Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Vendredi 20 juillet 2001)

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

  3   (Audience publique.)

  4   M. le Président (interprétation): Veuillez présenter l'affaire.

  5   Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de

  6   l'affaire IT-97-25-T.

  7   M. le Président (interprétation): Avant de commencer, Maître Vasic, Maître

  8   Bakrac, je me suis renseigné un petit peu pour m'exprimer un peu de façon

  9   qui est la mienne de votre requête que vous avez déposée avant le mémoire

 10   en clôture de l'accusation. Je vais vous assurer qu'il n'y a eu aucune

 11   discrimination sur les bases politique, raciale et religieuse, étant donné

 12   que les Juges eux aussi ont reçu leur exemplaire, le mémoire, une demi-

 13   heure avant vous, vous n'êtes pas les seuls à les recevoir en retard. Par

 14   conséquent, vous êtes priés d'excuser.

 15   Vous pouvez procéder, Maître Vasic.

 16   (Plaidoirie de Me Vasic.)

 17   M. Vasic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 18   Avant tout, je voudrais vous dire bonjour à tous, sans évidemment

 19   m'adresser à chacune et à chacun d'entre vous.

 20   Monsieur le Président, l'accusation, ainsi que nous le pensons au conseil

 21   de la défense, n'a pas prouvé au-dessus de tout doute raisonnable que

 22   Milorad Krnojelac serait coupable d'après l'Article 7(1) du Statut,

 23   Article selon lequel il était chargé par l'accusation.

 24   Etant donné que certains de ces crimes exigent l'existence de l'intention

 25   discriminatoire, le conseil de la défense se propose de présenter quelques


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  1   éléments qui nous semblent être pertinents pour évaluer si chez l'accusé,

  2   en temps opportun et pertinent, une telle intention discriminatoire

  3   existait.

  4   Milorad Krnojelac, comme nous avons pu l'entendre au cours de cette

  5   affaire, de ce procès, a passé toute sa vie, sa carrière de travail en

  6   tant qu'enseignant. A titre d'enseignant dans une école élémentaire, il

  7   s'est préoccupé d'abord de faire élever le niveau de connaissance et des

  8   compétences de ses élèves. Il s'est occupé de problèmes et de besoins

  9   ressentis et exprimés par ses élèves sans jamais faire de distinction de

 10   nationalité ou d'autres, et cela jusqu'en date du 8 avril, date à laquelle

 11   il retourne de son école chez lui, étant donné que les hostilités avaient

 12   commencé.

 13   Il n'y avait pas de place pour la politique dans sa vie. Il était membre

 14   de la ligue des communistes de Yougoslavie, et cela lorsqu'en Yougoslavie

 15   la ligue existait comme seul et unique parti, lorsqu'il n'y avait pas de

 16   combat politique pour ainsi dire, et où l'adhérence à un tel parti, à une

 17   telle ligue, des simples membres ne consistait à autre chose que d'adopter

 18   et faire comme étant les siennes par chacun de ces membres les valeurs de

 19   cette ligue, de ce parti, à savoir renforcer la fraternité et l'unité

 20   entre et par les peuples de l'ancienne Yougoslavie et l'égalité des

 21   citoyens.

 22   Ces deux principes ont dirigé l'accusé, cela depuis son école de

 23   formation, en tant qu'officier de réserve, école dans laquelle il a été

 24   dans le cadre de son service militaire. La doctrine de cette école, de

 25   même que l'ensemble des doctrines de l'armée populaire yougoslave,


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  1   consistait à protéger le pays contre un ennemi étranger et à sauvegarder

  2   la fraternité et l'unité parmi les peuples et les nations en tant

  3   qu'acquisition la plus importante du pays.

  4   Soutenant et faisant comme étant les siens ces principes d'humaniste,

  5   Milorad Krnojelac a érigé ses propres principes et points de vue qui sont

  6   incompatibles avec une appartenance quelconque à n'importe quel parti

  7   politique, incompatibles avec la participation sous quelque forme que ce

  8   soit à des organismes qui seraient prêts à propager la discrimination,

  9   nationale, raciale, religieuse ou autre.

 10   Le conseil de la défense peut corroborer une telle affirmation par la

 11   déposition faite ici même par l'accusé, de même que le conseil peut le

 12   corroborer par les conclusions auxquelles sont parvenus les témoins

 13   experts psychologues, de même que le conseil peut corroborer une telle

 14   affirmation par les dépositions faites ici par certains témoins à charge.

 15   L'un des témoins à charge, FWS-111, a déclaré, ici, devant cette honorable

 16   Chambre de première instance, que la dernière fois, Milorad Krnojelac

 17   s'était rendu à un contrôle, [expurgée], c'est-à-

 18   dire juste avant le déclenchement du conflit armé. Ce témoin a dit que

 19   d'après lui, Milorad Krnojelac était une personne en proie d'anxiété, en

 20   colère, parce que fâchée du fait que cette situation prévalait dans la

 21   ville, laquelle situation était de nature à le rendre nerveux.

 22   [expurgée]

 23   [expurgée]

 24   Le fait même que, quelques jours avant le déclenchement de la guerre, de

 25   ce tourbillon de guerre dans Foca, lorsque les divisions ont été faites


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  1   sur des bases nationales et autres, [expurgée]

  2   [expurgée]

  3   [expurgée]

  4   [expurgée]

  5   [expurgée]

  6   [expurgée]

  7   [expurgée]

  8   témoigné également les témoins experts devant cette Chambre.

  9   Un autre témoin à charge, FWS-86, a relaté quelles étaient les vues de

 10   Milorad Krnojelac face aux événements. Il a dit entre autres que pendant

 11   l'entretien qu'ils ont eu avec Krnojelac sur ce qui se passait en ville,

 12   le témoin considérait que l'accusé ne supportait pas non plus qu'il n'ait

 13   pas une opinion sur ce qui se passait avec les nationaux musulmans dans la

 14   ville de Foca.

 15   Le fils de l'accusé, le témoin du conseil de la défense, Bozidar

 16   Krnojelac, a déposé ici devant cette Chambre d'instance pour déclarer que

 17   pendant le temps où ils étaient ensemble au KP Dom, Milorad Krnojelac lui

 18   a dit à plusieurs reprises qu'il lui était fort pénible de regarder

 19   emmener des gens au KP Dom sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit.

 20   Le conseil de la défense ne peut pas faire ressortir ici l'impression qui

 21   est la sienne, à savoir que l'ensemble de la famille de l'accusé qui a pu

 22   déposer devant cette Chambre corrobore le fait que Milorad Krnojelac, en

 23   tant qu'époux et père de famille, n'a jamais eu une influence quelconque

 24   sur ses membres de famille, non plus qu'il en recevait, laquelle influence

 25   irait dans le sens d'un comportement discriminatoire. Il était loin


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  1   d'adopter une telle façon de penser et d'agir.

  2   Il va de soi, par conséquent, que Milorad Krnojelac n'était pas en mesure

  3   et ne souhaitait pas supporter quelque comportement mauvais que ce soit à

  4   l'égard d'autres nationaux, nationaux d'autre appartenance ethnique ou

  5   religieuse, non plus qu'il n'a pu prendre part à une action criminelle

  6   quelconque, non plus qu'il pouvait être membre d'une association

  7   quelconque qui se proposerait des objectifs et une politique de

  8   discrimination. Dans un sens contraire et dans un exemple contraire, si

  9   jamais ces exemples avaient pu avoir lieu, l'influence qui aurait pu être

 10   la sienne pourrait prendre des effets sur l'ensemble de sa famille. Or, sa

 11   famille devient toujours cohérente, encore à ce jour.

 12   Le fait même qu'il a choisi pour conjointe une femme de nationalité

 13   croate, avec laquelle femme il maintient un ménage harmonieux, corrobore

 14   ce dont nous nous sommes préoccupés et ce dont nous venons de parler. A ce

 15   sujet, le conseil de la défense aimerait mettre en relief deux dépositions

 16   qui nous semblent importantes, faites par deux témoins de nationalité

 17   musulmane. Le témoin A, [expurgée]

 18   [expurgée]

 19   [expurgée] fondant en larmes, nous a

 20   parlé de l'opinion sur Milorad Krnojelac, citant entre autres qu'à la

 21   suite de son arrestation, à plusieurs reprises, elle a pu avoir des

 22   contacts avec ses amis qui habitaient la ville B; pour dire que tous ses

 23   amis à elle s'étonnaient de voir Krnojelac arrêté et qu'ils considéraient

 24   tous que l'on devrait remédier à cette erreur commise à son encontre

 25   -comme ils lui ont dit.


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  1   A la question de savoir pourquoi, lorsqu'elle a connu toute cette

  2   tragédie, elle est venue pour déposer ici en tant que témoin à décharge,

  3   [expurgée]

  4   [expurgée]

  5   [expurgée]. Je ne serais pas venu témoigner ici

  6   si je n'avais pas confiance en lui".

  7   Un autre exemple: il s'agit du témoin à charge, du témoin F-144, lequel

  8   témoin, en déposant, a fait description de sa tragédie familiale,

  9   [expurgée]

 10   [expurgée] Parlant de Milorad Krnojelac, ce témoin

 11   dit que lorsqu'il pouvait le rencontrer dans la salle de machines et

 12   outils, atelier de mécanique, celui-ci avait observé un comportement

 13   humain et correct à leur égard. Il ne pouvait jamais repérer aucune haine,

 14   non plus de paroles insultantes à l'égard de Musulmans.

 15   Pour ce qui est du comportement de la famille Krnojelac à l'égard des

 16   personnes de nationalité musulmane qui étaient venues travailler pour

 17   réparer leur maison, ce témoin précise que tous les membres de la famille

 18   de Krnojelac avaient observé un comportement, une attitude correcte, qui

 19   plus est d'amitié. L'épouse de Krnojelac l'a impressionné surtout comme

 20   étant une femme bonne. Les plats qui leur ont été servis l'ont été

 21   toujours de façon parfaitement amicale.

 22   Vous le trouverez dans le transcript, page 2331, lignes de 19 à 25, et

 23   page 2332, lignes de 1 à 16. Ce dont nous venons de parler et dont parlait

 24   ce témoin-là, et d'autres témoignages indiquent d'abord le comportement de

 25   Milorad Krnojelac et ses rapports qu'il entretenait avec les nationaux,


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  1   avec les citoyens d'autres nationalités. Un grand nombre de témoins

  2   parlaient de son comportement tout à fait agréable, d'homme agréable,

  3   plaisant, et même en le présentant comme quelqu'un qui avait une attitude

  4   amicale à l'égard des Musulmans.

  5   D'autre part, aucun des témoins n'a pu dire que, pendant tout ce temps-là

  6   temps pertinent selon l'Acte d'accusation, Milorad Krnojelac aurait eu

  7   une attitude insultante à l'égard des Musulmans; et qu'il était loin de

  8   les soumettre à quelque maltraitance que ce soit.

  9   Cela prouve que, de toute évidence, Milorad Krnojelac n'a jamais encouragé

 10   des actes de persécution sur des bases nationales ou religieuses. Voilà la

 11   raison pour laquelle l'accusation n'a pas pu prouver, au-delà de tout

 12   doute raisonnable, que Milorad Krnojelac pouvait être coupable de crime

 13   dont il se trouve être chargé en vertu de l'Article 7(1) du Statut.

 14   La situation dans laquelle s'est trouvé Milorad Krnojelac en qualité

 15   d'enseignant, sans avoir une expérience de travail préalable pour être

 16   initié au fonctionnement d'établissements carcéraux et de redressement

 17   -comme c'est le cas du KP Dom-, a fait qu'il a dû accepter la position qui

 18   était la sienne à la lumière de ce que Radojica Mladjenovic lui a dit. Et

 19   dans quel but il a été nommé par le ministre de la Justice? Il devait être

 20   chargé exclusivement de la partie civile du KP Dom où il devait avoir pour

 21   obligation de protéger les biens et la propriété, de les sauvegarder en

 22   vue d'une relance de l'activité économique de l'établissement.

 23   En outre, il devait être responsable d'un petit nombre de personnes qui se

 24   trouvaient sur place pour purger leur peine, enfin avant que le conflit de

 25   guerre ne se déclenche. Le grand travail qu'il a fallu accomplir dans le


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  1   domaine de l'assainissement et de la sauvegarde des biens de la propriété

  2   et en matière de relance de l'économie du KP Dom lorsque la majeure partie

  3   des sociétés et firmes ne fonctionnaient plus, était la préoccupation de

  4   base de cette personne-là.

  5   Lorsqu'une partie des locaux a été cédé pour servir de détention d'autres

  6   personnes, l'accusé était tout à fait conscient du fait qu'il n'avait rien

  7   à voir avec le sort qui était réservé aux détenus musulmans. C'est

  8   d'ailleurs le fait qu'il répétait à toutes reprises.

  9   Dans quelle mesure a été décrite la situation dans laquelle il ne pouvait

 10   pas se débrouiller? Nous pouvons voir que tout ceci était d'un effet

 11   inhibitoire, c'est-à-dire avoir une influence sur lui pour essayer de se

 12   débrouiller dans la mesure du possible et de se consacrer à

 13   l'accomplissement des tâches qui lui ont été assignées. En témoignent

 14   entre autres, et surtout, les expertises faites par les témoins experts.

 15   En effet, dans les résultats de leur analyse, l'accusé était présenté

 16   comme une personne en proie à l'anxiété qui, dans des situations

 17   nouvellement créées qui ne lui ont pas été connues, réagit en diminuant

 18   ses capacités globales d'évaluer la situation, réagit en ralentissant ses

 19   capacités motrices, réagit en diminuant ses capacités intellectuelles déjà

 20   diminuées et en mettant un accent sur son aspect velléitaire et labile de

 21   sa personnalité. Dans cette situation-là, l'accusé est inquiet, n'a pas

 22   confiance en lui-même quant à la pertinence avec laquelle il s'acquitte

 23   des devoirs qui lui ont été assignés.

 24   Pour toutes ces raisons, il se trouve entièrement tourné vers une

 25   hyperactivité qui devrait être la sienne au cours de l'accomplissement de


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  1   sa fonction et étant donné la situation, il est incapable de faire une

  2   bonne appréciation de la situation.

  3   Le niveau d'anxiété que nous avons mentionné tout à l'heure chez l'accusé

  4   est variable mais avec l'apparition de chaque problème nouveau auquel il

  5   est obligé de faire face, par exemple lorsqu'il faut faire telle ou telle

  6   réparation, lorsqu'il faut faire fonctionner l'économie ou lorsqu'il faut

  7   faire des rapports à l'intention du ministère, voilà que le degré

  8   d'anxiété augmente, et cela rapidement.

  9   Dans son mémoire en clôture, l'accusation charge l'accusé, lui reprochant

 10   d'avoir fait le crime de persécution, de détention, d'actes inhumains et

 11   de réduction en esclavage. L'accusation, cela faisant, ayant en vue les

 12   allégations portant sur la responsabilité hiérarchique dont parlait mon

 13   collègue Bakrac hier, au-delà de tout doute raisonnable, s'évertue à

 14   prouver que l'accusé était directeur et commandant du camp pendant le

 15   temps pertinent d'après l'acte d'accusation.

 16   L'accusation n'a pas pu prouver la participation directe non plus que

 17   l'encouragement, non plus que tout support des campagnes de persécution.

 18   Il n'a pas été prouvé non plus que la partie civile du KP Dom, dont le

 19   directeur était notamment Milorad Krnojelac, devait faire partie de la

 20   campagne de persécution de la population non-serbe.

 21   Une telle assertion du conseil de la défense se trouve corroborée par le

 22   fait, lequel fait n'a pas été contesté par l'accusation, à savoir: à

 23   l'attention des personnes jugées dont il était responsable, Milorad

 24   Krnojelac devait donner des opinions qui étaient les siennes en ce qui

 25   concerne leur peine à purger; c'est notamment la pièce à conviction D85


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  1   qui est en fait le rapport fait par lui à l'intention du ministère de la

  2   justice, qui prouve que ces seuls condamnés seraient objet de

  3   responsabilité de Milorad Krnojelac lorsqu'il a été nommé à cette fonction

  4   par le ministre de la justice, à la différence des détenus musulmans qui

  5   seraient objet de responsabilité d'une autre zone, celle ou seul

  6   responsable devrait être et a été le commandement militaire.

  7   Ayant en vue le mens rea spécifique nécessaire pour qu'il y ait existence

  8   d'un crime de persécution, le conseil de la défense considère que

  9   l'accusation n'a pas pu prouver au-delà de tout doute raisonnable que chez

 10   Milorad Krnojelac existait cette intention discriminatoire concrète.

 11   Bien au contraire, le conseil de la défense, quant à lui, a pu prouver au-

 12   delà de tout doute raisonnable l'absence d'une telle intention et

 13   l'absence d'un tel comportement discriminatoire de Milorad Krnojelac, non

 14   seulement d'après l'Acte d'accusation mais d'une manière générale car

 15   d'après nous, un tel comportement lui a toujours été étranger, à lui, en

 16   tant que personne humaine.

 17   Milorad Krnojelac n'a pas été le commandant de la partie du KP Dom dans

 18   laquelle étaient détenus des Musulmans, par conséquent il ne pouvait avoir

 19   dans son ressort ni les soldats ni les gardes du KP Dom. Il ne pouvait

 20   donc pas, de concert avec des militaires et des gardes, comme le prétend

 21   en le lui reprochant l'accusation, prendre part à une persécution

 22   quelconque de Musulmans et d'autres hommes civils non-serbes.

 23   Monsieur le Président, Madame la Juge, Monsieur le Juge, le conseil de la

 24   défense a proposé de citer à la barre, et nous les avons entendus ici,

 25   certains gardes qui étaient affectés au KP Dom, notamment dans le domaine


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  1   de la partie militaire du KP Dom, et qui se trouvaient de la compétence du

  2   commandement militaire. Ces témoins nous ont dit qui était responsable de

  3   toutes ces personnes-là, de tout ce personnel.

  4   Mes estimés collègues, lors de la présentation de leur réquisitoire hier,

  5   ont tenté de mystifier le rôle joué par les personnes qui observaient un

  6   comportement plutôt humain à l'égard des détenus musulmans, sans citer

  7   leurs noms, même pas hier, pour ne pas, cela faisant, menacer leur

  8   sécurité.

  9   Mais je voudrais rappeler à l'intention de cette Chambre que les gardes,

 10   en tant que témoins à décharge, ont témoigné en déclinant pleinement leur

 11   identité et sans réclamer de mesures de protection. Ils ont dit, en effet,

 12   clairement ce qu'ils ont vu et ce qu'ils n'ont pas pu voir.

 13   L'affirmation de l'accusation n'est pas exacte lorsque l'accusation dit

 14   qu'ils s'évertuaient à nier toute activité criminelle. Purement et

 15   simplement, ces gens-là nous ont dit ici et nous ont parlé ici de ce

 16   qu'ils ont vu, sans s'occuper de spéculations ni de conclusions qui ne

 17   pourraient pas être les leurs.

 18   L'homme pour lequel tous les témoins de l'accusation maintiennent qu'il

 19   était le meilleur, le plus honnête, M. Risto Ivanovic, est venu dans ce

 20   prétoire et a témoigné en déclinant ses vrais nom et prénom. Il n'est pas

 21   venu pour protéger le KP Dom, encore moins de se protéger lui-même, car il

 22   n'avait pas de raisons.

 23   Et si l'accusation a l'intention d'incriminer quelqu'un pour lequel tout

 24   le monde a dit qu'il était le meilleur et le plus honnête, à ce moment-là,

 25   d'après la défense, ceci ne pourrait pas être pris comme l'angoisse et la


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  1   peur qu'il présentait. Par conséquent, il est venu pour dire ici

  2   publiquement qui était celui qui avait de la compétence en ce qui concerne

  3   les détenus. Il l'a dit ouvertement, ici même, dans ce prétoire.

  4   Il nous a dit pas, par ailleurs, comment était organisée la hiérarchie,

  5   quels étaient les supérieurs, qui étaient ceux qui commandaient les

  6   gardes.

  7   C'est la raison pour laquelle, d'après la défense, il en ressort

  8   clairement que Milorad Krnojelac n'avait pas de telles prérogatives. Il ne

  9   pouvait pas émettre des ordres aux soldats ou aux gardes, encore moins les

 10   sanctionner.

 11   L'accusation n'a pas prouvé non plus, au-delà de tout doute raisonnable,

 12   que Milorad Krnojelac avait aidé la déportation et la persécution des

 13   Musulmans au niveau de la municipalité de Foca.

 14   D42, D43, 44, 45 et 46. Les pièces à conviction de la défense prouvent que

 15   le fait qu'on avait arrêté, qu'on avait emmené les détenus, n'avait rien à

 16   faire avec Krnojelac. C'était Marko Kovac qui était chef du groupe

 17   tactique, qui a mis en exécution ces activités en passant par les

 18   personnalités, par les personnes qu'il avait désignées et dont il avait

 19   donné les noms dans ces documents.

 20   Il n'a pas été prouvé non plus qu'il y avait une participation directe en

 21   ce qui concerne la durée de ces détenus. Il n'y avait pas donc de

 22   participation directe de Milorad Krnojelac dans cette détention et de la

 23   durée de cette détention. Il n'a pas été prouvé non plus qu'il était

 24   responsable pour l'arrestation de ces détenus dans des conditions

 25   inhumaines.


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  1   Des pièces à conviction du Bureau du Procureur P2, P4, P5 ainsi que D38 et

  2   D38-1 de la défense, il ressort clairement que les pièces où étaient

  3   détenues ces personnes ont été louées à l'armée. C'est l'armée qui

  4   arrêtait, c'est l'armée qui relâchait les détenus. Et il y avait une

  5   décision de l'assemblée municipale qui était compétente à cette époque-là,

  6   ce qui, par la suite, a été transféré dans les prérogatives du ministère

  7   de la justice. Il y avait ces décisions de l'assemblée, les locaux ont

  8   déjà été occupés, et avant qu'il soit désigné au poste de directeur du KP

  9   Dom.

 10   On n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que c'était lui qui

 11   pouvait créer ou déterminer les conditions dans cette partie de la prison

 12   militaire.

 13   M. le Président (interprétation): Monsieur Vasic, dans les documents à

 14   charge on ne prouve pas que l'armée était compétente au niveau de la

 15   prison, que c'est elle qui les a gardés. Ce sont eux qui les ont arrêtés,

 16   qui les ont emmenés jusque-là. Ce sont eux qui les ont relâchés. Mais la

 17   question qui se pose: qui avait assuré les gardes? C'étaient bien les

 18   gardes, n'est-ce pas?

 19   M. Vasic (interprétation): Oui, nous avons cité les gardes ici. Nous les

 20   avons entendus. C'étaient les gardes qui ont été mobilisés par l'armée,

 21   qui ont été envoyés au KP Dom, qui étaient chargés de sécuriser le KP Dom,

 22   à l'extérieur, à l'intérieur, et qui étaient sous les ordres du

 23   commandement militaire et du groupe tactique, qui a exercé ces activités.

 24   Ils étaient par conséquent membres de l'armée.

 25   M. le Président (interprétation): Par conséquent, vous voulez dire


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  1   qu'aucun des simples gardes qui se trouvaient à la prison n'avait rien à

  2   voir avec les détenus musulmans? C'est ce que vous voulez avancer?

  3   M. Vasic (interprétation): Monsieur le Président, tous les gardes qui

  4   sécurisaient le KP Dom, qui ont été chargés de la sécurité du KP Dom,

  5   avaient été mobilisés par l'armée. Ensuite, ils ont été affectés au KP Dom

  6   pour sécuriser le KP Dom, pour garder les détenus. Il n'y avait pas de

  7   gardes en dehors de ceux qui ont été mobilisés par l'armée.

  8   M. le Président (interprétation): Mais je ne suis pas sûr que vous ayez

  9   répondu à ma question. Dans tous les cas, il paraît évident que c'est

 10   l'armée qui les a mobilisés, qui les a envoyés pour travailler au KP Dom.

 11   Mais où, dans les pièces à conviction, pouvons-nous véritablement avoir

 12   une preuve parfaitement claire que ces mêmes gardes n'avaient pas eu l'œil

 13   sur tous les détenus du KP Dom, tout comme le même cuisinier avait préparé

 14   les repas pour tout le monde?

 15   M. Vasic (interprétation): Mon confrère Bakrac a parlé en partie justement

 16   de ces choses-là et de ces éléments. En ce qui concerne la période

 17   pertinente pour l'Acte d'accusation, au KP Dom, il y avait des Musulmans

 18   qui étaient détenus. Il y avait également des détenus serbes qui ont été

 19   sanctionnés parce qu'ils ont fait des infractions concernant le règlement

 20   militaire ou autre. C'est le commandement militaire qui avait la

 21   compétence sur l'ensemble de ces prisonniers. Il y avait cinq ou six

 22   condamnés, outre ceux dont j'ai parlé, qui étaient sous la compétence du

 23   ministère de la justice.

 24   Par conséquent, dans la situation qui régnait à l'époque à Foca, pour ce

 25   qui concerne ces personnes qui étaient semi-libres, pas véritablement


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  1   enfermées dans leurs cellules, ils ont été obligés de rester dans les

  2   bâtiments. Il n'a pas été indispensable, il n'était même pas possible de

  3   mettre en place un service de sécurité à part parce qu'ils étaient au

  4   nombre de cinq à six. Uniquement, on les a emmenés pour les repas; on les

  5   escortait également par la suite.

  6   Deuxièmement, au cours du procès, je pense que nous avons également prouvé

  7   que la majorité de la population masculine a été envoyée sur le front, par

  8   conséquent il n'a pas été possible de mettre en place deux services

  9   parfaitement distincts. C'est la raison pour laquelle c'est l'armée qui

 10   s'est occupé des Musulmans et des détenus militaires. Ils ont en même

 11   temps escorté ces cinq ou six personnes pour prendre les repas, ceux qui

 12   étaient sous la compétence du ministère de la Justice.

 13   M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Maître Vasic,

 14   j'aimerais que vous me compreniez. Je ne veux pas, bien évidemment,

 15   débattre avec vous et disputer en ce qui concerne vos thèses. Mais je

 16   voulais tout simplement comprendre, comprendre quelles sont les thèses de

 17   la défense.

 18   En ce qui concerne par exemple les preuves que nous avons eues, qui

 19   effectivement veillait sur les détenus musulmans, quand on leur a posé la

 20   question si éventuellement ils pouvaient s'adresser pour porter plainte à

 21   un directeur, ces mêmes gardes ont dit qu'ils s'adressaient à votre

 22   client.

 23   M. Vasic (interprétation): Si mes souvenirs sont bons, Monsieur le

 24   Président, quand nous parlons du directeur -et l'on parle des témoins qui

 25   ont été cités par l'accusation-, la défense est d'avis que cette question


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  1   ne ressort pas de la position qu'occupait l'accusé ni de la hiérarchie,

  2   mais de quelques rapports personnels que l'accusé avait avec les personnes

  3   avec lesquelles il était en contact, avec lesquelles il s'était entretenu.

  4   Il s'agit notamment de personnalités connues à Foca, même avant le

  5   déclenchement du conflit, et également du rapport de ces personnes vis-à-

  6   vis des gardes quand ils avaient à s'adresser à eux.

  7   M. le Président (interprétation): Merci.

  8   M. Vasic (interprétation): Merci.

  9   L'accusation n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé

 10   avait dans sa compétence que de faire fonctionner la partie militaire du

 11   KP Dom, enfin de la prison. Il n'a pas été compétent que d'assurer la

 12   nourriture, les moyens d'entretien, les soins médicaux de ces personnes.

 13   Cette affirmation ressort de la pièce à conviction de l'accusation B1 et

 14   2.

 15   Le directeur actuel du ministère de la Justice a justement parlé de la

 16   distribution des compétences, de la répartition des compétences à cette

 17   époque-là. C'est la raison pour laquelle Milorad Krnojelac n'a pas

 18   véritablement fait de la discrimination en ce qui concerne le traitement

 19   de ces problèmes. Tout ce qu'il a fait -et ceci parce qu'il avait de la

 20   bonne volonté, c'est d'essayer d'améliorer les conditions de vie au KP

 21   Dom pour tout le monde, également pour ceux pour lesquels il était

 22   compétent pour les condamner, pour le personnel, tous ceux qui mangeaient

 23   dans cette même cantine avec tous les autres détenus, comme pour tous ceux

 24   pour lesquels il n'en avait pas de compétence.

 25   Par conséquent, il a essayé d'améliorer les conditions de vie, même de


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  1   ceux qui étaient sous la compétence du commandement militaire. Et ceci

  2   ressort de tous les documents, aussi bien des pièces à conviction, des

  3   demandes qu'il avait adressées au CICR, à d'autres organisations, au

  4   commandement militaire, en les avertissant qu'ils avaient dans leur

  5   obligation de nourrir les détenus, de faire attention aux conditions

  6   hygiéniques, et ceci en accord avec le contrat pour la sécession de bail

  7   qu'ils avaient accepté.

  8   La défense considère par ailleurs qu'une telle approche de l'accusé ne

  9   devrait pas être abusée par l'accusation comme une preuve indirecte qu'il

 10   était compétent en matière de conditions de vie qui régnaient dans la

 11   prison. La défense considère que s'il s'était comporté de cette manière-

 12   là, c'était justement parce qu'il y a cet aspect humaniste dans sa

 13   personne. Il voulait faire tout ce qui était son possible pour améliorer

 14   les conditions, aussi bien pour ceux pour lesquels il était compétent que

 15   pour ceux qui se trouvaient au KP Dom.

 16   Si ce n'était pas le cas, Milorad Krnojelac n'aurait pas envoyé des

 17   demandes à l'armée pour assurer la nourriture pour ses propres

 18   prisonniers. Il ne se serait pas adressé à la Croix-Rouge pour demander

 19   qu'elle lui fournisse des colis.

 20   En ce qui concerne la réduction à l'esclavage, il n'y a pas de doute que

 21   les détenus travaillaient dans le cadre de l'exploitation de la Drina,

 22   enfin, cette entité économique de la Drina. Mon confrère Bakrac en a parlé

 23   quelque peu hier. Comment a-t-on engagé ces personnes-là? Je pense que

 24   l'accusé nous a donné la description au cours de sa propre déposition.

 25   Mais que ces personnes aient été engagées et qu'il y ait eu une preuve que


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  1   c'était sous le commandement militaire et non pas dans la compétence de

  2   Milorad Krnojelac, nous pouvons le constater également que par le fait

  3   qu'une fois que ces détenus étaient relâchés, ont quitté le KP Dom, ils

  4   ont eu à travailler et s'engager dans des tâches beaucoup plus dures qui

  5   leur ont été assignées par Savo Todovic.

  6   Outre les prisonniers musulmans dans l'exploitation de la Drina, il y

  7   avait également des condamnés qui travaillaient et purgeaient leur peine

  8   avant la guerre. Notamment, cela se passait dans cette entité économique

  9   de la Drina, tout comme les Serbes qui ont été arrêtés par les autorités

 10   militaires, et ceci parce qu'ils avaient commis un certain nombre de

 11   délits ou d'infractions qui relevaient du droit pénal.

 12   En ce qui concerne le travail lui-même, les heures de travail, les repas

 13   dont toutes ces personnes pouvaient bénéficier, la défense considère qu'il

 14   a été prouvé qu'ils ont tous pratiquement travaillé dans les mêmes

 15   conditions.

 16   D'après Boza Drakul, un témoin qui a été cité ici, les prisonniers serbes

 17   qui avaient travaillé n'avaient pas non plus de rémunération, n'avaient

 18   pas de salaire parce que la situation financière était extrêmement

 19   difficile à cette époque-là; il n'y avait pas de moyens.

 20   M. le Président (interprétation): Maître Vasic, excusez-moi, je vais vous

 21   interrompre une fois de plus. Vous êtes arrivé au point à propos duquel

 22   j'aurais une question à vous poser, je parle du paragraphe 240.

 23   Je vais vous donner lecture de la première phrase:"Milorad Krnojelac n'a

 24   aucune responsabilité pénale, étant donné qu'il n'était pas conscient que

 25   ces gens-là ne travaillaient pas bénévolement, ou bien, parce qu'il


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  1   n'avait pas l'expérience dans ce domaine-là, il ne connaissait pas les

  2   règlements juridiques et notamment parce qu'il y avait une confusion qui

  3   s'est créée au niveau de sa tête; à ce niveau-là, il ne savait pas

  4   véritablement s'il était admissible ou pas qu'ils travaillent". Donc

  5   c'était la phrase dans votre mémoire final.

  6   La question que j'aimerais vous poser est: est-ce que vous pensez qu'il ne

  7   savait pas qu'on avait le droit de leur imposer le travail, ou pensait-il

  8   qu'on avait le droit de leur imposer de travailler? Il ne savait pas du

  9   tout qu'ils ne travaillaient pas bénévolement?

 10   M. Vasic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 11   Tout d'abord, l'accusé ne savait pas si on leur avait imposé d'effectuer

 12   ces travaux. Tout simplement, parce que même Savo Todovic lui a dit qu'ils

 13   travaillaient bénévolement. Ensuite, les témoins de l'accusation nous ont

 14   dit qu'ils acceptaient bénévolement de travailler et ils ont demandé

 15   pourquoi. Par conséquent, je pense que ceci n'est pas le plus important en

 16   ce qui concerne la réponse que je tiens à vous donner. L'accusé, par

 17   conséquent, pensait qu'ils travaillaient bénévolement.

 18   D'un autre côté, l'accusé ne connaissait pas les dispositions de la

 19   convention, il était tout simplement un enseignant, un enseignant avant la

 20   période qui couvre l'Acte d'accusation. En ce qui concerne les collègues

 21   de l'administration de cette exploitation, il a appris qu'auparavant les

 22   condamnés avaient également cette obligation et qu'ils allaient travailler

 23   dans cette entité économique.

 24   La défense considère que ces faits ont emmené l'accusé a accepté que ces

 25   personnes-là commencent à travailler dans l'exploitation, dans cette


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  1   entité économique désigée comme "Drina".

  2   M. le Président (interprétation): En d'autres termes, est-ce que j'ai

  3   raison de dire si je suppose que vous, vous considérez qu'il faut avoir

  4   une attitude positive? Vous considérez qu'il pensait que l'on pouvait leur

  5   imposer ce travail et, qu'en même temps, il ne le savait pas?

  6   M. Vasic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

  7   M. le Président (interprétation): Merci.

  8   M. Vasic (interprétation): En ce qui concerne la planification de quelque

  9   crime que ce soit, la défense considère que l'accusation n'a pas prouvé

 10   au-delà de tout doute raisonnable que Milorad Krnojelac avait participé à

 11   la planification de quelque crime que ce soit dont il a été incriminé, ni

 12   à la mise en exécution d'un tel plan.

 13   L'accusation a essayé de faire ressortir cette responsabilité d'une pièce

 14   à conviction de la défense D29 -et de manière indirecte. D'où l'on peut

 15   conclure que le ministère avait demandé au directeur de mettre en place le

 16   règlement intérieur que l'accusation désigne comme des règles concernant

 17   la prison. La défense ne considère pas qu'il s'agit là d'un terme

 18   approprié, car le règlement sur l'organisation interne, c'est le ministère

 19   de la Justice qui a donné des ordres dans ce sens-là. Ce règlement se

 20   rapporte aux institutions civiles dans le cadre desquelles il y a des

 21   condamnés qui purgent leur peine sur la base des jugements qui ont été

 22   arrêtés au niveau des tribunaux, et où il faut également les préparer pour

 23   la réinsertion dans la société. Il y a donc une éducation et une

 24   réinsertion dans la société.

 25   Par conséquent, ce règlement porte sur l'organisation dans les


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  1   établissements pénitentiaires et tout autre institution où l'on purge la

  2   peine en temps de paix.

  3   En d'autres termes, c'est en temps de paix -comme je l'ai dit-, que ce

  4   règlement doit fonctionner, et uniquement en ce qui concerne les

  5   institutions, les établissements qui sont dans la compétence, dans le

  6   ressort du ministère de la Justice. Ceci ne peut pas être appliqué dans la

  7   prison militaire, ne peut pas être appliqué sur les lieux où l'on gardait

  8   les détenus musulmans. On ne peut pas appliquer non plus ce règlement pour

  9   la période de guerre.

 10   Mais Milorad Krnojelac, ici encore, comme il manque d'expérience et de

 11   connaissance, il ne connaît pas ces activités. Il a emmené à la réunion du

 12   ministère de la Justice l'ancien règlement de la période qui précédait la

 13   guerre. Et ce règlement ne pouvait pas être utilisé bien évidemment dans

 14   des conditions nouvelles. Il va sans dire que l'accusé n'avait pas arrêté

 15   des règles, encore moins rédigé, pour un certain nombre de procédures qui

 16   éventuellement seraient pertinentes pour l'Acte d'accusation.

 17   L'accusation non plus n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que

 18   l'accusé avait émis des ordres à qui que ce soit, qui appartenaient à la

 19   hiérarchie militaire et ceux qui travaillaient dans la prison militaire.

 20   Il n'a pas été prouvé non plus qu'il avait de l'autorité pour émettre de

 21   tels ordres.

 22   On incrimine l'accusé d'inciter à commettre les crimes, tortures,

 23   comportement brutal et meurtres. L'accusation, dans son mémoire final, a

 24   reconnu qu'elle n'a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable la

 25   présence de l'accusé pendant ces événements qui ont eu lieu, soi-disant,


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  1   au cours de la nuit.

  2   Mais l'accusation affirme que l'accusé aurait dû apprendre que de tels

  3   événements avaient eu lieu pendant ses heures de travail, au cours de la

  4   journée, enfin le lendemain, n'est pas logique et ne peut être considéré

  5   que comme une hypothèse avancée par l'accusation. L'accusé, comme nous

  6   l'avons déjà précisé, n'avait pas de responsabilité pour la partie

  7   militaire de la prison. Par ailleurs, même ceux qui éventuellement avaient

  8   commis des tortures, des crimes différents, ne parlaient pas en public de

  9   ces crimes. Cela me paraît parfaitement logique.

 10   C'est la raison pour laquelle la défense considère qu'en ce qui concerne

 11   l'accusé, il n'y avait pas de tolérance qu'il avait manifestée à l'égard

 12   des crimes qui étaient commis et qu'on pourrait lui reprocher sous forme

 13   d'encouragement de ces actes qui avaient été commis.

 14   L'accusation, dans son mémoire final, a affirmé que l'accusé voyait de

 15   manière régulière les membres du comité de crise et les employés du

 16   ministère de la justice. La défense considère que ceci ne découle pas des

 17   moyens de preuve qui ont été présentés ici.

 18   L'accusé, dans sa déposition, dit que de temps en temps, il était au

 19   contact exclusivement avec Radojica Mladjenovic et, après avoir été nommé

 20   au poste de directeur en juillet 1992, de temps en temps également avec le

 21   ministre de la justice, et ce en raison des mauvaises liaisons

 22   téléphoniques et de l'encerclement de Foca à l'époque. Ce genre d'élément

 23   ne peut pas constituer le fondement pour que le Procureur conclue que

 24   l'accusé avait la possibilité de gérer les choses, de commander et

 25   d'organiser ou participer à un quelconque système répressif qui


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  1   indiquerait l'existence de l'intention de commettre un acte criminel.

  2   Il n'a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Milorad

  3   Krnojelac avait quoi que ce soit à faire avec les tortures et le mauvais

  4   traitement décrit dans l'Acte d'accusation, et surtout que ce serait lui

  5   justement qui aurait introduit ce système.

  6   Il n'a pas été prouvé que Milorad Krnojelac avait quelque contact que ce

  7   soit avec les leaders militaires et politiques, et notamment pas dans le

  8   but de rédiger les listes des détenus qui doivent subir un passage à

  9   tabac, ni qu'il aurait été la personne responsable, la personne en charge

 10   de la sécurité de la prison dans laquelle se trouvaient ces détenus, ce

 11   dont on a déjà parlé.

 12   Il n'était pas en charge non plus de permettre ou d'interdire l'entrée des

 13   soldats dans l'enceinte de la prison contrôlée par l'armée.

 14   Pour toutes ces raisons, la défense considère que le Procureur n'a pas

 15   prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Milorad Krnojelac est

 16   coupable d'un quelconque crime qui lui est reproché dans l'Acte

 17   d'accusation en vertu des Articles 7(1) et 7(3) du Statut de ce Tribunal.

 18   La défense...

 19   M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, si c'est la fin de

 20   ce que vous souhaitez dire par rapport aux chefs d'accusation, je ne sais

 21   pas si c'est vous qui allez me répondre ou Me Bakrac, mais ceci concerne

 22   l'emprisonnement. Est-ce vous qui pouvez répondre à cette question?

 23   La défense maintient que simplement, puisqu'il n'avait pas de pouvoir lui

 24   permettant de relâcher les détenus musulmans, il n'est pas possible de

 25   conclure qu'il peut être coupable d'avoir encouragé et incité


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  1   l'emprisonnement illicite sur la base du jugement Celebici en appel. Mais

  2   si vous lisez le jugement en appel de l'affaire Celebici, ceci n'est pas

  3   mentionné de manière aussi étroite. Il est dit: "si la personne n'avait

  4   pas de participation active dans l'emprisonnement", et cette phrase peut

  5   être interprétée de manière différente.

  6   Il y a un moyen de preuve que je souhaite que vous commentiez. Votre

  7   client a demandé que l'on fasse quelque chose dans les locaux afin

  8   d'augmenter la sécurité, afin d'empêcher les détenus de fuir. Que diriez-

  9   vous, sur le plan hypothétique? Est-ce que, ici, on peut parler d'une

 10   participation active puisqu'il faisait en sorte que les détenus restent

 11   dans l'enceinte? Est-ce que ceci pourrait suffire pour que l'on considère

 12   qu'il était coupable d'avoir encouragé et incité l'emprisonnement faux ou

 13   illicite?

 14   M. Vasic (interprétation): L'accusé a expliqué de quelle manière il avait

 15   signé ce document. Nous avons entendu l'explication selon laquelle ce

 16   document avait été rédigé par Savo Todovic, l'accusé, et par le

 17   commandement militaire. Nous avons également entendu dire que l'accusé a

 18   signé ce document puisque ceci portait également sur la partie du KP Dom

 19   qui n'était pas utilisée par l'armée. Donc le dernier mur qui se trouvait

 20   derrière l'usine des meubles.

 21   Comme l'accusé l'a dit lui-même, dans la situation qui prévalait à

 22   l'époque, du point de vue de la sécurité, il aurait été possible de mieux

 23   protéger les biens, à savoir l'usine de meubles et tout ce qui se trouvait

 24   dedans, ainsi.

 25   Clairement, il était nécessaire, sur le plan formel, d'avoir la signature


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  1   de M. Krnojelac puisqu'il fallait miner une partie de l'installation qui

  2   n'était pas placée sous le commandement des autorités militaires. Et il a

  3   dit qu'il a fait cela afin de mieux sécuriser la propriété et non pas pour

  4   des raisons liées aux détenus musulmans.

  5   Mais si nous nous penchons sur la manière dont cette partie des

  6   installations a été minée, nous pouvons conclure que clairement le

  7   commandement militaire l'aurait fait, même sans sa signature.

  8   Il est donc possible de conclure que, dans son esprit, l'intention

  9   n'existait pas de faire en sorte que les mines soient placées pour

 10   empêcher que les détenus et les prisonniers de guerre ne fuient, mais de

 11   son point de vue ceci a été fait dans le but de préserver l'usine de

 12   meubles et les biens qui étaient contenus. Ceci apparaît clairement si

 13   nous nous penchons sur l'emplacement qui est mentionné dans ce document.

 14   M. le Président (interprétation): Merci.

 15   M. Vasic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 16   Je souhaite également, au nom de la défense, me pencher sur ce qui a été

 17   dit verbalement dans ce prétoire au moment du réquisitoire de mes

 18   éminentes collègues qui ont déclaré que c'est M. Krnojelac qui prenait la

 19   décision concernant la question de savoir quelles personnes devaient aller

 20   au front et quelles personnes devaient rester. Mais ceci n'a nullement été

 21   prouvé. Il n'y avait même pas un seul moyen de preuve qui le corrobore.

 22   Mes éminentes collègues on dit également que les poux sont apparus dans la

 23   partie de la prison du KP Dom en raison des mauvaises conditions

 24   hygiéniques, alors que nous avons entendu une déposition, ici, selon

 25   laquelle il est clair que c'est l'un des détenus qui les avait au moment


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  1   de son arrivée au KP Dom. Il s'agissait d'un détenu qui avait travaillé à

  2   la ferme.

  3   De même, un détenu avait besoin d'aide à cause des problèmes de son ulcère

  4   et il aurait été mort s'il n'avait pas reçu les soins médicaux. Le

  5   médecin, le Dr Milan Dobrilevic(?) a déposé ici, en disant que c'est lui-

  6   même qui a fourni les soins médicaux à ce détenu.

  7   S'agissant de Esad Hodzic, il est exact que cette personne est décédée,

  8   mais elle est décédée à l'hôpital de Foca. Mes éminentes collègues ont

  9   affirmé que M. Hodzic, compte tenu de son âge, ne pouvait pas être

 10   considéré comme homme en âge de combattre en avril 1992, mais cela ne

 11   signifie toujours pas qu'il ne s'était pas porté volontaire pour rejoindre

 12   les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine, ce qui est écrit d'ailleurs

 13   les documents.

 14   S'agissant de l'affirmation selon laquelle les conditions ont été

 15   améliorées de manière dramatique après le départ de Krnojelac en été 1993,

 16   la défense souhaite tout d'abord voir de quelle manière ceci a été prouvé.

 17   Tout d'abord, je pense que ces conditions se sont en fait détériorées

 18   après cette période à cause du travail extrêmement ardu. Ensuite, sur la

 19   base de la pièce à conviction 138, rapport de la Croix-Rouge

 20   internationale, il est clair qu'il n'était pas possible à la Croix-Rouge

 21   internationale d'entrer dans le KP Dom jusqu'au 4 janvier 1994. Après la

 22   première visite faite le 23 juin 1993, 10 prisonniers ont été cachés du

 23   personnel de la Croix-Rouge internationale jusqu'au 14 décembre 1993.

 24   Ensuite, nous pouvons voir que les rapports entre les militaires et la

 25   Croix-Rouge internationale se sont détériorés au cours de cette période,


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  1   puisque l'officier de liaison nommé par le commandement militaire,

  2   apparemment, tout d'un coup, avait trop de travail et ne pouvait plus

  3   garder le contact avec les membres de la Croix-Rouge internationale. Au

  4   cours de ces visites en décembre 1993 et janvier 1994, les membres de la

  5   Croix-Rouge internationale ont remarqué de nouveau que la quantité et la

  6   qualité de la nourriture s'étaient détériorées de nouveau. Les soins

  7   médicaux restaient, pour la plupart, satisfaisants.

  8   Donc même si la Croix-Rouge internationale se rendait régulièrement au KP

  9   Dom, même si la Croix-Rouge internationale a commencé à fournir une aide à

 10   cet établissement, la situation ressemblait à ce que la défense vient de

 11   décrire. La défense considère, s'agissant des conditions dans lesquelles

 12   vivaient les personnes détenues, que ceci ne relevait pas des compétences

 13   et de la responsabilité de Milorad Krnojelac qui ne pouvait pas influer

 14   sur cette situation, sauf à cause de sa bonne volonté qui le poussait à

 15   essayer d'améliorer cette situation.

 16   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, mes éminentes

 17   collègues, hier, au moment de leur réquisitoire,... Excusez-moi, je retire

 18   cela; je souhaite traiter d'un autre sujet tout d'abord.

 19   Compte tenu de tout ce que la défense a dit dans sa plaidoirie, nous

 20   proposons que la Chambre de première instance acquitte l'accusé Milorad

 21   Krnojelac de tous les chefs d'accusation contenus dans l'Acte d'accusation

 22   et ce, à la fois en vertu de l'article 7(1) et en vertu de l'article 7(3)

 23   du Statut de ce Tribunal.

 24   Compte tenu des règles de procédure selon lesquelles au moment de la

 25   décision sur le jugement la sentence est prononcée également, la défense,


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  1   même si elle est convaincue de l'innocence de l'accusé, pour toute

  2   éventualité, va exposer la manière dont elle conçoit les circonstances

  3   aggravantes et atténuantes dont il faut tenir compte au moment du prononcé

  4   de la sentence.

  5   Mes éminentes collègues, hier, ont établi tout d'abord un parallèle entre

  6   la pratique judiciaire du Tribunal international pénal et de cette

  7   affaire. La défense considère qu'il ne faudrait pas et que l'on ne devrait

  8   pas procéder à un calcul cumulatif de ce qui s'est passé dans les

  9   établissements différents, qui font l'objet des actes d'accusation

 10   différents. Nous considérons qu'il n'est pas possible d'établir, de mettre

 11   sur le pied d'égalité le KP Dom qui, même avant la guerre, était un

 12   établissement pénitentiaire et les camps ou les centres de rassemblement

 13   créés de manière ad hoc, dans lesquels on détenait des personnes et qui

 14   font l'objet du jugement Celebici et Aleksovsky dont a traité mon éminente

 15   collègue.

 16   La défense considère également que les allégations portant sur la durée,

 17   le nombre des victimes et la comparaison faite entre eux et cette affaire

 18   ne devraient pas aboutir à un tel décalage entre les sentences proposées

 19   dans les affaires mentionnées pour que l'on demande une sentence deux fois

 20   et demie plus longue par rapport à celle qui a été prononcée à l'égard des

 21   personnes condamnées mentionnées par le Procureur. La peine doit être

 22   conforme à la responsabilité personnelle.

 23   Or, ici nous avons entendu à la fois les témoins de l'accusation et les

 24   témoins de la défense. Et la défense considère tout simplement qu'une

 25   telle différence, un tel décalage ne correspondent pas à la situation de


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  1   fait.

  2   Mes éminentes collègues ont également mentionné les dispositions du code

  3   pénal yougoslave en disant que la peine prévue pour ce type de crime est

  4   entre cinq ans et la peine de mort. La défense considère que la Chambre de

  5   première instance doit tenir compte de la pratique judiciaire dans l'ex-

  6   Yougoslavie et non pas seulement de la législation.

  7   Deuxièmement, je dois également attirer votre attention sur le fait que

  8   dans l'ex-Yougoslavie et dans la Yougoslavie d'aujourd'hui, il n'y a pas

  9   eu d'exécution de la peine de mort depuis plus de 15 ans. S'agissant des

 10   circonstances aggravantes mentionnées par mon éminente collègue, je

 11   considère qu'il n'est pas possible de considérer que les conséquences de

 12   l'acte criminel prétendu peuvent être considérées comme des circonstances

 13   aggravantes. S'agissant des motivations, le Procureur a cité les bénéfices

 14   personnels, l'amélioration de la position, le fait d'avoir construit sa

 15   maison et d'être nommé au poste de directeur. S'agissant de la position et

 16   du gain matériel, du fait d'avoir obtenu la construction de la maison,

 17   ceci a été analysé en détail par Me Bakrac, hier, en expliquant qu'il n'y

 18   a absolument pas eu de gain.

 19   Moi, je vais me pencher sur le dernier élément, à savoir l'élément selon

 20   lequel l'accusé, compte tenu de son travail prétendument accompli de

 21   manière consciencieuse, est devenu le directeur de l'école.

 22   Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous avons vu ici que

 23   le ministère de la Justice a proposé que l'on fasse en sorte que l'accusé

 24   puisse obtenir un travail soit dans une école ou ailleurs. Il ne fait

 25   aucun doute, il n'est pas contesté que l'accusé a attendu pendant plus


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  1   d'un an avant d'obtenir le poste de directeur de l'école. Par le biais des

  2   documents, nous avons pu constater également qu'en 1994, on lui a proposé

  3   le poste de directeur. A l'époque, il l'a refusé.

  4   S'il avait fait partie de la structure militaire, il aurait reçu l'offre

  5   d'un travail dans le secteur militaire; s'il avait fait partie de la

  6   structure municipale, c'est dans la municipalité qu'on lui aurait offert

  7   le travail.

  8   Mais il est vrai également qu'après son départ du poste de directeur, il

  9   était au chômage pendant un an et demi avant son travail suivant, et ceci

 10   est un fait.

 11   En ce qui concerne l'absence des remords, je pense que mon collègue, Me

 12   Bakrac, en a parlé suffisamment également. L'accusé considère qu'il n'est

 13   pas coupable, mais la situation était très difficile pour lui. C'est ce

 14   qu'il a dit devant ce Tribunal, il a dit qu'il lui était difficile pour

 15   lui d'entendre la déposition de tous ces témoins et il n'est pas possible

 16   de dire qu'il était dépourvu d'émotion en écoutant cela.

 17   Je n'ai plus beaucoup de temps, donc je vais parler maintenant des

 18   circonstances atténuantes.

 19   M. le Président (interprétation): Maître Vasic, si vous voulez poursuivre

 20   maintenant, vous pouvez le faire. Mais si vous le préférez, vous pouvez

 21   également faire en sorte que l'on procède à une pause maintenant pour

 22   poursuivre ensuite. Il n'y a pas de pression, donc sentez-vous libre.

 23   M. Vasic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 24   Je souhaite donc maintenant parler des circonstances atténuantes. Je vais

 25   essayer de terminer d'ici quelques minutes. Si je ne réussis pas, je


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  1   demanderai encore quelques minutes de votre temps avant après la pause.

  2   La défense considère que, mis à part le fait que l'accusé n'a pas eu de

  3   casier judiciaire -et ceci a été mentionné par le Procureur en tant que

  4   circonstance atténuante, de même que sa coopération avec le Bureau du

  5   Procureur-, il ne faut pas non plus oublier non plus l'âge de l'accusé, de

  6   même le fait qu'il s'agit-là d'un homme de famille qui a quatre fils, neuf

  7   petits-enfants. Et il ne faut surtout pas oublier le rapport de l'accusé

  8   envers les personnes appartenant au groupe ethnique musulman, ce dont un

  9   grand nombre de témoins ont déposé, ont témoigné ici; il s'agissait à la

 10   fois des témoins de l'accusation et des témoins de la défense. Nous avons

 11   d'ailleurs cité un certain nombre d'exemples.

 12   La défense a versé au dossier les pièces à conviction 158 et 151, la

 13   lettre au sujet du caractère de Milorad Krnojelac, rédigée par des

 14   personnes d'appartenance ethnique musulmane. Il ne faut pas oublier non

 15   plus que sa maison avait brûlé, qu'une tragédie lui est arrivée à l'égard

 16   de ses fils alors que, comme le dit le témoin RJ, ceci ne l'a pas changé.

 17   S'agissant de ce qui s'est passé dans la prison militaire, comme l'affirme

 18   la défense, il est nécessaire de souligner que ceci n'avait aucun lien

 19   avec Milorad Krnojelac. Krnojelac n'avait pas la possibilité de se rendre,

 20   puisque l'Acte d'accusation n'était pas public. Nous considérons que la

 21   conclusion de mes éminentes collègues, selon laquelle il aurait dû savoir

 22   ou qu'il aurait pu supposer qu'il était accusé au moment où les enquêteurs

 23   sont venus au KP Dom pour mener leurs enquêtes, va à mon avis complètement

 24   à l'encontre de la réalité, de la situation réelle.

 25   Tout d'abord, l'accusé sachant ce qu'il a fait n'avait aucun besoin de ce


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  1   douter du fait qu'il avait été mis en accusation.

  2   Deuxièmement, toutes les personnes dont on a entendu parler ici en tant

  3   que personnes en charge des détenus musulmans au moment des faits, ont

  4   quitté Foca: Savo Todovic, Rasevic, Marko Kovac.

  5   Ensuite, l'accusé ne cesse de coopérer avec les forces de police

  6   internationale, l'IPPS et la SFOR; il se présente en employant son propre

  7   nom et la défense l'a prouvé. Si l'accusé pouvait même imaginer qu'il

  8   était accusé, mis en accusation, et s'il ne souhaitait pas se rendre, je

  9   suppose qu'il aurait fait la même chose que tous ceux que je viens de

 10   mentionner: il aurait quitté Foca et se serait caché. S'agissant des

 11   personnes que je viens de mentionner, encore aujourd'hui, nous ne savons

 12   pas où elles résident. C'est pour cela que je considère que l'accusé n'a

 13   pas eu la possibilité de se rendre, ce qui l'a privé d'une circonstance

 14   atténuante importante.

 15   Monsieur le Président, j'ai besoin peut-être d'encore cinq minutes, je

 16   vois qu'il est 11 heures...

 17   M. le Président (interprétation): Les sténotypistes, les interprètes

 18   l'acceptent? Merci beaucoup.

 19   Poursuivez, Maître Vasic. Le personnel coopère de manière excellente.

 20   M. Vasic (interprétation): Merci beaucoup, et je remercie à la fois les

 21   interprètes et les sténotypistes.

 22   Le fait que nous avons présenté ici également une lettre qui a été lue par

 23   mon collègue, mon confrère je ne souhaite pas mentionner maintenant le

 24   nom de cette personne, même si ce nom figure au compte rendu d'audience;

 25   il s'agit d'une personne qui parle du café "Gong" et son souhait d'y


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  1   revenir reflète justement à quoi ressemble justement la famille Krnojelac

  2   qui entoure M. Krnojelac. Une personne qui a été détenue au KP Dom

  3   n'aurait jamais écrit une lettre avec de telles émotions. Si l'accusé

  4   était vraiment l'homme décrit par l'accusation, cette personne n'aurait

  5   pas écrit avec autant d'émotion chaleureuse et autant de gratitude.

  6   Ensuite, je souhaite que la Chambre se penche également sur l'avis des

  7   psychiatres portant sur les traits de personnalité de l'accusé tout

  8   d'abord, et ensuite, sur la manière dont il réagissait dans des situations

  9   différentes pendant la période pertinente pour l'Acte d'accusation.

 10   Donc il est une personne chaleureuse, extravertie, qui souhaite être en

 11   contact avec les gens, qui a tendance à faire confiance aux gens et

 12   d'accepter les autres. Parfois, cela le pousse même à être naïf et trop

 13   obéissant par rapport aux autres. Souvent, il accepte la situation de fait

 14   sans l'analyser de manière approfondie, il ne prononce pas de trait

 15   d'agressivité intense.

 16   Dans la situation dans laquelle il se retrouve dans une situation

 17   inconnue, il devient anxieux, ce qui diminue sa capacité d'évaluer la

 18   situation, provoque des manifestations végétatives et épuise son potentiel

 19   émotionnel qui n'est pas à un niveau élevé.

 20   La défense considère que ceci constitue également un élément important au

 21   moment du prononcé de la sentence. Finalement, il faut tenir compte

 22   également de son comportement au quartier pénitentiaire des Nations Unies,

 23   qui a été irréprochable jusqu'à maintenant.

 24   Donc nous considérons qu'il est nécessaire de se pencher sur le

 25   comportement de l'accusé, et que ce comportement ne donne nullement lieu à


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  1   ce que l'on propose la sentence proposée par le Procureur ici. Vraiment,

  2   il y a un décalage énorme entre tout ce que l'on a entendu dire ici au

  3   sujet du comportement de l'accusé et ce que le Procureur propose comme

  4   peine.

  5   Monsieur le Président et Madame et Monsieur les Juges, je vous remercie

  6   profondément d'avoir eu tout cette patience avec moi et de m'avoir accordé

  7   encore quelques minutes après la pause.

  8   M. le Président (interprétation): C'est ainsi que le procès lui-même se

  9   termine.

 10   Au nom de la Chambre de première instance, je souhaite remercier les

 11   parties et le personnel pour leur coopération et leur aide au cours du

 12   procès. En particulier, je souhaite féliciter les deux parties de leur

 13   coopération entre eux. Cette coopération s'élevait à un degré tout à fait

 14   approprié, sans que les droits des parties qu'ils représentent ne soient

 15   affectés. Cette coopération a donc été extrêmement importante.

 16   La Chambre de première instance souhaite encore une fois exprimer sa

 17   reconnaissance à l'aide excellente que nous avons reçu, comme toujours, de

 18   la part des interprètes, de la part des sténotypistes, de la part des

 19   représentants du Greffe et des autres membres du personnel.

 20   La Chambre de première instance se réserve le droit d'annoncer par la

 21   suite le moment auquel le jugement sera rendu.

 22   Nous levons la séance.

 23   (L'audience est levée à 11 heures 08.)

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