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1 (Jeudi 14 juin 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Bozidar Krnojelac, est présent dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Veuillez donner le numéro de l'affaire.
6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Affaire IT-97-25-T,
7 le Procureur contre Milorad Krnojelac.
8 (Questions relatives à la procédure.)
9 M. le Président (interprétation): Avant que nous commencions, je
10 souhaiterais dire quelques mots au sujet des mémoires en clôture. J'ai
11 bien compris que les parties ont exprimé certaines préoccupations à ce
12 sujet au personnel de la Chambre de première instance: elles s'inquiètent
13 de savoir ce que nous attendons dans ces mémoires.
14 Ce que nous ne voulons pas dans ces mémoires en clôture, ce sont des
15 mémoires gigantesques et extrêmement volumineux, qui semblent devenir la
16 norme dans ces procès. C'est justement l'objectif de la directive pratique
17 qui veut réduire la taille des mémoires. Il ne faut pas penser que nous
18 allons uniquement étudier les mémoires en clôture lorsque viendra le
19 moment de rédiger le jugement.
20 Ce que nous voulons avoir dans les mémoires en clôture, ce sont vos
21 arguments avec références au compte rendu d'audience. Nous ne voulons pas
22 avoir d'immenses passages du compte rendu d'audience dans ces mémoires, à
23 moins qu'ils n'aient une importance extrême, lesdits passages. Nous avons
24 tous assisté au procès, ainsi que les juristes de la Chambre; nous n'avons
25 pas besoin d'une description de la nature des débats. Nous ne voulons pas
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1 non plus d'éléments qui figurent dans vos mémoires préalables au procès,
2 en ce qui concerne les points de droit. Si vous voulez ajouter quelque
3 chose, allez-y. Mais ce que nous voulons voir dans ces mémoires, ce sont
4 vos arguments vis-à-vis des chefs d'accusation pour savoir si vous estimez
5 qu'ils doivent être rejetés ou acceptés. Et puis nous voulons également
6 des notes de bas de page ou, entre parenthèses, des références aux
7 témoins, au compte rendu d'audience pertinent, etc.
8 Mais vos mémoires en clôture doivent être relativement courts, à moins que
9 vous n'ayez un nombre très important d'arguments à présenter. Ce que nous
10 voulons, c'est que vous vous concentriez sur vos meilleurs arguments
11 plutôt que ceux que vous présentez afin de pouvoir ensuite éventuellement
12 faire appel sur la base desdits arguments.
13 J'imagine que vous travaillez sur ces mémoires en clôture actuellement,
14 avec beaucoup d'ardeur; et nous aussi, nous travaillons beaucoup de notre
15 côté. Tout le monde travaille à ce stade du procès. Et vous devez bien
16 comprendre que, dans un procès, les conseils de la défense et de
17 l'accusation ont plus à faire que de simplement écrire des mémoires en
18 clôture. Tous ceux qui travaillent dans le cadre d'un procès savent très
19 bien que les heures passées à l'audience ne sont rien par rapport aux
20 autres heures travaillées. Cependant, nous avons des limites en ce qui
21 concerne nos disponibilités. Fort heureusement, nous ne serons pas tous
22 contraints de partir le 16 novembre, mais nous souhaitons pouvoir être
23 prêts à commencer de nouveaux procès en septembre, avec l'arrivée des
24 juges ad litem. Et nous ne pouvons pas vous promettre d'avoir rendu le
25 jugement à ce moment-là. Cependant, nous souhaitons que la plus grande
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1 partie du travail soit réalisée. C'est pourquoi nous insistons pour que
2 vous soyez prêts à présenter vos mémoires en clôture très peu après la
3 présentation des éléments de preuve.
4 Il y a encore une question. Puisque je parle de l'évolution du procès, il
5 y a un petit problème regrettable en ce qui concerne le calendrier pour ce
6 qui est du 2 juillet. Si nous siégeons en l'espèce pendant cette semaine
7 nous ne l'avons pas encore défini, il se trouve que ce jour-là, le 2
8 juillet, il y a une conférence de mise en étant dans un autre procès,
9 conformément au Règlement, et ce jour est le seul jour sur lequel nous
10 sommes parvenus à nous mettre d'accord avec des conseils qui viennent de
11 différentes parties du monde. Donc ce jour-là, nous interromprons ce
12 procès à 10 heures 30 pour reprendre à midi, afin de pouvoir entendre la
13 conférence de mise en état dans l'autre affaire que je viens d'évoquer.
14 Mais il reste encore à voir si nous siégerons en l'espèce pendant la
15 semaine en question et pendant cette journée.
16 Madame Kuo, c'est à vous.
17 (Suite du contre-interrogatoire du témoin, Bozidar Krnojelac, par Mme
18 Kuo.)
19 Mme Kuo (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
20 Bonjour, Monsieur Krnojelac.
21 M. B. Krnojelac (interprétation): Bonjour.
22 Question: Hier, je vous ai demandé si votre père avait réussi à se
23 procurer pour vous une sorte de mécanisme métallique pour vous permettre
24 de prendre de l'exercice. Vous avez répondu que non.
25 Je voudrais savoir si votre père vous a donné un mécanisme métallique non
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1 pas pour que vous preniez de l'exercice mais pour que vous puissiez mieux
2 manœuvrer votre fauteuil roulant. Est-ce que vous vous souvenez que votre
3 père ait fait quoi que ce soit dans ce sens?
4 Réponse: Absolument pas. Mais quel type de mécanisme peut faire avancer
5 mon fauteuil roulant, à part mes bras? Je ne vois pas d'autre mécanisme
6 qui puisse mieux faire la chose que mes bras!
7 Question: Nous n'avons pas besoin que vous répondiez aussi longuement,
8 avec ce genre de commentaire, à mes questions.
9 Je voudrais simplement savoir si votre père vous a apporté une aide
10 quelconque en vous fournissant un mécanisme métallique quelconque suite à
11 votre blessure?
12 Réponse: Non, jamais.
13 Question: Vous habitez désormais à Foca qui a été rebaptisée Srbinje,
14 n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui, effectivement.
16 Question: Quand la ville de Foca a-t-elle rebaptisé Srbinje? Est-ce que
17 vous vous en souvenez?
18 Réponse: Je ne m'en souviens pas. Je suis sûr que ce n'était pas au début,
19 c'était plus tard. Je ne sais pas à quelle date. C'était lors d'une
20 réunion de l'assemblée municipale. Je ne sais vraiment pas. A ce jour, on
21 utilise aussi bien les noms de Foca que de Srbinje; donc ce n'est pas le
22 vrai nom de Foca. On continue à utiliser Srbinje et Foca.
23 Question: Oui, mais sur tous les documents officiels, c'est Srbinje que
24 l'on voit inscrit: c'est le nom officiel de la ville?
25 Réponse: Oui, jusqu'à ce que les autorités mixtes aient commencé à
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1 fonctionner ensemble; mais depuis qu'elles ont recommencé à fonctionner,
2 eh bien, on utilise aussi bien Foca que Srbinje.
3 Question: Et quand est-ce que cette autorité conjointe a commencé à
4 opérer?
5 Réponse: Immédiatement après les élections, après Dayton, en 1996, quelque
6 chose comme ça.
7 Question: Quand Foca a été rebaptisée Srbinje, avant que les autorités
8 conjointes ne recommencent à travailler, il y a eu une célébration
9 officielle à l'occasion du baptême de la ville, si l'on peut dire?
10 Réponse: Je ne sais vraiment pas.
11 Question: Mais vous étiez à Foca pendant cette même période, non?
12 Réponse: Est-ce que j'étais à Foca? Moi, j'étais le plus souvent chez moi,
13 pas à l'extérieur. Et peu m'importait qu'il y ait des fêtes, des
14 célébrations à Foca. Je sais que le 19 mai, on célébrait la Slava de la
15 ville, le 19 ou le 20 mai.
16 Question: Et ce jour-là, on a également célébré le fait que la ville avait
17 pris un nouveau nom?
18 Réponse: Je ne sais pas si cette célébration a eu lieu du fait du
19 changement du nom de la ville, mais la Slava, de toute façon, elle est
20 célébrée quoiqu'il arrive.
21 Mais d'abord, il faut savoir qu'on n'a même pas demandé leur avis aux gens
22 au sujet du changement du nom de la ville. C'est le conseil municipal et
23 l'assemblée qui l'ont fait.
24 Question: Moi, je ne vous pose pas cette question. Moi, je vous pose des
25 questions extrêmement simples et j'attends des réponses simples de votre
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1 part.
2 Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est que la Slava, à
3 l'intention des Juges? De quel type de célébration s'agit-il?
4 Réponse: La Slava? Nous, les Serbes nous fêtons la Slava. Vous, vous avez
5 Noël; nous aussi, on a Noël. Par exemple, dans ma famille, la Slava, le
6 saint de la famille, c'est St Nicolas; donc on fête la St Nicolas. Il y a
7 un certain nombre de saints que l'ont fête: St Jean, St Georges, le jour
8 de la St Georges, le jour de la St Jean, etc. Et ces jours-là, on invite
9 tous nos amis chez nous, quelle que soit leur appartenance ethnique. On
10 invite tout le monde à venir chez nous pour cette fête. C'est une fête,
11 c'est une célébration. Il y a beaucoup à manger, on prépare un gâteau bien
12 particulier, bien spécial. Cela fait partie de notre pratique religieuse
13 également. Ça fait des siècles que ça se passe comme ça et c'est pourquoi
14 on continue ainsi.
15 Question: Mais vous n'avez toujours pas expliqué ce que ça veut dire
16 qu'une Slava. Qu'est-ce que c'est qu'une Slava? Est-ce que c'est une fête
17 officielle? Qu'est-ce que c'est?
18 M. B. Krnojelac (interprétation): Ce n'est pas un jour férié pour tout le
19 monde, c'est une fête pour celui qui fête la Slava ce jour-là, le 19 mai.
20 C'est la ville qui fête sa Slava et ils invitent les amis, les autres gens
21 qui viennent d'autres villes. J'ai vraiment de la peine à vous expliquer
22 ça; moi, je ne suis pas théologien, je ne sais pas exactement comment vous
23 expliquer ça et je ne vois pas comment l'expliquer de manière différente.
24 M. le Président (interprétation): Je me demande s'il ne s'agit pas tout
25 simplement de faire traduire ce mot: dans Slava, il y a "slave", c'est-à-
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1 dire que cela implique les Serbes. Peut-être s'agit-il là de faire de la
2 ville une ville serbe?
3 J'essaie de réfléchir, de trouver les bons termes pour formuler cela, mais
4 peut-être est-il difficile pour nous, dans notre langue, de comprendre de
5 quoi il s'agit. Peut-être faudrait-il demander aux interprètes leur aide
6 par le canal officiel?
7 Explication des interprètes: Il s'agit de la fête du saint patron, mais on
8 utilise toujours le mot "Slava" pour désigner cette fête, avec un S
9 majuscule.
10 M. le Président (interprétation): On nous explique qu'il s'agit de la fête
11 du saint patron.
12 Mme Kuo (interprétation): Monsieur Krnojelac, nous avons maintenant une
13 traduction de ce terme, mais je voudrais que vous nous expliquiez.
14 Quand vous nous avez dit que la ville de Foca avait fêté sa Slava, est-ce
15 que vous voulez dire que la ville elle-même avait un saint patron?
16 M. B. Krnojelac (interprétation): Qu'est-ce que j'en sais? Je ne sais pas.
17 Question: Pendant l'enquête menée au sujet du procès de votre père, un
18 certain M. Dundjer a été engagé comme enquêteur pour l'équipe de la
19 défense. Il a reçu l'aide de la femme de votre cousin, Rada Tesevic
20 Krnojelac.
21 Réponse: Oui.
22 Question: Et alors qu'il préparait la défense de votre père, vous avez
23 également contribué à cet effort en essayant de retrouver des témoins et
24 des documents?
25 Réponse: Pas que moi, toute la famille: mes frères, ma mère, tout le monde
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1 a participé. Pas uniquement moi.
2 Question: Mais vous, vous êtes celui qui avait réussi à obtenir le
3 document de la Croix-Rouge que nous avons examiné hier? Je signale pour le
4 compte rendu d'audience qu'il s'agit de la pièce D138.
5 Réponse: J'ai expliqué dans quelles circonstances je m'étais procuré ce
6 document. Je peux le répéter si vous voulez.
7 Réponse: Inutile de le répéter. Vous nous avez dit que c'est un ami qui
8 vous a aidé à vous procurer ce document. A quel titre cet ami avait-il
9 accès à ce document?
10 Réponse: Quelqu'un de tout à fait ordinaire de Bileca. Je ne sais pas
11 comment il s'est procuré ce document, vraiment je ne sais pas. Je sais
12 simplement qu'un jour, il me l'a amené et que je l'ai immédiatement envoyé
13 aux avocats par fax.
14 Question: Mais ce n'est pas un genre de document que n'importe qui peut se
15 procurer: même M. Dundjer n'avait pas réussi à se le procurer! Et il a
16 fallu passer par votre ami pour trouver ce document?
17 Réponse: Moi, je vous ai expliqué que je me plaignais auprès de cet ami en
18 disant que l'on n'arrivait pas à se procurer ces documents; lui, il avait
19 répondu qu'il allait essayer. Et il a réussi. Comment il a fait? Je n'en
20 sais rien.
21 Question: Quel est le poste occupé par votre ami?
22 Réponse: Je vous dis, c'était quelqu'un de tout à fait normal. Il n'a pas
23 de poste important, c'est un simple employé.
24 Mme Kuo (interprétation): Mais ce que je voudrais savoir -et je pense que
25 cela intéresserait la Chambre-, c'est comment votre ami a trouvé ce
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1 document parce que, si nous ne le savons pas, eh bien, nous pouvons penser
2 que ce document a été inventé, créé de toutes pièces.
3 Comment pouvez-vous nous dire qu'il s'agit d'un vrai document?
4 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président?
5 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, allez-y.
6 M. Bakrac (interprétation): Je pense que le conseil de l'accusation ne
7 s'est pas opposé à ce document sur la base de son authenticité. Donc je ne
8 vois pas maintenant pourquoi on demande à ce témoin de faire des
9 suppositions quant à la possibilité que quelqu'un ait pu créer ce document
10 de toutes pièces. Je ne vois pas pourquoi on autorise cette question.
11 L'authenticité du document en question n'a été remise en question d'aucune
12 manière. Il n'y a pas eu d'objection soulevée et, maintenant, on demande à
13 ce témoin s'il est possible que quelqu'un ait inventé ce document.
14 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas la question qui est posée
15 au témoin. On essayait de lui expliquer pourquoi on posait ces questions.
16 Mais, comme vous le dites, ce serait pertinent si l'on avait contesté
17 l'authenticité du document.
18 Est-ce que vous le contestez, Madame Kuo?
19 Mme Kuo (interprétation): C'est une question d'appréciation et
20 d'importance à accorder à ce document; c'est cela la question qui se pose.
21 Le document est là, tel qu'il est, mais je pense que la façon dont on l'a
22 obtenu est pertinente pour savoir si l'on peut vraiment s'appuyer sur ce
23 document.
24 M. le Président (interprétation): Oui, mais l'importance à accorder à ce
25 document, tel que vous la présentez, c'est de savoir si l'on décide que ce
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1 document est un faux ou un document authentique.
2 Mme Kuo (interprétation): Oui, plus ou moins.
3 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas de plus ou moins. Soit vous
4 reconnaissez que c'est un document authentique et vous contestez son
5 importance: parce que c'est un document qui présente des éléments de
6 preuve de seconde main, ou etc. Mais, pour l'instant, vous n'avez pas
7 contesté le fait que ce soit un document de la Croix-Rouge. Il y a
8 d'ailleurs tellement de documents de ce type à traiter...
9 Mme Kuo (interprétation): Nous n'avons pas contesté l'admissibilité de ce
10 document mais ce qui nous intéresse est de savoir qui se l'est procuré; et
11 cela peut déterminer la fiabilité de ce document.
12 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas la façon dont vous avez
13 expliqué la chose au témoin. L'objection qui vient d'être présentée est
14 sans doute valable.
15 Si vous souhaitez savoir si les informations qui sont contenues dans ce
16 document ont été influencées par la personne qui les a obtenues, à ce
17 moment-là, vous pouvez poser cette question.
18 Mme Kuo (interprétation): En effet.
19 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, je pense que la question
20 est acceptable. On ne demande pas au témoin de faire des suppositions.
21 Et j'espère qu'il va répondre à la question qui lui est posée, parce qu'il
22 a tendance à se lancer dans des réponses extrêmement longues, étant donné
23 qu'il veut expliciter ses réponses.
24 Allez-y, Madame Kuo.
25 Mme Kuo (interprétation): Monsieur le Président, ce qui me gêne, c'est que
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1 le témoin a refusé ou hésite ou ne veut pas vraiment nous expliquer
2 comment ce document est venu entre les mains de son ami. C'est ce que je
3 voudrais savoir.
4 M. le Président (interprétation): En ce qui me concerne, effectivement,
5 j'estime que c'est une question qui est tout à fait acceptable au niveau
6 du contre-interrogatoire.
7 Mme Kuo (interprétation): Merci.
8 Monsieur Krnojelac, vous avez entendu nos débats. Je ne veux pas que vous
9 fassiez de supposition, quelle qu'elle soit.
10 Est-ce que vous pouvez nous dire comment votre ami s'est procuré ce
11 document, par quelles relations? Si vous ne le savez pas, inutile de
12 répondre. Nous n'avons pas besoin d'explication.
13 M. B. Krnojelac (interprétation): Mais il faut que je vous explique la
14 chose. Je sais à quel point il est difficile d'obtenir ce type de
15 document. Mon ami m'a demandé de ne pas dévoiler son nom, donc je n'aurais
16 pas pu obtenir ce document si je n'avais pas promis de taire son nom. Il
17 s'agit là de questions tellement sensibles; il y a des gens qui pourraient
18 perdre leur emploi à cause de cela.
19 Ce document vient de Trebinje. C'est un de ses amis qui le lui a donné. Je
20 ne sais pas s'il travaille à cet endroit ou pas, s'il a des relations au
21 sein de la Croix-Rouge internationale. Je n'en sais rien. Mais vraiment,
22 ils m'ont demandé avec insistance de ne pas donner leurs noms et j'ai
23 promis que je ne dévoilerai pas leur identité.
24 Question: Monsieur Krnojelac, le document que l'on vous a montré hier et
25 qui a trait à "Bota", vous nous dites que vous ne l'aviez jamais vu
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1 précédemment. C'est exact?
2 Réponse: C'est exact.
3 Question: C'est vous qui avez indiqué à M. Dundjer où il pouvait se
4 procurer ce document?
5 Réponse: C'est exact. J'ai envoyé M. Dundjer auprès du commandement, j'ai
6 appelé quelqu'un là-bas qui délivre des certificats relatifs aux
7 blessures; et mon frère est allé avec lui. Je ne sais pas s'ils sont allés
8 voir directement le commandement ou pas, mais je ne sais pas où ils ont
9 obtenu exactement le document.
10 Question: Vous avez contribué à trouver un certain nombre de documents,
11 mais aussi des témoins qui ensuite ont été interrogés au café "Gong"?
12 Réponse: C'est exact.
13 Question: Et d'ailleurs, vous avez même était présent pendant certains de
14 ces entretiens, n'est-ce pas?
15 Réponse: Non. Non, je n'étais pas présent. Je n'étais présent lors
16 d'aucune de ces conversations.
17 Question: Absolument pas?
18 Réponse: Moi, ce que je faisais, c'est que j'appelais quelqu'un,
19 j'appelais les gens; je leur demandais s'ils voulaient parler aux
20 enquêteurs. Ils répondaient oui ou non. Ensuite, je leur demandais d'aller
21 au café "Uno", ou plutôt je me reprends- au café "Gong". Je ne cesse de
22 parler du café Uno, parce que c'est mon café!
23 Donc ils allaient au café Gong où travaillait mon frère Spomenko. S'ils
24 acceptaient de venir, à ce moment-là, il les rencontrait à cet endroit; il
25 les emmenait un peu à l'écart, là où il y a la cheminée. C'est là que Mme
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1 Krnojelac se trouvait ainsi que M. Dundjer, mais moi, je n'étais pas
2 présent pendant les entretiens avec les témoins.
3 Question: Mais vous avez appelé des témoins au téléphone pour leur
4 demander de bien vouloir parler avec l'enquêteur, des témoins dont vous
5 estimiez qu'ils pouvaient être utiles à la défense de votre père?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Monsieur, vous suivez les débats de cette affaire depuis le
8 début, n'est-ce pas?
9 Réponse: Autant que je le peux.
10 Question: Mais il y a une partie des débats qui est diffusée à la
11 télévision, donc vous avez été en mesure de suivre les témoignages de
12 certains témoins, n'est-ce pas?
13 Réponse: Je pense que c'est... Disons, ce qui a été diffusé, c'est
14 uniquement ce qui allait contre mon père. Tous les faits qui étaient en
15 faveur de mon père n'ont pas été diffusés, parce que vous avez une chaîne
16 de télévision avec des émissions sur La Haye, mais ils n'ont parlé que de
17 ce qui allait à son encontre. Personne n'a parlé des faits qui parlaient en
18 sa faveur et je pense qu'il y en a. Je ne sais pas si c'est une
19 manipulation de la télévision, j'en sais rien, mais en tout cas nous,
20 c'est ce qu'on a vu à la télévision à Srbinje. Et on regarde la télévision
21 de Bosnie-Herzégovine.
22 Question: Et en regardant la télévision, vous avez pu entendre ce que
23 disaient les témoins de l'accusation à l'encontre de votre père, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: Oui, j'ai pu effectivement le voir, mais j'ai pu voir uniquement
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1 ce qui était diffusé à la télévision. Et je n'ai même pas d'ailleurs pu
2 tout regarder.
3 Question: Mais en ce qui concerne la présentation des moyens à décharge,
4 vous avez été en contact régulier avec les enquêteurs de l'équipe de la
5 défense et même peut-être avec les avocats. Donc on vous a dit ce que les
6 témoins de la défense avaient été en mesure de dire en faveur de votre
7 père, n'est-ce pas? Vous le savez?
8 Réponse: Tous ceux qui ont accepté de parler ont également fait des
9 déclarations.
10 Question: Et vous connaissez le contenu des déclarations faites par ces
11 personnes?
12 Réponse: Non, je n'ai pas lu les déclarations. Rada Krnojelac le sait
13 -c'est ma belle-sœur-, ainsi que Dundjer.
14 Question: Mais même si vous n'avez pas lu ces déclarations, vous
15 connaissiez leur contenu, leur teneur?
16 Réponse: Comment est-ce que je pourrais le savoir? Ces gens parlaient sans
17 doute de choses qu'ils savaient, de ce qu'ils savaient de ce qui s'était
18 passé.
19 Mme Kuo (interprétation): Vous nous avez dit qu'il vous est arrivé
20 d'appeler des gens pour leur demander de témoigner en faveur de votre
21 père. Donc on peut en conclure uniquement…
22 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, objection!
23 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac?
24 M. Bakrac (interprétation): Le témoin n'a pas dit qu'il avait appelé des
25 gens pour qu'ils témoignent en faveur de son père. Il a simplement dit
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1 qu'il avait appelé des gens pour leur demander s'ils souhaitaient
2 témoigner et s'ils étaient prêts à s'entretenir avec les représentants de
3 l'équipe de la défense.
4 Je voudrais vous rappeler, Monsieur le Président et je ne sais pas
5 d'ailleurs où tout cela nous mène, je voudrais vous rappeler donc la
6 première décision rendue sur la base d'une requête qui avait été donc une
7 décision rendue par Mme la Juge Mumba, qui stipule que la défense peut,
8 dans le cadre de la préparation de sa stratégie, s'entretenir de questions
9 relatives à la famille de l'accusé. Je ne me rappelle pas du libellé exact
10 de la décision parce que je ne m'attendais pas à ce type de questions.
11 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, cette question n'est
12 nullement hors de propos. Il est tout à fait possible pour l'accusation de
13 s'intéresser à la façon dont l'enquête a été réalisée. Il est tout à fait
14 possible pour vous de vous entretenir avec les membres de la famille de
15 l'accusé: nous n'avons nullement dit quoi que ce soit qui aille dans
16 l'autre sens. Mais la question qui est posée est tout à fait acceptable.
17 En ce qui concerne votre objection, je voudrais vous renvoyer à la
18 question posée à la page 12, ligne 13 qui était la suivante:
19 "- Mais en ce qui concerne la présentation des moyens à décharge, vous
20 avez été en contact régulier avec les enquêteurs et même peut-être les
21 avocats de la défense. Et quelqu'un a pu vous dire ou vous a dit ce que
22 les témoins de la défense allaient présenter en faveur de votre père.
23 - Eh bien, tous ceux qui ont accepté de parler ont fait des déclarations".
24 (Fin de citation.)
25 Il n'y a rien de mal à cette question. S'il y a eu un problème
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1 d'interprétation, le témoin pourra rectifier, mais vous ne pouvez pas
2 objecter, vous opposer à cette question, parce qu'on indique que ces gens
3 vont témoigner en faveur du père. Il est un peu irréaliste d'imaginer que
4 ces gens prennent contact avec des personnes susceptibles de témoigner
5 contre lui.
6 Donc je ne vois pas très bien la nature de votre objection et...
7 M. Bakrac (interprétation): Je suis d'accord, Monsieur le Président. Tout
8 ce que vous avez dit est tout à fait exact. Cependant, si le témoin a dit
9 qu'il a appelé les gens et leur a demandé s'ils souhaitaient témoigner, je
10 pense qu'il ne convient pas de lui poser la question de la manière
11 suivante en lui disant: "Vous avez appelé des gens au téléphone pour leur
12 demander de témoigner en faveur de votre père".
13 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, je ne vois absolument pas
14 quel mal il y a à poser ce genre de questions. Vous êtes beaucoup,
15 beaucoup trop sensible à cet égard et j'aimerais bien que vous permettiez
16 la poursuite du contre-interrogatoire sans constantes interruptions parce
17 que parce que je crois que vous vous préoccupez beaucoup de choses qui
18 n'ont finalement pas une grande importance.
19 Poursuivez Madame Kuo.
20 Mme Kuo (interprétation): Monsieur Krnojelac, personne n'a dit que vous
21 aviez des contacts qui n'étaient pas corrects avec les enquêteurs et les
22 avocats. Et vous nous avez dit que vous aviez pris vous-même l'initiative
23 de vous entretenir avec des gens qui seraient susceptibles d'aider votre
24 père. Donc ma question est la suivante: vous savez quel est le genre
25 d'informations que ces derniers pouvaient fournir et des informations qui
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1 auraient pu être en faveur de votre père. Sinon, vous ne les auriez pas
2 appelés?
3 M. B. Krnojelac (interprétation): S'il vous plaît, je ne savais pas du
4 tout qui donnerait quel genre de déclaration. Je les avais appelés et leur
5 avais demandé s'ils voulaient s'entretenir avec Mme Rada et M. Dundjer. Je
6 ne savais donc absolument pas ce que ces gens diraient. Je ne m'attendais
7 absolument à rien de particulier de ces gens. Je voulais simplement qu'ils
8 disent aux avocats ce qu'ils savent, je voulais qu'ils donnent leur
9 déclaration et leurs informations à ces derniers.
10 Question: Oui, je comprends, mais vous n'avez pas appelé tout le monde à
11 Foca pour voir s'ils avaient des informations pertinentes pour cette
12 affaire. Vous avez seulement appelé un certain nombre de gens?
13 Réponse: Eh bien, comment voulez-vous que j'appelle 20.000 personnes,
14 20.000 habitants de Foca? Ces gens ne pouvaient pas tous venir à La Haye!
15 Question: Oui, certainement, c'est ce que je veux dire, mais vous n'avez
16 appelé que certaines personnes pour lesquelles vous saviez qu'elles
17 détenaient une certaine information?
18 Réponse: Non, je ne parle pas d'informations. C'est des vérités, des
19 vérités que les gens ressentent.
20 Question: Mais vous n'avez pas appelé les gens qui avaient quelque chose à
21 dire contre votre père, n'est-ce pas, parce que vous vouliez aider votre
22 père. Vous n'avez pas appelé des gens pour savoir ce que votre père a fait
23 et qui figure en fait dans l'Acte d'accusation, n'est-ce pas? Ce n'était
24 pas votre but d'appeler des gens qui avaient quelque chose à dire contre
25 votre père?
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1 Réponse: Voyez, nous pouvons faire une enquête à Foca. J'affirme, je vous
2 garantis qu'à 99%, les gens diraient des choses très positives à l'égard
3 de mon père. Il est tout à fait normal que chaque personne peut avoir des
4 ennemis, mais les ennemis de mon père ne représentent qu'un 1% peut-être
5 de la population.
6 Question: Oui, très bien. Ce n'est pas le but de ma question. Mais vous
7 avez néanmoins appelé des personnes et vous leur avez demandé de parler
8 aux enquêteurs de la défense parce que vous croyiez qu'ils avaient quelque
9 chose à dire en faveur de votre père.
10 N'essayez pas de compliquer les choses, Monsieur. Répondez simplement à ma
11 question.
12 Réponse: Je n'essaie pas de compliquer les choses. Il est tout à fait
13 normal que j'avais fait des appels téléphoniques.
14 Question: Et c'est tout à fait normal, car vous aimez beaucoup votre père,
15 n'est-ce pas?
16 Réponse: Le plus au monde.
17 Question: Et vous feriez tout ce que vous pouvez pour qu'il soit acquitté
18 et qu'il retourne à la maison, n'est-ce pas?
19 Réponse: Il devrait être acquitté. Et il est vrai que je ferai tout pour
20 que l'on arrive à la vérité, rien d'autre que la vérité.
21 Question: Vous aimeriez voir votre père à la maison, n'est-ce pas?
22 Réponse: Eh bien, tout à fait. C'est sa place, c'est là qu'il devrait
23 être.
24 Mme Kuo (interprétation): Je n'ai plus de questions supplémentaires.
25 M. le Président (interprétation): Questions supplémentaires, Maître
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1 Bakrac?
2 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Bozidar Krnojelac,
3 par Me Bakrac.)
4 M. Bakrac (interprétation): Merci, Monsieur le Président, je serai très
5 bref. Mais je vais attendre quelques instants avant de commencer mes
6 questions.
7 (Le témoin est en pleurs.)
8 M. Bakrac (interprétation): (Sans traduction)
9 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas d'interprétation.
10 M. Bakrac (interprétation): J'ai le serbo-croate.
11 (Problème technique.)
12 Savez-vous si votre feu oncle Sreta a donné quelque chose?
13 M. B. Krnojelac (interprétation): Oui, je me souviens très bien: il avait
14 une chemise vert olive qu'il lui avait donnée. Je sais également qu'il
15 avait une paire de pantalons et des chaussures. Et je sais très bien: il y
16 avait également une veste qu'il m'avait donnée, car je devais me marier
17 avec ma copine, ma fiancée. C'était vers la fin du mois de juin.
18 Question: Si je vous ai bien compris, donc cela voulait dire qu'il vous
19 fallait mettre cette veste que votre père avait reçue et vous vouliez
20 mettre la veste pour votre mariage?
21 Réponse: Oui, c'est exact.
22 Question: En réponse à une question de mon éminente collègue, lors de
23 votre témoignage d'hier, vous avez dit...
24 En fait, je vais d'abord vous poser une question: lorsque vous avez été
25 transféré à Belgrade en date du 23, est-ce que vous avez été opéré
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1 immédiatement?
2 Réponse: Oui, j'ai déjà répondu. J'ai été transféré par hélicoptère à
3 l'hôpital militaire, le VMA. On a opéré ma jambe, car ma jambe souffrait
4 d'une gangrène; on a dû m'opérer immédiatement. Il s'agissait de ma jambe
5 gauche.
6 Question: Est-ce que vous pouviez voir qui étaient les autres personnes
7 qui séjournaient à l'hôpital?
8 Réponse: Non, j'étais aux soins intensifs, comme je l'ai déjà dit.
9 Question: Mon éminente collègue vous a posé une question concernant votre
10 arrivée à Belgrade en date du 23 juin. Est-ce que Bota était déjà là? Vous
11 aviez répondu que non.
12 Juste un instant, s'il vous plaît, je n'ai pas terminé ma question. Est-ce
13 que cela veut dire que vous ne savez pas si Bota s'y trouvait déjà ou est-
14 ce que vous affirmez qu'il ne se trouvait pas à Belgrade?
15 Réponse: Je ne sais vraiment pas s'il y était ou non, car j'ai passé
16 quinze jours dans les soins intensifs et je n'ai pas pu quitter cette
17 pièce; donc je ne peux pas savoir si Bota se trouvait à l'hôpital ou non.
18 Question: Hier, en réponse à une question de mon éminente collègue, vous
19 avez dit que vous ne savez pas, vous ne connaissez pas la date exacte à
20 laquelle il a été blessé. Je vous pose maintenant la question suivante:
21 savez-vous, étant donné que vous ne saviez pas la date exacte à laquelle
22 il avait blessé, est-ce que vous savez s'il avait été blessé avant vous ou
23 après vous, après votre blessure?
24 Réponse: Il avait été blessé sûrement avant que je le sois, je crois que
25 c'étaient deux à trois jours avant que je sois blessé. Je sais qu'il a été
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1 blessé, j'ai dit que je savais qu'il avait été blessé, je ne sais pas la
2 date exacte bien que je me souvienne avoir vu la date hier, lorsque j'ai
3 vu le certificat que l'avocat de l'accusation m'a montré. Mais je ne peux
4 pas vous dire la date exacte.
5 Question: Oui, très bien. Vous avez dit que vous ne connaissez pas la date
6 exacte, mais je veux savoir s'il avait été blessé avant vous ou après? Ou
7 aurait-il été blessé le jour où vous avez été blessé?
8 Réponse: Moi, j'ai été blessé en date du 22 juin et il avait été blessé
9 avant moi.
10 Question: Dites-moi, est-ce que vous savez à quel endroit il a été blessé?
11 Je veux dire non pas la blessure sur son corps mais où était-ce? Où est-ce
12 que cela a eu lieu?
13 Réponse: Eh bien, c'était de l'autre côté de Tjentiste, Gacko, Trebinje…
14 Donc, à partir de Foca jusqu'à Trebinje, il y avait plusieurs embuscades.
15 Il y avait plusieurs personnes qui avaient également trouvé la mort lors
16 de ces embuscades. Il y avait un triangle: on appelait cet endroit un
17 triangle; c'est un chemin qui tourne vers le village de Vrbica. De cet
18 endroit-là jusqu'à Tjentiste, il y a environ 20 à 25 kilomètres. C'est là
19 qu'il a été blessé, car il y avait une embuscade qui avait été tendue à
20 cet endroit.
21 Question: Et ce triangle se trouve près de quel endroit? Est-ce que vous
22 le savez?
23 Réponse: Je sais que c'est comme une fourche que tourne vers Vrbica, et
24 donc le chemin fait un virage et je crois qu'il y a un village au-dessus,
25 mais je ne me souviens plus du tout du nom de ce village.
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1 Question: Est-ce que c'est le même chemin sur lequel vous avez été blessé
2 vous-même?
3 Réponse: Non, lorsqu'on parle de Tjentiste, on va vers Kosur, il y a une
4 fourche et c'est à partir de ce carrefour où j'ai été blessé; donc du
5 carrefour en question jusqu'à l'endroit où j'ai été blessé, il y a peut-
6 être de 20 à 25 kilomètres. Et moi, je m'étais déjà dirigé à une dizaine
7 de kilomètres vers Kosur; c'est une colline qui qu'il y a en face qui a en
8 face d'elle, le village de Kosurac.
9 Question: Si je vous ai bien compris, de l'endroit où Bota a été blessé
10 jusqu'à l'endroit ou vous vous avez été blessé, donc ces deux endroits
11 sont éloignés de 20 à 25 kilomètres; et en plus, il y a encore 10
12 kilomètres?
13 Réponse: Oui, donc il s'agit d'une distance de 30 à 35 kilomètres.
14 Question: Et ce n'est pas la même route?
15 Réponse: Non.
16 Question: En réponse à une question de mon éminente collègue d'hier,
17 s'agissant d'appartements dont les Musulmans se servaient, est-ce que
18 votre frère Spomenko, votre mère et vous-même et votre père, est-ce que
19 vous vous êtes servi de ce genre d'appartement-là?
20 En fait, je ne veux pas que vous nous répétiez le tout, mais je veux
21 savoir: est-ce que vous étiez les seuls qui aviez reçu des appartements
22 temporaires qui avaient appartenu aux Musulmans ou est-ce que d'autres
23 personnes en avaient reçu également?
24 Réponse: Non, à l'époque, il y en avait plusieurs et même jusqu'à ce jour,
25 il y a environ 500 familles qui se servent de ces appartements temporaires
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1 qui appartiennent aux Musulmans. Donc ce n'est pas une décision qui a été
2 rendue, ce n'est pas une décision finale: ces appartements ne sont pas
3 accordés de façon permanente à ces familles. La municipalité a rendu une
4 décision temporaire permettant à ces gens de séjourner dans ces
5 appartements, c'est-à-dire que, dès que les propriétaires des
6 appartements, des maisons reviennent, il faut quitter ces appartements et
7 laisser l'appartement dans l'état dans lequel on l'a trouvé.
8 Question: Vous dites qu'il y a plus de 500 familles ou personnes: est-ce
9 qu'il s'agit de personnes dont les maisons avaient été incendiées, ou de
10 personnes qui avaient quitté leur foyer et qui n'ont plus d'endroit où
11 habiter?
12 Réponse: Il y a plusieurs personnes qui étaient des réfugiés et dont les
13 maisons également avaient été incendiées, et donc des personnes qui
14 avaient fui leur maison.
15 Question: Vous avez dit qu'au sein de l'atelier métallique, vous vous êtes
16 adressé à Relja Goljanin pour qu'il répare des étagères. En quelle année
17 est-ce que c'est arrivé?
18 Réponse: En 1994.
19 Question: De quel mois s'agit-il?
20 Réponse: Il s'agit du mois de mai, probablement. Je crois qu'il s'agissait
21 du mois de mai, car j'avais… Je ne sais pas, c'est peut-être un peu plus
22 tard. Il se peut que ça se soit déroulé un peu plus tard car, vers la fin
23 du mois d'août, j'avais ouvert mon magasin. Donc il se peut que cela ait
24 eu lieu un peu après le mois de mai. Mais il est certain que c'était en
25 1994.
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1 Question: Est-ce que votre père à l'époque se trouvait au KP Dom? Est-ce
2 qu'il avait un poste, détenait un poste quelconque au KP Dom?
3 Réponse: Non, il n'avait pas d'emploi. Il était sans emploi à l'époque.
4 Question: Merci. Monsieur le Président, la défense n'a plus de question
5 pour ce témoin.
6 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur. Merci d'être venu
7 déposer. Vous pouvez maintenant disposer.
8 M. B. Krnojelac (interprétation): Je vous remercie également.
9 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
10 Mme Kuo (interprétation): Monsieur le Président, j'aimerais simplement
11 corriger une erreur que j'ai faite au cours du contre-interrogatoire
12 concernant le document dont on a parlé concernant les blessures de Bota,
13 que j'ai montré au témoin à un moment donné.
14 La Chambre a posé une question, vous avez posé une question concernant ce
15 document. Vous nous avez demandé si le document avait été versé au
16 dossier. J'avais dit que non. En réalité, le document est versé par les
17 conseils de la défense; il s'agit du document D141 et c'est la date à
18 laquelle Bota a été blessé.
19 M. le Président (interprétation): Très bien.
20 Ce document est versé au dossier sous la cote D141.
21 Mme Kuo (interprétation): Oui, c'est exact. Je croyais qu'il n'était pas
22 versé au dossier, mais il l'est.
23 M. le Président (interprétation): Très bien. Mais ce qui me préoccupe,
24 c'est que si l'on omet d'être précis concernant ces documents, nous
25 pourrions peut-être nous retrouver à la fin du procès avec des documents
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1 manquants ou une confusion quant à certains documents.
2 Mme Kuo (interprétation): Oui, je vais essayer d'être un peu plus assidue
3 concernant le tout.
4 M. le Président (interprétation): Très bien, merci.
5 Maintenant, qui est notre prochain témoin, Maître Bakrac?
6 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, notre prochain témoin
7 est Mme Slavica Krnojelac.
8 M. le Président (interprétation): Croyez-vous que l'interrogatoire
9 principal durera très longtemps?
10 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président. Je crois que cela
11 sera assez bref. Je crois que ce n'est pas nécessaire d'être très long,
12 mais il y a quelques questions que je désirerais poser à ce témoin.
13 M. le Président (interprétation): En fait, j'ai eu très peur lorsque j'ai
14 vu l'évaluation que vous m'avez fournie. Croyez-vous que nous allons en
15 terminer aujourd'hui?
16 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, si vous me permettez,
17 je vous demanderai de me dire quel était le temps estimé pour ce témoin.
18 M. le Président (interprétation): Deux heures et demie pour
19 l'interrogatoire principal.
20 M. Bakrac (interprétation): Je crois que nous allons pouvoir abréger et
21 cela ne durera que la moitié du temps estimé.
22 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Bakrac.
23 (Le témoin, Mme Slavica Krnojelac, est introduit dans le prétoire.)
24 M. le Président (interprétation): Madame, veuillez faire la déclaration
25 solennelle et lire le document que l'huissier vous montre.
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1 Mme S. Krnojelac (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai
2 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
3 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, Madame. Merci.
4 Oui, Maître Bakrac?
5 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Slavica Krnojelac, par Me
6 Bakrac.)
7 M. Bakrac (interprétation): Bonjour, Madame.
8 Mme S. Krnojelac: Bonjour.
9 Question: Le rétroprojecteur obstrue ma vue. Serait-il possible de baisser
10 le rétroprojecteur, s'il vous plaît, depuis la régie technique?
11 Madame, chaque fois qu'on interroge un témoin, nous disons toujours les
12 mêmes deux choses. D'abord, on leur souhaite le bonjour et ensuite, on
13 demande au témoin de ménager des pauses entre les questions et les
14 réponses. Je vous demanderai d'attendre que ma question soit d'abord
15 traduite et, par la suite, de ne répondre qu'après.
16 Vous pouvez voir devant vous un écran dont le curseur suit l'inscription
17 du texte; alors je vous demanderais peut-être de suivre la course du
18 curseur pour suivre le compte rendu d'audience. Donc s'il vous plaît,
19 concentrez-vous sur ma question. Je ne vous demanderai de ne répondre que
20 lorsque le curseur s'arrête; donc vous n'êtes pas obligée d'avoir les yeux
21 fixés sur l'écran.
22 Quels sont votre nom et votre prénom?
23 Réponse: Krnojelac Slavica.
24 Question: En quelle date êtes-vous née?
25 Réponse: Je suis née le 11 juillet 1942.
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1 Question: Où êtes-vous née?
2 Réponse: A Ilija.
3 Question: Lorsque vous dites Ilija, qu'est-ce que cela veut dire?
4 Réponse: C'est la municipalité de Sarajevo, l'endroit s'appelle Ilija.
5 Question: De quelle nationalité êtes-vous?
6 Réponse: Je suis croate.
7 Question: Nous avons des questions assez brèves et je vois que les
8 interprètes arrivent à nous suivre. Vous répondez beaucoup trop rapidement
9 à mes questions. Voulez-vous, s'il vous plaît, ménager des pauses?
10 Est-ce que vous êtes mariée avec M. Milorad Krnojelac?
11 Réponse: Oui, déjà 40 ans. Presque.
12 Question: Avez-vous des enfants de ce mariage?
13 Réponse: Oui, j'ai quatre fils.
14 Question: Est-ce que vous avez des petits enfants?
15 Réponse: Oui, j'ai neuf petits-enfants.
16 Question: Est-ce que vous avez un dossier, un casier judiciaire?
17 Réponse: Non, je n'ai pas de casier judiciaire, et c'est la première fois
18 de ma vie que je pénètre dans un prétoire.
19 Question: Madame, quelle est votre profession?
20 Réponse: J'étais enseignante de profession. Par la suite, j'ai commencé à
21 travailler dans une banque; je suis une employée de banque.
22 Question: Depuis quand travaillez-vous en tant qu'employée d'une banque?
23 Réponse: Depuis 1978.
24 Question: Est-ce que c'est une banque qui se trouve à Foca?
25 Réponse: Oui, c'est la Privredna Banka de Foca.
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1 Question: Est-ce que vous y êtes employée à ce jour?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Si je vous ai bien comprise, depuis 1978 à ce jour, vous
4 travaillez dans cette banque, vous n'avez jamais changé de banque ou
5 d'endroit de travail.
6 Avant le début du conflit armée à Foca, est-ce que vous travailliez dans
7 cette même banque?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Il n'est pas contesté que les conflits armés ont débuté le 8
10 avril. Vous souvenez-vous si, le 8 avril, vous vous êtes rendue au
11 travail, ce matin-là?
12 Réponse: Oui, je me suis rendue au travail, mais je suis revenue peu de
13 temps après.
14 Question: Lorsque vous êtes revenue à la maison, qui avez vous trouvé chez
15 vous?
16 Réponse: Lorsque je suis revenue, j'ai trouvé mon mari qui, lui aussi,
17 était revenu de son travail. Mon fils également était là, et il y avait
18 également mes deux autres fils. En fait, non, excusez-moi, je me trompe:
19 je n'y ai trouvé qu'un fils alors que l'autre -en réalité le quatrième
20 fils- était à Sarajevo, car c'est là qu'il étudiait.
21 Question: Quel est le fils qui était à Sarajevo?
22 Réponse: C'était Bogdan.
23 Question: Et dans la maison, vous y avez trouvé les autres fils?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Y avait-il quelqu'un d'autre, outre vos fils, dans votre maison?
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1 Réponse: Eh bien, dans la maison, il y avait le beau-frère de mon fils
2 aîné, car il travaillait dans le café et le café se trouvait au rez-de-
3 chaussée du bâtiment, de la maison.
4 Question: Combien de temps êtes-vous restée dans la maison à partir du
5 moment où vous êtes revenue, le 8?
6 Réponse: Nous avons entendu les premiers tirs le 8, jusqu'à midi. Par la
7 suite, il y avait une accalmie. Ensuite, cela a repris de plus belle dans
8 l'après-midi, alors que, le lendemain et le surlendemain, il y a eu une
9 sorte d'accalmie. Les deux parties avaient essayé d'arriver à un accord de
10 paix. Mais deux à trois jours après, nous avons entendu d'autres coups de
11 feu, les tirs se sont intensifiés. Je crois que c'était vers le 11, je ne
12 me souviens plus très bien. De nouveau, les tirs se sont tellement
13 intensifiés, surtout autour de notre maison car, tout près de notre
14 maison, il y avait une école élémentaire abandonnée.
15 Nous avons vu tout près de notre maison qu'il y a eu un grand
16 rassemblement de Bérets verts. Nous les avons également vus porter des
17 grosses caisses, des boîtes et quelque chose qui avait été enroulé dans
18 des sacs en toile. Nous avions peur qu'il nous soit impossible de rester.
19 Question: Et qu'avez-vous décidé à ce moment-là?
20 Réponse: Eh bien, puisque dans l'après-midi les tirs se sont intensifiés,
21 avant la tombée de la nuit, il y avait un brouillard épais qui s'était
22 installé et il avait commencé à neiger. Comme le beau-frère de mon fils
23 aîné se trouvait là à ce moment-là, il avait une voiture de marque Fiat
24 Fica avec lui. Il nous a emmenés à Cerezluk. Nous avons fait deux voyages
25 pour que tout le monde puisse y aller.
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1 Question: Vous avez dit que vous y êtes allée et vous avez fait deux
2 voyages pour vous rendre là. En fait, de qui parlez-vous?
3 Réponse: En fait, j'ai oublié de dire: dans l'entrefaite, pendant les deux
4 jours d'accalmie, la fiancée du beau-frère du fils est arrivée là; elle
5 est venue en fait chez son fiancé, elle est restée avec nous dans la
6 maison de sorte que, lors du premier voyage, c'est moi et mon mari qui
7 l'avons emmenée, alors que mon fils aîné est venu avec nous. Par la suite,
8 mon fils aîné est revenu avec lui et ils sont allés chercher mon fils
9 cadet ainsi que la fiancée, sa fiancée à lui.
10 Question: Vous avez dit que vous avez fait deux voyages. Vous avez
11 également dit qu'il y avait un épais brouillard et qu'il avait commencé à
12 neiger. Est-ce que vous aviez emmené vos effets personnels, quelques
13 vêtements, quelque chose?
14 Réponse: Non, nous croyions que cela serait seulement pour passer la nuit
15 ailleurs. Nous ne voulions pas passer la nuit dans notre maison, mais nous
16 ne pensions pas que nous quittions vraiment notre demeure.
17 Question: Si je vous ai bien compris, vous avez dit que vous être rendus
18 chez le beau-frère à Cerezluk?
19 Réponse: Les deux beaux-frères partagent la même maison, ils ont une
20 maison commune.
21 Question: Combien de temps êtes-vous restés chez eux dans la maison?
22 Réponse: Eh bien, chez eux, nous sommes restés jusque après le 20. Je ne
23 me souviens pas exactement de la date, je ne me souviens pas. Vous savez
24 comment c'est dans de telles situations: on ne se rappelle que les dates
25 les plus importantes, les dates qui vous lient à quelque chose. C'est de
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1 ces dates-là dont vous arrivez à vous souvenir.
2 Question: Oui, j'ai très bien compris. Mais simplement pour le compte
3 rendu d'audience, j'aimerais m'assurer que l'on ait bien compris: vous
4 avez dit qu'il s'agissait du 20. Est-ce que c'était le mois d'avril?
5 Réponse: Oui, c'était le mois d'avril... Excusez-moi... Non, en fait nous
6 sommes arrivés en avril. C'était au mois de mai, c'était en mai que nous
7 sommes allés là.
8 Question: Où êtes-vous allés au mois de mai?
9 Réponse: Au mois de mai, nous sommes allés dans un centre de
10 rassemblement. Comment voulez-vous que je l'appelle? Vous savez, c'est
11 pour ces gens qui avaient quitté leurs maisons, dont les maisons avait été
12 incendiées, etc. Nous sommes allés dans un hôtel: c'était l'hôtel
13 Zelengora.
14 Question: Justement, j'allais vous poser cette question-là. Je voulais
15 vous demander pourquoi vous aviez séjourné à l'hôtel Zelengora mais, en
16 fait, vous venez de nous donner l'explication. Mais j'aimerais quand même
17 que vous nous expliquiez un peu plus en profondeur.
18 Réponse: Nous sommes allés à l'hôtel Zelengora parce que toutes ces
19 personnes dont les maisons étaient passées au feu, en fait, pour toutes
20 ces personnes qui se trouvaient en ville et qui provenaient des villages
21 environnants, elles se trouvaient sur place, car il y avait également une
22 cuisine mobile qui avait été faite, une cuisine populaire.
23 Comme, chez mon beau-frère, la famille est nombreuse et comme ils avaient
24 plusieurs personnes à la maison, nous avions estimé que c'était peut-être
25 mieux de nous rendre à cet endroit, ce centre de rassemblement, et de
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1 profiter de ce que l'on nous offrait à cet endroit.
2 Question: Vous nous dites que vous ne vouliez pas constituer un fardeau
3 supplémentaire pour eux et vous avez parlé de cette soupe populaire. Je
4 voudrais savoir si vous y êtes allés avant d'emménager à l'hôtel ou bien
5 est-ce que vous alliez à la soupe populaire avant même de vous installer à
6 l'hôtel?
7 Réponse: Non, pas avant de déménager.
8 Question: Mais qui alors?
9 Réponse: Je ne sais pas. Peut-être que certains des enfants y passaient,
10 mais nous, on passait la plupart du temps là-haut, quand on était là-haut.
11 Question: Votre maison a été incendiée. Est-ce que vous vous souvenez dans
12 quelles circonstances, la date, quand vous l'avez appris?
13 Réponse: Je m'en souviens très bien parce que la maison de mon beau-frère
14 est sur une petite colline, donc on peut très bien, depuis leur terrasse,
15 voir notre maison. Donc j'ai vu notre maison en flammes. J'étais là, sur
16 la terrasse, à pleurer. C'était très dur de regarder cela, de regarder
17 brûler quelque chose que l'on avait construit en faisant tellement de
18 sacrifices, aussi bien nous que nos enfants.
19 Je veux simplement dire que mon fils, le plus âgé, lorsqu'il allait
20 obtenir son diplôme de fin d'études secondaires, il n'a même pas participé
21 au voyage de classe parce qu'il ne voulait pas nous occasionner des
22 dépenses supplémentaires. Il aurait eu besoin d'acheter des vêtements
23 neufs pour participer à ce voyage, donc il voulait que l'on consacre
24 l'argent à la maison.
25 Question: Pendant la guerre, est-ce que vous avez continué à travailler à
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1 la banque?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Est-ce qu'il s'agissait là d'une obligation de travail?
4 Réponse: Oui. Oui, on m'a donné des papiers d'affectation relatifs à mon
5 obligation de travail.
6 Question: Quand avez-vous arrêté de travailler à la banque?
7 Réponse: Vous voulez dire après le conflit?
8 Réponse: Oui, après le conflit.
9 Réponse: Eh bien, quand la situation s'est normalisée, au bout de sept,
10 huit jours, quand toutes les opérations ont cessé en ville.
11 Question: Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, me dire combien de
12 temps vous êtes demeurés à l'hôtel Zelengora? Vous avez dit que vous y
13 êtes allés vers le 20 mai. Combien de temps y êtes-vous restés?
14 Réponse: Nous sommes restés à l'hôtel, eh bien, disons jusqu'en août,
15 jusqu'à la mi-août. Je ne me souviens pas exactement, parce qu'il y a eu
16 un grand malheur, un grand malheur qui nous a tous affectés. Le jour de ce
17 malheur, il reste gravé dans ma mémoire et il le restera toute mon
18 existence.
19 Question: Madame, n'abordons pas tous les sujets dans tous les détails.
20 Mais, puisque vous évoquez ce malheur, qui a été victime de l'accident en
21 question? Est-ce que c'est un seul de vos fils?
22 Réponse: Non, le 22 juin, deux de nos fils ont été accidentés et puis
23 également un des fils de mon beau-frère. Donc ce sont mon benjamin et mon
24 aîné qui ont été blessés. Est-ce que je dois vous donner les noms?
25 Question: Oui, allez-y!
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1 Réponse: Spomenko et Bozidar.
2 Question: Où est-ce qu'ils ont été soignés?
3 Réponse: D'abord, ils ont été emmenés à l'hôpital, au centre médical de
4 Foca. Ensuite, le lendemain, ils ont été transférés par hélicoptère à
5 l'hôpital VMA de Belgrade.
6 Question: Est-ce que vous aussi vous êtes allés à Belgrade? Et avec qui?
7 Réponse: Je ne suis pas allée en hélicoptère. Il n'y a que le personnel
8 médical qui est allé en hélicoptère.
9 Question: Je ne parlais pas de l'hélicoptère. Je voudrais simplement
10 savoir si vous êtes allée à Belgrade. Et avec qui et quand?
11 Réponse: On y est allés le 24 au matin, parce que l'on a reçu des
12 informations selon lesquelles l'autre jambe de Bozidar avait été amputée.
13 Donc là, c'était trop! On a voulu aller à ses côtés pour être à ses côtés
14 dans ces moments extrêmement difficiles.
15 Question: Quand vous êtes arrivés à Belgrade, est-ce que votre benjamin
16 était très gravement blessé? Est-ce qu'il était en danger de mort et
17 quelle était la situation de votre aîné?
18 Réponse: A notre arrivée à Belgrade, notre fils, le plus jeune, Bozidar,
19 était dans un état extrêmement grave. Mon aîné avait déjà subi une
20 opération au niveau des tympans, parce que l'explosion avait touché ses
21 tympans, et il avait reçu un grand nombre d'éclats d'obus dans tout le
22 corps.
23 Question: Quand vous nous dites "quand nous sommes arrivés", qui est
24 arrivé à Belgrade?
25 Réponse: Eh bien, nous sommes allés à Belgrade dans deux voitures: notre
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1 fils Dubravko, qui travaille au poste de police, a obtenu une Golf au
2 poste de police pour que l'on puisse aller à Belgrade. Mon mari et moi-
3 même, on est partis avec notre fils Dubravko; c'est lui qui conduisait.
4 Notre fils qui étudiait à Sarajevo était déjà arrivé. Lui aussi, il est
5 venu avec nous.
6 Dans l'autre voiture, c'était une Lada qui appartenait au fils de mon
7 beau-frère. Dans la Lada, il y avait mon beau-frère, ma belle-sœur et leur
8 fils.
9 Question: Combien de temps êtes-vous restés à Belgrade et où?
10 Réponse: A Belgrade, eh bien, quand on est arrivés, on est allés chez la
11 famille Djukovic; on s'est reposés un peu et c'est là qu'a logé mon beau-
12 frère parce qu'ils ont des liens de parenté. Et nous, on est allés chez
13 Leko Kalajdzic.
14 Question: Est-ce que vous vous souvenez du temps que vous avez passé à
15 Belgrade à ce moment-là?
16 Réponse: Disons dix, quinze jours. En tout cas, je sais que, quand on a
17 voulu partir, on a voulu voir le docteur pour entendre ce qu'il avait à
18 nous dire; mais il y avait un jour férié, le 4 juillet, qui est un jour
19 férié en Yougoslavie, donc on a dû rester après ce jour férié.
20 Question: Est-ce que votre mari est resté avec vous?
21 Réponse: Oui. Mon mari est resté parce que notre fils qui travaillait au
22 poste de police a dû restituer le véhicule, donc il a dû aussi retourner
23 travailler. Donc notre fils qui était étudiant est également parti avec
24 lui.
25 Question: Quand vous êtes retournée à Foca, combien de temps y avez-vous
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1 passé? Etes-vous ensuite retournée à Belgrade?
2 Réponse: Oui, je suis restée quelques jours, puis je suis retournée à
3 Belgrade. Mais cette fois-là, j'ai emmené la fiancée de mon fils Bozidar
4 pour qu'elle soit là, elle aussi, pour que ces premiers jours soient moins
5 de difficiles pour lui.
6 Question: Combien de temps êtes-vous restée à Belgrade?
7 Réponse: Eh bien, au moins un mois. Enfin, je ne sais pas. Je ne peux pas
8 vous donner de réponse précise. En tout cas, c'est le plus longtemps que
9 je sois restée d'une traite. Plus tard, chaque fois que c'était possible,
10 j'allais à Belgrade mais sa fiancée, elle, est restée à son chevet
11 pratiquement tout le temps.
12 Question: Vous avez dit que plus tard, chaque fois que cela a été
13 possible, vous êtes allée à Belgrade. Est-ce que votre mari aussi est allé
14 à Belgrade, quand il en avait la possibilité, pour rendre visite à son
15 fils?
16 Réponse: Oui, quand il le pouvait, quand il pouvait s'absenter. Et
17 parfois, on y allait exprès pendant le week-end et, quand il se déplaçait
18 dans le cadre de son travail;, parfois, il s'arrêtait à l'hôpital, même
19 quand moi je n'étais pas là.
20 Question: Vous nous avez dit qu'en août, vous êtes partis de l'hôtel. Ou
21 est-ce que vous êtes allés vous installer?
22 Réponse: Oui, on est partis de l'hôtel, on est allés s'installer dans un
23 appartement abandonné, celui qui appartenait au Dr Ismet Sosevic, un
24 appartement qui nous a été attribué par la municipalité.
25 Question: Est-ce qu'il vous a été attribué sur une base temporaire?
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1 Réponse: Oui, sur une base temporaire. Sur la porte, il y avait une
2 inscription qui stipulait que "l'appartement était attribué à titre
3 temporaire à telle et telle personne", et ensuite il y avait le nom.
4 Question: Est-ce que vous résidez toujours dans cet appartement?
5 Réponse: Non. Non, j'en ai déménagé l'année dernière. On a réussi à faire
6 des travaux dans notre maison et, ensuite, j'ai déménagé. Tout n'a pas
7 encore été réparé, mais on peut habiter dans la maison.
8 Question: Qu'est-ce que vous avez fait de l'appartement d'Ismet Sosevic
9 dans lequel vous habitiez?
10 Réponse: J'ai remis les clefs de l'appartement et cela a été enregistré au
11 bureau des personnes déplacées et des réfugiés.
12 Question: Est-ce que votre fils Spomenko lui aussi a séjourné dans un
13 appartement musulman?
14 Réponse: Oui.
15 Question: Est-ce qu'il l'a utilisé lui aussi de manière temporaire?
16 Réponse: Oui. Il faut savoir que tous les appartements, qu'ils
17 appartiennent à des Musulmans ou à des Serbes, ont été attribués à
18 d'autres personnes, mais uniquement sur une base temporaire.
19 Question: Est-ce que votre fils Spomenko réside toujours dans
20 l'appartement qui lui avait été attribué de manière temporaire?
21 Réponse: Non. Non, il est revenu s'installer avec moi dans la maison, dans
22 notre maison.
23 Question: Votre fils Bogdan et votre fils Dubravko, est-ce qu'eux aussi,
24 ils résident dans des appartements musulmans à titre temporaire?
25 Réponse: Non, Bogdan et Dubravko, ils habitent dans des appartements
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1 abandonnés par des Serbes.
2 Question: Et votre fils Dubravko, est-ce qu'il a déménagé?
3 Réponse: Non. Pendant les quelques jours que je passe ici, normalement, il
4 devrait réemménager dans notre maison.
5 Question: Madame, on vient de parler de votre maison. Je voudrais vous
6 poser la question suivante: puisque votre maison a été incendiée, je
7 voudrais savoir si des travaux ont été réalisés sur votre maison en 1992.
8 Réponse: Oui. En 1992, on a couvert la maison et puis on a dégagé les
9 gravats.
10 Question: Comment se fait-il que votre maison ait été ainsi couverte?
11 Réponse: Je ne sais pas, je crois que cela s'est fait par le biais de la
12 municipalité.
13 Question: Est-ce que vous savez que des personnes de nationalité
14 musulmane, qui étaient détenues au KP Dom, ont travaillé à couvrir les
15 maisons?
16 Réponse: Oui. Je le savais parce que j'étais là quand ils travaillaient.
17 Moi, je leur préparais à déjeuner.
18 Question: Est-ce que chaque fois qu'ils ont travaillé sur votre maison,
19 vous leur avez apporté à déjeuner?
20 Réponse: Oui, tous les jours, chaque fois qu'ils ont travaillé. Je leur
21 apportais uniquement à manger, rien d'autre. C'est moi-même qui faisais
22 ça, de mon propre chef.
23 Question: Est-ce que vous savez si on leur donnait du jus de fruit, des
24 boissons, des cigarettes?
25 Réponse: Oui, il y avait des récipients en plastique pour préparer le café
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1 et je leur faisais le café parce qu'en Bosnie, le café est quelque chose
2 de bien particulier.
3 Question: Est-ce que vous savez à qui s'est adressé votre mari pour faire
4 recouvrir votre maison, ce qu'il a demandé?
5 Réponse: Je crois qu'il s'est adressé à la municipalité parce qu'il faut
6 s'adresser à la municipalité. Je pense qu'il m'a dit qu'il leur a demandé
7 qu'on lui donne une toile de tente, ou quelque chose comme ça, pour
8 couvrir les murs. Mais je ne sais pas ce qui s'est effectivement passé,
9 qui a décidé de faire remettre un toit. Cela, je n'en sais rien. C'est la
10 municipalité.
11 Question: Merci, Madame. Vous êtes mariée avec M. Milorad Krnojelac. Est-
12 ce que vous savez ce que faisait M. Milorad Krnojelac en 1992, quand il
13 était employé?
14 Réponse: Oui, je le sais. Il était employé au KP Dom, à l'unité économique
15 Drina. Lorsqu'il a reçu des ordres pour s'y rendre, il m'a montré ces
16 ordres. Je n'ai pas lu, j'ai dû mal à voir sans mes lunettes, mais c'était
17 très concis comme document: il n'y avait que trois ou quatre lignes. Il
18 m'a dit qu'il été censé se rendre là pour s'occuper des bâtiments, pour
19 faire réparer les dégâts, pour refaire fonctionner la fabrique de meubles,
20 essayer de conserver cette unité économique.
21 Question: Ultérieurement, vous habitiez ensemble, bien entendu. Est-ce
22 qu'il vous est arrivé de parler de son travail? Si c'est le cas, à quelle
23 fréquence?
24 Réponse: Généralement, on ne parle pas de ce que l'on fait au travail. On
25 ne parle pas tellement de ce que l'on fait au travail, mais je lui ai dit:
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1 "Mais la rumeur veut qu'il y ait des détenus qui soient détenus là, il y a
2 des Musulmans détenus à cet endroit!" Et il m'a dit: "Ne t'inquiète pas!
3 Moi, je n'ai rien à faire avec cela. Eux, ils dépendent des militaires."
4 Question: Est-ce que votre mari a été souvent absent? Est-ce qu'il se
5 déplaçait souvent? Est-ce que vous vous en souvenez?
6 Réponse: Oui, il se déplaçait en Serbie, au Monténégro également.
7 Généralement, il emmenait des marchandises et faisait du troc parce qu'il
8 n'y avait pas de système de paiement en place; donc il faisait du troc.
9 Question: Vous nous dites que vous habitez avec votre mari depuis très,
10 très longtemps. Est-ce qu'il a eu des activités politiques?
11 Réponse: Non, il n'a jamais eu d'activités politiques.
12 Question: Nous parlons de votre mari, donc vous sauriez s'il était membre
13 du Parti démocratique serbe?
14 Réponse: Non, jamais. Le seul parti auquel il ait jamais appartenu,
15 c'était la Ligue des communistes de Yougoslavie.
16 Question: Est-ce que votre mari avait des penchants nationalistes? Est-ce
17 qu'il était nationaliste?
18 Réponse: C'est un petit peu ridicule! Un homme qui est marié avec une
19 épouse qui n'appartient pas à son groupe ethnique, imaginez qu'un tel
20 homme ait des penchants nationalistes! Comment serait-ce possible?
21 Question: Est-ce que vous-même et votre mari, vous avez élevé vos enfants
22 dans un esprit nationaliste?
23 Réponse: Non. Non, on ne les a pas élevés de cette manière. J'ai déjà dit
24 que je suis enseignante de profession, j'ai suivi l'école de formation des
25 maîtres et, lui aussi, il est professeur, il est enseignant. Et un
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1 enseignant ne peut pas être nationaliste parce que, si un enseignant est
2 nationaliste, eh bien, il a manqué sa vocation. Nous, on a élevé nos
3 enfants dans cet esprit.
4 Donc nos enfants avaient des amis qui appartenaient à toutes les
5 communautés ethniques qu'ils fréquentaient. Mon fils Dubravko a été le
6 témoin au mariage d'un ami musulman.
7 Question: Vous avez épousé un Serbe. Est-ce que vous fêtiez les fêtes
8 catholiques chez vous?
9 Réponse: Oui. Comment vous dire? On avait deux Noëls et deux Pâques. Et
10 nous célébrions également le jour de l'an et les anniversaires de nos
11 enfants.
12 Question: Vous nous dites que vous êtes mariée depuis très longtemps à M.
13 Krnojelac. Est-ce qu'il s'agit d'un mariage harmonieux?
14 Réponse: Oui. Oui, un mariage très harmonieux; on faisait l'envie de tout
15 le monde en ville.
16 Question: Quel est le genre de rapport que vous aviez avec la famille,
17 votre famille à vous, avec celle de votre mari?
18 Réponse: C'étaient vraiment de très bonnes relations amicales. C'est comme
19 si l'on était une vraie famille unie, une seule famille et en tout temps.
20 Question: Est-ce que ces rapports harmonieux dont vous faites état -vous
21 dites que tout le monde vous enviait, vous avez également dit que votre
22 famille et celle de laquelle vous provenez étaient ainsi-, est-ce que
23 votre famille respectait également ces rapports harmonieux? Est-ce que ces
24 rapports harmonieux s'étaient changés peu de temps avant la guerre,
25 pendant la guerre, ou maintenant après la guerre, depuis que M. Krnojelac
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1 est en détention?
2 Réponse: Non, les rapports n'ont pas changé. Ces liens forts, très forts
3 qui existent dans notre famille et cette harmonie qui nous lie également
4 sont restés.
5 Question: Vous n'avez pas changé d'avis concernant votre époux? Vous avez
6 toujours la même opinion de lui? Vous pensez de lui la même chose
7 maintenant, après tout ce qui s'est passé, après toutes les années que
8 vous avez eues ensemble, après tous les événements? Est-ce que vous avez
9 changé d'opinion sur lui?
10 Réponse: Non, je n'ai jamais changé la façon... Je n'ai jamais changé
11 d'opinion le concernant. Je le connais très bien, cela fait un grand
12 nombre d'années que je le connais. Je crois qu'il est resté le même, il
13 est le même que la personne que j'ai rencontrée. Je crois qu'il est tout à
14 fait incapable d'avoirs commis les crimes pour lesquels on l'accuse.
15 M. Bakrac (interprétation): Merci. Monsieur le Président, je n'ai plus de
16 questions pour ce témoin. Je crois que j'ai été beaucoup plus bref que je
17 l'avais promis même avant l'interrogatoire principal précisément, et
18 surtout après ce que je vous ai déjà dit.
19 M. le Président (interprétation): Oui, votre évaluation orale de ce matin
20 était très bonne.
21 Nous allons reprendre nos travaux à 11 heures 30. Nous allons poursuivre
22 avec le contre-interrogatoire.
23 (L'audience, suspendue à 11 heures 57, est reprise à 11 heures 33.)
24 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Slavica Krnojelac, par Mme Uertz-
25 Retzlaff.)
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1 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff?
2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
3 Bonjour, Madame Krnojelac.
4 Mme S. Krnojelac (interprétation): Bonjour.
5 Question: Madame Krnojelac, vous n'avez plus besoin de regarder l'écran,
6 car vous et moi ne parlons pas la même langue. Donc le problème ne se pose
7 pas.
8 Madame Krnojelac, vous nous avez dit que vous-même et votre famille êtes
9 restées quelques jours dans votre maison, juste après le début de la
10 guerre. Vous avez dit également que votre fils, Bogdan, était à Sarajevo.
11 Quand est-il revenu à Foca?
12 Réponse: Il est revenu à Foca après le 24 avril à peu près.
13 Question: A-t-il été mobilisé et versé dans une unité de l'armée ou de la
14 police?
15 Réponse: Vous voulez dire tout de suite?
16 Question: Oui.
17 Réponse: Pas tout de suite.
18 Question: Quand a-t-il été mobilisé?
19 Réponse: Il a été mobilisé au moment de la proclamation de la mobilisation
20 générale.
21 Question: Quand a-t-elle eu lieu, cette proclamation?
22 Réponse: Je vais vous expliquer: chez nous, la mobilisation générale a eu
23 lieu aux alentours du 20; elle a été annoncée par mégaphone. Lui n'était
24 pas là à ce moment-là mais, de temps en temps, ce véhicule qui était
25 équipé du mégaphone passait en ville et appelait tous ceux qui ne
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1 s'étaient encore pas fait connaître à le faire. Donc lui, quand il est
2 rentré, est allé se présenter pour être mobilisé.
3 Question: Vous avez parlé de la date du 20. Etait-ce le 20 avril 1992?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Quand est-il effectivement devenu soldat? Je parle de Bogdan.
6 Vous vous rappelez? Je ne vous demande pas la date exacte, mais peut-être
7 le mois.
8 Réponse: Eh bien, je ne sais pas si c'était la fin du mois d'avril ou le
9 début du mois de mai. Je ne saurais pas vous le dire, mais c'était en tout
10 cas en 1992.
11 Question: Savez-vous dans quelle unité il a été versé?
12 Réponse: Il était à l'arrière, dans les entrepôts.
13 Question: En qualité de soldat ou de réserviste de la police? Le savez-
14 vous?
15 Réponse: Pas en tant que réserviste de la police, mais en tant que soldat.
16 Question: Vous avez dit... Non, je me reprends. Lorsque la guerre a
17 commencé, le 8 avril, vous-même et vos voisins serbes aviez peur, n'est-ce
18 pas, parce que vous étiez situés entre le café Bor où se trouvaient les
19 positions musulmanes, et les collines avoisinantes où se trouvaient les
20 positions serbes? Donc vous aviez peur, n'est-ce pas?
21 Réponse: Nous avions peur effectivement, parce que l'on racontait qu'ils
22 voulaient scinder Foca en deux parties: une partie musulmane et une partie
23 serbe. La ligne de démarcation aurait dû être notre rue, de sorte que nous
24 nous serions trouvés dans la partie musulmane. Puisque cette maison avait
25 été construite par mon mari avec beaucoup d'efforts et beaucoup de
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1 difficultés, il était très difficile d'y renoncer.
2 Question: Vos voisins, Drakul Matovic et Obrenovic, sont partis dès le
3 début de la guerre, n'est-ce pas, le 8 avril? Ils sont partis tout de
4 suite pour aller dans des villages serbes, n'est-ce pas?
5 Réponse: Ils sont partis avant nous, mais quand ils sont partis
6 exactement, compte tenu des circonstances, je ne le sais vraiment pas.
7 Mais nous, nous sommes restés parce que -je le répète- il était très
8 pénible de quitter la maison. Les enfants qui allaient à l'école primaire
9 à l'époque de la construction de la maison ont effectué des travaux
10 physiques très pénibles; donc il nous était très difficile de quitter
11 cette maison.
12 Question: Vos voisins, Kovac Kovacevic et Grujicic, sont partis avant vous
13 aussi, n'est-ce pas?
14 Réponse: Ils sont partis, ils avaient dit qu'ils resteraient aussi mais, à
15 un certain moment, nous nous sommes rendus compte que nous étions seuls
16 parce que nous n'avons plus vu personne circuler autour de leur maison.
17 Question: Lorsque vous avez constaté l'abandon des autres maisons serbes,
18 vous avez aussi commencé à penser au départ, vous avez commencé à penser à
19 aller à Cerezluk, n'est-ce pas?
20 Réponse: Pas tout de suite, nous n'avons pas pensé à partir tout de suite
21 parce que nous avons continué à penser que tout cela allait se régler
22 d'une façon ou d'une autre, qu'une solution allait être trouvée. C'est
23 pour cela que nous sommes restés plus longtemps que les autres, parce que
24 nous avions confiance dans quelque chose qui, plus tard, s'est avéré une
25 folie; nous avons constaté qu'il était fou d'avoir cet espoir.
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1 Question: Mais c'était tout de même un projet pour vous, le départ?
2 Simplement, c'était une option que vous n'étiez pas prête à accepter entre
3 le 8 et le 11, mais vous y réfléchissiez, n'est-ce pas?
4 Réponse: La possibilité existait mais jusqu'au 11, nous avons continué à
5 réfléchir sans cesse. Le 11, la sentence est tombée quand nous avons vu
6 que les Musulmans se regroupaient à une cinquantaine de mètres à peine à
7 vol d'oiseau de notre maison, dans cette école désaffectée. Donc nous
8 avons commencé à prendre peur.
9 Question: Vous n'avez pas besoin de répéter tous ces détails, Madame, car
10 vous les avez déjà dits.
11 Réponse: Bien.
12 Question: Vous avez parlé de la voiture qui vous a servi à partir. Mais
13 vous-même et votre mari ne possédiez pas de voiture à ce moment-là, n'est-
14 ce pas?
15 Réponse: Il avait une Skoda.
16 Question: Pourquoi n'avez-vous pas utilisé la Skoda pour partir?
17 Réponse: Parce qu'elle était en très mauvais état, elle est donc restée
18 là.
19 Question: L'avez-vous utilisée à quelque moment que ce soit, plus tard,
20 lorsque vous êtes revenus à Foca? Ou bien a-t-elle été détruite ou
21 emportée?
22 Réponse: Nous ne l'avons plus jamais utilisée et je ne me rappelle pas ce
23 qu'elle est devenue. En tout cas, nous ne l'avons plus jamais utilisée.
24 Question: Votre mari a obtenu plus tard une voiture, une Yugo de couleur
25 rouge. Il l'a reçue du KP Dom, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Je ne sais pas. Nous avions... Enfin, mon fils avait une Yugo,
2 Bozidar, le plus jeune.
3 Question: Vous n'avez jamais vu votre mari conduire une Yugo de couleur
4 rouge, plus neuve que celle de votre fils?
5 Réponse: Eh bien, écoutez, pour connaître la différence, j'aurais dû
6 regarder la plaque d'immatriculation. Les Yugo rouges sont arrivées chez
7 nous quand les crédits ont commencé à être dispensés. Donc elles étaient
8 achetées à crédit et c'était une voiture très courante chez nous en ville,
9 justement, des Yugo de couleur rouge. Donc savoir si c'était l'une ou
10 l'autre, je n'aurais pas su le déterminer parce que je ne faisais pas
11 attention à l'immatriculation.
12 Question: Quand vous avez vu votre mari au volant d'une Yugo rouge, il
13 venait à la maison dans cette voiture, n'est-ce pas? Il rentrait à
14 l'appartement, il allait à l'hôtel Zelengora au volant de cette Yugo
15 rouge, n'est-ce pas?
16 Réponse: Eh bien, non, c'était plutôt mon fils qui la conduisait, Bozidar.
17 Question: Quand vous êtes partis à Cerezluk, vous aviez l'intention d'y
18 rester jusqu'à la fin des combats, jusqu'au moment où votre quartier
19 serait redevenu sûr, n'est-ce pas?
20 Réponse: Eh bien, nous pensions que cela allait se terminer rapidement et
21 que nous rentrerions chez nous.
22 Question: Oui, mais vous saviez que cela pourrait durer quelques jours,
23 n'est-ce pas?
24 Réponse: Eh bien, vous savez, la première fois que des coups de feu ont
25 été tirés, cela a duré un jour et puis, il n'y en a plus eu pendant deux
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1 jours. Donc nous avons pensé que cela serait très court.
2 Question: Mais vous deviez passer la nuit ailleurs que chez vous de toute
3 façon: donc vous avez emporté des vêtements et d'autres objets, n'est-ce
4 pas? C'est tout à fait naturel!
5 Réponse: Non, nous n'avons rien emporté parce que nous sommes partis si
6 vite qu'il ne nous est pas venu à l'esprit d'emporter quoi que ce soit
7 avec nous, à part ce que nous portions sur nous.
8 Question: Vous avez dit avoir vu votre maison en flammes. A quel moment de
9 la journée l'avez-vous vue en flammes?
10 Réponse: Il me semble que c'était dans la matinée sans doute, et la nuit
11 aussi. Elle a brûlé longtemps. J'ai l'impression; c'est peut-être une
12 impression à moi, mais j'ai l'impression qu'elle a brûlé deux jours parce
13 que c'était une grande maison et l'appartement qui avait été construit
14 sous le toit était totalement mansardé, donc les flammes étaient très
15 hautes.
16 Question: Qui vous a dit que votre maison brûlait, si quelqu'un vous l'a
17 dit? Ou bien l'avez-vous vu vous-même tout de suite?
18 Réponse: Eh bien, vous savez, je l'ai vu, j'ai regardé et j'ai pleuré
19 pendant qu'elle brûlait parce que depuis le balcon, on pouvait le voir.
20 J'ai vu aussi d'autres maisons brûler. J'ai vu, juste en dessous de notre
21 maison, des gens qui couraient et je ne voyais pas exactement ce qui se
22 passait, mais j'ai vu que quelque chose était jeté par-dessus le balcon.
23 Et les flammes ont atteint cette maison qui se trouvait à trois maisons de
24 la nôtre.
25 Question: Les maisons de vos voisins serbes à Partizanski Put ont été
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1 incendiées avant la vôtre, la veille en fait. Vous vous rappelez cela?
2 Réponse: Leurs maisons ont été incendiées avant. La nôtre aussi à ce
3 moment-là, mais apparemment, elle n'a pas complètement brûlé. Mais nous
4 n'avions pas le courage d'y aller pour voir ce qui se passait, car le
5 quartier était déjà tenu par les Musulmans. Et c'est plus tard qu'elle a
6 brûlé complètement.
7 Question: Je vous demande un éclaircissement sur un point: vous étiez sur
8 le balcon quand votre maison a commencé à brûler? C'est cela que vous nous
9 dites?
10 Réponse: Enfin, vous savez, moi, je ne sais pas. J'ai vu la maison en
11 flammes quand je suis sortie sur le balcon parce que nous essayions tout
12 le temps de voir, dans l'espoir de voir quelque chose là-bas; c'est donc
13 un peu par hasard que j'ai vu qu'elle brûlait. Et je me suis dit: elle est
14 brûlée.
15 Question: D'accord, mais ce n'est pas quelqu'un qui est venu vous voir
16 pour vous dire: "Viens sur le balcon regarder ta maison qui brûle"? Ce
17 n'est pas cela qui s'est passé?
18 Réponse: Je ne me rappelle pas, croyez-moi. Je sais que je l'ai vu mais
19 maintenant, me rappeler exactement... Ce sont des moments très pénibles
20 et, dans des moments comme ceux-là, à cause de l'émotion, je ne sais pas
21 s'il est possible d'enregistrer.
22 Question: Une fois que votre maison a été incendiée, vous avez reçu des
23 vêtements de vos parents et de certains amis, n'est-ce pas? Des vêtements,
24 des draps et d'autres objets?
25 Réponse: Oui, quand nous étions là-haut, j'ai reçu de certains de nos amis
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1 et de ma belle-soeur des draps, un téléviseur, des vêtements pour mon
2 mari. En fait, des amis nous ont apporté un pantalon et une veste quand
3 nous étions à l'hôtel et les objets de première nécessité, nous les avons
4 donc reçus à Cerezluk.
5 Question: Au moment où vous avez emménagé à l'hôtel Zelengora, vous nous
6 avez déjà dit à quelle date vous avez emménagé-, les combats avaient déjà
7 cessé à Foca, n'est-ce pas? Et les Serbes étaient au pouvoir?
8 Réponse: Oui, les combats avaient cessé.
9 Question: Cette prise de Foca par les autorités serbes, est-ce que vous
10 l'appelleriez une "libération de Foca", personnellement?
11 Réponse: Vous savez, c'est comme ça que tout le monde le dit, c'est dans
12 l'usage. On dit "Foca a été libérée". En fait, eux, ils se sont retirés à
13 Ustikolina.
14 Question: Je vous demandais quel était votre avis personnel sur la
15 question. Vous-même, personnellement, est-ce que vous employez le terme
16 "libération", lorsque vous pensez à cette prise du pouvoir par les Serbes?
17 Est-ce que cette prise du pouvoir est à vos yeux une libération?
18 Réponse: Eh bien, je ne sais pas, je ne sais pas quoi dire. La
19 libération... C'est tout simplement... Maintenant, c'est le fait que ceux
20 qui sont restés là ont créé un gouvernement. Vraiment, je ne sais pas, je
21 n'ai jamais réfléchi à la question, croyez-moi.
22 Question: La "libération de Foca", c'est une expression assez
23 nationaliste, considérée sous l'angle serbe, n'est-ce pas?
24 Réponse: Eh bien, je ne sais pas comment c'est considéré. A ce moment-là,
25 moi, je n'y réfléchissais même pas. La seule chose qui m'importait,
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1 c'était que les coups de feu cessent, que la paix revienne, que l'on
2 puisse dormir en paix même si, y compris par la suite, nous n'avons pas
3 dormi en paix.
4 Question: Vous rappelez-vous à quel moment Foca a été rebaptisée
5 "Srbinje"?
6 Réponse: Croyez-moi, je ne connais pas la date, mais je sais qu'il y a eu
7 des réactions de la part des habitants de Foca. Je sais qu'ils ont réagi à
8 cela en disant: "Mais pourquoi est-ce qu'on change le nom de la ville?" Et
9 moi-même, même si cela faisait plus de quarante ans que j'habitais à Foca,
10 j'utilise très peu le nom de Srbinje; je continue à appeler la ville Foca.
11 Question: Vous avez dit ne pas connaître la date exacte, mais vous
12 rappelez-vous en quelle année cela a eu lieu? En 1993 ou en 1994?
13 Réponse: Croyez-moi, je ne le sais pas. Cela ne m'intéressait pas du tout
14 parce que pour moi, comme je viens de le dire, le nom de la ville est
15 resté Foca.
16 Question: Vous avez parlé des réactions de certains habitants à ce
17 changement de nom de la ville. Mais le changement de nom a été célébré, a
18 été fêté officiellement, n'est-ce pas?
19 Réponse: Croyez-moi, je ne le sais pas. Je sais que la réaction a été très
20 importante, parce qu'il y a eu une espèce d'enquête qui a été réalisée et
21 les habitants, vraiment, ont exprimé leur colère.
22 Question: Mais la majorité des gens qui ont répondu à cette enquête a dû
23 être favorables au nom de Srbinje: sinon, le nom serait resté Foca, n'est-
24 ce pas?
25 Réponse: Je ne crois pas que ce soit le cas, parce qu'il est possible que
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1 certaines des personnes qui dirigeaient étaient majoritairement en faveur
2 du changement de nom. C'est pour cela que le nom a changé. Mais les
3 habitants, moi, mon avis personnel, c'est que les habitants ont continué à
4 se considérer comme des Fociens habitant à Foca.
5 Question: Vous avez dit avoir emménagé dans l'appartement du Dr Sosevic.
6 Cet appartement était complètement meublé, n'est-ce pas? Le Dr Sosevic
7 avait tout laissé derrière lui?
8 Réponse: Cet appartement était meublé, il avait des meubles. Mais tout ce
9 qui pouvait être emporté, c'est-à-dire les draps, nappes et autres
10 textiles, tout avait été emporté. Mais nous ne savons pas par qui ni où.
11 Question: Mais vous n'avez rien payé à M. Sosevic pour le fait que vous
12 aviez repris ses meubles, n'est-ce pas? Vous les avez simplement repris?
13 Réponse: Oui, c'était pour une utilisation temporaire. Tout a été donné.
14 Quand je suis arrivée dans cet appartement, j'ai trouvé chez le Dr Ismet
15 Sosevic toutes sortes de documents: des diplômes, des photographies des
16 enfants et de la famille, des décisions officielles au sujet de
17 l'appartement, du garage, de la maison de campagne. J'ai trouvé son
18 appareil de cardiologie. J'ai tout emballé et mis dans un coin.
19 Quand l'occasion s'est présentée, après la conclusion de l'accord de
20 Dayton, j'ai établi un contact avec lui grâce à certains amis et nous lui
21 avons envoyé tout cela. A ce moment-là, j'ai dit au Dr Sosevic -je lui ai
22 fait dire- que tous les meubles qui l'intéressaient, je les lui rendrais
23 quand il viendrait les chercher. Mais le Dr Sosevic nous a remerciés par
24 l'intermédiaire de cet ami, il nous a remercié pour les documents, les
25 photographies, etc., que je lui avais envoyés.
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1 Question: Madame Krnojelac?
2 Réponse: Oui?
3 Question: Je vous ai posé une question très simple et je souhaite que le
4 contre-interrogatoire soit assez bref. Donc je préférerais que vous vous
5 contentiez de répondre à ma question.
6 Réponse: Eh bien, je vous dis...
7 Question: Vous avez déclaré être retournée dans votre maison qui était
8 encore en construction. Vous avez dit que cela s'est passé l'année
9 dernière. C'était donc en l'an 2000?
10 Réponse: Oui. J'ai la décision qui vient du bureau chargé des personnes
11 réfugiées et déplacées, stipulant que j'avais remis les clefs de
12 l'appartement. Je ne savais pas que vous en auriez besoin, mais si vous en
13 avez besoin je peux vous le montrer.
14 Question: Quand votre mari a été arrêté, est-ce que c'est à ce moment-là
15 que ce comité, ou cette commission, vous a fait savoir que son désir était
16 de vous voir retourner dans votre maison? Est-ce que c'est à ce moment-là
17 que cela a commencé?
18 Réponse: Non, ce n'est pas à ce moment-là que cela a commencé. Mon mari a
19 été arrêté il y a trois ans, et moi, c'est l'année dernière que j'ai
20 réemménagé, quand la commission chargée des réfugiés et des personnes
21 déplacées a commencé à fonctionner. Au début, la commission a trouvé des
22 logements temporaires pour les personnes qui n'avaient pas de logement.
23 Plus tard, lorsque les requêtes ont commencé à être soumises pour
24 récupérer des logements, les réeménagements ont commencé. Et c'est dans
25 ces conditions que je suis rentrée dans ma maison même si elle n'était pas
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1 encore totalement reconstruite.
2 Question: Madame Krnojelac, vous avez dit que vous travailliez, avant et
3 pendant la guerre, à la Jugobanka. Est-ce que vous aviez à traiter des
4 comptes étrangers?
5 Réponse: Je n'avais rien à faire avec les comptes en devises. Je suis une
6 employée de la comptabilité et je n'ai donc aucun rapport direct avec les
7 comptes en dehors de ce qui relève de la comptabilité.
8 Question: Quel était votre travail exactement? Vous vous occupiez des
9 comptes personnels des clients?
10 Réponse: Mon travail était un travail de comptabilité générale. Comme
11 c'était la mobilisation et que les hommes sont partis pour la plupart, les
12 femmes sont restées seules au travail et nous avons été chargées de tout
13 le travail de documentation et de comptabilité.
14 Question: Je vous parlais de la période précédant la guerre: juste avant
15 la guerre, quel était votre travail?
16 Réponse: Ah, je vois, avant la guerre. Excusez-moi! Avant la guerre, je
17 tenais la comptabilité des comptes des habitants, des comptes des
18 habitants, des comptes courants.
19 Question: Avant la guerre, c'était Spaso Cosovic qui était le directeur.
20 C'était un Serbe, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui.
22 Question: A-t-il conservé le même poste pendant la guerre?
23 Réponse: Non, il est parti à Belgrade. Il a quitté son travail.
24 Question: Qui est devenu le nouveau directeur de la banque?
25 Réponse: C'est Slavko Cosovic qui est devenu le nouveau directeur.
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1 Question: Il est serbe lui aussi?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Il était membre du SDS?
4 Réponse: Non. Pensez-vous au nouveau directeur?
5 Question: Oui.
6 Réponse: Non. Non, il était membre du parti de M. Dodik, mais je ne me
7 souviens pas exactement comment il s'appelle.
8 Question: Est-ce qu'il s'agit du Parti radical serbe?
9 Réponse: Non.
10 Question: Je ne le sais pas, moi non plus.
11 Réponse: Eh bien, voyez-vous, je ne m'y connais pas très bien en
12 politique!
13 Question: Monsieur Bogdanovic a également travaillé dans la banque, n'est-
14 ce pas, et il avait été économiste avant la guerre?
15 Réponse: Oui, c'est exact.
16 Question: Et pendant la guerre, il avait servi en tant que garde. Il
17 travaillait plutôt dans l'équipe de nuit, n'est-ce pas?
18 Réponse: Oui, car il y avait peu d'hommes qui n'étaient pas mobilisés. On
19 établissait un service de garde à la banque et c'étaient les hommes qui,
20 pour la plupart, n'étaient pas soit en âge de combattre ou qui avaient des
21 enfants en très bas âge et qui n'avaient pas de femme pour s'en occuper,
22 et des hommes qui étaient un peu plus âgés également, qui pouvaient monter
23 la garde.
24 Question: Quand est-il de M. Medin Tatarevac? C'était l'un de vos
25 collègues musulmans, n'est-ce pas, à la banque?
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1 Réponse: Oui. Il était le directeur du secteur des devises.
2 Question: A quel moment l'avez-vous vu pour la dernière fois à la banque?
3 Quand a-t-il travaillé pour la dernière fois?
4 Réponse: Je ne suis pas sûre de la date, mais je crois qu'il s'agissait du
5 4 avril, je crois. Je crois que je l'ai vu à cette date-là, car cette
6 année-là, le 4 avril, c'était la fête du Bajram et, à la banque, nous
7 avions l'habitude que les collègues paient la traite aux autres collègues,
8 c'est-à-dire que lorsqu'il y avait des fêtes musulmanes, c'est eux qui
9 nous offraient quelque chose et, lorsqu'il y avait des fêtes, pour Noël ou
10 d'autres fêtes, nous leur offrions autre chose.
11 Question: Et après la guerre, il n'est plus jamais revenu à la banque pour
12 travailler, n'est-ce pas?
13 Réponse: Non, je ne l'ai pas revu après le début de la guerre.
14 Question: Car il avait été arrêté, il avait été emmené au KP Dom et, par
15 la suite, il a disparu. Il est porté disparu en fait, n'est-ce pas? Vous
16 le savez: c'était votre collègue!
17 Réponse: Oui, c'était mon collègue, il est vrai, mais je ne sais pas s'il
18 avait été arrêté et si on l'avait emmené quelque part. Je ne le sais pas.
19 Question: Qu'en est-il de M. Aziz Sahinovic? Il avait également été votre
20 collègue, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, et son épouse travaillait avec moi également.
22 Question: Fort bien. En fait, M. Aziz Sahinovic avait un poste assez
23 important au sein de la banque, n'est-ce pas? Il avait été directeur?
24 Réponse: Non, ce n'était pas le directeur. Il avait été chargé des
25 relations et il se déplaçait, il faisait des voyages afin de pouvoir
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1 établir des liens, si vous voulez. En fait, il faisait un peu... Il
2 essayait d'encourager les gens à économiser, il faisait la promotion de
3 notre banque et il essayait d'encourager les gens à épargner chez nous.
4 Question: Est-ce qu'il traitait également des devises, des comptes en
5 devises?
6 Réponse: Lorsque je parle d'épargne, je parle soit d'épargne en monnaie
7 courante, c'est-à-dire en dinars, et également en devises.
8 Question: Depuis quand le connaissez-vous?
9 Réponse: Probablement depuis le moment où j'ai commencé à travailler à la
10 banque ou peut-être non: après car, en fait, il a fait la connaissance de
11 sa femme à la banque; elle avait commencé à travailler après moi. C'est
12 ainsi qu'ils se sont mariés. C'était un mariage en fait qui a découlé du
13 fait qu'ils aient travaillé ensemble, ils se sont rencontrés à la banque.
14 Question: C'était un homme honnête, n'est-ce pas? Ce n'était pas un
15 voleur, un voyou?
16 Réponse: Je ne pourrais pas dire pour personne qu'il est un voleur. Vous
17 savez, c'est une accusation assez grave.
18 Question: Vous le connaissez en tant qu'homme honnête, n'est-ce pas? Nous
19 parlons de votre collègue.
20 Réponse: Pendant que nous travaillions ensemble, je n'ai jamais entendu
21 rien dire de mauvais de lui.
22 Question: Vous n'aviez pas entendu dire, par exemple, qu'il avait volé
23 plus de 30.000 marks allemands? Vous n'aviez jamais entendu des rumeurs de
24 la sorte, n'est-ce pas?
25 Réponse: Croyez-moi que je sais qu'il y a eu des devises qui avaient été
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1 volées, mais il y avait à peu près deux personnes... Des devises avaient
2 disparu; il y avait deux personnes que l'on accusait. Il y avait également
3 une femme qui avait un enfant leucémique. Je sais qu'il avait épargné de
4 l'argent dans la banque; et je sais qu'il y avait des rumeurs concernant
5 cet homme. Mais je ne voulais vraiment pas... Je n'étais pas préoccupée
6 par cela, je n'avais pas le temps d'y réfléchir vraiment, de penser à
7 cela.
8 Question: Mais les deux hommes que vous avez mentionnés et que vous avez
9 mentionnés dans ce contexte, est-ce qu'il s'agit en fait de M. Aziz
10 Sahinovic et de M. Tatarevac?
11 Réponse: Non. Pour Tatarevac, je n'ai jamais rien entendu dire de
12 semblable. Mais il y avait une femme, en fait, qui était directement
13 impliquée avec les comptes en devises. Et je sais qu'elle avait également
14 été chargée de porter l'argent, les devises à Sarajevo, dans la banque. Et
15 elle avait également une caisse de devises chez elle; elle avait un
16 coffre-fort avec des devises chez elle, donc c'est elle qui s'en occupait.
17 Question: Qui prétendait qu'Aziz Sahinovic était responsable de ce vol?
18 Qui prétendait ces choses? Est-ce que vous le savez?
19 Réponse: Je ne le sais vraiment pas. Des fois, pendant les pauses, on
20 disait au bureau qu'il y avait de l'argent de disparu, on parlait de cela.
21 Mais concernant les employés, nous les "petits employés" comme je nous
22 appelle, nous n'avions absolument aucune connaissance de cela. Ce
23 n'étaient que des commentaires que nous pouvions entendre. Je n'ai pas de
24 détails précis.
25 Question: A quel moment est-ce que les rumeurs ont commencé à circuler
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1 dans le bureau? Est-ce que c'était au mois de juin 1992?
2 Réponse: Tout de suite, au début. Peut-être que ce coffre-fort n'avait pas
3 été ouvert immédiatement, ils avaient peut-être omis de le faire, c'était
4 peut-être une erreur, mais quand ils ont finalement fini par ouvrir le
5 coffre-fort, c'est à ce moment-là qu'ils ont vu que les devises
6 manquaient. Il y avait des gens qui étaient responsables, des personnes de
7 l'extérieur, de ce que l'on appelle "expostura", et j'appartenais au
8 bureau chef, vous savez; je travaillais au quatrième étage, alors que ces
9 derniers étaient au rez-de-chaussée. C'est une unité de travail qui nous
10 appartenait, nous l'appelions "l'expostura" Donc nous, du quatrième étage,
11 nous n'avions pas vraiment de liens directs avec eux.
12 Question: Est-ce que vous saviez que M. Aziz Sahinovic avait été torturé
13 au KP Dom ou avait subi de mauvais traitements, concernant justement ces
14 rumeurs? Est-ce que vous savez qu'il a disparu du KP Dom et que l'on
15 estime qu'il n'est plus en vie aujourd'hui? Est-ce que vous savez cela?
16 Réponse: En fait, croyez-moi, je ne sais pas s'il avait fait l'objet de
17 quelque torture que ce soit, mais je sais qu'il avait été au KP Dom, car
18 son épouse était venue nous voir à la banque quelques jours plus tard.
19 Elle avait demandé… En fait, ils avaient également une Yugo qu'ils avaient
20 prise à crédit. Cette Yugo qui était stationnée, c'était une Yugo blanche.
21 Elle avait demandé... Enfin la Yugo blanche était stationnée devant le
22 poste de police et elle avait demandé de quitter avec les enfants. Elle
23 avait dit que son mari s'y trouvait, se trouvait au KP Dom.
24 Question: Quelle a été votre réaction lorsque vous avez entendu dire que
25 votre collègue était au KP Dom?
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1 Réponse: Eh bien, vous savez, personne ne désire entendre dire qu'un
2 collègue est détenu ou enfermé, mais je ne pouvais absolument pas lui
3 venir en aide.
4 Question: Avant la guerre, la banque avait des clients appartenant à
5 toutes sortes de groupes ethniques, n'est-ce pas: des Musulmans, des
6 Serbes, des Croates?
7 Réponse: Oui, pour la plupart, les personnes qui travaillaient à la banque
8 étaient musulmanes et serbes. J'étais la seule Croate à la banque.
9 Question: Et lorsque la banque a ouvert ses portes, au mois de mai 1992,
10 lorsque la banque a rouvert ses portes, ce n'est que les Serbes qui ont pu
11 toucher des salaires, n'est-ce pas?
12 Réponse: Une dizaine de jours peut-être. Il y avait un Musulman qui
13 venait, son nom de famille est Avdagic. J'étais déjà en train de séjourner
14 à l'hôtel lorsqu'il venait se présenter au travail pour travailler, car il
15 habitait dans le bâtiment qui était tout près de l'hôtel. Alors il nous
16 arrivait de revenir du travail ensemble. Moi, je me rendais à l'hôtel et
17 lui, il se rendait chez lui, dans l'appartement.
18 Question: Madame, je vous ai posé un question très simple à laquelle vous
19 n'avez pas répondu. Je vous ai demandé la question suivante: lorsque la
20 banque a rouvert ses portes, en mai 1992, et qu'elle fonctionnait en tant
21 que banque, ce n'est que des clients serbes qui ont pu toucher leur
22 salaire, n'est-ce pas?
23 C'est ce que je voulais dire, je parlais des clients serbes. C'est peut-
24 être là le malentendu?
25 Réponse: Oui, excusez-moi, il y a un léger malentendu. Je pensais que vous
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1 parliez des employés. Oui, excusez-moi, s'il vous plaît.
2 Question: Il n'y a pas de problème.
3 Réponse: Eh bien, à Foca, ils étaient restés, ils travaillaient. Comme je
4 vous dis, je crois que ce collègue, étant donné qu'il avait travaillé, il
5 avait touché une rémunération. Mais pour vous dire franchement, les
6 salaires étaient vraiment très minimes, très petits. En fait, c'étaient
7 des sommes symboliques pour ainsi dire.
8 Question: En été 1992, il n'y avait plus de collègues musulmans à la
9 banque, n'est-ce pas, il n'y avait plus de clients musulmans non plus?
10 Réponse: Non, il est vrai qu'ils ne venaient pas, il n'y en avait pas. Ils
11 ne se présentaient pas à la banque.
12 Question: Nous avons parlé des réparations faites sur votre maison. Vous
13 n'étiez pas présente lorsque votre mari s'est entretenu avec les organes
14 municipaux, n'est-ce pas? Vous n'étiez pas présente?
15 Réponse: Non.
16 Question: Quand est-ce que les détenus musulmans ont travaillé sur votre
17 maison? Vous rappelez-vous quand les travaux ont commencé et à quel moment
18 les travaux se sont terminés?
19 Réponse: Croyez-moi, je ne me souviens pas des dates exactes, mais je
20 crois que c'était vers la fin de l'année 1992, peut-être. Il s'agit peut-
21 être du mois d'octobre ou du mois de novembre, mais approximativement.
22 Question: Vous avez également dit qu'ils ont réparé le toit et qu'ils ont
23 dégagé la maison des gravats; mais les détenus musulmans…?
24 Réponse: Oui?
25 Question: Ils ont également construit une cage d'escalier en métal, en
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1 fer, n'est-ce pas?
2 Réponse: Croyez-moi, pour ce qui est de la cage d'escalier, je ne
3 surveillais pas les travaux. Je sais qu'ils faisaient de la soudure
4 d'escalier. Mais pour vous parler vraiment de la cage d'escalier, de la
5 construction, non, je n'avais pas vraiment porté attention, j'avais
6 d'autres préoccupations.
7 Question: Est-ce que les détenus ont fait du travail de plombier, pour que
8 vous puissiez recevoir de l'eau ou avoir de l'eau courante? Est-ce qu'ils
9 ont fait des travaux de plomberie?
10 Réponse: Je ne me souviens pas car, lorsqu'il nous a fallu retourner dans
11 notre maison, je sais qu'un plombier était venu travailler sur la
12 plomberie.
13 Question: Votre fils, Spomenko, surveillait les détenus pendant qu'ils
14 travaillaient sur votre maison, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui, il était présent.
16 Question: Vous nous avez dit avoir nourri les détenus, vous leur avez fait
17 du café. Ma question est la suivante: c'est tout à fait habituel, c'est
18 une coutume de donner du café aux gens qui soit travaillent sur votre
19 maison soit qui viennent vous rendre visite, n'est-ce pas?
20 Réponse: Oui, c'est exact.
21 Question: Mais vous leur avez également offert de la bière, n'est-ce pas?
22 Réponse: Croyez-moi, je n'ai pas connaissance de ce fait. Moi,
23 personnellement, je n'ai pas offert de la bière à ce moment-là.
24 Question: Lorsque vous avez emmené de la nourriture, leur avez offert de
25 la nourriture au mois d'octobre ou novembre, vous pouviez acheter de la
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1 nourriture, vous pouviez préparer la nourriture, vous pouviez vous
2 procurer des aliments dans les magasins, n'est-ce pas, ou vous pouviez
3 aller au marché pour en acheter?
4 Réponse: Ce n'était pas très facile ce que je préparais, ce que
5 j'apportais; c'était plutôt de la nourriture provenant des villages, car
6 j'avais un beau-frère mais j'avais également une belle-sœur au village:
7 c'est eux qui nous envoyaient tous ces produits laitiers, les œufs, ainsi
8 que des pommes de terre, par exemple; vous savez, tout ce que l'on peut
9 trouver dans des fermes, dans des exploitations agricoles ou dans les
10 villages. Il y avait des légumes.
11 Mais en tant que personnes dont les maisons avaient été incendiées, nous
12 avions une certaine aide qui nous provenait de la Croix-Rouge. Nous avions
13 quelques boîtes de conserve et certains produits pour l'hygiène
14 personnelle. Au début, nous recevions, par l'entremise de l'église
15 orthodoxe, également certaines marchandises. Donc je tentais, du mieux que
16 je pouvais, de faire de la nourriture, de préparer des plats à partir des
17 aliments que j'avais pour les satisfaire, pour qu'ils soient nourris.
18 Question: Vous rappelez-vous si les employés de l'atelier de ferronnerie
19 avaient construit une machine pour que votre fils puisse faire de
20 l'exercice?
21 Réponse: Non, je ne me souviens pas puisqu'il n'y avait aucune machine, il
22 n'y avait pas d'engin qui lui permettait de faire de l'exercice. Même à ce
23 jour, il est resté tel qu'il était.
24 Question: Est-ce que vous vous êtes servis des camions du KP Dom ou est-ce
25 que vous savez si les chauffeurs, qui conduisaient les camions, vous ont
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1 aidé à dégager votre maison des gravats?
2 Réponse: Vous savez, je ne le sais vraiment pas, je ne peux pas vous dire
3 ce qu'il en était: je ne venais à la maison que pour apporter de la
4 nourriture. J'attendais qu'ils terminent de manger tout ce que j'avais pu
5 apporter et je revenais, je ne restais pas sur place. Donc je ne peux pas
6 vraiment vous donner de réponse à vos questions.
7 Question: Maintenant, puisqu'on parle des détenus qui avaient travaillé
8 sur la maison et que les chauffeurs ont aidés, vous ne payiez pas ces
9 derniers, n'est-ce pas, pour le travail qu'ils effectuaient sur votre
10 maison?
11 Réponse: Non, je ne le sais pas. Lorsque nous construisions, par exemple,
12 la porte d'entrée de la maison, lorsque nous avions fait cette porte, il
13 fallait payer. Je sais que cette porte, on l'avait commandée, on a fait
14 une commande et nous avions payé pour cette porte, si je me souviens bien.
15 Il y a eu également certaines choses que nous avions payées. Je crois
16 qu'il y avait un lit que nous avions payé, et ainsi de suite.
17 Question: Vous avez dit que vous aviez de la famille à l'extérieur de
18 Foca, et ces derniers faisaient de la culture d'œufs; en fait, ils
19 cultivaient certains produits, certains aliments qui servaient à la
20 nourriture. Est-ce que c'était votre famille à vous, ou celle de votre
21 mari?
22 Réponse: C'était la famille de mon mari, de Krnojelac. Toute ma famille à
23 moi était à Sarajevo.
24 Question: Où se trouvait la famille de M. Krnojelac, outre Cerezluk, que
25 nous connaissons? A quel endroit dans le pays habitait-elle?
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1 Réponse: Dans le village de Birotici. Et la sœur, sa sœur à lui, était à
2 Zavajit.
3 Question: A quel endroit est-ce que la sœur vivait à Zavajit?
4 Réponse: Le village s'appelle Kadino Brdo. C'était un hameau.
5 Question: Est-ce qu'elle avait une maison à cet endroit? Est-ce qu'elle y
6 habitait?
7 Réponse: Oui, et c'est là qu'elle est décédée un an après que mon mari se
8 fasse arrêter.
9 Question: Quel est le nom de cette sœur?
10 Réponse: Staka.
11 Question: Est-ce qu'elle était agricultrice? Est-ce qu'elle faisait
12 l'agriculture de certains aliments?
13 Réponse: Sa sœur était pas mal malade, mais son mari était en bonne santé;
14 c'est lui qui faisait de l'élevage du bétail et il semait du blé. Il avait
15 également des légumes et il faisait aussi l'élevage porcin.
16 Question: Maintenant, j'ai une autre question: connaissez-vous M. Slobodan
17 Gagovic? Est-ce que vous savez qui cela pourrait être?
18 Réponse: Slobodan Gagovic?... Non.
19 Question: Vous nous avez dit qu'en date du 24, vous vous êtes rendue à
20 Belgrade pour être avec votre fils, ou plutôt vos fils. Vous avez dit vous
21 y être rendue à bord de la Golf, que Dubravko vous a conduite à bord de
22 cette Golf. Pourquoi est-ce que vous n'avez pas pris la Yugo de Bozidar?
23 Est-ce que c'est parce qu'elle ne fonctionnait pas assez bien ou ce
24 n'était pas une voiture qui était appropriée à ce long voyage?
25 Réponse: Non, ce n'est pas que la voiture n'était pas en bon état mais la
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1 Golf fonctionnait, avait un autre carburant; c'était beaucoup plus
2 économique, elle était beaucoup plus confortable: c'était une voiture qui
3 fonctionnait sur du diesel. C'était un voyage d'affaires et il avait reçu
4 une permission de s'absenter du travail. Donc c'est la raison pour
5 laquelle nous avons pris cette voiture.
6 Question: Combien de temps est-ce que votre voyage vers Belgrade a duré?
7 Est-ce que c'était de quatre heures ou cinq heures?
8 Réponse: Non, c'était plus long, car nous devions prendre la route en
9 passant par Pljevlja, Prijepolje, et ainsi de suite, car il n'y avait pas
10 d'autre chemin, nous ne pouvions pas prendre une autre route. Cela a duré
11 plus longtemps, peut-être de sept à huit heures, sinon plus.
12 Question: A quel endroit sur la route est-ce que vous aviez rendez-vous
13 avec votre beau-frère Arso?
14 Réponse: Non, nous ne nous sommes pas rencontrés sur la route, nous sommes
15 partis ensemble de Foca.
16 Question: D'où êtes-vous partis?
17 Réponse: Nous nous sommes rencontrés devant l'hôtel avant de partir.
18 Question: Vous avez parlé d'une permission que votre fils Dubravko a
19 reçue, la permission de s'absenter. Votre mari n'avait pas reçu de
20 permission, n'est-ce pas, ou de permis?
21 Réponse: Mon mari avait un permis de voyage, c'était une attestation de
22 mission et moi-même, je devais recevoir un permis de mon organisation de
23 travail, car les déplacements en dehors de la municipalité étaient
24 interdits. Il fallait absolument avoir un permis ou un laissez-passer.
25 Question: Pendant votre séjour à Belgrade, qui a duré de dix à quinze
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1 jours, votre fils était dans les soins intensifs, n'est-ce pas?
2 Réponse: Oui, c'est exact.
3 Question: Vous ne pouviez le voir qu'à travers une vitre, n'est-ce pas?
4 Vous ne pouviez pas lui parler?
5 Réponse: Oui, c'est exact.
6 Question: Vous nous avez dit que vous cherchiez un médecin, vous vouliez
7 parler à un médecin. A quel moment avez-vous rencontré ce médecin en fin
8 de compte? Où est-ce que vous avez pu lui parler?
9 Réponse: Eh bien, j'ai déjà dit, lorsque la défense m'a posée cette
10 question, j'ai dit que c'était après les fêtes, car la fête est le 4
11 juillet. En Yougoslavie, on célèbre cette fête partout. Et après cette
12 fête, je ne sais pas exactement à quel moment, c'était peut-être un jour
13 ou deux après, je ne me souviens pas de la date exacte, je ne sais pas
14 quel était le jour de la semaine que cette fête a eu lieu, que ce 4
15 juillet était, mais c'était après les fêtes.
16 Question: Est-ce que le médecin vous a dit que votre fils irait mieux et
17 qu'il quitterait les soins intensifs?
18 Réponse: Il m'a dit qu'il n'y avait plus de danger, il n'était plus en
19 danger de mort et nous sommes allés à la maison. Par la suite, après un
20 certain moment, je suis revenue de nouveau, je suis retournée le voir avec
21 sa fiancée.
22 Question: Outre le fait de dire que votre fils se sentait mieux, est-ce
23 qu'il était mieux? Est-ce que le médecin vous a dit que votre fils allait
24 quitter les soins intensifs comme, en fait, c'est arrivé? Est-ce que vous
25 vous rappelez cela?
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1 Réponse: Non, je ne me souviens vraiment pas, croyez-moi.
2 Question: Jusqu'à cette date-là, en fait jusqu'à ce moment-là, vous ne
3 pouviez pas vraiment parler à votre fils? Vous ne pouviez l'apercevoir
4 qu'à travers la vitre, n'est-ce pas?
5 Réponse: Oui, c'est exact. Il nous arrivait d'arriver et il semblait
6 dormir. Il ne nous reconnaissait pas, il ne nous voyait pas.
7 Question: Vous aimez votre fils, n'est-ce pas, vous l'aimez beaucoup, vous
8 aimez tous vos fils, n'est-ce pas?
9 Réponse: J'aime tous mes fils et mon mari aussi.
10 (Le témoin est en larmes.)
11 Question: Vous savez que, pour votre fils Bozidar, psychologiquement,
12 c'était très difficile pour lui de perdre ses jambes, n'est-ce pas?
13 Réponse: Oui, car il n'avait que 24 ans à l'époque.
14 Question: Et vous n'étiez pas prête à retourner chez vous, à Foca, sans
15 lui avoir parlé et vous être occupée de lui pendant les quelques jours où
16 il n'était plus en soins intensifs, n'est-ce pas? Vous vouliez à tout prix
17 lui parler, vous ne vouliez pas partir?
18 Réponse: J'ai dû partir. Nous avons absolument dû rentrer, croyez-moi, car
19 il n'y avait pas de moyens de communication chez nous et tout le monde
20 attendait que nous rentrions pour avoir des nouvelles, pour avoir des
21 nouvelles et pour savoir dans quel état il était. Mais pour cela, il
22 fallait que je rentre vite et tout le monde l'espérait.
23 Question: Il n'y avait aucune raison pour vous d'aller à Foca, de le
24 laisser lui tout seul et de retourner le voir quelques jours plus tard à
25 peine. Vous ne seriez pas partie sans avoir réussi à lui parler au moins
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1 une fois?
2 Réponse: Il y avait des raisons, parce que Spomenko, notre fils aîné, qui
3 a eu des opérations aux reins et qui commençait à aller mieux, était là.
4 Donc pour nous, c'était important et cela nous permettait de partir, car
5 un autre membre de la famille était présent, nous le savions.
6 Question: Madame, vous avez dit que votre fils était au Parti communiste
7 bien avant la guerre, n'est-ce pas?
8 Réponse: Oui. C'est la dernière organisation, le dernier parti dont il est
9 jamais été membre.
10 Question: Vous-même, étiez-vous aussi membre du Parti communiste?
11 Réponse: Moi, non.
12 Question: Jusqu'à quand votre mari a-t-il été membre de la Ligue
13 communiste? Le savez-vous? Jusqu'à la création des nouveaux partis peut-
14 être?
15 Réponse: Il a été membre de la Ligue des communistes tant que cette
16 organisation a existé à Foca.
17 Question: Et c'était quand?
18 Réponse: Il n'a jamais changé. La guerre a commencé et c'est cela qui a
19 mis un terme à son adhésion.
20 Question: Lorsque les nouveaux partis ont été créés, en 1990, votre mari
21 a-t-il quitté le Parti communiste ou bien a-t-il adhéré au nouveau Parti
22 communiste créé à ce moment-là?
23 Réponse: Non, il a dit: "J'ai été membre d'un parti une seule fois et je
24 ne souhaite plus être membre d'aucun autre parti".
25 Question: Votre mari n'était pas vraiment un communiste convaincu, n'est-
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1 ce pas?
2 Réponse: Eh bien, je ne sais pas très bien comment dire... Oui, il était
3 pour... Comment cela s'appelle?... Il était pour la politique communiste,
4 pour la collectivité.
5 Question: Mais ce n'était pas un communiste convaincu, occupant des postes
6 de responsabilité au sein du Parti communiste? Il était professeur, n'est-
7 ce pas?
8 Réponse: Non, non, non. Il était simplement un membre du Parti.
9 Question: C'était très courant avant 1990 d'être membre du Parti
10 communiste. C'était une question d'opportunité, cela pouvait aider à une
11 carrière, n'est-ce pas?
12 Réponse: Eh bien, il est exact que certains ne pouvaient pas devenir
13 directeur s'ils n'étaient pas membres, mais il y avait des exceptions.
14 Question: Vous avez dit que votre mari travaillait au KP Dom. Il était en
15 fait le directeur du KP Dom, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui, mais il était directeur de la section chargée de
17 l'agriculture.
18 Question: Personnellement, vous n'êtes jamais allée au KP Dom? Vous êtes
19 restée à l'écart, n'est-ce pas?
20 Réponse: Je n'y suis jamais allée.
21 Question: Et comme vous nous l'avez dit, vous ne parliez pas beaucoup avec
22 votre mari de son travail au KP Dom? Vous avez déjà dit cela.
23 Réponse: Oui, en effet.
24 Question: Vous avez dit que vous aimiez votre mari et il vous aime aussi,
25 n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, beaucoup et j'ai beaucoup de respect pour lui.
2 Question: Il ne vous aurait pas dit des choses qui risquaient de vous
3 effrayer, n'est-ce pas? Il ne vous aurait pas dit des choses de ce genre?
4 Réponse: Eh bien, je crois que rien de ce qu'il pouvait me dire ne
5 m'effrayait parce que, entre nous, il y avait une grande confiance, une
6 grande compréhension. Dans les moments les plus durs, nous étions toujours
7 présents l'un pour l'autre.
8 Question: C'est bien compris, Madame Krnojelac, mais votre mari ne vous
9 aurait pas dit des choses qui ne vous concernaient pas personnellement,
10 s'il s'agissait de choses préoccupantes ou effrayantes? Il ne partageait
11 pas ce genre de choses avec vous, si elles ne vous concernaient pas,
12 n'est-ce pas?
13 Réponse: Je crois qu'il aurait partagé avec moi, car la situation aurait
14 été, dans ce cas, plus facile avec lui. Moi aussi, j'aurais partagé avec
15 lui, ce qui me posait des problèmes parce que, tout de même, quand on a
16 quelqu'un sur qui s'appuyer, avec qui partager les difficultés, c'est tout
17 à fait différent.
18 Question: Mais vous avez déclaré qu'il ne parlait pas, ou plutôt qu'il
19 parlait rarement avec vous de son travail. Vous avez dit que c'était un
20 sujet que vous ne discutiez pas fréquemment?
21 Réponse: Eh bien, non, parce que je savais au début quelles étaient ses
22 responsabilités. Lorsque je lui ai demandé: "Qu'est-ce qu'il arrive avec
23 les détenus?", il me répondait qu'il n'avait rien à voir avec les détenus,
24 que les détenus étaient sous commandement militaire de sorte que, par la
25 suite, je n'ai plus réfléchi à cela comme à une préoccupation. J'étais
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1 soulagée.
2 Question: Et il ne vous a pas dit que des détenus musulmans allaient le
3 voir pour se plaindre et lui dire qu'ils souffraient? Il ne vous a pas dit
4 cela, n'est-ce pas?
5 Réponse: Eh bien, nous avons parlé… Justement, il m'a raconté la visite
6 d'un voisin, Tafro Faik. Il m'a dit qu'il était venu le voir et mon fils
7 est allé rendre visite à son oncle; ça, il me l'a raconté.
8 Question: Il ne vous a pas dit que Juso Dzamalija s'était suicidé dans sa
9 cellule, n'est-ce pas?
10 Réponse: Il ne m'a dit cela, non.
11 Question: Et il ne vous a pas dit que Halim Konjo avait été découvert
12 mort, dans la prison?
13 Réponse: Non.
14 Question: Quand il a accepté ce poste au KP Dom, en avril 1992, il n'avait
15 aucune réserve par rapport au fait d'accepter ce poste? Il était
16 préférable de se trouver là que sur la ligne de front, n'est-ce pas?
17 Réponse: Vous savez, tous ceux qui recevaient une obligation de travail
18 étaient très contents parce que l'obligation de travail, c'était autre
19 chose qu'aller sur le front! C'est compréhensible.
20 Question: Et plus tard, il ne vous a pas dit non plus qu'il s'était
21 efforcé de quitter ce poste?
22 Réponse: Je pense... Enfin, je sais par expérience, d'après mon travail à
23 moi, que l'on ne pouvait pas quitter son travail parce que la déclaration
24 avait été faite de l'état de guerre; on ne pouvait pas renoncer à son
25 obligation de travail.
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1 Question: La question que je vous posais était la suivante: il ne vous a
2 jamais dit qu'il s'efforçait de se voir retirer ce poste de travail?
3 Réponse: Oui, il a fait des efforts dans ce sens. Nous n'arrêtions pas de
4 parler du fait que travailler avec les enfants, c'était quelque chose de
5 très beau et que c'était tout à fait différent de ce qu'il faisait.
6 Question: Mais il est resté, il a même été nommé au poste de directeur
7 permanent par le ministère de la Justice, en juillet 1992, n'est-ce pas?
8 Réponse: Eh bien, oui, il a obtenu la décision officielle et il l'a portée
9 à la maison. Mais pourquoi ils ont fait cela? Je ne sais pas. Lui, en tout
10 cas, tous les métiers qu'il exerce, il les exerce de façon très
11 consciencieuse, en s'efforçant de les exercer au mieux de ses
12 possibilités. Donc il est fort possible que les gens qui l'avaient nommé à
13 ce poste étaient contents de lui et qu'ils ont décidé de le garder. C'est
14 ce que je pense personnellement, mais je ne sais pas.
15 Question: Etait-il fier de son poste? C'est un poste relativement élevé.
16 Réponse: Non, non. Il aimait son travail à lui, le travail auprès des
17 enfants. Je vais ajouter tout de suite que, lorsqu'il a été nommé au poste
18 de directeur de l'école, plus tard, il a beaucoup regretté de ne plus
19 fréquenter les enfants dans leur classe. Il n'était pas fier de son poste.
20 Question: Madame, vous êtes mariée comme vous l'avez dit, depuis quarante
21 ans, et votre mari vous manque?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Votre mari vous manque, n'est-ce pas?
24 Réponse: Terriblement!
25 Question: Vous souhaiteriez le voir rentrer le plus rapidement possible à
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1 la maison, n'est-ce pas?
2 Réponse: Assurément. Qui est-ce qui ne souhaiterait pas une telle chose?
3 Question: Et vous êtes prête à faire tout ce que vous pouvez pour l'aider
4 à revenir à la maison, n'est-ce pas?
5 Réponse: Eh bien, je ne peux pas faire grand-chose pour l'aider. La seule
6 chose que je peux faire, c'est de dire la vérité dans son intérêt. Mais
7 qu'est-ce que je peux faire? Personne d'autre ne peut rien faire à
8 l'exception de vous, ici, peut-être.
9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Plus de question, Monsieur le
10 Président.
11 M. le Président (interprétation): Questions supplémentaires de la défense?
12 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, vous ne me croirez
13 peut-être pas, mais la défense n'a pas une question supplémentaire pour ce
14 témoin.
15 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup, Madame, d'être venue
16 témoigner ici. Vous êtes maintenant libre de vous retirer.
17 Mme Krnojelac (interprétation): Merci à vous tous également.
18 (Le témoin, Mme Krnojelac, est reconduite hors du prétoire.)
19 (Questions relatives à la procédure.)
20 M. le Président (interprétation): Vous proposiez d'entendre un expert ou
21 plusieurs experts après le témoignage de votre client, n'est-ce pas?
22 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président, nous pensions que
23 ce serait le plus pratique compte tenu de l'ordre de passage. Nous savons
24 bien que, pour Mme Nayman, le Procureur souhaite un contre-interrogatoire.
25 Nous ne sommes donc pas encore tout à fait sûrs de son audition. Nous
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1 pensons également que nous n'aurons pas besoin de l'expert spécialiste en
2 droit pénal, et nous réfléchissons encore à l'économiste. Donc il est
3 certain que nous entendrons l'expert économiste en tout cas.
4 M. le Président (interprétation): Il est très convenable effectivement que
5 Mme Nayman soit entendue après votre client; donc vous avez besoin d'un
6 certain temps pour consulter votre client et voir quels seront les
7 éléments de preuve que vous souhaitez présenter, n'est-ce pas?
8 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, si vous m'y autorisez,
9 je n'ai évidemment aucune intention de porter atteinte au sérieux du
10 travail de ce Tribunal et de la tâche qui nous occupe tous ici; je n'ai
11 aucune intention non plus de nuire à la dignité de ce prétoire, mais Me
12 Vasic et moi-même sommes les seuls dans ce prétoire à n'avoir pas un
13 emploi permanent ici: nous sommes ici de façon temporaire, nos familles
14 résident à plus de 2000 kilomètres de La Haye et je dois dire que je me
15 sens un peu comme un réfugié ou quelqu'un dont la maison aurait brûlé. Je
16 n'ai plus de vêtements de rechange; je vous prie de m'excuser de
17 mentionner ce fait.
18 Je ne voudrais pas nuire à la dignité de ce Tribunal, mais demain
19 commencent les congés scolaires, et Me Vasic et moi-même avons des enfants
20 en âge scolaire. Donc nous devons penser à ce qu'ils vont faire à partir
21 de demain. Alors je vous expose nos projets.
22 Je pensais peut-être qu'il nous serait possible de rentrer chez nous trois
23 jours, jusqu'à mardi prochain, pour préparer jusqu'à mardi prochain
24 l'interrogatoire principal de l'accusé. Ces trois jours, nous en avons
25 vraiment besoin pour les raisons que je viens d'évoquer.
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1 Voilà les éléments que j'ai jugé nécessaire de vous présenter pour
2 expliquer la demande que nous avons faite d'une interruption d'audience.
3 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, dans les deux points que
4 vous venez d'évoquer, il y en a un qui me paraît assez secondaire car,
5 dans un certain nombre de pays, et les Pays-Bas également, il y a des
6 pressings. Donc je ne suis pas très impressionné par votre argument!
7 Quant au fait que vous ayez des enfants qui vont commencer leurs vacances,
8 je crains de devoir vous dire que, lorsque vous avez accepté de travailler
9 à La Haye, c'est un problème auquel vous auriez pu penser.
10 S'agissant de la préparation de l'interrogatoire principal, j'ai déjà
11 souligné quel était le problème auquel vous vous trouviez confronté, ou
12 plutôt auquel est confronté votre client, compte tenu du fait qu'il n'a
13 pas été le premier témoin entendu dans ce procès. Je souhaiterais
14 simplement mettre un peu l'accent sur ce que j'ai déjà dit au sujet des
15 conclusions qu'il est possible de tirer de sa déposition.
16 Je sais que vous avez déjà expliqué, que vous pensiez que sa déposition
17 correspondra à peu près à l'interrogatoire ou plutôt aux réponses qu'il a
18 fournies à l'interrogatoire du Procureur, mais je ne souhaiterais pas que
19 vous en tiriez la conclusion que nous n'en tirerons pas de conclusion
20 particulière. Et ce fait est encore renforcé par l'interruption d'audience
21 que vous nous demandez, qui n'est justifié en fait qu'en rapport avec Mme
22 Nayman.
23 Je ne vais pas insister, mais je souhaitais simplement vous rappelez le
24 problème qui est le vôtre.
25 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je ne suis pas sûr
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1 d'avoir été tout à fait bien compris s'agissant de la préparation de notre
2 travail.
3 Ne croyez pas que la défense est fatiguée. Je sais que vous nous avez dit
4 qu'il y avait des pressings à La Haye, mais croyez-moi, je n'en ai pas
5 encore trouvé un seul ouvert aux heures où nous pouvons nous y rendre.
6 Mais nous pensons que trois semaines de procès sans interruption sont
7 peut-être un peu fatigantes pour l'accusé parce que nous avons prévu un
8 contre-interrogatoire très long et fouillé. Donc nous pensons qu'il serait
9 raisonnable que l'accusé puisse bénéficier d'une période de repos pour se
10 préparer à la suite.
11 Par ailleurs, lorsque la défense parle de préparer son travail avec
12 l'accusé, cela signifie préparer les questions de façon à ce que le
13 contre-interrogatoire aille dans la bonne direction et permette de ne pas
14 perdre de temps car, dans ce cas, il pourra être très centré sur les
15 questions les plus importantes, les plus pertinentes.
16 C'est dans ce sens que je me suis exprimé lorsque j'ai demandé deux ou
17 trois jours de préparation, demandant également bien sûr un peu de repos.
18 Avec le respect que je vous dois, je vous rappelle tout de même que ce
19 travail est très pénible. Nous sommes effectivement un peu fatigués, mais
20 le témoignage de l'accusé est tout de même un élément particulièrement
21 important des débats et nous aimerions que notre client ne puisse pas nous
22 reprocher le moindre excès de fatigue lorsque commencera sa déposition.
23 Nous ferons tout ce qu'il convient de faire, bien sûr, pour la préparation
24 de notre plaidoirie malgré les problèmes que vous avez évoqués à
25 l'instant.
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1 M. le Président (interprétation): Nous prenons note de ce que vous venez
2 de dire. Maintenant, nous ne pouvons pas dire immédiatement que nous
3 sommes d'accord avec ce que vous dites, voyez-vous. Vous demandez en fait
4 toute la semaine prochaine?
5 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Ensuite, nous
6 pourrons travailler sans interruption pendant le temps que vous jugerez
7 nécessaire.
8 Je vous ai déjà évoqué les raisons de notre requête parce que le premier
9 jour où nous pouvons voyager est vendredi. Donc nous partirions vendredi,
10 nous reviendrions lundi de façon à pouvoir préparer la liste des questions
11 et, comme nous ne travaillons pas vendredi prochain et qu'ensuite, il y a
12 le week-end, c'est pour cela que finalement on aboutit à la semaine
13 entière. Mais si nous avions terminé un autre jour, je n'aurais pas
14 demandé toute la semaine. C'est cela qui motive ma requête.
15 M. le Président (interprétation): En fait, vous avez demandé toute la
16 semaine. Nous avons réservé notre décision. Est-ce tout ce que vous voulez
17 nous dire?
18 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président. En tout cas,
19 croyez-moi, je n'avais pas prévu cela à l'avance. C'était un peu
20 automatique de ma part. J'avais vaguement prévu que nous pourrions
21 terminer jeudi et c'est peut-être pour cela que je vous présente la
22 requête que je vous présente actuellement. Si nous avions terminé
23 vendredi, je peux vous assurer que nous aurions essayé de résoudre le
24 problème autrement.
25 M. le Président (interprétation): Très bien, vous pouvez vous rasseoir.
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1 (Les Juges se concertent sur le siège.)
2 Le Procureur souhaite-t-il s'exprimer sur ce sujet?
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Une proposition peut-être en rapport
4 avec l'expert économique. Si l'expert économique pouvait rédiger un
5 addendum à son rapport, nous pourrions peut-être accepter cet addendum
6 sans que la défense doive citer cet expert à la barre.
7 M. le Président (interprétation): C'est une proposition que j'avais déjà
8 faite et d'ailleurs j'espère qu'elle se réalisera.
9 Maître Bakrac, vous avez utilisé votre boule de cristal: vous avez été
10 très précis, vous aviez prévu que nous terminerions jeudi. Donc nous
11 accepterons votre demande et l'audition de votre témoin commencera le
12 lundi 25 juin. Bien entendu, vous travaillerez également à la préparation
13 de votre plaidoirie, vous ne travaillerez pas uniquement à la liste des
14 questions que vous poserez à votre client. Et je suppose que le Procureur
15 travaillera également à son réquisitoire.
16 J'aimerais que l'amendement à l'Acte d'accusation soit réglé avant
17 l'audition de l'accusé en tant que témoin. C'est seulement une correction
18 qu'il convient d'apporter au texte, une petite correction, mais il est
19 important qu'elle soit faite avant l'audition de l'accusé.
20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, en fait tout
21 est terminé déjà. La seule chose que nous n'avons pas encore soumise,
22 c'est le troisième Acte d'accusation modifié, mais toutes les annexes sont
23 attachées à ce texte, comme elles l'étaient déjà à l'élément principal de
24 l'Acte d'accusation précédent.
25 M. le Président (interprétation): Je dois vous avouer que je ne pensais
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1 même pas à un troisième Acte d'accusation modifié. Je pensais au
2 paragraphe 5.2 dont vous avez parlé hier, qui pourrait être simplement
3 annexé à l'Acte d'accusation existant.
4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avons procédé de la façon
5 suivante. Nous avons donc établi un troisième Acte d'accusation modifié
6 qui est déjà signé par le Procureur adjoint et nous avons ajouté un sous-
7 paragraphe F au paragraphe 5.2 en donnant quelques détails supplémentaires
8 au sujet des échanges de prisonniers et des cueilleurs de prunes, mais
9 nous avons maintenant un document complet auquel nous n'avons pas attaché
10 les annexes encore.
11 M. le Président (interprétation): Dans ce cas, vous n'avez pas besoin
12 d'ajouter les annexes, elles peuvent être examinées de façon distincte de
13 l'Acte d'accusation.
14 Est-ce que vous avez montré l'Acte d'accusation modifié à la défense?
15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pas encore mais nous le ferons dès
16 que nous aurons le temps de retourner dans notre bureau, nous avons cela
17 dit donné à Me Bakrac...
18 M. le Président (interprétation): Une copie?
19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, une copie. Il l'a reçue ici,
20 dans le prétoire.
21 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, je ne pense pas que vous
22 pourrez lire l'intégralité du texte immédiatement mais y a-t-il un
23 problème à accepter cette modification de l'Acte d'accusation? Pensez-vous
24 que vous aurez des objections?
25 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, pour le moment non.
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1 Nous devons, bien sûr, examiner le texte de façon détaillée la procédure
2 d'ailleurs le prévoit, mais pour l'instant et sur le principe, je peux
3 vous répondre que nous n'aurons sans doute pas d'objections.
4 M. le Président (interprétation): Bien sûr, c'est tout à fait raisonnable.
5 Vous devez examiner le texte d'abord, mais j'aurai besoin d'une réponse de
6 votre part avant votre départ aujourd'hui, de façon que nous puissions
7 accepter ou pas cette modification de l'Acte d'accusation, ce qui nous
8 permettra de ne pas retarder le début de l'audition de votre client en
9 tant que témoin.
10 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, nous allons essayer de
11 vous répondre mais nous serait-il possible peut-être de vous envoyer la
12 réponse par fax demain ou, au plus tard, vendredi matin? S'il y a encore
13 des questions à régler, je vous demanderai éventuellement de continuer à
14 m'autoriser à vous faxer cette réponse jusqu'à l'heure limite et la date
15 limite de lundi midi ou 14 heures. Vous aurez donc notre réponse la
16 semaine prochaine.
17 M. le Président (interprétation): Bon, bon. C'est raisonnable. Je pensais
18 que vous alliez nous dire que vous deviez passer du temps avec vos enfants
19 ou quelque chose de ce genre!
20 Très bien, nous levons la séance jusqu'à lundi 25 juin.
21 M. Bakrac (interprétation): Moi aussi, je le pensais mais ce ne sera pas
22 le cas.
23 (L'audience est levée à 12 heures 55.)
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