LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I

Composée comme suit:
M. le Juge Claude Jorda, Président
M. le Juge Fouad Riad
M. le Juge Almiro Simões Rodrigues

Assistée de:
M. Jean-Jacques Heintz, Greffier-adjoint

Décision rendue le:
6 mai 1999

LE PROCUREUR

C/

RADISLAV KRSTIC


DECISION SUR L’EXCEPTION PREJUDICIELLE SOULEVÉE PAR LA DEFENSE AUX FINS DE REJETER L’ACTE D’ACCUSATION POUR VICE DE FORME


Le Bureau du Procureur:

M. Peter W. McCloskey
M. Mark Harmon

Le Conseil de la Défense :

Mr. Nenad Petrusic

 

LA CHAMBRE DE PREMIERE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991,

VU l’exception préjudicielle soulevée par la Défense le 1er mars 1999 aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme ;

VU la réponse du Procureur à l’exception préjudicielle de la Défense relative aux vices de forme de l’acte d’accusation ;

VU la décision du 4 avril 1997 sur l’exception préjudicielle de la Défense aux fins de rejeter l’acte d’accusation pour vice de forme dans l’affaire « Le Procureur c/ Blaskic » (ci-après « Décision du 4 avril 1997 ») ;

VU les articles 7, 18 et 21 du Statut ainsi que 47 et 72 du Règlement de procédure et de preuve ;

ATTENDU que la Défense allègue que l’acte d’accusation n’indique précisément ni la période de temps à laquelle les crimes reprochés à l’accusé auraient eu lieu, ni les fonctions et les responsabilités que celui-ci exerçait au moment des faits ;

ATTENDU qu’elle souhaite également connaître le nombre de coaccusés de Miroslav Krstic et leur part de responsabilité alléguée dans les événements qui lui sont reprochés ;

ATTENDU que le Procureur soutient que l’exception préjudicielle devrait être rejetée aux motifs qu’il n’est nullement tenu, à ce stade de la procédure, de préciser la date exacte de la survenance des crimes, pour autant que la période à laquelle ils auraient eu lieu soit, comme en l’espèce, suffisamment circonscrite ; qu’il a déterminé avec précisions les responsabilités de l’accusé en tant que chef d’état-major ou / et commandant adjoint ; et enfin qu’il n’est pas tenu de divulguer le nombre de coaccusés de Miroslav Krstic ainsi que leur part de responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés -, cette divulgation n’étant pas nécessaire à la préparation de la défense d’une personne dont la responsabilité pénale est individuelle, et celle-ci risquant de mettre en péril les opérations futures d’arrestation de la SFOR ;

ATTENDU que, comme le souligne la Décision du 4 avril 1997, un acte d’accusation est, en raison de sa nature, forcément concis et succinct ;

ATTENDU qu’il est reproché à l’accusé d’avoir commis des crimes s’étendant au moins du 11 juillet 1995 au 1er novembre 1995 ; que cependant, la nature, l’envergure même des crimes poursuivis et le type de responsabilité incriminé suffisent à justifier que le début et la fin de leur commission puissent ne pas être identifiés de manière extrêmement précise ;

ATTENDU, dès lors, qu’il ne peut être fait grief au Procureur de ne pas avoir été suffisamment précis sur la période de temps au cours de laquelle les événements ont eu lieu quand il a spécifié pour chaque chef d’inculpation les mois et, le plus souvent, les jours de leur survenance, même avec une faible marge d’imprécision ;

ATTENDU cependant que, comme l’affirme la Décision du 4 avril 1999, « il convient, de manière générale, d’éviter d’utiliser dans l’acte d’accusation les expressions ou formules trop vagues ou susceptibles d’interprétations diverses » ;

ATTENDU que, compte tenu des infractions reprochées à l’accusé et du type de responsabilité allégué dans l’acte d’accusation (responsabilité de supérieur hiérarchique au titre de l’article 7 1. et 7 3. du Statut), il est essentiel que ses fonctions soient, autant que possible, décrites avec précision et d’une manière qui ne soit pas ambiguë ;

ATTENDU qu’il ne ressort pas clairement de l’acte d’accusation et, notamment des paragraphes concernant l’accusé lui-même et son autorité de supérieur hiérarchique, quelles étaient les fonctions précises de l’accusé au moment des événements visés dans l’acte d’accusation, la manière dont il pouvait les exercer, ni la chaîne de commandement dans le cadre de laquelle s’exerçait son autorité ;

ATTENDU enfin, que sur le chef de demande relatif aux coaccusés de Miroslav Krstic, il doit être partiellement fait droit à la requête en demandant au Procureur qu’il précise les grades dans la hiérarchie militaire de ces coaccusés ; qu’en tout état de cause le Procureur indique, même succinctement, si l’accusé exerçait, en droit ou en fait, une autorité de supérieur hiérarchique sur ces personnes ;

PAR CES MOTIFS,

DIT n’y avoir lieu à rejet de l’acte d’accusation, sous réserve des précisions suivantes ;

REJETTE le chef de demande relatif au moment des événements allégués ;

ORDONNE au Procureur de préciser ou de clarifier l’acte d’accusation quant aux chefs de demande relatifs à la responsabilité de l’accusé et aux coaccusés ainsi qu’à leur part de responsabilité, sans pour autant révéler les noms de ces derniers, dans les limites ci-dessus définies, et ce pour le 7 juin au plus tard ;

DIT que la défense bénéficiera ensuite d’un délai de 30 jours pour présenter ses requêtes éventuelles.

 

Fait en français et en anglais, la version française faisant foi,

Fait à La Haye,
Le 6 mai 1999,
Pays-Bas.

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Claude Jorda
Président de la Chambre de première instance I

(sceau du Tribunal)