Affaire n° : IT-98-33-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Devant :
M. le Juge Theodor Meron, Président

M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Wolfgang Schomburg
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
15 septembre 2003

LE PROCUREUR

c/

RADISLAV KRSTIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE AUX FINS D’ADMISSION DE MOYENS DE PREUVE SUPPLÉMENTAIRES EN APPEL

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Les conseils de l’accusé :

M. Nenad Petrusic
M. Norman Sepenuk

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU la requête aux fins d’obtenir l’autorisation de présenter des moyens de preuve supplémentaires à l’appui de la requête de la Défense aux fins de la présentation de moyens de preuve supplémentaires en application de l’article 115 du Règlement (Motion for Leave to Present Further Evidence in Support of Defence Rule 115 Motion to Produce Additional Evidence), déposée à titre confidentiel par Radislav Krstic le 7 aoűt 2003 (la « Requête »), par laquelle la Défense demande l’autorisation de présenter, en application de l’article 115 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), les déclarations de deux témoins (les « deux Témoins »), qui sont jointes à la Requête en tant qu’annexes A et B,

VU la réponse de l’Accusation à la Requête et la demande d’autorisation de dépasser la limite fixée pour le nombre de pages (Prosecution’s Response to Applicant’s Confidential Motion for Leave to Present Further Evidence in Support of Defence Rule 115 Motion to Produce Additional Evidence, and Prosecution Request for Extension of Page Limit), déposées par l’Accusation à titre confidentiel le 15 août 2003 et où celle-ci affirme, entre autres choses, que les moyens de preuve présentés par la Défense ne sont pas admissibles au sens de l’article 115 du Règlement,

VU la « Décision relative aux requêtes aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires en appel » rendue par la Chambre d’appel le 5 août 2003 (la « Décision initiale en application de l’article 115 »), dans laquelle la Chambre d’appel a examiné, entre autres choses, l’admissibilité d’éléments de preuve concernant les deux Témoins,

VU l’ « Arrêt relatif à la demande d’injonctions », rendu par la Chambre d’appel le 1er juillet 2003, faisant droit à la requête de la Défense aux fins de délivrer des injonctions de comparaître aux deux Témoins, en vue de leur interrogatoire par la Défense,

ATTENDU que, dans la Requête, la Défense propose comme éléments de preuve supplémentaires les déclarations que ces deux Témoins ont faites lors de leur interrogatoire,

ATTENDU qu’en application de l’article 115 du Règlement, une requête aux fins de l’admission de moyens de preuve supplémentaires doit être « déposée auprès du Greffier S…C au plus tard soixante-quinze jours à compter de la date du jugement, à moins qu'il existe des motifs valables d'accorder un délai supplémentaire »,

ATTENDU que la non-disponibilité des deux Témoins avant que ne soit rendu l’Arrêt relatif à la demande d’injonctions constitue en l’occurrence un motif valable et que la Requête est réputée comme ayant été déposée dans les délais prescrits,

VU la complexité des questions soulevées dans la Requête, il convient en l’occurrence de faire droit à la requête de l’Accusation aux fins d’être autorisée à dépasser la limite fixée pour le nombre de pages par le paragraphe 7 de la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes (IT/184 Res.1),

ATTENDU que, pour que des moyens de preuve supplémentaires soient admis en appel, la partie requérante est tout d’abord tenue d’établir « leur non-disponibilité au procès » ’ sous quelque forme que ce soit1, et d’établir ensuite que l’exercice de la diligence voulue n’aurait pas permis de les découvrir2, ce qui signifie que la partie requérante doit, notamment, prouver qu’elle a eu recours à « tous les mécanismes de protection et de contrainte prévus par le Statut et le Règlement du Tribunal international afin de présenter les moyens de preuve à la Chambre de première instance »3,

ATTENDU que, dans ses écritures, la Défense n’est pas suffisamment précise quant à l’objet de sa demande, mais que cela n’est pas en soi un motif pour rejeter la Requête,

ATTENDU que la Chambre d’appel est convaincue que les déclarations des deux Témoins jointes à la Requête en tant qu’Annexes A et B n’étaient pas disponibles au moment du procès en première instance et que l’exercice de la diligence n’aurait pas permis de les découvrir,

ATTENDU que, pour être admissibles en application de l’article 115 du Règlement, les moyens de preuve qui n’étaient pas disponibles au procès et que l’exercice de la diligence n’aurait pas permis de découvrir doivent concerner un point important, être crédibles et tels qu’ils auraient pu influer sur le jugement, c’est-à-dire tels qu’ils auraient pu montrer, dans le cas où le requérant est l’accusé, que la condamnation était mal fondée4,

ATTENDU que l’importance des moyens de preuve supplémentaires doit être appréciée non isolément5, mais à la lumière des moyens de preuve présentés au procès et des moyens de preuve pertinents faisant l’objet de la Décision initiale en application de l’article 115,

ATTENDU que les nouveaux moyens de preuve figurant à l’Annexe A ne sont pas tels qu’ils auraient pu influer sur le jugement,

ATTENDU que les nouveaux moyens de preuve figurant à l’Annexe B ne sont pas tels qu’ils auraient pu influer sur le jugement,

ATTENDU qu’en conséquence, les moyens de preuve proposés par la Défense dans sa Requête ne satisfont pas aux conditions énoncées à l’article 115 du Règlement,

REJETTE la Requête, et

FAIT OBSERVER enfin que des motifs supplémentaires justifiant la présente Décision seront exposés en temps utile.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 15 septembre 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
_________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1. Article 115 B) du Règlement. Voir également Le Procureur c/ Krstic, IT-98-33-A, Arrêt relatif à la demande d’injonctions, 1er juillet 2003, par. 4.
2. Le Procureur c/ Tadic, Affaire n° IT-94-1-A, Décision relative à la requête de l’Appelant aux fins de prorogation de délai et d’admission de moyens de preuve supplémentaires, 15 octobre 1998 (« Décision Tadic »), par. 35 à 45 ; Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, Affaire n° IT-95-16-A, Arrêt, 23 octobre 2001 (Arrêt Kupreskic), par. 50 ; Le Procureur c/ Delic, Affaire n° IT-96-21-R-R119, Décision relative à la requête en révision, 25 avril 2002 (« Décision Delic »), par. 10.
3. Décision Tadic, par. 40, 44, 45 et 47 ; Arrêt Kupreskic, par. 50.
4. Arrêt Kupreskic, par. 68.
5. Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, Arrêt relatif aux requêtes des appelants Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Zoran Kupreskic et Mirjan Kupreskic aux fins de verser au dossier des éléments de preuve supplémentaires, 26 février 2001, par. 12 ; Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, Décision relative à l’admission de moyens de preuve supplémentaires suite à l’audience du 30 mars 2001, 11 avril 2001, par. 8 ; Arrêt Kupreskic, par. 66 et 75.