TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR LEX-YOUGOSLAVIE
AFFAIRE N° IT-97-25-I
LE PROCUREUR DU TRIBUNAL
CONTRE
MILORAD KRNOJELAC
alias "Mico"
Deuxième ACTE DACCUSATION MODIFIÉ
Le Procureur du Tribunal pénal international pour lex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par larticle 18 du Statut du Tribunal, accuse :
MILORAD KRNOJELAC
de CRIMES CONTRE LHUMANITÉ, dINFRACTIONS GRAVES AUX CONVENTIONS DE GENÈVE (INFRACTIONS GRAVES) et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, comme exposé ci-après :
CONTEXTE
1.1 La ville et la municipalité de Foca se situent en Bosnie-Herzégovine, au sud-est de Sarajevo, près de la frontière séparant la Serbie du Monténégro. Selon le recensement de 1991, Foca comptait 40 513 habitants, dont 51,6 % de Musulmans, 45,3 % de Serbes et 3,1 % dappartenances diverses. Le 7 avril 1992, les forces militaires serbes, composées de Serbes de Bosnie et de citoyens dascendance serbe originaires dautres régions de lex-Yougoslavie, ont commencé à occuper la ville de Foca. Le 16 ou le 17 avril 1992, la ville était entièrement sous leur contrôle. Le siège des villages environnants sest poursuivi jusquà la mi-juillet 1992.
1.2 Dès que les forces serbes ont eu la mainmise sur certains quartiers de Foca, la police militaire, accompagnée de soldats originaires ou non de la région, a commencé à arrêter des Musulmans et dautres habitants non serbes. Jusquà la mi-juillet 1992, les autorités serbes ont continué à effectuer des rafles et à arrêter des villageois musulmans sur tout le territoire de la municipalité. Les autorités serbes séparaient les hommes et les femmes ; elles ont illégalement détenu des milliers de Musulmans et autres non-Serbes, parmi lesquels se trouvaient des intellectuels, des médecins et des journalistes. Le Foca Kazneno-Popravni Dom (KP Dom), lune des plus grandes prisons de lex-Yougoslavie, est devenu le principal centre de détention pour hommes. À partir du 14 avril 1992 ou vers cette date, les autorités civiles et militaires serbes ont commencé à utiliser la prison pour la détention de Musulmans et de non-Serbes, principalement des hommes, ainsi que de quelques Serbes qui avaient essayé de se soustraire au service militaire. Les détenus serbes étaient séparés des détenus non serbes. En raison de la persistance de la vague darrestations, la prison a été surpeuplée durant les premiers mois, regroupant alors plus de 760 détenus. Pendant le reste de lannée 1992, la population carcérale était approximativement de 600 détenus. La majeure partie des détenus a été échangée ou libérée en 1992 et 1993. Le KP Dom a cependant fonctionné comme centre de détention jusquau 5 octobre 1994.
1.3 La plupart des détenus, voire tous, étaient des civils qui nétaient accusés daucun crime. La plupart étaient des hommes Musulmans de 16 à 80 ans. Parmi eux se trouvaient des handicapés mentaux et physiques ainsi que des personnes atteintes de maladies graves.
1.4 Le complexe pénitentiaire était entouré dun mur de 3 mètres de haut, surmonté de fil de fer barbelé et jalonné de miradors équipés de mitrailleuses. La périphérie interne était minée. Les soldats et les gardes de la prison surveillaient les détenus depuis les miradors et effectuaient des patrouilles régulières. Les détenus étaient logés dans un bâtiment de quatre étages, qui comprenait des cellules communes et des cellules disolement cellulaire dune dimension de trois mètres sur trois. Le complexe comptait également des bâtiments administratifs, des ateliers et une fabrique de meubles.
LACCUSÉ
2.1 MILORAD KRNOJELAC, alias Mico, fils de Bogdan, est né le 25 juillet 1940 dans le village de Birotici, près de Foca. Il réside actuellement à Foca. Enseignant avant la guerre, il avait également le grade de capitaine de première classe dans la JNA (Armée populaire yougoslave). Davril 1992 jusquau mois daoût 1993, MILORAD KRNOJELAC a été le commandant du KP Dom.
POUVOIRS HIÉRARCHIQUES
3.1 Davril 1992 à août 1993, MILORAD KRNOJELAC était le commandant du KP Dom et le supérieur hiérarchique de lensemble du personnel du camp. En tant que commandant, il était chargé du fonctionnement du KP Dom de Foca comme camp de détention. MILORAD KRNOJELAC exerçait des pouvoirs et des fonctions conformes à sa position de supérieur hiérarchique. Il donnait des ordres et dirigeait le personnel de la prison sur une base quotidienne. Il était en rapport avec les autorités militaires et politiques à lextérieur de celle-ci. MILORAD KRNOJELAC était présent lors de larrivée des détenus et lors de certaines séances de sévices corporels et avait des contacts personnels avec certains des détenus.
ALLÉGATIONS GÉNÉRALES
4.1 Durant toute la période couverte par le présent Acte daccusation, la République de Bosnie-Herzégovine, sur le territoire de lex-Yougoslavie, était la proie dun conflit armé international et était partiellement occupée.
4.2 Tous les actes ou omissions ci-après qualifiés dinfractions graves aux Conventions de Genève de 1949, et sanctionnés par larticle 2 du Statut du Tribunal, ont été commis au cours de ce conflit armé et de cette occupation partielle.
4.3 Durant toute la période couverte par le présent Acte daccusation, les détenus du KP Dom mentionnés dans les chefs daccusation étaient des personnes protégées par les Conventions de Genève de 1949.
4.4 Durant toute la période couverte par le présent Acte daccusation, laccusé était tenu de se conformer aux lois ou coutumes de la guerre.
4.5 Tous les actes et omissions allégués dans le présent Acte daccusation ont eu lieu entre avril 1992 et août 1993, sauf mention expresse.
4.6 Pour chacun des chefs de torture, les actes ont été commis, encouragés ou approuvés, explicitement ou implicitement, par un responsable officiel ou une personne agissant en cette qualité, dans un ou plusieurs des buts suivants : obtenir des informations ou des aveux de la part dune victime ou dun tiers ; punir la victime pour un acte quelle ou un tiers avait commis ou était soupçonné avoir commis ; intimider ou exercer une contrainte sur la victime ou sur un tiers ; et/ou pour toute raison fondée sur une discrimination, de quelque nature quelle soit.
4.7 Pour chacun des chefs de crime contre lhumanité, les actes ou omissions faisaient partie dune attaque généralisée, à grande échelle ou systématique, dirigée contre une population civile et, plus particulièrement, contre la population musulmane et croate de la municipalité de Foca.
4.8 Dans le présent Acte daccusation, les témoins et les victimes sont identifiés par des noms de code ou des pseudonymes, comme FWS-137, ou par des initiales comme E.G.
4.9. Davril 1992 à août 1993, MILORAD KRNOJELAC sest rendu individuellement responsable des crimes que le présent Acte daccusation lui reproche en vertu de larticle 7 1) du Statut du Tribunal, au regard des événements qui se sont produits au KP Dom. La responsabilité pénale individuelle vise quiconque a commis, planifié, ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé la planification, la préparation ou lexécution de tout acte ou omission exposé ci-après.
4.10 En tant que supérieur hiérarchique, MILORAD KRNOJELAC porte également, ou alternativement, en vertu de larticle 7 3) du Statut du Tribunal, la responsabilité pénale des actes commis par ses subordonnés. La responsabilité pénale du commandement se définit comme suit : tout supérieur hiérarchique porte la responsabilité pénale des actes commis par ses subordonnés sil savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés sapprêtaient à commettre ces actes ou lavaient fait et quil na pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir les auteurs.
CHEFS DACCUSATION
CHEF 1
(Persécutions)
5.1 Davril 1992 à août 1993, alors quil commandait le camp du KP Dom à Foca, MILORAD KRNOJELAC, agissant de concert avec les gardes du KP Dom placés sous son commandement et dans un but commun avec les gardes et soldats identifiés ailleurs dans le présent Acte daccusation, a persécuté des détenus civils de sexe masculin, Musulmans et autres non-Serbes, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses.
5.2 Dans le cadre de ces persécutions, MILORAD KRNOJELAC a participé à lexécution dun plan commun ou a aidé et encouragé lexécution dun plan commun comprenant :
a) lemprisonnement et lincarcération routiniers et prolongés, au KP Dom, de civils de sexe masculin, Musulmans et autres non-Serbes, habitant la municipalité de Foca et ses environs ;
b) des tortures et des sévices corporels répétés des civils de sexe masculin, Musulmans et autres non-Serbes, détenus au KP Dom ;
c) nombre dhomicides de civils de sexe masculin, Musulmans et autres non-Serbes, détenus au KP Dom ;
d) des travaux forcés prolongés et fréquents imposés aux civils de sexe masculin, Musulmans et autres non-Serbes, détenus au KP Dom ; et
e) la mise en place et le maintien de conditions inhumaines imposées aux civils de sexe masculin, Musulmans et autres non-Serbes, emprisonnés au centre de détention du KP Dom .
MILORAD KRNOJELAC a participé à lemprisonnement prolongé et routinier des civils non serbes dans des conditions inhumaines en fournissant des lieux de détention, en occupant le poste dadministrateur du camp et en y créant des conditions de vie caractérisées par les traitements inhumains, le surpeuplement, la sous-alimentation, les travaux forcés et les agressions physiques et psychologiques constantes.
De concert avec dautres responsables de la prison, MILORAD KRNOJELAC a établi une procédure de tortures et de sévices corporels suivant laquelle des gardes allaient chercher les détenus dans leur cellule et les conduisaient aux salles dinterrogatoire et il a mis à disposition les bureaux où les interrogatoires et les sévices se déroulaient de jour. De concert avec des dirigeants politiques ou des commandants militaires et dautres responsables de la prison, MILORAD KRNOJELAC a établi des listes de détenus destinés à être aussi battus durant des interrogatoires nocturnes et il a mis en place une routine quotidienne pour ces sévices. De concert avec dautres responsables de la prison, MILORAD KRNOJELAC a ordonné aux gardes de battre les détenus pour toute violation, même mineure, du règlement de la prison ; avec ses subordonnés, il a soumis les autres détenus à un châtiment collectif ; de concert avec dautres responsables de la prison, il a participé au châtiment en lordonnant. MILORAD KRNOJELAC a participé aux sévices corporels infligés aux détenus en permettant à des militaires serbes de pénétrer dans la prison et de se livrer à des voies de fait sur les détenus quand ils le désiraient et en ordonnant aux gardes de conduire les soldats aux cellules et de choisir des détenus pour les battre ; il encourageait les gardes à commettre des voies de faits et les approuvait.
MILORAD KRNOJELAC a participé aux sévices corporels et aux meurtres de civils non serbes détenus en ordonnant et en supervisant les actions de ses gardes et en permettant à des militaires dapprocher les détenus à cette fin.
MILORAD KRNOJELAC, de concert avec dautres responsables de la prison, a constitué et commencé à superviser un groupe de travailleurs formé denviron 70 détenus ayant des qualifications professionnelles particulières. La plupart ont été retenus prisonniers de lété 1992 jusquau 5 octobre 1994, principalement pour effectuer des travaux forcés.
En outre, MILORAD KRNOJELAC a contribué à la déportation ou à lexpulsion de la majorité des hommes musulmans et non serbes de la municipalité de Foca, en sélectionnant des détenus du KP Dom pour les déporter au Monténégro.
5.3 Du fait de sa participation aux actes ou omissions décrits au paragraphe 5.2, MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 1 :
un CRIME CONTRE LHUMANITÉ, sanctionné par larticle 5 h) du Statut du Tribunal (persécutions pour des raisons politiques, raciales et/ou religieuses).
CHEFS 2 À 7
(Tortures et sévices corporels)
Sévices corporels infligés à larrivée dans la cour de la prison
5.4 A leur arrivée à la prison entre avril et décembre 1992, des détenus du KP Dom, dont FWS-71, FWS-46 et dautres détenus musulmans de sexe masculin dont lidentité est inconnue («non identifiés»), ont été battus dans la cour par les gardes de la prison ou par des soldats en présence du personnel habituel de la prison, comme il est décrit aux paragraphes 5.5 et 5.6. MILORAD KRNOJELAC a participé à ces sévices en permettant aux soldats dapprocher les détenus et en ordonnant aux gardes de ne pas intervenir. Il a également encouragé et approuvé des violences commises par les gardes.
5.5 Le 25 mai 1992, FWS-71 est arrivé au KP Dom parmi un groupe de 21 détenus arrêtés au Monténégro, dont la plupart étaient originaires de Foca. À leur arrivée au KP Dom, les soldats serbes les ont contraints à saligner le long du mur de la prison, les mains levées, puis les ont battus, leur ont donné des coups de pied et de crosse de fusil.
5.6 Le 1er juin 1992, FWS-46 et 47 autres habitants masculins de Jelec qui avaient été faits prisonniers r
Kalinovik et provisoirement détenus à Bileca ont été transférés au KP Dom. À leur arrivée, ils ont été battus par les gardes.Sévices corporels à la cantine
5.7 Entre mai et décembre 1992, des gardes du KP Dom et des soldats serbes venus de lextérieur infligeaient couramment des violences aux détenus lorsque ceux-ci se rendaient à la cantine ou en revenaient ainsi quau cours des repas, comme il est décrit aux paragraphes 5.8 à 5.13. MILORAD KRNOJELAC a participé à ces violences en permettant aux soldats dapprocher les détenus et en ordonnant aux gardes de ne pas intervenir. Il a également encouragé et approuvé les violences commises par les gardes.
5.8 En août 1992 (la date précise est inconnue), un groupe de 7 ou 8 membres non identifiés de la police militaire de Trebinje ont pénétré dans la prison et abordé un groupe de détenus non identifiés qui revenait de la cantine. En présence de plusieurs gardes non identifiés, ils ont infligé des sévices graves aux détenus. Dans un premier temps, les gardes ont regardé sans intervenir. Le commandant des gardes nest intervenu quaprès avoir vu les hommes de Trebinje pointer leurs armes sur les détenus dans lintention de les abattre.
5.9 En juin 1992 (la date précise est inconnue), le détenu E.G., handicapé dun bras et dune jambe et atteint dépilepsie, sest plaint des maigres rations de nourriture. En conséquence, trois gardes non identifiés lont battu et lui ont donné des coups de pied.
5.10 En juillet 1992 (la date précise est inconnue), alors que le détenu P. ("Pace") faisait la queue à la cantine, il a été battu par le garde Pedrag Stefanovic.
5.11 À plusieurs reprises entre avril et décembre 1992 (les dates précises sont inconnues), des soldats non identifiés extérieurs au KP DOM ont approché le détenu FWS-137 alors quil se rendait à la cantine ou en revenait avec un groupe de détenus non identifiés et lont attaqué, ainsi que les autres détenus, sans que les gardes présents, non identifiés, interviennent.
5.12. A une date inconnue, fin octobre ou début novembre 1992, en présence de gardes non identifiés, des soldats non identifiés de Nivienje ont agressé les détenus FWS-214 et FWS-113 alors que ces derniers quittaient la cantine.
5.13 A lheure du déjeuner, le 30 octobre 1992, un groupe de 3 ou 4 soldats non identifiés extérieurs au KP Dom ont agressé FWS-215 et dautres détenus non identifiés qui se trouvaient devant la cantine. Ils les ont frappés avec des crosses de fusil et leur ont donné des coups de pied pendant une dizaine de minutes en présence de gardes non identifiés, qui regardaient sans intervenir.
Sévices corporels arbitraires
5.14 Durant leur incarcération, les détenus étaient soumis à des sévices corporels arbitraires et imprévus par des gardes ou des soldats extérieurs au KP Dom, pour des raisons inconnues. Généralement en soirée ou pendant la nuit, des membres des unités militaires et paramilitaires locales pénétraient dans la prison. Les gardes de la prison conduisaient alors les soldats vers les différentes cellules en vue de choisir les détenus destinés à subir les sévices. Ces sévices sont décrits aux paragraphes 5.15 et 5.16 et dans la Liste A ci-jointe. MILORAD KRNOJELAC a participé à ces sévices corporels en permettant à des militaires serbes de pénétrer dans la prison et de se livrer à des voies de fait sur les détenus quand ils le désiraient et en ordonnant aux gardes de conduire les soldats aux cellules et de choisir les détenus destinés à subir les sévices.
5.15 Le 10 juin 1992, le détenu Z.B. a été sévèrement battu par un soldat serbe extérieur au KP Dom. Après les sévices, qui lui ont fait perdre laudition, Z.B. a été placé en isolement cellulaire pendant un mois environ.
5.16 Le 11 juillet 1992, deux gardes ont fait sortir le détenu FWS-71 de sa cellule, lont conduit vers les cellules disolement cellulaire du bâtiment de détention et lont battu avec différents objets pendant une vingtaine de minutes, jusquà ce quil sévanouisse. Lorsquil a repris connaissance dans sa cellule, FWS-71 avait le corps couvert decchymoses.
Tortures et sévices corporels infligés à titre de châtiment
5.17 MILORAD KRNOJELAC, de concert avec dautres responsables de la prison, a ordonné aux gardes de battre les détenus pour toute violation, même mineure, du règlement de la prison, comme il est décrit aux paragraphes 5.18 à 5.21.
5.18 Le détenu FWS-54 était chargé de distribuer la nourriture aux détenus. En lui confiant cette tâche, on lui avait interdit de donner toute portion supplémentaire aux détenus. Le 8 août 1992, FWS-54 a donné à un détenu une tranche de pain de plus. En guise de châtiment, le témoin a reçu des coups de pied et de matraque de la part dun garde, puis il a été placé en isolement cellulaire pendant quatre jours.
5.19 À une date inconnue pendant lété 1992, un garde, Dragomir Obrenovic (alias "Dragan", "Obren") a battu, en guise de châtiment, les détenus A.M., F.M., H.T. et S., qui faisaient circuler des messages entre eux.
5.20 À une date inconnue en avril ou mai 1993, vers 6 h 00, les gardes Dragomir Obrenovic (alias Dragan, Obren) et Zoran Matovic ont fait sortir les détenus FWS-71, FWS-76, I.I. et D.C. des picces ou ils se trouvaient et les ont conduit dans les cellules disolement cellulaire du bâtiment de détention. Dans le couloir, ces gardes ont battu les détenus pour les punir davoir volé du pain la veille à la cantine.
5.21 En juin, juillet ou août 1993, après la tentative dévasion du détenu E.Z., qui travaillait à latelier de mécanique du KP Dom, MILORAD KRNOJELAC et ses subordonnés ont infligé un châtiment collectif aux autres détenus. MILORAD KRNOJELAC, de concert avec dautres responsables de la prison, a participé au châtiment en lordonnant. Dès le début de leur emprisonnement, les détenus avaient été prévenus que toute tentative dévasion était passible de mort. En guise de châtiment collectif après lévasion de E.Z., les rations alimentaires de tous les détenus du KP Dom ont été réduites de moitié pendant au moins 10 jours. FWS-73, FWS-110, FWS-144, FWS-210 et environ 10 autres détenus, tous compagnons de travail de lévadé, ainsi que le détenu responsable de sa chambrée, ont été conduits au bâtiment administratif où, en présence de MILORAD KRNOJELAC, ils ont été sauvagement battus par une dizaine de membres du personnel de la prison. FWS-73 a été battu et a reçu des coups de pied surtout au bas-ventre pendant environ 5 minutes. FWS-110 a reçu des coups de pieds si violents quil a perdu connaissance. Comme punition complémentaire, FWS-73, FWS-110, FWS-144, FWS-210 et dautres détenus non identifiés ont été placés en isolement cellulaire pendant des périodes variables, allant jusquà 15 jours.
Tortures et sévices corporels au cours des interrogatoires
5.22 De concert avec les autorités de la prison, des membres de la police locale et de la police militaire interrogeaient les détenus après leur arrivée au KP Dom. De concert avec dautres responsables de la prison, MILORAD KRNOJELAC a établi une procédure suivant laquelle des gardes allaient chercher les détenus dans leur cellule et les conduisaient aux salles dinterrogatoire. Il a également mis à disposition les bureaux où se déroulaient les interrogatoires en journée. Les interrogatoires portaient principalement sur le fait de savoir si le détenu était membre du SDA (Parti daction démocratique), sil possédait des armes ou sil sétait battu contre les forces serbes. Au cours des interrogatoires ou à la suite de ceux-ci, il était fréquent que les gardes ou les policiers battent les détenus, comme il est décrit aux paragraphes 5.23 à 5.25. MILORAD KRNOJELAC a aidé et encouragé la perpétration de ces sévices en autorisant la police locale et la police militaire à approcher les détenus et en encourageant et approuvant laction de ses gardes.
5.23 Le 24 mai 1992, la police militaire a arrêté et emmené au KP Dom FWS-03 et H.D., tous deux membres du SDA, ainsi que leur voisin H.S. Le même jour, 5 ou 6 membres de la police militaire les ont interrogés au KP Dom. Pour les forcer à passer aux aveux, les policiers les ont battus tous les trois pendant linterrogatoire. Les coups étaient si violents que H.S. a perdu connaissance à deux reprises.
5.24 A plusieurs reprises, à des dates inconnues entre avril et août 1992, des gardes non identifiés du KP Dom ont sauvagement battu Hasim Glusac. Ces sévices ajoutés aux conditions de détention déplorables lui ont causé de graves lésions pulmonaires.
5.25 À une date inconnue en mai ou juin 1992, durant un interrogatoire, des gardes du KP Dom ont sauvagement battu Ibrahim Sandal et lont ramené gravement blessé dans sa cellule.
5.26 Davril à juillet 1992, MILORAD KRNOJELAC, de concert avec des dirigeants politiques ou des commandants militaires et dautres responsables de la prison, a préparé des listes de détenus destinés à être battus durant des interrogatoires nocturnes et il a mis en place une routine quotidienne pour ces sévices. La plupart du temps, les détenus étaient choisis parmi les notables de Foca, qui étaient soupçonnés de navoir pas dit la vérité lors des interrogatoires de jour, qui étaient accusés detre en possession darmes ou qui étaient membres du SDA. à cette époque, des listes étaient communiquées aux gardes presque tous les soirs et ceux-ci conduisaient alors les détenus sélectionnés au bâtiment administratif en vue de leur faire subir des interrogatoires et des sévices supplémentaires. Généralement, le commandant des gardes assistait à la sélection des détenus. Il annonçait parfois les noms des détenus désignés sur les listes. Les détenus étaient ensuite conduits au bâtiment administratif, où ils étaient battus par des gardes de la prison ou des soldats non identifiés, que MILORAD KRNOJELAC avait autorisés à pénétrer dans la prison à cette fin. Les gardes et les soldats se livraient à des voies de fait sur les détenus au moyen darmes de toutes sortes : matraques, crosses de fusil, couteaux et outils. Certains détenus retournaient dans leur cellule gravement blessés. Certains ont été choisis à plusieurs reprises pour ces sévices. De nombreux détenus ainsi sélectionnés ne sont jamais revenus de ces séances et sont toujours portés disparus. Ces incidents sont décrits dans de plus amples détails aux paragraphes 5.27 à 5.29 et dans la Liste B ci-jointe.
5.27 En juin ou en juillet 1992, à deux reprises au moins, des gardes du KP Dom ont sauvagement battu Nurko Nisic, ancien fonctionnaire de ladministration municipale et membre du SDA, Zulfo Veiz et Salem Bico, tous deux anciens policiers, ainsi que Krunoslav Marinovic, un journaliste croate, avant de les ramener dans leurs cellules contusionnés, couverts de sang et gravement blessés.
5.28 En juin 1992, les gardes du KP Dom ont torturé et battu le détenu S.M. quils avaient confondu avec un autre détenu dont le nom figurait sur la liste des détenus sélectionnés aux fins dêtres soumis à des interrogatoires et des tortures. Ces gardes ont battu S.M. et lont blessé avec un couteau. Ils ont menacé de lui enlever un il. Durant ces sévices, MILORAD KRNOJELAC est entré, a constaté la méprise et ordonné aux gardes darrêter de battre S.M. La victime a été reconduite dans sa cellule, gravement blessée et couverte de sang.
5.29 Entre mai et juillet 1992, au moins à deux reprises, les gardes du KP Dom et des membres de la police militaire ont torturé et battu les détenus Vahida Dzemal, ancien policier, Enes Uzunovic, membre du SDA, A.S. et E.C. En conséquence de ces tortures et sévices, A.S. a eu trois côtes cassées et Dzemal Vahida a eu la mâchoire cassée et a perdu plusieurs dents. Trois des doigts de E.C. ont été fracturés et il avait le corps contusionné. Après ces sévices, les victimes ont été placées en isolement cellulaire pendant plusieurs jours, puis ramenées dans leurs cellules gravement blessées. Enes Uzunovic et Dzemal Vahida ont ensuite été tués, comme exposé au paragraphe 5.32 ; A.S. et E.C. sont portés disparus.
5.30 Du fait de sa participation aux actes ou omissions décrits aux paragraphes 5.17 à 5.29, laccusé MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 2 :
un CRIME CONTRE LHUMANITÉ, sanctionné par larticle 5 f) du Statut du Tribunal (torture) ;
Chef daccusation 3 :
une INFRACTION GRAVE, sanctionnée par larticle 2 b) du Statut du Tribunal (torture) ;
Chef daccusation 4 :
une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par larticle 3 du Statut et reconnue par larticle 3 1) a) des Conventions de Genève (torture).
5.31 Du fait de sa participation aux actes ou omissions exposés aux paragraphes 5.4 à 5.29, laccusé MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 5 :
un crime contre LHUMANITÉ, sanctionné par larticle 5 i) du Statut du Tribunal (actes inhumains) ;
Chef daccusation 6 :
une infraction grave sanctionnée par larticle 2 c) du Statut du Tribunal (le fait de causer intentionnellement des atteintes graves à lintégrité physique ou à la santé) ;
Chef daccusation 7 :
une violation des lois ou coutumes de la guerre, sanctionnée par larticle 3 du Statut du Tribunal et reconnue par larticle 3 1) a) des Conventions de Genève (traitements cruels).
CHEFS 8 À 10
(Homicides intentionnels et assassinats)
5.32 Entre juin et août 1992, MILORAD KRNOJELAC et les gardes du KP Dom placés sous son autorité ont augmenté le nombre dinterrogatoires et de sévices. Au cours de cette période, les gardes sélectionnaient des groupes de détenus en fonction de listes établies par les autorités de la prison et les emmenaient, un par un, dans une salle du bâtiment administratif. Là, il arrivait fréquemment que les gardes et des soldats, y compris des membres de la police militaire, enchaînent le détenu, bras et jambes écartés, avant de le battre. Les gardes et les soldats, y compris des membres de la police militaire, donnaient des coups de pied et de poing à chaque détenu et le frappaient avec des matraques en caoutchouc et des manches de hache. Durant ces sévices, ils demandaient aux détenus où ceux-ci avaient caché leurs armes, ou encore ce quils savaient au sujet de tiers. Après certaines des séances de sévices, les gardes jetaient les détenus sur des couvertures, les enveloppaient dedans et les traînaient hors du bâtiment administratif. MILORAD KRNOJELAC a participé à ces séances de sévices et à ces meurtres en ordonnant et en supervisant les actions de ses gardes et en permettant à des personnels militaires daccéder aux détenus à cette fin.
5.33 Un nombre inconnu de détenus torturés et battus sont morts au cours de ces séances. Certains de ceux qui ont survécu à ces sévices ont été tués par balle ou sont morts des suites de leurs blessures dans les cellules où ils étaient confinés. Les sévices et les tortures ont causé le décès des détenus énumérés dans la Liste C ci-jointe, ainsi que celui dun nombre inconnu dautres détenus non identifiés.
5.34 Du fait de sa participation aux actes ou omissions exposés aux paragraphes 5.32 et 5.33, laccusé MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 8 :
un crime contre LHUMANITÉ, sanctionné par larticle 5 a) du Statut du Tribunal (assassinat) ;
Chef daccusation 9 :
une infraction grave, sanctionnée par larticle 2 a) du Statut du Tribunal (homicide intentionnel) ;
Chef daccusation 10 :
une violation des lois ou coutumes de la guerre, sanctionnée par larticle 3 du Statut du Tribunal et reconnue par larticle 3 1) a) des Conventions de Genève (meurtre).
CHEFS 11 À 15
(Détention illégale, emprisonnement et
conditions de vie inhumaines au KP Dom)
5.35 À compter du 14 avril 1992 ou vers cette date et jusquau 5 octobre 1994, les autorités civiles et militaires serbes ont utilisé le KP Dom pour y détenir des Musulmans et autres non Serbes, principalement des hommes, parmi lesquels se trouvaient des personnes souffrant de handicaps mentaux ou physiques ou de maladies graves. Bien que la ville de Foca ait été complètement occupée vers le 16 ou le 17 avril 1992 et que lensemble de la municipalité de Foca ait été sous la coupe des Serbes à partir de la mi-juillet 1992 au plus tard, le KP Dom a fonctionné comme centre de détention pour des civils musulmans et non serbes de sexe masculin jusquau 5 octobre 1994. Parmi les détenus se trouvaient des intellectuels, des médecins, des journalistes et des membres du SDA. Davril 1992 à août 1993, MILORAD KRNOJELAC a contribué à cette détention illégale par ses actions en qualité de responsable du camp de prisonniers.
5.36 Les conditions de détention au KP Dom étaient atroces. Pendant la période où MILORAD KRNOJELAC était à la tête de la prison, davril 1992 à août 1993, les conditions de vie étaient marquées par les traitements inhumains, le surpeuplement, la sous-alimentation, les travaux forcés et les agressions physiques et psychologiques constantes.
5.37 Durant leur emprisonnement, les détenus étaient enfermés dans leur cellule, sauf lorsquils devaient se mettre en rangs pour aller manger à la cantine ou effectuer les tâches qui leur étaient assignées. Après avril 1992, les cellules étaient surpeuplées et les installations de couchage et dhygiène insuffisantes. Les détenus recevaient des rations de famine et ne disposaient pas de vêtements de rechange. La prison nétait pas chauffée durant lhiver. Les détenus ne recevaient pas de soins médicaux adéquats. Les conditions de détention au KP Dom ont causé des atteintes graves à la santé de nombreux détenus. En raison de labsence de soins médicaux appropriés, Enes Hadzic, un détenu de 40 ans, est mort en avril ou en mai 1992 dun ulcère perforé. Dautres faits sont énumérés dans la Liste D ci-jointe.
5.38 Les détenus pouvaient entendre le bruit des tortures, des coups et des exécutions, comme il est précisé aux paragraphes 5.4 à 5.33 du présent Acte daccusation. De ce fait, les détenus vivaient dans la peur constante dêtre la victime suivante. Lisolement cellulaire était utilisé comme un instrument de terreur et de menace. En raison de létat de peur constant dans lequel vivaient les détenus, certains sont devenus suicidaires, alors que dautres se sont réfugiés dans lindifférence quant à leur sort. La plupart des détenus, sinon tous, souffraient de dépression et souffrent encore des séquelles des atteintes physiques et psychologiques quils ont subis à cause de leur détention au KP Dom. Ces faits sont décrits dans la Liste D ci-jointe.
5.39 Du fait de sa participation aux actes ou omissions exposés aux paragraphes 5.35 à 5.38, laccusé MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 11 :
un crime contre lhumanité, sanctionné par larticle 5 e) du Statut du Tribunal (emprisonnement) ;
Chef daccusation 12 :
une infraction grave, sanctionnée par larticle 2 g) du Statut du Tribunal (détention illégale dun civil).
5.40 Du fait de sa participation aux actes ou omissions exposés aux paragraphes 5.36 à 5.38, laccusé MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 13 :
un crime contre lhumanité, sanctionné par larticle 5 i) du Statut du Tribunal (actes inhumains) ;
Chef daccusation 14 :
une infraction grave, sanctionnée par larticle 2 c) du Statut du Tribunal (le fait de causer intentionnellement de graves souffrances) ;
Chef daccusation 15 :
une violation des lois ou coutumes de la guerre, sanctionnée par larticle 3 du Statut du Tribunal et reconnue par larticle 3 1) a) (traitements cruels) des Conventions de Genève.
CHEFS 16 À 18
(Réduction en esclavage)
5.41 À partir de mai 1992 et jusquen octobre 1994, les détenus ont été contraints à des travaux forcés. MILORAD KRNOJELAC a participé à ces actes criminels de mai 1992 à août 1993. En mai 1992, MILORAD KRNOJELAC a approuvé des décisions forçant certains détenus à travailler. En juillet 1992, MILORAD KRNOJELAC, de concert avec dautres responsables de la prison, a constitué et commencé à superviser un groupe de travailleurs formé denviron 70 détenus ayant des qualifications professionnelles particulières. La plupart ont été retenus prisonniers, de lété 1992 jusquau 5 octobre 1994, principalement pour effectuer des travaux forcés. Dautres détails sur les travaux forcés sous ladministration de MILORAD KRNOJELAC sont décrits aux paragraphes 5.42 à 5.45. Les noms de certains détenus soumis à ces travaux forcés figurent dans la Liste E ci-jointe.
5.42 Pendant toute la période couverte par le présent Acte daccusation, les gardes faisaient quotidiennement lappel du groupe des travailleurs et contraignaient ces derniers à travailler tant à lintérieur quà lextérieur du camp de 7 heures à 15 ou 16 heures au moins. Le travail des détenus nétait ni rémunéré, ni volontaire. Même les détenus malades ou blessés étaient contraints de travailler, sous peine dêtre placés en isolement cellulaire. Au cours de leur travail, ils étaient surveillés soit par les gardes de la prison soit par des soldats serbes.
5.43 À lintérieur de la prison, les détenus devaient travailler aux cuisines, à la fabrique de meubles et à latelier de chaudronnerie et de mécanique. À latelier, le travail des détenus consistait à réparer les véhicules de larmée et les voitures provenant de pillages.
5.44 À lextérieur de la prison, les détenus étaient contraints deffectuer des travaux agricoles à Brioni, une dépendance de la prison, de travailler dans des fabriques et à la mine de Miljevina, ou bien de dégager les gravats des bâtiments endommagés en divers endroits de Foca. Durant lhiver 1992-93, les détenus ont été contraints de réparer la résidence privée de MILORAD KRNOJELAC, dinstaller un bar dans la maison dun de ses fils et de meubler le magasin dun autre de ses fils. Le personnel de la prison ordonnait aux détenus daider les soldats serbes à piller les demeures musulmanes et les mosquées.
5.45 Certains détenus ont dû aller travailler sur les lignes de front pour y creuser des tranchées ou construire des casemates par exemple. à partir de juin 1992 environ et jusquen octobre 1992, le détenu FWS-141 avait pour tâche de conduire au front les soldats et le matériel. Les détenus FWS-109 et G.K. ont été conduits au poste de police de Kalinovik afin de détecter des mines terrestres. Entre septembre 1992 et mars 1993, en au moins 8 occasions différentes, ces détenus ont dû conduire des véhicules à la tête des convois serbes pour détecter des mines terrestres. Pendant au moins 10 jours de lhiver 1992-1993, un groupe de détenus du KP Dom, parmi lesquels se trouvait le témoin FWS-110, a été emmené sur le front à Previla pour couper du bois et le porter jusquaux tranchées. FWS-110 a également dû poser des lignes téléphoniques pour relier les tranchées.
5.46 Du fait de sa participation aux actes ou omissions exposés aux paragraphes 5.41 à 5.45, MILORAD KRNOJELAC a commis :
Chef daccusation 16 :
un crime contre lhumanitÉ, sanctionné par larticle 5 c) du Statut du Tribunal (réduction en esclavage) ;
Chef daccusation 17 :
une infraction grave, sanctionnée par larticle 2 b) du Statut du Tribunal (traitements inhumains) ;
Chef daccusation 18 :
une violation des lois ou coutumes de la guerre, sanctionnée par larticle 3 du Statut du Tribunal et reconnue par la Convention relative à labolition de lesclavage et par le droit international coutumier (esclavage).
Le Procureur du Tribunal
(signé)
Carla Del Ponte
Le 2 mars 2000
La Haye (Pays-Bas)
Liste C
N° | Nom |
1. | Altoka Alija |
2. | Bico Salem |
3. | Cankusic Abdurahman |
4. | Cankusic Refik |
5. | Cedic Enko |
6. | Dzamalija Juso |
7. | Dzelilovic Kemal |
8. | Dzendusic Ramo |
9. | Granov Adil |
10. | Hodzic Nail |
11. | Ivancic Mate |
12. | Kiselica Esad |
13. | Konjo Halim |
14. | Krajcin Adil |
15. | Kuloglija Mustafa |
16. | Mandzo Fuad |
17. | Marinovic Krunoslav |
18. | Mujezinovic Omer |
19. | Nisic Nurko |
20. | Ramovic Hamid |
21. | Rikalo Husein |
22. | Rikalo Mithat |
23. | Rikalo Zaim |
24. | Soro Seval |
25. | Tulek Kemal |
26. | Uzunovic Enes |
27. | Vahida Dzemal |
28. | Veiz Munib |
29. | Veiz Zulfo |