu'un qui
6 soit membre de la liste et membre de la Krajina, alors j'ai fait une
7 plaisanterie. On m'a suggéré d'avoir un homme de la Krajina qui était un
8 ami à moi, et je leur ai dit, vous aurez Krajisnik. Quand j'ai demandé que
9 Krajisnik soit convoqué, il est venu. M. Ostojic ne l'a même pas reconnu,
10 il ne l'a même pas laissé entrer, il ne savait pas pourquoi je l'avais fait
11 venir. Alors, j'ai dû renvoyer quelqu'un pour chercher M. Krajisnik, et
12 lorsque j'ai procédé à sa nomination, les délégués de la Krajina ont ri,
13 ils ont dit : "Vous nous avez bien attrapés, vous allez avoir Krajisnik."
14 Parce que le nom de famille Krajisnik, ça veut dire que c'est quelqu'un qui
15 vient de la Krajina. Krajisnik c'est donc un homme de la Krajina. Et c'est
16 ainsi que Krajisnik a été élu, il était sixième sur la liste et nous nous
17 attendions à avoir cinq députés. Ils est donc entré là tout à fait par
18 hasard, c'est à 0,25 % de votes près qu'il est entré au Parlement, sinon il
19 ne serait pas entré au Parlement parce qu'on n'avait pas compté sur lui du
20 tout en guise de président ou aux fonctions de président du Parlement.
21 M. LE JUGE GUNEY : Merci.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je donne maintenant la parole au Juge
23 Meron.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai, Monsieur Karadzic, pour vous,
25 deux ou trois questions. La première des questions porte sur la conclusion
26 tirée par les Juges de la Chambre de première instance disant que le PV de
27 la session de la présidence du 9 octobre 1992 porte la signature de M.
28 Krajisnik en sa qualité de personne ayant présidée. Dans votre déclaration,
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1 vous affirmez que c'est une erreur de procès-verbal et que les procès-
2 verbaux des vraies sessions de la présidence n'ont pas été signés par M.
3 Krajisnik. Donc j'ai deux questions à ce titre.
4 D'abord, comment expliquez-vous l'existence de ce PV que vous dites être
5 faux ? Et deuxièmement, avez-vous, quand que ce soit, essayé de publier un
6 corrigendum, une rectification, chose à laquelle on s'attendrait de la part
7 de cette institution ou de quelque institution que ce soit, si le premier
8 des PV serait inexact. Et en l'absence de rectificatif, comment pensez-vous
9 pouvoir convaincre du fait que ce PV signé par M. Krajisnik n'est pas une
10 chose exacte ?
11 R. Ça ne pouvait pas être une session de la présidence. Ils se sont
12 réunis, il n'y avait, sur nous, membres de la présidence, que Mme Plavsic
13 de présente. M. Koljevic et moi étions censés arriver, mais comme nous ne
14 sommes pas arrivés, dans l'attente que nous arrivions ils ont discuté.
15 C'était un débat plutôt libre, il n'a été adopté aucune décision, aucune
16 conclusion, rien de tout ce qui serait un acte relevant des attributions de
17 la présidence. La secrétaire a pris des notes en nous attendant, et comme
18 nous ne sommes pas venus, cela a été donné pour signature afin qu'il y ait
19 une trace de ce qui s'était dit.
20 C'était une conversation non pas une session de la présidence. Je ne
21 pouvais pas non plus tirer quelque acte que ce soit de ce qui s'était dit,
22 c'étaient des recommandations, des réflexions, et cetera. Ça n'a pas été
23 une session de la présidence.
24 Je ne pouvais pas tirer, partant de ce PV, quoi que ce soit de cette
25 réunion pour prendre une décision quelle qu'elle soit de la part de la
26 présidence parce que la présidence ne s'était pas réunie, c'est des notes
27 internes. Je vous dis que les PV, nos PV étaient considérés de la sorte.
28 C'étaient des notes internes sur ce qui s'était dit et en guise d'aide-
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1 mémoire afin que je puisse prendre une décision, moi ou l'un quelconque des
2 membres de la présidence, donc signer et rédiger une décision quelle
3 qu'elle soit. Je voudrais que vous vous penchiez sur ce procès-verbal dont
4 il est question ici et vous verrez qu'il n'y a eu aucune conclusion
5 d'adoptée. On a discuté en attendant l'arrivée des deux autres membres de
6 la présidence, c'était une discussion.
7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Docteur Karadzic, ma question ne s'est
8 pas rapportée à ce point-là, la teneur de la réunion. Ma question a porté
9 sur ce qui suit : M. Krajisnik a signé ce PV en guise de président, d'homme
10 qui avait présidé. N'avez-vous pas senti, au cas où cela était inexact, la
11 nécessité de procéder à une rectification ?
12 R. Ecoutez, je n'ai pas, comme je le dis constamment, je n'ai pas
13 considéré qu'un PV c'était un document, un acte et je n'ai pas estimé
14 nécessaire de le faire parce que de toute manière c'étaient des questions
15 dont il fallait débattre à nouveau en présence de tous les autres membres
16 de la présidence, donc c'étaient des notes, et ça n'avait pas cette
17 importance à mes yeux.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Je me tournerai à présent vers
19 une question, Docteur Karadzic. Les Juges de la Chambre de première
20 instance ont conclu, s'agissant de l'autorité et de l'influence, que
21 c'était vous le numéro un, le numéro "uno", et que M. Krajisnik lui était
22 l'homme numéro deux du régime. Dans vos déclarations, cependant, dont nous
23 sommes en train de parler aujourd'hui, vous affirmez que M. Krajisnik n'a
24 eu que très peu d'influence ou de pouvoir au sein du gouvernement. Alors ma
25 question est celle-ci : pouvez-vous décrire à l'intention des Juges de la
26 Chambre d'appel, quel a été en fait le rôle de M. Krajisnik et quelles
27 étaient les attributions, quelle était son autorité au sein du gouvernement
28 ?
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1 R. Au sein du gouvernement, M. Krajisnik n'avait aucune espèce
2 d'attribution. Parce que si vous vous penchez sur la signification de ce
3 qui est appelé "cabinet" et si vous vous penchez sur le PV, vous verrez
4 qu'il n'a pas assisté aux sessions, pas plus que ce cabinet ne recevait de
5 suggestions ou d'instructions de sa part. Le cabinet était tout à fait
6 indépendant du président du Parlement. Nos institutions c'étaient la
7 présidence, le Parlement et le gouvernement. Le président du Parlement
8 n'était pas une fonction distincte.
9 M. Krajisnik était une personne de renommée, on ne peut pas dire que ce
10 n'était pas le contraire. Il s'est fait une réputation en travaillant avec
11 les Musulmans et les Croates. C'était quelqu'un de très conciliant, très
12 habile. Les retransmissions à la télévision étaient suivies comme une
13 espèce de drame et c'est la raison pour laquelle il a bénéficié d'une
14 grande considération. Mais ses attributions étaient nulles. Il avait pour
15 attribution de préparer les sessions du Parlement. Si quelqu'un avait
16 quelque chose à faire, c'étaient les ministères qui devaient le faire et il
17 y avait des groupes de députés qui avaient également le droit de proposer
18 des textes de lois, la présidence avait ce même droit. M. Krajisnik était
19 censé placer tout ceci dans un processus au niveau du Parlement et conduire
20 la session, comme il l'avait fait de façon conciliante lorsque ce Parlement
21 a siégé dans sa pleine composition et pour aboutir à des décisions qui
22 n'étaient pas des décisions qui placeraient qui que ce soit en minorité de
23 vote ou en situation minoritaire. Et c'est ce qui s'est passé lors des
24 sessions avec les Croates et les Musulmans, mis à part certaines des
25 questions qui ont concerné l'avenir et le sort de la Yougoslavie. C'est
26 grâce à l'habilité de M. Krajisnik que toutes ces questions ont fini par
27 être, en grande mesure, coordonnées et qu'il n'y a pas eu contribution à
28 d'autres divisions.
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1 Pour ce qui est maintenant du gouvernement, il suffit de se pencher sur les
2 PV des sessions du gouvernement. Ni moi ni M. Krajisnik nous nous sommes
3 immiscés dans les activités du gouvernement. J'estime à cet effet que je
4 n'étais pas le numéro un. Le numéro un c'était le Parlement, pas M.
5 Krajisnik. Le numéro deux c'était probablement la présidence et le numéro 3
6 c'était le gouvernement mais en qualité d'institution, en sa qualité
7 d'institution. Je ne parle pas d'individus.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pour finir, Docteur Karadzic, je
9 voudrais vous poser une question tout à fait concrète. Cela se rapporte à
10 Ratko Mladic et à sa nomination. En page 10 de votre déclaration, vous
11 évoquez votre participation à tout ceci et les Juges de la Chambre de
12 première instance dans le paragraphe 994 du compte rendu ont conclu que
13 Ratko Mladic a été choisi de façon concertée par vous-même et par M.
14 Krajisnik.
15 Pouvez-vous nous décrire le rôle de M. Krajisnik dans la nomination
16 de Ratko Mladic ?
17 R. Il n'y a aucun rôle de sa part. Il ne pouvait mettre cela qu'au vote.
18 J'avais de par la constitution des attributions, une fois élu à la
19 présidence, la présidence ayant les attributions qu'il fallait pour nommer
20 le chef de l'état-major. Jusqu'au 12 mai, nous n'avions que deux membres de
21 la présidence qui étaient sur pied d'égalité, et aucun d'entre eux n'a été
22 le président de cette présidence. Il s'agit de Mme Plavsic et de M.
23 Kraljevic. Voyez-vous, en avril, lorsque la présidence ou l'un des deux
24 autres décidait de la cessation du pilonnage de Sarajevo, cette décision
25 est mise en œuvre par le chef du gouvernement parce qu'il n'y a pas de
26 présidence. Lorsque j'ai été élu membre de la présidence, et lorsque j'ai
27 été élu président de la présidence, j'avais la possibilité de procéder à la
28 nomination de M. Mladic. Mais j'ai voulu confier cela au Parlement parce
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1 que je venais d'entrer en fonction.
2 Comment cette proposition est-elle venue sur le tapis ? M. Krajisnik
3 n'a rien à voir avec. Il est venu vers moi deux officiers haut placés de
4 l'ex-armée yougoslave et qui m'ont dit : Si vous avez à la conférence de
5 Lisbonne reçu un droit, le droit à une garde nationale ou à une armée qui
6 vous serait propre, nous vous recommandons de prendre des officiers
7 originaires de la Bosnie-Herzégovine et nous vous recommandons notamment un
8 officier et c'est Ratko Mladic. Je me suis renseigné, je me suis enquis sur
9 Ratko Mladic, et j'ai appris que c'était un officier droit, strict, moral,
10 sévère et sans le connaître, je ne l'avais jamais vu auparavant, j'ai
11 formulé cette proposition et personne d'autre n'a rien à voir avec.
12 Maintenant, pour ce qui est de la nomination, les députés dans leur
13 ensemble ont accepté la proposition pour que ce soit Ratko Mladic.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc vous niez que M. Krajisnik ait eu
15 quelque rôle que ce soit à jouer dans la nomination de Mladic ?
16 R. Justement, ces deux officiers qui m'ont proposé cet homme peuvent vous
17 témoigner et dire qu'il n'y avait personne d'autre de présent, si ce n'est
18 moi, lorsqu'ils ont présenté cette proposition. Je n'estime pas, je ne
19 pense pas que ce soit là un délit au pénal. C'est la vérité.
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
22 Je pense que maintenant nous pouvons entamer les questions complémentaires
23 à l'intention du Dr Karadzic. Je me tourne donc vers la Défense. Est-ce que
24 c'est donc M. Krajisnik ou M. Dershowitz, étant donné qu'il s'agit de
25 questions complémentaires et non pas d'interrogatoire au principal. Je
26 voudrais dès à présent vous prévenir du fait que les questions
27 complémentaires ne concernent que les questions évoquées à l'occasion de
28 l'interrogatoire principal.
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1 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Laissez-moi me consulter avec mon
2 client pour ce qui est du partage du temps.
3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Allez-y.
4 [Le conseil de la Défense et l'appelant se concertent]
5 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] M. Krajisnik souhaiterait prendre 10
6 minutes et il me laissera le soin d'occuper le reste du temps. Je vous
7 remercie.
8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien. Monsieur Krajisnik, vous
9 avez la parole.
10 Nouvel interrogatoire par M. Krajisnik :
11 Q. [interprétation] Monsieur Karadzic, on a évoqué aujourd'hui le procès-
12 verbal du 9 octobre 1992. Ce procès-verbal, je l'avais signé en tant que la
13 personne qui a présidé la réunion. Nous avons ici une décision portant
14 nomination du conseiller de la présidence, à savoir M. Djukanovic, pièce
15 02298631, en date du 9 octobre 1992. Autrement dit, si ce procès-verbal est
16 véridique, cette décision aurait dû faire partie de ce procès-verbal.
17 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, mais de toute évidence c'est une
18 question très directrice, on peut difficilement en imaginer une de plus
19 directrice. Je souhaite que les questions posées par M. Krajisnik soient
20 des questions non directrices, qu'elles ne suggèrent pas la réponse.
21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous en prie, continuez, Monsieur
22 Krajisnik.
23 M. KRAJISNIK : [interprétation] Il essaie de semer la confusion dans
24 l'esprit de notre client comme il l'a déjà fait. Nous avons ici cette
25 décision adoptée lors de cette réunion, tout simplement pour que M.
26 Karadzic confirme si c'est lors de cette réunion que j'ai présidée qu'on
27 l'a adopté ou non. Donc si ce n'était pas le cas, alors c'est à une autre
28 réunion que ça s'est fait. Donc ce procès-verbal ne correspond pas à une
Page 582
1 réunion de la présidence. C'est ça la substance de ma question. Je voudrais
2 que M. Karadzic le confirme.
3 Q. Est-ce que cette décision y figure ou non ?
4 R. Est-ce que je peux répondre ?
5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Karadzic, c'est la décision que nous
7 avons adoptée lorsque nous y sommes arrivés M. Koljevic et moi-même avec
8 Mme Plavsic lors de cette réunion de la présidence. C'est la décision
9 signée en mon nom par M. Koljevic de manière tout à fait habilitée. Il
10 avait le droit de le faire, mais ce n'était pas englobé dans cette partie-
11 là de libre-échange qui s'est déroulé sans qu'il y ait de quorum, avant
12 notre arrivée. Eux ils sont partis à partir du moment où nous avons pris
13 des décisions qu'ils ne pouvaient pas prendre eux parce que nous étions
14 absents, nous deux. En notre absence, la présidence n'était pas au complet.
15 Donc de toute évidence, cela démontre que Koljevic l'a fait en mon nom.
16 M. KRAJISNIK : [interprétation]
17 Q. Monsieur Karadzic, je vais juste poser des questions plus courtes.
18 Puisque si vous avez déjà utilisé le temps de M. le Procureur, essayez de
19 ne pas trop prendre sur mon temps.
20 Nous avons le procès-verbal du 13 novembre 1992, cité par M. le Procureur,
21 qui reflète de manière fidèle la question qui est de savoir si la
22 présidence était déjà mise sur pied ou s'il fallait qu'elle soit mise sur
23 pied à l'avenir.
24 Je voudrais que M. Karadzic donne lecture exactement de ce qui était
25 contesté, à savoir est-ce que la présidence était déjà là, existait déjà,
26 ou bien il fallait qu'elle soit créée ?
27 R. Oui, la présidence s'est penchée sur la question de la
28 justification de mettre sur pied des commissaires de guerre et de la
Page 583
1 présidence élargie compte tenu de la situation actuelle et de la question
2 posée par les députés. Donc est-ce qu'il est justifié de mettre sur pied la
3 présidence élargie ? On a constaté que l'état de guerre n'a pas été
4 proclamé pour des raisons bien connues, et uniquement dans ce type de
5 circonstance, on peut élargir la présidence, avec le président de
6 l'assemblée et le chef du gouvernement de la Republika Srpska. La même
7 chose vaut pour la présidence de guerre remplacée par des commissaires dans
8 les municipalités. Dans la suite, la loi --
9 Q. Est-ce que vous pouvez formuler un commentaire ?
10 R. J'ai bien peur que le fait qu'il y a plusieurs langues employées ici
11 pendant le procès crée beaucoup de problèmes. Peut-être que le Procureur
12 n'était pas malintentionné, et encore moins, la Chambre. Ce qui crée la
13 confusion, c'est le problème de l'existence de plusieurs langues. Ce que M.
14 le Procureur m'a présenté, je ne l'ai pas reconnu. Mais maintenant, on
15 voit, on examine la question de la mise sur pied de la présidence élargie
16 de guerre, sa mise sur pied. Par conséquent, elle n'a pas été mise sur
17 pied. La question qui s'est posée c'était de savoir s'il fallait le faire,
18 et nous avons pris la décision de ne pas le faire puisque les conditions
19 juridiques n'étaient pas réunies.
20 Q. Monsieur Karadzic, M. le Procureur a évoqué l'assemblée de Zvornik où
21 on aurait examiné cette même question, la question de la présidence. Donc
22 c'est la traduction qui pose problème, Madame, Messieurs les Juges. On peut
23 constater ici, de manière tout à fait claire, que c'est la traduction qui
24 pose problème. Est-ce qu'il y avait cinq membres ou trois membres.
25 Je vais essayer de donner lecture, et je demanderai à M. Karadzic de
26 confirmer.
27 Dans l'original du texte, il est dit que Karadzic a pris la parole. Page
28 59, pièce 02149691, sténogramme de l'assemblée qui s'est réunie à Zvornik.
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1 Karadzic dit, je cite : "J'ai toujours prôné la présidence et non pas
2 l'existence du président. Voilà, nous ne sommes que peu nombreux. Koljevic
3 et moi, si nous partons d'un côté, il ne reste que Biljana. Au moins l'un
4 de nous trois reste. Et si Biljana s'en va elle aussi, alors il y a M.
5 Krajisnik."
6 Je voudrais maintenant avoir une réponse brève de la part de M. Karadzic.
7 Est-ce que ce texte nous permet de savoir qui est membre de la présidence ?
8 R. Il est tout à fait clair que je suis membre de la présidence, ainsi que
9 Mme Plavsic et M. Nikola Koljevic. Je n'ai jamais souhaité être le
10 président de la république. Finalement, il a fallu que je l'accepte parce
11 que mes deux collègues l'en souhaitaient, et c'est eux qui ont formulé
12 cette proposition. Mais j'ai estimé que c'était difficile, que ce n'était
13 pas suffisant qu'une seule personne prenne ces décisions importantes. Je
14 voulais toujours qu'il y ait plusieurs personnes qui prennent des paroles.
15 Mais ici, il est souligné, il est clair que nous trois constituons la
16 présidence, et en l'absence de l'un de nous deux, Biljana, par exemple, ne
17 peut pas prendre de décision, mais peut fournir l'information. Et si elle
18 n'est pas là, M. Krajisnik, lui aussi, peut fournir une information. Mais
19 ni Mme Plavsic ni M. Krajisnik ne peuvent prendre de décision, ni moi-même
20 tout seul, ni M. Koljevic. Donc nous ne pouvons pas prendre de décision
21 tout seul. Mme Plavsic, si elle est seule, elle ne peut fournir que des
22 informations, comme tout un chacun peut fournir de l'information sur ce qui
23 a fait l'objet de débats.
24 Q. Monsieur Karadzic - le Procureur pourrait-il remettre le rapport de
25 combat à M. Karadzic, le rapport qui a été examiné ici - on y dit
26 exactement quels étaient les objectifs stratégiques de l'armée, pour que M.
27 Karadzic en donne lecture et qu'il précise s'il s'agit des mêmes objectifs
28 stratégiques que ceux qui ont été énoncés le 12 mai. Est-ce que M. le
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1 Procureur pourrait nous aider, s'il vous plaît.
2 M. Tieger pourrait aussi en donner lecture si cela est acceptable.
3 M. TIEGER : [interprétation] Page 160, deux paragraphes. "L'armée de la
4 Republika Srpska devrait se polariser avant tout pendant quelque temps" --
5 M. KRAJISNIK : [interprétation] Page 159. Page 159 du rapport de combat.
6 Les objectifs stratégiques sont comme suit, et on a une énumération
7 précise.
8 M. TIEGER : [interprétation] "Les objectifs stratégiques de notre guerre
9 qui ont été déterminés, définis par l'état-major de la République serbe.
10 Les commandements et les unités serbes --"
11 M. KRAJISNIK : [interprétation] Monsieur Tieger, excusez-moi. Non, ce n'est
12 pas ça, ce texte, qui nous intéresse. Vous avez les objectifs qui sont
13 énumérés dans la suite. Si vous ne l'avez pas, notre assistant peut en
14 donner lecture, si la Chambre d'appel nous autorise à le faire. M.
15 Sladojevic, est-ce qu'il peut donner lecture de cela, si Mme et MM. les
16 Juges de la Chambre d'appel l'autorisent. Je vais vous indiquer précisément
17 quel est le document qu'il convient de citer.
18 M. SLADOJEVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le
19 témoin pourrait en prendre connaissance en anglais lui-même si M. Tieger
20 lui remettait le texte. Il s'agit de la page 159, s'il vous plaît.
21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Pourriez-vous remettre le document au
22 témoin, s'il vous plaît.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Cela ne correspond nullement aux
24 objectifs que nous avions déclarés en tant qu'objectifs politiques. Prenons
25 le premier objectif. La défense du peuple serbe contre le génocide de la
26 part des forces musulmanes et croates. Nous ne le mentionnons nulle part
27 puisque dans les objectifs stratégiques en mai, nous nous reposons sur la
28 conférence. Nous espérons que très vite une solution politique soit trouvée
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1 par la conférence. Donc on n'envisage pas la défense du tout. Deuxièmement,
2 la protection --
3 M. KRAJISNIK : [interprétation]
4 Q. Est-ce que vous pouvez juste donner lecture, et nous commenterons par
5 la suite.
6 R. "La défense du peuple serbe contre le génocide commis par les forces
7 musulmanes et croates. La protection des biens et de l'héritage culturel du
8 peuple serbe. La libération des territoires qui sont les nôtres et qui nous
9 appartiennent de la part de nos droits historiques a infligé les plus
10 grandes pertes possibles aux forces musulmanes et croates. Nous avons opté
11 à cette fin à neutraliser leur personnel et leurs équipements de combat.
12 Neutraliser les bâtiments sur le territoire ennemi ou les détruire. Etendre
13 les forces ennemies dans une zone plus large, sur tous les champs de
14 bataille de l'ex-Bosnie-Herzégovine. Graduellement, faire éroder le pouvoir
15 de passer à l'offensive de l'ennemi, à savoir briser, éparpiller ses
16 forces, l'empêcher de prendre l'initiative, et créer les conditions nous
17 permettant de passer à l'offensive décisive pour défendre ces forces et les
18 sortir des zones qui nous ont toujours appartenu, et en même temps,
19 empêcher qu'il y ait des pertes ainsi dans nos propres rangs."
20 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'elle n'avait pas le texte sous les
21 yeux.
22 M. KRAJISNIK : [interprétation]
23 Q. Monsieur Karadzic, une question très brève : est-ce qu'il y a un moyen
24 d'opérer un lien entre ces objectifs stratégiques et les six objectifs
25 stratégiques ?
26 R. Il n'y a aucun lien entre les deux.
27 Q. Juste une petite question : M. le Procureur vous a montré aujourd'hui
28 le PV de la présidence du 2 août, et là, Messieurs les Juges, il est dit
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1 que trois membres de la présidence ont informé la présidence d'une
2 conférence qui s'était tenue le 27 et le 28 juillet.
3 J'attire l'attention de la Chambre d'appel sur le paragraphe 306 du mémoire
4 en appel de Krajisnik où l'on trouve un aperçu, ou plutôt, où on cite deux
5 éléments d'information, à savoir deux informations qui concernent la
6 déclaration de M. Karadzic. Je demanderais simplement qu'on la lise, et on
7 verra très clairement que M. Karadzic s'adresse à M. Krajisnik en sa
8 qualité de président de l'assemblée. Qu'il le lise si possible. Vous
9 trouverez cela dans le paragraphe 306 de mon mémoire en appel. Je demande
10 qu'on lise ce passage-ci sur des informations.
11 Une information vient de la BBC, et l'autre de l'agence Tanjug.
12 R. Souhaitez-vous que j'en donne lecture ?
13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Quelle est votre question, Monsieur
14 Krajisnik ?
15 M. KRAJISNIK : [interprétation]
16 Q. Ma question est la suivante : pourriez-vous en donner lecture, et cela
17 a à voir avec la conférence et le procès-verbal évoqués aujourd'hui par M.
18 Tieger.
19 R. "La Chambre a tiré des conclusions sur la base du procès-verbal de la
20 réunion de la présidence du 2 août 1992, et cette conclusion est erronée.
21 Trois membres de la délégation qui a négocié à Londres sont cités ici en
22 tant que membres de la présidence en tant qu'erreur commise par la personne
23 qui a été le procès-verbaliste. M. Karadzic a fait une déclaration à la BBC
24 et à l'agence Tanjug avant son départ à la conférence de Londres le 27
25 juillet 1992, disant que lui-même et Koljevic étaient membres de la
26 présidence et que Krajisnik était le président de l'assemblée." Il était
27 membre de la délégation en cette qualité-là, et non pas en tant que membre
28 de la présidence. C'est ce que je dis, que les procès-verbaux de réunions
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1 ne sont pas des documents.
2 Q. Je vous remercie, Monsieur Karadzic. Nous avons mené mon interrogatoire
3 à son terme. Je vous prie de rendre ce document.
4 M. KRAJISNIK : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je vous
5 remercie de m'avoir donné la possibilité de poser ces questions. C'est Me
6 Dershowitz qui continuera.
7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Dershowitz.
8 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le
9 Président.
10 Nouvel interrogatoire par M. N. Dershowitz :
11 Q. [interprétation] Monsieur Karadzic, je suis Nathan Dershowitz, et on
12 m'a appelé Défenseur sur la question de l'entreprise criminelle commune
13 ici, dans le cadre de cette procédure. Donc je voudrais que les questions
14 que je vous poserai portent sur la participation de M. Krajisnik et sur la
15 question de savoir s'il était membre de l'entreprise criminelle commune. Si
16 possible, compte tenu du temps limité, est-ce que vous pourriez répondre de
17 manière brève et concise et précise. Je vous remercie.
18 A partir de moment où le SDS a été créé, on a beaucoup parlé du SDS, est-ce
19 qu'il y avait d'autres partis politiques qui étaient déjà créés et sur quoi
20 se fondaient-ils ?
21 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je ne
22 comprends pas comment est-ce que cela découle du contre-interrogatoire.
23 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Il y a eu des questions qui ont été
24 posées sur le SDS, et ce que je voudrais savoir c'est ce qu'était le SDS.
25 Ce sont juste quelques questions préliminaires pour pouvoir après aborder
26 des questions spécifiques qui établissent un lien et qui concernent
27 l'entreprise criminelle commune.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous êtes bref --
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1 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Juste trois questions.
2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, mais n'oubliez pas l'avertissement
3 que je vous ai donné au départ.
4 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait un groupe considérable de
6 dissidents serbes du temps du régime communiste, et nous refusions de créer
7 un parti politique sur les bases nationales. Mais d'ores et déjà, il y
8 avait le SDA, le parti du peuple musulman, et le HDZ qui a débordé depuis
9 la Croatie, qui s'est créé un peu plus tard, mais qui en fait a débordé
10 depuis la Croatie. Il est devenu clair que le parti serbe devait soit voter
11 pour les Communistes, soit se doter de son propre parti. C'est ce qui s'est
12 passé en Croatie. Les Serbes ont voté pour les Communistes de Racan, et ça
13 leur a mal réussi aux élections.
14 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation]
15 Q. Pendant la période de 1990 à 1991, le SDS avait-il un programme, et si
16 tel était le cas, quel a été son programme pendant cette période-là ?
17 R. Notre programme était tout à fait complémentaire avec le plan du SDA,
18 qui affirmait qu'il n'allait pas coopérer avec les partis qui allaient
19 chercher à démanteler la Yougoslavie. J'avais de très bonnes relations avec
20 M. Izetbegovic. A titre personnel et privé, on se rencontrait et nous
21 étions favorables à ce qu'on préserve la fédération, à ce qu'on mette sur
22 pied une démocratie, à ce qu'on mette fin au régime communiste. Donc nous
23 avions quasiment un programme identique à celui du SDA. Le HDZ avait un
24 programme légèrement différent parce qu'ils souhaitaient que la Croatie et
25 le parti croate, où qu'ils se trouvent, sortent de la Yougoslavie. Les
26 Musulmans, à ce moment-là, ne le souhaitaient pas. M. Izetbegovic était
27 favorable à une option yougoslave fédérale et il bénéficiait d'un soutien
28 très large des Serbes au Parlement et à l'extérieur du Parlement.
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1 Q. Le SDA a-t-il jamais cherché à "retirer par la force ou par d'autres
2 moyens, des Musulmans de Bosnie, des Croates de Bosnie de différents ou de
3 larges territoires de Bosnie-Herzégovine par le truchement de la
4 perpétration de crimes de guerre, y compris le meurtre, la déportation,
5 déplacements forcés et des actes inhumains" ?
6 R. Vous pensiez au SDS, j'imagine. C'est ce que vous aviez à l'esprit ?
7 Q. Oui. Je pensais l'avoir dit, mais ça a été mal transcrit.
8 R. Ça n'a jamais été un programme. Il y a beaucoup de preuves qui
9 démontrent que nous avons souhaité que la Bosnie reste un Etat unitaire.
10 Même si nous avons cherché à nous protéger de notre mise en minorité, nous
11 protéger contre la sortie de Yougoslavie, mais lorsque Zulfikarpasic et
12 Filipovic ont formulé cette proposition de passer un accord entre les
13 Musulmans et les Serbes, nous voulions renoncer la régionalisation, nous
14 voulions repartir à zéro des positions qui étaient celles des Musulmans et
15 des Serbes avant les élections, préserver la Bosnie-Herzégovine et la
16 Yougoslavie. Mais quand nous avons eu cette conférence de paix, aucune des
17 parties ne souhaitait créer des territoires ethniquement purs. Là, je dois
18 encore mettre une garde pour ce qui est des questions de langue. Quand on
19 dit purement serbe, purement croate, purement musulman, pour ce qui est des
20 territoires, on ne veut pas dire pur dans le sens de nettoyer, mais dans le
21 sens de pas contester. Ici, dans ce procès, il y a eu beaucoup de confusion
22 là-dessus.
23 Q. Excusez-moi. Je n'ai qu'un temps limité à ma disposition. M. Krajisnik
24 a-t-il pris part aux efforts déployés avant que la guerre n'éclate pour
25 qu'une solution politique soit trouvée ?
26 R. Tout à fait. Tout à fait. C'était quelqu'un de très conciliant et très
27 persévérant. Il a cherché jusqu'au bout une solution politique.
28 Q. Avant que la guerre n'éclate, est-ce que vous avez jamais entendu M.
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1 Krajisnik pendant cette période-là, est-ce que vous l'avez jamais entendu
2 formuler ses positions politiques ?
3 M. TIEGER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Dershowitz, vous ne devriez pas
5 mener un interrogatoire principal.
6 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais ce n'est pas un interrogatoire --
7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si.
8 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
9 Avec tout le respect qui est dû à tout un chacun, oui, il y a eu des
10 questions au sujet du SDS et des positions du SDS. C'est la raison pour
11 laquelle j'essaie de poser des questions à ce sujet. Il y a eu bon nombre
12 de questions portant sur le SDS avant la création, Monsieur le Président,
13 de cette présidence. Il était question des efforts qui ont été déployés
14 pour indiquer que M. Krajisnik avait rejoint tout ceci. C'est la raison
15 pour laquelle je demande s'il avait exprimé ses points de vue à l'époque et
16 si, personnellement, à quelque moment que ce soit, il aurait fait des
17 déclarations qu'il y a aurait eu une espèce de culpabilité par association.
18 Nous avons entendu beaucoup de choses au sujet du gouvernement serbe, des
19 représentants serbes, mais je pose la question parce que c'est une question
20 de suivi pour voir si M. Krajisnik aurait, à quelque moment que ce soit,
21 fait des commentaires quels qu'ils soient avant la création du
22 gouvernement. Je crois que cela est une question de suivi concernant les
23 questions spécifiques ou concrètes qui ont été posées.
24 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Tieger.
25 M. TIEGER : [interprétation] Cela pourrait être des questions de suivi si
26 les prémisses de départ étaient bien placées. Parce qu'il n'a pas été
27 question des activités du SDS avant la guerre; il a été question de la
28 variante A et B.
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1 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui, mais l'un des Juges a posé la
2 question au sujet du SDS, pour savoir s'il y avait eu avant la guerre des
3 documents du SDS, ou un pouvoir exécutif du SDS ? Est-ce qu'il y aurait eu
4 distribution de ce qui s'est adopté au SDS ? Donc j'essaie de centrer les
5 questions. Je voudrais --
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je voudrais éviter un long débat à ce
7 sujet.
8 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je suis désolé.
9 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Essayez de vous en tenir aux questions
10 qui ont été posées au contre-interrogatoire.
11 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation]
12 Q. Ma question pour vous est celle-ci : avez-vous personnellement entendu
13 parler à l'occasion de quelque débat que ce soit qui se serait tenu avant
14 la mise sur pied d'une présidence, que M. Krajisnik aurait quand que ce
15 soit fait des commentaires qui encourageraient, défendraient, suggéreraient
16 un nettoyage ethnique, des déplacements de la population civile, le meurtre
17 de Musulmans ou de Croates ou de la perpétration de quelque autre crime de
18 guerre qui lui est reproché ?
19 R. Absolument pas. Non seulement il était connu comme quelqu'un de
20 conciliant, c'était quelqu'un qui était réputé de comprendre les Musulmans.
21 Les Musulmans, Izetbegovic avait demandé à ce que M. Krajisnik soit
22 toujours présent parce qu'ils s'entendaient bien. Il n'est donc pas
23 question que de dire pour M. Krajisnik qu'à quelque moment que ce soit il
24 aurait dit quoi que ce soit de ce genre, qu'il aurait discuté ou commenté
25 en ce sens.
26 Q. Avant l'éclatement du conflit de la guerre, M. Krajisnik était-il en
27 position de donner des ordres en sa qualité de membre du SDS ?
28 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Excusez-moi, Docteur Karadzic.
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1 Monsieur le Président, ce n'est pas une question qui aurait été posée à
2 l'occasion du contre-interrogatoire. Je ne vois aucune question des Juges
3 de la Chambre qui pourrait justifier le conseil de la Défense pour ce qui
4 est de passer à l'interrogatoire en application de 92 ter.
5 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je
6 peux répondre, parce que ceci n'est factuellement [phon] pas correct. Il y
7 a eu plusieurs questions au sujet de la distribution de ce qui venait du
8 comité ou du conseil exécutif du SDS, de son comité principal. Cela découle
9 précisément des questions qui ont été posées dans ce sens. Lui, en sa
10 qualité de direction serbe ou du SDS, a-t-il fait ou pas fait certaines
11 choses ? Là, je me propose de poser des questions concrètes pour savoir si
12 personnellement il était à même de donner l'un quelconque des ordres. Je
13 suis intéressé par sa responsabilité personnelle. Je ne suis pas intéressé
14 par la direction serbe en tant que telle. Donc ma question est concrètement
15 en corrélation avec ces questions, et cela ne parle de cette culpabilité
16 par rapprochement : a-t-il été en mesure de donner des ordres, des
17 directives, ou des instructions en sa qualité de membre du SDS ? Je pense
18 que cela est pertinent.
19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Répondez à cette question, Monsieur
20 Karadzic.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne pouvait absolument pas le faire,
22 et il ne l'a pas fait. D'abord, pendant toute une année de l'existence du
23 SDS, M. Krajisnik n'était pas membre de ce comité principal. Une année plus
24 tard, lorsqu'à l'assemblée annuelle il a été élu, il était déjà président
25 du Parlement conjoint. Il n'était pas dans d'autres instances mis à part ce
26 comité principal où il y avait une centaine ou 100 et quelques personnes.
27 Je ne sais plus combien de membres il y avait exactement, mais il n'avait
28 aucune fonction pendant la première année. Au bout de la première année, il
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1 était membre de ce comité principal, mais en sa qualité de comité il ne
2 pouvait pas donner de directives.
3 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation]
4 Q. Mais était-il activement impliqué dans les efforts visant à
5 trouver une solution pacifique à ce conflit qui menaçait d'éclater ?
6 R. Oui, mais dans sa fonction de président de ce Parlement conjoint.
7 D'abord, il faisait partie de cette équipe de négociations entre la Bosnie-
8 Herzégovine, la Serbie, la Croatie et la Slovénie. Lorsqu'il s'est avéré
9 que la délégation bosniaque n'avait pas une position unifiée, on s'était
10 tourné vers les autres dans la Bosnie pour avoir une position unifiée, pour
11 voir ce que les autres voulaient. Là, il s'était trouvé en fonction de ce
12 Parlement conjoint qu'il n'a jamais abandonné. Il était officiellement
13 président de ce Parlement jusqu'en fin 1992. C'est là qu'il a été révoqué
14 de ses fonctions, mais on ne peut pas parler là d'une intervention de sa
15 part au nom du SDS.
16 Q. Je voudrais maintenant que nous nous concentrions sur la présidence, et
17 je me dois de vous dire que j'ai été placé dans une espèce de confusion par
18 des questions. J'ai l'impression que les Juges de la Chambre sont dans la
19 confusion également. Je voudrais parler de trois catégories. La catégorie
20 numéro un, c'est la présidence officielle. La catégorie numéro deux, c'est
21 cette "présidence élargie" dont il a souvent été question, et la catégorie
22 numéro trois, c'est la présidence de Guerre.
23 Ma première question --
24 M. TIEGER : [interprétation] Je suis navré d'interrompre. J'ai de la
25 difficulté à comprendre partant de quoi il est procédé à cette distinction,
26 et je le crains, que cela ne risque d'augmenter la confusion plutôt que de
27 nous apporter des éclaircissements.
28 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Mais peut-être pourrions-nous autoriser
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1 le témoin à répondre et à y apporter des éclaircissements, plutôt que de
2 nous jeter dans la confusion.
3 M. TIEGER : [interprétation] Si le témoin peut avoir, par exemple --
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il est débattu --
5 M. TIEGER : [interprétation] Il y a eu des catégories artificiellement
6 créées et je ne pense pas que cela puisse nous aider.
7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il a été question de la chose, et je
8 suis porté à la solution où l'on laisserait la Défense tirer celle-ci au
9 clair. Puisque j'ai pris la parole, est-ce que nous sommes en train de
10 parler de présidences de Guerre et de Commissions de guerre ?
11 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Ça c'est une autre étape que je me
12 propose d'aborder.
13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] D'accord.
14 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation]
15 Q. Est-ce qu'on parle de présidence de Guerre ou de présidences de guerre
16 ? De quoi parlez-vous ?
17 R. La présidence de la République serbe de Bosnie-Herzégovine,
18 c'était Biljana Plavsic et Nikola Koljevic. Le 12 mai, j'ai été élu à la
19 présidence et j'ai été élu président de cette présidence. Donc il s'agit
20 d'un chef de l'Etat collégial. Chez nous il y a encore un problème
21 linguistique. Penchez-vous sur le premier PV de cette session de la
22 présidence. On parle de "sessions élargies de la présidence." Parce que les
23 réunions fréquentes du SDS ce sont des sessions élargies. Ce ne sont pas
24 des sessions d'un comité élargi.
25 Est-ce que vous voulez que j'explique davantage ? La présidence élargie est
26 prévue de --
27 Q. Permettez-moi de vous poser certaines questions et on en viendra à se
28 centrer sur ce qui est nécessaire.Est-ce que vous vous servez de ce terme
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1 de "présidence" quand vous parlez de personnes habilitées à prendre des
2 décisions ?
3 R. Oui, c'est défini par la constitution, c'est une matière définie par la
4 constitution.
5 Q. Quand vous avez des réunions de la présidence que vous évoquez, vous
6 entendez par là les trois personnes qui sont membres de la présidence et
7 qui ont l'autorité nécessaire pour la présidétion, n'est-ce pas ?
8 R. Oui.
9 Q. Quand vous parlez de présidence élargie ou de cession élargie de la
10 présidence, est-ce que vous parlez de sessions auxquelles vous conviez des
11 personnes afin que celles-ci vous fournissent des informations ou afin de
12 fournir des informations à ces personnes ou personnalités ? Est-ce que
13 c'est ce que vous voulez dire ?
14 R. On parle de sessions élargies. Ça se passe au SDS ou à la présidence,
15 donc où que ce soit où il y a d'autres personnes. C'est une session qui est
16 élargie, ce n'est pas l'organe qui est élargi.
17 Q. Donc ces personnes étaient là pour vous conseiller et elles étaient là
18 pour entendre la teneur des débats. En d'autres termes, cette présidence
19 élargie n'est pas une instance habilitée à prendre des décisions, n'est-ce
20 pas ce que vous êtes en train de nous dire ?
21 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je me lève une fois de
22 plus pour dire que c'est des questions suggestives et directrices et je
23 voudrais qu'on procède autrement.
24 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Essayez de poser des questions moins
25 directrices parce que je remarque que dans la question que vous avez posée,
26 vous parlez dans une phrase de la présidence élargie et de la session
27 élargie, ce qui prête à confusion par vous-même, par vos soins.
28 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation]
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1 Q. Alors, pouvez-vous nous expliquer la différence que vous avez à
2 l'esprit entre session élargie et présidence élargie ?
3 R. Une session élargie de la présidence ou du comité principal ou de
4 quelque organe que ce soit, cela signifie qu'il y a présence d'autres
5 personnalités qui ne sont pas membres de l'instance en question, pour des
6 raisons variées. Il y avait, par exemple, souvent la présence de ministres,
7 c'étaient des sessions élargies. Mais ça ne fait pas de ces ministres des
8 membres de la présidence. Il en va de même pour ce qui est des organes ou
9 de la délégation chargés de négocier avec les Croates ou les Musulmans, et
10 cetera. Nous trois, nous avions coutume de faire participer d'autres
11 personnes, des ministres. Ça ne fait pas d'eux des membres de la
12 présidence. Ce sont des gens qui sont au service, qui sont là pour assister
13 la présidence parce que nous trois, nous ne pouvons pas être une délégation
14 seule et unique pour négocier avec les Musulmans, les Croates et tous les
15 autres. Donc on s'élargit. On élargit nos rangs. Donc on dit session
16 élargie parce qu'il y a participation de personnes.
17 La présidence élargie s'est élargie par la présence du chef du
18 gouvernement et du chef du Parlement. Donc on intègre le pouvoir législatif
19 et le pouvoir exécutif au cas où l'assemblée ne serait pas à même de se
20 réunir.
21 Q. Est-ce que vous voulez dire par là que le terme de "présidence élargie"
22 --
23 M. TIEGER : [interprétation] C'est -- Enfin, je comprends cela, mais il est
24 difficile d'imaginer comment une question qui commence par "pensez-vous
25 ceci ou cela" n'est pas une question directrice.
26 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je vais formuler différemment, on en
27 viendra à la même chose de toute façon. Je crois que c'est une perte de
28 temps parce qu'il y a objection à chaque fois.
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1 Q. Pouvez-vous expliquer la corrélation qui existe, si tant est qu'elle
2 existe, ou la différence qui existe entre la présidence de guerre et la
3 présidence élargie ? Est-ce là des choses différentes ?
4 R. Au fond, la présidence élargie cela devait être introduit en situation
5 de guerre, en état de guerre et nous évitions le terme de "présidence de
6 guerre". Donc c'était une présidence élargie au cas où il y aurait eu
7 déclaration d'un état de guerre, pas dans d'autres circonstances.
8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je m'excuse. Il y a une question
9 technique. On vient de m'indiquer que nous devons modifier les bobines donc
10 nous allons maintenant nécessairement devoir faire une pause de 20 minutes.
11 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Vingt minutes ?
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui.
13 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Merci.
14 --- L'audience est suspendue à 12 heures 39.
15 --- L'audience est reprise à 13 heures 01.
16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] L'audience est reprise. Maître
17 Dershowitz, vous avez la parole.
18 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Merci encore une fois, Monsieur le
19 Président.
20 Q. Monsieur Karadzic, je souhaite préciser quelque chose, il y avait
21 combien de membres de présidence ?
22 R. Jusqu'au 12 mai, deux membres, et à partir du 12 mai jusqu'au 17
23 décembre, trois. Ensuite, il y a eu un président et deux vice-présidents à
24 partir de ce moment-là. Et de nouveau, on était élus au suffrage secret, au
25 vote secret tous les trois.
26 Q. Et la présidence de guerre ou la présidence élargie, il y aurait
27 combien de membres dans ces organes ?
28 R. Ce serait le président de l'assemblée et le chef du gouvernement qui
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1 viendrait s'ajouter et les attributions de cet organe seraient de pouvoir
2 adopter des lois puisque la présidence élargie fonctionnerait à défaut de
3 l'assemblée, l'assemblée ne pourrait pas se réunir.
4 Q. Et pendant l'année 1992, est-ce qu'il y a eu des décisions, des
5 opinions, des directives, des ordres qui ont été émis par les cinq membres
6 de la présidence de guerre ou de la présidence élargie ?
7 R. Non, rien de tel. Puisque nous trois même, on ne votait pas. J'ai
8 demandé à Mme Plavsic et à M. Koljevic leur aval, même si moi j'étais
9 d'accord. Jamais on ne prenait de décision par 2 voix contre 1. Donc
10 c'était uniquement à l'unanimité qu'on prenait des décisions.
11 Q. Non, mais ce que je vous ai demandé c'est par rapport aux cinq membres
12 de cette présidence élargie. Est-ce qu'il y a eu jamais un ordre, une
13 directive qui aurait été émis par l'organe composé de cinq membres, qu'on
14 l'appelle présidence de guerre ou présidence élargie pendant l'année 1992,
15 j'entends ?
16 R. Non.
17 Q. M. Tieger vous a posé une question en citant la page 100. Je pense
18 qu'il a parlé du 23 novembre 1992, première page, je vois à l'écran que
19 cette citation n'est pas tout à fait exacte. Donc je voudrais en donner
20 lecture, je vais en donner lecture lentement.
21 On vous a posé cette question, il s'agit d'une citation des propos de
22 M. Krajisnik en date du 22 novembre 1992, et il est dit : "Messieurs, nous
23 avons reçu une réponse à la question du député, M. Trbojevic, que la
24 présidence de guerre et les commissaires, il a été constaté que c'était
25 anticonstitutionnel. Donc si nous décidons qu'il existe un besoin d'avoir
26 une présidence de guerre et des commissaires, il faudrait procéder par voie
27 de comité constitutionnel. Et si nous décidons qu'un tel besoin n'existe
28 pas, alors il n'y a pas besoin de s'adresser au comité constitutionnel."
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1 Et on vous a demandé si vous saviez que M. Krajisnik a fait part de
2 cette position comme étant la sienne. Est-ce que vous la partagez ?
3 R. J'aimerais pouvoir consulter l'original en langue serbe. Mais la
4 substance, me semble-t-il est la suivante : nous n'avions pas de présidence
5 élargie parce qu'il n'y avait pas d'état de guerre. Si cette question s'est
6 posée au Parlement, alors la présidence devait se prononcer, est-ce qu'elle
7 avait besoin d'être élargie ou elle allait plutôt fonctionner dans un
8 format régulier. Et s'il y avait besoin qu'elle soit élargie, à ce moment-
9 là, la commission constitutionnelle allait fournir son interprétation.
10 Et une semaine plus tard nous avons tenu une réunion de la présidence et
11 nous avons mis cela à l'ordre du jour.
12 Q. Page suivante, page 101, nous avons une citation. De nouveau, je
13 pense que c'est une citation des propos de M. Krajisnik. J'en donne lecture
14 : "La présidence de Guerre se compose de trois membres de la présidence, du
15 président de l'assemblée et du premier ministre. Puisque l'état de guerre
16 n'a pas été déclaré, on estime que ces décisions ne seraient pas
17 constitutionnelles. La même chose s'applique aux commissaires. Je soumets
18 cela à la discussion."
19 Est-ce qu'il y a eu une discussion pour savoir s'il y avait besoin de
20 créer une présidence de guerre ou une présidence élargie ? Donc est-ce
21 qu'il y a eu un débat en novembre 1992 ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que vous savez s'il y a eu un vote, est-ce que ça a été voté en
24 1992, est-ce qu'on a décidé de se doter d'une présidence de guerre ou d'une
25 présidence élargie ?
26 R. Je ne sais pas si c'est lors de cette session du Parlement qu'on a
27 voté. Mais je suppose que non parce qu'il a fallu que la présidence se
28 prononce par la suite. On nous a demandé de dire si on allait fonctionner
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1 en tant que présidence en temps normal ou si on allait exiger qu'on soit
2 élargie. Je pense que c'est deux jours plus tard, le 30 novembre, nous
3 avons tenu une réunion de la présidence et nous sommes arrivés à la
4 conclusion qu'il n'y avait pas lieu d'élargir la présidence.
5 Q. Mais s'il y avait eu une présidence élargie, au titre des mêmes
6 dispositions de la constitution, est-ce que d'autres choses se seraient
7 produites à partir du moment où il y aurait eu une déclaration de l'état de
8 guerre ?
9 R. Tout à fait. Cet organe, il fonctionnerait comme un pouvoir à la fois
10 législatif et exécutif. Il adresserait des projets de loi au gouvernement
11 et à partir du moment où l'assemblée se réunirait, il faudrait qu'elle
12 place à l'ordre du jour tout ce qui avait été fait par la présidence pour
13 que l'assemblée l'adopte. Mais nous avions une vie parlementaire régulière,
14 donc il n'y avait pas lieu de faire cela. Beaucoup de fois, le Parlement,
15 l'assemblée s'est réuni en session.
16 Q. Est-ce qu'il y avait le besoin de nommer des commissaires de guerre ou
17 autre chose, s'il y avait eu une déclaration de l'état de guerre et s'il y
18 avait eu une création d'une présidence de guerre ou une présidence élargie
19 ?
20 R. L'état de guerre n'aurait pas pu être une mesure secrète. Tout le monde
21 aurait dû être au courant puisqu'une nouvelle législation commence à partir
22 de ce moment-là. Chacun aurait dû être au courant des conséquences de son
23 comportement. Donc c'est une situation de guerre, et non plus de temps de
24 paix. Donc il y aurait eu une proclamation, l'assemblée ne se réunirait pas
25 et cet organe aurait fonctionné en tant que pouvoir exécutif et pouvoir
26 législatif à la fois.
27 Q. Et l'organe législatif a continué de fonctionner tout au long de
28 l'année 1992 ?
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1 R. C'est tout à fait. Beaucoup de fois, nous nous sommes réunis en
2 sessions en 1992 et pendant toute la durée du conflit.
3 Nous ne l'appelons pas guerre. Nous l'appelons conflit, un conflit
4 tragique. En 1992, vous pouvez consulter des procès-verbaux. Il y a eu de
5 nombreuses sessions du Parlement.
6 Q. Pendant que cette présidence s'est dotée d'un troisième membre et
7 pendant que vous étiez son président, je pense, jusqu'au 30 décembre 1992,
8 c'est la fin de la période couverte de l'acte d'accusation, M. Krajisnik,
9 est-ce qu'il a continué à déployer ses efforts pour négocier ?
10 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé. Cela sort du champ du contre-
11 interrogatoire et du champ du 92 ter.
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je pense que vous ne devriez pas poser
13 cette question.
14 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Est-ce que je peux répondre à
15 l'objection ?
16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous en prie.
17 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] La question qui a été posée était de
18 savoir si l'objectif militaire -- ou plutôt, si les objectifs politiques
19 constituaient également des objectifs militaires. J'essaie un petit peu
20 d'explorer quels étaient les objectifs politiques pendant cette période où
21 M. Krajisnik a pris part aux efforts sur le plan politique, parce que
22 c'était ça son poste, ses fonctions. Avec tout mon respect, je pense que,
23 de toute évidence, cela répond à des questions que je posais.
24 M. TIEGER : [interprétation] Mais nous sommes dans le cadre de l'article 92
25 ter. C'étaient des objectifs politiques. Pendant le contre-interrogatoire,
26 il a été affirmé que c'étaient aussi des objectifs militaires, donc il
27 fallait aborder uniquement cet aspect-là et non pas l'aspect politique.
28 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Il a pris part à la vie politique. Du
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1 moment qu'il était membre de la direction, l'implication faite était qu'il
2 avait également des fonctions militaires. Je voudrais démontrer que ses
3 fonctions se limitaient au domaine politique.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Allez-y, je vous en prie.
5 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] J'aurai combien de temps à ma
6 disposition ?
7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Dix à 15 minutes.
8 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je vous remercie.
9 Q. S'il vous plaît, répondez à ma question. Ma question était de savoir
10 s'il a pris part aux négociations à partir du mois de mai 1992 jusqu'au 30
11 décembre 1992 ?
12 R. A aucun moment il n'y a eu interruption des négociations. Ces
13 négociations étaient placées sous l'égide des représentants internationaux.
14 M. Krajisnik, pendant toute la durée de ces négociations, était membre de
15 l'équipe de négociations avec le ministre Buha et avec M. Koljevic, et
16 cetera. Pendant tout ce temps, il y avait un processus politique. Jamais
17 nous n'avons perdu l'espoir de trouver une solution politique, et nous
18 étions prêts à reprendre des territoires ou plutôt de trouver une solution
19 politique correcte, équitable. Cela n'avait rien à voir avec les objectifs
20 militaires.
21 Q. Mais qui d'autre a pris part activement à ces négociations ?
22 R. Au nom de la présidence, il y avait M. Koljevic et moi-même; M.
23 Krajisnik représentait l'assemblée; et M. le ministre des Affaires
24 étrangères, M. Buha, représentait le gouvernement. Toutes les branches du
25 pouvoir étaient représentées; l'assemblée, le gouvernement et la
26 présidence.
27 Q. Est-ce qu'il y a eu des débats avant les négociations pour savoir
28 exactement quelle serait la position défendue par les négociateurs du côté
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1 serbe ?
2 R. Tout à fait. Il fallait qu'on respecte ce qui nous a été défini par le
3 Parlement, puis on devait se concerter sur le plan de la stratégie pour
4 préserver l'unité de la délégation. C'était ça les débats qui précédaient
5 toutes négociations. Je ne pouvais pas modifier la composition de l'équipe
6 de négociateurs, parce que je ne voulais pas manquer de respect face aux
7 médiateurs et je ne voulais pas entraver les négociations.
8 Q. On vous a posé des questions sur l'aspect militaire. M. Krajisnik, est-
9 ce qu'il a pris part, de quelque façon que ce soit, aux objectifs et
10 finalités que vous cherchiez à réaliser politiquement et qui se sont
11 traduits par des objectifs militaires ?
12 R. L'objectif militaire ne pouvait pas exister, parce que nous savions
13 qu'en dernière instance tout serait déterminé par des négociations. Nous ne
14 souhaitions pas établir un contrôle total sur la Bosnie-Herzégovine. Nous
15 voulions accepter ce qui était proposé par la conférence. Les dirigeants
16 politiques ne se penchaient pas sur des aspects militaires, et surtout pas
17 l'assemblée.
18 Q. Laissons de côté la direction. Je voudrais me concentrer uniquement sur
19 le rôle joué par M. Krajisnik. Il a pris part aux négociations portant sur
20 une solution politique. Mais j'aimerais savoir si d'aucune manière il
21 aurait pris part à des opérations militaires, soit en occupant un poste de
22 commandement, un poste de responsabilité. Est-ce qu'il pouvait émettre des
23 ordres ? Là, je parle du volet militaire à l'époque.
24 R. Absolument pas.
25 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Est-ce que je peux avoir un instant,
26 s'il vous plaît ?
27 [Le conseil de la Défense et l'appelant se concertent]
28 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je n'ai plus de questions. M. Krajisnik
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1 me dit que lui non plus n'a plus de questions. Je vous remercie, Monsieur
2 le Président. Je n'ai plus rien à ajouter.
3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Maître Dershowitz.
4 Est-ce qu'il y aura des questions de la part des Juges de la Chambre ?
5 Monsieur le Juge Shahabuddeen.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ce sera juste une observation de
7 ma part, Maître Dershowitz. Me semble-t-il vos questions avaient pour
8 objectif d'atteindre le résultat suivant : vous êtes parti de l'hypothèse
9 que l'entreprise criminelle commune était un concept valable, mais vous
10 vouliez démontrer que sur la base des faits, de la situation factuelle, il
11 n'y avait pas de responsabilité engagée, mais je pensais que vous deviez
12 vous en prendre au concept de l'entreprise criminelle commune.
13 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui, c'est une excellente question.
14 J'avais à l'esprit la question de l'entreprise criminelle commune en tant
15 que telle. En fait, il y a trois questions.
16 Premièrement, le concept est les frontières, la caractérisation d'une
17 entreprise criminelle commune. Donc il est question de droit. Est-ce que
18 les termes qui ont été employés pour décrire l'entreprise criminelle
19 commune laissent la notion sans définition précise. Toutes ces questions,
20 c'est d'une première question.
21 Deuxièmement, est-ce qu'il y a eu une entreprise criminelle commune du
22 tout.
23 Puis troisièmement, s'il y en a eu une, est-ce que M. Krajisnik en a été
24 membre, ou est-ce que sa responsabilité peut être engagée au titre de
25 l'entreprise criminelle commune.
26 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Vous dites que cette troisième
27 question est la question sur laquelle vous vous êtes penché dans votre
28 mémoire ?
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1 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Oui, tout à fait. Ce que j'essayais de
2 faire tout à fait honnêtement, c'était d'agir par le truchement du témoin
3 pour montrer que M. Krajisnik a pris part aux négociations, qu'il a cherché
4 à résoudre le problème politiquement, et que ses points de vue étaient
5 qu'il fallait protéger les intérêts des Serbes. Dans la mesure où c'était
6 ça sa position, la position qu'il défendait, et que d'autres ont partagé
7 ces positions et que d'autres auraient commis des actes contraires à la
8 loi, qu'on ne peut pas prendre un individu qui fait part des objectifs
9 légitimes, justifiables, protégés et qu'on peut défendre et le rendre
10 responsable pour des actes commis par d'autres qu'il ne contrôle pas et sur
11 lesquels il n'a aucune attribution. Je pensais pouvoir obtenir certains
12 éléments d'information de la part de ce témoin. Je pense que je l'ai fait
13 et de manière précise, parce que je ne pensais pas que ce serait un témoin
14 par le truchement duquel je devais aborder la première et la deuxième
15 question portant sur l'entreprise criminelle commune.
16 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Il me faut relire votre mémoire
17 très précisément pour voir si vous vous y penchez sur ces aspects-là.
18 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Je dois vous dire que j'ai relu les
19 arguments l'autre jour avant cette audience, et vous verrez certaines
20 questions qui ont été posées par la Chambre et certains arguments qui ont
21 été avancés nous permettent maintenant de voir qu'on a bien pu se
22 concentrer, mieux définir la question. Il me semble que mon frère a
23 détaillé cela par rapport à d'autres conflits sur la planète, en faisant
24 une différence entre ceux qui défendent des positions politiques et
25 d'autres qui commettent des crimes. Ce n'est pas parce que je l'ai dit, ce
26 n'est parce que mon frère l'a dit, mais je pense qu'effectivement ça permet
27 de se concentrer de manière plus précise à la question.
28 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Dershowitz, je vous
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1 remercie.
2 M. N. DERSHOWITZ : [interprétation] Merci beaucoup.
3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] S'il n'y a pas d'autres questions, nous
4 en avons terminé avec l'interrogatoire du témoin. Par conséquent, Monsieur
5 Karadzic, merci d'être venu témoigner. Vous pouvez disposer. Vous êtes
6 libre de partir, escorté.
7 M. ROBINSON : [interprétation] Je tiens à vous remercier, Monsieur le
8 Président, de m'avoir permis de représenter mon client aujourd'hui et nous
9 nous félicitons des débats qui ont eu lieu.
10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.
11 [Le témoin se retire]
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons verser au dossier la
13 déclaration de M. Karadzic. Madame la Greffière d'audience, pourriez-vous
14 vous en occuper.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 92 ter, déclaration de M.
16 Karadzic, deviendra la pièce AD3, Monsieur le Président, Madame, Messieurs
17 les Juges.
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Ainsi, cette audience
19 consacrée à la présentation des moyens de preuve est terminée.
20 --- L'audience est levée à 13 heure 29.
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